1
enry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts
de
Verdun (mars 1925)a Henry de Montherlant, héritier d’une tradition
2
un (mars 1925)a Henry de Montherlant, héritier
d’
une tradition chevaleresque, mène sa vie comme une ardente aventure. L
3
ieu à la guerre et aux jeux, avant de partir pour
de
nouvelles conquêtes. Terriblement lucide, ce regard en arrière. Month
4
dur pour ses erreurs plus encore que pour celles
de
l’adversaire, ce qui est beaucoup dire. Il y avait dans le Paradis je
5
Il y avait dans le Paradis je ne sais quel relent
de
barbarie, un assez malsain goût du sang. Tout cela s’est purifié dans
6
bre. Et une phrase telle que « … Nous sommes sûrs
de
ne pas nous tromper en nous inquiétant de faire, à notre place modest
7
es sûrs de ne pas nous tromper en nous inquiétant
de
faire, à notre place modeste, si peu que ce soit pour la paix », c’es
8
ce soit pour la paix », c’est une affirmation qui
d’
un coup condamne beaucoup d’antérieures protestations belliqueuses. Il
9
t une affirmation qui d’un coup condamne beaucoup
d’
antérieures protestations belliqueuses. Il nous montre « des Français
10
ui tiennent qu’une telle attitude est responsable
de
ces carnages ». Naguère il était des premiers ; il s’affirme aujourd’
11
ir contemplé Verdun, en tête à tête avec le génie
de
la mort. Mais alors, à quoi sert d’exalter, d’une si émouvante sorte,
12
avec le génie de la mort. Mais alors, à quoi sert
d’
exalter, d’une si émouvante sorte, les soldats déjà légendaires de Ver
13
ie de la mort. Mais alors, à quoi sert d’exalter,
d’
une si émouvante sorte, les soldats déjà légendaires de Verdun, et ce
14
si émouvante sorte, les soldats déjà légendaires
de
Verdun, et ce « haut ton de vie » qu’ils trouvaient au front. D’une p
15
dats déjà légendaires de Verdun, et ce « haut ton
de
vie » qu’ils trouvaient au front. D’une phrase, il justifie son livre
16
e « haut ton de vie » qu’ils trouvaient au front.
D’
une phrase, il justifie son livre : « Ranimons ces horreurs pour les v
17
st-ce pas une éclatante mise au point ? Et venant
de
l’auteur du Songe, d’un de ces hommes qui « descendirent » du front d
18
e mise au point ? Et venant de l’auteur du Songe,
d’
un de ces hommes qui « descendirent » du front dans notre paix lassée,
19
e au point ? Et venant de l’auteur du Songe, d’un
de
ces hommes qui « descendirent » du front dans notre paix lassée, ne p
20
ncore transparaît un doute, parfois : « On craint
d’
être injuste en décidant si… cette absence de haine ; cette épouvante,
21
aint d’être injuste en décidant si… cette absence
de
haine ; cette épouvante, devant la guerre… proviennent de plus d’huma
22
épouvante, devant la guerre… proviennent de plus
d’
humanité ou de moins de santé ». À maintes reprises, dans cette œuvre
23
vant la guerre… proviennent de plus d’humanité ou
de
moins de santé ». À maintes reprises, dans cette œuvre d’affirmation,
24
uerre… proviennent de plus d’humanité ou de moins
de
santé ». À maintes reprises, dans cette œuvre d’affirmation, une tell
25
de santé ». À maintes reprises, dans cette œuvre
d’
affirmation, une telle inquiétude, un amer « à quoi bon » percèrent so
26
s quels buts ? On verra plus tard. L’urgent c’est
d’
avancer. Et l’on atteindra peut-être ces régions élevées où les élémen
27
ix qu’il appelle, c’est autre chose que l’absence
de
guerre, c’est une paix que travaillerait le levain des vertus guerriè
28
a paix, ce soit vivre. » Par tout un livre libéré
de
souvenirs héroïques, peut-être trop grands pour la paix, c’est vers d
29
va porter son ardeur. Il va chercher le souvenir
de
l’aventure antique, et dans ce qui fut Rome ou la Grèce, revivre sa t
30
n. Toute son œuvre pourrait se définir : la lutte
d’
un tempérament avec la réalité. Tantôt c’est l’un qui veut plier l’aut
31
e que nous admirons dans le Chant funèbre. Ce mot
de
grandeur revient souvent lorsqu’on parle de cette œuvre : je ne sais
32
e mot de grandeur revient souvent lorsqu’on parle
de
cette œuvre : je ne sais s’il faut en voir la raison dans la force de
33
ne sais s’il faut en voir la raison dans la force
de
la personnalité révélée ou dans la noblesse de sa soumission. Pérille
34
ce de la personnalité révélée ou dans la noblesse
de
sa soumission. Périlleuse carrière de la grandeur où Montherlant est
35
la noblesse de sa soumission. Périlleuse carrière
de
la grandeur où Montherlant est entré de plain-pied, en même temps que
36
carrière de la grandeur où Montherlant est entré
de
plain-pied, en même temps que dans la guerre. Que de sacrifices ne lu
37
plain-pied, en même temps que dans la guerre. Que
de
sacrifices ne lui devra-t-il pas offrir ainsi les romans « intéressan
38
l est capable et qu’il lui faudra livrer au « feu
de
vérité » qui brûle dans son temple intérieur, s’il veut rester digne
39
dans son temple intérieur, s’il veut rester digne
de
son rôle et vraiment le coryphée d’une génération casquée. Feu consum
40
rester digne de son rôle et vraiment le coryphée
d’
une génération casquée. Feu consumateur de toute faiblesse, flamme d’u
41
oryphée d’une génération casquée. Feu consumateur
de
toute faiblesse, flamme d’une pureté si rare en notre siècle, qu’elle
42
squée. Feu consumateur de toute faiblesse, flamme
d’
une pureté si rare en notre siècle, qu’elle paraît parfois, lorsque la
43
e comme cette « flamme pensante » dans l’ossuaire
de
Douaumont. Puis la vie l’exalte de nouveau d’un large vent de joie.
44
ire de Douaumont. Puis la vie l’exalte de nouveau
d’
un large vent de joie. a. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Henr
45
. Puis la vie l’exalte de nouveau d’un large vent
de
joie. a. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Henry de Montherlant
46
au d’un large vent de joie. a. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Henry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts
47
enry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts
de
Verdun », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mars
48
s de Verdun », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mars 1925, p. 380-382.
49
e du surréalisme (juin 1925)b Sous une « vague
de
rêves », la logique, dernier agent de liaison de nos esprits, va péri
50
une « vague de rêves », la logique, dernier agent
de
liaison de nos esprits, va périr. C’est du moins ce que proclame M. B
51
de rêves », la logique, dernier agent de liaison
de
nos esprits, va périr. C’est du moins ce que proclame M. Breton en un
52
r notre poncif moderne, — si propre à égarer dans
d’
ingénieuses métaphores quiconque chercherait une idée là-dessous, — ne
53
it pas toujours chez Breton à masquer la banalité
de
la pensée. D’autant plus que les rares passages où il expose directem
54
s chez Breton à masquer la banalité de la pensée.
D’
autant plus que les rares passages où il expose directement les princi
55
s passages où il expose directement les principes
de
sa « révolution » semblent au contraire tirés de quelque terne manuel
56
de sa « révolution » semblent au contraire tirés
de
quelque terne manuel de philosophie ou de psychanalyse. Ces principes
57
mblent au contraire tirés de quelque terne manuel
de
philosophie ou de psychanalyse. Ces principes ? Ils se laissent hélas
58
e tirés de quelque terne manuel de philosophie ou
de
psychanalyse. Ces principes ? Ils se laissent hélas résumer en un cou
59
Ils se laissent hélas résumer en un court article
de
dictionnaire : « Surréalisme, n.m. Automatisme psychique pur par lequ
60
utomatisme psychique pur par lequel on se propose
d’
exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manièr
61
’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit
de
toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de l
62
it de toute autre manière, le fonctionnement réel
de
la pensée. Dictée de la pensée en l’absence de tout contrôle exercé p
63
ière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée
de
la pensée en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en deho
64
el de la pensée. Dictée de la pensée en l’absence
de
tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation
65
2). Le surréalisme ne serait-il donc qu’une sorte
de
méthode des textes généralisée ? Point du tout ! Il paraît qu’il est
66
scientes M. Breton peut-il préconiser l’existence
d’
une littérature fondée sur de tels principes ? Le Rêve est la seule ma
67
éconiser l’existence d’une littérature fondée sur
de
tels principes ? Le Rêve est la seule matière poétique. Dans le monde
68
le matière poétique. Dans le monde du Rêve autant
de
cellules isolées que de rêveurs. Toute poésie est incommunicable, le
69
s le monde du Rêve autant de cellules isolées que
de
rêveurs. Toute poésie est incommunicable, le poète étant un simple st
70
ommunicable, le poète étant un simple sténographe
de
ses rêves. Soit. De ces faits, je tire cette conclusion pratique : in
71
e étant un simple sténographe de ses rêves. Soit.
De
ces faits, je tire cette conclusion pratique : inutile de publier des
72
aits, je tire cette conclusion pratique : inutile
de
publier des poèmes. Éluard le comprenait, qui écrivit : « Quand les l
73
t, qui écrivit : « Quand les livres se liront-ils
d’
eux-mêmes, sans le secours des lecteurs ? Quand les hommes se comprend
74
n poème » cette mystification est dans la logique
de
ses principes, mais je lui conteste le droit de faire suivre son mani
75
e de ses principes, mais je lui conteste le droit
de
faire suivre son manifeste de proses — Poisson soluble — qui servent
76
i conteste le droit de faire suivre son manifeste
de
proses — Poisson soluble — qui servent d’illustration à sa défense de
77
nifeste de proses — Poisson soluble — qui servent
d’
illustration à sa défense de la poésie pure. Les beautés que j’y vois
78
ne me seraient-elles perceptibles que par le fait
d’
une fortuite coïncidence entre l’univers du poète et le mien ? Je comp
79
l’univers du poète et le mien ? Je comprends trop
de
choses dans ces poèmes qui devraient m’être parfaitement impénétrable
80
serait un très curieux poète s’il ne s’efforçait
de
donner raison aux 75 pages où il voulut nous persuader que tout poème
81
non corrigée du Rêve. Je reconnais à chaque ligne
de
Poisson soluble cette « vieillerie poétique » qui, avoue Rimbaud, ent
82
’« alchimie du verbe » ; et je ne puis m’empêcher
d’
accuser Breton de préméditation… À quoi sert, dès lors, tout cet appar
83
rbe » ; et je ne puis m’empêcher d’accuser Breton
de
préméditation… À quoi sert, dès lors, tout cet appareil psychologique
84
si scolaire ? À donner le change sur la pauvreté
d’
un art purement formel. Car c’est ici le tragique de cette mystificati
85
un art purement formel. Car c’est ici le tragique
de
cette mystification : la plupart des surréalistes n’ont rien à dire,
86
donc en doctrine leur impuissance. « Il n’y a pas
de
pensée hors les mots » (Aragon). Aussi se paient-ils de métaphores co
87
sée hors les mots » (Aragon). Aussi se paient-ils
de
métaphores comme d’autres de raisonnements. Plaisante ironie, si cett
88
Aussi se paient-ils de métaphores comme d’autres
de
raisonnements. Plaisante ironie, si cette attitude n’était qu’une pro
89
nos poncifs intellectuels. Mais elle risque bien
de
nous en rendre un peu plus esclaves. Car depuis Freud — dont ils se r
90
emment, — on sait ce que c’est que la « liberté »
d’
un esprit pur de tout finalisme ! Surréalisme S.A., entreprise pour l’
91
t ce que c’est que la « liberté » d’un esprit pur
de
tout finalisme ! Surréalisme S.A., entreprise pour l’exploitation de
92
Surréalisme S.A., entreprise pour l’exploitation
de
matériaux de démolition abandonnés par Dada S.A. Ce n’est pas ainsi q
93
S.A., entreprise pour l’exploitation de matériaux
de
démolition abandonnés par Dada S.A. Ce n’est pas ainsi que nous sorti
94
r Dada S.A. Ce n’est pas ainsi que nous sortirons
d’
une anarchie dont les causes semblent avant tout morales. Les tendance
95
tout morales. Les tendances encore un peu vagues
d’
un groupe tel que Philosophies laissent pressentir des révolutions plu
96
t en des jeux moins lassants. Dada, éclat de rire
d’
un désespoir exaspéré, commandait une certaine sympathie. L’agaçant, a
97
s surréalistes, c’est que — pour reprendre un mot
de
Cocteau — ils « embaument de vieilles anarchies ». L’ironie qui sauva
98
our reprendre un mot de Cocteau — ils « embaument
de
vieilles anarchies ». L’ironie qui sauva Dada du ridicule le cède ici
99
e qui sauva Dada du ridicule le cède ici à un ton
de
mage qui ne fera plus longtemps impression. C’est grand dommage pour
100
dommage pour les lettres françaises qui risquent
d’
y perdre au moins deux grands artistes : Aragon, Éluard. Sans oublier
101
qui peuplent les ténèbres. b. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] André Breton, Manifeste du surréalisme », Biblioth
102
surréalisme », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, juin 1925, p. 775-776.
103
Colin, Van Gogh (août 1925)c Le nouveau volume
de
la collection des « Maîtres de l’art moderne » est au moins le cinqui
104
Le nouveau volume de la collection des « Maîtres
de
l’art moderne » est au moins le cinquième ouvrage publié en France su
105
nt des vues assez neuves. M. Colin s’est contenté
de
narrer les faits de la vie de Vincent, mais d’une telle manière que d
106
uves. M. Colin s’est contenté de narrer les faits
de
la vie de Vincent, mais d’une telle manière que des conclusions criti
107
olin s’est contenté de narrer les faits de la vie
de
Vincent, mais d’une telle manière que des conclusions critiques s’en
108
té de narrer les faits de la vie de Vincent, mais
d’
une telle manière que des conclusions critiques s’en dégagent avec évi
109
est peu intéressant. On en a connu bien d’autres
de
ces jeunes gens prétentieux et sincères qui se croient une vocation,
110
se croient une vocation, végètent dans des œuvres
d’
évangélisation, fondent des groupes dissidents. Le miracle, c’est que
111
’est que le plus sauvage génie ait choisi un être
de
cette espèce pour le tourmenter et le transfigurer. Vincent s’en effr
112
t-ce que c’est donc ? » Ses premiers dessins sont
de
gauches copies de Millet. Mais son manque de talent ne le rebute pas.
113
c ? » Ses premiers dessins sont de gauches copies
de
Millet. Mais son manque de talent ne le rebute pas. Une divine violen
114
sont de gauches copies de Millet. Mais son manque
de
talent ne le rebute pas. Une divine violence le travaille. Elle jaill
115
vaille. Elle jaillira enfin, dans l’éblouissement
d’
Arles, jusqu’au jour où cette consomption frénétique terrassant un cor
116
ue les flammes, les soleils et aussi les grimaces
de
douleur de ses tableaux. Il faut louer Paul Colin de n’avoir rien cac
117
mes, les soleils et aussi les grimaces de douleur
de
ses tableaux. Il faut louer Paul Colin de n’avoir rien caché des médi
118
douleur de ses tableaux. Il faut louer Paul Colin
de
n’avoir rien caché des médiocrités de cette vie : les reproductions q
119
Paul Colin de n’avoir rien caché des médiocrités
de
cette vie : les reproductions qui suivent sa courte biographie fourni
120
risme dont on a voulu charger la « vie héroïque »
de
Vincent. M. Colin n’a pas cherché à expliquer ce miracle. Il nous lai
121
l nous laisse à notre émotion devant le spectacle
d’
une œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’une œuvre de pur génie. Vincent
122
spectacle d’une œuvre qui ne dut rien à l’homme,
d’
une œuvre de pur génie. Vincent Van Gogh, génie sans talent. c. Rou
123
’une œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’une œuvre
de
pur génie. Vincent Van Gogh, génie sans talent. c. Rougemont Denis
124
an Gogh, génie sans talent. c. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Paul Colin, Van Gogh », Bibliothèque universelle e
125
n, Van Gogh », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, août 1925, p. 1033.
126
court », curieux homme. Il se livre à des travaux
de
précision : il calcule un plan, un poème. Il écrit un livre sur Einst
127
tion : les faits s’y pressent et s’y bousculent ;
de
temps à autre une notation d’artiste ou de psychologue se glisse dans
128
et s’y bousculent ; de temps à autre une notation
d’
artiste ou de psychologue se glisse dans leur flot. Voilà le lecteur e
129
lent ; de temps à autre une notation d’artiste ou
de
psychologue se glisse dans leur flot. Voilà le lecteur entraîné, ébah
130
le lecteur entraîné, ébahi, passionné, contraint
de
suivre jusqu’au bout un roman de 500 pages comme Rabevel. Car si la l
131
ionné, contraint de suivre jusqu’au bout un roman
de
500 pages comme Rabevel. Car si la liquidation des questions traitées
132
est rapide, elle est complète aussi. On s’étonne
de
ce que Fabre, disciple de Valéry, puisse rédiger des romans si bouill
133
lète aussi. On s’étonne de ce que Fabre, disciple
de
Valéry, puisse rédiger des romans si bouillonnants, si mal équarris.
134
mande pas non plus au puissant boxeur sur le ring
d’
être bien peigné. Rabevel, c’était un portrait balzacien du brasseur
135
abevel, c’était un portrait balzacien du brasseur
d’
affaires. Le sujet du Tarramagnou, c’est « la nouvelle mise en servitu
136
la nouvelle mise en servitude du peuple rustique
de
France ». En effet — le phénomène n’est pas particulier à la France —
137
ats et des capitalistes des villes. Mais dans une
de
ces provinces du Midi où le souvenir des luttes religieuses encore vi
138
t, le libérateur va se lever. C’est un descendant
de
Roland le Camisard, ce « Tarramagnou », ce « petit homme de la terre
139
le Camisard, ce « Tarramagnou », ce « petit homme
de
la terre », qui va susciter un formidable mouvement de protestation c
140
terre », qui va susciter un formidable mouvement
de
protestation contre les lois tyranniques. Le succès grandit rapidemen
141
œuvre sabotée par des meneurs ; il tente en vain
de
ressaisir les foules : déjà elles huent sa modération. Alors il va se
142
n clamant la paix. M. Fabre avait là les éléments
d’
un grand roman : autour d’un sujet de vaste envergure, et brûlant, une
143
e avait là les éléments d’un grand roman : autour
d’
un sujet de vaste envergure, et brûlant, une intrigue puissante, des p
144
les éléments d’un grand roman : autour d’un sujet
de
vaste envergure, et brûlant, une intrigue puissante, des personnages
145
brûlant, une intrigue puissante, des personnages
d’
une belle richesse psychologique. En fermant le livre on a presque l’i
146
nd roman… Qu’y manque-t-il ? Un style ? L’absence
de
style, n’est-ce pas le meilleur style pour un romancier ? C’est plutô
147
tissu des faits se relâche parfois, et les arêtes
de
la construction apparaissent trop nues. Chef-d’œuvre ou pas chef-d’œu
148
l reste que le Tarramagnou est un livre émouvant,
d’
une saine puissance. Il reste que Lucien Fabre a tenté, et en somme, r
149
t en somme, réussi, une entreprise bien téméraire
de
nos jours : un roman à thèse aussi intelligent que vivant. d. Roug
150
ssi intelligent que vivant. d. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Lucien Fabre, Le Tarramagnou », Bibliothèque unive
151
Tarramagnou », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, septembre 1925, p. 1151-1152.
152
Les Appels
de
l’Orient (septembre 1925)e Le xxe siècle s’annonce comme le siècl
153
925)e Le xxe siècle s’annonce comme le siècle
de
la découverte du monde par l’Europe intellectuelle. Grand siècle de c
154
e comme le siècle de la découverte du monde par l’
Europe
intellectuelle. Grand siècle de critique pour lequel nos contemporain
155
u monde par l’Europe intellectuelle. Grand siècle
de
critique pour lequel nos contemporains accumulent les documents. La l
156
mporains accumulent les documents. La littérature
de
ces dernières années n’est qu’une forme de reportage international. L
157
rature de ces dernières années n’est qu’une forme
de
reportage international. L’Europe menant cette immense enquête manife
158
n’est qu’une forme de reportage international. L’
Europe
menant cette immense enquête manifeste son génie méthodique, son univ
159
osité. Mais, de même que la France interrogeant l’
Europe
du xviiie prenait surtout conscience de son propre génie, l’Europe d
160
nt l’Europe du xviiie prenait surtout conscience
de
son propre génie, l’Europe d’aujourd’hui semble chercher dans une con
161
prenait surtout conscience de son propre génie, l’
Europe
d’aujourd’hui semble chercher dans une confrontation avec l’Orient, p
162
surtout conscience de son propre génie, l’Europe
d’
aujourd’hui semble chercher dans une confrontation avec l’Orient, plut
163
avec l’Orient, plutôt qu’une réelle connaissance
de
l’Orient, une conscience d’elle-même. C’est peut-être pour provoquer
164
e réelle connaissance de l’Orient, une conscience
d’
elle-même. C’est peut-être pour provoquer cette confrontation seulemen
165
oriental, car il semble bien que dans le domaine
de
la culture le péril n’existe que pour autant qu’on en parle, la vraie
166
n peut prévoir que si le bouddhisme jouit un jour
d’
un renouveau, c’est à quelques savants européens qu’il le devra, tandi
167
un jour d’un renouveau, c’est à quelques savants
européens
qu’il le devra, tandis que d’un mouvement inverse, le christianisme d
168
ques savants européens qu’il le devra, tandis que
d’
un mouvement inverse, le christianisme débarrassé de son déguisement g
169
un mouvement inverse, le christianisme débarrassé
de
son déguisement gréco-latin retournera vers ses sources pour s’y retr
170
a vers ses sources pour s’y retremper. Les appels
de
l’Orient, ce sont les Keyserling, les Guénon, qui les font entendre,
171
fort intéressant tableau des multiples réactions
de
l’Europe placée devant le dilemme Orient-Occident. Réactions qui, dis
172
intéressant tableau des multiples réactions de l’
Europe
placée devant le dilemme Orient-Occident. Réactions qui, disons-le to
173
enquête rejoint parfois celle qu’ouvrit la Revue
de
Genève sur « l’Avenir de l’Europe. » (Cf. les deux réponses d’André
174
lle qu’ouvrit la Revue de Genève sur « l’Avenir
de
l’Europe. » (Cf. les deux réponses d’André Gide en particulier). Car
175
u’ouvrit la Revue de Genève sur « l’Avenir de l’
Europe
. » (Cf. les deux réponses d’André Gide en particulier). Car la plupar
176
« l’Avenir de l’Europe. » (Cf. les deux réponses
d’
André Gide en particulier). Car la plupart des enquêtés se font de l’O
177
particulier). Car la plupart des enquêtés se font
de
l’Orient une représentation vague et poétique. « Orient…, toi qui n’a
178
t poétique. « Orient…, toi qui n’as qu’une valeur
de
symbole », a dit A. Breton. C’est de cet Orient qu’il s’agit, et Jean
179
u’une valeur de symbole », a dit A. Breton. C’est
de
cet Orient qu’il s’agit, et Jean Schlumberger le définit encore : « …
180
sé à l’esprit occidental, tout ce qui peut servir
d’
antidote à sa fièvre et à sa logique. » On confond Japon et Arabie, In
181
bie, Indes et Chine sous une dénomination qui n’a
de
sens que par rapport à l’Europe. Il serait vain de tenter un classeme
182
dénomination qui n’a de sens que par rapport à l’
Europe
. Il serait vain de tenter un classement parmi les réponses d’une extr
183
e sens que par rapport à l’Europe. Il serait vain
de
tenter un classement parmi les réponses d’une extraordinaire diversit
184
t vain de tenter un classement parmi les réponses
d’
une extraordinaire diversité — peut-être trop nombreuses — qui compose
185
rents, si différentes même les conclusions tirées
de
points de vue semblables, qu’un esprit analytique et organisateur d’o
186
mblables, qu’un esprit analytique et organisateur
d’
occidental se perdra ici dans un ensemble kaléidoscopique d’idées et d
187
al se perdra ici dans un ensemble kaléidoscopique
d’
idées et de jugements contradictoires, et de termes dont le sens chang
188
a ici dans un ensemble kaléidoscopique d’idées et
de
jugements contradictoires, et de termes dont le sens change avec l’éc
189
pique d’idées et de jugements contradictoires, et
de
termes dont le sens change avec l’échelle de valeurs de l’écrivain. É
190
, et de termes dont le sens change avec l’échelle
de
valeurs de l’écrivain. Énumérons pourtant quelques-uns des points de
191
mes dont le sens change avec l’échelle de valeurs
de
l’écrivain. Énumérons pourtant quelques-uns des points de vue les plu
192
ou les mieux définis. Pour Valéry, la supériorité
de
l’Europe réside dans sa « puissance de choix », dans le génie d’abstr
193
s mieux définis. Pour Valéry, la supériorité de l’
Europe
réside dans sa « puissance de choix », dans le génie d’abstraction qu
194
upériorité de l’Europe réside dans sa « puissance
de
choix », dans le génie d’abstraction qui a produit la géométrie grecq
195
ide dans sa « puissance de choix », dans le génie
d’
abstraction qui a produit la géométrie grecque. D’autres attribuent ce
196
déplorent. Plusieurs jeunes songent que dans une
Europe
vieillie, les parfums puissants de l’Asie sauront encore éveiller de
197
e dans une Europe vieillie, les parfums puissants
de
l’Asie sauront encore éveiller de beaux rêves. Il y a ceux qui repous
198
rfums puissants de l’Asie sauront encore éveiller
de
beaux rêves. Il y a ceux qui repoussent une Asie ignorante du thomism
199
u thomisme et ceux qui pensent inévitable le choc
de
deux mondes, et que seule une intime connaissance mutuelle l’adoucira
200
provisoire et qui porte en son principe le germe
de
sa destruction.) Il y a enfin ceux qui refondent et combinent toutes
201
ses, conclusions ou interrogations, ont le défaut
de
n’être pas suffisamment motivées par des faits et des documents. Pour
202
ar exemple, qui cependant produit un grand nombre
de
citations à l’appui de ses sophismes, ne se livre pas moins à des déd
203
ions in abstracto qui le mènent à des conclusions
de
ce genre : si nous trouvons le moyen de « suppléer à l’éducation hist
204
nclusions de ce genre : si nous trouvons le moyen
de
« suppléer à l’éducation historique des peuples chrétiens qui n’ont p
205
historique des peuples chrétiens qui n’ont pas eu
de
Moyen Âge », nous pourrons amener l’Asie à comprendre la religion rom
206
listes, qui, eux, apportent des documents, savent
de
quoi ils parlent, ils se récusent lorsqu’il s’agit de conclure. Un éc
207
uoi ils parlent, ils se récusent lorsqu’il s’agit
de
conclure. Un écrivain grec, M. Embiricos, a trouvé la formule qui déf
208
, je pense, réunira tous les suffrages. Et chacun
d’
en tirer de nouvelles raisons de maudire l’Orient ou chercher la guéri
209
réunira tous les suffrages. Et chacun d’en tirer
de
nouvelles raisons de maudire l’Orient ou chercher la guérison de nos
210
frages. Et chacun d’en tirer de nouvelles raisons
de
maudire l’Orient ou chercher la guérison de nos fièvres. Mais nous au
211
isons de maudire l’Orient ou chercher la guérison
de
nos fièvres. Mais nous aurons entrevu peut-être pour la première fois
212
s entrevu peut-être pour la première fois le rôle
de
l’Europe « conscience du monde », entre une Amérique affolée de vites
213
revu peut-être pour la première fois le rôle de l’
Europe
« conscience du monde », entre une Amérique affolée de vitesse, édifi
214
conscience du monde », entre une Amérique affolée
de
vitesse, édifiant ses gratte-ciel comme des tours de Babel, et une As
215
vitesse, édifiant ses gratte-ciel comme des tours
de
Babel, et une Asie immobile dans sa méditation éternelle. e. Rouge
216
ns sa méditation éternelle. e. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Les Appels de l’Orient (n° 9-10 des Cahiers du Mois
217
Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Les Appels
de
l’Orient (n° 9-10 des Cahiers du Mois) », Bibliothèque universelle et
218
ers du Mois) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, septembre 1925, p. 1152-1154.
219
Jean Prévost, Tentative
de
solitude (septembre 1925)f « Dès que nous sommes seuls, nous somme
220
mes seuls, nous sommes des fous. Oui, le contrôle
de
nous-mêmes ne joue que soutenu par le contrôle que les autres nous im
221
rôle que les autres nous imposent », dit un héros
de
Mauriac. C’est un « homme seul » qu’a peint « par le dedans » M. Jean
222
ourci psychologique. « Tout homme normal est fait
de
plusieurs fous qui s’annulent », écrit-il. Ce fou qui veut être soi p
223
fou qui veut être soi purement, qui veut éliminer
de
soi tout ce qui est déterminé par l’extérieur, — ce fou que nous port
224
s il l’a poussé impitoyablement dans sa recherche
d’
un absolu qui se trouve être le néant. Pour finir il « l’écrabouille »
225
st avant tout une démonstration ; mais, puissante
de
sûreté et d’évidence, elle a cette beauté froide et massive d’un théo
226
une démonstration ; mais, puissante de sûreté et
d’
évidence, elle a cette beauté froide et massive d’un théorème de Spino
227
d’évidence, elle a cette beauté froide et massive
d’
un théorème de Spinoza. Une ironie dure, la densité du style révèlent
228
le a cette beauté froide et massive d’un théorème
de
Spinoza. Une ironie dure, la densité du style révèlent seules l’écriv
229
’écrivain ; et aussi quelques sentences : « C’est
de
la faiblesse de nos yeux que frissonnent les étoiles. » f. Rougemo
230
ussi quelques sentences : « C’est de la faiblesse
de
nos yeux que frissonnent les étoiles. » f. Rougemont Denis de, « [
231
frissonnent les étoiles. » f. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Jean Prévost, Tentative de solitude », Bibliothèqu
232
enis de, « [Compte rendu] Jean Prévost, Tentative
de
solitude », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, sep
233
de solitude », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, septembre 1925, p. 1156-1157.
234
nationale qu’Ibsen voulait placer sous les arches
de
la vieille société », pour reprendre la pittoresque définition de M.
235
ciété », pour reprendre la pittoresque définition
de
M. A. Eloesser dans l’Almanach du 25e anniversaire. Les révolutionnai
236
au des auteurs édités depuis lors les grands noms
de
la littérature européenne d’avant-guerre mêlés à ceux des maîtres du
237
tés depuis lors les grands noms de la littérature
européenne
d’avant-guerre mêlés à ceux des maîtres du renouveau idéaliste allema
238
lors les grands noms de la littérature européenne
d’
avant-guerre mêlés à ceux des maîtres du renouveau idéaliste allemand
239
nd et viennois, Hesse, Hofmannsthal… Les extraits
de
ces auteurs qui composent l’Almanach Fischer donnent une juste idée d
240
mposent l’Almanach Fischer donnent une juste idée
de
ce que fut la littérature d’avant-garde entre 1900 et 1910. Depuis, l
241
nnent une juste idée de ce que fut la littérature
d’
avant-garde entre 1900 et 1910. Depuis, la maison paraît s’être un peu
242
ourgeoisée… Disons plutôt que voici venu le temps
de
la moisson, — le temps des éditions d’œuvres complètes. g. Rougemo
243
u le temps de la moisson, — le temps des éditions
d’
œuvres complètes. g. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] S. Fische
244
ditions d’œuvres complètes. g. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] S. Fischer Verlag, Almanach 1925 », Bibliothèque u
245
manach 1925 », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, septembre 1925, p. 1162-1163.
246
g-froid. Et si l’on a pu reprocher à ses tableaux
de
l’Europe qu’il vient de parcourir quelque superficialité, du moins fa
247
id. Et si l’on a pu reprocher à ses tableaux de l’
Europe
qu’il vient de parcourir quelque superficialité, du moins faut-il le
248
quelque superficialité, du moins faut-il le louer
d’
avoir conservé une vision générale de notre temps et un évident besoin
249
-il le louer d’avoir conservé une vision générale
de
notre temps et un évident besoin d’impartialité. Son art bénéficie de
250
sion générale de notre temps et un évident besoin
d’
impartialité. Son art bénéficie de cette vision. Je ne saurais résumer
251
évident besoin d’impartialité. Son art bénéficie
de
cette vision. Je ne saurais résumer les nombreuses péripéties de son
252
. Je ne saurais résumer les nombreuses péripéties
de
son dernier roman sans exposer et discuter toutes les idées qu’elles
253
les meilleurs arguments. Et peu à peu surgissent
d’
une accumulation de petites touches précises des types d’après-guerre
254
ments. Et peu à peu surgissent d’une accumulation
de
petites touches précises des types d’après-guerre d’une étrange vérit
255
ccumulation de petites touches précises des types
d’
après-guerre d’une étrange vérité. Aux prises avec les problèmes socia
256
petites touches précises des types d’après-guerre
d’
une étrange vérité. Aux prises avec les problèmes sociaux et le luxe l
257
rtège pittoresque et désolant à celui qui, revenu
de
l’étranger dans le désordre de son pays, suivra obstinément le « bon
258
celui qui, revenu de l’étranger dans le désordre
de
son pays, suivra obstinément le « bon chemin » de la santé et de la r
259
de son pays, suivra obstinément le « bon chemin »
de
la santé et de la raison. C’est à lui que va la sympathie de l’auteur
260
ivra obstinément le « bon chemin » de la santé et
de
la raison. C’est à lui que va la sympathie de l’auteur et la nôtre.
261
et de la raison. C’est à lui que va la sympathie
de
l’auteur et la nôtre. h. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Otto
262
ie de l’auteur et la nôtre. h. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Otto Flake, Der Gute Weg », Bibliothèque universel
263
er Gute Weg », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, septembre 1925, p. 1163. i. Orthographié « Flasce »
264
. Pour présenter au public français cette œuvre «
d’
importance européenne », croyez-vous qu’il aille s’abandonner à l’émot
265
ter au public français cette œuvre « d’importance
européenne
», croyez-vous qu’il aille s’abandonner à l’émotion communicative de
266
u’il aille s’abandonner à l’émotion communicative
de
qui découvre un sommet ? Point. Précision, modération dans le jugemen
267
éger, notation suggestive, telles sont les vertus
de
sa critique. Ce n’est que dans sa discrétion à louer une grande œuvre
268
à louer une grande œuvre qu’on trouvera la mesure
de
son admiration et le gage de sa légitimité. Nul doute que les Trois n
269
n trouvera la mesure de son admiration et le gage
de
sa légitimité. Nul doute que les Trois nouvelles exemplaires ne susci
270
êt très profond : elles nous transportent au cœur
de
préoccupations des plus modernes, problème de la réalité littéraire,
271
œur de préoccupations des plus modernes, problème
de
la réalité littéraire, problème de la personnalité. Leur Prologue pou
272
rnes, problème de la réalité littéraire, problème
de
la personnalité. Leur Prologue pourrait presque aussi bien être celui
273
r Prologue pourrait presque aussi bien être celui
d’
une pièce de Pirandello. N’annonce-t-il pas que les personnages des tr
274
ourrait presque aussi bien être celui d’une pièce
de
Pirandello. N’annonce-t-il pas que les personnages des trois nouvelle
275
ges des trois nouvelles « sont réels, très réels,
de
la réalité la plus intime, de celle qu’ils se donnent eux-mêmes dans
276
réels, très réels, de la réalité la plus intime,
de
celle qu’ils se donnent eux-mêmes dans leur pure volonté d’être ou de
277
u’ils se donnent eux-mêmes dans leur pure volonté
d’
être ou de ne pas être… ». Mais les héros de Pirandello, s’ils veulent
278
onnent eux-mêmes dans leur pure volonté d’être ou
de
ne pas être… ». Mais les héros de Pirandello, s’ils veulent être, sub
279
lonté d’être ou de ne pas être… ». Mais les héros
de
Pirandello, s’ils veulent être, subissent, une fois qu’ils sont, le g
280
issent, une fois qu’ils sont, le grand malentendu
de
la personnalité. Tandis que chez Unamuno une volonté d’action les pos
281
personnalité. Tandis que chez Unamuno une volonté
d’
action les possède, les exalte, les affole. Les plus beaux types créés
282
erine, ou cet Alexandro Gomez cynique et puissant
de
confiance en soi, qu’une volonté presque inhumaine torture et conduit
283
ar on imagine difficilement un art plus dépouillé
de
détail extérieur ou d’enjolivure. La lecture de ces trois tragédies,
284
ment un art plus dépouillé de détail extérieur ou
d’
enjolivure. La lecture de ces trois tragédies, d’une classique sobriét
285
é de détail extérieur ou d’enjolivure. La lecture
de
ces trois tragédies, d’une classique sobriété mais d’une brutalité et
286
d’enjolivure. La lecture de ces trois tragédies,
d’
une classique sobriété mais d’une brutalité et d’une ironie romantique
287
es trois tragédies, d’une classique sobriété mais
d’
une brutalité et d’une ironie romantiques, laisse la même impression d
288
d’une classique sobriété mais d’une brutalité et
d’
une ironie romantiques, laisse la même impression de grandeur désolée
289
une ironie romantiques, laisse la même impression
de
grandeur désolée qu’un Greco. Mais il n’y a pas les couleurs, ni l’am
290
urs, ni l’amère volupté des formes. Une sensation
de
barre d’acier sur la nuque. j. Rougemont Denis de, « [Compte rendu
291
’amère volupté des formes. Une sensation de barre
d’
acier sur la nuque. j. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Miguel
292
barre d’acier sur la nuque. j. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et u
293
un prologue », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, septembre 1925, p. 1164.
