1 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts de Verdun (mars 1925)
1 (mars 1925)a Henry de Montherlant, héritier d’ une tradition chevaleresque, mène sa vie comme une ardente aventure. Les
2 d’une tradition chevaleresque, mène sa vie comme une ardente aventure. Les épisodes s’appellent : collège, guerre, sport…
3 ns le Paradis je ne sais quel relent de barbarie, un assez malsain goût du sang. Tout cela s’est purifié dans le Chant fun
4 Tout cela s’est purifié dans le Chant funèbre. Et une phrase telle que « … Nous sommes sûrs de ne pas nous tromper en nous
5 modeste, si peu que ce soit pour la paix », c’est une affirmation qui d’un coup condamne beaucoup d’antérieures protestatio
6 soit pour la paix », c’est une affirmation qui d’ un coup condamne beaucoup d’antérieures protestations belliqueuses. Il n
7 ures protestations belliqueuses. Il nous montre «  des Français qui pensent ces carnages inévitables, avec un bref soupir s’
8 ançais qui pensent ces carnages inévitables, avec un bref soupir s’y résignent, puis tablent sur eux, et d’autres qui tien
9 puis tablent sur eux, et d’autres qui tiennent qu’ une telle attitude est responsable de ces carnages ». Naguère il était de
10 t responsable de ces carnages ». Naguère il était des premiers ; il s’affirme aujourd’hui des seconds. C’est pour avoir con
11 il était des premiers ; il s’affirme aujourd’hui des seconds. C’est pour avoir contemplé Verdun, en tête à tête avec le gé
12 de la mort. Mais alors, à quoi sert d’exalter, d’ une si émouvante sorte, les soldats déjà légendaires de Verdun, et ce « h
13 « haut ton de vie » qu’ils trouvaient au front. D’ une phrase, il justifie son livre : « Ranimons ces horreurs pour les voul
14 eurs pour n’en pas trop descendre ». N’est-ce pas une éclatante mise au point ? Et venant de l’auteur du Songe, d’un de ces
15 mise au point ? Et venant de l’auteur du Songe, d’ un de ces hommes qui « descendirent » du front dans notre paix lassée, n
16 u front dans notre paix lassée, ne prend-elle pas une pathétique signification ? Pourtant ici encore transparaît un doute,
17 e signification ? Pourtant ici encore transparaît un doute, parfois : « On craint d’être injuste en décidant si… cette abs
18 maintes reprises, dans cette œuvre d’affirmation, une telle inquiétude, un amer « à quoi bon » percèrent soudain… Mais Mont
19 cette œuvre d’affirmation, une telle inquiétude, un amer « à quoi bon » percèrent soudain… Mais Montherlant se redresse v
20 c’est autre chose que l’absence de guerre, c’est une paix que travaillerait le levain des vertus guerrières. « Il faut que
21 uerre, c’est une paix que travaillerait le levain des vertus guerrières. « Il faut que la paix, ce soit vivre. » Par tout u
22 « Il faut que la paix, ce soit vivre. » Par tout un livre libéré de souvenirs héroïques, peut-être trop grands pour la pa
23 Toute son œuvre pourrait se définir : la lutte d’ un tempérament avec la réalité. Tantôt c’est l’un qui veut plier l’autre
24 is —, tantôt c’est l’autre qui impose son absolu. Une soumission au réel durement consentie, voilà ce que nous admirons dan
25 ester digne de son rôle et vraiment le coryphée d’ une génération casquée. Feu consumateur de toute faiblesse, flamme d’une
26 uée. Feu consumateur de toute faiblesse, flamme d’ une pureté si rare en notre siècle, qu’elle paraît parfois, lorsque la to
27 e de Douaumont. Puis la vie l’exalte de nouveau d’ un large vent de joie. a. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Henry
2 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Breton, Manifeste du surréalisme (juin 1925)
28 on, Manifeste du surréalisme (juin 1925)b Sous une « vague de rêves », la logique, dernier agent de liaison de nos espri
29 érir. C’est du moins ce que proclame M. Breton en un manifeste dont la pseudo-nouveauté nous retiendra moins que la signif
30 ns d’ingénieuses métaphores quiconque chercherait une idée là-dessous, — ne réussit pas toujours chez Breton à masquer la b
31 Ces principes ? Ils se laissent hélas résumer en un court article de dictionnaire : « Surréalisme, n.m. Automatisme psych
32 e. » (p. 42). Le surréalisme ne serait-il donc qu’ une sorte de méthode des textes généralisée ? Point du tout ! Il paraît q
33 éalisme ne serait-il donc qu’une sorte de méthode des textes généralisée ? Point du tout ! Il paraît qu’il est la seule att
34 ientes M. Breton peut-il préconiser l’existence d’ une littérature fondée sur de tels principes ? Le Rêve est la seule matiè
35 . Toute poésie est incommunicable, le poète étant un simple sténographe de ses rêves. Soit. De ces faits, je tire cette co
36 re cette conclusion pratique : inutile de publier des poèmes. Éluard le comprenait, qui écrivit : « Quand les livres se lir
37 livres se liront-ils d’eux-mêmes, sans le secours des lecteurs ? Quand les hommes se comprendront-ils individuellement ? »
38 ront-ils individuellement ? » Que M. Breton donne des « recettes pour faire un poème » cette mystification est dans la logi
39 ? » Que M. Breton donne des « recettes pour faire un poème » cette mystification est dans la logique de ses principes, mai
40 me seraient-elles perceptibles que par le fait d’ une fortuite coïncidence entre l’univers du poète et le mien ? Je compren
41 étrables. Je crois même voir que M. Breton serait un très curieux poète s’il ne s’efforçait de donner raison aux 75 pages
42 il voulut nous persuader que tout poème doit être une dictée non corrigée du Rêve. Je reconnais à chaque ligne de Poisson s
43 poétique » qui, avoue Rimbaud, entre encore pour une grande part dans l’« alchimie du verbe » ; et je ne puis m’empêcher d
44 i scolaire ? À donner le change sur la pauvreté d’ un art purement formel. Car c’est ici le tragique de cette mystification
45 s. Plaisante ironie, si cette attitude n’était qu’ une protestation contre nos poncifs intellectuels. Mais elle risque bien
46 lectuels. Mais elle risque bien de nous en rendre un peu plus esclaves. Car depuis Freud — dont ils se réclament imprudemm
47 ment, — on sait ce que c’est que la « liberté » d’ un esprit pur de tout finalisme ! Surréalisme S.A., entreprise pour l’ex
48 Dada S.A. Ce n’est pas ainsi que nous sortirons d’ une anarchie dont les causes semblent avant tout morales. Les tendances e
49 semblent avant tout morales. Les tendances encore un peu vagues d’un groupe tel que Philosophies laissent pressentir des r
50 out morales. Les tendances encore un peu vagues d’ un groupe tel que Philosophies laissent pressentir des révolutions plus
51 n groupe tel que Philosophies laissent pressentir des révolutions plus réelles. On souhaite qu’après faillite faite, les su
52 es surréalistes trouvent à montrer leur talent en des jeux moins lassants. Dada, éclat de rire d’un désespoir exaspéré, com
53 en des jeux moins lassants. Dada, éclat de rire d’ un désespoir exaspéré, commandait une certaine sympathie. L’agaçant, ave
54 éclat de rire d’un désespoir exaspéré, commandait une certaine sympathie. L’agaçant, avec les surréalistes, c’est que — pou
55 avec les surréalistes, c’est que — pour reprendre un mot de Cocteau — ils « embaument de vieilles anarchies ». L’ironie qu
56 L’ironie qui sauva Dada du ridicule le cède ici à un ton de mage qui ne fera plus longtemps impression. C’est grand dommag
57 : Aragon, Éluard. Sans oublier Breton, enchanteur des images qui peuplent les ténèbres. b. Rougemont Denis de, « [Compte
3 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Colin, Van Gogh (août 1925)
58 août 1925)c Le nouveau volume de la collection des « Maîtres de l’art moderne » est au moins le cinquième ouvrage publié
59 e sur Van Gogh, depuis 1922. Il contient pourtant des vues assez neuves. M. Colin s’est contenté de narrer les faits de la
60 de narrer les faits de la vie de Vincent, mais d’ une telle manière que des conclusions critiques s’en dégagent avec éviden
61 e la vie de Vincent, mais d’une telle manière que des conclusions critiques s’en dégagent avec évidence. Van Gogh fut une p
62 itiques s’en dégagent avec évidence. Van Gogh fut une proie du génie. L’homme tel que nous le peint Paul Colin, est peu int
63 eunes gens prétentieux et sincères qui se croient une vocation, végètent dans des œuvres d’évangélisation, fondent des grou
64 ncères qui se croient une vocation, végètent dans des œuvres d’évangélisation, fondent des groupes dissidents. Le miracle,
65 égètent dans des œuvres d’évangélisation, fondent des groupes dissidents. Le miracle, c’est que le plus sauvage génie ait c
66 racle, c’est que le plus sauvage génie ait choisi un être de cette espèce pour le tourmenter et le transfigurer. Vincent s
67 llet. Mais son manque de talent ne le rebute pas. Une divine violence le travaille. Elle jaillira enfin, dans l’éblouisseme
68 u jour où cette consomption frénétique terrassant un corps minable, il ne restera plus que les flammes, les soleils et aus
69 x. Il faut louer Paul Colin de n’avoir rien caché des médiocrités de cette vie : les reproductions qui suivent sa courte bi
70 ions qui suivent sa courte biographie fournissent un meilleur motif à l’admiration que tout le lyrisme dont on a voulu cha
71 nous laisse à notre émotion devant le spectacle d’ une œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’une œuvre de pur génie. Vincent Va
72 pectacle d’une œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’ une œuvre de pur génie. Vincent Van Gogh, génie sans talent. c. Rougem
4 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Lucien Fabre, Le Tarramagnou (septembre 1925)
73 , « Prix Goncourt », curieux homme. Il se livre à des travaux de précision : il calcule un plan, un poème. Il écrit un livr
74 se livre à des travaux de précision : il calcule un plan, un poème. Il écrit un livre sur Einstein, des articles sur Valé
75 à des travaux de précision : il calcule un plan, un poème. Il écrit un livre sur Einstein, des articles sur Valéry, St Jo
76 récision : il calcule un plan, un poème. Il écrit un livre sur Einstein, des articles sur Valéry, St John Perse. On le vit
77 n plan, un poème. Il écrit un livre sur Einstein, des articles sur Valéry, St John Perse. On le vit naguère en province liq
78 ohn Perse. On le vit naguère en province liquider des stocks américains. Et ses romans, c’est aussi une liquidation : les f
79 des stocks américains. Et ses romans, c’est aussi une liquidation : les faits s’y pressent et s’y bousculent ; de temps à a
80 s’y pressent et s’y bousculent ; de temps à autre une notation d’artiste ou de psychologue se glisse dans leur flot. Voilà
81 ahi, passionné, contraint de suivre jusqu’au bout un roman de 500 pages comme Rabevel. Car si la liquidation des questions
82 de 500 pages comme Rabevel. Car si la liquidation des questions traitées est rapide, elle est complète aussi. On s’étonne d
83 ce que Fabre, disciple de Valéry, puisse rédiger des romans si bouillonnants, si mal équarris. Certes, ce n’est pas lui qu
84 on maître : « La marquise sortit à cinq heures ». Une telle platitude est presque indispensable, mais il s’en permet d’autr
85 permet d’autres qui le sont moins. On n’écrit pas un roman en trois volumes sans y laisser des maladresses et des négligen
86 crit pas un roman en trois volumes sans y laisser des maladresses et des négligences. Mais on ne demande pas non plus au pu
87 n trois volumes sans y laisser des maladresses et des négligences. Mais on ne demande pas non plus au puissant boxeur sur l
88 sur le ring d’être bien peigné. Rabevel, c’était un portrait balzacien du brasseur d’affaires. Le sujet du Tarramagnou, c
89 s paysans sont en train de redevenir serfs, serfs des syndicats et des capitalistes des villes. Mais dans une de ces provin
90 train de redevenir serfs, serfs des syndicats et des capitalistes des villes. Mais dans une de ces provinces du Midi où le
91 ir serfs, serfs des syndicats et des capitalistes des villes. Mais dans une de ces provinces du Midi où le souvenir des lut
92 ndicats et des capitalistes des villes. Mais dans une de ces provinces du Midi où le souvenir des luttes religieuses encore
93 dans une de ces provinces du Midi où le souvenir des luttes religieuses encore vivace fait que les paysans gardent une méf
94 ieuses encore vivace fait que les paysans gardent une méfiance frondeuse vis-à-vis du gouvernement, le libérateur va se lev
95 du gouvernement, le libérateur va se lever. C’est un descendant de Roland le Camisard, ce « Tarramagnou », ce « petit homm
96 , ce « petit homme de la terre », qui va susciter un formidable mouvement de protestation contre les lois tyranniques. Le
97 du but. Le Tarramagnou voit son œuvre sabotée par des meneurs ; il tente en vain de ressaisir les foules : déjà elles huent
98 ent sa modération. Alors il va se jeter au-devant des troupes accourues, il meurt en clamant la paix. M. Fabre avait là les
99 clamant la paix. M. Fabre avait là les éléments d’ un grand roman : autour d’un sujet de vaste envergure, et brûlant, une i
100 avait là les éléments d’un grand roman : autour d’ un sujet de vaste envergure, et brûlant, une intrigue puissante, des per
101 autour d’un sujet de vaste envergure, et brûlant, une intrigue puissante, des personnages d’une belle richesse psychologiqu
102 te envergure, et brûlant, une intrigue puissante, des personnages d’une belle richesse psychologique. En fermant le livre o
103 rûlant, une intrigue puissante, des personnages d’ une belle richesse psychologique. En fermant le livre on a presque l’impr
104 qu’il a réussi ce grand roman… Qu’y manque-t-il ? Un style ? L’absence de style, n’est-ce pas le meilleur style pour un ro
105 nce de style, n’est-ce pas le meilleur style pour un romancier ? C’est plutôt, je crois, une certaine harmonie générale da
106 style pour un romancier ? C’est plutôt, je crois, une certaine harmonie générale dans le récit et le ton, surtout dans la p
107 n soit mal construit, au contraire. Mais le tissu des faits se relâche parfois, et les arêtes de la construction apparaisse
108 œuvre d’ailleurs, il reste que le Tarramagnou est un livre émouvant, d’une saine puissance. Il reste que Lucien Fabre a te
109 reste que le Tarramagnou est un livre émouvant, d’ une saine puissance. Il reste que Lucien Fabre a tenté, et en somme, réus
110 te que Lucien Fabre a tenté, et en somme, réussi, une entreprise bien téméraire de nos jours : un roman à thèse aussi intel
111 ssi, une entreprise bien téméraire de nos jours : un roman à thèse aussi intelligent que vivant. d. Rougemont Denis de,
5 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Les Appels de l’Orient (septembre 1925)
112 . La littérature de ces dernières années n’est qu’ une forme de reportage international. L’Europe menant cette immense enquê
113 énie, l’Europe d’aujourd’hui semble chercher dans une confrontation avec l’Orient, plutôt qu’une réelle connaissance de l’O
114 r dans une confrontation avec l’Orient, plutôt qu’ une réelle connaissance de l’Orient, une conscience d’elle-même. C’est pe
115 t, plutôt qu’une réelle connaissance de l’Orient, une conscience d’elle-même. C’est peut-être pour provoquer cette confront
116 uer cette confrontation seulement qu’on a imaginé un péril oriental, car il semble bien que dans le domaine de la culture
117 n en parle, la vraie « question asiatique » étant une question politique. On peut prévoir que si le bouddhisme jouit un jou
118 tique. On peut prévoir que si le bouddhisme jouit un jour d’un renouveau, c’est à quelques savants européens qu’il le devr
119 peut prévoir que si le bouddhisme jouit un jour d’ un renouveau, c’est à quelques savants européens qu’il le devra, tandis
120 es savants européens qu’il le devra, tandis que d’ un mouvement inverse, le christianisme débarrassé de son déguisement gré
121 . Ceci convenu, il faut reconnaître que l’enquête des Cahiers du Mois donne un fort intéressant tableau des multiples réact
122 connaître que l’enquête des Cahiers du Mois donne un fort intéressant tableau des multiples réactions de l’Europe placée d
123 Cahiers du Mois donne un fort intéressant tableau des multiples réactions de l’Europe placée devant le dilemme Orient-Occid
124 . Car la plupart des enquêtés se font de l’Orient une représentation vague et poétique. « Orient…, toi qui n’as qu’une vale
125 ion vague et poétique. « Orient…, toi qui n’as qu’ une valeur de symbole », a dit A. Breton. C’est de cet Orient qu’il s’agi
126 » On confond Japon et Arabie, Indes et Chine sous une dénomination qui n’a de sens que par rapport à l’Europe. Il serait va
127 par rapport à l’Europe. Il serait vain de tenter un classement parmi les réponses d’une extraordinaire diversité — peut-ê
128 vain de tenter un classement parmi les réponses d’ une extraordinaire diversité — peut-être trop nombreuses — qui composent
129 onclusions tirées de points de vue semblables, qu’ un esprit analytique et organisateur d’occidental se perdra ici dans un
130 e et organisateur d’occidental se perdra ici dans un ensemble kaléidoscopique d’idées et de jugements contradictoires, et
131 rs de l’écrivain. Énumérons pourtant quelques-uns des points de vue les plus riches ou les mieux définis. Pour Valéry, la s
132 t la déplorent. Plusieurs jeunes songent que dans une Europe vieillie, les parfums puissants de l’Asie sauront encore éveil
133 eiller de beaux rêves. Il y a ceux qui repoussent une Asie ignorante du thomisme et ceux qui pensent inévitable le choc de
134 t inévitable le choc de deux mondes, et que seule une intime connaissance mutuelle l’adoucira. Il y a ceux qui à la suite d
135 me, religion missionnaire, ne peut nous donner qu’ une supériorité provisoire et qui porte en son principe le germe de sa de
136 le défaut de n’être pas suffisamment motivées par des faits et des documents. Pour beaucoup, l’Orient n’est qu’un prétexte
137 n’être pas suffisamment motivées par des faits et des documents. Pour beaucoup, l’Orient n’est qu’un prétexte à variations
138 t des documents. Pour beaucoup, l’Orient n’est qu’ un prétexte à variations sur le thème favori. M. Massis, par exemple, qu
139 ri. M. Massis, par exemple, qui cependant produit un grand nombre de citations à l’appui de ses sophismes, ne se livre pas
140 l’appui de ses sophismes, ne se livre pas moins à des déductions in abstracto qui le mènent à des conclusions de ce genre :
141 ins à des déductions in abstracto qui le mènent à des conclusions de ce genre : si nous trouvons le moyen de « suppléer à l
142 s le moyen de « suppléer à l’éducation historique des peuples chrétiens qui n’ont pas eu de Moyen Âge », nous pourrons amen
143 si étroitement particularisé pourtant, à l’usage des Latins…). Quant aux orientalistes, qui, eux, apportent des documents,
144 s…). Quant aux orientalistes, qui, eux, apportent des documents, savent de quoi ils parlent, ils se récusent lorsqu’il s’ag
145 nt, ils se récusent lorsqu’il s’agit de conclure. Un écrivain grec, M. Embiricos, a trouvé la formule qui définit ce que l
146 e rôle de l’Europe « conscience du monde », entre une Amérique affolée de vitesse, édifiant ses gratte-ciel comme des tours
147 ffolée de vitesse, édifiant ses gratte-ciel comme des tours de Babel, et une Asie immobile dans sa méditation éternelle.
148 iant ses gratte-ciel comme des tours de Babel, et une Asie immobile dans sa méditation éternelle. e. Rougemont Denis de,
149 « [Compte rendu] Les Appels de l’Orient (n° 9-10 des Cahiers du Mois) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genè
6 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Prévost, Tentative de solitude (septembre 1925)
150 925)f « Dès que nous sommes seuls, nous sommes des fous. Oui, le contrôle de nous-mêmes ne joue que soutenu par le contr
151 r le contrôle que les autres nous imposent », dit un héros de Mauriac. C’est un « homme seul » qu’a peint « par le dedans 
152 s nous imposent », dit un héros de Mauriac. C’est un « homme seul » qu’a peint « par le dedans » M. Jean Prévost, en un sa
153 qu’a peint « par le dedans » M. Jean Prévost, en un saisissant raccourci psychologique. « Tout homme normal est fait de p
154 il l’a poussé impitoyablement dans sa recherche d’ un absolu qui se trouve être le néant. Pour finir il « l’écrabouille ».
155 ute expérience, elle n’en est pas moins probante. Une œuvre d’art que ce petit livre ? C’est avant tout une démonstration ;
156 œuvre d’art que ce petit livre ? C’est avant tout une démonstration ; mais, puissante de sûreté et d’évidence, elle a cette
157 évidence, elle a cette beauté froide et massive d’ un théorème de Spinoza. Une ironie dure, la densité du style révèlent se
158 eauté froide et massive d’un théorème de Spinoza. Une ironie dure, la densité du style révèlent seules l’écrivain ; et auss
7 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Almanach 1925 (septembre 1925)
159 ï, Hauptmann et Maeterlinck. On trouve au tableau des auteurs édités depuis lors les grands noms de la littérature européen
160 ittérature européenne d’avant-guerre mêlés à ceux des maîtres du renouveau idéaliste allemand et viennois, Hesse, Hofmannst
161 auteurs qui composent l’Almanach Fischer donnent une juste idée de ce que fut la littérature d’avant-garde entre 1900 et 1
162 tre 1900 et 1910. Depuis, la maison paraît s’être un peu embourgeoisée… Disons plutôt que voici venu le temps de la moisso
163 que voici venu le temps de la moisson, — le temps des éditions d’œuvres complètes. g. Rougemont Denis de, « [Compte rend
8 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Otto Flake, Der Gute Weg (septembre 1925)
164 alité, du moins faut-il le louer d’avoir conservé une vision générale de notre temps et un évident besoin d’impartialité. S
165 ir conservé une vision générale de notre temps et un évident besoin d’impartialité. Son art bénéficie de cette vision. Je
166 es meilleurs arguments. Et peu à peu surgissent d’ une accumulation de petites touches précises des types d’après-guerre d’u
167 nt d’une accumulation de petites touches précises des types d’après-guerre d’une étrange vérité. Aux prises avec les problè
168 tites touches précises des types d’après-guerre d’ une étrange vérité. Aux prises avec les problèmes sociaux et le luxe le m
169 la Russie, vers le passé, vers l’Orient, tentant des amours nouvelles et les fuites les plus folles hors de la réalité, il
170 s les plus folles hors de la réalité, ils forment un cortège pittoresque et désolant à celui qui, revenu de l’étranger dan
9 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et un prologue (septembre 1925)
171 Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et un prologue (septembre 1925)j M. Valéry Larbaud est vraiment un étonn
172 eptembre 1925)j M. Valéry Larbaud est vraiment un étonnant esprit. Pour présenter au public français cette œuvre « d’im
173 ndonner à l’émotion communicative de qui découvre un sommet ? Point. Précision, modération dans le jugement, humour léger,
174 critique. Ce n’est que dans sa discrétion à louer une grande œuvre qu’on trouvera la mesure de son admiration et le gage de
175 que les Trois nouvelles exemplaires ne suscitent un intérêt très profond : elles nous transportent au cœur de préoccupati
176 elles nous transportent au cœur de préoccupations des plus modernes, problème de la réalité littéraire, problème de la pers
177 Prologue pourrait presque aussi bien être celui d’ une pièce de Pirandello. N’annonce-t-il pas que les personnages des trois
178 irandello. N’annonce-t-il pas que les personnages des trois nouvelles « sont réels, très réels, de la réalité la plus intim
179 tendu de la personnalité. Tandis que chez Unamuno une volonté d’action les possède, les exalte, les affole. Les plus beaux
180 Gomez cynique et puissant de confiance en soi, qu’ une volonté presque inhumaine torture et conduit au crime. Et s’ils s’imp
181 r obsédante volonté. Car on imagine difficilement un art plus dépouillé de détail extérieur ou d’enjolivure. La lecture de
182 ’enjolivure. La lecture de ces trois tragédies, d’ une classique sobriété mais d’une brutalité et d’une ironie romantiques,
183 trois tragédies, d’une classique sobriété mais d’ une brutalité et d’une ironie romantiques, laisse la même impression de g
184 ’une classique sobriété mais d’une brutalité et d’ une ironie romantiques, laisse la même impression de grandeur désolée qu’
185 laisse la même impression de grandeur désolée qu’ un Greco. Mais il n’y a pas les couleurs, ni l’amère volupté des formes.
