1
Henry de Montherlant, Chant funèbre pour
les
morts de Verdun (mars 1925)a Henry de Montherlant, héritier d’une
2
leresque, mène sa vie comme une ardente aventure.
Les
épisodes s’appellent : collège, guerre, sport… la Relève du Matin, le
3
es épisodes s’appellent : collège, guerre, sport…
la
Relève du Matin, le Songe, les Olympiques. Et voici le Chant funèbre,
4
ent : collège, guerre, sport… la Relève du Matin,
le
Songe, les Olympiques. Et voici le Chant funèbre, adieu à la guerre e
5
ège, guerre, sport… la Relève du Matin, le Songe,
les
Olympiques. Et voici le Chant funèbre, adieu à la guerre et aux jeux,
6
lève du Matin, le Songe, les Olympiques. Et voici
le
Chant funèbre, adieu à la guerre et aux jeux, avant de partir pour de
7
es Olympiques. Et voici le Chant funèbre, adieu à
la
guerre et aux jeux, avant de partir pour de nouvelles conquêtes. Terr
8
r pour ses erreurs plus encore que pour celles de
l’
adversaire, ce qui est beaucoup dire. Il y avait dans le Paradis je ne
9
rsaire, ce qui est beaucoup dire. Il y avait dans
le
Paradis je ne sais quel relent de barbarie, un assez malsain goût du
10
alsain goût du sang. Tout cela s’est purifié dans
le
Chant funèbre. Et une phrase telle que « … Nous sommes sûrs de ne pas
11
e, à notre place modeste, si peu que ce soit pour
la
paix », c’est une affirmation qui d’un coup condamne beaucoup d’antér
12
pour avoir contemplé Verdun, en tête à tête avec
le
génie de la mort. Mais alors, à quoi sert d’exalter, d’une si émouvan
13
contemplé Verdun, en tête à tête avec le génie de
la
mort. Mais alors, à quoi sert d’exalter, d’une si émouvante sorte, le
14
à quoi sert d’exalter, d’une si émouvante sorte,
les
soldats déjà légendaires de Verdun, et ce « haut ton de vie » qu’ils
15
justifie son livre : « Ranimons ces horreurs pour
les
vouloir éviter, et ces grandeurs pour n’en pas trop descendre ». N’es
16
ce pas une éclatante mise au point ? Et venant de
l’
auteur du Songe, d’un de ces hommes qui « descendirent » du front dans
17
cette absence de haine ; cette épouvante, devant
la
guerre… proviennent de plus d’humanité ou de moins de santé ». À main
18
et repart. Vers quels buts ? On verra plus tard.
L’
urgent c’est d’avancer. Et l’on atteindra peut-être ces régions élevée
19
On verra plus tard. L’urgent c’est d’avancer. Et
l’
on atteindra peut-être ces régions élevées où les éléments contraires
20
t l’on atteindra peut-être ces régions élevées où
les
éléments contraires s’unissent dans la grandeur. La paix qu’il appell
21
levées où les éléments contraires s’unissent dans
la
grandeur. La paix qu’il appelle, c’est autre chose que l’absence de g
22
éléments contraires s’unissent dans la grandeur.
La
paix qu’il appelle, c’est autre chose que l’absence de guerre, c’est
23
eur. La paix qu’il appelle, c’est autre chose que
l’
absence de guerre, c’est une paix que travaillerait le levain des vert
24
sence de guerre, c’est une paix que travaillerait
le
levain des vertus guerrières. « Il faut que la paix, ce soit vivre. »
25
it le levain des vertus guerrières. « Il faut que
la
paix, ce soit vivre. » Par tout un livre libéré de souvenirs héroïque
26
e souvenirs héroïques, peut-être trop grands pour
la
paix, c’est vers de plus sereines exaltations qu’il va porter son ard
27
ations qu’il va porter son ardeur. Il va chercher
le
souvenir de l’aventure antique, et dans ce qui fut Rome ou la Grèce,
28
porter son ardeur. Il va chercher le souvenir de
l’
aventure antique, et dans ce qui fut Rome ou la Grèce, revivre sa trad
29
de l’aventure antique, et dans ce qui fut Rome ou
la
Grèce, revivre sa tradition. Toute son œuvre pourrait se définir : la
30
tradition. Toute son œuvre pourrait se définir :
la
lutte d’un tempérament avec la réalité. Tantôt c’est l’un qui veut pl
31
rrait se définir : la lutte d’un tempérament avec
la
réalité. Tantôt c’est l’un qui veut plier l’autre à sa violence — le
32
c’est l’un qui veut plier l’autre à sa violence —
le
Paradis —, tantôt c’est l’autre qui impose son absolu. Une soumission
33
rement consentie, voilà ce que nous admirons dans
le
Chant funèbre. Ce mot de grandeur revient souvent lorsqu’on parle de
34
rle de cette œuvre : je ne sais s’il faut en voir
la
raison dans la force de la personnalité révélée ou dans la noblesse d
35
vre : je ne sais s’il faut en voir la raison dans
la
force de la personnalité révélée ou dans la noblesse de sa soumission
36
sais s’il faut en voir la raison dans la force de
la
personnalité révélée ou dans la noblesse de sa soumission. Périlleuse
37
dans la force de la personnalité révélée ou dans
la
noblesse de sa soumission. Périlleuse carrière de la grandeur où Mont
38
noblesse de sa soumission. Périlleuse carrière de
la
grandeur où Montherlant est entré de plain-pied, en même temps que da
39
t est entré de plain-pied, en même temps que dans
la
guerre. Que de sacrifices ne lui devra-t-il pas offrir ainsi les roma
40
de sacrifices ne lui devra-t-il pas offrir ainsi
les
romans « intéressants » ou « curieux » ; le « grand lyrisme » à la Ch
41
insi les romans « intéressants » ou « curieux » ;
le
« grand lyrisme » à la Chateaubriand, voire à la Barrès, dont il est
42
essants » ou « curieux » ; le « grand lyrisme » à
la
Chateaubriand, voire à la Barrès, dont il est capable et qu’il lui fa
43
le « grand lyrisme » à la Chateaubriand, voire à
la
Barrès, dont il est capable et qu’il lui faudra livrer au « feu de vé
44
r, s’il veut rester digne de son rôle et vraiment
le
coryphée d’une génération casquée. Feu consumateur de toute faiblesse
45
en notre siècle, qu’elle paraît parfois, lorsque
la
tourmente humaine ne la moleste ni ne l’avive plus, cruelle et désolé
46
e paraît parfois, lorsque la tourmente humaine ne
la
moleste ni ne l’avive plus, cruelle et désolée comme cette « flamme p
47
lorsque la tourmente humaine ne la moleste ni ne
l’
avive plus, cruelle et désolée comme cette « flamme pensante » dans l’
48
e et désolée comme cette « flamme pensante » dans
l’
ossuaire de Douaumont. Puis la vie l’exalte de nouveau d’un large vent
49
mme pensante » dans l’ossuaire de Douaumont. Puis
la
vie l’exalte de nouveau d’un large vent de joie. a. Rougemont Deni
50
sante » dans l’ossuaire de Douaumont. Puis la vie
l’
exalte de nouveau d’un large vent de joie. a. Rougemont Denis de, «
51
e rendu] Henry de Montherlant, Chant funèbre pour
les
morts de Verdun », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genè
52
isme (juin 1925)b Sous une « vague de rêves »,
la
logique, dernier agent de liaison de nos esprits, va périr. C’est du
53
ns ce que proclame M. Breton en un manifeste dont
la
pseudo-nouveauté nous retiendra moins que la significative pauvreté i
54
dont la pseudo-nouveauté nous retiendra moins que
la
significative pauvreté idéologique et morale qu’il révèle. Le style b
55
tive pauvreté idéologique et morale qu’il révèle.
Le
style brillant et elliptique qui tend à devenir notre poncif moderne,
56
, — ne réussit pas toujours chez Breton à masquer
la
banalité de la pensée. D’autant plus que les rares passages où il exp
57
pas toujours chez Breton à masquer la banalité de
la
pensée. D’autant plus que les rares passages où il expose directement
58
squer la banalité de la pensée. D’autant plus que
les
rares passages où il expose directement les principes de sa « révolut
59
s que les rares passages où il expose directement
les
principes de sa « révolution » semblent au contraire tirés de quelque
60
ent, soit par écrit, soit de toute autre manière,
le
fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée en l’absence de
61
de toute autre manière, le fonctionnement réel de
la
pensée. Dictée de la pensée en l’absence de tout contrôle exercé par
62
e, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de
la
pensée en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors
63
nnement réel de la pensée. Dictée de la pensée en
l’
absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préo
64
a pensée en l’absence de tout contrôle exercé par
la
raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. » (p.
65
te préoccupation esthétique ou morale. » (p. 42).
Le
surréalisme ne serait-il donc qu’une sorte de méthode des textes géné
66
généralisée ? Point du tout ! Il paraît qu’il est
la
seule attitude littéraire aujourd’hui concevable. Mais par quelles tr
67
ou moins conscientes M. Breton peut-il préconiser
l’
existence d’une littérature fondée sur de tels principes ? Le Rêve est
68
d’une littérature fondée sur de tels principes ?
Le
Rêve est la seule matière poétique. Dans le monde du Rêve autant de c
69
rature fondée sur de tels principes ? Le Rêve est
la
seule matière poétique. Dans le monde du Rêve autant de cellules isol
70
pes ? Le Rêve est la seule matière poétique. Dans
le
monde du Rêve autant de cellules isolées que de rêveurs. Toute poésie
71
que de rêveurs. Toute poésie est incommunicable,
le
poète étant un simple sténographe de ses rêves. Soit. De ces faits, j
72
pratique : inutile de publier des poèmes. Éluard
le
comprenait, qui écrivit : « Quand les livres se liront-ils d’eux-même
73
èmes. Éluard le comprenait, qui écrivit : « Quand
les
livres se liront-ils d’eux-mêmes, sans le secours des lecteurs ? Quan
74
Quand les livres se liront-ils d’eux-mêmes, sans
le
secours des lecteurs ? Quand les hommes se comprendront-ils individue
75
d’eux-mêmes, sans le secours des lecteurs ? Quand
les
hommes se comprendront-ils individuellement ? » Que M. Breton donne d
76
our faire un poème » cette mystification est dans
la
logique de ses principes, mais je lui conteste le droit de faire suiv
77
la logique de ses principes, mais je lui conteste
le
droit de faire suivre son manifeste de proses — Poisson soluble — qui
78
uble — qui servent d’illustration à sa défense de
la
poésie pure. Les beautés que j’y vois ne me seraient-elles perceptibl
79
nt d’illustration à sa défense de la poésie pure.
Les
beautés que j’y vois ne me seraient-elles perceptibles que par le fai
80
’y vois ne me seraient-elles perceptibles que par
le
fait d’une fortuite coïncidence entre l’univers du poète et le mien ?
81
que par le fait d’une fortuite coïncidence entre
l’
univers du poète et le mien ? Je comprends trop de choses dans ces poè
82
e Rimbaud, entre encore pour une grande part dans
l’
« alchimie du verbe » ; et je ne puis m’empêcher d’accuser Breton de p
83
cet appareil psychologique si scolaire ? À donner
le
change sur la pauvreté d’un art purement formel. Car c’est ici le tra
84
sychologique si scolaire ? À donner le change sur
la
pauvreté d’un art purement formel. Car c’est ici le tragique de cette
85
pauvreté d’un art purement formel. Car c’est ici
le
tragique de cette mystification : la plupart des surréalistes n’ont r
86
e leur impuissance. « Il n’y a pas de pensée hors
les
mots » (Aragon). Aussi se paient-ils de métaphores comme d’autres de
87
éclament imprudemment, — on sait ce que c’est que
la
« liberté » d’un esprit pur de tout finalisme ! Surréalisme S.A., ent
88
out finalisme ! Surréalisme S.A., entreprise pour
l’
exploitation de matériaux de démolition abandonnés par Dada S.A. Ce n’
89
pas ainsi que nous sortirons d’une anarchie dont
les
causes semblent avant tout morales. Les tendances encore un peu vague
90
chie dont les causes semblent avant tout morales.
Les
tendances encore un peu vagues d’un groupe tel que Philosophies laiss
91
lus réelles. On souhaite qu’après faillite faite,
les
surréalistes trouvent à montrer leur talent en des jeux moins lassant
92
poir exaspéré, commandait une certaine sympathie.
L’
agaçant, avec les surréalistes, c’est que — pour reprendre un mot de C
93
ommandait une certaine sympathie. L’agaçant, avec
les
surréalistes, c’est que — pour reprendre un mot de Cocteau — ils « em
94
octeau — ils « embaument de vieilles anarchies ».
L’
ironie qui sauva Dada du ridicule le cède ici à un ton de mage qui ne
95
anarchies ». L’ironie qui sauva Dada du ridicule
le
cède ici à un ton de mage qui ne fera plus longtemps impression. C’es
96
us longtemps impression. C’est grand dommage pour
les
lettres françaises qui risquent d’y perdre au moins deux grands artis
97
ublier Breton, enchanteur des images qui peuplent
les
ténèbres. b. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] André Breton, Ma
98
Paul Colin, Van Gogh (août 1925)c
Le
nouveau volume de la collection des « Maîtres de l’art moderne » est
99
in, Van Gogh (août 1925)c Le nouveau volume de
la
collection des « Maîtres de l’art moderne » est au moins le cinquième
100
nouveau volume de la collection des « Maîtres de
l’
art moderne » est au moins le cinquième ouvrage publié en France sur V
101
s assez neuves. M. Colin s’est contenté de narrer
les
faits de la vie de Vincent, mais d’une telle manière que des conclusi
102
s. M. Colin s’est contenté de narrer les faits de
la
vie de Vincent, mais d’une telle manière que des conclusions critique
103
t avec évidence. Van Gogh fut une proie du génie.
L’
homme tel que nous le peint Paul Colin, est peu intéressant. On en a c
104
Gogh fut une proie du génie. L’homme tel que nous
le
peint Paul Colin, est peu intéressant. On en a connu bien d’autres de
105
d’évangélisation, fondent des groupes dissidents.
Le
miracle, c’est que le plus sauvage génie ait choisi un être de cette
106
ent des groupes dissidents. Le miracle, c’est que
le
plus sauvage génie ait choisi un être de cette espèce pour le tourmen
107
age génie ait choisi un être de cette espèce pour
le
tourmenter et le transfigurer. Vincent s’en effraie lui-même : « Il y
108
isi un être de cette espèce pour le tourmenter et
le
transfigurer. Vincent s’en effraie lui-même : « Il y a quelque chose
109
es copies de Millet. Mais son manque de talent ne
le
rebute pas. Une divine violence le travaille. Elle jaillira enfin, da
110
e de talent ne le rebute pas. Une divine violence
le
travaille. Elle jaillira enfin, dans l’éblouissement d’Arles, jusqu’a
111
violence le travaille. Elle jaillira enfin, dans
l’
éblouissement d’Arles, jusqu’au jour où cette consomption frénétique t
112
rrassant un corps minable, il ne restera plus que
les
flammes, les soleils et aussi les grimaces de douleur de ses tableaux
113
orps minable, il ne restera plus que les flammes,
les
soleils et aussi les grimaces de douleur de ses tableaux. Il faut lou
114
estera plus que les flammes, les soleils et aussi
les
grimaces de douleur de ses tableaux. Il faut louer Paul Colin de n’av
115
n’avoir rien caché des médiocrités de cette vie :
les
reproductions qui suivent sa courte biographie fournissent un meilleu
116
courte biographie fournissent un meilleur motif à
l’
admiration que tout le lyrisme dont on a voulu charger la « vie héroïq
117
nissent un meilleur motif à l’admiration que tout
le
lyrisme dont on a voulu charger la « vie héroïque » de Vincent. M. Co
118
ation que tout le lyrisme dont on a voulu charger
la
« vie héroïque » de Vincent. M. Colin n’a pas cherché à expliquer ce
119
ce miracle. Il nous laisse à notre émotion devant
le
spectacle d’une œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’une œuvre de pur g
120
devant le spectacle d’une œuvre qui ne dut rien à
l’
homme, d’une œuvre de pur génie. Vincent Van Gogh, génie sans talent.
121
Lucien Fabre,
Le
Tarramagnou (septembre 1925)d Lucien Fabre, ingénieur, poète, chro
122
stein, des articles sur Valéry, St John Perse. On
le
vit naguère en province liquider des stocks américains. Et ses romans
123
ins. Et ses romans, c’est aussi une liquidation :
les
faits s’y pressent et s’y bousculent ; de temps à autre une notation
124
ou de psychologue se glisse dans leur flot. Voilà
le
lecteur entraîné, ébahi, passionné, contraint de suivre jusqu’au bout
125
bout un roman de 500 pages comme Rabevel. Car si
la
liquidation des questions traitées est rapide, elle est complète auss
126
n’est pas lui qui se refuserait à écrire — comme
le
fait son maître : « La marquise sortit à cinq heures ». Une telle pla
127
efuserait à écrire — comme le fait son maître : «
La
marquise sortit à cinq heures ». Une telle platitude est presque indi
128
e indispensable, mais il s’en permet d’autres qui
le
sont moins. On n’écrit pas un roman en trois volumes sans y laisser d
129
on ne demande pas non plus au puissant boxeur sur
le
ring d’être bien peigné. Rabevel, c’était un portrait balzacien du b
130
ait un portrait balzacien du brasseur d’affaires.
Le
sujet du Tarramagnou, c’est « la nouvelle mise en servitude du peuple
131
seur d’affaires. Le sujet du Tarramagnou, c’est «
la
nouvelle mise en servitude du peuple rustique de France ». En effet —
132
vitude du peuple rustique de France ». En effet —
le
phénomène n’est pas particulier à la France — les paysans sont en tra
133
. En effet — le phénomène n’est pas particulier à
la
France — les paysans sont en train de redevenir serfs, serfs des synd
134
le phénomène n’est pas particulier à la France —
les
paysans sont en train de redevenir serfs, serfs des syndicats et des
135
villes. Mais dans une de ces provinces du Midi où
le
souvenir des luttes religieuses encore vivace fait que les paysans ga
136
nir des luttes religieuses encore vivace fait que
les
paysans gardent une méfiance frondeuse vis-à-vis du gouvernement, le
137
une méfiance frondeuse vis-à-vis du gouvernement,
le
libérateur va se lever. C’est un descendant de Roland le Camisard, ce
138
Camisard, ce « Tarramagnou », ce « petit homme de
la
terre », qui va susciter un formidable mouvement de protestation cont
139
er un formidable mouvement de protestation contre
les
lois tyranniques. Le succès grandit rapidement, le gouvernement cède.
140
ment de protestation contre les lois tyranniques.
Le
succès grandit rapidement, le gouvernement cède. Mais la même inertie
141
s lois tyranniques. Le succès grandit rapidement,
le
gouvernement cède. Mais la même inertie du peuple qui donnait tant de
142
ès grandit rapidement, le gouvernement cède. Mais
la
même inertie du peuple qui donnait tant de mal lorsqu’il fallait l’év
143
peuple qui donnait tant de mal lorsqu’il fallait
l’
éveiller, l’entraîne au-delà du but. Le Tarramagnou voit son œuvre sab
144
donnait tant de mal lorsqu’il fallait l’éveiller,
l’
entraîne au-delà du but. Le Tarramagnou voit son œuvre sabotée par des
145
il fallait l’éveiller, l’entraîne au-delà du but.
Le
Tarramagnou voit son œuvre sabotée par des meneurs ; il tente en vain
146
e par des meneurs ; il tente en vain de ressaisir
les
foules : déjà elles huent sa modération. Alors il va se jeter au-deva
147
devant des troupes accourues, il meurt en clamant
la
paix. M. Fabre avait là les éléments d’un grand roman : autour d’un s
148
s, il meurt en clamant la paix. M. Fabre avait là
les
éléments d’un grand roman : autour d’un sujet de vaste envergure, et
149
es d’une belle richesse psychologique. En fermant
le
livre on a presque l’impression qu’il a réussi ce grand roman… Qu’y m
150
e psychologique. En fermant le livre on a presque
l’
impression qu’il a réussi ce grand roman… Qu’y manque-t-il ? Un style
151
ssi ce grand roman… Qu’y manque-t-il ? Un style ?
L’
absence de style, n’est-ce pas le meilleur style pour un romancier ? C
152
-il ? Un style ? L’absence de style, n’est-ce pas
le
meilleur style pour un romancier ? C’est plutôt, je crois, une certai
153
ôt, je crois, une certaine harmonie générale dans
le
récit et le ton, surtout dans la première partie, qui est confuse. No
154
, une certaine harmonie générale dans le récit et
le
ton, surtout dans la première partie, qui est confuse. Non pas que le
155
la première partie, qui est confuse. Non pas que
le
roman soit mal construit, au contraire. Mais le tissu des faits se re
156
e le roman soit mal construit, au contraire. Mais
le
tissu des faits se relâche parfois, et les arêtes de la construction
157
e. Mais le tissu des faits se relâche parfois, et
les
arêtes de la construction apparaissent trop nues. Chef-d’œuvre ou pas
158
su des faits se relâche parfois, et les arêtes de
la
construction apparaissent trop nues. Chef-d’œuvre ou pas chef-d’œuvre
159
uvre ou pas chef-d’œuvre d’ailleurs, il reste que
le
Tarramagnou est un livre émouvant, d’une saine puissance. Il reste qu
160
ougemont Denis de, « [Compte rendu] Lucien Fabre,
Le
Tarramagnou », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève,
161
Les
Appels de l’Orient (septembre 1925)e Le xxe siècle s’annonce comm
162
Les Appels de
l’
Orient (septembre 1925)e Le xxe siècle s’annonce comme le siècle d
163
Les Appels de l’Orient (septembre 1925)e
Le
xxe siècle s’annonce comme le siècle de la découverte du monde par l
164
eptembre 1925)e Le xxe siècle s’annonce comme
le
siècle de la découverte du monde par l’Europe intellectuelle. Grand s
165
)e Le xxe siècle s’annonce comme le siècle de
la
découverte du monde par l’Europe intellectuelle. Grand siècle de crit
166
nce comme le siècle de la découverte du monde par
l’
Europe intellectuelle. Grand siècle de critique pour lequel nos contem
167
critique pour lequel nos contemporains accumulent
les
documents. La littérature de ces dernières années n’est qu’une forme
168
equel nos contemporains accumulent les documents.
La
littérature de ces dernières années n’est qu’une forme de reportage i
169
es n’est qu’une forme de reportage international.
L’
Europe menant cette immense enquête manifeste son génie méthodique, so
170
selle et inépuisable curiosité. Mais, de même que
la
France interrogeant l’Europe du xviiie prenait surtout conscience de
171
riosité. Mais, de même que la France interrogeant
l’
Europe du xviiie prenait surtout conscience de son propre génie, l’Eu
172
prenait surtout conscience de son propre génie,
l’
Europe d’aujourd’hui semble chercher dans une confrontation avec l’Ori
173
d’hui semble chercher dans une confrontation avec
l’
Orient, plutôt qu’une réelle connaissance de l’Orient, une conscience
174
ec l’Orient, plutôt qu’une réelle connaissance de
l’
Orient, une conscience d’elle-même. C’est peut-être pour provoquer cet
175
né un péril oriental, car il semble bien que dans
le
domaine de la culture le péril n’existe que pour autant qu’on en parl
176
iental, car il semble bien que dans le domaine de
la
culture le péril n’existe que pour autant qu’on en parle, la vraie «
177
il semble bien que dans le domaine de la culture
le
péril n’existe que pour autant qu’on en parle, la vraie « question as
178
le péril n’existe que pour autant qu’on en parle,
la
vraie « question asiatique » étant une question politique. On peut pr
179
nt une question politique. On peut prévoir que si
le
bouddhisme jouit un jour d’un renouveau, c’est à quelques savants eur
180
nouveau, c’est à quelques savants européens qu’il
le
devra, tandis que d’un mouvement inverse, le christianisme débarrassé
181
u’il le devra, tandis que d’un mouvement inverse,
le
christianisme débarrassé de son déguisement gréco-latin retournera ve
182
n retournera vers ses sources pour s’y retremper.
Les
appels de l’Orient, ce sont les Keyserling, les Guénon, qui les font
183
ers ses sources pour s’y retremper. Les appels de
l’
Orient, ce sont les Keyserling, les Guénon, qui les font entendre, aut
184
ur s’y retremper. Les appels de l’Orient, ce sont
les
Keyserling, les Guénon, qui les font entendre, autant et plus que les
185
. Les appels de l’Orient, ce sont les Keyserling,
les
Guénon, qui les font entendre, autant et plus que les Tagore et les G
186
l’Orient, ce sont les Keyserling, les Guénon, qui
les
font entendre, autant et plus que les Tagore et les Gandhi, demi-euro
187
Guénon, qui les font entendre, autant et plus que
les
Tagore et les Gandhi, demi-européanisés. Ceci convenu, il faut reconn
188
s font entendre, autant et plus que les Tagore et
les
Gandhi, demi-européanisés. Ceci convenu, il faut reconnaître que l’en
189
ropéanisés. Ceci convenu, il faut reconnaître que
l’
enquête des Cahiers du Mois donne un fort intéressant tableau des mult
190
rt intéressant tableau des multiples réactions de
l’
Europe placée devant le dilemme Orient-Occident. Réactions qui, disons
191
des multiples réactions de l’Europe placée devant
le
dilemme Orient-Occident. Réactions qui, disons-le tout de suite, rens
192
le dilemme Orient-Occident. Réactions qui, disons-
le
tout de suite, renseignent mieux sur l’esprit occidental que sur l’or
193
i, disons-le tout de suite, renseignent mieux sur
l’
esprit occidental que sur l’oriental, en sorte que cette enquête rejoi
194
renseignent mieux sur l’esprit occidental que sur
l’
oriental, en sorte que cette enquête rejoint parfois celle qu’ouvrit l
195
que cette enquête rejoint parfois celle qu’ouvrit
la
Revue de Genève sur « l’Avenir de l’Europe. » (Cf. les deux réponse
196
arfois celle qu’ouvrit la Revue de Genève sur «
l’
Avenir de l’Europe. » (Cf. les deux réponses d’André Gide en particuli
197
qu’ouvrit la Revue de Genève sur « l’Avenir de
l’
Europe. » (Cf. les deux réponses d’André Gide en particulier). Car la
198
vue de Genève sur « l’Avenir de l’Europe. » (Cf.
les
deux réponses d’André Gide en particulier). Car la plupart des enquêt
199
ticulier). Car la plupart des enquêtés se font de
l’
Orient une représentation vague et poétique. « Orient…, toi qui n’as q
200
de cet Orient qu’il s’agit, et Jean Schlumberger
le
définit encore : « … tout ce qui est opposé à l’esprit occidental, to
201
le définit encore : « … tout ce qui est opposé à
l’
esprit occidental, tout ce qui peut servir d’antidote à sa fièvre et à
202
ne dénomination qui n’a de sens que par rapport à
l’
Europe. Il serait vain de tenter un classement parmi les réponses d’un
203
ope. Il serait vain de tenter un classement parmi
les
réponses d’une extraordinaire diversité — peut-être trop nombreuses —
204
e trop nombreuses — qui composent ce gros volume.
Les
points de vue sont si différents, si différentes même les conclusions
205
ts de vue sont si différents, si différentes même
les
conclusions tirées de points de vue semblables, qu’un esprit analytiq
206
t de jugements contradictoires, et de termes dont
le
sens change avec l’échelle de valeurs de l’écrivain. Énumérons pourta
207
adictoires, et de termes dont le sens change avec
l’
échelle de valeurs de l’écrivain. Énumérons pourtant quelques-uns des
208
dont le sens change avec l’échelle de valeurs de
l’
écrivain. Énumérons pourtant quelques-uns des points de vue les plus r
209
Énumérons pourtant quelques-uns des points de vue
les
plus riches ou les mieux définis. Pour Valéry, la supériorité de l’Eu
210
quelques-uns des points de vue les plus riches ou
les
mieux définis. Pour Valéry, la supériorité de l’Europe réside dans sa
211
es plus riches ou les mieux définis. Pour Valéry,
la
supériorité de l’Europe réside dans sa « puissance de choix », dans l
212
les mieux définis. Pour Valéry, la supériorité de
l’
Europe réside dans sa « puissance de choix », dans le génie d’abstract
213
urope réside dans sa « puissance de choix », dans
le
génie d’abstraction qui a produit la géométrie grecque. D’autres attr
214
hoix », dans le génie d’abstraction qui a produit
la
géométrie grecque. D’autres attribuent cette supériorité au machinism
215
es attribuent cette supériorité au machinisme, et
la
déplorent. Plusieurs jeunes songent que dans une Europe vieillie, les
216
eurs jeunes songent que dans une Europe vieillie,
les
parfums puissants de l’Asie sauront encore éveiller de beaux rêves. I
217
ans une Europe vieillie, les parfums puissants de
l’
Asie sauront encore éveiller de beaux rêves. Il y a ceux qui repoussen
218
orante du thomisme et ceux qui pensent inévitable
le
choc de deux mondes, et que seule une intime connaissance mutuelle l’
219
es, et que seule une intime connaissance mutuelle
l’
adoucira. Il y a ceux qui à la suite de Claudel estiment que la questi
220
l y a ceux qui à la suite de Claudel estiment que
la
question ne se pose pas, puisque nous sommes chrétiens. (Mais le chri
221
se pose pas, puisque nous sommes chrétiens. (Mais
le
christianisme, religion missionnaire, ne peut nous donner qu’une supé
222
périorité provisoire et qui porte en son principe
le
germe de sa destruction.) Il y a enfin ceux qui refondent et combinen
223
point avoir, sincérité trop rare… Presque toutes
les
réponses, conclusions ou interrogations, ont le défaut de n’être pas
224
les réponses, conclusions ou interrogations, ont
le
défaut de n’être pas suffisamment motivées par des faits et des docum
225
es par des faits et des documents. Pour beaucoup,
l’
Orient n’est qu’un prétexte à variations sur le thème favori. M. Massi
226
p, l’Orient n’est qu’un prétexte à variations sur
le
thème favori. M. Massis, par exemple, qui cependant produit un grand
227
livre pas moins à des déductions in abstracto qui
le
mènent à des conclusions de ce genre : si nous trouvons le moyen de «
228
à des conclusions de ce genre : si nous trouvons
le
moyen de « suppléer à l’éducation historique des peuples chrétiens qu
229
genre : si nous trouvons le moyen de « suppléer à
l’
éducation historique des peuples chrétiens qui n’ont pas eu de Moyen Â
230
n’ont pas eu de Moyen Âge », nous pourrons amener
l’
Asie à comprendre la religion romaine (ce christianisme méditerranéen
231
n Âge », nous pourrons amener l’Asie à comprendre
la
religion romaine (ce christianisme méditerranéen si étroitement parti
232
erranéen si étroitement particularisé pourtant, à
l’
usage des Latins…). Quant aux orientalistes, qui, eux, apportent des d
233
onclure. Un écrivain grec, M. Embiricos, a trouvé
la
formule qui définit ce que les autres entendent vaguement par Orient
234
Embiricos, a trouvé la formule qui définit ce que
les
autres entendent vaguement par Orient : l’Asie est le subconscient du
235
e que les autres entendent vaguement par Orient :
l’
Asie est le subconscient du monde, formule qui, je pense, réunira tous
236
utres entendent vaguement par Orient : l’Asie est
le
subconscient du monde, formule qui, je pense, réunira tous les suffra
237
ent du monde, formule qui, je pense, réunira tous
les
suffrages. Et chacun d’en tirer de nouvelles raisons de maudire l’Ori
238
chacun d’en tirer de nouvelles raisons de maudire
l’
Orient ou chercher la guérison de nos fièvres. Mais nous aurons entrev
239
nouvelles raisons de maudire l’Orient ou chercher
la
guérison de nos fièvres. Mais nous aurons entrevu peut-être pour la p
240
us aurons entrevu peut-être pour la première fois
le
rôle de l’Europe « conscience du monde », entre une Amérique affolée
241
ntrevu peut-être pour la première fois le rôle de
l’
Europe « conscience du monde », entre une Amérique affolée de vitesse,
242
nelle. e. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
Les
Appels de l’Orient (n° 9-10 des Cahiers du Mois) », Bibliothèque univ
243
ougemont Denis de, « [Compte rendu] Les Appels de
l’
Orient (n° 9-10 des Cahiers du Mois) », Bibliothèque universelle et Re
244
que nous sommes seuls, nous sommes des fous. Oui,
le
contrôle de nous-mêmes ne joue que soutenu par le contrôle que les au
245
le contrôle de nous-mêmes ne joue que soutenu par
le
contrôle que les autres nous imposent », dit un héros de Mauriac. C’e
246
ous-mêmes ne joue que soutenu par le contrôle que
les
autres nous imposent », dit un héros de Mauriac. C’est un « homme seu
247
Mauriac. C’est un « homme seul » qu’a peint « par
le
dedans » M. Jean Prévost, en un saisissant raccourci psychologique. «
248
eut éliminer de soi tout ce qui est déterminé par
l’
extérieur, — ce fou que nous portons tous en nous, — il l’a isolé, inc
249
eur, — ce fou que nous portons tous en nous, — il
l’
a isolé, incarné, nommé : Revert. Puis il l’a poussé impitoyablement d
250
— il l’a isolé, incarné, nommé : Revert. Puis il
l’
a poussé impitoyablement dans sa recherche d’un absolu qui se trouve ê
251
dans sa recherche d’un absolu qui se trouve être
le
néant. Pour finir il « l’écrabouille ». L’expérience est terminée. Ar
252
solu qui se trouve être le néant. Pour finir il «
l’
écrabouille ». L’expérience est terminée. Artificielle comme toute exp
253
e être le néant. Pour finir il « l’écrabouille ».
L’
expérience est terminée. Artificielle comme toute expérience, elle n’e
254
assive d’un théorème de Spinoza. Une ironie dure,
la
densité du style révèlent seules l’écrivain ; et aussi quelques sente
255
ironie dure, la densité du style révèlent seules
l’
écrivain ; et aussi quelques sentences : « C’est de la faiblesse de no
256
rivain ; et aussi quelques sentences : « C’est de
la
faiblesse de nos yeux que frissonnent les étoiles. » f. Rougemont
257
C’est de la faiblesse de nos yeux que frissonnent
les
étoiles. » f. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Jean Prévost, T
258
eptembre 1925)g En 1886, lors de sa fondation,
la
nouvelle maison d’édition Fischer passait pour « la centrale où l’on
259
nouvelle maison d’édition Fischer passait pour «
la
centrale où l’on avait concentré la dynamite internationale qu’Ibsen
260
n d’édition Fischer passait pour « la centrale où
l’
on avait concentré la dynamite internationale qu’Ibsen voulait placer
261
assait pour « la centrale où l’on avait concentré
la
dynamite internationale qu’Ibsen voulait placer sous les arches de la
262
amite internationale qu’Ibsen voulait placer sous
les
arches de la vieille société », pour reprendre la pittoresque définit
263
ionale qu’Ibsen voulait placer sous les arches de
la
vieille société », pour reprendre la pittoresque définition de M. A.
264
es arches de la vieille société », pour reprendre
la
pittoresque définition de M. A. Eloesser dans l’Almanach du 25e anniv
265
la pittoresque définition de M. A. Eloesser dans
l’
Almanach du 25e anniversaire. Les révolutionnaires y faisaient pourtan
266
A. Eloesser dans l’Almanach du 25e anniversaire.
Les
révolutionnaires y faisaient pourtant bon ménage avec les derniers ch
267
lutionnaires y faisaient pourtant bon ménage avec
les
derniers champions du naturalisme puisqu’au début Fischer publia Zola
268
trouve au tableau des auteurs édités depuis lors
les
grands noms de la littérature européenne d’avant-guerre mêlés à ceux
269
des auteurs édités depuis lors les grands noms de
la
littérature européenne d’avant-guerre mêlés à ceux des maîtres du ren
270
aliste allemand et viennois, Hesse, Hofmannsthal…
Les
extraits de ces auteurs qui composent l’Almanach Fischer donnent une
271
nsthal… Les extraits de ces auteurs qui composent
l’
Almanach Fischer donnent une juste idée de ce que fut la littérature d
272
nach Fischer donnent une juste idée de ce que fut
la
littérature d’avant-garde entre 1900 et 1910. Depuis, la maison paraî
273
érature d’avant-garde entre 1900 et 1910. Depuis,
la
maison paraît s’être un peu embourgeoisée… Disons plutôt que voici ve
274
n peu embourgeoisée… Disons plutôt que voici venu
le
temps de la moisson, — le temps des éditions d’œuvres complètes. g.
275
geoisée… Disons plutôt que voici venu le temps de
la
moisson, — le temps des éditions d’œuvres complètes. g. Rougemont
276
s plutôt que voici venu le temps de la moisson, —
le
temps des éditions d’œuvres complètes. g. Rougemont Denis de, « [C
277
tto Flake, Der Gute Weg (septembre 1925)h Dans
l’
atmosphère trouble où s’agite l’Allemagne nouvelle — et peut-être parc
278
re 1925)h Dans l’atmosphère trouble où s’agite
l’
Allemagne nouvelle — et peut-être parce qu’il sait en sortir parfois —
279
kei a gardé son bon sens et son sang-froid. Et si
l’
on a pu reprocher à ses tableaux de l’Europe qu’il vient de parcourir
280
roid. Et si l’on a pu reprocher à ses tableaux de
l’
Europe qu’il vient de parcourir quelque superficialité, du moins faut-
281
arcourir quelque superficialité, du moins faut-il
le
louer d’avoir conservé une vision générale de notre temps et un évide
282
bénéficie de cette vision. Je ne saurais résumer
les
nombreuses péripéties de son dernier roman sans exposer et discuter t
283
son dernier roman sans exposer et discuter toutes
les
idées qu’elles illustrent. Les personnages discutent certes, mais leu
284
et discuter toutes les idées qu’elles illustrent.
Les
personnages discutent certes, mais leurs actions sont les meilleurs a
285
onnages discutent certes, mais leurs actions sont
les
meilleurs arguments. Et peu à peu surgissent d’une accumulation de pe
286
près-guerre d’une étrange vérité. Aux prises avec
les
problèmes sociaux et le luxe le moins apaisant, tournés vers la Russi
287
vérité. Aux prises avec les problèmes sociaux et
le
luxe le moins apaisant, tournés vers la Russie, vers le passé, vers l
288
Aux prises avec les problèmes sociaux et le luxe
le
moins apaisant, tournés vers la Russie, vers le passé, vers l’Orient,
289
ociaux et le luxe le moins apaisant, tournés vers
la
Russie, vers le passé, vers l’Orient, tentant des amours nouvelles et
290
e le moins apaisant, tournés vers la Russie, vers
le
passé, vers l’Orient, tentant des amours nouvelles et les fuites les
291
sant, tournés vers la Russie, vers le passé, vers
l’
Orient, tentant des amours nouvelles et les fuites les plus folles hor
292
é, vers l’Orient, tentant des amours nouvelles et
les
fuites les plus folles hors de la réalité, ils forment un cortège pit
293
rient, tentant des amours nouvelles et les fuites
les
plus folles hors de la réalité, ils forment un cortège pittoresque et
294
s nouvelles et les fuites les plus folles hors de
la
réalité, ils forment un cortège pittoresque et désolant à celui qui,
295
ge pittoresque et désolant à celui qui, revenu de
l’
étranger dans le désordre de son pays, suivra obstinément le « bon che
296
t désolant à celui qui, revenu de l’étranger dans
le
désordre de son pays, suivra obstinément le « bon chemin » de la sant
297
dans le désordre de son pays, suivra obstinément
le
« bon chemin » de la santé et de la raison. C’est à lui que va la sym
298
son pays, suivra obstinément le « bon chemin » de
la
santé et de la raison. C’est à lui que va la sympathie de l’auteur et
299
a obstinément le « bon chemin » de la santé et de
la
raison. C’est à lui que va la sympathie de l’auteur et la nôtre. h.
300
» de la santé et de la raison. C’est à lui que va
la
sympathie de l’auteur et la nôtre. h. Rougemont Denis de, « [Compt
301
de la raison. C’est à lui que va la sympathie de
l’
auteur et la nôtre. h. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Otto Fl
302
n. C’est à lui que va la sympathie de l’auteur et
la
nôtre. h. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Otto Flake, Der Gut
303
1163. i. Orthographié « Flasce » par erreur dans
l’
original.
304
opéenne », croyez-vous qu’il aille s’abandonner à
l’
émotion communicative de qui découvre un sommet ? Point. Précision, mo
305
vre un sommet ? Point. Précision, modération dans
le
jugement, humour léger, notation suggestive, telles sont les vertus d
306
t, humour léger, notation suggestive, telles sont
les
vertus de sa critique. Ce n’est que dans sa discrétion à louer une gr
307
iscrétion à louer une grande œuvre qu’on trouvera
la
mesure de son admiration et le gage de sa légitimité. Nul doute que l
308
vre qu’on trouvera la mesure de son admiration et
le
gage de sa légitimité. Nul doute que les Trois nouvelles exemplaires
309
ration et le gage de sa légitimité. Nul doute que
les
Trois nouvelles exemplaires ne suscitent un intérêt très profond : el
310
de préoccupations des plus modernes, problème de
la
réalité littéraire, problème de la personnalité. Leur Prologue pourra
311
s, problème de la réalité littéraire, problème de
la
personnalité. Leur Prologue pourrait presque aussi bien être celui d’
312
d’une pièce de Pirandello. N’annonce-t-il pas que
les
personnages des trois nouvelles « sont réels, très réels, de la réali
313
des trois nouvelles « sont réels, très réels, de
la
réalité la plus intime, de celle qu’ils se donnent eux-mêmes dans leu
314
nouvelles « sont réels, très réels, de la réalité
la
plus intime, de celle qu’ils se donnent eux-mêmes dans leur pure volo
315
ur pure volonté d’être ou de ne pas être… ». Mais
les
héros de Pirandello, s’ils veulent être, subissent, une fois qu’ils s
316
ls veulent être, subissent, une fois qu’ils sont,
le
grand malentendu de la personnalité. Tandis que chez Unamuno une volo
317
ent, une fois qu’ils sont, le grand malentendu de
la
personnalité. Tandis que chez Unamuno une volonté d’action les possèd
318
ité. Tandis que chez Unamuno une volonté d’action
les
possède, les exalte, les affole. Les plus beaux types créés par Unamu
319
ue chez Unamuno une volonté d’action les possède,
les
exalte, les affole. Les plus beaux types créés par Unamuno sont ces f
320
uno une volonté d’action les possède, les exalte,
les
affole. Les plus beaux types créés par Unamuno sont ces femmes dures
321
nté d’action les possède, les exalte, les affole.
Les
plus beaux types créés par Unamuno sont ces femmes dures et passionné
322
us dépouillé de détail extérieur ou d’enjolivure.
La
lecture de ces trois tragédies, d’une classique sobriété mais d’une b
323
une brutalité et d’une ironie romantiques, laisse
la
même impression de grandeur désolée qu’un Greco. Mais il n’y a pas le
324
e grandeur désolée qu’un Greco. Mais il n’y a pas
les
couleurs, ni l’amère volupté des formes. Une sensation de barre d’aci
325
e qu’un Greco. Mais il n’y a pas les couleurs, ni
l’
amère volupté des formes. Une sensation de barre d’acier sur la nuque.
