1 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts de Verdun (mars 1925)
1 est beaucoup dire. Il y avait dans le Paradis je ne sais quel relent de barbarie, un assez malsain goût du sang. Tout cel
2 . Et une phrase telle que « … Nous sommes sûrs de ne pas nous tromper en nous inquiétant de faire, à notre place modeste,
3 rs pour les vouloir éviter, et ces grandeurs pour n’ en pas trop descendre ». N’est-ce pas une éclatante mise au point ? Et
4 et ces grandeurs pour n’en pas trop descendre ». N’ est-ce pas une éclatante mise au point ? Et venant de l’auteur du Song
5 « descendirent » du front dans notre paix lassée, ne prend-elle pas une pathétique signification ? Pourtant ici encore tra
6 vient souvent lorsqu’on parle de cette œuvre : je ne sais s’il faut en voir la raison dans la force de la personnalité rév
7 même temps que dans la guerre. Que de sacrifices ne lui devra-t-il pas offrir ainsi les romans « intéressants » ou « curi
8 elle paraît parfois, lorsque la tourmente humaine ne la moleste ni ne l’avive plus, cruelle et désolée comme cette « flamm
9 is, lorsque la tourmente humaine ne la moleste ni ne l’avive plus, cruelle et désolée comme cette « flamme pensante » dans
2 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Breton, Manifeste du surréalisme (juin 1925)
10 ores quiconque chercherait une idée là-dessous, —  ne réussit pas toujours chez Breton à masquer la banalité de la pensée.
11 n esthétique ou morale. » (p. 42). Le surréalisme ne serait-il donc qu’une sorte de méthode des textes généralisée ? Point
12 fense de la poésie pure. Les beautés que j’y vois ne me seraient-elles perceptibles que par le fait d’une fortuite coïncid
13 r que M. Breton serait un très curieux poète s’il ne s’efforçait de donner raison aux 75 pages où il voulut nous persuader
14 grande part dans l’« alchimie du verbe » ; et je ne puis m’empêcher d’accuser Breton de préméditation… À quoi sert, dès l
15 cette mystification : la plupart des surréalistes n’ ont rien à dire, mais savent admirablement parler. Ils érigent donc en
16 s érigent donc en doctrine leur impuissance. « Il n’ y a pas de pensée hors les mots » (Aragon). Aussi se paient-ils de mét
17 aisonnements. Plaisante ironie, si cette attitude n’ était qu’une protestation contre nos poncifs intellectuels. Mais elle
18 tériaux de démolition abandonnés par Dada S.A. Ce n’ est pas ainsi que nous sortirons d’une anarchie dont les causes semble
19 Dada du ridicule le cède ici à un ton de mage qui ne fera plus longtemps impression. C’est grand dommage pour les lettres
3 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Colin, Van Gogh (août 1925)
20 uches copies de Millet. Mais son manque de talent ne le rebute pas. Une divine violence le travaille. Elle jaillira enfin,
21 mption frénétique terrassant un corps minable, il ne restera plus que les flammes, les soleils et aussi les grimaces de do
22 leur de ses tableaux. Il faut louer Paul Colin de n’ avoir rien caché des médiocrités de cette vie : les reproductions qui
23 charger la « vie héroïque » de Vincent. M. Colin n’ a pas cherché à expliquer ce miracle. Il nous laisse à notre émotion d
24 notre émotion devant le spectacle d’une œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’une œuvre de pur génie. Vincent Van Gogh, génie
4 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Lucien Fabre, Le Tarramagnou (septembre 1925)
25 ans si bouillonnants, si mal équarris. Certes, ce n’ est pas lui qui se refuserait à écrire — comme le fait son maître : « 
26 ais il s’en permet d’autres qui le sont moins. On n’ écrit pas un roman en trois volumes sans y laisser des maladresses et
27 isser des maladresses et des négligences. Mais on ne demande pas non plus au puissant boxeur sur le ring d’être bien peign
28 ple rustique de France ». En effet — le phénomène n’ est pas particulier à la France — les paysans sont en train de redeven
29 Qu’y manque-t-il ? Un style ? L’absence de style, n’ est-ce pas le meilleur style pour un romancier ? C’est plutôt, je croi
5 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Les Appels de l’Orient (septembre 1925)
30 documents. La littérature de ces dernières années n’ est qu’une forme de reportage international. L’Europe menant cette imm
31 e bien que dans le domaine de la culture le péril n’ existe que pour autant qu’on en parle, la vraie « question asiatique »
32 résentation vague et poétique. « Orient…, toi qui n’ as qu’une valeur de symbole », a dit A. Breton. C’est de cet Orient qu
33 Arabie, Indes et Chine sous une dénomination qui n’ a de sens que par rapport à l’Europe. Il serait vain de tenter un clas
34 ui à la suite de Claudel estiment que la question ne se pose pas, puisque nous sommes chrétiens. (Mais le christianisme, r
35 s. (Mais le christianisme, religion missionnaire, ne peut nous donner qu’une supériorité provisoire et qui porte en son pr
36 mbinent toutes ces opinions ; et ceux qui avouent n’ en point avoir, sincérité trop rare… Presque toutes les réponses, conc
37 , conclusions ou interrogations, ont le défaut de n’ être pas suffisamment motivées par des faits et des documents. Pour be
38 s faits et des documents. Pour beaucoup, l’Orient n’ est qu’un prétexte à variations sur le thème favori. M. Massis, par ex
39 d nombre de citations à l’appui de ses sophismes, ne se livre pas moins à des déductions in abstracto qui le mènent à des
40 l’éducation historique des peuples chrétiens qui n’ ont pas eu de Moyen Âge », nous pourrons amener l’Asie à comprendre la
6 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Prévost, Tentative de solitude (septembre 1925)
41 s sommes des fous. Oui, le contrôle de nous-mêmes ne joue que soutenu par le contrôle que les autres nous imposent », dit
42 rminée. Artificielle comme toute expérience, elle n’ en est pas moins probante. Une œuvre d’art que ce petit livre ? C’est
7 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Otto Flake, Der Gute Weg (septembre 1925)
43 partialité. Son art bénéficie de cette vision. Je ne saurais résumer les nombreuses péripéties de son dernier roman sans e
8 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et un prologue (septembre 1925)
44 estive, telles sont les vertus de sa critique. Ce n’ est que dans sa discrétion à louer une grande œuvre qu’on trouvera la
45 té. Nul doute que les Trois nouvelles exemplaires ne suscitent un intérêt très profond : elles nous transportent au cœur d
46 aussi bien être celui d’une pièce de Pirandello. N’ annonce-t-il pas que les personnages des trois nouvelles « sont réels,
47 ent eux-mêmes dans leur pure volonté d’être ou de ne pas être… ». Mais les héros de Pirandello, s’ils veulent être, subiss
48 pression de grandeur désolée qu’un Greco. Mais il n’ y a pas les couleurs, ni l’amère volupté des formes. Une sensation de
9 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de la pensée française (octobre 1925)
49 la pensée française (octobre 1925)k Peut-être n’ est-il pas trop tard pour parler du Vinet de M. Seillière, de ce nouve
50 lement chrétien sur le mysticisme naturiste ». Il ne pouvait trouver mieux que Vinet. Et j’imagine son étonnement à découv
51 ce qui concerne le Vinet juge des romantiques, il n’ a pas eu trop de peine à l’annexer à son propre corps de doctrines cri
52 critiques. Dirai-je pourtant que je crains qu’il n’ ait été incité parfois, et presque inconsciemment, à gauchir légèremen
53 isme » de tout son mysticisme protestant. Et cela n’ est pas sans gêner M. Seillière. C’est peut-être pourquoi il insiste s
54 roit-il éluder ainsi le protestantisme de Vinet ? Ne voit-il pas que rien n’est plus protestant qu’une telle attitude ? Ma
55 protestantisme de Vinet ? Ne voit-il pas que rien n’ est plus protestant qu’une telle attitude ? Mais ces réserves sont de
56 e exaspérés, pour notre nouveau mal du siècle, il n’ est peut-être pas de pensée plus vivante, ni de plus tonique que celle
10 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Gravitations (décembre 1925)
57 x lente aux méandres songeurs, une simplicité qui n’ est pas familière. C’est bien la poésie d’une époque tourmentée dans s
58 tion du monde qu’il invente nous lasse quand elle ne l’étonne plus assez lui-même (pourtant l’autel et le surréalisme l’on
11 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Simone Téry, L’Île des bardes (décembre 1925)