294
Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien
de
la pensée française (octobre 1925)k Peut-être n’est-il pas trop ta
295
-être n’est-il pas trop tard pour parler du Vinet
de
M. Seillière, de ce nouveau chapitre qu’il vient d’ajouter à sa grand
296
s trop tard pour parler du Vinet de M. Seillière,
de
ce nouveau chapitre qu’il vient d’ajouter à sa grande étude sur les r
297
M. Seillière, de ce nouveau chapitre qu’il vient
d’
ajouter à sa grande étude sur les rapports du christianisme et du roma
298
tique un témoin dont le jugement eut « l’autorité
d’
un verdict essentiellement chrétien sur le mysticisme naturiste ». Il
299
l’œuvre du penseur vaudois la substance originale
de
la plupart des idées dont lui-même s’est fait le moderne champion. Po
300
le Vinet juge des romantiques, il n’a pas eu trop
de
peine à l’annexer à son propre corps de doctrines critiques. Dirai-je
301
s eu trop de peine à l’annexer à son propre corps
de
doctrines critiques. Dirai-je pourtant que je crains qu’il n’ait été
302
ue inconsciemment, à gauchir légèrement la pensée
de
Vinet pour lui ajuster sa terminologie particulière ? Mais par ailleu
303
ais par ailleurs Vinet déborde le « sellièrisme »
de
tout son mysticisme protestant. Et cela n’est pas sans gêner M. Seill
304
ithète ». Croit-il éluder ainsi le protestantisme
de
Vinet ? Ne voit-il pas que rien n’est plus protestant qu’une telle at
305
nt qu’une telle attitude ? Mais ces réserves sont
de
peu d’importance si l’on songe au service que M. Seillière nous rend
306
ne telle attitude ? Mais ces réserves sont de peu
d’
importance si l’on songe au service que M. Seillière nous rend en réin
307
s sa position purement chrétienne — un mysticisme
de
cadre solidement moral, c’est-à-dire rationnel, dit M. Seillière — me
308
lière — me paraît infiniment plus forte que celle
d’
un Maurras ou que celle d’un Maritain. Son unité est plus réellement p
309
nt plus forte que celle d’un Maurras ou que celle
d’
un Maritain. Son unité est plus réellement profonde, son point d’appui
310
Son unité est plus réellement profonde, son point
d’
appui plus central. Pour notre époque déchirée entre un thomisme et un
311
tre nouveau mal du siècle, il n’est peut-être pas
de
pensée plus vivante, ni de plus tonique que celle de ce « Pascal prot
312
pensée plus vivante, ni de plus tonique que celle
de
ce « Pascal protestant ». k. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
313
e ce « Pascal protestant ». k. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de la
314
ndu] Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien
de
la pensée française », Bibliothèque universelle et Revue de Genève,
315
e française », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, octobre 1925, p. 1797-1798.
316
e et la mort « où se reflète le passage incessant
d’
oiseaux de la mer ? » « Quel est cet homme dont l’âme fait des signes
317
rt « où se reflète le passage incessant d’oiseaux
de
la mer ? » « Quel est cet homme dont l’âme fait des signes solennels
318
ité qui n’est pas familière. C’est bien la poésie
d’
une époque tourmentée dans sa profondeur, mais qui se penche sans vert
319
se penche sans vertige sur ses abîmes. Simplicité
de
notre temps ! Au-dessus de la trépidation immense des machines, un Sa
320
ses abîmes. Simplicité de notre temps ! Au-dessus
de
la trépidation immense des machines, un Saint-John-Perse, un Supervie
321
-John-Perse, un Supervielle parlent avec des mots
de
tous les jours aux vivants et aux morts : Mère, je sais très mal comm
322
mbler un sourire ». Comme Max Jacob il lui arrive
de
situer une anecdote purement poétique dans un monde qu’il s’est créé.
323
pourtant l’autel et le surréalisme l’ont enrichie
d’
images…). Je cite des noms : y a-t-il influence ou seulement co-généra
324
lité se retrouve dans la manière dont ils tentent
de
fuir l’inquiétude où ils baignent. Celui-ci vient à peine de quitter
325
J’avoue que l’univers intérieur où il lui arrive
de
graviter me trouble mieux que son lyrisme cosmique. On est plus près
326
me cosmique. On est plus près de l’infini au fond
de
soi qu’au fond du ciel. l. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Ju
327
de soi qu’au fond du ciel. l. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Jules Supervielle, Gravitations », Bibliothèque un
328
ravitations », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1925, p. 1560.
329
raine offre un spectacle bien passionnant : celui
de
la renaissance d’une littérature nationale à la fois cause et effet d
330
ctacle bien passionnant : celui de la renaissance
d’
une littérature nationale à la fois cause et effet de la libération po
331
ne littérature nationale à la fois cause et effet
de
la libération politique. Cause, puisque pour mener à chef cette libér
332
n, un Yeats, un A.E., bien d’autres, ont su payer
de
leur personne. Effet, puisque l’héroïsme d’une révolution en faveur d
333
payer de leur personne. Effet, puisque l’héroïsme
d’
une révolution en faveur du passé, révolution tout de même, ne pouvait
334
ne pouvait produire qu’une littérature très neuve
de
forme et traditionaliste d’inspiration, comme fut celle des Yeats, Sy
335
ittérature très neuve de forme et traditionaliste
d’
inspiration, comme fut celle des Yeats, Synge, Joyce même… Trois noms
336
Joyce même… Trois noms qui permettent, je crois,
de
parler d’un grand siècle littéraire irlandais ; ce que d’ailleurs Mll
337
e… Trois noms qui permettent, je crois, de parler
d’
un grand siècle littéraire irlandais ; ce que d’ailleurs Mlle Simone T
338
et conserver dans l’admiration son sens critique
de
Parisienne. C’est une sympathie malicieuse qui anime ses amusants por
339
res parfois un peu copieux ; mais elle a la vertu
de
rendre contagieuse la curiosité de l’auteur à l’endroit de cette âme
340
lle a la vertu de rendre contagieuse la curiosité
de
l’auteur à l’endroit de cette âme irlandaise en laquelle s’allient un
341
éalisme également lyriques. m. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Simone Téry, L’Île des bardes », Bibliothèque univ
342
des bardes », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1925, p. 1567.
343
Révolution russe va-t-elle usurper dans le roman
d’
aventures le rôle de la mer Océane avec ses écumeurs ? Déjà un Mac Orl
344
-t-elle usurper dans le roman d’aventures le rôle
de
la mer Océane avec ses écumeurs ? Déjà un Mac Orlan, un Kessel ont do
345
écumeurs ? Déjà un Mac Orlan, un Kessel ont donné
de
beaux exemples du parti que peut tirer le nouveau romantisme de ce ch
346
les du parti que peut tirer le nouveau romantisme
de
ce chaos. Salmon a même tenté d’en écrire l’épopée dans Prikaz, cette
347
uveau romantisme de ce chaos. Salmon a même tenté
d’
en écrire l’épopée dans Prikaz, cette traduction française de l’énorme
348
l’épopée dans Prikaz, cette traduction française
de
l’énorme cri de délivrance du peuple fou. Belles étincelles échappées
349
rikaz, cette traduction française de l’énorme cri
de
délivrance du peuple fou. Belles étincelles échappées d’un brasier. P
350
vrance du peuple fou. Belles étincelles échappées
d’
un brasier. Pour les causes de l’incendie, voir Dostoïevski. M. Walpol
351
tincelles échappées d’un brasier. Pour les causes
de
l’incendie, voir Dostoïevski. M. Walpole, lui, commence son roman que
352
t plus riche pouvait-on rêver pour un psychologue
de
la puissance de Walpole, que l’âme russe — cette âme russe qui pour l
353
vait-on rêver pour un psychologue de la puissance
de
Walpole, que l’âme russe — cette âme russe qui pour le Parisien reste
354
vu la Révolution sans romantisme, dans le détail
de
la vie d’une ville. Il sait qu’un grand mouvement est la résultante d
355
olution sans romantisme, dans le détail de la vie
d’
une ville. Il sait qu’un grand mouvement est la résultante de millions
356
. Il sait qu’un grand mouvement est la résultante
de
millions de petits. Voici naître la révolution dans un cœur, puis dan
357
’un grand mouvement est la résultante de millions
de
petits. Voici naître la révolution dans un cœur, puis dans une famill
358
bouleversement accompli dans la « Cité secrète »
de
la vie privée, quelques regards sur la foule suffisent pour en précis
359
mêlés au drame. M. Walpole leur a dévolu le soin
d’
entrer tantôt dans un foyer, tantôt dans une église, pour constater qu
360
trement que les individus. L’auteur, qui est l’un
de
ces Anglais, tombe malade avec à-propos et perd connaissance chaque f
361
», d’ailleurs assez peu choquants, que le revers
de
grandes qualités de réalisation d’idées en faits ou en situations dra
362
peu choquants, que le revers de grandes qualités
de
réalisation d’idées en faits ou en situations dramatiques. Je donnera
363
que le revers de grandes qualités de réalisation
d’
idées en faits ou en situations dramatiques. Je donnerai tous les essa
364
tuations dramatiques. Je donnerai tous les essais
de
M. de Voguë sur l’âme slave pour deux ou trois scènes de La Cité secr
365
e Voguë sur l’âme slave pour deux ou trois scènes
de
La Cité secrète. Pour celle-ci par exemple (caché dans un réduit, Mar
366
ière sa vitre, tremblait si fort qu’il avait peur
de
trébucher et de faire du bruit. Il songea : — C’est la fin pour moi.
367
remblait si fort qu’il avait peur de trébucher et
de
faire du bruit. Il songea : — C’est la fin pour moi. Puis : — Quelle
368
russe : mais des possibilités, à chaque instant,
d’
explosion. Le géant russe est un enfant : va-t-il rire, va-t-il pleure
369
ne le dit pas. Mais ses personnages le suggèrent
de
toute la force du trouble qu’ils créent en nous : Markovitch par exem
370
nté qui enchantera M. Gide. n. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Hugh Walpole, La Cité secrète », Bibliothèque univ
371
ité secrète », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1925, p. 1567-1568.
372
ible ou désirable subissent cette rage désespérée
de
course pure, vers ailleurs, vers autre chose. À certains signes — dém
373
s, vers autre chose. À certains signes — démences
de
fatigués, prophétismes, excessives lassitudes ou faim de violences —
374
gués, prophétismes, excessives lassitudes ou faim
de
violences — on sent l’approche de quelque chose, catastrophe ou révél
375
situdes ou faim de violences — on sent l’approche
de
quelque chose, catastrophe ou révélation, brusque échappée sur des pa
376
la ruine. Mais certes, il est temps qu’une lueur
de
conscience inquiète quelques chefs, montre à quelques meneurs aveugle
377
uelques chefs, montre à quelques meneurs aveugles
d’
une société affolée et ridiculement opportuniste où mène la pente de n
378
lée et ridiculement opportuniste où mène la pente
de
notre civilisation. Meneurs et chefs : des économistes, des financier
379
jouerait aussi bien, aussi mal. Quant aux meneurs
de
l’opinion publique, il est trop tard pour les éduquer, il faudrait ba
380
, quelques autres, sont parmi les plus conscients
de
ce temps ; mais si l’on songe aux bataillons de pâles opportunistes s
381
s de ce temps ; mais si l’on songe aux bataillons
de
pâles opportunistes sans culture qui se chargent de gaver les masses
382
pâles opportunistes sans culture qui se chargent
de
gaver les masses du pain quotidien de la bêtise de tous les partis, o
383
se chargent de gaver les masses du pain quotidien
de
la bêtise de tous les partis, on comprendra ce que je veux dire. Il f
384
e gaver les masses du pain quotidien de la bêtise
de
tous les partis, on comprendra ce que je veux dire. Il faudrait balay
385
velles. Toute la jeune littérature décrit un type
d’
homme profondément antisocial, glorifie une morale résolument anarchis
386
nque une certitude foncière, une foi en la valeur
de
l’action. C’est pourquoi ils ne peuvent prétendre à l’action sociale
387
’est aussi pourquoi l’on ne saurait accorder trop
d’
importance à leurs tentatives morales, si singulières soient-elles — d
388
le témoin souvent sceptique ou railleur. Au cœur
de
la crise de notre civilisation, il y a un problème de morale à résoud
389
ouvent sceptique ou railleur. Au cœur de la crise
de
notre civilisation, il y a un problème de morale à résoudre, une cons
390
a crise de notre civilisation, il y a un problème
de
morale à résoudre, une conscience individuelle à recréer. Nous y empl
391
oyer, pour l’heure, c’est la seule façon efficace
de
servir. ⁂ On se complaît à répéter que nous vivons dans le chaos des
392
des idées et des doctrines, et qu’il n’existe pas
d’
esprit du siècle, hors un certain « confusionnisme ». Mais sous les ép
393
certain « confusionnisme ». Mais sous les épaves
de
tous les vieux bateaux, il y a une seule mer. Nos agitations contradi
394
es vagues soulevées par une même tempête. L’unité
de
notre temps est en profondeur : c’est une unité d’inquiétude. Barrès
395
e notre temps est en profondeur : c’est une unité
d’
inquiétude. Barrès et Gide : ils ont construit des édifices très diffé
396
: ils ont construit des édifices très différents
de
style, et dont les façades s’opposent avec hostilité. Dans l’intérieu
397
maisons pourtant se débattent les mêmes brouilles
de
famille entre Art et Morale, Pensée et Action… Ces deux moralistes ad
398
ssent bien les ancêtres des nouvelles générations
de
héros de roman, lesquels sont tous éperdument égoïstes. Égoïstes avec
399
n les ancêtres des nouvelles générations de héros
de
roman, lesquels sont tous éperdument égoïstes. Égoïstes avec une prof
400
profonde conviction ; par vertu. Ce qui n’a rien
d’
étonnant : ils ne sont que les projections du moi de leurs auteurs. Or
401
étonnant : ils ne sont que les projections du moi
de
leurs auteurs. Or l’égoïsme est vertu cardinale pour le créateur. Mai
402
r le créateur. Mais quel est ce besoin si général
de
s’incarner, dans le héros de son roman, de se voir vivre, dans son œu
403
ce besoin si général de s’incarner, dans le héros
de
son roman, de se voir vivre, dans son œuvre ? C’est ici la conception
404
énéral de s’incarner, dans le héros de son roman,
de
se voir vivre, dans son œuvre ? C’est ici la conception même de la li
405
re, dans son œuvre ? C’est ici la conception même
de
la littérature, telle qu’elle apparaît chez les émules de Barrès comm
406
ttérature, telle qu’elle apparaît chez les émules
de
Barrès comme chez ceux de Gide, qu’il faut préciser. L’éthique et l’e
407
pparaît chez les émules de Barrès comme chez ceux
de
Gide, qu’il faut préciser. L’éthique et l’esthétique convergent dans
408
ue et l’esthétique convergent dans la littérature
d’
aujourd’hui, et plusieurs déjà reconnaissent ne pas pouvoir les sépare
409
neuves, — pour le libérer. Il n’est pas question
de
rechercher ici les origines historiques d’une conception qui, de plus
410
estion de rechercher ici les origines historiques
d’
une conception qui, de plus en plus, se révèle à la base de tous les p
411
ception qui, de plus en plus, se révèle à la base
de
tous les problèmes modernes en littérature. Jacques Rivière s’y appli
412
littérature. Jacques Rivière s’y appliqua dans un
de
ses derniers articles2. Il rendait responsable de tout le « mal », le
413
de ses derniers articles2. Il rendait responsable
de
tout le « mal », le romantisme — et c’est plus que probable. Mais il
414
e probable. Mais il en tirait une raison nouvelle
de
le condamner, et nous ne pouvons le suivre jusque-là : il est vain de
415
nous ne pouvons le suivre jusque-là : il est vain
de
dire qu’une époque s’est trompée, puisqu’elle seule permet la suivant
416
ivante qui peut-être retrouvera une nouvelle face
de
la vérité. Bornons-nous à noter le phénomène, puis à en suivre quelqu
417
conséquences. Connaissance intégrale et culture
de
soi, telle peut être l’épigraphe de toute la littérature moderne. Il
418
le et culture de soi, telle peut être l’épigraphe
de
toute la littérature moderne. Il n’a pas fallu longtemps aux Français
419
des combinaisons possibles. Exaltation méthodique
de
nos facultés de plaisir : déjà nous en sommes à cultiver certaines do
420
possibles. Exaltation méthodique de nos facultés
de
plaisir : déjà nous en sommes à cultiver certaines douleurs, plaisirs
421
les dissonances les plus aiguës prennent la place
d’
honneur dans des esthétiques construites en hâte à l’usage de sensibil
422
ans des esthétiques construites en hâte à l’usage
de
sensibilités surmenées. Dégoût, parce que tout a été essayé. Dégoût,
423
chose, contre soi, contre une difficulté.) Dégoût
de
la vie, dégoût du bonheur, dégoût de soi, — on l’étend vite à la soci
424
lté.) Dégoût de la vie, dégoût du bonheur, dégoût
de
soi, — on l’étend vite à la société entière. Dégoût d’une civilisatio
425
i, — on l’étend vite à la société entière. Dégoût
d’
une civilisation qui aboutit logiquement à cet épuisant et forcené gas
426
nous avons un corps, et c’est très beau, Breton,
de
crier « Révolution toujours » — tant qu’il y a des gens pour vous fai
427
vous faire du pain ; et c’est très beau, Aragon,
de
ne plus rien attendre du monde, mais on voudrait que de moins de glor
428
plus rien attendre du monde, mais on voudrait que
de
moins de gloriole s’accompagnât votre ultimatum à Dieu. Mais, secouan
429
attendre du monde, mais on voudrait que de moins
de
gloriole s’accompagnât votre ultimatum à Dieu. Mais, secouant son dég
430
violence. Une sensualité moins énervée lui permet
de
brutaliser quelque peu les « grands problèmes », et le voilà reparti
431
reparti dans un égoïsme triomphant, pur du désir
d’
action qui empêtrait Barrès dans des dilemmes où l’art trouvait mal sa
432
ence et le désespoir (c’est l’amour), et, déchiré
de
contradictions, tire du désordre de ses certitudes fragmentaires la m
433
, et, déchiré de contradictions, tire du désordre
de
ses certitudes fragmentaires la matière de quelques pamphlets par quo
434
sordre de ses certitudes fragmentaires la matière
de
quelques pamphlets par quoi il se raccroche au monde. Mais il a touch
435
che au monde. Mais il a touché certains bas-fonds
de
l’âme où s’éveille un désenchantement qui l’amène au besoin d’une mys
436
’éveille un désenchantement qui l’amène au besoin
d’
une mystique. Et pour finir, l’un des derniers venus, Marcel Arland, —
437
même désenchantement précoce, sans la brusquerie
de
ses aînés. Encore un qui s’est complu dans son dégoût ; mais jusqu’au
438
’est complu dans son dégoût ; mais jusqu’au point
d’
y percevoir comme un appel du Dieu perdu. Il avoue enfin la cause secr
439
cause secrète des inquiétudes modernes : la perte
d’
une foi. Il a besoin de Dieu, mais il attend en vain sa Révélation : «
440
études modernes : la perte d’une foi. Il a besoin
de
Dieu, mais il attend en vain sa Révélation : « C’est peut-être que je
441
ncérité si voulue qu’elle va parfois à l’encontre
de
son dessein. ⁂ Décidément nous sommes malades dans les profondeurs. E
442
lus incurable. Ces jeunes gens n’en finissent pas
de
peindre leur déséquilibre. Il serait temps de faire la critique des m
443
pas de peindre leur déséquilibre. Il serait temps
de
faire la critique des méthodes et des façons de vivre autant que de p
444
s de faire la critique des méthodes et des façons
de
vivre autant que de penser qui les ont amenés aux positions qu’on vie
445
ue des méthodes et des façons de vivre autant que
de
penser qui les ont amenés aux positions qu’on vient d’esquisser. Mais
446
nser qui les ont amenés aux positions qu’on vient
d’
esquisser. Mais on trouve tout dans les livres des jeunes, dites-vous,
447
tachée à chercher dans le seul moi les fondements
d’
une éthique. Presque tous sont hantés par la peur d’une morale qui « d
448
une éthique. Presque tous sont hantés par la peur
d’
une morale qui « déforme », qui mutile une tendance naturelle, qui éla
449
ague, qui opère un choix parmi les éléments mêlés
de
la personnalité. Toute tendance qu’ils découvrent en eux est non seul
450
à leurs yeux, mais « tabou » ; et c’est vertu que
de
favoriser son expansion. — Mais je trouve en moi ordre et désordre, r
451
l’emportent, il est plus facile et plus enivrant
de
se laisser glisser que de construire. Et l’on y prend vite goût. Cel
452
facile et plus enivrant de se laisser glisser que
de
construire. Et l’on y prend vite goût. Cela tourne alors en passion
453
y prend vite goût. Cela tourne alors en passion
de
détruire, en haine de toute stabilité, de toute forme. Attitude parfa
454
ela tourne alors en passion de détruire, en haine
de
toute stabilité, de toute forme. Attitude parfaitement folle, mais c’
455
passion de détruire, en haine de toute stabilité,
de
toute forme. Attitude parfaitement folle, mais c’est justement de quo
456
Attitude parfaitement folle, mais c’est justement
de
quoi se glorifient ses tenants, ils y voient la suprême liberté. Le d
457
la suprême liberté. Le désir se précisait en moi
de
commettre enfin l’acte vraiment indéfendable de tout point de vue… J’
458
i de commettre enfin l’acte vraiment indéfendable
de
tout point de vue… J’avais goûté à l’alcool singulièrement perfide de
459
… J’avais goûté à l’alcool singulièrement perfide
de
perdre ce que nous chérissons… Nous apprîmes à mépriser les longues v
460
’alors enviées, et une nuit, nous fîmes le procès
de
toutes les jouissances humaines. L’espèce de sincérité terroriste dan
461
ocès de toutes les jouissances humaines. L’espèce
de
sincérité terroriste dans laquelle nous nous obstinions nous menait n
462
urellement à repousser avec horreur tout argument
d’
utilité, et bien que nous niions toute vérité, nous étions dominés par
463
ons toute vérité, nous étions dominés par le sens
d’
une réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent acheté au
464
que certains d’entre nous eussent acheté au prix
d’
un martyre… Cette lassitude facile à juger du dehors n’était pas ce qu
465
aît inutile et vain ? Je cite ces phrases, tirées
d’
un récit d’ailleurs admirable4, de Louis Aragon, pour marquer l’abouti
466
phrases, tirées d’un récit d’ailleurs admirable4,
de
Louis Aragon, pour marquer l’aboutissement d’une évolution qui a son
467
e4, de Louis Aragon, pour marquer l’aboutissement
d’
une évolution qui a son origine dans l’œuvre de Gide. Entre les Nourri
468
nt d’une évolution qui a son origine dans l’œuvre
de
Gide. Entre les Nourritures terrestres, les Caves du Vatican et Dada,
469
ican et Dada, il y a place pour tous les chaînons
d’
inquiétude, de malaises, de révoltes plus ou moins complètes au gré de
470
il y a place pour tous les chaînons d’inquiétude,
de
malaises, de révoltes plus ou moins complètes au gré des tempéraments
471
pour tous les chaînons d’inquiétude, de malaises,
de
révoltes plus ou moins complètes au gré des tempéraments. Le geste de
472
moins complètes au gré des tempéraments. Le geste
de
Lafcadio généralisé : c’est le surréalisme. De l’acte gratuit commis
473
te de Lafcadio généralisé : c’est le surréalisme.
De
l’acte gratuit commis par un héros de roman, à la vie gratuite que pr
474
urréalisme. De l’acte gratuit commis par un héros
de
roman, à la vie gratuite que prétendent mener les surréalistes, il n’
475
alistes, il n’a fallu que le temps pour une folie
de
s’emballer. La plupart des romans de jeunes qui se situent entre Gide
476
ur une folie de s’emballer. La plupart des romans
de
jeunes qui se situent entre Gide et Aragon nous montrent le même pers
477
me personnage : un être sans foi, à qui une sorte
de
« sincérité » interdit de commettre aucun acte volontaire et raisonné
478
ns foi, à qui une sorte de « sincérité » interdit
de
commettre aucun acte volontaire et raisonné parce que ce serait fauss
479
l méprise toutes également ; n’attendant rien que
de
ses impulsions et contemplant avec une lucidité parfois douloureuse s
480
ropres actes dont il s’étonne mais qu’il se garde
de
juger5. Il y a véritablement une littérature de l’acte gratuit, qui r
481
e de juger5. Il y a véritablement une littérature
de
l’acte gratuit, qui restera caractéristique de notre époque. Mais Gi
482
re de l’acte gratuit, qui restera caractéristique
de
notre époque. Mais Gide est responsable d’une autre méthode de cultu
483
tique de notre époque. Mais Gide est responsable
d’
une autre méthode de culture de soi, « d’intensification de la vie »,
484
e. Mais Gide est responsable d’une autre méthode
de
culture de soi, « d’intensification de la vie », et qui consiste à po
485
de est responsable d’une autre méthode de culture
de
soi, « d’intensification de la vie », et qui consiste à pousser à l’e
486
ponsable d’une autre méthode de culture de soi, «
d’
intensification de la vie », et qui consiste à pousser à l’extrême cer
487
re méthode de culture de soi, « d’intensification
de
la vie », et qui consiste à pousser à l’extrême certaines « vertus »,
488
usqu’à l’absurde. Surenchère morale dont le début
de
la Tentative amoureuse offrait déjà une singulière préfiguration : Ce
489
intes, ni la pudeur, ni le remords, ni le respect
de
moi ni de mes rêves, ni toi, triste mort, ni l’effroi d’après-tombe q
490
la pudeur, ni le remords, ni le respect de moi ni
de
mes rêves, ni toi, triste mort, ni l’effroi d’après-tombe qui m’empêc
491
ni de mes rêves, ni toi, triste mort, ni l’effroi
d’
après-tombe qui m’empêcheront de joindre ce que je désire ; ni rien —
492
mort, ni l’effroi d’après-tombe qui m’empêcheront
de
joindre ce que je désire ; ni rien — rien que l’orgueil, sachant une
493
— rien que l’orgueil, sachant une chose si forte,
de
me sentir plus fort encore et de la vaincre. — Mais la joie d’une si
494
chose si forte, de me sentir plus fort encore et
de
la vaincre. — Mais la joie d’une si haute victoire — n’est pas si dou
495
plus fort encore et de la vaincre. — Mais la joie
d’
une si haute victoire — n’est pas si douce encore, n’est pas si bonne
496
n’est pas si douce encore, n’est pas si bonne que
de
céder à vous, désirs, et d’être vaincu sans bataille. On voit assez à
497
’est pas si bonne que de céder à vous, désirs, et
d’
être vaincu sans bataille. On voit assez à quel genre de sophismes con
498
vaincu sans bataille. On voit assez à quel genre
de
sophismes conduit ce mouvement de l’esprit qui n’utilise une borne qu
499
ez à quel genre de sophismes conduit ce mouvement
de
l’esprit qui n’utilise une borne que pour sauter plus loin. Ainsi, c’
500
un certain immoralisme comme la seule vertu digne
d’
une élite. Tel est l’état d’esprit de la plupart de nos jeunes moralis
501
vertu digne d’une élite. Tel est l’état d’esprit
de
la plupart de nos jeunes moralistes. Le mot de paradoxe serait bien p
502
it de la plupart de nos jeunes moralistes. Le mot
de
paradoxe serait bien pauvre pour expliquer ce besoin de porter à son
503
adoxe serait bien pauvre pour expliquer ce besoin
de
porter à son excès toute chose, au-delà de toutes limites. « Il n’y a
504
besoin de porter à son excès toute chose, au-delà
de
toutes limites. « Il n’y a que les excès qui méritent notre enthousia
505
propre intérêt6… » c’est proprement la perversion
d’
une vertu qui se brûle elle-même. Je ne vais point nier la fécondité p
506
Je ne vais point nier la fécondité psychologique
d’
une attitude par ailleurs si proche de certain mysticisme. Mais pousse
507
s. Nous ne pensons plus par ensembles7 : symptôme
de
fatigue. Mais tout cela : dégoût universel, désir de violences, gratu
508
fatigue. Mais tout cela : dégoût universel, désir
de
violences, gratuité des pensées et des actes, rêves éveillés, tout ce
509
tes, rêves éveillés, tout cela ne dérive-t-il pas
d’
une fatigue immense. Nous voyons se fausser le rythme des jours et des
510
tion mécanicienne. (Les machines n’ont pas besoin
de
sommeil.) La fatigue devient un des éléments les plus importants de n
511
tigue devient un des éléments les plus importants
de
notre psychologie. Images des surréalistes — ils l’indiquent eux-même
512
calembours, expression métaphorique et symbolique
de
la pensée : la littérature d’avant-garde est fille de la fatigue. La
513
rique et symbolique de la pensée : la littérature
d’
avant-garde est fille de la fatigue. La Muse a trop veillé. L’amour mo
514
a pensée : la littérature d’avant-garde est fille
de
la fatigue. La Muse a trop veillé. L’amour moderne, nerveux, saugrenu
515
grenu jusqu’au sadisme, trop lucide, est un amour
de
fatigués (Les Nuits, l’Europe galante, de Morand). La lucidité aiguë
516
op lucide, est un amour de fatigués (Les Nuits, l’
Europe
galante, de Morand). La lucidité aiguë de nos psychologues est cet ét
517
n amour de fatigués (Les Nuits, l’Europe galante,
de
Morand). La lucidité aiguë de nos psychologues est cet état presque i
518
, l’Europe galante, de Morand). La lucidité aiguë
de
nos psychologues est cet état presque inhumain de celui qui n’a pas d
519
de nos psychologues est cet état presque inhumain
de
celui qui n’a pas dormi et qui « assiste » à sa vie, à ses sensations
520
art, la fatigue est un des états les plus riches
de
visions nouvelles, et qui résiste le mieux à l’analyse. Seulement nou
521
ement nous y perdons graduellement l’intelligence
de
nos instincts, la conscience de nos limites naturelles, tout ce qui s
522
nt l’intelligence de nos instincts, la conscience
de
nos limites naturelles, tout ce qui servirait de frein à notre glissa
523
de nos limites naturelles, tout ce qui servirait
de
frein à notre glissade vers des folies. ⁂ Recréer une conscience indi
524
proportions ; rééduquer les instincts du corps et
de
l’âme ; vouloir une foi… La morale de demain sera en réaction complèt
525
du corps et de l’âme ; vouloir une foi… La morale
de
demain sera en réaction complète contre celle d’aujourd’hui, parce qu
526
de demain sera en réaction complète contre celle
d’
aujourd’hui, parce que nous sommes à bout. Il ne s’agit pas, encore un
527
sommes à bout. Il ne s’agit pas, encore une fois,
de
renier l’immense effort pour se libérer de l’universelle hypocrisie a
528
fois, de renier l’immense effort pour se libérer
de
l’universelle hypocrisie accompli par des générations qui ne lèguent
529
ntraire profiter des démonstrations par l’absurde
de
quelques problèmes moraux et littéraires 8, à quoi beaucoup sacrifièr
530
rent leur jeunesse. (« Nous sommes une génération
de
cobayes » remarque Paul Morand.) Il faut agir, ou bien être agi. Donn
531
ou se défaire avec elle et dériver vers un Orient
d’
oubli — (mais avant de s’y perdre, quelles révolutions, quelles anarch
532
ont compris. Ils sont modestes — ne s’isolant pas
de
la Société ; ils savent que pour lutter il faut des armes et ne mépri
533
pas la culture ; sans autre parti pris que celui
de
vivre, c’est-à-dire de construire ; sobres de langage et maîtres de l
534
autre parti pris que celui de vivre, c’est-à-dire
de
construire ; sobres de langage et maîtres de leurs corps exercés, ils
535
lui de vivre, c’est-à-dire de construire ; sobres
de
langage et maîtres de leurs corps exercés, ils savent qu’il n’y a de
536
dire de construire ; sobres de langage et maîtres
de
leurs corps exercés, ils savent qu’il n’y a de pensée valable qu’assu
537
es de leurs corps exercés, ils savent qu’il n’y a
de
pensée valable qu’assujettie à son objet, qu’il n’y a de liberté que
538
ée valable qu’assujettie à son objet, qu’il n’y a
de
liberté que dans la soumission aux lois naturelles ; et leur effort e
539
umission aux lois naturelles ; et leur effort est
de
retrouver ces lois ; ils ne craignent pas de choisir parmi leurs inst
540
est de retrouver ces lois ; ils ne craignent pas
de
choisir parmi leurs instincts, ni de les améliorer 10. Tout ceci est
541
raignent pas de choisir parmi leurs instincts, ni
de
les améliorer 10. Tout ceci est assez nouveau. (Après tant de cocktai
542
es se recueillent encore dans l’attente angoissée
d’
une révélation et dans la connaissance de leur misère. Pareils à ceux
543
ngoissée d’une révélation et dans la connaissance
de
leur misère. Pareils à ceux dont Vinet disait qu’ils s’en vont « épia
544
ait qu’ils s’en vont « épiant toutes les émotions
de
l’âme, et lui multipliant ses douleurs en les lui nommant », ils décr
545
hent, quand viendra le moment, détourner les yeux
de
leur recherche pour contempler un absolu ; qu’ils osent se faire viol
546
core Vinet, ne voir d’abord que les grands traits
de
sa nature, ne connaître que les grands mots de la langue morale, suiv
547
ts de sa nature, ne connaître que les grands mots
de
la langue morale, suivre à l’égard de soi-même la méthode de l’Évangi
548
e morale, suivre à l’égard de soi-même la méthode
de
l’Évangile qui, prenant à plein poing toutes ces petites misères, en
549
r ce moyen nous met tout d’abord en présence, non
de
nous-mêmes, mais de Dieu. » 1. Il ne s’agit pas d’exiger des poètes
550
tout d’abord en présence, non de nous-mêmes, mais
de
Dieu. » 1. Il ne s’agit pas d’exiger des poètes qu’ils écrivent des
551
nous-mêmes, mais de Dieu. » 1. Il ne s’agit pas
d’
exiger des poètes qu’ils écrivent des odes civiques. Mais que nos mora
552
resque tous les jeunes écrivains — se souviennent
de
penser en fonction du temps présent, soit qu’ils veuillent en amélior
553
le mal qu’ils ont fait et qu’au fond, leur refus
d’
agir sur l’époque, c’est une manière d’agir contre elle. 2. « La cris
554
leur refus d’agir sur l’époque, c’est une manière
d’
agir contre elle. 2. « La crise du concept de littérature », NRF, 192
555
ère d’agir contre elle. 2. « La crise du concept
de
littérature », NRF, 1923. 3. « Il s’était développé en nous un goût
556
3. « Il s’était développé en nous un goût furieux
de
l’expérience humaine. » (Aragon) 4. « Lorsque tout est fini » dans L
557
t est fini » dans Libertinage. (NRF) 5. Détours
de
René Crevel ; les romans de Philippe Soupault ; l’Incertain de Mauric
558
e. (NRF) 5. Détours de René Crevel ; les romans
de
Philippe Soupault ; l’Incertain de Maurice Betz ; certains personnage
559
l ; les romans de Philippe Soupault ; l’Incertain
de
Maurice Betz ; certains personnages d’Arland, de Louis Aragon, de Dri
560
’Incertain de Maurice Betz ; certains personnages
d’
Arland, de Louis Aragon, de Drieu la Rochelle. Je ne cite que les plus
561
de Maurice Betz ; certains personnages d’Arland,
de
Louis Aragon, de Drieu la Rochelle. Je ne cite que les plus significa
562
; certains personnages d’Arland, de Louis Aragon,
de
Drieu la Rochelle. Je ne cite que les plus significatifs. 6. Aragon,
563
nd du romantisme moderne nous empêche secrètement
de
construire et de nous construire. Jamais l’on ne fut plus loin de l’i
564
moderne nous empêche secrètement de construire et
de
nous construire. Jamais l’on ne fut plus loin de l’idéal goethéen : a
565
n veut tout cultiver, et en fait l’on se contente
d’
une violence, d’un vice, d’une inquiétude. 8. « Certaines expériences
566
iver, et en fait l’on se contente d’une violence,
d’
un vice, d’une inquiétude. 8. « Certaines expériences littéraires son
567
fait l’on se contente d’une violence, d’un vice,
d’
une inquiétude. 8. « Certaines expériences littéraires sont plus dang
568
leurs leurs théories nous ramèneraient vite l’âge
de
la pierre, à la condition d’homme la plus nue ; la plus éloignée de c
569
èneraient vite l’âge de la pierre, à la condition
d’
homme la plus nue ; la plus éloignée de celle qui permet le surréalism
570
condition d’homme la plus nue ; la plus éloignée
de
celle qui permet le surréalisme. 10. Une équipe d’hommes solides suf
571
celle qui permet le surréalisme. 10. Une équipe
d’
hommes solides suffirait à restaurer une élite, efficace. (Je vois Jea
572
e, efficace. (Je vois Jean Prévost, deux ou trois
de
Philosophies, des Cahiers du Mois, et peut-être Drieu la Rochelle, s’
573
la Rochelle, s’il voulait…) o. Rougemont Denis
de
, « Adieu, beau désordre… (Notes sur la jeune littérature et la morale
574
t la morale) », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mars 1926, p. 311-319.