326
té des formes. Une sensation de barre d’acier sur
la
nuque. j. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Miguel de Unamuno,
327
Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de
la
pensée française (octobre 1925)k Peut-être n’est-il pas trop tard
328
pitre qu’il vient d’ajouter à sa grande étude sur
les
rapports du christianisme et du romantisme. M. Seillière cherchait da
329
sme et du romantisme. M. Seillière cherchait dans
l’
époque romantique un témoin dont le jugement eut « l’autorité d’un ver
330
cherchait dans l’époque romantique un témoin dont
le
jugement eut « l’autorité d’un verdict essentiellement chrétien sur l
331
poque romantique un témoin dont le jugement eut «
l’
autorité d’un verdict essentiellement chrétien sur le mysticisme natur
332
utorité d’un verdict essentiellement chrétien sur
le
mysticisme naturiste ». Il ne pouvait trouver mieux que Vinet. Et j’i
333
net. Et j’imagine son étonnement à découvrir dans
l’
œuvre du penseur vaudois la substance originale de la plupart des idée
334
ement à découvrir dans l’œuvre du penseur vaudois
la
substance originale de la plupart des idées dont lui-même s’est fait
335
de la plupart des idées dont lui-même s’est fait
le
moderne champion. Pour ce qui concerne le Vinet juge des romantiques,
336
st fait le moderne champion. Pour ce qui concerne
le
Vinet juge des romantiques, il n’a pas eu trop de peine à l’annexer à
337
ge des romantiques, il n’a pas eu trop de peine à
l’
annexer à son propre corps de doctrines critiques. Dirai-je pourtant q
338
, et presque inconsciemment, à gauchir légèrement
la
pensée de Vinet pour lui ajuster sa terminologie particulière ? Mais
339
ie particulière ? Mais par ailleurs Vinet déborde
le
« sellièrisme » de tout son mysticisme protestant. Et cela n’est pas
340
eillière. C’est peut-être pourquoi il insiste sur
le
fait que Vinet se déclarait « un chrétien sans épithète ». Croit-il é
341
n chrétien sans épithète ». Croit-il éluder ainsi
le
protestantisme de Vinet ? Ne voit-il pas que rien n’est plus protesta
342
e ? Mais ces réserves sont de peu d’importance si
l’
on songe au service que M. Seillière nous rend en réintroduisant dans
343
que M. Seillière nous rend en réintroduisant dans
l’
actualité la plus brûlante les richesses intellectuelles et morales du
344
ière nous rend en réintroduisant dans l’actualité
la
plus brûlante les richesses intellectuelles et morales du grand vaudo
345
réintroduisant dans l’actualité la plus brûlante
les
richesses intellectuelles et morales du grand vaudois. Vraiment, tout
346
raiment, tout ce qui semble viable et humain dans
la
critique moderne du romantisme, Vinet l’avait trouvé. Mais sa positio
347
ain dans la critique moderne du romantisme, Vinet
l’
avait trouvé. Mais sa position purement chrétienne — un mysticisme de
348
] Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de
la
pensée française », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Gen
349
st celui-là qui s’avance » avec ce visage d’entre
la
vie et la mort « où se reflète le passage incessant d’oiseaux de la m
350
à qui s’avance » avec ce visage d’entre la vie et
la
mort « où se reflète le passage incessant d’oiseaux de la mer ? » « Q
351
visage d’entre la vie et la mort « où se reflète
le
passage incessant d’oiseaux de la mer ? » « Quel est cet homme dont l
352
« où se reflète le passage incessant d’oiseaux de
la
mer ? » « Quel est cet homme dont l’âme fait des signes solennels ? »
353
d’oiseaux de la mer ? » « Quel est cet homme dont
l’
âme fait des signes solennels ? » Une voix lente aux méandres songeurs
354
ne simplicité qui n’est pas familière. C’est bien
la
poésie d’une époque tourmentée dans sa profondeur, mais qui se penche
355
abîmes. Simplicité de notre temps ! Au-dessus de
la
trépidation immense des machines, un Saint-John-Perse, un Supervielle
356
rse, un Supervielle parlent avec des mots de tous
les
jours aux vivants et aux morts : Mère, je sais très mal comme l’on ch
357
vants et aux morts : Mère, je sais très mal comme
l’
on cherche les morts… « … Cette chose haute à la voix grave qu’on appe
358
morts : Mère, je sais très mal comme l’on cherche
les
morts… « … Cette chose haute à la voix grave qu’on appelle un père da
359
e l’on cherche les morts… « … Cette chose haute à
la
voix grave qu’on appelle un père dans les maisons. » Comme Valéry, ce
360
haute à la voix grave qu’on appelle un père dans
les
maisons. » Comme Valéry, ce poète sait « des complicités étranges pou
361
s’est créé. Jamais banal, il est parfois facile :
la
description du monde qu’il invente nous lasse quand elle ne l’étonne
362
n du monde qu’il invente nous lasse quand elle ne
l’
étonne plus assez lui-même (pourtant l’autel et le surréalisme l’ont e
363
nd elle ne l’étonne plus assez lui-même (pourtant
l’
autel et le surréalisme l’ont enrichie d’images…). Je cite des noms :
364
l’étonne plus assez lui-même (pourtant l’autel et
le
surréalisme l’ont enrichie d’images…). Je cite des noms : y a-t-il in
365
ssez lui-même (pourtant l’autel et le surréalisme
l’
ont enrichie d’images…). Je cite des noms : y a-t-il influence ou seul
366
rtent des cafés littéraires, nos poètes respirent
le
même air du temps. Leur originalité se retrouve dans la manière dont
367
e air du temps. Leur originalité se retrouve dans
la
manière dont ils tentent de fuir l’inquiétude où ils baignent. Celui-
368
retrouve dans la manière dont ils tentent de fuir
l’
inquiétude où ils baignent. Celui-ci vient à peine de quitter l’air du
369
ù ils baignent. Celui-ci vient à peine de quitter
l’
air dur des pampas. « Le voilà qui s’avance, foulant les hautes herbes
370
vient à peine de quitter l’air dur des pampas. «
Le
voilà qui s’avance, foulant les hautes herbes du ciel. » Le gaucho a
371
dur des pampas. « Le voilà qui s’avance, foulant
les
hautes herbes du ciel. » Le gaucho a dompté Pégase et caracole dans l
372
ui s’avance, foulant les hautes herbes du ciel. »
Le
gaucho a dompté Pégase et caracole dans les étoiles. J’avoue que l’un
373
iel. » Le gaucho a dompté Pégase et caracole dans
les
étoiles. J’avoue que l’univers intérieur où il lui arrive de graviter
374
Pégase et caracole dans les étoiles. J’avoue que
l’
univers intérieur où il lui arrive de graviter me trouble mieux que so
375
eux que son lyrisme cosmique. On est plus près de
l’
infini au fond de soi qu’au fond du ciel. l. Rougemont Denis de, «
376
Simone Téry,
L’
Île des bardes (décembre 1925)m L’Irlande contemporaine offre un sp
377
Simone Téry, L’Île des bardes (décembre 1925)m
L’
Irlande contemporaine offre un spectacle bien passionnant : celui de l
378
ne offre un spectacle bien passionnant : celui de
la
renaissance d’une littérature nationale à la fois cause et effet de l
379
littérature nationale à la fois cause et effet de
la
libération politique. Cause, puisque pour mener à chef cette libérati
380
es, ont su payer de leur personne. Effet, puisque
l’
héroïsme d’une révolution en faveur du passé, révolution tout de même,
381
lle Simone Téry ne fait pas. Car elle veut éviter
l’
emballement et conserver dans l’admiration son sens critique de Parisi
382
elle veut éviter l’emballement et conserver dans
l’
admiration son sens critique de Parisienne. C’est une sympathie malici
383
commentaires parfois un peu copieux ; mais elle a
la
vertu de rendre contagieuse la curiosité de l’auteur à l’endroit de c
384
ieux ; mais elle a la vertu de rendre contagieuse
la
curiosité de l’auteur à l’endroit de cette âme irlandaise en laquelle
385
a la vertu de rendre contagieuse la curiosité de
l’
auteur à l’endroit de cette âme irlandaise en laquelle s’allient une f
386
Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Simone Téry,
L’
Île des bardes », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève
387
Hugh Walpole,
La
Cité secrète (décembre 1925)n La Révolution russe va-t-elle usurpe
388
Hugh Walpole, La Cité secrète (décembre 1925)n
La
Révolution russe va-t-elle usurper dans le roman d’aventures le rôle
389
5)n La Révolution russe va-t-elle usurper dans
le
roman d’aventures le rôle de la mer Océane avec ses écumeurs ? Déjà u
390
russe va-t-elle usurper dans le roman d’aventures
le
rôle de la mer Océane avec ses écumeurs ? Déjà un Mac Orlan, un Kesse
391
elle usurper dans le roman d’aventures le rôle de
la
mer Océane avec ses écumeurs ? Déjà un Mac Orlan, un Kessel ont donné
392
t donné de beaux exemples du parti que peut tirer
le
nouveau romantisme de ce chaos. Salmon a même tenté d’en écrire l’épo
393
isme de ce chaos. Salmon a même tenté d’en écrire
l’
épopée dans Prikaz, cette traduction française de l’énorme cri de déli
394
épopée dans Prikaz, cette traduction française de
l’
énorme cri de délivrance du peuple fou. Belles étincelles échappées d’
395
u. Belles étincelles échappées d’un brasier. Pour
les
causes de l’incendie, voir Dostoïevski. M. Walpole, lui, commence son
396
celles échappées d’un brasier. Pour les causes de
l’
incendie, voir Dostoïevski. M. Walpole, lui, commence son roman quelqu
397
mmence son roman quelques mois avant que n’éclate
le
sinistre, et s’arrête au moment où l’on est sûr que ça brûle bien. Qu
398
ue n’éclate le sinistre, et s’arrête au moment où
l’
on est sûr que ça brûle bien. Quel sujet plus riche pouvait-on rêver p
399
lus riche pouvait-on rêver pour un psychologue de
la
puissance de Walpole, que l’âme russe — cette âme russe qui pour le P
400
ur un psychologue de la puissance de Walpole, que
l’
âme russe — cette âme russe qui pour le Parisien restera toujours « in
401
lpole, que l’âme russe — cette âme russe qui pour
le
Parisien restera toujours « indéfinissable ». M. Walpole, dont nous c
402
mençons aujourd’hui un roman bien différent, a vu
la
Révolution sans romantisme, dans le détail de la vie d’une ville. Il
403
fférent, a vu la Révolution sans romantisme, dans
le
détail de la vie d’une ville. Il sait qu’un grand mouvement est la ré
404
la Révolution sans romantisme, dans le détail de
la
vie d’une ville. Il sait qu’un grand mouvement est la résultante de m
405
ie d’une ville. Il sait qu’un grand mouvement est
la
résultante de millions de petits. Voici naître la révolution dans un
406
la résultante de millions de petits. Voici naître
la
révolution dans un cœur, puis dans une famille. Et une fois le grand
407
dans un cœur, puis dans une famille. Et une fois
le
grand bouleversement accompli dans la « Cité secrète » de la vie priv
408
Et une fois le grand bouleversement accompli dans
la
« Cité secrète » de la vie privée, quelques regards sur la foule suff
409
uleversement accompli dans la « Cité secrète » de
la
vie privée, quelques regards sur la foule suffisent pour en préciser
410
secrète » de la vie privée, quelques regards sur
la
foule suffisent pour en préciser les conséquences. C’est ainsi qu’int
411
s regards sur la foule suffisent pour en préciser
les
conséquences. C’est ainsi qu’interviennent les trois Anglais mêlés au
412
er les conséquences. C’est ainsi qu’interviennent
les
trois Anglais mêlés au drame. M. Walpole leur a dévolu le soin d’entr
413
Anglais mêlés au drame. M. Walpole leur a dévolu
le
soin d’entrer tantôt dans un foyer, tantôt dans une église, pour cons
414
foyer, tantôt dans une église, pour constater que
la
foule ne réagit pas autrement que les individus. L’auteur, qui est l’
415
onstater que la foule ne réagit pas autrement que
les
individus. L’auteur, qui est l’un de ces Anglais, tombe malade avec à
416
foule ne réagit pas autrement que les individus.
L’
auteur, qui est l’un de ces Anglais, tombe malade avec à-propos et per
417
vec à-propos et perd connaissance chaque fois que
le
récit doit sauter quelques semaines. Qu’on veuille bien ne voir autre
418
« procédés », d’ailleurs assez peu choquants, que
le
revers de grandes qualités de réalisation d’idées en faits ou en situ
419
ts ou en situations dramatiques. Je donnerai tous
les
essais de M. de Voguë sur l’âme slave pour deux ou trois scènes de La
420
s. Je donnerai tous les essais de M. de Voguë sur
l’
âme slave pour deux ou trois scènes de La Cité secrète. Pour celle-ci
421
oguë sur l’âme slave pour deux ou trois scènes de
La
Cité secrète. Pour celle-ci par exemple (caché dans un réduit, Markov
422
ci par exemple (caché dans un réduit, Markovitch,
l’
idéaliste, surprend sa femme, la vertueuse Véra avec un des Anglais) :
423
duit, Markovitch, l’idéaliste, surprend sa femme,
la
vertueuse Véra avec un des Anglais) : Ils s’embrassaient comme des g
424
ébucher et de faire du bruit. Il songea : — C’est
la
fin pour moi. Puis : — Quelle imprudence ! Avec la lumière et peut-êt
425
a fin pour moi. Puis : — Quelle imprudence ! Avec
la
lumière et peut-être du monde dans l’appartement. Il avait si froid q
426
ence ! Avec la lumière et peut-être du monde dans
l’
appartement. Il avait si froid que ses dents claquaient. Il quitta sa
427
aquaient. Il quitta sa fenêtre, se traîna jusqu’à
l’
angle le plus éloigné du réduit, et se blottit là, sur le sol, les yeu
428
. Il quitta sa fenêtre, se traîna jusqu’à l’angle
le
plus éloigné du réduit, et se blottit là, sur le sol, les yeux grands
429
le plus éloigné du réduit, et se blottit là, sur
le
sol, les yeux grands ouverts dans le vide, sans rien voir. Ainsi le
430
éloigné du réduit, et se blottit là, sur le sol,
les
yeux grands ouverts dans le vide, sans rien voir. Ainsi le moujik de
431
ttit là, sur le sol, les yeux grands ouverts dans
le
vide, sans rien voir. Ainsi le moujik devant le bolchévique violant
432
ands ouverts dans le vide, sans rien voir. Ainsi
le
moujik devant le bolchévique violant sa patrie. Une effroyable accept
433
le vide, sans rien voir. Ainsi le moujik devant
le
bolchévique violant sa patrie. Une effroyable acceptation, mais elle
434
ment en révolte. Aucun cadre logique ne détermine
l’
avenir le plus proche. Il n’y a pas même des forces endormies dans l’â
435
évolte. Aucun cadre logique ne détermine l’avenir
le
plus proche. Il n’y a pas même des forces endormies dans l’âme russe
436
oche. Il n’y a pas même des forces endormies dans
l’
âme russe : mais des possibilités, à chaque instant, d’explosion. Le g
437
des possibilités, à chaque instant, d’explosion.
Le
géant russe est un enfant : va-t-il rire, va-t-il pleurer ? m’embrass
438
me tuer ? Il sent autour de lui quelque chose qui
le
gêne. C’est l’empire. Il le renverse, pour voir. Pendant qu’il est en
439
nt autour de lui quelque chose qui le gêne. C’est
l’
empire. Il le renverse, pour voir. Pendant qu’il est encore ébahi du f
440
lui quelque chose qui le gêne. C’est l’empire. Il
le
renverse, pour voir. Pendant qu’il est encore ébahi du fracas, le jui
441
r voir. Pendant qu’il est encore ébahi du fracas,
le
juif survient avec une méthode simplifiée pour l’exploitation des rui
442
le juif survient avec une méthode simplifiée pour
l’
exploitation des ruines. On sait le reste. Tout cela, Walpole ne le di
443
implifiée pour l’exploitation des ruines. On sait
le
reste. Tout cela, Walpole ne le dit pas. Mais ses personnages le sugg
444
s ruines. On sait le reste. Tout cela, Walpole ne
le
dit pas. Mais ses personnages le suggèrent de toute la force du troub
445
cela, Walpole ne le dit pas. Mais ses personnages
le
suggèrent de toute la force du trouble qu’ils créent en nous : Markov
446
t pas. Mais ses personnages le suggèrent de toute
la
force du trouble qu’ils créent en nous : Markovitch par exemple, ou S
447
ougemont Denis de, « [Compte rendu] Hugh Walpole,
La
Cité secrète », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève,
448
Adieu, beau désordre… (mars 1926)o
L’
époque s’en va très vite vers on ne sait quoi. On a mis le bonheur dev
449
s’en va très vite vers on ne sait quoi. On a mis
le
bonheur devant soi, dans un progrès mal défini, et l’on court après s
450
onheur devant soi, dans un progrès mal défini, et
l’
on court après sans fin. Même ceux qui ont perdu la croyance en un bon
451
’on court après sans fin. Même ceux qui ont perdu
la
croyance en un bonheur possible ou désirable subissent cette rage dés
452
essives lassitudes ou faim de violences — on sent
l’
approche de quelque chose, catastrophe ou révélation, brusque échappée
453
hoisir encore entre un ressaisissement profond et
la
ruine. Mais certes, il est temps qu’une lueur de conscience inquiète
454
iété affolée et ridiculement opportuniste où mène
la
pente de notre civilisation. Meneurs et chefs : des économistes, des
455
s, des financiers, des industriels. Il y a encore
les
hommes politiques, mais on a si souvent l’impression qu’ils battent l
456
ncore les hommes politiques, mais on a si souvent
l’
impression qu’ils battent la mesure devant un orchestre qui, sans eux,
457
mais on a si souvent l’impression qu’ils battent
la
mesure devant un orchestre qui, sans eux, jouerait aussi bien, aussi
458
erait aussi bien, aussi mal. Quant aux meneurs de
l’
opinion publique, il est trop tard pour les éduquer, il faudrait balay
459
eurs de l’opinion publique, il est trop tard pour
les
éduquer, il faudrait balayer. Je parle en général, sachant bien qu’un
460
Romier, un Bainville, quelques autres, sont parmi
les
plus conscients de ce temps ; mais si l’on songe aux bataillons de pâ
461
t parmi les plus conscients de ce temps ; mais si
l’
on songe aux bataillons de pâles opportunistes sans culture qui se cha
462
portunistes sans culture qui se chargent de gaver
les
masses du pain quotidien de la bêtise de tous les partis, on comprend
463
chargent de gaver les masses du pain quotidien de
la
bêtise de tous les partis, on comprendra ce que je veux dire. Il faud
464
les masses du pain quotidien de la bêtise de tous
les
partis, on comprendra ce que je veux dire. Il faudrait balayer, — et
465
veux dire. Il faudrait balayer, — et mettre qui à
la
place ? Nos penseurs, nos écrivains ont perdu le sens social. Cela de
466
la place ? Nos penseurs, nos écrivains ont perdu
le
sens social. Cela devient frappant dans les générations nouvelles. To
467
perdu le sens social. Cela devient frappant dans
les
générations nouvelles. Toute la jeune littérature décrit un type d’ho
468
nt frappant dans les générations nouvelles. Toute
la
jeune littérature décrit un type d’homme profondément antisocial, glo
469
rale résolument anarchiste. Ceux qui s’essaient à
l’
action, c’est encore pour cultiver leur moi. Ils y cherchent un fortif
470
Il leur manque une certitude foncière, une foi en
la
valeur de l’action. C’est pourquoi ils ne peuvent prétendre à l’actio
471
e une certitude foncière, une foi en la valeur de
l’
action. C’est pourquoi ils ne peuvent prétendre à l’action sociale que
472
action. C’est pourquoi ils ne peuvent prétendre à
l’
action sociale que l’époque réclame 1. C’est aussi pourquoi l’on ne sa
473
i ils ne peuvent prétendre à l’action sociale que
l’
époque réclame 1. C’est aussi pourquoi l’on ne saurait accorder trop d
474
iale que l’époque réclame 1. C’est aussi pourquoi
l’
on ne saurait accorder trop d’importance à leurs tentatives morales, s
475
tives morales, si singulières soient-elles — dont
le
grand public reste le témoin souvent sceptique ou railleur. Au cœur d
476
ulières soient-elles — dont le grand public reste
le
témoin souvent sceptique ou railleur. Au cœur de la crise de notre ci
477
témoin souvent sceptique ou railleur. Au cœur de
la
crise de notre civilisation, il y a un problème de morale à résoudre,
478
nce individuelle à recréer. Nous y employer, pour
l’
heure, c’est la seule façon efficace de servir. ⁂ On se complaît à rép
479
e à recréer. Nous y employer, pour l’heure, c’est
la
seule façon efficace de servir. ⁂ On se complaît à répéter que nous v
480
. ⁂ On se complaît à répéter que nous vivons dans
le
chaos des idées et des doctrines, et qu’il n’existe pas d’esprit du s
481
le, hors un certain « confusionnisme ». Mais sous
les
épaves de tous les vieux bateaux, il y a une seule mer. Nos agitation
482
« confusionnisme ». Mais sous les épaves de tous
les
vieux bateaux, il y a une seule mer. Nos agitations contradictoires s
483
comme des vagues soulevées par une même tempête.
L’
unité de notre temps est en profondeur : c’est une unité d’inquiétude.
484
it des édifices très différents de style, et dont
les
façades s’opposent avec hostilité. Dans l’intérieur des deux maisons
485
dont les façades s’opposent avec hostilité. Dans
l’
intérieur des deux maisons pourtant se débattent les mêmes brouilles d
486
’intérieur des deux maisons pourtant se débattent
les
mêmes brouilles de famille entre Art et Morale, Pensée et Action… Ces
487
, Pensée et Action… Ces deux moralistes adonnés à
la
culture et à la libération du moi paraissent bien les ancêtres des no
488
on… Ces deux moralistes adonnés à la culture et à
la
libération du moi paraissent bien les ancêtres des nouvelles générati
489
culture et à la libération du moi paraissent bien
les
ancêtres des nouvelles générations de héros de roman, lesquels sont t
490
rtu. Ce qui n’a rien d’étonnant : ils ne sont que
les
projections du moi de leurs auteurs. Or l’égoïsme est vertu cardinale
491
t que les projections du moi de leurs auteurs. Or
l’
égoïsme est vertu cardinale pour le créateur. Mais quel est ce besoin
492
rs auteurs. Or l’égoïsme est vertu cardinale pour
le
créateur. Mais quel est ce besoin si général de s’incarner, dans le h
493
quel est ce besoin si général de s’incarner, dans
le
héros de son roman, de se voir vivre, dans son œuvre ? C’est ici la c
494
man, de se voir vivre, dans son œuvre ? C’est ici
la
conception même de la littérature, telle qu’elle apparaît chez les ém
495
dans son œuvre ? C’est ici la conception même de
la
littérature, telle qu’elle apparaît chez les émules de Barrès comme c
496
me de la littérature, telle qu’elle apparaît chez
les
émules de Barrès comme chez ceux de Gide, qu’il faut préciser. L’éthi
497
rès comme chez ceux de Gide, qu’il faut préciser.
L’
éthique et l’esthétique convergent dans la littérature d’aujourd’hui,
498
z ceux de Gide, qu’il faut préciser. L’éthique et
l’
esthétique convergent dans la littérature d’aujourd’hui, et plusieurs
499
éciser. L’éthique et l’esthétique convergent dans
la
littérature d’aujourd’hui, et plusieurs déjà reconnaissent ne pas pou
500
i, et plusieurs déjà reconnaissent ne pas pouvoir
les
séparer. On n’écrit plus pour s’amuser : ni pour amuser un public. Un
501
lic. Un livre est une action, une expérience. Et,
le
plus souvent, sur soi-même. On écrit pour cultiver son moi, pour l’ép
502
ur soi-même. On écrit pour cultiver son moi, pour
l’
éprouver et le prémunir, pour y découvrir des possibilités neuves, — p
503
n écrit pour cultiver son moi, pour l’éprouver et
le
prémunir, pour y découvrir des possibilités neuves, — pour le libérer
504
pour y découvrir des possibilités neuves, — pour
le
libérer. Il n’est pas question de rechercher ici les origines histori
505
libérer. Il n’est pas question de rechercher ici
les
origines historiques d’une conception qui, de plus en plus, se révèle
506
’une conception qui, de plus en plus, se révèle à
la
base de tous les problèmes modernes en littérature. Jacques Rivière s
507
qui, de plus en plus, se révèle à la base de tous
les
problèmes modernes en littérature. Jacques Rivière s’y appliqua dans
508
erniers articles2. Il rendait responsable de tout
le
« mal », le romantisme — et c’est plus que probable. Mais il en tirai
509
cles2. Il rendait responsable de tout le « mal »,
le
romantisme — et c’est plus que probable. Mais il en tirait une raison
510
robable. Mais il en tirait une raison nouvelle de
le
condamner, et nous ne pouvons le suivre jusque-là : il est vain de di
511
ison nouvelle de le condamner, et nous ne pouvons
le
suivre jusque-là : il est vain de dire qu’une époque s’est trompée, p
512
ne époque s’est trompée, puisqu’elle seule permet
la
suivante qui peut-être retrouvera une nouvelle face de la vérité. Bor
513
nte qui peut-être retrouvera une nouvelle face de
la
vérité. Bornons-nous à noter le phénomène, puis à en suivre quelques
514
nouvelle face de la vérité. Bornons-nous à noter
le
phénomène, puis à en suivre quelques conséquences. Connaissance inté
515
ance intégrale et culture de soi, telle peut être
l’
épigraphe de toute la littérature moderne. Il n’a pas fallu longtemps
516
ture de soi, telle peut être l’épigraphe de toute
la
littérature moderne. Il n’a pas fallu longtemps aux Français pour pou
517
fallu longtemps aux Français pour pousser à bout
l’
expérience3. Ingénieux équilibres entre la raison et les sens, entre l
518
à bout l’expérience3. Ingénieux équilibres entre
la
raison et les sens, entre le moi et le monde : l’ennui est venu avant
519
érience3. Ingénieux équilibres entre la raison et
les
sens, entre le moi et le monde : l’ennui est venu avant l’épuisement
520
eux équilibres entre la raison et les sens, entre
le
moi et le monde : l’ennui est venu avant l’épuisement des combinaison
521
bres entre la raison et les sens, entre le moi et
le
monde : l’ennui est venu avant l’épuisement des combinaisons possible
522
la raison et les sens, entre le moi et le monde :
l’
ennui est venu avant l’épuisement des combinaisons possibles. Exaltati
523
entre le moi et le monde : l’ennui est venu avant
l’
épuisement des combinaisons possibles. Exaltation méthodique de nos fa
524
cultiver certaines douleurs, plaisirs rares ; et
les
dissonances les plus aiguës prennent la place d’honneur dans des esth
525
nes douleurs, plaisirs rares ; et les dissonances
les
plus aiguës prennent la place d’honneur dans des esthétiques construi
526
res ; et les dissonances les plus aiguës prennent
la
place d’honneur dans des esthétiques construites en hâte à l’usage de
527
onneur dans des esthétiques construites en hâte à
l’
usage de sensibilités surmenées. Dégoût, parce que tout a été essayé.
528
se, contre soi, contre une difficulté.) Dégoût de
la
vie, dégoût du bonheur, dégoût de soi, — on l’étend vite à la société
529
de la vie, dégoût du bonheur, dégoût de soi, — on
l’
étend vite à la société entière. Dégoût d’une civilisation qui aboutit
530
ût du bonheur, dégoût de soi, — on l’étend vite à
la
société entière. Dégoût d’une civilisation qui aboutit logiquement à
531
ogiquement à cet épuisant et forcené gaspillage :
la
guerre. Certains s’en tiennent à leur dégoût et l’exploitent. Ainsi s
532
a guerre. Certains s’en tiennent à leur dégoût et
l’
exploitent. Ainsi se légitime le surréalisme, qui vomit le monde entie
533
à leur dégoût et l’exploitent. Ainsi se légitime
le
surréalisme, qui vomit le monde entier et la raison avec. « Révolutio
534
tent. Ainsi se légitime le surréalisme, qui vomit
le
monde entier et la raison avec. « Révolution d’abord. Révolution touj
535
time le surréalisme, qui vomit le monde entier et
la
raison avec. « Révolution d’abord. Révolution toujours ». « Pour nous
536
tion d’abord. Révolution toujours ». « Pour nous,
le
salut n’est nulle part… » « Je comprends la révolte des autres et que
537
nous, le salut n’est nulle part… » « Je comprends
la
révolte des autres et quelles prières cela fait à Dieu », disait Drie
538
n dégoût, un Montherlant s’abandonne au salut par
la
violence. Une sensualité moins énervée lui permet de brutaliser quelq
539
oins énervée lui permet de brutaliser quelque peu
les
« grands problèmes », et le voilà reparti dans un égoïsme triomphant,
540
utaliser quelque peu les « grands problèmes », et
le
voilà reparti dans un égoïsme triomphant, pur du désir d’action qui e
541
’action qui empêtrait Barrès dans des dilemmes où
l’
art trouvait mal sa nourriture. Drieu la Rochelle tente la même fuite.
542
ouvait mal sa nourriture. Drieu la Rochelle tente
la
même fuite. Mais trop lucide, hésite, trébuche, oscille entre la viol
543
Mais trop lucide, hésite, trébuche, oscille entre
la
violence et le désespoir (c’est l’amour), et, déchiré de contradictio
544
e, hésite, trébuche, oscille entre la violence et
le
désespoir (c’est l’amour), et, déchiré de contradictions, tire du dés
545
oscille entre la violence et le désespoir (c’est
l’
amour), et, déchiré de contradictions, tire du désordre de ses certitu
546
tire du désordre de ses certitudes fragmentaires
la
matière de quelques pamphlets par quoi il se raccroche au monde. Mais
547
au monde. Mais il a touché certains bas-fonds de
l’
âme où s’éveille un désenchantement qui l’amène au besoin d’une mystiq
548
onds de l’âme où s’éveille un désenchantement qui
l’
amène au besoin d’une mystique. Et pour finir, l’un des derniers venus
549
nus, Marcel Arland, — plus jeune, il n’a pas fait
la
guerre — c’est le même désenchantement précoce, sans la brusquerie de
550
, — plus jeune, il n’a pas fait la guerre — c’est
le
même désenchantement précoce, sans la brusquerie de ses aînés. Encore
551
rre — c’est le même désenchantement précoce, sans
la
brusquerie de ses aînés. Encore un qui s’est complu dans son dégoût ;
552
voir comme un appel du Dieu perdu. Il avoue enfin
la
cause secrète des inquiétudes modernes : la perte d’une foi. Il a bes
553
enfin la cause secrète des inquiétudes modernes :
la
perte d’une foi. Il a besoin de Dieu, mais il attend en vain sa Révél
554
on : « C’est peut-être que je suis médiocre entre
les
hommes ». C’est plutôt qu’il est trop attaché encore à se regarder ch
555
on dessein. ⁂ Décidément nous sommes malades dans
les
profondeurs. Et le mal est si cruellement isolé, commenté par ceux qu
556
ment nous sommes malades dans les profondeurs. Et
le
mal est si cruellement isolé, commenté par ceux qui le portent en eux
557
l est si cruellement isolé, commenté par ceux qui
le
portent en eux qu’il en paraît plus incurable. Ces jeunes gens n’en f
558
indre leur déséquilibre. Il serait temps de faire
la
critique des méthodes et des façons de vivre autant que de penser qui
559
s et des façons de vivre autant que de penser qui
les
ont amenés aux positions qu’on vient d’esquisser. Mais on trouve tout
560
qu’on vient d’esquisser. Mais on trouve tout dans
les
livres des jeunes, dites-vous, le pire et le meilleur, toutes les vie
561
ouve tout dans les livres des jeunes, dites-vous,
le
pire et le meilleur, toutes les vieilleries morales et immorales, tou
562
ans les livres des jeunes, dites-vous, le pire et
le
meilleur, toutes les vieilleries morales et immorales, tous les parad
563
eunes, dites-vous, le pire et le meilleur, toutes
les
vieilleries morales et immorales, tous les paradoxes, le chaos, etc.
564
toutes les vieilleries morales et immorales, tous
les
paradoxes, le chaos, etc. — Certes, aucune époque ne fut à la fois pl
565
lleries morales et immorales, tous les paradoxes,
le
chaos, etc. — Certes, aucune époque ne fut à la fois plus morale et p
566
u’aucune ne s’est autant attachée à chercher dans
le
seul moi les fondements d’une éthique. Presque tous sont hantés par l
567
s’est autant attachée à chercher dans le seul moi
les
fondements d’une éthique. Presque tous sont hantés par la peur d’une
568
ments d’une éthique. Presque tous sont hantés par
la
peur d’une morale qui « déforme », qui mutile une tendance naturelle,
569
e naturelle, qui élague, qui opère un choix parmi
les
éléments mêlés de la personnalité. Toute tendance qu’ils découvrent e
570
e, qui opère un choix parmi les éléments mêlés de
la
personnalité. Toute tendance qu’ils découvrent en eux est non seuleme
571
oi ordre et désordre, raison et folie, etc. Si je
les
cultive simultanément il est clair que les tendances négatives l’empo
572
Si je les cultive simultanément il est clair que
les
tendances négatives l’emportent, il est plus facile et plus enivrant
573
tanément il est clair que les tendances négatives
l’
emportent, il est plus facile et plus enivrant de se laisser glisser q
574
vrant de se laisser glisser que de construire. Et
l’
on y prend vite goût. Cela tourne alors en passion de détruire, en ha
575
t de quoi se glorifient ses tenants, ils y voient
la
suprême liberté. Le désir se précisait en moi de commettre enfin l’ac
576
ent ses tenants, ils y voient la suprême liberté.
Le
désir se précisait en moi de commettre enfin l’acte vraiment indéfend
577
. Le désir se précisait en moi de commettre enfin
l’
acte vraiment indéfendable de tout point de vue… J’avais goûté à l’alc
578
ndéfendable de tout point de vue… J’avais goûté à
l’
alcool singulièrement perfide de perdre ce que nous chérissons… Nous a
579
ce que nous chérissons… Nous apprîmes à mépriser
les
longues vies heureuses que nous avions jusqu’alors enviées, et une nu
580
ions jusqu’alors enviées, et une nuit, nous fîmes
le
procès de toutes les jouissances humaines. L’espèce de sincérité terr
581
iées, et une nuit, nous fîmes le procès de toutes
les
jouissances humaines. L’espèce de sincérité terroriste dans laquelle
582
mes le procès de toutes les jouissances humaines.
L’
espèce de sincérité terroriste dans laquelle nous nous obstinions nous
583
nous niions toute vérité, nous étions dominés par
le
sens d’une réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent a
584
illeurs admirable4, de Louis Aragon, pour marquer
l’
aboutissement d’une évolution qui a son origine dans l’œuvre de Gide.
585
utissement d’une évolution qui a son origine dans
l’
œuvre de Gide. Entre les Nourritures terrestres, les Caves du Vatican
586
ion qui a son origine dans l’œuvre de Gide. Entre
les
Nourritures terrestres, les Caves du Vatican et Dada, il y a place po
587
’œuvre de Gide. Entre les Nourritures terrestres,
les
Caves du Vatican et Dada, il y a place pour tous les chaînons d’inqui
588
Caves du Vatican et Dada, il y a place pour tous
les
chaînons d’inquiétude, de malaises, de révoltes plus ou moins complèt
589
plus ou moins complètes au gré des tempéraments.
Le
geste de Lafcadio généralisé : c’est le surréalisme. De l’acte gratui
590
éraments. Le geste de Lafcadio généralisé : c’est
le
surréalisme. De l’acte gratuit commis par un héros de roman, à la vie
591
de Lafcadio généralisé : c’est le surréalisme. De
l’
acte gratuit commis par un héros de roman, à la vie gratuite que préte
592
De l’acte gratuit commis par un héros de roman, à
la
vie gratuite que prétendent mener les surréalistes, il n’a fallu que
593
de roman, à la vie gratuite que prétendent mener
les
surréalistes, il n’a fallu que le temps pour une folie de s’emballer.
594
étendent mener les surréalistes, il n’a fallu que
le
temps pour une folie de s’emballer. La plupart des romans de jeunes q
595
qui se situent entre Gide et Aragon nous montrent
le
même personnage : un être sans foi, à qui une sorte de « sincérité »
596
nné parce que ce serait fausser quelque chose ; à
la
merci des circonstances extérieures qu’il méprise toutes également ;
597
e juger5. Il y a véritablement une littérature de
l’
acte gratuit, qui restera caractéristique de notre époque. Mais Gide
598
méthode de culture de soi, « d’intensification de
la
vie », et qui consiste à pousser à l’extrême certaines « vertus », le
599
fication de la vie », et qui consiste à pousser à
l’
extrême certaines « vertus », les pousser jusqu’à l’absurde. Surenchèr
600
siste à pousser à l’extrême certaines « vertus »,
les
pousser jusqu’à l’absurde. Surenchère morale dont le début de la Tent
601
extrême certaines « vertus », les pousser jusqu’à
l’
absurde. Surenchère morale dont le début de la Tentative amoureuse off
602
pousser jusqu’à l’absurde. Surenchère morale dont
le
début de la Tentative amoureuse offrait déjà une singulière préfigura
603
u’à l’absurde. Surenchère morale dont le début de
la
Tentative amoureuse offrait déjà une singulière préfiguration : Certe
604
singulière préfiguration : Certes ce ne seront ni
les
lois importunes des hommes, ni les craintes, ni la pudeur, ni le remo
605
e ne seront ni les lois importunes des hommes, ni
les
craintes, ni la pudeur, ni le remords, ni le respect de moi ni de mes
606
s lois importunes des hommes, ni les craintes, ni
la
pudeur, ni le remords, ni le respect de moi ni de mes rêves, ni toi,
607
nes des hommes, ni les craintes, ni la pudeur, ni
le
remords, ni le respect de moi ni de mes rêves, ni toi, triste mort, n
608
ni les craintes, ni la pudeur, ni le remords, ni
le
respect de moi ni de mes rêves, ni toi, triste mort, ni l’effroi d’ap
609
t de moi ni de mes rêves, ni toi, triste mort, ni
l’
effroi d’après-tombe qui m’empêcheront de joindre ce que je désire ; n
610
de joindre ce que je désire ; ni rien — rien que
l’
orgueil, sachant une chose si forte, de me sentir plus fort encore et
611
ose si forte, de me sentir plus fort encore et de
la
vaincre. — Mais la joie d’une si haute victoire — n’est pas si douce
612
sentir plus fort encore et de la vaincre. — Mais
la
joie d’une si haute victoire — n’est pas si douce encore, n’est pas s
613
à quel genre de sophismes conduit ce mouvement de
l’
esprit qui n’utilise une borne que pour sauter plus loin. Ainsi, c’est
614
loin. Ainsi, c’est par humilité qu’on renoncera à
la
vertu, sous prétexte qu’elle pousse à l’orgueil ; c’est par sincérité
615
oncera à la vertu, sous prétexte qu’elle pousse à
l’
orgueil ; c’est par sincérité qu’on mentira, puisque parfois nous somm
616
llement à considérer un certain immoralisme comme
la
seule vertu digne d’une élite. Tel est l’état d’esprit de la plupart
617
e comme la seule vertu digne d’une élite. Tel est
l’
état d’esprit de la plupart de nos jeunes moralistes. Le mot de parado
618
d’esprit de la plupart de nos jeunes moralistes.
Le
mot de paradoxe serait bien pauvre pour expliquer ce besoin de porter
619
chose, au-delà de toutes limites. « Il n’y a que
les
excès qui méritent notre enthousiasme ». Mais « cette fureur qui le s
620
ent notre enthousiasme ». Mais « cette fureur qui
le
soulevait contre lui-même, qui lui faisait mépriser son propre intérê
621
mépriser son propre intérêt6… » c’est proprement
la
perversion d’une vertu qui se brûle elle-même. Je ne vais point nier
622
rtu qui se brûle elle-même. Je ne vais point nier
la
fécondité psychologique d’une attitude par ailleurs si proche de cert
623
es dernières conséquences suppose qu’on ait perdu
le
sens des ensembles rationnels. Nous ne pensons plus par ensembles7 :
624
pas d’une fatigue immense. Nous voyons se fausser
le
rythme des jours et des nuits à mesure que se développe une civilisat
625
que se développe une civilisation mécanicienne. (
Les
machines n’ont pas besoin de sommeil.) La fatigue devient un des élém
626
enne. (Les machines n’ont pas besoin de sommeil.)
La
fatigue devient un des éléments les plus importants de notre psycholo
627
n de sommeil.) La fatigue devient un des éléments
les
plus importants de notre psychologie. Images des surréalistes — ils l
628
notre psychologie. Images des surréalistes — ils
l’
indiquent eux-mêmes —, calembours, expression métaphorique et symboliq
629
embours, expression métaphorique et symbolique de
la
pensée : la littérature d’avant-garde est fille de la fatigue. La Mus
630
ression métaphorique et symbolique de la pensée :
la
littérature d’avant-garde est fille de la fatigue. La Muse a trop vei
631
ensée : la littérature d’avant-garde est fille de
la
fatigue. La Muse a trop veillé. L’amour moderne, nerveux, saugrenu ju
632
ittérature d’avant-garde est fille de la fatigue.
La
Muse a trop veillé. L’amour moderne, nerveux, saugrenu jusqu’au sadis
633
e est fille de la fatigue. La Muse a trop veillé.
L’
amour moderne, nerveux, saugrenu jusqu’au sadisme, trop lucide, est un
634
u sadisme, trop lucide, est un amour de fatigués (
Les
Nuits, l’Europe galante, de Morand). La lucidité aiguë de nos psychol
635
trop lucide, est un amour de fatigués (Les Nuits,
l’
Europe galante, de Morand). La lucidité aiguë de nos psychologues est
636
atigués (Les Nuits, l’Europe galante, de Morand).
La
lucidité aiguë de nos psychologues est cet état presque inhumain de c
637
ie, à ses sensations, à ses automatismes. En art,
la
fatigue est un des états les plus riches de visions nouvelles, et qui
638
automatismes. En art, la fatigue est un des états
les
plus riches de visions nouvelles, et qui résiste le mieux à l’analyse
639
plus riches de visions nouvelles, et qui résiste
le
mieux à l’analyse. Seulement nous y perdons graduellement l’intellige
640
s de visions nouvelles, et qui résiste le mieux à
l’
analyse. Seulement nous y perdons graduellement l’intelligence de nos
641
l’analyse. Seulement nous y perdons graduellement
l’
intelligence de nos instincts, la conscience de nos limites naturelles
642
ns graduellement l’intelligence de nos instincts,
la
conscience de nos limites naturelles, tout ce qui servirait de frein
643
⁂ Recréer une conscience individuelle ; retrouver
le
sens social, le sens des ensembles et des proportions ; rééduquer les
644
nscience individuelle ; retrouver le sens social,
le
sens des ensembles et des proportions ; rééduquer les instincts du co
645
sens des ensembles et des proportions ; rééduquer
les
instincts du corps et de l’âme ; vouloir une foi… La morale de demain
646
portions ; rééduquer les instincts du corps et de
l’
âme ; vouloir une foi… La morale de demain sera en réaction complète c
647
instincts du corps et de l’âme ; vouloir une foi…
La
morale de demain sera en réaction complète contre celle d’aujourd’hui
648
out. Il ne s’agit pas, encore une fois, de renier
l’
immense effort pour se libérer de l’universelle hypocrisie accompli pa
649
is, de renier l’immense effort pour se libérer de
l’
universelle hypocrisie accompli par des générations qui ne lèguent aux
650
hons au contraire profiter des démonstrations par
l’
absurde de quelques problèmes moraux et littéraires 8, à quoi beaucoup
651
t agir, ou bien être agi. Donner une conscience à
l’
époque, ou se défaire avec elle et dériver vers un Orient d’oubli — (m
652
hies, quels Niagaras 9 !) Quelques jeunes hommes
l’
ont compris. Ils sont modestes — ne s’isolant pas de la Société ; ils
653
compris. Ils sont modestes — ne s’isolant pas de
la
Société ; ils savent que pour lutter il faut des armes et ne méprisen
654
pour lutter il faut des armes et ne méprisent pas
la
culture ; sans autre parti pris que celui de vivre, c’est-à-dire de c
655
ttie à son objet, qu’il n’y a de liberté que dans
la
soumission aux lois naturelles ; et leur effort est de retrouver ces
656
gnent pas de choisir parmi leurs instincts, ni de
les
améliorer 10. Tout ceci est assez nouveau. (Après tant de cocktails,
657
ouveau. (Après tant de cocktails, quelle saveur a
l’
eau claire !) Quelques autres se recueillent encore dans l’attente ang
658
ire !) Quelques autres se recueillent encore dans
l’
attente angoissée d’une révélation et dans la connaissance de leur mis
659
dans l’attente angoissée d’une révélation et dans
la
connaissance de leur misère. Pareils à ceux dont Vinet disait qu’ils
660
ont Vinet disait qu’ils s’en vont « épiant toutes
les
émotions de l’âme, et lui multipliant ses douleurs en les lui nommant
661
qu’ils s’en vont « épiant toutes les émotions de
l’
âme, et lui multipliant ses douleurs en les lui nommant », ils décrive
662
ions de l’âme, et lui multipliant ses douleurs en
les
lui nommant », ils décrivent le tourment dont sortira peut-être une f
663
ses douleurs en les lui nommant », ils décrivent
le
tourment dont sortira peut-être une foi nouvelle ; mais qu’ils sachen
664
foi nouvelle ; mais qu’ils sachent, quand viendra
le
moment, détourner les yeux de leur recherche pour contempler un absol
665
u’ils sachent, quand viendra le moment, détourner
les
yeux de leur recherche pour contempler un absolu ; qu’ils osent se fa
666
u’ils osent se faire violence pour se hisser dans
la
lumière. « Il vaut mieux, dit encore Vinet, ne voir d’abord que les g
667
vaut mieux, dit encore Vinet, ne voir d’abord que
les
grands traits de sa nature, ne connaître que les grands mots de la la
668
les grands traits de sa nature, ne connaître que
les
grands mots de la langue morale, suivre à l’égard de soi-même la méth
669
de sa nature, ne connaître que les grands mots de
la
langue morale, suivre à l’égard de soi-même la méthode de l’Évangile
670
de la langue morale, suivre à l’égard de soi-même
la
méthode de l’Évangile qui, prenant à plein poing toutes ces petites m
671
orale, suivre à l’égard de soi-même la méthode de
l’
Évangile qui, prenant à plein poing toutes ces petites misères, en com
672
civiques. Mais que nos moralistes — presque tous
les
jeunes écrivains — se souviennent de penser en fonction du temps prés
673
temps présent, soit qu’ils veuillent en améliorer
les
conditions, ou les transformer totalement. — Alors, vous croyez à l’a
674
qu’ils veuillent en améliorer les conditions, ou
les
transformer totalement. — Alors, vous croyez à l’action sociale des é
675
es transformer totalement. — Alors, vous croyez à
l’
action sociale des écrivains ? Peut-être. En tout cas je vois bien le
676
s écrivains ? Peut-être. En tout cas je vois bien
le
mal qu’ils ont fait et qu’au fond, leur refus d’agir sur l’époque, c’
677
ils ont fait et qu’au fond, leur refus d’agir sur
l’
époque, c’est une manière d’agir contre elle. 2. « La crise du concep
678
oque, c’est une manière d’agir contre elle. 2. «
La
crise du concept de littérature », NRF, 1923. 3. « Il s’était dévelo
679
« Il s’était développé en nous un goût furieux de
l’
expérience humaine. » (Aragon) 4. « Lorsque tout est fini » dans Libe
680
Libertinage. (NRF) 5. Détours de René Crevel ;
les
romans de Philippe Soupault ; l’Incertain de Maurice Betz ; certains
681
e René Crevel ; les romans de Philippe Soupault ;
l’
Incertain de Maurice Betz ; certains personnages d’Arland, de Louis Ar
682
ouis Aragon, de Drieu la Rochelle. Je ne cite que
les
plus significatifs. 6. Aragon, loc. cit. 7. Le « goût du désastre
683
es plus significatifs. 6. Aragon, loc. cit. 7.