59 tion en faveur du passé, révolution tout de même, ne pouvait produire qu’une littérature très neuve de forme et traditiona
60 re irlandais ; ce que d’ailleurs Mlle Simone Téry ne fait pas. Car elle veut éviter l’emballement et conserver dans l’admi
12 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Hugh Walpole, La Cité secrète (décembre 1925)
61 , lui, commence son roman quelques mois avant que n’ éclate le sinistre, et s’arrête au moment où l’on est sûr que ça brûle
62 ntôt dans une église, pour constater que la foule ne réagit pas autrement que les individus. L’auteur, qui est l’un de ces
63 doit sauter quelques semaines. Qu’on veuille bien ne voir autre chose dans ces « procédés », d’ailleurs assez peu choquant
64 er instantanément en révolte. Aucun cadre logique ne détermine l’avenir le plus proche. Il n’y a pas même des forces endor
65 logique ne détermine l’avenir le plus proche. Il n’ y a pas même des forces endormies dans l’âme russe : mais des possibil
66 des ruines. On sait le reste. Tout cela, Walpole ne le dit pas. Mais ses personnages le suggèrent de toute la force du tr
13 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Adieu, beau désordre… (mars 1926)
67 mars 1926)o L’époque s’en va très vite vers on ne sait quoi. On a mis le bonheur devant soi, dans un progrès mal défini
68 tiver leur moi. Ils y cherchent un fortifiant, je ne sais quelle excitation, quelle révélation ou quel oubli. C’est un dil
69 foi en la valeur de l’action. C’est pourquoi ils ne peuvent prétendre à l’action sociale que l’époque réclame 1. C’est au
70 que l’époque réclame 1. C’est aussi pourquoi l’on ne saurait accorder trop d’importance à leurs tentatives morales, si sin
71 ans le chaos des idées et des doctrines, et qu’il n’ existe pas d’esprit du siècle, hors un certain « confusionnisme ». Mai
72 avec une profonde conviction ; par vertu. Ce qui n’ a rien d’étonnant : ils ne sont que les projections du moi de leurs au
73 ion ; par vertu. Ce qui n’a rien d’étonnant : ils ne sont que les projections du moi de leurs auteurs. Or l’égoïsme est ve
74 re d’aujourd’hui, et plusieurs déjà reconnaissent ne pas pouvoir les séparer. On n’écrit plus pour s’amuser : ni pour amus
75 déjà reconnaissent ne pas pouvoir les séparer. On n’ écrit plus pour s’amuser : ni pour amuser un public. Un livre est une
76 ir des possibilités neuves, — pour le libérer. Il n’ est pas question de rechercher ici les origines historiques d’une conc
77 rait une raison nouvelle de le condamner, et nous ne pouvons le suivre jusque-là : il est vain de dire qu’une époque s’est
78 e l’épigraphe de toute la littérature moderne. Il n’ a pas fallu longtemps aux Français pour pousser à bout l’expérience3.
79 ût, parce qu’on se connaît trop, et que plus rien ne retient. (Or on ne crée que contre quelque chose, contre soi, contre
80 connaît trop, et que plus rien ne retient. (Or on ne crée que contre quelque chose, contre soi, contre une difficulté.) Dé
81 ord. Révolution toujours ». « Pour nous, le salut n’ est nulle part… » « Je comprends la révolte des autres et quelles priè
82 us faire du pain ; et c’est très beau, Aragon, de ne plus rien attendre du monde, mais on voudrait que de moins de gloriol
83 s derniers venus, Marcel Arland, — plus jeune, il n’ a pas fait la guerre — c’est le même désenchantement précoce, sans la
84 x qu’il en paraît plus incurable. Ces jeunes gens n’ en finissent pas de peindre leur déséquilibre. Il serait temps de fair
85 paradoxes, le chaos, etc. — Certes, aucune époque ne fut à la fois plus morale et plus immorale, parce qu’aucune ne s’est
86 ois plus morale et plus immorale, parce qu’aucune ne s’est autant attachée à chercher dans le seul moi les fondements d’un
87 martyre… Cette lassitude facile à juger du dehors n’ était pas ce qu’il y a vingt ans on nommait blasé. Rien n’était émouss
88 pas ce qu’il y a vingt ans on nommait blasé. Rien n’ était émoussé en nous, mais pouvions-nous faire abstraction du plan in
89 ratuite que prétendent mener les surréalistes, il n’ a fallu que le temps pour une folie de s’emballer. La plupart des roma
90 nces extérieures qu’il méprise toutes également ; n’ attendant rien que de ses impulsions et contemplant avec une lucidité
91 ait déjà une singulière préfiguration : Certes ce ne seront ni les lois importunes des hommes, ni les craintes, ni la pude
92 vaincre. — Mais la joie d’une si haute victoire — n’ est pas si douce encore, n’est pas si bonne que de céder à vous, désir
93 ne si haute victoire — n’est pas si douce encore, n’ est pas si bonne que de céder à vous, désirs, et d’être vaincu sans ba
94 de sophismes conduit ce mouvement de l’esprit qui n’ utilise une borne que pour sauter plus loin. Ainsi, c’est par humilité
95 xcès toute chose, au-delà de toutes limites. « Il n’ y a que les excès qui méritent notre enthousiasme ». Mais « cette fure
96 perversion d’une vertu qui se brûle elle-même. Je ne vais point nier la fécondité psychologique d’une attitude par ailleur
97 ait perdu le sens des ensembles rationnels. Nous ne pensons plus par ensembles7 : symptôme de fatigue. Mais tout cela : d
98 s pensées et des actes, rêves éveillés, tout cela ne dérive-t-il pas d’une fatigue immense. Nous voyons se fausser le ryth
99 oppe une civilisation mécanicienne. (Les machines n’ ont pas besoin de sommeil.) La fatigue devient un des éléments les plu
100 logues est cet état presque inhumain de celui qui n’ a pas dormi et qui « assiste » à sa vie, à ses sensations, à ses autom
101 e d’aujourd’hui, parce que nous sommes à bout. Il ne s’agit pas, encore une fois, de renier l’immense effort pour se libér
102 selle hypocrisie accompli par des générations qui ne lèguent aux suivantes que leur lassitude : sachons au contraire profi
103 jeunes hommes l’ont compris. Ils sont modestes — ne s’isolant pas de la Société ; ils savent que pour lutter il faut des
104 ; ils savent que pour lutter il faut des armes et ne méprisent pas la culture ; sans autre parti pris que celui de vivre,
105 maîtres de leurs corps exercés, ils savent qu’il n’ y a de pensée valable qu’assujettie à son objet, qu’il n’y a de libert
106 e pensée valable qu’assujettie à son objet, qu’il n’ y a de liberté que dans la soumission aux lois naturelles ; et leur ef
107  ; et leur effort est de retrouver ces lois ; ils ne craignent pas de choisir parmi leurs instincts, ni de les améliorer 1
108 ns la lumière. « Il vaut mieux, dit encore Vinet, ne voir d’abord que les grands traits de sa nature, ne connaître que les
109 voir d’abord que les grands traits de sa nature, ne connaître que les grands mots de la langue morale, suivre à l’égard d
110 sence, non de nous-mêmes, mais de Dieu. » 1. Il ne s’agit pas d’exiger des poètes qu’ils écrivent des odes civiques. Mai
111 Arland, de Louis Aragon, de Drieu la Rochelle. Je ne cite que les plus significatifs. 6. Aragon, loc. cit. 7. Le « goût
112 de construire et de nous construire. Jamais l’on ne fut plus loin de l’idéal goethéen : au lieu de tout composer en soi,
14 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alix de Watteville, La Folie de l’espace (avril 1926)
113 ogiques et les vieilles dames à principes. Voilà, n’ est-ce pas, un amusant sujet de conte moral, avec ses personnages un p
114 grand peintre. Pourtant, malgré des longueurs, on ne lira pas sans plaisir ce livre où l’on voit un homme appeler en vain
15 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Wilfred Chopard, Spicilège ironique (mai 1926)
115 est moins fatigant. « Le paon dédaigne encor mais ne fait plus sa roue. » Ce poète — qui fut aussi le prosateur charmant d
16 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cocteau, Rappel à l’ordre (mai 1926)
116 et montrer que si cet ordre l’écarte de Dada, il ne le conduit pas pour autant à l’Académie. Disons pour aller vite que s
117 malheur de Cocteau est qu’il se veuille poète. Il ne l’est jamais moins qu’en vers. Sa plus incontestable réussite à ce jo
118 pénombre. Ôter la pédale à la poésie. (« Le poète ne rêve pas, il compte. ») Six projecteurs convergent sur une machine lu
119 ses fleurs de cristal, si elles sont sans parfum, ne se faneront pas. t. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Jean Coct
17 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, Mon corps et moi (mai 1926)