186 ais il n’y a pas les couleurs, ni l’amère volupté des formes. Une sensation de barre d’acier sur la nuque. j. Rougemont
187 pas les couleurs, ni l’amère volupté des formes. Une sensation de barre d’acier sur la nuque. j. Rougemont Denis de, « 
188 Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et un prologue  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, sep
10 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de la pensée française (octobre 1925)
189 . M. Seillière cherchait dans l’époque romantique un témoin dont le jugement eut « l’autorité d’un verdict essentiellement
190 que un témoin dont le jugement eut « l’autorité d’ un verdict essentiellement chrétien sur le mysticisme naturiste ». Il ne
191 erne champion. Pour ce qui concerne le Vinet juge des romantiques, il n’a pas eu trop de peine à l’annexer à son propre cor
192 i il insiste sur le fait que Vinet se déclarait «  un chrétien sans épithète ». Croit-il éluder ainsi le protestantisme de
193 Ne voit-il pas que rien n’est plus protestant qu’ une telle attitude ? Mais ces réserves sont de peu d’importance si l’on s
194 it trouvé. Mais sa position purement chrétienne — un mysticisme de cadre solidement moral, c’est-à-dire rationnel, dit M.
195 ère — me paraît infiniment plus forte que celle d’ un Maurras ou que celle d’un Maritain. Son unité est plus réellement pro
196 plus forte que celle d’un Maurras ou que celle d’ un Maritain. Son unité est plus réellement profonde, son point d’appui p
197 ui plus central. Pour notre époque déchirée entre un thomisme et un nihilisme exaspérés, pour notre nouveau mal du siècle,
198 . Pour notre époque déchirée entre un thomisme et un nihilisme exaspérés, pour notre nouveau mal du siècle, il n’est peut-
11 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Gravitations (décembre 1925)
199 e la mer ? » « Quel est cet homme dont l’âme fait des signes solennels ? » Une voix lente aux méandres songeurs, une simpli
200 et homme dont l’âme fait des signes solennels ? » Une voix lente aux méandres songeurs, une simplicité qui n’est pas famili
201 lennels ? » Une voix lente aux méandres songeurs, une simplicité qui n’est pas familière. C’est bien la poésie d’une époque
202 é qui n’est pas familière. C’est bien la poésie d’ une époque tourmentée dans sa profondeur, mais qui se penche sans vertige
203 notre temps ! Au-dessus de la trépidation immense des machines, un Saint-John-Perse, un Supervielle parlent avec des mots d
204 Au-dessus de la trépidation immense des machines, un Saint-John-Perse, un Supervielle parlent avec des mots de tous les jo
205 dation immense des machines, un Saint-John-Perse, un Supervielle parlent avec des mots de tous les jours aux vivants et au
206 un Saint-John-Perse, un Supervielle parlent avec des mots de tous les jours aux vivants et aux morts : Mère, je sais très
207 … Cette chose haute à la voix grave qu’on appelle un père dans les maisons. » Comme Valéry, ce poète sait « des complicité
208 dans les maisons. » Comme Valéry, ce poète sait «  des complicités étranges pour assembler un sourire ». Comme Max Jacob il
209 te sait « des complicités étranges pour assembler un sourire ». Comme Max Jacob il lui arrive de situer une anecdote purem
210 ourire ». Comme Max Jacob il lui arrive de situer une anecdote purement poétique dans un monde qu’il s’est créé. Jamais ban
211 ive de situer une anecdote purement poétique dans un monde qu’il s’est créé. Jamais banal, il est parfois facile : la desc
212 le surréalisme l’ont enrichie d’images…). Je cite des noms : y a-t-il influence ou seulement co-génération ? Pour peu qu’il
213 seulement co-génération ? Pour peu qu’ils sortent des cafés littéraires, nos poètes respirent le même air du temps. Leur or
214 nent. Celui-ci vient à peine de quitter l’air dur des pampas. « Le voilà qui s’avance, foulant les hautes herbes du ciel. »
12 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Simone Téry, L’Île des bardes (décembre 1925)
215 Simone Téry, L’Île des bardes (décembre 1925)m L’Irlande contemporaine offre un spectacle
216 (décembre 1925)m L’Irlande contemporaine offre un spectacle bien passionnant : celui de la renaissance d’une littératur
217 acle bien passionnant : celui de la renaissance d’ une littérature nationale à la fois cause et effet de la libération polit
218 ause, puisque pour mener à chef cette libération, un Yeats, un A.E., bien d’autres, ont su payer de leur personne. Effet,
219 que pour mener à chef cette libération, un Yeats, un A.E., bien d’autres, ont su payer de leur personne. Effet, puisque l’
220 yer de leur personne. Effet, puisque l’héroïsme d’ une révolution en faveur du passé, révolution tout de même, ne pouvait pr
221 , révolution tout de même, ne pouvait produire qu’ une littérature très neuve de forme et traditionaliste d’inspiration, com
222 et traditionaliste d’inspiration, comme fut celle des Yeats, Synge, Joyce même… Trois noms qui permettent, je crois, de par
223 Trois noms qui permettent, je crois, de parler d’ un grand siècle littéraire irlandais ; ce que d’ailleurs Mlle Simone Tér
224 admiration son sens critique de Parisienne. C’est une sympathie malicieuse qui anime ses amusants portraits et ses commenta
225 es amusants portraits et ses commentaires parfois un peu copieux ; mais elle a la vertu de rendre contagieuse la curiosité
226 oit de cette âme irlandaise en laquelle s’allient une fantaisie et un réalisme également lyriques. m. Rougemont Denis de
227 irlandaise en laquelle s’allient une fantaisie et un réalisme également lyriques. m. Rougemont Denis de, « [Compte rend
228 ont Denis de, « [Compte rendu] Simone Téry, L’Île des bardes  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décem
13 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Hugh Walpole, La Cité secrète (décembre 1925)
229 le rôle de la mer Océane avec ses écumeurs ? Déjà un Mac Orlan, un Kessel ont donné de beaux exemples du parti que peut ti
230 mer Océane avec ses écumeurs ? Déjà un Mac Orlan, un Kessel ont donné de beaux exemples du parti que peut tirer le nouveau
231 ance du peuple fou. Belles étincelles échappées d’ un brasier. Pour les causes de l’incendie, voir Dostoïevski. M. Walpole,
232 bien. Quel sujet plus riche pouvait-on rêver pour un psychologue de la puissance de Walpole, que l’âme russe — cette âme r
233 e ». M. Walpole, dont nous commençons aujourd’hui un roman bien différent, a vu la Révolution sans romantisme, dans le dét
234 ution sans romantisme, dans le détail de la vie d’ une ville. Il sait qu’un grand mouvement est la résultante de millions de
235 dans le détail de la vie d’une ville. Il sait qu’ un grand mouvement est la résultante de millions de petits. Voici naître
236 llions de petits. Voici naître la révolution dans un cœur, puis dans une famille. Et une fois le grand bouleversement acco
237 oici naître la révolution dans un cœur, puis dans une famille. Et une fois le grand bouleversement accompli dans la « Cité
238 alpole leur a dévolu le soin d’entrer tantôt dans un foyer, tantôt dans une église, pour constater que la foule ne réagit
239 e soin d’entrer tantôt dans un foyer, tantôt dans une église, pour constater que la foule ne réagit pas autrement que les i
240 té secrète. Pour celle-ci par exemple (caché dans un réduit, Markovitch, l’idéaliste, surprend sa femme, la vertueuse Véra
241 aliste, surprend sa femme, la vertueuse Véra avec un des Anglais) : Ils s’embrassaient comme des gens qui auraient eu fai
242 ste, surprend sa femme, la vertueuse Véra avec un des Anglais) : Ils s’embrassaient comme des gens qui auraient eu faim to
243 avec un des Anglais) : Ils s’embrassaient comme des gens qui auraient eu faim toute leur vie… Markovitch, derrière sa vit
244 e moujik devant le bolchévique violant sa patrie. Une effroyable acceptation, mais elle peut se muer instantanément en révo
245 ermine l’avenir le plus proche. Il n’y a pas même des forces endormies dans l’âme russe : mais des possibilités, à chaque i
246 même des forces endormies dans l’âme russe : mais des possibilités, à chaque instant, d’explosion. Le géant russe est un en
247 à chaque instant, d’explosion. Le géant russe est un enfant : va-t-il rire, va-t-il pleurer ? m’embrasser ou me tuer ? Il
248 est encore ébahi du fracas, le juif survient avec une méthode simplifiée pour l’exploitation des ruines. On sait le reste.
249 t avec une méthode simplifiée pour l’exploitation des ruines. On sait le reste. Tout cela, Walpole ne le dit pas. Mais ses
250 nt en nous : Markovitch par exemple, ou Sémyonov, un cynique secrètement tourmenté qui enchantera M. Gide. n. Rougemont
14 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Adieu, beau désordre… (mars 1926)
251 e sait quoi. On a mis le bonheur devant soi, dans un progrès mal défini, et l’on court après sans fin. Même ceux qui ont p
252 sans fin. Même ceux qui ont perdu la croyance en un bonheur possible ou désirable subissent cette rage désespérée de cour
253 , catastrophe ou révélation, brusque échappée sur des pays nouveaux ou chute irrémédiable. Peut-être pouvons-nous choisir e
254 able. Peut-être pouvons-nous choisir encore entre un ressaisissement profond et la ruine. Mais certes, il est temps qu’une
255 profond et la ruine. Mais certes, il est temps qu’ une lueur de conscience inquiète quelques chefs, montre à quelques meneur
256 lques chefs, montre à quelques meneurs aveugles d’ une société affolée et ridiculement opportuniste où mène la pente de notr
257 a pente de notre civilisation. Meneurs et chefs : des économistes, des financiers, des industriels. Il y a encore les homme
258 civilisation. Meneurs et chefs : des économistes, des financiers, des industriels. Il y a encore les hommes politiques, mai
259 neurs et chefs : des économistes, des financiers, des industriels. Il y a encore les hommes politiques, mais on a si souven
260 vent l’impression qu’ils battent la mesure devant un orchestre qui, sans eux, jouerait aussi bien, aussi mal. Quant aux me
261 ait balayer. Je parle en général, sachant bien qu’ un Romier, un Bainville, quelques autres, sont parmi les plus conscients
262 . Je parle en général, sachant bien qu’un Romier, un Bainville, quelques autres, sont parmi les plus conscients de ce temp
263 ions nouvelles. Toute la jeune littérature décrit un type d’homme profondément antisocial, glorifie une morale résolument
264 un type d’homme profondément antisocial, glorifie une morale résolument anarchiste. Ceux qui s’essaient à l’action, c’est e
265 st encore pour cultiver leur moi. Ils y cherchent un fortifiant, je ne sais quelle excitation, quelle révélation ou quel o
266 xcitation, quelle révélation ou quel oubli. C’est un dilettantisme qu’ils ont peut-être appris dans Barrès. Il leur manque
267 ont peut-être appris dans Barrès. Il leur manque une certitude foncière, une foi en la valeur de l’action. C’est pourquoi
268 ns Barrès. Il leur manque une certitude foncière, une foi en la valeur de l’action. C’est pourquoi ils ne peuvent prétendre
269 Au cœur de la crise de notre civilisation, il y a un problème de morale à résoudre, une conscience individuelle à recréer.
270 isation, il y a un problème de morale à résoudre, une conscience individuelle à recréer. Nous y employer, pour l’heure, c’e
271 complaît à répéter que nous vivons dans le chaos des idées et des doctrines, et qu’il n’existe pas d’esprit du siècle, hor
272 épéter que nous vivons dans le chaos des idées et des doctrines, et qu’il n’existe pas d’esprit du siècle, hors un certain
273 s, et qu’il n’existe pas d’esprit du siècle, hors un certain « confusionnisme ». Mais sous les épaves de tous les vieux ba
274 sous les épaves de tous les vieux bateaux, il y a une seule mer. Nos agitations contradictoires s’affrontent comme des vagu
275 Nos agitations contradictoires s’affrontent comme des vagues soulevées par une même tempête. L’unité de notre temps est en
276 oires s’affrontent comme des vagues soulevées par une même tempête. L’unité de notre temps est en profondeur : c’est une un
277 L’unité de notre temps est en profondeur : c’est une unité d’inquiétude. Barrès et Gide : ils ont construit des édifices t
278 d’inquiétude. Barrès et Gide : ils ont construit des édifices très différents de style, et dont les façades s’opposent ave
279 çades s’opposent avec hostilité. Dans l’intérieur des deux maisons pourtant se débattent les mêmes brouilles de famille ent
280 la libération du moi paraissent bien les ancêtres des nouvelles générations de héros de roman, lesquels sont tous éperdumen
281 uels sont tous éperdument égoïstes. Égoïstes avec une profonde conviction ; par vertu. Ce qui n’a rien d’étonnant : ils ne
282 r. On n’écrit plus pour s’amuser : ni pour amuser un public. Un livre est une action, une expérience. Et, le plus souvent,
283 it plus pour s’amuser : ni pour amuser un public. Un livre est une action, une expérience. Et, le plus souvent, sur soi-mê
284 s’amuser : ni pour amuser un public. Un livre est une action, une expérience. Et, le plus souvent, sur soi-même. On écrit p
285 i pour amuser un public. Un livre est une action, une expérience. Et, le plus souvent, sur soi-même. On écrit pour cultiver
286 pour l’éprouver et le prémunir, pour y découvrir des possibilités neuves, — pour le libérer. Il n’est pas question de rech
287 tion de rechercher ici les origines historiques d’ une conception qui, de plus en plus, se révèle à la base de tous les prob
288 en littérature. Jacques Rivière s’y appliqua dans un de ses derniers articles2. Il rendait responsable de tout le « mal »,
289 e — et c’est plus que probable. Mais il en tirait une raison nouvelle de le condamner, et nous ne pouvons le suivre jusque-
290 vons le suivre jusque-là : il est vain de dire qu’ une époque s’est trompée, puisqu’elle seule permet la suivante qui peut-ê
291 seule permet la suivante qui peut-être retrouvera une nouvelle face de la vérité. Bornons-nous à noter le phénomène, puis à
292 et le monde : l’ennui est venu avant l’épuisement des combinaisons possibles. Exaltation méthodique de nos facultés de plai
293 les plus aiguës prennent la place d’honneur dans des esthétiques construites en hâte à l’usage de sensibilités surmenées.
294 crée que contre quelque chose, contre soi, contre une difficulté.) Dégoût de la vie, dégoût du bonheur, dégoût de soi, — on
295 — on l’étend vite à la société entière. Dégoût d’ une civilisation qui aboutit logiquement à cet épuisant et forcené gaspil
296 lut n’est nulle part… » « Je comprends la révolte des autres et quelles prières cela fait à Dieu », disait Drieu la Rochell
297 ien se remettre à manger, tout de même nous avons un corps, et c’est très beau, Breton, de crier « Révolution toujours » —
298 de crier « Révolution toujours » — tant qu’il y a des gens pour vous faire du pain ; et c’est très beau, Aragon, de ne plus
299 otre ultimatum à Dieu. Mais, secouant son dégoût, un Montherlant s’abandonne au salut par la violence. Une sensualité moin
300 Montherlant s’abandonne au salut par la violence. Une sensualité moins énervée lui permet de brutaliser quelque peu les « g
301 es « grands problèmes », et le voilà reparti dans un égoïsme triomphant, pur du désir d’action qui empêtrait Barrès dans d
302 , pur du désir d’action qui empêtrait Barrès dans des dilemmes où l’art trouvait mal sa nourriture. Drieu la Rochelle tente
303 a touché certains bas-fonds de l’âme où s’éveille un désenchantement qui l’amène au besoin d’une mystique. Et pour finir,
304 veille un désenchantement qui l’amène au besoin d’ une mystique. Et pour finir, l’un des derniers venus, Marcel Arland, — pl
305 ène au besoin d’une mystique. Et pour finir, l’un des derniers venus, Marcel Arland, — plus jeune, il n’a pas fait la guerr
306 précoce, sans la brusquerie de ses aînés. Encore un qui s’est complu dans son dégoût ; mais jusqu’au point d’y percevoir
307 dégoût ; mais jusqu’au point d’y percevoir comme un appel du Dieu perdu. Il avoue enfin la cause secrète des inquiétudes
308 el du Dieu perdu. Il avoue enfin la cause secrète des inquiétudes modernes : la perte d’une foi. Il a besoin de Dieu, mais
309 use secrète des inquiétudes modernes : la perte d’ une foi. Il a besoin de Dieu, mais il attend en vain sa Révélation : « C’
310 e regarder chercher, absorbant son attention dans une sincérité si voulue qu’elle va parfois à l’encontre de son dessein. ⁂
311 éséquilibre. Il serait temps de faire la critique des méthodes et des façons de vivre autant que de penser qui les ont amen
312 serait temps de faire la critique des méthodes et des façons de vivre autant que de penser qui les ont amenés aux positions
313 d’esquisser. Mais on trouve tout dans les livres des jeunes, dites-vous, le pire et le meilleur, toutes les vieilleries mo
314 chée à chercher dans le seul moi les fondements d’ une éthique. Presque tous sont hantés par la peur d’une morale qui « défo
315 e éthique. Presque tous sont hantés par la peur d’ une morale qui « déforme », qui mutile une tendance naturelle, qui élague
316 la peur d’une morale qui « déforme », qui mutile une tendance naturelle, qui élague, qui opère un choix parmi les éléments
317 ile une tendance naturelle, qui élague, qui opère un choix parmi les éléments mêlés de la personnalité. Toute tendance qu’
318 heureuses que nous avions jusqu’alors enviées, et une nuit, nous fîmes le procès de toutes les jouissances humaines. L’espè
319 s toute vérité, nous étions dominés par le sens d’ une réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent acheté au pr
320 ue certains d’entre nous eussent acheté au prix d’ un martyre… Cette lassitude facile à juger du dehors n’était pas ce qu’i
321 t inutile et vain ? Je cite ces phrases, tirées d’ un récit d’ailleurs admirable4, de Louis Aragon, pour marquer l’aboutiss
322 , de Louis Aragon, pour marquer l’aboutissement d’ une évolution qui a son origine dans l’œuvre de Gide. Entre les Nourritur
323 aises, de révoltes plus ou moins complètes au gré des tempéraments. Le geste de Lafcadio généralisé : c’est le surréalisme.
324 ’est le surréalisme. De l’acte gratuit commis par un héros de roman, à la vie gratuite que prétendent mener les surréalist
325 les surréalistes, il n’a fallu que le temps pour une folie de s’emballer. La plupart des romans de jeunes qui se situent e
326 Gide et Aragon nous montrent le même personnage : un être sans foi, à qui une sorte de « sincérité » interdit de commettre
327 rent le même personnage : un être sans foi, à qui une sorte de « sincérité » interdit de commettre aucun acte volontaire et
328 que ce serait fausser quelque chose ; à la merci des circonstances extérieures qu’il méprise toutes également ; n’attendan
329 nt rien que de ses impulsions et contemplant avec une lucidité parfois douloureuse ses propres actes dont il s’étonne mais
330 is qu’il se garde de juger5. Il y a véritablement une littérature de l’acte gratuit, qui restera caractéristique de notre é
331 que de notre époque. Mais Gide est responsable d’ une autre méthode de culture de soi, « d’intensification de la vie », et
332 t le début de la Tentative amoureuse offrait déjà une singulière préfiguration : Certes ce ne seront ni les lois importunes
333 tion : Certes ce ne seront ni les lois importunes des hommes, ni les craintes, ni la pudeur, ni le remords, ni le respect d
334 je désire ; ni rien — rien que l’orgueil, sachant une chose si forte, de me sentir plus fort encore et de la vaincre. — Mai
335 us fort encore et de la vaincre. — Mais la joie d’ une si haute victoire — n’est pas si douce encore, n’est pas si bonne que
336 es conduit ce mouvement de l’esprit qui n’utilise une borne que pour sauter plus loin. Ainsi, c’est par humilité qu’on reno
337 à mentir. On en vient naturellement à considérer un certain immoralisme comme la seule vertu digne d’une élite. Tel est l
338 certain immoralisme comme la seule vertu digne d’ une élite. Tel est l’état d’esprit de la plupart de nos jeunes moralistes
339 opre intérêt6… » c’est proprement la perversion d’ une vertu qui se brûle elle-même. Je ne vais point nier la fécondité psyc
340 e ne vais point nier la fécondité psychologique d’ une attitude par ailleurs si proche de certain mysticisme. Mais pousser u
341 urs si proche de certain mysticisme. Mais pousser une vertu particulière jusqu’à ses dernières conséquences suppose qu’on a
342 ères conséquences suppose qu’on ait perdu le sens des ensembles rationnels. Nous ne pensons plus par ensembles7 : symptôme
343  : dégoût universel, désir de violences, gratuité des pensées et des actes, rêves éveillés, tout cela ne dérive-t-il pas d’
344 rsel, désir de violences, gratuité des pensées et des actes, rêves éveillés, tout cela ne dérive-t-il pas d’une fatigue imm
345 s, rêves éveillés, tout cela ne dérive-t-il pas d’ une fatigue immense. Nous voyons se fausser le rythme des jours et des nu
346 fatigue immense. Nous voyons se fausser le rythme des jours et des nuits à mesure que se développe une civilisation mécanic
347 se. Nous voyons se fausser le rythme des jours et des nuits à mesure que se développe une civilisation mécanicienne. (Les m
348 des jours et des nuits à mesure que se développe une civilisation mécanicienne. (Les machines n’ont pas besoin de sommeil.
349 n’ont pas besoin de sommeil.) La fatigue devient un des éléments les plus importants de notre psychologie. Images des sur
350 ont pas besoin de sommeil.) La fatigue devient un des éléments les plus importants de notre psychologie. Images des surréal
351 les plus importants de notre psychologie. Images des surréalistes — ils l’indiquent eux-mêmes —, calembours, expression mé
352 veux, saugrenu jusqu’au sadisme, trop lucide, est un amour de fatigués (Les Nuits, l’Europe galante, de Morand). La lucidi
353 tions, à ses automatismes. En art, la fatigue est un des états les plus riches de visions nouvelles, et qui résiste le mie
354 ns, à ses automatismes. En art, la fatigue est un des états les plus riches de visions nouvelles, et qui résiste le mieux à
355 t ce qui servirait de frein à notre glissade vers des folies. ⁂ Recréer une conscience individuelle ; retrouver le sens soc
356 frein à notre glissade vers des folies. ⁂ Recréer une conscience individuelle ; retrouver le sens social, le sens des ensem
357 individuelle ; retrouver le sens social, le sens des ensembles et des proportions ; rééduquer les instincts du corps et de
358 etrouver le sens social, le sens des ensembles et des proportions ; rééduquer les instincts du corps et de l’âme ; vouloir
359 quer les instincts du corps et de l’âme ; vouloir une foi… La morale de demain sera en réaction complète contre celle d’auj
360 libérer de l’universelle hypocrisie accompli par des générations qui ne lèguent aux suivantes que leur lassitude : sachons
361 ue leur lassitude : sachons au contraire profiter des démonstrations par l’absurde de quelques problèmes moraux et littérai
362 aucoup sacrifièrent leur jeunesse. (« Nous sommes une génération de cobayes » remarque Paul Morand.) Il faut agir, ou bien
363 l Morand.) Il faut agir, ou bien être agi. Donner une conscience à l’époque, ou se défaire avec elle et dériver vers un Ori
364 l’époque, ou se défaire avec elle et dériver vers un Orient d’oubli — (mais avant de s’y perdre, quelles révolutions, quel
365 e la Société ; ils savent que pour lutter il faut des armes et ne méprisent pas la culture ; sans autre parti pris que celu
366 se recueillent encore dans l’attente angoissée d’ une révélation et dans la connaissance de leur misère. Pareils à ceux don
367 ils décrivent le tourment dont sortira peut-être une foi nouvelle ; mais qu’ils sachent, quand viendra le moment, détourne
368 ourner les yeux de leur recherche pour contempler un absolu ; qu’ils osent se faire violence pour se hisser dans la lumièr
369 es ces petites misères, en compose d’un seul coup une grande misère, et par ce moyen nous met tout d’abord en présence, non
370 s, mais de Dieu. » 1. Il ne s’agit pas d’exiger des poètes qu’ils écrivent des odes civiques. Mais que nos moralistes — p
371 ne s’agit pas d’exiger des poètes qu’ils écrivent des odes civiques. Mais que nos moralistes — presque tous les jeunes écri
372 talement. — Alors, vous croyez à l’action sociale des écrivains ? Peut-être. En tout cas je vois bien le mal qu’ils ont fai
373 qu’au fond, leur refus d’agir sur l’époque, c’est une manière d’agir contre elle. 2. « La crise du concept de littérature 
374  », NRF, 1923. 3. « Il s’était développé en nous un goût furieux de l’expérience humaine. » (Aragon) 4. « Lorsque tout e
375 veut tout cultiver, et en fait l’on se contente d’ une violence, d’un vice, d’une inquiétude. 8. « Certaines expériences li
376 er, et en fait l’on se contente d’une violence, d’ un vice, d’une inquiétude. 8. « Certaines expériences littéraires sont
377 ait l’on se contente d’une violence, d’un vice, d’ une inquiétude. 8. « Certaines expériences littéraires sont plus dangere
378 expériences littéraires sont plus dangereuses que des expériences réelles » (Marcel Arland). 9. Ce serait au moins la libe
379 éloignée de celle qui permet le surréalisme. 10. Une équipe d’hommes solides suffirait à restaurer une élite, efficace. (J
380 Une équipe d’hommes solides suffirait à restaurer une élite, efficace. (Je vois Jean Prévost, deux ou trois de Philosophies
381 vois Jean Prévost, deux ou trois de Philosophies, des Cahiers du Mois, et peut-être Drieu la Rochelle, s’il voulait…) o.