Le
« goût du désastre » qui est au fond du romantisme moderne nous empêc
684
ement de construire et de nous construire. Jamais
l’
on ne fut plus loin de l’idéal goethéen : au lieu de tout composer en
685
nous construire. Jamais l’on ne fut plus loin de
l’
idéal goethéen : au lieu de tout composer en soi, on veut tout cultive
686
omposer en soi, on veut tout cultiver, et en fait
l’
on se contente d’une violence, d’un vice, d’une inquiétude. 8. « Cert
687
réelles » (Marcel Arland). 9. Ce serait au moins
la
liberté ! crieront les surréalistes. Voire. On est moins libre à Mosc
688
nd). 9. Ce serait au moins la liberté ! crieront
les
surréalistes. Voire. On est moins libre à Moscou qu’à Montparnasse. D
689
D’ailleurs leurs théories nous ramèneraient vite
l’
âge de la pierre, à la condition d’homme la plus nue ; la plus éloigné
690
rs leurs théories nous ramèneraient vite l’âge de
la
pierre, à la condition d’homme la plus nue ; la plus éloignée de cell
691
ries nous ramèneraient vite l’âge de la pierre, à
la
condition d’homme la plus nue ; la plus éloignée de celle qui permet
692
t vite l’âge de la pierre, à la condition d’homme
la
plus nue ; la plus éloignée de celle qui permet le surréalisme. 10.
693
e la pierre, à la condition d’homme la plus nue ;
la
plus éloignée de celle qui permet le surréalisme. 10. Une équipe d’h
694
a plus nue ; la plus éloignée de celle qui permet
le
surréalisme. 10. Une équipe d’hommes solides suffirait à restaurer u
695
mont Denis de, « Adieu, beau désordre… (Notes sur
la
jeune littérature et la morale) », Bibliothèque universelle et Revue
696
beau désordre… (Notes sur la jeune littérature et
la
morale) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mars
697
)p Au creux des couleurs assourdies d’un divan
le
soir, tandis que les fenêtres s’ouvraient vers le ciel de Florence… «
698
ouleurs assourdies d’un divan le soir, tandis que
les
fenêtres s’ouvraient vers le ciel de Florence… « Du sang, de la volup
699
le soir, tandis que les fenêtres s’ouvraient vers
le
ciel de Florence… « Du sang, de la volupté et de la mort », un titre
700
ouvraient vers le ciel de Florence… « Du sang, de
la
volupté et de la mort », un titre s’effaçait dans l’ombre. Jouve a rê
701
ciel de Florence… « Du sang, de la volupté et de
la
mort », un titre s’effaçait dans l’ombre. Jouve a rêvé une histoire d
702
volupté et de la mort », un titre s’effaçait dans
l’
ombre. Jouve a rêvé une histoire de passion mystique et de crime, inte
703
t d’autres, comme chaque soir un nouveau ciel. Il
l’
a transcrite en brèves notations lyriques suivant le rythme d’un songe
704
a transcrite en brèves notations lyriques suivant
le
rythme d’un songe, sans cesse brisé par les élans alternés ou confond
705
uivant le rythme d’un songe, sans cesse brisé par
les
élans alternés ou confondus du désir et de la prière. On sort lenteme
706
ar les élans alternés ou confondus du désir et de
la
prière. On sort lentement d’une chambre bleue qui est le mystère même
707
re. On sort lentement d’une chambre bleue qui est
le
mystère même, pour suivre la naissance et l’embrasement de la passion
708
hambre bleue qui est le mystère même, pour suivre
la
naissance et l’embrasement de la passion de Paulina. Le Péché ; le Co
709
est le mystère même, pour suivre la naissance et
l’
embrasement de la passion de Paulina. Le Péché ; le Couvent ; la rechu
710
ême, pour suivre la naissance et l’embrasement de
la
passion de Paulina. Le Péché ; le Couvent ; la rechute et le crime ;
711
ssance et l’embrasement de la passion de Paulina.
Le
Péché ; le Couvent ; la rechute et le crime ; et l’étrange apaisement
712
’embrasement de la passion de Paulina. Le Péché ;
le
Couvent ; la rechute et le crime ; et l’étrange apaisement d’une viei
713
de la passion de Paulina. Le Péché ; le Couvent ;
la
rechute et le crime ; et l’étrange apaisement d’une vieillesse au sol
714
de Paulina. Le Péché ; le Couvent ; la rechute et
le
crime ; et l’étrange apaisement d’une vieillesse au soleil. Jouve sem
715
Péché ; le Couvent ; la rechute et le crime ; et
l’
étrange apaisement d’une vieillesse au soleil. Jouve semble avoir hési
716
servation psychologique ironique et minutieuse, à
la
Stendhal, succède à des effusions haletantes ou à une relation cinéma
717
ion cinématographique. Mais tout cela baigne dans
le
même lyrisme et s’agite sur un fond sombre et riche de passions incon
718
iche de passions inconscientes qui donnent à tous
les
actes une signification plus profonde. (Il serait aisé de montrer que
719
de poétique où il paraît inconvenant d’introduire
le
jargon de la science moderne.) Si nous reconnaissons à la base de cet
720
ù il paraît inconvenant d’introduire le jargon de
la
science moderne.) Si nous reconnaissons à la base de cette œuvre inég
721
n de la science moderne.) Si nous reconnaissons à
la
base de cette œuvre inégale des idées vieilles comme Rousseau sur les
722
vre inégale des idées vieilles comme Rousseau sur
les
droits de la passion, — et dans sa trame quelques chapitres inspirés
723
s idées vieilles comme Rousseau sur les droits de
la
passion, — et dans sa trame quelques chapitres inspirés presque litté
724
anecdote italienne de Stendhal ; si d’autre part
l’
évolution mystique de Paulina semble parfois un peu trop « classique »
725
mble parfois un peu trop « classique » et prévue,
l’
originalité foncière du roman de Jouve reste indéniable : c’est son mo
726
nes proses mystiques de Paulina au couvent valent
les
meilleurs poèmes de l’auteur de Tragiques et de Vous êtes des hommes.
727
Paulina au couvent valent les meilleurs poèmes de
l’
auteur de Tragiques et de Vous êtes des hommes. p. Rougemont Denis
728
Alix de Watteville,
La
Folie de l’espace (avril 1926)q Un artiste de grand talent à qui l
729
Alix de Watteville, La Folie de
l’
espace (avril 1926)q Un artiste de grand talent à qui la guerre a f
730
(avril 1926)q Un artiste de grand talent à qui
la
guerre a fait perdre le goût des théories d’écoles et de quelques aut
731
ste de grand talent à qui la guerre a fait perdre
le
goût des théories d’écoles et de quelques autres plaisirs pour civils
732
de quelques autres plaisirs pour civils : mettez-
le
aux prises avec une petite cité patricienne dont il devra portraiture
733
etite cité patricienne dont il devra portraiturer
les
gentilshommes archéologiques et les vieilles dames à principes. Voilà
734
portraiturer les gentilshommes archéologiques et
les
vieilles dames à principes. Voilà, n’est-ce pas, un amusant sujet de
735
al, avec ses personnages un peu conventionnels et
l’
invraisemblance assez piquante de ses péripéties. Quel dommage que l’a
736
ssez piquante de ses péripéties. Quel dommage que
l’
auteur l’ait alourdi d’une idéologie, souvent plus généreuse que neuve
737
ante de ses péripéties. Quel dommage que l’auteur
l’
ait alourdi d’une idéologie, souvent plus généreuse que neuve, et qui
738
à être mise en action plutôt qu’en commentaires.
Le
talent de Mme de Watteville paraît mieux à l’aise dans la description
739
es. Le talent de Mme de Watteville paraît mieux à
l’
aise dans la description du milieu patricien que dans la création d’un
740
t de Mme de Watteville paraît mieux à l’aise dans
la
description du milieu patricien que dans la création d’un caractère d
741
dans la description du milieu patricien que dans
la
création d’un caractère de grand peintre. Pourtant, malgré des longue
742
ongueurs, on ne lira pas sans plaisir ce livre où
l’
on voit un homme appeler en vain le vent du large, parmi des gens qui
743
ir ce livre où l’on voit un homme appeler en vain
le
vent du large, parmi des gens qui craignent de s’enrhumer. q. Roug
744
nt Denis de, « [Compte rendu] Alix de Watteville,
La
Folie de l’espace », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Ge
745
« [Compte rendu] Alix de Watteville, La Folie de
l’
espace », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, avril
746
ilège ironique (mai 1926)r Un léger flirt avec
la
muse, parce que c’est dimanche, parce qu’il pleut et qu’on s’ennuie.
747
dimanche, parce qu’il pleut et qu’on s’ennuie. Si
la
vie est bête à pleurer, sourire est moins fatigant. « Le paon dédaign
748
est bête à pleurer, sourire est moins fatigant. «
Le
paon dédaigne encor mais ne fait plus sa roue. » Ce poète — qui fut a
749
ne fait plus sa roue. » Ce poète — qui fut aussi
le
prosateur charmant du Pédagogue et l’Amour — sourit avec une grâce un
750
i fut aussi le prosateur charmant du Pédagogue et
l’
Amour — sourit avec une grâce un peu frileuse et se permet de bâiller
751
use et se permet de bâiller en public. On connaît
le
danger… r. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Wilfred Chopard, S
752
Cécile-Claire Rivier,
L’
Athée (mai 1926)s C’est le récit de la découverte de Dieu par une j
753
écile-Claire Rivier, L’Athée (mai 1926)s C’est
le
récit de la découverte de Dieu par une jeune fille élevée dans l’athé
754
Rivier, L’Athée (mai 1926)s C’est le récit de
la
découverte de Dieu par une jeune fille élevée dans l’athéisme. Invrai
755
écouverte de Dieu par une jeune fille élevée dans
l’
athéisme. Invraisemblablement ignorante de toute religion jusqu’à 20 a
756
e religion jusqu’à 20 ans, Denise s’abandonne à «
la
vie », laquelle — un peu aidée par l’auteur — lui révèlera peu à peu
757
andonne à « la vie », laquelle — un peu aidée par
l’
auteur — lui révèlera peu à peu le sens divin de la destinée. Ce livre
758
n peu aidée par l’auteur — lui révèlera peu à peu
le
sens divin de la destinée. Ce livre à thèse est plutôt une argumentat
759
’auteur — lui révèlera peu à peu le sens divin de
la
destinée. Ce livre à thèse est plutôt une argumentation à coups d’exe
760
à coups d’exemples vivants qu’un véritable roman.
La
profusion souvent facile des incidents et le style volontairement sec
761
man. La profusion souvent facile des incidents et
le
style volontairement sec permettent de suivre sans passion ni fatigue
762
sec permettent de suivre sans passion ni fatigue
le
développement un peu théorique mais intelligent d’un problème que l’o
763
peu théorique mais intelligent d’un problème que
l’
on pressent trop complètement résolu dès les premières pages, mais qu’
764
Rivier d’avoir posé courageusement. Dirai-je que
l’
abus des points d’exclamation — trait commun à presque toutes les femm
765
nts d’exclamation — trait commun à presque toutes
les
femmes auteur, et qui plaît aux lectrices — m’agace un peu ? C’est un
766
Denis de, « [Compte rendu] Cécile-Claire Rivier,
L’
Athée », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 192
767
Jean Cocteau, Rappel à
l’
ordre (mai 1926)t Sous ce titre, le plus étonnant peut-être qu’il a
768
u, Rappel à l’ordre (mai 1926)t Sous ce titre,
le
plus étonnant peut-être qu’il ait trouvé, Jean Cocteau a réuni ce qui
769
ait trouvé, Jean Cocteau a réuni ce qui me paraît
le
meilleur de son œuvre : ses récits de critique et d’esthétique (Le Co
770
n œuvre : ses récits de critique et d’esthétique (
Le
Coq et l’Arlequin, la Noce massacrée, le Secret professionnel, etc.)
771
ses récits de critique et d’esthétique (Le Coq et
l’
Arlequin, la Noce massacrée, le Secret professionnel, etc.) Sans doute
772
e critique et d’esthétique (Le Coq et l’Arlequin,
la
Noce massacrée, le Secret professionnel, etc.) Sans doute faudrait-il
773
hétique (Le Coq et l’Arlequin, la Noce massacrée,
le
Secret professionnel, etc.) Sans doute faudrait-il préciser ce qu’il
774
’il entend par ordre, et montrer que si cet ordre
l’
écarte de Dada, il ne le conduit pas pour autant à l’Académie. Disons
775
montrer que si cet ordre l’écarte de Dada, il ne
le
conduit pas pour autant à l’Académie. Disons pour aller vite que sa r
776
carte de Dada, il ne le conduit pas pour autant à
l’
Académie. Disons pour aller vite que sa recherche de l’ordre révèle si
777
démie. Disons pour aller vite que sa recherche de
l’
ordre révèle simplement une volonté de construire jusque dans le grabu
778
simplement une volonté de construire jusque dans
le
grabuge, qu’il aime pour les matériaux qu’on en peut tirer. L[e] malh
779
onstruire jusque dans le grabuge, qu’il aime pour
les
matériaux qu’on en peut tirer. L[e] malheur de Cocteau est qu’il se v
780
heur de Cocteau est qu’il se veuille poète. Il ne
l’
est jamais moins qu’en vers. Sa plus incontestable réussite à ce jour
781
ers. Sa plus incontestable réussite à ce jour est
le
Secret professionnel, petit catéchisme cubiste qui dépasse de beaucou
782
petit catéchisme cubiste qui dépasse de beaucoup
les
limites de cette école, et qu’il eut le tort à notre sens de vouloir
783
beaucoup les limites de cette école, et qu’il eut
le
tort à notre sens de vouloir illustrer de pédants exercices poétiques
784
ices poétiques. Mais quelle intelligence, et dont
l’
audace est de se vouloir plus juste que bizarre. Il sait bien d’ailleu
785
us juste que bizarre. Il sait bien d’ailleurs que
les
miracles les plus étonnants sont ceux de la lumière. « Le mystère se
786
bizarre. Il sait bien d’ailleurs que les miracles
les
plus étonnants sont ceux de la lumière. « Le mystère se passe en plei
787
que les miracles les plus étonnants sont ceux de
la
lumière. « Le mystère se passe en plein jour et à toute vitesse. » Te
788
les les plus étonnants sont ceux de la lumière. «
Le
mystère se passe en plein jour et à toute vitesse. » Telle est bien l
789
n plein jour et à toute vitesse. » Telle est bien
la
nouveauté de son théâtre et de l’art qu’il défend en peinture, en mus
790
Telle est bien la nouveauté de son théâtre et de
l’
art qu’il défend en peinture, en musique. Suppression du clair-obscur
791
re, en musique. Suppression du clair-obscur et de
la
pénombre. Ôter la pédale à la poésie. (« Le poète ne rêve pas, il com
792
ppression du clair-obscur et de la pénombre. Ôter
la
pédale à la poésie. (« Le poète ne rêve pas, il compte. ») Six projec
793
clair-obscur et de la pénombre. Ôter la pédale à
la
poésie. (« Le poète ne rêve pas, il compte. ») Six projecteurs conver
794
et de la pénombre. Ôter la pédale à la poésie. («
Le
poète ne rêve pas, il compte. ») Six projecteurs convergent sur une m
795
convergent sur une machine luisante et tournante.
L’
esprit de Cocteau est une arme admirable de précision, d’élégance méca
796
de rapidité. Il lassera, parce que c’est toujours
le
même déclic. Cocteau le sait, et pour varier il tire tantôt à gauche
797
parce que c’est toujours le même déclic. Cocteau
le
sait, et pour varier il tire tantôt à gauche tantôt à droite, sur Bar
798
ur Barrès, sur Wagner, sur quelques fantômes, sur
le
public. (Bientôt sur lui-même je le crains, pour renaître catholique.
799
fantômes, sur le public. (Bientôt sur lui-même je
le
crains, pour renaître catholique.) Certes, il bannit le charme et tou
800
ins, pour renaître catholique.) Certes, il bannit
le
charme et toute grâce vaporeuse. Mais ses fleurs de cristal, si elles
801
Denis de, « [Compte rendu] Jean Cocteau, Rappel à
l’
ordre », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 192
802
René Crevel, Mon corps et moi (mai 1926)u
Les
témoignages ne manquent pas sur la détresse morale de la génération s
803
mai 1926)u Les témoignages ne manquent pas sur
la
détresse morale de la génération surréaliste. Mais tandis que la plup
804
ignages ne manquent pas sur la détresse morale de
la
génération surréaliste. Mais tandis que la plupart en sont encore à d
805
ls en disent, « artistiqués », — ils n’osent plus
le
mensonge de l’art, et pas encore la vérité pure — Crevel décrit sans
806
artistiqués », — ils n’osent plus le mensonge de
l’
art, et pas encore la vérité pure — Crevel décrit sans aucune transpos
807
n’osent plus le mensonge de l’art, et pas encore
la
vérité pure — Crevel décrit sans aucune transposition romanesque le t
808
revel décrit sans aucune transposition romanesque
le
trouble caractéristique de sa génération. Terrible aveu d’impuissance
809
on. Terrible aveu d’impuissance, il n’a plus même
la
force de l’hypocrisie. Isolé dans un hôtel perdu, avec son corps qui
810
aveu d’impuissance, il n’a plus même la force de
l’
hypocrisie. Isolé dans un hôtel perdu, avec son corps qui se souvient
811
erdu, avec son corps qui se souvient — « mémoire,
l’
ennemie » — avec une intelligence dont la triste profession est de dét
812
mémoire, l’ennemie » — avec une intelligence dont
la
triste profession est de détruire le désir qu’elle excite par curiosi
813
ligence dont la triste profession est de détruire
le
désir qu’elle excite par curiosité passagère, il monologue. « Oui, je
814
par curiosité passagère, il monologue. « Oui, je
le
redirai, tous mes essais furent prétextes à me dissoudre, à me perdre
815
prétextes à me dissoudre, à me perdre. » Vouloir
la
vérité pure sur soi, c’est se refuser à l’élan vital qui nous crée sa
816
ouloir la vérité pure sur soi, c’est se refuser à
l’
élan vital qui nous crée sans cesse : l’analyse de sa solitude le lais
817
refuser à l’élan vital qui nous crée sans cesse :
l’
analyse de sa solitude le laisse en face de quelques réactions physiol
818
i nous crée sans cesse : l’analyse de sa solitude
le
laisse en face de quelques réactions physiologiques dont la pauvreté
819
en face de quelques réactions physiologiques dont
la
pauvreté le rejette dans une angoisse qu’il nomme « élan mortel ». Ce
820
uelques réactions physiologiques dont la pauvreté
le
rejette dans une angoisse qu’il nomme « élan mortel ». Cette inversio
821
e qui est constructif et créateur, voilà je pense
le
véritable désordre. Une intelligence parvenue au point où elle « ne s
822
ocès », une intelligence qui se dégoûte, tel est
le
spectacle que nous dévoile cyniquement René Crevel. Il en est peu de
823
u de plus effrayants. Ah ! Seigneur, donnez-nous
la
force et le courage de contempler nos corps et nos cœurs sans dégoût
824
frayants. Ah ! Seigneur, donnez-nous la force et
le
courage de contempler nos corps et nos cœurs sans dégoût implorait B
825
ans dégoût implorait Baudelaire. Encore avait-il
le
courage de prier… u. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] René Cre
826
Le
Corbusier, Urbanisme (juin 1926)v Nous disons adieu aux charmes tr
827
disons adieu aux charmes troubles et inhumains de
la
nature. Il s’agit de créer à notre vie moderne un décor utile et beau
828
à notre vie moderne un décor utile et beau. Or «
la
grande ville, phénomène de force en mouvement, est aujourd’hui une ca
829
astrophe menaçante pour n’avoir pas été animée de
l’
esprit de géométrie… Elle use et conduit lentement l’usure des millier
830
sprit de géométrie… Elle use et conduit lentement
l’
usure des milliers d’êtres humains ». Elle n’est plus adaptée aux cond
831
de travail ou de repos, ni dans son plan ni dans
le
détail des rues. Congestion : « un cheval arrête 1000 chevaux-vapeurs
832
eval arrête 1000 chevaux-vapeurs ». Et pourtant «
la
ville est une image puissante qui actionne notre esprit » après avoir
833
e esprit » après avoir été créée par lui, — comme
la
poésie. C’est ainsi que le problème de l’Urbanisme se place au croise
834
créée par lui, — comme la poésie. C’est ainsi que
le
problème de l’Urbanisme se place au croisement des préoccupations est
835
— comme la poésie. C’est ainsi que le problème de
l’
Urbanisme se place au croisement des préoccupations esthétiques et soc
836
hétiques et sociales d’aujourd’hui. Pour résoudre
la
crise de notre civilisation sous cet aspect comme sous les autres, il
837
de notre civilisation sous cet aspect comme sous
les
autres, il nous faut mieux que des dictateurs : des Architectes, de l
838
ut mieux que des dictateurs : des Architectes, de
l’
esprit et de la matière. Si Le Corbusier réalise son plan, ce sera plu
839
s dictateurs : des Architectes, de l’esprit et de
la
matière. Si Le Corbusier réalise son plan, ce sera plus fort que Muss
840
des Architectes, de l’esprit et de la matière. Si
Le
Corbusier réalise son plan, ce sera plus fort que Mussolini (lequel s
841
nisme est une étude technique et un pamphlet dont
l’
argumentation serrée éclate parfois en boutades mordantes, en brèves f
842
lyrisme. C’est d’une verve puissante jusque dans
la
statistique. On en sort convaincu ou bouleversé, enthousiasmé d’avoir
843
vaincu ou bouleversé, enthousiasmé d’avoir trouvé
la
formule même de tant d’aspirations modernes. Voici sans aucun doute u
844
ns modernes. Voici sans aucun doute un des livres
les
plus représentatifs de l’époque de Lénine, du fascisme, du ciment arm
845
un doute un des livres les plus représentatifs de
l’
époque de Lénine, du fascisme, du ciment armé. « Notre monde comme un
846
poques mortes. Une tâche nous incombe, construire
le
cadre de notre existence… construire les villes de notre temps ». Et
847
onstruire le cadre de notre existence… construire
les
villes de notre temps ». Et je déplie ce plan d’une « ville contempor
848
verre et de ciment blanc, flamboyantes au soleil.
Les
vingt-quatre gratte-ciel de la cité, au centre, s’espacent autour d’u
849
yantes au soleil. Les vingt-quatre gratte-ciel de
la
cité, au centre, s’espacent autour d’un aérodrome-gare circulaire, pr
850
un aérodrome-gare circulaire, prismes perdus dans
le
silence de l’azur au-dessus des rumeurs de la ville. Puis s’étendent
851
are circulaire, prismes perdus dans le silence de
l’
azur au-dessus des rumeurs de la ville. Puis s’étendent les quartiers
852
ans le silence de l’azur au-dessus des rumeurs de
la
ville. Puis s’étendent les quartiers de résidence ; les jardins suspe
853
u-dessus des rumeurs de la ville. Puis s’étendent
les
quartiers de résidence ; les jardins suspendus à tous les étages soul
854
lle. Puis s’étendent les quartiers de résidence ;
les
jardins suspendus à tous les étages soulignent de verdure l’horizonta
855
tiers de résidence ; les jardins suspendus à tous
les
étages soulignent de verdure l’horizontale des toitures en terrasses.
856
suspendus à tous les étages soulignent de verdure
l’
horizontale des toitures en terrasses. Des perspectives régulières rec
857
ives régulières recoupées à 200 et 400 mètres par
les
plans fuyants des rues immenses livrées au 100 à l’heure des autos. L
858
plans fuyants des rues immenses livrées au 100 à
l’
heure des autos. Les maisons habitées ne sont plus que des enceintes t
859
rues immenses livrées au 100 à l’heure des autos.
Les
maisons habitées ne sont plus que des enceintes transparentes, et min
860
es « redents » des terrains de jeux et des parcs,
la
nature annexée à la ville. « C’est un spectacle organisé par l’Archit
861
errains de jeux et des parcs, la nature annexée à
la
ville. « C’est un spectacle organisé par l’Architecture avec les ress
862
xée à la ville. « C’est un spectacle organisé par
l’
Architecture avec les ressources de la plastique qui est le jeu de for
863
est un spectacle organisé par l’Architecture avec
les
ressources de la plastique qui est le jeu de formes sous la lumière »
864
rganisé par l’Architecture avec les ressources de
la
plastique qui est le jeu de formes sous la lumière ». Cristallisation
865
cture avec les ressources de la plastique qui est
le
jeu de formes sous la lumière ». Cristallisation d’un rêve de joie et
866
ces de la plastique qui est le jeu de formes sous
la
lumière ». Cristallisation d’un rêve de joie et de raison où de grand
867
iels formidables des ensembles soumis aux lois de
l’
esprit et de la vie sociale, non plus à un opportunisme anarchique. Ti
868
s des ensembles soumis aux lois de l’esprit et de
la
vie sociale, non plus à un opportunisme anarchique. Tirer des lignes
869
tunisme anarchique. Tirer des lignes droites, est
le
propre de l’homme. Toutes les civilisations fortes l’ont osé. Créer u
870
hique. Tirer des lignes droites, est le propre de
l’
homme. Toutes les civilisations fortes l’ont osé. Créer un espace arch
871
lignes droites, est le propre de l’homme. Toutes
les
civilisations fortes l’ont osé. Créer un espace architectural lumineu
872
ropre de l’homme. Toutes les civilisations fortes
l’
ont osé. Créer un espace architectural lumineux à la place de nos cité
873
ution. Déjà des ingénieurs se sont mis à calculer
la
réalisation de ce phénomène de haute poésie — la « ville contemporain
874
la réalisation de ce phénomène de haute poésie —
la
« ville contemporaine ». Un labeur précis et anonyme concourt obscuré
875
rément à cette parfaite expression du triomphe de
l’
homme sur la Nature. Architecture : « tout ce qui est au-delà du calcu
876
te parfaite expression du triomphe de l’homme sur
la
Nature. Architecture : « tout ce qui est au-delà du calcul… Ce sera l
877
re : « tout ce qui est au-delà du calcul… Ce sera
la
passion du siècle ». v. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Le Co
878
cle ». v. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
Le
Corbusier, Urbanisme », Bibliothèque universelle et Revue de Genève,
879
e construction et de synthèse qui se dessine chez
les
jeunes écrivains d’aujourd’hui. La « critique philosophique » qu’il v
880
dessine chez les jeunes écrivains d’aujourd’hui.
La
« critique philosophique » qu’il voudrait inaugurer « ne se contenter
881
rait inaugurer « ne se contenterait pas d’étudier
les
œuvres pour elles-mêmes dans leur signification historique ou techniq
882
historique ou technique, mais tâcherait d’épouser
le
dynamisme spirituel qu’elle révèle, puis de les situer dans l’univers
883
er le dynamisme spirituel qu’elle révèle, puis de
les
situer dans l’univers humain ». M. Fernandez a tout le talent qu’il f
884
spirituel qu’elle révèle, puis de les situer dans
l’
univers humain ». M. Fernandez a tout le talent qu’il faut pour lui fa
885
tuer dans l’univers humain ». M. Fernandez a tout
le
talent qu’il faut pour lui faire acquérir droit de cité. Voici enfin
886
eçon constructive des expériences entreprises par
les
générations précédentes. Parce qu’elles se sont souvent enlisées dans
887
ont souvent enlisées dans leurs recherches, il ne
les
condamne pas d’un « Jugement » sans issue sinon vers le passé catholi
888
damne pas d’un « Jugement » sans issue sinon vers
le
passé catholique ; mais tenant compte de leur effort, il puise dans l
889
mais tenant compte de leur effort, il puise dans
l’
échec même de leurs analyses les éléments de sa synthèse, qui se trouv
890
ort, il puise dans l’échec même de leurs analyses
les
éléments de sa synthèse, qui se trouve ainsi continuer leur œuvre, co
891
verte couronne une série d’expériences négatives.
La
critique de ces expériences négatives est contenue surtout dans ses e
892
st, Pater et Stendhal. Certes, il était temps que
l’
on dénonce la confusion romantique de l’art avec la vie, qui empoisonn
893
Stendhal. Certes, il était temps que l’on dénonce
la
confusion romantique de l’art avec la vie, qui empoisonne et la moral
894
temps que l’on dénonce la confusion romantique de
l’
art avec la vie, qui empoisonne et la morale et l’esthétique modernes.
895
’on dénonce la confusion romantique de l’art avec
la
vie, qui empoisonne et la morale et l’esthétique modernes. Et à ce pr
896
omantique de l’art avec la vie, qui empoisonne et
la
morale et l’esthétique modernes. Et à ce propos, il faut souhaiter qu
897
l’art avec la vie, qui empoisonne et la morale et
l’
esthétique modernes. Et à ce propos, il faut souhaiter que M. Fernande
898
ut souhaiter que M. Fernandez aborde par ce biais
l’
œuvre de Gide, qui plus qu’aucune autre me paraît liée à cette confusi
899
à cette confusion. Mais s’il est bien établi que
les
lois de la vie sont essentiellement différentes des lois de l’œuvre d
900
fusion. Mais s’il est bien établi que les lois de
la
vie sont essentiellement différentes des lois de l’œuvre d’art, il ne
901
vie sont essentiellement différentes des lois de
l’
œuvre d’art, il ne s’en suit pas forcément que l’on doit nier toute co
902
l’œuvre d’art, il ne s’en suit pas forcément que
l’
on doit nier toute communication directe entre l’œuvre et le moi, comm
903
l’on doit nier toute communication directe entre
l’
œuvre et le moi, comme le fait M. Fernandez dans un essai sur l’Autobi
904
nier toute communication directe entre l’œuvre et
le
moi, comme le fait M. Fernandez dans un essai sur l’Autobiographie e
905
munication directe entre l’œuvre et le moi, comme
le
fait M. Fernandez dans un essai sur l’Autobiographie et le Roman, do
906
moi, comme le fait M. Fernandez dans un essai sur
l’
Autobiographie et le Roman, dont pour ma part je suis loin d’admettre
907
Fernandez dans un essai sur l’Autobiographie et
le
Roman, dont pour ma part je suis loin d’admettre plusieurs thèses bea
908
es. M. Fernandez tente de prouver par exemple que
l’
œuvre d’art ne peut être un moyen de connaissance personnelle. Après q
909
voir se concevoir et s’essayer. » Fort bien, mais
l’
œuvre n’est-elle pas une façon particulière de s’essayer ? Je ne puis
910
e discussion de ces thèses subtiles, d’autant que
la
position de l’auteur dans cet essai me paraît encore ambiguë : on peu
911
ces thèses subtiles, d’autant que la position de
l’
auteur dans cet essai me paraît encore ambiguë : on peut se demander s
912
e ambiguë : on peut se demander s’il nie vraiment
l’
interaction de la vie et de l’art, ou s’il la condamne plutôt, à cause
913
ut se demander s’il nie vraiment l’interaction de
la
vie et de l’art, ou s’il la condamne plutôt, à cause des confusions q
914
r s’il nie vraiment l’interaction de la vie et de
l’
art, ou s’il la condamne plutôt, à cause des confusions qu’il y décèle
915
ment l’interaction de la vie et de l’art, ou s’il
la
condamne plutôt, à cause des confusions qu’il y décèle. Le meilleur m
916
ne plutôt, à cause des confusions qu’il y décèle.
Le
meilleur morceau du livre est l’essai sur Proust et sa théorie des «
917
qu’il y décèle. Le meilleur morceau du livre est
l’
essai sur Proust et sa théorie des « intermittences du cœur » dont Fer
918
que décisive. Et c’est justement par opposition à
la
conception proustienne de la personnalité — « mosaïque de sensations
919
ent par opposition à la conception proustienne de
la
personnalité — « mosaïque de sensations juxtaposées » — qu’il définit
920
uxtaposées » — qu’il définit sa propre théorie de
la
« garantie des sentiments », où l’on est en droit de voir le germe d’
921
pre théorie de la « garantie des sentiments », où
l’
on est en droit de voir le germe d’un moralisme nouveau qui se fondera
922
ie des sentiments », où l’on est en droit de voir
le
germe d’un moralisme nouveau qui se fonderait solidement sur les donn
923
moralisme nouveau qui se fonderait solidement sur
les
données modernes de la psychologie et de la philosophie. Pour nous pr
924
fonderait solidement sur les données modernes de
la
psychologie et de la philosophie. Pour nous prémunir contre le pouvoi
925
sur les données modernes de la psychologie et de
la
philosophie. Pour nous prémunir contre le pouvoir d’analyse — une ana
926
e et de la philosophie. Pour nous prémunir contre
le
pouvoir d’analyse — une analyse qui retient les éléments de la person
927
re le pouvoir d’analyse — une analyse qui retient
les
éléments de la personnalité moins le « principe unificateur » — que l
928
analyse — une analyse qui retient les éléments de
la
personnalité moins le « principe unificateur » — que la psychologie f
929
qui retient les éléments de la personnalité moins
le
« principe unificateur » — que la psychologie freudienne et proustien
930
sonnalité moins le « principe unificateur » — que
la
psychologie freudienne et proustienne a porté à un point si dangereux
931
a porté à un point si dangereux, il nous propose
l’
expérience d’un Newman, les exemples d’un Meredith et d’un Stendhal, q
932
gereux, il nous propose l’expérience d’un Newman,
les
exemples d’un Meredith et d’un Stendhal, qui ont su « penser dans le
933
redith et d’un Stendhal, qui ont su « penser dans
le
train de l’action, faire de la psychologie à la volée », et donc conn
934
un Stendhal, qui ont su « penser dans le train de
l’
action, faire de la psychologie à la volée », et donc connaître l’homm
935
t su « penser dans le train de l’action, faire de
la
psychologie à la volée », et donc connaître l’homme dans l’élan qui f
936
s le train de l’action, faire de la psychologie à
la
volée », et donc connaître l’homme dans l’élan qui fait sa véritable
937
de la psychologie à la volée », et donc connaître
l’
homme dans l’élan qui fait sa véritable unité. Je me borne à signaler
938
ogie à la volée », et donc connaître l’homme dans
l’
élan qui fait sa véritable unité. Je me borne à signaler encore un thè
939
thème qui revient dans la plupart de ces essais :
l’
esthétique du roman. Fernandez en formule une théorie assez proche du
940
téraire, et qu’il serait bien utile d’adopter, si
l’
on veut éviter les confusions qui sont en train d’ôter sa valeur litté
941
serait bien utile d’adopter, si l’on veut éviter
les
confusions qui sont en train d’ôter sa valeur littéraire au genre le
942
ont en train d’ôter sa valeur littéraire au genre
le
plus encombré et le plus impur qui soit. On n’a pas ménagé les critiq
943
sa valeur littéraire au genre le plus encombré et
le
plus impur qui soit. On n’a pas ménagé les critiques à cette œuvre. C
944
mbré et le plus impur qui soit. On n’a pas ménagé
les
critiques à cette œuvre. Cela tient surtout à sa forme : il est parfo
945
forme : il est parfois agaçant de pressentir sous
l’
expression trop technique ou obscure, une richesse d’idées neuves et f
946
Périlleuse situation que la sienne, en effet, où
l’
on court le double risque de paraître trop littéraire aux philosophes,
947
situation que la sienne, en effet, où l’on court
le
double risque de paraître trop littéraire aux philosophes, et trop ph
948
ndez un certain recul par rapport à ses idées, on
le
sent un peu gauche encore dans les positions conquises. Il n’empêche
949
à ses idées, on le sent un peu gauche encore dans
les
positions conquises. Il n’empêche que son livre manifeste une belle u
950
uvre comme Plaisir des Sports de Jean Prévost, et
les
essais politiques de Drieu la Rochelle, les Messages de Fernandez son
951
t, et les essais politiques de Drieu la Rochelle,
les
Messages de Fernandez sont les premières contributions à l’établissem
952
s de Fernandez sont les premières contributions à
l’
établissement d’une éthique adaptée aux besoins modernes. w. Rougem
953
Henry de Montherlant,
Les
Bestiaires (septembre 1926)x J’éprouve quelque gêne à porter un ju
954
Montherlant : dans ce récit plus encore que dans
les
œuvres précédentes, on voit beaucoup moins l’œuvre d’art que l’auteur
955
ns les œuvres précédentes, on voit beaucoup moins
l’
œuvre d’art que l’auteur ; dans ce portrait de Montherlant toréador, à
956
édentes, on voit beaucoup moins l’œuvre d’art que
l’
auteur ; dans ce portrait de Montherlant toréador, à 16 ans, c’est sur
957
de Montherlant toréador, à 16 ans, c’est surtout
le
Montherlant actuel que l’on sent. C’est dire que le livre vaut par so
958
à 16 ans, c’est surtout le Montherlant actuel que
l’
on sent. C’est dire que le livre vaut par son allure plus que par des
959
Montherlant actuel que l’on sent. C’est dire que
le
livre vaut par son allure plus que par des qualités de composition ou
960
savante sensualité, pour ces insolences jolies et
les
subites violences, qui composent la séduction de cet « homme de la Re
961
es jolies et les subites violences, qui composent
la
séduction de cet « homme de la Renaissance », pour quelques descripti
962
ces, qui composent la séduction de cet « homme de
la
Renaissance », pour quelques descriptions des prairies espagnoles ple
963
ur communier, il faudrait sans doute être né sous
le
signe du Taureau. Mais il sera pardonné à Montherlant beaucoup de déf
964
a souveraine désinvolture. Elle est tonique comme
le
spectacle des athlètes. Et c’est elle avant tout que j’admire dans ce
965
ets d’esprit ! Qu’ils paissent éternellement dans
les
prairies célestes, pour avoir donné une grande gloire aux jeunes homm
966
s ! » Mais ce jeune homme qui écrivit naguère sur
les
Fontaines du désir certaines pages magnifiques et sobres, jetées de h
967
pages magnifiques et sobres, jetées de haut avec
la
nonchalance des vrais puissants, je compte qu’il saura fonder sa gloi
968
Denis de, « [Compte rendu] Henry de Montherlant,
Les
Bestiaires », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, s
969
Jacques Spitz,
La
Croisière indécise (décembre 1926)y L’auteur veut amuser en nous q
970
Spitz, La Croisière indécise (décembre 1926)y
L’
auteur veut amuser en nous quelques idées graves en leur présentant le
971
en nous quelques idées graves en leur présentant
les
miroirs de personnages cocasses à souhait, qui manifestent, avec un c
972
manque de conviction et des poses de mannequins,
les
tendances contradictoires d’un individu. C’est pour traiter ce sujet
973
sière de vacances, qui finit par un naufrage dans
la
littérature, le navire succombant sous les allégories. L’étonnant, c’
974
s, qui finit par un naufrage dans la littérature,
le
navire succombant sous les allégories. L’étonnant, c’est que le livre
975
ge dans la littérature, le navire succombant sous
les
allégories. L’étonnant, c’est que le livre soit réellement amusant, e
976
rature, le navire succombant sous les allégories.
L’
étonnant, c’est que le livre soit réellement amusant, et qu’il trouve
977
ombant sous les allégories. L’étonnant, c’est que
le
livre soit réellement amusant, et qu’il trouve une sorte d’unité viva
978
t, et qu’il trouve une sorte d’unité vivante dans
le
rythme des désirs jamais simultanés de ses petits héros. M. Spitz che
979
etits héros. M. Spitz cherche à faire sourire, on
le
sent ; pourtant l’on sourit : il faut bien croire qu’il y a là un tal
980
tz cherche à faire sourire, on le sent ; pourtant
l’
on sourit : il faut bien croire qu’il y a là un talent, charmant, glac
981
ugemont Denis de, « [Compte rendu] Jacques Spitz,
La
Croisière indécise », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, G
982
Alfred Colling,
L’
Iroquois (décembre 1926)z Ce roman a le charme d’un automne, une am
983
olling, L’Iroquois (décembre 1926)z Ce roman a
le
charme d’un automne, une amertume enveloppée, une atmosphère trop cla
984
mertume enveloppée, une atmosphère trop claire où
les
cris se font un peu aigres et les couleurs fluides. Toute la tendress
985
trop claire où les cris se font un peu aigres et
les
couleurs fluides. Toute la tendresse que ranime un soleil lointain va
986
font un peu aigres et les couleurs fluides. Toute
la
tendresse que ranime un soleil lointain va tourner en cruelle mélanco
987
e mélancolie. Pourquoi, Henri de Closain, quitter
le
domaine enchanté où des amis très fins, précieux poètes, dissertent s
988
e sait plus de quels souvenirs ; jusqu’au soir où
la
douleur nette d’un amour réveillé l’envahit. Et Closain rencontre, da
989
u’au soir où la douleur nette d’un amour réveillé
l’
envahit. Et Closain rencontre, dans l’inévitable bar, le couple de jui
990
ur réveillé l’envahit. Et Closain rencontre, dans
l’
inévitable bar, le couple de juifs espagnols qui va l’entraîner avec s
991
hit. Et Closain rencontre, dans l’inévitable bar,
le
couple de juifs espagnols qui va l’entraîner avec son mauvais cœur, d
992
évitable bar, le couple de juifs espagnols qui va
l’
entraîner avec son mauvais cœur, dans une aventure incertaine et doulo
993
taine et douloureuse ; enfin Orpha, sa maîtresse,
le
fuit, parce que son silence devient insupportable : « Orpha ne compre
994
rir et ne plus aimer ». Closain se tue pour finir
le
livre. Livre charmant et bizarre, où la sentimentalité moderne trouve
995
our finir le livre. Livre charmant et bizarre, où
la
sentimentalité moderne trouve l’expression ironique qui lui convient,
996
t et bizarre, où la sentimentalité moderne trouve
l’
expression ironique qui lui convient, mais ici mêlée à une émotion plu
997
ui transparaît parfois et nous fait regretter que
l’
auteur ne se soit pas mieux abandonné à son sujet, d’un pathétique ass
998
gemont Denis de, « [Compte rendu] Alfred Colling,
L’
Iroquois », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, déce
999
André Malraux,
La
Tentation de l’Occident (décembre 1926)aa Un Chinois écrit d’Europ
1000
André Malraux, La Tentation de
l’
Occident (décembre 1926)aa Un Chinois écrit d’Europe à un Français
1001
e. Nous sommes loin du ton des Lettres persanes :
le
Chinois s’étonne non sans quelque aigreur, et critique avec un mépris
1002
aigreur, et critique avec un mépris tranquille ;
le
Français riposte sans conviction, et sous sa défense on devine une dé
1003
n devine une détresse. C’est encore une vision de
l’
Occident qui naît de ce petit livre si dense, si inquiétant. Le Chinoi
1004
i naît de ce petit livre si dense, si inquiétant.
Le
Chinois voit dans l’Europe « une barbarie attentivement ordonnée, où
1005
vre si dense, si inquiétant. Le Chinois voit dans
l’
Europe « une barbarie attentivement ordonnée, où l’idée de la civilisa
1006
’Europe « une barbarie attentivement ordonnée, où
l’
idée de la civilisation et celle de l’ordre sont chaque jour confondue
1007
une barbarie attentivement ordonnée, où l’idée de
la
civilisation et celle de l’ordre sont chaque jour confondues ». Nous
1008
rdonnée, où l’idée de la civilisation et celle de
l’
ordre sont chaque jour confondues ». Nous cherchons à conquérir non le
1009
jour confondues ». Nous cherchons à conquérir non
le
monde, mais son ordre. Nous humilions sans trêve notre sensibilité au
1010
e « mythe cohérent » vers quoi tend notre esprit.
La
passion apparaît dans notre ordre social « comme une adroite fêlure »
1011
ure ». Notre morale est entièrement subordonnée à
l’
action ; notre individualisme en naît logiquement, et toutes nos catég
1012
nos catégories artificielles et nécessaires. Mais
le
monde échappe toujours à nos cadres — perpétuel conflit du réel avec
1013
réel avec nos rêves de puissance : notre ambition
la
plus haute échoue. La tristesse règne sur nos villes. (Neurasthénie,
1014
puissance : notre ambition la plus haute échoue.
La
tristesse règne sur nos villes. (Neurasthénie, ce mal de l’Occident.)