575
(avril 1926)p Au creux des couleurs assourdies
d’
un divan le soir, tandis que les fenêtres s’ouvraient vers le ciel de
576
tandis que les fenêtres s’ouvraient vers le ciel
de
Florence… « Du sang, de la volupté et de la mort », un titre s’effaça
577
s’ouvraient vers le ciel de Florence… « Du sang,
de
la volupté et de la mort », un titre s’effaçait dans l’ombre. Jouve a
578
le ciel de Florence… « Du sang, de la volupté et
de
la mort », un titre s’effaçait dans l’ombre. Jouve a rêvé une histoir
579
’effaçait dans l’ombre. Jouve a rêvé une histoire
de
passion mystique et de crime, intense et tragique comme un couchant d
580
Jouve a rêvé une histoire de passion mystique et
de
crime, intense et tragique comme un couchant d’automne, émouvante enc
581
t de crime, intense et tragique comme un couchant
d’
automne, émouvante encore après tant d’autres, comme chaque soir un no
582
te en brèves notations lyriques suivant le rythme
d’
un songe, sans cesse brisé par les élans alternés ou confondus du dési
583
é par les élans alternés ou confondus du désir et
de
la prière. On sort lentement d’une chambre bleue qui est le mystère m
584
ondus du désir et de la prière. On sort lentement
d’
une chambre bleue qui est le mystère même, pour suivre la naissance et
585
e même, pour suivre la naissance et l’embrasement
de
la passion de Paulina. Le Péché ; le Couvent ; la rechute et le crime
586
uivre la naissance et l’embrasement de la passion
de
Paulina. Le Péché ; le Couvent ; la rechute et le crime ; et l’étrang
587
la rechute et le crime ; et l’étrange apaisement
d’
une vieillesse au soleil. Jouve semble avoir hésité entre plusieurs st
588
Jouve semble avoir hésité entre plusieurs styles
de
roman. Un chapitre d’observation psychologique ironique et minutieuse
589
sité entre plusieurs styles de roman. Un chapitre
d’
observation psychologique ironique et minutieuse, à la Stendhal, succè
590
me lyrisme et s’agite sur un fond sombre et riche
de
passions inconscientes qui donnent à tous les actes une signification
591
une signification plus profonde. (Il serait aisé
de
montrer quel parti Jouve a su tirer des complexes de famille freudien
592
montrer quel parti Jouve a su tirer des complexes
de
famille freudiens, ou d’analyses de démences mystiques ; mais tout ce
593
a su tirer des complexes de famille freudiens, ou
d’
analyses de démences mystiques ; mais tout cela est sublimé dans un mo
594
des complexes de famille freudiens, ou d’analyses
de
démences mystiques ; mais tout cela est sublimé dans un monde poétiqu
595
é dans un monde poétique où il paraît inconvenant
d’
introduire le jargon de la science moderne.) Si nous reconnaissons à l
596
e où il paraît inconvenant d’introduire le jargon
de
la science moderne.) Si nous reconnaissons à la base de cette œuvre i
597
science moderne.) Si nous reconnaissons à la base
de
cette œuvre inégale des idées vieilles comme Rousseau sur les droits
598
des idées vieilles comme Rousseau sur les droits
de
la passion, — et dans sa trame quelques chapitres inspirés presque li
599
quelques chapitres inspirés presque littéralement
d’
une anecdote italienne de Stendhal ; si d’autre part l’évolution mysti
600
és presque littéralement d’une anecdote italienne
de
Stendhal ; si d’autre part l’évolution mystique de Paulina semble par
601
e Stendhal ; si d’autre part l’évolution mystique
de
Paulina semble parfois un peu trop « classique » et prévue, l’origina
602
ique » et prévue, l’originalité foncière du roman
de
Jouve reste indéniable : c’est son mouvement purement lyrique, sa pro
603
énements inconscients. Certaines proses mystiques
de
Paulina au couvent valent les meilleurs poèmes de l’auteur de Tragiqu
604
de Paulina au couvent valent les meilleurs poèmes
de
l’auteur de Tragiques et de Vous êtes des hommes. p. Rougemont Den
605
u couvent valent les meilleurs poèmes de l’auteur
de
Tragiques et de Vous êtes des hommes. p. Rougemont Denis de, « [Co
606
les meilleurs poèmes de l’auteur de Tragiques et
de
Vous êtes des hommes. p. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Pier
607
et de Vous êtes des hommes. p. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Pierre Jean Jouve, Paulina 1880 », Bibliothèque un
608
aulina 1880 », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, avril 1926, p. 530-531.
609
Alix de Watteville, La Folie
de
l’espace (avril 1926)q Un artiste de grand talent à qui la guerre
610
La Folie de l’espace (avril 1926)q Un artiste
de
grand talent à qui la guerre a fait perdre le goût des théories d’éco
611
qui la guerre a fait perdre le goût des théories
d’
écoles et de quelques autres plaisirs pour civils : mettez-le aux pris
612
re a fait perdre le goût des théories d’écoles et
de
quelques autres plaisirs pour civils : mettez-le aux prises avec une
613
principes. Voilà, n’est-ce pas, un amusant sujet
de
conte moral, avec ses personnages un peu conventionnels et l’invraise
614
onventionnels et l’invraisemblance assez piquante
de
ses péripéties. Quel dommage que l’auteur l’ait alourdi d’une idéolog
615
ripéties. Quel dommage que l’auteur l’ait alourdi
d’
une idéologie, souvent plus généreuse que neuve, et qui eût gagné à êt
616
se en action plutôt qu’en commentaires. Le talent
de
Mme de Watteville paraît mieux à l’aise dans la description du milieu
617
cription du milieu patricien que dans la création
d’
un caractère de grand peintre. Pourtant, malgré des longueurs, on ne l
618
ieu patricien que dans la création d’un caractère
de
grand peintre. Pourtant, malgré des longueurs, on ne lira pas sans pl
619
in le vent du large, parmi des gens qui craignent
de
s’enrhumer. q. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Alix de Wattev
620
ui craignent de s’enrhumer. q. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Alix de Watteville, La Folie de l’espace », Biblio
621
de, « [Compte rendu] Alix de Watteville, La Folie
de
l’espace », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, avr
622
de l’espace », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, avril 1926, p. 531.
623
ourit avec une grâce un peu frileuse et se permet
de
bâiller en public. On connaît le danger… r. Rougemont Denis de, «
624
blic. On connaît le danger… r. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Wilfred Chopard, Spicilège ironique », Bibliothèqu
625
ge ironique », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mai 1926, p. 661.
626
ire Rivier, L’Athée (mai 1926)s C’est le récit
de
la découverte de Dieu par une jeune fille élevée dans l’athéisme. Inv
627
ée (mai 1926)s C’est le récit de la découverte
de
Dieu par une jeune fille élevée dans l’athéisme. Invraisemblablement
628
ée dans l’athéisme. Invraisemblablement ignorante
de
toute religion jusqu’à 20 ans, Denise s’abandonne à « la vie », laque
629
r l’auteur — lui révèlera peu à peu le sens divin
de
la destinée. Ce livre à thèse est plutôt une argumentation à coups d’
630
ivre à thèse est plutôt une argumentation à coups
d’
exemples vivants qu’un véritable roman. La profusion souvent facile de
631
cidents et le style volontairement sec permettent
de
suivre sans passion ni fatigue le développement un peu théorique mais
632
e développement un peu théorique mais intelligent
d’
un problème que l’on pressent trop complètement résolu dès les premièr
633
premières pages, mais qu’il faut louer Mme Rivier
d’
avoir posé courageusement. Dirai-je que l’abus des points d’exclamatio
634
sé courageusement. Dirai-je que l’abus des points
d’
exclamation — trait commun à presque toutes les femmes auteur, et qui
635
un peu ? C’est une vétille. s. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Cécile-Claire Rivier, L’Athée », Bibliothèque univ
636
er, L’Athée », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mai 1926, p. 661.
637
Jean Cocteau a réuni ce qui me paraît le meilleur
de
son œuvre : ses récits de critique et d’esthétique (Le Coq et l’Arleq
638
i me paraît le meilleur de son œuvre : ses récits
de
critique et d’esthétique (Le Coq et l’Arlequin, la Noce massacrée, le
639
meilleur de son œuvre : ses récits de critique et
d’
esthétique (Le Coq et l’Arlequin, la Noce massacrée, le Secret profess
640
d par ordre, et montrer que si cet ordre l’écarte
de
Dada, il ne le conduit pas pour autant à l’Académie. Disons pour alle
641
Académie. Disons pour aller vite que sa recherche
de
l’ordre révèle simplement une volonté de construire jusque dans le gr
642
echerche de l’ordre révèle simplement une volonté
de
construire jusque dans le grabuge, qu’il aime pour les matériaux qu’o
643
r les matériaux qu’on en peut tirer. L[e] malheur
de
Cocteau est qu’il se veuille poète. Il ne l’est jamais moins qu’en ve
644
ofessionnel, petit catéchisme cubiste qui dépasse
de
beaucoup les limites de cette école, et qu’il eut le tort à notre sen
645
hisme cubiste qui dépasse de beaucoup les limites
de
cette école, et qu’il eut le tort à notre sens de vouloir illustrer d
646
de cette école, et qu’il eut le tort à notre sens
de
vouloir illustrer de pédants exercices poétiques. Mais quelle intelli
647
’il eut le tort à notre sens de vouloir illustrer
de
pédants exercices poétiques. Mais quelle intelligence, et dont l’auda
648
s. Mais quelle intelligence, et dont l’audace est
de
se vouloir plus juste que bizarre. Il sait bien d’ailleurs que les mi
649
urs que les miracles les plus étonnants sont ceux
de
la lumière. « Le mystère se passe en plein jour et à toute vitesse. »
650
et à toute vitesse. » Telle est bien la nouveauté
de
son théâtre et de l’art qu’il défend en peinture, en musique. Suppres
651
. » Telle est bien la nouveauté de son théâtre et
de
l’art qu’il défend en peinture, en musique. Suppression du clair-obsc
652
nture, en musique. Suppression du clair-obscur et
de
la pénombre. Ôter la pédale à la poésie. (« Le poète ne rêve pas, il
653
t sur une machine luisante et tournante. L’esprit
de
Cocteau est une arme admirable de précision, d’élégance mécanique et
654
nante. L’esprit de Cocteau est une arme admirable
de
précision, d’élégance mécanique et de rapidité. Il lassera, parce que
655
t de Cocteau est une arme admirable de précision,
d’
élégance mécanique et de rapidité. Il lassera, parce que c’est toujour
656
e admirable de précision, d’élégance mécanique et
de
rapidité. Il lassera, parce que c’est toujours le même déclic. Coctea
657
charme et toute grâce vaporeuse. Mais ses fleurs
de
cristal, si elles sont sans parfum, ne se faneront pas. t. Rougemo
658
parfum, ne se faneront pas. t. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Jean Cocteau, Rappel à l’ordre », Bibliothèque uni
659
l à l’ordre », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mai 1926, p. 661-662.
660
émoignages ne manquent pas sur la détresse morale
de
la génération surréaliste. Mais tandis que la plupart en sont encore
661
, « artistiqués », — ils n’osent plus le mensonge
de
l’art, et pas encore la vérité pure — Crevel décrit sans aucune trans
662
ansposition romanesque le trouble caractéristique
de
sa génération. Terrible aveu d’impuissance, il n’a plus même la force
663
e caractéristique de sa génération. Terrible aveu
d’
impuissance, il n’a plus même la force de l’hypocrisie. Isolé dans un
664
ble aveu d’impuissance, il n’a plus même la force
de
l’hypocrisie. Isolé dans un hôtel perdu, avec son corps qui se souvie
665
ec une intelligence dont la triste profession est
de
détruire le désir qu’elle excite par curiosité passagère, il monologu
666
l’élan vital qui nous crée sans cesse : l’analyse
de
sa solitude le laisse en face de quelques réactions physiologiques do
667
isse qu’il nomme « élan mortel ». Cette inversion
de
tout ce qui est constructif et créateur, voilà je pense le véritable
668
parvenue au point où elle « ne semble avoir rien
d’
autre à faire que son propre procès », une intelligence qui se dégoût
669
Ah ! Seigneur, donnez-nous la force et le courage
de
contempler nos corps et nos cœurs sans dégoût implorait Baudelaire.
670
implorait Baudelaire. Encore avait-il le courage
de
prier… u. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] René Crevel, Mon co
671
ait-il le courage de prier… u. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] René Crevel, Mon corps et moi », Bibliothèque univ
672
orps et moi », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mai 1926, p. 662-663.
673
us disons adieu aux charmes troubles et inhumains
de
la nature. Il s’agit de créer à notre vie moderne un décor utile et b
674
mes troubles et inhumains de la nature. Il s’agit
de
créer à notre vie moderne un décor utile et beau. Or « la grande vill
675
or utile et beau. Or « la grande ville, phénomène
de
force en mouvement, est aujourd’hui une catastrophe menaçante pour n’
676
catastrophe menaçante pour n’avoir pas été animée
de
l’esprit de géométrie… Elle use et conduit lentement l’usure des mill
677
menaçante pour n’avoir pas été animée de l’esprit
de
géométrie… Elle use et conduit lentement l’usure des milliers d’êtres
678
lle use et conduit lentement l’usure des milliers
d’
êtres humains ». Elle n’est plus adaptée aux conditions nouvelles de t
679
Elle n’est plus adaptée aux conditions nouvelles
de
travail ou de repos, ni dans son plan ni dans le détail des rues. Con
680
us adaptée aux conditions nouvelles de travail ou
de
repos, ni dans son plan ni dans le détail des rues. Congestion : « un
681
i, — comme la poésie. C’est ainsi que le problème
de
l’Urbanisme se place au croisement des préoccupations esthétiques et
682
sement des préoccupations esthétiques et sociales
d’
aujourd’hui. Pour résoudre la crise de notre civilisation sous cet asp
683
et sociales d’aujourd’hui. Pour résoudre la crise
de
notre civilisation sous cet aspect comme sous les autres, il nous fau
684
faut mieux que des dictateurs : des Architectes,
de
l’esprit et de la matière. Si Le Corbusier réalise son plan, ce sera
685
des dictateurs : des Architectes, de l’esprit et
de
la matière. Si Le Corbusier réalise son plan, ce sera plus fort que M
686
rt que Mussolini (lequel s’est d’ailleurs inspiré
de
lui dans son fameux discours aux édiles de Rome). Urbanisme est une
687
nspiré de lui dans son fameux discours aux édiles
de
Rome). Urbanisme est une étude technique et un pamphlet dont l’argum
688
e parfois en boutades mordantes, en brèves fusées
de
lyrisme. C’est d’une verve puissante jusque dans la statistique. On e
689
des mordantes, en brèves fusées de lyrisme. C’est
d’
une verve puissante jusque dans la statistique. On en sort convaincu o
690
On en sort convaincu ou bouleversé, enthousiasmé
d’
avoir trouvé la formule même de tant d’aspirations modernes. Voici san
691
ersé, enthousiasmé d’avoir trouvé la formule même
de
tant d’aspirations modernes. Voici sans aucun doute un des livres les
692
thousiasmé d’avoir trouvé la formule même de tant
d’
aspirations modernes. Voici sans aucun doute un des livres les plus re
693
aucun doute un des livres les plus représentatifs
de
l’époque de Lénine, du fascisme, du ciment armé. « Notre monde comme
694
un des livres les plus représentatifs de l’époque
de
Lénine, du fascisme, du ciment armé. « Notre monde comme un ossuaire
695
monde comme un ossuaire est couvert des détritus
d’
époques mortes. Une tâche nous incombe, construire le cadre de notre e
696
rtes. Une tâche nous incombe, construire le cadre
de
notre existence… construire les villes de notre temps ». Et je déplie
697
e cadre de notre existence… construire les villes
de
notre temps ». Et je déplie ce plan d’une « ville contemporaine ». Pu
698
les villes de notre temps ». Et je déplie ce plan
d’
une « ville contemporaine ». Pures géométries de verre et de ciment bl
699
n d’une « ville contemporaine ». Pures géométries
de
verre et de ciment blanc, flamboyantes au soleil. Les vingt-quatre gr
700
lle contemporaine ». Pures géométries de verre et
de
ciment blanc, flamboyantes au soleil. Les vingt-quatre gratte-ciel de
701
mboyantes au soleil. Les vingt-quatre gratte-ciel
de
la cité, au centre, s’espacent autour d’un aérodrome-gare circulaire,
702
tte-ciel de la cité, au centre, s’espacent autour
d’
un aérodrome-gare circulaire, prismes perdus dans le silence de l’azur
703
e-gare circulaire, prismes perdus dans le silence
de
l’azur au-dessus des rumeurs de la ville. Puis s’étendent les quartie
704
s dans le silence de l’azur au-dessus des rumeurs
de
la ville. Puis s’étendent les quartiers de résidence ; les jardins su
705
umeurs de la ville. Puis s’étendent les quartiers
de
résidence ; les jardins suspendus à tous les étages soulignent de ver
706
es jardins suspendus à tous les étages soulignent
de
verdure l’horizontale des toitures en terrasses. Des perspectives rég
707
s, et minces en regard de leur hauteur, entourant
de
leurs multiples « redents » des terrains de jeux et des parcs, la nat
708
urant de leurs multiples « redents » des terrains
de
jeux et des parcs, la nature annexée à la ville. « C’est un spectacle
709
e organisé par l’Architecture avec les ressources
de
la plastique qui est le jeu de formes sous la lumière ». Cristallisat
710
vec les ressources de la plastique qui est le jeu
de
formes sous la lumière ». Cristallisation d’un rêve de joie et de rai
711
jeu de formes sous la lumière ». Cristallisation
d’
un rêve de joie et de raison où de grandes ordonnances élèvent leur ch
712
rmes sous la lumière ». Cristallisation d’un rêve
de
joie et de raison où de grandes ordonnances élèvent leur chant. Utopi
713
a lumière ». Cristallisation d’un rêve de joie et
de
raison où de grandes ordonnances élèvent leur chant. Utopie ! Oui, si
714
Cristallisation d’un rêve de joie et de raison où
de
grandes ordonnances élèvent leur chant. Utopie ! Oui, si notre civili
715
tériels formidables des ensembles soumis aux lois
de
l’esprit et de la vie sociale, non plus à un opportunisme anarchique.
716
bles des ensembles soumis aux lois de l’esprit et
de
la vie sociale, non plus à un opportunisme anarchique. Tirer des lign
717
archique. Tirer des lignes droites, est le propre
de
l’homme. Toutes les civilisations fortes l’ont osé. Créer un espace a
718
es, ce serait peut-être tuer au soleil des germes
de
révolution. Déjà des ingénieurs se sont mis à calculer la réalisation
719
ingénieurs se sont mis à calculer la réalisation
de
ce phénomène de haute poésie — la « ville contemporaine ». Un labeur
720
ont mis à calculer la réalisation de ce phénomène
de
haute poésie — la « ville contemporaine ». Un labeur précis et anonym
721
scurément à cette parfaite expression du triomphe
de
l’homme sur la Nature. Architecture : « tout ce qui est au-delà du ca
722
era la passion du siècle ». v. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Le Corbusier, Urbanisme », Bibliothèque universell
723
, Urbanisme », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, juin 1926, p. 797-798.
724
ssages (juillet 1926)w Je ne crois pas exagéré
de
dire qu’en publiant ce recueil d’essais, M. Fernandez a donné la prem
725
ois pas exagéré de dire qu’en publiant ce recueil
d’
essais, M. Fernandez a donné la première œuvre importante du mouvement
726
a donné la première œuvre importante du mouvement
de
construction et de synthèse qui se dessine chez les jeunes écrivains
727
œuvre importante du mouvement de construction et
de
synthèse qui se dessine chez les jeunes écrivains d’aujourd’hui. La «
728
synthèse qui se dessine chez les jeunes écrivains
d’
aujourd’hui. La « critique philosophique » qu’il voudrait inaugurer «
729
qu’il voudrait inaugurer « ne se contenterait pas
d’
étudier les œuvres pour elles-mêmes dans leur signification historique
730
ification historique ou technique, mais tâcherait
d’
épouser le dynamisme spirituel qu’elle révèle, puis de les situer dans
731
ouser le dynamisme spirituel qu’elle révèle, puis
de
les situer dans l’univers humain ». M. Fernandez a tout le talent qu’
732
e talent qu’il faut pour lui faire acquérir droit
de
cité. Voici enfin un critique qui sait tirer une leçon constructive d
733
ées dans leurs recherches, il ne les condamne pas
d’
un « Jugement » sans issue sinon vers le passé catholique ; mais tenan
734
non vers le passé catholique ; mais tenant compte
de
leur effort, il puise dans l’échec même de leurs analyses les élément
735
compte de leur effort, il puise dans l’échec même
de
leurs analyses les éléments de sa synthèse, qui se trouve ainsi conti
736
dans l’échec même de leurs analyses les éléments
de
sa synthèse, qui se trouve ainsi continuer leur œuvre, comme une déco
737
ur œuvre, comme une découverte couronne une série
d’
expériences négatives. La critique de ces expériences négatives est co
738
ne une série d’expériences négatives. La critique
de
ces expériences négatives est contenue surtout dans ses essais sur Pr
739
it temps que l’on dénonce la confusion romantique
de
l’art avec la vie, qui empoisonne et la morale et l’esthétique modern
740
iter que M. Fernandez aborde par ce biais l’œuvre
de
Gide, qui plus qu’aucune autre me paraît liée à cette confusion. Mais
741
confusion. Mais s’il est bien établi que les lois
de
la vie sont essentiellement différentes des lois de l’œuvre d’art, il
742
la vie sont essentiellement différentes des lois
de
l’œuvre d’art, il ne s’en suit pas forcément que l’on doit nier toute
743
phie et le Roman, dont pour ma part je suis loin
d’
admettre plusieurs thèses beaucoup trop absolues. M. Fernandez tente d
744
thèses beaucoup trop absolues. M. Fernandez tente
de
prouver par exemple que l’œuvre d’art ne peut être un moyen de connai
745
r exemple que l’œuvre d’art ne peut être un moyen
de
connaissance personnelle. Après quoi il écrit : « II y a, en fait, de
746
quoi il écrit : « II y a, en fait, deux manières
de
se connaître, à savoir se concevoir et s’essayer. » Fort bien, mais l
747
ais l’œuvre n’est-elle pas une façon particulière
de
s’essayer ? Je ne puis amorcer ici une discussion de ces thèses subti
748
s’essayer ? Je ne puis amorcer ici une discussion
de
ces thèses subtiles, d’autant que la position de l’auteur dans cet es
749
de ces thèses subtiles, d’autant que la position
de
l’auteur dans cet essai me paraît encore ambiguë : on peut se demande
750
peut se demander s’il nie vraiment l’interaction
de
la vie et de l’art, ou s’il la condamne plutôt, à cause des confusion
751
nder s’il nie vraiment l’interaction de la vie et
de
l’art, ou s’il la condamne plutôt, à cause des confusions qu’il y déc
752
tement par opposition à la conception proustienne
de
la personnalité — « mosaïque de sensations juxtaposées » — qu’il défi
753
ption proustienne de la personnalité — « mosaïque
de
sensations juxtaposées » — qu’il définit sa propre théorie de la « ga
754
s juxtaposées » — qu’il définit sa propre théorie
de
la « garantie des sentiments », où l’on est en droit de voir le germe
755
« garantie des sentiments », où l’on est en droit
de
voir le germe d’un moralisme nouveau qui se fonderait solidement sur
756
ntiments », où l’on est en droit de voir le germe
d’
un moralisme nouveau qui se fonderait solidement sur les données moder
757
se fonderait solidement sur les données modernes
de
la psychologie et de la philosophie. Pour nous prémunir contre le pou
758
ent sur les données modernes de la psychologie et
de
la philosophie. Pour nous prémunir contre le pouvoir d’analyse — une
759
philosophie. Pour nous prémunir contre le pouvoir
d’
analyse — une analyse qui retient les éléments de la personnalité moin
760
d’analyse — une analyse qui retient les éléments
de
la personnalité moins le « principe unificateur » — que la psychologi
761
point si dangereux, il nous propose l’expérience
d’
un Newman, les exemples d’un Meredith et d’un Stendhal, qui ont su « p
762
us propose l’expérience d’un Newman, les exemples
d’
un Meredith et d’un Stendhal, qui ont su « penser dans le train de l’a
763
rience d’un Newman, les exemples d’un Meredith et
d’
un Stendhal, qui ont su « penser dans le train de l’action, faire de l
764
d’un Stendhal, qui ont su « penser dans le train
de
l’action, faire de la psychologie à la volée », et donc connaître l’h
765
ont su « penser dans le train de l’action, faire
de
la psychologie à la volée », et donc connaître l’homme dans l’élan qu
766
du cubisme littéraire, et qu’il serait bien utile
d’
adopter, si l’on veut éviter les confusions qui sont en train d’ôter s
767
tient surtout à sa forme : il est parfois agaçant
de
pressentir sous l’expression trop technique ou obscure, une richesse
768
xpression trop technique ou obscure, une richesse
d’
idées neuves et fortes, mais péniblement comprimées. Ce défaut de form
769
et fortes, mais péniblement comprimées. Ce défaut
de
forme est peut-être inhérent, dans une certaine mesure, au genre de c
770
être inhérent, dans une certaine mesure, au genre
de
critique pratiqué par Fernandez. Périlleuse situation que la sienne,
771
sienne, en effet, où l’on court le double risque
de
paraître trop littéraire aux philosophes, et trop philosophe aux litt
772
n’empêche que son livre manifeste une belle unité
de
pensée, et qu’il propose quelques directions très nettes de synthèse.
773
et qu’il propose quelques directions très nettes
de
synthèse. Avec une œuvre comme Plaisir des Sports de Jean Prévost, et
774
synthèse. Avec une œuvre comme Plaisir des Sports
de
Jean Prévost, et les essais politiques de Drieu la Rochelle, les Mess
775
Sports de Jean Prévost, et les essais politiques
de
Drieu la Rochelle, les Messages de Fernandez sont les premières contr
776
ais politiques de Drieu la Rochelle, les Messages
de
Fernandez sont les premières contributions à l’établissement d’une ét
777
ont les premières contributions à l’établissement
d’
une éthique adaptée aux besoins modernes. w. Rougemont Denis de, «
778
aptée aux besoins modernes. w. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Ramon Fernandez, Messages », Bibliothèque universe
779
z, Messages », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, juillet 1926, p. 124-125.
780
ement littéraire sur ce nouveau tome des mémoires
de
Montherlant : dans ce récit plus encore que dans les œuvres précédent
781
ins l’œuvre d’art que l’auteur ; dans ce portrait
de
Montherlant toréador, à 16 ans, c’est surtout le Montherlant actuel q
782
vre vaut par son allure plus que par des qualités
de
composition ou de perfection formelle. Pour quelques-uns de ces trait
783
llure plus que par des qualités de composition ou
de
perfection formelle. Pour quelques-uns de ces traits d’énergie ou de
784
tion ou de perfection formelle. Pour quelques-uns
de
ces traits d’énergie ou de savante sensualité, pour ces insolences jo
785
fection formelle. Pour quelques-uns de ces traits
d’
énergie ou de savante sensualité, pour ces insolences jolies et les su
786
lle. Pour quelques-uns de ces traits d’énergie ou
de
savante sensualité, pour ces insolences jolies et les subites violenc
787
les subites violences, qui composent la séduction
de
cet « homme de la Renaissance », pour quelques descriptions des prair
788
lences, qui composent la séduction de cet « homme
de
la Renaissance », pour quelques descriptions des prairies espagnoles
789
ques descriptions des prairies espagnoles pleines
de
simple grandeur, j’ai supporté mille fastidieux détails techniques et
790
t longue fidélité aux taureaux braves et simplets
d’
esprit ! Qu’ils paissent éternellement dans les prairies célestes, pou
791
sir certaines pages magnifiques et sobres, jetées
de
haut avec la nonchalance des vrais puissants, je compte qu’il saura f
792
des valeurs plus humaines. x. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Henry de Montherlant, Les Bestiaires », Bibliothèq
793
Bestiaires », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, septembre 1926, p. 397-398.
794
lques idées graves en leur présentant les miroirs
de
personnages cocasses à souhait, qui manifestent, avec un certain manq
795
souhait, qui manifestent, avec un certain manque
de
conviction et des poses de mannequins, les tendances contradictoires
796
avec un certain manque de conviction et des poses
de
mannequins, les tendances contradictoires d’un individu. C’est pour t
797
oses de mannequins, les tendances contradictoires
d’
un individu. C’est pour traiter ce sujet pirandellien qu’on s’embarque
798
pirandellien qu’on s’embarque dans une croisière
de
vacances, qui finit par un naufrage dans la littérature, le navire su
799
oit réellement amusant, et qu’il trouve une sorte
d’
unité vivante dans le rythme des désirs jamais simultanés de ses petit
800
vante dans le rythme des désirs jamais simultanés
de
ses petits héros. M. Spitz cherche à faire sourire, on le sent ; pour
801
irituellement « poétique ». y. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Jacques Spitz, La Croisière indécise », Bibliothèq
802
re indécise », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1926, p. 810.
803
Iroquois (décembre 1926)z Ce roman a le charme
d’
un automne, une amertume enveloppée, une atmosphère trop claire où les
804
ur fatigué se reprend à souffrir, il ne sait plus
de
quels souvenirs ; jusqu’au soir où la douleur nette d’un amour réveil
805
els souvenirs ; jusqu’au soir où la douleur nette
d’
un amour réveillé l’envahit. Et Closain rencontre, dans l’inévitable b
806
osain rencontre, dans l’inévitable bar, le couple
de
juifs espagnols qui va l’entraîner avec son mauvais cœur, dans une av
807
uteur ne se soit pas mieux abandonné à son sujet,
d’
un pathétique assez neuf. z. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] A
808
d’un pathétique assez neuf. z. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Alfred Colling, L’Iroquois », Bibliothèque univers
809
L’Iroquois », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1926, p. 810-811.
810
André Malraux, La Tentation
de
l’Occident (décembre 1926)aa Un Chinois écrit d’Europe à un França
811
l’Occident (décembre 1926)aa Un Chinois écrit
d’
Europe à un Français qui lui répond de Chine. Nous sommes loin du ton
812
’Occident (décembre 1926)aa Un Chinois écrit d’
Europe
à un Français qui lui répond de Chine. Nous sommes loin du ton des Le
813
inois écrit d’Europe à un Français qui lui répond
de
Chine. Nous sommes loin du ton des Lettres persanes : le Chinois s’ét
814
e on devine une détresse. C’est encore une vision
de
l’Occident qui naît de ce petit livre si dense, si inquiétant. Le Chi
815
e. C’est encore une vision de l’Occident qui naît
de
ce petit livre si dense, si inquiétant. Le Chinois voit dans l’Europe
816
e si dense, si inquiétant. Le Chinois voit dans l’
Europe
« une barbarie attentivement ordonnée, où l’idée de la civilisation e
817
« une barbarie attentivement ordonnée, où l’idée
de
la civilisation et celle de l’ordre sont chaque jour confondues ». No
818
t ordonnée, où l’idée de la civilisation et celle
de
l’ordre sont chaque jour confondues ». Nous cherchons à conquérir non
819
humilions sans trêve notre sensibilité au profit
de
ce « mythe cohérent » vers quoi tend notre esprit. La passion apparaî
820
cadres — perpétuel conflit du réel avec nos rêves
de
puissance : notre ambition la plus haute échoue. La tristesse règne s
821
tesse règne sur nos villes. (Neurasthénie, ce mal
de
l’Occident.) Et notre vertu suprême, aussi, est douloureuse : le sacr
822
té essentielle » que le Chinois distingue au cœur
de
la vie occidentale apparaît mieux par la comparaison de l’idéal asiat
823
vie occidentale apparaît mieux par la comparaison
de
l’idéal asiatique avec le nôtre. Mais je crois que toute intelligence
824
ec le nôtre. Mais je crois que toute intelligence
européenne
libre peut souscrire aux critiques du Chinois et sympathiser avec son
825
ritiques du Chinois et sympathiser avec son idéal
de
culture. Il n’y a pas là deux points de vue irréductibles, du moins M
826
es, du moins M. Malraux a fait parler son Chinois
de
telle façon qu’ils ne le paraissent point. Et alors le relativisme an
827
lativisme angoissant qui semblait devoir résulter
de
cette confrontation, s’évanouit : c’est bien plutôt une unité supérie
828
évanouit : c’est bien plutôt une unité supérieure
de
l’esprit humain que nous découvrons, et qui nous permettra de juger à
829
humain que nous découvrons, et qui nous permettra
de
juger à notre tour certaines démences qui enfièvrent l’Europe. Tandi
830
à notre tour certaines démences qui enfièvrent l’
Europe
. Tandis que M. Ford expose victorieusement sa méthode pour « réussir
831
us prenons chaque jour une conscience plus claire
de
la vanité de nos buts, « capables d’agir jusqu’au sacrifice, mais ple
832
aque jour une conscience plus claire de la vanité
de
nos buts, « capables d’agir jusqu’au sacrifice, mais pleins de dégoût
833
plus claire de la vanité de nos buts, « capables
d’
agir jusqu’au sacrifice, mais pleins de dégoût devant la volonté d’act
834
« capables d’agir jusqu’au sacrifice, mais pleins
de
dégoût devant la volonté d’action qui tord aujourd’hui notre race… ».