15 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Jean Jouve, Paulina 1880 (avril 1926)
382 ean Jouve, Paulina 1880 (avril 1926)p Au creux des couleurs assourdies d’un divan le soir, tandis que les fenêtres s’ouv
383 vril 1926)p Au creux des couleurs assourdies d’ un divan le soir, tandis que les fenêtres s’ouvraient vers le ciel de Fl
384 orence… « Du sang, de la volupté et de la mort », un titre s’effaçait dans l’ombre. Jouve a rêvé une histoire de passion m
385 », un titre s’effaçait dans l’ombre. Jouve a rêvé une histoire de passion mystique et de crime, intense et tragique comme u
386 n mystique et de crime, intense et tragique comme un couchant d’automne, émouvante encore après tant d’autres, comme chaqu
387 nte encore après tant d’autres, comme chaque soir un nouveau ciel. Il l’a transcrite en brèves notations lyriques suivant
388 en brèves notations lyriques suivant le rythme d’ un songe, sans cesse brisé par les élans alternés ou confondus du désir
389 dus du désir et de la prière. On sort lentement d’ une chambre bleue qui est le mystère même, pour suivre la naissance et l’
390 a rechute et le crime ; et l’étrange apaisement d’ une vieillesse au soleil. Jouve semble avoir hésité entre plusieurs style
391 ble avoir hésité entre plusieurs styles de roman. Un chapitre d’observation psychologique ironique et minutieuse, à la Ste
392 ironique et minutieuse, à la Stendhal, succède à des effusions haletantes ou à une relation cinématographique. Mais tout c
393 Stendhal, succède à des effusions haletantes ou à une relation cinématographique. Mais tout cela baigne dans le même lyrism
394 t cela baigne dans le même lyrisme et s’agite sur un fond sombre et riche de passions inconscientes qui donnent à tous les
395 ssions inconscientes qui donnent à tous les actes une signification plus profonde. (Il serait aisé de montrer quel parti Jo
396 erait aisé de montrer quel parti Jouve a su tirer des complexes de famille freudiens, ou d’analyses de démences mystiques ;
397 ences mystiques ; mais tout cela est sublimé dans un monde poétique où il paraît inconvenant d’introduire le jargon de la
398 us reconnaissons à la base de cette œuvre inégale des idées vieilles comme Rousseau sur les droits de la passion, — et dans
399 elques chapitres inspirés presque littéralement d’ une anecdote italienne de Stendhal ; si d’autre part l’évolution mystique
400 rt l’évolution mystique de Paulina semble parfois un peu trop « classique » et prévue, l’originalité foncière du roman de
401 purement lyrique, sa progression accordée à celle des événements inconscients. Certaines proses mystiques de Paulina au cou
402 s poèmes de l’auteur de Tragiques et de Vous êtes des hommes. p. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Pierre Jean Jouve,
16 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alix de Watteville, La Folie de l’espace (avril 1926)
403 Watteville, La Folie de l’espace (avril 1926)q Un artiste de grand talent à qui la guerre a fait perdre le goût des thé
404 rand talent à qui la guerre a fait perdre le goût des théories d’écoles et de quelques autres plaisirs pour civils : mettez
405 plaisirs pour civils : mettez-le aux prises avec une petite cité patricienne dont il devra portraiturer les gentilshommes
406 vieilles dames à principes. Voilà, n’est-ce pas, un amusant sujet de conte moral, avec ses personnages un peu conventionn
407 musant sujet de conte moral, avec ses personnages un peu conventionnels et l’invraisemblance assez piquante de ses péripét
408 péties. Quel dommage que l’auteur l’ait alourdi d’ une idéologie, souvent plus généreuse que neuve, et qui eût gagné à être
409 iption du milieu patricien que dans la création d’ un caractère de grand peintre. Pourtant, malgré des longueurs, on ne lir
410 d’un caractère de grand peintre. Pourtant, malgré des longueurs, on ne lira pas sans plaisir ce livre où l’on voit un homme
411 on ne lira pas sans plaisir ce livre où l’on voit un homme appeler en vain le vent du large, parmi des gens qui craignent
412 un homme appeler en vain le vent du large, parmi des gens qui craignent de s’enrhumer. q. Rougemont Denis de, « [Compte
17 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Wilfred Chopard, Spicilège ironique (mai 1926)
413 ilfred Chopard, Spicilège ironique (mai 1926)r Un léger flirt avec la muse, parce que c’est dimanche, parce qu’il pleut
414 ur charmant du Pédagogue et l’Amour — sourit avec une grâce un peu frileuse et se permet de bâiller en public. On connaît l
415 t du Pédagogue et l’Amour — sourit avec une grâce un peu frileuse et se permet de bâiller en public. On connaît le danger…
18 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Cécile-Claire Rivier, L’Athée (mai 1926)
416 )s C’est le récit de la découverte de Dieu par une jeune fille élevée dans l’athéisme. Invraisemblablement ignorante de
417 ans, Denise s’abandonne à « la vie », laquelle — un peu aidée par l’auteur — lui révèlera peu à peu le sens divin de la d
418 divin de la destinée. Ce livre à thèse est plutôt une argumentation à coups d’exemples vivants qu’un véritable roman. La pr
419 t une argumentation à coups d’exemples vivants qu’ un véritable roman. La profusion souvent facile des incidents et le styl
420 u’un véritable roman. La profusion souvent facile des incidents et le style volontairement sec permettent de suivre sans pa
421 e suivre sans passion ni fatigue le développement un peu théorique mais intelligent d’un problème que l’on pressent trop c
422 développement un peu théorique mais intelligent d’ un problème que l’on pressent trop complètement résolu dès les premières
423 d’avoir posé courageusement. Dirai-je que l’abus des points d’exclamation — trait commun à presque toutes les femmes auteu
424 mmes auteur, et qui plaît aux lectrices — m’agace un peu ? C’est une vétille. s. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] C
425 qui plaît aux lectrices — m’agace un peu ? C’est une vétille. s. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Cécile-Claire Riv
19 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cocteau, Rappel à l’ordre (mai 1926)
426 ite que sa recherche de l’ordre révèle simplement une volonté de construire jusque dans le grabuge, qu’il aime pour les mat
427 pas, il compte. ») Six projecteurs convergent sur une machine luisante et tournante. L’esprit de Cocteau est une arme admir
428 ne luisante et tournante. L’esprit de Cocteau est une arme admirable de précision, d’élégance mécanique et de rapidité. Il
20 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, Mon corps et moi (mai 1926)
429 iste. Mais tandis que la plupart en sont encore à des symboles équivoques et, quoi qu’ils en disent, « artistiqués », — ils
430 ’a plus même la force de l’hypocrisie. Isolé dans un hôtel perdu, avec son corps qui se souvient — « mémoire, l’ennemie »
431 s qui se souvient — « mémoire, l’ennemie » — avec une intelligence dont la triste profession est de détruire le désir qu’el
432 s physiologiques dont la pauvreté le rejette dans une angoisse qu’il nomme « élan mortel ». Cette inversion de tout ce qui
433 t créateur, voilà je pense le véritable désordre. Une intelligence parvenue au point où elle « ne semble avoir rien d’autre
434 oir rien d’autre à faire que son propre procès », une intelligence qui se dégoûte, tel est le spectacle que nous dévoile c
21 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Le Corbusier, Urbanisme (juin 1926)
435 la nature. Il s’agit de créer à notre vie moderne un décor utile et beau. Or « la grande ville, phénomène de force en mouv
436 phénomène de force en mouvement, est aujourd’hui une catastrophe menaçante pour n’avoir pas été animée de l’esprit de géom
437 géométrie… Elle use et conduit lentement l’usure des milliers d’êtres humains ». Elle n’est plus adaptée aux conditions no
438 l ou de repos, ni dans son plan ni dans le détail des rues. Congestion : « un cheval arrête 1000 chevaux-vapeurs ». Et pour
439 n plan ni dans le détail des rues. Congestion : «  un cheval arrête 1000 chevaux-vapeurs ». Et pourtant « la ville est une
440 000 chevaux-vapeurs ». Et pourtant « la ville est une image puissante qui actionne notre esprit » après avoir été créée par
441 le problème de l’Urbanisme se place au croisement des préoccupations esthétiques et sociales d’aujourd’hui. Pour résoudre l
442 ect comme sous les autres, il nous faut mieux que des dictateurs : des Architectes, de l’esprit et de la matière. Si Le Cor
443 s autres, il nous faut mieux que des dictateurs : des Architectes, de l’esprit et de la matière. Si Le Corbusier réalise so
444 meux discours aux édiles de Rome). Urbanisme est une étude technique et un pamphlet dont l’argumentation serrée éclate par
445 s de Rome). Urbanisme est une étude technique et un pamphlet dont l’argumentation serrée éclate parfois en boutades morda
446 s mordantes, en brèves fusées de lyrisme. C’est d’ une verve puissante jusque dans la statistique. On en sort convaincu ou b
447 nt d’aspirations modernes. Voici sans aucun doute un des livres les plus représentatifs de l’époque de Lénine, du fascisme
448 d’aspirations modernes. Voici sans aucun doute un des livres les plus représentatifs de l’époque de Lénine, du fascisme, du
449 du fascisme, du ciment armé. « Notre monde comme un ossuaire est couvert des détritus d’époques mortes. Une tâche nous in
450 armé. « Notre monde comme un ossuaire est couvert des détritus d’époques mortes. Une tâche nous incombe, construire le cadr
451 suaire est couvert des détritus d’époques mortes. Une tâche nous incombe, construire le cadre de notre existence… construir
452 s villes de notre temps ». Et je déplie ce plan d’ une « ville contemporaine ». Pures géométries de verre et de ciment blanc
453 e-ciel de la cité, au centre, s’espacent autour d’ un aérodrome-gare circulaire, prismes perdus dans le silence de l’azur a
454 rismes perdus dans le silence de l’azur au-dessus des rumeurs de la ville. Puis s’étendent les quartiers de résidence ; les
455 us les étages soulignent de verdure l’horizontale des toitures en terrasses. Des perspectives régulières recoupées à 200 et
456 verdure l’horizontale des toitures en terrasses. Des perspectives régulières recoupées à 200 et 400 mètres par les plans f
457 coupées à 200 et 400 mètres par les plans fuyants des rues immenses livrées au 100 à l’heure des autos. Les maisons habitée
458 uyants des rues immenses livrées au 100 à l’heure des autos. Les maisons habitées ne sont plus que des enceintes transparen
459 des autos. Les maisons habitées ne sont plus que des enceintes transparentes, et minces en regard de leur hauteur, entoura
460 hauteur, entourant de leurs multiples « redents » des terrains de jeux et des parcs, la nature annexée à la ville. « C’est
461 urs multiples « redents » des terrains de jeux et des parcs, la nature annexée à la ville. « C’est un spectacle organisé pa
462 des parcs, la nature annexée à la ville. « C’est un spectacle organisé par l’Architecture avec les ressources de la plast
463 eu de formes sous la lumière ». Cristallisation d’ un rêve de joie et de raison où de grandes ordonnances élèvent leur chan
464 pour créer avec ses moyens matériels formidables des ensembles soumis aux lois de l’esprit et de la vie sociale, non plus
465 lois de l’esprit et de la vie sociale, non plus à un opportunisme anarchique. Tirer des lignes droites, est le propre de l
466 ale, non plus à un opportunisme anarchique. Tirer des lignes droites, est le propre de l’homme. Toutes les civilisations fo
467 Toutes les civilisations fortes l’ont osé. Créer un espace architectural lumineux à la place de nos cités congestionnées,
468 ongestionnées, ce serait peut-être tuer au soleil des germes de révolution. Déjà des ingénieurs se sont mis à calculer la r
469 tre tuer au soleil des germes de révolution. Déjà des ingénieurs se sont mis à calculer la réalisation de ce phénomène de h
470 ène de haute poésie — la « ville contemporaine ». Un labeur précis et anonyme concourt obscurément à cette parfaite expres
22 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ramon Fernandez, Messages (juillet 1926)
471 our lui faire acquérir droit de cité. Voici enfin un critique qui sait tirer une leçon constructive des expériences entrep
472 t de cité. Voici enfin un critique qui sait tirer une leçon constructive des expériences entreprises par les générations pr
473 un critique qui sait tirer une leçon constructive des expériences entreprises par les générations précédentes. Parce qu’ell
474 s dans leurs recherches, il ne les condamne pas d’ un « Jugement » sans issue sinon vers le passé catholique ; mais tenant
475 , qui se trouve ainsi continuer leur œuvre, comme une découverte couronne une série d’expériences négatives. La critique de
476 ntinuer leur œuvre, comme une découverte couronne une série d’expériences négatives. La critique de ces expériences négativ
477 s lois de la vie sont essentiellement différentes des lois de l’œuvre d’art, il ne s’en suit pas forcément que l’on doit ni
478 ’œuvre et le moi, comme le fait M. Fernandez dans un essai sur l’Autobiographie et le Roman, dont pour ma part je suis lo
479 rouver par exemple que l’œuvre d’art ne peut être un moyen de connaissance personnelle. Après quoi il écrit : « II y a, en
480 essayer. » Fort bien, mais l’œuvre n’est-elle pas une façon particulière de s’essayer ? Je ne puis amorcer ici une discussi
481 articulière de s’essayer ? Je ne puis amorcer ici une discussion de ces thèses subtiles, d’autant que la position de l’aute
482 et de l’art, ou s’il la condamne plutôt, à cause des confusions qu’il y décèle. Le meilleur morceau du livre est l’essai s
483 eau du livre est l’essai sur Proust et sa théorie des « intermittences du cœur » dont Fernandez donne une critique décisive
484 s « intermittences du cœur » dont Fernandez donne une critique décisive. Et c’est justement par opposition à la conception
485 qu’il définit sa propre théorie de la « garantie des sentiments », où l’on est en droit de voir le germe d’un moralisme no
486 iments », où l’on est en droit de voir le germe d’ un moralisme nouveau qui se fonderait solidement sur les données moderne
487 Pour nous prémunir contre le pouvoir d’analyse — une analyse qui retient les éléments de la personnalité moins le « princi
488 a psychologie freudienne et proustienne a porté à un point si dangereux, il nous propose l’expérience d’un Newman, les exe
489 oint si dangereux, il nous propose l’expérience d’ un Newman, les exemples d’un Meredith et d’un Stendhal, qui ont su « pen
490 propose l’expérience d’un Newman, les exemples d’ un Meredith et d’un Stendhal, qui ont su « penser dans le train de l’act
491 ence d’un Newman, les exemples d’un Meredith et d’ un Stendhal, qui ont su « penser dans le train de l’action, faire de la
492 sa véritable unité. Je me borne à signaler encore un thème qui revient dans la plupart de ces essais : l’esthétique du rom
493 ais : l’esthétique du roman. Fernandez en formule une théorie assez proche du cubisme littéraire, et qu’il serait bien util
494 ntir sous l’expression trop technique ou obscure, une richesse d’idées neuves et fortes, mais péniblement comprimées. Ce dé
495 osophe aux littérateurs. Il manque à M. Fernandez un certain recul par rapport à ses idées, on le sent un peu gauche encor
496 certain recul par rapport à ses idées, on le sent un peu gauche encore dans les positions conquises. Il n’empêche que son
497 s conquises. Il n’empêche que son livre manifeste une belle unité de pensée, et qu’il propose quelques directions très nett
498 quelques directions très nettes de synthèse. Avec une œuvre comme Plaisir des Sports de Jean Prévost, et les essais politiq
499 nettes de synthèse. Avec une œuvre comme Plaisir des Sports de Jean Prévost, et les essais politiques de Drieu la Rochelle
500 t les premières contributions à l’établissement d’ une éthique adaptée aux besoins modernes. w. Rougemont Denis de, « [Co
23 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Les Bestiaires (septembre 1926)
501 ptembre 1926)x J’éprouve quelque gêne à porter un jugement littéraire sur ce nouveau tome des mémoires de Montherlant :
502 porter un jugement littéraire sur ce nouveau tome des mémoires de Montherlant : dans ce récit plus encore que dans les œuvr
503 ire que le livre vaut par son allure plus que par des qualités de composition ou de perfection formelle. Pour quelques-uns
504 e de la Renaissance », pour quelques descriptions des prairies espagnoles pleines de simple grandeur, j’ai supporté mille f
505 i supporté mille fastidieux détails techniques et des délires taurologiques avec lesquels, pour communier, il faudrait sans
506 désinvolture. Elle est tonique comme le spectacle des athlètes. Et c’est elle avant tout que j’admire dans ces Bestiaires,
507 ment dans les prairies célestes, pour avoir donné une grande gloire aux jeunes hommes ! » Mais ce jeune homme qui écrivit n
508 ues et sobres, jetées de haut avec la nonchalance des vrais puissants, je compte qu’il saura fonder sa gloire future sur de
509 je compte qu’il saura fonder sa gloire future sur des valeurs plus humaines. x. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Hen
24 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jacques Spitz, La Croisière indécise (décembre 1926)
510 onnages cocasses à souhait, qui manifestent, avec un certain manque de conviction et des poses de mannequins, les tendance
511 ifestent, avec un certain manque de conviction et des poses de mannequins, les tendances contradictoires d’un individu. C’e
512 es de mannequins, les tendances contradictoires d’ un individu. C’est pour traiter ce sujet pirandellien qu’on s’embarque d
513 aiter ce sujet pirandellien qu’on s’embarque dans une croisière de vacances, qui finit par un naufrage dans la littérature,
514 que dans une croisière de vacances, qui finit par un naufrage dans la littérature, le navire succombant sous les allégorie
515 le livre soit réellement amusant, et qu’il trouve une sorte d’unité vivante dans le rythme des désirs jamais simultanés de
516 l trouve une sorte d’unité vivante dans le rythme des désirs jamais simultanés de ses petits héros. M. Spitz cherche à fair
517 nt l’on sourit : il faut bien croire qu’il y a là un talent, charmant, glacé, spirituellement « poétique ». y. Rougemon
25 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alfred Colling, L’Iroquois (décembre 1926)
518 oquois (décembre 1926)z Ce roman a le charme d’ un automne, une amertume enveloppée, une atmosphère trop claire où les c
519 mbre 1926)z Ce roman a le charme d’un automne, une amertume enveloppée, une atmosphère trop claire où les cris se font u
520 le charme d’un automne, une amertume enveloppée, une atmosphère trop claire où les cris se font un peu aigres et les coule
521 e, une atmosphère trop claire où les cris se font un peu aigres et les couleurs fluides. Toute la tendresse que ranime un
522 s couleurs fluides. Toute la tendresse que ranime un soleil lointain va tourner en cruelle mélancolie. Pourquoi, Henri de
523 Henri de Closain, quitter le domaine enchanté où des amis très fins, précieux poètes, dissertent sur leurs fantaisies ? Ç’
524 s souvenirs ; jusqu’au soir où la douleur nette d’ un amour réveillé l’envahit. Et Closain rencontre, dans l’inévitable bar
525 ls qui va l’entraîner avec son mauvais cœur, dans une aventure incertaine et douloureuse ; enfin Orpha, sa maîtresse, le fu
526 ssion ironique qui lui convient, mais ici mêlée à une émotion plus grave, qui transparaît parfois et nous fait regretter qu
527 eur ne se soit pas mieux abandonné à son sujet, d’ un pathétique assez neuf. z. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Alf
26 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, La Tentation de l’Occident (décembre 1926)
528 , La Tentation de l’Occident (décembre 1926)aa Un Chinois écrit d’Europe à un Français qui lui répond de Chine. Nous so
529 (décembre 1926)aa Un Chinois écrit d’Europe à un Français qui lui répond de Chine. Nous sommes loin du ton des Lettres
530 qui lui répond de Chine. Nous sommes loin du ton des Lettres persanes : le Chinois s’étonne non sans quelque aigreur, et c
531 étonne non sans quelque aigreur, et critique avec un mépris tranquille ; le Français riposte sans conviction, et sous sa d
532 ste sans conviction, et sous sa défense on devine une détresse. C’est encore une vision de l’Occident qui naît de ce petit
533 s sa défense on devine une détresse. C’est encore une vision de l’Occident qui naît de ce petit livre si dense, si inquiéta
534 e, si inquiétant. Le Chinois voit dans l’Europe «  une barbarie attentivement ordonnée, où l’idée de la civilisation et cell
535 passion apparaît dans notre ordre social « comme une adroite fêlure ». Notre morale est entièrement subordonnée à l’action
536 tte confrontation, s’évanouit : c’est bien plutôt une unité supérieure de l’esprit humain que nous découvrons, et qui nous
537 à quoi, grands dieux ? — nous prenons chaque jour une conscience plus claire de la vanité de nos buts, « capables d’agir ju
538 qu’elle risque de ne laisser subsister en nous qu’ un « étrange goût de la destruction et de l’anarchie, exempt de passion,
27 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Louis Aragon, Le Paysan de Paris (janvier 1927)
539 qu’on me les oppose. Ce ne sont pas les termes d’ un traité de paix. Entre moi et vous, c’est la guerre. » Voilà pour les
540 nthousiasmer il leur réserve mieux encore : après une kyrielle d’injures qui ne font pas honneur à l’imagination d’autres f
541 paraphrasent ce que je dis ». Il y a chez Aragon une folie de la persécution, qui se cherche partout des prétextes, et une
542 e folie de la persécution, qui se cherche partout des prétextes, et une passion farouche pour la liberté, qui font de cet o
543 écution, qui se cherche partout des prétextes, et une passion farouche pour la liberté, qui font de cet ombrageux personnag
544 la liberté, qui font de cet ombrageux personnage une manière de Rousseau surréaliste. Devant cette ostentation de révolte,
545 e. Il le proclame « J’appartiens à la grande race des torrents ». Génie inégal s’il en fut, voici parmi trop de talents int
546 en fut, voici parmi trop de talents intéressants, un écrivain qui s’impose avec des qualités et des défauts pareillement é
547 lents intéressants, un écrivain qui s’impose avec des qualités et des défauts pareillement énormes. Il faut remonter loin d
548 ts, un écrivain qui s’impose avec des qualités et des défauts pareillement énormes. Il faut remonter loin dans notre littér
549 ous les records de l’image, ce qui nous vaut avec des bizarreries fatigantes et quelques sombres délires, des pages d’un ly
550 zarreries fatigantes et quelques sombres délires, des pages d’un lyrisme inouï. Que Louis Aragon ne se croie pas tenu de ju
551 tigantes et quelques sombres délires, des pages d’ un lyrisme inouï. Que Louis Aragon ne se croie pas tenu de justifier ses
552 pas tenu de justifier ses visions par le moyen d’ une métaphysique aussi prétentieuse qu’incertaine. Son affaire, c’est l’a
553 ir vaste et profond comme l’époque. « Voulez-vous des douleurs, la mort ou des chansons ? » On a l’hallucination du décor d
554 l’époque. « Voulez-vous des douleurs, la mort ou des chansons ? » On a l’hallucination du décor des capitales, créatrice d
555 ou des chansons ? » On a l’hallucination du décor des capitales, créatrice d’un merveilleux de chaque instant, d’une vérita
556 hallucination du décor des capitales, créatrice d’ un merveilleux de chaque instant, d’une véritable « mythologie moderne »
557 , créatrice d’un merveilleux de chaque instant, d’ une véritable « mythologie moderne ». Le Paysan de Paris est une suite de
558 le « mythologie moderne ». Le Paysan de Paris est une suite de promenades dont la composition n’est pas sans rappeler celle
559 dont la composition n’est pas sans rappeler celle des Nuits d’octobre de Nerval ; forme qui permet à l’auteur de divaguer d
560 passant par la description réaliste ou imaginée d’ une boîte de nuit, d’une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le mei
561 ption réaliste ou imaginée d’une boîte de nuit, d’ une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de l’aute
562 imaginée d’une boîte de nuit, d’une devanture, d’ un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de l’auteur d’Anicet. C’e
563 illeur livre de l’auteur d’Anicet. C’est pourtant un des plus significatifs du romantisme nouveau. J’ai nommé Rousseau, Ne
564 eur livre de l’auteur d’Anicet. C’est pourtant un des plus significatifs du romantisme nouveau. J’ai nommé Rousseau, Nerval
565 . J’ai nommé Rousseau, Nerval Musset : mais voyez un Rousseau sans tendresse, un Nerval sans pudeur, un Musset ivre non pl
566 l Musset : mais voyez un Rousseau sans tendresse, un Nerval sans pudeur, un Musset ivre non plus de vin de France, mais d’
567 n Rousseau sans tendresse, un Nerval sans pudeur, un Musset ivre non plus de vin de France, mais d’alcools pleins de démon
28 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Barbey, La Maladère (février 1927)
568 e, la décristallisation progressive et réciproque des conjoints. » On sait que Beyle appelait cristallisation une fièvre d’
569 nts. » On sait que Beyle appelait cristallisation une fièvre d’imagination qui orne de beautés illusoires l’objet de l’amou
570 de la Maladère pour se déprendre de leurs rêves. Un malentendu grandit entre eux dans leur isolement, inexplicable et mal
571 solement, inexplicable et mal avoué. L’on songe à une fatalité intérieure qui les ferait se meurtrir l’un l’autre. Pourtant
572 un l’autre. Pourtant, jusqu’au bout, il semble qu’ un mot, un geste décisif, ou certaine amitié de la saison suffirait à di
573 re. Pourtant, jusqu’au bout, il semble qu’un mot, un geste décisif, ou certaine amitié de la saison suffirait à dissiper l
574 ? son manque d’amour ? Pour Jacques, il souffre d’ une incurable adolescence, d’un défaitisme sentimental qui l’empêtre de r
575 acques, il souffre d’une incurable adolescence, d’ un défaitisme sentimental qui l’empêtre de réticences, et le fait jouer
576 omme… « Captif de sa propre jeunesse. » C’est ici un autre sujet du roman, qui se mêle étroitement au premier… Mais combie
577 entions du récit et de les exprimer seulement par un geste, une nuance du paysage, une image qu’on garde comme un pressent
578 récit et de les exprimer seulement par un geste, une nuance du paysage, une image qu’on garde comme un pressentiment. Ce n
579 er seulement par un geste, une nuance du paysage, une image qu’on garde comme un pressentiment. Ce n’est qu’à force de disc
580 ne nuance du paysage, une image qu’on garde comme un pressentiment. Ce n’est qu’à force de discrétion dans les moyens qu’i
581 ce de discrétion dans les moyens qu’il parvient à une certaine puissance de l’effet, aux dernières pages. Il règne dans la
582 t, aux dernières pages. Il règne dans la Maladère une étrange harmonie entre le climat des sentiments et celui des campagne
583 la Maladère une étrange harmonie entre le climat des sentiments et celui des campagnes désolées où ils se développent. Pay
584 harmonie entre le climat des sentiments et celui des campagnes désolées où ils se développent. Paysages tristes et sans vi
585 t d’autant plus cruelle qu’elle est contenue sous des dehors trop polis. Une fois fermé le livre de Barbey, on oublie la ju
586 a justesse de son analyse pour n’évoquer plus que des visions où se condense le sentiment du récit. Dans le Cœur gros, c’ét
587 le sentiment du récit. Dans le Cœur gros, c’était un parc avant l’orage, le rose sombre d’une joue brûlante et fraîche dan
588 , c’était un parc avant l’orage, le rose sombre d’ une joue brûlante et fraîche dans le vent. Et dans la Maladère, un arbre
589 nte et fraîche dans le vent. Et dans la Maladère, un arbre coupé découvrant le manoir perdu, des fumées sur un paysage d’h
590 adère, un arbre coupé découvrant le manoir perdu, des fumées sur un paysage d’hiver et soudain sous la lueur d’un incendie,
591 coupé découvrant le manoir perdu, des fumées sur un paysage d’hiver et soudain sous la lueur d’un incendie, deux visages
592 sur un paysage d’hiver et soudain sous la lueur d’ un incendie, deux visages tordus de passion. Cette fin est admirable, do
593 brutalité si longtemps désirée délivre Jacques d’ un passé obsédant, d’une jeunesse trop complaisante à son tourment. ac
594 ps désirée délivre Jacques d’un passé obsédant, d’ une jeunesse trop complaisante à son tourment. ac. Rougemont Denis de,
29 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Montclar (février 1927)
595 sement passionné de leur vie, ou l’aveu déguisé d’ une insatisfaction qu’elle leur laisse. Montclar est l’auteur de vers de
596 emands qui, fréquente sontae, pour notre plaisir, un peu plus viennois que naturel s’il parle de choses d’art comme on fai
597 ut pas nous tromper là-dessus. Il se connaît avec une sorte de froideur que l’on dirait désintéressée si elle n’avait pour
598 rogrès moral. C’est ainsi qu’il consent, non sans une imperceptible satisfaction, l’aveu d’une fondamentale indifférence du
599 non sans une imperceptible satisfaction, l’aveu d’ une fondamentale indifférence du cœur qui contraste avec une vie voluptue
600 damentale indifférence du cœur qui contraste avec une vie voluptueuse et assez désordonnée. Pourtant, entre Montclar et Ame
601 désordonnée. Pourtant, entre Montclar et Ameline, un amour se noue, qui commence où souvent l’on finit. Et peut-être l’amo
602 ites blessures. Ce n’est pas le moins troublant d’ une telle vie, cette sagesse un peu sombre qui s’en dégage, sagesse qui v
603 le moins troublant d’une telle vie, cette sagesse un peu sombre qui s’en dégage, sagesse qui veut « que nous appelions les
604 ar elle sait « qu’entre les êtres, le bonheur est un lien sans durée. Seules la souffrance ou de secrètes anomalies ont un
605 Seules la souffrance ou de secrètes anomalies ont un pouvoir d’éternité. » Il est juste, ce me semble, d’insister sur ce q
606 sur ce qui forme dans le récit de cette vie comme une arrière-pensée inquiète et un peu hautaine. Que la composition de cet
607 de cette vie comme une arrière-pensée inquiète et un peu hautaine. Que la composition de cette réminiscence soit assez fac
608 t, qu’elle ne laisse point oublier que ce livre d’ une résonance si humaine, est mieux que charmant, — douloureux et désinvo
609 , février 1927, p. 257. ae. Il manque sans doute un morceau de phrase dans l’édition originale.