1015
se règne sur nos villes. (Neurasthénie, ce mal de
l’
Occident.) Et notre vertu suprême, aussi, est douloureuse : le sacrifi
1016
Et notre vertu suprême, aussi, est douloureuse :
le
sacrifice. Sans doute, cette « absurdité essentielle » que le Chinois
1017
. Sans doute, cette « absurdité essentielle » que
le
Chinois distingue au cœur de la vie occidentale apparaît mieux par la
1018
essentielle » que le Chinois distingue au cœur de
la
vie occidentale apparaît mieux par la comparaison de l’idéal asiatiqu
1019
au cœur de la vie occidentale apparaît mieux par
la
comparaison de l’idéal asiatique avec le nôtre. Mais je crois que tou
1020
occidentale apparaît mieux par la comparaison de
l’
idéal asiatique avec le nôtre. Mais je crois que toute intelligence eu
1021
fait parler son Chinois de telle façon qu’ils ne
le
paraissent point. Et alors le relativisme angoissant qui semblait dev
1022
lle façon qu’ils ne le paraissent point. Et alors
le
relativisme angoissant qui semblait devoir résulter de cette confront
1023
nouit : c’est bien plutôt une unité supérieure de
l’
esprit humain que nous découvrons, et qui nous permettra de juger à no
1024
er à notre tour certaines démences qui enfièvrent
l’
Europe. Tandis que M. Ford expose victorieusement sa méthode pour « r
1025
prenons chaque jour une conscience plus claire de
la
vanité de nos buts, « capables d’agir jusqu’au sacrifice, mais pleins
1026
jusqu’au sacrifice, mais pleins de dégoût devant
la
volonté d’action qui tord aujourd’hui notre race… ». Et peut-être n’e
1027
laisser subsister en nous qu’un « étrange goût de
la
destruction et de l’anarchie, exempt de passion, divertissement suprê
1028
nous qu’un « étrange goût de la destruction et de
l’
anarchie, exempt de passion, divertissement suprême de l’incertitude…
1029
hie, exempt de passion, divertissement suprême de
l’
incertitude… » aa. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] André Malra
1030
ugemont Denis de, « [Compte rendu] André Malraux,
La
Tentation de l’Occident », Bibliothèque universelle et Revue de Genè
1031
, « [Compte rendu] André Malraux, La Tentation de
l’
Occident », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, déce
1032
Louis Aragon,
Le
Paysan de Paris (janvier 1927)ab « Je n’admets pas qu’on reprenne
1033
n’admets pas qu’on reprenne mes paroles, qu’on me
les
oppose. Ce ne sont pas les termes d’un traité de paix. Entre moi et v
1034
mes paroles, qu’on me les oppose. Ce ne sont pas
les
termes d’un traité de paix. Entre moi et vous, c’est la guerre. » Voi
1035
mes d’un traité de paix. Entre moi et vous, c’est
la
guerre. » Voilà pour les critiques, « punaises glabres et poux barbus
1036
Entre moi et vous, c’est la guerre. » Voilà pour
les
critiques, « punaises glabres et poux barbus », qui perdraient leur t
1037
ux barbus », qui perdraient leur temps à recenser
les
incohérences pittoresques de ce petit livre. Quant à ceux que certain
1038
une kyrielle d’injures qui ne font pas honneur à
l’
imagination d’autres fois si prestigieuse du poète : « Ils m’ont suivi
1039
ois si prestigieuse du poète : « Ils m’ont suivi,
les
imbéciles », ricane-t-il ; et sans rire : « À mort ceux qui paraphras
1040
ce que je dis ». Il y a chez Aragon une folie de
la
persécution, qui se cherche partout des prétextes, et une passion far
1041
rtout des prétextes, et une passion farouche pour
la
liberté, qui font de cet ombrageux personnage une manière de Rousseau
1042
tense désespoir, on songe au Frank de La Coupe et
les
Lèvres, à qui ses compagnons criaient : « Te fais-tu le bouffon de ta
1043
res, à qui ses compagnons criaient : « Te fais-tu
le
bouffon de ta propre détresse ? » Tant d’insistance dans le mauvais g
1044
de ta propre détresse ? » Tant d’insistance dans
le
mauvais goût ne m’empêchera pas de le dire, Aragon possède le tempéra
1045
stance dans le mauvais goût ne m’empêchera pas de
le
dire, Aragon possède le tempérament le plus hardi et le plus original
1046
oût ne m’empêchera pas de le dire, Aragon possède
le
tempérament le plus hardi et le plus original de la jeune littérature
1047
era pas de le dire, Aragon possède le tempérament
le
plus hardi et le plus original de la jeune littérature française. Il
1048
e, Aragon possède le tempérament le plus hardi et
le
plus original de la jeune littérature française. Il le proclame « J’a
1049
tempérament le plus hardi et le plus original de
la
jeune littérature française. Il le proclame « J’appartiens à la grand
1050
us original de la jeune littérature française. Il
le
proclame « J’appartiens à la grande race des torrents ». Génie inégal
1051
rature française. Il le proclame « J’appartiens à
la
grande race des torrents ». Génie inégal s’il en fut, voici parmi tro
1052
littérature pour trouver semblable domination de
la
langue. Et parmi les modernes, il bat tous les records de l’image, ce
1053
ouver semblable domination de la langue. Et parmi
les
modernes, il bat tous les records de l’image, ce qui nous vaut avec d
1054
de la langue. Et parmi les modernes, il bat tous
les
records de l’image, ce qui nous vaut avec des bizarreries fatigantes
1055
Et parmi les modernes, il bat tous les records de
l’
image, ce qui nous vaut avec des bizarreries fatigantes et quelques so
1056
ne se croie pas tenu de justifier ses visions par
le
moyen d’une métaphysique aussi prétentieuse qu’incertaine. Son affair
1057
si prétentieuse qu’incertaine. Son affaire, c’est
l’
amour, et certain désespoir vaste et profond comme l’époque. « Voulez-
1058
mour, et certain désespoir vaste et profond comme
l’
époque. « Voulez-vous des douleurs, la mort ou des chansons ? » On a l
1059
ofond comme l’époque. « Voulez-vous des douleurs,
la
mort ou des chansons ? » On a l’hallucination du décor des capitales,
1060
us des douleurs, la mort ou des chansons ? » On a
l’
hallucination du décor des capitales, créatrice d’un merveilleux de ch
1061
instant, d’une véritable « mythologie moderne ».
Le
Paysan de Paris est une suite de promenades dont la composition n’est
1062
Paysan de Paris est une suite de promenades dont
la
composition n’est pas sans rappeler celle des Nuits d’octobre de Nerv
1063
es Nuits d’octobre de Nerval ; forme qui permet à
l’
auteur de divaguer de la philosophie au lyrisme le plus échevelé en pa
1064
rval ; forme qui permet à l’auteur de divaguer de
la
philosophie au lyrisme le plus échevelé en passant par la description
1065
l’auteur de divaguer de la philosophie au lyrisme
le
plus échevelé en passant par la description réaliste ou imaginée d’un
1066
sophie au lyrisme le plus échevelé en passant par
la
description réaliste ou imaginée d’une boîte de nuit, d’une devanture
1067
, d’une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas
le
meilleur livre de l’auteur d’Anicet. C’est pourtant un des plus signi
1068
un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de
l’
auteur d’Anicet. C’est pourtant un des plus significatifs du romantism
1069
ougemont Denis de, « [Compte rendu] Louis Aragon,
Le
Paysan de Paris », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genè
1070
Bernard Barbey,
La
Maladère (février 1927)ac « Quel admirable sujet de roman, écrit G
1071
out de quinze ans, de vingt ans de vie conjugale,
la
décristallisation progressive et réciproque des conjoints. » On sait
1072
èvre d’imagination qui orne de beautés illusoires
l’
objet de l’amour. Mais les jeunes gens de ce temps ne cultivent point
1073
ination qui orne de beautés illusoires l’objet de
l’
amour. Mais les jeunes gens de ce temps ne cultivent point cette fièvr
1074
ne de beautés illusoires l’objet de l’amour. Mais
les
jeunes gens de ce temps ne cultivent point cette fièvre. Et comme la
1075
e temps ne cultivent point cette fièvre. Et comme
la
morale ne sait plus leur imposer de feindre encore ce que le cœur ne
1076
e sait plus leur imposer de feindre encore ce que
le
cœur ne ressent plus, il suffit de quelques mois aux jeunes époux de
1077
s, il suffit de quelques mois aux jeunes époux de
la
Maladère pour se déprendre de leurs rêves. Un malentendu grandit entr
1078
x dans leur isolement, inexplicable et mal avoué.
L’
on songe à une fatalité intérieure qui les ferait se meurtrir l’un l’a
1079
l avoué. L’on songe à une fatalité intérieure qui
les
ferait se meurtrir l’un l’autre. Pourtant, jusqu’au bout, il semble q
1080
u’un mot, un geste décisif, ou certaine amitié de
la
saison suffirait à dissiper le charme perfide qui les tourmente. Mais
1081
certaine amitié de la saison suffirait à dissiper
le
charme perfide qui les tourmente. Mais il faudrait d’abord qu’ils se
1082
saison suffirait à dissiper le charme perfide qui
les
tourmente. Mais il faudrait d’abord qu’ils se soient délivrés d’eux-m
1083
, soient possibles. C’est d’Armande surtout qu’on
les
attendrait, plus franche d’allure. On ne sait ce qui la retient : son
1084
endrait, plus franche d’allure. On ne sait ce qui
la
retient : son amour ? son manque d’amour ? Pour Jacques, il souffre d
1085
able adolescence, d’un défaitisme sentimental qui
l’
empêtre de réticences, et le fait jouer bien maladroitement son rôle d
1086
tisme sentimental qui l’empêtre de réticences, et
le
fait jouer bien maladroitement son rôle d’homme… « Captif de sa propr
1087
e trahit Barbey : son art est justement de voiler
les
intentions du récit et de les exprimer seulement par un geste, une nu
1088
justement de voiler les intentions du récit et de
les
exprimer seulement par un geste, une nuance du paysage, une image qu’
1089
sentiment. Ce n’est qu’à force de discrétion dans
les
moyens qu’il parvient à une certaine puissance de l’effet, aux derniè
1090
moyens qu’il parvient à une certaine puissance de
l’
effet, aux dernières pages. Il règne dans la Maladère une étrange harm
1091
ce de l’effet, aux dernières pages. Il règne dans
la
Maladère une étrange harmonie entre le climat des sentiments et celui
1092
règne dans la Maladère une étrange harmonie entre
le
climat des sentiments et celui des campagnes désolées où ils se dével
1093
ristes et sans violence, autour de ces êtres dont
la
détresse est d’autant plus cruelle qu’elle est contenue sous des deho
1094
ntenue sous des dehors trop polis. Une fois fermé
le
livre de Barbey, on oublie la justesse de son analyse pour n’évoquer
1095
lis. Une fois fermé le livre de Barbey, on oublie
la
justesse de son analyse pour n’évoquer plus que des visions où se con
1096
our n’évoquer plus que des visions où se condense
le
sentiment du récit. Dans le Cœur gros, c’était un parc avant l’orage,
1097
isions où se condense le sentiment du récit. Dans
le
Cœur gros, c’était un parc avant l’orage, le rose sombre d’une joue b
1098
u récit. Dans le Cœur gros, c’était un parc avant
l’
orage, le rose sombre d’une joue brûlante et fraîche dans le vent. Et
1099
Dans le Cœur gros, c’était un parc avant l’orage,
le
rose sombre d’une joue brûlante et fraîche dans le vent. Et dans la M
1100
e rose sombre d’une joue brûlante et fraîche dans
le
vent. Et dans la Maladère, un arbre coupé découvrant le manoir perdu,
1101
ne joue brûlante et fraîche dans le vent. Et dans
la
Maladère, un arbre coupé découvrant le manoir perdu, des fumées sur u
1102
t. Et dans la Maladère, un arbre coupé découvrant
le
manoir perdu, des fumées sur un paysage d’hiver et soudain sous la lu
1103
des fumées sur un paysage d’hiver et soudain sous
la
lueur d’un incendie, deux visages tordus de passion. Cette fin est ad
1104
tordus de passion. Cette fin est admirable, dont
la
brutalité si longtemps désirée délivre Jacques d’un passé obsédant, d
1105
gemont Denis de, « [Compte rendu] Bernard Barbey,
La
Maladère », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, fév
1106
Guy de Pourtalès, Montclar (février 1927)ad
L’
on aime que, pour certains hommes, écrire ne soit que le recensement p
1107
ime que, pour certains hommes, écrire ne soit que
le
recensement passionné de leur vie, ou l’aveu déguisé d’une insatisfac
1108
soit que le recensement passionné de leur vie, ou
l’
aveu déguisé d’une insatisfaction qu’elle leur laisse. Montclar est l’
1109
insatisfaction qu’elle leur laisse. Montclar est
l’
auteur de vers de jeunesse auxquels il ne tient guère, et l’on compren
1110
e vers de jeunesse auxquels il ne tient guère, et
l’
on comprend que ce journal bientôt les rejoindra dans l’armoire aux so
1111
nt guère, et l’on comprend que ce journal bientôt
les
rejoindra dans l’armoire aux souvenirs. Cette façon de ne pas y tenir
1112
omprend que ce journal bientôt les rejoindra dans
l’
armoire aux souvenirs. Cette façon de ne pas y tenir, qu’il manifeste
1113
oute occasion de sa vie est peut-être ce qui nous
le
rend le plus sympathique. « Officiellement comblé, et par dedans… com
1114
asion de sa vie est peut-être ce qui nous le rend
le
plus sympathique. « Officiellement comblé, et par dedans… comment bie
1115
ui, comme pour Barnabooth, il s’agit de « déjouer
le
complot de la commodité ». Mais plus voluptueux que philosophe, c’est
1116
Barnabooth, il s’agit de « déjouer le complot de
la
commodité ». Mais plus voluptueux que philosophe, c’est à l’amour qu’
1117
é ». Mais plus voluptueux que philosophe, c’est à
l’
amour qu’il ira demander la souffrance indispensable au perfectionneme
1118
ue philosophe, c’est à l’amour qu’il ira demander
la
souffrance indispensable au perfectionnement de son âme. Et qu’import
1119
au perfectionnement de son âme. Et qu’importe si
les
Allemands qui, fréquente sontae, pour notre plaisir, un peu plus vien
1120
rle de choses d’art comme on fait dans Proust, si
les
passions qu’il nous peint sont ici tant soit peu russes, et là, gidie
1121
se connaît assez pour savoir ce qui est en lui de
l’
homme même, ou de l’amateur distingué, — et ne peut pas nous tromper l
1122
r savoir ce qui est en lui de l’homme même, ou de
l’
amateur distingué, — et ne peut pas nous tromper là-dessus. Il se conn
1123
sus. Il se connaît avec une sorte de froideur que
l’
on dirait désintéressée si elle n’avait pour effet de souligner, plus
1124
he secrètement, parce que de ces « ratages » naît
le
perpétuel besoin d’évasion qui est la condition de son progrès moral.
1125
ages » naît le perpétuel besoin d’évasion qui est
la
condition de son progrès moral. C’est ainsi qu’il consent, non sans u
1126
consent, non sans une imperceptible satisfaction,
l’
aveu d’une fondamentale indifférence du cœur qui contraste avec une vi
1127
meline, un amour se noue, qui commence où souvent
l’
on finit. Et peut-être l’amour n’est-il possible qu’entre deux cœurs q
1128
qui commence où souvent l’on finit. Et peut-être
l’
amour n’est-il possible qu’entre deux cœurs que l’épreuve du plaisir n
1129
l’amour n’est-il possible qu’entre deux cœurs que
l’
épreuve du plaisir n’a pas exténués. Mais alors quelle avidité cruelle
1130
amour, à force de petites blessures. Ce n’est pas
le
moins troublant d’une telle vie, cette sagesse un peu sombre qui s’en
1131
’en dégage, sagesse qui veut « que nous appelions
les
âmes à la vie après seulement toutes les morts du plaisir », car elle
1132
sagesse qui veut « que nous appelions les âmes à
la
vie après seulement toutes les morts du plaisir », car elle sait « qu
1133
ppelions les âmes à la vie après seulement toutes
les
morts du plaisir », car elle sait « qu’entre les êtres, le bonheur es
1134
les morts du plaisir », car elle sait « qu’entre
les
êtres, le bonheur est un lien sans durée. Seules la souffrance ou de
1135
du plaisir », car elle sait « qu’entre les êtres,
le
bonheur est un lien sans durée. Seules la souffrance ou de secrètes a
1136
êtres, le bonheur est un lien sans durée. Seules
la
souffrance ou de secrètes anomalies ont un pouvoir d’éternité. » Il e
1137
e, ce me semble, d’insister sur ce qui forme dans
le
récit de cette vie comme une arrière-pensée inquiète et un peu hautai
1138
e arrière-pensée inquiète et un peu hautaine. Que
la
composition de cette réminiscence soit assez facile et « artiste » on
1139
le et « artiste » on hésite à en faire reproche à
l’
auteur. Cette espèce de modestie de l’allure est rare autant que sympa
1140
reproche à l’auteur. Cette espèce de modestie de
l’
allure est rare autant que sympathique, dans le temps que sévit l’infl
1141
de l’allure est rare autant que sympathique, dans
le
temps que sévit l’inflation littéraire la plus ridicule. Pourtant, qu
1142
e autant que sympathique, dans le temps que sévit
l’
inflation littéraire la plus ridicule. Pourtant, qu’elle ne laisse poi
1143
e, dans le temps que sévit l’inflation littéraire
la
plus ridicule. Pourtant, qu’elle ne laisse point oublier que ce livre
1144
e. Il manque sans doute un morceau de phrase dans
l’
édition originale.
1145
se aimée… (mars 1927)af M. Edmond Jaloux offre
l’
exemple rare d’un homme que son évolution naturelle a rapproché, dans
1146
sa maturité, des jeunes générations, en sorte que
l’
espèce de romantisme à la Nerval auquel il aboutit coïncide avec un mo
1147
énérations, en sorte que l’espèce de romantisme à
la
Nerval auquel il aboutit coïncide avec un mouvement dont lui-même s’e
1148
ec un mouvement dont lui-même s’est plu à relever
les
indices chez ses jeunes contemporains, et qu’il vient appuyer de son
1149
éjà riche de romancier. Son regard se promène sur
le
même monde où se plaisent nos jeunes poètes cosmopolites, mais il gar
1150
Giraudoux, j’y vois un signe charmant d’amitié de
l’
aîné au plus jeune, lequel envoie l’un de ses personnages pour remerci
1151
’un René Dubardeau pour cette ambassade). Parfois
l’
on se demande si l’Auber de Jean Cassou ne va pas s’attabler au café e
1152
pour cette ambassade). Parfois l’on se demande si
l’
Auber de Jean Cassou ne va pas s’attabler au café en face des personna
1153
face des personnages de Jaloux. Et peut-être que
la
comtesse Rezzovitch a rencontré M. Paul Morand, mais elle a dû le tro
1154
ovitch a rencontré M. Paul Morand, mais elle a dû
le
trouver un peu froid, n’aura pas été tentée de lui faire ces confiden
1155
confiant et secrètement incertain de ce roman. À
la
veille de se marier, Jérôme Parseval, journaliste parisien, rencontre
1156
carne aussitôt à ses yeux tout ce qu’il attend de
l’
amour. Une confidence, un baiser, et il ne la reverra jamais. Il aime
1157
d de l’amour. Une confidence, un baiser, et il ne
la
reverra jamais. Il aime encore sa femme, « mais comme on aime une pet
1158
d on a failli hériter de Chenonceaux ». Peu à peu
l’
image d’Irène Rezzovitch s’idéalise et gagne la puissance d’une mervei
1159
eu l’image d’Irène Rezzovitch s’idéalise et gagne
la
puissance d’une merveilleuse obsession. Il lui écrit de longues lettr
1160
obsession. Il lui écrit de longues lettres, sans
les
envoyer. Il apprend sa mort, et qu’elle l’aurait peut-être aimé. Enfi
1161
sans les envoyer. Il apprend sa mort, et qu’elle
l’
aurait peut-être aimé. Enfin, divorcé, seul, il la revoit dans une vis
1162
l’aurait peut-être aimé. Enfin, divorcé, seul, il
la
revoit dans une vision prestigieuse et désolée… M. Jaloux a trouvé là
1163
nt aujourd’hui un réalisme discret mais précis et
le
sens de ce qu’il y a en nous d’essentiel, de ce qui détermine nos act
1164
ssentiel, de ce qui détermine nos actes avant que
la
raison n’intervienne, mouvements de nos passions à nous-mêmes inavoué
1165
système de valeurs lyriques et sentimentales que
la
raison ignore ou tyrannise aveuglément, car « nous avons dressé notre
1166
manque guère à ce devoir sacré ». M. Jaloux évite
le
péril d’un réalisme trop amer et celui du roman lyrique, par l’équili
1167
réalisme trop amer et celui du roman lyrique, par
l’
équilibre qu’il maintient entre ces deux inconscients : l’époque et l’
1168
bre qu’il maintient entre ces deux inconscients :
l’
époque et l’être secret du héros. Il sait mieux que quiconque aujourd’
1169
intient entre ces deux inconscients : l’époque et
l’
être secret du héros. Il sait mieux que quiconque aujourd’hui faire éc
1170
rsonne, pas même eux ». Dans ce roman, comme dans
l’
Âge d’or, un désenchantement profond prend le masque d’une aimable mél
1171
dans l’Âge d’or, un désenchantement profond prend
le
masque d’une aimable mélancolie. C’est la sourde tristesse des choses
1172
d prend le masque d’une aimable mélancolie. C’est
la
sourde tristesse des choses qui vous échappent, des amours impossible
1173
rs impossibles, des histoires dont on ne sait pas
la
fin ni le sens véritable, mais seulement qu’elles ont fait souffrir.
1174
bles, des histoires dont on ne sait pas la fin ni
le
sens véritable, mais seulement qu’elles ont fait souffrir. Rendez-vou
1175
compris, et peut-être, un quiproquo de destinées…
Le
tragique du peut-être ; (comme dans l’une des dernières phrases de Sy
1176
’une des dernières phrases de Sylvie : « Là était
le
bonheur, peut-être… »). Mais le ton reste si léger, spirituel, fantai
1177
lvie : « Là était le bonheur, peut-être… »). Mais
le
ton reste si léger, spirituel, fantaisiste (cette touche pour peindre
1178
eindre un personnage épisodique : « Il confondait
la
rose et la pivoine, l’orange et l’ananas… »). Une telle œuvre, dense,
1179
ersonnage épisodique : « Il confondait la rose et
la
pivoine, l’orange et l’ananas… »). Une telle œuvre, dense, sans obscu
1180
isodique : « Il confondait la rose et la pivoine,
l’
orange et l’ananas… »). Une telle œuvre, dense, sans obscurité, riche
1181
Il confondait la rose et la pivoine, l’orange et
l’
ananas… »). Une telle œuvre, dense, sans obscurité, riche et décantée,
1182
927)ag Il faut souhaiter que ce témoignage sur
les
générations nouvelles et leurs maîtres soit lu par tous ceux qui cher
1183
lu par tous ceux qui cherchent à s’orienter dans
la
crise moderne. M. Daniel-Rops unit en lui à l’état de velléités contr
1184
ns la crise moderne. M. Daniel-Rops unit en lui à
l’
état de velléités contradictoires que son intelligence très nuancée ma
1185
ncée maintient en une sorte d’instable équilibre,
les
tendances que ses contemporains ont poussées à l’extrême avec moins d
1186
es tendances que ses contemporains ont poussées à
l’
extrême avec moins de prudence mais aussi de lucidité. Séduit par Gide
1187
lucidité. Séduit par Gide ; admirant Maurras sans
l’
aimer ; saluant en Valéry une réussite unique mais presque inhumaine ;
1188
e mais presque inhumaine ; secrètement attiré par
les
thèses extrémistes mais non dépourvues d’une sombre grandeur, des sur
1189
et en même temps par cette solution universelle,
la
foi, il résume en lui cette inquiétude qui fait la grandeur et la mis
1190
a foi, il résume en lui cette inquiétude qui fait
la
grandeur et la misère de l’époque — et qu’il avoue préférer à une cer
1191
e en lui cette inquiétude qui fait la grandeur et
la
misère de l’époque — et qu’il avoue préférer à une certitude trop vit
1192
e inquiétude qui fait la grandeur et la misère de
l’
époque — et qu’il avoue préférer à une certitude trop vite atteinte, o
1193
jeunesse ne verrait qu’une abdication. Il décrit
la
« génération nouvelle » avec une intelligente sympathie et un sens ra
1194
amlétisme », pouvoir aigu d’analyse qui conduit à
la
dispersion autant qu’à l’approfondissement du moi, soif de tout et po
1195
d’analyse qui conduit à la dispersion autant qu’à
l’
approfondissement du moi, soif de tout et pourtant mépris de tout, pro
1196
t pourtant mépris de tout, procédant d’un goût de
l’
absolu à la fois mystique et anarchique : ce sont bien les grands trai
1197
u à la fois mystique et anarchique : ce sont bien
les
grands traits de notre inquiétude. (Mais peut-être M. Rops a-t-il tro
1198
tude. (Mais peut-être M. Rops a-t-il trop négligé
le
rôle extérieur, que je crois décisif, des conditions de la vie modern
1199
xtérieur, que je crois décisif, des conditions de
la
vie moderne.) Après avoir défini quelques « positions en face de l’in
1200
près avoir défini quelques « positions en face de
l’
inquiétude », M. Rops considère les deux solutions les plus parfaites
1201
ions en face de l’inquiétude », M. Rops considère
les
deux solutions les plus parfaites qui s’offrent aux jeunes gens d’auj
1202
nquiétude », M. Rops considère les deux solutions
les
plus parfaites qui s’offrent aux jeunes gens d’aujourd’hui. Il consta
1203
qu’en y substituant ce qui ne vient que de Dieu :
la
Foi ». Acculée à la rigueur d’un choix presque impossible, notre ince
1204
ce qui ne vient que de Dieu : la Foi ». Acculée à
la
rigueur d’un choix presque impossible, notre incertitude paraît sans
1205
de. Mais, ici, M. Daniel-Rops n’a-t-il pas cédé à
la
tentation de créer des dilemmes irréductibles, suprême et inconscient
1206
uprême et inconsciente ruse d’un inquiet qui veut
le
rester ? Ces deux solutions peuvent se résumer en deux mots : inquiét
1207
: inquiétude ou foi. Dès lors sont-elles vraiment
les
deux termes d’un dilemme, l’une n’étant que le chemin qui mène à l’au
1208
t les deux termes d’un dilemme, l’une n’étant que
le
chemin qui mène à l’autre ? Car la foi naît de l’inquiétude autant qu
1209
ne n’étant que le chemin qui mène à l’autre ? Car
la
foi naît de l’inquiétude autant que de la grâce, et régénère sans ces
1210
le chemin qui mène à l’autre ? Car la foi naît de
l’
inquiétude autant que de la grâce, et régénère sans cesse l’inquiétude
1211
e ? Car la foi naît de l’inquiétude autant que de
la
grâce, et régénère sans cesse l’inquiétude autant que la sérénité… Au
1212
de autant que de la grâce, et régénère sans cesse
l’
inquiétude autant que la sérénité… Au reste, n’est-elle pas de M. Rops
1213
e, et régénère sans cesse l’inquiétude autant que
la
sérénité… Au reste, n’est-elle pas de M. Rops lui-même, cette phrase
1214
lui-même, cette phrase qui formule admirablement
les
exigences conjointes de l’inquiétude et de la foi : « Si tu as trouvé
1215
formule admirablement les exigences conjointes de
l’
inquiétude et de la foi : « Si tu as trouvé Dieu, il te reste à le che
1216
nt les exigences conjointes de l’inquiétude et de
la
foi : « Si tu as trouvé Dieu, il te reste à le chercher encore… » a
1217
de la foi : « Si tu as trouvé Dieu, il te reste à
le
chercher encore… » ag. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Daniel
1218
hoquer et s’imposer pourtant. M. Lecache présente
le
problème juif avec une obstination à ne rien cacher qui le mène profo
1219
me juif avec une obstination à ne rien cacher qui
le
mène profond. Une famille juive dans le Marais. Le père est un taille
1220
acher qui le mène profond. Une famille juive dans
le
Marais. Le père est un tailleur, biblique, austère et probe, qui n’a
1221
e mène profond. Une famille juive dans le Marais.
Le
père est un tailleur, biblique, austère et probe, qui n’a d’ambition
1222
, qui n’a d’ambition que pour ses enfants. Jacob,
l’
aîné se révolte. Sensualité, intelligence, brutalité : les caractères
1223
se révolte. Sensualité, intelligence, brutalité :
les
caractères se résument dans son avidité de puissance. C’est par l’arg
1224
résument dans son avidité de puissance. C’est par
l’
argent qu’on domine notre âge : il devient grand industriel, assure sa
1225
au prix du peu cynique reniement de ses origines.
Le
vieux père s’effondre de honte et de douleur. « On vend de l’étoffe…
1226
e s’effondre de honte et de douleur. « On vend de
l’
étoffe… eux ils se vendent ! » Mais Jacob a renié ses parents, non leu
1227
ents, non leurs ambitions. Surmontant son dégoût,
le
père ajoute : « Notre sang sera vainqueur… Qu’ils m’oublient, qu’ils
1228
ueur… Qu’ils m’oublient, qu’ils me méprisent ! Je
les
vois régner. Je salue leur Loi. » Le récit grassement pittoresque dan
1229
risent ! Je les vois régner. Je salue leur Loi. »
Le
récit grassement pittoresque dans la description du milieu juif, pren
1230
leur Loi. » Le récit grassement pittoresque dans
la
description du milieu juif, prend une âpre rapidité avec l’ascension
1231
tion du milieu juif, prend une âpre rapidité avec
l’
ascension de Jacob et ses luttes. On pardonne bon nombre de platitudes
1232
ne bon nombre de platitudes et de vulgarités pour
les
derniers chapitres, denses, violents, et dont le profond ricanement s
1233
les derniers chapitres, denses, violents, et dont
le
profond ricanement se prolonge en nous. Je crois entendre Jacob qui s
1234
fort que cette bourgeoisie fatiguée, et de suivre
le
destin que vous m’avez assigné à force de m’humilier et de me craindr
1235
René Crevel,
La
Mort difficile (mai 1927)ai Le jeu de tout dire est une des plus t
1236
René Crevel, La Mort difficile (mai 1927)ai
Le
jeu de tout dire est une des plus tragiques inventions de l’inquiétud
1237
out dire est une des plus tragiques inventions de
l’
inquiétude actuelle. Sous couleur de démasquer l’humain, et par l’acha
1238
l’inquiétude actuelle. Sous couleur de démasquer
l’
humain, et par l’acharnement angoissé qu’on y apporte, l’on en vient à
1239
uelle. Sous couleur de démasquer l’humain, et par
l’
acharnement angoissé qu’on y apporte, l’on en vient à une conception d
1240
n, et par l’acharnement angoissé qu’on y apporte,
l’
on en vient à une conception de la sincérité qui me paraît proprement
1241
u’on y apporte, l’on en vient à une conception de
la
sincérité qui me paraît proprement inhumaine. Tout dire, vraiment ? C
1242
proprement inhumaine. Tout dire, vraiment ? C’est
l’
exigence d’une détresse cachée ; elle fait bientôt considérer toute jo
1243
ôt considérer toute joie comme illusoire et livre
l’
individu pieds et poings liés à l’obsession qu’il voulait avouer pour
1244
usoire et livre l’individu pieds et poings liés à
l’
obsession qu’il voulait avouer pour s’en délivrer peut-être. Cette sin
1245
re. Cette sincérité ne serait-elle à son tour que
le
masque d’un goût du malheur ? Le sujet profond de ce roman, où l’on v
1246
e à son tour que le masque d’un goût du malheur ?
Le
sujet profond de ce roman, où l’on voit comment Pierre en vient à sac
1247
oût du malheur ? Le sujet profond de ce roman, où
l’
on voit comment Pierre en vient à sacrifier Diane, son apaisement, pou
1248
sement, pour Arthur, sa « maladie », c’est encore
l’
« élan mortel » que décrivait Mon Corps et Moi. Quand l’analyse féroce
1249
an mortel » que décrivait Mon Corps et Moi. Quand
l’
analyse féroce de Crevel fouille les pensées de Pierre ou de Diane, le
1250
et Moi. Quand l’analyse féroce de Crevel fouille
les
pensées de Pierre ou de Diane, les gestes d’Arthur, le roman vit et n
1251
Crevel fouille les pensées de Pierre ou de Diane,
les
gestes d’Arthur, le roman vit et nous touche par la force de ce tourm
1252
nsées de Pierre ou de Diane, les gestes d’Arthur,
le
roman vit et nous touche par la force de ce tourment ou de ce sauvage
1253
gestes d’Arthur, le roman vit et nous touche par
la
force de ce tourment ou de ce sauvage égoïsme ; mais qu’elle s’acharn
1254
e ce sauvage égoïsme ; mais qu’elle s’acharne sur
le
détail dégoûtant et mesquin de certain milieu bourgeois, et l’on voit
1255
oûtant et mesquin de certain milieu bourgeois, et
l’
on voit bien que l’auteur n’est pas encore détaché de la matière pour
1256
e certain milieu bourgeois, et l’on voit bien que
l’
auteur n’est pas encore détaché de la matière pour en tirer une œuvre
1257
oit bien que l’auteur n’est pas encore détaché de
la
matière pour en tirer une œuvre d’art. La sincérité audacieuse mais s
1258
aché de la matière pour en tirer une œuvre d’art.
La
sincérité audacieuse mais sans bravade qui donne à ce livre sa valeur
1259
trahissent une écriture hâtive. Mais il y a dans
l’
œuvre de René Crevel un sens de la douleur et un sérieux humain qui fo
1260
ais il y a dans l’œuvre de René Crevel un sens de
la
douleur et un sérieux humain qui forcent la sympathie. ai. Rougemo
1261
ns de la douleur et un sérieux humain qui forcent
la
sympathie. ai. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] René Crevel, L
1262
Rougemont Denis de, « [Compte rendu] René Crevel,
La
Mort difficile », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genèv
1263
Paul Éluard, Capitale de
la
douleur (mai 1927)aj Nocturnes aux caresses coupantes comme certai
1264
ses coupantes comme certaines herbes. Capitale de
la
douleurak, ce sont de belles syllabes sereines, et dans cette ville,
1265
yllabes sereines, et dans cette ville, Éluard est
le
plus séduisant, le plus dangereusement gracieux des noctambules. Rêve
1266
t dans cette ville, Éluard est le plus séduisant,
le
plus dangereusement gracieux des noctambules. Rêves éveillés, entre d
1267
lixir dont il voudrait bien nous faire croire que
le
diable est l’auteur. Beaucoup d’oiseaux volètent, se balancent au bor
1268
voudrait bien nous faire croire que le diable est
l’
auteur. Beaucoup d’oiseaux volètent, se balancent au bord des verres,
1269
t, se balancent au bord des verres, se posent sur
les
cordes d’une lyre dont ils font grésiller l’accord, une patte en l’ai
1270
sur les cordes d’une lyre dont ils font grésiller
l’
accord, une patte en l’air, becquètent le cœur d’une femme qui va les
1271
re dont ils font grésiller l’accord, une patte en
l’
air, becquètent le cœur d’une femme qui va les étrangler doucement. Ce
1272
résiller l’accord, une patte en l’air, becquètent
le
cœur d’une femme qui va les étrangler doucement. Ces vers sont de jol
1273
e en l’air, becquètent le cœur d’une femme qui va
les
étrangler doucement. Ces vers sont de jolies flèches empoisonnées. Qu
1274
e, de laqué, d’élégant, de « bien français » ; et
le
mot sang n’évoque ici qu’une tache de couleur, plus sentimental que c
1275
he de couleur, plus sentimental que cruel. « J’ai
la
beauté facile et c’est heureux. » Il y a aussi un certain tragique, m
1276
nis de, « [Compte rendu] Paul Éluard, Capitale de
la
douleur », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai
1277
Genève, mai 1927, p. 693-694. ak. En romain dans
l’
édition originale.
1278
Pierre Drieu la Rochelle,
La
Suite dans les idées (mai 1927)al « De quoi s’agit-il ? de détruir
1279
Pierre Drieu la Rochelle, La Suite dans
les
idées (mai 1927)al « De quoi s’agit-il ? de détruire ou de rafisto
1280
Drieu s’examine. Encore un ? Non, enfin un. Tous
les
autres y ont apporté de secrètes complaisances, ou une arrière-pensée
1281
esoin d’être aimés qui faussaient leurs voix pour
les
rendre plus touchantes. Celui-ci bat sa coulpe avec une saine rudesse
1282
té corrompu et infect et adonné à mal » (Calvin).
Le
tableau n’est pas beau, mais on y sent une « patte » qui révèle encor
1283
is on y sent une « patte » qui révèle encore dans
le
fond quelque chose de solide, d’authentique. J’aime cette violence de
1284
redressement où je distingue bien autre chose que
les
« éclats de l’impuissance ». Un plus délicat eut compris que certains
1285
je distingue bien autre chose que les « éclats de
l’
impuissance ». Un plus délicat eut compris que certains des morceaux t
1286
fection, s’il ne peut encore s’en tirer, du moins
l’
avoue-t-il avec une franchise qui la rend sympathique. Et puis, tout d
1287
rer, du moins l’avoue-t-il avec une franchise qui
la
rend sympathique. Et puis, tout de même, on est bien heureux de renco
1288
t de même, on est bien heureux de rencontrer chez
les
jeunes écrivains français un homme qui ait à ce point le sens de l’ép
1289
es écrivains français un homme qui ait à ce point
le
sens de l’époque, une vision si claire et si tragique de la civilisat
1290
s français un homme qui ait à ce point le sens de
l’
époque, une vision si claire et si tragique de la civilisation d’Occid
1291
l’époque, une vision si claire et si tragique de
la
civilisation d’Occident. Les questions capitales posées ailleurs depu
1292
ire et si tragique de la civilisation d’Occident.
Les
questions capitales posées ailleurs depuis longtemps par des maîtres
1293
ir échappé au surréalisme en tant qu’il n’est que
le
triomphe de la littérature sur la vie, mais d’avoir su en garder une
1294
urréalisme en tant qu’il n’est que le triomphe de
la
littérature sur la vie, mais d’avoir su en garder une passion pour la
1295
qu’il n’est que le triomphe de la littérature sur
la
vie, mais d’avoir su en garder une passion pour la pureté, un « jusqu
1296
a vie, mais d’avoir su en garder une passion pour
la
pureté, un « jusqu’au boutisine » qui seul peut redonner quelque vita
1297
ourd’hui, presque sans pose, et décidé à mépriser
le
bluff. al. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Pierre Drieu la Ro
1298
is de, « [Compte rendu] Pierre Drieu la Rochelle,
La
Suite dans les idées », Bibliothèque universelle et Revue de Genève,
1299
te rendu] Pierre Drieu la Rochelle, La Suite dans
les
idées », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, mai 19
1300
Pierre Girard, Connaissez mieux
le
cœur des femmes (juillet 1927)am Quand vous avez fermé ce petit li
1301
fermé ce petit livre, vous partez en chantonnant
le
titre sur un air sentimental, bien décidé au fond, à retrouver Patsy,
1302
timental, bien décidé au fond, à retrouver Patsy,
l’
Irlandaise perdue par cet improbable et sympathique Paterne. Sous le f
1303
e par cet improbable et sympathique Paterne. Sous
le
fallacieux prétexte d’une flânerie de saison, vous vous attardez aux
1304
Justement, voici Pierre Girard : lui seul connaît
l’
adresse de Patsy, mais il ne veut pas vous la donner. Alors pour vous
1305
naît l’adresse de Patsy, mais il ne veut pas vous
la
donner. Alors pour vous venger, vous lui dites que, « d’abord », son
1306
re n’est pas sérieux. Il sourit. Vous ajoutez que
le
lyrisme des noms géographiques vous fatigue ; que c’est une vraie man
1307
lobe dans son voyage « est arrivé à un endroit de
l’
éther où il y a du bonheur ». Vous reconnaissez que Pierre Girard est
1308
son aisance. Vous accordez que s’il force un peu
la
dose de fantaisie, c’est plutôt par excès de facilité que par recherc
1309
ilité que par recherche. Vous voilà même tenté de
l’
en féliciter. Bien plus, vous découvrez dans ses fantoches une malicie
1310
nous seraient épargnés si nous ne regardions que
les
jambes des femmes », dit-il, pour vous apprendre ! — sans se douter q
1311
un devoir de ce plaisir. Un devoir !… Car hélas,
l’
on n’est pas impunément concitoyen de cet oncle Abraham qui interdit à
1312
Abraham qui interdit à Paterne son neveu de fumer
le
matin, de sortir la nuit, et qui lui fait jurer sur la Bible de ne pa
1313
à Paterne son neveu de fumer le matin, de sortir
la
nuit, et qui lui fait jurer sur la Bible de ne pas entrer dans les ca
1314
tin, de sortir la nuit, et qui lui fait jurer sur
la
Bible de ne pas entrer dans les cafés. Et puis, c’est égal, ce soir,
1315
lui fait jurer sur la Bible de ne pas entrer dans
les
cafés. Et puis, c’est égal, ce soir, tout cela est sans importance, c
1316
soir, tout cela est sans importance, car voici «
l’
heure des petits arbres pourpres, l’heure où dans les bibliothèques dé
1317
, car voici « l’heure des petits arbres pourpres,
l’
heure où dans les bibliothèques désertes glisse un grand souffle obliq
1318
heure des petits arbres pourpres, l’heure où dans
les
bibliothèques désertes glisse un grand souffle oblique plein de fraîc
1319
« [Compte rendu] Pierre Girard, Connaissez mieux
le
cœur des femmes », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genè
1320
s nouvelles n’ont guère de commun entre elles que
la
forme : ce sont de lentes réminiscences, des évocations intérieures,
1321
iniscences, des évocations intérieures, — et dans
l’
abandon de leurs méandres, peu à peu, se précisent les circonstances d
1322
bandon de leurs méandres, peu à peu, se précisent
les
circonstances d’une aventure ancienne. Entre hier et demain : Une fe
1323
suicidé pour une femme qu’ils ont aimé tous deux (
L’
Amie du Mort.) Ou bien c’est le récit d’un été de vacances, quand les
1324
nt aimé tous deux (L’Amie du Mort.) Ou bien c’est
le
récit d’un été de vacances, quand les premières inquiétudes du désir
1325
rieure aux deux autres, est une réussite rare par
la
justesse de l’observation autant que par la sympathie de l’auteur pou
1326
autres, est une réussite rare par la justesse de
l’
observation autant que par la sympathie de l’auteur pour ses héros. In
1327
e par la justesse de l’observation autant que par
la
sympathie de l’auteur pour ses héros. Indulgence et regrets, un ton q
1328
e de l’observation autant que par la sympathie de
l’
auteur pour ses héros. Indulgence et regrets, un ton qui permet le tac
1329
s héros. Indulgence et regrets, un ton qui permet
le
tact dans la hardiesse. On reste ravi de tant d’adresse sous un air d
1330
lgence et regrets, un ton qui permet le tact dans
la
hardiesse. On reste ravi de tant d’adresse sous un air de facilité qu
1331
sse sous un air de facilité qui serait presque de
la
nonchalance. M. Vaudoyer ressuscite ces adolescences avec une tendre
1332
objet qu’il en saisit sans mièvrerie ni vulgarité
la
grâce un peu trouble et l’insidieuse mélancolie. Un détail piqué adro
1333
mièvrerie ni vulgarité la grâce un peu trouble et
l’
insidieuse mélancolie. Un détail piqué adroitement, papillon dont frém
1334
iqué adroitement, papillon dont frémissent encore
les
ailes intactes ; l’évocation toute nervalienne en sa nostalgie, de la
1335
illon dont frémissent encore les ailes intactes ;
l’
évocation toute nervalienne en sa nostalgie, de la jeune étrangère don
1336
l’évocation toute nervalienne en sa nostalgie, de
la
jeune étrangère dont on rêve à 15 ans ; et voici ce je ne sais quoi,
1337
oici ce je ne sais quoi, ce délice furtif, ce que
l’
auteur lui-même appelle « cette vague poésie involontaire, intermitten
1338
à ces œuvrettes une si exquise humanité : par lui
le
« charme » reprend quelques droits. an. Rougemont Denis de, « [Com
1339
ériser tout lyrisme germanique, il faudra opposer
l’
excellent petit livre d’Edmond Jaloux. C’est un recueil de divers arti
1340
eil de divers articles et essais, dont certains —
le
Message de Rilke — sont du meilleur Jaloux, de ce Jaloux qui sait par
1341
qu’il partage avec eux ce goût du rêve préféré à
la
vie, — à ce qu’on appelle la vie. Jaloux, qui a rencontré plusieurs f
1342
ût du rêve préféré à la vie, — à ce qu’on appelle
la
vie. Jaloux, qui a rencontré plusieurs fois Rilke, trace de lui un po
1343
hotographie morale, mais une sorte de synthèse de
l’
homme et de l’homme dans son œuvre, qui est peut-être plus vraie que l
1344
rale, mais une sorte de synthèse de l’homme et de
l’
homme dans son œuvre, qui est peut-être plus vraie que le vrai, je veu
1345
dans son œuvre, qui est peut-être plus vraie que
le
vrai, je veux dire, plus rilkienne que ne fut Rilke. Rilke y apparaît
1346
telles qu’on en découvre chez certaines femmes et
l’
on y voit une préciosité sentimentale qui touche à la névrose ou bien
1347
n y voit une préciosité sentimentale qui touche à
la
névrose ou bien simplement une clairvoyance exceptionnelle, suivant q
1348
ment une clairvoyance exceptionnelle, suivant que
l’
on juge au nom d’une science ou au nom de l’esprit. « Pour moi qui aim
1349
t que l’on juge au nom d’une science ou au nom de
l’
esprit. « Pour moi qui aime plus que tout la poésie, écrit Jaloux, aus
1350
om de l’esprit. « Pour moi qui aime plus que tout
la
poésie, écrit Jaloux, aussitôt que je vis Rilke, je compris que cet u
1351
arce qu’ils possèdent déjà, au moins obscurément,
le
sens des réalités sur lesquelles s’opère l’expérience. On ne prouve l
1352
ment, le sens des réalités sur lesquelles s’opère
l’
expérience. On ne prouve la religion qu’aux convertis — qui n’ont plus
1353
sur lesquelles s’opère l’expérience. On ne prouve
la
religion qu’aux convertis — qui n’ont plus besoin de preuves. Il rest
1354
celui-ci tend un merveilleux piège sentimental à
la
raison raisonnante. Et qu’il nous mène un peu plus loin que la sempit
1355
sonnante. Et qu’il nous mène un peu plus loin que
la
sempiternelle « stratégie littéraire », de gazetiers ; au cœur de ces
1356
s sujets qui paraît-il, ne sont pas d’actualité :
la
solitude, la maladie, la peur. ao. Rougemont Denis de, « [Compte r
1357
paraît-il, ne sont pas d’actualité : la solitude,
la
maladie, la peur. ao. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Edmond
1358
e sont pas d’actualité : la solitude, la maladie,
la
peur. ao. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Edmond Jaloux, Rain
1359
ment il a écrit, sur commande, une Promenade dans
le
Midi. Récit alerte et familier (un brin pédant et un brin vulgaire pa
1360
nt une création littéraire. Bien sûr, c’est cela,
le
malaise d’écrire. Bopp est très intelligent. Et plein de verve, et pa
1361
une effusion « lyrique », histoire de n’avoir pas
l’
air dupe. Mais il a des façons parfois bien désobligeantes de voir jus
1362
scientifique, vis-à-vis du phénomène littéraire.
