1
(mars 1925)a Henry de Montherlant, héritier d’
une
tradition chevaleresque, mène sa vie comme une ardente aventure. Les
2
d’une tradition chevaleresque, mène sa vie comme
une
ardente aventure. Les épisodes s’appellent : collège, guerre, sport…
3
ns le Paradis je ne sais quel relent de barbarie,
un
assez malsain goût du sang. Tout cela s’est purifié dans le Chant fun
4
Tout cela s’est purifié dans le Chant funèbre. Et
une
phrase telle que « … Nous sommes sûrs de ne pas nous tromper en nous
5
modeste, si peu que ce soit pour la paix », c’est
une
affirmation qui d’un coup condamne beaucoup d’antérieures protestatio
6
soit pour la paix », c’est une affirmation qui d’
un
coup condamne beaucoup d’antérieures protestations belliqueuses. Il n
7
ures protestations belliqueuses. Il nous montre «
des
Français qui pensent ces carnages inévitables, avec un bref soupir s’
8
ançais qui pensent ces carnages inévitables, avec
un
bref soupir s’y résignent, puis tablent sur eux, et d’autres qui tien
9
puis tablent sur eux, et d’autres qui tiennent qu’
une
telle attitude est responsable de ces carnages ». Naguère il était de
10
t responsable de ces carnages ». Naguère il était
des
premiers ; il s’affirme aujourd’hui des seconds. C’est pour avoir con
11
il était des premiers ; il s’affirme aujourd’hui
des
seconds. C’est pour avoir contemplé Verdun, en tête à tête avec le gé
12
de la mort. Mais alors, à quoi sert d’exalter, d’
une
si émouvante sorte, les soldats déjà légendaires de Verdun, et ce « h
13
« haut ton de vie » qu’ils trouvaient au front. D’
une
phrase, il justifie son livre : « Ranimons ces horreurs pour les voul
14
eurs pour n’en pas trop descendre ». N’est-ce pas
une
éclatante mise au point ? Et venant de l’auteur du Songe, d’un de ces
15
mise au point ? Et venant de l’auteur du Songe, d’
un
de ces hommes qui « descendirent » du front dans notre paix lassée, n
16
u front dans notre paix lassée, ne prend-elle pas
une
pathétique signification ? Pourtant ici encore transparaît un doute,
17
e signification ? Pourtant ici encore transparaît
un
doute, parfois : « On craint d’être injuste en décidant si… cette abs
18
maintes reprises, dans cette œuvre d’affirmation,
une
telle inquiétude, un amer « à quoi bon » percèrent soudain… Mais Mont
19
cette œuvre d’affirmation, une telle inquiétude,
un
amer « à quoi bon » percèrent soudain… Mais Montherlant se redresse v
20
c’est autre chose que l’absence de guerre, c’est
une
paix que travaillerait le levain des vertus guerrières. « Il faut que
21
uerre, c’est une paix que travaillerait le levain
des
vertus guerrières. « Il faut que la paix, ce soit vivre. » Par tout u
22
« Il faut que la paix, ce soit vivre. » Par tout
un
livre libéré de souvenirs héroïques, peut-être trop grands pour la pa
23
Toute son œuvre pourrait se définir : la lutte d’
un
tempérament avec la réalité. Tantôt c’est l’un qui veut plier l’autre
24
is —, tantôt c’est l’autre qui impose son absolu.
Une
soumission au réel durement consentie, voilà ce que nous admirons dan
25
ester digne de son rôle et vraiment le coryphée d’
une
génération casquée. Feu consumateur de toute faiblesse, flamme d’une
26
uée. Feu consumateur de toute faiblesse, flamme d’
une
pureté si rare en notre siècle, qu’elle paraît parfois, lorsque la to
27
e de Douaumont. Puis la vie l’exalte de nouveau d’
un
large vent de joie. a. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Henry
28
on, Manifeste du surréalisme (juin 1925)b Sous
une
« vague de rêves », la logique, dernier agent de liaison de nos espri
29
érir. C’est du moins ce que proclame M. Breton en
un
manifeste dont la pseudo-nouveauté nous retiendra moins que la signif
30
ns d’ingénieuses métaphores quiconque chercherait
une
idée là-dessous, — ne réussit pas toujours chez Breton à masquer la b
31
Ces principes ? Ils se laissent hélas résumer en
un
court article de dictionnaire : « Surréalisme, n.m. Automatisme psych
32
e. » (p. 42). Le surréalisme ne serait-il donc qu’
une
sorte de méthode des textes généralisée ? Point du tout ! Il paraît q
33
éalisme ne serait-il donc qu’une sorte de méthode
des
textes généralisée ? Point du tout ! Il paraît qu’il est la seule att
34
ientes M. Breton peut-il préconiser l’existence d’
une
littérature fondée sur de tels principes ? Le Rêve est la seule matiè
35
. Toute poésie est incommunicable, le poète étant
un
simple sténographe de ses rêves. Soit. De ces faits, je tire cette co
36
re cette conclusion pratique : inutile de publier
des
poèmes. Éluard le comprenait, qui écrivit : « Quand les livres se lir
37
livres se liront-ils d’eux-mêmes, sans le secours
des
lecteurs ? Quand les hommes se comprendront-ils individuellement ? »
38
ront-ils individuellement ? » Que M. Breton donne
des
« recettes pour faire un poème » cette mystification est dans la logi
39
? » Que M. Breton donne des « recettes pour faire
un
poème » cette mystification est dans la logique de ses principes, mai
40
me seraient-elles perceptibles que par le fait d’
une
fortuite coïncidence entre l’univers du poète et le mien ? Je compren
41
étrables. Je crois même voir que M. Breton serait
un
très curieux poète s’il ne s’efforçait de donner raison aux 75 pages
42
il voulut nous persuader que tout poème doit être
une
dictée non corrigée du Rêve. Je reconnais à chaque ligne de Poisson s
43
poétique » qui, avoue Rimbaud, entre encore pour
une
grande part dans l’« alchimie du verbe » ; et je ne puis m’empêcher d
44
i scolaire ? À donner le change sur la pauvreté d’
un
art purement formel. Car c’est ici le tragique de cette mystification
45
s. Plaisante ironie, si cette attitude n’était qu’
une
protestation contre nos poncifs intellectuels. Mais elle risque bien
46
lectuels. Mais elle risque bien de nous en rendre
un
peu plus esclaves. Car depuis Freud — dont ils se réclament imprudemm
47
ment, — on sait ce que c’est que la « liberté » d’
un
esprit pur de tout finalisme ! Surréalisme S.A., entreprise pour l’ex
48
Dada S.A. Ce n’est pas ainsi que nous sortirons d’
une
anarchie dont les causes semblent avant tout morales. Les tendances e
49
semblent avant tout morales. Les tendances encore
un
peu vagues d’un groupe tel que Philosophies laissent pressentir des r
50
out morales. Les tendances encore un peu vagues d’
un
groupe tel que Philosophies laissent pressentir des révolutions plus
51
n groupe tel que Philosophies laissent pressentir
des
révolutions plus réelles. On souhaite qu’après faillite faite, les su
52
es surréalistes trouvent à montrer leur talent en
des
jeux moins lassants. Dada, éclat de rire d’un désespoir exaspéré, com
53
en des jeux moins lassants. Dada, éclat de rire d’
un
désespoir exaspéré, commandait une certaine sympathie. L’agaçant, ave
54
éclat de rire d’un désespoir exaspéré, commandait
une
certaine sympathie. L’agaçant, avec les surréalistes, c’est que — pou
55
avec les surréalistes, c’est que — pour reprendre
un
mot de Cocteau — ils « embaument de vieilles anarchies ». L’ironie qu
56
L’ironie qui sauva Dada du ridicule le cède ici à
un
ton de mage qui ne fera plus longtemps impression. C’est grand dommag
57
: Aragon, Éluard. Sans oublier Breton, enchanteur
des
images qui peuplent les ténèbres. b. Rougemont Denis de, « [Compte
58
août 1925)c Le nouveau volume de la collection
des
« Maîtres de l’art moderne » est au moins le cinquième ouvrage publié
59
e sur Van Gogh, depuis 1922. Il contient pourtant
des
vues assez neuves. M. Colin s’est contenté de narrer les faits de la
60
de narrer les faits de la vie de Vincent, mais d’
une
telle manière que des conclusions critiques s’en dégagent avec éviden
61
e la vie de Vincent, mais d’une telle manière que
des
conclusions critiques s’en dégagent avec évidence. Van Gogh fut une p
62
itiques s’en dégagent avec évidence. Van Gogh fut
une
proie du génie. L’homme tel que nous le peint Paul Colin, est peu int
63
eunes gens prétentieux et sincères qui se croient
une
vocation, végètent dans des œuvres d’évangélisation, fondent des grou
64
ncères qui se croient une vocation, végètent dans
des
œuvres d’évangélisation, fondent des groupes dissidents. Le miracle,
65
égètent dans des œuvres d’évangélisation, fondent
des
groupes dissidents. Le miracle, c’est que le plus sauvage génie ait c
66
racle, c’est que le plus sauvage génie ait choisi
un
être de cette espèce pour le tourmenter et le transfigurer. Vincent s
67
llet. Mais son manque de talent ne le rebute pas.