30 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Ô toi que j’eusse aimée… (mars 1927)
610 927)af M. Edmond Jaloux offre l’exemple rare d’ un homme que son évolution naturelle a rapproché, dans sa maturité, des
611 volution naturelle a rapproché, dans sa maturité, des jeunes générations, en sorte que l’espèce de romantisme à la Nerval a
612 tisme à la Nerval auquel il aboutit coïncide avec un mouvement dont lui-même s’est plu à relever les indices chez ses jeun
613 ent nos jeunes poètes cosmopolites, mais il garde une certaine discrétion, cet air de rêverie d’un homme qui en sait long…
614 rde une certaine discrétion, cet air de rêverie d’ un homme qui en sait long… Et, certes, il faut être un peu mage pour por
615 homme qui en sait long… Et, certes, il faut être un peu mage pour porter tant de richesses avec cette mélancolique grâce.
616 ux sont taillés comme ceux de Giraudoux, j’y vois un signe charmant d’amitié de l’aîné au plus jeune, lequel envoie l’un d
617 ges pour remercier ; (pouvait-il mieux trouver qu’ un René Dubardeau pour cette ambassade). Parfois l’on se demande si l’Au
618 ncontré M. Paul Morand, mais elle a dû le trouver un peu froid, n’aura pas été tentée de lui faire ces confidences qu’elle
619 Jérôme Parseval, journaliste parisien, rencontre une femme qui incarne aussitôt à ses yeux tout ce qu’il attend de l’amour
620 sitôt à ses yeux tout ce qu’il attend de l’amour. Une confidence, un baiser, et il ne la reverra jamais. Il aime encore sa
621 tout ce qu’il attend de l’amour. Une confidence, un baiser, et il ne la reverra jamais. Il aime encore sa femme, « mais c
622 is. Il aime encore sa femme, « mais comme on aime une petite maison de province quand on a failli hériter de Chenonceaux ».
623 ène Rezzovitch s’idéalise et gagne la puissance d’ une merveilleuse obsession. Il lui écrit de longues lettres, sans les env
624 tre aimé. Enfin, divorcé, seul, il la revoit dans une vision prestigieuse et désolée… M. Jaloux a trouvé là un sujet qui co
625 on prestigieuse et désolée… M. Jaloux a trouvé là un sujet qui convient admirablement à son art, où s’unissent aujourd’hui
626 dmirablement à son art, où s’unissent aujourd’hui un réalisme discret mais précis et le sens de ce qu’il y a en nous d’ess
627 sions à nous-mêmes inavoués, rêves éveillés. Tout un système de valeurs lyriques et sentimentales que la raison ignore ou
628 e à ce devoir sacré ». M. Jaloux évite le péril d’ un réalisme trop amer et celui du roman lyrique, par l’équilibre qu’il m
629 ieux que quiconque aujourd’hui faire éclater dans un cadre très moderne où s’agitent des personnages spirituellement dessi
630 e éclater dans un cadre très moderne où s’agitent des personnages spirituellement dessinés un de ces drames tout intérieurs
631 ’agitent des personnages spirituellement dessinés un de ces drames tout intérieurs dont il dit : « Personne ne peut juger
632 même eux ». Dans ce roman, comme dans l’Âge d’or, un désenchantement profond prend le masque d’une aimable mélancolie. C’e
633 ’or, un désenchantement profond prend le masque d’ une aimable mélancolie. C’est la sourde tristesse des choses qui vous éch
634 une aimable mélancolie. C’est la sourde tristesse des choses qui vous échappent, des amours impossibles, des histoires dont
635 a sourde tristesse des choses qui vous échappent, des amours impossibles, des histoires dont on ne sait pas la fin ni le se
636 hoses qui vous échappent, des amours impossibles, des histoires dont on ne sait pas la fin ni le sens véritable, mais seule
637 , lettres perdues, aveux incompris, et peut-être, un quiproquo de destinées… Le tragique du peut-être ; (comme dans l’une
638 ées… Le tragique du peut-être ; (comme dans l’une des dernières phrases de Sylvie : « Là était le bonheur, peut-être… »). M
639 spirituel, fantaisiste (cette touche pour peindre un personnage épisodique : « Il confondait la rose et la pivoine, l’oran
640 la rose et la pivoine, l’orange et l’ananas… »). Une telle œuvre, dense, sans obscurité, riche et décantée, profonde et dé
31 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Notre inquiétude (avril 1927)
641 es que son intelligence très nuancée maintient en une sorte d’instable équilibre, les tendances que ses contemporains ont p
642 admirant Maurras sans l’aimer ; saluant en Valéry une réussite unique mais presque inhumaine ; secrètement attiré par les t
643 par les thèses extrémistes mais non dépourvues d’ une sombre grandeur, des surréalistes, et en même temps par cette solutio
644 mistes mais non dépourvues d’une sombre grandeur, des surréalistes, et en même temps par cette solution universelle, la foi
645 la misère de l’époque — et qu’il avoue préférer à une certitude trop vite atteinte, où sa jeunesse ne verrait qu’une abdica
646 trop vite atteinte, où sa jeunesse ne verrait qu’ une abdication. Il décrit la « génération nouvelle » avec une intelligent
647 cation. Il décrit la « génération nouvelle » avec une intelligente sympathie et un sens rare des directions générales. « Ha
648 ion nouvelle » avec une intelligente sympathie et un sens rare des directions générales. « Hamlétisme », pouvoir aigu d’an
649 » avec une intelligente sympathie et un sens rare des directions générales. « Hamlétisme », pouvoir aigu d’analyse qui cond
650 f de tout et pourtant mépris de tout, procédant d’ un goût de l’absolu à la fois mystique et anarchique : ce sont bien les
651 négligé le rôle extérieur, que je crois décisif, des conditions de la vie moderne.) Après avoir défini quelques « position
652 nt que de Dieu : la Foi ». Acculée à la rigueur d’ un choix presque impossible, notre incertitude paraît sans remède. Mais,
653 el-Rops n’a-t-il pas cédé à la tentation de créer des dilemmes irréductibles, suprême et inconsciente ruse d’un inquiet qui
654 mes irréductibles, suprême et inconsciente ruse d’ un inquiet qui veut le rester ? Ces deux solutions peuvent se résumer en
655 i. Dès lors sont-elles vraiment les deux termes d’ un dilemme, l’une n’étant que le chemin qui mène à l’autre ? Car la foi
32 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Lecache, Jacob (mai 1927)
656 Bernard Lecache, Jacob (mai 1927)ah Voici un livre dur et sans grâces, qui ne manque pas d’une beauté assez brutal
657 un livre dur et sans grâces, qui ne manque pas d’ une beauté assez brutale, pour nous choquer et s’imposer pourtant. M. Lec
658 urtant. M. Lecache présente le problème juif avec une obstination à ne rien cacher qui le mène profond. Une famille juive d
659 obstination à ne rien cacher qui le mène profond. Une famille juive dans le Marais. Le père est un tailleur, biblique, aust
660 nd. Une famille juive dans le Marais. Le père est un tailleur, biblique, austère et probe, qui n’a d’ambition que pour ses
661 oresque dans la description du milieu juif, prend une âpre rapidité avec l’ascension de Jacob et ses luttes. On pardonne bo
33 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, La Mort difficile (mai 1927)
662 difficile (mai 1927)ai Le jeu de tout dire est une des plus tragiques inventions de l’inquiétude actuelle. Sous couleur
663 icile (mai 1927)ai Le jeu de tout dire est une des plus tragiques inventions de l’inquiétude actuelle. Sous couleur de d
664 rnement angoissé qu’on y apporte, l’on en vient à une conception de la sincérité qui me paraît proprement inhumaine. Tout d
665 humaine. Tout dire, vraiment ? C’est l’exigence d’ une détresse cachée ; elle fait bientôt considérer toute joie comme illus
666 ncérité ne serait-elle à son tour que le masque d’ un goût du malheur ? Le sujet profond de ce roman, où l’on voit comment
667 st pas encore détaché de la matière pour en tirer une œuvre d’art. La sincérité audacieuse mais sans bravade qui donne à ce
668 tes et d’expressions toutes faites qui trahissent une écriture hâtive. Mais il y a dans l’œuvre de René Crevel un sens de l
669 e hâtive. Mais il y a dans l’œuvre de René Crevel un sens de la douleur et un sérieux humain qui forcent la sympathie. a
670 s l’œuvre de René Crevel un sens de la douleur et un sérieux humain qui forcent la sympathie. ai. Rougemont Denis de, «
34 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Éluard, Capitale de la douleur (mai 1927)
671 e plus séduisant, le plus dangereusement gracieux des noctambules. Rêves éveillés, entre deux gorgées d’un élixir dont il v
672 noctambules. Rêves éveillés, entre deux gorgées d’ un élixir dont il voudrait bien nous faire croire que le diable est l’au
673 nt au bord des verres, se posent sur les cordes d’ une lyre dont ils font grésiller l’accord, une patte en l’air, becquètent
674 rdes d’une lyre dont ils font grésiller l’accord, une patte en l’air, becquètent le cœur d’une femme qui va les étrangler d
675 ’accord, une patte en l’air, becquètent le cœur d’ une femme qui va les étrangler doucement. Ces vers sont de jolies flèches
676  bien français » ; et le mot sang n’évoque ici qu’ une tache de couleur, plus sentimental que cruel. « J’ai la beauté facile
677 la beauté facile et c’est heureux. » Il y a aussi un certain tragique, mais au filet si acéré qu’on ne sent presque pas sa
35 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Drieu la Rochelle, La Suite dans les idées (mai 1927)
678 ’une autant qu’à l’autre, Drieu s’examine. Encore un  ? Non, enfin un. Tous les autres y ont apporté de secrètes complaisan
679 l’autre, Drieu s’examine. Encore un ? Non, enfin un . Tous les autres y ont apporté de secrètes complaisances, ou une arri
680 utres y ont apporté de secrètes complaisances, ou une arrière-pensée d’apologie, ou même simplement un besoin d’être aimés
681 une arrière-pensée d’apologie, ou même simplement un besoin d’être aimés qui faussaient leurs voix pour les rendre plus to
682 ndre plus touchantes. Celui-ci bat sa coulpe avec une saine rudesse. « Il s’examine jusqu’au ventre de sa mère et cognoit q
683 alvin). Le tableau n’est pas beau, mais on y sent une « patte » qui révèle encore dans le fond quelque chose de solide, d’a
684 autre chose que les « éclats de l’impuissance ». Un plus délicat eut compris que certains des morceaux très divers qui co
685 sance ». Un plus délicat eut compris que certains des morceaux très divers qui composent ce livre sont bien mauvais, à côté
686 eut encore s’en tirer, du moins l’avoue-t-il avec une franchise qui la rend sympathique. Et puis, tout de même, on est bien
687 de rencontrer chez les jeunes écrivains français un homme qui ait à ce point le sens de l’époque, une vision si claire et
688 un homme qui ait à ce point le sens de l’époque, une vision si claire et si tragique de la civilisation d’Occident. Les qu
689 ns capitales posées ailleurs depuis longtemps par des maîtres comme Keyserling, Ferrero, commencent à être prises au sérieu
690 littérature sur la vie, mais d’avoir su en garder une passion pour la pureté, un « jusqu’au boutisine » qui seul peut redon
691 d’avoir su en garder une passion pour la pureté, un « jusqu’au boutisine » qui seul peut redonner quelque vitalité à notr
692 otre civilisation, — et je sais bien que c’est là un des signes de sa décadence. Il y a du chirurgien chez ce soldat deven
693 e civilisation, — et je sais bien que c’est là un des signes de sa décadence. Il y a du chirurgien chez ce soldat devenu « 
694 rtain, brutal : mais faisons-lui confiance, voici un homme d’aujourd’hui, presque sans pose, et décidé à mépriser le bluff
36 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur des femmes (juillet 1927)
695 Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur des femmes (juillet 1927)am Quand vous avez fermé ce petit livre, vous
696 it livre, vous partez en chantonnant le titre sur un air sentimental, bien décidé au fond, à retrouver Patsy, l’Irlandaise
697 ympathique Paterne. Sous le fallacieux prétexte d’ une flânerie de saison, vous vous attardez aux terrasses des cafés. Peut-
698 nerie de saison, vous vous attardez aux terrasses des cafés. Peut-être va-t-elle revenir avec son Johannes laqué. Ah ! comm
699 Ah ! comme vous sauriez lui plaire, maintenant qu’ une si triomphante tendresse vous possède ! Justement, voici Pierre Girar
700 s sérieux. Il sourit. Vous ajoutez que le lyrisme des noms géographiques vous fatigue ; que c’est une vraie manie de nommer
701 e des noms géographiques vous fatigue ; que c’est une vraie manie de nommer à tout propos d’Annunzio, Pola Negri, Charly Cl
702 sants ». Pierre Girard n’écoute plus : il pense à des Vénézuéliennes ou à Gérard de Nerval. Bientôt vous vous calmez. Car i
703 d’hui que ce globe dans son voyage « est arrivé à un endroit de l’éther où il y a du bonheur ». Vous reconnaissez que Pier
704 onheur ». Vous reconnaissez que Pierre Girard est un peu responsable de cette douceur de vivre. Déjà vous ne niez plus sa
705 ôlerie, son aisance. Vous accordez que s’il force un peu la dose de fantaisie, c’est plutôt par excès de facilité que par
706 ter. Bien plus, vous découvrez dans ses fantoches une malicieuse et fine psychologie. Mais à ce mot, son visage s’assombrit
707 sychologie. Mais à ce mot, son visage s’assombrit un peu. « Tous nos ennuis nous seraient épargnés si nous ne regardions q
708 ent épargnés si nous ne regardions que les jambes des femmes », dit-il, pour vous apprendre ! — sans se douter que rien ne
709 s lu ce livre ? Ah ! sans hésiter, je vous ferais un devoir de ce plaisir. Un devoir !… Car hélas, l’on n’est pas impunéme
710 hésiter, je vous ferais un devoir de ce plaisir. Un devoir !… Car hélas, l’on n’est pas impunément concitoyen de cet oncl
711 out cela est sans importance, car voici « l’heure des petits arbres pourpres, l’heure où dans les bibliothèques désertes gl
712 l’heure où dans les bibliothèques désertes glisse un grand souffle oblique plein de fraîcheur et de pardon. » am. Rouge
713 te rendu] Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur des femmes  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juill
37 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean-Louis Vaudoyer, Premières amours (août 1927)
714 s que la forme : ce sont de lentes réminiscences, des évocations intérieures, — et dans l’abandon de leurs méandres, peu à
715 dres, peu à peu, se précisent les circonstances d’ une aventure ancienne. Entre hier et demain : Une femme « encore jeune »
716 d’une aventure ancienne. Entre hier et demain : Une femme « encore jeune » se souvient d’un danseur de ses 20 ans, d’une
717 demain : Une femme « encore jeune » se souvient d’ un danseur de ses 20 ans, d’une aventure qui aurait pu être… Un homme mé
718 jeune » se souvient d’un danseur de ses 20 ans, d’ une aventure qui aurait pu être… Un homme médite à côté du corps de son a
719 de ses 20 ans, d’une aventure qui aurait pu être… Un homme médite à côté du corps de son ami suicidé pour une femme qu’ils
720 me médite à côté du corps de son ami suicidé pour une femme qu’ils ont aimé tous deux (L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le ré
721 s deux (L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le récit d’ un été de vacances, quand les premières inquiétudes du désir viennent tr
722 ler de ravissantes amours d’adolescents. Et c’est Un vieil été. Cette nouvelle, très supérieure aux deux autres, est une r
723 te nouvelle, très supérieure aux deux autres, est une réussite rare par la justesse de l’observation autant que par la symp
724 e l’auteur pour ses héros. Indulgence et regrets, un ton qui permet le tact dans la hardiesse. On reste ravi de tant d’adr
725 a hardiesse. On reste ravi de tant d’adresse sous un air de facilité qui serait presque de la nonchalance. M. Vaudoyer res
726 nce. M. Vaudoyer ressuscite ces adolescences avec une tendre minutie, avec une sorte d’amoureuse application du souvenir, d
727 te ces adolescences avec une tendre minutie, avec une sorte d’amoureuse application du souvenir, d’une séduction certaine.
728 une sorte d’amoureuse application du souvenir, d’ une séduction certaine. C’est un art de détails ; mais si délicat et d’un
729 tion du souvenir, d’une séduction certaine. C’est un art de détails ; mais si délicat et d’une si subtile convenance avec
730 e. C’est un art de détails ; mais si délicat et d’ une si subtile convenance avec son objet qu’il en saisit sans mièvrerie n
731 il en saisit sans mièvrerie ni vulgarité la grâce un peu trouble et l’insidieuse mélancolie. Un détail piqué adroitement,
732 grâce un peu trouble et l’insidieuse mélancolie. Un détail piqué adroitement, papillon dont frémissent encore les ailes i
733 « cette vague poésie involontaire, intermittente, un peu émiettée, éventée, que je trouve dans une ancienne réalité ressus
734 nte, un peu émiettée, éventée, que je trouve dans une ancienne réalité ressuscitée… » Sachons gré à M. Vaudoyer d’avoir su
735 é à M. Vaudoyer d’avoir su donner à ces œuvrettes une si exquise humanité : par lui le « charme » reprend quelques droits.