La
« Promenade » du héros de Bopp est une sorte de pensum. Cela rend peu
1363
oins convaincantes certaines de ses remarques sur
l’
inspiration. D’autre part la simplicité de l’objet était nécessaire à
1364
de ses remarques sur l’inspiration. D’autre part
la
simplicité de l’objet était nécessaire à la sécurité de cette sorte d
1365
sur l’inspiration. D’autre part la simplicité de
l’
objet était nécessaire à la sécurité de cette sorte d’analyse, — encor
1366
part la simplicité de l’objet était nécessaire à
la
sécurité de cette sorte d’analyse, — encore que Bopp ait prouvé dans
1367
facilité même est une réussite. Léon Bopp, c’est
le
combat d’un tempérament avec l’esprit de géométrie. Un scientisme ass
1368
Léon Bopp, c’est le combat d’un tempérament avec
l’
esprit de géométrie. Un scientisme assez insolent et les joyeuses révo
1369
rit de géométrie. Un scientisme assez insolent et
les
joyeuses révoltes de sa verve « interfèrent » en lui. Et aussi (presq
1370
928)aq C’est un livre sympathique ; et il vaut
la
peine de le dire car la chose n’est pas si fréquente dans la producti
1371
est un livre sympathique ; et il vaut la peine de
le
dire car la chose n’est pas si fréquente dans la production actuelle.
1372
sympathique ; et il vaut la peine de le dire car
la
chose n’est pas si fréquente dans la production actuelle. On retrouve
1373
le dire car la chose n’est pas si fréquente dans
la
production actuelle. On retrouve aux premiers chapitres de Catherine-
1374
-Paris cette magie des sensations et des rêves de
l’
enfance et cette féminité du sentiment, du tour de pensée même, qui fa
1375
opos. Mais dans ce roman, il n’y a plus seulement
la
femme, avec le miracle perpétuel de sa sensibilité. Il y a encore la
1376
ce roman, il n’y a plus seulement la femme, avec
le
miracle perpétuel de sa sensibilité. Il y a encore la princesse, le t
1377
iracle perpétuel de sa sensibilité. Il y a encore
la
princesse, le témoin intelligent et un peu ironique des cours d’Europ
1378
el de sa sensibilité. Il y a encore la princesse,
le
témoin intelligent et un peu ironique des cours d’Europe à la veille
1379
telligent et un peu ironique des cours d’Europe à
la
veille de la guerre. De cette espèce de collaboration résultent à la
1380
un peu ironique des cours d’Europe à la veille de
la
guerre. De cette espèce de collaboration résultent à la fois le défau
1381
cette espèce de collaboration résultent à la fois
le
défaut de composition du livre et sa richesse. L’enfance de Catherine
1382
le défaut de composition du livre et sa richesse.
L’
enfance de Catherine à Paris est du roman pur ; la tournée des cours d
1383
L’enfance de Catherine à Paris est du roman pur ;
la
tournée des cours de l’Europe centrale, qu’elle subit comme jeune épo
1384
Paris est du roman pur ; la tournée des cours de
l’
Europe centrale, qu’elle subit comme jeune épouse d’un comte polonais,
1385
i étonnent de la part d’une femme aussi femme que
l’
auteur du Perroquet Vert. Mais là-dessus, le roman repart dans une tro
1386
e que l’auteur du Perroquet Vert. Mais là-dessus,
le
roman repart dans une troisième action (l’amour de Catherine pour un
1387
essus, le roman repart dans une troisième action (
l’
amour de Catherine pour un aviateur français) assez peu intéressante à
1388
téressante à vrai dire, parce qu’elle n’est pas à
l’
échelle de ce qui la précède. Ces défaillances de la technique du roma
1389
re, parce qu’elle n’est pas à l’échelle de ce qui
la
précède. Ces défaillances de la technique du roman sont sauvées par u
1390
échelle de ce qui la précède. Ces défaillances de
la
technique du roman sont sauvées par un style brillant, plein de trouv
1391
mémoires. Mais si son début permet de croire que
le
Perroquet Vert ne restera pas une réussite isolée dans l’œuvre pureme
1392
quet Vert ne restera pas une réussite isolée dans
l’
œuvre purement romanesque de la princesse Bibesco, Catherine-Paris ann
1393
ussite isolée dans l’œuvre purement romanesque de
la
princesse Bibesco, Catherine-Paris annonce par ailleurs un mémorialis
1394
once par ailleurs un mémorialiste captivant, dans
la
tradition d’un Ligne par exemple. aq. Rougemont Denis de, « [Compt
1395
nt pour tous ceux que Jules Verne passionne. Pour
les
autres, divertissant et spirituel. Pourquoi ne veut-on voir en Jules
1396
un précurseur ? Jules Verne est un créateur, dont
les
inventions se suffisent et suffisent à notre joie. Ce ne sont pas les
1397
ffisent et suffisent à notre joie. Ce ne sont pas
les
savants qui sont prophètes, mais les poètes. Or Jules Verne fut poète
1398
ne sont pas les savants qui sont prophètes, mais
les
poètes. Or Jules Verne fut poète avant tout — et ce livre le fera bie
1399
Or Jules Verne fut poète avant tout — et ce livre
le
fera bien voir aux sceptiques. Il a aimé la science parce qu’elle ouv
1400
livre le fera bien voir aux sceptiques. Il a aimé
la
science parce qu’elle ouvre des perspectives d’évasion — où seuls les
1401
’elle ouvre des perspectives d’évasion — où seuls
les
poètes savent se perdre. Et c’est bien sa plus grande ruse que d’avoi
1402
est bien sa plus grande ruse que d’avoir emprunté
le
véhicule à la mode pour conduire des millions de lecteurs dans un mon
1403
us grande ruse que d’avoir emprunté le véhicule à
la
mode pour conduire des millions de lecteurs dans un monde purement fa
1404
de lecteurs dans un monde purement fantaisiste où
les
équations tyranniques deviennent de merveilleux calembours, où les sa
1405
anniques deviennent de merveilleux calembours, où
les
savants sont réellement dans la lune, ou bien descendent au fond des
1406
x calembours, où les savants sont réellement dans
la
lune, ou bien descendent au fond des mers adorer la Liberté et jouer
1407
lune, ou bien descendent au fond des mers adorer
la
Liberté et jouer de l’orgue sous les yeux de poulpes géants. Jules Ve
1408
nt au fond des mers adorer la Liberté et jouer de
l’
orgue sous les yeux de poulpes géants. Jules Verne a véritablement sou
1409
oulpes géants. Jules Verne a véritablement soumis
la
science à la poésie. Et l’on ne veut voir que jolis livres d’étrennes
1410
. Jules Verne a véritablement soumis la science à
la
poésie. Et l’on ne veut voir que jolis livres d’étrennes dans les œuv
1411
a véritablement soumis la science à la poésie. Et
l’
on ne veut voir que jolis livres d’étrennes dans les œuvres du plus gr
1412
’on ne veut voir que jolis livres d’étrennes dans
les
œuvres du plus grand créateur de mythes modernes, du seul écrivain do
1413
réateur de mythes modernes, du seul écrivain dont
l’
influence soit comparable à celle du cinéma ! Claretie raconte que les
1414
mparable à celle du cinéma ! Claretie raconte que
les
détenus des maisons de correction se jetaient sur ces volumes « au tr
1415
ces volumes « au travers desquels ils respiraient
l’
air du monde ». N’en ferons-nous pas autant, emprisonnés que nous somm
1416
que nous sommes dans une civilisation qui, selon
l’
expression de Jules Verne désabusé « emprunte l’aspect d’une nécessité
1417
n l’expression de Jules Verne désabusé « emprunte
l’
aspect d’une nécessité » (et dans la bouche de ce libertaire, cela con
1418
sé « emprunte l’aspect d’une nécessité » (et dans
la
bouche de ce libertaire, cela constituait un jugement !) Serons-nous
1419
s-nous longtemps encore dupes d’une conception de
la
littérature si pédante qu’elle exclut un de nos plus grands conteurs
1420
us Jules Verne aux enfants ? J’allais oublier que
la
littérature enfantine est le dernier bateau. Pour ce coup, voilà qui
1421
bord, je soupçonne que ce bateau n’est autre que
La
Liberté. ar. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Marguerite Allot
1422
on, Traité du style (août 1928)as Ce n’est pas
le
seul talent de M. Aragon qui le rendrait digne à mes yeux, de considé
1423
s Ce n’est pas le seul talent de M. Aragon qui
le
rendrait digne à mes yeux, de considération. J’admire autant le talen
1424
gne à mes yeux, de considération. J’admire autant
le
talent de celui qui mène 60 parties d’échecs simultanément, et c’est
1425
x écrivains que des révélations, ou mieux, qu’ils
les
favorisent par leurs écrits. Aragon, qui a le sens de l’amour, a dit
1426
ls les favorisent par leurs écrits. Aragon, qui a
le
sens de l’amour, a dit conséquemment beaucoup de choses vraies (belle
1427
risent par leurs écrits. Aragon, qui a le sens de
l’
amour, a dit conséquemment beaucoup de choses vraies (belles). Il est
1428
ies (belles). Il est même un des très rares parmi
les
jeunes qui ait vraiment donné quelque chose. C’est pourquoi j’ai lu c
1429
econde partie du livre est admirable ; il suffit.
Le
titre ne ment pas ; ce livre traite du style, à coups d’exemples qui
1430
aite du style, à coups d’exemples qui méritent de
l’
être. Et l’on voit bien ici qu’Aragon dépasse ces surréalistes, ces or
1431
le, à coups d’exemples qui méritent de l’être. Et
l’
on voit bien ici qu’Aragon dépasse ces surréalistes, ces orthodoxes de
1432
ragon dépasse ces surréalistes, ces orthodoxes de
l’
absurde confondu avec le poétique, ou ces disciples de Rimbaud, ou enf
1433
listes, ces orthodoxes de l’absurde confondu avec
le
poétique, ou ces disciples de Rimbaud, ou enfin ces littérateurs anti
1434
ces littérateurs antilittéraires, ces « Messieurs
les
Nymphes ». Mais donner l’air bête à ceux qui le sont en créant une be
1435
aires, ces « Messieurs les Nymphes ». Mais donner
l’
air bête à ceux qui le sont en créant une belle œuvre serait, par exem
1436
les Nymphes ». Mais donner l’air bête à ceux qui
le
sont en créant une belle œuvre serait, par exemple, plus efficace. Ar
1437
e voix du troupeau. C’est sans doute son rôle. Il
le
tient magnifiquement. Mais qu’on nous laisse chercher plus loin, dans
1438
ous laisse chercher plus loin, dans ce silence où
l’
on accède à des objets qui enfin valent le respect. as. Rougemont D
1439
ence où l’on accède à des objets qui enfin valent
le
respect. as. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Aragon, Traité d
1440
Pierre Naville,
La
Révolution et les intellectuels (novembre 1928)at Les derniers écr
1441
Pierre Naville, La Révolution et
les
intellectuels (novembre 1928)at Les derniers écrits des surréalist
1442
olution et les intellectuels (novembre 1928)at
Les
derniers écrits des surréalistes débattent la question de savoir s’il
1443
Les derniers écrits des surréalistes débattent
la
question de savoir s’ils vont se taire ou non. Mais leur silence ne d
1444
ux-mêmes. Ils se tournent donc naturellement vers
l’
action, c’est-à-dire — nous sommes en France — vers la politique. Or c
1445
tion, c’est-à-dire — nous sommes en France — vers
la
politique. Or ces ennemis de toute littérature voient leurs avances d
1446
e littérature voient leurs avances dédaignées par
les
communistes, gens d’action à jugements simples, qui les trouvent trop
1447
mmunistes, gens d’action à jugements simples, qui
les
trouvent trop littérateurs. Rien d’étonnant à cela dans une époque où
1448
ateurs. Rien d’étonnant à cela dans une époque où
les
valeurs de l’esprit sont en pratique universellement méprisées. Mais
1449
étonnant à cela dans une époque où les valeurs de
l’
esprit sont en pratique universellement méprisées. Mais les surréalist
1450
sont en pratique universellement méprisées. Mais
les
surréalistes ont leur responsabilité là-dedans ; leur défense de l’es
1451
t leur responsabilité là-dedans ; leur défense de
l’
esprit s’est bornée jusqu’ici à une rhétorique très brillante contre u
1452
détesté, mais dont ils participent plus qu’ils ne
le
croient. Certes il était urgent de faire la critique de « cette réali
1453
ls ne le croient. Certes il était urgent de faire
la
critique de « cette réalité de premier plan qui nous empêche de bouge
1454
s cette réalité. Il est certain que s’ils avaient
le
courage de se soumettre au concret de l’esprit, ils comprendraient qu
1455
avaient le courage de se soumettre au concret de
l’
esprit, ils comprendraient que le « service dans le temple » s’accommo
1456
re au concret de l’esprit, ils comprendraient que
le
« service dans le temple » s’accommode mal de tant de gesticulations,
1457
’esprit, ils comprendraient que le « service dans
le
temple » s’accommode mal de tant de gesticulations, de gros mots et d
1458
d dont ils n’ont pas encore renoncé à chatouiller
le
snobisme. at. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Pierre Naville,
1459
gemont Denis de, « [Compte rendu] Pierre Naville,
La
Révolution et les intellectuels », Bibliothèque universelle et Revue
1460
« [Compte rendu] Pierre Naville, La Révolution et
les
intellectuels », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève
1461
André Malraux,
Les
Conquérants (décembre 1928)au Ce récit de la révolution cantonaise
1462
Les Conquérants (décembre 1928)au Ce récit de
la
révolution cantonaise en 1925 nous place au nœud du monde moderne : o
1463
on y voit s’affronter en quelques hommes d’action
les
forces caractéristiques du temps — argent, races — et ses rares passi
1464
— argent, races — et ses rares passions, qui sont
la
domination et la démolition, l’organisation et le sabotage. On y déco
1465
et ses rares passions, qui sont la domination et
la
démolition, l’organisation et le sabotage. On y découvre le jeu des t
1466
assions, qui sont la domination et la démolition,
l’
organisation et le sabotage. On y découvre le jeu des tempéraments qui
1467
la domination et la démolition, l’organisation et
le
sabotage. On y découvre le jeu des tempéraments qui fait opter ces ch
1468
ion, l’organisation et le sabotage. On y découvre
le
jeu des tempéraments qui fait opter ces chefs pour l’une ou l’autre d
1469
ires : elles représentent deux manières de sentir
l’
unité d’une époque obsédée d’action.) Autour de ces individus — Chinoi
1470
mentateurs, Juifs russes méthodiques — s’émeuvent
les
masses de coolies, d’ouvriers armés, toute cette Chine qui s’éveille
1471
, toute cette Chine qui s’éveille au sein même de
la
lutte qui met aux prises l’Europe et le monde du Pacifique. On retrou
1472
eille au sein même de la lutte qui met aux prises
l’
Europe et le monde du Pacifique. On retrouvera ici beaucoup des idées
1473
n même de la lutte qui met aux prises l’Europe et
le
monde du Pacifique. On retrouvera ici beaucoup des idées que la Tenta
1474
cifique. On retrouvera ici beaucoup des idées que
la
Tentation de l’Occident exprimait sous une forme abstraite et poétiqu
1475
ouvera ici beaucoup des idées que la Tentation de
l’
Occident exprimait sous une forme abstraite et poétique. Mais cette fo
1476
en hommes, en meurtres, en décrets. Qu’il décrive
la
vie intense et instable des acteurs du drame, l’aspect quotidien et m
1477
la vie intense et instable des acteurs du drame,
l’
aspect quotidien et mystérieux d’une révolution de rues, ou la palpita
1478
tidien et mystérieux d’une révolution de rues, ou
la
palpitation inquiétante des villes chinoises, Malraux fait preuve d’u
1479
lraux fait preuve d’un art du détail où se révèle
le
vrai romancier. On serait parfois tenté de le rapprocher de Morand, m
1480
èle le vrai romancier. On serait parfois tenté de
le
rapprocher de Morand, mais il est plus nerveux, sans doute aussi plus
1481
de faits, une discussion d’idées. Il est surtout
la
description d’une angoisse que le nihilisme de M. Malraux veut sans i
1482
Il est surtout la description d’une angoisse que
le
nihilisme de M. Malraux veut sans issues : l’angoisse que fait naître
1483
que le nihilisme de M. Malraux veut sans issues :
l’
angoisse que fait naître au cœur du monde contemporain l’absurdité de
1484
sse que fait naître au cœur du monde contemporain
l’
absurdité de ses ambitions. Écoutons Garine, l’un de ces chefs (c’est
1485
l’un de ces chefs (c’est lui qui parle au nom de
l’
auteur, je pense) : « Il me semble que je lutte contre l’absurde humai
1486
r, je pense) : « Il me semble que je lutte contre
l’
absurde humain, en faisant ce que je fais ici… » L’évasion dans l’acti
1487
’absurde humain, en faisant ce que je fais ici… »
L’
évasion dans l’action — révolutionnaire ou autre — rêvée par tant de j
1488
, en faisant ce que je fais ici… » L’évasion dans
l’
action — révolutionnaire ou autre — rêvée par tant de jeunes hommes de
1489
ire ou autre — rêvée par tant de jeunes hommes de
l’
après-guerre, Malraux l’a vécue, avant de la décrire ; et cet aveu de
1490
tant de jeunes hommes de l’après-guerre, Malraux
l’
a vécue, avant de la décrire ; et cet aveu de Garine est décisif : « L
1491
es de l’après-guerre, Malraux l’a vécue, avant de
la
décrire ; et cet aveu de Garine est décisif : « La Révolution… tout c
1492
a décrire ; et cet aveu de Garine est décisif : «
La
Révolution… tout ce qui n’est pas elle est pire qu’elle… » Expérience
1493
st pas elle est pire qu’elle… » Expérience faite,
l’
absurde retrouve ses droits. C’est ainsi que, masqué par l’enchaînemen
1494
retrouve ses droits. C’est ainsi que, masqué par
l’
enchaînement passionnant de l’action, il se dégage de ce roman un dése
1495
nsi que, masqué par l’enchaînement passionnant de
l’
action, il se dégage de ce roman un désespoir sec, sans grimace. Cette
1496
angereux. Mais qu’elles s’appliquent à distinguer
les
forces déterminantes de l’heure, à les exprimer en un tel drame, et v
1497
pliquent à distinguer les forces déterminantes de
l’
heure, à les exprimer en un tel drame, et voici André Malraux au premi
1498
distinguer les forces déterminantes de l’heure, à
les
exprimer en un tel drame, et voici André Malraux au premier rang des
1499
ugemont Denis de, « [Compte rendu] André Malraux,
Les
Conquérants », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève,
1500
II de Bavière ou Hamlet-Roi (décembre 1928)av
L’
histoire de Louis II exalte et déçoit l’imagination. On comprend que c
1501
928)av L’histoire de Louis II exalte et déçoit
l’
imagination. On comprend que ce doux-amer ait séduit Barrès, mais ne l
1502
prend que ce doux-amer ait séduit Barrès, mais ne
l’
ait point trompé : « Avec son beau regard de rêve, — lit-on dans l’Enn
1503
é : « Avec son beau regard de rêve, — lit-on dans
l’
Ennemi des Lois — son expression amoureuse du silence et cet ensemble
1504
s ses châteaux en Espagne lamentablement réalisés
les
témoignages de l’éthique de cet « illustre réfractaire ». N’est-ce po
1505
spagne lamentablement réalisés les témoignages de
l’
éthique de cet « illustre réfractaire ». N’est-ce point trop demander
1506
lès n’hésite pas à baptiser son héros « prince de
l’
illusion et de la solitude ». Mais un prince rêveur n’est pas forcémen
1507
à baptiser son héros « prince de l’illusion et de
la
solitude ». Mais un prince rêveur n’est pas forcément prince du rêve
1508
ince du rêve ; et par ailleurs ce livre sait bien
le
laisser voir. La qualité de l’illusion dont se nourrit Louis II n’est
1509
par ailleurs ce livre sait bien le laisser voir.
La
qualité de l’illusion dont se nourrit Louis II n’est ni aussi pure ni
1510
ce livre sait bien le laisser voir. La qualité de
l’
illusion dont se nourrit Louis II n’est ni aussi pure ni aussi rare qu
1511
n’est ni aussi pure ni aussi rare qu’on voudrait
l’
imaginer. Il reste qu’il a voulu la vivre et qu’il l’a pu, étant roi.
1512
qu’on voudrait l’imaginer. Il reste qu’il a voulu
la
vivre et qu’il l’a pu, étant roi. Il offre ainsi l’image d’un romanti
1513
maginer. Il reste qu’il a voulu la vivre et qu’il
l’
a pu, étant roi. Il offre ainsi l’image d’un romantisme assez morose ;
1514
vivre et qu’il l’a pu, étant roi. Il offre ainsi
l’
image d’un romantisme assez morose ; mais à grande échelle. M. de Pour
1515
à grande échelle. M. de Pourtalès a su rehausser
le
tableau avec beaucoup d’adresse et de charme : Wagner et Nietzsche lu
1516
t Nietzsche lui fournissent deux tons fermes dont
le
jeu donne aux nuances assez troubles du personnage central une résona
1517
it par hasard de moyens d’action puissants : s’il
les
a gâchés, c’est qu’il a eu peur, et s’il a eu peur c’est qu’il n’a pa
1518
, et s’il a eu peur c’est qu’il n’a pas su aimer.
Le
sujet de Liszt et de Chopin, c’était l’amour, donc la douleur ; ici,
1519
su aimer. Le sujet de Liszt et de Chopin, c’était
l’
amour, donc la douleur ; ici, c’est l’absence d’amour, par refus de so
1520
ujet de Liszt et de Chopin, c’était l’amour, donc
la
douleur ; ici, c’est l’absence d’amour, par refus de souffrir. Mais c
1521
in, c’était l’amour, donc la douleur ; ici, c’est
l’
absence d’amour, par refus de souffrir. Mais chez un être raffiné, la
1522
par refus de souffrir. Mais chez un être raffiné,
la
peur d’étreindre aboutit à l’amour de soi dans « l’illusion ». Sachon
1523
ez un être raffiné, la peur d’étreindre aboutit à
l’
amour de soi dans « l’illusion ». Sachons gré à M. de Pourtalès de ce
1524
peur d’étreindre aboutit à l’amour de soi dans «
l’
illusion ». Sachons gré à M. de Pourtalès de ce qu’il préfère parler d
1525
oseraient de moins jolis mots ; mais ce n’est pas
la
moindre habileté du biographe. D’ailleurs, réussir un livre attrayant
1526
e n’était pas un problème aisé : Guy de Pourtalès
l’
a résolu d’une façon fort adroite mais non moins franche. av. Rouge
1527
Daniel-Rops,
Le
Prince menteur (décembre 1928)aw Au hasard d’une rencontre, l’aute
1528
r (décembre 1928)aw Au hasard d’une rencontre,
l’
auteur de ce récit se lie avec un inconnu qui se dit prince russe et e
1529
e dit prince russe et entretient autour de sa vie
le
plus grand mystère. Cependant il aime à raconter certaines scènes ter
1530
aime à raconter certaines scènes terrifiantes de
la
révolution : il a été condamné à mort, il s’est évadé, on le traque à
1531
on : il a été condamné à mort, il s’est évadé, on
le
traque à Paris même… Il subjugue le jeune Français par ces évocations
1532
est évadé, on le traque à Paris même… Il subjugue
le
jeune Français par ces évocations et l’espèce de fièvre qu’il y appor
1533
subjugue le jeune Français par ces évocations et
l’
espèce de fièvre qu’il y apporte. Mais plusieurs incidents éveillent l
1534
’il y apporte. Mais plusieurs incidents éveillent
les
soupçons du « petit-bourgeois » qu’il a choisi comme public, et brusq
1535
ois » qu’il a choisi comme public, et brusquement
le
mot éclate : menteur. Feintes et esquives adroites du « prince » qui
1536
es du « prince » qui disparaît, néanmoins. Enfin,
le
Français reçoit une lettre trouvée sur le corps de son ami suicidé, p
1537
Enfin, le Français reçoit une lettre trouvée sur
le
corps de son ami suicidé, pathétique confession qui doit expliquer sa
1538
oit expliquer sa mort et qui est aussi fausse que
le
reste. Ce mensonge qui va jusqu’à la mort, inclusivement, n’étonnera
1539
i fausse que le reste. Ce mensonge qui va jusqu’à
la
mort, inclusivement, n’étonnera pas ceux qui ont connu de semblables
1540
pas ceux qui ont connu de semblables mythomanes.
Le
cas méritait d’être exposé. Je regrette seulement que Daniel-Rops se
1541
courte nouvelle, d’ailleurs assez dense, et dont
le
mérite est d’être simple et précise dans l’exposé, sans rien simplifi
1542
dont le mérite est d’être simple et précise dans
l’
exposé, sans rien simplifier ni préciser à l’excès dans le caractère.
1543
dans l’exposé, sans rien simplifier ni préciser à
l’
excès dans le caractère. Daniel-Rops voit bien que l’épithète de mytho
1544
, sans rien simplifier ni préciser à l’excès dans
le
caractère. Daniel-Rops voit bien que l’épithète de mythomane n’épuise
1545
xcès dans le caractère. Daniel-Rops voit bien que
l’
épithète de mythomane n’épuise pas une question dont l’importance dépa
1546
thète de mythomane n’épuise pas une question dont
l’
importance dépasse celle du cas pathologique. Il y a dans ce culte de
1547
elle du cas pathologique. Il y a dans ce culte de
la
mythomanie qu’on a vu sévir parmi certains milieux d’avant-garde une
1548
, parce qu’elle constitue une tentation pour tous
les
poètes. Le désir de « plus vrai que le vrai » surexcité par l’insolen
1549
lle constitue une tentation pour tous les poètes.
Le
désir de « plus vrai que le vrai » surexcité par l’insolence d’une ps
1550
pour tous les poètes. Le désir de « plus vrai que
le
vrai » surexcité par l’insolence d’une psychologie qui rabaisse tout,
1551
désir de « plus vrai que le vrai » surexcité par
l’
insolence d’une psychologie qui rabaisse tout, peut conduire à préfére
1552
as, qu’une déformation de cette réalité détestée.
Le
mythomane brouille les cartes mais reste dans le jeu. Jusque dans la
1553
de cette réalité détestée. Le mythomane brouille
les
cartes mais reste dans le jeu. Jusque dans la ruse que ses mensonges
1554
Le mythomane brouille les cartes mais reste dans
le
jeu. Jusque dans la ruse que ses mensonges exigent, il se reconnaît t
1555
le les cartes mais reste dans le jeu. Jusque dans
la
ruse que ses mensonges exigent, il se reconnaît tributaire de la « vé
1556
mensonges exigent, il se reconnaît tributaire de
la
« vérité trop évidente » ; alors qu’il la faudrait, sans rien fausser
1557
aire de la « vérité trop évidente » ; alors qu’il
la
faudrait, sans rien fausser, transcender… aw. Rougemont Denis de,
1558
Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Daniel-Rops,
Le
Prince menteur », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genèv
1559
re et moi et Je suis un homme (janvier 1929)ax
Le
critique se sent désarmé et légèrement absurde en face d’un récit com
1560
vec une émouvante simplicité et il faudrait avoir
la
grossièreté de lui répondre d’un air connaisseur que c’est bien compo
1561
bien étonné du passage où il rappelle qu’il écrit
la
vie d’un homme de lettres. En réalité, on ne le voit pas encore appar
1562
t la vie d’un homme de lettres. En réalité, on ne
le
voit pas encore apparaître sous cet aspect dans ces deux premiers tom
1563
s de son enfance et de sa jeunesse comme ouvrier.
L’
art d’Anderson est étonnant d’apparente simplicité. Le récit s’avance
1564
t d’Anderson est étonnant d’apparente simplicité.
Le
récit s’avance à une allure libre et tranquille, anglo-saxonne et peu
1565
et là s’ouvrent des perspectives saisissantes sur
l’
époque. Anderson est avant tout un poète, un homme qui aime inventer e
1566
es nécessités modernes, dégradantes. Cet amour de
l’
invention romanesque considérée comme une revanche de la poésie — mais
1567
ntion romanesque considérée comme une revanche de
la
poésie — mais à Chicago on doit appeler ça du bluff — fait de lui san
1568
doit appeler ça du bluff — fait de lui sans doute
le
plus méridional des conteurs américains. Avec cela, un réalisme, plei
1569
uvent d’amertume. Mais là où d’autres placeraient
le
couplet humanitariste, lui s’en va dans un rêve, ou dans un autre sou
1570
est un Américain qui viennent nous rapprendre que
les
sources de la poésie sont dans notre maison. Voici un de ces passages
1571
n qui viennent nous rapprendre que les sources de
la
poésie sont dans notre maison. Voici un de ces passages où il sait êt
1572
ouvant : « À cette époque je croyais fortement en
l’
existence d’une espèce de secrète et à peu près universelle conspirati
1573
u près universelle conspiration pour insister sur
la
laideur. “C’est une frasque de gosses à laquelle nous nous livrons, v
1574
à laquelle nous nous livrons, voilà tout, moi et
les
autres”, me disais-je parfois, et il y avait des moments où j’arrivai
1575
s, bras dessous en riant de nous-mêmes et de tout
le
reste, nous amusant comme des fous ». Mais non, on ne le secouera pas
1576
e, nous amusant comme des fous ». Mais non, on ne
le
secouera pas, ce cauchemar, ce monde moderne, ce monde de fous qui n’
1577
fous qui n’ont plus que leur raison, ce monde où
l’
on ne sait plus créer avec joie des formes belles, ce monde qui devien
1578
quer un personnage précis pour lui faire endosser
le
blâme, mais comme l’homme nommé Ford, de Détroit, a contribué davanta
1579
écis pour lui faire endosser le blâme, mais comme
l’
homme nommé Ford, de Détroit, a contribué davantage que n’importe quel
1580
n’importe quel autre de mon temps à faire aboutir
la
standardization à sa fin logique, ne pourrait-il pas être considéré u
1581
, ne pourrait-il pas être considéré un jour comme
le
grand tueur de son époque ? Rendre impuissant c’est à coup sûr tuer.
1582
impuissant c’est à coup sûr tuer. Or on parle de
l’
élever à la présidence de la République. Qu’un tel acte serait adéquat
1583
c’est à coup sûr tuer. Or on parle de l’élever à
la
présidence de la République. Qu’un tel acte serait adéquat ! Tamerlan
1584
tuer. Or on parle de l’élever à la présidence de
la
République. Qu’un tel acte serait adéquat ! Tamerlan, dont la spécial
1585
e. Qu’un tel acte serait adéquat ! Tamerlan, dont
la
spécialité était l’assassinat du corps humain, mais qui raconte dans
1586
rait adéquat ! Tamerlan, dont la spécialité était
l’
assassinat du corps humain, mais qui raconte dans son autobiographie q
1587
obiographie que son désir constant était que tous
les
hommes vivant sous lui conservassent la virilité et le respect de soi
1588
que tous les hommes vivant sous lui conservassent
la
virilité et le respect de soi était de son temps le souverain du mond
1589
mmes vivant sous lui conservassent la virilité et
le
respect de soi était de son temps le souverain du monde. Tamerlan pou
1590
virilité et le respect de soi était de son temps
le
souverain du monde. Tamerlan pour les anciens. Ford pour les modernes
1591
de son temps le souverain du monde. Tamerlan pour
les
anciens. Ford pour les modernes. Quelle décadence ! ax. Rougemont
1592
in du monde. Tamerlan pour les anciens. Ford pour
les
modernes. Quelle décadence ! ax. Rougemont Denis de, « [Compte re
1593
faut s’en approcher avec une douceur patiente, et
le
laisser créer en nous son silence particulier avant d’entendre les si
1594
en nous son silence particulier avant d’entendre
les
signes qu’il nous propose. Une telle poésie n’offre aux sens que peu
1595
e quelques « motifs », objets usuels et usés, sur
la
nuance mate d’un paravent chinois). Ce qu’elle décrit, ce sont des pe
1596
s). Ce qu’elle décrit, ce sont des perceptions de
l’
âme plus que de l’esprit ou des sens. « Reste immobile et sache attend
1597
rit, ce sont des perceptions de l’âme plus que de
l’
esprit ou des sens. « Reste immobile et sache attendre que ton cœur se
1598
cœur se détache de toi comme une lourde pierre. »
Le
corps, que l’âme quitte, redevient minéral, statue dans le silence «
1599
e de toi comme une lourde pierre. » Le corps, que
l’
âme quitte, redevient minéral, statue dans le silence « aux yeux gelés
1600
que l’âme quitte, redevient minéral, statue dans
le
silence « aux yeux gelés de rêverie », il se confond avec l’ombre du
1601
« aux yeux gelés de rêverie », il se confond avec
l’
ombre du monde. Et l’âme peut enfin « saisir » dans leur réalité les c
1602
êverie », il se confond avec l’ombre du monde. Et
l’
âme peut enfin « saisir » dans leur réalité les choses dont elle s’est
1603
Et l’âme peut enfin « saisir » dans leur réalité
les
choses dont elle s’est dégagée et qu’elle voit dans une autre lumière
1604
t semblait vivre au fond d’un insistant regard. »
Le
poète des Gravitations est ici descendu plus profond en soi-même ; so
1605
; et quel beau titre ! « Saisir » n’est-ce point
l’
acte essentiel de la poésie ? Toute poésie véritable n’est-elle pas pr
1606
e ! « Saisir » n’est-ce point l’acte essentiel de
la
poésie ? Toute poésie véritable n’est-elle pas proprement « saisissan
1607
n’est-elle pas proprement « saisissante » ? Mais
le
plus émouvant, c’est ici l’approche d’un silence partout pressenti, q
1608
saisissante » ? Mais le plus émouvant, c’est ici
l’
approche d’un silence partout pressenti, qui s’impose, qui apaise le v
1609
lence partout pressenti, qui s’impose, qui apaise
le
vain débat de notre esprit : « Car l’on pense beaucoup trop haut, et
1610
qui apaise le vain débat de notre esprit : « Car
l’
on pense beaucoup trop haut, et cela fait un vacarme terrible. » ay.
1611
Jean Cassou,
La
Clef des songes (août 1929)az Après cet austère Pays qui n’est à p
1612
Après cet austère Pays qui n’est à personne paru
l’
année dernière — un livre assez troublant et qu’on a trop peu remarqué
1613
evient à son romantisme, à notre cher romantisme.
La
Clef des songes est de nouveau une dérive fantaisiste dans ce monde u
1614
monde un peu plus léger, un peu plus profond que
le
vrai, où l’Éloge de la folie nous entraînait naguère. Jean Cassou vag
1615
u plus léger, un peu plus profond que le vrai, où
l’
Éloge de la folie nous entraînait naguère. Jean Cassou vagabonde à tra
1616
r, un peu plus profond que le vrai, où l’Éloge de
la
folie nous entraînait naguère. Jean Cassou vagabonde à travers ses hi
1617
à travers ses histoires comme son Pierangelo dans
la
vie. Le hasard, complice des poètes, lui fait rencontrer des êtres bi
1618
s ses histoires comme son Pierangelo dans la vie.
Le
hasard, complice des poètes, lui fait rencontrer des êtres bizarres a
1619
s il n’hésite pas à faire un bout de chemin, Hans
le
gardeur d’oies, le gueux Joseph qui parle à son chien en mourant, une
1620
faire un bout de chemin, Hans le gardeur d’oies,
le
gueux Joseph qui parle à son chien en mourant, une fille qui chante e
1621
une fille qui chante et des enfants surtout, dès
le
début, puis plus tard encore, dans les songes des grandes personnes,
1622
urtout, dès le début, puis plus tard encore, dans
les
songes des grandes personnes, — puis tous se perdent, comme des souve
1623
, — puis tous se perdent, comme des souvenirs, et
l’
on retrouve un peu plus loin d’autres souvenirs attristés par le temps
1624
un peu plus loin d’autres souvenirs attristés par
le
temps, des visages qui ne sont plus tout à fait les mêmes, des bonheu
1625
e temps, des visages qui ne sont plus tout à fait
les
mêmes, des bonheurs qui signifient plus de désespoir qu’ils ne s’en d
1626
pleurer. Quel dommage qu’il s’égare parfois dans
les
maisons des grands bourgeois, où tout, soudain, devient plus terne. M
1627
oésie nous replonge dans une atmosphère autre, où
les
personnages ont cet air un peu ivre et capable de n’importe quoi, cet
1628
te quoi, cet air dangereux et tendre que prennent
les
hommes en liberté. Mais ils ne sont jamais méchants, et seulement aux
1629
de liberté dont nous avons besoin pour croire que
le
monde actuel n’est pas un cas désespéré. Mais voici déjà dans l’œuvre
1630
n’est pas un cas désespéré. Mais voici déjà dans
l’
œuvre de Jean Cassou, et singulièrement dans ce livre, beaucoup de ces
1631
rs assez de vérité dans une histoire où il y a de
la
poésie. az. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Jean Cassou, La C
1632
Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Jean Cassou,
La
Clef des songes », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genè
1633
André Rolland de Renéville, Rimbaud
le
voyant (août 1929)ba À lire ce petit livre et le parallèle qu’il é
1634
voyant (août 1929)ba À lire ce petit livre et
le
parallèle qu’il établit entre le yogabb telle que l’enseignaient les
1635
e petit livre et le parallèle qu’il établit entre
le
yogabb telle que l’enseignaient les upanishads et la tentative poétiq
1636
parallèle qu’il établit entre le yogabb telle que
l’
enseignaient les upanishads et la tentative poétique de Rimbaud, l’on
1637
établit entre le yogabb telle que l’enseignaient
les
upanishads et la tentative poétique de Rimbaud, l’on s’étonne qu’il a
1638
yogabb telle que l’enseignaient les upanishads et
la
tentative poétique de Rimbaud, l’on s’étonne qu’il ait fallu plus d’u
1639
s upanishads et la tentative poétique de Rimbaud,
l’
on s’étonne qu’il ait fallu plus d’un demi-siècle pour qu’une telle in
1640
demi-siècle pour qu’une telle interprétation voie
le
jour. Cela pourrait donner lieu à de mélancoliques réflexions sur le
1641
ait donner lieu à de mélancoliques réflexions sur
le
génie « poétique » français… Mais non, nous préférons voir ici l’un d
1642
gnes qui de toutes parts annoncent une rentrée de
l’
âme dans la littérature la plus spirituelle du monde. La thèse que déf
1643
toutes parts annoncent une rentrée de l’âme dans
la
littérature la plus spirituelle du monde. La thèse que défend l’auteu
1644
nnoncent une rentrée de l’âme dans la littérature
la
plus spirituelle du monde. La thèse que défend l’auteur de cet essai
1645
dans la littérature la plus spirituelle du monde.
La
thèse que défend l’auteur de cet essai — la voyance de Rimbaud — est
1646
la plus spirituelle du monde. La thèse que défend
l’
auteur de cet essai — la voyance de Rimbaud — est une de ces évidences
1647
onde. La thèse que défend l’auteur de cet essai —
la
voyance de Rimbaud — est une de ces évidences qu’il est bon de propos
1648
une de ces évidences qu’il est bon de proposer à
la
réflexion de notre temps, ne fût-ce que pour faite honte à ceux qui s
1649
telle honte, de leur indifférence à l’endroit de
l’
être le plus monstrueusement pur qui se soit révélé par le truchement
1650
honte, de leur indifférence à l’endroit de l’être
le
plus monstrueusement pur qui se soit révélé par le truchement de la p
1651
e plus monstrueusement pur qui se soit révélé par
le
truchement de la poésie française. — Livre un peu didactique, trop at
1652
ement pur qui se soit révélé par le truchement de
la
poésie française. — Livre un peu didactique, trop attentif à sa propr
1653
s inspiré par cet enthousiasme sacré que requiert
l’
œuvre de Rimbaud. Regrettons seulement qu’il n’élargisse pas plus une
1654
as plus une question aussi centrale — qui est, si
l’
on veut, la question d’Orient-Occident. Et pourquoi cette hostilité de
1655
question aussi centrale — qui est, si l’on veut,
la
question d’Orient-Occident. Et pourquoi cette hostilité de sectaire c
1656
t. Et pourquoi cette hostilité de sectaire contre
l’
interprétation proposée par Claudel et Isabelle Rimbaud ? Si Claudel s
1657
ontré partial en faisant de Rimbaud, « mystique à
l’
état sauvage », un catholique qui s’ignore, il n’est pas plus admissib
1658
us admissible d’inférer du mépris de Rimbaud pour
le
catholicisme à son mépris pour la révélation évangélique. Je ne vois
1659
de Rimbaud pour le catholicisme à son mépris pour
la
révélation évangélique. Je ne vois là que l’indice d’une confusion bi
1660
pour la révélation évangélique. Je ne vois là que
l’
indice d’une confusion bien française, hélas. ba. Rougemont Denis d
1661
Compte rendu] André Rolland de Renéville, Rimbaud
le
voyant », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, août
1662
ue de Genève, Genève, août 1929, p. 250-251. bb.
Le
féminin est ici conservé, conformément au texte original.