835
acrifice, mais pleins de dégoût devant la volonté
d’
action qui tord aujourd’hui notre race… ». Et peut-être n’est-il pas d
836
ourd’hui notre race… ». Et peut-être n’est-il pas
de
position plus périlleuse, puisqu’elle risque de ne laisser subsister
837
s de position plus périlleuse, puisqu’elle risque
de
ne laisser subsister en nous qu’un « étrange goût de la destruction e
838
ne laisser subsister en nous qu’un « étrange goût
de
la destruction et de l’anarchie, exempt de passion, divertissement su
839
en nous qu’un « étrange goût de la destruction et
de
l’anarchie, exempt de passion, divertissement suprême de l’incertitud
840
e goût de la destruction et de l’anarchie, exempt
de
passion, divertissement suprême de l’incertitude… » aa. Rougemont
841
archie, exempt de passion, divertissement suprême
de
l’incertitude… » aa. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] André Ma
842
uprême de l’incertitude… » aa. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] André Malraux, La Tentation de l’Occident », Bibli
843
de, « [Compte rendu] André Malraux, La Tentation
de
l’Occident », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, d
844
l’Occident », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1926, p. 811-812.
845
Louis Aragon, Le Paysan
de
Paris (janvier 1927)ab « Je n’admets pas qu’on reprenne mes parole
846
s, qu’on me les oppose. Ce ne sont pas les termes
d’
un traité de paix. Entre moi et vous, c’est la guerre. » Voilà pour le
847
les oppose. Ce ne sont pas les termes d’un traité
de
paix. Entre moi et vous, c’est la guerre. » Voilà pour les critiques,
848
ur temps à recenser les incohérences pittoresques
de
ce petit livre. Quant à ceux que certaines envolées magnifiques et ha
849
il leur réserve mieux encore : après une kyrielle
d’
injures qui ne font pas honneur à l’imagination d’autres fois si prest
850
ent ce que je dis ». Il y a chez Aragon une folie
de
la persécution, qui se cherche partout des prétextes, et une passion
851
et une passion farouche pour la liberté, qui font
de
cet ombrageux personnage une manière de Rousseau surréaliste. Devant
852
qui font de cet ombrageux personnage une manière
de
Rousseau surréaliste. Devant cette ostentation de révolte, ce mélange
853
de Rousseau surréaliste. Devant cette ostentation
de
révolte, ce mélange de fanfaronnade et d’intense désespoir, on songe
854
. Devant cette ostentation de révolte, ce mélange
de
fanfaronnade et d’intense désespoir, on songe au Frank de La Coupe et
855
ntation de révolte, ce mélange de fanfaronnade et
d’
intense désespoir, on songe au Frank de La Coupe et les Lèvres, à qui
856
ses compagnons criaient : « Te fais-tu le bouffon
de
ta propre détresse ? » Tant d’insistance dans le mauvais goût ne m’em
857
fais-tu le bouffon de ta propre détresse ? » Tant
d’
insistance dans le mauvais goût ne m’empêchera pas de le dire, Aragon
858
nsistance dans le mauvais goût ne m’empêchera pas
de
le dire, Aragon possède le tempérament le plus hardi et le plus origi
859
le tempérament le plus hardi et le plus original
de
la jeune littérature française. Il le proclame « J’appartiens à la gr
860
nts ». Génie inégal s’il en fut, voici parmi trop
de
talents intéressants, un écrivain qui s’impose avec des qualités et d
861
tre littérature pour trouver semblable domination
de
la langue. Et parmi les modernes, il bat tous les records de l’image,
862
e. Et parmi les modernes, il bat tous les records
de
l’image, ce qui nous vaut avec des bizarreries fatigantes et quelques
863
fatigantes et quelques sombres délires, des pages
d’
un lyrisme inouï. Que Louis Aragon ne se croie pas tenu de justifier s
864
isme inouï. Que Louis Aragon ne se croie pas tenu
de
justifier ses visions par le moyen d’une métaphysique aussi prétentie
865
ie pas tenu de justifier ses visions par le moyen
d’
une métaphysique aussi prétentieuse qu’incertaine. Son affaire, c’est
866
l’hallucination du décor des capitales, créatrice
d’
un merveilleux de chaque instant, d’une véritable « mythologie moderne
867
u décor des capitales, créatrice d’un merveilleux
de
chaque instant, d’une véritable « mythologie moderne ». Le Paysan de
868
es, créatrice d’un merveilleux de chaque instant,
d’
une véritable « mythologie moderne ». Le Paysan de Paris est une suite
869
d’une véritable « mythologie moderne ». Le Paysan
de
Paris est une suite de promenades dont la composition n’est pas sans
870
logie moderne ». Le Paysan de Paris est une suite
de
promenades dont la composition n’est pas sans rappeler celle des Nuit
871
mposition n’est pas sans rappeler celle des Nuits
d’
octobre de Nerval ; forme qui permet à l’auteur de divaguer de la phil
872
d’octobre de Nerval ; forme qui permet à l’auteur
de
divaguer de la philosophie au lyrisme le plus échevelé en passant par
873
Nerval ; forme qui permet à l’auteur de divaguer
de
la philosophie au lyrisme le plus échevelé en passant par la descript
874
n passant par la description réaliste ou imaginée
d’
une boîte de nuit, d’une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le
875
r la description réaliste ou imaginée d’une boîte
de
nuit, d’une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le meilleur liv
876
ription réaliste ou imaginée d’une boîte de nuit,
d’
une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de l’a
877
ou imaginée d’une boîte de nuit, d’une devanture,
d’
un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de l’auteur d’Anicet. C
878
d’un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre
de
l’auteur d’Anicet. C’est pourtant un des plus significatifs du romant
879
ublic. Ce n’est pas le meilleur livre de l’auteur
d’
Anicet. C’est pourtant un des plus significatifs du romantisme nouveau
880
e, un Nerval sans pudeur, un Musset ivre non plus
de
vin de France, mais d’alcools pleins de démons, de drogues peut-être
881
erval sans pudeur, un Musset ivre non plus de vin
de
France, mais d’alcools pleins de démons, de drogues peut-être mortell
882
r, un Musset ivre non plus de vin de France, mais
d’
alcools pleins de démons, de drogues peut-être mortelles. ab. Rouge
883
non plus de vin de France, mais d’alcools pleins
de
démons, de drogues peut-être mortelles. ab. Rougemont Denis de, «
884
e vin de France, mais d’alcools pleins de démons,
de
drogues peut-être mortelles. ab. Rougemont Denis de, « [Compte ren
885
ogues peut-être mortelles. ab. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Louis Aragon, Le Paysan de Paris », Bibliothèque u
886
enis de, « [Compte rendu] Louis Aragon, Le Paysan
de
Paris », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, janvie
887
an de Paris », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, janvier 1927, p. 123-124.
888
ladère (février 1927)ac « Quel admirable sujet
de
roman, écrit Gide, au bout de quinze ans, de vingt ans de vie conjuga
889
ujet de roman, écrit Gide, au bout de quinze ans,
de
vingt ans de vie conjugale, la décristallisation progressive et récip
890
, écrit Gide, au bout de quinze ans, de vingt ans
de
vie conjugale, la décristallisation progressive et réciproque des con
891
ait que Beyle appelait cristallisation une fièvre
d’
imagination qui orne de beautés illusoires l’objet de l’amour. Mais le
892
cristallisation une fièvre d’imagination qui orne
de
beautés illusoires l’objet de l’amour. Mais les jeunes gens de ce tem
893
magination qui orne de beautés illusoires l’objet
de
l’amour. Mais les jeunes gens de ce temps ne cultivent point cette fi
894
lusoires l’objet de l’amour. Mais les jeunes gens
de
ce temps ne cultivent point cette fièvre. Et comme la morale ne sait
895
vre. Et comme la morale ne sait plus leur imposer
de
feindre encore ce que le cœur ne ressent plus, il suffit de quelques
896
encore ce que le cœur ne ressent plus, il suffit
de
quelques mois aux jeunes époux de la Maladère pour se déprendre de le
897
plus, il suffit de quelques mois aux jeunes époux
de
la Maladère pour se déprendre de leurs rêves. Un malentendu grandit e
898
aux jeunes époux de la Maladère pour se déprendre
de
leurs rêves. Un malentendu grandit entre eux dans leur isolement, ine
899
e qu’un mot, un geste décisif, ou certaine amitié
de
la saison suffirait à dissiper le charme perfide qui les tourmente. M
900
ais il faudrait d’abord qu’ils se soient délivrés
d’
eux-mêmes pour que ce mot, ce geste, soient possibles. C’est d’Armande
901
our que ce mot, ce geste, soient possibles. C’est
d’
Armande surtout qu’on les attendrait, plus franche d’allure. On ne sai
902
rmande surtout qu’on les attendrait, plus franche
d’
allure. On ne sait ce qui la retient : son amour ? son manque d’amour
903
e sait ce qui la retient : son amour ? son manque
d’
amour ? Pour Jacques, il souffre d’une incurable adolescence, d’un déf
904
r ? son manque d’amour ? Pour Jacques, il souffre
d’
une incurable adolescence, d’un défaitisme sentimental qui l’empêtre d
905
Jacques, il souffre d’une incurable adolescence,
d’
un défaitisme sentimental qui l’empêtre de réticences, et le fait joue
906
scence, d’un défaitisme sentimental qui l’empêtre
de
réticences, et le fait jouer bien maladroitement son rôle d’homme… «
907
es, et le fait jouer bien maladroitement son rôle
d’
homme… « Captif de sa propre jeunesse. » C’est ici un autre sujet du r
908
er bien maladroitement son rôle d’homme… « Captif
de
sa propre jeunesse. » C’est ici un autre sujet du roman, qui se mêle
909
tte analyse trahit Barbey : son art est justement
de
voiler les intentions du récit et de les exprimer seulement par un ge
910
st justement de voiler les intentions du récit et
de
les exprimer seulement par un geste, une nuance du paysage, une image
911
es moyens qu’il parvient à une certaine puissance
de
l’effet, aux dernières pages. Il règne dans la Maladère une étrange h
912
iolence, autour de ces êtres dont la détresse est
d’
autant plus cruelle qu’elle est contenue sous des dehors trop polis. U
913
us des dehors trop polis. Une fois fermé le livre
de
Barbey, on oublie la justesse de son analyse pour n’évoquer plus que
914
s fermé le livre de Barbey, on oublie la justesse
de
son analyse pour n’évoquer plus que des visions où se condense le sen
915
os, c’était un parc avant l’orage, le rose sombre
d’
une joue brûlante et fraîche dans le vent. Et dans la Maladère, un arb
916
uvrant le manoir perdu, des fumées sur un paysage
d’
hiver et soudain sous la lueur d’un incendie, deux visages tordus de p
917
s sur un paysage d’hiver et soudain sous la lueur
d’
un incendie, deux visages tordus de passion. Cette fin est admirable,
918
sous la lueur d’un incendie, deux visages tordus
de
passion. Cette fin est admirable, dont la brutalité si longtemps dési
919
la brutalité si longtemps désirée délivre Jacques
d’
un passé obsédant, d’une jeunesse trop complaisante à son tourment.
920
emps désirée délivre Jacques d’un passé obsédant,
d’
une jeunesse trop complaisante à son tourment. ac. Rougemont Denis
921
mplaisante à son tourment. ac. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Bernard Barbey, La Maladère », Bibliothèque univer
922
La Maladère », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, février 1927, p. 256.
923
mmes, écrire ne soit que le recensement passionné
de
leur vie, ou l’aveu déguisé d’une insatisfaction qu’elle leur laisse.
924
ensement passionné de leur vie, ou l’aveu déguisé
d’
une insatisfaction qu’elle leur laisse. Montclar est l’auteur de vers
925
action qu’elle leur laisse. Montclar est l’auteur
de
vers de jeunesse auxquels il ne tient guère, et l’on comprend que ce
926
u’elle leur laisse. Montclar est l’auteur de vers
de
jeunesse auxquels il ne tient guère, et l’on comprend que ce journal
927
joindra dans l’armoire aux souvenirs. Cette façon
de
ne pas y tenir, qu’il manifeste en toute occasion de sa vie est peut-
928
ne pas y tenir, qu’il manifeste en toute occasion
de
sa vie est peut-être ce qui nous le rend le plus sympathique. « Offic
929
ux ? » pour lui, comme pour Barnabooth, il s’agit
de
« déjouer le complot de la commodité ». Mais plus voluptueux que phil
930
our Barnabooth, il s’agit de « déjouer le complot
de
la commodité ». Mais plus voluptueux que philosophe, c’est à l’amour
931
r la souffrance indispensable au perfectionnement
de
son âme. Et qu’importe si les Allemands qui, fréquente sontae, pour n
932
isir, un peu plus viennois que naturel s’il parle
de
choses d’art comme on fait dans Proust, si les passions qu’il nous pe
933
eu plus viennois que naturel s’il parle de choses
d’
art comme on fait dans Proust, si les passions qu’il nous peint sont i
934
Il se connaît assez pour savoir ce qui est en lui
de
l’homme même, ou de l’amateur distingué, — et ne peut pas nous trompe
935
pour savoir ce qui est en lui de l’homme même, ou
de
l’amateur distingué, — et ne peut pas nous tromper là-dessus. Il se c
936
s tromper là-dessus. Il se connaît avec une sorte
de
froideur que l’on dirait désintéressée si elle n’avait pour effet de
937
n dirait désintéressée si elle n’avait pour effet
de
souligner, plus que ses succès, certaines faiblesses qu’il recherche
938
faiblesses qu’il recherche secrètement, parce que
de
ces « ratages » naît le perpétuel besoin d’évasion qui est la conditi
939
e que de ces « ratages » naît le perpétuel besoin
d’
évasion qui est la condition de son progrès moral. C’est ainsi qu’il c
940
e perpétuel besoin d’évasion qui est la condition
de
son progrès moral. C’est ainsi qu’il consent, non sans une impercepti
941
, non sans une imperceptible satisfaction, l’aveu
d’
une fondamentale indifférence du cœur qui contraste avec une vie volup
942
etites blessures. Ce n’est pas le moins troublant
d’
une telle vie, cette sagesse un peu sombre qui s’en dégage, sagesse qu
943
r est un lien sans durée. Seules la souffrance ou
de
secrètes anomalies ont un pouvoir d’éternité. » Il est juste, ce me s
944
ouffrance ou de secrètes anomalies ont un pouvoir
d’
éternité. » Il est juste, ce me semble, d’insister sur ce qui forme da
945
pouvoir d’éternité. » Il est juste, ce me semble,
d’
insister sur ce qui forme dans le récit de cette vie comme une arrière
946
semble, d’insister sur ce qui forme dans le récit
de
cette vie comme une arrière-pensée inquiète et un peu hautaine. Que l
947
e inquiète et un peu hautaine. Que la composition
de
cette réminiscence soit assez facile et « artiste » on hésite à en fa
948
site à en faire reproche à l’auteur. Cette espèce
de
modestie de l’allure est rare autant que sympathique, dans le temps q
949
ire reproche à l’auteur. Cette espèce de modestie
de
l’allure est rare autant que sympathique, dans le temps que sévit l’i
950
ant, qu’elle ne laisse point oublier que ce livre
d’
une résonance si humaine, est mieux que charmant, — douloureux et dési
951
involte, glacé, passionné. ad. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Guy de Pourtalès, Montclar », Bibliothèque univers
952
s, Montclar », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, février 1927, p. 257. ae. Il manque sans doute un mo
953
927, p. 257. ae. Il manque sans doute un morceau
de
phrase dans l’édition originale.
954
1927)af M. Edmond Jaloux offre l’exemple rare
d’
un homme que son évolution naturelle a rapproché, dans sa maturité, de
955
té, des jeunes générations, en sorte que l’espèce
de
romantisme à la Nerval auquel il aboutit coïncide avec un mouvement d
956
ses jeunes contemporains, et qu’il vient appuyer
de
son autorité de critique et surtout de son expérience déjà riche de r
957
emporains, et qu’il vient appuyer de son autorité
de
critique et surtout de son expérience déjà riche de romancier. Son re
958
nt appuyer de son autorité de critique et surtout
de
son expérience déjà riche de romancier. Son regard se promène sur le
959
critique et surtout de son expérience déjà riche
de
romancier. Son regard se promène sur le même monde où se plaisent nos
960
s, mais il garde une certaine discrétion, cet air
de
rêverie d’un homme qui en sait long… Et, certes, il faut être un peu
961
garde une certaine discrétion, cet air de rêverie
d’
un homme qui en sait long… Et, certes, il faut être un peu mage pour p
962
es avec cette mélancolique grâce. Si quelques-uns
de
ses bijoux sont taillés comme ceux de Giraudoux, j’y vois un signe ch
963
uelques-uns de ses bijoux sont taillés comme ceux
de
Giraudoux, j’y vois un signe charmant d’amitié de l’aîné au plus jeun
964
mme ceux de Giraudoux, j’y vois un signe charmant
d’
amitié de l’aîné au plus jeune, lequel envoie l’un de ses personnages
965
de Giraudoux, j’y vois un signe charmant d’amitié
de
l’aîné au plus jeune, lequel envoie l’un de ses personnages pour reme
966
mitié de l’aîné au plus jeune, lequel envoie l’un
de
ses personnages pour remercier ; (pouvait-il mieux trouver qu’un René
967
va pas s’attabler au café en face des personnages
de
Jaloux. Et peut-être que la comtesse Rezzovitch a rencontré M. Paul M
968
dû le trouver un peu froid, n’aura pas été tentée
de
lui faire ces confidences qu’elle livre si facilement au héros plus c
969
t au héros plus confiant et secrètement incertain
de
ce roman. À la veille de se marier, Jérôme Parseval, journaliste pari
970
et secrètement incertain de ce roman. À la veille
de
se marier, Jérôme Parseval, journaliste parisien, rencontre une femme
971
incarne aussitôt à ses yeux tout ce qu’il attend
de
l’amour. Une confidence, un baiser, et il ne la reverra jamais. Il ai
972
sa femme, « mais comme on aime une petite maison
de
province quand on a failli hériter de Chenonceaux ». Peu à peu l’imag
973
tite maison de province quand on a failli hériter
de
Chenonceaux ». Peu à peu l’image d’Irène Rezzovitch s’idéalise et gag
974
ailli hériter de Chenonceaux ». Peu à peu l’image
d’
Irène Rezzovitch s’idéalise et gagne la puissance d’une merveilleuse o
975
Irène Rezzovitch s’idéalise et gagne la puissance
d’
une merveilleuse obsession. Il lui écrit de longues lettres, sans les
976
ssance d’une merveilleuse obsession. Il lui écrit
de
longues lettres, sans les envoyer. Il apprend sa mort, et qu’elle l’a
977
rd’hui un réalisme discret mais précis et le sens
de
ce qu’il y a en nous d’essentiel, de ce qui détermine nos actes avant
978
et mais précis et le sens de ce qu’il y a en nous
d’
essentiel, de ce qui détermine nos actes avant que la raison n’intervi
979
s et le sens de ce qu’il y a en nous d’essentiel,
de
ce qui détermine nos actes avant que la raison n’intervienne, mouveme
980
tes avant que la raison n’intervienne, mouvements
de
nos passions à nous-mêmes inavoués, rêves éveillés. Tout un système d
981
s-mêmes inavoués, rêves éveillés. Tout un système
de
valeurs lyriques et sentimentales que la raison ignore ou tyrannise a
982
ère à ce devoir sacré ». M. Jaloux évite le péril
d’
un réalisme trop amer et celui du roman lyrique, par l’équilibre qu’il
983
itent des personnages spirituellement dessinés un
de
ces drames tout intérieurs dont il dit : « Personne ne peut juger du
984
, pas même eux ». Dans ce roman, comme dans l’Âge
d’
or, un désenchantement profond prend le masque d’une aimable mélancoli
985
d’or, un désenchantement profond prend le masque
d’
une aimable mélancolie. C’est la sourde tristesse des choses qui vous
986
dues, aveux incompris, et peut-être, un quiproquo
de
destinées… Le tragique du peut-être ; (comme dans l’une des dernières
987
ut-être ; (comme dans l’une des dernières phrases
de
Sylvie : « Là était le bonheur, peut-être… »). Mais le ton reste si l
988
onde et délicieuse, gagnera à son auteur beaucoup
d’
amis inconnus. af. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Edmond Jalo
989
beaucoup d’amis inconnus. af. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Edmond Jaloux, Ô toi que j’eusse aimée… », Bibliot
990
usse aimée… », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mars 1927, p. 387-388.
991
rise moderne. M. Daniel-Rops unit en lui à l’état
de
velléités contradictoires que son intelligence très nuancée maintient
992
intelligence très nuancée maintient en une sorte
d’
instable équilibre, les tendances que ses contemporains ont poussées à
993
contemporains ont poussées à l’extrême avec moins
de
prudence mais aussi de lucidité. Séduit par Gide ; admirant Maurras s
994
ées à l’extrême avec moins de prudence mais aussi
de
lucidité. Séduit par Gide ; admirant Maurras sans l’aimer ; saluant e
995
ré par les thèses extrémistes mais non dépourvues
d’
une sombre grandeur, des surréalistes, et en même temps par cette solu
996
ette inquiétude qui fait la grandeur et la misère
de
l’époque — et qu’il avoue préférer à une certitude trop vite atteinte
997
irections générales. « Hamlétisme », pouvoir aigu
d’
analyse qui conduit à la dispersion autant qu’à l’approfondissement du
998
sion autant qu’à l’approfondissement du moi, soif
de
tout et pourtant mépris de tout, procédant d’un goût de l’absolu à la
999
dissement du moi, soif de tout et pourtant mépris
de
tout, procédant d’un goût de l’absolu à la fois mystique et anarchiqu
1000
oif de tout et pourtant mépris de tout, procédant
d’
un goût de l’absolu à la fois mystique et anarchique : ce sont bien le
1001
t et pourtant mépris de tout, procédant d’un goût
de
l’absolu à la fois mystique et anarchique : ce sont bien les grands t
1002
ue et anarchique : ce sont bien les grands traits
de
notre inquiétude. (Mais peut-être M. Rops a-t-il trop négligé le rôle
1003
e extérieur, que je crois décisif, des conditions
de
la vie moderne.) Après avoir défini quelques « positions en face de l
1004
les plus parfaites qui s’offrent aux jeunes gens
d’
aujourd’hui. Il constate que l’une (celle de Gide) ne fait que différe
1005
gens d’aujourd’hui. Il constate que l’une (celle
de
Gide) ne fait que différer notre inquiétude, tandis que l’autre « ne
1006
angoisse qu’en y substituant ce qui ne vient que
de
Dieu : la Foi ». Acculée à la rigueur d’un choix presque impossible,
1007
ient que de Dieu : la Foi ». Acculée à la rigueur
d’
un choix presque impossible, notre incertitude paraît sans remède. Mai
1008
, M. Daniel-Rops n’a-t-il pas cédé à la tentation
de
créer des dilemmes irréductibles, suprême et inconsciente ruse d’un i
1009
emmes irréductibles, suprême et inconsciente ruse
d’
un inquiet qui veut le rester ? Ces deux solutions peuvent se résumer
1010
foi. Dès lors sont-elles vraiment les deux termes
d’
un dilemme, l’une n’étant que le chemin qui mène à l’autre ? Car la fo
1011
ue le chemin qui mène à l’autre ? Car la foi naît
de
l’inquiétude autant que de la grâce, et régénère sans cesse l’inquiét
1012
utre ? Car la foi naît de l’inquiétude autant que
de
la grâce, et régénère sans cesse l’inquiétude autant que la sérénité…
1013
autant que la sérénité… Au reste, n’est-elle pas
de
M. Rops lui-même, cette phrase qui formule admirablement les exigence
1014
ui formule admirablement les exigences conjointes
de
l’inquiétude et de la foi : « Si tu as trouvé Dieu, il te reste à le
1015
ement les exigences conjointes de l’inquiétude et
de
la foi : « Si tu as trouvé Dieu, il te reste à le chercher encore… »
1016
te à le chercher encore… » ag. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Daniel-Rops, Notre inquiétude », Bibliothèque univ
1017
inquiétude », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, avril 1927, p. 563-564.
1018
ci un livre dur et sans grâces, qui ne manque pas
d’
une beauté assez brutale, pour nous choquer et s’imposer pourtant. M.
1019
un tailleur, biblique, austère et probe, qui n’a
d’
ambition que pour ses enfants. Jacob, l’aîné se révolte. Sensualité, i
1020
ité : les caractères se résument dans son avidité
de
puissance. C’est par l’argent qu’on domine notre âge : il devient gra
1021
ssure sa fortune au prix du peu cynique reniement
de
ses origines. Le vieux père s’effondre de honte et de douleur. « On v
1022
niement de ses origines. Le vieux père s’effondre
de
honte et de douleur. « On vend de l’étoffe… eux ils se vendent ! » Ma
1023
es origines. Le vieux père s’effondre de honte et
de
douleur. « On vend de l’étoffe… eux ils se vendent ! » Mais Jacob a r
1024
père s’effondre de honte et de douleur. « On vend
de
l’étoffe… eux ils se vendent ! » Mais Jacob a renié ses parents, non
1025
eu juif, prend une âpre rapidité avec l’ascension
de
Jacob et ses luttes. On pardonne bon nombre de platitudes et de vulga
1026
on de Jacob et ses luttes. On pardonne bon nombre
de
platitudes et de vulgarités pour les derniers chapitres, denses, viol
1027
s luttes. On pardonne bon nombre de platitudes et
de
vulgarités pour les derniers chapitres, denses, violents, et dont le
1028
, on connaît mon orgueil : osez donc me condamner
d’
être plus fort que cette bourgeoisie fatiguée, et de suivre le destin
1029
être plus fort que cette bourgeoisie fatiguée, et
de
suivre le destin que vous m’avez assigné à force de m’humilier et de
1030
que vous m’avez assigné à force de m’humilier et
de
me craindre. » ah. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Bernard Le
1031
ilier et de me craindre. » ah. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Bernard Lecache, Jacob », Bibliothèque universelle
1032
ache, Jacob », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mai 1927, p. 689-690.
1033
Crevel, La Mort difficile (mai 1927)ai Le jeu
de
tout dire est une des plus tragiques inventions de l’inquiétude actue
1034
e tout dire est une des plus tragiques inventions
de
l’inquiétude actuelle. Sous couleur de démasquer l’humain, et par l’a
1035
é qu’on y apporte, l’on en vient à une conception
de
la sincérité qui me paraît proprement inhumaine. Tout dire, vraiment
1036
inhumaine. Tout dire, vraiment ? C’est l’exigence
d’
une détresse cachée ; elle fait bientôt considérer toute joie comme il
1037
sincérité ne serait-elle à son tour que le masque
d’
un goût du malheur ? Le sujet profond de ce roman, où l’on voit commen
1038
le masque d’un goût du malheur ? Le sujet profond
de
ce roman, où l’on voit comment Pierre en vient à sacrifier Diane, son
1039
écrivait Mon Corps et Moi. Quand l’analyse féroce
de
Crevel fouille les pensées de Pierre ou de Diane, les gestes d’Arthur
1040
nd l’analyse féroce de Crevel fouille les pensées
de
Pierre ou de Diane, les gestes d’Arthur, le roman vit et nous touche
1041
féroce de Crevel fouille les pensées de Pierre ou
de
Diane, les gestes d’Arthur, le roman vit et nous touche par la force
1042
lle les pensées de Pierre ou de Diane, les gestes
d’
Arthur, le roman vit et nous touche par la force de ce tourment ou de
1043
’Arthur, le roman vit et nous touche par la force
de
ce tourment ou de ce sauvage égoïsme ; mais qu’elle s’acharne sur le
1044
vit et nous touche par la force de ce tourment ou
de
ce sauvage égoïsme ; mais qu’elle s’acharne sur le détail dégoûtant e
1045
elle s’acharne sur le détail dégoûtant et mesquin
de
certain milieu bourgeois, et l’on voit bien que l’auteur n’est pas en
1046
n voit bien que l’auteur n’est pas encore détaché
de
la matière pour en tirer une œuvre d’art. La sincérité audacieuse mai
1047
ore détaché de la matière pour en tirer une œuvre
d’
art. La sincérité audacieuse mais sans bravade qui donne à ce livre sa
1048
mais sans bravade qui donne à ce livre sa valeur
de
document humain, nuit à sa valeur littéraire. Je n’aime guère ce styl
1049
ttéraire. Je n’aime guère ce style abstrait, semé
de
redites et d’expressions toutes faites qui trahissent une écriture hâ
1050
’aime guère ce style abstrait, semé de redites et
d’
expressions toutes faites qui trahissent une écriture hâtive. Mais il
1051
ent une écriture hâtive. Mais il y a dans l’œuvre
de
René Crevel un sens de la douleur et un sérieux humain qui forcent la
1052
. Mais il y a dans l’œuvre de René Crevel un sens
de
la douleur et un sérieux humain qui forcent la sympathie. ai. Roug
1053
qui forcent la sympathie. ai. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] René Crevel, La Mort difficile », Bibliothèque uni
1054
t difficile », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mai 1927, p. 690.
1055
Paul Éluard, Capitale
de
la douleur (mai 1927)aj Nocturnes aux caresses coupantes comme cer
1056
resses coupantes comme certaines herbes. Capitale
de
la douleurak, ce sont de belles syllabes sereines, et dans cette vill
1057
rtaines herbes. Capitale de la douleurak, ce sont
de
belles syllabes sereines, et dans cette ville, Éluard est le plus séd
1058
s noctambules. Rêves éveillés, entre deux gorgées
d’
un élixir dont il voudrait bien nous faire croire que le diable est l’
1059
faire croire que le diable est l’auteur. Beaucoup
d’
oiseaux volètent, se balancent au bord des verres, se posent sur les c
1060
cent au bord des verres, se posent sur les cordes
d’
une lyre dont ils font grésiller l’accord, une patte en l’air, becquèt
1061
l’accord, une patte en l’air, becquètent le cœur
d’
une femme qui va les étrangler doucement. Ces vers sont de jolies flèc
1062
mme qui va les étrangler doucement. Ces vers sont
de
jolies flèches empoisonnées. Quelque chose, tout de même, de laqué, d
1063
lèches empoisonnées. Quelque chose, tout de même,
de
laqué, d’élégant, de « bien français » ; et le mot sang n’évoque ici
1064
oisonnées. Quelque chose, tout de même, de laqué,
d’
élégant, de « bien français » ; et le mot sang n’évoque ici qu’une tac
1065
Quelque chose, tout de même, de laqué, d’élégant,
de
« bien français » ; et le mot sang n’évoque ici qu’une tache de coule
1066
çais » ; et le mot sang n’évoque ici qu’une tache
de
couleur, plus sentimental que cruel. « J’ai la beauté facile et c’est
1067
sque pas sa blessure. Mais c’est ici qu’il s’agit
de
ne pas confondre inexplicable avec incompréhensible. aj. Rougemont
1068
ble avec incompréhensible. aj. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Paul Éluard, Capitale de la douleur », Bibliothèqu
1069
Denis de, « [Compte rendu] Paul Éluard, Capitale
de
la douleur », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, m
1070
la douleur », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mai 1927, p. 693-694. ak. En romain dans l’édition o
1071
chelle, La Suite dans les idées (mai 1927)al «
De
quoi s’agit-il ? de détruire ou de rafistoler ? » Entre ces deux tent
1072
s les idées (mai 1927)al « De quoi s’agit-il ?
de
détruire ou de rafistoler ? » Entre ces deux tentations, cédant à l’u
1073
i 1927)al « De quoi s’agit-il ? de détruire ou
de
rafistoler ? » Entre ces deux tentations, cédant à l’une autant qu’à
1074
un ? Non, enfin un. Tous les autres y ont apporté
de
secrètes complaisances, ou une arrière-pensée d’apologie, ou même sim
1075
de secrètes complaisances, ou une arrière-pensée
d’
apologie, ou même simplement un besoin d’être aimés qui faussaient leu
1076
e-pensée d’apologie, ou même simplement un besoin
d’
être aimés qui faussaient leurs voix pour les rendre plus touchantes.
1077
une saine rudesse. « Il s’examine jusqu’au ventre
de
sa mère et cognoit que dès lors il a esté corrompu et infect et adonn
1078
te » qui révèle encore dans le fond quelque chose
de
solide, d’authentique. J’aime cette violence de redressement où je di
1079
vèle encore dans le fond quelque chose de solide,
d’
authentique. J’aime cette violence de redressement où je distingue bie
1080
e de solide, d’authentique. J’aime cette violence
de
redressement où je distingue bien autre chose que les « éclats de l’i
1081
où je distingue bien autre chose que les « éclats
de
l’impuissance ». Un plus délicat eut compris que certains des morceau
1082
hique. Et puis, tout de même, on est bien heureux
de
rencontrer chez les jeunes écrivains français un homme qui ait à ce p
1083
ains français un homme qui ait à ce point le sens
de
l’époque, une vision si claire et si tragique de la civilisation d’Oc
1084
de l’époque, une vision si claire et si tragique
de
la civilisation d’Occident. Les questions capitales posées ailleurs d
1085
ision si claire et si tragique de la civilisation
d’
Occident. Les questions capitales posées ailleurs depuis longtemps par
1086
nce par quelques jeunes gens. Il faut louer Drieu
d’
avoir échappé au surréalisme en tant qu’il n’est que le triomphe de la
1087
u surréalisme en tant qu’il n’est que le triomphe
de
la littérature sur la vie, mais d’avoir su en garder une passion pour
1088
ue le triomphe de la littérature sur la vie, mais
d’
avoir su en garder une passion pour la pureté, un « jusqu’au boutisine
1089
ion, — et je sais bien que c’est là un des signes
de
sa décadence. Il y a du chirurgien chez ce soldat devenu « scribe » e
1090
utal : mais faisons-lui confiance, voici un homme
d’
aujourd’hui, presque sans pose, et décidé à mépriser le bluff. al.
1091
écidé à mépriser le bluff. al. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Pierre Drieu la Rochelle, La Suite dans les idées
1092
s les idées », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mai 1927, p. 694.
1093
sympathique Paterne. Sous le fallacieux prétexte
d’
une flânerie de saison, vous vous attardez aux terrasses des cafés. Pe
1094
terne. Sous le fallacieux prétexte d’une flânerie
de
saison, vous vous attardez aux terrasses des cafés. Peut-être va-t-el
1095
voici Pierre Girard : lui seul connaît l’adresse
de
Patsy, mais il ne veut pas vous la donner. Alors pour vous venger, vo
1096
aphiques vous fatigue ; que c’est une vraie manie
de
nommer à tout propos d’Annunzio, Pola Negri, Charly Clerc, Mrs. Balfo
1097
que c’est une vraie manie de nommer à tout propos
d’
Annunzio, Pola Negri, Charly Clerc, Mrs. Balfour. Vous parlez de « pro
1098
la Negri, Charly Clerc, Mrs. Balfour. Vous parlez
de
« procédés lassants ». Pierre Girard n’écoute plus : il pense à des V
1099
e globe dans son voyage « est arrivé à un endroit
de
l’éther où il y a du bonheur ». Vous reconnaissez que Pierre Girard e
1100
nnaissez que Pierre Girard est un peu responsable
de
cette douceur de vivre. Déjà vous ne niez plus sa drôlerie, son aisan
1101
re Girard est un peu responsable de cette douceur
de
vivre. Déjà vous ne niez plus sa drôlerie, son aisance. Vous accordez
1102
ance. Vous accordez que s’il force un peu la dose
de
fantaisie, c’est plutôt par excès de facilité que par recherche. Vous
1103
peu la dose de fantaisie, c’est plutôt par excès
de
facilité que par recherche. Vous voilà même tenté de l’en féliciter.