38 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Rainer Maria Rilke (décembre 1927)
736 er l’excellent petit livre d’Edmond Jaloux. C’est un recueil de divers articles et essais, dont certains — le Message de R
737 , de ce Jaloux qui sait parler mieux que personne des poètes scandinaves et des romantiques allemands parce qu’il partage a
738 rler mieux que personne des poètes scandinaves et des romantiques allemands parce qu’il partage avec eux ce goût du rêve pr
739 ui a rencontré plusieurs fois Rilke, trace de lui un portrait qu’on dirait, en peinture, très « interprété ». Non pas une
740 dirait, en peinture, très « interprété ». Non pas une photographie morale, mais une sorte de synthèse de l’homme et de l’ho
741 terprété ». Non pas une photographie morale, mais une sorte de synthèse de l’homme et de l’homme dans son œuvre, qui est pe
742 ilkienne que ne fut Rilke. Rilke y apparaît comme une de ces âmes mystiques et raffinées telles qu’on en découvre chez cert
743 en découvre chez certaines femmes et l’on y voit une préciosité sentimentale qui touche à la névrose ou bien simplement un
744 entale qui touche à la névrose ou bien simplement une clairvoyance exceptionnelle, suivant que l’on juge au nom d’une scien
745 ce exceptionnelle, suivant que l’on juge au nom d’ une science ou au nom de l’esprit. « Pour moi qui aime plus que tout la p
746 ompris que cet univers dont je rêvais n’était pas un objet de songe mais d’expérience ». Mais une telle « expérience », je
747 t pas un objet de songe mais d’expérience ». Mais une telle « expérience », je crois, ne peut être sensible qu’à des êtres
748 xpérience », je crois, ne peut être sensible qu’à des êtres pour qui elle est en somme inutile : parce qu’ils possèdent déj
749 ils possèdent déjà, au moins obscurément, le sens des réalités sur lesquelles s’opère l’expérience. On ne prouve la religio
750 s — qui n’ont plus besoin de preuves. Il reste qu’ un livre comme celui-ci tend un merveilleux piège sentimental à la raiso
751 preuves. Il reste qu’un livre comme celui-ci tend un merveilleux piège sentimental à la raison raisonnante. Et qu’il nous
752 ental à la raison raisonnante. Et qu’il nous mène un peu plus loin que la sempiternelle « stratégie littéraire », de gazet
39 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Léon Bopp, Interférences (décembre 1927)
753 Léon Bopp, Interférences (décembre 1927)ap Un jeune auteur raconte dans une lettre à une amie comment il a écrit, s
754 (décembre 1927)ap Un jeune auteur raconte dans une lettre à une amie comment il a écrit, sur commande, une Promenade dan
755 7)ap Un jeune auteur raconte dans une lettre à une amie comment il a écrit, sur commande, une Promenade dans le Midi. Ré
756 ttre à une amie comment il a écrit, sur commande, une Promenade dans le Midi. Récit alerte et familier (un brin pédant et u
757 Promenade dans le Midi. Récit alerte et familier ( un brin pédant et un brin vulgaire par endroits, mais pour rire), des di
758 Midi. Récit alerte et familier (un brin pédant et un brin vulgaire par endroits, mais pour rire), des difficultés, hésitat
759 t un brin vulgaire par endroits, mais pour rire), des difficultés, hésitations, paresses, rêves, réactions physiques, etc.,
760 êves, réactions physiques, etc., qui accompagnent une création littéraire. Bien sûr, c’est cela, le malaise d’écrire. Bopp
761 verve, et pas embarrassé du tout pour vous lâcher un beau pavé mathématique au milieu d’une effusion « lyrique », histoire
762 vous lâcher un beau pavé mathématique au milieu d’ une effusion « lyrique », histoire de n’avoir pas l’air dupe. Mais il a d
763  », histoire de n’avoir pas l’air dupe. Mais il a des façons parfois bien désobligeantes de voir juste. Et quand son bonhom
764 littéraire. La « Promenade » du héros de Bopp est une sorte de pensum. Cela rend peut-être moins convaincantes certaines de
765 aucoup sont excellentes et leur facilité même est une réussite. Léon Bopp, c’est le combat d’un tempérament avec l’esprit d
766 me est une réussite. Léon Bopp, c’est le combat d’ un tempérament avec l’esprit de géométrie. Un scientisme assez insolent
767 mbat d’un tempérament avec l’esprit de géométrie. Un scientisme assez insolent et les joyeuses révoltes de sa verve « inte
768 aussi (presque imperceptible, mais ici décisive), une secrète complaisance à se regarder vivre qui est bien d’aujourd’hui —
40 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Princesse Bibesco, Catherine-Paris (janvier 1928)
769 ibesco, Catherine-Paris (janvier 1928)aq C’est un livre sympathique ; et il vaut la peine de le dire car la chose n’est
770 premiers chapitres de Catherine-Paris cette magie des sensations et des rêves de l’enfance et cette féminité du sentiment,
771 de Catherine-Paris cette magie des sensations et des rêves de l’enfance et cette féminité du sentiment, du tour de pensée
772 pensée même, qui faisaient déjà du Perroquet Vert un petit chef-d’œuvre de poésie proprement romanesque, naissant des situ
773 d’œuvre de poésie proprement romanesque, naissant des situations mêmes et non de dissertations lyriques à leur propos. Mais
774 y a encore la princesse, le témoin intelligent et un peu ironique des cours d’Europe à la veille de la guerre. De cette es
775 incesse, le témoin intelligent et un peu ironique des cours d’Europe à la veille de la guerre. De cette espèce de collabora
776 e Catherine à Paris est du roman pur ; la tournée des cours de l’Europe centrale, qu’elle subit comme jeune épouse d’un com
777 rope centrale, qu’elle subit comme jeune épouse d’ un comte polonais, grand seigneur médiatisé, vaguement prétendant au trô
778 ment prétendant au trône de Pologne, est plutôt d’ un mémorialiste. Madame Bibesco y montre beaucoup de liberté d’esprit, u
779 me Bibesco y montre beaucoup de liberté d’esprit, une pénétration de jugement et une ironie assez amère qui étonnent de la
780 liberté d’esprit, une pénétration de jugement et une ironie assez amère qui étonnent de la part d’une femme aussi femme qu
781 une ironie assez amère qui étonnent de la part d’ une femme aussi femme que l’auteur du Perroquet Vert. Mais là-dessus, le
782 s une troisième action (l’amour de Catherine pour un aviateur français) assez peu intéressante à vrai dire, parce qu’elle
783 llances de la technique du roman sont sauvées par un style brillant, plein de trouvailles spirituelles, malicieuses ou poé
784 el… On peut regretter que ce livre ne réalise pas une synthèse plus organique du roman et des mémoires. Mais si son début p
785 alise pas une synthèse plus organique du roman et des mémoires. Mais si son début permet de croire que le Perroquet Vert ne
786 et de croire que le Perroquet Vert ne restera pas une réussite isolée dans l’œuvre purement romanesque de la princesse Bibe
787 sse Bibesco, Catherine-Paris annonce par ailleurs un mémorialiste captivant, dans la tradition d’un Ligne par exemple. a
788 rs un mémorialiste captivant, dans la tradition d’ un Ligne par exemple. aq. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Prince
41 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Marguerite Allotte de la Fuye, Jules Verne, sa vie, son œuvre (juin 1928)
789 ituel. Pourquoi ne veut-on voir en Jules Verne qu’ un précurseur ? Jules Verne est un créateur, dont les inventions se suff
790 en Jules Verne qu’un précurseur ? Jules Verne est un créateur, dont les inventions se suffisent et suffisent à notre joie.
791 ptiques. Il a aimé la science parce qu’elle ouvre des perspectives d’évasion — où seuls les poètes savent se perdre. Et c’e
792 voir emprunté le véhicule à la mode pour conduire des millions de lecteurs dans un monde purement fantaisiste où les équati
793 mode pour conduire des millions de lecteurs dans un monde purement fantaisiste où les équations tyranniques deviennent de
794 ellement dans la lune, ou bien descendent au fond des mers adorer la Liberté et jouer de l’orgue sous les yeux de poulpes g
795 elle du cinéma ! Claretie raconte que les détenus des maisons de correction se jetaient sur ces volumes « au travers desque
796 nous pas autant, emprisonnés que nous sommes dans une civilisation qui, selon l’expression de Jules Verne désabusé « emprun
797 ion de Jules Verne désabusé « emprunte l’aspect d’ une nécessité » (et dans la bouche de ce libertaire, cela constituait un
798 dans la bouche de ce libertaire, cela constituait un jugement !) Serons-nous longtemps encore dupes d’une conception de l
799 jugement !) Serons-nous longtemps encore dupes d’ une conception de la littérature si pédante qu’elle exclut un de nos plus
800 ption de la littérature si pédante qu’elle exclut un de nos plus grands conteurs sous prétexte qu’il n’est styliste ni psy
42 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Aragon, Traité du style (août 1928)
801 urvu si possible. Je ne demande aux écrivains que des révélations, ou mieux, qu’ils les favorisent par leurs écrits. Aragon
802 t beaucoup de choses vraies (belles). Il est même un des très rares parmi les jeunes qui ait vraiment donné quelque chose.
803 eaucoup de choses vraies (belles). Il est même un des très rares parmi les jeunes qui ait vraiment donné quelque chose. C’e
804 livre, malgré son premier chapitre, variation sur un mot bien français et ses applications faciles à cent célébrités local
805 the, traité de clown, cela ne va pas loin.) C’est une belle rage (ô combien partagée !) vainement passée (quitte à renaître
806 ement passée (quitte à renaître heureusement) sur des gens qui ne m’intéressent pas ou bien qui ne sont pas atteints par ce
807 is donner l’air bête à ceux qui le sont en créant une belle œuvre serait, par exemple, plus efficace. Aragon se retourne sa
808 rcher plus loin, dans ce silence où l’on accède à des objets qui enfin valent le respect. as. Rougemont Denis de, « [Com
43 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Naville, La Révolution et les intellectuels (novembre 1928)
809 lectuels (novembre 1928)at Les derniers écrits des surréalistes débattent la question de savoir s’ils vont se taire ou n
810 nt trop littérateurs. Rien d’étonnant à cela dans une époque où les valeurs de l’esprit sont en pratique universellement mé
811 leur défense de l’esprit s’est bornée jusqu’ici à une rhétorique très brillante contre un état de choses justement détesté,
812 jusqu’ici à une rhétorique très brillante contre un état de choses justement détesté, mais dont ils participent plus qu’i
813 Mais à condition d’aller plus loin et de prendre une connaissance positive de ce qu’il y a sous cette réalité. Il est cert
814 ros mots et de discours en très beau style contre un monde très laid dont ils n’ont pas encore renoncé à chatouiller le sn
44 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, Les Conquérants (décembre 1928)
815 organisation et le sabotage. On y découvre le jeu des tempéraments qui fait opter ces chefs pour l’une ou l’autre de ces at
816 es représentent deux manières de sentir l’unité d’ une époque obsédée d’action.) Autour de ces individus — Chinois nationali
817 le monde du Pacifique. On retrouvera ici beaucoup des idées que la Tentation de l’Occident exprimait sous une forme abstrai
818 ées que la Tentation de l’Occident exprimait sous une forme abstraite et poétique. Mais cette fois tout est concrétisé en h
819 décrets. Qu’il décrive la vie intense et instable des acteurs du drame, l’aspect quotidien et mystérieux d’une révolution d
820 eurs du drame, l’aspect quotidien et mystérieux d’ une révolution de rues, ou la palpitation inquiétante des villes chinoise
821 révolution de rues, ou la palpitation inquiétante des villes chinoises, Malraux fait preuve d’un art du détail où se révèle
822 tante des villes chinoises, Malraux fait preuve d’ un art du détail où se révèle le vrai romancier. On serait parfois tenté
823 oute aussi plus sensible. Et il ne se borne pas à des effets pittoresques : ce récit coloré et précis, admirablement object
824 ement objectif, est aussi, mais à coups de faits, une discussion d’idées. Il est surtout la description d’une angoisse que
825 scussion d’idées. Il est surtout la description d’ une angoisse que le nihilisme de M. Malraux veut sans issues : l’angoisse
826 passionnant de l’action, il se dégage de ce roman un désespoir sec, sans grimace. Cette intelligence et cette sensibilité
827 orces déterminantes de l’heure, à les exprimer en un tel drame, et voici André Malraux au premier rang des romanciers cont
828 tel drame, et voici André Malraux au premier rang des romanciers contemporains. au. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
45 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Louis II de Bavière ou Hamlet-Roi (décembre 1928)
829 c son beau regard de rêve, — lit-on dans l’Ennemi des Lois — son expression amoureuse du silence et cet ensemble idéal d’ét
830 tre réfractaire ». N’est-ce point trop demander à une existence bien indécise, que son échec même ne relève pas, et qui tir
831 « prince de l’illusion et de la solitude ». Mais un prince rêveur n’est pas forcément prince du rêve ; et par ailleurs ce
832 qu’il l’a pu, étant roi. Il offre ainsi l’image d’ un romantisme assez morose ; mais à grande échelle. M. de Pourtalès a su
833 aux nuances assez troubles du personnage central une résonance plus profonde. Louis II, ce chimérique, disposait par hasar
834 absence d’amour, par refus de souffrir. Mais chez un être raffiné, la peur d’étreindre aboutit à l’amour de soi dans « l’i
835 oindre habileté du biographe. D’ailleurs, réussir un livre attrayant sur une vie manquée n’était pas un problème aisé : Gu
836 raphe. D’ailleurs, réussir un livre attrayant sur une vie manquée n’était pas un problème aisé : Guy de Pourtalès l’a résol
837 n livre attrayant sur une vie manquée n’était pas un problème aisé : Guy de Pourtalès l’a résolu d’une façon fort adroite
838 un problème aisé : Guy de Pourtalès l’a résolu d’ une façon fort adroite mais non moins franche. av. Rougemont Denis de,
46 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Le Prince menteur (décembre 1928)
839 e Prince menteur (décembre 1928)aw Au hasard d’ une rencontre, l’auteur de ce récit se lie avec un inconnu qui se dit pri
840 d’une rencontre, l’auteur de ce récit se lie avec un inconnu qui se dit prince russe et entretient autour de sa vie le plu
841 i disparaît, néanmoins. Enfin, le Français reçoit une lettre trouvée sur le corps de son ami suicidé, pathétique confession
842 egrette seulement que Daniel-Rops se soit borné à une courte nouvelle, d’ailleurs assez dense, et dont le mérite est d’être
843 oit bien que l’épithète de mythomane n’épuise pas une question dont l’importance dépasse celle du cas pathologique. Il y a
844 n a vu sévir parmi certains milieux d’avant-garde une confusion assez tragique, parce qu’elle constitue une tentation pour
845 confusion assez tragique, parce qu’elle constitue une tentation pour tous les poètes. Le désir de « plus vrai que le vrai »
846 us vrai que le vrai » surexcité par l’insolence d’ une psychologie qui rabaisse tout, peut conduire à préférer un mensonge q
847 logie qui rabaisse tout, peut conduire à préférer un mensonge qui n’est, hélas, qu’une déformation de cette réalité détest
848 duire à préférer un mensonge qui n’est, hélas, qu’ une déformation de cette réalité détestée. Le mythomane brouille les cart
47 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme (janvier 1929)
849 Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme (janvier 1929)ax Le critique se sent désarmé et légèrement a
850 e se sent désarmé et légèrement absurde en face d’ un récit comme celui d’Anderson : voici un homme qui raconte sa vie avec
851 en face d’un récit comme celui d’Anderson : voici un homme qui raconte sa vie avec une émouvante simplicité et il faudrait
852 Anderson : voici un homme qui raconte sa vie avec une émouvante simplicité et il faudrait avoir la grossièreté de lui répon
853 l faudrait avoir la grossièreté de lui répondre d’ un air connaisseur que c’est bien composé. J’avoue prendre cette autobio
854 né du passage où il rappelle qu’il écrit la vie d’ un homme de lettres. En réalité, on ne le voit pas encore apparaître sou
855 aspect dans ces deux premiers tomes, où il décrit des scènes de son enfance et de sa jeunesse comme ouvrier. L’art d’Anders
856 nnant d’apparente simplicité. Le récit s’avance à une allure libre et tranquille, anglo-saxonne et peu à peu entraîne tout
857 nquille, anglo-saxonne et peu à peu entraîne tout un branle-bas d’évocations hautes en couleur, de rêves, de visages, tand
858 êves, de visages, tandis que ç[à] et là s’ouvrent des perspectives saisissantes sur l’époque. Anderson est avant tout un po
859 aisissantes sur l’époque. Anderson est avant tout un poète, un homme qui aime inventer et que cela console des nécessités
860 s sur l’époque. Anderson est avant tout un poète, un homme qui aime inventer et que cela console des nécessités modernes,
861 e, un homme qui aime inventer et que cela console des nécessités modernes, dégradantes. Cet amour de l’invention romanesque
862 amour de l’invention romanesque considérée comme une revanche de la poésie — mais à Chicago on doit appeler ça du bluff —
863 bluff — fait de lui sans doute le plus méridional des conteurs américains. Avec cela, un réalisme, plein de verdeur et souv
864 us méridional des conteurs américains. Avec cela, un réalisme, plein de verdeur et souvent d’amertume. Mais là où d’autres
865 raient le couplet humanitariste, lui s’en va dans un rêve, ou dans un autre souvenir. Qui parmi nous sait encore parler de
866 humanitariste, lui s’en va dans un rêve, ou dans un autre souvenir. Qui parmi nous sait encore parler de sa mère avec cet
867 avec cette virile et religieuse tendresse ? C’est un Chinois, c’est un Américain qui viennent nous rapprendre que les sour
868 et religieuse tendresse ? C’est un Chinois, c’est un Américain qui viennent nous rapprendre que les sources de la poésie s
869 ources de la poésie sont dans notre maison. Voici un de ces passages où il sait être, avec sa verve doucement comique, si
870 ette époque je croyais fortement en l’existence d’ une espèce de secrète et à peu près universelle conspiration pour insiste
871 conspiration pour insister sur la laideur. “C’est une frasque de gosses à laquelle nous nous livrons, voilà tout, moi et le
872 les autres”, me disais-je parfois, et il y avait des moments où j’arrivais presque à me convaincre que si je m’approchais
873 que si je m’approchais tout à coup par-derrière d’ un homme ou d’une femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se sec
874 prochais tout à coup par-derrière d’un homme ou d’ une femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se secouerait enfin,
875 ous-mêmes et de tout le reste, nous amusant comme des fous ». Mais non, on ne le secouera pas, ce cauchemar, ce monde moder
876 on, ce monde où l’on ne sait plus créer avec joie des formes belles, ce monde qui devient impuissant. Impossible d’évoquer
877 onde qui devient impuissant. Impossible d’évoquer un personnage précis pour lui faire endosser le blâme, mais comme l’homm
878 sa fin logique, ne pourrait-il pas être considéré un jour comme le grand tueur de son époque ? Rendre impuissant c’est à c
879 de l’élever à la présidence de la République. Qu’ un tel acte serait adéquat ! Tamerlan, dont la spécialité était l’assass
880 du] Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, janvie
48 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Saisir (juin 1929)
881 uin 1929)ay Ce petit livre de poèmes est comme une initiation au silence. Il faut s’en approcher avec une douceur patien
882 nitiation au silence. Il faut s’en approcher avec une douceur patiente, et le laisser créer en nous son silence particulier
883 r avant d’entendre les signes qu’il nous propose. Une telle poésie n’offre aux sens que peu d’images (à peine quelques « mo
884 fs », objets usuels et usés, sur la nuance mate d’ un paravent chinois). Ce qu’elle décrit, ce sont des perceptions de l’âm
885 ’un paravent chinois). Ce qu’elle décrit, ce sont des perceptions de l’âme plus que de l’esprit ou des sens. « Reste immobi
886 des perceptions de l’âme plus que de l’esprit ou des sens. « Reste immobile et sache attendre que ton cœur se détache de t
887 che attendre que ton cœur se détache de toi comme une lourde pierre. » Le corps, que l’âme quitte, redevient minéral, statu
888 oses dont elle s’est dégagée et qu’elle voit dans une autre lumière : « Tout semblait vivre au fond d’un insistant regard. 
