1 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts de Verdun (mars 1925)
1 enry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts de Verdun (mars 1925)a Henry de Montherlant, héritier d’une tradition
2 un (mars 1925)a Henry de Montherlant, héritier d’ une tradition chevaleresque, mène sa vie comme une ardente aventure. L
3 ieu à la guerre et aux jeux, avant de partir pour de nouvelles conquêtes. Terriblement lucide, ce regard en arrière. Month
4 dur pour ses erreurs plus encore que pour celles de l’adversaire, ce qui est beaucoup dire. Il y avait dans le Paradis je
5 Il y avait dans le Paradis je ne sais quel relent de barbarie, un assez malsain goût du sang. Tout cela s’est purifié dans
6 bre. Et une phrase telle que « … Nous sommes sûrs de ne pas nous tromper en nous inquiétant de faire, à notre place modest
7 es sûrs de ne pas nous tromper en nous inquiétant de faire, à notre place modeste, si peu que ce soit pour la paix », c’es
8 ce soit pour la paix », c’est une affirmation qui d’ un coup condamne beaucoup d’antérieures protestations belliqueuses. Il
9 t une affirmation qui d’un coup condamne beaucoup d’ antérieures protestations belliqueuses. Il nous montre « des Français
10 ui tiennent qu’une telle attitude est responsable de ces carnages ». Naguère il était des premiers ; il s’affirme aujourd’
11 ir contemplé Verdun, en tête à tête avec le génie de la mort. Mais alors, à quoi sert d’exalter, d’une si émouvante sorte,
12 avec le génie de la mort. Mais alors, à quoi sert d’ exalter, d’une si émouvante sorte, les soldats déjà légendaires de Ver
13 ie de la mort. Mais alors, à quoi sert d’exalter, d’ une si émouvante sorte, les soldats déjà légendaires de Verdun, et ce
14 si émouvante sorte, les soldats déjà légendaires de Verdun, et ce « haut ton de vie » qu’ils trouvaient au front. D’une p
15 dats déjà légendaires de Verdun, et ce « haut ton de vie » qu’ils trouvaient au front. D’une phrase, il justifie son livre
16 e « haut ton de vie » qu’ils trouvaient au front. D’ une phrase, il justifie son livre : « Ranimons ces horreurs pour les v
17 st-ce pas une éclatante mise au point ? Et venant de l’auteur du Songe, d’un de ces hommes qui « descendirent » du front d
18 e mise au point ? Et venant de l’auteur du Songe, d’ un de ces hommes qui « descendirent » du front dans notre paix lassée,
19 e au point ? Et venant de l’auteur du Songe, d’un de ces hommes qui « descendirent » du front dans notre paix lassée, ne p
20 ncore transparaît un doute, parfois : « On craint d’ être injuste en décidant si… cette absence de haine ; cette épouvante,
21 aint d’être injuste en décidant si… cette absence de haine ; cette épouvante, devant la guerre… proviennent de plus d’huma
22 épouvante, devant la guerre… proviennent de plus d’ humanité ou de moins de santé ». À maintes reprises, dans cette œuvre
23 vant la guerre… proviennent de plus d’humanité ou de moins de santé ». À maintes reprises, dans cette œuvre d’affirmation,
24 uerre… proviennent de plus d’humanité ou de moins de santé ». À maintes reprises, dans cette œuvre d’affirmation, une tell
25 de santé ». À maintes reprises, dans cette œuvre d’ affirmation, une telle inquiétude, un amer « à quoi bon » percèrent so
26 s quels buts ? On verra plus tard. L’urgent c’est d’ avancer. Et l’on atteindra peut-être ces régions élevées où les élémen
27 ix qu’il appelle, c’est autre chose que l’absence de guerre, c’est une paix que travaillerait le levain des vertus guerriè
28 a paix, ce soit vivre. » Par tout un livre libéré de souvenirs héroïques, peut-être trop grands pour la paix, c’est vers d
29 va porter son ardeur. Il va chercher le souvenir de l’aventure antique, et dans ce qui fut Rome ou la Grèce, revivre sa t
30 n. Toute son œuvre pourrait se définir : la lutte d’ un tempérament avec la réalité. Tantôt c’est l’un qui veut plier l’aut
31 e que nous admirons dans le Chant funèbre. Ce mot de grandeur revient souvent lorsqu’on parle de cette œuvre : je ne sais
32 e mot de grandeur revient souvent lorsqu’on parle de cette œuvre : je ne sais s’il faut en voir la raison dans la force de
33 ne sais s’il faut en voir la raison dans la force de la personnalité révélée ou dans la noblesse de sa soumission. Pérille
34 ce de la personnalité révélée ou dans la noblesse de sa soumission. Périlleuse carrière de la grandeur où Montherlant est
35 la noblesse de sa soumission. Périlleuse carrière de la grandeur où Montherlant est entré de plain-pied, en même temps que
36 carrière de la grandeur où Montherlant est entré de plain-pied, en même temps que dans la guerre. Que de sacrifices ne lu
37 plain-pied, en même temps que dans la guerre. Que de sacrifices ne lui devra-t-il pas offrir ainsi les romans « intéressan
38 l est capable et qu’il lui faudra livrer au « feu de vérité » qui brûle dans son temple intérieur, s’il veut rester digne
39 dans son temple intérieur, s’il veut rester digne de son rôle et vraiment le coryphée d’une génération casquée. Feu consum
40 rester digne de son rôle et vraiment le coryphée d’ une génération casquée. Feu consumateur de toute faiblesse, flamme d’u
41 oryphée d’une génération casquée. Feu consumateur de toute faiblesse, flamme d’une pureté si rare en notre siècle, qu’elle
42 squée. Feu consumateur de toute faiblesse, flamme d’ une pureté si rare en notre siècle, qu’elle paraît parfois, lorsque la
43 e comme cette « flamme pensante » dans l’ossuaire de Douaumont. Puis la vie l’exalte de nouveau d’un large vent de joie.
44 ire de Douaumont. Puis la vie l’exalte de nouveau d’ un large vent de joie. a. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Henr
45 . Puis la vie l’exalte de nouveau d’un large vent de joie. a. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Henry de Montherlant
46 au d’un large vent de joie. a. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Henry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts
47 enry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts de Verdun  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mars
48 s de Verdun  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mars 1925, p. 380-382.
2 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Breton, Manifeste du surréalisme (juin 1925)
49 e du surréalisme (juin 1925)b Sous une « vague de rêves », la logique, dernier agent de liaison de nos esprits, va péri
50 une « vague de rêves », la logique, dernier agent de liaison de nos esprits, va périr. C’est du moins ce que proclame M. B
51 de rêves », la logique, dernier agent de liaison de nos esprits, va périr. C’est du moins ce que proclame M. Breton en un
52 r notre poncif moderne, — si propre à égarer dans d’ ingénieuses métaphores quiconque chercherait une idée là-dessous, — ne
53 it pas toujours chez Breton à masquer la banalité de la pensée. D’autant plus que les rares passages où il expose directem
54 s chez Breton à masquer la banalité de la pensée. D’ autant plus que les rares passages où il expose directement les princi
55 s passages où il expose directement les principes de sa « révolution » semblent au contraire tirés de quelque terne manuel
56 de sa « révolution » semblent au contraire tirés de quelque terne manuel de philosophie ou de psychanalyse. Ces principes
57 mblent au contraire tirés de quelque terne manuel de philosophie ou de psychanalyse. Ces principes ? Ils se laissent hélas
58 e tirés de quelque terne manuel de philosophie ou de psychanalyse. Ces principes ? Ils se laissent hélas résumer en un cou
59 Ils se laissent hélas résumer en un court article de dictionnaire : « Surréalisme, n.m. Automatisme psychique pur par lequ
60 utomatisme psychique pur par lequel on se propose d’ exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manièr
61 ’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de l
62 it de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée en l’absence de tout contrôle exercé p
63 ière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en deho
64 el de la pensée. Dictée de la pensée en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation
65 2). Le surréalisme ne serait-il donc qu’une sorte de méthode des textes généralisée ? Point du tout ! Il paraît qu’il est
66 scientes M. Breton peut-il préconiser l’existence d’ une littérature fondée sur de tels principes ? Le Rêve est la seule ma
67 éconiser l’existence d’une littérature fondée sur de tels principes ? Le Rêve est la seule matière poétique. Dans le monde
68 le matière poétique. Dans le monde du Rêve autant de cellules isolées que de rêveurs. Toute poésie est incommunicable, le
69 s le monde du Rêve autant de cellules isolées que de rêveurs. Toute poésie est incommunicable, le poète étant un simple st
70 ommunicable, le poète étant un simple sténographe de ses rêves. Soit. De ces faits, je tire cette conclusion pratique : in
71 e étant un simple sténographe de ses rêves. Soit. De ces faits, je tire cette conclusion pratique : inutile de publier des
72 aits, je tire cette conclusion pratique : inutile de publier des poèmes. Éluard le comprenait, qui écrivit : « Quand les l
73 t, qui écrivit : « Quand les livres se liront-ils d’ eux-mêmes, sans le secours des lecteurs ? Quand les hommes se comprend
74 n poème » cette mystification est dans la logique de ses principes, mais je lui conteste le droit de faire suivre son mani
75 e de ses principes, mais je lui conteste le droit de faire suivre son manifeste de proses — Poisson soluble — qui servent
76 i conteste le droit de faire suivre son manifeste de proses — Poisson soluble — qui servent d’illustration à sa défense de
77 nifeste de proses — Poisson soluble — qui servent d’ illustration à sa défense de la poésie pure. Les beautés que j’y vois
78 ne me seraient-elles perceptibles que par le fait d’ une fortuite coïncidence entre l’univers du poète et le mien ? Je comp
79 l’univers du poète et le mien ? Je comprends trop de choses dans ces poèmes qui devraient m’être parfaitement impénétrable
80 serait un très curieux poète s’il ne s’efforçait de donner raison aux 75 pages où il voulut nous persuader que tout poème
81 non corrigée du Rêve. Je reconnais à chaque ligne de Poisson soluble cette « vieillerie poétique » qui, avoue Rimbaud, ent
82 ’« alchimie du verbe » ; et je ne puis m’empêcher d’ accuser Breton de préméditation… À quoi sert, dès lors, tout cet appar
83 rbe » ; et je ne puis m’empêcher d’accuser Breton de préméditation… À quoi sert, dès lors, tout cet appareil psychologique
84 si scolaire ? À donner le change sur la pauvreté d’ un art purement formel. Car c’est ici le tragique de cette mystificati
85 un art purement formel. Car c’est ici le tragique de cette mystification : la plupart des surréalistes n’ont rien à dire,
86 donc en doctrine leur impuissance. « Il n’y a pas de pensée hors les mots » (Aragon). Aussi se paient-ils de métaphores co
87 sée hors les mots » (Aragon). Aussi se paient-ils de métaphores comme d’autres de raisonnements. Plaisante ironie, si cett
88 Aussi se paient-ils de métaphores comme d’autres de raisonnements. Plaisante ironie, si cette attitude n’était qu’une pro
89 nos poncifs intellectuels. Mais elle risque bien de nous en rendre un peu plus esclaves. Car depuis Freud — dont ils se r
90 emment, — on sait ce que c’est que la « liberté » d’ un esprit pur de tout finalisme ! Surréalisme S.A., entreprise pour l’
91 t ce que c’est que la « liberté » d’un esprit pur de tout finalisme ! Surréalisme S.A., entreprise pour l’exploitation de
92 Surréalisme S.A., entreprise pour l’exploitation de matériaux de démolition abandonnés par Dada S.A. Ce n’est pas ainsi q
93 S.A., entreprise pour l’exploitation de matériaux de démolition abandonnés par Dada S.A. Ce n’est pas ainsi que nous sorti
94 r Dada S.A. Ce n’est pas ainsi que nous sortirons d’ une anarchie dont les causes semblent avant tout morales. Les tendance
95 tout morales. Les tendances encore un peu vagues d’ un groupe tel que Philosophies laissent pressentir des révolutions plu
96 t en des jeux moins lassants. Dada, éclat de rire d’ un désespoir exaspéré, commandait une certaine sympathie. L’agaçant, a
97 s surréalistes, c’est que — pour reprendre un mot de Cocteau — ils « embaument de vieilles anarchies ». L’ironie qui sauva
98 our reprendre un mot de Cocteau — ils « embaument de vieilles anarchies ». L’ironie qui sauva Dada du ridicule le cède ici
99 e qui sauva Dada du ridicule le cède ici à un ton de mage qui ne fera plus longtemps impression. C’est grand dommage pour
100 dommage pour les lettres françaises qui risquent d’ y perdre au moins deux grands artistes : Aragon, Éluard. Sans oublier
101 qui peuplent les ténèbres. b. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] André Breton, Manifeste du surréalisme  », Biblioth
102 surréalisme  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juin 1925, p. 775-776.
3 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Colin, Van Gogh (août 1925)
103 Colin, Van Gogh (août 1925)c Le nouveau volume de la collection des « Maîtres de l’art moderne » est au moins le cinqui
104 Le nouveau volume de la collection des « Maîtres de l’art moderne » est au moins le cinquième ouvrage publié en France su
105 nt des vues assez neuves. M. Colin s’est contenté de narrer les faits de la vie de Vincent, mais d’une telle manière que d
106 uves. M. Colin s’est contenté de narrer les faits de la vie de Vincent, mais d’une telle manière que des conclusions criti
107 olin s’est contenté de narrer les faits de la vie de Vincent, mais d’une telle manière que des conclusions critiques s’en
108 té de narrer les faits de la vie de Vincent, mais d’ une telle manière que des conclusions critiques s’en dégagent avec évi
109 est peu intéressant. On en a connu bien d’autres de ces jeunes gens prétentieux et sincères qui se croient une vocation,
110 se croient une vocation, végètent dans des œuvres d’ évangélisation, fondent des groupes dissidents. Le miracle, c’est que
111 ’est que le plus sauvage génie ait choisi un être de cette espèce pour le tourmenter et le transfigurer. Vincent s’en effr
112 t-ce que c’est donc ? » Ses premiers dessins sont de gauches copies de Millet. Mais son manque de talent ne le rebute pas.
113 c ? » Ses premiers dessins sont de gauches copies de Millet. Mais son manque de talent ne le rebute pas. Une divine violen
114 sont de gauches copies de Millet. Mais son manque de talent ne le rebute pas. Une divine violence le travaille. Elle jaill
115 vaille. Elle jaillira enfin, dans l’éblouissement d’ Arles, jusqu’au jour où cette consomption frénétique terrassant un cor
116 ue les flammes, les soleils et aussi les grimaces de douleur de ses tableaux. Il faut louer Paul Colin de n’avoir rien cac
117 mes, les soleils et aussi les grimaces de douleur de ses tableaux. Il faut louer Paul Colin de n’avoir rien caché des médi
118 douleur de ses tableaux. Il faut louer Paul Colin de n’avoir rien caché des médiocrités de cette vie : les reproductions q
119 Paul Colin de n’avoir rien caché des médiocrités de cette vie : les reproductions qui suivent sa courte biographie fourni
120 risme dont on a voulu charger la « vie héroïque » de Vincent. M. Colin n’a pas cherché à expliquer ce miracle. Il nous lai
121 l nous laisse à notre émotion devant le spectacle d’ une œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’une œuvre de pur génie. Vincent
122 spectacle d’une œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’ une œuvre de pur génie. Vincent Van Gogh, génie sans talent. c. Rou
123 ’une œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’une œuvre de pur génie. Vincent Van Gogh, génie sans talent. c. Rougemont Denis
124 an Gogh, génie sans talent. c. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Paul Colin, Van Gogh  », Bibliothèque universelle e
125 n, Van Gogh  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, août 1925, p. 1033.
4 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Lucien Fabre, Le Tarramagnou (septembre 1925)
126 court », curieux homme. Il se livre à des travaux de précision : il calcule un plan, un poème. Il écrit un livre sur Einst
127 tion : les faits s’y pressent et s’y bousculent ; de temps à autre une notation d’artiste ou de psychologue se glisse dans
128 et s’y bousculent ; de temps à autre une notation d’ artiste ou de psychologue se glisse dans leur flot. Voilà le lecteur e
129 lent ; de temps à autre une notation d’artiste ou de psychologue se glisse dans leur flot. Voilà le lecteur entraîné, ébah
130 le lecteur entraîné, ébahi, passionné, contraint de suivre jusqu’au bout un roman de 500 pages comme Rabevel. Car si la l
131 ionné, contraint de suivre jusqu’au bout un roman de 500 pages comme Rabevel. Car si la liquidation des questions traitées
132 est rapide, elle est complète aussi. On s’étonne de ce que Fabre, disciple de Valéry, puisse rédiger des romans si bouill
133 lète aussi. On s’étonne de ce que Fabre, disciple de Valéry, puisse rédiger des romans si bouillonnants, si mal équarris.
134 mande pas non plus au puissant boxeur sur le ring d’ être bien peigné. Rabevel, c’était un portrait balzacien du brasseur
135 abevel, c’était un portrait balzacien du brasseur d’ affaires. Le sujet du Tarramagnou, c’est « la nouvelle mise en servitu
136  la nouvelle mise en servitude du peuple rustique de France ». En effet — le phénomène n’est pas particulier à la France —
137 ats et des capitalistes des villes. Mais dans une de ces provinces du Midi où le souvenir des luttes religieuses encore vi
138 t, le libérateur va se lever. C’est un descendant de Roland le Camisard, ce « Tarramagnou », ce « petit homme de la terre 
139 le Camisard, ce « Tarramagnou », ce « petit homme de la terre », qui va susciter un formidable mouvement de protestation c
140 terre », qui va susciter un formidable mouvement de protestation contre les lois tyranniques. Le succès grandit rapidemen
141 œuvre sabotée par des meneurs ; il tente en vain de ressaisir les foules : déjà elles huent sa modération. Alors il va se
142 n clamant la paix. M. Fabre avait là les éléments d’ un grand roman : autour d’un sujet de vaste envergure, et brûlant, une
143 e avait là les éléments d’un grand roman : autour d’ un sujet de vaste envergure, et brûlant, une intrigue puissante, des p
144 les éléments d’un grand roman : autour d’un sujet de vaste envergure, et brûlant, une intrigue puissante, des personnages
145 brûlant, une intrigue puissante, des personnages d’ une belle richesse psychologique. En fermant le livre on a presque l’i
146 nd roman… Qu’y manque-t-il ? Un style ? L’absence de style, n’est-ce pas le meilleur style pour un romancier ? C’est plutô
147 tissu des faits se relâche parfois, et les arêtes de la construction apparaissent trop nues. Chef-d’œuvre ou pas chef-d’œu
148 l reste que le Tarramagnou est un livre émouvant, d’ une saine puissance. Il reste que Lucien Fabre a tenté, et en somme, r
149 t en somme, réussi, une entreprise bien téméraire de nos jours : un roman à thèse aussi intelligent que vivant. d. Roug
150 ssi intelligent que vivant. d. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Lucien Fabre, Le Tarramagnou  », Bibliothèque unive
151 Tarramagnou  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1925, p. 1151-1152.
5 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Les Appels de l’Orient (septembre 1925)
152 Les Appels de l’Orient (septembre 1925)e Le xxe siècle s’annonce comme le siècl
153 925)e Le xxe siècle s’annonce comme le siècle de la découverte du monde par l’Europe intellectuelle. Grand siècle de c
154 u monde par l’Europe intellectuelle. Grand siècle de critique pour lequel nos contemporains accumulent les documents. La l
155 mporains accumulent les documents. La littérature de ces dernières années n’est qu’une forme de reportage international. L
156 rature de ces dernières années n’est qu’une forme de reportage international. L’Europe menant cette immense enquête manife
157 nt l’Europe du xviiie prenait surtout conscience de son propre génie, l’Europe d’aujourd’hui semble chercher dans une con
158 surtout conscience de son propre génie, l’Europe d’ aujourd’hui semble chercher dans une confrontation avec l’Orient, plut
159 avec l’Orient, plutôt qu’une réelle connaissance de l’Orient, une conscience d’elle-même. C’est peut-être pour provoquer
160 e réelle connaissance de l’Orient, une conscience d’ elle-même. C’est peut-être pour provoquer cette confrontation seulemen
161 oriental, car il semble bien que dans le domaine de la culture le péril n’existe que pour autant qu’on en parle, la vraie
162 n peut prévoir que si le bouddhisme jouit un jour d’ un renouveau, c’est à quelques savants européens qu’il le devra, tandi
163 ques savants européens qu’il le devra, tandis que d’ un mouvement inverse, le christianisme débarrassé de son déguisement g
164 un mouvement inverse, le christianisme débarrassé de son déguisement gréco-latin retournera vers ses sources pour s’y retr
165 a vers ses sources pour s’y retremper. Les appels de l’Orient, ce sont les Keyserling, les Guénon, qui les font entendre,
166 fort intéressant tableau des multiples réactions de l’Europe placée devant le dilemme Orient-Occident. Réactions qui, dis
167 enquête rejoint parfois celle qu’ouvrit la Revue de Genève sur « l’Avenir de l’Europe. » (Cf. les deux réponses d’André
168 lle qu’ouvrit la Revue de Genève sur « l’Avenir de l’Europe. » (Cf. les deux réponses d’André Gide en particulier). Car
169 « l’Avenir de l’Europe. » (Cf. les deux réponses d’ André Gide en particulier). Car la plupart des enquêtés se font de l’O
170 particulier). Car la plupart des enquêtés se font de l’Orient une représentation vague et poétique. « Orient…, toi qui n’a
171 t poétique. « Orient…, toi qui n’as qu’une valeur de symbole », a dit A. Breton. C’est de cet Orient qu’il s’agit, et Jean
172 u’une valeur de symbole », a dit A. Breton. C’est de cet Orient qu’il s’agit, et Jean Schlumberger le définit encore : « …
173 sé à l’esprit occidental, tout ce qui peut servir d’ antidote à sa fièvre et à sa logique. » On confond Japon et Arabie, In
174 bie, Indes et Chine sous une dénomination qui n’a de sens que par rapport à l’Europe. Il serait vain de tenter un classeme
175 e sens que par rapport à l’Europe. Il serait vain de tenter un classement parmi les réponses d’une extraordinaire diversit
176 t vain de tenter un classement parmi les réponses d’ une extraordinaire diversité — peut-être trop nombreuses — qui compose
177 rents, si différentes même les conclusions tirées de points de vue semblables, qu’un esprit analytique et organisateur d’o
178 mblables, qu’un esprit analytique et organisateur d’ occidental se perdra ici dans un ensemble kaléidoscopique d’idées et d
179 al se perdra ici dans un ensemble kaléidoscopique d’ idées et de jugements contradictoires, et de termes dont le sens chang
180 a ici dans un ensemble kaléidoscopique d’idées et de jugements contradictoires, et de termes dont le sens change avec l’éc
181 pique d’idées et de jugements contradictoires, et de termes dont le sens change avec l’échelle de valeurs de l’écrivain. É
182 , et de termes dont le sens change avec l’échelle de valeurs de l’écrivain. Énumérons pourtant quelques-uns des points de
183 mes dont le sens change avec l’échelle de valeurs de l’écrivain. Énumérons pourtant quelques-uns des points de vue les plu
184 ou les mieux définis. Pour Valéry, la supériorité de l’Europe réside dans sa « puissance de choix », dans le génie d’abstr
185 upériorité de l’Europe réside dans sa « puissance de choix », dans le génie d’abstraction qui a produit la géométrie grecq
186 ide dans sa « puissance de choix », dans le génie d’ abstraction qui a produit la géométrie grecque. D’autres attribuent ce
187 e dans une Europe vieillie, les parfums puissants de l’Asie sauront encore éveiller de beaux rêves. Il y a ceux qui repous
188 rfums puissants de l’Asie sauront encore éveiller de beaux rêves. Il y a ceux qui repoussent une Asie ignorante du thomism
189 u thomisme et ceux qui pensent inévitable le choc de deux mondes, et que seule une intime connaissance mutuelle l’adoucira
190 provisoire et qui porte en son principe le germe de sa destruction.) Il y a enfin ceux qui refondent et combinent toutes
191 ses, conclusions ou interrogations, ont le défaut de n’être pas suffisamment motivées par des faits et des documents. Pour
192 ar exemple, qui cependant produit un grand nombre de citations à l’appui de ses sophismes, ne se livre pas moins à des déd
193 ions in abstracto qui le mènent à des conclusions de ce genre : si nous trouvons le moyen de « suppléer à l’éducation hist
194 nclusions de ce genre : si nous trouvons le moyen de « suppléer à l’éducation historique des peuples chrétiens qui n’ont p
195 historique des peuples chrétiens qui n’ont pas eu de Moyen Âge », nous pourrons amener l’Asie à comprendre la religion rom
196 listes, qui, eux, apportent des documents, savent de quoi ils parlent, ils se récusent lorsqu’il s’agit de conclure. Un éc
197 uoi ils parlent, ils se récusent lorsqu’il s’agit de conclure. Un écrivain grec, M. Embiricos, a trouvé la formule qui déf
198 , je pense, réunira tous les suffrages. Et chacun d’ en tirer de nouvelles raisons de maudire l’Orient ou chercher la guéri
199 réunira tous les suffrages. Et chacun d’en tirer de nouvelles raisons de maudire l’Orient ou chercher la guérison de nos
200 frages. Et chacun d’en tirer de nouvelles raisons de maudire l’Orient ou chercher la guérison de nos fièvres. Mais nous au
201 isons de maudire l’Orient ou chercher la guérison de nos fièvres. Mais nous aurons entrevu peut-être pour la première fois
202 s entrevu peut-être pour la première fois le rôle de l’Europe « conscience du monde », entre une Amérique affolée de vites
203 conscience du monde », entre une Amérique affolée de vitesse, édifiant ses gratte-ciel comme des tours de Babel, et une As
204 vitesse, édifiant ses gratte-ciel comme des tours de Babel, et une Asie immobile dans sa méditation éternelle. e. Rouge
205 ns sa méditation éternelle. e. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Les Appels de l’Orient (n° 9-10 des Cahiers du Mois
206 Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Les Appels de l’Orient (n° 9-10 des Cahiers du Mois) », Bibliothèque universelle et
207 ers du Mois) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1925, p. 1152-1154.
6 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Prévost, Tentative de solitude (septembre 1925)
208 Jean Prévost, Tentative de solitude (septembre 1925)f « Dès que nous sommes seuls, nous somme
209 mes seuls, nous sommes des fous. Oui, le contrôle de nous-mêmes ne joue que soutenu par le contrôle que les autres nous im
210 rôle que les autres nous imposent », dit un héros de Mauriac. C’est un « homme seul » qu’a peint « par le dedans » M. Jean
211 ourci psychologique. « Tout homme normal est fait de plusieurs fous qui s’annulent », écrit-il. Ce fou qui veut être soi p
212 fou qui veut être soi purement, qui veut éliminer de soi tout ce qui est déterminé par l’extérieur, — ce fou que nous port
213 s il l’a poussé impitoyablement dans sa recherche d’ un absolu qui se trouve être le néant. Pour finir il « l’écrabouille »
214 st avant tout une démonstration ; mais, puissante de sûreté et d’évidence, elle a cette beauté froide et massive d’un théo
215 une démonstration ; mais, puissante de sûreté et d’ évidence, elle a cette beauté froide et massive d’un théorème de Spino
216 d’évidence, elle a cette beauté froide et massive d’ un théorème de Spinoza. Une ironie dure, la densité du style révèlent
217 le a cette beauté froide et massive d’un théorème de Spinoza. Une ironie dure, la densité du style révèlent seules l’écriv
218 ’écrivain ; et aussi quelques sentences : « C’est de la faiblesse de nos yeux que frissonnent les étoiles. » f. Rougemo
219 ussi quelques sentences : « C’est de la faiblesse de nos yeux que frissonnent les étoiles. » f. Rougemont Denis de, « [
220 frissonnent les étoiles. » f. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Jean Prévost, Tentative de solitude  », Bibliothèqu
221 enis de, « [Compte rendu] Jean Prévost, Tentative de solitude  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, sep
222 de solitude  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1925, p. 1156-1157.
7 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Almanach 1925 (septembre 1925)
223 nationale qu’Ibsen voulait placer sous les arches de la vieille société », pour reprendre la pittoresque définition de M.
224 ciété », pour reprendre la pittoresque définition de M. A. Eloesser dans l’Almanach du 25e anniversaire. Les révolutionnai
225 au des auteurs édités depuis lors les grands noms de la littérature européenne d’avant-guerre mêlés à ceux des maîtres du
226 lors les grands noms de la littérature européenne d’ avant-guerre mêlés à ceux des maîtres du renouveau idéaliste allemand
227 nd et viennois, Hesse, Hofmannsthal… Les extraits de ces auteurs qui composent l’Almanach Fischer donnent une juste idée d
228 mposent l’Almanach Fischer donnent une juste idée de ce que fut la littérature d’avant-garde entre 1900 et 1910. Depuis, l
229 nnent une juste idée de ce que fut la littérature d’ avant-garde entre 1900 et 1910. Depuis, la maison paraît s’être un peu
230 ourgeoisée… Disons plutôt que voici venu le temps de la moisson, — le temps des éditions d’œuvres complètes. g. Rougemo
231 u le temps de la moisson, — le temps des éditions d’ œuvres complètes. g. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] S. Fische
232 ditions d’œuvres complètes. g. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] S. Fischer Verlag, Almanach 1925  », Bibliothèque u
233 manach 1925  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1925, p. 1162-1163.
8 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Otto Flake, Der Gute Weg (septembre 1925)
234 g-froid. Et si l’on a pu reprocher à ses tableaux de l’Europe qu’il vient de parcourir quelque superficialité, du moins fa
235 quelque superficialité, du moins faut-il le louer d’ avoir conservé une vision générale de notre temps et un évident besoin
236 -il le louer d’avoir conservé une vision générale de notre temps et un évident besoin d’impartialité. Son art bénéficie de
237 sion générale de notre temps et un évident besoin d’ impartialité. Son art bénéficie de cette vision. Je ne saurais résumer
238 évident besoin d’impartialité. Son art bénéficie de cette vision. Je ne saurais résumer les nombreuses péripéties de son
239 . Je ne saurais résumer les nombreuses péripéties de son dernier roman sans exposer et discuter toutes les idées qu’elles
240 les meilleurs arguments. Et peu à peu surgissent d’ une accumulation de petites touches précises des types d’après-guerre
241 ments. Et peu à peu surgissent d’une accumulation de petites touches précises des types d’après-guerre d’une étrange vérit
242 ccumulation de petites touches précises des types d’ après-guerre d’une étrange vérité. Aux prises avec les problèmes socia
243 petites touches précises des types d’après-guerre d’ une étrange vérité. Aux prises avec les problèmes sociaux et le luxe l
244 rtège pittoresque et désolant à celui qui, revenu de l’étranger dans le désordre de son pays, suivra obstinément le « bon
245 celui qui, revenu de l’étranger dans le désordre de son pays, suivra obstinément le « bon chemin » de la santé et de la r
246 de son pays, suivra obstinément le « bon chemin » de la santé et de la raison. C’est à lui que va la sympathie de l’auteur
247 ivra obstinément le « bon chemin » de la santé et de la raison. C’est à lui que va la sympathie de l’auteur et la nôtre.
248 et de la raison. C’est à lui que va la sympathie de l’auteur et la nôtre. h. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Otto
249 ie de l’auteur et la nôtre. h. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Otto Flake, Der Gute Weg  », Bibliothèque universel
250 er Gute Weg  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1925, p. 1163. i. Orthographié « Flasce »
9 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et un prologue (septembre 1925)
251 . Pour présenter au public français cette œuvre «  d’ importance européenne », croyez-vous qu’il aille s’abandonner à l’émot
252 u’il aille s’abandonner à l’émotion communicative de qui découvre un sommet ? Point. Précision, modération dans le jugemen
253 éger, notation suggestive, telles sont les vertus de sa critique. Ce n’est que dans sa discrétion à louer une grande œuvre
254 à louer une grande œuvre qu’on trouvera la mesure de son admiration et le gage de sa légitimité. Nul doute que les Trois n
255 n trouvera la mesure de son admiration et le gage de sa légitimité. Nul doute que les Trois nouvelles exemplaires ne susci
256 êt très profond : elles nous transportent au cœur de préoccupations des plus modernes, problème de la réalité littéraire,
257 œur de préoccupations des plus modernes, problème de la réalité littéraire, problème de la personnalité. Leur Prologue pou
258 rnes, problème de la réalité littéraire, problème de la personnalité. Leur Prologue pourrait presque aussi bien être celui
259 r Prologue pourrait presque aussi bien être celui d’ une pièce de Pirandello. N’annonce-t-il pas que les personnages des tr
260 ourrait presque aussi bien être celui d’une pièce de Pirandello. N’annonce-t-il pas que les personnages des trois nouvelle
261 ges des trois nouvelles « sont réels, très réels, de la réalité la plus intime, de celle qu’ils se donnent eux-mêmes dans
262 réels, très réels, de la réalité la plus intime, de celle qu’ils se donnent eux-mêmes dans leur pure volonté d’être ou de
263 u’ils se donnent eux-mêmes dans leur pure volonté d’ être ou de ne pas être… ». Mais les héros de Pirandello, s’ils veulent
264 onnent eux-mêmes dans leur pure volonté d’être ou de ne pas être… ». Mais les héros de Pirandello, s’ils veulent être, sub
265 lonté d’être ou de ne pas être… ». Mais les héros de Pirandello, s’ils veulent être, subissent, une fois qu’ils sont, le g
266 issent, une fois qu’ils sont, le grand malentendu de la personnalité. Tandis que chez Unamuno une volonté d’action les pos
267 personnalité. Tandis que chez Unamuno une volonté d’ action les possède, les exalte, les affole. Les plus beaux types créés
268 erine, ou cet Alexandro Gomez cynique et puissant de confiance en soi, qu’une volonté presque inhumaine torture et conduit
269 ar on imagine difficilement un art plus dépouillé de détail extérieur ou d’enjolivure. La lecture de ces trois tragédies,
270 ment un art plus dépouillé de détail extérieur ou d’ enjolivure. La lecture de ces trois tragédies, d’une classique sobriét
271 é de détail extérieur ou d’enjolivure. La lecture de ces trois tragédies, d’une classique sobriété mais d’une brutalité et
272 d’enjolivure. La lecture de ces trois tragédies, d’ une classique sobriété mais d’une brutalité et d’une ironie romantique
273 es trois tragédies, d’une classique sobriété mais d’ une brutalité et d’une ironie romantiques, laisse la même impression d
274 d’une classique sobriété mais d’une brutalité et d’ une ironie romantiques, laisse la même impression de grandeur désolée
275 une ironie romantiques, laisse la même impression de grandeur désolée qu’un Greco. Mais il n’y a pas les couleurs, ni l’am
276 urs, ni l’amère volupté des formes. Une sensation de barre d’acier sur la nuque. j. Rougemont Denis de, « [Compte rendu
277 ’amère volupté des formes. Une sensation de barre d’ acier sur la nuque. j. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Miguel
278 barre d’acier sur la nuque. j. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et u
279 un prologue  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1925, p. 1164.