120 , Mon corps et moi (mai 1926)u Les témoignages ne manquent pas sur la détresse morale de la génération surréaliste. Mai
121 et, quoi qu’ils en disent, « artistiqués », — ils n’ osent plus le mensonge de l’art, et pas encore la vérité pure — Crevel
122 de sa génération. Terrible aveu d’impuissance, il n’ a plus même la force de l’hypocrisie. Isolé dans un hôtel perdu, avec
123 dre. Une intelligence parvenue au point où elle «  ne semble avoir rien d’autre à faire que son propre procès », une intel
18 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Le Corbusier, Urbanisme (juin 1926)
124 t, est aujourd’hui une catastrophe menaçante pour n’ avoir pas été animée de l’esprit de géométrie… Elle use et conduit len
125 ment l’usure des milliers d’êtres humains ». Elle n’ est plus adaptée aux conditions nouvelles de travail ou de repos, ni d
126 au 100 à l’heure des autos. Les maisons habitées ne sont plus que des enceintes transparentes, et minces en regard de leu
19 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ramon Fernandez, Messages (juillet 1926)
127 Ramon Fernandez, Messages (juillet 1926)w Je ne crois pas exagéré de dire qu’en publiant ce recueil d’essais, M. Fern
128 itique philosophique » qu’il voudrait inaugurer «  ne se contenterait pas d’étudier les œuvres pour elles-mêmes dans leur s
129 e sont souvent enlisées dans leurs recherches, il ne les condamne pas d’un « Jugement » sans issue sinon vers le passé cat
130 llement différentes des lois de l’œuvre d’art, il ne s’en suit pas forcément que l’on doit nier toute communication direct
131 ez tente de prouver par exemple que l’œuvre d’art ne peut être un moyen de connaissance personnelle. Après quoi il écrit :
132 concevoir et s’essayer. » Fort bien, mais l’œuvre n’ est-elle pas une façon particulière de s’essayer ? Je ne puis amorcer
133 elle pas une façon particulière de s’essayer ? Je ne puis amorcer ici une discussion de ces thèses subtiles, d’autant que
134 re le plus encombré et le plus impur qui soit. On n’ a pas ménagé les critiques à cette œuvre. Cela tient surtout à sa form
135 eu gauche encore dans les positions conquises. Il n’ empêche que son livre manifeste une belle unité de pensée, et qu’il pr
20 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alfred Colling, L’Iroquois (décembre 1926)
136 e… Mais ce cœur fatigué se reprend à souffrir, il ne sait plus de quels souvenirs ; jusqu’au soir où la douleur nette d’un
137 e que son silence devient insupportable : « Orpha ne comprenait pas comment on pouvait tant souffrir et ne plus aimer ». C
138 omprenait pas comment on pouvait tant souffrir et ne plus aimer ». Closain se tue pour finir le livre. Livre charmant et b
139 araît parfois et nous fait regretter que l’auteur ne se soit pas mieux abandonné à son sujet, d’un pathétique assez neuf.
21 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, La Tentation de l’Occident (décembre 1926)
140 nois et sympathiser avec son idéal de culture. Il n’ y a pas là deux points de vue irréductibles, du moins M. Malraux a fai
141 x a fait parler son Chinois de telle façon qu’ils ne le paraissent point. Et alors le relativisme angoissant qui semblait
142 qui tord aujourd’hui notre race… ». Et peut-être n’ est-il pas de position plus périlleuse, puisqu’elle risque de ne laiss
143 e position plus périlleuse, puisqu’elle risque de ne laisser subsister en nous qu’un « étrange goût de la destruction et d
22 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Louis Aragon, Le Paysan de Paris (janvier 1927)
144 agon, Le Paysan de Paris (janvier 1927)ab « Je n’ admets pas qu’on reprenne mes paroles, qu’on me les oppose. Ce ne sont
145 ’on reprenne mes paroles, qu’on me les oppose. Ce ne sont pas les termes d’un traité de paix. Entre moi et vous, c’est la
146 e mieux encore : après une kyrielle d’injures qui ne font pas honneur à l’imagination d’autres fois si prestigieuse du poè
147 tresse ? » Tant d’insistance dans le mauvais goût ne m’empêchera pas de le dire, Aragon possède le tempérament le plus har
148 s, des pages d’un lyrisme inouï. Que Louis Aragon ne se croie pas tenu de justifier ses visions par le moyen d’une métaphy
149 s est une suite de promenades dont la composition n’ est pas sans rappeler celle des Nuits d’octobre de Nerval ; forme qui
150 te de nuit, d’une devanture, d’un parc public. Ce n’ est pas le meilleur livre de l’auteur d’Anicet. C’est pourtant un des
23 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Barbey, La Maladère (février 1927)
151 bjet de l’amour. Mais les jeunes gens de ce temps ne cultivent point cette fièvre. Et comme la morale ne sait plus leur im
152 cultivent point cette fièvre. Et comme la morale ne sait plus leur imposer de feindre encore ce que le cœur ne ressent pl
153 lus leur imposer de feindre encore ce que le cœur ne ressent plus, il suffit de quelques mois aux jeunes époux de la Malad
154 t qu’on les attendrait, plus franche d’allure. On ne sait ce qui la retient : son amour ? son manque d’amour ? Pour Jacque
155 une image qu’on garde comme un pressentiment. Ce n’ est qu’à force de discrétion dans les moyens qu’il parvient à une cert
156 Barbey, on oublie la justesse de son analyse pour n’ évoquer plus que des visions où se condense le sentiment du récit. Dan
24 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Montclar (février 1927)
157 ad L’on aime que, pour certains hommes, écrire ne soit que le recensement passionné de leur vie, ou l’aveu déguisé d’un
158 clar est l’auteur de vers de jeunesse auxquels il ne tient guère, et l’on comprend que ce journal bientôt les rejoindra da
159 ndra dans l’armoire aux souvenirs. Cette façon de ne pas y tenir, qu’il manifeste en toute occasion de sa vie est peut-êtr
160 de l’homme même, ou de l’amateur distingué, — et ne peut pas nous tromper là-dessus. Il se connaît avec une sorte de froi
161 de froideur que l’on dirait désintéressée si elle n’ avait pour effet de souligner, plus que ses succès, certaines faibless
162 mence où souvent l’on finit. Et peut-être l’amour n’ est-il possible qu’entre deux cœurs que l’épreuve du plaisir n’a pas e
163 ible qu’entre deux cœurs que l’épreuve du plaisir n’ a pas exténués. Mais alors quelle avidité cruelle, et peut-être tendre
164 ment leur amour, à force de petites blessures. Ce n’ est pas le moins troublant d’une telle vie, cette sagesse un peu sombr
165 on littéraire la plus ridicule. Pourtant, qu’elle ne laisse point oublier que ce livre d’une résonance si humaine, est mie
25 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Ô toi que j’eusse aimée… (mars 1927)
166 Parfois l’on se demande si l’Auber de Jean Cassou ne va pas s’attabler au café en face des personnages de Jaloux. Et peut-
167 l Morand, mais elle a dû le trouver un peu froid, n’ aura pas été tentée de lui faire ces confidences qu’elle livre si faci
168 tend de l’amour. Une confidence, un baiser, et il ne la reverra jamais. Il aime encore sa femme, « mais comme on aime une
169 de ce qui détermine nos actes avant que la raison n’ intervienne, mouvements de nos passions à nous-mêmes inavoués, rêves é
170 mper sur tout ce qui est profond en nous, et elle ne manque guère à ce devoir sacré ». M. Jaloux évite le péril d’un réali
171 s drames tout intérieurs dont il dit : « Personne ne peut juger du drame qui se joue entre deux êtres, personne, pas même
172 nt, des amours impossibles, des histoires dont on ne sait pas la fin ni le sens véritable, mais seulement qu’elles ont fai
26 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Notre inquiétude (avril 1927)
173 une certitude trop vite atteinte, où sa jeunesse ne verrait qu’une abdication. Il décrit la « génération nouvelle » avec
174 ujourd’hui. Il constate que l’une (celle de Gide) ne fait que différer notre inquiétude, tandis que l’autre « ne ruine not
175 e différer notre inquiétude, tandis que l’autre «  ne ruine notre angoisse qu’en y substituant ce qui ne vient que de Dieu 
176 e ruine notre angoisse qu’en y substituant ce qui ne vient que de Dieu : la Foi ». Acculée à la rigueur d’un choix presque
177 ude paraît sans remède. Mais, ici, M. Daniel-Rops n’ a-t-il pas cédé à la tentation de créer des dilemmes irréductibles, su
178 lles vraiment les deux termes d’un dilemme, l’une n’ étant que le chemin qui mène à l’autre ? Car la foi naît de l’inquiétu