889 e autre lumière : « Tout semblait vivre au fond d’ un insistant regard. » Le poète des Gravitations est ici descendu plus p
890 t vivre au fond d’un insistant regard. » Le poète des Gravitations est ici descendu plus profond en soi-même ; son art y ga
891 oi-même ; son art y gagne en densité, en émotion. Des mots simples, mais chacun dans sa mûre saveur ; une phrase naturellem
892 s mots simples, mais chacun dans sa mûre saveur ; une phrase naturellement grave ; une voix douce et virile ; et quel beau
893 sa mûre saveur ; une phrase naturellement grave ; une voix douce et virile ; et quel beau titre ! « Saisir » n’est-ce point
894 » ? Mais le plus émouvant, c’est ici l’approche d’ un silence partout pressenti, qui s’impose, qui apaise le vain débat de
895 « Car l’on pense beaucoup trop haut, et cela fait un vacarme terrible. » ay. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Jules
49 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cassou, La Clef des songes (août 1929)
896 Jean Cassou, La Clef des songes (août 1929)az Après cet austère Pays qui n’est à personne p
897 Pays qui n’est à personne paru l’année dernière — un livre assez troublant et qu’on a trop peu remarqué —, Jean Cassou rev
898 son romantisme, à notre cher romantisme. La Clef des songes est de nouveau une dérive fantaisiste dans ce monde un peu plu
899 her romantisme. La Clef des songes est de nouveau une dérive fantaisiste dans ce monde un peu plus léger, un peu plus profo
900 t de nouveau une dérive fantaisiste dans ce monde un peu plus léger, un peu plus profond que le vrai, où l’Éloge de la fol
901 rive fantaisiste dans ce monde un peu plus léger, un peu plus profond que le vrai, où l’Éloge de la folie nous entraînait
902 e son Pierangelo dans la vie. Le hasard, complice des poètes, lui fait rencontrer des êtres bizarres avec lesquels il n’hés
903 hasard, complice des poètes, lui fait rencontrer des êtres bizarres avec lesquels il n’hésite pas à faire un bout de chemi
904 es bizarres avec lesquels il n’hésite pas à faire un bout de chemin, Hans le gardeur d’oies, le gueux Joseph qui parle à s
905 le gueux Joseph qui parle à son chien en mourant, une fille qui chante et des enfants surtout, dès le début, puis plus tard
906 e à son chien en mourant, une fille qui chante et des enfants surtout, dès le début, puis plus tard encore, dans les songes
907 le début, puis plus tard encore, dans les songes des grandes personnes, — puis tous se perdent, comme des souvenirs, et l’
908 grandes personnes, — puis tous se perdent, comme des souvenirs, et l’on retrouve un peu plus loin d’autres souvenirs attri
909 se perdent, comme des souvenirs, et l’on retrouve un peu plus loin d’autres souvenirs attristés par le temps, des visages
910 s loin d’autres souvenirs attristés par le temps, des visages qui ne sont plus tout à fait les mêmes, des bonheurs qui sign
911 s visages qui ne sont plus tout à fait les mêmes, des bonheurs qui signifient plus de désespoir qu’ils ne s’en doutent… C’e
912 t plus de désespoir qu’ils ne s’en doutent… C’est un dévergondage sentimental, plein de malices et d’envies de pleurer. Qu
913 el dommage qu’il s’égare parfois dans les maisons des grands bourgeois, où tout, soudain, devient plus terne. Mais bien vit
914 tout, soudain, devient plus terne. Mais bien vite un intermède bouffon, impossible et d’une désopilante poésie nous replon
915 s bien vite un intermède bouffon, impossible et d’ une désopilante poésie nous replonge dans une atmosphère autre, où les pe
916 le et d’une désopilante poésie nous replonge dans une atmosphère autre, où les personnages ont cet air un peu ivre et capab
917 atmosphère autre, où les personnages ont cet air un peu ivre et capable de n’importe quoi, cet air dangereux et tendre qu
918 hants, et seulement aux dernières pages du livre, un peu amers… On voudrait un livre de Cassou qui ne serait fait que de c
919 rnières pages du livre, un peu amers… On voudrait un livre de Cassou qui ne serait fait que de ces intermèdes ; pur de tou
920 u’invention, qui inventerait sa vérité. Ce serait un de ces miracles de liberté dont nous avons besoin pour croire que le
921 besoin pour croire que le monde actuel n’est pas un cas désespéré. Mais voici déjà dans l’œuvre de Jean Cassou, et singul
922 faits ». Car il y a toujours assez de vérité dans une histoire où il y a de la poésie. az. Rougemont Denis de, « [Compte
923 t Denis de, « [Compte rendu] Jean Cassou, La Clef des songes  », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, août
50 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Rolland de Renéville, Rimbaud le voyant (août 1929)
924 de Rimbaud, l’on s’étonne qu’il ait fallu plus d’ un demi-siècle pour qu’une telle interprétation voie le jour. Cela pourr
925 nne qu’il ait fallu plus d’un demi-siècle pour qu’ une telle interprétation voie le jour. Cela pourrait donner lieu à de mél
926 l’un de ces signes qui de toutes parts annoncent une rentrée de l’âme dans la littérature la plus spirituelle du monde. La
927 auteur de cet essai — la voyance de Rimbaud — est une de ces évidences qu’il est bon de proposer à la réflexion de notre te
928 our faite honte à ceux qui sont encore capables d’ une telle honte, de leur indifférence à l’endroit de l’être le plus monst
929 par le truchement de la poésie française. — Livre un peu didactique, trop attentif à sa propre démarche, mais inspiré par
930 . Regrettons seulement qu’il n’élargisse pas plus une question aussi centrale — qui est, si l’on veut, la question d’Orient
931 aisant de Rimbaud, « mystique à l’état sauvage », un catholique qui s’ignore, il n’est pas plus admissible d’inférer du mé
932 élation évangélique. Je ne vois là que l’indice d’ une confusion bien française, hélas. ba. Rougemont Denis de, « [Compte
51 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Julien Benda, La Fin de l’Éternel (novembre 1929)
933 n’est plus l’heure de venir prendre position dans un débat où les voix les mieux écoutées ont dit ce qu’elles avaient à di
934 e cette revue connaissent la thèse de la Trahison des Clercs 11, thèse dont la Fin de l’Éternel ne fait que reprendre la dé
935 a trahit à son tour quand il tire argument contre une thèse de M. Marcel de ce qu’elle « mène loin… dans l’ordre moral ». E
936 ternel », la chute de l’idée dans la matière, est un phénomène exactement aussi vieux que le monde. Mais M. Benda distingu
937 distinguera, et ils seront confondus. Car il y a un sophiste en M. Benda, un polémiste qui joue de la raison ratiocinante
938 nt confondus. Car il y a un sophiste en M. Benda, un polémiste qui joue de la raison ratiocinante tout comme si elle n’éta
939 lement antimoderne, parce que désintéressé. C’est un extrême, un pic trop élevé pour qu’on y puisse vivre, c’est l’impossi
940 oderne, parce que désintéressé. C’est un extrême, un pic trop élevé pour qu’on y puisse vivre, c’est l’impossible. Mais ju
941 de la pensée intemporelle, en butte aux sarcasmes des extrémistes de droite et de gauche, n’en apparaît que plus pur. « Nom
942 . Et Daudet nous apprend que « le petit Benda est un fameux serin ». Mais ces affirmations sont exactement celles qu’il fa
943 t court. Celle-là même qui paraît anarchique dans un monde où tout est bon à quelque chose, où rien plus n’est tenu pour v
944 rien plus n’est tenu pour vrai que relativement à un rendement. Rien, pas même la religion. 11. Cf. l’article de M. Dani
52 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henri Michaux, Mes propriétés (mars 1930)
945 0)bd Si vous avez la curiosité, mieux, le goût des esprits singuliers, si vous croyez que c’est par l’extrême pointe du
946 s de ces effets faciles qu’on aime à ménager dans un jardin à la française. Mais vous ne tarderez pas à remarquer que tout
947 tout, ici, est original, indigène, tant l’allure des sentiers qui vous mènent tranquillement aux points de vue les plus co
948 aux points de vue les plus cocasses, que la forme des fleurs, que les animaux qui circulent. Un auteur qui n’imite personne
949 forme des fleurs, que les animaux qui circulent. Un auteur qui n’imite personne court bientôt le risque de s’imiter soi-m
950 riche et il fabrique, soit qu’il se décrive comme un lieu de miracles le plus souvent malencontreux, ou qu’il invente des
951 s le plus souvent malencontreux, ou qu’il invente des animaux dont la complexité ne le cède en rien à celle de l’introspect
952 l’introspection la plus poussée. Il invente aussi des mots et en fait de courts poèmes d’une divertissante et parfois émouv
953 ente aussi des mots et en fait de courts poèmes d’ une divertissante et parfois émouvante bizarrerie (Mort d’un Page). Cepen
954 rtissante et parfois émouvante bizarrerie (Mort d’ un Page). Cependant je préfère ses proses : il y a ici plus qu’une maniè
955 endant je préfère ses proses : il y a ici plus qu’ une manière et qu’un ton, il y a une vision du monde véritablement neuve,
956 ses proses : il y a ici plus qu’une manière et qu’ un ton, il y a une vision du monde véritablement neuve, dans laquelle l’
957 y a ici plus qu’une manière et qu’un ton, il y a une vision du monde véritablement neuve, dans laquelle l’âme, agissant à
958 neuve, dans laquelle l’âme, agissant à la façon d’ une force physique, déforme et recrée le réel à son gré. Seule compte la
959 is parfaitement concrètes, ces tours de phrases d’ une familiarité bourrue mais raffinée, cette ivresse verbale jugulée par
960 mais raffinée, cette ivresse verbale jugulée par une constante mauvaise humeur, tout cela compose une atmosphère poétique
961 une constante mauvaise humeur, tout cela compose une atmosphère poétique très dense et active. Depuis longtemps — depuis l
962 h — je n’avais pas lu de livre où s’exprimât avec une pareille sécurité dans l’insolite, ce qu’il y a en nous à la fois de
53 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Kikou Yamata, Saisons suisses (mars 1930)
963 du Japon pour accueillir du premier regard, dans un matin plein de mouettes — « Un beau bruit d’ailes me fait un ciel » —
964 emier regard, dans un matin plein de mouettes — «  Un beau bruit d’ailes me fait un ciel » — la vaporeuse beauté du lac de
965 ein de mouettes — « Un beau bruit d’ailes me fait un ciel » — la vaporeuse beauté du lac de Neuchâtel. Mlle Kikou Yamata a
966 ris et ardent sous le soleil caché », ou bien, en un printemps liquide et glacé, balançant parmi les roseaux d’une baie se
967 s liquide et glacé, balançant parmi les roseaux d’ une baie ses poules d’eaux noires. Il y fallait cette féminité ingénue et
968 euse, toujours prête à épouser tout le sensible d’ un paysage pour peu qu’elle y découvre une secrète parenté de l’âme. Kik
969 sensible d’un paysage pour peu qu’elle y découvre une secrète parenté de l’âme. Kikou Yamata peint la Suisse avec un pincea
970 renté de l’âme. Kikou Yamata peint la Suisse avec un pinceau « fait du poil de novembre des chamois ». On s’émerveille de
971 Suisse avec un pinceau « fait du poil de novembre des chamois ». On s’émerveille de le voir, dans sa main rapide et minutie
972 e Rhin ou les pentes de Chésières en les parant d’ une grâce malicieuse et sensuelle dont nos yeux helvètes les croyaient pa
973 Cette charmante « japanisation » est rehaussée d’ une douzaine de lithographies de Meili. Ce peintre se montre plus occiden
974 îtrise de sa technique ! Et qui eût pensé qu’avec un jeu de noirs et de gris l’on pût recréer toute la ferveur d’un couche
975 rs et de gris l’on pût recréer toute la ferveur d’ un coucher de soleil. Des formes purifiées, un relief net, une heureuse
976 recréer toute la ferveur d’un coucher de soleil. Des formes purifiées, un relief net, une heureuse alliance de charme et d
977 eur d’un coucher de soleil. Des formes purifiées, un relief net, une heureuse alliance de charme et de rigueur, de moelleu
978 r de soleil. Des formes purifiées, un relief net, une heureuse alliance de charme et de rigueur, de moelleux et de précisio
979 de précision… À la dernière page, l’artiste fait une belle grimace : le lecteur ne l’imitera pas. be. Rougemont Denis d
54 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Jullien du Breuil, Kate (avril 1930)
980 lien du Breuil, Kate (avril 1930)bf Ce récit d’ une élégante minceur décrit la passion d’une jeune fille de la grande bou
981 récit d’une élégante minceur décrit la passion d’ une jeune fille de la grande bourgeoisie pour une gamine qui lui sert de
982 n d’une jeune fille de la grande bourgeoisie pour une gamine qui lui sert de modèle dans son atelier. Autour de cet inciden
983 assez émouvant, on entrevoit la famille indignée, une mère qui souffre, un jeune frère qui rêve. Le livre se résout dans un
984 revoit la famille indignée, une mère qui souffre, un jeune frère qui rêve. Le livre se résout dans une amertume vague. Ceu
985 un jeune frère qui rêve. Le livre se résout dans une amertume vague. Ceux qui ont lu la Mort difficile de René Crevel ne s
986 oute inconsciemment et qui n’est rien de moins qu’ une conception nouvelle de l’amour-passion : il apparaît ici sous la form
987 l’amour-passion : il apparaît ici sous la forme d’ une obsession physique, parée d’une sorte de poésie fatale, où se mêle, s
988 i sous la forme d’une obsession physique, parée d’ une sorte de poésie fatale, où se mêle, selon l’auteur un peu ou pas mal
989 orte de poésie fatale, où se mêle, selon l’auteur un peu ou pas mal de littérature. Et c’est à un tel amour qu’on va deman
990 teur un peu ou pas mal de littérature. Et c’est à un tel amour qu’on va demander sa revanche contre la mesquinerie morale
991 erie morale du milieu… Étrange misère que celle d’ une génération qui, après tant de sarcasmes contre l’enfer bourgeois, n’a
992 igure ? Le roman de M. Jullien de Breuil effleure un autre problème de non moindre valeur tragique : le conflit de la jeun
993 que : le conflit de la jeunesse d’après-guerre et des parents. Encore un sujet qui attend son maître. bf. Rougemont Deni
994 la jeunesse d’après-guerre et des parents. Encore un sujet qui attend son maître. bf. Rougemont Denis de, « [Compte ren
55 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Léon Pierre-Quint, Le Comte de Lautréamont et Dieu (septembre 1930)
995 Ducasse et qu’il composa vers sa vingtième année un vaste poème en prose intitulé Les Chants de Maldoror. De 1870 jusqu’à
996 re sur ce poète, qu’on a traité de fou et d’ange, un essai remarquable de netteté et souvent, d’indépendance. Il dégage le
997 il analyse les principaux thèmes de l’œuvre avec une intelligence que l’on rencontre bien rarement dans les essais consacr
998 onsacrés jusqu’ici à Ducasse. Ce « précurseur » d’ une certaine littérature moderne n’a fait, en somme, que reprendre, quitt
999 nds thèmes du romantisme. Mais il les a poussés à un paroxysme verbal qui induit à croire qu’il les sentait moins profondé
1000 me n’est pas beaucoup plus « horrible » que celui des rêveries de certaines pubertés ; quant à l’amour, Maldoror ne paraît
1001 ément, — ses injures de Caliban littérateur. Dans un chapitre excellent et peut-être plus audacieux que les autres, M. Pie
1002 ois de plus, l’intelligence apporte la solution d’ une hypocrisie que la révolte rend moins sympathique, certes, mais plus r
1003 pas à la cheville de Rimbaud. (Ce n’est pas avec un Dieu pour rire que Rimbaud est aux prises, et il n’a cure de cette li
1004 laissé quelque peu impressionner par le fanatisme des disciples et imitateurs du « comte ». D’autres que lui s’y sont tromp
1005 ère qu’il fallait voir en Lautréamont « le maître des écluses pour la littérature de demain ». Concession un peu hâtive à u
1006 luses pour la littérature de demain ». Concession un peu hâtive à une « jeunesse » déjà démodée… Je crois que la jeunesse
1007 ttérature de demain ». Concession un peu hâtive à une « jeunesse » déjà démodée… Je crois que la jeunesse d’aujourd’hui s’é
1008 plutôt de la grandiloquence « antilittéraire » et des révoltes au hasard d’un Maldoror. Elle demande une pensée forte et or
1009 ce « antilittéraire » et des révoltes au hasard d’ un Maldoror. Elle demande une pensée forte et orientée plutôt que ces éc
1010 es révoltes au hasard d’un Maldoror. Elle demande une pensée forte et orientée plutôt que ces éclats de voix sarcastiques,
56 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Voyage en Hongrie I (octobre 1930)
1011 ai pas dormi. Le seul refuge est à l’avant, parmi des cordages, des chaînes, sur un banc humide, — juste de quoi s’étendre,
1012 Le seul refuge est à l’avant, parmi des cordages, des chaînes, sur un banc humide, — juste de quoi s’étendre, et regarder j
1013 t à l’avant, parmi des cordages, des chaînes, sur un banc humide, — juste de quoi s’étendre, et regarder jaillir sans fin
1014 u de ce beau Danube jaune qui est le plus inodore des fleuves. Dormir. Sans avoir pu retrouver cette mélodie descendue d’un
1015 Sans avoir pu retrouver cette mélodie descendue d’ un balcon où chantait la Schumann ; sans avoir pu retrouver le nom de qu
1016 , arbres et jets d’eau ; sans avoir pu retrouver, des conversations de ce bal, autre chose que la phrase, l’unique phrase q
1017 vais au lit… » C’était au vestiaire, il enfilait une manche de pardessus, me donnait l’autre à serrer, la main n’étant pas
1018 e… Dormir au fil de l’eau, entre l’étrange nuit d’ un autre bal et cette perspective de voyage au hasard et commencé dans l
1019 ………………………………………………………………………… Le monde renaît dans des accords. Une mélodie hongroise éveille un vagabond angoissé, bienheur
1020 ……………………………………… Le monde renaît dans des accords. Une mélodie hongroise éveille un vagabond angoissé, bienheureux : il se l
1021 t dans des accords. Une mélodie hongroise éveille un vagabond angoissé, bienheureux : il se lève, il reconnaît son rêve. H
1022 la capitale qui s’avance dans la lumière fauve d’ un soir chaud sur la plaine, avec ses dômes et ses façades exubérantes d
1023 us passons sous de hauts ponts sonores, au long d’ un quai tout fleuri de terrasses ; on nous déverse dans cette foule et c
1024 deux visages amis me sourient. Ô liberté aérienne des arrivées, premiers regards aux rues croisées qui font des signes pour
1025 vées, premiers regards aux rues croisées qui font des signes pour demain, présentations de mes Espoirs aux jeunes Promesses
1026 bien compris les noms, on échange, à la dérobée, des coups d’œil, dans le léger étourdissement de l’amitié prochaine). Et
1027 issement de l’amitié prochaine). Et la générosité des lumières d’avant le soir, — et cette espèce de tendresse pour tous le
1028 je crois bien, jeunesse… Je me suis endormi dans une grande maison calme aux voûtes sombres, qui est un Collège célèbre.
1029 e grande maison calme aux voûtes sombres, qui est un Collège célèbre. 2. La recherche de l’objet inconnu Personne n’
1030 m’apporter ce Paquet inouï, cadeau annonciateur d’ une miraculeuse et royale Venue. Dans le silence de l’adoration comblée,
1031 utilisables, bouleversants de perfection, gages d’ un monde que les poètes essaient de décrire sans l’avoir jamais vu, et d
1032 e tout y a son écho le plus pur. Le voyage trompe un temps cette angoisse. J’irai chercher moi-même, me suis-je dit, je fe
1033 et qui sait si tant d’erreurs ne composeront pas un jour une sorte d’incantation capable d’incliner le Hasard ? Ô décevan
1034 sait si tant d’erreurs ne composeront pas un jour une sorte d’incantation capable d’incliner le Hasard ? Ô décevantes chass
1035 décevantes chasses dans les bazars, aux étalages des fêtes populaires, au fond des boutiques de vieux en province, dans le
1036 azars, aux étalages des fêtes populaires, au fond des boutiques de vieux en province, dans les combles d’un château prussie
1037 outiques de vieux en province, dans les combles d’ un château prussien où tissaient d’incroyables araignées, partout où le
1038 oyables araignées, partout où le désordre naturel des choses pouvait offrir asile à l’objet inconnu que je chercherai sans
1039 connu que je chercherai sans doute jusqu’à la fin des fins… Mais voici mes amis. Et la question terrible, tout de suite : «
1040 usque chez nous ? » On me demandera donc toujours des passeports ? Dussè-je les inventer… Ah ! l’embarras de voyager n’est
1041 l’on est parti. Cependant, mes regards errant sur une bibliothèque, je crois y trouver mon salut : « Peter Schlemihl, et vo
1042 it perdu, c’était son ombre. Mais moi qui cherche un Objet Inconnu ! — Ô Destin sans repos et qui me voue à toutes les mag
1043 es plus incompréhensibles s’emparent de moi comme des superstitions. Tout mon avoir se fond dans une loterie qui peut-être
1044 me des superstitions. Tout mon avoir se fond dans une loterie qui peut-être n’a pas de gros lot, et jamais, je crains bien,
1045 à peine jalouse que l’on réserve aux égarements d’ une jeunesse démodée se peignirent sur les traits de mes auditeurs. — Vou
1046 traits de mes auditeurs. — Vous êtes, me dit-on, un amateur de troubles distingués. Peu de sens du réel. Mais nous vous m
1047 ce qu’il en reste. Sur quoi l’on m’entraîna dans un musée sans sièges. Le Musée de Budapest enferme quelques paysages rom
1048 ns de démesure. Et, de Giorgione, ce « Portrait d’ un homme » devant lequel il faut se taire pour écouter ce qu’il entend.
1049 3. Au tombeau de Gül Baba Dans Bude il y a des ruelles qui sentent encore le Turc. Tandis que nous y rôdions, un soi
1050 entent encore le Turc. Tandis que nous y rôdions, un soir étouffant, vous m’avez montré en passant des murs brunis qui rou
1051 un soir étouffant, vous m’avez montré en passant des murs brunis qui rougeoyaient au sommet du Rozsadomb — la Colline des
1052 rougeoyaient au sommet du Rozsadomb — la Colline des roses. Une ancienne mosquée, disiez-vous, le tombeau du prophète Gül
1053 nt au sommet du Rozsadomb — la Colline des roses. Une ancienne mosquée, disiez-vous, le tombeau du prophète Gül Baba. Puis,
1054 , comme le soleil se couchait, nous avons repassé un grand pont vibrant et nous sommes rentrés en Europe. Mais dès le lend
1055 Rozsadomb. « Vous n’y verrez, m’avait-on dit, qu’ une paire de babouches dans une mosquée vide que personne n’a plus l’idée
1056 z, m’avait-on dit, qu’une paire de babouches dans une mosquée vide que personne n’a plus l’idée de visiter. » Mais comment
1057 l’idée de visiter. » Mais comment ne pas voir qu’ un lieu qui porte un nom pareil est par là même extraordinaire. Celui qu
1058 . » Mais comment ne pas voir qu’un lieu qui porte un nom pareil est par là même extraordinaire. Celui qui ne croit pas à l
1059 extraordinaire. Celui qui ne croit pas à la vertu des noms reste prisonnier de ses sens ; mais celui-là est véritablement v
1060 e j’obéissais à ce que nos psychologues appellent une conduite magique. Or il est délicieux de réaliser une idée fixe injus
1061 conduite magique. Or il est délicieux de réaliser une idée fixe injustifiable : c’est le plaisir même de l’enfance. Je port
1062 pèlerinage au Temple de l’Objet inconnu. On passe une barrière, une cour vide ; on prend le sentier qui monte en zigzag à t
1063 Temple de l’Objet inconnu. On passe une barrière, une cour vide ; on prend le sentier qui monte en zigzag à travers des jar
1064 on prend le sentier qui monte en zigzag à travers des jardins dont les arbustes sèchent, vers une espèce de grande villa ba
1065 avers des jardins dont les arbustes sèchent, vers une espèce de grande villa baroque assez décrépite, décor en pierre brune
1066 lide, rongé de petites roses cramoisies. On longe une galerie couverte, on tourne dans un escalier compliqué : c’est plein
1067 es. On longe une galerie couverte, on tourne dans un escalier compliqué : c’est plein de colonnettes et de statues dégradé
1068 s et de statues dégradées et charmantes. (Vue sur des maisons pauvres un peu plus bas, avec du linge dans des courettes pou
1069 adées et charmantes. (Vue sur des maisons pauvres un peu plus bas, avec du linge dans des courettes poussiéreuses.) On abo
1070 isons pauvres un peu plus bas, avec du linge dans des courettes poussiéreuses.) On aboutit à une plate-forme dallée, surcha
1071 e dans des courettes poussiéreuses.) On aboutit à une plate-forme dallée, surchauffée, entre des murs assez hauts dont l’un
1072 utit à une plate-forme dallée, surchauffée, entre des murs assez hauts dont l’un est peut-être la façade d’une chapelle ; m
1073 s assez hauts dont l’un est peut-être la façade d’ une chapelle ; mais la porte est fermée. Par une ouverture étroite on pas
1074 de d’une chapelle ; mais la porte est fermée. Par une ouverture étroite on passe ensuite à une seconde terrasse plus vaste,
1075 mée. Par une ouverture étroite on passe ensuite à une seconde terrasse plus vaste, où il y a quelques arbres devant une sor
1076 asse plus vaste, où il y a quelques arbres devant une sorte de tour peu élevée, à demi recouverte de rosiers, et qu’il para
1077 qu’il paraît impossible de situer dans l’ensemble des constructions. C’est là qu’on entre. Murs nus. Un catafalque de bois,
1078 es constructions. C’est là qu’on entre. Murs nus. Un catafalque de bois, au milieu, recouvert d’un très beau tapis mince,
1079 us. Un catafalque de bois, au milieu, recouvert d’ un très beau tapis mince, ou bannière, avec des caractères turcs brodés
1080 ert d’un très beau tapis mince, ou bannière, avec des caractères turcs brodés en or. L’histoire de Gül Baba est racontée su
1081 és en or. L’histoire de Gül Baba est racontée sur un papier jauni encadré et fixé au mur. Gül Baba est le dernier héros mu
1082 ur, en ont fait Gül Baba, ce qui signifie le Père des roses. Moyennant cette naturalisation il continue de protéger la vill
1083 avec saint Gellert, dont la statue colossale, sur un rocher, les bras levés, dirige la circulation de Pest. Gül Baba est m
1084 ien que ce n’est pas l’heure de visiter : le Père des roses est peut-être allé se promener. Dehors, les roses crimson sente
1085 inexplicable que mystérieux. Aussi, la confusion des noms ne comporte aucun symbole à développer noblement. Une chute dans
1086 ne comporte aucun symbole à développer noblement. Une chute dans le quotidien. Car, en somme, le Prophète Chauve est devenu
1087 cides qu’il arrive qu’on porte sur la vie, tout d’ un coup, à trois heures de l’après-midi par exemple, — non sans angoisse
1088 idi à quatorze heures On voyage de nos jours d’ une façon « rationnelle », c’est-à-dire que les Cook’s tickets remplacent
1089 remplacent l’exigence intérieure. On n’avoue que des désirs archéologiques, d’ailleurs mensongers. Alors que dans ce domai
1090 ns ce domaine, plus visiblement qu’en tout autre, un non-conformisme intransigeant serait la seule conduite féconde. Il me
1091 la servitude de l’homme moderne apparaît ici sous un aspect bien inquiétant : c’est à la sensibilité même qu’on impose une
1092 iétant : c’est à la sensibilité même qu’on impose une livrée. — « Je comprends, me dit-on. Vous êtes pour la fantaisie, c’e
1093 rle simplement de vérité et de mensonge, opposant une réalité vivante à une duperie commerciale. Mais vous pensez que tant
1094 té et de mensonge, opposant une réalité vivante à une duperie commerciale. Mais vous pensez que tant de mots pour une simpl
1095 mmerciale. Mais vous pensez que tant de mots pour une simple question de sentiment… C’est que vous êtes déjà bien malade.