1104
facilité que par recherche. Vous voilà même tenté
de
l’en féliciter. Bien plus, vous découvrez dans ses fantoches une mali
1105
proche M. Piquedon de Buibuis, qui parle toujours
de
Weber… Mais au fait, si vous n’aviez pas lu ce livre ? Ah ! sans hési
1106
vre ? Ah ! sans hésiter, je vous ferais un devoir
de
ce plaisir. Un devoir !… Car hélas, l’on n’est pas impunément concito
1107
… Car hélas, l’on n’est pas impunément concitoyen
de
cet oncle Abraham qui interdit à Paterne son neveu de fumer le matin,
1108
et oncle Abraham qui interdit à Paterne son neveu
de
fumer le matin, de sortir la nuit, et qui lui fait jurer sur la Bible
1109
i interdit à Paterne son neveu de fumer le matin,
de
sortir la nuit, et qui lui fait jurer sur la Bible de ne pas entrer d
1110
ortir la nuit, et qui lui fait jurer sur la Bible
de
ne pas entrer dans les cafés. Et puis, c’est égal, ce soir, tout cela
1111
es désertes glisse un grand souffle oblique plein
de
fraîcheur et de pardon. » am. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
1112
se un grand souffle oblique plein de fraîcheur et
de
pardon. » am. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Pierre Girard,
1113
fraîcheur et de pardon. » am. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur des femmes
1114
des femmes », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, juillet 1927, p. 114-115.
1115
(août 1927)an Ces trois nouvelles n’ont guère
de
commun entre elles que la forme : ce sont de lentes réminiscences, de
1116
uère de commun entre elles que la forme : ce sont
de
lentes réminiscences, des évocations intérieures, — et dans l’abandon
1117
, des évocations intérieures, — et dans l’abandon
de
leurs méandres, peu à peu, se précisent les circonstances d’une avent
1118
andres, peu à peu, se précisent les circonstances
d’
une aventure ancienne. Entre hier et demain : Une femme « encore jeun
1119
t demain : Une femme « encore jeune » se souvient
d’
un danseur de ses 20 ans, d’une aventure qui aurait pu être… Un homme
1120
e femme « encore jeune » se souvient d’un danseur
de
ses 20 ans, d’une aventure qui aurait pu être… Un homme médite à côté
1121
e jeune » se souvient d’un danseur de ses 20 ans,
d’
une aventure qui aurait pu être… Un homme médite à côté du corps de so
1122
i aurait pu être… Un homme médite à côté du corps
de
son ami suicidé pour une femme qu’ils ont aimé tous deux (L’Amie du M
1123
ous deux (L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le récit
d’
un été de vacances, quand les premières inquiétudes du désir viennent
1124
(L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le récit d’un été
de
vacances, quand les premières inquiétudes du désir viennent troubler
1125
premières inquiétudes du désir viennent troubler
de
ravissantes amours d’adolescents. Et c’est Un vieil été. Cette nouvel
1126
du désir viennent troubler de ravissantes amours
d’
adolescents. Et c’est Un vieil été. Cette nouvelle, très supérieure au
1127
eux autres, est une réussite rare par la justesse
de
l’observation autant que par la sympathie de l’auteur pour ses héros.
1128
esse de l’observation autant que par la sympathie
de
l’auteur pour ses héros. Indulgence et regrets, un ton qui permet le
1129
i permet le tact dans la hardiesse. On reste ravi
de
tant d’adresse sous un air de facilité qui serait presque de la nonch
1130
le tact dans la hardiesse. On reste ravi de tant
d’
adresse sous un air de facilité qui serait presque de la nonchalance.
1131
esse. On reste ravi de tant d’adresse sous un air
de
facilité qui serait presque de la nonchalance. M. Vaudoyer ressuscite
1132
dresse sous un air de facilité qui serait presque
de
la nonchalance. M. Vaudoyer ressuscite ces adolescences avec une tend
1133
lescences avec une tendre minutie, avec une sorte
d’
amoureuse application du souvenir, d’une séduction certaine. C’est un
1134
ec une sorte d’amoureuse application du souvenir,
d’
une séduction certaine. C’est un art de détails ; mais si délicat et d
1135
souvenir, d’une séduction certaine. C’est un art
de
détails ; mais si délicat et d’une si subtile convenance avec son obj
1136
ine. C’est un art de détails ; mais si délicat et
d’
une si subtile convenance avec son objet qu’il en saisit sans mièvreri
1137
; l’évocation toute nervalienne en sa nostalgie,
de
la jeune étrangère dont on rêve à 15 ans ; et voici ce je ne sais quo
1138
réalité ressuscitée… » Sachons gré à M. Vaudoyer
d’
avoir su donner à ces œuvrettes une si exquise humanité : par lui le «
1139
» reprend quelques droits. an. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Jean-Louis Vaudoyer, Premières amours », Bibliothè
1140
ères amours », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, août 1927, p. 244-245.
1141
anique, il faudra opposer l’excellent petit livre
d’
Edmond Jaloux. C’est un recueil de divers articles et essais, dont cer
1142
ent petit livre d’Edmond Jaloux. C’est un recueil
de
divers articles et essais, dont certains — le Message de Rilke — sont
1143
rs articles et essais, dont certains — le Message
de
Rilke — sont du meilleur Jaloux, de ce Jaloux qui sait parler mieux q
1144
— le Message de Rilke — sont du meilleur Jaloux,
de
ce Jaloux qui sait parler mieux que personne des poètes scandinaves e
1145
loux, qui a rencontré plusieurs fois Rilke, trace
de
lui un portrait qu’on dirait, en peinture, très « interprété ». Non p
1146
. Non pas une photographie morale, mais une sorte
de
synthèse de l’homme et de l’homme dans son œuvre, qui est peut-être p
1147
e photographie morale, mais une sorte de synthèse
de
l’homme et de l’homme dans son œuvre, qui est peut-être plus vraie qu
1148
morale, mais une sorte de synthèse de l’homme et
de
l’homme dans son œuvre, qui est peut-être plus vraie que le vrai, je
1149
enne que ne fut Rilke. Rilke y apparaît comme une
de
ces âmes mystiques et raffinées telles qu’on en découvre chez certain
1150
e cet univers dont je rêvais n’était pas un objet
de
songe mais d’expérience ». Mais une telle « expérience », je crois, n
1151
dont je rêvais n’était pas un objet de songe mais
d’
expérience ». Mais une telle « expérience », je crois, ne peut être se
1152
religion qu’aux convertis — qui n’ont plus besoin
de
preuves. Il reste qu’un livre comme celui-ci tend un merveilleux pièg
1153
in que la sempiternelle « stratégie littéraire »,
de
gazetiers ; au cœur de ces sujets qui paraît-il, ne sont pas d’actual
1154
« stratégie littéraire », de gazetiers ; au cœur
de
ces sujets qui paraît-il, ne sont pas d’actualité : la solitude, la m
1155
au cœur de ces sujets qui paraît-il, ne sont pas
d’
actualité : la solitude, la maladie, la peur. ao. Rougemont Denis d
1156
tude, la maladie, la peur. ao. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Edmond Jaloux, Rainer Maria Rilke », Bibliothèque
1157
Maria Rilke », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1927, p. 787-788.
1158
tion littéraire. Bien sûr, c’est cela, le malaise
d’
écrire. Bopp est très intelligent. Et plein de verve, et pas embarrass
1159
ise d’écrire. Bopp est très intelligent. Et plein
de
verve, et pas embarrassé du tout pour vous lâcher un beau pavé mathém
1160
ue au milieu d’une effusion « lyrique », histoire
de
n’avoir pas l’air dupe. Mais il a des façons parfois bien désobligean
1161
Mais il a des façons parfois bien désobligeantes
de
voir juste. Et quand son bonhomme se plaint de ce que son œuvre lui a
1162
es de voir juste. Et quand son bonhomme se plaint
de
ce que son œuvre lui apparaît en même temps que « fatale », « si arbi
1163
u phénomène littéraire. La « Promenade » du héros
de
Bopp est une sorte de pensum. Cela rend peut-être moins convaincantes
1164
. La « Promenade » du héros de Bopp est une sorte
de
pensum. Cela rend peut-être moins convaincantes certaines de ses rema
1165
Cela rend peut-être moins convaincantes certaines
de
ses remarques sur l’inspiration. D’autre part la simplicité de l’obje
1166
ues sur l’inspiration. D’autre part la simplicité
de
l’objet était nécessaire à la sécurité de cette sorte d’analyse, — en
1167
plicité de l’objet était nécessaire à la sécurité
de
cette sorte d’analyse, — encore que Bopp ait prouvé dans son Amiel qu
1168
jet était nécessaire à la sécurité de cette sorte
d’
analyse, — encore que Bopp ait prouvé dans son Amiel qu’il était de ta
1169
re que Bopp ait prouvé dans son Amiel qu’il était
de
taille à affronter d’autres dédales ! Mais il a su mettre plus de cho
1170
onter d’autres dédales ! Mais il a su mettre plus
de
choses qu’il n’y paraît d’abord dans ces 50 pages. Beaucoup sont exce
1171
même est une réussite. Léon Bopp, c’est le combat
d’
un tempérament avec l’esprit de géométrie. Un scientisme assez insolen
1172
p, c’est le combat d’un tempérament avec l’esprit
de
géométrie. Un scientisme assez insolent et les joyeuses révoltes de s
1173
cientisme assez insolent et les joyeuses révoltes
de
sa verve « interfèrent » en lui. Et aussi (presque imperceptible, mai
1174
ète complaisance à se regarder vivre qui est bien
d’
aujourd’hui — entre autres. ap. Rougemont Denis de, « [Compte rendu
1175
ujourd’hui — entre autres. ap. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Léon Bopp, Interférences », Bibliothèque universel
1176
terférences », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1927, p. 791.
1177
C’est un livre sympathique ; et il vaut la peine
de
le dire car la chose n’est pas si fréquente dans la production actuel
1178
tion actuelle. On retrouve aux premiers chapitres
de
Catherine-Paris cette magie des sensations et des rêves de l’enfance
1179
ine-Paris cette magie des sensations et des rêves
de
l’enfance et cette féminité du sentiment, du tour de pensée même, qui
1180
l’enfance et cette féminité du sentiment, du tour
de
pensée même, qui faisaient déjà du Perroquet Vert un petit chef-d’œuv
1181
ient déjà du Perroquet Vert un petit chef-d’œuvre
de
poésie proprement romanesque, naissant des situations mêmes et non de
1182
romanesque, naissant des situations mêmes et non
de
dissertations lyriques à leur propos. Mais dans ce roman, il n’y a pl
1183
lus seulement la femme, avec le miracle perpétuel
de
sa sensibilité. Il y a encore la princesse, le témoin intelligent et
1184
e témoin intelligent et un peu ironique des cours
d’
Europe à la veille de la guerre. De cette espèce de collaboration résu
1185
témoin intelligent et un peu ironique des cours d’
Europe
à la veille de la guerre. De cette espèce de collaboration résultent
1186
et un peu ironique des cours d’Europe à la veille
de
la guerre. De cette espèce de collaboration résultent à la fois le dé
1187
ique des cours d’Europe à la veille de la guerre.
De
cette espèce de collaboration résultent à la fois le défaut de compos
1188
’Europe à la veille de la guerre. De cette espèce
de
collaboration résultent à la fois le défaut de composition du livre e
1189
ce de collaboration résultent à la fois le défaut
de
composition du livre et sa richesse. L’enfance de Catherine à Paris e
1190
de composition du livre et sa richesse. L’enfance
de
Catherine à Paris est du roman pur ; la tournée des cours de l’Europe
1191
e à Paris est du roman pur ; la tournée des cours
de
l’Europe centrale, qu’elle subit comme jeune épouse d’un comte polona
1192
aris est du roman pur ; la tournée des cours de l’
Europe
centrale, qu’elle subit comme jeune épouse d’un comte polonais, grand
1193
Europe centrale, qu’elle subit comme jeune épouse
d’
un comte polonais, grand seigneur médiatisé, vaguement prétendant au t
1194
seigneur médiatisé, vaguement prétendant au trône
de
Pologne, est plutôt d’un mémorialiste. Madame Bibesco y montre beauco
1195
uement prétendant au trône de Pologne, est plutôt
d’
un mémorialiste. Madame Bibesco y montre beaucoup de liberté d’esprit,
1196
iste. Madame Bibesco y montre beaucoup de liberté
d’
esprit, une pénétration de jugement et une ironie assez amère qui éton
1197
tre beaucoup de liberté d’esprit, une pénétration
de
jugement et une ironie assez amère qui étonnent de la part d’une femm
1198
e roman repart dans une troisième action (l’amour
de
Catherine pour un aviateur français) assez peu intéressante à vrai di
1199
à vrai dire, parce qu’elle n’est pas à l’échelle
de
ce qui la précède. Ces défaillances de la technique du roman sont sau
1200
l’échelle de ce qui la précède. Ces défaillances
de
la technique du roman sont sauvées par un style brillant, plein de tr
1201
u roman sont sauvées par un style brillant, plein
de
trouvailles spirituelles, malicieuses ou poétiques ; et ce n’est pas
1202
« pointes » faciles mais cela même ne manque pas
de
naturel… On peut regretter que ce livre ne réalise pas une synthèse p
1203
u roman et des mémoires. Mais si son début permet
de
croire que le Perroquet Vert ne restera pas une réussite isolée dans
1204
réussite isolée dans l’œuvre purement romanesque
de
la princesse Bibesco, Catherine-Paris annonce par ailleurs un mémoria
1205
eurs un mémorialiste captivant, dans la tradition
d’
un Ligne par exemple. aq. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Prin
1206
on d’un Ligne par exemple. aq. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Princesse Bibesco, Catherine-Paris », Bibliothèque
1207
erine-Paris », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, janvier 1928, p. 121-122.
1208
é la science parce qu’elle ouvre des perspectives
d’
évasion — où seuls les poètes savent se perdre. Et c’est bien sa plus
1209
se perdre. Et c’est bien sa plus grande ruse que
d’
avoir emprunté le véhicule à la mode pour conduire des millions de lec
1210
le véhicule à la mode pour conduire des millions
de
lecteurs dans un monde purement fantaisiste où les équations tyranniq
1211
ntaisiste où les équations tyranniques deviennent
de
merveilleux calembours, où les savants sont réellement dans la lune,
1212
ndent au fond des mers adorer la Liberté et jouer
de
l’orgue sous les yeux de poulpes géants. Jules Verne a véritablement
1213
la poésie. Et l’on ne veut voir que jolis livres
d’
étrennes dans les œuvres du plus grand créateur de mythes modernes, du
1214
d’étrennes dans les œuvres du plus grand créateur
de
mythes modernes, du seul écrivain dont l’influence soit comparable à
1215
ma ! Claretie raconte que les détenus des maisons
de
correction se jetaient sur ces volumes « au travers desquels ils resp
1216
mes dans une civilisation qui, selon l’expression
de
Jules Verne désabusé « emprunte l’aspect d’une nécessité » (et dans l
1217
ssion de Jules Verne désabusé « emprunte l’aspect
d’
une nécessité » (et dans la bouche de ce libertaire, cela constituait
1218
nte l’aspect d’une nécessité » (et dans la bouche
de
ce libertaire, cela constituait un jugement !) Serons-nous longtemps
1219
n jugement !) Serons-nous longtemps encore dupes
d’
une conception de la littérature si pédante qu’elle exclut un de nos p
1220
rons-nous longtemps encore dupes d’une conception
de
la littérature si pédante qu’elle exclut un de nos plus grands conteu
1221
on de la littérature si pédante qu’elle exclut un
de
nos plus grands conteurs sous prétexte qu’il n’est styliste ni psycho
1222
ateau. Pour ce coup, voilà qui ne m’empêchera pas
d’
y monter, il suffit que cet obsédant capitaine Nemo soit à bord, je so
1223
’est autre que La Liberté. ar. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Marguerite Allotte de La Fuÿe, Jules Verne, sa vie,
1224
, son œuvre », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, juin 1928, p. 768-769.
1225
tyle (août 1928)as Ce n’est pas le seul talent
de
M. Aragon qui le rendrait digne à mes yeux, de considération. J’admir
1226
nt de M. Aragon qui le rendrait digne à mes yeux,
de
considération. J’admire autant le talent de celui qui mène 60 parties
1227
yeux, de considération. J’admire autant le talent
de
celui qui mène 60 parties d’échecs simultanément, et c’est naturel :
1228
ire autant le talent de celui qui mène 60 parties
d’
échecs simultanément, et c’est naturel : je m’en avoue plus éloigné et
1229
avorisent par leurs écrits. Aragon, qui a le sens
de
l’amour, a dit conséquemment beaucoup de choses vraies (belles). Il e
1230
cent célébrités locales. (Quant à Goethe, traité
de
clown, cela ne va pas loin.) C’est une belle rage (ô combien partagée
1231
e ne ment pas ; ce livre traite du style, à coups
d’
exemples qui méritent de l’être. Et l’on voit bien ici qu’Aragon dépas
1232
traite du style, à coups d’exemples qui méritent
de
l’être. Et l’on voit bien ici qu’Aragon dépasse ces surréalistes, ces
1233
u’Aragon dépasse ces surréalistes, ces orthodoxes
de
l’absurde confondu avec le poétique, ou ces disciples de Rimbaud, ou
1234
surde confondu avec le poétique, ou ces disciples
de
Rimbaud, ou enfin ces littérateurs antilittéraires, ces « Messieurs l
1235
urne sans cesse pour crier : Lâches, vous refusez
d’
avancer ! Mais il reste à portée de voix du troupeau. C’est sans doute
1236
, vous refusez d’avancer ! Mais il reste à portée
de
voix du troupeau. C’est sans doute son rôle. Il le tient magnifiqueme
1237
i enfin valent le respect. as. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Aragon, Traité du style », Bibliothèque universell
1238
té du style », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, août 1928, p. 1034.
1239
ers écrits des surréalistes débattent la question
de
savoir s’ils vont se taire ou non. Mais leur silence ne doit pas entr
1240
ne doit pas entraîner, à leur point de vue, celui
d’
autrui sur eux-mêmes. Ils se tournent donc naturellement vers l’action
1241
mes en France — vers la politique. Or ces ennemis
de
toute littérature voient leurs avances dédaignées par les communistes
1242
eurs avances dédaignées par les communistes, gens
d’
action à jugements simples, qui les trouvent trop littérateurs. Rien d
1243
simples, qui les trouvent trop littérateurs. Rien
d’
étonnant à cela dans une époque où les valeurs de l’esprit sont en pra
1244
d’étonnant à cela dans une époque où les valeurs
de
l’esprit sont en pratique universellement méprisées. Mais les surréal
1245
plus qu’ils ne le croient. Certes il était urgent
de
faire la critique de « cette réalité de premier plan qui nous empêche
1246
ient. Certes il était urgent de faire la critique
de
« cette réalité de premier plan qui nous empêche de bouger », comme d
1247
it urgent de faire la critique de « cette réalité
de
premier plan qui nous empêche de bouger », comme dit fort bien M. Bre
1248
« cette réalité de premier plan qui nous empêche
de
bouger », comme dit fort bien M. Breton. Mais à condition d’aller plu
1249
, comme dit fort bien M. Breton. Mais à condition
d’
aller plus loin et de prendre une connaissance positive de ce qu’il y
1250
M. Breton. Mais à condition d’aller plus loin et
de
prendre une connaissance positive de ce qu’il y a sous cette réalité.
1251
plus loin et de prendre une connaissance positive
de
ce qu’il y a sous cette réalité. Il est certain que s’ils avaient le
1252
lité. Il est certain que s’ils avaient le courage
de
se soumettre au concret de l’esprit, ils comprendraient que le « serv
1253
ils avaient le courage de se soumettre au concret
de
l’esprit, ils comprendraient que le « service dans le temple » s’acco
1254
que le « service dans le temple » s’accommode mal
de
tant de gesticulations, de gros mots et de discours en très beau styl
1255
mple » s’accommode mal de tant de gesticulations,
de
gros mots et de discours en très beau style contre un monde très laid
1256
de mal de tant de gesticulations, de gros mots et
de
discours en très beau style contre un monde très laid dont ils n’ont
1257
à chatouiller le snobisme. at. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Pierre Naville, La Révolution et les intellectuels
1258
tellectuels », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, novembre 1928, p. 1410.
1259
ux, Les Conquérants (décembre 1928)au Ce récit
de
la révolution cantonaise en 1925 nous place au nœud du monde moderne
1260
oderne : on y voit s’affronter en quelques hommes
d’
action les forces caractéristiques du temps — argent, races — et ses r
1261
ts qui fait opter ces chefs pour l’une ou l’autre
de
ces attitudes. (Elles ne sont pas essentiellement contradictoires : e
1262
ontradictoires : elles représentent deux manières
de
sentir l’unité d’une époque obsédée d’action.) Autour de ces individu
1263
lles représentent deux manières de sentir l’unité
d’
une époque obsédée d’action.) Autour de ces individus — Chinois nation
1264
x manières de sentir l’unité d’une époque obsédée
d’
action.) Autour de ces individus — Chinois nationalistes ou terroriste
1265
individus — Chinois nationalistes ou terroristes,
Européens
expérimentateurs, Juifs russes méthodiques — s’émeuvent les masses de
1266
Juifs russes méthodiques — s’émeuvent les masses
de
coolies, d’ouvriers armés, toute cette Chine qui s’éveille au sein mê
1267
s méthodiques — s’émeuvent les masses de coolies,
d’
ouvriers armés, toute cette Chine qui s’éveille au sein même de la lut
1268
més, toute cette Chine qui s’éveille au sein même
de
la lutte qui met aux prises l’Europe et le monde du Pacifique. On ret
1269
lle au sein même de la lutte qui met aux prises l’
Europe
et le monde du Pacifique. On retrouvera ici beaucoup des idées que la
1270
etrouvera ici beaucoup des idées que la Tentation
de
l’Occident exprimait sous une forme abstraite et poétique. Mais cette
1271
cteurs du drame, l’aspect quotidien et mystérieux
d’
une révolution de rues, ou la palpitation inquiétante des villes chino
1272
l’aspect quotidien et mystérieux d’une révolution
de
rues, ou la palpitation inquiétante des villes chinoises, Malraux fai
1273
iétante des villes chinoises, Malraux fait preuve
d’
un art du détail où se révèle le vrai romancier. On serait parfois ten
1274
révèle le vrai romancier. On serait parfois tenté
de
le rapprocher de Morand, mais il est plus nerveux, sans doute aussi p
1275
mancier. On serait parfois tenté de le rapprocher
de
Morand, mais il est plus nerveux, sans doute aussi plus sensible. Et
1276
, admirablement objectif, est aussi, mais à coups
de
faits, une discussion d’idées. Il est surtout la description d’une an
1277
est aussi, mais à coups de faits, une discussion
d’
idées. Il est surtout la description d’une angoisse que le nihilisme d
1278
discussion d’idées. Il est surtout la description
d’
une angoisse que le nihilisme de M. Malraux veut sans issues : l’angoi
1279
ut la description d’une angoisse que le nihilisme
de
M. Malraux veut sans issues : l’angoisse que fait naître au cœur du m
1280
naître au cœur du monde contemporain l’absurdité
de
ses ambitions. Écoutons Garine, l’un de ces chefs (c’est lui qui parl
1281
absurdité de ses ambitions. Écoutons Garine, l’un
de
ces chefs (c’est lui qui parle au nom de l’auteur, je pense) : « Il m
1282
nnaire ou autre — rêvée par tant de jeunes hommes
de
l’après-guerre, Malraux l’a vécue, avant de la décrire ; et cet aveu
1283
raux l’a vécue, avant de la décrire ; et cet aveu
de
Garine est décisif : « La Révolution… tout ce qui n’est pas elle est
1284
ainsi que, masqué par l’enchaînement passionnant
de
l’action, il se dégage de ce roman un désespoir sec, sans grimace. Ce
1285
nchaînement passionnant de l’action, il se dégage
de
ce roman un désespoir sec, sans grimace. Cette intelligence et cette
1286
telligence et cette sensibilité ont quelque chose
de
trop aigu, de dangereux. Mais qu’elles s’appliquent à distinguer les
1287
cette sensibilité ont quelque chose de trop aigu,
de
dangereux. Mais qu’elles s’appliquent à distinguer les forces détermi
1288
’appliquent à distinguer les forces déterminantes
de
l’heure, à les exprimer en un tel drame, et voici André Malraux au pr
1289
romanciers contemporains. au. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] André Malraux, Les Conquérants », Bibliothèque uni
1290
Conquérants », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1928, p. 1547-1548.
1291
ère ou Hamlet-Roi (décembre 1928)av L’histoire
de
Louis II exalte et déçoit l’imagination. On comprend que ce doux-amer
1292
is ne l’ait point trompé : « Avec son beau regard
de
rêve, — lit-on dans l’Ennemi des Lois — son expression amoureuse du s
1293
ession amoureuse du silence et cet ensemble idéal
d’
étudiant assidu aux sociétés de musique… » Barrès cherchait dans ses c
1294
cet ensemble idéal d’étudiant assidu aux sociétés
de
musique… » Barrès cherchait dans ses châteaux en Espagne lamentableme
1295
n Espagne lamentablement réalisés les témoignages
de
l’éthique de cet « illustre réfractaire ». N’est-ce point trop demand
1296
entablement réalisés les témoignages de l’éthique
de
cet « illustre réfractaire ». N’est-ce point trop demander à une exis
1297
échec même ne relève pas, et qui tire sa grandeur
de
celle du décor ? Guy de Pourtalès n’hésite pas à baptiser son héros «
1298
rtalès n’hésite pas à baptiser son héros « prince
de
l’illusion et de la solitude ». Mais un prince rêveur n’est pas forcé
1299
as à baptiser son héros « prince de l’illusion et
de
la solitude ». Mais un prince rêveur n’est pas forcément prince du rê
1300
rs ce livre sait bien le laisser voir. La qualité
de
l’illusion dont se nourrit Louis II n’est ni aussi pure ni aussi rare
1301
t qu’il l’a pu, étant roi. Il offre ainsi l’image
d’
un romantisme assez morose ; mais à grande échelle. M. de Pourtalès a
1302
Pourtalès a su rehausser le tableau avec beaucoup
d’
adresse et de charme : Wagner et Nietzsche lui fournissent deux tons f
1303
u rehausser le tableau avec beaucoup d’adresse et
de
charme : Wagner et Nietzsche lui fournissent deux tons fermes dont le
1304
de. Louis II, ce chimérique, disposait par hasard
de
moyens d’action puissants : s’il les a gâchés, c’est qu’il a eu peur,
1305
II, ce chimérique, disposait par hasard de moyens
d’
action puissants : s’il les a gâchés, c’est qu’il a eu peur, et s’il a
1306
a eu peur c’est qu’il n’a pas su aimer. Le sujet
de
Liszt et de Chopin, c’était l’amour, donc la douleur ; ici, c’est l’a
1307
’est qu’il n’a pas su aimer. Le sujet de Liszt et
de
Chopin, c’était l’amour, donc la douleur ; ici, c’est l’absence d’amo
1308
t l’amour, donc la douleur ; ici, c’est l’absence
d’
amour, par refus de souffrir. Mais chez un être raffiné, la peur d’étr
1309
douleur ; ici, c’est l’absence d’amour, par refus
de
souffrir. Mais chez un être raffiné, la peur d’étreindre aboutit à l’
1310
s de souffrir. Mais chez un être raffiné, la peur
d’
étreindre aboutit à l’amour de soi dans « l’illusion ». Sachons gré à
1311
re raffiné, la peur d’étreindre aboutit à l’amour
de
soi dans « l’illusion ». Sachons gré à M. de Pourtalès de ce qu’il pr
1312
ans « l’illusion ». Sachons gré à M. de Pourtalès
de
ce qu’il préfère parler d’illusion là où nos psychiatres proposeraien
1313
gré à M. de Pourtalès de ce qu’il préfère parler
d’
illusion là où nos psychiatres proposeraient de moins jolis mots ; mai
1314
er d’illusion là où nos psychiatres proposeraient
de
moins jolis mots ; mais ce n’est pas la moindre habileté du biographe
1315
as un problème aisé : Guy de Pourtalès l’a résolu
d’
une façon fort adroite mais non moins franche. av. Rougemont Denis
1316
te mais non moins franche. av. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Guy de Pourtalès, Louis II de Bavière ou Hamlet-Roi
1317
Hamlet-Roi », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1928, p. 1549.
1318
Le Prince menteur (décembre 1928)aw Au hasard
d’
une rencontre, l’auteur de ce récit se lie avec un inconnu qui se dit
1319
re 1928)aw Au hasard d’une rencontre, l’auteur
de
ce récit se lie avec un inconnu qui se dit prince russe et entretient
1320
il aime à raconter certaines scènes terrifiantes
de
la révolution : il a été condamné à mort, il s’est évadé, on le traqu
1321
le jeune Français par ces évocations et l’espèce
de
fièvre qu’il y apporte. Mais plusieurs incidents éveillent les soupço
1322
e Français reçoit une lettre trouvée sur le corps
de
son ami suicidé, pathétique confession qui doit expliquer sa mort et
1323
inclusivement, n’étonnera pas ceux qui ont connu
de
semblables mythomanes. Le cas méritait d’être exposé. Je regrette seu
1324
t connu de semblables mythomanes. Le cas méritait
d’
être exposé. Je regrette seulement que Daniel-Rops se soit borné à une
1325
le, d’ailleurs assez dense, et dont le mérite est
d’
être simple et précise dans l’exposé, sans rien simplifier ni préciser
1326
e caractère. Daniel-Rops voit bien que l’épithète
de
mythomane n’épuise pas une question dont l’importance dépasse celle d
1327
e celle du cas pathologique. Il y a dans ce culte
de
la mythomanie qu’on a vu sévir parmi certains milieux d’avant-garde u
1328
ythomanie qu’on a vu sévir parmi certains milieux
d’
avant-garde une confusion assez tragique, parce qu’elle constitue une
1329
itue une tentation pour tous les poètes. Le désir
de
« plus vrai que le vrai » surexcité par l’insolence d’une psychologie
1330
plus vrai que le vrai » surexcité par l’insolence
d’
une psychologie qui rabaisse tout, peut conduire à préférer un mensong
1331
un mensonge qui n’est, hélas, qu’une déformation
de
cette réalité détestée. Le mythomane brouille les cartes mais reste d
1332
ses mensonges exigent, il se reconnaît tributaire
de
la « vérité trop évidente » ; alors qu’il la faudrait, sans rien faus
1333
rien fausser, transcender… aw. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Daniel-Rops, Le Prince menteur », Bibliothèque uni
1334
nce menteur », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, décembre 1928, p. 1553.
1335
légèrement absurde en face d’un récit comme celui
d’
Anderson : voici un homme qui raconte sa vie avec une émouvante simpli
1336
te simplicité et il faudrait avoir la grossièreté
de
lui répondre d’un air connaisseur que c’est bien composé. J’avoue pre
1337
il faudrait avoir la grossièreté de lui répondre
d’
un air connaisseur que c’est bien composé. J’avoue prendre cette autob
1338
onné du passage où il rappelle qu’il écrit la vie
d’
un homme de lettres. En réalité, on ne le voit pas encore apparaître s
1339
sage où il rappelle qu’il écrit la vie d’un homme
de
lettres. En réalité, on ne le voit pas encore apparaître sous cet asp
1340
ces deux premiers tomes, où il décrit des scènes
de
son enfance et de sa jeunesse comme ouvrier. L’art d’Anderson est éto
1341
tomes, où il décrit des scènes de son enfance et
de
sa jeunesse comme ouvrier. L’art d’Anderson est étonnant d’apparente
1342
on enfance et de sa jeunesse comme ouvrier. L’art
d’
Anderson est étonnant d’apparente simplicité. Le récit s’avance à une
1343
esse comme ouvrier. L’art d’Anderson est étonnant
d’
apparente simplicité. Le récit s’avance à une allure libre et tranquil
1344
-saxonne et peu à peu entraîne tout un branle-bas
d’
évocations hautes en couleur, de rêves, de visages, tandis que ç[à] et
1345
out un branle-bas d’évocations hautes en couleur,
de
rêves, de visages, tandis que ç[à] et là s’ouvrent des perspectives s
1346
nle-bas d’évocations hautes en couleur, de rêves,
de
visages, tandis que ç[à] et là s’ouvrent des perspectives saisissante
1347
e des nécessités modernes, dégradantes. Cet amour
de
l’invention romanesque considérée comme une revanche de la poésie — m
1348
nvention romanesque considérée comme une revanche
de
la poésie — mais à Chicago on doit appeler ça du bluff — fait de lui
1349
mais à Chicago on doit appeler ça du bluff — fait
de
lui sans doute le plus méridional des conteurs américains. Avec cela,
1350
onteurs américains. Avec cela, un réalisme, plein
de
verdeur et souvent d’amertume. Mais là où d’autres placeraient le cou
1351
ec cela, un réalisme, plein de verdeur et souvent
d’
amertume. Mais là où d’autres placeraient le couplet humanitariste, lu
1352
autre souvenir. Qui parmi nous sait encore parler
de
sa mère avec cette virile et religieuse tendresse ? C’est un Chinois,
1353
cain qui viennent nous rapprendre que les sources
de
la poésie sont dans notre maison. Voici un de ces passages où il sait
1354
ces de la poésie sont dans notre maison. Voici un
de
ces passages où il sait être, avec sa verve doucement comique, si émo
1355
cette époque je croyais fortement en l’existence
d’
une espèce de secrète et à peu près universelle conspiration pour insi
1356
je croyais fortement en l’existence d’une espèce
de
secrète et à peu près universelle conspiration pour insister sur la l
1357
pour insister sur la laideur. “C’est une frasque
de
gosses à laquelle nous nous livrons, voilà tout, moi et les autres”,
1358
e que si je m’approchais tout à coup par-derrière
d’
un homme ou d’une femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se s
1359
approchais tout à coup par-derrière d’un homme ou
d’
une femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se secouerait enfi
1360
nous en irions bras dessus, bras dessous en riant
de
nous-mêmes et de tout le reste, nous amusant comme des fous ». Mais n
1361
as dessus, bras dessous en riant de nous-mêmes et
de
tout le reste, nous amusant comme des fous ». Mais non, on ne le seco
1362
era pas, ce cauchemar, ce monde moderne, ce monde
de
fous qui n’ont plus que leur raison, ce monde où l’on ne sait plus cr
1363
lles, ce monde qui devient impuissant. Impossible
d’
évoquer un personnage précis pour lui faire endosser le blâme, mais co
1364
endosser le blâme, mais comme l’homme nommé Ford,
de
Détroit, a contribué davantage que n’importe quel autre de mon temps
1365
t, a contribué davantage que n’importe quel autre
de
mon temps à faire aboutir la standardization à sa fin logique, ne pou
1366
l pas être considéré un jour comme le grand tueur
de
son époque ? Rendre impuissant c’est à coup sûr tuer. Or on parle de
1367
dre impuissant c’est à coup sûr tuer. Or on parle
de
l’élever à la présidence de la République. Qu’un tel acte serait adéq
1368
sûr tuer. Or on parle de l’élever à la présidence
de
la République. Qu’un tel acte serait adéquat ! Tamerlan, dont la spéc
1369
sous lui conservassent la virilité et le respect
de
soi était de son temps le souverain du monde. Tamerlan pour les ancie
1370
servassent la virilité et le respect de soi était
de
son temps le souverain du monde. Tamerlan pour les anciens. Ford pour
1371
ernes. Quelle décadence ! ax. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un ho
1372
is un homme », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, janvier 1929, p. 123-124.