Une
divine violence le travaille. Elle jaillira enfin, dans l’éblouisseme
68
u jour où cette consomption frénétique terrassant
un
corps minable, il ne restera plus que les flammes, les soleils et aus
69
x. Il faut louer Paul Colin de n’avoir rien caché
des
médiocrités de cette vie : les reproductions qui suivent sa courte bi
70
ions qui suivent sa courte biographie fournissent
un
meilleur motif à l’admiration que tout le lyrisme dont on a voulu cha
71
nous laisse à notre émotion devant le spectacle d’
une
œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’une œuvre de pur génie. Vincent Va
72
pectacle d’une œuvre qui ne dut rien à l’homme, d’
une
œuvre de pur génie. Vincent Van Gogh, génie sans talent. c. Rougem
73
, « Prix Goncourt », curieux homme. Il se livre à
des
travaux de précision : il calcule un plan, un poème. Il écrit un livr
74
se livre à des travaux de précision : il calcule
un
plan, un poème. Il écrit un livre sur Einstein, des articles sur Valé
75
à des travaux de précision : il calcule un plan,
un
poème. Il écrit un livre sur Einstein, des articles sur Valéry, St Jo
76
récision : il calcule un plan, un poème. Il écrit
un
livre sur Einstein, des articles sur Valéry, St John Perse. On le vit
77
n plan, un poème. Il écrit un livre sur Einstein,
des
articles sur Valéry, St John Perse. On le vit naguère en province liq
78
ohn Perse. On le vit naguère en province liquider
des
stocks américains. Et ses romans, c’est aussi une liquidation : les f
79
des stocks américains. Et ses romans, c’est aussi
une
liquidation : les faits s’y pressent et s’y bousculent ; de temps à a
80
s’y pressent et s’y bousculent ; de temps à autre
une
notation d’artiste ou de psychologue se glisse dans leur flot. Voilà
81
ahi, passionné, contraint de suivre jusqu’au bout
un
roman de 500 pages comme Rabevel. Car si la liquidation des questions
82
de 500 pages comme Rabevel. Car si la liquidation
des
questions traitées est rapide, elle est complète aussi. On s’étonne d
83
ce que Fabre, disciple de Valéry, puisse rédiger
des
romans si bouillonnants, si mal équarris. Certes, ce n’est pas lui qu
84
on maître : « La marquise sortit à cinq heures ».
Une
telle platitude est presque indispensable, mais il s’en permet d’autr
85
permet d’autres qui le sont moins. On n’écrit pas
un
roman en trois volumes sans y laisser des maladresses et des négligen
86
crit pas un roman en trois volumes sans y laisser
des
maladresses et des négligences. Mais on ne demande pas non plus au pu
87
n trois volumes sans y laisser des maladresses et
des
négligences. Mais on ne demande pas non plus au puissant boxeur sur l
88
sur le ring d’être bien peigné. Rabevel, c’était
un
portrait balzacien du brasseur d’affaires. Le sujet du Tarramagnou, c
89
s paysans sont en train de redevenir serfs, serfs
des
syndicats et des capitalistes des villes. Mais dans une de ces provin
90
train de redevenir serfs, serfs des syndicats et
des
capitalistes des villes. Mais dans une de ces provinces du Midi où le
91
ir serfs, serfs des syndicats et des capitalistes
des
villes. Mais dans une de ces provinces du Midi où le souvenir des lut
92
ndicats et des capitalistes des villes. Mais dans
une
de ces provinces du Midi où le souvenir des luttes religieuses encore
93
dans une de ces provinces du Midi où le souvenir
des
luttes religieuses encore vivace fait que les paysans gardent une méf
94
ieuses encore vivace fait que les paysans gardent
une
méfiance frondeuse vis-à-vis du gouvernement, le libérateur va se lev
95
du gouvernement, le libérateur va se lever. C’est
un
descendant de Roland le Camisard, ce « Tarramagnou », ce « petit homm
96
, ce « petit homme de la terre », qui va susciter
un
formidable mouvement de protestation contre les lois tyranniques. Le
97
du but. Le Tarramagnou voit son œuvre sabotée par
des
meneurs ; il tente en vain de ressaisir les foules : déjà elles huent
98
ent sa modération. Alors il va se jeter au-devant
des
troupes accourues, il meurt en clamant la paix. M. Fabre avait là les
99
clamant la paix. M. Fabre avait là les éléments d’
un
grand roman : autour d’un sujet de vaste envergure, et brûlant, une i
100
avait là les éléments d’un grand roman : autour d’
un
sujet de vaste envergure, et brûlant, une intrigue puissante, des per
101
autour d’un sujet de vaste envergure, et brûlant,
une
intrigue puissante, des personnages d’une belle richesse psychologiqu
102
te envergure, et brûlant, une intrigue puissante,
des
personnages d’une belle richesse psychologique. En fermant le livre o
103
rûlant, une intrigue puissante, des personnages d’
une
belle richesse psychologique. En fermant le livre on a presque l’impr
104
qu’il a réussi ce grand roman… Qu’y manque-t-il ?