10 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de la pensée française (octobre 1925)
280 Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de la pensée française (octobre 1925)k Peut-être n’est-il pas trop ta
281 -être n’est-il pas trop tard pour parler du Vinet de M. Seillière, de ce nouveau chapitre qu’il vient d’ajouter à sa grand
282 s trop tard pour parler du Vinet de M. Seillière, de ce nouveau chapitre qu’il vient d’ajouter à sa grande étude sur les r
283 M. Seillière, de ce nouveau chapitre qu’il vient d’ ajouter à sa grande étude sur les rapports du christianisme et du roma
284 tique un témoin dont le jugement eut « l’autorité d’ un verdict essentiellement chrétien sur le mysticisme naturiste ». Il
285 l’œuvre du penseur vaudois la substance originale de la plupart des idées dont lui-même s’est fait le moderne champion. Po
286 le Vinet juge des romantiques, il n’a pas eu trop de peine à l’annexer à son propre corps de doctrines critiques. Dirai-je
287 s eu trop de peine à l’annexer à son propre corps de doctrines critiques. Dirai-je pourtant que je crains qu’il n’ait été
288 ue inconsciemment, à gauchir légèrement la pensée de Vinet pour lui ajuster sa terminologie particulière ? Mais par ailleu
289 ais par ailleurs Vinet déborde le « sellièrisme » de tout son mysticisme protestant. Et cela n’est pas sans gêner M. Seill
290 ithète ». Croit-il éluder ainsi le protestantisme de Vinet ? Ne voit-il pas que rien n’est plus protestant qu’une telle at
291 nt qu’une telle attitude ? Mais ces réserves sont de peu d’importance si l’on songe au service que M. Seillière nous rend
292 ne telle attitude ? Mais ces réserves sont de peu d’ importance si l’on songe au service que M. Seillière nous rend en réin
293 s sa position purement chrétienne — un mysticisme de cadre solidement moral, c’est-à-dire rationnel, dit M. Seillière — me
294 lière — me paraît infiniment plus forte que celle d’ un Maurras ou que celle d’un Maritain. Son unité est plus réellement p
295 nt plus forte que celle d’un Maurras ou que celle d’ un Maritain. Son unité est plus réellement profonde, son point d’appui
296 Son unité est plus réellement profonde, son point d’ appui plus central. Pour notre époque déchirée entre un thomisme et un
297 tre nouveau mal du siècle, il n’est peut-être pas de pensée plus vivante, ni de plus tonique que celle de ce « Pascal prot
298 pensée plus vivante, ni de plus tonique que celle de ce « Pascal protestant ». k. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
299 e ce « Pascal protestant ». k. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de la
300 ndu] Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de la pensée française  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève,
301 e française  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, octobre 1925, p. 1797-1798.
11 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Gravitations (décembre 1925)
302 e et la mort « où se reflète le passage incessant d’ oiseaux de la mer ? » « Quel est cet homme dont l’âme fait des signes
303 rt « où se reflète le passage incessant d’oiseaux de la mer ? » « Quel est cet homme dont l’âme fait des signes solennels 
304 ité qui n’est pas familière. C’est bien la poésie d’ une époque tourmentée dans sa profondeur, mais qui se penche sans vert
305 se penche sans vertige sur ses abîmes. Simplicité de notre temps ! Au-dessus de la trépidation immense des machines, un Sa
306 ses abîmes. Simplicité de notre temps ! Au-dessus de la trépidation immense des machines, un Saint-John-Perse, un Supervie
307 -John-Perse, un Supervielle parlent avec des mots de tous les jours aux vivants et aux morts : Mère, je sais très mal comm
308 mbler un sourire ». Comme Max Jacob il lui arrive de situer une anecdote purement poétique dans un monde qu’il s’est créé.
309 pourtant l’autel et le surréalisme l’ont enrichie d’ images…). Je cite des noms : y a-t-il influence ou seulement co-généra
310 lité se retrouve dans la manière dont ils tentent de fuir l’inquiétude où ils baignent. Celui-ci vient à peine de quitter
311 J’avoue que l’univers intérieur où il lui arrive de graviter me trouble mieux que son lyrisme cosmique. On est plus près
312 me cosmique. On est plus près de l’infini au fond de soi qu’au fond du ciel. l. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Ju
313 de soi qu’au fond du ciel. l. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Jules Supervielle, Gravitations  », Bibliothèque un
314 ravitations  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1925, p. 1560.
12 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Simone Téry, L’Île des bardes (décembre 1925)
315 raine offre un spectacle bien passionnant : celui de la renaissance d’une littérature nationale à la fois cause et effet d
316 ctacle bien passionnant : celui de la renaissance d’ une littérature nationale à la fois cause et effet de la libération po
317 ne littérature nationale à la fois cause et effet de la libération politique. Cause, puisque pour mener à chef cette libér
318 n, un Yeats, un A.E., bien d’autres, ont su payer de leur personne. Effet, puisque l’héroïsme d’une révolution en faveur d
319 payer de leur personne. Effet, puisque l’héroïsme d’ une révolution en faveur du passé, révolution tout de même, ne pouvait
320 ne pouvait produire qu’une littérature très neuve de forme et traditionaliste d’inspiration, comme fut celle des Yeats, Sy
321 ittérature très neuve de forme et traditionaliste d’ inspiration, comme fut celle des Yeats, Synge, Joyce même… Trois noms
322 Joyce même… Trois noms qui permettent, je crois, de parler d’un grand siècle littéraire irlandais ; ce que d’ailleurs Mll
323 e… Trois noms qui permettent, je crois, de parler d’ un grand siècle littéraire irlandais ; ce que d’ailleurs Mlle Simone T
324 et conserver dans l’admiration son sens critique de Parisienne. C’est une sympathie malicieuse qui anime ses amusants por
325 res parfois un peu copieux ; mais elle a la vertu de rendre contagieuse la curiosité de l’auteur à l’endroit de cette âme
326 lle a la vertu de rendre contagieuse la curiosité de l’auteur à l’endroit de cette âme irlandaise en laquelle s’allient un
327 éalisme également lyriques. m. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Simone Téry, L’Île des bardes  », Bibliothèque univ
328 des bardes  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1925, p. 1567.
13 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Hugh Walpole, La Cité secrète (décembre 1925)
329 Révolution russe va-t-elle usurper dans le roman d’ aventures le rôle de la mer Océane avec ses écumeurs ? Déjà un Mac Orl
330 -t-elle usurper dans le roman d’aventures le rôle de la mer Océane avec ses écumeurs ? Déjà un Mac Orlan, un Kessel ont do
331 écumeurs ? Déjà un Mac Orlan, un Kessel ont donné de beaux exemples du parti que peut tirer le nouveau romantisme de ce ch
332 les du parti que peut tirer le nouveau romantisme de ce chaos. Salmon a même tenté d’en écrire l’épopée dans Prikaz, cette
333 uveau romantisme de ce chaos. Salmon a même tenté d’ en écrire l’épopée dans Prikaz, cette traduction française de l’énorme
334 l’épopée dans Prikaz, cette traduction française de l’énorme cri de délivrance du peuple fou. Belles étincelles échappées
335 rikaz, cette traduction française de l’énorme cri de délivrance du peuple fou. Belles étincelles échappées d’un brasier. P
336 vrance du peuple fou. Belles étincelles échappées d’ un brasier. Pour les causes de l’incendie, voir Dostoïevski. M. Walpol
337 tincelles échappées d’un brasier. Pour les causes de l’incendie, voir Dostoïevski. M. Walpole, lui, commence son roman que
338 t plus riche pouvait-on rêver pour un psychologue de la puissance de Walpole, que l’âme russe — cette âme russe qui pour l
339 vait-on rêver pour un psychologue de la puissance de Walpole, que l’âme russe — cette âme russe qui pour le Parisien reste
340 vu la Révolution sans romantisme, dans le détail de la vie d’une ville. Il sait qu’un grand mouvement est la résultante d
341 olution sans romantisme, dans le détail de la vie d’ une ville. Il sait qu’un grand mouvement est la résultante de millions
342 . Il sait qu’un grand mouvement est la résultante de millions de petits. Voici naître la révolution dans un cœur, puis dan
343 ’un grand mouvement est la résultante de millions de petits. Voici naître la révolution dans un cœur, puis dans une famill
344 bouleversement accompli dans la « Cité secrète » de la vie privée, quelques regards sur la foule suffisent pour en précis
345 mêlés au drame. M. Walpole leur a dévolu le soin d’ entrer tantôt dans un foyer, tantôt dans une église, pour constater qu
346 trement que les individus. L’auteur, qui est l’un de ces Anglais, tombe malade avec à-propos et perd connaissance chaque f
347  », d’ailleurs assez peu choquants, que le revers de grandes qualités de réalisation d’idées en faits ou en situations dra
348 peu choquants, que le revers de grandes qualités de réalisation d’idées en faits ou en situations dramatiques. Je donnera
349 que le revers de grandes qualités de réalisation d’ idées en faits ou en situations dramatiques. Je donnerai tous les essa
350 tuations dramatiques. Je donnerai tous les essais de M. de Voguë sur l’âme slave pour deux ou trois scènes de La Cité secr
351 e Voguë sur l’âme slave pour deux ou trois scènes de La Cité secrète. Pour celle-ci par exemple (caché dans un réduit, Mar
352 ière sa vitre, tremblait si fort qu’il avait peur de trébucher et de faire du bruit. Il songea : — C’est la fin pour moi.
353 remblait si fort qu’il avait peur de trébucher et de faire du bruit. Il songea : — C’est la fin pour moi. Puis : — Quelle
354 russe : mais des possibilités, à chaque instant, d’ explosion. Le géant russe est un enfant : va-t-il rire, va-t-il pleure
355 ne le dit pas. Mais ses personnages le suggèrent de toute la force du trouble qu’ils créent en nous : Markovitch par exem
356 nté qui enchantera M. Gide. n. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Hugh Walpole, La Cité secrète  », Bibliothèque univ
357 ité secrète  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1925, p. 1567-1568.
14 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Adieu, beau désordre… (mars 1926)
358 ible ou désirable subissent cette rage désespérée de course pure, vers ailleurs, vers autre chose. À certains signes — dém
359 s, vers autre chose. À certains signes — démences de fatigués, prophétismes, excessives lassitudes ou faim de violences —
360 gués, prophétismes, excessives lassitudes ou faim de violences — on sent l’approche de quelque chose, catastrophe ou révél
361 situdes ou faim de violences — on sent l’approche de quelque chose, catastrophe ou révélation, brusque échappée sur des pa
362 la ruine. Mais certes, il est temps qu’une lueur de conscience inquiète quelques chefs, montre à quelques meneurs aveugle
363 uelques chefs, montre à quelques meneurs aveugles d’ une société affolée et ridiculement opportuniste où mène la pente de n
364 lée et ridiculement opportuniste où mène la pente de notre civilisation. Meneurs et chefs : des économistes, des financier
365 jouerait aussi bien, aussi mal. Quant aux meneurs de l’opinion publique, il est trop tard pour les éduquer, il faudrait ba
366 , quelques autres, sont parmi les plus conscients de ce temps ; mais si l’on songe aux bataillons de pâles opportunistes s
367 s de ce temps ; mais si l’on songe aux bataillons de pâles opportunistes sans culture qui se chargent de gaver les masses
368 pâles opportunistes sans culture qui se chargent de gaver les masses du pain quotidien de la bêtise de tous les partis, o
369 se chargent de gaver les masses du pain quotidien de la bêtise de tous les partis, on comprendra ce que je veux dire. Il f
370 e gaver les masses du pain quotidien de la bêtise de tous les partis, on comprendra ce que je veux dire. Il faudrait balay
371 velles. Toute la jeune littérature décrit un type d’ homme profondément antisocial, glorifie une morale résolument anarchis
372 nque une certitude foncière, une foi en la valeur de l’action. C’est pourquoi ils ne peuvent prétendre à l’action sociale
373 ’est aussi pourquoi l’on ne saurait accorder trop d’ importance à leurs tentatives morales, si singulières soient-elles — d
374 le témoin souvent sceptique ou railleur. Au cœur de la crise de notre civilisation, il y a un problème de morale à résoud
375 ouvent sceptique ou railleur. Au cœur de la crise de notre civilisation, il y a un problème de morale à résoudre, une cons
376 a crise de notre civilisation, il y a un problème de morale à résoudre, une conscience individuelle à recréer. Nous y empl
377 oyer, pour l’heure, c’est la seule façon efficace de servir. ⁂ On se complaît à répéter que nous vivons dans le chaos des
378 des idées et des doctrines, et qu’il n’existe pas d’ esprit du siècle, hors un certain « confusionnisme ». Mais sous les ép
379 certain « confusionnisme ». Mais sous les épaves de tous les vieux bateaux, il y a une seule mer. Nos agitations contradi
380 es vagues soulevées par une même tempête. L’unité de notre temps est en profondeur : c’est une unité d’inquiétude. Barrès
381 e notre temps est en profondeur : c’est une unité d’ inquiétude. Barrès et Gide : ils ont construit des édifices très diffé
382  : ils ont construit des édifices très différents de style, et dont les façades s’opposent avec hostilité. Dans l’intérieu
383 maisons pourtant se débattent les mêmes brouilles de famille entre Art et Morale, Pensée et Action… Ces deux moralistes ad
384 ssent bien les ancêtres des nouvelles générations de héros de roman, lesquels sont tous éperdument égoïstes. Égoïstes avec
385 n les ancêtres des nouvelles générations de héros de roman, lesquels sont tous éperdument égoïstes. Égoïstes avec une prof
386 profonde conviction ; par vertu. Ce qui n’a rien d’ étonnant : ils ne sont que les projections du moi de leurs auteurs. Or
387 étonnant : ils ne sont que les projections du moi de leurs auteurs. Or l’égoïsme est vertu cardinale pour le créateur. Mai
388 r le créateur. Mais quel est ce besoin si général de s’incarner, dans le héros de son roman, de se voir vivre, dans son œu
389 ce besoin si général de s’incarner, dans le héros de son roman, de se voir vivre, dans son œuvre ? C’est ici la conception
390 énéral de s’incarner, dans le héros de son roman, de se voir vivre, dans son œuvre ? C’est ici la conception même de la li
391 re, dans son œuvre ? C’est ici la conception même de la littérature, telle qu’elle apparaît chez les émules de Barrès comm
392 ttérature, telle qu’elle apparaît chez les émules de Barrès comme chez ceux de Gide, qu’il faut préciser. L’éthique et l’e
393 pparaît chez les émules de Barrès comme chez ceux de Gide, qu’il faut préciser. L’éthique et l’esthétique convergent dans
394 ue et l’esthétique convergent dans la littérature d’ aujourd’hui, et plusieurs déjà reconnaissent ne pas pouvoir les sépare
395 neuves, — pour le libérer. Il n’est pas question de rechercher ici les origines historiques d’une conception qui, de plus
396 estion de rechercher ici les origines historiques d’ une conception qui, de plus en plus, se révèle à la base de tous les p
397 ception qui, de plus en plus, se révèle à la base de tous les problèmes modernes en littérature. Jacques Rivière s’y appli
398 littérature. Jacques Rivière s’y appliqua dans un de ses derniers articles2. Il rendait responsable de tout le « mal », le
399 de ses derniers articles2. Il rendait responsable de tout le « mal », le romantisme — et c’est plus que probable. Mais il
400 e probable. Mais il en tirait une raison nouvelle de le condamner, et nous ne pouvons le suivre jusque-là : il est vain de
401 nous ne pouvons le suivre jusque-là : il est vain de dire qu’une époque s’est trompée, puisqu’elle seule permet la suivant
402 ivante qui peut-être retrouvera une nouvelle face de la vérité. Bornons-nous à noter le phénomène, puis à en suivre quelqu
403 conséquences. Connaissance intégrale et culture de soi, telle peut être l’épigraphe de toute la littérature moderne. Il
404 le et culture de soi, telle peut être l’épigraphe de toute la littérature moderne. Il n’a pas fallu longtemps aux Français
405 des combinaisons possibles. Exaltation méthodique de nos facultés de plaisir : déjà nous en sommes à cultiver certaines do
406 possibles. Exaltation méthodique de nos facultés de plaisir : déjà nous en sommes à cultiver certaines douleurs, plaisirs
407 les dissonances les plus aiguës prennent la place d’ honneur dans des esthétiques construites en hâte à l’usage de sensibil
408 ans des esthétiques construites en hâte à l’usage de sensibilités surmenées. Dégoût, parce que tout a été essayé. Dégoût,
409 chose, contre soi, contre une difficulté.) Dégoût de la vie, dégoût du bonheur, dégoût de soi, — on l’étend vite à la soci
410 lté.) Dégoût de la vie, dégoût du bonheur, dégoût de soi, — on l’étend vite à la société entière. Dégoût d’une civilisatio
411 i, — on l’étend vite à la société entière. Dégoût d’ une civilisation qui aboutit logiquement à cet épuisant et forcené gas
412 nous avons un corps, et c’est très beau, Breton, de crier « Révolution toujours » — tant qu’il y a des gens pour vous fai
413 vous faire du pain ; et c’est très beau, Aragon, de ne plus rien attendre du monde, mais on voudrait que de moins de glor
414 plus rien attendre du monde, mais on voudrait que de moins de gloriole s’accompagnât votre ultimatum à Dieu. Mais, secouan
415 attendre du monde, mais on voudrait que de moins de gloriole s’accompagnât votre ultimatum à Dieu. Mais, secouant son dég
416 violence. Une sensualité moins énervée lui permet de brutaliser quelque peu les « grands problèmes », et le voilà reparti
417 reparti dans un égoïsme triomphant, pur du désir d’ action qui empêtrait Barrès dans des dilemmes où l’art trouvait mal sa
418 ence et le désespoir (c’est l’amour), et, déchiré de contradictions, tire du désordre de ses certitudes fragmentaires la m
419 , et, déchiré de contradictions, tire du désordre de ses certitudes fragmentaires la matière de quelques pamphlets par quo
420 sordre de ses certitudes fragmentaires la matière de quelques pamphlets par quoi il se raccroche au monde. Mais il a touch
421 che au monde. Mais il a touché certains bas-fonds de l’âme où s’éveille un désenchantement qui l’amène au besoin d’une mys
422 ’éveille un désenchantement qui l’amène au besoin d’ une mystique. Et pour finir, l’un des derniers venus, Marcel Arland, —
423 même désenchantement précoce, sans la brusquerie de ses aînés. Encore un qui s’est complu dans son dégoût ; mais jusqu’au
424 ’est complu dans son dégoût ; mais jusqu’au point d’ y percevoir comme un appel du Dieu perdu. Il avoue enfin la cause secr
425 cause secrète des inquiétudes modernes : la perte d’ une foi. Il a besoin de Dieu, mais il attend en vain sa Révélation : «
426 études modernes : la perte d’une foi. Il a besoin de Dieu, mais il attend en vain sa Révélation : « C’est peut-être que je
427 ncérité si voulue qu’elle va parfois à l’encontre de son dessein. ⁂ Décidément nous sommes malades dans les profondeurs. E
428 lus incurable. Ces jeunes gens n’en finissent pas de peindre leur déséquilibre. Il serait temps de faire la critique des m
429 pas de peindre leur déséquilibre. Il serait temps de faire la critique des méthodes et des façons de vivre autant que de p
430 s de faire la critique des méthodes et des façons de vivre autant que de penser qui les ont amenés aux positions qu’on vie
431 ue des méthodes et des façons de vivre autant que de penser qui les ont amenés aux positions qu’on vient d’esquisser. Mais
432 nser qui les ont amenés aux positions qu’on vient d’ esquisser. Mais on trouve tout dans les livres des jeunes, dites-vous,
433 tachée à chercher dans le seul moi les fondements d’ une éthique. Presque tous sont hantés par la peur d’une morale qui « d
434 une éthique. Presque tous sont hantés par la peur d’ une morale qui « déforme », qui mutile une tendance naturelle, qui éla
435 ague, qui opère un choix parmi les éléments mêlés de la personnalité. Toute tendance qu’ils découvrent en eux est non seul
436 à leurs yeux, mais « tabou » ; et c’est vertu que de favoriser son expansion. — Mais je trouve en moi ordre et désordre, r
437 l’emportent, il est plus facile et plus enivrant de se laisser glisser que de construire. Et l’on y prend vite goût. Cel
438 facile et plus enivrant de se laisser glisser que de construire. Et l’on y prend vite goût. Cela tourne alors en passion
439 y prend vite goût. Cela tourne alors en passion de détruire, en haine de toute stabilité, de toute forme. Attitude parfa
440 ela tourne alors en passion de détruire, en haine de toute stabilité, de toute forme. Attitude parfaitement folle, mais c’
441 passion de détruire, en haine de toute stabilité, de toute forme. Attitude parfaitement folle, mais c’est justement de quo
442 Attitude parfaitement folle, mais c’est justement de quoi se glorifient ses tenants, ils y voient la suprême liberté. Le d
443 la suprême liberté. Le désir se précisait en moi de commettre enfin l’acte vraiment indéfendable de tout point de vue… J’
444 i de commettre enfin l’acte vraiment indéfendable de tout point de vue… J’avais goûté à l’alcool singulièrement perfide de
445 … J’avais goûté à l’alcool singulièrement perfide de perdre ce que nous chérissons… Nous apprîmes à mépriser les longues v
446 ’alors enviées, et une nuit, nous fîmes le procès de toutes les jouissances humaines. L’espèce de sincérité terroriste dan
447 ocès de toutes les jouissances humaines. L’espèce de sincérité terroriste dans laquelle nous nous obstinions nous menait n
448 urellement à repousser avec horreur tout argument d’ utilité, et bien que nous niions toute vérité, nous étions dominés par
449 ons toute vérité, nous étions dominés par le sens d’ une réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent acheté au
450 que certains d’entre nous eussent acheté au prix d’ un martyre… Cette lassitude facile à juger du dehors n’était pas ce qu
451 aît inutile et vain ? Je cite ces phrases, tirées d’ un récit d’ailleurs admirable4, de Louis Aragon, pour marquer l’abouti
452 phrases, tirées d’un récit d’ailleurs admirable4, de Louis Aragon, pour marquer l’aboutissement d’une évolution qui a son
453 e4, de Louis Aragon, pour marquer l’aboutissement d’ une évolution qui a son origine dans l’œuvre de Gide. Entre les Nourri
454 nt d’une évolution qui a son origine dans l’œuvre de Gide. Entre les Nourritures terrestres, les Caves du Vatican et Dada,
455 ican et Dada, il y a place pour tous les chaînons d’ inquiétude, de malaises, de révoltes plus ou moins complètes au gré de
456 il y a place pour tous les chaînons d’inquiétude, de malaises, de révoltes plus ou moins complètes au gré des tempéraments
457 pour tous les chaînons d’inquiétude, de malaises, de révoltes plus ou moins complètes au gré des tempéraments. Le geste de
458 moins complètes au gré des tempéraments. Le geste de Lafcadio généralisé : c’est le surréalisme. De l’acte gratuit commis
459 te de Lafcadio généralisé : c’est le surréalisme. De l’acte gratuit commis par un héros de roman, à la vie gratuite que pr
460 urréalisme. De l’acte gratuit commis par un héros de roman, à la vie gratuite que prétendent mener les surréalistes, il n’
461 alistes, il n’a fallu que le temps pour une folie de s’emballer. La plupart des romans de jeunes qui se situent entre Gide
462 ur une folie de s’emballer. La plupart des romans de jeunes qui se situent entre Gide et Aragon nous montrent le même pers
463 me personnage : un être sans foi, à qui une sorte de « sincérité » interdit de commettre aucun acte volontaire et raisonné
464 ns foi, à qui une sorte de « sincérité » interdit de commettre aucun acte volontaire et raisonné parce que ce serait fauss
465 l méprise toutes également ; n’attendant rien que de ses impulsions et contemplant avec une lucidité parfois douloureuse s
466 ropres actes dont il s’étonne mais qu’il se garde de juger5. Il y a véritablement une littérature de l’acte gratuit, qui r
467 e de juger5. Il y a véritablement une littérature de l’acte gratuit, qui restera caractéristique de notre époque. Mais Gi
468 re de l’acte gratuit, qui restera caractéristique de notre époque. Mais Gide est responsable d’une autre méthode de cultu
469 tique de notre époque. Mais Gide est responsable d’ une autre méthode de culture de soi, « d’intensification de la vie »,
470 e. Mais Gide est responsable d’une autre méthode de culture de soi, « d’intensification de la vie », et qui consiste à po
471 de est responsable d’une autre méthode de culture de soi, « d’intensification de la vie », et qui consiste à pousser à l’e
472 ponsable d’une autre méthode de culture de soi, «  d’ intensification de la vie », et qui consiste à pousser à l’extrême cer
473 re méthode de culture de soi, « d’intensification de la vie », et qui consiste à pousser à l’extrême certaines « vertus »,
474 usqu’à l’absurde. Surenchère morale dont le début de la Tentative amoureuse offrait déjà une singulière préfiguration : Ce
475 intes, ni la pudeur, ni le remords, ni le respect de moi ni de mes rêves, ni toi, triste mort, ni l’effroi d’après-tombe q
476 la pudeur, ni le remords, ni le respect de moi ni de mes rêves, ni toi, triste mort, ni l’effroi d’après-tombe qui m’empêc
477 ni de mes rêves, ni toi, triste mort, ni l’effroi d’ après-tombe qui m’empêcheront de joindre ce que je désire ; ni rien —
478 mort, ni l’effroi d’après-tombe qui m’empêcheront de joindre ce que je désire ; ni rien — rien que l’orgueil, sachant une
479 — rien que l’orgueil, sachant une chose si forte, de me sentir plus fort encore et de la vaincre. — Mais la joie d’une si
480 chose si forte, de me sentir plus fort encore et de la vaincre. — Mais la joie d’une si haute victoire — n’est pas si dou
481 plus fort encore et de la vaincre. — Mais la joie d’ une si haute victoire — n’est pas si douce encore, n’est pas si bonne
482 n’est pas si douce encore, n’est pas si bonne que de céder à vous, désirs, et d’être vaincu sans bataille. On voit assez à
483 ’est pas si bonne que de céder à vous, désirs, et d’ être vaincu sans bataille. On voit assez à quel genre de sophismes con
484 vaincu sans bataille. On voit assez à quel genre de sophismes conduit ce mouvement de l’esprit qui n’utilise une borne qu
485 ez à quel genre de sophismes conduit ce mouvement de l’esprit qui n’utilise une borne que pour sauter plus loin. Ainsi, c’
486 un certain immoralisme comme la seule vertu digne d’ une élite. Tel est l’état d’esprit de la plupart de nos jeunes moralis
487 vertu digne d’une élite. Tel est l’état d’esprit de la plupart de nos jeunes moralistes. Le mot de paradoxe serait bien p
488 it de la plupart de nos jeunes moralistes. Le mot de paradoxe serait bien pauvre pour expliquer ce besoin de porter à son
489 adoxe serait bien pauvre pour expliquer ce besoin de porter à son excès toute chose, au-delà de toutes limites. « Il n’y a
490 besoin de porter à son excès toute chose, au-delà de toutes limites. « Il n’y a que les excès qui méritent notre enthousia
491 propre intérêt6… » c’est proprement la perversion d’ une vertu qui se brûle elle-même. Je ne vais point nier la fécondité p
492 Je ne vais point nier la fécondité psychologique d’ une attitude par ailleurs si proche de certain mysticisme. Mais pousse
493 s. Nous ne pensons plus par ensembles7 : symptôme de fatigue. Mais tout cela : dégoût universel, désir de violences, gratu
494 fatigue. Mais tout cela : dégoût universel, désir de violences, gratuité des pensées et des actes, rêves éveillés, tout ce
495 tes, rêves éveillés, tout cela ne dérive-t-il pas d’ une fatigue immense. Nous voyons se fausser le rythme des jours et des
496 tion mécanicienne. (Les machines n’ont pas besoin de sommeil.) La fatigue devient un des éléments les plus importants de n
497 tigue devient un des éléments les plus importants de notre psychologie. Images des surréalistes — ils l’indiquent eux-même
498 calembours, expression métaphorique et symbolique de la pensée : la littérature d’avant-garde est fille de la fatigue. La
499 rique et symbolique de la pensée : la littérature d’ avant-garde est fille de la fatigue. La Muse a trop veillé. L’amour mo
500 a pensée : la littérature d’avant-garde est fille de la fatigue. La Muse a trop veillé. L’amour moderne, nerveux, saugrenu
501 grenu jusqu’au sadisme, trop lucide, est un amour de fatigués (Les Nuits, l’Europe galante, de Morand). La lucidité aiguë
502 n amour de fatigués (Les Nuits, l’Europe galante, de Morand). La lucidité aiguë de nos psychologues est cet état presque i
503 , l’Europe galante, de Morand). La lucidité aiguë de nos psychologues est cet état presque inhumain de celui qui n’a pas d
504 de nos psychologues est cet état presque inhumain de celui qui n’a pas dormi et qui « assiste » à sa vie, à ses sensations
505 art, la fatigue est un des états les plus riches de visions nouvelles, et qui résiste le mieux à l’analyse. Seulement nou
506 ement nous y perdons graduellement l’intelligence de nos instincts, la conscience de nos limites naturelles, tout ce qui s
507 nt l’intelligence de nos instincts, la conscience de nos limites naturelles, tout ce qui servirait de frein à notre glissa
508 de nos limites naturelles, tout ce qui servirait de frein à notre glissade vers des folies. ⁂ Recréer une conscience indi
509 proportions ; rééduquer les instincts du corps et de l’âme ; vouloir une foi… La morale de demain sera en réaction complèt
510 du corps et de l’âme ; vouloir une foi… La morale de demain sera en réaction complète contre celle d’aujourd’hui, parce qu
511 de demain sera en réaction complète contre celle d’ aujourd’hui, parce que nous sommes à bout. Il ne s’agit pas, encore un
512 sommes à bout. Il ne s’agit pas, encore une fois, de renier l’immense effort pour se libérer de l’universelle hypocrisie a
513 fois, de renier l’immense effort pour se libérer de l’universelle hypocrisie accompli par des générations qui ne lèguent
514 ntraire profiter des démonstrations par l’absurde de quelques problèmes moraux et littéraires 8, à quoi beaucoup sacrifièr
515 rent leur jeunesse. (« Nous sommes une génération de cobayes » remarque Paul Morand.) Il faut agir, ou bien être agi. Donn
516 ou se défaire avec elle et dériver vers un Orient d’ oubli — (mais avant de s’y perdre, quelles révolutions, quelles anarch
517 ont compris. Ils sont modestes — ne s’isolant pas de la Société ; ils savent que pour lutter il faut des armes et ne mépri
518 pas la culture ; sans autre parti pris que celui de vivre, c’est-à-dire de construire ; sobres de langage et maîtres de l
519 autre parti pris que celui de vivre, c’est-à-dire de construire ; sobres de langage et maîtres de leurs corps exercés, ils
520 lui de vivre, c’est-à-dire de construire ; sobres de langage et maîtres de leurs corps exercés, ils savent qu’il n’y a de
521 dire de construire ; sobres de langage et maîtres de leurs corps exercés, ils savent qu’il n’y a de pensée valable qu’assu
522 es de leurs corps exercés, ils savent qu’il n’y a de pensée valable qu’assujettie à son objet, qu’il n’y a de liberté que
523 ée valable qu’assujettie à son objet, qu’il n’y a de liberté que dans la soumission aux lois naturelles ; et leur effort e
524 umission aux lois naturelles ; et leur effort est de retrouver ces lois ; ils ne craignent pas de choisir parmi leurs inst
525 est de retrouver ces lois ; ils ne craignent pas de choisir parmi leurs instincts, ni de les améliorer 10. Tout ceci est
526 raignent pas de choisir parmi leurs instincts, ni de les améliorer 10. Tout ceci est assez nouveau. (Après tant de cocktai
527 es se recueillent encore dans l’attente angoissée d’ une révélation et dans la connaissance de leur misère. Pareils à ceux
528 ngoissée d’une révélation et dans la connaissance de leur misère. Pareils à ceux dont Vinet disait qu’ils s’en vont « épia
529 ait qu’ils s’en vont « épiant toutes les émotions de l’âme, et lui multipliant ses douleurs en les lui nommant », ils décr
530 hent, quand viendra le moment, détourner les yeux de leur recherche pour contempler un absolu ; qu’ils osent se faire viol
531 core Vinet, ne voir d’abord que les grands traits de sa nature, ne connaître que les grands mots de la langue morale, suiv
532 ts de sa nature, ne connaître que les grands mots de la langue morale, suivre à l’égard de soi-même la méthode de l’Évangi
533 e morale, suivre à l’égard de soi-même la méthode de l’Évangile qui, prenant à plein poing toutes ces petites misères, en
534 r ce moyen nous met tout d’abord en présence, non de nous-mêmes, mais de Dieu. » 1. Il ne s’agit pas d’exiger des poètes
535 tout d’abord en présence, non de nous-mêmes, mais de Dieu. » 1. Il ne s’agit pas d’exiger des poètes qu’ils écrivent des
536 nous-mêmes, mais de Dieu. » 1. Il ne s’agit pas d’ exiger des poètes qu’ils écrivent des odes civiques. Mais que nos mora
537 resque tous les jeunes écrivains — se souviennent de penser en fonction du temps présent, soit qu’ils veuillent en amélior
538 le mal qu’ils ont fait et qu’au fond, leur refus d’ agir sur l’époque, c’est une manière d’agir contre elle. 2. « La cris
539 leur refus d’agir sur l’époque, c’est une manière d’ agir contre elle. 2. « La crise du concept de littérature », NRF, 192
540 ère d’agir contre elle. 2. « La crise du concept de littérature », NRF, 1923. 3. « Il s’était développé en nous un goût
541 3. « Il s’était développé en nous un goût furieux de l’expérience humaine. » (Aragon) 4. « Lorsque tout est fini » dans L
542 t est fini » dans Libertinage. (NRF) 5. Détours de René Crevel ; les romans de Philippe Soupault ; l’Incertain de Mauric
543 e. (NRF) 5. Détours de René Crevel ; les romans de Philippe Soupault ; l’Incertain de Maurice Betz ; certains personnage
544 l ; les romans de Philippe Soupault ; l’Incertain de Maurice Betz ; certains personnages d’Arland, de Louis Aragon, de Dri
545 ’Incertain de Maurice Betz ; certains personnages d’ Arland, de Louis Aragon, de Drieu la Rochelle. Je ne cite que les plus
546 de Maurice Betz ; certains personnages d’Arland, de Louis Aragon, de Drieu la Rochelle. Je ne cite que les plus significa
547 ; certains personnages d’Arland, de Louis Aragon, de Drieu la Rochelle. Je ne cite que les plus significatifs. 6. Aragon,
548 nd du romantisme moderne nous empêche secrètement de construire et de nous construire. Jamais l’on ne fut plus loin de l’i
549 moderne nous empêche secrètement de construire et de nous construire. Jamais l’on ne fut plus loin de l’idéal goethéen : a
550 n veut tout cultiver, et en fait l’on se contente d’ une violence, d’un vice, d’une inquiétude. 8. « Certaines expériences
551 iver, et en fait l’on se contente d’une violence, d’ un vice, d’une inquiétude. 8. « Certaines expériences littéraires son
552 fait l’on se contente d’une violence, d’un vice, d’ une inquiétude. 8. « Certaines expériences littéraires sont plus dang
553 leurs leurs théories nous ramèneraient vite l’âge de la pierre, à la condition d’homme la plus nue ; la plus éloignée de c
554 èneraient vite l’âge de la pierre, à la condition d’ homme la plus nue ; la plus éloignée de celle qui permet le surréalism
555 condition d’homme la plus nue ; la plus éloignée de celle qui permet le surréalisme. 10. Une équipe d’hommes solides suf
556 celle qui permet le surréalisme. 10. Une équipe d’ hommes solides suffirait à restaurer une élite, efficace. (Je vois Jea
557 e, efficace. (Je vois Jean Prévost, deux ou trois de Philosophies, des Cahiers du Mois, et peut-être Drieu la Rochelle, s’
558 la Rochelle, s’il voulait…) o. Rougemont Denis de , « Adieu, beau désordre… (Notes sur la jeune littérature et la morale
559 t la morale) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mars 1926, p. 311-319.