1663
Julien Benda,
La
Fin de l’Éternel (novembre 1929)bc Ce n’est plus l’heure de venir
1664
Julien Benda, La Fin de
l’
Éternel (novembre 1929)bc Ce n’est plus l’heure de venir prendre po
1665
n de l’Éternel (novembre 1929)bc Ce n’est plus
l’
heure de venir prendre position dans un débat où les voix les mieux éc
1666
’heure de venir prendre position dans un débat où
les
voix les mieux écoutées ont dit ce qu’elles avaient à dire. Et d’autr
1667
venir prendre position dans un débat où les voix
les
mieux écoutées ont dit ce qu’elles avaient à dire. Et d’autre part, l
1668
dit ce qu’elles avaient à dire. Et d’autre part,
les
lecteurs de cette revue connaissent la thèse de la Trahison des Clerc
1669
tre part, les lecteurs de cette revue connaissent
la
thèse de la Trahison des Clercs 11, thèse dont la Fin de l’Éternel ne
1670
s lecteurs de cette revue connaissent la thèse de
la
Trahison des Clercs 11, thèse dont la Fin de l’Éternel ne fait que re
1671
la thèse de la Trahison des Clercs 11, thèse dont
la
Fin de l’Éternel ne fait que reprendre la défense contre ses adversai
1672
e la Trahison des Clercs 11, thèse dont la Fin de
l’
Éternel ne fait que reprendre la défense contre ses adversaires de tou
1673
se dont la Fin de l’Éternel ne fait que reprendre
la
défense contre ses adversaires de tous bords. Je voudrais souligner s
1674
es de tous bords. Je voudrais souligner seulement
la
beauté de l’effort désintéressé de Julien Benda, et l’obligation où n
1675
rds. Je voudrais souligner seulement la beauté de
l’
effort désintéressé de Julien Benda, et l’obligation où nous sommes to
1676
auté de l’effort désintéressé de Julien Benda, et
l’
obligation où nous sommes tous désormais de répondre pour nous-mêmes à
1677
mise en demeure. Je suis loin de partager toutes
les
idées de M. Benda, sur le plan philosophique en particulier, où je me
1678
hèse de M. Marcel de ce qu’elle « mène loin… dans
l’
ordre moral ». Et quand cela serait ! dirons-nous, — avec le Benda qui
1679
ral ». Et quand cela serait ! dirons-nous, — avec
le
Benda qui ne trahit pas.) D’autre part, de plus impertinents que moi
1680
s que moi ne manqueront pas de faire observer que
la
« fin de l’éternel », la chute de l’idée dans la matière, est un phén
1681
manqueront pas de faire observer que la « fin de
l’
éternel », la chute de l’idée dans la matière, est un phénomène exacte
1682
as de faire observer que la « fin de l’éternel »,
la
chute de l’idée dans la matière, est un phénomène exactement aussi vi
1683
observer que la « fin de l’éternel », la chute de
l’
idée dans la matière, est un phénomène exactement aussi vieux que le m
1684
la « fin de l’éternel », la chute de l’idée dans
la
matière, est un phénomène exactement aussi vieux que le monde. Mais M
1685
ière, est un phénomène exactement aussi vieux que
le
monde. Mais M. Benda distinguera, et ils seront confondus. Car il y a
1686
un sophiste en M. Benda, un polémiste qui joue de
la
raison ratiocinante tout comme si elle n’était pas le contraire de la
1687
aison ratiocinante tout comme si elle n’était pas
le
contraire de la Raison de Spinoza. Nul mieux que lui ne s’entend défi
1688
te tout comme si elle n’était pas le contraire de
la
Raison de Spinoza. Nul mieux que lui ne s’entend définir et classer c
1689
lui permettent de triompher syllogistiquement de
l’
adversaire, sinon de la difficulté elle-même. Mais pour gênante que so
1690
mpher syllogistiquement de l’adversaire, sinon de
la
difficulté elle-même. Mais pour gênante que soit souvent son adresse
1691
dresse de logicien, elle ne doit pas nous masquer
l’
audace tranquille et admirable de son point de vue radicalement antimo
1692
n pic trop élevé pour qu’on y puisse vivre, c’est
l’
impossible. Mais justement, la gloire de M. Benda sera d’avoir soutenu
1693
puisse vivre, c’est l’impossible. Mais justement,
la
gloire de M. Benda sera d’avoir soutenu que l’humanité a besoin qu’on
1694
t, la gloire de M. Benda sera d’avoir soutenu que
l’
humanité a besoin qu’on lui demande l’impossible. Et quand bien même e
1695
soutenu que l’humanité a besoin qu’on lui demande
l’
impossible. Et quand bien même elle croirait n’en avoir plus besoin. C
1696
roirait n’en avoir plus besoin. Cet extrémisme de
la
pensée intemporelle, en butte aux sarcasmes des extrémistes de droite
1697
ît que plus pur. « Noms de clowns qui me viennent
l’
esprit : Julien Benda… », écrit Aragon. Et Daudet nous apprend que « l
1698
da… », écrit Aragon. Et Daudet nous apprend que «
le
petit Benda est un fameux serin ». Mais ces affirmations sont exactem
1699
a pas disputer à M. Benda, c’est son dur amour de
la
vérité tout court. Celle-là même qui paraît anarchique dans un monde
1700
i que relativement à un rendement. Rien, pas même
la
religion. 11. Cf. l’article de M. Daniel Halévy (décembre 1927) et
1701
rendement. Rien, pas même la religion. 11. Cf.
l’
article de M. Daniel Halévy (décembre 1927) et la réponse de M. Benda
1702
l’article de M. Daniel Halévy (décembre 1927) et
la
réponse de M. Benda (janvier 1928). bc. Rougemont Denis de, « [Comp
1703
ougemont Denis de, « [Compte rendu] Julien Benda,
La
Fin de l’Éternel », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Gen
1704
enis de, « [Compte rendu] Julien Benda, La Fin de
l’
Éternel », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, novem
1705
aux, Mes propriétés (mars 1930)bd Si vous avez
la
curiosité, mieux, le goût des esprits singuliers, si vous croyez que
1706
mars 1930)bd Si vous avez la curiosité, mieux,
le
goût des esprits singuliers, si vous croyez que c’est par l’extrême p
1707
esprits singuliers, si vous croyez que c’est par
l’
extrême pointe du singulier que l’esprit pénètre dans la poésie, vous
1708
z que c’est par l’extrême pointe du singulier que
l’
esprit pénètre dans la poésie, vous lirez Mes Propriétés. Il se peut q
1709
ême pointe du singulier que l’esprit pénètre dans
la
poésie, vous lirez Mes Propriétés. Il se peut que vous les trouviez m
1710
e, vous lirez Mes Propriétés. Il se peut que vous
les
trouviez médiocrement riantes, au premier coup d’œil, assez dénuées d
1711
ets faciles qu’on aime à ménager dans un jardin à
la
française. Mais vous ne tarderez pas à remarquer que tout, ici, est o
1712
rquer que tout, ici, est original, indigène, tant
l’
allure des sentiers qui vous mènent tranquillement aux points de vue l
1713
qui vous mènent tranquillement aux points de vue
les
plus cocasses, que la forme des fleurs, que les animaux qui circulent
1714
illement aux points de vue les plus cocasses, que
la
forme des fleurs, que les animaux qui circulent. Un auteur qui n’imit
1715
e les plus cocasses, que la forme des fleurs, que
les
animaux qui circulent. Un auteur qui n’imite personne court bientôt l
1716
ent. Un auteur qui n’imite personne court bientôt
le
risque de s’imiter soi-même : il semble au contraire qu’Henry Michaux
1717
, soit qu’il se décrive comme un lieu de miracles
le
plus souvent malencontreux, ou qu’il invente des animaux dont la comp
1718
malencontreux, ou qu’il invente des animaux dont
la
complexité ne le cède en rien à celle de l’introspection la plus pous
1719
u qu’il invente des animaux dont la complexité ne
le
cède en rien à celle de l’introspection la plus poussée. Il invente a
1720
dont la complexité ne le cède en rien à celle de
l’
introspection la plus poussée. Il invente aussi des mots et en fait de
1721
ité ne le cède en rien à celle de l’introspection
la
plus poussée. Il invente aussi des mots et en fait de courts poèmes d
1722
ision du monde véritablement neuve, dans laquelle
l’
âme, agissant à la façon d’une force physique, déforme et recrée le ré
1723
itablement neuve, dans laquelle l’âme, agissant à
la
façon d’une force physique, déforme et recrée le réel à son gré. Seul
1724
la façon d’une force physique, déforme et recrée
le
réel à son gré. Seule compte la réalité intérieure, mais elle apparaî
1725
déforme et recrée le réel à son gré. Seule compte
la
réalité intérieure, mais elle apparaît toujours sous forme d’objets.
1726
e très dense et active. Depuis longtemps — depuis
les
Trivia de Logan Pearsall Smith — je n’avais pas lu de livre où s’expr
1727
vre où s’exprimât avec une pareille sécurité dans
l’
insolite, ce qu’il y a en nous à la fois de plus « problématique » et
1728
tes — « Un beau bruit d’ailes me fait un ciel » —
la
vaporeuse beauté du lac de Neuchâtel. Mlle Kikou Yamata a su le voir
1729
eauté du lac de Neuchâtel. Mlle Kikou Yamata a su
le
voir aussi « gris et ardent sous le soleil caché », ou bien, en un pr
1730
u Yamata a su le voir aussi « gris et ardent sous
le
soleil caché », ou bien, en un printemps liquide et glacé, balançant
1731
en un printemps liquide et glacé, balançant parmi
les
roseaux d’une baie ses poules d’eaux noires. Il y fallait cette fémin
1732
génue et précieuse, toujours prête à épouser tout
le
sensible d’un paysage pour peu qu’elle y découvre une secrète parenté
1733
our peu qu’elle y découvre une secrète parenté de
l’
âme. Kikou Yamata peint la Suisse avec un pinceau « fait du poil de no
1734
une secrète parenté de l’âme. Kikou Yamata peint
la
Suisse avec un pinceau « fait du poil de novembre des chamois ». On s
1735
oil de novembre des chamois ». On s’émerveille de
le
voir, dans sa main rapide et minutieuse, décrire la vallée du jeune R
1736
voir, dans sa main rapide et minutieuse, décrire
la
vallée du jeune Rhin ou les pentes de Chésières en les parant d’une g
1737
et minutieuse, décrire la vallée du jeune Rhin ou
les
pentes de Chésières en les parant d’une grâce malicieuse et sensuelle
1738
allée du jeune Rhin ou les pentes de Chésières en
les
parant d’une grâce malicieuse et sensuelle dont nos yeux helvètes les
1739
ce malicieuse et sensuelle dont nos yeux helvètes
les
croyaient par trop dépourvues… Cette charmante « japanisation » est r
1740
Meili. Ce peintre se montre plus occidental dans
les
beaux volumes pleins de ces paysages, que dans ses dessins, dont Kiko
1741
ans ses dessins, dont Kikou Yamata a dit ailleurs
la
précision curieusement nipponne. Quelle admirable maîtrise de sa tech
1742
qui eût pensé qu’avec un jeu de noirs et de gris
l’
on pût recréer toute la ferveur d’un coucher de soleil. Des formes pur
1743
un jeu de noirs et de gris l’on pût recréer toute
la
ferveur d’un coucher de soleil. Des formes purifiées, un relief net,
1744
de moelleux et de précision… À la dernière page,
l’
artiste fait une belle grimace : le lecteur ne l’imitera pas. be. R
1745
dernière page, l’artiste fait une belle grimace :
le
lecteur ne l’imitera pas. be. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
1746
l’artiste fait une belle grimace : le lecteur ne
l’
imitera pas. be. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Kikou Yamata,
1747
1930)bf Ce récit d’une élégante minceur décrit
la
passion d’une jeune fille de la grande bourgeoisie pour une gamine qu
1748
te minceur décrit la passion d’une jeune fille de
la
grande bourgeoisie pour une gamine qui lui sert de modèle dans son at
1749
our de cet incident, assez émouvant, on entrevoit
la
famille indignée, une mère qui souffre, un jeune frère qui rêve. Le l
1750
e, une mère qui souffre, un jeune frère qui rêve.
Le
livre se résout dans une amertume vague. Ceux qui ont lu la Mort diff
1751
e résout dans une amertume vague. Ceux qui ont lu
la
Mort difficile de René Crevel ne s’étonneront ni du sujet ni de la ma
1752
de René Crevel ne s’étonneront ni du sujet ni de
la
manière de M. Jullien du Breuil. L’intérêt de ce genre de livres — il
1753
u sujet ni de la manière de M. Jullien du Breuil.
L’
intérêt de ce genre de livres — ils se multiplient — vient, à mon sens
1754
n’est rien de moins qu’une conception nouvelle de
l’
amour-passion : il apparaît ici sous la forme d’une obsession physique
1755
ouvelle de l’amour-passion : il apparaît ici sous
la
forme d’une obsession physique, parée d’une sorte de poésie fatale, o
1756
e d’une sorte de poésie fatale, où se mêle, selon
l’
auteur un peu ou pas mal de littérature. Et c’est à un tel amour qu’on
1757
un tel amour qu’on va demander sa revanche contre
la
mesquinerie morale du milieu… Étrange misère que celle d’une générati
1758
ne génération qui, après tant de sarcasmes contre
l’
enfer bourgeois, n’a trouvé d’autre salut que l’abandon à quelques obs
1759
e l’enfer bourgeois, n’a trouvé d’autre salut que
l’
abandon à quelques obsessions sexuelles. Qui viendra rendre le sens de
1760
quelques obsessions sexuelles. Qui viendra rendre
le
sens de l’amour idéal — celui qui transfigure ? Le roman de M. Jullie
1761
sessions sexuelles. Qui viendra rendre le sens de
l’
amour idéal — celui qui transfigure ? Le roman de M. Jullien de Breuil
1762
e sens de l’amour idéal — celui qui transfigure ?
Le
roman de M. Jullien de Breuil effleure un autre problème de non moind
1763
n autre problème de non moindre valeur tragique :
le
conflit de la jeunesse d’après-guerre et des parents. Encore un sujet
1764
me de non moindre valeur tragique : le conflit de
la
jeunesse d’après-guerre et des parents. Encore un sujet qui attend so
1765
Léon Pierre-Quint,
Le
Comte de Lautréamont et Dieu (septembre 1930)bg On ne sait presque
1766
vingtième année un vaste poème en prose intitulé
Les
Chants de Maldoror. De 1870 jusqu’à la guerre son influence fut « qua
1767
intitulé Les Chants de Maldoror. De 1870 jusqu’à
la
guerre son influence fut « quasi nulle », et peut-être va-t-il rentre
1768
quasi nulle », et peut-être va-t-il rentrer dans
l’
ombre après avoir été pendant quelques années l’idole et l’auteur-tabo
1769
s l’ombre après avoir été pendant quelques années
l’
idole et l’auteur-tabou du surréalisme. M. Pierre-Quint vient d’écrire
1770
près avoir été pendant quelques années l’idole et
l’
auteur-tabou du surréalisme. M. Pierre-Quint vient d’écrire sur ce poè
1771
de netteté et souvent, d’indépendance. Il dégage
le
sujet de l’épopée qu’est Maldoror — la révolte de l’homme contre son
1772
et souvent, d’indépendance. Il dégage le sujet de
l’
épopée qu’est Maldoror — la révolte de l’homme contre son Créateur — e
1773
Il dégage le sujet de l’épopée qu’est Maldoror —
la
révolte de l’homme contre son Créateur — et il analyse les principaux
1774
sujet de l’épopée qu’est Maldoror — la révolte de
l’
homme contre son Créateur — et il analyse les principaux thèmes de l’œ
1775
te de l’homme contre son Créateur — et il analyse
les
principaux thèmes de l’œuvre avec une intelligence que l’on rencontre
1776
Créateur — et il analyse les principaux thèmes de
l’
œuvre avec une intelligence que l’on rencontre bien rarement dans les
1777
ipaux thèmes de l’œuvre avec une intelligence que
l’
on rencontre bien rarement dans les essais consacrés jusqu’ici à Ducas
1778
ntelligence que l’on rencontre bien rarement dans
les
essais consacrés jusqu’ici à Ducasse. Ce « précurseur » d’une certain
1779
derne n’a fait, en somme, que reprendre, quitte à
les
parodier, les grands thèmes du romantisme. Mais il les a poussés à un
1780
, en somme, que reprendre, quitte à les parodier,
les
grands thèmes du romantisme. Mais il les a poussés à un paroxysme ver
1781
arodier, les grands thèmes du romantisme. Mais il
les
a poussés à un paroxysme verbal qui induit à croire qu’il les sentait
1782
s à un paroxysme verbal qui induit à croire qu’il
les
sentait moins profondément que ses devanciers. Son sadisme n’est pas
1783
elui des rêveries de certaines pubertés ; quant à
l’
amour, Maldoror ne paraît pas de taille à le concevoir au-delà de sa t
1784
ant à l’amour, Maldoror ne paraît pas de taille à
le
concevoir au-delà de sa tendresse pour les adolescents. Ce qui le car
1785
aille à le concevoir au-delà de sa tendresse pour
les
adolescents. Ce qui le caractérise le plus fortement, c’est sa « révo
1786
delà de sa tendresse pour les adolescents. Ce qui
le
caractérise le plus fortement, c’est sa « révolte absolue », forcenée
1787
resse pour les adolescents. Ce qui le caractérise
le
plus fortement, c’est sa « révolte absolue », forcenée, jusqu’au rire
1788
hapitre excellent et peut-être plus audacieux que
les
autres, M. Pierre-Quint montre en quoi cette révolte est puérile et i
1789
te est puérile et insuffisante. Une fois de plus,
l’
intelligence apporte la solution d’une hypocrisie que la révolte rend
1790
fisante. Une fois de plus, l’intelligence apporte
la
solution d’une hypocrisie que la révolte rend moins sympathique, cert
1791
lligence apporte la solution d’une hypocrisie que
la
révolte rend moins sympathique, certes, mais plus réellement dangereu
1792
plus réellement dangereuse. On sent bien ici que
le
critique a dominé son sujet. Mais pourquoi se refuse-t-il à tirer de
1793
refuse-t-il à tirer de ces remarques fort justes
les
conclusions qu’elles nécessitent ? Celle-ci, entre autres, que Lautré
1794
lle-ci, entre autres, que Lautréamont ne va pas à
la
cheville de Rimbaud. (Ce n’est pas avec un Dieu pour rire que Rimbaud
1795
rodier.) Il semble qu’ici M. Pierre-Quint, malgré
la
liberté d’esprit dont il témoigne en maint endroit, se soit laissé qu
1796
oit, se soit laissé quelque peu impressionner par
le
fanatisme des disciples et imitateurs du « comte ». D’autres que lui
1797
arait naguère qu’il fallait voir en Lautréamont «
le
maître des écluses pour la littérature de demain ». Concession un peu
1798
voir en Lautréamont « le maître des écluses pour
la
littérature de demain ». Concession un peu hâtive à une « jeunesse »
1799
ive à une « jeunesse » déjà démodée… Je crois que
la
jeunesse d’aujourd’hui s’éloigne plutôt de la grandiloquence « antili
1800
que la jeunesse d’aujourd’hui s’éloigne plutôt de
la
grandiloquence « antilittéraire » et des révoltes au hasard d’un Mald
1801
e bêtise trouve assez bien son compte. Et quant à
l’
orthodoxie instaurée par les surréalistes, elle appelle notre impertin
1802
son compte. Et quant à l’orthodoxie instaurée par
les
surréalistes, elle appelle notre impertinence. Nous adorons ailleurs.
1803
ont Denis de, « [Compte rendu] Léon Pierre-Quint,
Le
Comte de Lautréamont et Dieu », Bibliothèque universelle et Revue de
1804
e I (octobre 1930)bh à Albert Gyergyai. 1.
Le
dormeur au fil de l’eau Où s’asseoir ? Le pont est encombré de jam
1805
à Albert Gyergyai. 1. Le dormeur au fil de
l’
eau Où s’asseoir ? Le pont est encombré de jambes de dormeuses ; il
1806
1. Le dormeur au fil de l’eau Où s’asseoir ?
Le
pont est encombré de jambes de dormeuses ; il faudrait réveiller tant
1807
de fauteuils. Et on me regarde. J’ai beau feindre
l’
intérêt le plus singulier pour ce château sur la rive, ils en ont tant
1808
ls. Et on me regarde. J’ai beau feindre l’intérêt
le
plus singulier pour ce château sur la rive, ils en ont tant vu ! Ils
1809
e l’intérêt le plus singulier pour ce château sur
la
rive, ils en ont tant vu ! Ils aiment mieux me faire honte de mon vis
1810
yeux stupides me demandent où je n’ai pas dormi.
Le
seul refuge est à l’avant, parmi des cordages, des chaînes, sur un ba
1811
andent où je n’ai pas dormi. Le seul refuge est à
l’
avant, parmi des cordages, des chaînes, sur un banc humide, — juste de
1812
’étendre, et regarder jaillir sans fin contre soi
l’
eau de ce beau Danube jaune qui est le plus inodore des fleuves. Dormi
1813
contre soi l’eau de ce beau Danube jaune qui est
le
plus inodore des fleuves. Dormir. Sans avoir pu retrouver cette mélod
1814
r cette mélodie descendue d’un balcon où chantait
la
Schumann ; sans avoir pu retrouver le nom de qui l’on a reconduit à s
1815
où chantait la Schumann ; sans avoir pu retrouver
le
nom de qui l’on a reconduit à sa villa, vers cinq heures à travers ce
1816
Schumann ; sans avoir pu retrouver le nom de qui
l’
on a reconduit à sa villa, vers cinq heures à travers ces quartiers si
1817
ver, des conversations de ce bal, autre chose que
la
phrase, l’unique phrase que Richard Strauss m’aura jamais adressée en
1818
nversations de ce bal, autre chose que la phrase,
l’
unique phrase que Richard Strauss m’aura jamais adressée en cette vie
1819
manche de pardessus, me donnait l’autre à serrer,
la
main n’étant pas encore sortie… Dormir au fil de l’eau, entre l’étran
1820
main n’étant pas encore sortie… Dormir au fil de
l’
eau, entre l’étrange nuit d’un autre bal et cette perspective de voyag
1821
pas encore sortie… Dormir au fil de l’eau, entre
l’
étrange nuit d’un autre bal et cette perspective de voyage au hasard e
1822
perspective de voyage au hasard et commencé dans
l’
insomnie — vrai voyage à dormir debout… ………………………………………………………………………………
1823
debout… ……………………………………………………………………………………………………………
Le
monde renaît dans des accords. Une mélodie hongroise éveille un vagab
1824
l reconnaît son rêve. Huit heures aux clochers de
la
capitale qui s’avance dans la lumière fauve d’un soir chaud sur la pl
1825
res aux clochers de la capitale qui s’avance dans
la
lumière fauve d’un soir chaud sur la plaine, avec ses dômes et ses fa
1826
’avance dans la lumière fauve d’un soir chaud sur
la
plaine, avec ses dômes et ses façades exubérantes de reflets, — et dé
1827
nes Promesses nationales (on n’a pas bien compris
les
noms, on échange, à la dérobée, des coups d’œil, dans le léger étourd
1828
(on n’a pas bien compris les noms, on échange, à
la
dérobée, des coups d’œil, dans le léger étourdissement de l’amitié pr
1829
, on échange, à la dérobée, des coups d’œil, dans
le
léger étourdissement de l’amitié prochaine). Et la générosité des lum
1830
des coups d’œil, dans le léger étourdissement de
l’
amitié prochaine). Et la générosité des lumières d’avant le soir, — et
1831
e léger étourdissement de l’amitié prochaine). Et
la
générosité des lumières d’avant le soir, — et cette espèce de tendres
1832
prochaine). Et la générosité des lumières d’avant
le
soir, — et cette espèce de tendresse pour tous les possibles, qu’on a
1833
le soir, — et cette espèce de tendresse pour tous
les
possibles, qu’on appelle, je crois bien, jeunesse… Je me suis endormi
1834
voûtes sombres, qui est un Collège célèbre. 2.
La
recherche de l’objet inconnu Personne n’a mon adresse, je n’attend
1835
qui est un Collège célèbre. 2. La recherche de
l’
objet inconnu Personne n’a mon adresse, je n’attends rien d’ailleur
1836
en ce premier réveil — délivré. Chez moi je suis
la
proie de l’angoisse du courrier. J’attends la lettre, j’attends je ne
1837
er réveil — délivré. Chez moi je suis la proie de
l’
angoisse du courrier. J’attends la lettre, j’attends je ne sais quoi d
1838
uis la proie de l’angoisse du courrier. J’attends
la
lettre, j’attends je ne sais quoi de très important… Trois déceptions
1839
… Trois déceptions par jour ne peuvent qu’énerver
le
désir. Parfois j’imagine que le facteur va m’apporter ce Paquet inouï
1840
euvent qu’énerver le désir. Parfois j’imagine que
le
facteur va m’apporter ce Paquet inouï, cadeau annonciateur d’une mira
1841
onciateur d’une miraculeuse et royale Venue. Dans
le
silence de l’adoration comblée, j’en sortirais de ces objets sans nom
1842
e miraculeuse et royale Venue. Dans le silence de
l’
adoration comblée, j’en sortirais de ces objets sans nom, inutilisable
1843
bouleversants de perfection, gages d’un monde que
les
poètes essaient de décrire sans l’avoir jamais vu, et dont nous savon
1844
’un monde que les poètes essaient de décrire sans
l’
avoir jamais vu, et dont nous savons seulement que tout y a son écho l
1845
dont nous savons seulement que tout y a son écho
le
plus pur. Le voyage trompe un temps cette angoisse. J’irai chercher m
1846
vons seulement que tout y a son écho le plus pur.
Le
voyage trompe un temps cette angoisse. J’irai chercher moi-même, me s
1847
hercher moi-même, me suis-je dit, je ferai toutes
les
avances, les plus exténuantes, et qui sait si tant d’erreurs ne compo
1848
ême, me suis-je dit, je ferai toutes les avances,
les
plus exténuantes, et qui sait si tant d’erreurs ne composeront pas un
1849
n jour une sorte d’incantation capable d’incliner
le
Hasard ? Ô décevantes chasses dans les bazars, aux étalages des fêtes
1850
d’incliner le Hasard ? Ô décevantes chasses dans
les
bazars, aux étalages des fêtes populaires, au fond des boutiques de v
1851
au fond des boutiques de vieux en province, dans
les
combles d’un château prussien où tissaient d’incroyables araignées, p
1852
où tissaient d’incroyables araignées, partout où
le
désordre naturel des choses pouvait offrir asile à l’objet inconnu qu
1853
ésordre naturel des choses pouvait offrir asile à
l’
objet inconnu que je chercherai sans doute jusqu’à la fin des fins… Ma
1854
bjet inconnu que je chercherai sans doute jusqu’à
la
fin des fins… Mais voici mes amis. Et la question terrible, tout de s
1855
jusqu’à la fin des fins… Mais voici mes amis. Et
la
question terrible, tout de suite : « Mais qui, mais qu’êtes-vous venu
1856
demandera donc toujours des passeports ? Dussè-je
les
inventer… Ah ! l’embarras de voyager n’est rien auprès de celui d’exp
1857
ours des passeports ? Dussè-je les inventer… Ah !
l’
embarras de voyager n’est rien auprès de celui d’expliquer pourquoi l’
1858
r n’est rien auprès de celui d’expliquer pourquoi
l’
on est parti. Cependant, mes regards errant sur une bibliothèque, je c
1859
u ! — Ô Destin sans repos et qui me voue à toutes
les
magies ! Les désirs les plus incompréhensibles s’emparent de moi comm
1860
n sans repos et qui me voue à toutes les magies !
Les
désirs les plus incompréhensibles s’emparent de moi comme des superst
1861
s et qui me voue à toutes les magies ! Les désirs
les
plus incompréhensibles s’emparent de moi comme des superstitions. Tou
1862
amais, je crains bien, jamais je ne parviendrai à
le
regretter… » L’ironie indulgente et cette pitié à peine jalouse que l
1863
bien, jamais je ne parviendrai à le regretter… »
L’
ironie indulgente et cette pitié à peine jalouse que l’on réserve aux
1864
nie indulgente et cette pitié à peine jalouse que
l’
on réserve aux égarements d’une jeunesse démodée se peignirent sur les
1865
arements d’une jeunesse démodée se peignirent sur
les
traits de mes auditeurs. — Vous êtes, me dit-on, un amateur de troubl
1866
rie, ou tout au moins ce qu’il en reste. Sur quoi
l’
on m’entraîna dans un musée sans sièges. Le Musée de Budapest enferme
1867
r quoi l’on m’entraîna dans un musée sans sièges.
Le
Musée de Budapest enferme quelques paysages romantiques aux ciels ple
1868
Dans Bude il y a des ruelles qui sentent encore
le
Turc. Tandis que nous y rôdions, un soir étouffant, vous m’avez montr
1869
brunis qui rougeoyaient au sommet du Rozsadomb —
la
Colline des roses. Une ancienne mosquée, disiez-vous, le tombeau du p
1870
ine des roses. Une ancienne mosquée, disiez-vous,
le
tombeau du prophète Gül Baba. Puis, comme le soleil se couchait, nous
1871
ous, le tombeau du prophète Gül Baba. Puis, comme
le
soleil se couchait, nous avons repassé un grand pont vibrant et nous
1872
ibrant et nous sommes rentrés en Europe. Mais dès
le
lendemain, m’échappant du programme, il a bien fallu que je recherche
1873
nt du programme, il a bien fallu que je recherche
le
chemin du Rozsadomb. « Vous n’y verrez, m’avait-on dit, qu’une paire
1874
uches dans une mosquée vide que personne n’a plus
l’
idée de visiter. » Mais comment ne pas voir qu’un lieu qui porte un no
1875
là même extraordinaire. Celui qui ne croit pas à
la
vertu des noms reste prisonnier de ses sens ; mais celui-là est vérit
1876
blement voyageur qui n’a pas renoncé à convaincre
le
réel de mystère. Montant au Rozsadomb par ce matin brûlant, je savais
1877
x de réaliser une idée fixe injustifiable : c’est
le
plaisir même de l’enfance. Je portais donc ma vision d’Orient et je g
1878
dée fixe injustifiable : c’est le plaisir même de
l’
enfance. Je portais donc ma vision d’Orient et je grimpais gravement c
1879
je pense, au jour de mon pèlerinage au Temple de
l’
Objet inconnu. On passe une barrière, une cour vide ; on prend le sent
1880
. On passe une barrière, une cour vide ; on prend
le
sentier qui monte en zigzag à travers des jardins dont les arbustes s
1881
er qui monte en zigzag à travers des jardins dont
les
arbustes sèchent, vers une espèce de grande villa baroque assez décré
1882
ntre des murs assez hauts dont l’un est peut-être
la
façade d’une chapelle ; mais la porte est fermée. Par une ouverture é
1883
’un est peut-être la façade d’une chapelle ; mais
la
porte est fermée. Par une ouverture étroite on passe ensuite à une se
1884
osiers, et qu’il paraît impossible de situer dans
l’
ensemble des constructions. C’est là qu’on entre. Murs nus. Un catafal
1885
bannière, avec des caractères turcs brodés en or.
L’
histoire de Gül Baba est racontée sur un papier jauni encadré et fixé
1886
l s’appelait en vérité Kehl Baba, ce qui signifie
le
Prophète chauve. Les Hongrois, par erreur, en ont fait Gül Baba, ce q
1887
té Kehl Baba, ce qui signifie le Prophète chauve.
Les
Hongrois, par erreur, en ont fait Gül Baba, ce qui signifie le Père d
1888
par erreur, en ont fait Gül Baba, ce qui signifie
le
Père des roses. Moyennant cette naturalisation il continue de protége
1889
nant cette naturalisation il continue de protéger
la
ville (en collaboration avec saint Gellert, dont la statue colossale,
1890
ville (en collaboration avec saint Gellert, dont
la
statue colossale, sur un rocher, les bras levés, dirige la circulatio
1891
Gellert, dont la statue colossale, sur un rocher,
les
bras levés, dirige la circulation de Pest. Gül Baba est moins théâtra
1892
colossale, sur un rocher, les bras levés, dirige
la
circulation de Pest. Gül Baba est moins théâtral). D’ailleurs le tomb
1893
de Pest. Gül Baba est moins théâtral). D’ailleurs
le
tombeau est vide. Et les babouches ? Pas de babouches. Je sais bien q
1894
ins théâtral). D’ailleurs le tombeau est vide. Et
les
babouches ? Pas de babouches. Je sais bien que ce n’est pas l’heure d
1895
? Pas de babouches. Je sais bien que ce n’est pas
l’
heure de visiter : le Père des roses est peut-être allé se promener. D
1896
e sais bien que ce n’est pas l’heure de visiter :
le
Père des roses est peut-être allé se promener. Dehors, les roses crim
1897
des roses est peut-être allé se promener. Dehors,
les
roses crimson sentent le soufre. Trente degrés à l’ombre. Ce sanctuai
1898
lé se promener. Dehors, les roses crimson sentent
le
soufre. Trente degrés à l’ombre. Ce sanctuaire indigent est plutôt in
1899
roses crimson sentent le soufre. Trente degrés à
l’
ombre. Ce sanctuaire indigent est plutôt inexplicable que mystérieux.
1900
nt est plutôt inexplicable que mystérieux. Aussi,
la
confusion des noms ne comporte aucun symbole à développer noblement.
1901
un symbole à développer noblement. Une chute dans
le
quotidien. Car, en somme, le Prophète Chauve est devenu le jardinier
1902
ment. Une chute dans le quotidien. Car, en somme,
le
Prophète Chauve est devenu le jardinier du Rozsadomb… Mais qu’eussè-j
1903
ien. Car, en somme, le Prophète Chauve est devenu
le
jardinier du Rozsadomb… Mais qu’eussè-je pu contempler de plus « obje
1904
bjectivement » étrange que ce lieu — inquiétant à
la
façon de certains regards lucides qu’il arrive qu’on porte sur la vie
1905
ains regards lucides qu’il arrive qu’on porte sur
la
vie, tout d’un coup, à trois heures de l’après-midi par exemple, — no
1906
rte sur la vie, tout d’un coup, à trois heures de
l’
après-midi par exemple, — non sans angoisse… 4. De midi à quatorze
1907
urs d’une façon « rationnelle », c’est-à-dire que
les
Cook’s tickets remplacent l’exigence intérieure. On n’avoue que des d
1908
», c’est-à-dire que les Cook’s tickets remplacent
l’
exigence intérieure. On n’avoue que des désirs archéologiques, d’aille
1909
ut autre, un non-conformisme intransigeant serait
la
seule conduite féconde. Il me semble que la servitude de l’homme mode
1910
erait la seule conduite féconde. Il me semble que
la
servitude de l’homme moderne apparaît ici sous un aspect bien inquiét
1911
onduite féconde. Il me semble que la servitude de
l’
homme moderne apparaît ici sous un aspect bien inquiétant : c’est à la
1912
raît ici sous un aspect bien inquiétant : c’est à
la
sensibilité même qu’on impose une livrée. — « Je comprends, me dit-on
1913
vrée. — « Je comprends, me dit-on. Vous êtes pour
la
fantaisie, c’est bien joli !… » — Non, Monsieur, ce n’est pas joli, c
1914
t… C’est que vous êtes déjà bien malade. Il perd
le
sentiment, disait-on, du temps que l’on parlait français. J’expliquai
1915
e. Il perd le sentiment, disait-on, du temps que
l’
on parlait français. J’expliquais donc que je ne voyage qu’au hasard,
1916
quoi : « Monsieur a du temps à perdre ! » s’écrie
le
lecteur, et comme il est, lui, de l’autre école, il referme ces pages
1917
s pages et vaque à ses devoirs. Nous voici plus à
l’
aise. Eh bien oui : je me ferai un mérite de perdre tout mon temps, si
1918
tout mon temps, si toutefois perdre conserve ici
le
sens qu’il a pris dans ce monde, — j’entends : leur monde, avec leurs
1919
e, avec leurs « problèmes du plus haut intérêt »,
le
« prix de l’action » et leur morale qui ne parle que d’obligations do
1920
« problèmes du plus haut intérêt », le « prix de
l’
action » et leur morale qui ne parle que d’obligations dont on ne saur
1921
i ne parle que d’obligations dont on ne saurait à
la
légère se débarrasser sans courir les risques12 les plus graves et pr
1922
ne saurait à la légère se débarrasser sans courir
les
risques12 les plus graves et provoquer une crise, bref, sans le payer
1923
a légère se débarrasser sans courir les risques12
les
plus graves et provoquer une crise, bref, sans le payer cher. Tout ce
1924
es plus graves et provoquer une crise, bref, sans
le
payer cher. Tout cela est langage de bourse. Pour moi, je poursuivrai
1925
our moi, je poursuivrai mon discours en faveur de
l’
inutile, et ceci à la face des bouffons qui plongent invariablement le
1926
ai mon discours en faveur de l’inutile, et ceci à
la
face des bouffons qui plongent invariablement les mains dans leurs va
1927
la face des bouffons qui plongent invariablement
les
mains dans leurs vastes poches insulaires pour m’informer de cette ir
1928
res pour m’informer de cette irrécusable vérité :
les
affaires sont les affaires, axiome qui constitue à leurs yeux ma cond
1929
r de cette irrécusable vérité : les affaires sont
les
affaires, axiome qui constitue à leurs yeux ma condamnation et celle
1930
s minus habentes qui me ressemblent. Au risque de
les
voir trépigner, je continuerai à chercher mon bien de midi à quatorze
1931
midi à quatorze heures, temps qu’ils réservent à
la
mastication, entre deux séries d’heures de travail consacrées, si l’o
1932
re deux séries d’heures de travail consacrées, si
l’
on ose dire, à assurer cette mastication. Mais je m’égare, laissons-là
1933
ons-là ces moutons. 5. Café amer En Hongrie
l’
on est assailli par le pittoresque, mais il s’agit de le déjouer au mo
1934
5. Café amer En Hongrie l’on est assailli par
le
pittoresque, mais il s’agit de le déjouer au moyen de toutes sortes d
1935
st assailli par le pittoresque, mais il s’agit de
le
déjouer au moyen de toutes sortes de ruses et de scepticismes, dont l
1936
e toutes sortes de ruses et de scepticismes, dont
le
plus simple consiste à traduire ce que l’on voit. Cette banque à la f
1937
s, dont le plus simple consiste à traduire ce que
l’
on voit. Cette banque à la façade violette, or et bleue, aux grandes l
1938
siste à traduire ce que l’on voit. Cette banque à
la
façade violette, or et bleue, aux grandes lignes verticales peinturlu
1939
cales peinturlurées — elle n’a rien d’étrange, si
l’
on songe que nous sommes en Hongrie. Et ce n’est pas que je trouve ce
1940
e n’est qu’amour jaloux du merveilleux, avec quoi
l’
on est trop souvent tenté de confondre le bizarre. C’est le faux merve
1941
vec quoi l’on est trop souvent tenté de confondre
le
bizarre. C’est le faux merveilleux qui a discrédité le vrai, lequel e
1942
trop souvent tenté de confondre le bizarre. C’est
le
faux merveilleux qui a discrédité le vrai, lequel est quotidien, circ
1943
zarre. C’est le faux merveilleux qui a discrédité
le
vrai, lequel est quotidien, circonspect, souvent microscopique, moral
1944
opique, moralement microscopique. (Il a tellement
l’
air de rien que nous sommes presque excusables de ne le point apercevo
1945
de rien que nous sommes presque excusables de ne
le
point apercevoir.) Je vais cependant dire quelque chose d’une scène p
1946
ène pittoresque. Mais c’est une autre fois que je
l’
ai vue, à Pest, lors d’un autre séjour, dans la semaine qui suit Noël,
1947
je l’ai vue, à Pest, lors d’un autre séjour, dans
la
semaine qui suit Noël, — la plus sombre de l’année par les rues vides
1948
un autre séjour, dans la semaine qui suit Noël, —
la
plus sombre de l’année par les rues vides sous la pluie étrangère. Un
1949
ans la semaine qui suit Noël, — la plus sombre de
l’
année par les rues vides sous la pluie étrangère. Une porte basse s’ou
1950
ne qui suit Noël, — la plus sombre de l’année par
les
rues vides sous la pluie étrangère. Une porte basse s’ouvre sur un lo
1951
la plus sombre de l’année par les rues vides sous
la
pluie étrangère. Une porte basse s’ouvre sur un long corridor hanté d
1952
res drapées, qui ne sont pas des nonnes, bien que
les
voûtes soient celles d’un ancien couvent. Nous pénétrons dans une gra
1953
es parois, la quatrième est occupée en partie par
le
comptoir (un écriteau porte simplement ce tarif : 5 pengö), en partie
1954
res et des bouteilles sont placées au hasard dans
l’
espace vide où tourne la fumée des cigares. Assis sur la banquette, qu
1955
nt placées au hasard dans l’espace vide où tourne
la
fumée des cigares. Assis sur la banquette, quelques bougres isolés pr
1956
ce vide où tourne la fumée des cigares. Assis sur
la
banquette, quelques bougres isolés produisent en silence cette fumée,
1957
bougres isolés produisent en silence cette fumée,
les
yeux à terre, dans l’attente. Nous sommes assis autour d’une table et
1958
nt en silence cette fumée, les yeux à terre, dans
l’
attente. Nous sommes assis autour d’une table et nous voyons, au milie
1959
s autour d’une table et nous voyons, au milieu de
la
salle, un arbre de Noël aux amples branches rayonnantes, dans une glo
1960
tout autour, frileuses dans leurs dessous roses,
les
filles qui chantent une chanson populaire et regardent tristement les
1961
ent une chanson populaire et regardent tristement
les
lumières. Il y en a aussi qui se réchauffent sur les degrés du poêle,
1962
lumières. Il y en a aussi qui se réchauffent sur
les
degrés du poêle, celles-là ne chantant pas. Parmi elles, des Tziganes
1963
s avaler mon verre de ce café trop amer qui pince
la
gorge. Dehors, nous ne parlons pas : le froid paralyse la mâchoire.
1964
qui pince la gorge. Dehors, nous ne parlons pas :
le
froid paralyse la mâchoire. 6. Doutes sur la nature du Sujet Je
1965
. Dehors, nous ne parlons pas : le froid paralyse
la
mâchoire. 6. Doutes sur la nature du Sujet Je crois qu’il faut
1966
: le froid paralyse la mâchoire. 6. Doutes sur
la
nature du Sujet Je crois qu’il faut que je raconte mon voyage « à
1967
Je crois qu’il faut que je raconte mon voyage « à
la
suite », renonçant à écrire d’abord les chapitres qui en ont envie, p
1968
voyage « à la suite », renonçant à écrire d’abord
les
chapitres qui en ont envie, puis ceux qui en auront envie : car cela
1969
er après coup des transitions, et c’est alors que
l’
on est tenté de mentir, si fort tenté que l’on cède à coup sûr, en se
1970
s que l’on est tenté de mentir, si fort tenté que
l’
on cède à coup sûr, en se persuadant que c’est pour des raisons techni
1971
e que cela ne devrait pas, au contraire, aggraver
le
cas ?) Or l’intérêt d’un récit de voyage ne réside pas dans sa vérité
1972
devrait pas, au contraire, aggraver le cas ?) Or
l’
intérêt d’un récit de voyage ne réside pas dans sa vérité générale, ma
1973
mme un cadeau de pauvre, comme un vrai cadeau. Si
le
conteur ment, — pendant qu’il y est, il ferait mieux de choisir un au
1974
est, il ferait mieux de choisir un autre pays que
la
Hongrie archi-connue, — le lecteur le sent vite, et devient extrêmeme
1975
isir un autre pays que la Hongrie archi-connue, —
le
lecteur le sent vite, et devient extrêmement exigeant, car le plus be
1976
re pays que la Hongrie archi-connue, — le lecteur
le
sent vite, et devient extrêmement exigeant, car le plus beau mensonge
1977
e sent vite, et devient extrêmement exigeant, car
le
plus beau mensonge atteint à peine le degré d’intérêt d’une vérité ba
1978
igeant, car le plus beau mensonge atteint à peine
le
degré d’intérêt d’une vérité banale, et seulement à condition de lui
1979
radoxe, du temps des petites manières. Cependant,
la
réalité d’un pays apparaissant en général au voyageur de ma sorte sou
1980
et de beaucoup de chiffres vraisemblables ? Ainsi
le
lecteur superficiel aurait l’impression que je suis zur Sache, que je
1981
isemblables ? Ainsi le lecteur superficiel aurait
l’
impression que je suis zur Sache, que je parle de mon sujet, — étant a
1982
le de mon sujet, — étant admis que mon sujet soit
la
Hongrie, ce qui me paraît infiniment baroque, à peine compréhensible,
1983
sujet : on est sujet. Et tout ceci n’est rien que
le
voyage du Sujet à la recherche de son Objet, — en passant par la Hong
1984
Et tout ceci n’est rien que le voyage du Sujet à
la
recherche de son Objet, — en passant par la Hongrie. — Mais puisqu’en
1985
jet à la recherche de son Objet, — en passant par
la
Hongrie. — Mais puisqu’enfin nous y voici, en cette Hongrie… Le tombe
1986
Mais puisqu’enfin nous y voici, en cette Hongrie…
Le
tombeau de Gül Baba est symboliquement vide. Quant à l’arbre de Noël,
1987
beau de Gül Baba est symboliquement vide. Quant à
l’
arbre de Noël, il ne devait à nulle pendeloque insolite l’étrangeté de
1988
de Noël, il ne devait à nulle pendeloque insolite
l’
étrangeté de son éclat. Alors je m’en vais oublier le But de mon voyag
1989
trangeté de son éclat. Alors je m’en vais oublier
le
But de mon voyage, — qui est sa cause. Je vais feindre de prendre au
1990
re au sérieux ce que je vois. Ruse connue : c’est
l’
histoire du mot que vous avez sous la langue ; je vous conseille de n’
1991
nnue : c’est l’histoire du mot que vous avez sous
la
langue ; je vous conseille de n’y plus penser quelque temps… Car on n
1992
ent que ce qu’on a consenti de ne pas trouver sur
l’
heure. (En petit et intéressé, ce geste s’appelle coquetterie ; en gra
1993
acrifice.) … feuilletons un peu ma Hongrie. 7.