Un
style ? L’absence de style, n’est-ce pas le meilleur style pour un ro
105
nce de style, n’est-ce pas le meilleur style pour
un
romancier ? C’est plutôt, je crois, une certaine harmonie générale da
106
style pour un romancier ? C’est plutôt, je crois,
une
certaine harmonie générale dans le récit et le ton, surtout dans la p
107
n soit mal construit, au contraire. Mais le tissu
des
faits se relâche parfois, et les arêtes de la construction apparaisse
108
œuvre d’ailleurs, il reste que le Tarramagnou est
un
livre émouvant, d’une saine puissance. Il reste que Lucien Fabre a te
109
reste que le Tarramagnou est un livre émouvant, d’
une
saine puissance. Il reste que Lucien Fabre a tenté, et en somme, réus
110
te que Lucien Fabre a tenté, et en somme, réussi,
une
entreprise bien téméraire de nos jours : un roman à thèse aussi intel
111
ssi, une entreprise bien téméraire de nos jours :
un
roman à thèse aussi intelligent que vivant. d. Rougemont Denis de,
112
. La littérature de ces dernières années n’est qu’
une
forme de reportage international. L’Europe menant cette immense enquê
113
énie, l’Europe d’aujourd’hui semble chercher dans
une
confrontation avec l’Orient, plutôt qu’une réelle connaissance de l’O
114
r dans une confrontation avec l’Orient, plutôt qu’
une
réelle connaissance de l’Orient, une conscience d’elle-même. C’est pe
115
t, plutôt qu’une réelle connaissance de l’Orient,
une
conscience d’elle-même. C’est peut-être pour provoquer cette confront
116
uer cette confrontation seulement qu’on a imaginé
un
péril oriental, car il semble bien que dans le domaine de la culture
117
n en parle, la vraie « question asiatique » étant
une
question politique. On peut prévoir que si le bouddhisme jouit un jou
118
tique. On peut prévoir que si le bouddhisme jouit
un
jour d’un renouveau, c’est à quelques savants européens qu’il le devr
119
peut prévoir que si le bouddhisme jouit un jour d’
un
renouveau, c’est à quelques savants européens qu’il le devra, tandis
120
es savants européens qu’il le devra, tandis que d’
un
mouvement inverse, le christianisme débarrassé de son déguisement gré
121
. Ceci convenu, il faut reconnaître que l’enquête
des
Cahiers du Mois donne un fort intéressant tableau des multiples réact
122
connaître que l’enquête des Cahiers du Mois donne
un
fort intéressant tableau des multiples réactions de l’Europe placée d
123
Cahiers du Mois donne un fort intéressant tableau
des
multiples réactions de l’Europe placée devant le dilemme Orient-Occid
124
. Car la plupart des enquêtés se font de l’Orient
une
représentation vague et poétique. « Orient…, toi qui n’as qu’une vale
125
ion vague et poétique. « Orient…, toi qui n’as qu’
une
valeur de symbole », a dit A. Breton. C’est de cet Orient qu’il s’agi
126
» On confond Japon et Arabie, Indes et Chine sous
une
dénomination qui n’a de sens que par rapport à l’Europe. Il serait va
127
par rapport à l’Europe. Il serait vain de tenter
un
classement parmi les réponses d’une extraordinaire diversité — peut-ê
128
vain de tenter un classement parmi les réponses d’
une
extraordinaire diversité — peut-être trop nombreuses — qui composent
129
onclusions tirées de points de vue semblables, qu’
un
esprit analytique et organisateur d’occidental se perdra ici dans un
130
e et organisateur d’occidental se perdra ici dans
un
ensemble kaléidoscopique d’idées et de jugements contradictoires, et
131
rs de l’écrivain. Énumérons pourtant quelques-uns
des
points de vue les plus riches ou les mieux définis. Pour Valéry, la s
132
t la déplorent. Plusieurs jeunes songent que dans
une
Europe vieillie, les parfums puissants de l’Asie sauront encore éveil
133
eiller de beaux rêves. Il y a ceux qui repoussent
une
Asie ignorante du thomisme et ceux qui pensent inévitable le choc de
134
t inévitable le choc de deux mondes, et que seule
une
intime connaissance mutuelle l’adoucira. Il y a ceux qui à la suite d
135
me, religion missionnaire, ne peut nous donner qu’
une
supériorité provisoire et qui porte en son principe le germe de sa de
136
le défaut de n’être pas suffisamment motivées par
des
faits et des documents. Pour beaucoup, l’Orient n’est qu’un prétexte
137
n’être pas suffisamment motivées par des faits et
des
documents. Pour beaucoup, l’Orient n’est qu’un prétexte à variations
138
t des documents. Pour beaucoup, l’Orient n’est qu’
un
prétexte à variations sur le thème favori. M. Massis, par exemple, qu
139
ri. M. Massis, par exemple, qui cependant produit
un
grand nombre de citations à l’appui de ses sophismes, ne se livre pas
140
l’appui de ses sophismes, ne se livre pas moins à
des
déductions in abstracto qui le mènent à des conclusions de ce genre :
141
ins à des déductions in abstracto qui le mènent à
des
conclusions de ce genre : si nous trouvons le moyen de « suppléer à l
142
s le moyen de « suppléer à l’éducation historique
des
peuples chrétiens qui n’ont pas eu de Moyen Âge », nous pourrons amen
143
si étroitement particularisé pourtant, à l’usage
des
Latins…). Quant aux orientalistes, qui, eux, apportent des documents,
144
s…). Quant aux orientalistes, qui, eux, apportent
des
documents, savent de quoi ils parlent, ils se récusent lorsqu’il s’ag
145
nt, ils se récusent lorsqu’il s’agit de conclure.
Un
écrivain grec, M. Embiricos, a trouvé la formule qui définit ce que l
146
e rôle de l’Europe « conscience du monde », entre
une
Amérique affolée de vitesse, édifiant ses gratte-ciel comme des tours
147
ffolée de vitesse, édifiant ses gratte-ciel comme
des
tours de Babel, et une Asie immobile dans sa méditation éternelle.
148
iant ses gratte-ciel comme des tours de Babel, et
une
Asie immobile dans sa méditation éternelle. e. Rougemont Denis de,
149
« [Compte rendu] Les Appels de l’Orient (n° 9-10
des
Cahiers du Mois) », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genè
150
925)f « Dès que nous sommes seuls, nous sommes
des
fous. Oui, le contrôle de nous-mêmes ne joue que soutenu par le contr
151
r le contrôle que les autres nous imposent », dit
un
héros de Mauriac. C’est un « homme seul » qu’a peint « par le dedans
152
s nous imposent », dit un héros de Mauriac. C’est
un
« homme seul » qu’a peint « par le dedans » M. Jean Prévost, en un sa
153
qu’a peint « par le dedans » M. Jean Prévost, en
un
saisissant raccourci psychologique. « Tout homme normal est fait de p
154
il l’a poussé impitoyablement dans sa recherche d’
un
absolu qui se trouve être le néant. Pour finir il « l’écrabouille ».
155
ute expérience, elle n’en est pas moins probante.
Une
œuvre d’art que ce petit livre ? C’est avant tout une démonstration ;
156
œuvre d’art que ce petit livre ? C’est avant tout
une
démonstration ; mais, puissante de sûreté et d’évidence, elle a cette
157
évidence, elle a cette beauté froide et massive d’
un
théorème de Spinoza. Une ironie dure, la densité du style révèlent se
158
eauté froide et massive d’un théorème de Spinoza.