15 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Jean Jouve, Paulina 1880 (avril 1926)
560 (avril 1926)p Au creux des couleurs assourdies d’ un divan le soir, tandis que les fenêtres s’ouvraient vers le ciel de
561 tandis que les fenêtres s’ouvraient vers le ciel de Florence… « Du sang, de la volupté et de la mort », un titre s’effaça
562 s’ouvraient vers le ciel de Florence… « Du sang, de la volupté et de la mort », un titre s’effaçait dans l’ombre. Jouve a
563 le ciel de Florence… « Du sang, de la volupté et de la mort », un titre s’effaçait dans l’ombre. Jouve a rêvé une histoir
564 ’effaçait dans l’ombre. Jouve a rêvé une histoire de passion mystique et de crime, intense et tragique comme un couchant d
565 Jouve a rêvé une histoire de passion mystique et de crime, intense et tragique comme un couchant d’automne, émouvante enc
566 t de crime, intense et tragique comme un couchant d’ automne, émouvante encore après tant d’autres, comme chaque soir un no
567 te en brèves notations lyriques suivant le rythme d’ un songe, sans cesse brisé par les élans alternés ou confondus du dési
568 é par les élans alternés ou confondus du désir et de la prière. On sort lentement d’une chambre bleue qui est le mystère m
569 ondus du désir et de la prière. On sort lentement d’ une chambre bleue qui est le mystère même, pour suivre la naissance et
570 e même, pour suivre la naissance et l’embrasement de la passion de Paulina. Le Péché ; le Couvent ; la rechute et le crime
571 uivre la naissance et l’embrasement de la passion de Paulina. Le Péché ; le Couvent ; la rechute et le crime ; et l’étrang
572 la rechute et le crime ; et l’étrange apaisement d’ une vieillesse au soleil. Jouve semble avoir hésité entre plusieurs st
573 Jouve semble avoir hésité entre plusieurs styles de roman. Un chapitre d’observation psychologique ironique et minutieuse
574 sité entre plusieurs styles de roman. Un chapitre d’ observation psychologique ironique et minutieuse, à la Stendhal, succè
575 me lyrisme et s’agite sur un fond sombre et riche de passions inconscientes qui donnent à tous les actes une signification
576 une signification plus profonde. (Il serait aisé de montrer quel parti Jouve a su tirer des complexes de famille freudien
577 montrer quel parti Jouve a su tirer des complexes de famille freudiens, ou d’analyses de démences mystiques ; mais tout ce
578 a su tirer des complexes de famille freudiens, ou d’ analyses de démences mystiques ; mais tout cela est sublimé dans un mo
579 des complexes de famille freudiens, ou d’analyses de démences mystiques ; mais tout cela est sublimé dans un monde poétiqu
580 é dans un monde poétique où il paraît inconvenant d’ introduire le jargon de la science moderne.) Si nous reconnaissons à l
581 e où il paraît inconvenant d’introduire le jargon de la science moderne.) Si nous reconnaissons à la base de cette œuvre i
582 science moderne.) Si nous reconnaissons à la base de cette œuvre inégale des idées vieilles comme Rousseau sur les droits
583 des idées vieilles comme Rousseau sur les droits de la passion, — et dans sa trame quelques chapitres inspirés presque li
584 quelques chapitres inspirés presque littéralement d’ une anecdote italienne de Stendhal ; si d’autre part l’évolution mysti
585 és presque littéralement d’une anecdote italienne de Stendhal ; si d’autre part l’évolution mystique de Paulina semble par
586 e Stendhal ; si d’autre part l’évolution mystique de Paulina semble parfois un peu trop « classique » et prévue, l’origina
587 ique » et prévue, l’originalité foncière du roman de Jouve reste indéniable : c’est son mouvement purement lyrique, sa pro
588 énements inconscients. Certaines proses mystiques de Paulina au couvent valent les meilleurs poèmes de l’auteur de Tragiqu
589 de Paulina au couvent valent les meilleurs poèmes de l’auteur de Tragiques et de Vous êtes des hommes. p. Rougemont Den
590 u couvent valent les meilleurs poèmes de l’auteur de Tragiques et de Vous êtes des hommes. p. Rougemont Denis de, « [Co
591 les meilleurs poèmes de l’auteur de Tragiques et de Vous êtes des hommes. p. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Pier
592 et de Vous êtes des hommes. p. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Pierre Jean Jouve, Paulina 1880  », Bibliothèque un
593 aulina 1880  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, avril 1926, p. 530-531.
16 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alix de Watteville, La Folie de l’espace (avril 1926)
594 Alix de Watteville, La Folie de l’espace (avril 1926)q Un artiste de grand talent à qui la guerre
595 La Folie de l’espace (avril 1926)q Un artiste de grand talent à qui la guerre a fait perdre le goût des théories d’éco
596 qui la guerre a fait perdre le goût des théories d’ écoles et de quelques autres plaisirs pour civils : mettez-le aux pris
597 re a fait perdre le goût des théories d’écoles et de quelques autres plaisirs pour civils : mettez-le aux prises avec une
598 principes. Voilà, n’est-ce pas, un amusant sujet de conte moral, avec ses personnages un peu conventionnels et l’invraise
599 onventionnels et l’invraisemblance assez piquante de ses péripéties. Quel dommage que l’auteur l’ait alourdi d’une idéolog
600 ripéties. Quel dommage que l’auteur l’ait alourdi d’ une idéologie, souvent plus généreuse que neuve, et qui eût gagné à êt
601 se en action plutôt qu’en commentaires. Le talent de Mme de Watteville paraît mieux à l’aise dans la description du milieu
602 cription du milieu patricien que dans la création d’ un caractère de grand peintre. Pourtant, malgré des longueurs, on ne l
603 ieu patricien que dans la création d’un caractère de grand peintre. Pourtant, malgré des longueurs, on ne lira pas sans pl
604 in le vent du large, parmi des gens qui craignent de s’enrhumer. q. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Alix de Wattev
605 ui craignent de s’enrhumer. q. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Alix de Watteville, La Folie de l’espace  », Biblio
606 de, « [Compte rendu] Alix de Watteville, La Folie de l’espace  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, avr
607 de l’espace  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, avril 1926, p. 531.
17 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Wilfred Chopard, Spicilège ironique (mai 1926)
608 ourit avec une grâce un peu frileuse et se permet de bâiller en public. On connaît le danger… r. Rougemont Denis de, « 
609 blic. On connaît le danger… r. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Wilfred Chopard, Spicilège ironique  », Bibliothèqu
610 ge ironique  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1926, p. 661.
18 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Cécile-Claire Rivier, L’Athée (mai 1926)
611 ire Rivier, L’Athée (mai 1926)s C’est le récit de la découverte de Dieu par une jeune fille élevée dans l’athéisme. Inv
612 ée (mai 1926)s C’est le récit de la découverte de Dieu par une jeune fille élevée dans l’athéisme. Invraisemblablement
613 ée dans l’athéisme. Invraisemblablement ignorante de toute religion jusqu’à 20 ans, Denise s’abandonne à « la vie », laque
614 r l’auteur — lui révèlera peu à peu le sens divin de la destinée. Ce livre à thèse est plutôt une argumentation à coups d’
615 ivre à thèse est plutôt une argumentation à coups d’ exemples vivants qu’un véritable roman. La profusion souvent facile de
616 cidents et le style volontairement sec permettent de suivre sans passion ni fatigue le développement un peu théorique mais
617 e développement un peu théorique mais intelligent d’ un problème que l’on pressent trop complètement résolu dès les premièr
618 premières pages, mais qu’il faut louer Mme Rivier d’ avoir posé courageusement. Dirai-je que l’abus des points d’exclamatio
619 sé courageusement. Dirai-je que l’abus des points d’ exclamation — trait commun à presque toutes les femmes auteur, et qui
620 un peu ? C’est une vétille. s. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Cécile-Claire Rivier, L’Athée  », Bibliothèque univ
621 er, L’Athée  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1926, p. 661.
19 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cocteau, Rappel à l’ordre (mai 1926)
622 Jean Cocteau a réuni ce qui me paraît le meilleur de son œuvre : ses récits de critique et d’esthétique (Le Coq et l’Arleq
623 i me paraît le meilleur de son œuvre : ses récits de critique et d’esthétique (Le Coq et l’Arlequin, la Noce massacrée, le
624 meilleur de son œuvre : ses récits de critique et d’ esthétique (Le Coq et l’Arlequin, la Noce massacrée, le Secret profess
625 d par ordre, et montrer que si cet ordre l’écarte de Dada, il ne le conduit pas pour autant à l’Académie. Disons pour alle
626 Académie. Disons pour aller vite que sa recherche de l’ordre révèle simplement une volonté de construire jusque dans le gr
627 echerche de l’ordre révèle simplement une volonté de construire jusque dans le grabuge, qu’il aime pour les matériaux qu’o
628 r les matériaux qu’on en peut tirer. L[e] malheur de Cocteau est qu’il se veuille poète. Il ne l’est jamais moins qu’en ve
629 ofessionnel, petit catéchisme cubiste qui dépasse de beaucoup les limites de cette école, et qu’il eut le tort à notre sen
630 hisme cubiste qui dépasse de beaucoup les limites de cette école, et qu’il eut le tort à notre sens de vouloir illustrer d
631 de cette école, et qu’il eut le tort à notre sens de vouloir illustrer de pédants exercices poétiques. Mais quelle intelli
632 ’il eut le tort à notre sens de vouloir illustrer de pédants exercices poétiques. Mais quelle intelligence, et dont l’auda
633 s. Mais quelle intelligence, et dont l’audace est de se vouloir plus juste que bizarre. Il sait bien d’ailleurs que les mi
634 urs que les miracles les plus étonnants sont ceux de la lumière. « Le mystère se passe en plein jour et à toute vitesse. »
635 et à toute vitesse. » Telle est bien la nouveauté de son théâtre et de l’art qu’il défend en peinture, en musique. Suppres
636 . » Telle est bien la nouveauté de son théâtre et de l’art qu’il défend en peinture, en musique. Suppression du clair-obsc
637 nture, en musique. Suppression du clair-obscur et de la pénombre. Ôter la pédale à la poésie. (« Le poète ne rêve pas, il
638 t sur une machine luisante et tournante. L’esprit de Cocteau est une arme admirable de précision, d’élégance mécanique et
639 nante. L’esprit de Cocteau est une arme admirable de précision, d’élégance mécanique et de rapidité. Il lassera, parce que
640 t de Cocteau est une arme admirable de précision, d’ élégance mécanique et de rapidité. Il lassera, parce que c’est toujour
641 e admirable de précision, d’élégance mécanique et de rapidité. Il lassera, parce que c’est toujours le même déclic. Coctea
642 charme et toute grâce vaporeuse. Mais ses fleurs de cristal, si elles sont sans parfum, ne se faneront pas. t. Rougemo
643 parfum, ne se faneront pas. t. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Jean Cocteau, Rappel à l’ordre  », Bibliothèque uni
644 l à l’ordre  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1926, p. 661-662.
20 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, Mon corps et moi (mai 1926)
645 émoignages ne manquent pas sur la détresse morale de la génération surréaliste. Mais tandis que la plupart en sont encore
646 , « artistiqués », — ils n’osent plus le mensonge de l’art, et pas encore la vérité pure — Crevel décrit sans aucune trans
647 ansposition romanesque le trouble caractéristique de sa génération. Terrible aveu d’impuissance, il n’a plus même la force
648 e caractéristique de sa génération. Terrible aveu d’ impuissance, il n’a plus même la force de l’hypocrisie. Isolé dans un
649 ble aveu d’impuissance, il n’a plus même la force de l’hypocrisie. Isolé dans un hôtel perdu, avec son corps qui se souvie
650 ec une intelligence dont la triste profession est de détruire le désir qu’elle excite par curiosité passagère, il monologu
651 l’élan vital qui nous crée sans cesse : l’analyse de sa solitude le laisse en face de quelques réactions physiologiques do
652 isse qu’il nomme « élan mortel ». Cette inversion de tout ce qui est constructif et créateur, voilà je pense le véritable
653 parvenue au point où elle « ne semble avoir rien d’ autre à faire que son propre procès », une intelligence qui se dégoût
654 Ah ! Seigneur, donnez-nous la force et le courage de contempler nos corps et nos cœurs sans dégoût implorait Baudelaire.
655 implorait Baudelaire. Encore avait-il le courage de prier… u. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] René Crevel, Mon co
656 ait-il le courage de prier… u. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] René Crevel, Mon corps et moi  », Bibliothèque univ
657 orps et moi  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1926, p. 662-663.
21 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Le Corbusier, Urbanisme (juin 1926)
658 us disons adieu aux charmes troubles et inhumains de la nature. Il s’agit de créer à notre vie moderne un décor utile et b
659 mes troubles et inhumains de la nature. Il s’agit de créer à notre vie moderne un décor utile et beau. Or « la grande vill
660 or utile et beau. Or « la grande ville, phénomène de force en mouvement, est aujourd’hui une catastrophe menaçante pour n’
661 catastrophe menaçante pour n’avoir pas été animée de l’esprit de géométrie… Elle use et conduit lentement l’usure des mill
662 menaçante pour n’avoir pas été animée de l’esprit de géométrie… Elle use et conduit lentement l’usure des milliers d’êtres
663 lle use et conduit lentement l’usure des milliers d’ êtres humains ». Elle n’est plus adaptée aux conditions nouvelles de t
664 Elle n’est plus adaptée aux conditions nouvelles de travail ou de repos, ni dans son plan ni dans le détail des rues. Con
665 us adaptée aux conditions nouvelles de travail ou de repos, ni dans son plan ni dans le détail des rues. Congestion : « un
666 i, — comme la poésie. C’est ainsi que le problème de l’Urbanisme se place au croisement des préoccupations esthétiques et
667 sement des préoccupations esthétiques et sociales d’ aujourd’hui. Pour résoudre la crise de notre civilisation sous cet asp
668 et sociales d’aujourd’hui. Pour résoudre la crise de notre civilisation sous cet aspect comme sous les autres, il nous fau
669 faut mieux que des dictateurs : des Architectes, de l’esprit et de la matière. Si Le Corbusier réalise son plan, ce sera
670 des dictateurs : des Architectes, de l’esprit et de la matière. Si Le Corbusier réalise son plan, ce sera plus fort que M
671 rt que Mussolini (lequel s’est d’ailleurs inspiré de lui dans son fameux discours aux édiles de Rome). Urbanisme est une
672 nspiré de lui dans son fameux discours aux édiles de Rome). Urbanisme est une étude technique et un pamphlet dont l’argum
673 e parfois en boutades mordantes, en brèves fusées de lyrisme. C’est d’une verve puissante jusque dans la statistique. On e
674 des mordantes, en brèves fusées de lyrisme. C’est d’ une verve puissante jusque dans la statistique. On en sort convaincu o
675 On en sort convaincu ou bouleversé, enthousiasmé d’ avoir trouvé la formule même de tant d’aspirations modernes. Voici san
676 ersé, enthousiasmé d’avoir trouvé la formule même de tant d’aspirations modernes. Voici sans aucun doute un des livres les
677 thousiasmé d’avoir trouvé la formule même de tant d’ aspirations modernes. Voici sans aucun doute un des livres les plus re
678 aucun doute un des livres les plus représentatifs de l’époque de Lénine, du fascisme, du ciment armé. « Notre monde comme
679 un des livres les plus représentatifs de l’époque de Lénine, du fascisme, du ciment armé. « Notre monde comme un ossuaire
680 monde comme un ossuaire est couvert des détritus d’ époques mortes. Une tâche nous incombe, construire le cadre de notre e
681 rtes. Une tâche nous incombe, construire le cadre de notre existence… construire les villes de notre temps ». Et je déplie
682 e cadre de notre existence… construire les villes de notre temps ». Et je déplie ce plan d’une « ville contemporaine ». Pu
683 les villes de notre temps ». Et je déplie ce plan d’ une « ville contemporaine ». Pures géométries de verre et de ciment bl
684 n d’une « ville contemporaine ». Pures géométries de verre et de ciment blanc, flamboyantes au soleil. Les vingt-quatre gr
685 lle contemporaine ». Pures géométries de verre et de ciment blanc, flamboyantes au soleil. Les vingt-quatre gratte-ciel de
686 mboyantes au soleil. Les vingt-quatre gratte-ciel de la cité, au centre, s’espacent autour d’un aérodrome-gare circulaire,
687 tte-ciel de la cité, au centre, s’espacent autour d’ un aérodrome-gare circulaire, prismes perdus dans le silence de l’azur
688 e-gare circulaire, prismes perdus dans le silence de l’azur au-dessus des rumeurs de la ville. Puis s’étendent les quartie
689 s dans le silence de l’azur au-dessus des rumeurs de la ville. Puis s’étendent les quartiers de résidence ; les jardins su
690 umeurs de la ville. Puis s’étendent les quartiers de résidence ; les jardins suspendus à tous les étages soulignent de ver
691 es jardins suspendus à tous les étages soulignent de verdure l’horizontale des toitures en terrasses. Des perspectives rég
692 s, et minces en regard de leur hauteur, entourant de leurs multiples « redents » des terrains de jeux et des parcs, la nat
693 urant de leurs multiples « redents » des terrains de jeux et des parcs, la nature annexée à la ville. « C’est un spectacle
694 e organisé par l’Architecture avec les ressources de la plastique qui est le jeu de formes sous la lumière ». Cristallisat
695 vec les ressources de la plastique qui est le jeu de formes sous la lumière ». Cristallisation d’un rêve de joie et de rai
696 jeu de formes sous la lumière ». Cristallisation d’ un rêve de joie et de raison où de grandes ordonnances élèvent leur ch
697 rmes sous la lumière ». Cristallisation d’un rêve de joie et de raison où de grandes ordonnances élèvent leur chant. Utopi
698 a lumière ». Cristallisation d’un rêve de joie et de raison où de grandes ordonnances élèvent leur chant. Utopie ! Oui, si
699 Cristallisation d’un rêve de joie et de raison où de grandes ordonnances élèvent leur chant. Utopie ! Oui, si notre civili
700 tériels formidables des ensembles soumis aux lois de l’esprit et de la vie sociale, non plus à un opportunisme anarchique.
701 bles des ensembles soumis aux lois de l’esprit et de la vie sociale, non plus à un opportunisme anarchique. Tirer des lign
702 archique. Tirer des lignes droites, est le propre de l’homme. Toutes les civilisations fortes l’ont osé. Créer un espace a
703 es, ce serait peut-être tuer au soleil des germes de révolution. Déjà des ingénieurs se sont mis à calculer la réalisation
704 ingénieurs se sont mis à calculer la réalisation de ce phénomène de haute poésie — la « ville contemporaine ». Un labeur
705 ont mis à calculer la réalisation de ce phénomène de haute poésie — la « ville contemporaine ». Un labeur précis et anonym
706 scurément à cette parfaite expression du triomphe de l’homme sur la Nature. Architecture : « tout ce qui est au-delà du ca
707 era la passion du siècle ». v. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Le Corbusier, Urbanisme  », Bibliothèque universell
708 , Urbanisme  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juin 1926, p. 797-798.
22 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ramon Fernandez, Messages (juillet 1926)
709 ssages (juillet 1926)w Je ne crois pas exagéré de dire qu’en publiant ce recueil d’essais, M. Fernandez a donné la prem
710 ois pas exagéré de dire qu’en publiant ce recueil d’ essais, M. Fernandez a donné la première œuvre importante du mouvement
711 a donné la première œuvre importante du mouvement de construction et de synthèse qui se dessine chez les jeunes écrivains
712 œuvre importante du mouvement de construction et de synthèse qui se dessine chez les jeunes écrivains d’aujourd’hui. La «
713 synthèse qui se dessine chez les jeunes écrivains d’ aujourd’hui. La « critique philosophique » qu’il voudrait inaugurer « 
714 qu’il voudrait inaugurer « ne se contenterait pas d’ étudier les œuvres pour elles-mêmes dans leur signification historique
715 ification historique ou technique, mais tâcherait d’ épouser le dynamisme spirituel qu’elle révèle, puis de les situer dans
716 ouser le dynamisme spirituel qu’elle révèle, puis de les situer dans l’univers humain ». M. Fernandez a tout le talent qu’
717 e talent qu’il faut pour lui faire acquérir droit de cité. Voici enfin un critique qui sait tirer une leçon constructive d
718 ées dans leurs recherches, il ne les condamne pas d’ un « Jugement » sans issue sinon vers le passé catholique ; mais tenan
719 non vers le passé catholique ; mais tenant compte de leur effort, il puise dans l’échec même de leurs analyses les élément
720 compte de leur effort, il puise dans l’échec même de leurs analyses les éléments de sa synthèse, qui se trouve ainsi conti
721 dans l’échec même de leurs analyses les éléments de sa synthèse, qui se trouve ainsi continuer leur œuvre, comme une déco
722 ur œuvre, comme une découverte couronne une série d’ expériences négatives. La critique de ces expériences négatives est co
723 ne une série d’expériences négatives. La critique de ces expériences négatives est contenue surtout dans ses essais sur Pr
724 it temps que l’on dénonce la confusion romantique de l’art avec la vie, qui empoisonne et la morale et l’esthétique modern
725 iter que M. Fernandez aborde par ce biais l’œuvre de Gide, qui plus qu’aucune autre me paraît liée à cette confusion. Mais
726 confusion. Mais s’il est bien établi que les lois de la vie sont essentiellement différentes des lois de l’œuvre d’art, il
727 la vie sont essentiellement différentes des lois de l’œuvre d’art, il ne s’en suit pas forcément que l’on doit nier toute
728 phie et le Roman, dont pour ma part je suis loin d’ admettre plusieurs thèses beaucoup trop absolues. M. Fernandez tente d
729 thèses beaucoup trop absolues. M. Fernandez tente de prouver par exemple que l’œuvre d’art ne peut être un moyen de connai
730 r exemple que l’œuvre d’art ne peut être un moyen de connaissance personnelle. Après quoi il écrit : « II y a, en fait, de
731 quoi il écrit : « II y a, en fait, deux manières de se connaître, à savoir se concevoir et s’essayer. » Fort bien, mais l
732 ais l’œuvre n’est-elle pas une façon particulière de s’essayer ? Je ne puis amorcer ici une discussion de ces thèses subti
733 s’essayer ? Je ne puis amorcer ici une discussion de ces thèses subtiles, d’autant que la position de l’auteur dans cet es
734 de ces thèses subtiles, d’autant que la position de l’auteur dans cet essai me paraît encore ambiguë : on peut se demande
735 peut se demander s’il nie vraiment l’interaction de la vie et de l’art, ou s’il la condamne plutôt, à cause des confusion
736 nder s’il nie vraiment l’interaction de la vie et de l’art, ou s’il la condamne plutôt, à cause des confusions qu’il y déc
737 tement par opposition à la conception proustienne de la personnalité — « mosaïque de sensations juxtaposées » — qu’il défi
738 ption proustienne de la personnalité — « mosaïque de sensations juxtaposées » — qu’il définit sa propre théorie de la « ga
739 s juxtaposées » — qu’il définit sa propre théorie de la « garantie des sentiments », où l’on est en droit de voir le germe
740 « garantie des sentiments », où l’on est en droit de voir le germe d’un moralisme nouveau qui se fonderait solidement sur
741 ntiments », où l’on est en droit de voir le germe d’ un moralisme nouveau qui se fonderait solidement sur les données moder
742 se fonderait solidement sur les données modernes de la psychologie et de la philosophie. Pour nous prémunir contre le pou
743 ent sur les données modernes de la psychologie et de la philosophie. Pour nous prémunir contre le pouvoir d’analyse — une
744 philosophie. Pour nous prémunir contre le pouvoir d’ analyse — une analyse qui retient les éléments de la personnalité moin
745 d’analyse — une analyse qui retient les éléments de la personnalité moins le « principe unificateur » — que la psychologi
746 point si dangereux, il nous propose l’expérience d’ un Newman, les exemples d’un Meredith et d’un Stendhal, qui ont su « p
747 us propose l’expérience d’un Newman, les exemples d’ un Meredith et d’un Stendhal, qui ont su « penser dans le train de l’a
748 rience d’un Newman, les exemples d’un Meredith et d’ un Stendhal, qui ont su « penser dans le train de l’action, faire de l
749 d’un Stendhal, qui ont su « penser dans le train de l’action, faire de la psychologie à la volée », et donc connaître l’h
750 ont su « penser dans le train de l’action, faire de la psychologie à la volée », et donc connaître l’homme dans l’élan qu
751 du cubisme littéraire, et qu’il serait bien utile d’ adopter, si l’on veut éviter les confusions qui sont en train d’ôter s
752 tient surtout à sa forme : il est parfois agaçant de pressentir sous l’expression trop technique ou obscure, une richesse
753 xpression trop technique ou obscure, une richesse d’ idées neuves et fortes, mais péniblement comprimées. Ce défaut de form
754 et fortes, mais péniblement comprimées. Ce défaut de forme est peut-être inhérent, dans une certaine mesure, au genre de c
755 être inhérent, dans une certaine mesure, au genre de critique pratiqué par Fernandez. Périlleuse situation que la sienne,
756 sienne, en effet, où l’on court le double risque de paraître trop littéraire aux philosophes, et trop philosophe aux litt
757 n’empêche que son livre manifeste une belle unité de pensée, et qu’il propose quelques directions très nettes de synthèse.
758 et qu’il propose quelques directions très nettes de synthèse. Avec une œuvre comme Plaisir des Sports de Jean Prévost, et
759 synthèse. Avec une œuvre comme Plaisir des Sports de Jean Prévost, et les essais politiques de Drieu la Rochelle, les Mess
760 Sports de Jean Prévost, et les essais politiques de Drieu la Rochelle, les Messages de Fernandez sont les premières contr
761 ais politiques de Drieu la Rochelle, les Messages de Fernandez sont les premières contributions à l’établissement d’une ét
762 ont les premières contributions à l’établissement d’ une éthique adaptée aux besoins modernes. w. Rougemont Denis de, « 
763 aptée aux besoins modernes. w. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Ramon Fernandez, Messages  », Bibliothèque universe
764 z, Messages  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juillet 1926, p. 124-125.
23 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Les Bestiaires (septembre 1926)
765 ement littéraire sur ce nouveau tome des mémoires de Montherlant : dans ce récit plus encore que dans les œuvres précédent
766 ins l’œuvre d’art que l’auteur ; dans ce portrait de Montherlant toréador, à 16 ans, c’est surtout le Montherlant actuel q
767 vre vaut par son allure plus que par des qualités de composition ou de perfection formelle. Pour quelques-uns de ces trait
768 llure plus que par des qualités de composition ou de perfection formelle. Pour quelques-uns de ces traits d’énergie ou de
769 tion ou de perfection formelle. Pour quelques-uns de ces traits d’énergie ou de savante sensualité, pour ces insolences jo
770 fection formelle. Pour quelques-uns de ces traits d’ énergie ou de savante sensualité, pour ces insolences jolies et les su
771 lle. Pour quelques-uns de ces traits d’énergie ou de savante sensualité, pour ces insolences jolies et les subites violenc
772 les subites violences, qui composent la séduction de cet « homme de la Renaissance », pour quelques descriptions des prair
773 lences, qui composent la séduction de cet « homme de la Renaissance », pour quelques descriptions des prairies espagnoles
774 ques descriptions des prairies espagnoles pleines de simple grandeur, j’ai supporté mille fastidieux détails techniques et
775 t longue fidélité aux taureaux braves et simplets d’ esprit ! Qu’ils paissent éternellement dans les prairies célestes, pou
776 sir certaines pages magnifiques et sobres, jetées de haut avec la nonchalance des vrais puissants, je compte qu’il saura f
777 des valeurs plus humaines. x. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Henry de Montherlant, Les Bestiaires  », Bibliothèq
778 Bestiaires  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1926, p. 397-398.
24 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jacques Spitz, La Croisière indécise (décembre 1926)
779 lques idées graves en leur présentant les miroirs de personnages cocasses à souhait, qui manifestent, avec un certain manq
780 souhait, qui manifestent, avec un certain manque de conviction et des poses de mannequins, les tendances contradictoires
781 avec un certain manque de conviction et des poses de mannequins, les tendances contradictoires d’un individu. C’est pour t
782 oses de mannequins, les tendances contradictoires d’ un individu. C’est pour traiter ce sujet pirandellien qu’on s’embarque
783 pirandellien qu’on s’embarque dans une croisière de vacances, qui finit par un naufrage dans la littérature, le navire su
784 oit réellement amusant, et qu’il trouve une sorte d’ unité vivante dans le rythme des désirs jamais simultanés de ses petit
785 vante dans le rythme des désirs jamais simultanés de ses petits héros. M. Spitz cherche à faire sourire, on le sent ; pour
786 irituellement « poétique ». y. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Jacques Spitz, La Croisière indécise  », Bibliothèq
787 re indécise  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1926, p. 810.
25 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alfred Colling, L’Iroquois (décembre 1926)
788 Iroquois (décembre 1926)z Ce roman a le charme d’ un automne, une amertume enveloppée, une atmosphère trop claire où les
789 ur fatigué se reprend à souffrir, il ne sait plus de quels souvenirs ; jusqu’au soir où la douleur nette d’un amour réveil
790 els souvenirs ; jusqu’au soir où la douleur nette d’ un amour réveillé l’envahit. Et Closain rencontre, dans l’inévitable b
791 osain rencontre, dans l’inévitable bar, le couple de juifs espagnols qui va l’entraîner avec son mauvais cœur, dans une av
792 uteur ne se soit pas mieux abandonné à son sujet, d’ un pathétique assez neuf. z. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] A
793 d’un pathétique assez neuf. z. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Alfred Colling, L’Iroquois  », Bibliothèque univers
794 L’Iroquois  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1926, p. 810-811.
26 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, La Tentation de l’Occident (décembre 1926)
795 André Malraux, La Tentation de l’Occident (décembre 1926)aa Un Chinois écrit d’Europe à un França
796 l’Occident (décembre 1926)aa Un Chinois écrit d’ Europe à un Français qui lui répond de Chine. Nous sommes loin du ton
797 inois écrit d’Europe à un Français qui lui répond de Chine. Nous sommes loin du ton des Lettres persanes : le Chinois s’ét
798 e on devine une détresse. C’est encore une vision de l’Occident qui naît de ce petit livre si dense, si inquiétant. Le Chi
799 e. C’est encore une vision de l’Occident qui naît de ce petit livre si dense, si inquiétant. Le Chinois voit dans l’Europe
800 « une barbarie attentivement ordonnée, où l’idée de la civilisation et celle de l’ordre sont chaque jour confondues ». No
801 t ordonnée, où l’idée de la civilisation et celle de l’ordre sont chaque jour confondues ». Nous cherchons à conquérir non
802 humilions sans trêve notre sensibilité au profit de ce « mythe cohérent » vers quoi tend notre esprit. La passion apparaî
803 cadres — perpétuel conflit du réel avec nos rêves de puissance : notre ambition la plus haute échoue. La tristesse règne s
804 tesse règne sur nos villes. (Neurasthénie, ce mal de l’Occident.) Et notre vertu suprême, aussi, est douloureuse : le sacr
805 té essentielle » que le Chinois distingue au cœur de la vie occidentale apparaît mieux par la comparaison de l’idéal asiat
806 vie occidentale apparaît mieux par la comparaison de l’idéal asiatique avec le nôtre. Mais je crois que toute intelligence
807 ritiques du Chinois et sympathiser avec son idéal de culture. Il n’y a pas là deux points de vue irréductibles, du moins M
808 es, du moins M. Malraux a fait parler son Chinois de telle façon qu’ils ne le paraissent point. Et alors le relativisme an
809 lativisme angoissant qui semblait devoir résulter de cette confrontation, s’évanouit : c’est bien plutôt une unité supérie
810 évanouit : c’est bien plutôt une unité supérieure de l’esprit humain que nous découvrons, et qui nous permettra de juger à
811 humain que nous découvrons, et qui nous permettra de juger à notre tour certaines démences qui enfièvrent l’Europe. Tandi
812 us prenons chaque jour une conscience plus claire de la vanité de nos buts, « capables d’agir jusqu’au sacrifice, mais ple
813 aque jour une conscience plus claire de la vanité de nos buts, « capables d’agir jusqu’au sacrifice, mais pleins de dégoût
814 plus claire de la vanité de nos buts, « capables d’ agir jusqu’au sacrifice, mais pleins de dégoût devant la volonté d’act
815 « capables d’agir jusqu’au sacrifice, mais pleins de dégoût devant la volonté d’action qui tord aujourd’hui notre race… ».