179 se l’inquiétude autant que la sérénité… Au reste, n’ est-elle pas de M. Rops lui-même, cette phrase qui formule admirableme
27 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Lecache, Jacob (mai 1927)
180 1927)ah Voici un livre dur et sans grâces, qui ne manque pas d’une beauté assez brutale, pour nous choquer et s’imposer
181 présente le problème juif avec une obstination à ne rien cacher qui le mène profond. Une famille juive dans le Marais. Le
182 est un tailleur, biblique, austère et probe, qui n’ a d’ambition que pour ses enfants. Jacob, l’aîné se révolte. Sensualit
183 Jacob qui se retourne, méprisant : « Mais oui, je ne nie rien, je suis sans scrupules, on connaît mon orgueil : osez donc
28 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, La Mort difficile (mai 1927)
184 uer pour s’en délivrer peut-être. Cette sincérité ne serait-elle à son tour que le masque d’un goût du malheur ? Le sujet
185 milieu bourgeois, et l’on voit bien que l’auteur n’ est pas encore détaché de la matière pour en tirer une œuvre d’art. La
186 document humain, nuit à sa valeur littéraire. Je n’ aime guère ce style abstrait, semé de redites et d’expressions toutes
29 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Éluard, Capitale de la douleur (mai 1927)
187 d’élégant, de « bien français » ; et le mot sang n’ évoque ici qu’une tache de couleur, plus sentimental que cruel. « J’ai
188 un certain tragique, mais au filet si acéré qu’on ne sent presque pas sa blessure. Mais c’est ici qu’il s’agit de ne pas c
189 e pas sa blessure. Mais c’est ici qu’il s’agit de ne pas confondre inexplicable avec incompréhensible. aj. Rougemont De
30 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Drieu la Rochelle, La Suite dans les idées (mai 1927)
190 et infect et adonné à mal » (Calvin). Le tableau n’ est pas beau, mais on y sent une « patte » qui révèle encore dans le f
191 gnifiquement jetés. Mais cette imperfection, s’il ne peut encore s’en tirer, du moins l’avoue-t-il avec une franchise qui
192 rieu d’avoir échappé au surréalisme en tant qu’il n’ est que le triomphe de la littérature sur la vie, mais d’avoir su en g
31 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur des femmes (juillet 1927)
193 rd : lui seul connaît l’adresse de Patsy, mais il ne veut pas vous la donner. Alors pour vous venger, vous lui dites que,
194 enger, vous lui dites que, « d’abord », son livre n’ est pas sérieux. Il sourit. Vous ajoutez que le lyrisme des noms géogr
195 us parlez de « procédés lassants ». Pierre Girard n’ écoute plus : il pense à des Vénézuéliennes ou à Gérard de Nerval. Bie
196 responsable de cette douceur de vivre. Déjà vous ne niez plus sa drôlerie, son aisance. Vous accordez que s’il force un p
197 « Tous nos ennuis nous seraient épargnés si nous ne regardions que les jambes des femmes », dit-il, pour vous apprendre !
198 , pour vous apprendre ! — sans se douter que rien ne saurait vous ravir autant que ses impertinences. À ce moment s’approc
199 ui parle toujours de Weber… Mais au fait, si vous n’ aviez pas lu ce livre ? Ah ! sans hésiter, je vous ferais un devoir de
200 evoir de ce plaisir. Un devoir !… Car hélas, l’on n’ est pas impunément concitoyen de cet oncle Abraham qui interdit à Pate
201 ir la nuit, et qui lui fait jurer sur la Bible de ne pas entrer dans les cafés. Et puis, c’est égal, ce soir, tout cela es
32 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean-Louis Vaudoyer, Premières amours (août 1927)
202 ières amours (août 1927)an Ces trois nouvelles n’ ont guère de commun entre elles que la forme : ce sont de lentes rémin
203 étrangère dont on rêve à 15 ans ; et voici ce je ne sais quoi, ce délice furtif, ce que l’auteur lui-même appelle « cette
33 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Rainer Maria Rilke (décembre 1927)
204 aie que le vrai, je veux dire, plus rilkienne que ne fut Rilke. Rilke y apparaît comme une de ces âmes mystiques et raffin
205 Rilke, je compris que cet univers dont je rêvais n’ était pas un objet de songe mais d’expérience ». Mais une telle « expé
206 ience ». Mais une telle « expérience », je crois, ne peut être sensible qu’à des êtres pour qui elle est en somme inutile 
207 réalités sur lesquelles s’opère l’expérience. On ne prouve la religion qu’aux convertis — qui n’ont plus besoin de preuve
208 . On ne prouve la religion qu’aux convertis — qui n’ ont plus besoin de preuves. Il reste qu’un livre comme celui-ci tend u
209 gazetiers ; au cœur de ces sujets qui paraît-il, ne sont pas d’actualité : la solitude, la maladie, la peur. ao. Rouge
34 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Léon Bopp, Interférences (décembre 1927)
210 au milieu d’une effusion « lyrique », histoire de n’ avoir pas l’air dupe. Mais il a des façons parfois bien désobligeantes
211 i arbitraire et si facultative », je me dis qu’il n’ en saurait être autrement tant qu’on se tient à cette attitude scienti
212 édales ! Mais il a su mettre plus de choses qu’il n’ y paraît d’abord dans ces 50 pages. Beaucoup sont excellentes et leur
35 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Princesse Bibesco, Catherine-Paris (janvier 1928)
213 que ; et il vaut la peine de le dire car la chose n’ est pas si fréquente dans la production actuelle. On retrouve aux prem
214 ns lyriques à leur propos. Mais dans ce roman, il n’ y a plus seulement la femme, avec le miracle perpétuel de sa sensibili
215 assez peu intéressante à vrai dire, parce qu’elle n’ est pas à l’échelle de ce qui la précède. Ces défaillances de la techn
216 es spirituelles, malicieuses ou poétiques ; et ce n’ est pas qu’il ne s’y glisse quelque préciosité ou quelques « pointes »
217 malicieuses ou poétiques ; et ce n’est pas qu’il ne s’y glisse quelque préciosité ou quelques « pointes » faciles mais ce
218 té ou quelques « pointes » faciles mais cela même ne manque pas de naturel… On peut regretter que ce livre ne réalise pas
219 ue pas de naturel… On peut regretter que ce livre ne réalise pas une synthèse plus organique du roman et des mémoires. Mai
220 son début permet de croire que le Perroquet Vert ne restera pas une réussite isolée dans l’œuvre purement romanesque de l
36 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Marguerite Allotte de la Fuye, Jules Verne, sa vie, son œuvre (juin 1928)
221 r les autres, divertissant et spirituel. Pourquoi ne veut-on voir en Jules Verne qu’un précurseur ? Jules Verne est un cré
222 ntions se suffisent et suffisent à notre joie. Ce ne sont pas les savants qui sont prophètes, mais les poètes. Or Jules Ve
223 itablement soumis la science à la poésie. Et l’on ne veut voir que jolis livres d’étrennes dans les œuvres du plus grand c
224 ravers desquels ils respiraient l’air du monde ». N’ en ferons-nous pas autant, emprisonnés que nous sommes dans une civili
225 n de nos plus grands conteurs sous prétexte qu’il n’ est styliste ni psychologue ? Laisserons-nous Jules Verne aux enfants 
226 ne est le dernier bateau. Pour ce coup, voilà qui ne m’empêchera pas d’y monter, il suffit que cet obsédant capitaine Nemo
227 aine Nemo soit à bord, je soupçonne que ce bateau n’ est autre que La Liberté. ar. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
37 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Aragon, Traité du style (août 1928)
228 Aragon, Traité du style (août 1928)as Ce n’ est pas le seul talent de M. Aragon qui le rendrait digne à mes yeux,
229 loigné et m’en sais plus dépourvu si possible. Je ne demande aux écrivains que des révélations, ou mieux, qu’ils les favor
230 s locales. (Quant à Goethe, traité de clown, cela ne va pas loin.) C’est une belle rage (ô combien partagée !) vainement p
231 (quitte à renaître heureusement) sur des gens qui ne m’intéressent pas ou bien qui ne sont pas atteints par ces épithètes
232 sur des gens qui ne m’intéressent pas ou bien qui ne sont pas atteints par ces épithètes drôles ou quelconques. Mais la se
233 rtie du livre est admirable ; il suffit. Le titre ne ment pas ; ce livre traite du style, à coups d’exemples qui méritent
38 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Naville, La Révolution et les intellectuels (novembre 1928)
234 oir s’ils vont se taire ou non. Mais leur silence ne doit pas entraîner, à leur point de vue, celui d’autrui sur eux-mêmes
235 nt détesté, mais dont ils participent plus qu’ils ne le croient. Certes il était urgent de faire la critique de « cette ré