Une
ironie dure, la densité du style révèlent seules l’écrivain ; et auss
159
ï, Hauptmann et Maeterlinck. On trouve au tableau
des
auteurs édités depuis lors les grands noms de la littérature européen
160
ittérature européenne d’avant-guerre mêlés à ceux
des
maîtres du renouveau idéaliste allemand et viennois, Hesse, Hofmannst
161
auteurs qui composent l’Almanach Fischer donnent
une
juste idée de ce que fut la littérature d’avant-garde entre 1900 et 1
162
tre 1900 et 1910. Depuis, la maison paraît s’être
un
peu embourgeoisée… Disons plutôt que voici venu le temps de la moisso
163
que voici venu le temps de la moisson, — le temps
des
éditions d’œuvres complètes. g. Rougemont Denis de, « [Compte rend
164
alité, du moins faut-il le louer d’avoir conservé
une
vision générale de notre temps et un évident besoin d’impartialité. S
165
ir conservé une vision générale de notre temps et
un
évident besoin d’impartialité. Son art bénéficie de cette vision. Je
166
es meilleurs arguments. Et peu à peu surgissent d’
une
accumulation de petites touches précises des types d’après-guerre d’u
167
nt d’une accumulation de petites touches précises
des
types d’après-guerre d’une étrange vérité. Aux prises avec les problè
168
tites touches précises des types d’après-guerre d’
une
étrange vérité. Aux prises avec les problèmes sociaux et le luxe le m
169
la Russie, vers le passé, vers l’Orient, tentant
des
amours nouvelles et les fuites les plus folles hors de la réalité, il
170
s les plus folles hors de la réalité, ils forment
un
cortège pittoresque et désolant à celui qui, revenu de l’étranger dan
171
Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et
un
prologue (septembre 1925)j M. Valéry Larbaud est vraiment un étonn
172
eptembre 1925)j M. Valéry Larbaud est vraiment
un
étonnant esprit. Pour présenter au public français cette œuvre « d’im
173
ndonner à l’émotion communicative de qui découvre
un
sommet ? Point. Précision, modération dans le jugement, humour léger,
174
critique. Ce n’est que dans sa discrétion à louer
une
grande œuvre qu’on trouvera la mesure de son admiration et le gage de
175
que les Trois nouvelles exemplaires ne suscitent
un
intérêt très profond : elles nous transportent au cœur de préoccupati
176
elles nous transportent au cœur de préoccupations
des
plus modernes, problème de la réalité littéraire, problème de la pers
177
Prologue pourrait presque aussi bien être celui d’
une
pièce de Pirandello. N’annonce-t-il pas que les personnages des trois
178
irandello. N’annonce-t-il pas que les personnages
des
trois nouvelles « sont réels, très réels, de la réalité la plus intim
179
tendu de la personnalité. Tandis que chez Unamuno
une
volonté d’action les possède, les exalte, les affole. Les plus beaux
180
Gomez cynique et puissant de confiance en soi, qu’
une
volonté presque inhumaine torture et conduit au crime. Et s’ils s’imp
181
r obsédante volonté. Car on imagine difficilement
un
art plus dépouillé de détail extérieur ou d’enjolivure. La lecture de
182
’enjolivure. La lecture de ces trois tragédies, d’
une
classique sobriété mais d’une brutalité et d’une ironie romantiques,
183
trois tragédies, d’une classique sobriété mais d’
une
brutalité et d’une ironie romantiques, laisse la même impression de g
184
’une classique sobriété mais d’une brutalité et d’
une
ironie romantiques, laisse la même impression de grandeur désolée qu’
185
laisse la même impression de grandeur désolée qu’
un
Greco. Mais il n’y a pas les couleurs, ni l’amère volupté des formes.
186
ais il n’y a pas les couleurs, ni l’amère volupté
des
formes. Une sensation de barre d’acier sur la nuque. j. Rougemont
187
pas les couleurs, ni l’amère volupté des formes.
Une
sensation de barre d’acier sur la nuque. j. Rougemont Denis de, «
188
Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et
un
prologue », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, sep
189
. M. Seillière cherchait dans l’époque romantique
un
témoin dont le jugement eut « l’autorité d’un verdict essentiellement
190
que un témoin dont le jugement eut « l’autorité d’
un
verdict essentiellement chrétien sur le mysticisme naturiste ». Il ne
191
erne champion. Pour ce qui concerne le Vinet juge
des
romantiques, il n’a pas eu trop de peine à l’annexer à son propre cor
192
i il insiste sur le fait que Vinet se déclarait «
un
chrétien sans épithète ». Croit-il éluder ainsi le protestantisme de
193
Ne voit-il pas que rien n’est plus protestant qu’
une
telle attitude ? Mais ces réserves sont de peu d’importance si l’on s
194
it trouvé. Mais sa position purement chrétienne —
un
mysticisme de cadre solidement moral, c’est-à-dire rationnel, dit M.
195
ère — me paraît infiniment plus forte que celle d’
un
Maurras ou que celle d’un Maritain. Son unité est plus réellement pro
196
plus forte que celle d’un Maurras ou que celle d’
un
Maritain. Son unité est plus réellement profonde, son point d’appui p
197
ui plus central. Pour notre époque déchirée entre
un
thomisme et un nihilisme exaspérés, pour notre nouveau mal du siècle,
198
. Pour notre époque déchirée entre un thomisme et
un
nihilisme exaspérés, pour notre nouveau mal du siècle, il n’est peut-
199
e la mer ? » « Quel est cet homme dont l’âme fait
des
signes solennels ? » Une voix lente aux méandres songeurs, une simpli
200
et homme dont l’âme fait des signes solennels ? »
Une
voix lente aux méandres songeurs, une simplicité qui n’est pas famili
201
lennels ? » Une voix lente aux méandres songeurs,
une
simplicité qui n’est pas familière. C’est bien la poésie d’une époque
202
é qui n’est pas familière. C’est bien la poésie d’
une
époque tourmentée dans sa profondeur, mais qui se penche sans vertige
203
notre temps ! Au-dessus de la trépidation immense
des
machines, un Saint-John-Perse, un Supervielle parlent avec des mots d
204
Au-dessus de la trépidation immense des machines,
un
Saint-John-Perse, un Supervielle parlent avec des mots de tous les jo
205
dation immense des machines, un Saint-John-Perse,
un
Supervielle parlent avec des mots de tous les jours aux vivants et au
206
un Saint-John-Perse, un Supervielle parlent avec
des
mots de tous les jours aux vivants et aux morts : Mère, je sais très
207
… Cette chose haute à la voix grave qu’on appelle
un
père dans les maisons. » Comme Valéry, ce poète sait « des complicité
208
dans les maisons. » Comme Valéry, ce poète sait «
des
complicités étranges pour assembler un sourire ». Comme Max Jacob il
209
te sait « des complicités étranges pour assembler
un
sourire ». Comme Max Jacob il lui arrive de situer une anecdote purem
210
ourire ». Comme Max Jacob il lui arrive de situer
une
anecdote purement poétique dans un monde qu’il s’est créé. Jamais ban
211
ive de situer une anecdote purement poétique dans
un
monde qu’il s’est créé. Jamais banal, il est parfois facile : la desc
212
le surréalisme l’ont enrichie d’images…). Je cite
des
noms : y a-t-il influence ou seulement co-génération ? Pour peu qu’il
213
seulement co-génération ? Pour peu qu’ils sortent
des
cafés littéraires, nos poètes respirent le même air du temps. Leur or
214