816 acrifice, mais pleins de dégoût devant la volonté d’ action qui tord aujourd’hui notre race… ». Et peut-être n’est-il pas d
817 ourd’hui notre race… ». Et peut-être n’est-il pas de position plus périlleuse, puisqu’elle risque de ne laisser subsister
818 s de position plus périlleuse, puisqu’elle risque de ne laisser subsister en nous qu’un « étrange goût de la destruction e
819 ne laisser subsister en nous qu’un « étrange goût de la destruction et de l’anarchie, exempt de passion, divertissement su
820 en nous qu’un « étrange goût de la destruction et de l’anarchie, exempt de passion, divertissement suprême de l’incertitud
821 e goût de la destruction et de l’anarchie, exempt de passion, divertissement suprême de l’incertitude… » aa. Rougemont
822 archie, exempt de passion, divertissement suprême de l’incertitude… » aa. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] André Ma
823 uprême de l’incertitude… » aa. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] André Malraux, La Tentation de l’Occident  », Bibli
824 de, « [Compte rendu] André Malraux, La Tentation de l’Occident  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, d
825 l’Occident  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1926, p. 811-812.
27 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Louis Aragon, Le Paysan de Paris (janvier 1927)
826 Louis Aragon, Le Paysan de Paris (janvier 1927)ab « Je n’admets pas qu’on reprenne mes parole
827 s, qu’on me les oppose. Ce ne sont pas les termes d’ un traité de paix. Entre moi et vous, c’est la guerre. » Voilà pour le
828 les oppose. Ce ne sont pas les termes d’un traité de paix. Entre moi et vous, c’est la guerre. » Voilà pour les critiques,
829 ur temps à recenser les incohérences pittoresques de ce petit livre. Quant à ceux que certaines envolées magnifiques et ha
830 il leur réserve mieux encore : après une kyrielle d’ injures qui ne font pas honneur à l’imagination d’autres fois si prest
831 ent ce que je dis ». Il y a chez Aragon une folie de la persécution, qui se cherche partout des prétextes, et une passion
832 et une passion farouche pour la liberté, qui font de cet ombrageux personnage une manière de Rousseau surréaliste. Devant
833 qui font de cet ombrageux personnage une manière de Rousseau surréaliste. Devant cette ostentation de révolte, ce mélange
834 de Rousseau surréaliste. Devant cette ostentation de révolte, ce mélange de fanfaronnade et d’intense désespoir, on songe
835 . Devant cette ostentation de révolte, ce mélange de fanfaronnade et d’intense désespoir, on songe au Frank de La Coupe et
836 ntation de révolte, ce mélange de fanfaronnade et d’ intense désespoir, on songe au Frank de La Coupe et les Lèvres, à qui
837 ses compagnons criaient : « Te fais-tu le bouffon de ta propre détresse ? » Tant d’insistance dans le mauvais goût ne m’em
838 fais-tu le bouffon de ta propre détresse ? » Tant d’ insistance dans le mauvais goût ne m’empêchera pas de le dire, Aragon
839 nsistance dans le mauvais goût ne m’empêchera pas de le dire, Aragon possède le tempérament le plus hardi et le plus origi
840 le tempérament le plus hardi et le plus original de la jeune littérature française. Il le proclame « J’appartiens à la gr
841 nts ». Génie inégal s’il en fut, voici parmi trop de talents intéressants, un écrivain qui s’impose avec des qualités et d
842 tre littérature pour trouver semblable domination de la langue. Et parmi les modernes, il bat tous les records de l’image,
843 e. Et parmi les modernes, il bat tous les records de l’image, ce qui nous vaut avec des bizarreries fatigantes et quelques
844 fatigantes et quelques sombres délires, des pages d’ un lyrisme inouï. Que Louis Aragon ne se croie pas tenu de justifier s
845 isme inouï. Que Louis Aragon ne se croie pas tenu de justifier ses visions par le moyen d’une métaphysique aussi prétentie
846 ie pas tenu de justifier ses visions par le moyen d’ une métaphysique aussi prétentieuse qu’incertaine. Son affaire, c’est
847 l’hallucination du décor des capitales, créatrice d’ un merveilleux de chaque instant, d’une véritable « mythologie moderne
848 u décor des capitales, créatrice d’un merveilleux de chaque instant, d’une véritable « mythologie moderne ». Le Paysan de
849 es, créatrice d’un merveilleux de chaque instant, d’ une véritable « mythologie moderne ». Le Paysan de Paris est une suite
850 d’une véritable « mythologie moderne ». Le Paysan de Paris est une suite de promenades dont la composition n’est pas sans
851 logie moderne ». Le Paysan de Paris est une suite de promenades dont la composition n’est pas sans rappeler celle des Nuit
852 mposition n’est pas sans rappeler celle des Nuits d’ octobre de Nerval ; forme qui permet à l’auteur de divaguer de la phil
853 d’octobre de Nerval ; forme qui permet à l’auteur de divaguer de la philosophie au lyrisme le plus échevelé en passant par
854 Nerval ; forme qui permet à l’auteur de divaguer de la philosophie au lyrisme le plus échevelé en passant par la descript
855 n passant par la description réaliste ou imaginée d’ une boîte de nuit, d’une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le
856 r la description réaliste ou imaginée d’une boîte de nuit, d’une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le meilleur liv
857 ription réaliste ou imaginée d’une boîte de nuit, d’ une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de l’a
858 ou imaginée d’une boîte de nuit, d’une devanture, d’ un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de l’auteur d’Anicet. C
859 d’un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de l’auteur d’Anicet. C’est pourtant un des plus significatifs du romant
860 ublic. Ce n’est pas le meilleur livre de l’auteur d’ Anicet. C’est pourtant un des plus significatifs du romantisme nouveau
861 e, un Nerval sans pudeur, un Musset ivre non plus de vin de France, mais d’alcools pleins de démons, de drogues peut-être
862 erval sans pudeur, un Musset ivre non plus de vin de France, mais d’alcools pleins de démons, de drogues peut-être mortell
863 r, un Musset ivre non plus de vin de France, mais d’ alcools pleins de démons, de drogues peut-être mortelles. ab. Rouge
864 non plus de vin de France, mais d’alcools pleins de démons, de drogues peut-être mortelles. ab. Rougemont Denis de, « 
865 e vin de France, mais d’alcools pleins de démons, de drogues peut-être mortelles. ab. Rougemont Denis de, « [Compte ren
866 ogues peut-être mortelles. ab. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Louis Aragon, Le Paysan de Paris  », Bibliothèque u
867 enis de, « [Compte rendu] Louis Aragon, Le Paysan de Paris  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, janvie
868 an de Paris  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, janvier 1927, p. 123-124.
28 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Barbey, La Maladère (février 1927)
869 ladère (février 1927)ac « Quel admirable sujet de roman, écrit Gide, au bout de quinze ans, de vingt ans de vie conjuga
870 ujet de roman, écrit Gide, au bout de quinze ans, de vingt ans de vie conjugale, la décristallisation progressive et récip
871 , écrit Gide, au bout de quinze ans, de vingt ans de vie conjugale, la décristallisation progressive et réciproque des con
872 ait que Beyle appelait cristallisation une fièvre d’ imagination qui orne de beautés illusoires l’objet de l’amour. Mais le
873 cristallisation une fièvre d’imagination qui orne de beautés illusoires l’objet de l’amour. Mais les jeunes gens de ce tem
874 magination qui orne de beautés illusoires l’objet de l’amour. Mais les jeunes gens de ce temps ne cultivent point cette fi
875 lusoires l’objet de l’amour. Mais les jeunes gens de ce temps ne cultivent point cette fièvre. Et comme la morale ne sait
876 vre. Et comme la morale ne sait plus leur imposer de feindre encore ce que le cœur ne ressent plus, il suffit de quelques
877 encore ce que le cœur ne ressent plus, il suffit de quelques mois aux jeunes époux de la Maladère pour se déprendre de le
878 plus, il suffit de quelques mois aux jeunes époux de la Maladère pour se déprendre de leurs rêves. Un malentendu grandit e
879 aux jeunes époux de la Maladère pour se déprendre de leurs rêves. Un malentendu grandit entre eux dans leur isolement, ine
880 e qu’un mot, un geste décisif, ou certaine amitié de la saison suffirait à dissiper le charme perfide qui les tourmente. M
881 ais il faudrait d’abord qu’ils se soient délivrés d’ eux-mêmes pour que ce mot, ce geste, soient possibles. C’est d’Armande
882 our que ce mot, ce geste, soient possibles. C’est d’ Armande surtout qu’on les attendrait, plus franche d’allure. On ne sai
883 rmande surtout qu’on les attendrait, plus franche d’ allure. On ne sait ce qui la retient : son amour ? son manque d’amour 
884 e sait ce qui la retient : son amour ? son manque d’ amour ? Pour Jacques, il souffre d’une incurable adolescence, d’un déf
885 r ? son manque d’amour ? Pour Jacques, il souffre d’ une incurable adolescence, d’un défaitisme sentimental qui l’empêtre d
886 Jacques, il souffre d’une incurable adolescence, d’ un défaitisme sentimental qui l’empêtre de réticences, et le fait joue
887 scence, d’un défaitisme sentimental qui l’empêtre de réticences, et le fait jouer bien maladroitement son rôle d’homme… « 
888 es, et le fait jouer bien maladroitement son rôle d’ homme… « Captif de sa propre jeunesse. » C’est ici un autre sujet du r
889 er bien maladroitement son rôle d’homme… « Captif de sa propre jeunesse. » C’est ici un autre sujet du roman, qui se mêle
890 tte analyse trahit Barbey : son art est justement de voiler les intentions du récit et de les exprimer seulement par un ge
891 st justement de voiler les intentions du récit et de les exprimer seulement par un geste, une nuance du paysage, une image
892 es moyens qu’il parvient à une certaine puissance de l’effet, aux dernières pages. Il règne dans la Maladère une étrange h
893 iolence, autour de ces êtres dont la détresse est d’ autant plus cruelle qu’elle est contenue sous des dehors trop polis. U
894 us des dehors trop polis. Une fois fermé le livre de Barbey, on oublie la justesse de son analyse pour n’évoquer plus que
895 s fermé le livre de Barbey, on oublie la justesse de son analyse pour n’évoquer plus que des visions où se condense le sen
896 os, c’était un parc avant l’orage, le rose sombre d’ une joue brûlante et fraîche dans le vent. Et dans la Maladère, un arb
897 uvrant le manoir perdu, des fumées sur un paysage d’ hiver et soudain sous la lueur d’un incendie, deux visages tordus de p
898 s sur un paysage d’hiver et soudain sous la lueur d’ un incendie, deux visages tordus de passion. Cette fin est admirable,
899 sous la lueur d’un incendie, deux visages tordus de passion. Cette fin est admirable, dont la brutalité si longtemps dési
900 la brutalité si longtemps désirée délivre Jacques d’ un passé obsédant, d’une jeunesse trop complaisante à son tourment.
901 emps désirée délivre Jacques d’un passé obsédant, d’ une jeunesse trop complaisante à son tourment. ac. Rougemont Denis
902 mplaisante à son tourment. ac. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Bernard Barbey, La Maladère  », Bibliothèque univer
903 La Maladère  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, février 1927, p. 256.
29 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Montclar (février 1927)
904 mmes, écrire ne soit que le recensement passionné de leur vie, ou l’aveu déguisé d’une insatisfaction qu’elle leur laisse.
905 ensement passionné de leur vie, ou l’aveu déguisé d’ une insatisfaction qu’elle leur laisse. Montclar est l’auteur de vers
906 action qu’elle leur laisse. Montclar est l’auteur de vers de jeunesse auxquels il ne tient guère, et l’on comprend que ce
907 u’elle leur laisse. Montclar est l’auteur de vers de jeunesse auxquels il ne tient guère, et l’on comprend que ce journal
908 joindra dans l’armoire aux souvenirs. Cette façon de ne pas y tenir, qu’il manifeste en toute occasion de sa vie est peut-
909 ne pas y tenir, qu’il manifeste en toute occasion de sa vie est peut-être ce qui nous le rend le plus sympathique. « Offic
910 ux ? » pour lui, comme pour Barnabooth, il s’agit de « déjouer le complot de la commodité ». Mais plus voluptueux que phil
911 our Barnabooth, il s’agit de « déjouer le complot de la commodité ». Mais plus voluptueux que philosophe, c’est à l’amour
912 r la souffrance indispensable au perfectionnement de son âme. Et qu’importe si les Allemands qui, fréquente sontae, pour n
913 isir, un peu plus viennois que naturel s’il parle de choses d’art comme on fait dans Proust, si les passions qu’il nous pe
914 eu plus viennois que naturel s’il parle de choses d’ art comme on fait dans Proust, si les passions qu’il nous peint sont i
915 Il se connaît assez pour savoir ce qui est en lui de l’homme même, ou de l’amateur distingué, — et ne peut pas nous trompe
916 pour savoir ce qui est en lui de l’homme même, ou de l’amateur distingué, — et ne peut pas nous tromper là-dessus. Il se c
917 s tromper là-dessus. Il se connaît avec une sorte de froideur que l’on dirait désintéressée si elle n’avait pour effet de
918 n dirait désintéressée si elle n’avait pour effet de souligner, plus que ses succès, certaines faiblesses qu’il recherche
919 faiblesses qu’il recherche secrètement, parce que de ces « ratages » naît le perpétuel besoin d’évasion qui est la conditi
920 e que de ces « ratages » naît le perpétuel besoin d’ évasion qui est la condition de son progrès moral. C’est ainsi qu’il c
921 e perpétuel besoin d’évasion qui est la condition de son progrès moral. C’est ainsi qu’il consent, non sans une impercepti
922 , non sans une imperceptible satisfaction, l’aveu d’ une fondamentale indifférence du cœur qui contraste avec une vie volup
923 etites blessures. Ce n’est pas le moins troublant d’ une telle vie, cette sagesse un peu sombre qui s’en dégage, sagesse qu
924 r est un lien sans durée. Seules la souffrance ou de secrètes anomalies ont un pouvoir d’éternité. » Il est juste, ce me s
925 ouffrance ou de secrètes anomalies ont un pouvoir d’ éternité. » Il est juste, ce me semble, d’insister sur ce qui forme da
926 pouvoir d’éternité. » Il est juste, ce me semble, d’ insister sur ce qui forme dans le récit de cette vie comme une arrière
927 semble, d’insister sur ce qui forme dans le récit de cette vie comme une arrière-pensée inquiète et un peu hautaine. Que l
928 e inquiète et un peu hautaine. Que la composition de cette réminiscence soit assez facile et « artiste » on hésite à en fa
929 site à en faire reproche à l’auteur. Cette espèce de modestie de l’allure est rare autant que sympathique, dans le temps q
930 ire reproche à l’auteur. Cette espèce de modestie de l’allure est rare autant que sympathique, dans le temps que sévit l’i
931 ant, qu’elle ne laisse point oublier que ce livre d’ une résonance si humaine, est mieux que charmant, — douloureux et dési
932 involte, glacé, passionné. ad. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Guy de Pourtalès, Montclar  », Bibliothèque univers
933 s, Montclar  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, février 1927, p. 257. ae. Il manque sans doute un mo
934 927, p. 257. ae. Il manque sans doute un morceau de phrase dans l’édition originale.
30 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Ô toi que j’eusse aimée… (mars 1927)
935 1927)af M. Edmond Jaloux offre l’exemple rare d’ un homme que son évolution naturelle a rapproché, dans sa maturité, de
936 té, des jeunes générations, en sorte que l’espèce de romantisme à la Nerval auquel il aboutit coïncide avec un mouvement d
937 ses jeunes contemporains, et qu’il vient appuyer de son autorité de critique et surtout de son expérience déjà riche de r
938 emporains, et qu’il vient appuyer de son autorité de critique et surtout de son expérience déjà riche de romancier. Son re
939 nt appuyer de son autorité de critique et surtout de son expérience déjà riche de romancier. Son regard se promène sur le
940 critique et surtout de son expérience déjà riche de romancier. Son regard se promène sur le même monde où se plaisent nos
941 s, mais il garde une certaine discrétion, cet air de rêverie d’un homme qui en sait long… Et, certes, il faut être un peu
942 garde une certaine discrétion, cet air de rêverie d’ un homme qui en sait long… Et, certes, il faut être un peu mage pour p
943 es avec cette mélancolique grâce. Si quelques-uns de ses bijoux sont taillés comme ceux de Giraudoux, j’y vois un signe ch
944 uelques-uns de ses bijoux sont taillés comme ceux de Giraudoux, j’y vois un signe charmant d’amitié de l’aîné au plus jeun
945 mme ceux de Giraudoux, j’y vois un signe charmant d’ amitié de l’aîné au plus jeune, lequel envoie l’un de ses personnages
946 de Giraudoux, j’y vois un signe charmant d’amitié de l’aîné au plus jeune, lequel envoie l’un de ses personnages pour reme
947 mitié de l’aîné au plus jeune, lequel envoie l’un de ses personnages pour remercier ; (pouvait-il mieux trouver qu’un René
948 va pas s’attabler au café en face des personnages de Jaloux. Et peut-être que la comtesse Rezzovitch a rencontré M. Paul M
949 dû le trouver un peu froid, n’aura pas été tentée de lui faire ces confidences qu’elle livre si facilement au héros plus c
950 t au héros plus confiant et secrètement incertain de ce roman. À la veille de se marier, Jérôme Parseval, journaliste pari
951 et secrètement incertain de ce roman. À la veille de se marier, Jérôme Parseval, journaliste parisien, rencontre une femme
952 incarne aussitôt à ses yeux tout ce qu’il attend de l’amour. Une confidence, un baiser, et il ne la reverra jamais. Il ai
953 sa femme, « mais comme on aime une petite maison de province quand on a failli hériter de Chenonceaux ». Peu à peu l’imag
954 tite maison de province quand on a failli hériter de Chenonceaux ». Peu à peu l’image d’Irène Rezzovitch s’idéalise et gag
955 ailli hériter de Chenonceaux ». Peu à peu l’image d’ Irène Rezzovitch s’idéalise et gagne la puissance d’une merveilleuse o
956 Irène Rezzovitch s’idéalise et gagne la puissance d’ une merveilleuse obsession. Il lui écrit de longues lettres, sans les
957 ssance d’une merveilleuse obsession. Il lui écrit de longues lettres, sans les envoyer. Il apprend sa mort, et qu’elle l’a
958 rd’hui un réalisme discret mais précis et le sens de ce qu’il y a en nous d’essentiel, de ce qui détermine nos actes avant
959 et mais précis et le sens de ce qu’il y a en nous d’ essentiel, de ce qui détermine nos actes avant que la raison n’intervi
960 s et le sens de ce qu’il y a en nous d’essentiel, de ce qui détermine nos actes avant que la raison n’intervienne, mouveme
961 tes avant que la raison n’intervienne, mouvements de nos passions à nous-mêmes inavoués, rêves éveillés. Tout un système d
962 s-mêmes inavoués, rêves éveillés. Tout un système de valeurs lyriques et sentimentales que la raison ignore ou tyrannise a
963 ère à ce devoir sacré ». M. Jaloux évite le péril d’ un réalisme trop amer et celui du roman lyrique, par l’équilibre qu’il
964 itent des personnages spirituellement dessinés un de ces drames tout intérieurs dont il dit : « Personne ne peut juger du
965 , pas même eux ». Dans ce roman, comme dans l’Âge d’ or, un désenchantement profond prend le masque d’une aimable mélancoli
966 d’or, un désenchantement profond prend le masque d’ une aimable mélancolie. C’est la sourde tristesse des choses qui vous
967 dues, aveux incompris, et peut-être, un quiproquo de destinées… Le tragique du peut-être ; (comme dans l’une des dernières
968 ut-être ; (comme dans l’une des dernières phrases de Sylvie : « Là était le bonheur, peut-être… »). Mais le ton reste si l
969 onde et délicieuse, gagnera à son auteur beaucoup d’ amis inconnus. af. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Edmond Jalo
970 beaucoup d’amis inconnus. af. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Edmond Jaloux, Ô toi que j’eusse aimée…  », Bibliot
971 usse aimée…  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mars 1927, p. 387-388.
31 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Notre inquiétude (avril 1927)
972 rise moderne. M. Daniel-Rops unit en lui à l’état de velléités contradictoires que son intelligence très nuancée maintient
973 intelligence très nuancée maintient en une sorte d’ instable équilibre, les tendances que ses contemporains ont poussées à
974 contemporains ont poussées à l’extrême avec moins de prudence mais aussi de lucidité. Séduit par Gide ; admirant Maurras s
975 ées à l’extrême avec moins de prudence mais aussi de lucidité. Séduit par Gide ; admirant Maurras sans l’aimer ; saluant e
976 ré par les thèses extrémistes mais non dépourvues d’ une sombre grandeur, des surréalistes, et en même temps par cette solu
977 ette inquiétude qui fait la grandeur et la misère de l’époque — et qu’il avoue préférer à une certitude trop vite atteinte
978 irections générales. « Hamlétisme », pouvoir aigu d’ analyse qui conduit à la dispersion autant qu’à l’approfondissement du
979 sion autant qu’à l’approfondissement du moi, soif de tout et pourtant mépris de tout, procédant d’un goût de l’absolu à la
980 dissement du moi, soif de tout et pourtant mépris de tout, procédant d’un goût de l’absolu à la fois mystique et anarchiqu
981 oif de tout et pourtant mépris de tout, procédant d’ un goût de l’absolu à la fois mystique et anarchique : ce sont bien le
982 t et pourtant mépris de tout, procédant d’un goût de l’absolu à la fois mystique et anarchique : ce sont bien les grands t
983 ue et anarchique : ce sont bien les grands traits de notre inquiétude. (Mais peut-être M. Rops a-t-il trop négligé le rôle
984 e extérieur, que je crois décisif, des conditions de la vie moderne.) Après avoir défini quelques « positions en face de l
985 les plus parfaites qui s’offrent aux jeunes gens d’ aujourd’hui. Il constate que l’une (celle de Gide) ne fait que différe
986 gens d’aujourd’hui. Il constate que l’une (celle de Gide) ne fait que différer notre inquiétude, tandis que l’autre « ne
987 angoisse qu’en y substituant ce qui ne vient que de Dieu : la Foi ». Acculée à la rigueur d’un choix presque impossible,
988 ient que de Dieu : la Foi ». Acculée à la rigueur d’ un choix presque impossible, notre incertitude paraît sans remède. Mai
989 , M. Daniel-Rops n’a-t-il pas cédé à la tentation de créer des dilemmes irréductibles, suprême et inconsciente ruse d’un i
990 emmes irréductibles, suprême et inconsciente ruse d’ un inquiet qui veut le rester ? Ces deux solutions peuvent se résumer
991 foi. Dès lors sont-elles vraiment les deux termes d’ un dilemme, l’une n’étant que le chemin qui mène à l’autre ? Car la fo
992 ue le chemin qui mène à l’autre ? Car la foi naît de l’inquiétude autant que de la grâce, et régénère sans cesse l’inquiét
993 utre ? Car la foi naît de l’inquiétude autant que de la grâce, et régénère sans cesse l’inquiétude autant que la sérénité…
994 autant que la sérénité… Au reste, n’est-elle pas de M. Rops lui-même, cette phrase qui formule admirablement les exigence
995 ui formule admirablement les exigences conjointes de l’inquiétude et de la foi : « Si tu as trouvé Dieu, il te reste à le
996 ement les exigences conjointes de l’inquiétude et de la foi : « Si tu as trouvé Dieu, il te reste à le chercher encore… »
997 te à le chercher encore… » ag. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Daniel-Rops, Notre inquiétude  », Bibliothèque univ
998 inquiétude  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, avril 1927, p. 563-564.
32 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Lecache, Jacob (mai 1927)
999 ci un livre dur et sans grâces, qui ne manque pas d’ une beauté assez brutale, pour nous choquer et s’imposer pourtant. M.
1000 un tailleur, biblique, austère et probe, qui n’a d’ ambition que pour ses enfants. Jacob, l’aîné se révolte. Sensualité, i
1001 ité : les caractères se résument dans son avidité de puissance. C’est par l’argent qu’on domine notre âge : il devient gra
1002 ssure sa fortune au prix du peu cynique reniement de ses origines. Le vieux père s’effondre de honte et de douleur. « On v
1003 niement de ses origines. Le vieux père s’effondre de honte et de douleur. « On vend de l’étoffe… eux ils se vendent ! » Ma
1004 es origines. Le vieux père s’effondre de honte et de douleur. « On vend de l’étoffe… eux ils se vendent ! » Mais Jacob a r
1005 père s’effondre de honte et de douleur. « On vend de l’étoffe… eux ils se vendent ! » Mais Jacob a renié ses parents, non
1006 eu juif, prend une âpre rapidité avec l’ascension de Jacob et ses luttes. On pardonne bon nombre de platitudes et de vulga
1007 on de Jacob et ses luttes. On pardonne bon nombre de platitudes et de vulgarités pour les derniers chapitres, denses, viol
1008 s luttes. On pardonne bon nombre de platitudes et de vulgarités pour les derniers chapitres, denses, violents, et dont le
1009 , on connaît mon orgueil : osez donc me condamner d’ être plus fort que cette bourgeoisie fatiguée, et de suivre le destin
1010 être plus fort que cette bourgeoisie fatiguée, et de suivre le destin que vous m’avez assigné à force de m’humilier et de
1011 que vous m’avez assigné à force de m’humilier et de me craindre. » ah. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Bernard Le
1012 ilier et de me craindre. » ah. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Bernard Lecache, Jacob  », Bibliothèque universelle
1013 ache, Jacob  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1927, p. 689-690.
33 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, La Mort difficile (mai 1927)
1014 Crevel, La Mort difficile (mai 1927)ai Le jeu de tout dire est une des plus tragiques inventions de l’inquiétude actue
1015 e tout dire est une des plus tragiques inventions de l’inquiétude actuelle. Sous couleur de démasquer l’humain, et par l’a
1016 é qu’on y apporte, l’on en vient à une conception de la sincérité qui me paraît proprement inhumaine. Tout dire, vraiment 
1017 inhumaine. Tout dire, vraiment ? C’est l’exigence d’ une détresse cachée ; elle fait bientôt considérer toute joie comme il
1018 sincérité ne serait-elle à son tour que le masque d’ un goût du malheur ? Le sujet profond de ce roman, où l’on voit commen
1019 le masque d’un goût du malheur ? Le sujet profond de ce roman, où l’on voit comment Pierre en vient à sacrifier Diane, son
1020 écrivait Mon Corps et Moi. Quand l’analyse féroce de Crevel fouille les pensées de Pierre ou de Diane, les gestes d’Arthur
1021 nd l’analyse féroce de Crevel fouille les pensées de Pierre ou de Diane, les gestes d’Arthur, le roman vit et nous touche
1022 féroce de Crevel fouille les pensées de Pierre ou de Diane, les gestes d’Arthur, le roman vit et nous touche par la force
1023 lle les pensées de Pierre ou de Diane, les gestes d’ Arthur, le roman vit et nous touche par la force de ce tourment ou de
1024 ’Arthur, le roman vit et nous touche par la force de ce tourment ou de ce sauvage égoïsme ; mais qu’elle s’acharne sur le
1025 vit et nous touche par la force de ce tourment ou de ce sauvage égoïsme ; mais qu’elle s’acharne sur le détail dégoûtant e
1026 elle s’acharne sur le détail dégoûtant et mesquin de certain milieu bourgeois, et l’on voit bien que l’auteur n’est pas en
1027 n voit bien que l’auteur n’est pas encore détaché de la matière pour en tirer une œuvre d’art. La sincérité audacieuse mai
1028 ore détaché de la matière pour en tirer une œuvre d’ art. La sincérité audacieuse mais sans bravade qui donne à ce livre sa
1029 mais sans bravade qui donne à ce livre sa valeur de document humain, nuit à sa valeur littéraire. Je n’aime guère ce styl
1030 ttéraire. Je n’aime guère ce style abstrait, semé de redites et d’expressions toutes faites qui trahissent une écriture hâ
1031 ’aime guère ce style abstrait, semé de redites et d’ expressions toutes faites qui trahissent une écriture hâtive. Mais il
1032 ent une écriture hâtive. Mais il y a dans l’œuvre de René Crevel un sens de la douleur et un sérieux humain qui forcent la
1033 . Mais il y a dans l’œuvre de René Crevel un sens de la douleur et un sérieux humain qui forcent la sympathie. ai. Roug
1034 qui forcent la sympathie. ai. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] René Crevel, La Mort difficile  », Bibliothèque uni
1035 t difficile  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1927, p. 690.
34 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Éluard, Capitale de la douleur (mai 1927)
1036 Paul Éluard, Capitale de la douleur (mai 1927)aj Nocturnes aux caresses coupantes comme cer
1037 resses coupantes comme certaines herbes. Capitale de la douleurak, ce sont de belles syllabes sereines, et dans cette vill
1038 rtaines herbes. Capitale de la douleurak, ce sont de belles syllabes sereines, et dans cette ville, Éluard est le plus séd
1039 s noctambules. Rêves éveillés, entre deux gorgées d’ un élixir dont il voudrait bien nous faire croire que le diable est l’
1040 faire croire que le diable est l’auteur. Beaucoup d’ oiseaux volètent, se balancent au bord des verres, se posent sur les c
1041 cent au bord des verres, se posent sur les cordes d’ une lyre dont ils font grésiller l’accord, une patte en l’air, becquèt
1042 l’accord, une patte en l’air, becquètent le cœur d’ une femme qui va les étrangler doucement. Ces vers sont de jolies flèc
1043 mme qui va les étrangler doucement. Ces vers sont de jolies flèches empoisonnées. Quelque chose, tout de même, de laqué, d
1044 lèches empoisonnées. Quelque chose, tout de même, de laqué, d’élégant, de « bien français » ; et le mot sang n’évoque ici
1045 oisonnées. Quelque chose, tout de même, de laqué, d’ élégant, de « bien français » ; et le mot sang n’évoque ici qu’une tac
1046 Quelque chose, tout de même, de laqué, d’élégant, de « bien français » ; et le mot sang n’évoque ici qu’une tache de coule
1047 çais » ; et le mot sang n’évoque ici qu’une tache de couleur, plus sentimental que cruel. « J’ai la beauté facile et c’est
1048 sque pas sa blessure. Mais c’est ici qu’il s’agit de ne pas confondre inexplicable avec incompréhensible. aj. Rougemont
1049 ble avec incompréhensible. aj. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Paul Éluard, Capitale de la douleur  », Bibliothèqu
1050 Denis de, « [Compte rendu] Paul Éluard, Capitale de la douleur  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, m
1051 la douleur  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1927, p. 693-694. ak. En romain dans l’édition o
35 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Drieu la Rochelle, La Suite dans les idées (mai 1927)
1052 chelle, La Suite dans les idées (mai 1927)al «  De quoi s’agit-il ? de détruire ou de rafistoler ? » Entre ces deux tent
1053 s les idées (mai 1927)al « De quoi s’agit-il ? de détruire ou de rafistoler ? » Entre ces deux tentations, cédant à l’u
1054 i 1927)al « De quoi s’agit-il ? de détruire ou de rafistoler ? » Entre ces deux tentations, cédant à l’une autant qu’à
1055 un ? Non, enfin un. Tous les autres y ont apporté de secrètes complaisances, ou une arrière-pensée d’apologie, ou même sim
1056 de secrètes complaisances, ou une arrière-pensée d’ apologie, ou même simplement un besoin d’être aimés qui faussaient leu
1057 e-pensée d’apologie, ou même simplement un besoin d’ être aimés qui faussaient leurs voix pour les rendre plus touchantes.
1058 une saine rudesse. « Il s’examine jusqu’au ventre de sa mère et cognoit que dès lors il a esté corrompu et infect et adonn
1059 te » qui révèle encore dans le fond quelque chose de solide, d’authentique. J’aime cette violence de redressement où je di
1060 vèle encore dans le fond quelque chose de solide, d’ authentique. J’aime cette violence de redressement où je distingue bie
1061 e de solide, d’authentique. J’aime cette violence de redressement où je distingue bien autre chose que les « éclats de l’i
1062 où je distingue bien autre chose que les « éclats de l’impuissance ». Un plus délicat eut compris que certains des morceau
1063 hique. Et puis, tout de même, on est bien heureux de rencontrer chez les jeunes écrivains français un homme qui ait à ce p
1064 ains français un homme qui ait à ce point le sens de l’époque, une vision si claire et si tragique de la civilisation d’Oc
1065 de l’époque, une vision si claire et si tragique de la civilisation d’Occident. Les questions capitales posées ailleurs d
1066 ision si claire et si tragique de la civilisation d’ Occident. Les questions capitales posées ailleurs depuis longtemps par
1067 nce par quelques jeunes gens. Il faut louer Drieu d’ avoir échappé au surréalisme en tant qu’il n’est que le triomphe de la
1068 u surréalisme en tant qu’il n’est que le triomphe de la littérature sur la vie, mais d’avoir su en garder une passion pour
1069 ue le triomphe de la littérature sur la vie, mais d’ avoir su en garder une passion pour la pureté, un « jusqu’au boutisine
1070 ion, — et je sais bien que c’est là un des signes de sa décadence. Il y a du chirurgien chez ce soldat devenu « scribe » e
1071 utal : mais faisons-lui confiance, voici un homme d’ aujourd’hui, presque sans pose, et décidé à mépriser le bluff. al.
1072 écidé à mépriser le bluff. al. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Pierre Drieu la Rochelle, La Suite dans les idées  
1073 s les idées  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 1927, p. 694.
36 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur des femmes (juillet 1927)
1074 sympathique Paterne. Sous le fallacieux prétexte d’ une flânerie de saison, vous vous attardez aux terrasses des cafés. Pe
1075 terne. Sous le fallacieux prétexte d’une flânerie de saison, vous vous attardez aux terrasses des cafés. Peut-être va-t-el
1076 voici Pierre Girard : lui seul connaît l’adresse de Patsy, mais il ne veut pas vous la donner. Alors pour vous venger, vo
1077 aphiques vous fatigue ; que c’est une vraie manie de nommer à tout propos d’Annunzio, Pola Negri, Charly Clerc, Mrs. Balfo
1078 que c’est une vraie manie de nommer à tout propos d’ Annunzio, Pola Negri, Charly Clerc, Mrs. Balfour. Vous parlez de « pro
1079 la Negri, Charly Clerc, Mrs. Balfour. Vous parlez de « procédés lassants ». Pierre Girard n’écoute plus : il pense à des V
1080 e globe dans son voyage « est arrivé à un endroit de l’éther où il y a du bonheur ». Vous reconnaissez que Pierre Girard e
1081 nnaissez que Pierre Girard est un peu responsable de cette douceur de vivre. Déjà vous ne niez plus sa drôlerie, son aisan
1082 re Girard est un peu responsable de cette douceur de vivre. Déjà vous ne niez plus sa drôlerie, son aisance. Vous accordez
1083 ance. Vous accordez que s’il force un peu la dose de fantaisie, c’est plutôt par excès de facilité que par recherche. Vous
1084 peu la dose de fantaisie, c’est plutôt par excès de facilité que par recherche. Vous voilà même tenté de l’en féliciter.