1373
pervielle, Saisir (juin 1929)ay Ce petit livre
de
poèmes est comme une initiation au silence. Il faut s’en approcher av
1374
isser créer en nous son silence particulier avant
d’
entendre les signes qu’il nous propose. Une telle poésie n’offre aux s
1375
ropose. Une telle poésie n’offre aux sens que peu
d’
images (à peine quelques « motifs », objets usuels et usés, sur la nua
1376
tifs », objets usuels et usés, sur la nuance mate
d’
un paravent chinois). Ce qu’elle décrit, ce sont des perceptions de l’
1377
nois). Ce qu’elle décrit, ce sont des perceptions
de
l’âme plus que de l’esprit ou des sens. « Reste immobile et sache att
1378
décrit, ce sont des perceptions de l’âme plus que
de
l’esprit ou des sens. « Reste immobile et sache attendre que ton cœur
1379
mmobile et sache attendre que ton cœur se détache
de
toi comme une lourde pierre. » Le corps, que l’âme quitte, redevient
1380
minéral, statue dans le silence « aux yeux gelés
de
rêverie », il se confond avec l’ombre du monde. Et l’âme peut enfin «
1381
une autre lumière : « Tout semblait vivre au fond
d’
un insistant regard. » Le poète des Gravitations est ici descendu plus
1382
itre ! « Saisir » n’est-ce point l’acte essentiel
de
la poésie ? Toute poésie véritable n’est-elle pas proprement « saisis
1383
e » ? Mais le plus émouvant, c’est ici l’approche
d’
un silence partout pressenti, qui s’impose, qui apaise le vain débat d
1384
pressenti, qui s’impose, qui apaise le vain débat
de
notre esprit : « Car l’on pense beaucoup trop haut, et cela fait un v
1385
ait un vacarme terrible. » ay. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Jules Supervielle, Saisir », Bibliothèque universe
1386
lle, Saisir », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, juin 1929, p. 762-763.
1387
éger, un peu plus profond que le vrai, où l’Éloge
de
la folie nous entraînait naguère. Jean Cassou vagabonde à travers ses
1388
res avec lesquels il n’hésite pas à faire un bout
de
chemin, Hans le gardeur d’oies, le gueux Joseph qui parle à son chien
1389
te pas à faire un bout de chemin, Hans le gardeur
d’
oies, le gueux Joseph qui parle à son chien en mourant, une fille qui
1390
fait les mêmes, des bonheurs qui signifient plus
de
désespoir qu’ils ne s’en doutent… C’est un dévergondage sentimental,
1391
doutent… C’est un dévergondage sentimental, plein
de
malices et d’envies de pleurer. Quel dommage qu’il s’égare parfois da
1392
un dévergondage sentimental, plein de malices et
d’
envies de pleurer. Quel dommage qu’il s’égare parfois dans les maisons
1393
gondage sentimental, plein de malices et d’envies
de
pleurer. Quel dommage qu’il s’égare parfois dans les maisons des gran
1394
ais bien vite un intermède bouffon, impossible et
d’
une désopilante poésie nous replonge dans une atmosphère autre, où les
1395
es personnages ont cet air un peu ivre et capable
de
n’importe quoi, cet air dangereux et tendre que prennent les hommes e
1396
ages du livre, un peu amers… On voudrait un livre
de
Cassou qui ne serait fait que de ces intermèdes ; pur de tout souci d
1397
oudrait un livre de Cassou qui ne serait fait que
de
ces intermèdes ; pur de tout souci de vraisemblance extérieure ; qui
1398
ou qui ne serait fait que de ces intermèdes ; pur
de
tout souci de vraisemblance extérieure ; qui ne serait qu’invention,
1399
it fait que de ces intermèdes ; pur de tout souci
de
vraisemblance extérieure ; qui ne serait qu’invention, qui inventerai
1400
nvention, qui inventerait sa vérité. Ce serait un
de
ces miracles de liberté dont nous avons besoin pour croire que le mon
1401
venterait sa vérité. Ce serait un de ces miracles
de
liberté dont nous avons besoin pour croire que le monde actuel n’est
1402
as un cas désespéré. Mais voici déjà dans l’œuvre
de
Jean Cassou, et singulièrement dans ce livre, beaucoup de ces petites
1403
re, beaucoup de ces petites merveilles qui valent
de
gros romans « bien faits ». Car il y a toujours assez de vérité dans
1404
romans « bien faits ». Car il y a toujours assez
de
vérité dans une histoire où il y a de la poésie. az. Rougemont Den
1405
jours assez de vérité dans une histoire où il y a
de
la poésie. az. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Jean Cassou, L
1406
re où il y a de la poésie. az. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Jean Cassou, La Clef des songes », Bibliothèque un
1407
des songes », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, août 1929, p. 248-249.
1408
eignaient les upanishads et la tentative poétique
de
Rimbaud, l’on s’étonne qu’il ait fallu plus d’un demi-siècle pour qu’
1409
ue de Rimbaud, l’on s’étonne qu’il ait fallu plus
d’
un demi-siècle pour qu’une telle interprétation voie le jour. Cela pou
1410
étation voie le jour. Cela pourrait donner lieu à
de
mélancoliques réflexions sur le génie « poétique » français… Mais non
1411
français… Mais non, nous préférons voir ici l’un
de
ces signes qui de toutes parts annoncent une rentrée de l’âme dans la
1412
signes qui de toutes parts annoncent une rentrée
de
l’âme dans la littérature la plus spirituelle du monde. La thèse que
1413
pirituelle du monde. La thèse que défend l’auteur
de
cet essai — la voyance de Rimbaud — est une de ces évidences qu’il es
1414
èse que défend l’auteur de cet essai — la voyance
de
Rimbaud — est une de ces évidences qu’il est bon de proposer à la réf
1415
ur de cet essai — la voyance de Rimbaud — est une
de
ces évidences qu’il est bon de proposer à la réflexion de notre temps
1416
Rimbaud — est une de ces évidences qu’il est bon
de
proposer à la réflexion de notre temps, ne fût-ce que pour faite hont
1417
vidences qu’il est bon de proposer à la réflexion
de
notre temps, ne fût-ce que pour faite honte à ceux qui sont encore ca
1418
pour faite honte à ceux qui sont encore capables
d’
une telle honte, de leur indifférence à l’endroit de l’être le plus mo
1419
ceux qui sont encore capables d’une telle honte,
de
leur indifférence à l’endroit de l’être le plus monstrueusement pur q
1420
eusement pur qui se soit révélé par le truchement
de
la poésie française. — Livre un peu didactique, trop attentif à sa pr
1421
é par cet enthousiasme sacré que requiert l’œuvre
de
Rimbaud. Regrettons seulement qu’il n’élargisse pas plus une question
1422
ssi centrale — qui est, si l’on veut, la question
d’
Orient-Occident. Et pourquoi cette hostilité de sectaire contre l’inte
1423
on d’Orient-Occident. Et pourquoi cette hostilité
de
sectaire contre l’interprétation proposée par Claudel et Isabelle Rim
1424
baud ? Si Claudel s’est montré partial en faisant
de
Rimbaud, « mystique à l’état sauvage », un catholique qui s’ignore, i
1425
olique qui s’ignore, il n’est pas plus admissible
d’
inférer du mépris de Rimbaud pour le catholicisme à son mépris pour la
1426
il n’est pas plus admissible d’inférer du mépris
de
Rimbaud pour le catholicisme à son mépris pour la révélation évangéli
1427
évélation évangélique. Je ne vois là que l’indice
d’
une confusion bien française, hélas. ba. Rougemont Denis de, « [Com
1428
ion bien française, hélas. ba. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] André Rolland de Renéville, Rimbaud le voyant », B
1429
d le voyant », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, août 1929, p. 250-251. bb. Le féminin est ici conser
1430
Julien Benda, La Fin
de
l’Éternel (novembre 1929)bc Ce n’est plus l’heure de venir prendre
1431
ternel (novembre 1929)bc Ce n’est plus l’heure
de
venir prendre position dans un débat où les voix les mieux écoutées o
1432
les avaient à dire. Et d’autre part, les lecteurs
de
cette revue connaissent la thèse de la Trahison des Clercs 11, thèse
1433
les lecteurs de cette revue connaissent la thèse
de
la Trahison des Clercs 11, thèse dont la Fin de l’Éternel ne fait que
1434
e de la Trahison des Clercs 11, thèse dont la Fin
de
l’Éternel ne fait que reprendre la défense contre ses adversaires de
1435
t que reprendre la défense contre ses adversaires
de
tous bords. Je voudrais souligner seulement la beauté de l’effort dés
1436
bords. Je voudrais souligner seulement la beauté
de
l’effort désintéressé de Julien Benda, et l’obligation où nous sommes
1437
gner seulement la beauté de l’effort désintéressé
de
Julien Benda, et l’obligation où nous sommes tous désormais de répond
1438
da, et l’obligation où nous sommes tous désormais
de
répondre pour nous-mêmes à sa mise en demeure. Je suis loin de partag
1439
emeure. Je suis loin de partager toutes les idées
de
M. Benda, sur le plan philosophique en particulier, où je me sens bie
1440
son tour quand il tire argument contre une thèse
de
M. Marcel de ce qu’elle « mène loin… dans l’ordre moral ». Et quand c
1441
nd il tire argument contre une thèse de M. Marcel
de
ce qu’elle « mène loin… dans l’ordre moral ». Et quand cela serait !
1442
t, de plus impertinents que moi ne manqueront pas
de
faire observer que la « fin de l’éternel », la chute de l’idée dans l
1443
ne manqueront pas de faire observer que la « fin
de
l’éternel », la chute de l’idée dans la matière, est un phénomène exa
1444
re observer que la « fin de l’éternel », la chute
de
l’idée dans la matière, est un phénomène exactement aussi vieux que l
1445
a un sophiste en M. Benda, un polémiste qui joue
de
la raison ratiocinante tout comme si elle n’était pas le contraire de
1446
nante tout comme si elle n’était pas le contraire
de
la Raison de Spinoza. Nul mieux que lui ne s’entend définir et classe
1447
mme si elle n’était pas le contraire de la Raison
de
Spinoza. Nul mieux que lui ne s’entend définir et classer choses et i
1448
t-à-dire fausses mais claires, qui lui permettent
de
triompher syllogistiquement de l’adversaire, sinon de la difficulté e
1449
qui lui permettent de triompher syllogistiquement
de
l’adversaire, sinon de la difficulté elle-même. Mais pour gênante que
1450
riompher syllogistiquement de l’adversaire, sinon
de
la difficulté elle-même. Mais pour gênante que soit souvent son adres
1451
e. Mais pour gênante que soit souvent son adresse
de
logicien, elle ne doit pas nous masquer l’audace tranquille et admira
1452
pas nous masquer l’audace tranquille et admirable
de
son point de vue radicalement antimoderne, parce que désintéressé. C’
1453
re, c’est l’impossible. Mais justement, la gloire
de
M. Benda sera d’avoir soutenu que l’humanité a besoin qu’on lui deman
1454
sible. Mais justement, la gloire de M. Benda sera
d’
avoir soutenu que l’humanité a besoin qu’on lui demande l’impossible.
1455
e croirait n’en avoir plus besoin. Cet extrémisme
de
la pensée intemporelle, en butte aux sarcasmes des extrémistes de dro
1456
emporelle, en butte aux sarcasmes des extrémistes
de
droite et de gauche, n’en apparaît que plus pur. « Noms de clowns qui
1457
butte aux sarcasmes des extrémistes de droite et
de
gauche, n’en apparaît que plus pur. « Noms de clowns qui me viennent
1458
et de gauche, n’en apparaît que plus pur. « Noms
de
clowns qui me viennent l’esprit : Julien Benda… », écrit Aragon. Et D
1459
ons sont exactement celles qu’il fallait attendre
de
ces auteurs. Ce qu’on ne viendra pas disputer à M. Benda, c’est son d
1460
ndra pas disputer à M. Benda, c’est son dur amour
de
la vérité tout court. Celle-là même qui paraît anarchique dans un mon
1461
. Rien, pas même la religion. 11. Cf. l’article
de
M. Daniel Halévy (décembre 1927) et la réponse de M. Benda (janvier 1
1462
de M. Daniel Halévy (décembre 1927) et la réponse
de
M. Benda (janvier 1928). bc. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] J
1463
de M. Benda (janvier 1928). bc. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Julien Benda, La Fin de l’Éternel », Bibliothèque
1464
t Denis de, « [Compte rendu] Julien Benda, La Fin
de
l’Éternel », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, no
1465
e l’Éternel », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, novembre 1929, p. 638-639.
1466
ent riantes, au premier coup d’œil, assez dénuées
de
ces effets faciles qu’on aime à ménager dans un jardin à la française
1467
teur qui n’imite personne court bientôt le risque
de
s’imiter soi-même : il semble au contraire qu’Henry Michaux, en se ca
1468
hement dans ses propriétés, y découvre sans cesse
de
nouvelles sources. Il défriche et il fabrique, soit qu’il se décrive
1469
il fabrique, soit qu’il se décrive comme un lieu
de
miracles le plus souvent malencontreux, ou qu’il invente des animaux
1470
aux dont la complexité ne le cède en rien à celle
de
l’introspection la plus poussée. Il invente aussi des mots et en fait
1471
lus poussée. Il invente aussi des mots et en fait
de
courts poèmes d’une divertissante et parfois émouvante bizarrerie (Mo
1472
nvente aussi des mots et en fait de courts poèmes
d’
une divertissante et parfois émouvante bizarrerie (Mort d’un Page). Ce
1473
vertissante et parfois émouvante bizarrerie (Mort
d’
un Page). Cependant je préfère ses proses : il y a ici plus qu’une man
1474
t neuve, dans laquelle l’âme, agissant à la façon
d’
une force physique, déforme et recrée le réel à son gré. Seule compte
1475
ntérieure, mais elle apparaît toujours sous forme
d’
objets. Ce comique triste, ces imaginations délirantes mais parfaiteme
1476
délirantes mais parfaitement concrètes, ces tours
de
phrases d’une familiarité bourrue mais raffinée, cette ivresse verbal
1477
mais parfaitement concrètes, ces tours de phrases
d’
une familiarité bourrue mais raffinée, cette ivresse verbale jugulée p
1478
rivia de Logan Pearsall Smith — je n’avais pas lu
de
livre où s’exprimât avec une pareille sécurité dans l’insolite, ce qu
1479
ue » et de plus quotidien. bd. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Henri Michaux, Mes propriétés », Bibliothèque univ
1480
propriétés », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mars 1930, p. 384.
1481
accueillir du premier regard, dans un matin plein
de
mouettes — « Un beau bruit d’ailes me fait un ciel » — la vaporeuse b
1482
dans un matin plein de mouettes — « Un beau bruit
d’
ailes me fait un ciel » — la vaporeuse beauté du lac de Neuchâtel. Mll
1483
es me fait un ciel » — la vaporeuse beauté du lac
de
Neuchâtel. Mlle Kikou Yamata a su le voir aussi « gris et ardent sous
1484
mps liquide et glacé, balançant parmi les roseaux
d’
une baie ses poules d’eaux noires. Il y fallait cette féminité ingénue
1485
balançant parmi les roseaux d’une baie ses poules
d’
eaux noires. Il y fallait cette féminité ingénue et précieuse, toujour
1486
cieuse, toujours prête à épouser tout le sensible
d’
un paysage pour peu qu’elle y découvre une secrète parenté de l’âme. K
1487
e pour peu qu’elle y découvre une secrète parenté
de
l’âme. Kikou Yamata peint la Suisse avec un pinceau « fait du poil de
1488
ta peint la Suisse avec un pinceau « fait du poil
de
novembre des chamois ». On s’émerveille de le voir, dans sa main rapi
1489
u poil de novembre des chamois ». On s’émerveille
de
le voir, dans sa main rapide et minutieuse, décrire la vallée du jeun
1490
se, décrire la vallée du jeune Rhin ou les pentes
de
Chésières en les parant d’une grâce malicieuse et sensuelle dont nos
1491
une Rhin ou les pentes de Chésières en les parant
d’
une grâce malicieuse et sensuelle dont nos yeux helvètes les croyaient
1492
s… Cette charmante « japanisation » est rehaussée
d’
une douzaine de lithographies de Meili. Ce peintre se montre plus occi
1493
nte « japanisation » est rehaussée d’une douzaine
de
lithographies de Meili. Ce peintre se montre plus occidental dans les
1494
n » est rehaussée d’une douzaine de lithographies
de
Meili. Ce peintre se montre plus occidental dans les beaux volumes pl
1495
tre plus occidental dans les beaux volumes pleins
de
ces paysages, que dans ses dessins, dont Kikou Yamata a dit ailleurs
1496
curieusement nipponne. Quelle admirable maîtrise
de
sa technique ! Et qui eût pensé qu’avec un jeu de noirs et de gris l’
1497
de sa technique ! Et qui eût pensé qu’avec un jeu
de
noirs et de gris l’on pût recréer toute la ferveur d’un coucher de so
1498
que ! Et qui eût pensé qu’avec un jeu de noirs et
de
gris l’on pût recréer toute la ferveur d’un coucher de soleil. Des fo
1499
oirs et de gris l’on pût recréer toute la ferveur
d’
un coucher de soleil. Des formes purifiées, un relief net, une heureus
1500
is l’on pût recréer toute la ferveur d’un coucher
de
soleil. Des formes purifiées, un relief net, une heureuse alliance de
1501
s purifiées, un relief net, une heureuse alliance
de
charme et de rigueur, de moelleux et de précision… À la dernière page
1502
un relief net, une heureuse alliance de charme et
de
rigueur, de moelleux et de précision… À la dernière page, l’artiste f
1503
t, une heureuse alliance de charme et de rigueur,
de
moelleux et de précision… À la dernière page, l’artiste fait une bell
1504
alliance de charme et de rigueur, de moelleux et
de
précision… À la dernière page, l’artiste fait une belle grimace : le
1505
lecteur ne l’imitera pas. be. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Kikou Yamata, Saisons suisses », Bibliothèque univ
1506
ons suisses », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, mars 1930, p. 385.
1507
ullien du Breuil, Kate (avril 1930)bf Ce récit
d’
une élégante minceur décrit la passion d’une jeune fille de la grande
1508
Ce récit d’une élégante minceur décrit la passion
d’
une jeune fille de la grande bourgeoisie pour une gamine qui lui sert
1509
gante minceur décrit la passion d’une jeune fille
de
la grande bourgeoisie pour une gamine qui lui sert de modèle dans son
1510
a grande bourgeoisie pour une gamine qui lui sert
de
modèle dans son atelier. Autour de cet incident, assez émouvant, on e
1511
amertume vague. Ceux qui ont lu la Mort difficile
de
René Crevel ne s’étonneront ni du sujet ni de la manière de M. Jullie
1512
ile de René Crevel ne s’étonneront ni du sujet ni
de
la manière de M. Jullien du Breuil. L’intérêt de ce genre de livres —
1513
evel ne s’étonneront ni du sujet ni de la manière
de
M. Jullien du Breuil. L’intérêt de ce genre de livres — ils se multip
1514
de la manière de M. Jullien du Breuil. L’intérêt
de
ce genre de livres — ils se multiplient — vient, à mon sens, de quelq
1515
re de M. Jullien du Breuil. L’intérêt de ce genre
de
livres — ils se multiplient — vient, à mon sens, de quelque chose qu’
1516
livres — ils se multiplient — vient, à mon sens,
de
quelque chose qu’ils expriment sans doute inconsciemment et qui n’est
1517
iment sans doute inconsciemment et qui n’est rien
de
moins qu’une conception nouvelle de l’amour-passion : il apparaît ici
1518
ui n’est rien de moins qu’une conception nouvelle
de
l’amour-passion : il apparaît ici sous la forme d’une obsession physi
1519
e l’amour-passion : il apparaît ici sous la forme
d’
une obsession physique, parée d’une sorte de poésie fatale, où se mêle
1520
ici sous la forme d’une obsession physique, parée
d’
une sorte de poésie fatale, où se mêle, selon l’auteur un peu ou pas m
1521
forme d’une obsession physique, parée d’une sorte
de
poésie fatale, où se mêle, selon l’auteur un peu ou pas mal de littér
1522
ale, où se mêle, selon l’auteur un peu ou pas mal
de
littérature. Et c’est à un tel amour qu’on va demander sa revanche co
1523
inerie morale du milieu… Étrange misère que celle
d’
une génération qui, après tant de sarcasmes contre l’enfer bourgeois,
1524
de sarcasmes contre l’enfer bourgeois, n’a trouvé
d’
autre salut que l’abandon à quelques obsessions sexuelles. Qui viendra
1525
obsessions sexuelles. Qui viendra rendre le sens
de
l’amour idéal — celui qui transfigure ? Le roman de M. Jullien de Bre
1526
l’amour idéal — celui qui transfigure ? Le roman
de
M. Jullien de Breuil effleure un autre problème de non moindre valeur
1527
e M. Jullien de Breuil effleure un autre problème
de
non moindre valeur tragique : le conflit de la jeunesse d’après-guerr
1528
blème de non moindre valeur tragique : le conflit
de
la jeunesse d’après-guerre et des parents. Encore un sujet qui attend
1529
indre valeur tragique : le conflit de la jeunesse
d’
après-guerre et des parents. Encore un sujet qui attend son maître.
1530
jet qui attend son maître. bf. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] André Jullien du Breuil, Kate », Bibliothèque univ
1531
reuil, Kate », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, avril 1930, p. 520.
1532
ieu (septembre 1930)bg On ne sait presque rien
de
Lautréamont, sinon qu’il s’appelait Isidore Ducasse et qu’il composa
1533
année un vaste poème en prose intitulé Les Chants
de
Maldoror. De 1870 jusqu’à la guerre son influence fut « quasi nulle »
1534
e poème en prose intitulé Les Chants de Maldoror.
De
1870 jusqu’à la guerre son influence fut « quasi nulle », et peut-êtr
1535
uteur-tabou du surréalisme. M. Pierre-Quint vient
d’
écrire sur ce poète, qu’on a traité de fou et d’ange, un essai remarqu
1536
Quint vient d’écrire sur ce poète, qu’on a traité
de
fou et d’ange, un essai remarquable de netteté et souvent, d’indépend
1537
t d’écrire sur ce poète, qu’on a traité de fou et
d’
ange, un essai remarquable de netteté et souvent, d’indépendance. Il d
1538
n a traité de fou et d’ange, un essai remarquable
de
netteté et souvent, d’indépendance. Il dégage le sujet de l’épopée qu
1539
ange, un essai remarquable de netteté et souvent,
d’
indépendance. Il dégage le sujet de l’épopée qu’est Maldoror — la révo
1540
té et souvent, d’indépendance. Il dégage le sujet
de
l’épopée qu’est Maldoror — la révolte de l’homme contre son Créateur
1541
le sujet de l’épopée qu’est Maldoror — la révolte
de
l’homme contre son Créateur — et il analyse les principaux thèmes de
1542
on Créateur — et il analyse les principaux thèmes
de
l’œuvre avec une intelligence que l’on rencontre bien rarement dans l
1543
consacrés jusqu’ici à Ducasse. Ce « précurseur »
d’
une certaine littérature moderne n’a fait, en somme, que reprendre, qu
1544
beaucoup plus « horrible » que celui des rêveries
de
certaines pubertés ; quant à l’amour, Maldoror ne paraît pas de taill
1545
ubertés ; quant à l’amour, Maldoror ne paraît pas
de
taille à le concevoir au-delà de sa tendresse pour les adolescents. C
1546
or ne paraît pas de taille à le concevoir au-delà
de
sa tendresse pour les adolescents. Ce qui le caractérise le plus fort
1547
», forcenée, jusqu’au rire dément, — ses injures
de
Caliban littérateur. Dans un chapitre excellent et peut-être plus aud
1548
fois de plus, l’intelligence apporte la solution
d’
une hypocrisie que la révolte rend moins sympathique, certes, mais plu
1549
é son sujet. Mais pourquoi se refuse-t-il à tirer
de
ces remarques fort justes les conclusions qu’elles nécessitent ? Cell
1550
e autres, que Lautréamont ne va pas à la cheville
de
Rimbaud. (Ce n’est pas avec un Dieu pour rire que Rimbaud est aux pri
1551
r rire que Rimbaud est aux prises, et il n’a cure
de
cette littérature que Ducasse s’épuise à parodier.) Il semble qu’ici
1552
semble qu’ici M. Pierre-Quint, malgré la liberté
d’
esprit dont il témoigne en maint endroit, se soit laissé quelque peu i
1553
amont « le maître des écluses pour la littérature
de
demain ». Concession un peu hâtive à une « jeunesse » déjà démodée… J
1554
jeunesse » déjà démodée… Je crois que la jeunesse
d’
aujourd’hui s’éloigne plutôt de la grandiloquence « antilittéraire » e
1555
is que la jeunesse d’aujourd’hui s’éloigne plutôt
de
la grandiloquence « antilittéraire » et des révoltes au hasard d’un M
1556
ence « antilittéraire » et des révoltes au hasard
d’
un Maldoror. Elle demande une pensée forte et orientée plutôt que ces
1557
ne pensée forte et orientée plutôt que ces éclats
de
voix sarcastiques, émouvants comme 93, mais où certaine bêtise trouve
1558
ce. Nous adorons ailleurs. bg. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Léon Pierre-Quint, Le Comte de Lautréamont et Dieu
1559
ont et Dieu », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, septembre 1930, p. 399-400.
1560
bh à Albert Gyergyai. 1. Le dormeur au fil
de
l’eau Où s’asseoir ? Le pont est encombré de jambes de dormeuses ;
1561
l de l’eau Où s’asseoir ? Le pont est encombré
de
jambes de dormeuses ; il faudrait réveiller tant de beautés redoutabl
1562
Où s’asseoir ? Le pont est encombré de jambes
de
dormeuses ; il faudrait réveiller tant de beautés redoutables pour at
1563
ernière chaise libre. En bas, il y a juste autant
de
vieilles dames et de ministres en retraite que de fauteuils. Et on me
1564
En bas, il y a juste autant de vieilles dames et
de
ministres en retraite que de fauteuils. Et on me regarde. J’ai beau f
1565
de vieilles dames et de ministres en retraite que
de
fauteuils. Et on me regarde. J’ai beau feindre l’intérêt le plus sing
1566
en ont tant vu ! Ils aiment mieux me faire honte
de
mon visage gris ; leurs yeux stupides me demandent où je n’ai pas dor
1567
ordages, des chaînes, sur un banc humide, — juste
de
quoi s’étendre, et regarder jaillir sans fin contre soi l’eau de ce b
1568
re, et regarder jaillir sans fin contre soi l’eau
de
ce beau Danube jaune qui est le plus inodore des fleuves. Dormir. San
1569
. Sans avoir pu retrouver cette mélodie descendue
d’
un balcon où chantait la Schumann ; sans avoir pu retrouver le nom de
1570
tait la Schumann ; sans avoir pu retrouver le nom
de
qui l’on a reconduit à sa villa, vers cinq heures à travers ces quart
1571
à travers ces quartiers si clairs, arbres et jets
d’
eau ; sans avoir pu retrouver, des conversations de ce bal, autre chos
1572
’eau ; sans avoir pu retrouver, des conversations
de
ce bal, autre chose que la phrase, l’unique phrase que Richard Straus
1573
t… » C’était au vestiaire, il enfilait une manche
de
pardessus, me donnait l’autre à serrer, la main n’étant pas encore so
1574
la main n’étant pas encore sortie… Dormir au fil
de
l’eau, entre l’étrange nuit d’un autre bal et cette perspective de vo
1575
tie… Dormir au fil de l’eau, entre l’étrange nuit
d’
un autre bal et cette perspective de voyage au hasard et commencé dans
1576
’étrange nuit d’un autre bal et cette perspective
de
voyage au hasard et commencé dans l’insomnie — vrai voyage à dormir d
1577
, il reconnaît son rêve. Huit heures aux clochers
de
la capitale qui s’avance dans la lumière fauve d’un soir chaud sur la
1578
de la capitale qui s’avance dans la lumière fauve
d’
un soir chaud sur la plaine, avec ses dômes et ses façades exubérantes
1579
plaine, avec ses dômes et ses façades exubérantes
de
reflets, — et déjà nous passons sous de hauts ponts sonores, au long
1580
ubérantes de reflets, — et déjà nous passons sous
de
hauts ponts sonores, au long d’un quai tout fleuri de terrasses ; on
1581
nous passons sous de hauts ponts sonores, au long
d’
un quai tout fleuri de terrasses ; on nous déverse dans cette foule et
1582
auts ponts sonores, au long d’un quai tout fleuri
de
terrasses ; on nous déverse dans cette foule et ces musiques, deux vi
1583
es qui font des signes pour demain, présentations
de
mes Espoirs aux jeunes Promesses nationales (on n’a pas bien compris
1584
ée, des coups d’œil, dans le léger étourdissement
de
l’amitié prochaine). Et la générosité des lumières d’avant le soir, —
1585
’amitié prochaine). Et la générosité des lumières
d’
avant le soir, — et cette espèce de tendresse pour tous les possibles,
1586
é des lumières d’avant le soir, — et cette espèce
de
tendresse pour tous les possibles, qu’on appelle, je crois bien, jeun
1587
s, qui est un Collège célèbre. 2. La recherche
de
l’objet inconnu Personne n’a mon adresse, je n’attends rien d’aill
1588
emier réveil — délivré. Chez moi je suis la proie
de
l’angoisse du courrier. J’attends la lettre, j’attends je ne sais quo
1589
r. J’attends la lettre, j’attends je ne sais quoi
de
très important… Trois déceptions par jour ne peuvent qu’énerver le dé
1590
a m’apporter ce Paquet inouï, cadeau annonciateur
d’
une miraculeuse et royale Venue. Dans le silence de l’adoration comblé
1591
’une miraculeuse et royale Venue. Dans le silence
de
l’adoration comblée, j’en sortirais de ces objets sans nom, inutilisa
1592
le silence de l’adoration comblée, j’en sortirais
de
ces objets sans nom, inutilisables, bouleversants de perfection, gage
1593
ces objets sans nom, inutilisables, bouleversants
de
perfection, gages d’un monde que les poètes essaient de décrire sans
1594
inutilisables, bouleversants de perfection, gages
d’
un monde que les poètes essaient de décrire sans l’avoir jamais vu, et
1595
fection, gages d’un monde que les poètes essaient
de
décrire sans l’avoir jamais vu, et dont nous savons seulement que tou
1596
vances, les plus exténuantes, et qui sait si tant
d’
erreurs ne composeront pas un jour une sorte d’incantation capable d’i
1597
nt d’erreurs ne composeront pas un jour une sorte
d’
incantation capable d’incliner le Hasard ? Ô décevantes chasses dans l
1598
eront pas un jour une sorte d’incantation capable
d’
incliner le Hasard ? Ô décevantes chasses dans les bazars, aux étalage
1599
lages des fêtes populaires, au fond des boutiques
de
vieux en province, dans les combles d’un château prussien où tissaien
1600
boutiques de vieux en province, dans les combles
d’
un château prussien où tissaient d’incroyables araignées, partout où l
1601
ns les combles d’un château prussien où tissaient
d’
incroyables araignées, partout où le désordre naturel des choses pouva
1602
sseports ? Dussè-je les inventer… Ah ! l’embarras
de
voyager n’est rien auprès de celui d’expliquer pourquoi l’on est part
1603
l’embarras de voyager n’est rien auprès de celui
d’
expliquer pourquoi l’on est parti. Cependant, mes regards errant sur u
1604
in de s’user, ne tarde pas à devenir notre raison
de
vivre. Mais combien votre sort, ô grands empêtrés ! me paraît enviabl
1605
Les désirs les plus incompréhensibles s’emparent
de
moi comme des superstitions. Tout mon avoir se fond dans une loterie
1606
ir se fond dans une loterie qui peut-être n’a pas
de
gros lot, et jamais, je crains bien, jamais je ne parviendrai à le re
1607
é à peine jalouse que l’on réserve aux égarements
d’
une jeunesse démodée se peignirent sur les traits de mes auditeurs. —
1608
une jeunesse démodée se peignirent sur les traits
de
mes auditeurs. — Vous êtes, me dit-on, un amateur de troubles disting
1609
mes auditeurs. — Vous êtes, me dit-on, un amateur
de
troubles distingués. Peu de sens du réel. Mais nous vous montrerons n
1610
on m’entraîna dans un musée sans sièges. Le Musée
de
Budapest enferme quelques paysages romantiques aux ciels pleins de dé
1611
me quelques paysages romantiques aux ciels pleins
de
démesure. Et, de Giorgione, ce « Portrait d’un homme » devant lequel
1612
ges romantiques aux ciels pleins de démesure. Et,
de
Giorgione, ce « Portrait d’un homme » devant lequel il faut se taire
1613
eins de démesure. Et, de Giorgione, ce « Portrait
d’
un homme » devant lequel il faut se taire pour écouter ce qu’il entend
1614
re pour écouter ce qu’il entend. 3. Au tombeau
de
Gül Baba Dans Bude il y a des ruelles qui sentent encore le Turc.
1615
é un grand pont vibrant et nous sommes rentrés en
Europe
. Mais dès le lendemain, m’échappant du programme, il a bien fallu que
1616
. « Vous n’y verrez, m’avait-on dit, qu’une paire
de
babouches dans une mosquée vide que personne n’a plus l’idée de visit
1617
ans une mosquée vide que personne n’a plus l’idée
de
visiter. » Mais comment ne pas voir qu’un lieu qui porte un nom parei
1618
ne croit pas à la vertu des noms reste prisonnier
de
ses sens ; mais celui-là est véritablement voyageur qui n’a pas renon
1619
voyageur qui n’a pas renoncé à convaincre le réel
de
mystère. Montant au Rozsadomb par ce matin brûlant, je savais bien qu
1620
pellent une conduite magique. Or il est délicieux
de
réaliser une idée fixe injustifiable : c’est le plaisir même de l’enf
1621
e idée fixe injustifiable : c’est le plaisir même
de
l’enfance. Je portais donc ma vision d’Orient et je grimpais gravemen
1622
isir même de l’enfance. Je portais donc ma vision
d’
Orient et je grimpais gravement comme je ferai, je pense, au jour de m
1623
mpais gravement comme je ferai, je pense, au jour
de
mon pèlerinage au Temple de l’Objet inconnu. On passe une barrière, u
1624
ai, je pense, au jour de mon pèlerinage au Temple
de
l’Objet inconnu. On passe une barrière, une cour vide ; on prend le s
1625
ardins dont les arbustes sèchent, vers une espèce
de
grande villa baroque assez décrépite, décor en pierre brune peu solid
1626
écrépite, décor en pierre brune peu solide, rongé
de
petites roses cramoisies. On longe une galerie couverte, on tourne da
1627
n tourne dans un escalier compliqué : c’est plein
de
colonnettes et de statues dégradées et charmantes. (Vue sur des maiso
1628
scalier compliqué : c’est plein de colonnettes et
de
statues dégradées et charmantes. (Vue sur des maisons pauvres un peu
1629
urs assez hauts dont l’un est peut-être la façade
d’
une chapelle ; mais la porte est fermée. Par une ouverture étroite on
1630
vaste, où il y a quelques arbres devant une sorte
de
tour peu élevée, à demi recouverte de rosiers, et qu’il paraît imposs
1631
t une sorte de tour peu élevée, à demi recouverte
de
rosiers, et qu’il paraît impossible de situer dans l’ensemble des con
1632
recouverte de rosiers, et qu’il paraît impossible
de
situer dans l’ensemble des constructions. C’est là qu’on entre. Murs
1633
ns. C’est là qu’on entre. Murs nus. Un catafalque
de
bois, au milieu, recouvert d’un très beau tapis mince, ou bannière, a
1634
nus. Un catafalque de bois, au milieu, recouvert
d’
un très beau tapis mince, ou bannière, avec des caractères turcs brodé
1635
vec des caractères turcs brodés en or. L’histoire
de
Gül Baba est racontée sur un papier jauni encadré et fixé au mur. Gül
1636
est le dernier héros musulman qui ait fait parler
de
lui en Hongrie. Il s’appelait en vérité Kehl Baba, ce qui signifie le
1637
roses. Moyennant cette naturalisation il continue
de
protéger la ville (en collaboration avec saint Gellert, dont la statu
1638
un rocher, les bras levés, dirige la circulation
de
Pest. Gül Baba est moins théâtral). D’ailleurs le tombeau est vide. E
1639
leurs le tombeau est vide. Et les babouches ? Pas
de
babouches. Je sais bien que ce n’est pas l’heure de visiter : le Père
1640
babouches. Je sais bien que ce n’est pas l’heure
de
visiter : le Père des roses est peut-être allé se promener. Dehors, l
1641
ent » étrange que ce lieu — inquiétant à la façon
de
certains regards lucides qu’il arrive qu’on porte sur la vie, tout d’
1642
lucides qu’il arrive qu’on porte sur la vie, tout
d’
un coup, à trois heures de l’après-midi par exemple, — non sans angois
1643
porte sur la vie, tout d’un coup, à trois heures
de
l’après-midi par exemple, — non sans angoisse… 4. De midi à quator
1644
près-midi par exemple, — non sans angoisse… 4.