1096 us voici plus à l’aise. Eh bien oui : je me ferai un mérite de perdre tout mon temps, si toutefois perdre conserve ici le
1097 courir les risques12 les plus graves et provoquer une crise, bref, sans le payer cher. Tout cela est langage de bourse. Pou
1098 iscours en faveur de l’inutile, et ceci à la face des bouffons qui plongent invariablement les mains dans leurs vastes poch
1099 i constitue à leurs yeux ma condamnation et celle des minus habentes qui me ressemblent. Au risque de les voir trépigner, j
1100 ercevoir.) Je vais cependant dire quelque chose d’ une scène pittoresque. Mais c’est une autre fois que je l’ai vue, à Pest,
1101 st une autre fois que je l’ai vue, à Pest, lors d’ un autre séjour, dans la semaine qui suit Noël, — la plus sombre de l’an
1102 année par les rues vides sous la pluie étrangère. Une porte basse s’ouvre sur un long corridor hanté d’ombres drapées, qui
1103 s la pluie étrangère. Une porte basse s’ouvre sur un long corridor hanté d’ombres drapées, qui ne sont pas des nonnes, bie
1104 corridor hanté d’ombres drapées, qui ne sont pas des nonnes, bien que les voûtes soient celles d’un ancien couvent. Nous p
1105 s des nonnes, bien que les voûtes soient celles d’ un ancien couvent. Nous pénétrons dans une grande salle vivement éclairé
1106 t celles d’un ancien couvent. Nous pénétrons dans une grande salle vivement éclairée. Murs chaulés, et de nouveau de hautes
1107 ée. Murs chaulés, et de nouveau de hautes voûtes. Une banquette longe trois des parois, la quatrième est occupée en partie
1108 uveau de hautes voûtes. Une banquette longe trois des parois, la quatrième est occupée en partie par le comptoir (un écrite
1109 quatrième est occupée en partie par le comptoir ( un écriteau porte simplement ce tarif : 5 pengö), en partie par un poêle
1110 rte simplement ce tarif : 5 pengö), en partie par un poêle immense, à plusieurs étages et marches. Deux ou trois tables av
1111 eurs étages et marches. Deux ou trois tables avec des verres et des bouteilles sont placées au hasard dans l’espace vide où
1112 marches. Deux ou trois tables avec des verres et des bouteilles sont placées au hasard dans l’espace vide où tourne la fum
1113 s au hasard dans l’espace vide où tourne la fumée des cigares. Assis sur la banquette, quelques bougres isolés produisent e
1114 terre, dans l’attente. Nous sommes assis autour d’ une table et nous voyons, au milieu de la salle, un arbre de Noël aux amp
1115 ’une table et nous voyons, au milieu de la salle, un arbre de Noël aux amples branches rayonnantes, dans une gloire de dor
1116 bre de Noël aux amples branches rayonnantes, dans une gloire de dorures, — et massées tout autour, frileuses dans leurs des
1117 dans leurs dessous roses, les filles qui chantent une chanson populaire et regardent tristement les lumières. Il y en a aus
1118 du poêle, celles-là ne chantant pas. Parmi elles, des Tziganes, dont l’une affreusement belle dans un peignoir noir et blan
1119 des Tziganes, dont l’une affreusement belle dans un peignoir noir et blanc… Je ne puis avaler mon verre de ce café trop a
1120 vie : car cela m’inciterait à chercher après coup des transitions, et c’est alors que l’on est tenté de mentir, si fort ten
1121 cède à coup sûr, en se persuadant que c’est pour des raisons techniques. (Est-ce que cela ne devrait pas, au contraire, ag
1122 , au contraire, aggraver le cas ?) Or l’intérêt d’ un récit de voyage ne réside pas dans sa vérité générale, mais bien se r
1123 e comme ce qui ne ressemble à rien, gênante comme un cadeau de pauvre, comme un vrai cadeau. Si le conteur ment, — pendant
1124 à rien, gênante comme un cadeau de pauvre, comme un vrai cadeau. Si le conteur ment, — pendant qu’il y est, il ferait mie
1125 — pendant qu’il y est, il ferait mieux de choisir un autre pays que la Hongrie archi-connue, — le lecteur le sent vite, et
1126 eau mensonge atteint à peine le degré d’intérêt d’ une vérité banale, et seulement à condition de lui ressembler, ne fût-ce
1127 t-ce que de loin, — c’est alors ce qu’on appelait un paradoxe, du temps des petites manières. Cependant, la réalité d’un p
1128 est alors ce qu’on appelait un paradoxe, du temps des petites manières. Cependant, la réalité d’un pays apparaissant en gén
1129 mps des petites manières. Cependant, la réalité d’ un pays apparaissant en général au voyageur de ma sorte sous ses modalit
1130 ue, à peine compréhensible, car on ne choisit pas un sujet : on est sujet. Et tout ceci n’est rien que le voyage du Sujet
1131  ; en grand et gratuit, sacrifice.) … feuilletons un peu ma Hongrie. 7. Les magnats en taxis La place Saint-Georges,
1132 s en taxis La place Saint-Georges, à Bude, est une place vraiment royale. Vide, elle prend toute sa hauteur. Silencieuse
1133 e de nudité, entre le Palais du Régent et celui d’ un des archiducs, quel décor à rêver le cortège d’un sacre ! J’y ai vu d
1134 e nudité, entre le Palais du Régent et celui d’un des archiducs, quel décor à rêver le cortège d’un sacre ! J’y ai vu défil
1135 un des archiducs, quel décor à rêver le cortège d’ un sacre ! J’y ai vu défiler la Chambre des Magnats, le jour de l’électi
1136 cortège d’un sacre ! J’y ai vu défiler la Chambre des Magnats, le jour de l’élection d’un des quatre gardiens de la Couronn
1137 r la Chambre des Magnats, le jour de l’élection d’ un des quatre gardiens de la Couronne de saint Étienne. Auprès du porche
1138 a Chambre des Magnats, le jour de l’élection d’un des quatre gardiens de la Couronne de saint Étienne. Auprès du porche du
1139 uprès du porche du Palais, ils n’étaient guère qu’ une centaine de curieux, et quelques gardes. Traversant dans sa longueur
1140 passèrent lentement, l’une après l’autre, durant une demi-heure, saluées à l’entrée du Palais par les gardes présentant le
1141 s bourgeois en redingote ne répondent que du bout des doigts, crainte, sans doute, de troubler l’équilibre toujours instabl
1142 doute, de troubler l’équilibre toujours instable des huit reflets de leur dignité. Mais je n’oublierai pas le sourire de c
1143 e n’oublierai pas le sourire de ce vieux prince : un vrai sourire, adressé personnellement à l’homme, — et le mot « affabl
1144 du radiateur — les voici, pères et fils, revêtus des couleurs familiales. Ils se tiennent très droits, appuyés sur leurs s
1145 es entre leurs doigts gantés étincellent. Parfois un collier de la Toison d’Or, sur la fourrure du dolman rouge ou jaune,
1146 tit mouton. Aiguillettes, brandebourgs, aigrettes des bonnets à poils, richesse lourde, significative, séculaire. Mais, ô p
1147 absurdité de notre époque, beaucoup ont dû louer des taxis démodés, au tarif inférieur. Des chauffeurs vautrés, la casquet
1148 t dû louer des taxis démodés, au tarif inférieur. Des chauffeurs vautrés, la casquette de travers sur leurs idées sociales,
1149 ici venir à pied de son palais proche, tout seul, un archiduc. On salue profondément, en silence (cliquetis des rangées de
1150 duc. On salue profondément, en silence (cliquetis des rangées de décorations sur l’uniforme kaki, et du sabre balancé). Une
1151 ations sur l’uniforme kaki, et du sabre balancé). Une auto encore, en retard le président du Conseil, maigre, jaune et rigi
1152 s intérêts. Mais, en Hongrie, le nationalisme est une passion toute nue, qui exprime l’être profond de la race. On ne discu
1153 ne réfute pas cette haine. Ici, la sympathie est un devoir de politesse. Comment la mesurer sans mauvaise grâce à qui vou
1154 surer sans mauvaise grâce à qui vous a reçu comme un cadeau de Dieu. (« C’est Dieu qui vous envoie », dit la formule tradi
1155 he rend démonstratif, dont on vide trois verres d’ un trait en guise de salut. C’est alors que se déplient les cartes de « 
1156 e les nombres ont tort au regard de l’antiquité d’ une civilisation ; qu’il s’agit ici de valeurs ; que si les populations d
1157 il s’agit ici de valeurs ; que si les populations des régions perdues étaient parfois en majorité roumaines ou slovaques, l
1158 elle était seule active et créatrice. Le reste : des porteurs d’eau… Dans l’inextricable confusion d’injustices à quoi dev
1159 ça les frontières actuelles, dans ce renversement des rôles, l’oppresseur devenant l’opprimé sans y perdre le sentiment de
1160 on comprend que le Hongrois n’ait point conservé une extrême sensibilité aux arguments de « droit » qui autorisèrent ce ch
1161 rnelle de la Hongrie — intemporelle, n’ayant cure des statistiques — et sa douleur aussi, douleur d’orgueil blessé, mais qu
1162 sur autrui, mais de ce que l’on est ; non point d’ un parvenu, mais d’un aristocrate. Tous dangers égaux d’ailleurs, préfér
1163 ce que l’on est ; non point d’un parvenu, mais d’ un aristocrate. Tous dangers égaux d’ailleurs, préférons cet impérialism
1164 impérialisme de l’âme à celui de la surproduction des machines et des enfants. C’est parce que les Hongrois n’ont pas perdu
1165 l’âme à celui de la surproduction des machines et des enfants. C’est parce que les Hongrois n’ont pas perdu le sentiment qu
1166 mon cor. Macrocosme et microcosme : la politique des peuples ressemble à celle des individus, pour ce qui est du moins, de
1167 osme : la politique des peuples ressemble à celle des individus, pour ce qui est du moins, de mentir à soi-même. Mais les H
1168 ntisme. Quelle revanche prendrait la Hongrie, sur une Carte du Tendre d’après le traité de Trianon ! Ces choses, je les ai
1169 ité de Trianon ! Ces choses, je les ai rêvées sur un divan, à cause d’un coussin où s’étalait le sourire optimiste de Lord
1170 choses, je les ai rêvées sur un divan, à cause d’ un coussin où s’étalait le sourire optimiste de Lord Rothermere, en soie
1171 ce peuple turbulent et déchu, suffirent à faire d’ un affairiste anglais l’idole du nationalisme magyar. Son portrait affic
1172 ns les halls universitaires, brodé aux devantures des magasins de mode, et son nom en lettres géantes sur une montagne chau
1173 gasins de mode, et son nom en lettres géantes sur une montagne chauve, voisine de Budapest, témoignent des espérances démes
1174 montagne chauve, voisine de Budapest, témoignent des espérances démesurées qu’il sut entretenir autour d’une action certes
1175 pérances démesurées qu’il sut entretenir autour d’ une action certes méritoire, mais plus symbolique qu’efficace. Et sans le
1176 la passion ? — C’est celui de la Hongrie14. 9. Une lettre de Matthias Corvin « Matthias, par la grâce de Dieu roi de
1177 a peu de poètes par le monde. C’est dans l’ordre des choses, et l’on sait qu’il suffit de très peu de sel pour rendre mang
1178 udrait essayer d’obtenir : que la grande majorité des gens ne deviennent pas enragés dès qu’ils perçoivent de la poésie dan
1179 teur, d’ailleurs israélite. Il y a, bien entendu, une littérature officielle destinée à remplir les revues bien pensantes.
1180 tes. Elle traite de sujets « bien hongrois » dans un style académique qui me paraît être le contraire du style hongrois. I
1181 être le contraire du style hongrois. Il y a aussi une extrême gauche, et sa revue Documentum (une sorte d’Esprit nouveau tr
1182 aussi une extrême gauche, et sa revue Documentum ( une sorte d’Esprit nouveau troublé de surréalisme), groupée autour de Lou
1183 nt Michel Babits est aujourd’hui le chef de file. Des amis m’emmènent le voir à Esztergóm, où il passe ses étés. Esztergóm
1184 Primat. Au-dessus du palais de l’archevêché, sur une colline que le Danube contourne, la basilique élève une coupole d’ocr
1185 lline que le Danube contourne, la basilique élève une coupole d’ocre éclatante, immense et froide, dominant cette plaine on
1186 plaine onduleuse dont les vagues se perdent dans une poussière violacée à l’horizon — chez les Tchèques déjà… Nous allons
1187 res, et nous montons vers la maison du poète, sur un coteau. Trois chambres boisées entourées d’une large galerie d’où l’o
1188 sur un coteau. Trois chambres boisées entourées d’ une large galerie d’où l’on voit le Danube gris-jaune, brillant, sans rid
1189 lique sur son rocher. Fraîches, sentant bon, avec des livres sur des divans aux riches couleurs, des boissons préparées, l’
1190 ocher. Fraîches, sentant bon, avec des livres sur des divans aux riches couleurs, des boissons préparées, l’ombre bourdonna
1191 ec des livres sur des divans aux riches couleurs, des boissons préparées, l’ombre bourdonnante, — trois petites chambres et
1192 l’ombre bourdonnante, — trois petites chambres et un pan de toit par-dessus, une baraque à peine visible dans les vignes,
1193 is petites chambres et un pan de toit par-dessus, une baraque à peine visible dans les vignes, à peine détachée du flanc de
1194 ortent pas. L’après-midi est immense. Nous buvons des vins dorés et doux que nous verse Ilonka Babits (elle est aussi poète
1195 s noms au charbon sur le mur chaulé, Gachot prend des photos, Gyergyai fouille la plaine à la longue-vue et rêve qu’il y es
1196 e grimpe au cerisier sauvage, derrière la maison, un peintre tout en blanc arrive par les vignes, ah ! qu’il fait beau tem
1197 les couleurs, le poète sourit en lui-même, il y a une enfance dans l’air… 12. Rappelons que notre société est fondée sur
1198 ut ajouter aux autres causes de l’incompréhension des journalistes la ruse hongroise qu’ils ne peuvent pas déjouer, car le
1199 , car le Hongrois est ingénument rusé, à la façon des passionnés, non point à celle des arrivistes. 14. Parce que j’« exal
1200 usé, à la façon des passionnés, non point à celle des arrivistes. 14. Parce que j’« exalte les valeurs de passion » — pour
1201 tes qui veulent assurer la paix par la mutilation des passions sont disciples d’Origène. Il doit y avoir d’autres solutions
57 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Hölderlin, La Mort d’Empédocle et Poèmes de la folie (octobre 1930)
1202 ing et de Hegel, le précurseur de Nietzsche, l’un des plus admirables et des plus mystérieux génies poétiques de notre ère.
1203 curseur de Nietzsche, l’un des plus admirables et des plus mystérieux génies poétiques de notre ère. On doit beaucoup de re
1204 ces mythes tels qu’il n’est peut-être pas donné à une race d’en créer plus d’un, c’est-à-dire de s’en libérer. Ainsi la Fra
1205 peut-être pas donné à une race d’en créer plus d’ un , c’est-à-dire de s’en libérer. Ainsi la France conçut l’homme rationn
1206 e mêler, dans la troisième version de ce drame, à des symboles nettement messianiques… Ce par quoi Hölderlin diffère le plu
1207 … Ce par quoi Hölderlin diffère le plus peut-être des poètes français, c’est que son lyrisme est l’expression d’une philoso
1208 rançais, c’est que son lyrisme est l’expression d’ une philosophie à l’état naissant ; il est la vibration même d’une pensée
1209 ie à l’état naissant ; il est la vibration même d’ une pensée en travail de mythes, sur lesquels, bientôt après, s’exercera
1210 ie, qu’il pressent. Et M. Babelon cite à ce sujet des phrases très frappantes : « L’un garde encore la connaissance au sein
1211 s : « L’un garde encore la connaissance au sein d’ une flamme plus grande, l’autre seulement d’une plus faible… Le grand poè
1212 ein d’une flamme plus grande, l’autre seulement d’ une plus faible… Le grand poète n’est jamais abandonné par lui-même ; il
1213 igure l’antithèse de Hölderlin : l’« économie » d’ un Goethe, bien superficiellement qualifiée de bourgeoise, est en réalit
1214 qu’il le veut ». Mais Hölderlin est sans doute d’ une constitution trop faible pour pouvoir longtemps maîtriser l’inspirati
1215 l va brusquement succomber. Buisson ardent auquel un souffle tempétueux arrache cette flamme trop grande pour son support.
1216 cette flamme trop grande pour son support. Reste une cendre où longtemps encore palpiteront de pâles lueurs réminiscentes.
1217 le de ses Noces. Jouve est le plus « germanique » des poètes français d’aujourd’hui ; ce sont les harmoniques éveillées en
1218 nciter à l’acte recréateur qu’est la traduction d’ un poète par un autre poète. Les quatrains sont ici précédés de Fragment
1219 te recréateur qu’est la traduction d’un poète par un autre poète. Les quatrains sont ici précédés de Fragments dont je me
1220 de vers à peine ébauchés, — quelques mots isolés, des bribes de phrases… Or, si comme je le crois et voudrais l’établir plu
1221 is et voudrais l’établir plus longuement, le sens des poèmes de la maturité de Hölderlin est à chercher dans leur rythme se
1222 leur rythme seulement, — si ces mots séparés par des suites de points ne lui servaient qu’à noter des mètres, il apparaît
1223 des suites de points ne lui servaient qu’à noter des mètres, il apparaît que la traduction de tels fragments est illusoire
1224 on ne peut songer à remplacer ces mots-notes par des syllabes de valeur rythmique équivalente. Quoi qu’il en soit, et tels
1225 uysen et Jouve ont choisis et traduits à la suite des poèmes, ils ne sont pas ce que ce petit livre contient de moins boule
58 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Voyage en Hongrie II (novembre 1930)
1226 eveux, glacer le masque et appuyer au front comme une caresse indéfinie de la puissance. Soir de voyage, tout enfiévré d’or
1227 nce à s’affirmer en détails précis, se masse dans une confusion de violet sombre, et par la seule ligne dure de l’horizon s
1228 peu d’or rose s’évanouit… Le train serpente dans un de ces paysages de nulle part qui sont les plus émouvants, entre des
1229 de nulle part qui sont les plus émouvants, entre des collines basses grattées par les vents, aux arbres rares, mais aux re
1230 qu’à cette heure on sent bien que poursuivre est une sorte d’enivrant péché. — Nous aurions une maison dans ce désert aux
1231 re est une sorte d’enivrant péché. — Nous aurions une maison dans ce désert aux formes tendres et déjà familières, et le pa
1232 formes tendres et déjà familières, et le passage des trains chaque soir nous redirait un adieu bref, — chaque soir plus in
1233 t le passage des trains chaque soir nous redirait un adieu bref, — chaque soir plus infime, à cause de l’éloignement en no
1234 ause de l’éloignement en nous-mêmes. À l’entrée d’ un tunnel tu vois que la veilleuse brûle toujours — et moi, parmi les re
1235 e leur en parlais… Il leur suffirait de l’image d’ un bibelot d’une sorte bizarre. Alors que c’est plutôt un certain arrang
1236 lais… Il leur suffirait de l’image d’un bibelot d’ une sorte bizarre. Alors que c’est plutôt un certain arrangement des chos
1237 belot d’une sorte bizarre. Alors que c’est plutôt un certain arrangement des choses qui rende un certain son spirituel… Un
1238 re. Alors que c’est plutôt un certain arrangement des choses qui rende un certain son spirituel… Un objet de musique et de
1239 lutôt un certain arrangement des choses qui rende un certain son spirituel… Un objet de musique et de couleurs, mais aussi
1240 nt des choses qui rende un certain son spirituel… Un objet de musique et de couleurs, mais aussi une forme symbolique de t
1241 l… Un objet de musique et de couleurs, mais aussi une forme symbolique de tout… Enfin, tellement inconnu et tellement fasci
1242 s. — Le train s’attarde dans sa fumée, on respire une lourde obscurité qui sent l’enfer. Je ne pense plus qu’ « au souffle 
1243 ffle »… Mais alors tout s’allume et voici la nuit des faubourgs de Pest, au-dessous de nous. 12. Un bal, ou de l’ivresse
1244 des faubourgs de Pest, au-dessous de nous. 12. Un bal, ou de l’ivresse considérée comme un des beaux-arts Ils n’ont
1245 . 12. Un bal, ou de l’ivresse considérée comme un des beaux-arts Ils n’ont plus de noms, ils ne sont qu’une ivresse
1246 12. Un bal, ou de l’ivresse considérée comme un des beaux-arts Ils n’ont plus de noms, ils ne sont qu’une ivresse aux
1247 ux-arts Ils n’ont plus de noms, ils ne sont qu’ une ivresse aux cent visages, lorsque j’entre dans l’atelier du peintre.
1248 t lent ou fixe ou pas-à-pas. Tout s’épanouit dans un monde rythmé, fusant, tournoyant, sans frontières. Eux : leurs petite
1249 nt laids — sauf les demi-juifs — mais laids comme des paysans, beaux hommes aux traits lourds. Dans l’ivresse, leurs yeux s
1250 ue. Je les vois frapper le sol du talon en levant un bras, la main à la nuque ; frapper le sol de l’autre talon en changea
1251 r les épaules du cavalier) et la faire pirouetter un quart de tour à droite, un quart de tour à gauche ; pirouetter seuls
1252 et la faire pirouetter un quart de tour à droite, un quart de tour à gauche ; pirouetter seuls sur place ; de nouveau frap
1253 etter seuls sur place ; de nouveau frapper le sol des talons, alternativement ; saisir la danseuse, tourbillonner, pousser
1254 ds cris ; tourbillonner en sens inverse ; frapper des talons toujours plus vite, mains à la nuque, mains à la hanche, mains
1255 ; partir en martelant le parquet jusqu’à produire un roulement continu, marteler encore plus vite en tourbillonnant, choir
1256 ore plus vite en tourbillonnant, choir enfin dans une vaste culbute sur les divans où l’ivresse les lâche, affalés, tandis
1257 les bras en riant pour qu’on les relève. Elles : des Vénitiennes aux yeux de plaine, comme les autres ont des yeux de mer.
1258 itiennes aux yeux de plaine, comme les autres ont des yeux de mer. Des grâces d’amazones avec un coup de talon qui les seco
1259 de plaine, comme les autres ont des yeux de mer. Des grâces d’amazones avec un coup de talon qui les secoue jusqu’à la che
1260 s ont des yeux de mer. Des grâces d’amazones avec un coup de talon qui les secoue jusqu’à la chevelure. Graves entre leurs
1261 de rire tournoyants mais non pas désordonnés, et des gestes tendres des bras en balançant vivement la tête. Quand elles pa
1262 s mais non pas désordonnés, et des gestes tendres des bras en balançant vivement la tête. Quand elles parlent, la voix un p
1263 nt vivement la tête. Quand elles parlent, la voix un peu rauque, voluptueuse ; quand elles chantent, les moires et l’ondul
1264 quand elles chantent, les moires et l’ondulation des rubans de vents chauds sur la plaine, avec des éloignements et des re
1265 on des rubans de vents chauds sur la plaine, avec des éloignements et des retours, des enroulements et déroulements rapides
1266 ts chauds sur la plaine, avec des éloignements et des retours, des enroulements et déroulements rapides, des vibrations ten
1267 la plaine, avec des éloignements et des retours, des enroulements et déroulements rapides, des vibrations tendues, horizon
1268 etours, des enroulements et déroulements rapides, des vibrations tendues, horizontales, soutenues par un long souffle vif.
1269 s vibrations tendues, horizontales, soutenues par un long souffle vif. J’observe que les paroles autant que les gestes son
1270 les gestes sont gouvernées par la seule logique d’ un rythme constamment imprévu. Il s’agit moins de comprendre que de s’ab
1271 s’agit moins de comprendre que de s’abandonner d’ une certaine manière. En France, chacun parle pour son compte, paraphe so
1272 épigramme, jette son petit caillou. Ici, le sens des mots et des choses est celui d’un courant musical qui domine l’ensemb
1273 jette son petit caillou. Ici, le sens des mots et des choses est celui d’un courant musical qui domine l’ensemble et le com
1274 . Ici, le sens des mots et des choses est celui d’ un courant musical qui domine l’ensemble et le compose selon les lois d’
1275 domine l’ensemble et le compose selon les lois d’ une plastique exubérante. Quand je dis que j’observe, je n’observe rien.