1085 facilité que par recherche. Vous voilà même tenté de l’en féliciter. Bien plus, vous découvrez dans ses fantoches une mali
1086 proche M. Piquedon de Buibuis, qui parle toujours de Weber… Mais au fait, si vous n’aviez pas lu ce livre ? Ah ! sans hési
1087 vre ? Ah ! sans hésiter, je vous ferais un devoir de ce plaisir. Un devoir !… Car hélas, l’on n’est pas impunément concito
1088 … Car hélas, l’on n’est pas impunément concitoyen de cet oncle Abraham qui interdit à Paterne son neveu de fumer le matin,
1089 et oncle Abraham qui interdit à Paterne son neveu de fumer le matin, de sortir la nuit, et qui lui fait jurer sur la Bible
1090 i interdit à Paterne son neveu de fumer le matin, de sortir la nuit, et qui lui fait jurer sur la Bible de ne pas entrer d
1091 ortir la nuit, et qui lui fait jurer sur la Bible de ne pas entrer dans les cafés. Et puis, c’est égal, ce soir, tout cela
1092 es désertes glisse un grand souffle oblique plein de fraîcheur et de pardon. » am. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
1093 se un grand souffle oblique plein de fraîcheur et de pardon. » am. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Pierre Girard,
1094 fraîcheur et de pardon. » am. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur des femmes
1095 des femmes  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juillet 1927, p. 114-115.
37 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean-Louis Vaudoyer, Premières amours (août 1927)
1096 (août 1927)an Ces trois nouvelles n’ont guère de commun entre elles que la forme : ce sont de lentes réminiscences, de
1097 uère de commun entre elles que la forme : ce sont de lentes réminiscences, des évocations intérieures, — et dans l’abandon
1098 , des évocations intérieures, — et dans l’abandon de leurs méandres, peu à peu, se précisent les circonstances d’une avent
1099 andres, peu à peu, se précisent les circonstances d’ une aventure ancienne. Entre hier et demain : Une femme « encore jeun
1100 t demain : Une femme « encore jeune » se souvient d’ un danseur de ses 20 ans, d’une aventure qui aurait pu être… Un homme
1101 e femme « encore jeune » se souvient d’un danseur de ses 20 ans, d’une aventure qui aurait pu être… Un homme médite à côté
1102 e jeune » se souvient d’un danseur de ses 20 ans, d’ une aventure qui aurait pu être… Un homme médite à côté du corps de so
1103 i aurait pu être… Un homme médite à côté du corps de son ami suicidé pour une femme qu’ils ont aimé tous deux (L’Amie du M
1104 ous deux (L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le récit d’ un été de vacances, quand les premières inquiétudes du désir viennent
1105 (L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le récit d’un été de vacances, quand les premières inquiétudes du désir viennent troubler
1106 premières inquiétudes du désir viennent troubler de ravissantes amours d’adolescents. Et c’est Un vieil été. Cette nouvel
1107 du désir viennent troubler de ravissantes amours d’ adolescents. Et c’est Un vieil été. Cette nouvelle, très supérieure au
1108 eux autres, est une réussite rare par la justesse de l’observation autant que par la sympathie de l’auteur pour ses héros.
1109 esse de l’observation autant que par la sympathie de l’auteur pour ses héros. Indulgence et regrets, un ton qui permet le
1110 i permet le tact dans la hardiesse. On reste ravi de tant d’adresse sous un air de facilité qui serait presque de la nonch
1111 le tact dans la hardiesse. On reste ravi de tant d’ adresse sous un air de facilité qui serait presque de la nonchalance.
1112 esse. On reste ravi de tant d’adresse sous un air de facilité qui serait presque de la nonchalance. M. Vaudoyer ressuscite
1113 dresse sous un air de facilité qui serait presque de la nonchalance. M. Vaudoyer ressuscite ces adolescences avec une tend
1114 lescences avec une tendre minutie, avec une sorte d’ amoureuse application du souvenir, d’une séduction certaine. C’est un
1115 ec une sorte d’amoureuse application du souvenir, d’ une séduction certaine. C’est un art de détails ; mais si délicat et d
1116 souvenir, d’une séduction certaine. C’est un art de détails ; mais si délicat et d’une si subtile convenance avec son obj
1117 ine. C’est un art de détails ; mais si délicat et d’ une si subtile convenance avec son objet qu’il en saisit sans mièvreri
1118  ; l’évocation toute nervalienne en sa nostalgie, de la jeune étrangère dont on rêve à 15 ans ; et voici ce je ne sais quo
1119 réalité ressuscitée… » Sachons gré à M. Vaudoyer d’ avoir su donner à ces œuvrettes une si exquise humanité : par lui le «
1120 » reprend quelques droits. an. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Jean-Louis Vaudoyer, Premières amours  », Bibliothè
1121 ères amours  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, août 1927, p. 244-245.
38 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Rainer Maria Rilke (décembre 1927)
1122 anique, il faudra opposer l’excellent petit livre d’ Edmond Jaloux. C’est un recueil de divers articles et essais, dont cer
1123 ent petit livre d’Edmond Jaloux. C’est un recueil de divers articles et essais, dont certains — le Message de Rilke — sont
1124 rs articles et essais, dont certains — le Message de Rilke — sont du meilleur Jaloux, de ce Jaloux qui sait parler mieux q
1125 — le Message de Rilke — sont du meilleur Jaloux, de ce Jaloux qui sait parler mieux que personne des poètes scandinaves e
1126 loux, qui a rencontré plusieurs fois Rilke, trace de lui un portrait qu’on dirait, en peinture, très « interprété ». Non p
1127 . Non pas une photographie morale, mais une sorte de synthèse de l’homme et de l’homme dans son œuvre, qui est peut-être p
1128 e photographie morale, mais une sorte de synthèse de l’homme et de l’homme dans son œuvre, qui est peut-être plus vraie qu
1129 morale, mais une sorte de synthèse de l’homme et de l’homme dans son œuvre, qui est peut-être plus vraie que le vrai, je
1130 enne que ne fut Rilke. Rilke y apparaît comme une de ces âmes mystiques et raffinées telles qu’on en découvre chez certain
1131 e cet univers dont je rêvais n’était pas un objet de songe mais d’expérience ». Mais une telle « expérience », je crois, n
1132 dont je rêvais n’était pas un objet de songe mais d’ expérience ». Mais une telle « expérience », je crois, ne peut être se
1133 religion qu’aux convertis — qui n’ont plus besoin de preuves. Il reste qu’un livre comme celui-ci tend un merveilleux pièg
1134 in que la sempiternelle « stratégie littéraire », de gazetiers ; au cœur de ces sujets qui paraît-il, ne sont pas d’actual
1135 « stratégie littéraire », de gazetiers ; au cœur de ces sujets qui paraît-il, ne sont pas d’actualité : la solitude, la m
1136 au cœur de ces sujets qui paraît-il, ne sont pas d’ actualité : la solitude, la maladie, la peur. ao. Rougemont Denis d
1137 tude, la maladie, la peur. ao. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Edmond Jaloux, Rainer Maria Rilke  », Bibliothèque
1138 Maria Rilke  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1927, p. 787-788.
39 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Léon Bopp, Interférences (décembre 1927)
1139 tion littéraire. Bien sûr, c’est cela, le malaise d’ écrire. Bopp est très intelligent. Et plein de verve, et pas embarrass
1140 ise d’écrire. Bopp est très intelligent. Et plein de verve, et pas embarrassé du tout pour vous lâcher un beau pavé mathém
1141 ue au milieu d’une effusion « lyrique », histoire de n’avoir pas l’air dupe. Mais il a des façons parfois bien désobligean
1142 Mais il a des façons parfois bien désobligeantes de voir juste. Et quand son bonhomme se plaint de ce que son œuvre lui a
1143 es de voir juste. Et quand son bonhomme se plaint de ce que son œuvre lui apparaît en même temps que « fatale », « si arbi
1144 u phénomène littéraire. La « Promenade » du héros de Bopp est une sorte de pensum. Cela rend peut-être moins convaincantes
1145 . La « Promenade » du héros de Bopp est une sorte de pensum. Cela rend peut-être moins convaincantes certaines de ses rema
1146 Cela rend peut-être moins convaincantes certaines de ses remarques sur l’inspiration. D’autre part la simplicité de l’obje
1147 ues sur l’inspiration. D’autre part la simplicité de l’objet était nécessaire à la sécurité de cette sorte d’analyse, — en
1148 plicité de l’objet était nécessaire à la sécurité de cette sorte d’analyse, — encore que Bopp ait prouvé dans son Amiel qu
1149 jet était nécessaire à la sécurité de cette sorte d’ analyse, — encore que Bopp ait prouvé dans son Amiel qu’il était de ta
1150 re que Bopp ait prouvé dans son Amiel qu’il était de taille à affronter d’autres dédales ! Mais il a su mettre plus de cho
1151 onter d’autres dédales ! Mais il a su mettre plus de choses qu’il n’y paraît d’abord dans ces 50 pages. Beaucoup sont exce
1152 même est une réussite. Léon Bopp, c’est le combat d’ un tempérament avec l’esprit de géométrie. Un scientisme assez insolen
1153 p, c’est le combat d’un tempérament avec l’esprit de géométrie. Un scientisme assez insolent et les joyeuses révoltes de s
1154 cientisme assez insolent et les joyeuses révoltes de sa verve « interfèrent » en lui. Et aussi (presque imperceptible, mai
1155 ète complaisance à se regarder vivre qui est bien d’ aujourd’hui — entre autres. ap. Rougemont Denis de, « [Compte rendu
1156 ujourd’hui — entre autres. ap. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Léon Bopp, Interférences  », Bibliothèque universel
1157 terférences  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1927, p. 791.
40 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Princesse Bibesco, Catherine-Paris (janvier 1928)
1158 C’est un livre sympathique ; et il vaut la peine de le dire car la chose n’est pas si fréquente dans la production actuel
1159 tion actuelle. On retrouve aux premiers chapitres de Catherine-Paris cette magie des sensations et des rêves de l’enfance
1160 ine-Paris cette magie des sensations et des rêves de l’enfance et cette féminité du sentiment, du tour de pensée même, qui
1161 l’enfance et cette féminité du sentiment, du tour de pensée même, qui faisaient déjà du Perroquet Vert un petit chef-d’œuv
1162 ient déjà du Perroquet Vert un petit chef-d’œuvre de poésie proprement romanesque, naissant des situations mêmes et non de
1163 romanesque, naissant des situations mêmes et non de dissertations lyriques à leur propos. Mais dans ce roman, il n’y a pl
1164 lus seulement la femme, avec le miracle perpétuel de sa sensibilité. Il y a encore la princesse, le témoin intelligent et
1165 e témoin intelligent et un peu ironique des cours d’ Europe à la veille de la guerre. De cette espèce de collaboration résu
1166 et un peu ironique des cours d’Europe à la veille de la guerre. De cette espèce de collaboration résultent à la fois le dé
1167 ique des cours d’Europe à la veille de la guerre. De cette espèce de collaboration résultent à la fois le défaut de compos
1168 ’Europe à la veille de la guerre. De cette espèce de collaboration résultent à la fois le défaut de composition du livre e
1169 ce de collaboration résultent à la fois le défaut de composition du livre et sa richesse. L’enfance de Catherine à Paris e
1170 de composition du livre et sa richesse. L’enfance de Catherine à Paris est du roman pur ; la tournée des cours de l’Europe
1171 e à Paris est du roman pur ; la tournée des cours de l’Europe centrale, qu’elle subit comme jeune épouse d’un comte polona
1172 Europe centrale, qu’elle subit comme jeune épouse d’ un comte polonais, grand seigneur médiatisé, vaguement prétendant au t
1173 seigneur médiatisé, vaguement prétendant au trône de Pologne, est plutôt d’un mémorialiste. Madame Bibesco y montre beauco
1174 uement prétendant au trône de Pologne, est plutôt d’ un mémorialiste. Madame Bibesco y montre beaucoup de liberté d’esprit,
1175 iste. Madame Bibesco y montre beaucoup de liberté d’ esprit, une pénétration de jugement et une ironie assez amère qui éton
1176 tre beaucoup de liberté d’esprit, une pénétration de jugement et une ironie assez amère qui étonnent de la part d’une femm
1177 e roman repart dans une troisième action (l’amour de Catherine pour un aviateur français) assez peu intéressante à vrai di
1178 à vrai dire, parce qu’elle n’est pas à l’échelle de ce qui la précède. Ces défaillances de la technique du roman sont sau
1179 l’échelle de ce qui la précède. Ces défaillances de la technique du roman sont sauvées par un style brillant, plein de tr
1180 u roman sont sauvées par un style brillant, plein de trouvailles spirituelles, malicieuses ou poétiques ; et ce n’est pas
1181 « pointes » faciles mais cela même ne manque pas de naturel… On peut regretter que ce livre ne réalise pas une synthèse p
1182 u roman et des mémoires. Mais si son début permet de croire que le Perroquet Vert ne restera pas une réussite isolée dans
1183 réussite isolée dans l’œuvre purement romanesque de la princesse Bibesco, Catherine-Paris annonce par ailleurs un mémoria
1184 eurs un mémorialiste captivant, dans la tradition d’ un Ligne par exemple. aq. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Prin
1185 on d’un Ligne par exemple. aq. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Princesse Bibesco, Catherine-Paris  », Bibliothèque
1186 erine-Paris  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, janvier 1928, p. 121-122.
41 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Marguerite Allotte de la Fuye, Jules Verne, sa vie, son œuvre (juin 1928)
1187 é la science parce qu’elle ouvre des perspectives d’ évasion — où seuls les poètes savent se perdre. Et c’est bien sa plus
1188 se perdre. Et c’est bien sa plus grande ruse que d’ avoir emprunté le véhicule à la mode pour conduire des millions de lec
1189 le véhicule à la mode pour conduire des millions de lecteurs dans un monde purement fantaisiste où les équations tyranniq
1190 ntaisiste où les équations tyranniques deviennent de merveilleux calembours, où les savants sont réellement dans la lune,
1191 ndent au fond des mers adorer la Liberté et jouer de l’orgue sous les yeux de poulpes géants. Jules Verne a véritablement
1192 la poésie. Et l’on ne veut voir que jolis livres d’ étrennes dans les œuvres du plus grand créateur de mythes modernes, du
1193 d’étrennes dans les œuvres du plus grand créateur de mythes modernes, du seul écrivain dont l’influence soit comparable à
1194 ma ! Claretie raconte que les détenus des maisons de correction se jetaient sur ces volumes « au travers desquels ils resp
1195 mes dans une civilisation qui, selon l’expression de Jules Verne désabusé « emprunte l’aspect d’une nécessité » (et dans l
1196 ssion de Jules Verne désabusé « emprunte l’aspect d’ une nécessité » (et dans la bouche de ce libertaire, cela constituait
1197 nte l’aspect d’une nécessité » (et dans la bouche de ce libertaire, cela constituait un jugement !) Serons-nous longtemps
1198 n jugement !) Serons-nous longtemps encore dupes d’ une conception de la littérature si pédante qu’elle exclut un de nos p
1199 rons-nous longtemps encore dupes d’une conception de la littérature si pédante qu’elle exclut un de nos plus grands conteu
1200 on de la littérature si pédante qu’elle exclut un de nos plus grands conteurs sous prétexte qu’il n’est styliste ni psycho
1201 ateau. Pour ce coup, voilà qui ne m’empêchera pas d’ y monter, il suffit que cet obsédant capitaine Nemo soit à bord, je so
1202 ’est autre que La Liberté. ar. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Marguerite Allotte de La Fuÿe, Jules Verne, sa vie,
1203 , son œuvre  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juin 1928, p. 768-769.
42 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Aragon, Traité du style (août 1928)
1204 tyle (août 1928)as Ce n’est pas le seul talent de M. Aragon qui le rendrait digne à mes yeux, de considération. J’admir
1205 nt de M. Aragon qui le rendrait digne à mes yeux, de considération. J’admire autant le talent de celui qui mène 60 parties
1206 yeux, de considération. J’admire autant le talent de celui qui mène 60 parties d’échecs simultanément, et c’est naturel :
1207 ire autant le talent de celui qui mène 60 parties d’ échecs simultanément, et c’est naturel : je m’en avoue plus éloigné et
1208 avorisent par leurs écrits. Aragon, qui a le sens de l’amour, a dit conséquemment beaucoup de choses vraies (belles). Il e
1209 cent célébrités locales. (Quant à Goethe, traité de clown, cela ne va pas loin.) C’est une belle rage (ô combien partagée
1210 e ne ment pas ; ce livre traite du style, à coups d’ exemples qui méritent de l’être. Et l’on voit bien ici qu’Aragon dépas
1211 traite du style, à coups d’exemples qui méritent de l’être. Et l’on voit bien ici qu’Aragon dépasse ces surréalistes, ces
1212 u’Aragon dépasse ces surréalistes, ces orthodoxes de l’absurde confondu avec le poétique, ou ces disciples de Rimbaud, ou
1213 surde confondu avec le poétique, ou ces disciples de Rimbaud, ou enfin ces littérateurs antilittéraires, ces « Messieurs l
1214 urne sans cesse pour crier : Lâches, vous refusez d’ avancer ! Mais il reste à portée de voix du troupeau. C’est sans doute
1215 , vous refusez d’avancer ! Mais il reste à portée de voix du troupeau. C’est sans doute son rôle. Il le tient magnifiqueme
1216 i enfin valent le respect. as. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Aragon, Traité du style  », Bibliothèque universell
1217 té du style  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, août 1928, p. 1034.
43 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Naville, La Révolution et les intellectuels (novembre 1928)
1218 ers écrits des surréalistes débattent la question de savoir s’ils vont se taire ou non. Mais leur silence ne doit pas entr
1219 ne doit pas entraîner, à leur point de vue, celui d’ autrui sur eux-mêmes. Ils se tournent donc naturellement vers l’action
1220 mes en France — vers la politique. Or ces ennemis de toute littérature voient leurs avances dédaignées par les communistes
1221 eurs avances dédaignées par les communistes, gens d’ action à jugements simples, qui les trouvent trop littérateurs. Rien d
1222 simples, qui les trouvent trop littérateurs. Rien d’ étonnant à cela dans une époque où les valeurs de l’esprit sont en pra
1223 d’étonnant à cela dans une époque où les valeurs de l’esprit sont en pratique universellement méprisées. Mais les surréal
1224 plus qu’ils ne le croient. Certes il était urgent de faire la critique de « cette réalité de premier plan qui nous empêche
1225 ient. Certes il était urgent de faire la critique de « cette réalité de premier plan qui nous empêche de bouger », comme d
1226 it urgent de faire la critique de « cette réalité de premier plan qui nous empêche de bouger », comme dit fort bien M. Bre
1227 « cette réalité de premier plan qui nous empêche de bouger », comme dit fort bien M. Breton. Mais à condition d’aller plu
1228 , comme dit fort bien M. Breton. Mais à condition d’ aller plus loin et de prendre une connaissance positive de ce qu’il y
1229 M. Breton. Mais à condition d’aller plus loin et de prendre une connaissance positive de ce qu’il y a sous cette réalité.
1230 plus loin et de prendre une connaissance positive de ce qu’il y a sous cette réalité. Il est certain que s’ils avaient le
1231 lité. Il est certain que s’ils avaient le courage de se soumettre au concret de l’esprit, ils comprendraient que le « serv
1232 ils avaient le courage de se soumettre au concret de l’esprit, ils comprendraient que le « service dans le temple » s’acco
1233 que le « service dans le temple » s’accommode mal de tant de gesticulations, de gros mots et de discours en très beau styl
1234 mple » s’accommode mal de tant de gesticulations, de gros mots et de discours en très beau style contre un monde très laid
1235 de mal de tant de gesticulations, de gros mots et de discours en très beau style contre un monde très laid dont ils n’ont
1236 à chatouiller le snobisme. at. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Pierre Naville, La Révolution et les intellectuels
1237 tellectuels  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, novembre 1928, p. 1410.
44 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, Les Conquérants (décembre 1928)
1238 ux, Les Conquérants (décembre 1928)au Ce récit de la révolution cantonaise en 1925 nous place au nœud du monde moderne 
1239 oderne : on y voit s’affronter en quelques hommes d’ action les forces caractéristiques du temps — argent, races — et ses r
1240 ts qui fait opter ces chefs pour l’une ou l’autre de ces attitudes. (Elles ne sont pas essentiellement contradictoires : e
1241 ontradictoires : elles représentent deux manières de sentir l’unité d’une époque obsédée d’action.) Autour de ces individu
1242 lles représentent deux manières de sentir l’unité d’ une époque obsédée d’action.) Autour de ces individus — Chinois nation
1243 x manières de sentir l’unité d’une époque obsédée d’ action.) Autour de ces individus — Chinois nationalistes ou terroriste
1244 Juifs russes méthodiques — s’émeuvent les masses de coolies, d’ouvriers armés, toute cette Chine qui s’éveille au sein mê
1245 s méthodiques — s’émeuvent les masses de coolies, d’ ouvriers armés, toute cette Chine qui s’éveille au sein même de la lut
1246 més, toute cette Chine qui s’éveille au sein même de la lutte qui met aux prises l’Europe et le monde du Pacifique. On ret
1247 etrouvera ici beaucoup des idées que la Tentation de l’Occident exprimait sous une forme abstraite et poétique. Mais cette
1248 cteurs du drame, l’aspect quotidien et mystérieux d’ une révolution de rues, ou la palpitation inquiétante des villes chino
1249 l’aspect quotidien et mystérieux d’une révolution de rues, ou la palpitation inquiétante des villes chinoises, Malraux fai
1250 iétante des villes chinoises, Malraux fait preuve d’ un art du détail où se révèle le vrai romancier. On serait parfois ten
1251 révèle le vrai romancier. On serait parfois tenté de le rapprocher de Morand, mais il est plus nerveux, sans doute aussi p
1252 mancier. On serait parfois tenté de le rapprocher de Morand, mais il est plus nerveux, sans doute aussi plus sensible. Et
1253 , admirablement objectif, est aussi, mais à coups de faits, une discussion d’idées. Il est surtout la description d’une an
1254 est aussi, mais à coups de faits, une discussion d’ idées. Il est surtout la description d’une angoisse que le nihilisme d
1255 discussion d’idées. Il est surtout la description d’ une angoisse que le nihilisme de M. Malraux veut sans issues : l’angoi
1256 ut la description d’une angoisse que le nihilisme de M. Malraux veut sans issues : l’angoisse que fait naître au cœur du m
1257 naître au cœur du monde contemporain l’absurdité de ses ambitions. Écoutons Garine, l’un de ces chefs (c’est lui qui parl
1258 absurdité de ses ambitions. Écoutons Garine, l’un de ces chefs (c’est lui qui parle au nom de l’auteur, je pense) : « Il m
1259 nnaire ou autre — rêvée par tant de jeunes hommes de l’après-guerre, Malraux l’a vécue, avant de la décrire ; et cet aveu
1260 raux l’a vécue, avant de la décrire ; et cet aveu de Garine est décisif : « La Révolution… tout ce qui n’est pas elle est
1261 ainsi que, masqué par l’enchaînement passionnant de l’action, il se dégage de ce roman un désespoir sec, sans grimace. Ce
1262 nchaînement passionnant de l’action, il se dégage de ce roman un désespoir sec, sans grimace. Cette intelligence et cette
1263 telligence et cette sensibilité ont quelque chose de trop aigu, de dangereux. Mais qu’elles s’appliquent à distinguer les
1264 cette sensibilité ont quelque chose de trop aigu, de dangereux. Mais qu’elles s’appliquent à distinguer les forces détermi
1265 ’appliquent à distinguer les forces déterminantes de l’heure, à les exprimer en un tel drame, et voici André Malraux au pr
1266 romanciers contemporains. au. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] André Malraux, Les Conquérants  », Bibliothèque uni
1267 Conquérants  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1928, p. 1547-1548.
45 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Louis II de Bavière ou Hamlet-Roi (décembre 1928)
1268 ère ou Hamlet-Roi (décembre 1928)av L’histoire de Louis II exalte et déçoit l’imagination. On comprend que ce doux-amer
1269 is ne l’ait point trompé : « Avec son beau regard de rêve, — lit-on dans l’Ennemi des Lois — son expression amoureuse du s
1270 ession amoureuse du silence et cet ensemble idéal d’ étudiant assidu aux sociétés de musique… » Barrès cherchait dans ses c
1271 cet ensemble idéal d’étudiant assidu aux sociétés de musique… » Barrès cherchait dans ses châteaux en Espagne lamentableme
1272 n Espagne lamentablement réalisés les témoignages de l’éthique de cet « illustre réfractaire ». N’est-ce point trop demand
1273 entablement réalisés les témoignages de l’éthique de cet « illustre réfractaire ». N’est-ce point trop demander à une exis
1274 échec même ne relève pas, et qui tire sa grandeur de celle du décor ? Guy de Pourtalès n’hésite pas à baptiser son héros «
1275 rtalès n’hésite pas à baptiser son héros « prince de l’illusion et de la solitude ». Mais un prince rêveur n’est pas forcé
1276 as à baptiser son héros « prince de l’illusion et de la solitude ». Mais un prince rêveur n’est pas forcément prince du rê
1277 rs ce livre sait bien le laisser voir. La qualité de l’illusion dont se nourrit Louis II n’est ni aussi pure ni aussi rare
1278 t qu’il l’a pu, étant roi. Il offre ainsi l’image d’ un romantisme assez morose ; mais à grande échelle. M. de Pourtalès a
1279 Pourtalès a su rehausser le tableau avec beaucoup d’ adresse et de charme : Wagner et Nietzsche lui fournissent deux tons f
1280 u rehausser le tableau avec beaucoup d’adresse et de charme : Wagner et Nietzsche lui fournissent deux tons fermes dont le
1281 de. Louis II, ce chimérique, disposait par hasard de moyens d’action puissants : s’il les a gâchés, c’est qu’il a eu peur,
1282 II, ce chimérique, disposait par hasard de moyens d’ action puissants : s’il les a gâchés, c’est qu’il a eu peur, et s’il a
1283 a eu peur c’est qu’il n’a pas su aimer. Le sujet de Liszt et de Chopin, c’était l’amour, donc la douleur ; ici, c’est l’a
1284 ’est qu’il n’a pas su aimer. Le sujet de Liszt et de Chopin, c’était l’amour, donc la douleur ; ici, c’est l’absence d’amo
1285 t l’amour, donc la douleur ; ici, c’est l’absence d’ amour, par refus de souffrir. Mais chez un être raffiné, la peur d’étr
1286 douleur ; ici, c’est l’absence d’amour, par refus de souffrir. Mais chez un être raffiné, la peur d’étreindre aboutit à l’
1287 s de souffrir. Mais chez un être raffiné, la peur d’ étreindre aboutit à l’amour de soi dans « l’illusion ». Sachons gré à
1288 re raffiné, la peur d’étreindre aboutit à l’amour de soi dans « l’illusion ». Sachons gré à M. de Pourtalès de ce qu’il pr
1289 ans « l’illusion ». Sachons gré à M. de Pourtalès de ce qu’il préfère parler d’illusion là où nos psychiatres proposeraien
1290 gré à M. de Pourtalès de ce qu’il préfère parler d’ illusion là où nos psychiatres proposeraient de moins jolis mots ; mai
1291 er d’illusion là où nos psychiatres proposeraient de moins jolis mots ; mais ce n’est pas la moindre habileté du biographe
1292 as un problème aisé : Guy de Pourtalès l’a résolu d’ une façon fort adroite mais non moins franche. av. Rougemont Denis
1293 te mais non moins franche. av. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Guy de Pourtalès, Louis II de Bavière ou Hamlet-Roi
1294 Hamlet-Roi  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1928, p. 1549.
46 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Le Prince menteur (décembre 1928)
1295 Le Prince menteur (décembre 1928)aw Au hasard d’ une rencontre, l’auteur de ce récit se lie avec un inconnu qui se dit
1296 re 1928)aw Au hasard d’une rencontre, l’auteur de ce récit se lie avec un inconnu qui se dit prince russe et entretient
1297 il aime à raconter certaines scènes terrifiantes de la révolution : il a été condamné à mort, il s’est évadé, on le traqu
1298 le jeune Français par ces évocations et l’espèce de fièvre qu’il y apporte. Mais plusieurs incidents éveillent les soupço
1299 e Français reçoit une lettre trouvée sur le corps de son ami suicidé, pathétique confession qui doit expliquer sa mort et
1300 inclusivement, n’étonnera pas ceux qui ont connu de semblables mythomanes. Le cas méritait d’être exposé. Je regrette seu
1301 t connu de semblables mythomanes. Le cas méritait d’ être exposé. Je regrette seulement que Daniel-Rops se soit borné à une
1302 le, d’ailleurs assez dense, et dont le mérite est d’ être simple et précise dans l’exposé, sans rien simplifier ni préciser
1303 e caractère. Daniel-Rops voit bien que l’épithète de mythomane n’épuise pas une question dont l’importance dépasse celle d
1304 e celle du cas pathologique. Il y a dans ce culte de la mythomanie qu’on a vu sévir parmi certains milieux d’avant-garde u
1305 ythomanie qu’on a vu sévir parmi certains milieux d’ avant-garde une confusion assez tragique, parce qu’elle constitue une
1306 itue une tentation pour tous les poètes. Le désir de « plus vrai que le vrai » surexcité par l’insolence d’une psychologie
1307 plus vrai que le vrai » surexcité par l’insolence d’ une psychologie qui rabaisse tout, peut conduire à préférer un mensong
1308 un mensonge qui n’est, hélas, qu’une déformation de cette réalité détestée. Le mythomane brouille les cartes mais reste d
1309 ses mensonges exigent, il se reconnaît tributaire de la « vérité trop évidente » ; alors qu’il la faudrait, sans rien faus
1310 rien fausser, transcender… aw. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Daniel-Rops, Le Prince menteur  », Bibliothèque uni
1311 nce menteur  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décembre 1928, p. 1553.
47 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme (janvier 1929)
1312 légèrement absurde en face d’un récit comme celui d’ Anderson : voici un homme qui raconte sa vie avec une émouvante simpli
1313 te simplicité et il faudrait avoir la grossièreté de lui répondre d’un air connaisseur que c’est bien composé. J’avoue pre
1314 il faudrait avoir la grossièreté de lui répondre d’ un air connaisseur que c’est bien composé. J’avoue prendre cette autob
1315 onné du passage où il rappelle qu’il écrit la vie d’ un homme de lettres. En réalité, on ne le voit pas encore apparaître s
1316 sage où il rappelle qu’il écrit la vie d’un homme de lettres. En réalité, on ne le voit pas encore apparaître sous cet asp
1317 ces deux premiers tomes, où il décrit des scènes de son enfance et de sa jeunesse comme ouvrier. L’art d’Anderson est éto
1318 tomes, où il décrit des scènes de son enfance et de sa jeunesse comme ouvrier. L’art d’Anderson est étonnant d’apparente
1319 on enfance et de sa jeunesse comme ouvrier. L’art d’ Anderson est étonnant d’apparente simplicité. Le récit s’avance à une
1320 esse comme ouvrier. L’art d’Anderson est étonnant d’ apparente simplicité. Le récit s’avance à une allure libre et tranquil
1321 -saxonne et peu à peu entraîne tout un branle-bas d’ évocations hautes en couleur, de rêves, de visages, tandis que ç[à] et
1322 out un branle-bas d’évocations hautes en couleur, de rêves, de visages, tandis que ç[à] et là s’ouvrent des perspectives s
1323 nle-bas d’évocations hautes en couleur, de rêves, de visages, tandis que ç[à] et là s’ouvrent des perspectives saisissante
1324 e des nécessités modernes, dégradantes. Cet amour de l’invention romanesque considérée comme une revanche de la poésie — m
1325 nvention romanesque considérée comme une revanche de la poésie — mais à Chicago on doit appeler ça du bluff — fait de lui
1326 mais à Chicago on doit appeler ça du bluff — fait de lui sans doute le plus méridional des conteurs américains. Avec cela,
1327 onteurs américains. Avec cela, un réalisme, plein de verdeur et souvent d’amertume. Mais là où d’autres placeraient le cou
1328 ec cela, un réalisme, plein de verdeur et souvent d’ amertume. Mais là où d’autres placeraient le couplet humanitariste, lu
1329 autre souvenir. Qui parmi nous sait encore parler de sa mère avec cette virile et religieuse tendresse ? C’est un Chinois,
1330 cain qui viennent nous rapprendre que les sources de la poésie sont dans notre maison. Voici un de ces passages où il sait
1331 ces de la poésie sont dans notre maison. Voici un de ces passages où il sait être, avec sa verve doucement comique, si émo
1332 cette époque je croyais fortement en l’existence d’ une espèce de secrète et à peu près universelle conspiration pour insi
1333 je croyais fortement en l’existence d’une espèce de secrète et à peu près universelle conspiration pour insister sur la l
1334 pour insister sur la laideur. “C’est une frasque de gosses à laquelle nous nous livrons, voilà tout, moi et les autres”,
1335 e que si je m’approchais tout à coup par-derrière d’ un homme ou d’une femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se s
1336 approchais tout à coup par-derrière d’un homme ou d’ une femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se secouerait enfi
1337 nous en irions bras dessus, bras dessous en riant de nous-mêmes et de tout le reste, nous amusant comme des fous ». Mais n
1338 as dessus, bras dessous en riant de nous-mêmes et de tout le reste, nous amusant comme des fous ». Mais non, on ne le seco
1339 era pas, ce cauchemar, ce monde moderne, ce monde de fous qui n’ont plus que leur raison, ce monde où l’on ne sait plus cr
1340 lles, ce monde qui devient impuissant. Impossible d’ évoquer un personnage précis pour lui faire endosser le blâme, mais co
1341 endosser le blâme, mais comme l’homme nommé Ford, de Détroit, a contribué davantage que n’importe quel autre de mon temps
1342 t, a contribué davantage que n’importe quel autre de mon temps à faire aboutir la standardization à sa fin logique, ne pou
1343 l pas être considéré un jour comme le grand tueur de son époque ? Rendre impuissant c’est à coup sûr tuer. Or on parle de
1344 dre impuissant c’est à coup sûr tuer. Or on parle de l’élever à la présidence de la République. Qu’un tel acte serait adéq
1345 sûr tuer. Or on parle de l’élever à la présidence de la République. Qu’un tel acte serait adéquat ! Tamerlan, dont la spéc
1346 sous lui conservassent la virilité et le respect de soi était de son temps le souverain du monde. Tamerlan pour les ancie
1347 servassent la virilité et le respect de soi était de son temps le souverain du monde. Tamerlan pour les anciens. Ford pour
1348 ernes. Quelle décadence ! ax. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un ho
1349 is un homme  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, janvier 1929, p. 123-124.