236 rès beau style contre un monde très laid dont ils n’ ont pas encore renoncé à chatouiller le snobisme. at. Rougemont Den
39 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, Les Conquérants (décembre 1928)
237 fs pour l’une ou l’autre de ces attitudes. (Elles ne sont pas essentiellement contradictoires : elles représentent deux ma
238 us nerveux, sans doute aussi plus sensible. Et il ne se borne pas à des effets pittoresques : ce récit coloré et précis, a
239 Garine est décisif : « La Révolution… tout ce qui n’ est pas elle est pire qu’elle… » Expérience faite, l’absurde retrouve
40 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Louis II de Bavière ou Hamlet-Roi (décembre 1928)
240 comprend que ce doux-amer ait séduit Barrès, mais ne l’ait point trompé : « Avec son beau regard de rêve, — lit-on dans l’
241 ges de l’éthique de cet « illustre réfractaire ». N’ est-ce point trop demander à une existence bien indécise, que son éche
242 à une existence bien indécise, que son échec même ne relève pas, et qui tire sa grandeur de celle du décor ? Guy de Pourta
243 sa grandeur de celle du décor ? Guy de Pourtalès n’ hésite pas à baptiser son héros « prince de l’illusion et de la solitu
244 lusion et de la solitude ». Mais un prince rêveur n’ est pas forcément prince du rêve ; et par ailleurs ce livre sait bien
245 La qualité de l’illusion dont se nourrit Louis II n’ est ni aussi pure ni aussi rare qu’on voudrait l’imaginer. Il reste qu
246 st qu’il a eu peur, et s’il a eu peur c’est qu’il n’ a pas su aimer. Le sujet de Liszt et de Chopin, c’était l’amour, donc
247 atres proposeraient de moins jolis mots ; mais ce n’ est pas la moindre habileté du biographe. D’ailleurs, réussir un livre
248 s, réussir un livre attrayant sur une vie manquée n’ était pas un problème aisé : Guy de Pourtalès l’a résolu d’une façon f
41 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Le Prince menteur (décembre 1928)
249 e mensonge qui va jusqu’à la mort, inclusivement, n’ étonnera pas ceux qui ont connu de semblables mythomanes. Le cas mérit
250 Daniel-Rops voit bien que l’épithète de mythomane n’ épuise pas une question dont l’importance dépasse celle du cas patholo
251 se tout, peut conduire à préférer un mensonge qui n’ est, hélas, qu’une déformation de cette réalité détestée. Le mythomane
42 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme (janvier 1929)
252 crit la vie d’un homme de lettres. En réalité, on ne le voit pas encore apparaître sous cet aspect dans ces deux premiers
253 este, nous amusant comme des fous ». Mais non, on ne le secouera pas, ce cauchemar, ce monde moderne, ce monde de fous qui
254 cauchemar, ce monde moderne, ce monde de fous qui n’ ont plus que leur raison, ce monde où l’on ne sait plus créer avec joi
255 qui n’ont plus que leur raison, ce monde où l’on ne sait plus créer avec joie des formes belles, ce monde qui devient imp
256 nommé Ford, de Détroit, a contribué davantage que n’ importe quel autre de mon temps à faire aboutir la standardization à s
257 aire aboutir la standardization à sa fin logique, ne pourrait-il pas être considéré un jour comme le grand tueur de son ép
43 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Saisir (juin 1929)
258 e les signes qu’il nous propose. Une telle poésie n’ offre aux sens que peu d’images (à peine quelques « motifs », objets u
259 douce et virile ; et quel beau titre ! « Saisir » n’ est-ce point l’acte essentiel de la poésie ? Toute poésie véritable n’
260 e essentiel de la poésie ? Toute poésie véritable n’ est-elle pas proprement « saisissante » ? Mais le plus émouvant, c’est
44 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cassou, La Clef des songes (août 1929)
261 onges (août 1929)az Après cet austère Pays qui n’ est à personne paru l’année dernière — un livre assez troublant et qu’
262 it rencontrer des êtres bizarres avec lesquels il n’ hésite pas à faire un bout de chemin, Hans le gardeur d’oies, le gueux
263 souvenirs attristés par le temps, des visages qui ne sont plus tout à fait les mêmes, des bonheurs qui signifient plus de
264 bonheurs qui signifient plus de désespoir qu’ils ne s’en doutent… C’est un dévergondage sentimental, plein de malices et
265 personnages ont cet air un peu ivre et capable de n’ importe quoi, cet air dangereux et tendre que prennent les hommes en l
266 ndre que prennent les hommes en liberté. Mais ils ne sont jamais méchants, et seulement aux dernières pages du livre, un p
267 un peu amers… On voudrait un livre de Cassou qui ne serait fait que de ces intermèdes ; pur de tout souci de vraisemblanc
268 r de tout souci de vraisemblance extérieure ; qui ne serait qu’invention, qui inventerait sa vérité. Ce serait un de ces m
269 nous avons besoin pour croire que le monde actuel n’ est pas un cas désespéré. Mais voici déjà dans l’œuvre de Jean Cassou,
45 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Rolland de Renéville, Rimbaud le voyant (août 1929)
270 st bon de proposer à la réflexion de notre temps, ne fût-ce que pour faite honte à ceux qui sont encore capables d’une tel
271 rt l’œuvre de Rimbaud. Regrettons seulement qu’il n’ élargisse pas plus une question aussi centrale — qui est, si l’on veut
272 l’état sauvage », un catholique qui s’ignore, il n’ est pas plus admissible d’inférer du mépris de Rimbaud pour le catholi
273 e à son mépris pour la révélation évangélique. Je ne vois là que l’indice d’une confusion bien française, hélas. ba. Ro
46 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Julien Benda, La Fin de l’Éternel (novembre 1929)
274 enda, La Fin de l’Éternel (novembre 1929)bc Ce n’ est plus l’heure de venir prendre position dans un débat où les voix l
275 son des Clercs 11, thèse dont la Fin de l’Éternel ne fait que reprendre la défense contre ses adversaires de tous bords. J
276 nd cela serait ! dirons-nous, — avec le Benda qui ne trahit pas.) D’autre part, de plus impertinents que moi ne manqueront
277 pas.) D’autre part, de plus impertinents que moi ne manqueront pas de faire observer que la « fin de l’éternel », la chut
278 joue de la raison ratiocinante tout comme si elle n’ était pas le contraire de la Raison de Spinoza. Nul mieux que lui ne s
279 traire de la Raison de Spinoza. Nul mieux que lui ne s’entend définir et classer choses et idées en catégories « rationnel
280 te que soit souvent son adresse de logicien, elle ne doit pas nous masquer l’audace tranquille et admirable de son point d
281 de l’impossible. Et quand bien même elle croirait n’ en avoir plus besoin. Cet extrémisme de la pensée intemporelle, en but
282 sarcasmes des extrémistes de droite et de gauche, n’ en apparaît que plus pur. « Noms de clowns qui me viennent l’esprit :
283 s qu’il fallait attendre de ces auteurs. Ce qu’on ne viendra pas disputer à M. Benda, c’est son dur amour de la vérité tou
284 nde où tout est bon à quelque chose, où rien plus n’ est tenu pour vrai que relativement à un rendement. Rien, pas même la
47 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henri Michaux, Mes propriétés (mars 1930)
285 ménager dans un jardin à la française. Mais vous ne tarderez pas à remarquer que tout, ici, est original, indigène, tant
286 urs, que les animaux qui circulent. Un auteur qui n’ imite personne court bientôt le risque de s’imiter soi-même : il sembl
287 , ou qu’il invente des animaux dont la complexité ne le cède en rien à celle de l’introspection la plus poussée. Il invent
288 — depuis les Trivia de Logan Pearsall Smith — je n’ avais pas lu de livre où s’exprimât avec une pareille sécurité dans l’
48 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Kikou Yamata, Saisons suisses (mars 1930)
289 ge, l’artiste fait une belle grimace : le lecteur ne l’imitera pas. be. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Kikou Yama
49 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Jullien du Breuil, Kate (avril 1930)
290 Ceux qui ont lu la Mort difficile de René Crevel ne s’étonneront ni du sujet ni de la manière de M. Jullien du Breuil. L’
291 qu’ils expriment sans doute inconsciemment et qui n’ est rien de moins qu’une conception nouvelle de l’amour-passion : il a
292 après tant de sarcasmes contre l’enfer bourgeois, n’ a trouvé d’autre salut que l’abandon à quelques obsessions sexuelles.