Les
magnats en taxis La place Saint-Georges, à Bude, est une place vra
1994
un peu ma Hongrie. 7. Les magnats en taxis
La
place Saint-Georges, à Bude, est une place vraiment royale. Vide, ell
1995
hauteur. Silencieuse, solennelle de nudité, entre
le
Palais du Régent et celui d’un des archiducs, quel décor à rêver le c
1996
t et celui d’un des archiducs, quel décor à rêver
le
cortège d’un sacre ! J’y ai vu défiler la Chambre des Magnats, le jou
1997
à rêver le cortège d’un sacre ! J’y ai vu défiler
la
Chambre des Magnats, le jour de l’élection d’un des quatre gardiens d
1998
sacre ! J’y ai vu défiler la Chambre des Magnats,
le
jour de l’élection d’un des quatre gardiens de la Couronne de saint É
1999
ai vu défiler la Chambre des Magnats, le jour de
l’
élection d’un des quatre gardiens de la Couronne de saint Étienne. Aup
2000
le jour de l’élection d’un des quatre gardiens de
la
Couronne de saint Étienne. Auprès du porche du Palais, ils n’étaient
2001
uelques gardes. Traversant dans sa longueur toute
l’
immense place, les automobiles passèrent lentement, l’une après l’autr
2002
raversant dans sa longueur toute l’immense place,
les
automobiles passèrent lentement, l’une après l’autre, durant une demi
2003
e après l’autre, durant une demi-heure, saluées à
l’
entrée du Palais par les gardes présentant les armes. À ce salut, les
2004
une demi-heure, saluées à l’entrée du Palais par
les
gardes présentant les armes. À ce salut, les quelques députés bourgeo
2005
es à l’entrée du Palais par les gardes présentant
les
armes. À ce salut, les quelques députés bourgeois en redingote ne rép
2006
par les gardes présentant les armes. À ce salut,
les
quelques députés bourgeois en redingote ne répondent que du bout des
2007
bout des doigts, crainte, sans doute, de troubler
l’
équilibre toujours instable des huit reflets de leur dignité. Mais je
2008
reflets de leur dignité. Mais je n’oublierai pas
le
sourire de ce vieux prince : un vrai sourire, adressé personnellement
2009
ince : un vrai sourire, adressé personnellement à
l’
homme, — et le mot « affable » reprend ici sa noblesse. Mon voisin qui
2010
sourire, adressé personnellement à l’homme, — et
le
mot « affable » reprend ici sa noblesse. Mon voisin qui a la tête de
2011
fable » reprend ici sa noblesse. Mon voisin qui a
la
tête de François-Joseph, dont il fut peut-être valet, nomme à leur pa
2012
dont il fut peut-être valet, nomme à leur passage
les
Karolyi, les Festetics, les Esterházy, et ces comtes Szechenyi qui co
2013
eut-être valet, nomme à leur passage les Karolyi,
les
Festetics, les Esterházy, et ces comtes Szechenyi qui construisirent
2014
nomme à leur passage les Karolyi, les Festetics,
les
Esterházy, et ces comtes Szechenyi qui construisirent le premier pont
2015
Szechenyi qui construisirent le premier pont sur
le
Danube, auteurs ainsi du trait d’union de Buda-Pest. Il y a trois sem
2016
semaines, à Freudenau, lors du Derby viennois, je
les
ai vus portant cylindre gris à la terrasse du Jockey-Club. Maintenant
2017
y viennois, je les ai vus portant cylindre gris à
la
terrasse du Jockey-Club. Maintenant dans leurs limousines armoriées —
2018
s limousines armoriées — couronnes princières sur
le
bouchon du radiateur — les voici, pères et fils, revêtus des couleurs
2019
ouronnes princières sur le bouchon du radiateur —
les
voici, pères et fils, revêtus des couleurs familiales. Ils se tiennen
2020
its, appuyés sur leurs sabres d’or recourbés dont
les
poignées entre leurs doigts gantés étincellent. Parfois un collier de
2021
doigts gantés étincellent. Parfois un collier de
la
Toison d’Or, sur la fourrure du dolman rouge ou jaune, laisse pendre
2022
ellent. Parfois un collier de la Toison d’Or, sur
la
fourrure du dolman rouge ou jaune, laisse pendre son petit mouton. Ai
2023
odés, au tarif inférieur. Des chauffeurs vautrés,
la
casquette de travers sur leurs idées sociales, pareils aux chauffeurs
2024
idées sociales, pareils aux chauffeurs de toutes
les
villes, conduisent dans la cour d’honneur ces reliques incroyables et
2025
chauffeurs de toutes les villes, conduisent dans
la
cour d’honneur ces reliques incroyables et les encensent à la benzine
2026
ans la cour d’honneur ces reliques incroyables et
les
encensent à la benzine industrielle. Mais quelle gravité parmi les sp
2027
nneur ces reliques incroyables et les encensent à
la
benzine industrielle. Mais quelle gravité parmi les spectateurs. Reli
2028
a benzine industrielle. Mais quelle gravité parmi
les
spectateurs. Reliques ? Elles conservent du moins toute leur efficace
2029
es conservent du moins toute leur efficace. Voici
le
Prince Primat, les doigts levés. On se signe. Et voici venir à pied d
2030
oins toute leur efficace. Voici le Prince Primat,
les
doigts levés. On se signe. Et voici venir à pied de son palais proche
2031
silence (cliquetis des rangées de décorations sur
l’
uniforme kaki, et du sabre balancé). Une auto encore, en retard le pré
2032
et du sabre balancé). Une auto encore, en retard
le
président du Conseil, maigre, jaune et rigide dans son costume noir e
2033
, jaune et rigide dans son costume noir et or. Si
le
comte Bethlen venait à la SDN en tenue de magnat, beaucoup de gens co
2034
costume noir et or. Si le comte Bethlen venait à
la
SDN en tenue de magnat, beaucoup de gens comprendraient mieux sa poli
2035
de gens comprendraient mieux sa politique. 8.
Les
coussins Rothermere Le nationalisme de la plupart des États de l’E
2036
ux sa politique. 8. Les coussins Rothermere
Le
nationalisme de la plupart des États de l’Europe se formule en revend
2037
c’est son droit, ses intérêts. Mais, en Hongrie,
le
nationalisme est une passion toute nue, qui exprime l’être profond de
2038
tionalisme est une passion toute nue, qui exprime
l’
être profond de la race. On ne discute pas cet amour, on ne réfute pas
2039
passion toute nue, qui exprime l’être profond de
la
race. On ne discute pas cet amour, on ne réfute pas cette haine. Ici,
2040
pas cet amour, on ne réfute pas cette haine. Ici,
la
sympathie est un devoir de politesse. Comment la mesurer sans mauvais
2041
la sympathie est un devoir de politesse. Comment
la
mesurer sans mauvaise grâce à qui vous a reçu comme un cadeau de Dieu
2042
eau de Dieu. (« C’est Dieu qui vous envoie », dit
la
formule traditionnelle.) La liqueur de pêche rend démonstratif, dont
2043
ui vous envoie », dit la formule traditionnelle.)
La
liqueur de pêche rend démonstratif, dont on vide trois verres d’un tr
2044
it en guise de salut. C’est alors que se déplient
les
cartes de « la Hongrie mutilée ». — « Savez-vous qu’on nous a volé le
2045
alut. C’est alors que se déplient les cartes de «
la
Hongrie mutilée ». — « Savez-vous qu’on nous a volé les deux tiers de
2046
ngrie mutilée ». — « Savez-vous qu’on nous a volé
les
deux tiers de notre patrie ? » Ah ! ce n’est pas vous, maintenant, qu
2047
ntenant, qui allez demander raison à vos hôtes de
la
façon dont ils traitaient, au temps de leur puissance, les allogènes
2048
dont ils traitaient, au temps de leur puissance,
les
allogènes infiltrés dans certaines régions jusqu’à y former la majori
2049
infiltrés dans certaines régions jusqu’à y former
la
majorité. Pourtant, vous les obligeriez à vous répondre que les nombr
2050
ions jusqu’à y former la majorité. Pourtant, vous
les
obligeriez à vous répondre que les nombres ont tort au regard de l’an
2051
Pourtant, vous les obligeriez à vous répondre que
les
nombres ont tort au regard de l’antiquité d’une civilisation ; qu’il
2052
us répondre que les nombres ont tort au regard de
l’
antiquité d’une civilisation ; qu’il s’agit ici de valeurs ; que si le
2053
vilisation ; qu’il s’agit ici de valeurs ; que si
les
populations des régions perdues étaient parfois en majorité roumaines
2054
aient parfois en majorité roumaines ou slovaques,
la
minorité hongroise y comptait cependant pour plus ; elle était seule
2055
pour plus ; elle était seule active et créatrice.
Le
reste : des porteurs d’eau… Dans l’inextricable confusion d’injustice
2056
et créatrice. Le reste : des porteurs d’eau… Dans
l’
inextricable confusion d’injustices à quoi devait mener le wilsonisme
2057
icable confusion d’injustices à quoi devait mener
le
wilsonisme schématique qui traça les frontières actuelles, dans ce re
2058
devait mener le wilsonisme schématique qui traça
les
frontières actuelles, dans ce renversement des rôles, l’oppresseur de
2059
tières actuelles, dans ce renversement des rôles,
l’
oppresseur devenant l’opprimé sans y perdre le sentiment de sa supério
2060
ce renversement des rôles, l’oppresseur devenant
l’
opprimé sans y perdre le sentiment de sa supériorité de race — sa véri
2061
es, l’oppresseur devenant l’opprimé sans y perdre
le
sentiment de sa supériorité de race — sa véritable légitimité — on co
2062
race — sa véritable légitimité — on comprend que
le
Hongrois n’ait point conservé une extrême sensibilité aux arguments d
2063
qui autorisèrent ce chaos. Il lui reste sa foi en
la
grandeur éternelle de la Hongrie — intemporelle, n’ayant cure des sta
2064
. Il lui reste sa foi en la grandeur éternelle de
la
Hongrie — intemporelle, n’ayant cure des statistiques — et sa douleur
2065
aussi, douleur d’orgueil blessé, mais qui emporte
la
sympathie car l’orgueil hongrois n’est point de ce que l’on gagne sur
2066
orgueil blessé, mais qui emporte la sympathie car
l’
orgueil hongrois n’est point de ce que l’on gagne sur autrui, mais de
2067
thie car l’orgueil hongrois n’est point de ce que
l’
on gagne sur autrui, mais de ce que l’on est ; non point d’un parvenu,
2068
t de ce que l’on gagne sur autrui, mais de ce que
l’
on est ; non point d’un parvenu, mais d’un aristocrate. Tous dangers é
2069
s égaux d’ailleurs, préférons cet impérialisme de
l’
âme à celui de la surproduction des machines et des enfants. C’est par
2070
s, préférons cet impérialisme de l’âme à celui de
la
surproduction des machines et des enfants. C’est parce que les Hongro
2071
tion des machines et des enfants. C’est parce que
les
Hongrois n’ont pas perdu le sentiment qu’ils sont en scandale au mond
2072
nts. C’est parce que les Hongrois n’ont pas perdu
le
sentiment qu’ils sont en scandale au monde moderne. Voilà ce qu’on ne
2073
au monde moderne. Voilà ce qu’on ne dit pas dans
les
dépêches d’agence : les journalistes, une fois de plus, passent à côt
2074
ce qu’on ne dit pas dans les dépêches d’agence :
les
journalistes, une fois de plus, passent à côté de l’essentiel13. Rien
2075
journalistes, une fois de plus, passent à côté de
l’
essentiel13. Rien n’est grave, que le sentiment, — en politique comme
2076
nt à côté de l’essentiel13. Rien n’est grave, que
le
sentiment, — en politique comme ailleurs. Songez à ce qui forme l’opi
2077
n politique comme ailleurs. Songez à ce qui forme
l’
opinion, cet ensemble de mythes sentimentaux qui gouverne les argument
2078
cet ensemble de mythes sentimentaux qui gouverne
les
arguments. Ici je rentre dans mes chasses et rembouche mon cor. Macro
2079
et rembouche mon cor. Macrocosme et microcosme :
la
politique des peuples ressemble à celle des individus, pour ce qui es
2080
r ce qui est du moins, de mentir à soi-même. Mais
les
Hongrois ne renient pas leur romantisme. Quelle revanche prendrait la
2081
nt pas leur romantisme. Quelle revanche prendrait
la
Hongrie, sur une Carte du Tendre d’après le traité de Trianon ! Ces c
2082
drait la Hongrie, sur une Carte du Tendre d’après
le
traité de Trianon ! Ces choses, je les ai rêvées sur un divan, à caus
2083
dre d’après le traité de Trianon ! Ces choses, je
les
ai rêvées sur un divan, à cause d’un coussin où s’étalait le sourire
2084
s sur un divan, à cause d’un coussin où s’étalait
le
sourire optimiste de Lord Rothermere, en soie blanche sur fond noir.
2085
che sur fond noir. Quelques articles favorables à
la
Hongrie, au moment où l’Europe semblait abandonner à son malheur ce p
2086
es articles favorables à la Hongrie, au moment où
l’
Europe semblait abandonner à son malheur ce peuple turbulent et déchu,
2087
déchu, suffirent à faire d’un affairiste anglais
l’
idole du nationalisme magyar. Son portrait affiché dans tous les cafés
2088
tionalisme magyar. Son portrait affiché dans tous
les
cafés, dans les halls universitaires, brodé aux devantures des magasi
2089
r. Son portrait affiché dans tous les cafés, dans
les
halls universitaires, brodé aux devantures des magasins de mode, et s
2090
absurdes et de souffrances vraies, n’est-ce point
le
climat de la passion ? — C’est celui de la Hongrie14. 9. Une lettr
2091
e souffrances vraies, n’est-ce point le climat de
la
passion ? — C’est celui de la Hongrie14. 9. Une lettre de Matthias
2092
point le climat de la passion ? — C’est celui de
la
Hongrie14. 9. Une lettre de Matthias Corvin « Matthias, par la
2093
Une lettre de Matthias Corvin « Matthias, par
la
grâce de Dieu roi de Hongrie. Bonjour, citoyens ! Si vous ne venez pa
2094
enez pas tous vous présenter au roi, vous perdrez
la
tête. Donné à Bude. Le roi. » 10. Visite à Babits Personne, à m
2095
enter au roi, vous perdrez la tête. Donné à Bude.
Le
roi. » 10. Visite à Babits Personne, à ma connaissance, ne se p
2096
e, ne se plaint de ce qu’il y a peu de poètes par
le
monde. C’est dans l’ordre des choses, et l’on sait qu’il suffit de tr
2097
qu’il y a peu de poètes par le monde. C’est dans
l’
ordre des choses, et l’on sait qu’il suffit de très peu de sel pour re
2098
s par le monde. C’est dans l’ordre des choses, et
l’
on sait qu’il suffit de très peu de sel pour rendre mangeables beaucou
2099
xemple, ce qu’il faudrait essayer d’obtenir : que
la
grande majorité des gens ne deviennent pas enragés dès qu’ils perçoiv
2100
e deviennent pas enragés dès qu’ils perçoivent de
la
poésie dans l’air. Espoir sans doute chimérique, mais qu’on peut croi
2101
s enragés dès qu’ils perçoivent de la poésie dans
l’
air. Espoir sans doute chimérique, mais qu’on peut croire bien près d’
2102
ut croire bien près d’être comblé dans ce pays où
les
courtiers ne donnent pas encore le ton. La littérature hongroise n’es
2103
ns ce pays où les courtiers ne donnent pas encore
le
ton. La littérature hongroise n’est guère connue à l’étranger que par
2104
ys où les courtiers ne donnent pas encore le ton.
La
littérature hongroise n’est guère connue à l’étranger que par quelque
2105
on. La littérature hongroise n’est guère connue à
l’
étranger que par quelques pièces légères de Molnár, qui n’ont de hongr
2106
èces légères de Molnár, qui n’ont de hongrois que
l’
auteur, d’ailleurs israélite. Il y a, bien entendu, une littérature of
2107
du, une littérature officielle destinée à remplir
les
revues bien pensantes. Elle traite de sujets « bien hongrois » dans u
2108
ois » dans un style académique qui me paraît être
le
contraire du style hongrois. Il y a aussi une extrême gauche, et sa r
2109
et parfois sauvage, social ou futuriste, et dont
la
« furia » serait assez hongroise… Mais l’expression la plus libre et
2110
et dont la « furia » serait assez hongroise… Mais
l’
expression la plus libre et la plus vivante du génie littéraire de cet
2111
furia » serait assez hongroise… Mais l’expression
la
plus libre et la plus vivante du génie littéraire de cette race me pa
2112
sez hongroise… Mais l’expression la plus libre et
la
plus vivante du génie littéraire de cette race me paraît bien avoir é
2113
de cette race me paraît bien avoir été donnée par
le
groupe important du Nyugât (l’Occident), revue fondée par deux grands
2114
oir été donnée par le groupe important du Nyugât (
l’
Occident), revue fondée par deux grands poètes : André Ady et Michel B
2115
grands poètes : André Ady et Michel Babits. Ady,
le
sombre et pathétique, est mort à 35 ans, mais sa ferveur anime encore
2116
curiosités, et dont Michel Babits est aujourd’hui
le
chef de file. Des amis m’emmènent le voir à Esztergóm, où il passe se
2117
aujourd’hui le chef de file. Des amis m’emmènent
le
voir à Esztergóm, où il passe ses étés. Esztergóm est la plus vieille
2118
à Esztergóm, où il passe ses étés. Esztergóm est
la
plus vieille capitale de la Hongrie. Attila, me dit-on, y régna. Aujo
2119
s étés. Esztergóm est la plus vieille capitale de
la
Hongrie. Attila, me dit-on, y régna. Aujourd’hui c’est la résidence d
2120
ie. Attila, me dit-on, y régna. Aujourd’hui c’est
la
résidence du Prince Primat. Au-dessus du palais de l’archevêché, sur
2121
ésidence du Prince Primat. Au-dessus du palais de
l’
archevêché, sur une colline que le Danube contourne, la basilique élèv
2122
us du palais de l’archevêché, sur une colline que
le
Danube contourne, la basilique élève une coupole d’ocre éclatante, im
2123
hevêché, sur une colline que le Danube contourne,
la
basilique élève une coupole d’ocre éclatante, immense et froide, domi
2124
e et froide, dominant cette plaine onduleuse dont
les
vagues se perdent dans une poussière violacée à l’horizon — chez les
2125
s vagues se perdent dans une poussière violacée à
l’
horizon — chez les Tchèques déjà… Nous allons aux bains, car c’est dan
2126
nt dans une poussière violacée à l’horizon — chez
les
Tchèques déjà… Nous allons aux bains, car c’est dans la piscine que n
2127
èques déjà… Nous allons aux bains, car c’est dans
la
piscine que nous devons rencontrer le poète. Cheveux noirs d’aigle co
2128
c’est dans la piscine que nous devons rencontrer
le
poète. Cheveux noirs d’aigle collés sur son large front, belle carrur
2129
, belle carrure ruisselante, il nous sourit, dans
l’
eau jusqu’à mi-corps, mythologique. Nous sortons ensemble de la petite
2130
mi-corps, mythologique. Nous sortons ensemble de
la
petite ville aux rues de terre brûlante, aux maisons jaunes basses, v
2131
lle sans ombre, sans arbres, et nous montons vers
la
maison du poète, sur un coteau. Trois chambres boisées entourées d’un
2132
ambres boisées entourées d’une large galerie d’où
l’
on voit le Danube gris-jaune, brillant, sans rides, la petite ville ju
2133
sées entourées d’une large galerie d’où l’on voit
le
Danube gris-jaune, brillant, sans rides, la petite ville juste au-des
2134
voit le Danube gris-jaune, brillant, sans rides,
la
petite ville juste au-dessous de soi, et la basilique sur son rocher.
2135
ides, la petite ville juste au-dessous de soi, et
la
basilique sur son rocher. Fraîches, sentant bon, avec des livres sur
2136
vans aux riches couleurs, des boissons préparées,
l’
ombre bourdonnante, — trois petites chambres et un pan de toit par-des
2137
toit par-dessus, une baraque à peine visible dans
les
vignes, à peine détachée du flanc de la colline, pour que les vents n
2138
ble dans les vignes, à peine détachée du flanc de
la
colline, pour que les vents ne l’emportent pas. L’après-midi est imme
2139
à peine détachée du flanc de la colline, pour que
les
vents ne l’emportent pas. L’après-midi est immense. Nous buvons des v
2140
hée du flanc de la colline, pour que les vents ne
l’
emportent pas. L’après-midi est immense. Nous buvons des vins dorés et
2141
a colline, pour que les vents ne l’emportent pas.
L’
après-midi est immense. Nous buvons des vins dorés et doux que nous ve
2142
s belle), nous inscrivons nos noms au charbon sur
le
mur chaulé, Gachot prend des photos, Gyergyai fouille la plaine à la
2143
chaulé, Gachot prend des photos, Gyergyai fouille
la
plaine à la longue-vue et rêve qu’il y est, je grimpe au cerisier sau
2144
ot prend des photos, Gyergyai fouille la plaine à
la
longue-vue et rêve qu’il y est, je grimpe au cerisier sauvage, derriè
2145
il y est, je grimpe au cerisier sauvage, derrière
la
maison, un peintre tout en blanc arrive par les vignes, ah ! qu’il fa
2146
re la maison, un peintre tout en blanc arrive par
les
vignes, ah ! qu’il fait beau temps, l’horizon est aussi lointain qu’o
2147
rrive par les vignes, ah ! qu’il fait beau temps,
l’
horizon est aussi lointain qu’on l’imagine, tout a de belles couleurs,
2148
it beau temps, l’horizon est aussi lointain qu’on
l’
imagine, tout a de belles couleurs, le poète sourit en lui-même, il y
2149
ntain qu’on l’imagine, tout a de belles couleurs,
le
poète sourit en lui-même, il y a une enfance dans l’air… 12. Rappe
2150
poète sourit en lui-même, il y a une enfance dans
l’
air… 12. Rappelons que notre société est fondée sur la peur du risq
2151
12. Rappelons que notre société est fondée sur
la
peur du risque. 13. Il faut ajouter aux autres causes de l’incompréh
2152
risque. 13. Il faut ajouter aux autres causes de
l’
incompréhension des journalistes la ruse hongroise qu’ils ne peuvent p
2153
tres causes de l’incompréhension des journalistes
la
ruse hongroise qu’ils ne peuvent pas déjouer, car le Hongrois est ing
2154
ruse hongroise qu’ils ne peuvent pas déjouer, car
le
Hongrois est ingénument rusé, à la façon des passionnés, non point à
2155
s déjouer, car le Hongrois est ingénument rusé, à
la
façon des passionnés, non point à celle des arrivistes. 14. Parce qu
2156
à celle des arrivistes. 14. Parce que j’« exalte
les
valeurs de passion » — pour parler comme le seul Clerc qui n’ait pas
2157
alte les valeurs de passion » — pour parler comme
le
seul Clerc qui n’ait pas trahi — qui me paraissent être la grandeur d
2158
lerc qui n’ait pas trahi — qui me paraissent être
la
grandeur de la Hongrie, on m’expliquera que je suis pour la guerre, p
2159
pas trahi — qui me paraissent être la grandeur de
la
Hongrie, on m’expliquera que je suis pour la guerre, puisque enfin ce
2160
r de la Hongrie, on m’expliquera que je suis pour
la
guerre, puisque enfin cet état d’esprit que j’admire est, entre autre
2161
belliqueux. Or je suis pacifiste. Comment ne pas
l’
être ? Mais je crois que les pacifistes qui veulent assurer la paix pa
2162
ifiste. Comment ne pas l’être ? Mais je crois que
les
pacifistes qui veulent assurer la paix par la mutilation des passions
2163
s je crois que les pacifistes qui veulent assurer
la
paix par la mutilation des passions sont disciples d’Origène. Il doit
2164
ue les pacifistes qui veulent assurer la paix par
la
mutilation des passions sont disciples d’Origène. Il doit y avoir d’a
2165
Hölderlin,
La
Mort d’Empédocle et Poèmes de la folie (octobre 1930)bi L’année du
2166
Hölderlin, La Mort d’Empédocle et Poèmes de
la
folie (octobre 1930)bi L’année du centenaire du romantisme sera ce
2167
pédocle et Poèmes de la folie (octobre 1930)bi
L’
année du centenaire du romantisme sera celle aussi de la découverte de
2168
e du centenaire du romantisme sera celle aussi de
la
découverte de Hölderlin par la France. La Mort d’Empédocle et les Poè
2169
era celle aussi de la découverte de Hölderlin par
la
France. La Mort d’Empédocle et les Poèmes de la folie ont paru simult
2170
ussi de la découverte de Hölderlin par la France.
La
Mort d’Empédocle et les Poèmes de la folie ont paru simultanément, et
2171
e Hölderlin par la France. La Mort d’Empédocle et
les
Poèmes de la folie ont paru simultanément, et l’on annonce Hypérion.
2172
r la France. La Mort d’Empédocle et les Poèmes de
la
folie ont paru simultanément, et l’on annonce Hypérion. Il ne manquer
2173
les Poèmes de la folie ont paru simultanément, et
l’
on annonce Hypérion. Il ne manquera plus que les longs poèmes de la ma
2174
et l’on annonce Hypérion. Il ne manquera plus que
les
longs poèmes de la maturité — mais ceux-là difficilement traduisibles
2175
rion. Il ne manquera plus que les longs poèmes de
la
maturité — mais ceux-là difficilement traduisibles — pour que nous pu
2176
traduisibles — pour que nous puissions contempler
l’
ensemble de l’œuvre de Hölderlin : l’inspirateur de Schelling et de He
2177
pour que nous puissions contempler l’ensemble de
l’
œuvre de Hölderlin : l’inspirateur de Schelling et de Hegel, le précur
2178
s contempler l’ensemble de l’œuvre de Hölderlin :
l’
inspirateur de Schelling et de Hegel, le précurseur de Nietzsche, l’un
2179
lderlin : l’inspirateur de Schelling et de Hegel,
le
précurseur de Nietzsche, l’un des plus admirables et des plus mystéri
2180
oduit avec tant de justesse, voire de profondeur,
la
Mort d’Empédocle. Cette tragédie difficile, trois fois remise à pied
2181
à pied d’œuvre et jamais achevée, donne moins que
les
Poèmes cette impression bizarre d’être d’aujourd’hui. C’est qu’elle e
2182
er plus d’un, c’est-à-dire de s’en libérer. Ainsi
la
France conçut l’homme rationnel ; Empédocle, au contraire est celui q
2183
st-à-dire de s’en libérer. Ainsi la France conçut
l’
homme rationnel ; Empédocle, au contraire est celui qui passe toutes l
2184
mpédocle, au contraire est celui qui passe toutes
les
mesures de l’esprit humain, parle aux dieux avec orgueil, et finit pa
2185
ntraire est celui qui passe toutes les mesures de
l’
esprit humain, parle aux dieux avec orgueil, et finit par succomber à
2186
par succomber à son « hybris » : il se jette dans
l’
Etna pour mieux communier avec la divine Nature. Mythe grec, mais deve
2187
il se jette dans l’Etna pour mieux communier avec
la
divine Nature. Mythe grec, mais devenu, par excellence, germanique ;
2188
ique ; mythe païen, mais il est bien troublant de
le
voir se mêler, dans la troisième version de ce drame, à des symboles
2189
ement messianiques… Ce par quoi Hölderlin diffère
le
plus peut-être des poètes français, c’est que son lyrisme est l’expre
2190
re des poètes français, c’est que son lyrisme est
l’
expression d’une philosophie à l’état naissant ; il est la vibration m
2191
son lyrisme est l’expression d’une philosophie à
l’
état naissant ; il est la vibration même d’une pensée en travail de my
2192
sion d’une philosophie à l’état naissant ; il est
la
vibration même d’une pensée en travail de mythes, sur lesquels, bient
2193
e mythes, sur lesquels, bientôt après, s’exercera
la
réflexion consciente. (Vers l’époque où il ébauche son Empédocle, not
2194
après, s’exercera la réflexion consciente. (Vers
l’
époque où il ébauche son Empédocle, note M. Babelon, Hölderlin écrit d
2195
lderlin écrit de nombreux essais philosophiques.)
Le
tragique de Hölderlin, c’est qu’il parviendra de moins en moins à « r
2196
des phrases très frappantes : « L’un garde encore
la
connaissance au sein d’une flamme plus grande, l’autre seulement d’un
2197
plus grande, l’autre seulement d’une plus faible…
Le
grand poète n’est jamais abandonné par lui-même ; il peut au-dessus d
2198
au-dessus de lui-même, s’élever aussi loin qu’il
le
veut. On peut tomber dans la hauteur tout comme dans la profondeur ».
2199
ver aussi loin qu’il le veut. On peut tomber dans
la
hauteur tout comme dans la profondeur ». Comment ne point songer ici
2200
t. On peut tomber dans la hauteur tout comme dans
la
profondeur ». Comment ne point songer ici au génie qui, dans le même
2201
». Comment ne point songer ici au génie qui, dans
le
même temps, figure l’antithèse de Hölderlin : l’« économie » d’un Goe
2202
nger ici au génie qui, dans le même temps, figure
l’
antithèse de Hölderlin : l’« économie » d’un Goethe, bien superficiell
2203
le même temps, figure l’antithèse de Hölderlin :
l’
« économie » d’un Goethe, bien superficiellement qualifiée de bourgeoi
2204
iellement qualifiée de bourgeoise, est en réalité
la
garantie spirituelle qui lui permet de « s’élever au-dessus de lui-mê
2205
« s’élever au-dessus de lui-même aussi loin qu’il
le
veut ». Mais Hölderlin est sans doute d’une constitution trop faible
2206
tion trop faible pour pouvoir longtemps maîtriser
l’
inspiration, qui peu à peu le « gagne » ; il va brusquement succomber.
2207
longtemps maîtriser l’inspiration, qui peu à peu
le
« gagne » ; il va brusquement succomber. Buisson ardent auquel un sou
2208
alpiteront de pâles lueurs réminiscentes. Ce sont
les
quatrains du temps de la folie, poèmes véritablement « posthumes », q
2209
réminiscentes. Ce sont les quatrains du temps de
la
folie, poèmes véritablement « posthumes », que Pierre Jean Jouve a tr
2210
osthumes », que Pierre Jean Jouve a traduits dans
la
langue fluide mais jamais abstraite qui est celle de ses Noces. Jouve
2211
s abstraite qui est celle de ses Noces. Jouve est
le
plus « germanique » des poètes français d’aujourd’hui ; ce sont les h
2212
que » des poètes français d’aujourd’hui ; ce sont
les
harmoniques éveillées en lui par la voix de Hölderlin qui ont dû l’in
2213
ui ; ce sont les harmoniques éveillées en lui par
la
voix de Hölderlin qui ont dû l’inciter à l’acte recréateur qu’est la
2214
illées en lui par la voix de Hölderlin qui ont dû
l’
inciter à l’acte recréateur qu’est la traduction d’un poète par un aut
2215
i par la voix de Hölderlin qui ont dû l’inciter à
l’
acte recréateur qu’est la traduction d’un poète par un autre poète. Le
2216
n qui ont dû l’inciter à l’acte recréateur qu’est
la
traduction d’un poète par un autre poète. Les quatrains sont ici préc
2217
’est la traduction d’un poète par un autre poète.
Les
quatrains sont ici précédés de Fragments dont je me demande s’il étai
2218
ts dont je me demande s’il était bien légitime de
les
traduire. On a respecté scrupuleusement les « blancs » que Hölderlin
2219
me de les traduire. On a respecté scrupuleusement
les
« blancs » que Hölderlin indiquait avec précision au milieu de vers à
2220
ts isolés, des bribes de phrases… Or, si comme je
le
crois et voudrais l’établir plus longuement, le sens des poèmes de la
2221
de phrases… Or, si comme je le crois et voudrais
l’
établir plus longuement, le sens des poèmes de la maturité de Hölderli
2222
e le crois et voudrais l’établir plus longuement,
le
sens des poèmes de la maturité de Hölderlin est à chercher dans leur
2223
l’établir plus longuement, le sens des poèmes de
la
maturité de Hölderlin est à chercher dans leur rythme seulement, — si
2224
servaient qu’à noter des mètres, il apparaît que
la
traduction de tels fragments est illusoire, car on ne peut songer à r
2225
ci livrés, ces fragments sont capables d’éveiller
le
sentiment rare et grandiose que j’appellerais celui du tragique de la
2226
grandiose que j’appellerais celui du tragique de
la
pensée. « Insensé, — penses-tu de figure en figure — voir l’âme ? — T
2227
« Insensé, — penses-tu de figure en figure — voir
l’
âme ? — Tu iras dans les flammes. » Quant aux documents sur la folie d
2228
de figure en figure — voir l’âme ? — Tu iras dans
les
flammes. » Quant aux documents sur la folie de Hölderlin que MM. Groe
2229
iras dans les flammes. » Quant aux documents sur
la
folie de Hölderlin que MM. Groethuysen et Jouve ont choisis et tradui
2230
M. Groethuysen et Jouve ont choisis et traduits à
la
suite des poèmes, ils ne sont pas ce que ce petit livre contient de m
2231
Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Hölderlin,
La
Mort d’Empédocle et Poèmes de la folie », Bibliothèque universelle e
2232
endu] Hölderlin, La Mort d’Empédocle et Poèmes de
la
folie », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, octobr
2233
Voyage en Hongrie II (novembre 1930)bj 11.
Le
retour d’Esztergóm Il faut se pencher aux portières et laisser l’a
2234
óm Il faut se pencher aux portières et laisser
l’
air furieux emmêler les cheveux, glacer le masque et appuyer au front
2235
er aux portières et laisser l’air furieux emmêler
les
cheveux, glacer le masque et appuyer au front comme une caresse indéf
2236
laisser l’air furieux emmêler les cheveux, glacer
le
masque et appuyer au front comme une caresse indéfinie de la puissanc
2237
t appuyer au front comme une caresse indéfinie de
la
puissance. Soir de voyage, tout enfiévré d’orgueil errant, de conquêt
2238
l errant, de conquêtes vagues… Tout ce qui est de
la
terre renonce à s’affirmer en détails précis, se masse dans une confu
2239
masse dans une confusion de violet sombre, et par
la
seule ligne dure de l’horizon s’oppose au ciel qui retire ses lueurs.
2240
n de violet sombre, et par la seule ligne dure de
l’
horizon s’oppose au ciel qui retire ses lueurs. Ciel blanc, où très pe
2241
rs. Ciel blanc, où très peu d’or rose s’évanouit…
Le
train serpente dans un de ces paysages de nulle part qui sont les plu
2242
te dans un de ces paysages de nulle part qui sont
les
plus émouvants, entre des collines basses grattées par les vents, aux
2243
émouvants, entre des collines basses grattées par
les
vents, aux arbres rares, mais aux replis si doucement intimes qu’à ce
2244
désert aux formes tendres et déjà familières, et
le
passage des trains chaque soir nous redirait un adieu bref, — chaque
2245
adieu bref, — chaque soir plus infime, à cause de
l’
éloignement en nous-mêmes. À l’entrée d’un tunnel tu vois que la veill
2246
infime, à cause de l’éloignement en nous-mêmes. À
l’
entrée d’un tunnel tu vois que la veilleuse brûle toujours — et moi, p
2247
en nous-mêmes. À l’entrée d’un tunnel tu vois que
la
veilleuse brûle toujours — et moi, parmi les reflets fuyants de toute
2248
s que la veilleuse brûle toujours — et moi, parmi
les
reflets fuyants de toutes sortes de faces et de paysages soudainement
2249
de paysages soudainement invisibles, je distingue
le
doux feu bleu de mon obsession. L’Objet Inconnu, — quand je pense à c
2250
, je distingue le doux feu bleu de mon obsession.
L’
Objet Inconnu, — quand je pense à ce qu’en imagineraient les autres, s
2251
nconnu, — quand je pense à ce qu’en imagineraient
les
autres, si je leur en parlais… Il leur suffirait de l’image d’un bibe
2252
tres, si je leur en parlais… Il leur suffirait de
l’
image d’un bibelot d’une sorte bizarre. Alors que c’est plutôt un cert
2253
me complaire. Oh ! je sais ! — Je ne sais plus. —
Le
train s’attarde dans sa fumée, on respire une lourde obscurité qui se
2254
a fumée, on respire une lourde obscurité qui sent
l’
enfer. Je ne pense plus qu’ « au souffle »… Mais alors tout s’allume e
2255
« au souffle »… Mais alors tout s’allume et voici
la
nuit des faubourgs de Pest, au-dessous de nous. 12. Un bal, ou de
2256
de Pest, au-dessous de nous. 12. Un bal, ou de
l’
ivresse considérée comme un des beaux-arts Ils n’ont plus de noms,
2257
ne ivresse aux cent visages, lorsque j’entre dans
l’
atelier du peintre. Je ne tarde pas à oublier ce qui est lent ou fixe
2258
ou bassement mélancoliques. Souvent laids — sauf
les
demi-juifs — mais laids comme des paysans, beaux hommes aux traits lo
2259
des paysans, beaux hommes aux traits lourds. Dans
l’
ivresse, leurs yeux s’agrandissent. Dans la danse, ils incarnent l’all
2260
. Dans l’ivresse, leurs yeux s’agrandissent. Dans
la
danse, ils incarnent l’allégresse rythmique. Je les vois frapper le s
2261
yeux s’agrandissent. Dans la danse, ils incarnent
l’
allégresse rythmique. Je les vois frapper le sol du talon en levant un
2262
a danse, ils incarnent l’allégresse rythmique. Je
les
vois frapper le sol du talon en levant un bras, la main à la nuque ;
2263
rnent l’allégresse rythmique. Je les vois frapper
le
sol du talon en levant un bras, la main à la nuque ; frapper le sol d
2264
s vois frapper le sol du talon en levant un bras,
la
main à la nuque ; frapper le sol de l’autre talon en changeant de mai
2265
pper le sol du talon en levant un bras, la main à
la
nuque ; frapper le sol de l’autre talon en changeant de main ; saisir
2266
n en levant un bras, la main à la nuque ; frapper
le
sol de l’autre talon en changeant de main ; saisir la danseuse sous l
2267
ol de l’autre talon en changeant de main ; saisir
la
danseuse sous les bras (elle pose alors ses mains sur les épaules du
2268
on en changeant de main ; saisir la danseuse sous
les
bras (elle pose alors ses mains sur les épaules du cavalier) et la fa
2269
euse sous les bras (elle pose alors ses mains sur
les
épaules du cavalier) et la faire pirouetter un quart de tour à droite
2270
e alors ses mains sur les épaules du cavalier) et
la
faire pirouetter un quart de tour à droite, un quart de tour à gauche
2271
; pirouetter seuls sur place ; de nouveau frapper
le
sol des talons, alternativement ; saisir la danseuse, tourbillonner,
2272
apper le sol des talons, alternativement ; saisir
la
danseuse, tourbillonner, pousser de grands cris ; tourbillonner en se
2273
; frapper des talons toujours plus vite, mains à
la
nuque, mains à la hanche, mains à la danseuse ; partir en martelant l
2274
ons toujours plus vite, mains à la nuque, mains à
la
hanche, mains à la danseuse ; partir en martelant le parquet jusqu’à
2275
ite, mains à la nuque, mains à la hanche, mains à
la
danseuse ; partir en martelant le parquet jusqu’à produire un rouleme
2276
hanche, mains à la danseuse ; partir en martelant
le
parquet jusqu’à produire un roulement continu, marteler encore plus v
2277
illonnant, choir enfin dans une vaste culbute sur
les
divans où l’ivresse les lâche, affalés, tandis que les danseuses seco
2278
ir enfin dans une vaste culbute sur les divans où
l’
ivresse les lâche, affalés, tandis que les danseuses secouent leurs ch
2279
ans une vaste culbute sur les divans où l’ivresse
les
lâche, affalés, tandis que les danseuses secouent leurs cheveux et te
2280
ivans où l’ivresse les lâche, affalés, tandis que
les
danseuses secouent leurs cheveux et tendent les bras en riant pour qu
2281
e les danseuses secouent leurs cheveux et tendent
les
bras en riant pour qu’on les relève. Elles : des Vénitiennes aux yeux
2282
s cheveux et tendent les bras en riant pour qu’on
les
relève. Elles : des Vénitiennes aux yeux de plaine, comme les autres
2283
Elles : des Vénitiennes aux yeux de plaine, comme
les
autres ont des yeux de mer. Des grâces d’amazones avec un coup de tal
2284
. Des grâces d’amazones avec un coup de talon qui
les
secoue jusqu’à la chevelure. Graves entre leurs éclats de rire tourno
2285
ones avec un coup de talon qui les secoue jusqu’à
la
chevelure. Graves entre leurs éclats de rire tournoyants mais non pas
2286
des gestes tendres des bras en balançant vivement
la
tête. Quand elles parlent, la voix un peu rauque, voluptueuse ; quand
2287
balançant vivement la tête. Quand elles parlent,
la
voix un peu rauque, voluptueuse ; quand elles chantent, les moires et
2288
n peu rauque, voluptueuse ; quand elles chantent,
les
moires et l’ondulation des rubans de vents chauds sur la plaine, avec
2289
voluptueuse ; quand elles chantent, les moires et
l’
ondulation des rubans de vents chauds sur la plaine, avec des éloignem
2290
es et l’ondulation des rubans de vents chauds sur
la
plaine, avec des éloignements et des retours, des enroulements et dér
2291
soutenues par un long souffle vif. J’observe que
les
paroles autant que les gestes sont gouvernées par la seule logique d’
2292
souffle vif. J’observe que les paroles autant que
les
gestes sont gouvernées par la seule logique d’un rythme constamment i
2293
paroles autant que les gestes sont gouvernées par
la
seule logique d’un rythme constamment imprévu. Il s’agit moins de com
2294
aphe son épigramme, jette son petit caillou. Ici,
le
sens des mots et des choses est celui d’un courant musical qui domine
2295
choses est celui d’un courant musical qui domine
l’
ensemble et le compose selon les lois d’une plastique exubérante. Quan
2296
lui d’un courant musical qui domine l’ensemble et
le
compose selon les lois d’une plastique exubérante. Quand je dis que j
2297
musical qui domine l’ensemble et le compose selon
les
lois d’une plastique exubérante. Quand je dis que j’observe, je n’obs
2298
rien. Il y a des femmes si belles qu’on en ferme
les
yeux. Quel style dans la liberté ! Il n’y a plus qu’ici qu’on aime l’
2299
i belles qu’on en ferme les yeux. Quel style dans
la
liberté ! Il n’y a plus qu’ici qu’on aime l’ivresse comme un art. Et
2300
dans la liberté ! Il n’y a plus qu’ici qu’on aime
l’
ivresse comme un art. Et qu’on soigne sa mise en scène, qu’on sauvegar
2301
scène, qu’on sauvegarde sa qualité. Ailleurs, on
la
laisse traîner dans la sciure ou dans le gâtisme. On trouve que ça n’
2302
e sa qualité. Ailleurs, on la laisse traîner dans
la
sciure ou dans le gâtisme. On trouve que ça n’est pas distingué, et e
2303
eurs, on la laisse traîner dans la sciure ou dans
le
gâtisme. On trouve que ça n’est pas distingué, et en effet, que serai
2304
rait un lyrisme distingué ? Il faut choisir entre
les
bonnes manières et les belles manières. Et quant à ceux qui n’ont pas
2305
ué ? Il faut choisir entre les bonnes manières et
les
belles manières. Et quant à ceux qui n’ont pas le pouvoir de s’enivre
2306
es belles manières. Et quant à ceux qui n’ont pas
le
pouvoir de s’enivrer, ils auront toujours raison, mais n’auront que c
2307
oujours raison, mais n’auront que cela, car c’est
l’
ivresse15 seulement qui permet à l’esprit de passer d’une forme dans d
2308
ela, car c’est l’ivresse15 seulement qui permet à
l’
esprit de passer d’une forme dans d’autres, — et c’est même en ce pass
2309
assage qu’elle consiste — ô Danses ! avènement de
l’
âme aux gestes ! Vous voici, longs coups d’ailes en silence au-dessus
2310
hais » un instant, toutes choses disparaîtraient…
Le
vertige (la peur et l’amour du vertige). Qu’est-ce qu’il y aurait de
2311
stant, toutes choses disparaîtraient… Le vertige (
la
peur et l’amour du vertige). Qu’est-ce qu’il y aurait de l’autre côté
2312
es choses disparaîtraient… Le vertige (la peur et
l’
amour du vertige). Qu’est-ce qu’il y aurait de l’autre côté ? Se laiss
2313
y aurait de l’autre côté ? Se laisser choir dans
le
Gris ? Rejoindre ?… Derrière mes paupières, dans ce désordre lumineux
2314
errière mes paupières, dans ce désordre lumineux,
le
verrai-je naître à mon désir ? Rejoindre ! Mais vous, derrière ma têt
2315
re pour cette fois. 13. Chansons hongroises
Les
Suisses chantent immobiles, les yeux fixes, le visage impassible. Mai
2316
ons hongroises Les Suisses chantent immobiles,
les
yeux fixes, le visage impassible. Mais rien dans la chanson hongroise
2317
Les Suisses chantent immobiles, les yeux fixes,
le
visage impassible. Mais rien dans la chanson hongroise ne rappelle la
2318
yeux fixes, le visage impassible. Mais rien dans
la
chanson hongroise ne rappelle la nostalgie traînante des lieder de l’
2319
. Mais rien dans la chanson hongroise ne rappelle
la
nostalgie traînante des lieder de l’Oberland : ici la mélancolie même
2320
ne rappelle la nostalgie traînante des lieder de
l’
Oberland : ici la mélancolie même est passionnée. Elles chantent avec
2321
ostalgie traînante des lieder de l’Oberland : ici
la
mélancolie même est passionnée. Elles chantent avec le corps entier —
2322
lancolie même est passionnée. Elles chantent avec
le
corps entier — non pas avec les bras, comme on chante du Verdi, — ell
2323
lles chantent avec le corps entier — non pas avec
les
bras, comme on chante du Verdi, — elles ont des mouvements vifs du bu
2324
ries ou de supplication. Je ne sais ce que disent
les
paroles. Je vois des chevauchées sous le soleil, des campements noctu
2325
disent les paroles. Je vois des chevauchées sous
le
soleil, des campements nocturnes où le souvenir des pays désertés enf
2326
chées sous le soleil, des campements nocturnes où
le
souvenir des pays désertés enfièvre encore un désir de perdition illi
2327
enfièvre encore un désir de perdition illimitée…
Les
Hongrois se sont arrêtés dans cette plaine. Mais c’est le soir au cam
2328
ois se sont arrêtés dans cette plaine. Mais c’est
le
soir au camp, perpétuel. Une lassitude de steppe brûlante, des ondul
2329
tions longues… Mais un cheval se cabre ; et c’est
la
danse qui se lève, et des tambours et des cris modulés, et toute la f
2330
ve, et des tambours et des cris modulés, et toute
la
frénésie d’un grand souffle qui se serait mis à tourbillonner sur pla
2331
i se serait mis à tourbillonner sur place. 14.