48 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Saisir (juin 1929)
1350 pervielle, Saisir (juin 1929)ay Ce petit livre de poèmes est comme une initiation au silence. Il faut s’en approcher av
1351 isser créer en nous son silence particulier avant d’ entendre les signes qu’il nous propose. Une telle poésie n’offre aux s
1352 ropose. Une telle poésie n’offre aux sens que peu d’ images (à peine quelques « motifs », objets usuels et usés, sur la nua
1353 tifs », objets usuels et usés, sur la nuance mate d’ un paravent chinois). Ce qu’elle décrit, ce sont des perceptions de l’
1354 nois). Ce qu’elle décrit, ce sont des perceptions de l’âme plus que de l’esprit ou des sens. « Reste immobile et sache att
1355 décrit, ce sont des perceptions de l’âme plus que de l’esprit ou des sens. « Reste immobile et sache attendre que ton cœur
1356 mmobile et sache attendre que ton cœur se détache de toi comme une lourde pierre. » Le corps, que l’âme quitte, redevient
1357 minéral, statue dans le silence « aux yeux gelés de rêverie », il se confond avec l’ombre du monde. Et l’âme peut enfin «
1358 une autre lumière : « Tout semblait vivre au fond d’ un insistant regard. » Le poète des Gravitations est ici descendu plus
1359 itre ! « Saisir » n’est-ce point l’acte essentiel de la poésie ? Toute poésie véritable n’est-elle pas proprement « saisis
1360 e » ? Mais le plus émouvant, c’est ici l’approche d’ un silence partout pressenti, qui s’impose, qui apaise le vain débat d
1361 pressenti, qui s’impose, qui apaise le vain débat de notre esprit : « Car l’on pense beaucoup trop haut, et cela fait un v
1362 ait un vacarme terrible. » ay. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Jules Supervielle, Saisir  », Bibliothèque universe
1363 lle, Saisir  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juin 1929, p. 762-763.
49 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cassou, La Clef des songes (août 1929)
1364 éger, un peu plus profond que le vrai, où l’Éloge de la folie nous entraînait naguère. Jean Cassou vagabonde à travers ses
1365 res avec lesquels il n’hésite pas à faire un bout de chemin, Hans le gardeur d’oies, le gueux Joseph qui parle à son chien
1366 te pas à faire un bout de chemin, Hans le gardeur d’ oies, le gueux Joseph qui parle à son chien en mourant, une fille qui
1367 fait les mêmes, des bonheurs qui signifient plus de désespoir qu’ils ne s’en doutent… C’est un dévergondage sentimental,
1368 doutent… C’est un dévergondage sentimental, plein de malices et d’envies de pleurer. Quel dommage qu’il s’égare parfois da
1369 un dévergondage sentimental, plein de malices et d’ envies de pleurer. Quel dommage qu’il s’égare parfois dans les maisons
1370 gondage sentimental, plein de malices et d’envies de pleurer. Quel dommage qu’il s’égare parfois dans les maisons des gran
1371 ais bien vite un intermède bouffon, impossible et d’ une désopilante poésie nous replonge dans une atmosphère autre, où les
1372 es personnages ont cet air un peu ivre et capable de n’importe quoi, cet air dangereux et tendre que prennent les hommes e
1373 ages du livre, un peu amers… On voudrait un livre de Cassou qui ne serait fait que de ces intermèdes ; pur de tout souci d
1374 oudrait un livre de Cassou qui ne serait fait que de ces intermèdes ; pur de tout souci de vraisemblance extérieure ; qui
1375 ou qui ne serait fait que de ces intermèdes ; pur de tout souci de vraisemblance extérieure ; qui ne serait qu’invention,
1376 it fait que de ces intermèdes ; pur de tout souci de vraisemblance extérieure ; qui ne serait qu’invention, qui inventerai
1377 nvention, qui inventerait sa vérité. Ce serait un de ces miracles de liberté dont nous avons besoin pour croire que le mon
1378 venterait sa vérité. Ce serait un de ces miracles de liberté dont nous avons besoin pour croire que le monde actuel n’est
1379 as un cas désespéré. Mais voici déjà dans l’œuvre de Jean Cassou, et singulièrement dans ce livre, beaucoup de ces petites
1380 re, beaucoup de ces petites merveilles qui valent de gros romans « bien faits ». Car il y a toujours assez de vérité dans
1381 romans « bien faits ». Car il y a toujours assez de vérité dans une histoire où il y a de la poésie. az. Rougemont Den
1382 jours assez de vérité dans une histoire où il y a de la poésie. az. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Jean Cassou, L
1383 re où il y a de la poésie. az. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Jean Cassou, La Clef des songes  », Bibliothèque un
1384 des songes  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, août 1929, p. 248-249.
50 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Rolland de Renéville, Rimbaud le voyant (août 1929)
1385 eignaient les upanishads et la tentative poétique de Rimbaud, l’on s’étonne qu’il ait fallu plus d’un demi-siècle pour qu’
1386 ue de Rimbaud, l’on s’étonne qu’il ait fallu plus d’ un demi-siècle pour qu’une telle interprétation voie le jour. Cela pou
1387 étation voie le jour. Cela pourrait donner lieu à de mélancoliques réflexions sur le génie « poétique » français… Mais non
1388 français… Mais non, nous préférons voir ici l’un de ces signes qui de toutes parts annoncent une rentrée de l’âme dans la
1389 signes qui de toutes parts annoncent une rentrée de l’âme dans la littérature la plus spirituelle du monde. La thèse que
1390 pirituelle du monde. La thèse que défend l’auteur de cet essai — la voyance de Rimbaud — est une de ces évidences qu’il es
1391 èse que défend l’auteur de cet essai — la voyance de Rimbaud — est une de ces évidences qu’il est bon de proposer à la réf
1392 ur de cet essai — la voyance de Rimbaud — est une de ces évidences qu’il est bon de proposer à la réflexion de notre temps
1393 Rimbaud — est une de ces évidences qu’il est bon de proposer à la réflexion de notre temps, ne fût-ce que pour faite hont
1394 vidences qu’il est bon de proposer à la réflexion de notre temps, ne fût-ce que pour faite honte à ceux qui sont encore ca
1395 pour faite honte à ceux qui sont encore capables d’ une telle honte, de leur indifférence à l’endroit de l’être le plus mo
1396 ceux qui sont encore capables d’une telle honte, de leur indifférence à l’endroit de l’être le plus monstrueusement pur q
1397 eusement pur qui se soit révélé par le truchement de la poésie française. — Livre un peu didactique, trop attentif à sa pr
1398 é par cet enthousiasme sacré que requiert l’œuvre de Rimbaud. Regrettons seulement qu’il n’élargisse pas plus une question
1399 ssi centrale — qui est, si l’on veut, la question d’ Orient-Occident. Et pourquoi cette hostilité de sectaire contre l’inte
1400 on d’Orient-Occident. Et pourquoi cette hostilité de sectaire contre l’interprétation proposée par Claudel et Isabelle Rim
1401 baud ? Si Claudel s’est montré partial en faisant de Rimbaud, « mystique à l’état sauvage », un catholique qui s’ignore, i
1402 olique qui s’ignore, il n’est pas plus admissible d’ inférer du mépris de Rimbaud pour le catholicisme à son mépris pour la
1403 il n’est pas plus admissible d’inférer du mépris de Rimbaud pour le catholicisme à son mépris pour la révélation évangéli
1404 évélation évangélique. Je ne vois là que l’indice d’ une confusion bien française, hélas. ba. Rougemont Denis de, « [Com
1405 ion bien française, hélas. ba. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] André Rolland de Renéville, Rimbaud le voyant  », B
1406 d le voyant  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, août 1929, p. 250-251. bb. Le féminin est ici conser
51 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Julien Benda, La Fin de l’Éternel (novembre 1929)
1407 Julien Benda, La Fin de l’Éternel (novembre 1929)bc Ce n’est plus l’heure de venir prendre
1408 ternel (novembre 1929)bc Ce n’est plus l’heure de venir prendre position dans un débat où les voix les mieux écoutées o
1409 les avaient à dire. Et d’autre part, les lecteurs de cette revue connaissent la thèse de la Trahison des Clercs 11, thèse
1410 les lecteurs de cette revue connaissent la thèse de la Trahison des Clercs 11, thèse dont la Fin de l’Éternel ne fait que
1411 e de la Trahison des Clercs 11, thèse dont la Fin de l’Éternel ne fait que reprendre la défense contre ses adversaires de
1412 t que reprendre la défense contre ses adversaires de tous bords. Je voudrais souligner seulement la beauté de l’effort dés
1413 bords. Je voudrais souligner seulement la beauté de l’effort désintéressé de Julien Benda, et l’obligation où nous sommes
1414 gner seulement la beauté de l’effort désintéressé de Julien Benda, et l’obligation où nous sommes tous désormais de répond
1415 da, et l’obligation où nous sommes tous désormais de répondre pour nous-mêmes à sa mise en demeure. Je suis loin de partag
1416 emeure. Je suis loin de partager toutes les idées de M. Benda, sur le plan philosophique en particulier, où je me sens bie
1417 son tour quand il tire argument contre une thèse de M. Marcel de ce qu’elle « mène loin… dans l’ordre moral ». Et quand c
1418 nd il tire argument contre une thèse de M. Marcel de ce qu’elle « mène loin… dans l’ordre moral ». Et quand cela serait !
1419 t, de plus impertinents que moi ne manqueront pas de faire observer que la « fin de l’éternel », la chute de l’idée dans l
1420 ne manqueront pas de faire observer que la « fin de l’éternel », la chute de l’idée dans la matière, est un phénomène exa
1421 re observer que la « fin de l’éternel », la chute de l’idée dans la matière, est un phénomène exactement aussi vieux que l
1422 a un sophiste en M. Benda, un polémiste qui joue de la raison ratiocinante tout comme si elle n’était pas le contraire de
1423 nante tout comme si elle n’était pas le contraire de la Raison de Spinoza. Nul mieux que lui ne s’entend définir et classe
1424 mme si elle n’était pas le contraire de la Raison de Spinoza. Nul mieux que lui ne s’entend définir et classer choses et i
1425 t-à-dire fausses mais claires, qui lui permettent de triompher syllogistiquement de l’adversaire, sinon de la difficulté e
1426 qui lui permettent de triompher syllogistiquement de l’adversaire, sinon de la difficulté elle-même. Mais pour gênante que
1427 riompher syllogistiquement de l’adversaire, sinon de la difficulté elle-même. Mais pour gênante que soit souvent son adres
1428 e. Mais pour gênante que soit souvent son adresse de logicien, elle ne doit pas nous masquer l’audace tranquille et admira
1429 pas nous masquer l’audace tranquille et admirable de son point de vue radicalement antimoderne, parce que désintéressé. C’
1430 re, c’est l’impossible. Mais justement, la gloire de M. Benda sera d’avoir soutenu que l’humanité a besoin qu’on lui deman
1431 sible. Mais justement, la gloire de M. Benda sera d’ avoir soutenu que l’humanité a besoin qu’on lui demande l’impossible.
1432 e croirait n’en avoir plus besoin. Cet extrémisme de la pensée intemporelle, en butte aux sarcasmes des extrémistes de dro
1433 emporelle, en butte aux sarcasmes des extrémistes de droite et de gauche, n’en apparaît que plus pur. « Noms de clowns qui
1434 butte aux sarcasmes des extrémistes de droite et de gauche, n’en apparaît que plus pur. « Noms de clowns qui me viennent
1435 et de gauche, n’en apparaît que plus pur. « Noms de clowns qui me viennent l’esprit : Julien Benda… », écrit Aragon. Et D
1436 ons sont exactement celles qu’il fallait attendre de ces auteurs. Ce qu’on ne viendra pas disputer à M. Benda, c’est son d
1437 ndra pas disputer à M. Benda, c’est son dur amour de la vérité tout court. Celle-là même qui paraît anarchique dans un mon
1438 . Rien, pas même la religion. 11. Cf. l’article de M. Daniel Halévy (décembre 1927) et la réponse de M. Benda (janvier 1
1439 de M. Daniel Halévy (décembre 1927) et la réponse de M. Benda (janvier 1928). bc. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] J
1440 de M. Benda (janvier 1928). bc. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Julien Benda, La Fin de l’Éternel  », Bibliothèque
1441 t Denis de, « [Compte rendu] Julien Benda, La Fin de l’Éternel  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, no
1442 e l’Éternel  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, novembre 1929, p. 638-639.
52 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henri Michaux, Mes propriétés (mars 1930)
1443 ent riantes, au premier coup d’œil, assez dénuées de ces effets faciles qu’on aime à ménager dans un jardin à la française
1444 teur qui n’imite personne court bientôt le risque de s’imiter soi-même : il semble au contraire qu’Henry Michaux, en se ca
1445 hement dans ses propriétés, y découvre sans cesse de nouvelles sources. Il défriche et il fabrique, soit qu’il se décrive
1446 il fabrique, soit qu’il se décrive comme un lieu de miracles le plus souvent malencontreux, ou qu’il invente des animaux
1447 aux dont la complexité ne le cède en rien à celle de l’introspection la plus poussée. Il invente aussi des mots et en fait
1448 lus poussée. Il invente aussi des mots et en fait de courts poèmes d’une divertissante et parfois émouvante bizarrerie (Mo
1449 nvente aussi des mots et en fait de courts poèmes d’ une divertissante et parfois émouvante bizarrerie (Mort d’un Page). Ce
1450 vertissante et parfois émouvante bizarrerie (Mort d’ un Page). Cependant je préfère ses proses : il y a ici plus qu’une man
1451 t neuve, dans laquelle l’âme, agissant à la façon d’ une force physique, déforme et recrée le réel à son gré. Seule compte
1452 ntérieure, mais elle apparaît toujours sous forme d’ objets. Ce comique triste, ces imaginations délirantes mais parfaiteme
1453 délirantes mais parfaitement concrètes, ces tours de phrases d’une familiarité bourrue mais raffinée, cette ivresse verbal
1454 mais parfaitement concrètes, ces tours de phrases d’ une familiarité bourrue mais raffinée, cette ivresse verbale jugulée p
1455 rivia de Logan Pearsall Smith — je n’avais pas lu de livre où s’exprimât avec une pareille sécurité dans l’insolite, ce qu
1456 ue » et de plus quotidien. bd. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Henri Michaux, Mes propriétés  », Bibliothèque univ
1457 propriétés  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mars 1930, p. 384.
53 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Kikou Yamata, Saisons suisses (mars 1930)
1458 accueillir du premier regard, dans un matin plein de mouettes — « Un beau bruit d’ailes me fait un ciel » — la vaporeuse b
1459 dans un matin plein de mouettes — « Un beau bruit d’ ailes me fait un ciel » — la vaporeuse beauté du lac de Neuchâtel. Mll
1460 es me fait un ciel » — la vaporeuse beauté du lac de Neuchâtel. Mlle Kikou Yamata a su le voir aussi « gris et ardent sous
1461 mps liquide et glacé, balançant parmi les roseaux d’ une baie ses poules d’eaux noires. Il y fallait cette féminité ingénue
1462 balançant parmi les roseaux d’une baie ses poules d’ eaux noires. Il y fallait cette féminité ingénue et précieuse, toujour
1463 cieuse, toujours prête à épouser tout le sensible d’ un paysage pour peu qu’elle y découvre une secrète parenté de l’âme. K
1464 e pour peu qu’elle y découvre une secrète parenté de l’âme. Kikou Yamata peint la Suisse avec un pinceau « fait du poil de
1465 ta peint la Suisse avec un pinceau « fait du poil de novembre des chamois ». On s’émerveille de le voir, dans sa main rapi
1466 u poil de novembre des chamois ». On s’émerveille de le voir, dans sa main rapide et minutieuse, décrire la vallée du jeun
1467 se, décrire la vallée du jeune Rhin ou les pentes de Chésières en les parant d’une grâce malicieuse et sensuelle dont nos
1468 une Rhin ou les pentes de Chésières en les parant d’ une grâce malicieuse et sensuelle dont nos yeux helvètes les croyaient
1469 s… Cette charmante « japanisation » est rehaussée d’ une douzaine de lithographies de Meili. Ce peintre se montre plus occi
1470 nte « japanisation » est rehaussée d’une douzaine de lithographies de Meili. Ce peintre se montre plus occidental dans les
1471 n » est rehaussée d’une douzaine de lithographies de Meili. Ce peintre se montre plus occidental dans les beaux volumes pl
1472 tre plus occidental dans les beaux volumes pleins de ces paysages, que dans ses dessins, dont Kikou Yamata a dit ailleurs
1473 curieusement nipponne. Quelle admirable maîtrise de sa technique ! Et qui eût pensé qu’avec un jeu de noirs et de gris l’
1474 de sa technique ! Et qui eût pensé qu’avec un jeu de noirs et de gris l’on pût recréer toute la ferveur d’un coucher de so
1475 que ! Et qui eût pensé qu’avec un jeu de noirs et de gris l’on pût recréer toute la ferveur d’un coucher de soleil. Des fo
1476 oirs et de gris l’on pût recréer toute la ferveur d’ un coucher de soleil. Des formes purifiées, un relief net, une heureus
1477 is l’on pût recréer toute la ferveur d’un coucher de soleil. Des formes purifiées, un relief net, une heureuse alliance de
1478 s purifiées, un relief net, une heureuse alliance de charme et de rigueur, de moelleux et de précision… À la dernière page
1479 un relief net, une heureuse alliance de charme et de rigueur, de moelleux et de précision… À la dernière page, l’artiste f
1480 t, une heureuse alliance de charme et de rigueur, de moelleux et de précision… À la dernière page, l’artiste fait une bell
1481 alliance de charme et de rigueur, de moelleux et de précision… À la dernière page, l’artiste fait une belle grimace : le
1482 lecteur ne l’imitera pas. be. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Kikou Yamata, Saisons suisses  », Bibliothèque univ
1483 ons suisses  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mars 1930, p. 385.
54 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Jullien du Breuil, Kate (avril 1930)
1484 ullien du Breuil, Kate (avril 1930)bf Ce récit d’ une élégante minceur décrit la passion d’une jeune fille de la grande
1485 Ce récit d’une élégante minceur décrit la passion d’ une jeune fille de la grande bourgeoisie pour une gamine qui lui sert
1486 gante minceur décrit la passion d’une jeune fille de la grande bourgeoisie pour une gamine qui lui sert de modèle dans son
1487 a grande bourgeoisie pour une gamine qui lui sert de modèle dans son atelier. Autour de cet incident, assez émouvant, on e
1488 amertume vague. Ceux qui ont lu la Mort difficile de René Crevel ne s’étonneront ni du sujet ni de la manière de M. Jullie
1489 ile de René Crevel ne s’étonneront ni du sujet ni de la manière de M. Jullien du Breuil. L’intérêt de ce genre de livres —
1490 evel ne s’étonneront ni du sujet ni de la manière de M. Jullien du Breuil. L’intérêt de ce genre de livres — ils se multip
1491 de la manière de M. Jullien du Breuil. L’intérêt de ce genre de livres — ils se multiplient — vient, à mon sens, de quelq
1492 re de M. Jullien du Breuil. L’intérêt de ce genre de livres — ils se multiplient — vient, à mon sens, de quelque chose qu’
1493 livres — ils se multiplient — vient, à mon sens, de quelque chose qu’ils expriment sans doute inconsciemment et qui n’est
1494 iment sans doute inconsciemment et qui n’est rien de moins qu’une conception nouvelle de l’amour-passion : il apparaît ici
1495 ui n’est rien de moins qu’une conception nouvelle de l’amour-passion : il apparaît ici sous la forme d’une obsession physi
1496 e l’amour-passion : il apparaît ici sous la forme d’ une obsession physique, parée d’une sorte de poésie fatale, où se mêle
1497 ici sous la forme d’une obsession physique, parée d’ une sorte de poésie fatale, où se mêle, selon l’auteur un peu ou pas m
1498 forme d’une obsession physique, parée d’une sorte de poésie fatale, où se mêle, selon l’auteur un peu ou pas mal de littér
1499 ale, où se mêle, selon l’auteur un peu ou pas mal de littérature. Et c’est à un tel amour qu’on va demander sa revanche co
1500 inerie morale du milieu… Étrange misère que celle d’ une génération qui, après tant de sarcasmes contre l’enfer bourgeois,
1501 de sarcasmes contre l’enfer bourgeois, n’a trouvé d’ autre salut que l’abandon à quelques obsessions sexuelles. Qui viendra
1502 obsessions sexuelles. Qui viendra rendre le sens de l’amour idéal — celui qui transfigure ? Le roman de M. Jullien de Bre
1503 l’amour idéal — celui qui transfigure ? Le roman de M. Jullien de Breuil effleure un autre problème de non moindre valeur
1504 e M. Jullien de Breuil effleure un autre problème de non moindre valeur tragique : le conflit de la jeunesse d’après-guerr
1505 blème de non moindre valeur tragique : le conflit de la jeunesse d’après-guerre et des parents. Encore un sujet qui attend
1506 indre valeur tragique : le conflit de la jeunesse d’ après-guerre et des parents. Encore un sujet qui attend son maître.
1507 jet qui attend son maître. bf. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] André Jullien du Breuil, Kate  », Bibliothèque univ
1508 reuil, Kate  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, avril 1930, p. 520.
55 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Léon Pierre-Quint, Le Comte de Lautréamont et Dieu (septembre 1930)
1509 ieu (septembre 1930)bg On ne sait presque rien de Lautréamont, sinon qu’il s’appelait Isidore Ducasse et qu’il composa
1510 année un vaste poème en prose intitulé Les Chants de Maldoror. De 1870 jusqu’à la guerre son influence fut « quasi nulle »
1511 e poème en prose intitulé Les Chants de Maldoror. De 1870 jusqu’à la guerre son influence fut « quasi nulle », et peut-êtr
1512 uteur-tabou du surréalisme. M. Pierre-Quint vient d’ écrire sur ce poète, qu’on a traité de fou et d’ange, un essai remarqu
1513 Quint vient d’écrire sur ce poète, qu’on a traité de fou et d’ange, un essai remarquable de netteté et souvent, d’indépend
1514 t d’écrire sur ce poète, qu’on a traité de fou et d’ ange, un essai remarquable de netteté et souvent, d’indépendance. Il d
1515 n a traité de fou et d’ange, un essai remarquable de netteté et souvent, d’indépendance. Il dégage le sujet de l’épopée qu
1516 ange, un essai remarquable de netteté et souvent, d’ indépendance. Il dégage le sujet de l’épopée qu’est Maldoror — la révo
1517 té et souvent, d’indépendance. Il dégage le sujet de l’épopée qu’est Maldoror — la révolte de l’homme contre son Créateur
1518 le sujet de l’épopée qu’est Maldoror — la révolte de l’homme contre son Créateur — et il analyse les principaux thèmes de
1519 on Créateur — et il analyse les principaux thèmes de l’œuvre avec une intelligence que l’on rencontre bien rarement dans l
1520 consacrés jusqu’ici à Ducasse. Ce « précurseur » d’ une certaine littérature moderne n’a fait, en somme, que reprendre, qu
1521 beaucoup plus « horrible » que celui des rêveries de certaines pubertés ; quant à l’amour, Maldoror ne paraît pas de taill
1522 ubertés ; quant à l’amour, Maldoror ne paraît pas de taille à le concevoir au-delà de sa tendresse pour les adolescents. C
1523 or ne paraît pas de taille à le concevoir au-delà de sa tendresse pour les adolescents. Ce qui le caractérise le plus fort
1524  », forcenée, jusqu’au rire dément, — ses injures de Caliban littérateur. Dans un chapitre excellent et peut-être plus aud
1525 fois de plus, l’intelligence apporte la solution d’ une hypocrisie que la révolte rend moins sympathique, certes, mais plu
1526 é son sujet. Mais pourquoi se refuse-t-il à tirer de ces remarques fort justes les conclusions qu’elles nécessitent ? Cell
1527 e autres, que Lautréamont ne va pas à la cheville de Rimbaud. (Ce n’est pas avec un Dieu pour rire que Rimbaud est aux pri
1528 r rire que Rimbaud est aux prises, et il n’a cure de cette littérature que Ducasse s’épuise à parodier.) Il semble qu’ici
1529 semble qu’ici M. Pierre-Quint, malgré la liberté d’ esprit dont il témoigne en maint endroit, se soit laissé quelque peu i
1530 amont « le maître des écluses pour la littérature de demain ». Concession un peu hâtive à une « jeunesse » déjà démodée… J
1531 jeunesse » déjà démodée… Je crois que la jeunesse d’ aujourd’hui s’éloigne plutôt de la grandiloquence « antilittéraire » e
1532 is que la jeunesse d’aujourd’hui s’éloigne plutôt de la grandiloquence « antilittéraire » et des révoltes au hasard d’un M
1533 ence « antilittéraire » et des révoltes au hasard d’ un Maldoror. Elle demande une pensée forte et orientée plutôt que ces
1534 ne pensée forte et orientée plutôt que ces éclats de voix sarcastiques, émouvants comme 93, mais où certaine bêtise trouve
1535 ce. Nous adorons ailleurs. bg. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Léon Pierre-Quint, Le Comte de Lautréamont et Dieu
1536 ont et Dieu  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, septembre 1930, p. 399-400.
56 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Voyage en Hongrie I (octobre 1930)
1537 bh à Albert Gyergyai. 1. Le dormeur au fil de l’eau Où s’asseoir ? Le pont est encombré de jambes de dormeuses ;
1538 l de l’eau Où s’asseoir ? Le pont est encombré de jambes de dormeuses ; il faudrait réveiller tant de beautés redoutabl
1539 Où s’asseoir ? Le pont est encombré de jambes de dormeuses ; il faudrait réveiller tant de beautés redoutables pour at
1540 ernière chaise libre. En bas, il y a juste autant de vieilles dames et de ministres en retraite que de fauteuils. Et on me
1541 En bas, il y a juste autant de vieilles dames et de ministres en retraite que de fauteuils. Et on me regarde. J’ai beau f
1542 de vieilles dames et de ministres en retraite que de fauteuils. Et on me regarde. J’ai beau feindre l’intérêt le plus sing
1543 en ont tant vu ! Ils aiment mieux me faire honte de mon visage gris ; leurs yeux stupides me demandent où je n’ai pas dor
1544 ordages, des chaînes, sur un banc humide, — juste de quoi s’étendre, et regarder jaillir sans fin contre soi l’eau de ce b
1545 re, et regarder jaillir sans fin contre soi l’eau de ce beau Danube jaune qui est le plus inodore des fleuves. Dormir. San
1546 . Sans avoir pu retrouver cette mélodie descendue d’ un balcon où chantait la Schumann ; sans avoir pu retrouver le nom de
1547 tait la Schumann ; sans avoir pu retrouver le nom de qui l’on a reconduit à sa villa, vers cinq heures à travers ces quart
1548 à travers ces quartiers si clairs, arbres et jets d’ eau ; sans avoir pu retrouver, des conversations de ce bal, autre chos
1549 ’eau ; sans avoir pu retrouver, des conversations de ce bal, autre chose que la phrase, l’unique phrase que Richard Straus
1550 t… » C’était au vestiaire, il enfilait une manche de pardessus, me donnait l’autre à serrer, la main n’étant pas encore so
1551 la main n’étant pas encore sortie… Dormir au fil de l’eau, entre l’étrange nuit d’un autre bal et cette perspective de vo
1552 tie… Dormir au fil de l’eau, entre l’étrange nuit d’ un autre bal et cette perspective de voyage au hasard et commencé dans
1553 ’étrange nuit d’un autre bal et cette perspective de voyage au hasard et commencé dans l’insomnie — vrai voyage à dormir d
1554 , il reconnaît son rêve. Huit heures aux clochers de la capitale qui s’avance dans la lumière fauve d’un soir chaud sur la
1555 de la capitale qui s’avance dans la lumière fauve d’ un soir chaud sur la plaine, avec ses dômes et ses façades exubérantes
1556 plaine, avec ses dômes et ses façades exubérantes de reflets, — et déjà nous passons sous de hauts ponts sonores, au long
1557 ubérantes de reflets, — et déjà nous passons sous de hauts ponts sonores, au long d’un quai tout fleuri de terrasses ; on
1558 nous passons sous de hauts ponts sonores, au long d’ un quai tout fleuri de terrasses ; on nous déverse dans cette foule et
1559 auts ponts sonores, au long d’un quai tout fleuri de terrasses ; on nous déverse dans cette foule et ces musiques, deux vi
1560 es qui font des signes pour demain, présentations de mes Espoirs aux jeunes Promesses nationales (on n’a pas bien compris
1561 ée, des coups d’œil, dans le léger étourdissement de l’amitié prochaine). Et la générosité des lumières d’avant le soir, —
1562 ’amitié prochaine). Et la générosité des lumières d’ avant le soir, — et cette espèce de tendresse pour tous les possibles,
1563 é des lumières d’avant le soir, — et cette espèce de tendresse pour tous les possibles, qu’on appelle, je crois bien, jeun
1564 s, qui est un Collège célèbre. 2. La recherche de l’objet inconnu Personne n’a mon adresse, je n’attends rien d’aill
1565 emier réveil — délivré. Chez moi je suis la proie de l’angoisse du courrier. J’attends la lettre, j’attends je ne sais quo
1566 r. J’attends la lettre, j’attends je ne sais quoi de très important… Trois déceptions par jour ne peuvent qu’énerver le dé
1567 a m’apporter ce Paquet inouï, cadeau annonciateur d’ une miraculeuse et royale Venue. Dans le silence de l’adoration comblé
1568 ’une miraculeuse et royale Venue. Dans le silence de l’adoration comblée, j’en sortirais de ces objets sans nom, inutilisa
1569 le silence de l’adoration comblée, j’en sortirais de ces objets sans nom, inutilisables, bouleversants de perfection, gage
1570 ces objets sans nom, inutilisables, bouleversants de perfection, gages d’un monde que les poètes essaient de décrire sans
1571 inutilisables, bouleversants de perfection, gages d’ un monde que les poètes essaient de décrire sans l’avoir jamais vu, et
1572 fection, gages d’un monde que les poètes essaient de décrire sans l’avoir jamais vu, et dont nous savons seulement que tou
1573 vances, les plus exténuantes, et qui sait si tant d’ erreurs ne composeront pas un jour une sorte d’incantation capable d’i
1574 nt d’erreurs ne composeront pas un jour une sorte d’ incantation capable d’incliner le Hasard ? Ô décevantes chasses dans l
1575 eront pas un jour une sorte d’incantation capable d’ incliner le Hasard ? Ô décevantes chasses dans les bazars, aux étalage
1576 lages des fêtes populaires, au fond des boutiques de vieux en province, dans les combles d’un château prussien où tissaien
1577 boutiques de vieux en province, dans les combles d’ un château prussien où tissaient d’incroyables araignées, partout où l
1578 ns les combles d’un château prussien où tissaient d’ incroyables araignées, partout où le désordre naturel des choses pouva
1579 sseports ? Dussè-je les inventer… Ah ! l’embarras de voyager n’est rien auprès de celui d’expliquer pourquoi l’on est part
1580 l’embarras de voyager n’est rien auprès de celui d’ expliquer pourquoi l’on est parti. Cependant, mes regards errant sur u
1581 in de s’user, ne tarde pas à devenir notre raison de vivre. Mais combien votre sort, ô grands empêtrés ! me paraît enviabl
1582 Les désirs les plus incompréhensibles s’emparent de moi comme des superstitions. Tout mon avoir se fond dans une loterie
1583 ir se fond dans une loterie qui peut-être n’a pas de gros lot, et jamais, je crains bien, jamais je ne parviendrai à le re
1584 é à peine jalouse que l’on réserve aux égarements d’ une jeunesse démodée se peignirent sur les traits de mes auditeurs. —
1585 une jeunesse démodée se peignirent sur les traits de mes auditeurs. — Vous êtes, me dit-on, un amateur de troubles disting
1586 mes auditeurs. — Vous êtes, me dit-on, un amateur de troubles distingués. Peu de sens du réel. Mais nous vous montrerons n
1587 on m’entraîna dans un musée sans sièges. Le Musée de Budapest enferme quelques paysages romantiques aux ciels pleins de dé
1588 me quelques paysages romantiques aux ciels pleins de démesure. Et, de Giorgione, ce « Portrait d’un homme » devant lequel
1589 ges romantiques aux ciels pleins de démesure. Et, de Giorgione, ce « Portrait d’un homme » devant lequel il faut se taire
1590 eins de démesure. Et, de Giorgione, ce « Portrait d’ un homme » devant lequel il faut se taire pour écouter ce qu’il entend
1591 re pour écouter ce qu’il entend. 3. Au tombeau de Gül Baba Dans Bude il y a des ruelles qui sentent encore le Turc.