50 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Léon Pierre-Quint, Le Comte de Lautréamont et Dieu (septembre 1930)
293 e de Lautréamont et Dieu (septembre 1930)bg On ne sait presque rien de Lautréamont, sinon qu’il s’appelait Isidore Duca
294 « précurseur » d’une certaine littérature moderne n’ a fait, en somme, que reprendre, quitte à les parodier, les grands thè
295 oins profondément que ses devanciers. Son sadisme n’ est pas beaucoup plus « horrible » que celui des rêveries de certaines
296 de certaines pubertés ; quant à l’amour, Maldoror ne paraît pas de taille à le concevoir au-delà de sa tendresse pour les
297 ssitent ? Celle-ci, entre autres, que Lautréamont ne va pas à la cheville de Rimbaud. (Ce n’est pas avec un Dieu pour rire
298 utréamont ne va pas à la cheville de Rimbaud. (Ce n’ est pas avec un Dieu pour rire que Rimbaud est aux prises, et il n’a c
299 Dieu pour rire que Rimbaud est aux prises, et il n’ a cure de cette littérature que Ducasse s’épuise à parodier.) Il sembl
51 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Voyage en Hongrie I (octobre 1930)
300 age gris ; leurs yeux stupides me demandent où je n’ ai pas dormi. Le seul refuge est à l’avant, parmi des cordages, des ch
301 e pardessus, me donnait l’autre à serrer, la main n’ étant pas encore sortie… Dormir au fil de l’eau, entre l’étrange nuit
302 e mes Espoirs aux jeunes Promesses nationales (on n’ a pas bien compris les noms, on échange, à la dérobée, des coups d’œil
303 2. La recherche de l’objet inconnu Personne n’ a mon adresse, je n’attends rien d’ailleurs ; tout à ma chance hongroi
304 e l’objet inconnu Personne n’a mon adresse, je n’ attends rien d’ailleurs ; tout à ma chance hongroise en ce premier rév
305 se du courrier. J’attends la lettre, j’attends je ne sais quoi de très important… Trois déceptions par jour ne peuvent qu’
306 quoi de très important… Trois déceptions par jour ne peuvent qu’énerver le désir. Parfois j’imagine que le facteur va m’ap
307 s plus exténuantes, et qui sait si tant d’erreurs ne composeront pas un jour une sorte d’incantation capable d’incliner le
308 Dussè-je les inventer… Ah ! l’embarras de voyager n’ est rien auprès de celui d’expliquer pourquoi l’on est parti. Cependan
309 s traînons tous notre sabot, qui, loin de s’user, ne tarde pas à devenir notre raison de vivre. Mais combien votre sort, ô
310 lheur ; moi, non. Barnabooth savait bien ce qu’il ne pouvait perdre, et c’était sa fortune, Peter Schlemihl savait ce qu’i
311 mon avoir se fond dans une loterie qui peut-être n’ a pas de gros lot, et jamais, je crains bien, jamais je ne parviendrai
312 de gros lot, et jamais, je crains bien, jamais je ne parviendrai à le regretter… » L’ironie indulgente et cette pitié à pe
313 u que je recherche le chemin du Rozsadomb. « Vous n’ y verrez, m’avait-on dit, qu’une paire de babouches dans une mosquée v
314 e de babouches dans une mosquée vide que personne n’ a plus l’idée de visiter. » Mais comment ne pas voir qu’un lieu qui po
315 rsonne n’a plus l’idée de visiter. » Mais comment ne pas voir qu’un lieu qui porte un nom pareil est par là même extraordi
316 pareil est par là même extraordinaire. Celui qui ne croit pas à la vertu des noms reste prisonnier de ses sens ; mais cel
317 ns ; mais celui-là est véritablement voyageur qui n’ a pas renoncé à convaincre le réel de mystère. Montant au Rozsadomb pa
318 babouches ? Pas de babouches. Je sais bien que ce n’ est pas l’heure de visiter : le Père des roses est peut-être allé se p
319 able que mystérieux. Aussi, la confusion des noms ne comporte aucun symbole à développer noblement. Une chute dans le quot
320 ok’s tickets remplacent l’exigence intérieure. On n’ avoue que des désirs archéologiques, d’ailleurs mensongers. Alors que
321 ntaisie, c’est bien joli !… » — Non, Monsieur, ce n’ est pas joli, ce n’est pas fantaisie. Je parle simplement de vérité et
322 joli !… » — Non, Monsieur, ce n’est pas joli, ce n’ est pas fantaisie. Je parle simplement de vérité et de mensonge, oppos
323 e l’on parlait français. J’expliquais donc que je ne voyage qu’au hasard, et pour rien ni personne. Sur quoi : « Monsieur
324 rêt », le « prix de l’action » et leur morale qui ne parle que d’obligations dont on ne saurait à la légère se débarrasser
325 eur morale qui ne parle que d’obligations dont on ne saurait à la légère se débarrasser sans courir les risques12 les plus
326 ux grandes lignes verticales peinturlurées — elle n’ a rien d’étrange, si l’on songe que nous sommes en Hongrie. Et ce n’es
327 , si l’on songe que nous sommes en Hongrie. Et ce n’ est pas que je trouve ce raisonnement fin, encore que juste, mais si j
328 e juste, mais si je me défends du pittoresque, ce n’ est qu’amour jaloux du merveilleux, avec quoi l’on est trop souvent te
329 air de rien que nous sommes presque excusables de ne le point apercevoir.) Je vais cependant dire quelque chose d’une scèn
330 sur un long corridor hanté d’ombres drapées, qui ne sont pas des nonnes, bien que les voûtes soient celles d’un ancien co
331 se réchauffent sur les degrés du poêle, celles-là ne chantant pas. Parmi elles, des Tziganes, dont l’une affreusement bell
332 eusement belle dans un peignoir noir et blanc… Je ne puis avaler mon verre de ce café trop amer qui pince la gorge. Dehors
333 e café trop amer qui pince la gorge. Dehors, nous ne parlons pas : le froid paralyse la mâchoire. 6. Doutes sur la natu
334 est pour des raisons techniques. (Est-ce que cela ne devrait pas, au contraire, aggraver le cas ?) Or l’intérêt d’un récit
335 raver le cas ?) Or l’intérêt d’un récit de voyage ne réside pas dans sa vérité générale, mais bien se réfugie dans sa part
336 rticulière véracité, vertu décevante comme ce qui ne ressemble à rien, gênante comme un cadeau de pauvre, comme un vrai ca
337 nale, et seulement à condition de lui ressembler, ne fût-ce que de loin, — c’est alors ce qu’on appelait un paradoxe, du t
338 nfiniment baroque, à peine compréhensible, car on ne choisit pas un sujet : on est sujet. Et tout ceci n’est rien que le v
339 choisit pas un sujet : on est sujet. Et tout ceci n’ est rien que le voyage du Sujet à la recherche de son Objet, — en pass
340 symboliquement vide. Quant à l’arbre de Noël, il ne devait à nulle pendeloque insolite l’étrangeté de son éclat. Alors je
341 e vous avez sous la langue ; je vous conseille de n’ y plus penser quelque temps… Car on ne trouve vraiment que ce qu’on a
342 onseille de n’y plus penser quelque temps… Car on ne trouve vraiment que ce qu’on a consenti de ne pas trouver sur l’heure
343 on ne trouve vraiment que ce qu’on a consenti de ne pas trouver sur l’heure. (En petit et intéressé, ce geste s’appelle c
344 de saint Étienne. Auprès du porche du Palais, ils n’ étaient guère qu’une centaine de curieux, et quelques gardes. Traversa
345 alut, les quelques députés bourgeois en redingote ne répondent que du bout des doigts, crainte, sans doute, de troubler l’
346 nstable des huit reflets de leur dignité. Mais je n’ oublierai pas le sourire de ce vieux prince : un vrai sourire, adressé
347 te nue, qui exprime l’être profond de la race. On ne discute pas cet amour, on ne réfute pas cette haine. Ici, la sympathi
348 ofond de la race. On ne discute pas cet amour, on ne réfute pas cette haine. Ici, la sympathie est un devoir de politesse.