nent. Celui-ci vient à peine de quitter l’air dur
des
pampas. « Le voilà qui s’avance, foulant les hautes herbes du ciel. »
215
Simone Téry, L’Île
des
bardes (décembre 1925)m L’Irlande contemporaine offre un spectacle
216
(décembre 1925)m L’Irlande contemporaine offre
un
spectacle bien passionnant : celui de la renaissance d’une littératur
217
acle bien passionnant : celui de la renaissance d’
une
littérature nationale à la fois cause et effet de la libération polit
218
ause, puisque pour mener à chef cette libération,
un
Yeats, un A.E., bien d’autres, ont su payer de leur personne. Effet,
219
que pour mener à chef cette libération, un Yeats,
un
A.E., bien d’autres, ont su payer de leur personne. Effet, puisque l’
220
yer de leur personne. Effet, puisque l’héroïsme d’
une
révolution en faveur du passé, révolution tout de même, ne pouvait pr
221
, révolution tout de même, ne pouvait produire qu’
une
littérature très neuve de forme et traditionaliste d’inspiration, com
222
et traditionaliste d’inspiration, comme fut celle
des
Yeats, Synge, Joyce même… Trois noms qui permettent, je crois, de par
223
Trois noms qui permettent, je crois, de parler d’
un
grand siècle littéraire irlandais ; ce que d’ailleurs Mlle Simone Tér
224
admiration son sens critique de Parisienne. C’est
une
sympathie malicieuse qui anime ses amusants portraits et ses commenta
225
es amusants portraits et ses commentaires parfois
un
peu copieux ; mais elle a la vertu de rendre contagieuse la curiosité
226
oit de cette âme irlandaise en laquelle s’allient
une
fantaisie et un réalisme également lyriques. m. Rougemont Denis de
227
irlandaise en laquelle s’allient une fantaisie et
un
réalisme également lyriques. m. Rougemont Denis de, « [Compte rend
228
ont Denis de, « [Compte rendu] Simone Téry, L’Île
des
bardes », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, décem
229
le rôle de la mer Océane avec ses écumeurs ? Déjà
un
Mac Orlan, un Kessel ont donné de beaux exemples du parti que peut ti
230
mer Océane avec ses écumeurs ? Déjà un Mac Orlan,
un
Kessel ont donné de beaux exemples du parti que peut tirer le nouveau
231
ance du peuple fou. Belles étincelles échappées d’
un
brasier. Pour les causes de l’incendie, voir Dostoïevski. M. Walpole,
232
bien. Quel sujet plus riche pouvait-on rêver pour
un
psychologue de la puissance de Walpole, que l’âme russe — cette âme r
233
e ». M. Walpole, dont nous commençons aujourd’hui
un
roman bien différent, a vu la Révolution sans romantisme, dans le dét
234
ution sans romantisme, dans le détail de la vie d’
une
ville. Il sait qu’un grand mouvement est la résultante de millions de
235
dans le détail de la vie d’une ville. Il sait qu’
un
grand mouvement est la résultante de millions de petits. Voici naître
236
llions de petits. Voici naître la révolution dans
un
cœur, puis dans une famille. Et une fois le grand bouleversement acco
237
oici naître la révolution dans un cœur, puis dans
une
famille. Et une fois le grand bouleversement accompli dans la « Cité
238
alpole leur a dévolu le soin d’entrer tantôt dans
un
foyer, tantôt dans une église, pour constater que la foule ne réagit
239
e soin d’entrer tantôt dans un foyer, tantôt dans
une
église, pour constater que la foule ne réagit pas autrement que les i
240
té secrète. Pour celle-ci par exemple (caché dans
un
réduit, Markovitch, l’idéaliste, surprend sa femme, la vertueuse Véra
241
aliste, surprend sa femme, la vertueuse Véra avec
un
des Anglais) : Ils s’embrassaient comme des gens qui auraient eu fai
242
ste, surprend sa femme, la vertueuse Véra avec un
des
Anglais) : Ils s’embrassaient comme des gens qui auraient eu faim to
243
avec un des Anglais) : Ils s’embrassaient comme
des
gens qui auraient eu faim toute leur vie… Markovitch, derrière sa vit
244
e moujik devant le bolchévique violant sa patrie.
Une
effroyable acceptation, mais elle peut se muer instantanément en révo
245
ermine l’avenir le plus proche. Il n’y a pas même
des
forces endormies dans l’âme russe : mais des possibilités, à chaque i
246
même des forces endormies dans l’âme russe : mais
des
possibilités, à chaque instant, d’explosion. Le géant russe est un en
247
à chaque instant, d’explosion. Le géant russe est
un
enfant : va-t-il rire, va-t-il pleurer ? m’embrasser ou me tuer ? Il
248
est encore ébahi du fracas, le juif survient avec
une
méthode simplifiée pour l’exploitation des ruines. On sait le reste.
249
t avec une méthode simplifiée pour l’exploitation
des
ruines. On sait le reste. Tout cela, Walpole ne le dit pas. Mais ses
250
nt en nous : Markovitch par exemple, ou Sémyonov,
un
cynique secrètement tourmenté qui enchantera M. Gide. n. Rougemont
251
e sait quoi. On a mis le bonheur devant soi, dans
un
progrès mal défini, et l’on court après sans fin. Même ceux qui ont p
252
sans fin. Même ceux qui ont perdu la croyance en
un
bonheur possible ou désirable subissent cette rage désespérée de cour
253
, catastrophe ou révélation, brusque échappée sur
des
pays nouveaux ou chute irrémédiable. Peut-être pouvons-nous choisir e
254
able. Peut-être pouvons-nous choisir encore entre
un
ressaisissement profond et la ruine. Mais certes, il est temps qu’une
255
profond et la ruine. Mais certes, il est temps qu’
une
lueur de conscience inquiète quelques chefs, montre à quelques meneur
256
lques chefs, montre à quelques meneurs aveugles d’
une
société affolée et ridiculement opportuniste où mène la pente de notr
257
a pente de notre civilisation. Meneurs et chefs :
des
économistes, des financiers, des industriels. Il y a encore les homme
258
civilisation. Meneurs et chefs : des économistes,
des
financiers, des industriels. Il y a encore les hommes politiques, mai
259
neurs et chefs : des économistes, des financiers,
des
industriels. Il y a encore les hommes politiques, mais on a si souven
260
vent l’impression qu’ils battent la mesure devant
un
orchestre qui, sans eux, jouerait aussi bien, aussi mal. Quant aux me
261
ait balayer. Je parle en général, sachant bien qu’
un
Romier, un Bainville, quelques autres, sont parmi les plus conscients
262
. Je parle en général, sachant bien qu’un Romier,
un
Bainville, quelques autres, sont parmi les plus conscients de ce temp
263
ions nouvelles. Toute la jeune littérature décrit
un
type d’homme profondément antisocial, glorifie une morale résolument
264
un type d’homme profondément antisocial, glorifie
une
morale résolument anarchiste. Ceux qui s’essaient à l’action, c’est e
265
st encore pour cultiver leur moi. Ils y cherchent
un
fortifiant, je ne sais quelle excitation, quelle révélation ou quel o
266
xcitation, quelle révélation ou quel oubli. C’est
un
dilettantisme qu’ils ont peut-être appris dans Barrès. Il leur manque
267
ont peut-être appris dans Barrès. Il leur manque
une
certitude foncière, une foi en la valeur de l’action. C’est pourquoi
268
ns Barrès. Il leur manque une certitude foncière,
une
foi en la valeur de l’action. C’est pourquoi ils ne peuvent prétendre
269
Au cœur de la crise de notre civilisation, il y a
un
problème de morale à résoudre, une conscience individuelle à recréer.