1592 . « Vous n’y verrez, m’avait-on dit, qu’une paire de babouches dans une mosquée vide que personne n’a plus l’idée de visit
1593 ans une mosquée vide que personne n’a plus l’idée de visiter. » Mais comment ne pas voir qu’un lieu qui porte un nom parei
1594 ne croit pas à la vertu des noms reste prisonnier de ses sens ; mais celui-là est véritablement voyageur qui n’a pas renon
1595 voyageur qui n’a pas renoncé à convaincre le réel de mystère. Montant au Rozsadomb par ce matin brûlant, je savais bien qu
1596 pellent une conduite magique. Or il est délicieux de réaliser une idée fixe injustifiable : c’est le plaisir même de l’enf
1597 e idée fixe injustifiable : c’est le plaisir même de l’enfance. Je portais donc ma vision d’Orient et je grimpais gravemen
1598 isir même de l’enfance. Je portais donc ma vision d’ Orient et je grimpais gravement comme je ferai, je pense, au jour de m
1599 mpais gravement comme je ferai, je pense, au jour de mon pèlerinage au Temple de l’Objet inconnu. On passe une barrière, u
1600 ai, je pense, au jour de mon pèlerinage au Temple de l’Objet inconnu. On passe une barrière, une cour vide ; on prend le s
1601 ardins dont les arbustes sèchent, vers une espèce de grande villa baroque assez décrépite, décor en pierre brune peu solid
1602 écrépite, décor en pierre brune peu solide, rongé de petites roses cramoisies. On longe une galerie couverte, on tourne da
1603 n tourne dans un escalier compliqué : c’est plein de colonnettes et de statues dégradées et charmantes. (Vue sur des maiso
1604 scalier compliqué : c’est plein de colonnettes et de statues dégradées et charmantes. (Vue sur des maisons pauvres un peu
1605 urs assez hauts dont l’un est peut-être la façade d’ une chapelle ; mais la porte est fermée. Par une ouverture étroite on
1606 vaste, où il y a quelques arbres devant une sorte de tour peu élevée, à demi recouverte de rosiers, et qu’il paraît imposs
1607 t une sorte de tour peu élevée, à demi recouverte de rosiers, et qu’il paraît impossible de situer dans l’ensemble des con
1608 recouverte de rosiers, et qu’il paraît impossible de situer dans l’ensemble des constructions. C’est là qu’on entre. Murs
1609 ns. C’est là qu’on entre. Murs nus. Un catafalque de bois, au milieu, recouvert d’un très beau tapis mince, ou bannière, a
1610 nus. Un catafalque de bois, au milieu, recouvert d’ un très beau tapis mince, ou bannière, avec des caractères turcs brodé
1611 vec des caractères turcs brodés en or. L’histoire de Gül Baba est racontée sur un papier jauni encadré et fixé au mur. Gül
1612 est le dernier héros musulman qui ait fait parler de lui en Hongrie. Il s’appelait en vérité Kehl Baba, ce qui signifie le
1613 roses. Moyennant cette naturalisation il continue de protéger la ville (en collaboration avec saint Gellert, dont la statu
1614 un rocher, les bras levés, dirige la circulation de Pest. Gül Baba est moins théâtral). D’ailleurs le tombeau est vide. E
1615 leurs le tombeau est vide. Et les babouches ? Pas de babouches. Je sais bien que ce n’est pas l’heure de visiter : le Père
1616 babouches. Je sais bien que ce n’est pas l’heure de visiter : le Père des roses est peut-être allé se promener. Dehors, l
1617 ent » étrange que ce lieu — inquiétant à la façon de certains regards lucides qu’il arrive qu’on porte sur la vie, tout d’
1618 lucides qu’il arrive qu’on porte sur la vie, tout d’ un coup, à trois heures de l’après-midi par exemple, — non sans angois
1619 porte sur la vie, tout d’un coup, à trois heures de l’après-midi par exemple, — non sans angoisse… 4. De midi à quator
1620 près-midi par exemple, — non sans angoisse… 4. De midi à quatorze heures On voyage de nos jours d’une façon « ration
1621 sse… 4. De midi à quatorze heures On voyage de nos jours d’une façon « rationnelle », c’est-à-dire que les Cook’s ti
1622 midi à quatorze heures On voyage de nos jours d’ une façon « rationnelle », c’est-à-dire que les Cook’s tickets remplac
1623 e conduite féconde. Il me semble que la servitude de l’homme moderne apparaît ici sous un aspect bien inquiétant : c’est à
1624 joli, ce n’est pas fantaisie. Je parle simplement de vérité et de mensonge, opposant une réalité vivante à une duperie com
1625 t pas fantaisie. Je parle simplement de vérité et de mensonge, opposant une réalité vivante à une duperie commerciale. Mai
1626 pensez que tant de mots pour une simple question de sentiment… C’est que vous êtes déjà bien malade. Il perd le sentimen
1627 dre ! » s’écrie le lecteur, et comme il est, lui, de l’autre école, il referme ces pages et vaque à ses devoirs. Nous voic
1628 lus à l’aise. Eh bien oui : je me ferai un mérite de perdre tout mon temps, si toutefois perdre conserve ici le sens qu’il
1629 urs « problèmes du plus haut intérêt », le « prix de l’action » et leur morale qui ne parle que d’obligations dont on ne s
1630 rix de l’action » et leur morale qui ne parle que d’ obligations dont on ne saurait à la légère se débarrasser sans courir
1631 , bref, sans le payer cher. Tout cela est langage de bourse. Pour moi, je poursuivrai mon discours en faveur de l’inutile,
1632 ns leurs vastes poches insulaires pour m’informer de cette irrécusable vérité : les affaires sont les affaires, axiome qui
1633 oir trépigner, je continuerai à chercher mon bien de midi à quatorze heures, temps qu’ils réservent à la mastication, entr
1634 ils réservent à la mastication, entre deux séries d’ heures de travail consacrées, si l’on ose dire, à assurer cette mastic
1635 vent à la mastication, entre deux séries d’heures de travail consacrées, si l’on ose dire, à assurer cette mastication. Ma
1636 n est assailli par le pittoresque, mais il s’agit de le déjouer au moyen de toutes sortes de ruses et de scepticismes, don
1637 il s’agit de le déjouer au moyen de toutes sortes de ruses et de scepticismes, dont le plus simple consiste à traduire ce
1638 le déjouer au moyen de toutes sortes de ruses et de scepticismes, dont le plus simple consiste à traduire ce que l’on voi
1639 s lignes verticales peinturlurées — elle n’a rien d’ étrange, si l’on songe que nous sommes en Hongrie. Et ce n’est pas que
1640 erveilleux, avec quoi l’on est trop souvent tenté de confondre le bizarre. C’est le faux merveilleux qui a discrédité le v
1641 , moralement microscopique. (Il a tellement l’air de rien que nous sommes presque excusables de ne le point apercevoir.) J
1642 l’air de rien que nous sommes presque excusables de ne le point apercevoir.) Je vais cependant dire quelque chose d’une s
1643 apercevoir.) Je vais cependant dire quelque chose d’ une scène pittoresque. Mais c’est une autre fois que je l’ai vue, à Pe
1644 ’est une autre fois que je l’ai vue, à Pest, lors d’ un autre séjour, dans la semaine qui suit Noël, — la plus sombre de l’
1645 , dans la semaine qui suit Noël, — la plus sombre de l’année par les rues vides sous la pluie étrangère. Une porte basse s
1646 ne porte basse s’ouvre sur un long corridor hanté d’ ombres drapées, qui ne sont pas des nonnes, bien que les voûtes soient
1647 pas des nonnes, bien que les voûtes soient celles d’ un ancien couvent. Nous pénétrons dans une grande salle vivement éclai
1648 le vivement éclairée. Murs chaulés, et de nouveau de hautes voûtes. Une banquette longe trois des parois, la quatrième est
1649 à terre, dans l’attente. Nous sommes assis autour d’ une table et nous voyons, au milieu de la salle, un arbre de Noël aux
1650 e et nous voyons, au milieu de la salle, un arbre de Noël aux amples branches rayonnantes, dans une gloire de dorures, — e
1651 aux amples branches rayonnantes, dans une gloire de dorures, — et massées tout autour, frileuses dans leurs dessous roses
1652 ignoir noir et blanc… Je ne puis avaler mon verre de ce café trop amer qui pince la gorge. Dehors, nous ne parlons pas : l
1653 es transitions, et c’est alors que l’on est tenté de mentir, si fort tenté que l’on cède à coup sûr, en se persuadant que
1654 as, au contraire, aggraver le cas ?) Or l’intérêt d’ un récit de voyage ne réside pas dans sa vérité générale, mais bien se
1655 raire, aggraver le cas ?) Or l’intérêt d’un récit de voyage ne réside pas dans sa vérité générale, mais bien se réfugie da
1656 qui ne ressemble à rien, gênante comme un cadeau de pauvre, comme un vrai cadeau. Si le conteur ment, — pendant qu’il y e
1657 teur ment, — pendant qu’il y est, il ferait mieux de choisir un autre pays que la Hongrie archi-connue, — le lecteur le se
1658 ar le plus beau mensonge atteint à peine le degré d’ intérêt d’une vérité banale, et seulement à condition de lui ressemble
1659 beau mensonge atteint à peine le degré d’intérêt d’ une vérité banale, et seulement à condition de lui ressembler, ne fût-
1660 ment à condition de lui ressembler, ne fût-ce que de loin, — c’est alors ce qu’on appelait un paradoxe, du temps des petit
1661 temps des petites manières. Cependant, la réalité d’ un pays apparaissant en général au voyageur de ma sorte sous ses modal
1662 ité d’un pays apparaissant en général au voyageur de ma sorte sous ses modalités sentimentales plus que documentaires, peu
1663 , peut-être serait-il bon que je parsème ce texte de quelques noms impossibles et de beaucoup de chiffres vraisemblables ?
1664 parsème ce texte de quelques noms impossibles et de beaucoup de chiffres vraisemblables ? Ainsi le lecteur superficiel au
1665 l’impression que je suis zur Sache, que je parle de mon sujet, — étant admis que mon sujet soit la Hongrie, ce qui me par
1666 n’est rien que le voyage du Sujet à la recherche de son Objet, — en passant par la Hongrie. — Mais puisqu’enfin nous y vo
1667 ’enfin nous y voici, en cette Hongrie… Le tombeau de Gül Baba est symboliquement vide. Quant à l’arbre de Noël, il ne deva
1668 Gül Baba est symboliquement vide. Quant à l’arbre de Noël, il ne devait à nulle pendeloque insolite l’étrangeté de son écl
1669 ne devait à nulle pendeloque insolite l’étrangeté de son éclat. Alors je m’en vais oublier le But de mon voyage, — qui est
1670 é de son éclat. Alors je m’en vais oublier le But de mon voyage, — qui est sa cause. Je vais feindre de prendre au sérieux
1671 e mon voyage, — qui est sa cause. Je vais feindre de prendre au sérieux ce que je vois. Ruse connue : c’est l’histoire du
1672 que vous avez sous la langue ; je vous conseille de n’y plus penser quelque temps… Car on ne trouve vraiment que ce qu’on
1673 Car on ne trouve vraiment que ce qu’on a consenti de ne pas trouver sur l’heure. (En petit et intéressé, ce geste s’appell
1674 e prend toute sa hauteur. Silencieuse, solennelle de nudité, entre le Palais du Régent et celui d’un des archiducs, quel d
1675 lle de nudité, entre le Palais du Régent et celui d’ un des archiducs, quel décor à rêver le cortège d’un sacre ! J’y ai vu
1676 d’un des archiducs, quel décor à rêver le cortège d’ un sacre ! J’y ai vu défiler la Chambre des Magnats, le jour de l’élec
1677 J’y ai vu défiler la Chambre des Magnats, le jour de l’élection d’un des quatre gardiens de la Couronne de saint Étienne.
1678 ler la Chambre des Magnats, le jour de l’élection d’ un des quatre gardiens de la Couronne de saint Étienne. Auprès du porc
1679 s, le jour de l’élection d’un des quatre gardiens de la Couronne de saint Étienne. Auprès du porche du Palais, ils n’étaie
1680 ’élection d’un des quatre gardiens de la Couronne de saint Étienne. Auprès du porche du Palais, ils n’étaient guère qu’une
1681 he du Palais, ils n’étaient guère qu’une centaine de curieux, et quelques gardes. Traversant dans sa longueur toute l’imme
1682 dent que du bout des doigts, crainte, sans doute, de troubler l’équilibre toujours instable des huit reflets de leur digni
1683 er l’équilibre toujours instable des huit reflets de leur dignité. Mais je n’oublierai pas le sourire de ce vieux prince :
1684 leur dignité. Mais je n’oublierai pas le sourire de ce vieux prince : un vrai sourire, adressé personnellement à l’homme,
1685 reprend ici sa noblesse. Mon voisin qui a la tête de François-Joseph, dont il fut peut-être valet, nomme à leur passage le
1686 remier pont sur le Danube, auteurs ainsi du trait d’ union de Buda-Pest. Il y a trois semaines, à Freudenau, lors du Derby
1687 ont sur le Danube, auteurs ainsi du trait d’union de Buda-Pest. Il y a trois semaines, à Freudenau, lors du Derby viennois
1688 se tiennent très droits, appuyés sur leurs sabres d’ or recourbés dont les poignées entre leurs doigts gantés étincellent.
1689 urs doigts gantés étincellent. Parfois un collier de la Toison d’Or, sur la fourrure du dolman rouge ou jaune, laisse pend
1690 ntés étincellent. Parfois un collier de la Toison d’ Or, sur la fourrure du dolman rouge ou jaune, laisse pendre son petit
1691 Mais, ô pathétique dissonance, tangible absurdité de notre époque, beaucoup ont dû louer des taxis démodés, au tarif infér
1692 f inférieur. Des chauffeurs vautrés, la casquette de travers sur leurs idées sociales, pareils aux chauffeurs de toutes le
1693 sur leurs idées sociales, pareils aux chauffeurs de toutes les villes, conduisent dans la cour d’honneur ces reliques inc
1694 urs de toutes les villes, conduisent dans la cour d’ honneur ces reliques incroyables et les encensent à la benzine industr
1695 doigts levés. On se signe. Et voici venir à pied de son palais proche, tout seul, un archiduc. On salue profondément, en
1696 e profondément, en silence (cliquetis des rangées de décorations sur l’uniforme kaki, et du sabre balancé). Une auto encor
1697 or. Si le comte Bethlen venait à la SDN en tenue de magnat, beaucoup de gens comprendraient mieux sa politique. 8. Les
1698 8. Les coussins Rothermere Le nationalisme de la plupart des États de l’Europe se formule en revendications d’homme
1699 es États de l’Europe se formule en revendications d’ hommes d’affaires. Ce qu’on prétend défendre, c’est son droit, ses int
1700 de l’Europe se formule en revendications d’hommes d’ affaires. Ce qu’on prétend défendre, c’est son droit, ses intérêts. Ma
1701 une passion toute nue, qui exprime l’être profond de la race. On ne discute pas cet amour, on ne réfute pas cette haine. I
1702 pas cette haine. Ici, la sympathie est un devoir de politesse. Comment la mesurer sans mauvaise grâce à qui vous a reçu c
1703 mauvaise grâce à qui vous a reçu comme un cadeau de Dieu. (« C’est Dieu qui vous envoie », dit la formule traditionnelle.
1704 oie », dit la formule traditionnelle.) La liqueur de pêche rend démonstratif, dont on vide trois verres d’un trait en guis
1705 êche rend démonstratif, dont on vide trois verres d’ un trait en guise de salut. C’est alors que se déplient les cartes de
1706 de salut. C’est alors que se déplient les cartes de « la Hongrie mutilée ». — « Savez-vous qu’on nous a volé les deux tie
1707 . — « Savez-vous qu’on nous a volé les deux tiers de notre patrie ? » Ah ! ce n’est pas vous, maintenant, qui allez demand
1708 maintenant, qui allez demander raison à vos hôtes de la façon dont ils traitaient, au temps de leur puissance, les allogèn
1709 que les nombres ont tort au regard de l’antiquité d’ une civilisation ; qu’il s’agit ici de valeurs ; que si les population
1710 l’antiquité d’une civilisation ; qu’il s’agit ici de valeurs ; que si les populations des régions perdues étaient parfois
1711 eule active et créatrice. Le reste : des porteurs d’ eau… Dans l’inextricable confusion d’injustices à quoi devait mener le
1712 des porteurs d’eau… Dans l’inextricable confusion d’ injustices à quoi devait mener le wilsonisme schématique qui traça les
1713 eur devenant l’opprimé sans y perdre le sentiment de sa supériorité de race — sa véritable légitimité — on comprend que le
1714 rimé sans y perdre le sentiment de sa supériorité de race — sa véritable légitimité — on comprend que le Hongrois n’ait po
1715 nt conservé une extrême sensibilité aux arguments de « droit » qui autorisèrent ce chaos. Il lui reste sa foi en la grande
1716 aos. Il lui reste sa foi en la grandeur éternelle de la Hongrie — intemporelle, n’ayant cure des statistiques — et sa doul
1717 e des statistiques — et sa douleur aussi, douleur d’ orgueil blessé, mais qui emporte la sympathie car l’orgueil hongrois n
1718 e la sympathie car l’orgueil hongrois n’est point de ce que l’on gagne sur autrui, mais de ce que l’on est ; non point d’u
1719 n’est point de ce que l’on gagne sur autrui, mais de ce que l’on est ; non point d’un parvenu, mais d’un aristocrate. Tous
1720 e sur autrui, mais de ce que l’on est ; non point d’ un parvenu, mais d’un aristocrate. Tous dangers égaux d’ailleurs, préf
1721 de ce que l’on est ; non point d’un parvenu, mais d’ un aristocrate. Tous dangers égaux d’ailleurs, préférons cet impériali
1722 gers égaux d’ailleurs, préférons cet impérialisme de l’âme à celui de la surproduction des machines et des enfants. C’est
1723 eurs, préférons cet impérialisme de l’âme à celui de la surproduction des machines et des enfants. C’est parce que les Hon
1724 erne. Voilà ce qu’on ne dit pas dans les dépêches d’ agence : les journalistes, une fois de plus, passent à côté de l’essen
1725 rs. Songez à ce qui forme l’opinion, cet ensemble de mythes sentimentaux qui gouverne les arguments. Ici je rentre dans me
1726 à celle des individus, pour ce qui est du moins, de mentir à soi-même. Mais les Hongrois ne renient pas leur romantisme.
1727 ongrie, sur une Carte du Tendre d’après le traité de Trianon ! Ces choses, je les ai rêvées sur un divan, à cause d’un cou
1728 es choses, je les ai rêvées sur un divan, à cause d’ un coussin où s’étalait le sourire optimiste de Lord Rothermere, en so
1729 se d’un coussin où s’étalait le sourire optimiste de Lord Rothermere, en soie blanche sur fond noir. Quelques articles fav
1730 r ce peuple turbulent et déchu, suffirent à faire d’ un affairiste anglais l’idole du nationalisme magyar. Son portrait aff
1731 universitaires, brodé aux devantures des magasins de mode, et son nom en lettres géantes sur une montagne chauve, voisine
1732 lettres géantes sur une montagne chauve, voisine de Budapest, témoignent des espérances démesurées qu’il sut entretenir a
1733 espérances démesurées qu’il sut entretenir autour d’ une action certes méritoire, mais plus symbolique qu’efficace. Et sans
1734 Et sans lendemain. Ce mélange, en toutes choses, d’ enfantillage et de grandeur, d’imaginations absurdes et de souffrances
1735 . Ce mélange, en toutes choses, d’enfantillage et de grandeur, d’imaginations absurdes et de souffrances vraies, n’est-ce
1736 en toutes choses, d’enfantillage et de grandeur, d’ imaginations absurdes et de souffrances vraies, n’est-ce point le clim
1737 illage et de grandeur, d’imaginations absurdes et de souffrances vraies, n’est-ce point le climat de la passion ? — C’est
1738 t de souffrances vraies, n’est-ce point le climat de la passion ? — C’est celui de la Hongrie14. 9. Une lettre de Matth
1739 -ce point le climat de la passion ? — C’est celui de la Hongrie14. 9. Une lettre de Matthias Corvin « Matthias, par
1740 ? — C’est celui de la Hongrie14. 9. Une lettre de Matthias Corvin « Matthias, par la grâce de Dieu roi de Hongrie. B
1741 re de Matthias Corvin « Matthias, par la grâce de Dieu roi de Hongrie. Bonjour, citoyens ! Si vous ne venez pas tous vo
1742 as Corvin « Matthias, par la grâce de Dieu roi de Hongrie. Bonjour, citoyens ! Si vous ne venez pas tous vous présenter
1743 bits Personne, à ma connaissance, ne se plaint de ce qu’il y a peu de poètes par le monde. C’est dans l’ordre des chose
1744 ans l’ordre des choses, et l’on sait qu’il suffit de très peu de sel pour rendre mangeables beaucoup de nouilles. Mais voi
1745 ais voici, par exemple, ce qu’il faudrait essayer d’ obtenir : que la grande majorité des gens ne deviennent pas enragés dè
1746 s ne deviennent pas enragés dès qu’ils perçoivent de la poésie dans l’air. Espoir sans doute chimérique, mais qu’on peut c
1747 oute chimérique, mais qu’on peut croire bien près d’ être comblé dans ce pays où les courtiers ne donnent pas encore le ton
1748 nnue à l’étranger que par quelques pièces légères de Molnár, qui n’ont de hongrois que l’auteur, d’ailleurs israélite. Il
1749 par quelques pièces légères de Molnár, qui n’ont de hongrois que l’auteur, d’ailleurs israélite. Il y a, bien entendu, un
1750 à remplir les revues bien pensantes. Elle traite de sujets « bien hongrois » dans un style académique qui me paraît être
1751 extrême gauche, et sa revue Documentum (une sorte d’ Esprit nouveau troublé de surréalisme), groupée autour de Louis Kassák
1752 ue Documentum (une sorte d’Esprit nouveau troublé de surréalisme), groupée autour de Louis Kassák, nettement international
1753 tour de Louis Kassák, nettement internationaliste de doctrine, au lyrisme neuf et parfois sauvage, social ou futuriste, et
1754 plus libre et la plus vivante du génie littéraire de cette race me paraît bien avoir été donnée par le groupe important du
1755 r anime encore ces écrivains profondément magyars de sensibilité, bien que souvent européens de goûts et de curiosités, et
1756 agyars de sensibilité, bien que souvent européens de goûts et de curiosités, et dont Michel Babits est aujourd’hui le chef
1757 nsibilité, bien que souvent européens de goûts et de curiosités, et dont Michel Babits est aujourd’hui le chef de file. De
1758 és, et dont Michel Babits est aujourd’hui le chef de file. Des amis m’emmènent le voir à Esztergóm, où il passe ses étés.
1759 ses étés. Esztergóm est la plus vieille capitale de la Hongrie. Attila, me dit-on, y régna. Aujourd’hui c’est la résidenc
1760 a résidence du Prince Primat. Au-dessus du palais de l’archevêché, sur une colline que le Danube contourne, la basilique é
1761 Danube contourne, la basilique élève une coupole d’ ocre éclatante, immense et froide, dominant cette plaine onduleuse don
1762 ue nous devons rencontrer le poète. Cheveux noirs d’ aigle collés sur son large front, belle carrure ruisselante, il nous s
1763 u’à mi-corps, mythologique. Nous sortons ensemble de la petite ville aux rues de terre brûlante, aux maisons jaunes basses
1764 Nous sortons ensemble de la petite ville aux rues de terre brûlante, aux maisons jaunes basses, ville sans ombre, sans arb
1765 , sur un coteau. Trois chambres boisées entourées d’ une large galerie d’où l’on voit le Danube gris-jaune, brillant, sans
1766 is chambres boisées entourées d’une large galerie d’ où l’on voit le Danube gris-jaune, brillant, sans rides, la petite vil
1767 bourdonnante, — trois petites chambres et un pan de toit par-dessus, une baraque à peine visible dans les vignes, à peine
1768 isible dans les vignes, à peine détachée du flanc de la colline, pour que les vents ne l’emportent pas. L’après-midi est i
1769 orizon est aussi lointain qu’on l’imagine, tout a de belles couleurs, le poète sourit en lui-même, il y a une enfance dans
1770 du risque. 13. Il faut ajouter aux autres causes de l’incompréhension des journalistes la ruse hongroise qu’ils ne peuven
1771 arrivistes. 14. Parce que j’« exalte les valeurs de passion » — pour parler comme le seul Clerc qui n’ait pas trahi — qui
1772 it pas trahi — qui me paraissent être la grandeur de la Hongrie, on m’expliquera que je suis pour la guerre, puisque enfin
1773 aix par la mutilation des passions sont disciples d’ Origène. Il doit y avoir d’autres solutions… bh. Rougemont Denis de,
1774 y avoir d’autres solutions… bh. Rougemont Denis de , « Voyage en Hongrie I », Bibliothèque universelle et Revue de Genève
1775 en Hongrie I », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, octobre 1930, p. 405-419.
57 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Hölderlin, La Mort d’Empédocle et Poèmes de la folie (octobre 1930)
1776 Hölderlin, La Mort d’ Empédocle et Poèmes de la folie (octobre 1930)bi L’année du centena
1777 Hölderlin, La Mort d’Empédocle et Poèmes de la folie (octobre 1930)bi L’année du centenaire du romantisme sera
1778 nnée du centenaire du romantisme sera celle aussi de la découverte de Hölderlin par la France. La Mort d’Empédocle et les
1779 e du romantisme sera celle aussi de la découverte de Hölderlin par la France. La Mort d’Empédocle et les Poèmes de la foli
1780 la découverte de Hölderlin par la France. La Mort d’ Empédocle et les Poèmes de la folie ont paru simultanément, et l’on an
1781 par la France. La Mort d’Empédocle et les Poèmes de la folie ont paru simultanément, et l’on annonce Hypérion. Il ne manq
1782 ypérion. Il ne manquera plus que les longs poèmes de la maturité — mais ceux-là difficilement traduisibles — pour que nous
1783 s — pour que nous puissions contempler l’ensemble de l’œuvre de Hölderlin : l’inspirateur de Schelling et de Hegel, le pré
1784 e nous puissions contempler l’ensemble de l’œuvre de Hölderlin : l’inspirateur de Schelling et de Hegel, le précurseur de
1785 ’ensemble de l’œuvre de Hölderlin : l’inspirateur de Schelling et de Hegel, le précurseur de Nietzsche, l’un des plus admi
1786 uvre de Hölderlin : l’inspirateur de Schelling et de Hegel, le précurseur de Nietzsche, l’un des plus admirables et des pl
1787 spirateur de Schelling et de Hegel, le précurseur de Nietzsche, l’un des plus admirables et des plus mystérieux génies poé
1788 dmirables et des plus mystérieux génies poétiques de notre ère. On doit beaucoup de reconnaissance à M. André Babelon pour
1789 traduit et introduit avec tant de justesse, voire de profondeur, la Mort d’Empédocle. Cette tragédie difficile, trois fois
1790 ec tant de justesse, voire de profondeur, la Mort d’ Empédocle. Cette tragédie difficile, trois fois remise à pied d’œuvre
1791 ette tragédie difficile, trois fois remise à pied d’ œuvre et jamais achevée, donne moins que les Poèmes cette impression b
1792 nne moins que les Poèmes cette impression bizarre d’ être d’aujourd’hui. C’est qu’elle est de demain plutôt, — tout comme N
1793 ns que les Poèmes cette impression bizarre d’être d’ aujourd’hui. C’est qu’elle est de demain plutôt, — tout comme Nietzsch
1794 n bizarre d’être d’aujourd’hui. C’est qu’elle est de demain plutôt, — tout comme Nietzsche qui en fut obsédé. Empédocle es
1795 comme Nietzsche qui en fut obsédé. Empédocle est de ces mythes tels qu’il n’est peut-être pas donné à une race d’en créer
1796 s tels qu’il n’est peut-être pas donné à une race d’ en créer plus d’un, c’est-à-dire de s’en libérer. Ainsi la France conç
1797 st peut-être pas donné à une race d’en créer plus d’ un, c’est-à-dire de s’en libérer. Ainsi la France conçut l’homme ratio
1798 nné à une race d’en créer plus d’un, c’est-à-dire de s’en libérer. Ainsi la France conçut l’homme rationnel ; Empédocle, a
1799 contraire est celui qui passe toutes les mesures de l’esprit humain, parle aux dieux avec orgueil, et finit par succomber
1800 manique ; mythe païen, mais il est bien troublant de le voir se mêler, dans la troisième version de ce drame, à des symbol
1801 nt de le voir se mêler, dans la troisième version de ce drame, à des symboles nettement messianiques… Ce par quoi Hölderli
1802 français, c’est que son lyrisme est l’expression d’ une philosophie à l’état naissant ; il est la vibration même d’une pen
1803 phie à l’état naissant ; il est la vibration même d’ une pensée en travail de mythes, sur lesquels, bientôt après, s’exerce
1804 il est la vibration même d’une pensée en travail de mythes, sur lesquels, bientôt après, s’exercera la réflexion conscien
1805 e son Empédocle, note M. Babelon, Hölderlin écrit de nombreux essais philosophiques.) Le tragique de Hölderlin, c’est qu’i
1806 t de nombreux essais philosophiques.) Le tragique de Hölderlin, c’est qu’il parviendra de moins en moins à « réfléchir » s
1807 Le tragique de Hölderlin, c’est qu’il parviendra de moins en moins à « réfléchir » sa création. De là sa folie, qu’il pre
1808 ra de moins en moins à « réfléchir » sa création. De là sa folie, qu’il pressent. Et M. Babelon cite à ce sujet des phrase
1809 sein d’une flamme plus grande, l’autre seulement d’ une plus faible… Le grand poète n’est jamais abandonné par lui-même ;
1810 jamais abandonné par lui-même ; il peut au-dessus de lui-même, s’élever aussi loin qu’il le veut. On peut tomber dans la h
1811 génie qui, dans le même temps, figure l’antithèse de Hölderlin : l’« économie » d’un Goethe, bien superficiellement qualif
1812 figure l’antithèse de Hölderlin : l’« économie » d’ un Goethe, bien superficiellement qualifiée de bourgeoise, est en réal
1813 e » d’un Goethe, bien superficiellement qualifiée de bourgeoise, est en réalité la garantie spirituelle qui lui permet de
1814 en réalité la garantie spirituelle qui lui permet de « s’élever au-dessus de lui-même aussi loin qu’il le veut ». Mais Höl
1815 pirituelle qui lui permet de « s’élever au-dessus de lui-même aussi loin qu’il le veut ». Mais Hölderlin est sans doute d’
1816 in qu’il le veut ». Mais Hölderlin est sans doute d’ une constitution trop faible pour pouvoir longtemps maîtriser l’inspir
1817 Reste une cendre où longtemps encore palpiteront de pâles lueurs réminiscentes. Ce sont les quatrains du temps de la foli
1818 urs réminiscentes. Ce sont les quatrains du temps de la folie, poèmes véritablement « posthumes », que Pierre Jean Jouve a
1819 langue fluide mais jamais abstraite qui est celle de ses Noces. Jouve est le plus « germanique » des poètes français d’auj
1820 ve est le plus « germanique » des poètes français d’ aujourd’hui ; ce sont les harmoniques éveillées en lui par la voix de
1821 sont les harmoniques éveillées en lui par la voix de Hölderlin qui ont dû l’inciter à l’acte recréateur qu’est la traducti
1822 ’inciter à l’acte recréateur qu’est la traduction d’ un poète par un autre poète. Les quatrains sont ici précédés de Fragme
1823 r un autre poète. Les quatrains sont ici précédés de Fragments dont je me demande s’il était bien légitime de les traduire
1824 ments dont je me demande s’il était bien légitime de les traduire. On a respecté scrupuleusement les « blancs » que Hölder
1825 eine ébauchés, — quelques mots isolés, des bribes de phrases… Or, si comme je le crois et voudrais l’établir plus longueme
1826 ais l’établir plus longuement, le sens des poèmes de la maturité de Hölderlin est à chercher dans leur rythme seulement, —
1827 lus longuement, le sens des poèmes de la maturité de Hölderlin est à chercher dans leur rythme seulement, — si ces mots sé
1828 e seulement, — si ces mots séparés par des suites de points ne lui servaient qu’à noter des mètres, il apparaît que la tra
1829 à noter des mètres, il apparaît que la traduction de tels fragments est illusoire, car on ne peut songer à remplacer ces m
1830 onger à remplacer ces mots-notes par des syllabes de valeur rythmique équivalente. Quoi qu’il en soit, et tels qu’ils nous
1831 nous sont ici livrés, ces fragments sont capables d’ éveiller le sentiment rare et grandiose que j’appellerais celui du tra
1832 et grandiose que j’appellerais celui du tragique de la pensée. « Insensé, — penses-tu de figure en figure — voir l’âme ?
1833 du tragique de la pensée. « Insensé, — penses-tu de figure en figure — voir l’âme ? — Tu iras dans les flammes. » Quant a
1834 s les flammes. » Quant aux documents sur la folie de Hölderlin que MM. Groethuysen et Jouve ont choisis et traduits à la s
1835 s, ils ne sont pas ce que ce petit livre contient de moins bouleversant. bi. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Hölde
1836 ent de moins bouleversant. bi. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Hölderlin, La Mort d’Empédocle et Poèmes de la foli
1837 ont Denis de, « [Compte rendu] Hölderlin, La Mort d’ Empédocle et Poèmes de la folie  », Bibliothèque universelle et Revue
1838 e rendu] Hölderlin, La Mort d’Empédocle et Poèmes de la folie  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, oct
1839 de la folie  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, octobre 1930, p. 532-533.