De
midi à quatorze heures On voyage de nos jours d’une façon « ration
1645
sse… 4. De midi à quatorze heures On voyage
de
nos jours d’une façon « rationnelle », c’est-à-dire que les Cook’s ti
1646
midi à quatorze heures On voyage de nos jours
d’
une façon « rationnelle », c’est-à-dire que les Cook’s tickets remplac
1647
e conduite féconde. Il me semble que la servitude
de
l’homme moderne apparaît ici sous un aspect bien inquiétant : c’est à
1648
joli, ce n’est pas fantaisie. Je parle simplement
de
vérité et de mensonge, opposant une réalité vivante à une duperie com
1649
t pas fantaisie. Je parle simplement de vérité et
de
mensonge, opposant une réalité vivante à une duperie commerciale. Mai
1650
pensez que tant de mots pour une simple question
de
sentiment… C’est que vous êtes déjà bien malade. Il perd le sentimen
1651
dre ! » s’écrie le lecteur, et comme il est, lui,
de
l’autre école, il referme ces pages et vaque à ses devoirs. Nous voic
1652
lus à l’aise. Eh bien oui : je me ferai un mérite
de
perdre tout mon temps, si toutefois perdre conserve ici le sens qu’il
1653
urs « problèmes du plus haut intérêt », le « prix
de
l’action » et leur morale qui ne parle que d’obligations dont on ne s
1654
rix de l’action » et leur morale qui ne parle que
d’
obligations dont on ne saurait à la légère se débarrasser sans courir
1655
, bref, sans le payer cher. Tout cela est langage
de
bourse. Pour moi, je poursuivrai mon discours en faveur de l’inutile,
1656
ns leurs vastes poches insulaires pour m’informer
de
cette irrécusable vérité : les affaires sont les affaires, axiome qui
1657
oir trépigner, je continuerai à chercher mon bien
de
midi à quatorze heures, temps qu’ils réservent à la mastication, entr
1658
ils réservent à la mastication, entre deux séries
d’
heures de travail consacrées, si l’on ose dire, à assurer cette mastic
1659
vent à la mastication, entre deux séries d’heures
de
travail consacrées, si l’on ose dire, à assurer cette mastication. Ma
1660
n est assailli par le pittoresque, mais il s’agit
de
le déjouer au moyen de toutes sortes de ruses et de scepticismes, don
1661
il s’agit de le déjouer au moyen de toutes sortes
de
ruses et de scepticismes, dont le plus simple consiste à traduire ce
1662
le déjouer au moyen de toutes sortes de ruses et
de
scepticismes, dont le plus simple consiste à traduire ce que l’on voi
1663
s lignes verticales peinturlurées — elle n’a rien
d’
étrange, si l’on songe que nous sommes en Hongrie. Et ce n’est pas que
1664
erveilleux, avec quoi l’on est trop souvent tenté
de
confondre le bizarre. C’est le faux merveilleux qui a discrédité le v
1665
, moralement microscopique. (Il a tellement l’air
de
rien que nous sommes presque excusables de ne le point apercevoir.) J
1666
l’air de rien que nous sommes presque excusables
de
ne le point apercevoir.) Je vais cependant dire quelque chose d’une s
1667
apercevoir.) Je vais cependant dire quelque chose
d’
une scène pittoresque. Mais c’est une autre fois que je l’ai vue, à Pe
1668
’est une autre fois que je l’ai vue, à Pest, lors
d’
un autre séjour, dans la semaine qui suit Noël, — la plus sombre de l’
1669
, dans la semaine qui suit Noël, — la plus sombre
de
l’année par les rues vides sous la pluie étrangère. Une porte basse s
1670
ne porte basse s’ouvre sur un long corridor hanté
d’
ombres drapées, qui ne sont pas des nonnes, bien que les voûtes soient
1671
pas des nonnes, bien que les voûtes soient celles
d’
un ancien couvent. Nous pénétrons dans une grande salle vivement éclai
1672
le vivement éclairée. Murs chaulés, et de nouveau
de
hautes voûtes. Une banquette longe trois des parois, la quatrième est
1673
à terre, dans l’attente. Nous sommes assis autour
d’
une table et nous voyons, au milieu de la salle, un arbre de Noël aux
1674
e et nous voyons, au milieu de la salle, un arbre
de
Noël aux amples branches rayonnantes, dans une gloire de dorures, — e
1675
aux amples branches rayonnantes, dans une gloire
de
dorures, — et massées tout autour, frileuses dans leurs dessous roses
1676
ignoir noir et blanc… Je ne puis avaler mon verre
de
ce café trop amer qui pince la gorge. Dehors, nous ne parlons pas : l
1677
es transitions, et c’est alors que l’on est tenté
de
mentir, si fort tenté que l’on cède à coup sûr, en se persuadant que
1678
as, au contraire, aggraver le cas ?) Or l’intérêt
d’
un récit de voyage ne réside pas dans sa vérité générale, mais bien se
1679
raire, aggraver le cas ?) Or l’intérêt d’un récit
de
voyage ne réside pas dans sa vérité générale, mais bien se réfugie da
1680
qui ne ressemble à rien, gênante comme un cadeau
de
pauvre, comme un vrai cadeau. Si le conteur ment, — pendant qu’il y e
1681
teur ment, — pendant qu’il y est, il ferait mieux
de
choisir un autre pays que la Hongrie archi-connue, — le lecteur le se
1682
ar le plus beau mensonge atteint à peine le degré
d’
intérêt d’une vérité banale, et seulement à condition de lui ressemble
1683
beau mensonge atteint à peine le degré d’intérêt
d’
une vérité banale, et seulement à condition de lui ressembler, ne fût-
1684
ment à condition de lui ressembler, ne fût-ce que
de
loin, — c’est alors ce qu’on appelait un paradoxe, du temps des petit
1685
temps des petites manières. Cependant, la réalité
d’
un pays apparaissant en général au voyageur de ma sorte sous ses modal
1686
ité d’un pays apparaissant en général au voyageur
de
ma sorte sous ses modalités sentimentales plus que documentaires, peu
1687
, peut-être serait-il bon que je parsème ce texte
de
quelques noms impossibles et de beaucoup de chiffres vraisemblables ?
1688
parsème ce texte de quelques noms impossibles et
de
beaucoup de chiffres vraisemblables ? Ainsi le lecteur superficiel au
1689
l’impression que je suis zur Sache, que je parle
de
mon sujet, — étant admis que mon sujet soit la Hongrie, ce qui me par
1690
n’est rien que le voyage du Sujet à la recherche
de
son Objet, — en passant par la Hongrie. — Mais puisqu’enfin nous y vo
1691
’enfin nous y voici, en cette Hongrie… Le tombeau
de
Gül Baba est symboliquement vide. Quant à l’arbre de Noël, il ne deva
1692
Gül Baba est symboliquement vide. Quant à l’arbre
de
Noël, il ne devait à nulle pendeloque insolite l’étrangeté de son écl
1693
ne devait à nulle pendeloque insolite l’étrangeté
de
son éclat. Alors je m’en vais oublier le But de mon voyage, — qui est
1694
é de son éclat. Alors je m’en vais oublier le But
de
mon voyage, — qui est sa cause. Je vais feindre de prendre au sérieux
1695
e mon voyage, — qui est sa cause. Je vais feindre
de
prendre au sérieux ce que je vois. Ruse connue : c’est l’histoire du
1696
que vous avez sous la langue ; je vous conseille
de
n’y plus penser quelque temps… Car on ne trouve vraiment que ce qu’on
1697
Car on ne trouve vraiment que ce qu’on a consenti
de
ne pas trouver sur l’heure. (En petit et intéressé, ce geste s’appell
1698
e prend toute sa hauteur. Silencieuse, solennelle
de
nudité, entre le Palais du Régent et celui d’un des archiducs, quel d
1699
lle de nudité, entre le Palais du Régent et celui
d’
un des archiducs, quel décor à rêver le cortège d’un sacre ! J’y ai vu
1700
d’un des archiducs, quel décor à rêver le cortège
d’
un sacre ! J’y ai vu défiler la Chambre des Magnats, le jour de l’élec
1701
J’y ai vu défiler la Chambre des Magnats, le jour
de
l’élection d’un des quatre gardiens de la Couronne de saint Étienne.
1702
ler la Chambre des Magnats, le jour de l’élection
d’
un des quatre gardiens de la Couronne de saint Étienne. Auprès du porc
1703
s, le jour de l’élection d’un des quatre gardiens
de
la Couronne de saint Étienne. Auprès du porche du Palais, ils n’étaie
1704
’élection d’un des quatre gardiens de la Couronne
de
saint Étienne. Auprès du porche du Palais, ils n’étaient guère qu’une
1705
he du Palais, ils n’étaient guère qu’une centaine
de
curieux, et quelques gardes. Traversant dans sa longueur toute l’imme
1706
dent que du bout des doigts, crainte, sans doute,
de
troubler l’équilibre toujours instable des huit reflets de leur digni
1707
er l’équilibre toujours instable des huit reflets
de
leur dignité. Mais je n’oublierai pas le sourire de ce vieux prince :
1708
leur dignité. Mais je n’oublierai pas le sourire
de
ce vieux prince : un vrai sourire, adressé personnellement à l’homme,
1709
reprend ici sa noblesse. Mon voisin qui a la tête
de
François-Joseph, dont il fut peut-être valet, nomme à leur passage le
1710
remier pont sur le Danube, auteurs ainsi du trait
d’
union de Buda-Pest. Il y a trois semaines, à Freudenau, lors du Derby
1711
ont sur le Danube, auteurs ainsi du trait d’union
de
Buda-Pest. Il y a trois semaines, à Freudenau, lors du Derby viennois
1712
se tiennent très droits, appuyés sur leurs sabres
d’
or recourbés dont les poignées entre leurs doigts gantés étincellent.
1713
urs doigts gantés étincellent. Parfois un collier
de
la Toison d’Or, sur la fourrure du dolman rouge ou jaune, laisse pend
1714
ntés étincellent. Parfois un collier de la Toison
d’
Or, sur la fourrure du dolman rouge ou jaune, laisse pendre son petit
1715
Mais, ô pathétique dissonance, tangible absurdité
de
notre époque, beaucoup ont dû louer des taxis démodés, au tarif infér
1716
f inférieur. Des chauffeurs vautrés, la casquette
de
travers sur leurs idées sociales, pareils aux chauffeurs de toutes le
1717
sur leurs idées sociales, pareils aux chauffeurs
de
toutes les villes, conduisent dans la cour d’honneur ces reliques inc
1718
urs de toutes les villes, conduisent dans la cour
d’
honneur ces reliques incroyables et les encensent à la benzine industr
1719
doigts levés. On se signe. Et voici venir à pied
de
son palais proche, tout seul, un archiduc. On salue profondément, en
1720
e profondément, en silence (cliquetis des rangées
de
décorations sur l’uniforme kaki, et du sabre balancé). Une auto encor
1721
or. Si le comte Bethlen venait à la SDN en tenue
de
magnat, beaucoup de gens comprendraient mieux sa politique. 8. Les
1722
8. Les coussins Rothermere Le nationalisme
de
la plupart des États de l’Europe se formule en revendications d’homme
1723
es États de l’Europe se formule en revendications
d’
hommes d’affaires. Ce qu’on prétend défendre, c’est son droit, ses int
1724
de l’Europe se formule en revendications d’hommes
d’
affaires. Ce qu’on prétend défendre, c’est son droit, ses intérêts. Ma
1725
une passion toute nue, qui exprime l’être profond
de
la race. On ne discute pas cet amour, on ne réfute pas cette haine. I
1726
pas cette haine. Ici, la sympathie est un devoir
de
politesse. Comment la mesurer sans mauvaise grâce à qui vous a reçu c
1727
mauvaise grâce à qui vous a reçu comme un cadeau
de
Dieu. (« C’est Dieu qui vous envoie », dit la formule traditionnelle.
1728
oie », dit la formule traditionnelle.) La liqueur
de
pêche rend démonstratif, dont on vide trois verres d’un trait en guis
1729
êche rend démonstratif, dont on vide trois verres
d’
un trait en guise de salut. C’est alors que se déplient les cartes de
1730
de salut. C’est alors que se déplient les cartes
de
« la Hongrie mutilée ». — « Savez-vous qu’on nous a volé les deux tie
1731
. — « Savez-vous qu’on nous a volé les deux tiers
de
notre patrie ? » Ah ! ce n’est pas vous, maintenant, qui allez demand
1732
maintenant, qui allez demander raison à vos hôtes
de
la façon dont ils traitaient, au temps de leur puissance, les allogèn
1733
que les nombres ont tort au regard de l’antiquité
d’
une civilisation ; qu’il s’agit ici de valeurs ; que si les population
1734
l’antiquité d’une civilisation ; qu’il s’agit ici
de
valeurs ; que si les populations des régions perdues étaient parfois
1735
eule active et créatrice. Le reste : des porteurs
d’
eau… Dans l’inextricable confusion d’injustices à quoi devait mener le
1736
des porteurs d’eau… Dans l’inextricable confusion
d’
injustices à quoi devait mener le wilsonisme schématique qui traça les
1737
eur devenant l’opprimé sans y perdre le sentiment
de
sa supériorité de race — sa véritable légitimité — on comprend que le
1738
rimé sans y perdre le sentiment de sa supériorité
de
race — sa véritable légitimité — on comprend que le Hongrois n’ait po
1739
nt conservé une extrême sensibilité aux arguments
de
« droit » qui autorisèrent ce chaos. Il lui reste sa foi en la grande
1740
aos. Il lui reste sa foi en la grandeur éternelle
de
la Hongrie — intemporelle, n’ayant cure des statistiques — et sa doul
1741
e des statistiques — et sa douleur aussi, douleur
d’
orgueil blessé, mais qui emporte la sympathie car l’orgueil hongrois n
1742
e la sympathie car l’orgueil hongrois n’est point
de
ce que l’on gagne sur autrui, mais de ce que l’on est ; non point d’u
1743
n’est point de ce que l’on gagne sur autrui, mais
de
ce que l’on est ; non point d’un parvenu, mais d’un aristocrate. Tous
1744
e sur autrui, mais de ce que l’on est ; non point
d’
un parvenu, mais d’un aristocrate. Tous dangers égaux d’ailleurs, préf
1745
de ce que l’on est ; non point d’un parvenu, mais
d’
un aristocrate. Tous dangers égaux d’ailleurs, préférons cet impériali
1746
gers égaux d’ailleurs, préférons cet impérialisme
de
l’âme à celui de la surproduction des machines et des enfants. C’est
1747
eurs, préférons cet impérialisme de l’âme à celui
de
la surproduction des machines et des enfants. C’est parce que les Hon
1748
erne. Voilà ce qu’on ne dit pas dans les dépêches
d’
agence : les journalistes, une fois de plus, passent à côté de l’essen
1749
rs. Songez à ce qui forme l’opinion, cet ensemble
de
mythes sentimentaux qui gouverne les arguments. Ici je rentre dans me
1750
à celle des individus, pour ce qui est du moins,
de
mentir à soi-même. Mais les Hongrois ne renient pas leur romantisme.
1751
ongrie, sur une Carte du Tendre d’après le traité
de
Trianon ! Ces choses, je les ai rêvées sur un divan, à cause d’un cou
1752
es choses, je les ai rêvées sur un divan, à cause
d’
un coussin où s’étalait le sourire optimiste de Lord Rothermere, en so
1753
se d’un coussin où s’étalait le sourire optimiste
de
Lord Rothermere, en soie blanche sur fond noir. Quelques articles fav
1754
articles favorables à la Hongrie, au moment où l’
Europe
semblait abandonner à son malheur ce peuple turbulent et déchu, suffi
1755
r ce peuple turbulent et déchu, suffirent à faire
d’
un affairiste anglais l’idole du nationalisme magyar. Son portrait aff
1756
universitaires, brodé aux devantures des magasins
de
mode, et son nom en lettres géantes sur une montagne chauve, voisine
1757
lettres géantes sur une montagne chauve, voisine
de
Budapest, témoignent des espérances démesurées qu’il sut entretenir a
1758
espérances démesurées qu’il sut entretenir autour
d’
une action certes méritoire, mais plus symbolique qu’efficace. Et sans
1759
Et sans lendemain. Ce mélange, en toutes choses,
d’
enfantillage et de grandeur, d’imaginations absurdes et de souffrances
1760
. Ce mélange, en toutes choses, d’enfantillage et
de
grandeur, d’imaginations absurdes et de souffrances vraies, n’est-ce
1761
en toutes choses, d’enfantillage et de grandeur,
d’
imaginations absurdes et de souffrances vraies, n’est-ce point le clim
1762
illage et de grandeur, d’imaginations absurdes et
de
souffrances vraies, n’est-ce point le climat de la passion ? — C’est
1763
t de souffrances vraies, n’est-ce point le climat
de
la passion ? — C’est celui de la Hongrie14. 9. Une lettre de Matth
1764
-ce point le climat de la passion ? — C’est celui
de
la Hongrie14. 9. Une lettre de Matthias Corvin « Matthias, par
1765
? — C’est celui de la Hongrie14. 9. Une lettre
de
Matthias Corvin « Matthias, par la grâce de Dieu roi de Hongrie. B
1766
re de Matthias Corvin « Matthias, par la grâce
de
Dieu roi de Hongrie. Bonjour, citoyens ! Si vous ne venez pas tous vo
1767
as Corvin « Matthias, par la grâce de Dieu roi
de
Hongrie. Bonjour, citoyens ! Si vous ne venez pas tous vous présenter
1768
bits Personne, à ma connaissance, ne se plaint
de
ce qu’il y a peu de poètes par le monde. C’est dans l’ordre des chose
1769
ans l’ordre des choses, et l’on sait qu’il suffit
de
très peu de sel pour rendre mangeables beaucoup de nouilles. Mais voi
1770
ais voici, par exemple, ce qu’il faudrait essayer
d’
obtenir : que la grande majorité des gens ne deviennent pas enragés dè
1771
s ne deviennent pas enragés dès qu’ils perçoivent
de
la poésie dans l’air. Espoir sans doute chimérique, mais qu’on peut c
1772
oute chimérique, mais qu’on peut croire bien près
d’
être comblé dans ce pays où les courtiers ne donnent pas encore le ton
1773
nnue à l’étranger que par quelques pièces légères
de
Molnár, qui n’ont de hongrois que l’auteur, d’ailleurs israélite. Il
1774
par quelques pièces légères de Molnár, qui n’ont
de
hongrois que l’auteur, d’ailleurs israélite. Il y a, bien entendu, un
1775
à remplir les revues bien pensantes. Elle traite
de
sujets « bien hongrois » dans un style académique qui me paraît être
1776
extrême gauche, et sa revue Documentum (une sorte
d’
Esprit nouveau troublé de surréalisme), groupée autour de Louis Kassák
1777
ue Documentum (une sorte d’Esprit nouveau troublé
de
surréalisme), groupée autour de Louis Kassák, nettement international
1778
tour de Louis Kassák, nettement internationaliste
de
doctrine, au lyrisme neuf et parfois sauvage, social ou futuriste, et
1779
plus libre et la plus vivante du génie littéraire
de
cette race me paraît bien avoir été donnée par le groupe important du
1780
r anime encore ces écrivains profondément magyars
de
sensibilité, bien que souvent européens de goûts et de curiosités, et
1781
ondément magyars de sensibilité, bien que souvent
européens
de goûts et de curiosités, et dont Michel Babits est aujourd’hui le c
1782
agyars de sensibilité, bien que souvent européens
de
goûts et de curiosités, et dont Michel Babits est aujourd’hui le chef
1783
nsibilité, bien que souvent européens de goûts et
de
curiosités, et dont Michel Babits est aujourd’hui le chef de file. De
1784
és, et dont Michel Babits est aujourd’hui le chef
de
file. Des amis m’emmènent le voir à Esztergóm, où il passe ses étés.
1785
ses étés. Esztergóm est la plus vieille capitale
de
la Hongrie. Attila, me dit-on, y régna. Aujourd’hui c’est la résidenc
1786
a résidence du Prince Primat. Au-dessus du palais
de
l’archevêché, sur une colline que le Danube contourne, la basilique é
1787
Danube contourne, la basilique élève une coupole
d’
ocre éclatante, immense et froide, dominant cette plaine onduleuse don
1788
ue nous devons rencontrer le poète. Cheveux noirs
d’
aigle collés sur son large front, belle carrure ruisselante, il nous s
1789
u’à mi-corps, mythologique. Nous sortons ensemble
de
la petite ville aux rues de terre brûlante, aux maisons jaunes basses
1790
Nous sortons ensemble de la petite ville aux rues
de
terre brûlante, aux maisons jaunes basses, ville sans ombre, sans arb
1791
, sur un coteau. Trois chambres boisées entourées
d’
une large galerie d’où l’on voit le Danube gris-jaune, brillant, sans
1792
is chambres boisées entourées d’une large galerie
d’
où l’on voit le Danube gris-jaune, brillant, sans rides, la petite vil
1793
bourdonnante, — trois petites chambres et un pan
de
toit par-dessus, une baraque à peine visible dans les vignes, à peine
1794
isible dans les vignes, à peine détachée du flanc
de
la colline, pour que les vents ne l’emportent pas. L’après-midi est i
1795
orizon est aussi lointain qu’on l’imagine, tout a
de
belles couleurs, le poète sourit en lui-même, il y a une enfance dans
1796
du risque. 13. Il faut ajouter aux autres causes
de
l’incompréhension des journalistes la ruse hongroise qu’ils ne peuven
1797
arrivistes. 14. Parce que j’« exalte les valeurs
de
passion » — pour parler comme le seul Clerc qui n’ait pas trahi — qui
1798
it pas trahi — qui me paraissent être la grandeur
de
la Hongrie, on m’expliquera que je suis pour la guerre, puisque enfin
1799
aix par la mutilation des passions sont disciples
d’
Origène. Il doit y avoir d’autres solutions… bh. Rougemont Denis de,
1800
y avoir d’autres solutions… bh. Rougemont Denis
de
, « Voyage en Hongrie I », Bibliothèque universelle et Revue de Genève
1801
en Hongrie I », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, octobre 1930, p. 405-419.
1802
Hölderlin, La Mort
d’
Empédocle et Poèmes de la folie (octobre 1930)bi L’année du centena
1803
Hölderlin, La Mort d’Empédocle et Poèmes
de
la folie (octobre 1930)bi L’année du centenaire du romantisme sera
1804
nnée du centenaire du romantisme sera celle aussi
de
la découverte de Hölderlin par la France. La Mort d’Empédocle et les
1805
e du romantisme sera celle aussi de la découverte
de
Hölderlin par la France. La Mort d’Empédocle et les Poèmes de la foli
1806
la découverte de Hölderlin par la France. La Mort
d’
Empédocle et les Poèmes de la folie ont paru simultanément, et l’on an
1807
par la France. La Mort d’Empédocle et les Poèmes
de
la folie ont paru simultanément, et l’on annonce Hypérion. Il ne manq
1808
ypérion. Il ne manquera plus que les longs poèmes
de
la maturité — mais ceux-là difficilement traduisibles — pour que nous
1809
s — pour que nous puissions contempler l’ensemble
de
l’œuvre de Hölderlin : l’inspirateur de Schelling et de Hegel, le pré
1810
e nous puissions contempler l’ensemble de l’œuvre
de
Hölderlin : l’inspirateur de Schelling et de Hegel, le précurseur de
1811
’ensemble de l’œuvre de Hölderlin : l’inspirateur
de
Schelling et de Hegel, le précurseur de Nietzsche, l’un des plus admi
1812
uvre de Hölderlin : l’inspirateur de Schelling et
de
Hegel, le précurseur de Nietzsche, l’un des plus admirables et des pl
1813
spirateur de Schelling et de Hegel, le précurseur
de
Nietzsche, l’un des plus admirables et des plus mystérieux génies poé
1814
dmirables et des plus mystérieux génies poétiques
de
notre ère. On doit beaucoup de reconnaissance à M. André Babelon pour
1815
traduit et introduit avec tant de justesse, voire
de
profondeur, la Mort d’Empédocle. Cette tragédie difficile, trois fois
1816
ec tant de justesse, voire de profondeur, la Mort
d’
Empédocle. Cette tragédie difficile, trois fois remise à pied d’œuvre
1817
ette tragédie difficile, trois fois remise à pied
d’
œuvre et jamais achevée, donne moins que les Poèmes cette impression b
1818
nne moins que les Poèmes cette impression bizarre
d’
être d’aujourd’hui. C’est qu’elle est de demain plutôt, — tout comme N
1819
ns que les Poèmes cette impression bizarre d’être
d’
aujourd’hui. C’est qu’elle est de demain plutôt, — tout comme Nietzsch
1820
n bizarre d’être d’aujourd’hui. C’est qu’elle est
de
demain plutôt, — tout comme Nietzsche qui en fut obsédé. Empédocle es
1821
comme Nietzsche qui en fut obsédé. Empédocle est
de
ces mythes tels qu’il n’est peut-être pas donné à une race d’en créer
1822
s tels qu’il n’est peut-être pas donné à une race
d’
en créer plus d’un, c’est-à-dire de s’en libérer. Ainsi la France conç
1823
st peut-être pas donné à une race d’en créer plus
d’
un, c’est-à-dire de s’en libérer. Ainsi la France conçut l’homme ratio
1824
nné à une race d’en créer plus d’un, c’est-à-dire
de
s’en libérer. Ainsi la France conçut l’homme rationnel ; Empédocle, a
1825
contraire est celui qui passe toutes les mesures
de
l’esprit humain, parle aux dieux avec orgueil, et finit par succomber
1826
manique ; mythe païen, mais il est bien troublant
de
le voir se mêler, dans la troisième version de ce drame, à des symbol
1827
nt de le voir se mêler, dans la troisième version
de
ce drame, à des symboles nettement messianiques… Ce par quoi Hölderli
1828
français, c’est que son lyrisme est l’expression
d’
une philosophie à l’état naissant ; il est la vibration même d’une pen
1829
phie à l’état naissant ; il est la vibration même
d’
une pensée en travail de mythes, sur lesquels, bientôt après, s’exerce
1830
il est la vibration même d’une pensée en travail
de
mythes, sur lesquels, bientôt après, s’exercera la réflexion conscien
1831
e son Empédocle, note M. Babelon, Hölderlin écrit
de
nombreux essais philosophiques.) Le tragique de Hölderlin, c’est qu’i
1832
t de nombreux essais philosophiques.) Le tragique
de
Hölderlin, c’est qu’il parviendra de moins en moins à « réfléchir » s
1833
Le tragique de Hölderlin, c’est qu’il parviendra
de
moins en moins à « réfléchir » sa création. De là sa folie, qu’il pre
1834
ra de moins en moins à « réfléchir » sa création.
De
là sa folie, qu’il pressent. Et M. Babelon cite à ce sujet des phrase
1835
sein d’une flamme plus grande, l’autre seulement
d’
une plus faible… Le grand poète n’est jamais abandonné par lui-même ;
1836
jamais abandonné par lui-même ; il peut au-dessus
de
lui-même, s’élever aussi loin qu’il le veut. On peut tomber dans la h
1837
génie qui, dans le même temps, figure l’antithèse
de
Hölderlin : l’« économie » d’un Goethe, bien superficiellement qualif
1838
figure l’antithèse de Hölderlin : l’« économie »
d’
un Goethe, bien superficiellement qualifiée de bourgeoise, est en réal
1839
e » d’un Goethe, bien superficiellement qualifiée
de
bourgeoise, est en réalité la garantie spirituelle qui lui permet de
1840
en réalité la garantie spirituelle qui lui permet
de
« s’élever au-dessus de lui-même aussi loin qu’il le veut ». Mais Höl
1841
pirituelle qui lui permet de « s’élever au-dessus
de
lui-même aussi loin qu’il le veut ». Mais Hölderlin est sans doute d’
1842
in qu’il le veut ». Mais Hölderlin est sans doute
d’
une constitution trop faible pour pouvoir longtemps maîtriser l’inspir
1843
Reste une cendre où longtemps encore palpiteront
de
pâles lueurs réminiscentes. Ce sont les quatrains du temps de la foli
1844
urs réminiscentes. Ce sont les quatrains du temps
de
la folie, poèmes véritablement « posthumes », que Pierre Jean Jouve a
1845
langue fluide mais jamais abstraite qui est celle
de
ses Noces. Jouve est le plus « germanique » des poètes français d’auj
1846
ve est le plus « germanique » des poètes français
d’
aujourd’hui ; ce sont les harmoniques éveillées en lui par la voix de
1847
sont les harmoniques éveillées en lui par la voix
de
Hölderlin qui ont dû l’inciter à l’acte recréateur qu’est la traducti
1848
’inciter à l’acte recréateur qu’est la traduction
d’
un poète par un autre poète. Les quatrains sont ici précédés de Fragme
1849
r un autre poète. Les quatrains sont ici précédés
de
Fragments dont je me demande s’il était bien légitime de les traduire
1850
ments dont je me demande s’il était bien légitime
de
les traduire. On a respecté scrupuleusement les « blancs » que Hölder
1851
eine ébauchés, — quelques mots isolés, des bribes
de
phrases… Or, si comme je le crois et voudrais l’établir plus longueme
1852
ais l’établir plus longuement, le sens des poèmes
de
la maturité de Hölderlin est à chercher dans leur rythme seulement, —
1853
lus longuement, le sens des poèmes de la maturité
de
Hölderlin est à chercher dans leur rythme seulement, — si ces mots sé
1854
e seulement, — si ces mots séparés par des suites
de
points ne lui servaient qu’à noter des mètres, il apparaît que la tra
1855
à noter des mètres, il apparaît que la traduction
de
tels fragments est illusoire, car on ne peut songer à remplacer ces m
1856
onger à remplacer ces mots-notes par des syllabes
de
valeur rythmique équivalente. Quoi qu’il en soit, et tels qu’ils nous
1857
nous sont ici livrés, ces fragments sont capables
d’
éveiller le sentiment rare et grandiose que j’appellerais celui du tra
1858
et grandiose que j’appellerais celui du tragique
de
la pensée. « Insensé, — penses-tu de figure en figure — voir l’âme ?
1859
du tragique de la pensée. « Insensé, — penses-tu
de
figure en figure — voir l’âme ? — Tu iras dans les flammes. » Quant a
1860
s les flammes. » Quant aux documents sur la folie
de
Hölderlin que MM. Groethuysen et Jouve ont choisis et traduits à la s
1861
s, ils ne sont pas ce que ce petit livre contient
de
moins bouleversant. bi. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Hölde
1862
ent de moins bouleversant. bi. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Hölderlin, La Mort d’Empédocle et Poèmes de la foli
1863
ont Denis de, « [Compte rendu] Hölderlin, La Mort
d’
Empédocle et Poèmes de la folie », Bibliothèque universelle et Revue
1864
e rendu] Hölderlin, La Mort d’Empédocle et Poèmes
de
la folie », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, oct
1865
de la folie », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, octobre 1930, p. 532-533.