270
isation, il y a un problème de morale à résoudre,
une
conscience individuelle à recréer. Nous y employer, pour l’heure, c’e
271
complaît à répéter que nous vivons dans le chaos
des
idées et des doctrines, et qu’il n’existe pas d’esprit du siècle, hor
272
épéter que nous vivons dans le chaos des idées et
des
doctrines, et qu’il n’existe pas d’esprit du siècle, hors un certain
273
s, et qu’il n’existe pas d’esprit du siècle, hors
un
certain « confusionnisme ». Mais sous les épaves de tous les vieux ba
274
sous les épaves de tous les vieux bateaux, il y a
une
seule mer. Nos agitations contradictoires s’affrontent comme des vagu
275
Nos agitations contradictoires s’affrontent comme
des
vagues soulevées par une même tempête. L’unité de notre temps est en
276
oires s’affrontent comme des vagues soulevées par
une
même tempête. L’unité de notre temps est en profondeur : c’est une un
277
L’unité de notre temps est en profondeur : c’est
une
unité d’inquiétude. Barrès et Gide : ils ont construit des édifices t
278
d’inquiétude. Barrès et Gide : ils ont construit
des
édifices très différents de style, et dont les façades s’opposent ave
279
çades s’opposent avec hostilité. Dans l’intérieur
des
deux maisons pourtant se débattent les mêmes brouilles de famille ent
280
la libération du moi paraissent bien les ancêtres
des
nouvelles générations de héros de roman, lesquels sont tous éperdumen
281
uels sont tous éperdument égoïstes. Égoïstes avec
une
profonde conviction ; par vertu. Ce qui n’a rien d’étonnant : ils ne
282
r. On n’écrit plus pour s’amuser : ni pour amuser
un
public. Un livre est une action, une expérience. Et, le plus souvent,
283
it plus pour s’amuser : ni pour amuser un public.
Un
livre est une action, une expérience. Et, le plus souvent, sur soi-mê
284
s’amuser : ni pour amuser un public. Un livre est
une
action, une expérience. Et, le plus souvent, sur soi-même. On écrit p
285
i pour amuser un public. Un livre est une action,
une
expérience. Et, le plus souvent, sur soi-même. On écrit pour cultiver
286
pour l’éprouver et le prémunir, pour y découvrir
des
possibilités neuves, — pour le libérer. Il n’est pas question de rech
287
tion de rechercher ici les origines historiques d’
une
conception qui, de plus en plus, se révèle à la base de tous les prob
288
en littérature. Jacques Rivière s’y appliqua dans
un
de ses derniers articles2. Il rendait responsable de tout le « mal »,
289
e — et c’est plus que probable. Mais il en tirait
une
raison nouvelle de le condamner, et nous ne pouvons le suivre jusque-
290
vons le suivre jusque-là : il est vain de dire qu’
une
époque s’est trompée, puisqu’elle seule permet la suivante qui peut-ê
291
seule permet la suivante qui peut-être retrouvera
une
nouvelle face de la vérité. Bornons-nous à noter le phénomène, puis à
292
et le monde : l’ennui est venu avant l’épuisement
des
combinaisons possibles. Exaltation méthodique de nos facultés de plai
293
les plus aiguës prennent la place d’honneur dans
des
esthétiques construites en hâte à l’usage de sensibilités surmenées.
294
crée que contre quelque chose, contre soi, contre
une
difficulté.) Dégoût de la vie, dégoût du bonheur, dégoût de soi, — on
295
— on l’étend vite à la société entière. Dégoût d’
une
civilisation qui aboutit logiquement à cet épuisant et forcené gaspil
296
lut n’est nulle part… » « Je comprends la révolte
des
autres et quelles prières cela fait à Dieu », disait Drieu la Rochell
297
ien se remettre à manger, tout de même nous avons
un
corps, et c’est très beau, Breton, de crier « Révolution toujours » —
298
de crier « Révolution toujours » — tant qu’il y a
des
gens pour vous faire du pain ; et c’est très beau, Aragon, de ne plus
299
otre ultimatum à Dieu. Mais, secouant son dégoût,
un
Montherlant s’abandonne au salut par la violence. Une sensualité moin
300
Montherlant s’abandonne au salut par la violence.
Une
sensualité moins énervée lui permet de brutaliser quelque peu les « g
301
es « grands problèmes », et le voilà reparti dans
un
égoïsme triomphant, pur du désir d’action qui empêtrait Barrès dans d
302
, pur du désir d’action qui empêtrait Barrès dans
des
dilemmes où l’art trouvait mal sa nourriture. Drieu la Rochelle tente
303
a touché certains bas-fonds de l’âme où s’éveille
un
désenchantement qui l’amène au besoin d’une mystique. Et pour finir,
304
veille un désenchantement qui l’amène au besoin d’
une
mystique. Et pour finir, l’un des derniers venus, Marcel Arland, — pl
305
ène au besoin d’une mystique. Et pour finir, l’un
des
derniers venus, Marcel Arland, — plus jeune, il n’a pas fait la guerr
306
précoce, sans la brusquerie de ses aînés. Encore
un
qui s’est complu dans son dégoût ; mais jusqu’au point d’y percevoir
307
dégoût ; mais jusqu’au point d’y percevoir comme
un
appel du Dieu perdu. Il avoue enfin la cause secrète des inquiétudes
308
el du Dieu perdu. Il avoue enfin la cause secrète
des
inquiétudes modernes : la perte d’une foi. Il a besoin de Dieu, mais
309
use secrète des inquiétudes modernes : la perte d’
une
foi. Il a besoin de Dieu, mais il attend en vain sa Révélation : « C’
310
e regarder chercher, absorbant son attention dans
une
sincérité si voulue qu’elle va parfois à l’encontre de son dessein. ⁂
311
éséquilibre. Il serait temps de faire la critique
des
méthodes et des façons de vivre autant que de penser qui les ont amen
312
serait temps de faire la critique des méthodes et
des
façons de vivre autant que de penser qui les ont amenés aux positions
313
d’esquisser. Mais on trouve tout dans les livres
des
jeunes, dites-vous, le pire et le meilleur, toutes les vieilleries mo
314
chée à chercher dans le seul moi les fondements d’
une
éthique. Presque tous sont hantés par la peur d’une morale qui « défo
315
e éthique. Presque tous sont hantés par la peur d’
une
morale qui « déforme », qui mutile une tendance naturelle, qui élague
316
la peur d’une morale qui « déforme », qui mutile
une
tendance naturelle, qui élague, qui opère un choix parmi les éléments
317
ile une tendance naturelle, qui élague, qui opère
un
choix parmi les éléments mêlés de la personnalité. Toute tendance qu’
318
heureuses que nous avions jusqu’alors enviées, et
une
nuit, nous fîmes le procès de toutes les jouissances humaines. L’espè
319
s toute vérité, nous étions dominés par le sens d’
une
réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent acheté au pr
320
ue certains d’entre nous eussent acheté au prix d’
un
martyre… Cette lassitude facile à juger du dehors n’était pas ce qu’i
321
t inutile et vain ? Je cite ces phrases, tirées d’
un
récit d’ailleurs admirable4, de Louis Aragon, pour marquer l’aboutiss
322
, de Louis Aragon, pour marquer l’aboutissement d’
une
évolution qui a son origine dans l’œuvre de Gide. Entre les Nourritur
323
aises, de révoltes plus ou moins complètes au gré
des
tempéraments. Le geste de Lafcadio généralisé : c’est le surréalisme.