349 a volé les deux tiers de notre patrie ? » Ah ! ce n’ est pas vous, maintenant, qui allez demander raison à vos hôtes de la
350 éritable légitimité — on comprend que le Hongrois n’ ait point conservé une extrême sensibilité aux arguments de « droit »
351 grandeur éternelle de la Hongrie — intemporelle, n’ ayant cure des statistiques — et sa douleur aussi, douleur d’orgueil b
352 s qui emporte la sympathie car l’orgueil hongrois n’ est point de ce que l’on gagne sur autrui, mais de ce que l’on est ; n
353 ines et des enfants. C’est parce que les Hongrois n’ ont pas perdu le sentiment qu’ils sont en scandale au monde moderne. V
354 sont en scandale au monde moderne. Voilà ce qu’on ne dit pas dans les dépêches d’agence : les journalistes, une fois de pl
355 is de plus, passent à côté de l’essentiel13. Rien n’ est grave, que le sentiment, — en politique comme ailleurs. Songez à c
356 du moins, de mentir à soi-même. Mais les Hongrois ne renient pas leur romantisme. Quelle revanche prendrait la Hongrie, su
357 d’imaginations absurdes et de souffrances vraies, n’ est-ce point le climat de la passion ? — C’est celui de la Hongrie14.
358 Dieu roi de Hongrie. Bonjour, citoyens ! Si vous ne venez pas tous vous présenter au roi, vous perdrez la tête. Donné à B
359 . Visite à Babits Personne, à ma connaissance, ne se plaint de ce qu’il y a peu de poètes par le monde. C’est dans l’or
360 sayer d’obtenir : que la grande majorité des gens ne deviennent pas enragés dès qu’ils perçoivent de la poésie dans l’air.
361 près d’être comblé dans ce pays où les courtiers ne donnent pas encore le ton. La littérature hongroise n’est guère connu
362 nnent pas encore le ton. La littérature hongroise n’ est guère connue à l’étranger que par quelques pièces légères de Molná
363 er que par quelques pièces légères de Molnár, qui n’ ont de hongrois que l’auteur, d’ailleurs israélite. Il y a, bien enten
364 tachée du flanc de la colline, pour que les vents ne l’emportent pas. L’après-midi est immense. Nous buvons des vins dorés
365 hension des journalistes la ruse hongroise qu’ils ne peuvent pas déjouer, car le Hongrois est ingénument rusé, à la façon
366 e passion » — pour parler comme le seul Clerc qui n’ ait pas trahi — qui me paraissent être la grandeur de la Hongrie, on m
367 autres, belliqueux. Or je suis pacifiste. Comment ne pas l’être ? Mais je crois que les pacifistes qui veulent assurer la
52 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Hölderlin, La Mort d’Empédocle et Poèmes de la folie (octobre 1930)
368 paru simultanément, et l’on annonce Hypérion. Il ne manquera plus que les longs poèmes de la maturité — mais ceux-là diff
369 ut obsédé. Empédocle est de ces mythes tels qu’il n’ est peut-être pas donné à une race d’en créer plus d’un, c’est-à-dire
370 autre seulement d’une plus faible… Le grand poète n’ est jamais abandonné par lui-même ; il peut au-dessus de lui-même, s’é
371 hauteur tout comme dans la profondeur ». Comment ne point songer ici au génie qui, dans le même temps, figure l’antithèse
372 t, — si ces mots séparés par des suites de points ne lui servaient qu’à noter des mètres, il apparaît que la traduction de
373 raduction de tels fragments est illusoire, car on ne peut songer à remplacer ces mots-notes par des syllabes de valeur ryt
374 nt choisis et traduits à la suite des poèmes, ils ne sont pas ce que ce petit livre contient de moins bouleversant. bi.
53 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Voyage en Hongrie II (novembre 1930)
375 serais tenté de me complaire. Oh ! je sais ! — Je ne sais plus. — Le train s’attarde dans sa fumée, on respire une lourde
376 respire une lourde obscurité qui sent l’enfer. Je ne pense plus qu’ « au souffle »… Mais alors tout s’allume et voici la n
377 ivresse considérée comme un des beaux-arts Ils n’ ont plus de noms, ils ne sont qu’une ivresse aux cent visages, lorsque
378 un des beaux-arts Ils n’ont plus de noms, ils ne sont qu’une ivresse aux cent visages, lorsque j’entre dans l’atelier
379 es, lorsque j’entre dans l’atelier du peintre. Je ne tarde pas à oublier ce qui est lent ou fixe ou pas-à-pas. Tout s’épan
380 stique exubérante. Quand je dis que j’observe, je n’ observe rien. Il y a des femmes si belles qu’on en ferme les yeux. Que
381 n ferme les yeux. Quel style dans la liberté ! Il n’ y a plus qu’ici qu’on aime l’ivresse comme un art. Et qu’on soigne sa
382 ns la sciure ou dans le gâtisme. On trouve que ça n’ est pas distingué, et en effet, que serait un lyrisme distingué ? Il f
383 ières et les belles manières. Et quant à ceux qui n’ ont pas le pouvoir de s’enivrer, ils auront toujours raison, mais n’au
384 ir de s’enivrer, ils auront toujours raison, mais n’ auront que cela, car c’est l’ivresse15 seulement qui permet à l’esprit
385 ndre ! Mais vous, derrière ma tête, Sans Noms, ça ne sera pas encore pour cette fois. 13. Chansons hongroises Les Su
386 e impassible. Mais rien dans la chanson hongroise ne rappelle la nostalgie traînante des lieder de l’Oberland : ici la mél
387 mains pleines de drôleries ou de supplication. Je ne sais ce que disent les paroles. Je vois des chevauchées sous le solei
388 sme et de passion, et c’est là son miracle. Si tu n’ as pas le sens de la musique, conserve quelque espoir de t’en tirer. S
389 rt pour la Hongrie sans talisman, s’il a du cœur, n’ en revient plus. 15. La plaine et la musique L’ouverture de Stra
390 ne Symphonie-Dichtung borodinesque, mais l’erreur n’ est imputable qu’à mon instabilité rythmique. (Trop souvent ce que je
391 s traverse ce que j’entends.) La plaine hongroise n’ est pas monotone, parce qu’elle est d’un seul tenant. Rien qui fasse r
392 asse répétition. C’est ici le premier pays que je n’ ai pas envie d’élaguer ; dont je ne me compose pas de morceaux choisis
393 er pays que je n’ai pas envie d’élaguer ; dont je ne me compose pas de morceaux choisis16. Il y a une grande ville, un gra
394 une terre vierge, je veux dire que la bourgeoisie ne s’y est pas encore répandue. Il y a peu de bourgeois en Hongrie. Il y
395 trams. Les habitants de Debrecen se plaignent de n’ avoir pas ce faux confort que nous n’avons qu’au prix de tout ce qu’à
396 plaignent de n’avoir pas ce faux confort que nous n’ avons qu’au prix de tout ce qu’à Debrecen je viens admirer. On aime le
397 versitaire tout rajeuni dans des jardins luisants ne m’empêchera pas de m’y sentir au bout d’un monde, au bord extrême de
398 i qu’une autre vient d’ailleurs, entraînée par je ne sais quel vent sonore qui l’étire et l’égare, et l’enroule et d’un co
399 l’égare, et l’enroule et d’un coup la subtilise, ne laissant plus qu’un long silence soutenu, comme un appel à la rafale
400 la vague toujours un peu plus haute que profonde ne fut l’attente, et lâche tout. C’est l’âme qui joue aux montagnes russ
401 ici que le petit train en rumeur depuis un moment ne redescend plus : il gouverne avec une vertigineuse docilité dans les