L’
amour en Hongrie (généralités) Les Allemands aiment les femmes comm
2332
place. 14. L’amour en Hongrie (généralités)
Les
Allemands aiment les femmes comme ils aiment les saucisses ou les cat
2333
en Hongrie (généralités) Les Allemands aiment
les
femmes comme ils aiment les saucisses ou les catastrophes, selon qu’i
2334
Les Allemands aiment les femmes comme ils aiment
les
saucisses ou les catastrophes, selon qu’ils sont techniciens ou intel
2335
ment les femmes comme ils aiment les saucisses ou
les
catastrophes, selon qu’ils sont techniciens ou intellectuels. Les Fra
2336
, selon qu’ils sont techniciens ou intellectuels.
Les
Français aiment par goût d’en bien parler. Les Suisses aiment avec un
2337
s. Les Français aiment par goût d’en bien parler.
Les
Suisses aiment avec une bonne ou une mauvaise conscience. À Vienne on
2338
être à la fois cocasses et fades. En Italie… Mais
l’
amour hongrois t’emportera dans une inénarrable confusion de sentiment
2339
passion, et c’est là son miracle. Si tu n’as pas
le
sens de la musique, conserve quelque espoir de t’en tirer. Sinon… je
2340
t c’est là son miracle. Si tu n’as pas le sens de
la
musique, conserve quelque espoir de t’en tirer. Sinon… je t’envierais
2341
inon… je t’envierais presque. Celui qui part pour
la
Hongrie sans talisman, s’il a du cœur, n’en revient plus. 15. La p
2342
lisman, s’il a du cœur, n’en revient plus. 15.
La
plaine et la musique L’ouverture de Stravinsky exécutée par l’expr
2343
a du cœur, n’en revient plus. 15. La plaine et
la
musique L’ouverture de Stravinsky exécutée par l’express de Transy
2344
n revient plus. 15. La plaine et la musique
L’
ouverture de Stravinsky exécutée par l’express de Transylvanie au sort
2345
musique L’ouverture de Stravinsky exécutée par
l’
express de Transylvanie au sortir de la gare de Budapest, devient avec
2346
écutée par l’express de Transylvanie au sortir de
la
gare de Budapest, devient avec la plaine une Symphonie-Dichtung borod
2347
ie au sortir de la gare de Budapest, devient avec
la
plaine une Symphonie-Dichtung borodinesque, mais l’erreur n’est imput
2348
plaine une Symphonie-Dichtung borodinesque, mais
l’
erreur n’est imputable qu’à mon instabilité rythmique. (Trop souvent c
2349
ouvent ce que je vois traverse ce que j’entends.)
La
plaine hongroise n’est pas monotone, parce qu’elle est d’un seul tena
2350
gare allemande grouillante de questions sociales.
La
Puszta est une terre vierge, je veux dire que la bourgeoisie ne s’y e
2351
La Puszta est une terre vierge, je veux dire que
la
bourgeoisie ne s’y est pas encore répandue. Il y a peu de bourgeois e
2352
s, de grands nobles, et des Tziganes. D’ailleurs,
le
bourgeois supporterait difficilement l’ampleur qu’ont ici toutes chos
2353
ailleurs, le bourgeois supporterait difficilement
l’
ampleur qu’ont ici toutes choses, cette atmosphère de nomadisme, et ce
2354
ment ? » demande certaine hargne à cet artiste de
la
prodigalité. — « Ah ! répond-il, j’aimerais bien pouvoir vivre comme
2355
imerais bien pouvoir vivre comme je vis ! » Voici
les
cigognes, dont Andersen assure qu’elles parlent en égyptien, « car c’
2356
assure qu’elles parlent en égyptien, « car c’est
la
langue qu’elles apprennent de leurs mères ». Combien j’aime ces sœurs
2357
mères ». Combien j’aime ces sœurs des Tziganes !
Les
Tziganes vinrent en Europe conduits par le noir Duc d’Égypte ; aussi
2358
nes ! Les Tziganes vinrent en Europe conduits par
le
noir Duc d’Égypte ; aussi les nomma-t-on gipsys. Pour leur nom allema
2359
Europe conduits par le noir Duc d’Égypte ; aussi
les
nomma-t-on gipsys. Pour leur nom allemand, c’est : Zigeuner ; hongroi
2360
gyptiens venaient des Indes, qui nous apportèrent
le
tarot et la roulotte, dont descendent le bridge et la bohème, c’est-à
2361
aient des Indes, qui nous apportèrent le tarot et
la
roulotte, dont descendent le bridge et la bohème, c’est-à-dire un sym
2362
ortèrent le tarot et la roulotte, dont descendent
le
bridge et la bohème, c’est-à-dire un symbole de la servitude et un sy
2363
arot et la roulotte, dont descendent le bridge et
la
bohème, c’est-à-dire un symbole de la servitude et un symbole de la l
2364
e bridge et la bohème, c’est-à-dire un symbole de
la
servitude et un symbole de la liberté. Si la Hongrie tout de même a q
2365
-dire un symbole de la servitude et un symbole de
la
liberté. Si la Hongrie tout de même a quelque chose de « moderne », d
2366
e de la servitude et un symbole de la liberté. Si
la
Hongrie tout de même a quelque chose de « moderne », dans un sens vas
2367
« moderne », dans un sens vaste et mystique, elle
le
doit au charme égyptien du peuple errant qui lui donna sa musique nat
2368
uple errant qui lui donna sa musique nationale17.
Les
signes parlent, et certains sages : nous entrons dans une ère égyptie
2369
une ère égyptienne. Mais que dire des pouvoirs de
la
plaine qui s’agrandit pendant des heures ? — Ce qu’en raconte la musi
2370
’agrandit pendant des heures ? — Ce qu’en raconte
la
musique — tu vas l’entendre à toutes les terrasses de Debrecen. Debre
2371
s heures ? — Ce qu’en raconte la musique — tu vas
l’
entendre à toutes les terrasses de Debrecen. Debrecen est une sorte de
2372
n raconte la musique — tu vas l’entendre à toutes
les
terrasses de Debrecen. Debrecen est une sorte de ville indescriptible
2373
ville indescriptible, à demi mêlée aux sables de
la
plaine du Hortobágy, aux longues maisons jaunes immensément alignées,
2374
and désordre de piétons et de chars à bœufs parmi
les
trams. Les habitants de Debrecen se plaignent de n’avoir pas ce faux
2375
e de piétons et de chars à bœufs parmi les trams.
Les
habitants de Debrecen se plaignent de n’avoir pas ce faux confort que
2376
e tout ce qu’à Debrecen je viens admirer. On aime
les
Hongrois comme on aime l’enfance : or le rêve de l’enfant, c’est de d
2377
viens admirer. On aime les Hongrois comme on aime
l’
enfance : or le rêve de l’enfant, c’est de devenir une grande personne
2378
On aime les Hongrois comme on aime l’enfance : or
le
rêve de l’enfant, c’est de devenir une grande personne. On me l’a dit
2379
Hongrois comme on aime l’enfance : or le rêve de
l’
enfant, c’est de devenir une grande personne. On me l’a dit, c’est vra
2380
fant, c’est de devenir une grande personne. On me
l’
a dit, c’est vrai : cette ville historique est aussi l’autre « Rome pr
2381
m’y sentir au bout d’un monde, au bord extrême de
l’
Europe. Le hasard a voulu que j’y entende, un soir, une présentation d
2382
au bout d’un monde, au bord extrême de l’Europe.
Le
hasard a voulu que j’y entende, un soir, une présentation de musiques
2383
simples, tragiques, à peine modulées, qui donnent
le
vertige, et dont soudain se cabre le rythme, avant la chute stridente
2384
qui donnent le vertige, et dont soudain se cabre
le
rythme, avant la chute stridente et basse, prolongée. Peut-être ce so
2385
ertige, et dont soudain se cabre le rythme, avant
la
chute stridente et basse, prolongée. Peut-être ce soir-là, ai-je comp
2386
e, prolongée. Peut-être ce soir-là, ai-je compris
la
Grande Plaine, et que par sa musique j’étais aux marches de l’Asie. E
2387
ine, et que par sa musique j’étais aux marches de
l’
Asie. En sortant du concert, j’ai erré aux terrasses des hôtels, dans
2388
concert, j’ai erré aux terrasses des hôtels, dans
le
grandiose bavardage des Tziganes. Qu’est-ce qu’ils regardent en jouan
2389
ent au-delà de leur musique — car aussitôt donnée
la
phrase, voici qu’une autre vient d’ailleurs, entraînée par je ne sais
2390
rs, entraînée par je ne sais quel vent sonore qui
l’
étire et l’égare, et l’enroule et d’un coup la subtilise, ne laissant
2391
ée par je ne sais quel vent sonore qui l’étire et
l’
égare, et l’enroule et d’un coup la subtilise, ne laissant plus qu’un
2392
sais quel vent sonore qui l’étire et l’égare, et
l’
enroule et d’un coup la subtilise, ne laissant plus qu’un long silence
2393
qui l’étire et l’égare, et l’enroule et d’un coup
la
subtilise, ne laissant plus qu’un long silence soutenu, comme un appe
2394
plus qu’un long silence soutenu, comme un appel à
la
rafale dont l’approche déjà fait grésiller les notes basses du cymbal
2395
silence soutenu, comme un appel à la rafale dont
l’
approche déjà fait grésiller les notes basses du cymbalum, — et mainte
2396
l à la rafale dont l’approche déjà fait grésiller
les
notes basses du cymbalum, — et maintenant ferme les yeux sous la vagu
2397
s notes basses du cymbalum, — et maintenant ferme
les
yeux sous la vague toujours un peu plus haute que profonde ne fut l’a
2398
du cymbalum, — et maintenant ferme les yeux sous
la
vague toujours un peu plus haute que profonde ne fut l’attente, et lâ
2399
ue toujours un peu plus haute que profonde ne fut
l’
attente, et lâche tout. C’est l’âme qui joue aux montagnes russes, mai
2400
e profonde ne fut l’attente, et lâche tout. C’est
l’
âme qui joue aux montagnes russes, mais voici que le petit train en ru
2401
âme qui joue aux montagnes russes, mais voici que
le
petit train en rumeur depuis un moment ne redescend plus : il gouvern
2402
: il gouverne avec une vertigineuse docilité dans
les
voies d’un amour ineffable et se perd avec lui vers le désert et ses
2403
ies d’un amour ineffable et se perd avec lui vers
le
désert et ses mirages. On ne sait d’où tu viens, tu ne sais où tu vas
2404
, Peuple inconnu, — mais c’est toi, c’est toi qui
l’
as caché dans une roulotte sous des chiffons bariolés et des secrets q
2405
aux femmes, cet objet dont parfois, au comble de
la
turbulence de tes jeux, un violon décrit vite quelque chose, d’une li
2406
ne ligne nette, insaisissable, déjà perdue (comme
le
rêve pendant que bat la paupière lourde de celui qui succombe à l’exc
2407
sable, déjà perdue (comme le rêve pendant que bat
la
paupière lourde de celui qui succombe à l’excès du sommeil) — et me v
2408
ue bat la paupière lourde de celui qui succombe à
l’
excès du sommeil) — et me voici plus seul, avec une nostalgie qui ne v
2409
plus seul, avec une nostalgie qui ne veut pas de
la
romance à mon oreille d’un violoneux qui me croit triste. Ils l’ont a
2410
n oreille d’un violoneux qui me croit triste. Ils
l’
ont amené du fond d’une Inde. Ils l’ont égaré, comme ils égarent tout
2411
t triste. Ils l’ont amené du fond d’une Inde. Ils
l’
ont égaré, comme ils égarent tout d’un monde où si peu vaut qu’on le c
2412
ils égarent tout d’un monde où si peu vaut qu’on
le
conserve, au long d’un chemin effacé par le vent sur la plaine… Ils l
2413
qu’on le conserve, au long d’un chemin effacé par
le
vent sur la plaine… Ils l’ont perdu comme un rêve au matin s’élude, —
2414
serve, au long d’un chemin effacé par le vent sur
la
plaine… Ils l’ont perdu comme un rêve au matin s’élude, — et leur mus
2415
d’un chemin effacé par le vent sur la plaine… Ils
l’
ont perdu comme un rêve au matin s’élude, — et leur musique seule s’en
2416
Trésor si pur qu’on ne doit même pas savoir qu’on
le
possède… Tout près d’ici, peut-être, mais invisible. Lève-toi, pars,
2417
ns vider ton verre — il n’y a pure ivresse que de
l’
abandon —, car voici qu’à son tour il s’égare au bras d’une erreur inc
2418
ton fantôme éternel, ton « Désir désiré ». 16.
Les
eaux fades du Balaton Deux jours après, dégrisé, je nageais dans l
2419
ton Deux jours après, dégrisé, je nageais dans
les
eaux fades du Balaton. Ces eaux, je crois, s’en vont à la mer Noire,
2420
fades du Balaton. Ces eaux, je crois, s’en vont à
la
mer Noire, et je n’en connais pas les fées, c’est pourquoi je nageais
2421
s’en vont à la mer Noire, et je n’en connais pas
les
fées, c’est pourquoi je nageais à brasses prudentes avec, aux jambes,
2422
je nageais à brasses prudentes avec, aux jambes,
l’
imperceptible angoisse de rencontrer une onde trop légère. Mais pour c
2423
ger ; et ensuite, s’il vous a paru beau, en faire
le
tour, mais voilà qui est affaire de pur caprice, tandis que s’y baign
2424
ue s’y baigner est une règle de savoir-vivre avec
la
Nature. Lac doré, horizon de collines pointues, rives basses, verdoya
2425
oises et militaires, idylles de jardins publics à
l’
écart d’un concert du samedi soir, petits professeurs entourés de leur
2426
cet instable bateau-mouche qui naguère emportait
l’
infortuné roi Charles. Non, non, plutôt emmener ce désir, comme un ten
2427
e souvenir de voyage, et partir en croyant qu’ici
la
vie a parfois moins de hargne… Déjà je suis repris par le malaise que
2428
parfois moins de hargne… Déjà je suis repris par
le
malaise que m’infligent les lieux faciles. Ô tristesse des crèmeries
2429
éjà je suis repris par le malaise que m’infligent
les
lieux faciles. Ô tristesse des crèmeries et des jardins ! C’est devan
2430
nt une glace panachée qu’il m’arrive de douter de
la
vie, comme d’autres aux approches du mal de mer. À la nuit, j’ai rôdé
2431
ie, comme d’autres aux approches du mal de mer. À
la
nuit, j’ai rôdé dans la campagne aux collines basses, d’apparence roc
2432
pproches du mal de mer. À la nuit, j’ai rôdé dans
la
campagne aux collines basses, d’apparence rocheuse — ce sont des rest
2433
e — ce sont des restes de volcans — blanches sous
la
Lune et toutes lustrées de rêches végétations. J’ai traversé l’angois
2434
tes lustrées de rêches végétations. J’ai traversé
l’
angoisse lunaire des villages vides aux portes aveugles (j’avais peur
2435
mes pas). Au hasard, j’ai suivi des sentiers dans
les
champs de maïs, épiant la venue d’une joie inconnue. Joie d’être n’im
2436
uivi des sentiers dans les champs de maïs, épiant
la
venue d’une joie inconnue. Joie d’être n’importe où… évadé ? Mais sou
2437
au silence que je me heurte, comme réveillé dans
l’
absurdité d’être n’importe où. Une panique balaye la nuit déserte jusq
2438
absurdité d’être n’importe où. Une panique balaye
la
nuit déserte jusqu’à l’horizon. Où vas-tu, les mains vides, faiblemen
2439
te où. Une panique balaye la nuit déserte jusqu’à
l’
horizon. Où vas-tu, les mains vides, faiblement ? Ah ! toutes les acti
2440
aye la nuit déserte jusqu’à l’horizon. Où vas-tu,
les
mains vides, faiblement ? Ah ! toutes les actions précises et courage
2441
vas-tu, les mains vides, faiblement ? Ah ! toutes
les
actions précises et courageuses, tout ce qui t’appelle là-bas, mainte
2442
— et tant d’amour perdu… Un train dormait devant
la
gare campagnarde. Je me suis étendu dans un compartiment obscur, stor
2443
du dans un compartiment obscur, stores baissés, à
l’
abri de la lune. Le contrôleur a dû jouer un rôle dans mes cauchemars.
2444
compartiment obscur, stores baissés, à l’abri de
la
lune. Le contrôleur a dû jouer un rôle dans mes cauchemars. L’aube m’
2445
ment obscur, stores baissés, à l’abri de la lune.
Le
contrôleur a dû jouer un rôle dans mes cauchemars. L’aube m’éveille d
2446
ontrôleur a dû jouer un rôle dans mes cauchemars.
L’
aube m’éveille dans les faubourgs de Budapest, cheveux en désordre, pa
2447
n rôle dans mes cauchemars. L’aube m’éveille dans
les
faubourgs de Budapest, cheveux en désordre, pantalon plissé, et cet a
2448
que justement j’allais rattraper, comme un pan de
la
nuit fuyante, un songe où j’ai dû voir l’objet pour la première fois
2449
pan de la nuit fuyante, un songe où j’ai dû voir
l’
objet pour la première fois — ou bien était-ce un être ? 17. Insomn
2450
était-ce un être ? 17. Insomnie J’éteignais
la
lampe et la veilleuse me rendait compagnon d’une momie bleuâtre, mais
2451
être ? 17. Insomnie J’éteignais la lampe et
la
veilleuse me rendait compagnon d’une momie bleuâtre, mais peut-on se
2452
euâtre, mais peut-on se reposer vraiment à cent à
l’
heure. Par-dessous le store, je voyais la Lune faire des bonds courts
2453
se reposer vraiment à cent à l’heure. Par-dessous
le
store, je voyais la Lune faire des bonds courts sur la plaine inondée
2454
à cent à l’heure. Par-dessous le store, je voyais
la
Lune faire des bonds courts sur la plaine inondée de nuit. J’essayais
2455
ore, je voyais la Lune faire des bonds courts sur
la
plaine inondée de nuit. J’essayais de penser par-dessous le rythme ob
2456
inondée de nuit. J’essayais de penser par-dessous
le
rythme obstiné de cette hurlante bousculade sur place qu’est un voyag
2457
est un voyage en express. Mais je ne trouvais pas
la
pente de mon esprit, et tout en le parcourant avec une soif qui annon
2458
e trouvais pas la pente de mon esprit, et tout en
le
parcourant avec une soif qui annonçait le désert, je traçais des plan
2459
tout en le parcourant avec une soif qui annonçait
le
désert, je traçais des plans d’œuvres sablonneuses. Je composais un t
2460
ablonneuses. Je composais un traité des voyages :
les
titres en étaient de Sénèque ou de Swift, et je voyais très bien ce q
2461
agit toujours d’autre chose que de ce qu’on dit. (
L’
imprudence de penser dans l’insomnie ! Cela tourne tout de suite à la
2462
que de ce qu’on dit. (L’imprudence de penser dans
l’
insomnie ! Cela tourne tout de suite à la débauche. Notre liberté de p
2463
ser dans l’insomnie ! Cela tourne tout de suite à
la
débauche. Notre liberté de penser est absurde au regard des contraint
2464
giner ce qui se produirait, si par quelque Décret
l’
on élevait la Morale du domaine des actions à celui de la pensée, de l
2465
se produirait, si par quelque Décret l’on élevait
la
Morale du domaine des actions à celui de la pensée, de l’Apparence à
2466
evait la Morale du domaine des actions à celui de
la
pensée, de l’Apparence à l’Essence. D’un coup, tous les refoulés qui
2467
e du domaine des actions à celui de la pensée, de
l’
Apparence à l’Essence. D’un coup, tous les refoulés qui explosent, le
2468
es actions à celui de la pensée, de l’Apparence à
l’
Essence. D’un coup, tous les refoulés qui explosent, le chômage dans l
2469
nsée, de l’Apparence à l’Essence. D’un coup, tous
les
refoulés qui explosent, le chômage dans la gendarmerie et les fakirs
2470
ence. D’un coup, tous les refoulés qui explosent,
le
chômage dans la gendarmerie et les fakirs débordés. L’hypocrisie s’en
2471
tous les refoulés qui explosent, le chômage dans
la
gendarmerie et les fakirs débordés. L’hypocrisie s’en tire avec une v
2472
qui explosent, le chômage dans la gendarmerie et
les
fakirs débordés. L’hypocrisie s’en tire avec une volte-face.) Quelle
2473
ômage dans la gendarmerie et les fakirs débordés.
L’
hypocrisie s’en tire avec une volte-face.) Quelle heure est-il ? La Lu
2474
tire avec une volte-face.) Quelle heure est-il ?
La
Lune se tient assez bien depuis un moment, c’est que la ligne est dro
2475
e se tient assez bien depuis un moment, c’est que
la
ligne est droite. Je ne sais plus dans quel sens je roule. J’aime ces
2476
l sens je roule. J’aime ces heures désorientées ;
le
sentiment du « non-sens » de la vie n’est-il pas comparable à ce que
2477
es désorientées ; le sentiment du « non-sens » de
la
vie n’est-il pas comparable à ce que les mystiques appellent leur dés
2478
sens » de la vie n’est-il pas comparable à ce que
les
mystiques appellent leur désert, — cette zone vide qu’il faut travers
2479
one vide qu’il faut traverser avant de parvenir à
la
Réalité. Entre « déjà plus » et « pas encore »… Bon point de vue pour
2480
nt de vue pour déconsidérer nos raisons de vivre.
La
maladie aussi. Rien ne ressemble au voyage comme la maladie. C’est la
2481
maladie aussi. Rien ne ressemble au voyage comme
la
maladie. C’est la même angoisse au départ, le même dépaysement au ret
2482
en ne ressemble au voyage comme la maladie. C’est
la
même angoisse au départ, le même dépaysement au retour. « Il revient
2483
mme la maladie. C’est la même angoisse au départ,
le
même dépaysement au retour. « Il revient de loin » signifie qu’il vie
2484
chambre, en plein jour, tu t’endors, et que, vers
le
soir, tu t’éveilles dans une lueur jaune, ne sachant plus en quel end
2485
le que tu es parti. Voyager — serait-ce brouiller
les
horaires ? Le voyage est un état d’âme et non pas une question de tra
2486
rti. Voyager — serait-ce brouiller les horaires ?
Le
voyage est un état d’âme et non pas une question de transport. Un vra
2487
is où cela mène, c’est une aventure qui relève de
la
métaphysique plus que de la psychologie. — Une vaste licence poétique
2488
venture qui relève de la métaphysique plus que de
la
psychologie. — Une vaste licence poétique… (Voici bien la fatigue ave
2489
ologie. — Une vaste licence poétique… (Voici bien
la
fatigue avec son jeu des définitions)… pas de but. — C’est vous qui l
2490
eu des définitions)… pas de but. — C’est vous qui
le
dites ! — Vous, naturellement… (Encore un qui se réveille dans ma têt
2491
tu n’étais prêt à voir ? — Mais il fallait aller
le
voir ! La vie est presque partout la même… — Mais en voyage on la reg
2492
s prêt à voir ? — Mais il fallait aller le voir !
La
vie est presque partout la même… — Mais en voyage on la regarde mieux
2493
allait aller le voir ! La vie est presque partout
la
même… — Mais en voyage on la regarde mieux. — La vie… (une sorte de c
2494
est presque partout la même… — Mais en voyage on
la
regarde mieux. — La vie… (une sorte de cauchemar de la pensée, qui ne
2495
la même… — Mais en voyage on la regarde mieux. —
La
vie… (une sorte de cauchemar de la pensée, qui ne peut plus s’arrêter
2496
garde mieux. — La vie… (une sorte de cauchemar de
la
pensée, qui ne peut plus s’arrêter de penser). Se peut-il qu’on cherc
2497
us s’arrêter de penser). Se peut-il qu’on cherche
le
sens de la vie ! Je sais seulement que ma vie a un but. M’approcher d
2498
r de penser). Se peut-il qu’on cherche le sens de
la
vie ! Je sais seulement que ma vie a un but. M’approcher de mon être
2499
au milieu des miens, j’oubliais ma race, j’avais
l’
illusion de n’être rien que… moi-même. Identique à mon centre. Ici, co
2500
resque infiniment variable, indéterminé. Et c’est
le
voyage qui me fixe. Je rayonnais, on me dessine. Mais en même temps,
2501
f ? Plutôt « cela » qui me permettrait de combler
l’
écart entre moi et Moi qui est la seule réalité absolument tragique… U
2502
trait de combler l’écart entre moi et Moi qui est
la
seule réalité absolument tragique… Une chose ? Un être ? L’Objet ? —
2503
éalité absolument tragique… Une chose ? Un être ?
L’
Objet ? — Est-ce que je dors dans mes pensées ? La veilleuse fleurit s
2504
L’Objet ? — Est-ce que je dors dans mes pensées ?
La
veilleuse fleurit soudain d’un éclat bleu douloureux, le train ralent
2505
leuse fleurit soudain d’un éclat bleu douloureux,
le
train ralentit. Hegyeshalom, petite gare frontière arrêtée au milieu
2506
halom, petite gare frontière arrêtée au milieu de
la
plaine à l’heure A, — l’heure des arrivées et des adieux… Il y a dans
2507
e gare frontière arrêtée au milieu de la plaine à
l’
heure A, — l’heure des arrivées et des adieux… Il y a dans tous les ré
2508
ère arrêtée au milieu de la plaine à l’heure A, —
l’
heure des arrivées et des adieux… Il y a dans tous les réveils une dét
2509
eure des arrivées et des adieux… Il y a dans tous
les
réveils une détresse et une délivrance étrangement mêlées. 18. Les
2510
esse et une délivrance étrangement mêlées. 18.
Les
clefs perdues Il faudrait sortir à l’air frais, mais chaque porte
2511
18. Les clefs perdues Il faudrait sortir à
l’
air frais, mais chaque porte est obstruée par un douanier, tant qu’à l
2512
que porte est obstruée par un douanier, tant qu’à
la
fin on me refoule dans mon compartiment. Est-ce encore un rêve ? Je c
2513
it ouvrir ces valises, mais j’ai perdu mes clefs.
L’
œil du douanier conseille des aveux complets. J’ai le feu à la tête, m
2514
il du douanier conseille des aveux complets. J’ai
le
feu à la tête, mais je suis innocent puisque enfin il n’est pas dans
2515
anier conseille des aveux complets. J’ai le feu à
la
tête, mais je suis innocent puisque enfin il n’est pas dans ma valise
2516
paraître improbable. On a dû voir sur moi que je
le
cherche, c’est pourquoi l’œil est implacable… Pas de clefs dans mes o
2517
dû voir sur moi que je le cherche, c’est pourquoi
l’
œil est implacable… Pas de clefs dans mes onze poches. Seulement ce pa
2518
lement ce papier timbré d’un ministère… mais déjà
l’
œil s’éteint, le corps se plie, fait demi-tour et puis s’en va. Rien,
2519
timbré d’un ministère… mais déjà l’œil s’éteint,
le
corps se plie, fait demi-tour et puis s’en va. Rien, rien à déclarer,
2520
» d’important ? Je ne sais plus parler en vers et
la
prose n’indique que les choses les plus évidentes. C’est bien pourquo
2521
ais plus parler en vers et la prose n’indique que
les
choses les plus évidentes. C’est bien pourquoi l’Objet n’a pas de nom
2522
rler en vers et la prose n’indique que les choses
les
plus évidentes. C’est bien pourquoi l’Objet n’a pas de nom. Parfois j
2523
es choses les plus évidentes. C’est bien pourquoi
l’
Objet n’a pas de nom. Parfois je me suis demandé s’il n’était pas une
2524
ophale. Peut-être ces deux mots suffiraient-ils à
l’
indiquer quand je m’en parle ? Tout en donnant le change à celles de m
2525
l’indiquer quand je m’en parle ? Tout en donnant
le
change à celles de mes pensées qui exigent des apparences positives.
2526
es apparences positives. Ainsi donc, j’ai cherché
la
Pierre des philosophes. D’autres aussi, peut-être, la cherchent. Et q
2527
ierre des philosophes. D’autres aussi, peut-être,
la
cherchent. Et qui sait si vraiment elle n’existe plus, l’Hermétique S
2528
hent. Et qui sait si vraiment elle n’existe plus,
l’
Hermétique Société18 de ceux qui ne désespèrent pas encore du Grand Œ
2529
u’il existe des signes. Peut-être faut-il d’abord
les
découvrir tous par soi-même. Et c’est alors seulement qu’aux yeux de
2530
ulement qu’aux yeux de ceux qui surent désirer de
la
voir, apparaît la « Loge » invisible. J’attends, j’appelle quelqu’un
2531
x de ceux qui surent désirer de la voir, apparaît
la
« Loge » invisible. J’attends, j’appelle quelqu’un qui vienne me pren
2532
ds, j’appelle quelqu’un qui vienne me prendre par
la
main. Ainsi je quitte la Hongrie. Serait-ce là tout ce qu’elle m’a do
2533
ui vienne me prendre par la main. Ainsi je quitte
la
Hongrie. Serait-ce là tout ce qu’elle m’a donné ? Cette notion plus v
2534
’a donné ? Cette notion plus vive d’un univers où
la
présence de l’Objet deviendrait plus probable ? Ou bien n’ai-je su vo
2535
e notion plus vive d’un univers où la présence de
l’
Objet deviendrait plus probable ? Ou bien n’ai-je su voir autre chose
2536
robable ? Ou bien n’ai-je su voir autre chose que
la
Hongrie de mes rêves, ma Hongrie intérieure ? Il est vrai que l’on co
2537
es rêves, ma Hongrie intérieure ? Il est vrai que
l’
on connaît depuis toujours ce qu’une fois l’on aimera. Et les uns dise
2538
i que l’on connaît depuis toujours ce qu’une fois
l’
on aimera. Et les uns disent qu’il faut connaître pour aimer ; les aut
2539
ît depuis toujours ce qu’une fois l’on aimera. Et
les
uns disent qu’il faut connaître pour aimer ; les autres, aimer pour c
2540
les uns disent qu’il faut connaître pour aimer ;
les
autres, aimer pour connaître, alors qu’au point de perfection, aimer
2541
et connaître sont un seul et même acte. Peut-être
l’
ai-je aimée d’un amour égoïste, comme un être dont on a besoin et en q
2542
égoïste, comme un être dont on a besoin et en qui
l’
on chérit surtout ce dont on manque : touchantes annexions, pieux mens
2543
amour est un amour mineur. Mais qui saura jamais
la
vérité sur aucun être ? Et s’il fallait attendre pour aimer !… Je me
2544
petits arbres et d’un désordre de maisons basses,
les
dernières de la ville de Debrecen, au bord de la Grande Plaine encore
2545
d’un désordre de maisons basses, les dernières de
la
ville de Debrecen, au bord de la Grande Plaine encore rougeâtre de so
2546
les dernières de la ville de Debrecen, au bord de
la
Grande Plaine encore rougeâtre de soleil couchant. J’y suis venu par
2547
mme j’ai peine à m’imaginer que jamais plus je ne
la
reverrai, cette lumière en ce lieu, secrète et familière. Songeant à
2548
n voyage, je me dis que c’est de là que j’ai tiré
le
sentiment d’absurdité foncière qu’il m’arrive d’éprouver en face d’un
2549
le. Ah ! quelle raison t’attirait donc ici, sinon
l’
espoir bien fou d’y retrouver l’émotion d’un miracle imminent… ou moin
2550
t donc ici, sinon l’espoir bien fou d’y retrouver
l’
émotion d’un miracle imminent… ou moins encore : l’image, née en rêve,
2551
’émotion d’un miracle imminent… ou moins encore :
l’
image, née en rêve, d’une plaine, d’un couchant plus grandiose au ciel
2552
aine, d’un couchant plus grandiose au ciel et sur
la
terre plus secret que dans ton pays. Tu attendais une révélation, non
2553
ais à cet endroit, en ce temps… Qui sait si tu ne
l’
as pas reçue ? Une qualité, une tendresse, quelque similitude… Oh ! bi
2554
Mais qu’est-ce que ce voyage, si tu songes à tous
les
espaces à parcourir encore dans ce monde et dans d’autres, dans cette
2555
ec ce que tu sais de toi-même en cette vie ? Mais
le
voir, ce serait mourir dans la totalité du monde, effacer ta dernière
2556
n cette vie ? Mais le voir, ce serait mourir dans
la
totalité du monde, effacer ta dernière différence, — car on ne voit q
2557
nts indéfinis, à cause de ce pari dont tu n’as vu
l’
enjeu qu’un seul instant — nos rêves sont instantanés — que tu es part
2558
tu t’intéresses, tu serres des mains, — tu perds
les
clefs de tes valises… (Cela encore : m’arrêter à Vienne à cause des s
2559
s serrures… Peut-être y passer une nuit — rôder à
la
recherche de Gérard par les rues noires aux palais vides mais hantés,
2560
ser une nuit — rôder à la recherche de Gérard par
les
rues noires aux palais vides mais hantés, et dans les grands cafés du
2561
rues noires aux palais vides mais hantés, et dans
les
grands cafés du centre… Quelle autre rencontre espérer — maintenant ?
2562
19. « Tous ceux qui quittent ce monde vont à
la
Lune — lit-on dans les upanishads. — Or si un homme n’est pas satisfa
2563
ui quittent ce monde vont à la Lune — lit-on dans
les
upanishads. — Or si un homme n’est pas satisfait dans la lune, celle-
2564
ishads. — Or si un homme n’est pas satisfait dans
la
lune, celle-ci le libère (le laisse aller chez Brahma) ; mais si un h
2565
homme n’est pas satisfait dans la lune, celle-ci
le
libère (le laisse aller chez Brahma) ; mais si un homme y est satisfa
2566
t pas satisfait dans la lune, celle-ci le libère (
le
laisse aller chez Brahma) ; mais si un homme y est satisfait, la Lune
2567
chez Brahma) ; mais si un homme y est satisfait,
la
Lune le renvoie sur Terre en forme de pluie. » Si je trouvais un jour
2568
ahma) ; mais si un homme y est satisfait, la Lune
le
renvoie sur Terre en forme de pluie. » Si je trouvais un jour l’Objet
2569
Terre en forme de pluie. » Si je trouvais un jour
l’
Objet, il ne me resterait qu’à le détruire. (Aussitôt je commence à co
2570
trouvais un jour l’Objet, il ne me resterait qu’à
le
détruire. (Aussitôt je commence à comprendre ce qu’il est : cela qui
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ui se complaît dans ce qu’il trouve. 15. Toute
l’
échelle des ivresses : ivresses de la faim, de l’alcool, de la foule,
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15. Toute l’échelle des ivresses : ivresses de
la
faim, de l’alcool, de la foule, de la solitude, de l’extase. 16. Exp
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l’échelle des ivresses : ivresses de la faim, de
l’
alcool, de la foule, de la solitude, de l’extase. 16. Expression où v
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s ivresses : ivresses de la faim, de l’alcool, de
la
foule, de la solitude, de l’extase. 16. Expression où va se réfugier
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ivresses de la faim, de l’alcool, de la foule, de
la
solitude, de l’extase. 16. Expression où va se réfugier le dernier v
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aim, de l’alcool, de la foule, de la solitude, de
l’
extase. 16. Expression où va se réfugier le dernier vestige de la sen
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xpression où va se réfugier le dernier vestige de
la
sensualité des érudits. 17. La fameuse marche de Rakoczy est l’œuvre
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ernier vestige de la sensualité des érudits. 17.
La
fameuse marche de Rakoczy est l’œuvre d’une Tzigane. 18. L’or n’étai
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es érudits. 17. La fameuse marche de Rakoczy est
l’
œuvre d’une Tzigane. 18. L’or n’était qu’un prétexte. Déjà une blague
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marche de Rakoczy est l’œuvre d’une Tzigane. 18.
L’
or n’était qu’un prétexte. Déjà une blague de passeport. bj. Rougemo
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t possible, non seulement au point de vue, mais à
la
complexion, à la nature même de l’auteur, — laissant à l’approfondiss
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eulement au point de vue, mais à la complexion, à
la
nature même de l’auteur, — laissant à l’approfondissement psychologiq
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de vue, mais à la complexion, à la nature même de
l’
auteur, — laissant à l’approfondissement psychologique et aux inflexio
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exion, à la nature même de l’auteur, — laissant à
l’
approfondissement psychologique et aux inflexions variables du ton cha
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ux inflexions variables du ton chaque fois adopté
le
soin de dégager comme par transparence le jugement implicite que, sur
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adopté le soin de dégager comme par transparence
le
jugement implicite que, sur le plan de la qualité pure, je persiste à
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parence le jugement implicite que, sur le plan de
la
qualité pure, je persiste à tenir pour le plus efficace. Ce n’est peu
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plan de la qualité pure, je persiste à tenir pour
le
plus efficace. Ce n’est peut-être pas fortuitement que M. Charles Du
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tte parfaite définition de sa manière au seuil de
la
4e série de ses Approximations ; elles forment, tant par les sujets a
2590
e de ses Approximations ; elles forment, tant par
les
sujets abordés que par le style des « approches », le livre le plus s
2591
lles forment, tant par les sujets abordés que par
le
style des « approches », le livre le plus significatif de son tempéra
2592
ujets abordés que par le style des « approches »,
le
livre le plus significatif de son tempérament critique. Le style d’ab
2593
rdés que par le style des « approches », le livre
le
plus significatif de son tempérament critique. Le style d’abord : on
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le plus significatif de son tempérament critique.
Le
style d’abord : on y retrouve, appliqué aux mots, ce même sens à la f
2595
s, ce même sens à la fois scrupuleux et assuré de
la
qualité, qui est ce qu’avant tout l’on doit admirer chez M. Du Bos. E
2596
et assuré de la qualité, qui est ce qu’avant tout
l’
on doit admirer chez M. Du Bos. Et dans l’allure des phrases, le rythm
2597
nt tout l’on doit admirer chez M. Du Bos. Et dans
l’
allure des phrases, le rythme même de sa pensée. Parfois certes, un pe
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rer chez M. Du Bos. Et dans l’allure des phrases,
le
rythme même de sa pensée. Parfois certes, un peu gêné par la lenteur
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ême de sa pensée. Parfois certes, un peu gêné par
la
lenteur de certains méandres, aimerait-on les sentir moins insistants
2600
par la lenteur de certains méandres, aimerait-on
les
sentir moins insistants, moins concertés. Mais n’est-ce pas là un déf
2601
tés. Mais n’est-ce pas là un défaut qui relève de
la
nature même d’un esprit « critique » dans l’exercice de sa probité ?
2602
e de la nature même d’un esprit « critique » dans
l’
exercice de sa probité ? Défaut combien plus précieux que l’élégance à
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de sa probité ? Défaut combien plus précieux que
l’
élégance à bon marché qu’on nous prodigue dans la presse. Les sujets :
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l’élégance à bon marché qu’on nous prodigue dans
la
presse. Les sujets : Walter Pater, Tolstoï, Hardy, Stefan George, Hof
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à bon marché qu’on nous prodigue dans la presse.
Les
sujets : Walter Pater, Tolstoï, Hardy, Stefan George, Hofmannsthal. Q
2606
s mérite aujourd’hui l’un des premiers rangs dans
la
critique européenne, l’ampleur du champ qui lui est naturellement néc
2607
n des premiers rangs dans la critique européenne,
l’
ampleur du champ qui lui est naturellement nécessaire suffirait à l’in
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qui lui est naturellement nécessaire suffirait à
l’
indiquer. Mais ce qui l’établit sans conteste dans une classe internat
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nt nécessaire suffirait à l’indiquer. Mais ce qui
l’
établit sans conteste dans une classe internationale — comme on dirait
2610
ionale — comme on dirait en style sportif — c’est
l’
aisance avec laquelle il aborde un Pater, un George non pas autrement
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français, et sur un pied véritablement européen.
L’
envergure en quelque sorte géographique d’une telle enquête suppose un
2612
e Weltanschauung correspondante en profondeur. Il
la
possède. On peut dire de sa critique qu’elle pose le problème de l’ho
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possède. On peut dire de sa critique qu’elle pose
le
problème de l’homme dans sa totalité, et c’est je crois l’éloge de ch
2614
t dire de sa critique qu’elle pose le problème de
l’
homme dans sa totalité, et c’est je crois l’éloge de choix. Mais de ce
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me de l’homme dans sa totalité, et c’est je crois
l’
éloge de choix. Mais de ce problème central, qui déborde le plan esthé
2616
e choix. Mais de ce problème central, qui déborde
le
plan esthétique, la littérature ne constitue pas moins un cas privilé
2617
problème central, qui déborde le plan esthétique,
la
littérature ne constitue pas moins un cas privilégié. Et parce que M.
2618
as privilégié. Et parce que M. Du Bos ne cesse de
la
soumettre à des contrôles éthiques autant qu’esthétiques, il lui rend
2619
rôles éthiques autant qu’esthétiques, il lui rend
l’
humilité et la dignité qui tout ensemble lui conviennent. On le conçoi
2620
autant qu’esthétiques, il lui rend l’humilité et
la
dignité qui tout ensemble lui conviennent. On le conçoit, ce n’est pa
2621
la dignité qui tout ensemble lui conviennent. On
le
conçoit, ce n’est pas là se rendre la tâche facile. Cernant de toutes
2622
iennent. On le conçoit, ce n’est pas là se rendre
la
tâche facile. Cernant de toutes parts son sujet, M. Du Bos choisit de
2623
btiles qu’il ne doit qu’à un sens exceptionnel de
l’
orientation dans le monde de l’esprit la sécurité de sa marche vers le
2624
t qu’à un sens exceptionnel de l’orientation dans
le
monde de l’esprit la sécurité de sa marche vers le centre d’une œuvre
2625
ns exceptionnel de l’orientation dans le monde de
l’
esprit la sécurité de sa marche vers le centre d’une œuvre. La méthode
2626
ionnel de l’orientation dans le monde de l’esprit
la
sécurité de sa marche vers le centre d’une œuvre. La méthode de M. Du
2627
e monde de l’esprit la sécurité de sa marche vers
le
centre d’une œuvre. La méthode de M. Du Bos est la plus propre à déga
2628
sécurité de sa marche vers le centre d’une œuvre.
La
méthode de M. Du Bos est la plus propre à dégager l’élément spécifiqu
2629
e centre d’une œuvre. La méthode de M. Du Bos est
la
plus propre à dégager l’élément spécifique des génies qu’elle « appro
2630
méthode de M. Du Bos est la plus propre à dégager
l’
élément spécifique des génies qu’elle « approche » : on pourrait l’app
2631
que des génies qu’elle « approche » : on pourrait
l’
appeler une critique des obstacles. Je veux dire par là que M. Du Bos
2632
compte, tant il y apporte de pressante intuition,
les
« problèmes » qui contraignirent tel génie à produire son œuvre. Le d
2633
ui contraignirent tel génie à produire son œuvre.
Le
danger de cette méthode, c’est que, donnant un nom à chaque problème,
2634
ode, c’est que, donnant un nom à chaque problème,
l’
« hypostasiant » en quelque mesure, elle risque de nous laisser l’imag
2635
» en quelque mesure, elle risque de nous laisser
l’
image d’un auteur plus conscient de ses propres difficultés que ne sau
2636
nscient de ses propres difficultés que ne saurait
l’
être le créateur. Car une telle conscience appartient au critique avan
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de ses propres difficultés que ne saurait l’être
le
créateur. Car une telle conscience appartient au critique avant tout,
2638
critique avant tout, et c’est pourquoi il fait de
la
critique en présence des obstacles qu’il rencontre, là où le créateur
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en présence des obstacles qu’il rencontre, là où
le
créateur, supposant le problème résolu (Racine), fait une œuvre d’art
2640
les qu’il rencontre, là où le créateur, supposant
le
problème résolu (Racine), fait une œuvre d’art. Ou bien encore, l’art
2641
u (Racine), fait une œuvre d’art. Ou bien encore,
l’
artiste, usant de cette sorte de désinvolture qui lui est naturelle, c
2642
lture qui lui est naturelle, confie à des figures
le
soin hasardeux de résoudre ses antinomies (Goethe) ; que si elles y é
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ouent, il restera du moins des personnages ! Mais
la
grandeur d’un Du Bos, n’est-elle pas précisément dans son refus de sa
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as précisément dans son refus de sacrifier jamais
l’
éthique à l’esthétique, et dans ce sens chez tant d’autres émoussé, et
2645
nt dans son refus de sacrifier jamais l’éthique à
l’
esthétique, et dans ce sens chez tant d’autres émoussé, et qu’il exerc
2646
gence et une autorité aujourd’hui sans secondes :
le
sens de la responsabilité de l’écrivain. bk. Rougemont Denis de, «
2647
e autorité aujourd’hui sans secondes : le sens de
la
responsabilité de l’écrivain. bk. Rougemont Denis de, « [Compte re
2648
i sans secondes : le sens de la responsabilité de
l’
écrivain. bk. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Charles Du Bos,