324
’est le surréalisme. De l’acte gratuit commis par
un
héros de roman, à la vie gratuite que prétendent mener les surréalist
325
les surréalistes, il n’a fallu que le temps pour
une
folie de s’emballer. La plupart des romans de jeunes qui se situent e
326
Gide et Aragon nous montrent le même personnage :
un
être sans foi, à qui une sorte de « sincérité » interdit de commettre
327
rent le même personnage : un être sans foi, à qui
une
sorte de « sincérité » interdit de commettre aucun acte volontaire et
328
que ce serait fausser quelque chose ; à la merci
des
circonstances extérieures qu’il méprise toutes également ; n’attendan
329
nt rien que de ses impulsions et contemplant avec
une
lucidité parfois douloureuse ses propres actes dont il s’étonne mais
330
is qu’il se garde de juger5. Il y a véritablement
une
littérature de l’acte gratuit, qui restera caractéristique de notre é
331
que de notre époque. Mais Gide est responsable d’
une
autre méthode de culture de soi, « d’intensification de la vie », et
332
t le début de la Tentative amoureuse offrait déjà
une
singulière préfiguration : Certes ce ne seront ni les lois importunes
333
tion : Certes ce ne seront ni les lois importunes
des
hommes, ni les craintes, ni la pudeur, ni le remords, ni le respect d
334
je désire ; ni rien — rien que l’orgueil, sachant
une
chose si forte, de me sentir plus fort encore et de la vaincre. — Mai
335
us fort encore et de la vaincre. — Mais la joie d’
une
si haute victoire — n’est pas si douce encore, n’est pas si bonne que
336
es conduit ce mouvement de l’esprit qui n’utilise
une
borne que pour sauter plus loin. Ainsi, c’est par humilité qu’on reno
337
à mentir. On en vient naturellement à considérer
un
certain immoralisme comme la seule vertu digne d’une élite. Tel est l
338
certain immoralisme comme la seule vertu digne d’
une
élite. Tel est l’état d’esprit de la plupart de nos jeunes moralistes
339
opre intérêt6… » c’est proprement la perversion d’
une
vertu qui se brûle elle-même. Je ne vais point nier la fécondité psyc
340
e ne vais point nier la fécondité psychologique d’
une
attitude par ailleurs si proche de certain mysticisme. Mais pousser u
341
urs si proche de certain mysticisme. Mais pousser
une
vertu particulière jusqu’à ses dernières conséquences suppose qu’on a
342
ères conséquences suppose qu’on ait perdu le sens
des
ensembles rationnels. Nous ne pensons plus par ensembles7 : symptôme
343
: dégoût universel, désir de violences, gratuité
des
pensées et des actes, rêves éveillés, tout cela ne dérive-t-il pas d’
344
rsel, désir de violences, gratuité des pensées et
des
actes, rêves éveillés, tout cela ne dérive-t-il pas d’une fatigue imm
345
s, rêves éveillés, tout cela ne dérive-t-il pas d’
une
fatigue immense. Nous voyons se fausser le rythme des jours et des nu
346
fatigue immense. Nous voyons se fausser le rythme
des
jours et des nuits à mesure que se développe une civilisation mécanic
347
se. Nous voyons se fausser le rythme des jours et
des
nuits à mesure que se développe une civilisation mécanicienne. (Les m
348
des jours et des nuits à mesure que se développe
une
civilisation mécanicienne. (Les machines n’ont pas besoin de sommeil.
349
n’ont pas besoin de sommeil.) La fatigue devient
un
des éléments les plus importants de notre psychologie. Images des sur
350
ont pas besoin de sommeil.) La fatigue devient un
des
éléments les plus importants de notre psychologie. Images des surréal
351
les plus importants de notre psychologie. Images
des
surréalistes — ils l’indiquent eux-mêmes —, calembours, expression mé
352
veux, saugrenu jusqu’au sadisme, trop lucide, est
un
amour de fatigués (Les Nuits, l’Europe galante, de Morand). La lucidi
353
tions, à ses automatismes. En art, la fatigue est
un
des états les plus riches de visions nouvelles, et qui résiste le mie
354
ns, à ses automatismes. En art, la fatigue est un
des
états les plus riches de visions nouvelles, et qui résiste le mieux à
355
t ce qui servirait de frein à notre glissade vers
des
folies. ⁂ Recréer une conscience individuelle ; retrouver le sens soc
356
frein à notre glissade vers des folies. ⁂ Recréer
une
conscience individuelle ; retrouver le sens social, le sens des ensem
357
individuelle ; retrouver le sens social, le sens
des
ensembles et des proportions ; rééduquer les instincts du corps et de
358
etrouver le sens social, le sens des ensembles et
des
proportions ; rééduquer les instincts du corps et de l’âme ; vouloir
359
quer les instincts du corps et de l’âme ; vouloir
une
foi… La morale de demain sera en réaction complète contre celle d’auj
360
libérer de l’universelle hypocrisie accompli par
des
générations qui ne lèguent aux suivantes que leur lassitude : sachons
361
ue leur lassitude : sachons au contraire profiter
des
démonstrations par l’absurde de quelques problèmes moraux et littérai
362
aucoup sacrifièrent leur jeunesse. (« Nous sommes
une
génération de cobayes » remarque Paul Morand.) Il faut agir, ou bien
363
l Morand.) Il faut agir, ou bien être agi. Donner
une
conscience à l’époque, ou se défaire avec elle et dériver vers un Ori
364
l’époque, ou se défaire avec elle et dériver vers
un
Orient d’oubli — (mais avant de s’y perdre, quelles révolutions, quel
365
e la Société ; ils savent que pour lutter il faut
des
armes et ne méprisent pas la culture ; sans autre parti pris que celu
366
se recueillent encore dans l’attente angoissée d’
une
révélation et dans la connaissance de leur misère. Pareils à ceux don
367
ils décrivent le tourment dont sortira peut-être
une
foi nouvelle ; mais qu’ils sachent, quand viendra le moment, détourne
368
ourner les yeux de leur recherche pour contempler
un
absolu ; qu’ils osent se faire violence pour se hisser dans la lumièr
369
es ces petites misères, en compose d’un seul coup
une
grande misère, et par ce moyen nous met tout d’abord en présence, non
370
s, mais de Dieu. » 1. Il ne s’agit pas d’exiger
des
poètes qu’ils écrivent des odes civiques. Mais que nos moralistes — p
371
ne s’agit pas d’exiger des poètes qu’ils écrivent
des
odes civiques. Mais que nos moralistes — presque tous les jeunes écri
372
talement. — Alors, vous croyez à l’action sociale
des
écrivains ? Peut-être. En tout cas je vois bien le mal qu’ils ont fai
373
qu’au fond, leur refus d’agir sur l’époque, c’est
une
manière d’agir contre elle. 2. « La crise du concept de littérature
374
», NRF, 1923. 3. « Il s’était développé en nous
un
goût furieux de l’expérience humaine. » (Aragon) 4. « Lorsque tout e
375
veut tout cultiver, et en fait l’on se contente d’
une
violence, d’un vice, d’une inquiétude. 8. « Certaines expériences li
376
er, et en fait l’on se contente d’une violence, d’
un
vice, d’une inquiétude. 8. « Certaines expériences littéraires sont
377
ait l’on se contente d’une violence, d’un vice, d’
une
inquiétude. 8. « Certaines expériences littéraires sont plus dangere
378
expériences littéraires sont plus dangereuses que
des
expériences réelles » (Marcel Arland). 9. Ce serait au moins la libe
379
éloignée de celle qui permet le surréalisme. 10.