1276 d je dis que j’observe, je n’observe rien. Il y a des femmes si belles qu’on en ferme les yeux. Quel style dans la liberté 
1277 ! Il n’y a plus qu’ici qu’on aime l’ivresse comme un art. Et qu’on soigne sa mise en scène, qu’on sauvegarde sa qualité. A
1278 e ça n’est pas distingué, et en effet, que serait un lyrisme distingué ? Il faut choisir entre les bonnes manières et les
1279 sse15 seulement qui permet à l’esprit de passer d’ une forme dans d’autres, — et c’est même en ce passage qu’elle consiste —
1280 raper ces apparences adorables… Si je « lâchais » un instant, toutes choses disparaîtraient… Le vertige (la peur et l’amou
1281 nson hongroise ne rappelle la nostalgie traînante des lieder de l’Oberland : ici la mélancolie même est passionnée. Elles c
1282 c les bras, comme on chante du Verdi, — elles ont des mouvements vifs du buste, et des mains pleines de drôleries ou de sup
1283 rdi, — elles ont des mouvements vifs du buste, et des mains pleines de drôleries ou de supplication. Je ne sais ce que dise
1284 on. Je ne sais ce que disent les paroles. Je vois des chevauchées sous le soleil, des campements nocturnes où le souvenir d
1285 paroles. Je vois des chevauchées sous le soleil, des campements nocturnes où le souvenir des pays désertés enfièvre encore
1286 e soleil, des campements nocturnes où le souvenir des pays désertés enfièvre encore un désir de perdition illimitée… Les Ho
1287 où le souvenir des pays désertés enfièvre encore un désir de perdition illimitée… Les Hongrois se sont arrêtés dans cette
1288 e plaine. Mais c’est le soir au camp, perpétuel. Une lassitude de steppe brûlante, des ondulations longues… Mais un cheval
1289 mp, perpétuel. Une lassitude de steppe brûlante, des ondulations longues… Mais un cheval se cabre ; et c’est la danse qui
1290 de steppe brûlante, des ondulations longues… Mais un cheval se cabre ; et c’est la danse qui se lève, et des tambours et d
1291 eval se cabre ; et c’est la danse qui se lève, et des tambours et des cris modulés, et toute la frénésie d’un grand souffle
1292 et c’est la danse qui se lève, et des tambours et des cris modulés, et toute la frénésie d’un grand souffle qui se serait m
1293 bours et des cris modulés, et toute la frénésie d’ un grand souffle qui se serait mis à tourbillonner sur place. 14. L’a
1294 ar goût d’en bien parler. Les Suisses aiment avec une bonne ou une mauvaise conscience. À Vienne on voit des couples qui sa
1295 bien parler. Les Suisses aiment avec une bonne ou une mauvaise conscience. À Vienne on voit des couples qui savent être à l
1296 onne ou une mauvaise conscience. À Vienne on voit des couples qui savent être à la fois cocasses et fades. En Italie… Mais
1297 En Italie… Mais l’amour hongrois t’emportera dans une inénarrable confusion de sentimentalisme et de passion, et c’est là s
1298 ir de la gare de Budapest, devient avec la plaine une Symphonie-Dichtung borodinesque, mais l’erreur n’est imputable qu’à m
1299 hongroise n’est pas monotone, parce qu’elle est d’ un seul tenant. Rien qui fasse répétition. C’est ici le premier pays que
1300 e ne me compose pas de morceaux choisis16. Il y a une grande ville, un grand lac, une plaine et une seule vigne de véritabl
1301 s de morceaux choisis16. Il y a une grande ville, un grand lac, une plaine et une seule vigne de véritable Tokay. Et point
1302 choisis16. Il y a une grande ville, un grand lac, une plaine et une seule vigne de véritable Tokay. Et point de ces endroit
1303 y a une grande ville, un grand lac, une plaine et une seule vigne de véritable Tokay. Et point de ces endroits déprimants,
1304 grouillante de questions sociales. La Puszta est une terre vierge, je veux dire que la bourgeoisie ne s’y est pas encore r
1305 is en Hongrie. Il y a de petits nobles déclassés, des juifs, des paysans, des communistes, de grands nobles, et des Tzigane
1306 ie. Il y a de petits nobles déclassés, des juifs, des paysans, des communistes, de grands nobles, et des Tziganes. D’ailleu
1307 petits nobles déclassés, des juifs, des paysans, des communistes, de grands nobles, et des Tziganes. D’ailleurs, le bourge
1308 es paysans, des communistes, de grands nobles, et des Tziganes. D’ailleurs, le bourgeois supporterait difficilement l’ample
1309 ennent de leurs mères ». Combien j’aime ces sœurs des Tziganes ! Les Tziganes vinrent en Europe conduits par le noir Duc d’
1310 ien : cigognes. D’ailleurs ces Égyptiens venaient des Indes, qui nous apportèrent le tarot et la roulotte, dont descendent
1311 t descendent le bridge et la bohème, c’est-à-dire un symbole de la servitude et un symbole de la liberté. Si la Hongrie to
1312 ohème, c’est-à-dire un symbole de la servitude et un symbole de la liberté. Si la Hongrie tout de même a quelque chose de
1313 tout de même a quelque chose de « moderne », dans un sens vaste et mystique, elle le doit au charme égyptien du peuple err
1314 es parlent, et certains sages : nous entrons dans une ère égyptienne. Mais que dire des pouvoirs de la plaine qui s’agrandi
1315 us entrons dans une ère égyptienne. Mais que dire des pouvoirs de la plaine qui s’agrandit pendant des heures ? — Ce qu’en
1316 des pouvoirs de la plaine qui s’agrandit pendant des heures ? — Ce qu’en raconte la musique — tu vas l’entendre à toutes l
1317 à toutes les terrasses de Debrecen. Debrecen est une sorte de ville indescriptible, à demi mêlée aux sables de la plaine d
1318 ues maisons jaunes immensément alignées, autour d’ une place rectangulaire qui ressemble à un jardin public, flanquée d’un t
1319 autour d’une place rectangulaire qui ressemble à un jardin public, flanquée d’un temple blanc à deux clochers baroques, d
1320 aire qui ressemble à un jardin public, flanquée d’ un temple blanc à deux clochers baroques, d’hôtels modernes, de statues,
1321 els modernes, de statues, de pylônes plantés dans un grand désordre de piétons et de chars à bœufs parmi les trams. Les ha
1322 nfance : or le rêve de l’enfant, c’est de devenir une grande personne. On me l’a dit, c’est vrai : cette ville historique e
1323 s et son quartier universitaire tout rajeuni dans des jardins luisants ne m’empêchera pas de m’y sentir au bout d’un monde,
1324 isants ne m’empêchera pas de m’y sentir au bout d’ un monde, au bord extrême de l’Europe. Le hasard a voulu que j’y entende
1325 e de l’Europe. Le hasard a voulu que j’y entende, un soir, une présentation de musiques hongroises, turques et chinoises,
1326 rope. Le hasard a voulu que j’y entende, un soir, une présentation de musiques hongroises, turques et chinoises, commentées
1327 turques et chinoises, commentées et comparées par un folkloriste aux yeux ardents et au visage mongol. Il jouait des phras
1328 e aux yeux ardents et au visage mongol. Il jouait des phrases simples, tragiques, à peine modulées, qui donnent le vertige,
1329 e. En sortant du concert, j’ai erré aux terrasses des hôtels, dans le grandiose bavardage des Tziganes. Qu’est-ce qu’ils re
1330 terrasses des hôtels, dans le grandiose bavardage des Tziganes. Qu’est-ce qu’ils regardent en jouant ? Qu’est-ce qu’ils éco
1331 musique — car aussitôt donnée la phrase, voici qu’ une autre vient d’ailleurs, entraînée par je ne sais quel vent sonore qui
1332 sonore qui l’étire et l’égare, et l’enroule et d’ un coup la subtilise, ne laissant plus qu’un long silence soutenu, comme
1333 le et d’un coup la subtilise, ne laissant plus qu’ un long silence soutenu, comme un appel à la rafale dont l’approche déjà
1334 e laissant plus qu’un long silence soutenu, comme un appel à la rafale dont l’approche déjà fait grésiller les notes basse
1335 maintenant ferme les yeux sous la vague toujours un peu plus haute que profonde ne fut l’attente, et lâche tout. C’est l’
1336 s, mais voici que le petit train en rumeur depuis un moment ne redescend plus : il gouverne avec une vertigineuse docilité
1337 is un moment ne redescend plus : il gouverne avec une vertigineuse docilité dans les voies d’un amour ineffable et se perd
1338 e avec une vertigineuse docilité dans les voies d’ un amour ineffable et se perd avec lui vers le désert et ses mirages. On
1339 , — mais c’est toi, c’est toi qui l’as caché dans une roulotte sous des chiffons bariolés et des secrets qui feraient peur
1340 , c’est toi qui l’as caché dans une roulotte sous des chiffons bariolés et des secrets qui feraient peur aux femmes, cet ob
1341 é dans une roulotte sous des chiffons bariolés et des secrets qui feraient peur aux femmes, cet objet dont parfois, au comb
1342 parfois, au comble de la turbulence de tes jeux, un violon décrit vite quelque chose, d’une ligne nette, insaisissable, d
1343 tes jeux, un violon décrit vite quelque chose, d’ une ligne nette, insaisissable, déjà perdue (comme le rêve pendant que ba
1344 l’excès du sommeil) — et me voici plus seul, avec une nostalgie qui ne veut pas de la romance à mon oreille d’un violoneux
1345 gie qui ne veut pas de la romance à mon oreille d’ un violoneux qui me croit triste. Ils l’ont amené du fond d’une Inde. Il
1346 ux qui me croit triste. Ils l’ont amené du fond d’ une Inde. Ils l’ont égaré, comme ils égarent tout d’un monde où si peu va
1347 e Inde. Ils l’ont égaré, comme ils égarent tout d’ un monde où si peu vaut qu’on le conserve, au long d’un chemin effacé pa
1348 monde où si peu vaut qu’on le conserve, au long d’ un chemin effacé par le vent sur la plaine… Ils l’ont perdu comme un rêv
1349 par le vent sur la plaine… Ils l’ont perdu comme un rêve au matin s’élude, — et leur musique seule s’en souvient. Trésor
1350 n —, car voici qu’à son tour il s’égare au bras d’ une erreur inconnue, ton fantôme éternel, ton « Désir désiré ». 16. Le
1351 ux jambes, l’imperceptible angoisse de rencontrer une onde trop légère. Mais pour connaître un lac, il faut d’abord s’y plo
1352 contrer une onde trop légère. Mais pour connaître un lac, il faut d’abord s’y plonger ; et ensuite, s’il vous a paru beau,
1353 ffaire de pur caprice, tandis que s’y baigner est une règle de savoir-vivre avec la Nature. Lac doré, horizon de collines p
1354 ilitaires, idylles de jardins publics à l’écart d’ un concert du samedi soir, petits professeurs entourés de leur famille,
1355 Charles. Non, non, plutôt emmener ce désir, comme un tendre souvenir de voyage, et partir en croyant qu’ici la vie a parfo
1356 se que m’infligent les lieux faciles. Ô tristesse des crèmeries et des jardins ! C’est devant une glace panachée qu’il m’ar
1357 t les lieux faciles. Ô tristesse des crèmeries et des jardins ! C’est devant une glace panachée qu’il m’arrive de douter de
1358 tesse des crèmeries et des jardins ! C’est devant une glace panachée qu’il m’arrive de douter de la vie, comme d’autres aux
1359 x collines basses, d’apparence rocheuse — ce sont des restes de volcans — blanches sous la Lune et toutes lustrées de rêche
1360 hes végétations. J’ai traversé l’angoisse lunaire des villages vides aux portes aveugles (j’avais peur du bruit de mes pas)
1361 peur du bruit de mes pas). Au hasard, j’ai suivi des sentiers dans les champs de maïs, épiant la venue d’une joie inconnue
1362 ntiers dans les champs de maïs, épiant la venue d’ une joie inconnue. Joie d’être n’importe où… évadé ? Mais soudain, c’est
1363 me réveillé dans l’absurdité d’être n’importe où. Une panique balaye la nuit déserte jusqu’à l’horizon. Où vas-tu, les main
1364 intenant, où tu n’es pas — et tant d’amour perdu… Un train dormait devant la gare campagnarde. Je me suis étendu dans un c
1365 evant la gare campagnarde. Je me suis étendu dans un compartiment obscur, stores baissés, à l’abri de la lune. Le contrôle
1366 , — alors que justement j’allais rattraper, comme un pan de la nuit fuyante, un songe où j’ai dû voir l’objet pour la prem
1367 llais rattraper, comme un pan de la nuit fuyante, un songe où j’ai dû voir l’objet pour la première fois — ou bien était-c
1368 l’objet pour la première fois — ou bien était-ce un être ? 17. Insomnie J’éteignais la lampe et la veilleuse me ren
1369 s la lampe et la veilleuse me rendait compagnon d’ une momie bleuâtre, mais peut-on se reposer vraiment à cent à l’heure. Pa
1370 re. Par-dessous le store, je voyais la Lune faire des bonds courts sur la plaine inondée de nuit. J’essayais de penser par-
1371 iné de cette hurlante bousculade sur place qu’est un voyage en express. Mais je ne trouvais pas la pente de mon esprit, et
1372 ente de mon esprit, et tout en le parcourant avec une soif qui annonçait le désert, je traçais des plans d’œuvres sablonneu
1373 avec une soif qui annonçait le désert, je traçais des plans d’œuvres sablonneuses. Je composais un traité des voyages : les
1374 ais des plans d’œuvres sablonneuses. Je composais un traité des voyages : les titres en étaient de Sénèque ou de Swift, et
1375 ans d’œuvres sablonneuses. Je composais un traité des voyages : les titres en étaient de Sénèque ou de Swift, et je voyais
1376 he. Notre liberté de penser est absurde au regard des contraintes que subissent nos gestes. Imaginer ce qui se produirait,
1377 quelque Décret l’on élevait la Morale du domaine des actions à celui de la pensée, de l’Apparence à l’Essence. D’un coup,
1378 celui de la pensée, de l’Apparence à l’Essence. D’ un coup, tous les refoulés qui explosent, le chômage dans la gendarmerie
1379 les fakirs débordés. L’hypocrisie s’en tire avec une volte-face.) Quelle heure est-il ? La Lune se tient assez bien depuis
1380 heure est-il ? La Lune se tient assez bien depuis un moment, c’est que la ligne est droite. Je ne sais plus dans quel sens
1381 ’endors, et que, vers le soir, tu t’éveilles dans une lueur jaune, ne sachant plus en quel endroit du temps tu vis, — c’en
1382 serait-ce brouiller les horaires ? Le voyage est un état d’âme et non pas une question de transport. Un vrai voyage, on n
1383 horaires ? Le voyage est un état d’âme et non pas une question de transport. Un vrai voyage, on ne sait jamais où cela mène
1384 état d’âme et non pas une question de transport. Un vrai voyage, on ne sait jamais où cela mène, c’est une aventure qui r
1385 rai voyage, on ne sait jamais où cela mène, c’est une aventure qui relève de la métaphysique plus que de la psychologie. — 
1386 de la métaphysique plus que de la psychologie. —  Une vaste licence poétique… (Voici bien la fatigue avec son jeu des défin
1387 nce poétique… (Voici bien la fatigue avec son jeu des définitions)… pas de but. — C’est vous qui le dites ! — Vous, naturel
1388 ous qui le dites ! — Vous, naturellement… (Encore un qui se réveille dans ma tête.) — On ne voyage jamais que dans son pro
1389 — Mais en voyage on la regarde mieux. — La vie… ( une sorte de cauchemar de la pensée, qui ne peut plus s’arrêter de penser
1390 e sens de la vie ! Je sais seulement que ma vie a un but. M’approcher de mon être véritable. Seul au milieu des miens, j’o
1391 s sur mon apparence, je me découvre localisé dans un type humain. Immobile, j’étais presque infiniment variable, indétermi
1392 n intérieure. Et souvent je pressens qu’il existe une clef : délivré de moi, j’entrerais en plein Moi… Une clef ? Plutôt « 
1393 clef : délivré de moi, j’entrerais en plein Moi… Une clef ? Plutôt « cela » qui me permettrait de combler l’écart entre mo
1394 Moi qui est la seule réalité absolument tragique… Une chose ? Un être ? L’Objet ? — Est-ce que je dors dans mes pensées ? L
1395 la seule réalité absolument tragique… Une chose ? Un être ? L’Objet ? — Est-ce que je dors dans mes pensées ? La veilleuse
1396 dans mes pensées ? La veilleuse fleurit soudain d’ un éclat bleu douloureux, le train ralentit. Hegyeshalom, petite gare fr
1397 tée au milieu de la plaine à l’heure A, — l’heure des arrivées et des adieux… Il y a dans tous les réveils une détresse et
1398 la plaine à l’heure A, — l’heure des arrivées et des adieux… Il y a dans tous les réveils une détresse et une délivrance é
1399 ivées et des adieux… Il y a dans tous les réveils une détresse et une délivrance étrangement mêlées. 18. Les clefs perdu
1400 eux… Il y a dans tous les réveils une détresse et une délivrance étrangement mêlées. 18. Les clefs perdues Il faudrai
1401 à l’air frais, mais chaque porte est obstruée par un douanier, tant qu’à la fin on me refoule dans mon compartiment. Est-c
1402 n me refoule dans mon compartiment. Est-ce encore un rêve ? Je comprends bien qu’il faudrait ouvrir ces valises, mais j’ai
1403 j’ai perdu mes clefs. L’œil du douanier conseille des aveux complets. J’ai le feu à la tête, mais je suis innocent puisque
1404 rop certain. Cependant, « rien à déclarer » après des semaines de voyage ? Cela va paraître improbable. On a dû voir sur mo
1405 ans mes onze poches. Seulement ce papier timbré d’ un ministère… mais déjà l’œil s’éteint, le corps se plie, fait demi-tour
1406 nom. Parfois je me suis demandé s’il n’était pas une sorte de pierre philosophale. Peut-être ces deux mots suffiraient-ils
1407 ant le change à celles de mes pensées qui exigent des apparences positives. Ainsi donc, j’ai cherché la Pierre des philosop
1408 ces positives. Ainsi donc, j’ai cherché la Pierre des philosophes. D’autres aussi, peut-être, la cherchent. Et qui sait si
1409 rand Œuvre ? Cela seul est certain : qu’il existe des signes. Peut-être faut-il d’abord les découvrir tous par soi-même. Et
1410 t ce qu’elle m’a donné ? Cette notion plus vive d’ un univers où la présence de l’Objet deviendrait plus probable ? Ou bien
1411 u’au point de perfection, aimer et connaître sont un seul et même acte. Peut-être l’ai-je aimée d’un amour égoïste, comme
1412 t un seul et même acte. Peut-être l’ai-je aimée d’ un amour égoïste, comme un être dont on a besoin et en qui l’on chérit s
1413 Peut-être l’ai-je aimée d’un amour égoïste, comme un être dont on a besoin et en qui l’on chérit surtout ce dont on manque
1414 mensonges du cœur qui traduisent, à tout prendre, une vérité particulière plus importante que cette vérité générale dont to
1415 nde se réclame et dont personne ne vit… Et certes un tel amour est un amour mineur. Mais qui saura jamais la vérité sur au
1416 dont personne ne vit… Et certes un tel amour est un amour mineur. Mais qui saura jamais la vérité sur aucun être ? Et s’i
1417 rains de sable noir, piqués de petits arbres et d’ un désordre de maisons basses, les dernières de la ville de Debrecen, au
1418 suis sans doute perdu et pourtant je n’éprouve qu’ une étrange sécurité. Présence, présence réelle… Comme j’ai peine à m’ima
1419 dité foncière qu’il m’arrive d’éprouver en face d’ une action purement raisonnable. Ah ! quelle raison t’attirait donc ici,
1420 sinon l’espoir bien fou d’y retrouver l’émotion d’ un miracle imminent… ou moins encore : l’image, née en rêve, d’une plain
1421 minent… ou moins encore : l’image, née en rêve, d’ une plaine, d’un couchant plus grandiose au ciel et sur la terre plus sec
1422 ns encore : l’image, née en rêve, d’une plaine, d’ un couchant plus grandiose au ciel et sur la terre plus secret que dans
1423 terre plus secret que dans ton pays. Tu attendais une révélation, non point de cet endroit, ni même par lui, — mais à cet e
1424 , en ce temps… Qui sait si tu ne l’as pas reçue ? Une qualité, une tendresse, quelque similitude… Oh ! bien peu ! Mais qu’e
1425 … Qui sait si tu ne l’as pas reçue ? Une qualité, une tendresse, quelque similitude… Oh ! bien peu ! Mais qu’est-ce que ce
1426 dans d’autres vies, pour approcher de tous côtés un But dont tu ne sais rien d’autre que sa fuite : n’est-il pas cet Obje
1427 ui est de soi-même, et conscient… C’est à cause d’ un pari peut-être fou, et qui porte sur des sentiments indéfinis, à caus
1428 à cause d’un pari peut-être fou, et qui porte sur des sentiments indéfinis, à cause de ce pari dont tu n’as vu l’enjeu qu’u
1429 is, à cause de ce pari dont tu n’as vu l’enjeu qu’ un seul instant — nos rêves sont instantanés — que tu es parti ; et main
1430 nant tu joues ce rôle, tu t’intéresses, tu serres des mains, — tu perds les clefs de tes valises… (Cela encore : m’arrêter
1431 alises… (Cela encore : m’arrêter à Vienne à cause des serrures… Peut-être y passer une nuit — rôder à la recherche de Gérar
1432 à Vienne à cause des serrures… Peut-être y passer une nuit — rôder à la recherche de Gérard par les rues noires aux palais
1433 t à la Lune — lit-on dans les upanishads. — Or si un homme n’est pas satisfait dans la lune, celle-ci le libère (le laisse
1434 le libère (le laisse aller chez Brahma) ; mais si un homme y est satisfait, la Lune le renvoie sur Terre en forme de pluie
1435 oie sur Terre en forme de pluie. » Si je trouvais un jour l’Objet, il ne me resterait qu’à le détruire. (Aussitôt je comme
1436 laît dans ce qu’il trouve. 15. Toute l’échelle des ivresses : ivresses de la faim, de l’alcool, de la foule, de la solit
1437 a se réfugier le dernier vestige de la sensualité des érudits. 17. La fameuse marche de Rakoczy est l’œuvre d’une Tzigane.
1438 . 17. La fameuse marche de Rakoczy est l’œuvre d’ une Tzigane. 18. L’or n’était qu’un prétexte. Déjà une blague de passepo
1439 y est l’œuvre d’une Tzigane. 18. L’or n’était qu’ un prétexte. Déjà une blague de passeport. bj. Rougemont Denis de, « V
1440 e Tzigane. 18. L’or n’était qu’un prétexte. Déjà une blague de passeport. bj. Rougemont Denis de, « Voyage en Hongrie II
59 1930, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Charles Du Bos, Approximations, 4e série (novembre 1930)
1441 ent, tant par les sujets abordés que par le style des « approches », le livre le plus significatif de son tempérament criti
1442 ’on doit admirer chez M. Du Bos. Et dans l’allure des phrases, le rythme même de sa pensée. Parfois certes, un peu gêné par
1443 ses, le rythme même de sa pensée. Parfois certes, un peu gêné par la lenteur de certains méandres, aimerait-on les sentir
1444 insistants, moins concertés. Mais n’est-ce pas là un défaut qui relève de la nature même d’un esprit « critique » dans l’e
1445 e pas là un défaut qui relève de la nature même d’ un esprit « critique » dans l’exercice de sa probité ? Défaut combien pl
1446 sthal. Que Charles Du Bos mérite aujourd’hui l’un des premiers rangs dans la critique européenne, l’ampleur du champ qui lu
1447 ndiquer. Mais ce qui l’établit sans conteste dans une classe internationale — comme on dirait en style sportif — c’est l’ai
1448 sportif — c’est l’aisance avec laquelle il aborde un Pater, un George non pas autrement qu’il n’aborderait un génie frança
1449 c’est l’aisance avec laquelle il aborde un Pater, un George non pas autrement qu’il n’aborderait un génie français, et sur
1450 r, un George non pas autrement qu’il n’aborderait un génie français, et sur un pied véritablement européen. L’envergure en
1451 ment qu’il n’aborderait un génie français, et sur un pied véritablement européen. L’envergure en quelque sorte géographiqu
1452 péen. L’envergure en quelque sorte géographique d’ une telle enquête suppose une Weltanschauung correspondante en profondeur
1453 ue sorte géographique d’une telle enquête suppose une Weltanschauung correspondante en profondeur. Il la possède. On peut d
1454 esthétique, la littérature ne constitue pas moins un cas privilégié. Et parce que M. Du Bos ne cesse de la soumettre à des
1455 Et parce que M. Du Bos ne cesse de la soumettre à des contrôles éthiques autant qu’esthétiques, il lui rend l’humilité et l
1456 nant de toutes parts son sujet, M. Du Bos choisit des bases d’approche parfois si éloignées, et progresse par des voies si
1457 d’approche parfois si éloignées, et progresse par des voies si subtiles qu’il ne doit qu’à un sens exceptionnel de l’orient
1458 esse par des voies si subtiles qu’il ne doit qu’à un sens exceptionnel de l’orientation dans le monde de l’esprit la sécur
1459 ’esprit la sécurité de sa marche vers le centre d’ une œuvre. La méthode de M. Du Bos est la plus propre à dégager l’élément
1460 est la plus propre à dégager l’élément spécifique des génies qu’elle « approche » : on pourrait l’appeler une critique des
1461 nies qu’elle « approche » : on pourrait l’appeler une critique des obstacles. Je veux dire par là que M. Du Bos parvient à
1462 « approche » : on pourrait l’appeler une critique des obstacles. Je veux dire par là que M. Du Bos parvient à recréer comme
1463 e. Le danger de cette méthode, c’est que, donnant un nom à chaque problème, l’« hypostasiant » en quelque mesure, elle ris
1464 que mesure, elle risque de nous laisser l’image d’ un auteur plus conscient de ses propres difficultés que ne saurait l’êtr
1465 ifficultés que ne saurait l’être le créateur. Car une telle conscience appartient au critique avant tout, et c’est pourquoi
1466 teur, supposant le problème résolu (Racine), fait une œuvre d’art. Ou bien encore, l’artiste, usant de cette sorte de désin
1467 e de désinvolture qui lui est naturelle, confie à des figures le soin hasardeux de résoudre ses antinomies (Goethe) ; que s
1468 e) ; que si elles y échouent, il restera du moins des personnages ! Mais la grandeur d’un Du Bos, n’est-elle pas précisémen
1469 era du moins des personnages ! Mais la grandeur d’ un Du Bos, n’est-elle pas précisément dans son refus de sacrifier jamais
1470 chez tant d’autres émoussé, et qu’il exerce avec une intelligence et une autorité aujourd’hui sans secondes : le sens de l
1471 émoussé, et qu’il exerce avec une intelligence et une autorité aujourd’hui sans secondes : le sens de la responsabilité de