1866
n Hongrie II (novembre 1930)bj 11. Le retour
d’
Esztergóm Il faut se pencher aux portières et laisser l’air furieux
1867
e et appuyer au front comme une caresse indéfinie
de
la puissance. Soir de voyage, tout enfiévré d’orgueil errant, de conq
1868
comme une caresse indéfinie de la puissance. Soir
de
voyage, tout enfiévré d’orgueil errant, de conquêtes vagues… Tout ce
1869
ie de la puissance. Soir de voyage, tout enfiévré
d’
orgueil errant, de conquêtes vagues… Tout ce qui est de la terre renon
1870
. Soir de voyage, tout enfiévré d’orgueil errant,
de
conquêtes vagues… Tout ce qui est de la terre renonce à s’affirmer en
1871
ueil errant, de conquêtes vagues… Tout ce qui est
de
la terre renonce à s’affirmer en détails précis, se masse dans une co
1872
er en détails précis, se masse dans une confusion
de
violet sombre, et par la seule ligne dure de l’horizon s’oppose au ci
1873
sion de violet sombre, et par la seule ligne dure
de
l’horizon s’oppose au ciel qui retire ses lueurs. Ciel blanc, où très
1874
el qui retire ses lueurs. Ciel blanc, où très peu
d’
or rose s’évanouit… Le train serpente dans un de ces paysages de nulle
1875
u d’or rose s’évanouit… Le train serpente dans un
de
ces paysages de nulle part qui sont les plus émouvants, entre des col
1876
anouit… Le train serpente dans un de ces paysages
de
nulle part qui sont les plus émouvants, entre des collines basses gra
1877
e heure on sent bien que poursuivre est une sorte
d’
enivrant péché. — Nous aurions une maison dans ce désert aux formes te
1878
cause de l’éloignement en nous-mêmes. À l’entrée
d’
un tunnel tu vois que la veilleuse brûle toujours — et moi, parmi les
1879
rûle toujours — et moi, parmi les reflets fuyants
de
toutes sortes de faces et de paysages soudainement invisibles, je dis
1880
t moi, parmi les reflets fuyants de toutes sortes
de
faces et de paysages soudainement invisibles, je distingue le doux fe
1881
les reflets fuyants de toutes sortes de faces et
de
paysages soudainement invisibles, je distingue le doux feu bleu de mo
1882
inement invisibles, je distingue le doux feu bleu
de
mon obsession. L’Objet Inconnu, — quand je pense à ce qu’en imaginera
1883
autres, si je leur en parlais… Il leur suffirait
de
l’image d’un bibelot d’une sorte bizarre. Alors que c’est plutôt un c
1884
je leur en parlais… Il leur suffirait de l’image
d’
un bibelot d’une sorte bizarre. Alors que c’est plutôt un certain arra
1885
arlais… Il leur suffirait de l’image d’un bibelot
d’
une sorte bizarre. Alors que c’est plutôt un certain arrangement des c
1886
oses qui rende un certain son spirituel… Un objet
de
musique et de couleurs, mais aussi une forme symbolique de tout… Enfi
1887
un certain son spirituel… Un objet de musique et
de
couleurs, mais aussi une forme symbolique de tout… Enfin, tellement i
1888
e et de couleurs, mais aussi une forme symbolique
de
tout… Enfin, tellement inconnu et tellement fascinant à la fois, qu’i
1889
tellement fascinant à la fois, qu’il me préserve
de
tout amour pour quelque bien particulier où je serais tenté de me com
1890
pour quelque bien particulier où je serais tenté
de
me complaire. Oh ! je sais ! — Je ne sais plus. — Le train s’attarde
1891
lors tout s’allume et voici la nuit des faubourgs
de
Pest, au-dessous de nous. 12. Un bal, ou de l’ivresse considérée c
1892
gs de Pest, au-dessous de nous. 12. Un bal, ou
de
l’ivresse considérée comme un des beaux-arts Ils n’ont plus de nom
1893
sidérée comme un des beaux-arts Ils n’ont plus
de
noms, ils ne sont qu’une ivresse aux cent visages, lorsque j’entre da
1894
vant un bras, la main à la nuque ; frapper le sol
de
l’autre talon en changeant de main ; saisir la danseuse sous les bras
1895
ue ; frapper le sol de l’autre talon en changeant
de
main ; saisir la danseuse sous les bras (elle pose alors ses mains su
1896
ules du cavalier) et la faire pirouetter un quart
de
tour à droite, un quart de tour à gauche ; pirouetter seuls sur place
1897
re pirouetter un quart de tour à droite, un quart
de
tour à gauche ; pirouetter seuls sur place ; de nouveau frapper le so
1898
ment ; saisir la danseuse, tourbillonner, pousser
de
grands cris ; tourbillonner en sens inverse ; frapper des talons touj
1899
aux yeux de plaine, comme les autres ont des yeux
de
mer. Des grâces d’amazones avec un coup de talon qui les secoue jusqu
1900
comme les autres ont des yeux de mer. Des grâces
d’
amazones avec un coup de talon qui les secoue jusqu’à la chevelure. Gr
1901
s yeux de mer. Des grâces d’amazones avec un coup
de
talon qui les secoue jusqu’à la chevelure. Graves entre leurs éclats
1902
s chantent, les moires et l’ondulation des rubans
de
vents chauds sur la plaine, avec des éloignements et des retours, des
1903
e les gestes sont gouvernées par la seule logique
d’
un rythme constamment imprévu. Il s’agit moins de comprendre que de s’
1904
d’un rythme constamment imprévu. Il s’agit moins
de
comprendre que de s’abandonner d’une certaine manière. En France, cha
1905
amment imprévu. Il s’agit moins de comprendre que
de
s’abandonner d’une certaine manière. En France, chacun parle pour son
1906
Il s’agit moins de comprendre que de s’abandonner
d’
une certaine manière. En France, chacun parle pour son compte, paraphe
1907
ou. Ici, le sens des mots et des choses est celui
d’
un courant musical qui domine l’ensemble et le compose selon les lois
1908
ui domine l’ensemble et le compose selon les lois
d’
une plastique exubérante. Quand je dis que j’observe, je n’observe rie
1909
anières. Et quant à ceux qui n’ont pas le pouvoir
de
s’enivrer, ils auront toujours raison, mais n’auront que cela, car c’
1910
c’est l’ivresse15 seulement qui permet à l’esprit
de
passer d’une forme dans d’autres, — et c’est même en ce passage qu’el
1911
resse15 seulement qui permet à l’esprit de passer
d’
une forme dans d’autres, — et c’est même en ce passage qu’elle consist
1912
e passage qu’elle consiste — ô Danses ! avènement
de
l’âme aux gestes ! Vous voici, longs coups d’ailes en silence au-dess
1913
ent de l’âme aux gestes ! Vous voici, longs coups
d’
ailes en silence au-dessus du gouffre. Je vole sur place, mais tout se
1914
et l’amour du vertige). Qu’est-ce qu’il y aurait
de
l’autre côté ? Se laisser choir dans le Gris ? Rejoindre ?… Derrière
1915
ise ne rappelle la nostalgie traînante des lieder
de
l’Oberland : ici la mélancolie même est passionnée. Elles chantent av
1916
es mouvements vifs du buste, et des mains pleines
de
drôleries ou de supplication. Je ne sais ce que disent les paroles. J
1917
fs du buste, et des mains pleines de drôleries ou
de
supplication. Je ne sais ce que disent les paroles. Je vois des cheva
1918
uvenir des pays désertés enfièvre encore un désir
de
perdition illimitée… Les Hongrois se sont arrêtés dans cette plaine.
1919
c’est le soir au camp, perpétuel. Une lassitude
de
steppe brûlante, des ondulations longues… Mais un cheval se cabre ; e
1920
ambours et des cris modulés, et toute la frénésie
d’
un grand souffle qui se serait mis à tourbillonner sur place. 14. L
1921
ns ou intellectuels. Les Français aiment par goût
d’
en bien parler. Les Suisses aiment avec une bonne ou une mauvaise cons
1922
ngrois t’emportera dans une inénarrable confusion
de
sentimentalisme et de passion, et c’est là son miracle. Si tu n’as pa
1923
s une inénarrable confusion de sentimentalisme et
de
passion, et c’est là son miracle. Si tu n’as pas le sens de la musiqu
1924
, et c’est là son miracle. Si tu n’as pas le sens
de
la musique, conserve quelque espoir de t’en tirer. Sinon… je t’envier
1925
as le sens de la musique, conserve quelque espoir
de
t’en tirer. Sinon… je t’envierais presque. Celui qui part pour la Hon
1926
us. 15. La plaine et la musique L’ouverture
de
Stravinsky exécutée par l’express de Transylvanie au sortir de la gar
1927
L’ouverture de Stravinsky exécutée par l’express
de
Transylvanie au sortir de la gare de Budapest, devient avec la plaine
1928
ar l’express de Transylvanie au sortir de la gare
de
Budapest, devient avec la plaine une Symphonie-Dichtung borodinesque,
1929
e hongroise n’est pas monotone, parce qu’elle est
d’
un seul tenant. Rien qui fasse répétition. C’est ici le premier pays q
1930
. C’est ici le premier pays que je n’ai pas envie
d’
élaguer ; dont je ne me compose pas de morceaux choisis16. Il y a une
1931
i pas envie d’élaguer ; dont je ne me compose pas
de
morceaux choisis16. Il y a une grande ville, un grand lac, une plaine
1932
ille, un grand lac, une plaine et une seule vigne
de
véritable Tokay. Et point de ces endroits déprimants, à plusieurs mil
1933
e et une seule vigne de véritable Tokay. Et point
de
ces endroits déprimants, à plusieurs milliers d’exemplaires, tels que
1934
de ces endroits déprimants, à plusieurs milliers
d’
exemplaires, tels que banlieue française, village suisse, gare alleman
1935
çaise, village suisse, gare allemande grouillante
de
questions sociales. La Puszta est une terre vierge, je veux dire que
1936
andue. Il y a peu de bourgeois en Hongrie. Il y a
de
petits nobles déclassés, des juifs, des paysans, des communistes, de
1937
classés, des juifs, des paysans, des communistes,
de
grands nobles, et des Tziganes. D’ailleurs, le bourgeois supporterait
1938
mpleur qu’ont ici toutes choses, cette atmosphère
de
nomadisme, et ces vents vastes ; et cette passion de vivre au-dessus
1939
nomadisme, et ces vents vastes ; et cette passion
de
vivre au-dessus de ses moyens — c’est-à-dire au-dessus du Moyen — qui
1940
ents vastes ; et cette passion de vivre au-dessus
de
ses moyens — c’est-à-dire au-dessus du Moyen — qui est caractéristiqu
1941
rgement ? » demande certaine hargne à cet artiste
de
la prodigalité. — « Ah ! répond-il, j’aimerais bien pouvoir vivre com
1942
yptien, « car c’est la langue qu’elles apprennent
de
leurs mères ». Combien j’aime ces sœurs des Tziganes ! Les Tziganes v
1943
ces sœurs des Tziganes ! Les Tziganes vinrent en
Europe
conduits par le noir Duc d’Égypte ; aussi les nomma-t-on gipsys. Pour
1944
t le bridge et la bohème, c’est-à-dire un symbole
de
la servitude et un symbole de la liberté. Si la Hongrie tout de même
1945
t-à-dire un symbole de la servitude et un symbole
de
la liberté. Si la Hongrie tout de même a quelque chose de « moderne »
1946
berté. Si la Hongrie tout de même a quelque chose
de
« moderne », dans un sens vaste et mystique, elle le doit au charme é
1947
ns une ère égyptienne. Mais que dire des pouvoirs
de
la plaine qui s’agrandit pendant des heures ? — Ce qu’en raconte la m
1948
usique — tu vas l’entendre à toutes les terrasses
de
Debrecen. Debrecen est une sorte de ville indescriptible, à demi mêlé
1949
les terrasses de Debrecen. Debrecen est une sorte
de
ville indescriptible, à demi mêlée aux sables de la plaine du Hortobá
1950
de ville indescriptible, à demi mêlée aux sables
de
la plaine du Hortobágy, aux longues maisons jaunes immensément aligné
1951
ngues maisons jaunes immensément alignées, autour
d’
une place rectangulaire qui ressemble à un jardin public, flanquée d’u
1952
ulaire qui ressemble à un jardin public, flanquée
d’
un temple blanc à deux clochers baroques, d’hôtels modernes, de statue
1953
nquée d’un temple blanc à deux clochers baroques,
d’
hôtels modernes, de statues, de pylônes plantés dans un grand désordre
1954
lanc à deux clochers baroques, d’hôtels modernes,
de
statues, de pylônes plantés dans un grand désordre de piétons et de c
1955
clochers baroques, d’hôtels modernes, de statues,
de
pylônes plantés dans un grand désordre de piétons et de chars à bœufs
1956
tatues, de pylônes plantés dans un grand désordre
de
piétons et de chars à bœufs parmi les trams. Les habitants de Debrece
1957
ônes plantés dans un grand désordre de piétons et
de
chars à bœufs parmi les trams. Les habitants de Debrecen se plaignent
1958
t de chars à bœufs parmi les trams. Les habitants
de
Debrecen se plaignent de n’avoir pas ce faux confort que nous n’avons
1959
les trams. Les habitants de Debrecen se plaignent
de
n’avoir pas ce faux confort que nous n’avons qu’au prix de tout ce qu
1960
les Hongrois comme on aime l’enfance : or le rêve
de
l’enfant, c’est de devenir une grande personne. On me l’a dit, c’est
1961
on aime l’enfance : or le rêve de l’enfant, c’est
de
devenir une grande personne. On me l’a dit, c’est vrai : cette ville
1962
ique est aussi l’autre « Rome protestante ». Mais
d’
avoir vu ses profondes bibliothèques et son quartier universitaire tou
1963
euni dans des jardins luisants ne m’empêchera pas
de
m’y sentir au bout d’un monde, au bord extrême de l’Europe. Le hasard
1964
de m’y sentir au bout d’un monde, au bord extrême
de
l’Europe. Le hasard a voulu que j’y entende, un soir, une présentatio
1965
y sentir au bout d’un monde, au bord extrême de l’
Europe
. Le hasard a voulu que j’y entende, un soir, une présentation de musi
1966
voulu que j’y entende, un soir, une présentation
de
musiques hongroises, turques et chinoises, commentées et comparées pa
1967
Plaine, et que par sa musique j’étais aux marches
de
l’Asie. En sortant du concert, j’ai erré aux terrasses des hôtels, da
1968
ent en jouant ? Qu’est-ce qu’ils écoutent au-delà
de
leur musique — car aussitôt donnée la phrase, voici qu’une autre vien
1969
nt sonore qui l’étire et l’égare, et l’enroule et
d’
un coup la subtilise, ne laissant plus qu’un long silence soutenu, com
1970
rne avec une vertigineuse docilité dans les voies
d’
un amour ineffable et se perd avec lui vers le désert et ses mirages.
1971
vec lui vers le désert et ses mirages. On ne sait
d’
où tu viens, tu ne sais où tu vas, peuple de perdition, Peuple inconnu
1972
sait d’où tu viens, tu ne sais où tu vas, peuple
de
perdition, Peuple inconnu, — mais c’est toi, c’est toi qui l’as caché
1973
eur aux femmes, cet objet dont parfois, au comble
de
la turbulence de tes jeux, un violon décrit vite quelque chose, d’une
1974
et objet dont parfois, au comble de la turbulence
de
tes jeux, un violon décrit vite quelque chose, d’une ligne nette, ins
1975
de tes jeux, un violon décrit vite quelque chose,
d’
une ligne nette, insaisissable, déjà perdue (comme le rêve pendant que
1976
(comme le rêve pendant que bat la paupière lourde
de
celui qui succombe à l’excès du sommeil) — et me voici plus seul, ave
1977
ici plus seul, avec une nostalgie qui ne veut pas
de
la romance à mon oreille d’un violoneux qui me croit triste. Ils l’on
1978
algie qui ne veut pas de la romance à mon oreille
d’
un violoneux qui me croit triste. Ils l’ont amené du fond d’une Inde.
1979
neux qui me croit triste. Ils l’ont amené du fond
d’
une Inde. Ils l’ont égaré, comme ils égarent tout d’un monde où si peu
1980
une Inde. Ils l’ont égaré, comme ils égarent tout
d’
un monde où si peu vaut qu’on le conserve, au long d’un chemin effacé
1981
n monde où si peu vaut qu’on le conserve, au long
d’
un chemin effacé par le vent sur la plaine… Ils l’ont perdu comme un r
1982
sans vider ton verre — il n’y a pure ivresse que
de
l’abandon —, car voici qu’à son tour il s’égare au bras d’une erreur
1983
don —, car voici qu’à son tour il s’égare au bras
d’
une erreur inconnue, ton fantôme éternel, ton « Désir désiré ». 16.
1984
dentes avec, aux jambes, l’imperceptible angoisse
de
rencontrer une onde trop légère. Mais pour connaître un lac, il faut
1985
eau, en faire le tour, mais voilà qui est affaire
de
pur caprice, tandis que s’y baigner est une règle de savoir-vivre ave
1986
pur caprice, tandis que s’y baigner est une règle
de
savoir-vivre avec la Nature. Lac doré, horizon de collines pointues,
1987
de savoir-vivre avec la Nature. Lac doré, horizon
de
collines pointues, rives basses, verdoyantes, toutes fraîches de musi
1988
ntues, rives basses, verdoyantes, toutes fraîches
de
musiquettes et de baigneuses ; quais de Balaton-Füred aux élégances b
1989
s, verdoyantes, toutes fraîches de musiquettes et
de
baigneuses ; quais de Balaton-Füred aux élégances bourgeoises et mili
1990
fraîches de musiquettes et de baigneuses ; quais
de
Balaton-Füred aux élégances bourgeoises et militaires, idylles de jar
1991
aux élégances bourgeoises et militaires, idylles
de
jardins publics à l’écart d’un concert du samedi soir, petits profess
1992
militaires, idylles de jardins publics à l’écart
d’
un concert du samedi soir, petits professeurs entourés de leur famille
1993
ncert du samedi soir, petits professeurs entourés
de
leur famille, et toutes ces Magda, toutes ces Maritza rieuses et déjà
1994
r quelques jours ? On ferait connaissance à table
d’
hôte, on irait ensemble à Tihany — elle a l’air d’être en Italie sur s
1995
d’hôte, on irait ensemble à Tihany — elle a l’air
d’
être en Italie sur sa presqu’île — par cet instable bateau-mouche qui
1996
plutôt emmener ce désir, comme un tendre souvenir
de
voyage, et partir en croyant qu’ici la vie a parfois moins de hargne…
1997
t partir en croyant qu’ici la vie a parfois moins
de
hargne… Déjà je suis repris par le malaise que m’infligent les lieux
1998
! C’est devant une glace panachée qu’il m’arrive
de
douter de la vie, comme d’autres aux approches du mal de mer. À la nu
1999
evant une glace panachée qu’il m’arrive de douter
de
la vie, comme d’autres aux approches du mal de mer. À la nuit, j’ai r
2000
er de la vie, comme d’autres aux approches du mal
de
mer. À la nuit, j’ai rôdé dans la campagne aux collines basses, d’app
2001
, j’ai rôdé dans la campagne aux collines basses,
d’
apparence rocheuse — ce sont des restes de volcans — blanches sous la
2002
basses, d’apparence rocheuse — ce sont des restes
de
volcans — blanches sous la Lune et toutes lustrées de rêches végétati
2003
olcans — blanches sous la Lune et toutes lustrées
de
rêches végétations. J’ai traversé l’angoisse lunaire des villages vid
2004
vides aux portes aveugles (j’avais peur du bruit
de
mes pas). Au hasard, j’ai suivi des sentiers dans les champs de maïs,
2005
u hasard, j’ai suivi des sentiers dans les champs
de
maïs, épiant la venue d’une joie inconnue. Joie d’être n’importe où…
2006
sentiers dans les champs de maïs, épiant la venue
d’
une joie inconnue. Joie d’être n’importe où… évadé ? Mais soudain, c’e
2007
e maïs, épiant la venue d’une joie inconnue. Joie
d’
être n’importe où… évadé ? Mais soudain, c’est au silence que je me he
2008
que je me heurte, comme réveillé dans l’absurdité
d’
être n’importe où. Une panique balaye la nuit déserte jusqu’à l’horizo
2009
maintenant, maintenant, où tu n’es pas — et tant
d’
amour perdu… Un train dormait devant la gare campagnarde. Je me suis é
2010
un compartiment obscur, stores baissés, à l’abri
de
la lune. Le contrôleur a dû jouer un rôle dans mes cauchemars. L’aube
2011
s cauchemars. L’aube m’éveille dans les faubourgs
de
Budapest, cheveux en désordre, pantalon plissé, et cet abruti de cont
2012
eveux en désordre, pantalon plissé, et cet abruti
de
contrôleur qui rit et me dit je ne sais quoi, — alors que justement j
2013
rs que justement j’allais rattraper, comme un pan
de
la nuit fuyante, un songe où j’ai dû voir l’objet pour la première fo
2014
ais la lampe et la veilleuse me rendait compagnon
d’
une momie bleuâtre, mais peut-on se reposer vraiment à cent à l’heure.
2015
Lune faire des bonds courts sur la plaine inondée
de
nuit. J’essayais de penser par-dessous le rythme obstiné de cette hur
2016
courts sur la plaine inondée de nuit. J’essayais
de
penser par-dessous le rythme obstiné de cette hurlante bousculade sur
2017
’essayais de penser par-dessous le rythme obstiné
de
cette hurlante bousculade sur place qu’est un voyage en express. Mais
2018
yage en express. Mais je ne trouvais pas la pente
de
mon esprit, et tout en le parcourant avec une soif qui annonçait le d
2019
oif qui annonçait le désert, je traçais des plans
d’
œuvres sablonneuses. Je composais un traité des voyages : les titres e
2020
ais un traité des voyages : les titres en étaient
de
Sénèque ou de Swift, et je voyais très bien ce qu’en eussent tiré Ste
2021
des voyages : les titres en étaient de Sénèque ou
de
Swift, et je voyais très bien ce qu’en eussent tiré Sterne ou Goethe,
2022
e à Gérard de Nerval, je sentais qu’il s’agissait
d’
autre chose… Il s’agit toujours d’autre chose que de ce qu’on dit. (L’
2023
u’il s’agissait d’autre chose… Il s’agit toujours
d’
autre chose que de ce qu’on dit. (L’imprudence de penser dans l’insomn
2024
autre chose… Il s’agit toujours d’autre chose que
de
ce qu’on dit. (L’imprudence de penser dans l’insomnie ! Cela tourne t
2025
d’autre chose que de ce qu’on dit. (L’imprudence
de
penser dans l’insomnie ! Cela tourne tout de suite à la débauche. Not
2026
tourne tout de suite à la débauche. Notre liberté
de
penser est absurde au regard des contraintes que subissent nos gestes
2027
élevait la Morale du domaine des actions à celui
de
la pensée, de l’Apparence à l’Essence. D’un coup, tous les refoulés q
2028
rale du domaine des actions à celui de la pensée,
de
l’Apparence à l’Essence. D’un coup, tous les refoulés qui explosent,
2029
à celui de la pensée, de l’Apparence à l’Essence.
D’
un coup, tous les refoulés qui explosent, le chômage dans la gendarmer
2030
eures désorientées ; le sentiment du « non-sens »
de
la vie n’est-il pas comparable à ce que les mystiques appellent leur
2031
Entre « déjà plus » et « pas encore »… Bon point
de
vue pour déconsidérer nos raisons de vivre. La maladie aussi. Rien ne
2032
»… Bon point de vue pour déconsidérer nos raisons
de
vivre. La maladie aussi. Rien ne ressemble au voyage comme la maladie
2033
part, le même dépaysement au retour. « Il revient
de
loin » signifie qu’il vient d’être très malade. Si dans ta chambre, e
2034
tour. « Il revient de loin » signifie qu’il vient
d’
être très malade. Si dans ta chambre, en plein jour, tu t’endors, et q
2035
voyage est un état d’âme et non pas une question
de
transport. Un vrai voyage, on ne sait jamais où cela mène, c’est une
2036
amais où cela mène, c’est une aventure qui relève
de
la métaphysique plus que de la psychologie. — Une vaste licence poéti
2037
e aventure qui relève de la métaphysique plus que
de
la psychologie. — Une vaste licence poétique… (Voici bien la fatigue
2038
ien la fatigue avec son jeu des définitions)… pas
de
but. — C’est vous qui le dites ! — Vous, naturellement… (Encore un qu
2039
voyage on la regarde mieux. — La vie… (une sorte
de
cauchemar de la pensée, qui ne peut plus s’arrêter de penser). Se peu
2040
regarde mieux. — La vie… (une sorte de cauchemar
de
la pensée, qui ne peut plus s’arrêter de penser). Se peut-il qu’on ch
2041
auchemar de la pensée, qui ne peut plus s’arrêter
de
penser). Se peut-il qu’on cherche le sens de la vie ! Je sais seuleme
2042
êter de penser). Se peut-il qu’on cherche le sens
de
la vie ! Je sais seulement que ma vie a un but. M’approcher de mon êt
2043
e sais seulement que ma vie a un but. M’approcher
de
mon être véritable. Seul au milieu des miens, j’oubliais ma race, j’a
2044
des miens, j’oubliais ma race, j’avais l’illusion
de
n’être rien que… moi-même. Identique à mon centre. Ici, comparé à tan
2045
Mais en même temps, j’ai découvert mes puissances
d’
évasion intérieure. Et souvent je pressens qu’il existe une clef : dél
2046
uvent je pressens qu’il existe une clef : délivré
de
moi, j’entrerais en plein Moi… Une clef ? Plutôt « cela » qui me perm
2047
oi… Une clef ? Plutôt « cela » qui me permettrait
de
combler l’écart entre moi et Moi qui est la seule réalité absolument
2048
s dans mes pensées ? La veilleuse fleurit soudain
d’
un éclat bleu douloureux, le train ralentit. Hegyeshalom, petite gare
2049
Cependant, « rien à déclarer » après des semaines
de
voyage ? Cela va paraître improbable. On a dû voir sur moi que je le
2050
cherche, c’est pourquoi l’œil est implacable… Pas
de
clefs dans mes onze poches. Seulement ce papier timbré d’un ministère
2051
dans mes onze poches. Seulement ce papier timbré
d’
un ministère… mais déjà l’œil s’éteint, le corps se plie, fait demi-to
2052
tristesse. Mais qu’a-t-on jamais pu « déclarer »
d’
important ? Je ne sais plus parler en vers et la prose n’indique que l
2053
us évidentes. C’est bien pourquoi l’Objet n’a pas
de
nom. Parfois je me suis demandé s’il n’était pas une sorte de pierre
2054
ois je me suis demandé s’il n’était pas une sorte
de
pierre philosophale. Peut-être ces deux mots suffiraient-ils à l’indi
2055
e m’en parle ? Tout en donnant le change à celles
de
mes pensées qui exigent des apparences positives. Ainsi donc, j’ai ch
2056
iment elle n’existe plus, l’Hermétique Société18
de
ceux qui ne désespèrent pas encore du Grand Œuvre ? Cela seul est cer
2057
seulement qu’aux yeux de ceux qui surent désirer
de
la voir, apparaît la « Loge » invisible. J’attends, j’appelle quelqu’
2058
out ce qu’elle m’a donné ? Cette notion plus vive
d’
un univers où la présence de l’Objet deviendrait plus probable ? Ou bi
2059
ette notion plus vive d’un univers où la présence
de
l’Objet deviendrait plus probable ? Ou bien n’ai-je su voir autre cho
2060
u bien n’ai-je su voir autre chose que la Hongrie
de
mes rêves, ma Hongrie intérieure ? Il est vrai que l’on connaît depui
2061
s autres, aimer pour connaître, alors qu’au point
de
perfection, aimer et connaître sont un seul et même acte. Peut-être l
2062
ont un seul et même acte. Peut-être l’ai-je aimée
d’
un amour égoïste, comme un être dont on a besoin et en qui l’on chérit
2063
’il fallait attendre pour aimer !… Je me souviens
de
ces terrains de sable noir, piqués de petits arbres et d’un désordre
2064
ndre pour aimer !… Je me souviens de ces terrains
de
sable noir, piqués de petits arbres et d’un désordre de maisons basse
2065
me souviens de ces terrains de sable noir, piqués
de
petits arbres et d’un désordre de maisons basses, les dernières de la
2066
errains de sable noir, piqués de petits arbres et
d’
un désordre de maisons basses, les dernières de la ville de Debrecen,
2067
le noir, piqués de petits arbres et d’un désordre
de
maisons basses, les dernières de la ville de Debrecen, au bord de la
2068
et d’un désordre de maisons basses, les dernières
de
la ville de Debrecen, au bord de la Grande Plaine encore rougeâtre de
2069
rdre de maisons basses, les dernières de la ville
de
Debrecen, au bord de la Grande Plaine encore rougeâtre de soleil couc
2070
cen, au bord de la Grande Plaine encore rougeâtre
de
soleil couchant. J’y suis venu par hasard, en flânant ; je me suis sa
2071
autres semblables, en voyage, je me dis que c’est
de
là que j’ai tiré le sentiment d’absurdité foncière qu’il m’arrive d’é
2072
me dis que c’est de là que j’ai tiré le sentiment
d’
absurdité foncière qu’il m’arrive d’éprouver en face d’une action pure
2073
le sentiment d’absurdité foncière qu’il m’arrive
d’
éprouver en face d’une action purement raisonnable. Ah ! quelle raison
2074
ison t’attirait donc ici, sinon l’espoir bien fou
d’
y retrouver l’émotion d’un miracle imminent… ou moins encore : l’image
2075
, sinon l’espoir bien fou d’y retrouver l’émotion
d’
un miracle imminent… ou moins encore : l’image, née en rêve, d’une pla
2076
imminent… ou moins encore : l’image, née en rêve,
d’
une plaine, d’un couchant plus grandiose au ciel et sur la terre plus
2077
oins encore : l’image, née en rêve, d’une plaine,
d’
un couchant plus grandiose au ciel et sur la terre plus secret que dan
2078
ton pays. Tu attendais une révélation, non point
de
cet endroit, ni même par lui, — mais à cet endroit, en ce temps… Qui
2079
s cette vie et dans d’autres vies, pour approcher
de
tous côtés un But dont tu ne sais rien d’autre que sa fuite : n’est-i
2080
procher de tous côtés un But dont tu ne sais rien
d’
autre que sa fuite : n’est-il pas cet Objet qui n’ait rien de commun a
2081
sa fuite : n’est-il pas cet Objet qui n’ait rien
de
commun avec ce que tu sais de toi-même en cette vie ? Mais le voir, c
2082
bjet qui n’ait rien de commun avec ce que tu sais
de
toi-même en cette vie ? Mais le voir, ce serait mourir dans la totali
2083
nière différence, — car on ne voit que ce qui est
de
soi-même, et conscient… C’est à cause d’un pari peut-être fou, et qui
2084
qui est de soi-même, et conscient… C’est à cause
d’
un pari peut-être fou, et qui porte sur des sentiments indéfinis, à ca
2085
resses, tu serres des mains, — tu perds les clefs
de
tes valises… (Cela encore : m’arrêter à Vienne à cause des serrures…
2086
eut-être y passer une nuit — rôder à la recherche
de
Gérard par les rues noires aux palais vides mais hantés, et dans les
2087
e. 15. Toute l’échelle des ivresses : ivresses
de
la faim, de l’alcool, de la foule, de la solitude, de l’extase. 16.
2088
ute l’échelle des ivresses : ivresses de la faim,
de
l’alcool, de la foule, de la solitude, de l’extase. 16. Expression o
2089
des ivresses : ivresses de la faim, de l’alcool,
de
la foule, de la solitude, de l’extase. 16. Expression où va se réfug
2090
: ivresses de la faim, de l’alcool, de la foule,
de
la solitude, de l’extase. 16. Expression où va se réfugier le dernie
2091
a faim, de l’alcool, de la foule, de la solitude,
de
l’extase. 16. Expression où va se réfugier le dernier vestige de la
2092
. Expression où va se réfugier le dernier vestige
de
la sensualité des érudits. 17. La fameuse marche de Rakoczy est l’œu
2093
la sensualité des érudits. 17. La fameuse marche
de
Rakoczy est l’œuvre d’une Tzigane. 18. L’or n’était qu’un prétexte.
2094
ts. 17. La fameuse marche de Rakoczy est l’œuvre
d’
une Tzigane. 18. L’or n’était qu’un prétexte. Déjà une blague de pass
2095
18. L’or n’était qu’un prétexte. Déjà une blague
de
passeport. bj. Rougemont Denis de, « Voyage en Hongrie II », Biblio
2096
jà une blague de passeport. bj. Rougemont Denis
de
, « Voyage en Hongrie II », Bibliothèque universelle et Revue de Genèv
2097
n Hongrie II », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, novembre 1930, p. 577-590.
2098
(novembre 1930)bk Je n’ai jamais cherché rien
d’
autre que d’approcher mon sujet, en m’identifiant d’aussi près qu’il m
2099
930)bk Je n’ai jamais cherché rien d’autre que
d’
approcher mon sujet, en m’identifiant d’aussi près qu’il m’était possi
2100
autre que d’approcher mon sujet, en m’identifiant
d’
aussi près qu’il m’était possible, non seulement au point de vue, mais
2101
nt de vue, mais à la complexion, à la nature même
de
l’auteur, — laissant à l’approfondissement psychologique et aux infle
2102
xions variables du ton chaque fois adopté le soin
de
dégager comme par transparence le jugement implicite que, sur le plan
2103
ansparence le jugement implicite que, sur le plan
de
la qualité pure, je persiste à tenir pour le plus efficace. Ce n’est
2104
Charles Du Bos a placé cette parfaite définition
de
sa manière au seuil de la 4e série de ses Approximations ; elles form
2105
cette parfaite définition de sa manière au seuil
de
la 4e série de ses Approximations ; elles forment, tant par les sujet
2106
définition de sa manière au seuil de la 4e série
de
ses Approximations ; elles forment, tant par les sujets abordés que p
2107
des « approches », le livre le plus significatif
de
son tempérament critique. Le style d’abord : on y retrouve, appliqué
2108
mots, ce même sens à la fois scrupuleux et assuré
de
la qualité, qui est ce qu’avant tout l’on doit admirer chez M. Du Bos
2109
Bos. Et dans l’allure des phrases, le rythme même
de
sa pensée. Parfois certes, un peu gêné par la lenteur de certains méa
2110
ensée. Parfois certes, un peu gêné par la lenteur
de
certains méandres, aimerait-on les sentir moins insistants, moins con
2111
certés. Mais n’est-ce pas là un défaut qui relève
de
la nature même d’un esprit « critique » dans l’exercice de sa probité
2112
-ce pas là un défaut qui relève de la nature même
d’
un esprit « critique » dans l’exercice de sa probité ? Défaut combien
2113
ure même d’un esprit « critique » dans l’exercice
de
sa probité ? Défaut combien plus précieux que l’élégance à bon marché
2114
ourd’hui l’un des premiers rangs dans la critique
européenne
, l’ampleur du champ qui lui est naturellement nécessaire suffirait à
2115
t un génie français, et sur un pied véritablement
européen
. L’envergure en quelque sorte géographique d’une telle enquête suppos
2116
ropéen. L’envergure en quelque sorte géographique
d’
une telle enquête suppose une Weltanschauung correspondante en profond
2117
ndante en profondeur. Il la possède. On peut dire
de
sa critique qu’elle pose le problème de l’homme dans sa totalité, et
2118
peut dire de sa critique qu’elle pose le problème
de
l’homme dans sa totalité, et c’est je crois l’éloge de choix. Mais de
2119
homme dans sa totalité, et c’est je crois l’éloge
de
choix. Mais de ce problème central, qui déborde le plan esthétique, l
2120
otalité, et c’est je crois l’éloge de choix. Mais
de
ce problème central, qui déborde le plan esthétique, la littérature n
2121
n cas privilégié. Et parce que M. Du Bos ne cesse
de
la soumettre à des contrôles éthiques autant qu’esthétiques, il lui r
2122
utes parts son sujet, M. Du Bos choisit des bases
d’
approche parfois si éloignées, et progresse par des voies si subtiles
2123
subtiles qu’il ne doit qu’à un sens exceptionnel
de
l’orientation dans le monde de l’esprit la sécurité de sa marche vers
2124
sens exceptionnel de l’orientation dans le monde
de
l’esprit la sécurité de sa marche vers le centre d’une œuvre. La méth
2125
orientation dans le monde de l’esprit la sécurité
de
sa marche vers le centre d’une œuvre. La méthode de M. Du Bos est la
2126
l’esprit la sécurité de sa marche vers le centre
d’
une œuvre. La méthode de M. Du Bos est la plus propre à dégager l’élém
2127
sa marche vers le centre d’une œuvre. La méthode
de
M. Du Bos est la plus propre à dégager l’élément spécifique des génie
2128
recréer comme pour son compte, tant il y apporte
de
pressante intuition, les « problèmes » qui contraignirent tel génie à
2129
gnirent tel génie à produire son œuvre. Le danger
de
cette méthode, c’est que, donnant un nom à chaque problème, l’« hypos
2130
l’« hypostasiant » en quelque mesure, elle risque
de
nous laisser l’image d’un auteur plus conscient de ses propres diffic
2131
elque mesure, elle risque de nous laisser l’image
d’
un auteur plus conscient de ses propres difficultés que ne saurait l’ê
2132
e nous laisser l’image d’un auteur plus conscient
de
ses propres difficultés que ne saurait l’être le créateur. Car une te
2133
au critique avant tout, et c’est pourquoi il fait
de
la critique en présence des obstacles qu’il rencontre, là où le créat
2134
osant le problème résolu (Racine), fait une œuvre
d’
art. Ou bien encore, l’artiste, usant de cette sorte de désinvolture q
2135
une œuvre d’art. Ou bien encore, l’artiste, usant
de
cette sorte de désinvolture qui lui est naturelle, confie à des figur
2136
. Ou bien encore, l’artiste, usant de cette sorte
de
désinvolture qui lui est naturelle, confie à des figures le soin hasa
2137
naturelle, confie à des figures le soin hasardeux
de
résoudre ses antinomies (Goethe) ; que si elles y échouent, il rester
2138
stera du moins des personnages ! Mais la grandeur
d’
un Du Bos, n’est-elle pas précisément dans son refus de sacrifier jama
2139
Du Bos, n’est-elle pas précisément dans son refus
de
sacrifier jamais l’éthique à l’esthétique, et dans ce sens chez tant
2140
une autorité aujourd’hui sans secondes : le sens
de
la responsabilité de l’écrivain. bk. Rougemont Denis de, « [Compte
2141
’hui sans secondes : le sens de la responsabilité
de
l’écrivain. bk. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Charles Du Bo
2142
ponsabilité de l’écrivain. bk. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Charles Du Bos, Approximations, 4e série », Biblio
2143
s, 4e série », Bibliothèque universelle et Revue
de
Genève, Genève, novembre 1930, p. 656-658.