58 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Voyage en Hongrie II (novembre 1930)
1840 n Hongrie II (novembre 1930)bj 11. Le retour d’ Esztergóm Il faut se pencher aux portières et laisser l’air furieux
1841 e et appuyer au front comme une caresse indéfinie de la puissance. Soir de voyage, tout enfiévré d’orgueil errant, de conq
1842 comme une caresse indéfinie de la puissance. Soir de voyage, tout enfiévré d’orgueil errant, de conquêtes vagues… Tout ce
1843 ie de la puissance. Soir de voyage, tout enfiévré d’ orgueil errant, de conquêtes vagues… Tout ce qui est de la terre renon
1844 . Soir de voyage, tout enfiévré d’orgueil errant, de conquêtes vagues… Tout ce qui est de la terre renonce à s’affirmer en
1845 ueil errant, de conquêtes vagues… Tout ce qui est de la terre renonce à s’affirmer en détails précis, se masse dans une co
1846 er en détails précis, se masse dans une confusion de violet sombre, et par la seule ligne dure de l’horizon s’oppose au ci
1847 sion de violet sombre, et par la seule ligne dure de l’horizon s’oppose au ciel qui retire ses lueurs. Ciel blanc, où très
1848 el qui retire ses lueurs. Ciel blanc, où très peu d’ or rose s’évanouit… Le train serpente dans un de ces paysages de nulle
1849 u d’or rose s’évanouit… Le train serpente dans un de ces paysages de nulle part qui sont les plus émouvants, entre des col
1850 anouit… Le train serpente dans un de ces paysages de nulle part qui sont les plus émouvants, entre des collines basses gra
1851 e heure on sent bien que poursuivre est une sorte d’ enivrant péché. — Nous aurions une maison dans ce désert aux formes te
1852 cause de l’éloignement en nous-mêmes. À l’entrée d’ un tunnel tu vois que la veilleuse brûle toujours — et moi, parmi les
1853 rûle toujours — et moi, parmi les reflets fuyants de toutes sortes de faces et de paysages soudainement invisibles, je dis
1854 t moi, parmi les reflets fuyants de toutes sortes de faces et de paysages soudainement invisibles, je distingue le doux fe
1855 les reflets fuyants de toutes sortes de faces et de paysages soudainement invisibles, je distingue le doux feu bleu de mo
1856 inement invisibles, je distingue le doux feu bleu de mon obsession. L’Objet Inconnu, — quand je pense à ce qu’en imaginera
1857 autres, si je leur en parlais… Il leur suffirait de l’image d’un bibelot d’une sorte bizarre. Alors que c’est plutôt un c
1858 je leur en parlais… Il leur suffirait de l’image d’ un bibelot d’une sorte bizarre. Alors que c’est plutôt un certain arra
1859 arlais… Il leur suffirait de l’image d’un bibelot d’ une sorte bizarre. Alors que c’est plutôt un certain arrangement des c
1860 oses qui rende un certain son spirituel… Un objet de musique et de couleurs, mais aussi une forme symbolique de tout… Enfi
1861 un certain son spirituel… Un objet de musique et de couleurs, mais aussi une forme symbolique de tout… Enfin, tellement i
1862 e et de couleurs, mais aussi une forme symbolique de tout… Enfin, tellement inconnu et tellement fascinant à la fois, qu’i
1863 tellement fascinant à la fois, qu’il me préserve de tout amour pour quelque bien particulier où je serais tenté de me com
1864 pour quelque bien particulier où je serais tenté de me complaire. Oh ! je sais ! — Je ne sais plus. — Le train s’attarde
1865 lors tout s’allume et voici la nuit des faubourgs de Pest, au-dessous de nous. 12. Un bal, ou de l’ivresse considérée c
1866 gs de Pest, au-dessous de nous. 12. Un bal, ou de l’ivresse considérée comme un des beaux-arts Ils n’ont plus de nom
1867 sidérée comme un des beaux-arts Ils n’ont plus de noms, ils ne sont qu’une ivresse aux cent visages, lorsque j’entre da
1868 vant un bras, la main à la nuque ; frapper le sol de l’autre talon en changeant de main ; saisir la danseuse sous les bras
1869 ue ; frapper le sol de l’autre talon en changeant de main ; saisir la danseuse sous les bras (elle pose alors ses mains su
1870 ules du cavalier) et la faire pirouetter un quart de tour à droite, un quart de tour à gauche ; pirouetter seuls sur place
1871 re pirouetter un quart de tour à droite, un quart de tour à gauche ; pirouetter seuls sur place ; de nouveau frapper le so
1872 ment ; saisir la danseuse, tourbillonner, pousser de grands cris ; tourbillonner en sens inverse ; frapper des talons touj
1873 aux yeux de plaine, comme les autres ont des yeux de mer. Des grâces d’amazones avec un coup de talon qui les secoue jusqu
1874 comme les autres ont des yeux de mer. Des grâces d’ amazones avec un coup de talon qui les secoue jusqu’à la chevelure. Gr
1875 s yeux de mer. Des grâces d’amazones avec un coup de talon qui les secoue jusqu’à la chevelure. Graves entre leurs éclats
1876 s chantent, les moires et l’ondulation des rubans de vents chauds sur la plaine, avec des éloignements et des retours, des
1877 e les gestes sont gouvernées par la seule logique d’ un rythme constamment imprévu. Il s’agit moins de comprendre que de s’
1878 d’un rythme constamment imprévu. Il s’agit moins de comprendre que de s’abandonner d’une certaine manière. En France, cha
1879 amment imprévu. Il s’agit moins de comprendre que de s’abandonner d’une certaine manière. En France, chacun parle pour son
1880 Il s’agit moins de comprendre que de s’abandonner d’ une certaine manière. En France, chacun parle pour son compte, paraphe
1881 ou. Ici, le sens des mots et des choses est celui d’ un courant musical qui domine l’ensemble et le compose selon les lois
1882 ui domine l’ensemble et le compose selon les lois d’ une plastique exubérante. Quand je dis que j’observe, je n’observe rie
1883 anières. Et quant à ceux qui n’ont pas le pouvoir de s’enivrer, ils auront toujours raison, mais n’auront que cela, car c’
1884 c’est l’ivresse15 seulement qui permet à l’esprit de passer d’une forme dans d’autres, — et c’est même en ce passage qu’el
1885 resse15 seulement qui permet à l’esprit de passer d’ une forme dans d’autres, — et c’est même en ce passage qu’elle consist
1886 e passage qu’elle consiste — ô Danses ! avènement de l’âme aux gestes ! Vous voici, longs coups d’ailes en silence au-dess
1887 ent de l’âme aux gestes ! Vous voici, longs coups d’ ailes en silence au-dessus du gouffre. Je vole sur place, mais tout se
1888 et l’amour du vertige). Qu’est-ce qu’il y aurait de l’autre côté ? Se laisser choir dans le Gris ? Rejoindre ?… Derrière
1889 ise ne rappelle la nostalgie traînante des lieder de l’Oberland : ici la mélancolie même est passionnée. Elles chantent av
1890 es mouvements vifs du buste, et des mains pleines de drôleries ou de supplication. Je ne sais ce que disent les paroles. J
1891 fs du buste, et des mains pleines de drôleries ou de supplication. Je ne sais ce que disent les paroles. Je vois des cheva
1892 uvenir des pays désertés enfièvre encore un désir de perdition illimitée… Les Hongrois se sont arrêtés dans cette plaine.
1893 c’est le soir au camp, perpétuel. Une lassitude de steppe brûlante, des ondulations longues… Mais un cheval se cabre ; e
1894 ambours et des cris modulés, et toute la frénésie d’ un grand souffle qui se serait mis à tourbillonner sur place. 14. L
1895 ns ou intellectuels. Les Français aiment par goût d’ en bien parler. Les Suisses aiment avec une bonne ou une mauvaise cons
1896 ngrois t’emportera dans une inénarrable confusion de sentimentalisme et de passion, et c’est là son miracle. Si tu n’as pa
1897 s une inénarrable confusion de sentimentalisme et de passion, et c’est là son miracle. Si tu n’as pas le sens de la musiqu
1898 , et c’est là son miracle. Si tu n’as pas le sens de la musique, conserve quelque espoir de t’en tirer. Sinon… je t’envier
1899 as le sens de la musique, conserve quelque espoir de t’en tirer. Sinon… je t’envierais presque. Celui qui part pour la Hon
1900 us. 15. La plaine et la musique L’ouverture de Stravinsky exécutée par l’express de Transylvanie au sortir de la gar
1901 L’ouverture de Stravinsky exécutée par l’express de Transylvanie au sortir de la gare de Budapest, devient avec la plaine
1902 ar l’express de Transylvanie au sortir de la gare de Budapest, devient avec la plaine une Symphonie-Dichtung borodinesque,
1903 e hongroise n’est pas monotone, parce qu’elle est d’ un seul tenant. Rien qui fasse répétition. C’est ici le premier pays q
1904 . C’est ici le premier pays que je n’ai pas envie d’ élaguer ; dont je ne me compose pas de morceaux choisis16. Il y a une
1905 i pas envie d’élaguer ; dont je ne me compose pas de morceaux choisis16. Il y a une grande ville, un grand lac, une plaine
1906 ille, un grand lac, une plaine et une seule vigne de véritable Tokay. Et point de ces endroits déprimants, à plusieurs mil
1907 e et une seule vigne de véritable Tokay. Et point de ces endroits déprimants, à plusieurs milliers d’exemplaires, tels que
1908 de ces endroits déprimants, à plusieurs milliers d’ exemplaires, tels que banlieue française, village suisse, gare alleman
1909 çaise, village suisse, gare allemande grouillante de questions sociales. La Puszta est une terre vierge, je veux dire que
1910 andue. Il y a peu de bourgeois en Hongrie. Il y a de petits nobles déclassés, des juifs, des paysans, des communistes, de
1911 classés, des juifs, des paysans, des communistes, de grands nobles, et des Tziganes. D’ailleurs, le bourgeois supporterait
1912 mpleur qu’ont ici toutes choses, cette atmosphère de nomadisme, et ces vents vastes ; et cette passion de vivre au-dessus
1913 nomadisme, et ces vents vastes ; et cette passion de vivre au-dessus de ses moyens — c’est-à-dire au-dessus du Moyen — qui
1914 ents vastes ; et cette passion de vivre au-dessus de ses moyens — c’est-à-dire au-dessus du Moyen — qui est caractéristiqu
1915 rgement ? » demande certaine hargne à cet artiste de la prodigalité. — « Ah ! répond-il, j’aimerais bien pouvoir vivre com
1916 yptien, « car c’est la langue qu’elles apprennent de leurs mères ». Combien j’aime ces sœurs des Tziganes ! Les Tziganes v
1917 t le bridge et la bohème, c’est-à-dire un symbole de la servitude et un symbole de la liberté. Si la Hongrie tout de même
1918 t-à-dire un symbole de la servitude et un symbole de la liberté. Si la Hongrie tout de même a quelque chose de « moderne »
1919 berté. Si la Hongrie tout de même a quelque chose de « moderne », dans un sens vaste et mystique, elle le doit au charme é
1920 ns une ère égyptienne. Mais que dire des pouvoirs de la plaine qui s’agrandit pendant des heures ? — Ce qu’en raconte la m
1921 usique — tu vas l’entendre à toutes les terrasses de Debrecen. Debrecen est une sorte de ville indescriptible, à demi mêlé
1922 les terrasses de Debrecen. Debrecen est une sorte de ville indescriptible, à demi mêlée aux sables de la plaine du Hortobá
1923 de ville indescriptible, à demi mêlée aux sables de la plaine du Hortobágy, aux longues maisons jaunes immensément aligné
1924 ngues maisons jaunes immensément alignées, autour d’ une place rectangulaire qui ressemble à un jardin public, flanquée d’u
1925 ulaire qui ressemble à un jardin public, flanquée d’ un temple blanc à deux clochers baroques, d’hôtels modernes, de statue
1926 nquée d’un temple blanc à deux clochers baroques, d’ hôtels modernes, de statues, de pylônes plantés dans un grand désordre
1927 lanc à deux clochers baroques, d’hôtels modernes, de statues, de pylônes plantés dans un grand désordre de piétons et de c
1928 clochers baroques, d’hôtels modernes, de statues, de pylônes plantés dans un grand désordre de piétons et de chars à bœufs
1929 tatues, de pylônes plantés dans un grand désordre de piétons et de chars à bœufs parmi les trams. Les habitants de Debrece
1930 ônes plantés dans un grand désordre de piétons et de chars à bœufs parmi les trams. Les habitants de Debrecen se plaignent
1931 t de chars à bœufs parmi les trams. Les habitants de Debrecen se plaignent de n’avoir pas ce faux confort que nous n’avons
1932 les trams. Les habitants de Debrecen se plaignent de n’avoir pas ce faux confort que nous n’avons qu’au prix de tout ce qu
1933 les Hongrois comme on aime l’enfance : or le rêve de l’enfant, c’est de devenir une grande personne. On me l’a dit, c’est
1934 on aime l’enfance : or le rêve de l’enfant, c’est de devenir une grande personne. On me l’a dit, c’est vrai : cette ville
1935 ique est aussi l’autre « Rome protestante ». Mais d’ avoir vu ses profondes bibliothèques et son quartier universitaire tou
1936 euni dans des jardins luisants ne m’empêchera pas de m’y sentir au bout d’un monde, au bord extrême de l’Europe. Le hasard
1937 de m’y sentir au bout d’un monde, au bord extrême de l’Europe. Le hasard a voulu que j’y entende, un soir, une présentatio
1938 voulu que j’y entende, un soir, une présentation de musiques hongroises, turques et chinoises, commentées et comparées pa
1939 Plaine, et que par sa musique j’étais aux marches de l’Asie. En sortant du concert, j’ai erré aux terrasses des hôtels, da
1940 ent en jouant ? Qu’est-ce qu’ils écoutent au-delà de leur musique — car aussitôt donnée la phrase, voici qu’une autre vien
1941 nt sonore qui l’étire et l’égare, et l’enroule et d’ un coup la subtilise, ne laissant plus qu’un long silence soutenu, com
1942 rne avec une vertigineuse docilité dans les voies d’ un amour ineffable et se perd avec lui vers le désert et ses mirages.
1943 vec lui vers le désert et ses mirages. On ne sait d’ où tu viens, tu ne sais où tu vas, peuple de perdition, Peuple inconnu
1944 sait d’où tu viens, tu ne sais où tu vas, peuple de perdition, Peuple inconnu, — mais c’est toi, c’est toi qui l’as caché
1945 eur aux femmes, cet objet dont parfois, au comble de la turbulence de tes jeux, un violon décrit vite quelque chose, d’une
1946 et objet dont parfois, au comble de la turbulence de tes jeux, un violon décrit vite quelque chose, d’une ligne nette, ins
1947 de tes jeux, un violon décrit vite quelque chose, d’ une ligne nette, insaisissable, déjà perdue (comme le rêve pendant que
1948 (comme le rêve pendant que bat la paupière lourde de celui qui succombe à l’excès du sommeil) — et me voici plus seul, ave
1949 ici plus seul, avec une nostalgie qui ne veut pas de la romance à mon oreille d’un violoneux qui me croit triste. Ils l’on
1950 algie qui ne veut pas de la romance à mon oreille d’ un violoneux qui me croit triste. Ils l’ont amené du fond d’une Inde.
1951 neux qui me croit triste. Ils l’ont amené du fond d’ une Inde. Ils l’ont égaré, comme ils égarent tout d’un monde où si peu
1952 une Inde. Ils l’ont égaré, comme ils égarent tout d’ un monde où si peu vaut qu’on le conserve, au long d’un chemin effacé
1953 n monde où si peu vaut qu’on le conserve, au long d’ un chemin effacé par le vent sur la plaine… Ils l’ont perdu comme un r
1954 sans vider ton verre — il n’y a pure ivresse que de l’abandon —, car voici qu’à son tour il s’égare au bras d’une erreur
1955 don —, car voici qu’à son tour il s’égare au bras d’ une erreur inconnue, ton fantôme éternel, ton « Désir désiré ». 16.
1956 dentes avec, aux jambes, l’imperceptible angoisse de rencontrer une onde trop légère. Mais pour connaître un lac, il faut
1957 eau, en faire le tour, mais voilà qui est affaire de pur caprice, tandis que s’y baigner est une règle de savoir-vivre ave
1958 pur caprice, tandis que s’y baigner est une règle de savoir-vivre avec la Nature. Lac doré, horizon de collines pointues,
1959 de savoir-vivre avec la Nature. Lac doré, horizon de collines pointues, rives basses, verdoyantes, toutes fraîches de musi
1960 ntues, rives basses, verdoyantes, toutes fraîches de musiquettes et de baigneuses ; quais de Balaton-Füred aux élégances b
1961 s, verdoyantes, toutes fraîches de musiquettes et de baigneuses ; quais de Balaton-Füred aux élégances bourgeoises et mili
1962 fraîches de musiquettes et de baigneuses ; quais de Balaton-Füred aux élégances bourgeoises et militaires, idylles de jar
1963 aux élégances bourgeoises et militaires, idylles de jardins publics à l’écart d’un concert du samedi soir, petits profess
1964 militaires, idylles de jardins publics à l’écart d’ un concert du samedi soir, petits professeurs entourés de leur famille
1965 ncert du samedi soir, petits professeurs entourés de leur famille, et toutes ces Magda, toutes ces Maritza rieuses et déjà
1966 r quelques jours ? On ferait connaissance à table d’ hôte, on irait ensemble à Tihany — elle a l’air d’être en Italie sur s
1967 d’hôte, on irait ensemble à Tihany — elle a l’air d’ être en Italie sur sa presqu’île — par cet instable bateau-mouche qui
1968 plutôt emmener ce désir, comme un tendre souvenir de voyage, et partir en croyant qu’ici la vie a parfois moins de hargne…
1969 t partir en croyant qu’ici la vie a parfois moins de hargne… Déjà je suis repris par le malaise que m’infligent les lieux
1970  ! C’est devant une glace panachée qu’il m’arrive de douter de la vie, comme d’autres aux approches du mal de mer. À la nu
1971 evant une glace panachée qu’il m’arrive de douter de la vie, comme d’autres aux approches du mal de mer. À la nuit, j’ai r
1972 er de la vie, comme d’autres aux approches du mal de mer. À la nuit, j’ai rôdé dans la campagne aux collines basses, d’app
1973 , j’ai rôdé dans la campagne aux collines basses, d’ apparence rocheuse — ce sont des restes de volcans — blanches sous la
1974 basses, d’apparence rocheuse — ce sont des restes de volcans — blanches sous la Lune et toutes lustrées de rêches végétati
1975 olcans — blanches sous la Lune et toutes lustrées de rêches végétations. J’ai traversé l’angoisse lunaire des villages vid
1976 vides aux portes aveugles (j’avais peur du bruit de mes pas). Au hasard, j’ai suivi des sentiers dans les champs de maïs,
1977 u hasard, j’ai suivi des sentiers dans les champs de maïs, épiant la venue d’une joie inconnue. Joie d’être n’importe où…
1978 sentiers dans les champs de maïs, épiant la venue d’ une joie inconnue. Joie d’être n’importe où… évadé ? Mais soudain, c’e
1979 e maïs, épiant la venue d’une joie inconnue. Joie d’ être n’importe où… évadé ? Mais soudain, c’est au silence que je me he
1980 que je me heurte, comme réveillé dans l’absurdité d’ être n’importe où. Une panique balaye la nuit déserte jusqu’à l’horizo
1981 maintenant, maintenant, où tu n’es pas — et tant d’ amour perdu… Un train dormait devant la gare campagnarde. Je me suis é
1982 un compartiment obscur, stores baissés, à l’abri de la lune. Le contrôleur a dû jouer un rôle dans mes cauchemars. L’aube
1983 s cauchemars. L’aube m’éveille dans les faubourgs de Budapest, cheveux en désordre, pantalon plissé, et cet abruti de cont
1984 eveux en désordre, pantalon plissé, et cet abruti de contrôleur qui rit et me dit je ne sais quoi, — alors que justement j
1985 rs que justement j’allais rattraper, comme un pan de la nuit fuyante, un songe où j’ai dû voir l’objet pour la première fo
1986 ais la lampe et la veilleuse me rendait compagnon d’ une momie bleuâtre, mais peut-on se reposer vraiment à cent à l’heure.
1987 Lune faire des bonds courts sur la plaine inondée de nuit. J’essayais de penser par-dessous le rythme obstiné de cette hur
1988 courts sur la plaine inondée de nuit. J’essayais de penser par-dessous le rythme obstiné de cette hurlante bousculade sur
1989 ’essayais de penser par-dessous le rythme obstiné de cette hurlante bousculade sur place qu’est un voyage en express. Mais
1990 yage en express. Mais je ne trouvais pas la pente de mon esprit, et tout en le parcourant avec une soif qui annonçait le d
1991 oif qui annonçait le désert, je traçais des plans d’ œuvres sablonneuses. Je composais un traité des voyages : les titres e
1992 ais un traité des voyages : les titres en étaient de Sénèque ou de Swift, et je voyais très bien ce qu’en eussent tiré Ste
1993 des voyages : les titres en étaient de Sénèque ou de Swift, et je voyais très bien ce qu’en eussent tiré Sterne ou Goethe,
1994 e à Gérard de Nerval, je sentais qu’il s’agissait d’ autre chose… Il s’agit toujours d’autre chose que de ce qu’on dit. (L’
1995 u’il s’agissait d’autre chose… Il s’agit toujours d’ autre chose que de ce qu’on dit. (L’imprudence de penser dans l’insomn
1996 autre chose… Il s’agit toujours d’autre chose que de ce qu’on dit. (L’imprudence de penser dans l’insomnie ! Cela tourne t
1997 d’autre chose que de ce qu’on dit. (L’imprudence de penser dans l’insomnie ! Cela tourne tout de suite à la débauche. Not
1998 tourne tout de suite à la débauche. Notre liberté de penser est absurde au regard des contraintes que subissent nos gestes
1999 élevait la Morale du domaine des actions à celui de la pensée, de l’Apparence à l’Essence. D’un coup, tous les refoulés q
2000 rale du domaine des actions à celui de la pensée, de l’Apparence à l’Essence. D’un coup, tous les refoulés qui explosent,
2001 à celui de la pensée, de l’Apparence à l’Essence. D’ un coup, tous les refoulés qui explosent, le chômage dans la gendarmer
2002 eures désorientées ; le sentiment du « non-sens » de la vie n’est-il pas comparable à ce que les mystiques appellent leur
2003 Entre « déjà plus » et « pas encore »… Bon point de vue pour déconsidérer nos raisons de vivre. La maladie aussi. Rien ne
2004 »… Bon point de vue pour déconsidérer nos raisons de vivre. La maladie aussi. Rien ne ressemble au voyage comme la maladie
2005 part, le même dépaysement au retour. « Il revient de loin » signifie qu’il vient d’être très malade. Si dans ta chambre, e
2006 tour. « Il revient de loin » signifie qu’il vient d’ être très malade. Si dans ta chambre, en plein jour, tu t’endors, et q
2007 voyage est un état d’âme et non pas une question de transport. Un vrai voyage, on ne sait jamais où cela mène, c’est une
2008 amais où cela mène, c’est une aventure qui relève de la métaphysique plus que de la psychologie. — Une vaste licence poéti
2009 e aventure qui relève de la métaphysique plus que de la psychologie. — Une vaste licence poétique… (Voici bien la fatigue
2010 ien la fatigue avec son jeu des définitions)… pas de but. — C’est vous qui le dites ! — Vous, naturellement… (Encore un qu
2011 voyage on la regarde mieux. — La vie… (une sorte de cauchemar de la pensée, qui ne peut plus s’arrêter de penser). Se peu
2012 regarde mieux. — La vie… (une sorte de cauchemar de la pensée, qui ne peut plus s’arrêter de penser). Se peut-il qu’on ch
2013 auchemar de la pensée, qui ne peut plus s’arrêter de penser). Se peut-il qu’on cherche le sens de la vie ! Je sais seuleme
2014 êter de penser). Se peut-il qu’on cherche le sens de la vie ! Je sais seulement que ma vie a un but. M’approcher de mon êt
2015 e sais seulement que ma vie a un but. M’approcher de mon être véritable. Seul au milieu des miens, j’oubliais ma race, j’a
2016 des miens, j’oubliais ma race, j’avais l’illusion de n’être rien que… moi-même. Identique à mon centre. Ici, comparé à tan
2017 Mais en même temps, j’ai découvert mes puissances d’ évasion intérieure. Et souvent je pressens qu’il existe une clef : dél
2018 uvent je pressens qu’il existe une clef : délivré de moi, j’entrerais en plein Moi… Une clef ? Plutôt « cela » qui me perm
2019 oi… Une clef ? Plutôt « cela » qui me permettrait de combler l’écart entre moi et Moi qui est la seule réalité absolument
2020 s dans mes pensées ? La veilleuse fleurit soudain d’ un éclat bleu douloureux, le train ralentit. Hegyeshalom, petite gare
2021 Cependant, « rien à déclarer » après des semaines de voyage ? Cela va paraître improbable. On a dû voir sur moi que je le
2022 cherche, c’est pourquoi l’œil est implacable… Pas de clefs dans mes onze poches. Seulement ce papier timbré d’un ministère
2023 dans mes onze poches. Seulement ce papier timbré d’ un ministère… mais déjà l’œil s’éteint, le corps se plie, fait demi-to
2024 tristesse. Mais qu’a-t-on jamais pu « déclarer » d’ important ? Je ne sais plus parler en vers et la prose n’indique que l
2025 us évidentes. C’est bien pourquoi l’Objet n’a pas de nom. Parfois je me suis demandé s’il n’était pas une sorte de pierre
2026 ois je me suis demandé s’il n’était pas une sorte de pierre philosophale. Peut-être ces deux mots suffiraient-ils à l’indi
2027 e m’en parle ? Tout en donnant le change à celles de mes pensées qui exigent des apparences positives. Ainsi donc, j’ai ch
2028 iment elle n’existe plus, l’Hermétique Société18  de ceux qui ne désespèrent pas encore du Grand Œuvre ? Cela seul est cer
2029 seulement qu’aux yeux de ceux qui surent désirer de la voir, apparaît la « Loge » invisible. J’attends, j’appelle quelqu’
2030 out ce qu’elle m’a donné ? Cette notion plus vive d’ un univers où la présence de l’Objet deviendrait plus probable ? Ou bi
2031 ette notion plus vive d’un univers où la présence de l’Objet deviendrait plus probable ? Ou bien n’ai-je su voir autre cho
2032 u bien n’ai-je su voir autre chose que la Hongrie de mes rêves, ma Hongrie intérieure ? Il est vrai que l’on connaît depui
2033 s autres, aimer pour connaître, alors qu’au point de perfection, aimer et connaître sont un seul et même acte. Peut-être l
2034 ont un seul et même acte. Peut-être l’ai-je aimée d’ un amour égoïste, comme un être dont on a besoin et en qui l’on chérit
2035 ’il fallait attendre pour aimer !… Je me souviens de ces terrains de sable noir, piqués de petits arbres et d’un désordre
2036 ndre pour aimer !… Je me souviens de ces terrains de sable noir, piqués de petits arbres et d’un désordre de maisons basse
2037 me souviens de ces terrains de sable noir, piqués de petits arbres et d’un désordre de maisons basses, les dernières de la
2038 errains de sable noir, piqués de petits arbres et d’ un désordre de maisons basses, les dernières de la ville de Debrecen,
2039 le noir, piqués de petits arbres et d’un désordre de maisons basses, les dernières de la ville de Debrecen, au bord de la
2040 et d’un désordre de maisons basses, les dernières de la ville de Debrecen, au bord de la Grande Plaine encore rougeâtre de
2041 rdre de maisons basses, les dernières de la ville de Debrecen, au bord de la Grande Plaine encore rougeâtre de soleil couc
2042 cen, au bord de la Grande Plaine encore rougeâtre de soleil couchant. J’y suis venu par hasard, en flânant ; je me suis sa
2043 autres semblables, en voyage, je me dis que c’est de là que j’ai tiré le sentiment d’absurdité foncière qu’il m’arrive d’é
2044 me dis que c’est de là que j’ai tiré le sentiment d’ absurdité foncière qu’il m’arrive d’éprouver en face d’une action pure
2045 le sentiment d’absurdité foncière qu’il m’arrive d’ éprouver en face d’une action purement raisonnable. Ah ! quelle raison
2046 ison t’attirait donc ici, sinon l’espoir bien fou d’ y retrouver l’émotion d’un miracle imminent… ou moins encore : l’image
2047 , sinon l’espoir bien fou d’y retrouver l’émotion d’ un miracle imminent… ou moins encore : l’image, née en rêve, d’une pla
2048 imminent… ou moins encore : l’image, née en rêve, d’ une plaine, d’un couchant plus grandiose au ciel et sur la terre plus
2049 oins encore : l’image, née en rêve, d’une plaine, d’ un couchant plus grandiose au ciel et sur la terre plus secret que dan
2050 ton pays. Tu attendais une révélation, non point de cet endroit, ni même par lui, — mais à cet endroit, en ce temps… Qui
2051 s cette vie et dans d’autres vies, pour approcher de tous côtés un But dont tu ne sais rien d’autre que sa fuite : n’est-i
2052 procher de tous côtés un But dont tu ne sais rien d’ autre que sa fuite : n’est-il pas cet Objet qui n’ait rien de commun a
2053 sa fuite : n’est-il pas cet Objet qui n’ait rien de commun avec ce que tu sais de toi-même en cette vie ? Mais le voir, c
2054 bjet qui n’ait rien de commun avec ce que tu sais de toi-même en cette vie ? Mais le voir, ce serait mourir dans la totali
2055 nière différence, — car on ne voit que ce qui est de soi-même, et conscient… C’est à cause d’un pari peut-être fou, et qui
2056 qui est de soi-même, et conscient… C’est à cause d’ un pari peut-être fou, et qui porte sur des sentiments indéfinis, à ca
2057 resses, tu serres des mains, — tu perds les clefs de tes valises… (Cela encore : m’arrêter à Vienne à cause des serrures…
2058 eut-être y passer une nuit — rôder à la recherche de Gérard par les rues noires aux palais vides mais hantés, et dans les
2059 e. 15. Toute l’échelle des ivresses : ivresses de la faim, de l’alcool, de la foule, de la solitude, de l’extase. 16.
2060 ute l’échelle des ivresses : ivresses de la faim, de l’alcool, de la foule, de la solitude, de l’extase. 16. Expression o
2061 des ivresses : ivresses de la faim, de l’alcool, de la foule, de la solitude, de l’extase. 16. Expression où va se réfug
2062  : ivresses de la faim, de l’alcool, de la foule, de la solitude, de l’extase. 16. Expression où va se réfugier le dernie
2063 a faim, de l’alcool, de la foule, de la solitude, de l’extase. 16. Expression où va se réfugier le dernier vestige de la
2064 . Expression où va se réfugier le dernier vestige de la sensualité des érudits. 17. La fameuse marche de Rakoczy est l’œu
2065 la sensualité des érudits. 17. La fameuse marche de Rakoczy est l’œuvre d’une Tzigane. 18. L’or n’était qu’un prétexte.
2066 ts. 17. La fameuse marche de Rakoczy est l’œuvre d’ une Tzigane. 18. L’or n’était qu’un prétexte. Déjà une blague de pass
2067 18. L’or n’était qu’un prétexte. Déjà une blague de passeport. bj. Rougemont Denis de, « Voyage en Hongrie II », Biblio
2068 jà une blague de passeport. bj. Rougemont Denis de , « Voyage en Hongrie II », Bibliothèque universelle et Revue de Genèv
2069 n Hongrie II », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, novembre 1930, p. 577-590.
59 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Charles Du Bos, Approximations, 4e série (novembre 1930)
2070 (novembre 1930)bk Je n’ai jamais cherché rien d’ autre que d’approcher mon sujet, en m’identifiant d’aussi près qu’il m
2071 930)bk Je n’ai jamais cherché rien d’autre que d’ approcher mon sujet, en m’identifiant d’aussi près qu’il m’était possi
2072 autre que d’approcher mon sujet, en m’identifiant d’ aussi près qu’il m’était possible, non seulement au point de vue, mais
2073 nt de vue, mais à la complexion, à la nature même de l’auteur, — laissant à l’approfondissement psychologique et aux infle
2074 xions variables du ton chaque fois adopté le soin de dégager comme par transparence le jugement implicite que, sur le plan
2075 ansparence le jugement implicite que, sur le plan de la qualité pure, je persiste à tenir pour le plus efficace. Ce n’est
2076 Charles Du Bos a placé cette parfaite définition de sa manière au seuil de la 4e série de ses Approximations ; elles form
2077 cette parfaite définition de sa manière au seuil de la 4e série de ses Approximations ; elles forment, tant par les sujet
2078 définition de sa manière au seuil de la 4e série de ses Approximations ; elles forment, tant par les sujets abordés que p
2079 des « approches », le livre le plus significatif de son tempérament critique. Le style d’abord : on y retrouve, appliqué
2080 mots, ce même sens à la fois scrupuleux et assuré de la qualité, qui est ce qu’avant tout l’on doit admirer chez M. Du Bos
2081 Bos. Et dans l’allure des phrases, le rythme même de sa pensée. Parfois certes, un peu gêné par la lenteur de certains méa
2082 ensée. Parfois certes, un peu gêné par la lenteur de certains méandres, aimerait-on les sentir moins insistants, moins con
2083 certés. Mais n’est-ce pas là un défaut qui relève de la nature même d’un esprit « critique » dans l’exercice de sa probité
2084 -ce pas là un défaut qui relève de la nature même d’ un esprit « critique » dans l’exercice de sa probité ? Défaut combien
2085 ure même d’un esprit « critique » dans l’exercice de sa probité ? Défaut combien plus précieux que l’élégance à bon marché
2086 ropéen. L’envergure en quelque sorte géographique d’ une telle enquête suppose une Weltanschauung correspondante en profond
2087 ndante en profondeur. Il la possède. On peut dire de sa critique qu’elle pose le problème de l’homme dans sa totalité, et
2088 peut dire de sa critique qu’elle pose le problème de l’homme dans sa totalité, et c’est je crois l’éloge de choix. Mais de
2089 homme dans sa totalité, et c’est je crois l’éloge de choix. Mais de ce problème central, qui déborde le plan esthétique, l
2090 otalité, et c’est je crois l’éloge de choix. Mais de ce problème central, qui déborde le plan esthétique, la littérature n
2091 n cas privilégié. Et parce que M. Du Bos ne cesse de la soumettre à des contrôles éthiques autant qu’esthétiques, il lui r
2092 utes parts son sujet, M. Du Bos choisit des bases d’ approche parfois si éloignées, et progresse par des voies si subtiles
2093 subtiles qu’il ne doit qu’à un sens exceptionnel de l’orientation dans le monde de l’esprit la sécurité de sa marche vers
2094 sens exceptionnel de l’orientation dans le monde de l’esprit la sécurité de sa marche vers le centre d’une œuvre. La méth
2095 orientation dans le monde de l’esprit la sécurité de sa marche vers le centre d’une œuvre. La méthode de M. Du Bos est la
2096 l’esprit la sécurité de sa marche vers le centre d’ une œuvre. La méthode de M. Du Bos est la plus propre à dégager l’élém
2097 sa marche vers le centre d’une œuvre. La méthode de M. Du Bos est la plus propre à dégager l’élément spécifique des génie
2098 recréer comme pour son compte, tant il y apporte de pressante intuition, les « problèmes » qui contraignirent tel génie à
2099 gnirent tel génie à produire son œuvre. Le danger de cette méthode, c’est que, donnant un nom à chaque problème, l’« hypos
2100 l’« hypostasiant » en quelque mesure, elle risque de nous laisser l’image d’un auteur plus conscient de ses propres diffic
2101 elque mesure, elle risque de nous laisser l’image d’ un auteur plus conscient de ses propres difficultés que ne saurait l’ê
2102 e nous laisser l’image d’un auteur plus conscient de ses propres difficultés que ne saurait l’être le créateur. Car une te
2103 au critique avant tout, et c’est pourquoi il fait de la critique en présence des obstacles qu’il rencontre, là où le créat
2104 osant le problème résolu (Racine), fait une œuvre d’ art. Ou bien encore, l’artiste, usant de cette sorte de désinvolture q
2105 une œuvre d’art. Ou bien encore, l’artiste, usant de cette sorte de désinvolture qui lui est naturelle, confie à des figur
2106 . Ou bien encore, l’artiste, usant de cette sorte de désinvolture qui lui est naturelle, confie à des figures le soin hasa
2107 naturelle, confie à des figures le soin hasardeux de résoudre ses antinomies (Goethe) ; que si elles y échouent, il rester
2108 stera du moins des personnages ! Mais la grandeur d’ un Du Bos, n’est-elle pas précisément dans son refus de sacrifier jama
2109 Du Bos, n’est-elle pas précisément dans son refus de sacrifier jamais l’éthique à l’esthétique, et dans ce sens chez tant
2110 une autorité aujourd’hui sans secondes : le sens de la responsabilité de l’écrivain. bk. Rougemont Denis de, « [Compte
2111 ’hui sans secondes : le sens de la responsabilité de l’écrivain. bk. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Charles Du Bo
2112 ponsabilité de l’écrivain. bk. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Charles Du Bos, Approximations, 4e série  », Biblio
2113 s, 4e série  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, novembre 1930, p. 656-658.