402 e perd avec lui vers le désert et ses mirages. On ne sait d’où tu viens, tu ne sais où tu vas, peuple de perdition, Peuple
403 sert et ses mirages. On ne sait d’où tu viens, tu ne sais où tu vas, peuple de perdition, Peuple inconnu, — mais c’est toi
404 ) — et me voici plus seul, avec une nostalgie qui ne veut pas de la romance à mon oreille d’un violoneux qui me croit tris
405 musique seule s’en souvient. Trésor si pur qu’on ne doit même pas savoir qu’on le possède… Tout près d’ici, peut-être, ma
406 ble. Lève-toi, pars, et sans vider ton verre — il n’ y a pure ivresse que de l’abandon —, car voici qu’à son tour il s’égar
407 s eaux, je crois, s’en vont à la mer Noire, et je n’ en connais pas les fées, c’est pourquoi je nageais à brasses prudentes
408 épiant la venue d’une joie inconnue. Joie d’être n’ importe où… évadé ? Mais soudain, c’est au silence que je me heurte, c
409 me heurte, comme réveillé dans l’absurdité d’être n’ importe où. Une panique balaye la nuit déserte jusqu’à l’horizon. Où v
410 i t’appelle là-bas, maintenant, maintenant, où tu n’ es pas — et tant d’amour perdu… Un train dormait devant la gare campag
411 et cet abruti de contrôleur qui rit et me dit je ne sais quoi, — alors que justement j’allais rattraper, comme un pan de
412 de sur place qu’est un voyage en express. Mais je ne trouvais pas la pente de mon esprit, et tout en le parcourant avec un
413 puis un moment, c’est que la ligne est droite. Je ne sais plus dans quel sens je roule. J’aime ces heures désorientées ; l
414 rientées ; le sentiment du « non-sens » de la vie n’ est-il pas comparable à ce que les mystiques appellent leur désert, — 
415 érer nos raisons de vivre. La maladie aussi. Rien ne ressemble au voyage comme la maladie. C’est la même angoisse au dépar
416 vers le soir, tu t’éveilles dans une lueur jaune, ne sachant plus en quel endroit du temps tu vis, — c’en est fait, toutes
417 pas une question de transport. Un vrai voyage, on ne sait jamais où cela mène, c’est une aventure qui relève de la métaphy
418 t… (Encore un qui se réveille dans ma tête.) — On ne voyage jamais que dans son propre sens ! — Mais il faut voyager pour
419 ger pour découvrir ce sens ! — Qu’as-tu vu que tu n’ étais prêt à voir ? — Mais il fallait aller le voir ! La vie est presq
420 La vie… (une sorte de cauchemar de la pensée, qui ne peut plus s’arrêter de penser). Se peut-il qu’on cherche le sens de l
421 miens, j’oubliais ma race, j’avais l’illusion de n’ être rien que… moi-même. Identique à mon centre. Ici, comparé à tant d
422 à la tête, mais je suis innocent puisque enfin il n’ est pas dans ma valise, ce n’est que trop certain. Cependant, « rien à
423 ent puisque enfin il n’est pas dans ma valise, ce n’ est que trop certain. Cependant, « rien à déclarer » après des semaine
424 qu’a-t-on jamais pu « déclarer » d’important ? Je ne sais plus parler en vers et la prose n’indique que les choses les plu
425 tant ? Je ne sais plus parler en vers et la prose n’ indique que les choses les plus évidentes. C’est bien pourquoi l’Objet
426 s les plus évidentes. C’est bien pourquoi l’Objet n’ a pas de nom. Parfois je me suis demandé s’il n’était pas une sorte de
427 t n’a pas de nom. Parfois je me suis demandé s’il n’ était pas une sorte de pierre philosophale. Peut-être ces deux mots su
428 -être, la cherchent. Et qui sait si vraiment elle n’ existe plus, l’Hermétique Société18  de ceux qui ne désespèrent pas en
429 ’existe plus, l’Hermétique Société18  de ceux qui ne désespèrent pas encore du Grand Œuvre ? Cela seul est certain : qu’il
430 ce de l’Objet deviendrait plus probable ? Ou bien n’ ai-je su voir autre chose que la Hongrie de mes rêves, ma Hongrie inté
431 le dont tout le monde se réclame et dont personne ne vit… Et certes un tel amour est un amour mineur. Mais qui saura jamai
432 nant ; je me suis sans doute perdu et pourtant je n’ éprouve qu’une étrange sécurité. Présence, présence réelle… Comme j’ai
433 Comme j’ai peine à m’imaginer que jamais plus je ne la reverrai, cette lumière en ce lieu, secrète et familière. Songeant
434 — mais à cet endroit, en ce temps… Qui sait si tu ne l’as pas reçue ? Une qualité, une tendresse, quelque similitude… Oh !
435 vies, pour approcher de tous côtés un But dont tu ne sais rien d’autre que sa fuite : n’est-il pas cet Objet qui n’ait rie
436 n But dont tu ne sais rien d’autre que sa fuite : n’ est-il pas cet Objet qui n’ait rien de commun avec ce que tu sais de t
437 d’autre que sa fuite : n’est-il pas cet Objet qui n’ ait rien de commun avec ce que tu sais de toi-même en cette vie ? Mais
438 u monde, effacer ta dernière différence, — car on ne voit que ce qui est de soi-même, et conscient… C’est à cause d’un par
439 sentiments indéfinis, à cause de ce pari dont tu n’ as vu l’enjeu qu’un seul instant — nos rêves sont instantanés — que tu
440 ne — lit-on dans les upanishads. — Or si un homme n’ est pas satisfait dans la lune, celle-ci le libère (le laisse aller ch
441 me de pluie. » Si je trouvais un jour l’Objet, il ne me resterait qu’à le détruire. (Aussitôt je commence à comprendre ce
442 endrait acceptable ce monde…) Malheur à celui qui ne cherche pas. Malheur à celui qui ne trouve pas. Malheur à celui qui s
443 r à celui qui ne cherche pas. Malheur à celui qui ne trouve pas. Malheur à celui qui se complaît dans ce qu’il trouve.
444 e de Rakoczy est l’œuvre d’une Tzigane. 18. L’or n’ était qu’un prétexte. Déjà une blague de passeport. bj. Rougemont De
54 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Charles Du Bos, Approximations, 4e série (novembre 1930)
445 Approximations, 4e série (novembre 1930)bk Je n’ ai jamais cherché rien d’autre que d’approcher mon sujet, en m’identif
446 re, je persiste à tenir pour le plus efficace. Ce n’ est peut-être pas fortuitement que M. Charles Du Bos a placé cette par
447 es sentir moins insistants, moins concertés. Mais n’ est-ce pas là un défaut qui relève de la nature même d’un esprit « cri
448 borde un Pater, un George non pas autrement qu’il n’ aborderait un génie français, et sur un pied véritablement européen. L
449 l, qui déborde le plan esthétique, la littérature ne constitue pas moins un cas privilégié. Et parce que M. Du Bos ne cess
450 s moins un cas privilégié. Et parce que M. Du Bos ne cesse de la soumettre à des contrôles éthiques autant qu’esthétiques,
451 tout ensemble lui conviennent. On le conçoit, ce n’ est pas là se rendre la tâche facile. Cernant de toutes parts son suje
452 ées, et progresse par des voies si subtiles qu’il ne doit qu’à un sens exceptionnel de l’orientation dans le monde de l’es
453 eur plus conscient de ses propres difficultés que ne saurait l’être le créateur. Car une telle conscience appartient au cr
454 s des personnages ! Mais la grandeur d’un Du Bos, n’ est-elle pas précisément dans son refus de sacrifier jamais l’éthique