Une
équipe d’hommes solides suffirait à restaurer une élite, efficace. (J
380
Une équipe d’hommes solides suffirait à restaurer
une
élite, efficace. (Je vois Jean Prévost, deux ou trois de Philosophies
381
vois Jean Prévost, deux ou trois de Philosophies,
des
Cahiers du Mois, et peut-être Drieu la Rochelle, s’il voulait…) o.
382
ean Jouve, Paulina 1880 (avril 1926)p Au creux
des
couleurs assourdies d’un divan le soir, tandis que les fenêtres s’ouv
383
vril 1926)p Au creux des couleurs assourdies d’
un
divan le soir, tandis que les fenêtres s’ouvraient vers le ciel de Fl
384
orence… « Du sang, de la volupté et de la mort »,
un
titre s’effaçait dans l’ombre. Jouve a rêvé une histoire de passion m
385
», un titre s’effaçait dans l’ombre. Jouve a rêvé
une
histoire de passion mystique et de crime, intense et tragique comme u
386
n mystique et de crime, intense et tragique comme
un
couchant d’automne, émouvante encore après tant d’autres, comme chaqu
387
nte encore après tant d’autres, comme chaque soir
un
nouveau ciel. Il l’a transcrite en brèves notations lyriques suivant
388
en brèves notations lyriques suivant le rythme d’
un
songe, sans cesse brisé par les élans alternés ou confondus du désir
389
dus du désir et de la prière. On sort lentement d’
une
chambre bleue qui est le mystère même, pour suivre la naissance et l’
390
a rechute et le crime ; et l’étrange apaisement d’
une
vieillesse au soleil. Jouve semble avoir hésité entre plusieurs style
391
ble avoir hésité entre plusieurs styles de roman.
Un
chapitre d’observation psychologique ironique et minutieuse, à la Ste
392
ironique et minutieuse, à la Stendhal, succède à
des
effusions haletantes ou à une relation cinématographique. Mais tout c
393
Stendhal, succède à des effusions haletantes ou à
une
relation cinématographique. Mais tout cela baigne dans le même lyrism
394
t cela baigne dans le même lyrisme et s’agite sur
un
fond sombre et riche de passions inconscientes qui donnent à tous les
395
ssions inconscientes qui donnent à tous les actes
une
signification plus profonde. (Il serait aisé de montrer quel parti Jo
396
erait aisé de montrer quel parti Jouve a su tirer
des
complexes de famille freudiens, ou d’analyses de démences mystiques ;
397
ences mystiques ; mais tout cela est sublimé dans
un
monde poétique où il paraît inconvenant d’introduire le jargon de la
398
us reconnaissons à la base de cette œuvre inégale
des
idées vieilles comme Rousseau sur les droits de la passion, — et dans
399
elques chapitres inspirés presque littéralement d’
une
anecdote italienne de Stendhal ; si d’autre part l’évolution mystique
400
rt l’évolution mystique de Paulina semble parfois
un
peu trop « classique » et prévue, l’originalité foncière du roman de
401
purement lyrique, sa progression accordée à celle
des
événements inconscients. Certaines proses mystiques de Paulina au cou
402
s poèmes de l’auteur de Tragiques et de Vous êtes
des
hommes. p. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Pierre Jean Jouve,
403
Watteville, La Folie de l’espace (avril 1926)q
Un
artiste de grand talent à qui la guerre a fait perdre le goût des thé
404
rand talent à qui la guerre a fait perdre le goût
des
théories d’écoles et de quelques autres plaisirs pour civils : mettez
405
plaisirs pour civils : mettez-le aux prises avec
une
petite cité patricienne dont il devra portraiturer les gentilshommes
406
vieilles dames à principes. Voilà, n’est-ce pas,
un
amusant sujet de conte moral, avec ses personnages un peu conventionn
407
musant sujet de conte moral, avec ses personnages
un
peu conventionnels et l’invraisemblance assez piquante de ses péripét
408
péties. Quel dommage que l’auteur l’ait alourdi d’
une
idéologie, souvent plus généreuse que neuve, et qui eût gagné à être
409
iption du milieu patricien que dans la création d’
un
caractère de grand peintre. Pourtant, malgré des longueurs, on ne lir
410
d’un caractère de grand peintre. Pourtant, malgré
des
longueurs, on ne lira pas sans plaisir ce livre où l’on voit un homme
411
on ne lira pas sans plaisir ce livre où l’on voit
un
homme appeler en vain le vent du large, parmi des gens qui craignent
412
un homme appeler en vain le vent du large, parmi
des
gens qui craignent de s’enrhumer. q. Rougemont Denis de, « [Compte
413
ilfred Chopard, Spicilège ironique (mai 1926)r
Un
léger flirt avec la muse, parce que c’est dimanche, parce qu’il pleut
414
ur charmant du Pédagogue et l’Amour — sourit avec
une
grâce un peu frileuse et se permet de bâiller en public. On connaît l
415
t du Pédagogue et l’Amour — sourit avec une grâce
un
peu frileuse et se permet de bâiller en public. On connaît le danger…
416
)s C’est le récit de la découverte de Dieu par
une
jeune fille élevée dans l’athéisme. Invraisemblablement ignorante de
417
ans, Denise s’abandonne à « la vie », laquelle —
un
peu aidée par l’auteur — lui révèlera peu à peu le sens divin de la d
418
divin de la destinée. Ce livre à thèse est plutôt
une
argumentation à coups d’exemples vivants qu’un véritable roman. La pr
419
t une argumentation à coups d’exemples vivants qu’
un
véritable roman. La profusion souvent facile des incidents et le styl
420
u’un véritable roman. La profusion souvent facile
des
incidents et le style volontairement sec permettent de suivre sans pa
421
e suivre sans passion ni fatigue le développement
un
peu théorique mais intelligent d’un problème que l’on pressent trop c
422
développement un peu théorique mais intelligent d’
un
problème que l’on pressent trop complètement résolu dès les premières
423
d’avoir posé courageusement. Dirai-je que l’abus
des
points d’exclamation — trait commun à presque toutes les femmes auteu
424
mmes auteur, et qui plaît aux lectrices — m’agace
un
peu ? C’est une vétille. s. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] C
425
qui plaît aux lectrices — m’agace un peu ? C’est
une
vétille. s. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Cécile-Claire Riv
426
ite que sa recherche de l’ordre révèle simplement
une
volonté de construire jusque dans le grabuge, qu’il aime pour les mat
427
pas, il compte. ») Six projecteurs convergent sur
une
machine luisante et tournante. L’esprit de Cocteau est une arme admir
428
ne luisante et tournante. L’esprit de Cocteau est
une
arme admirable de précision, d’élégance mécanique et de rapidité. Il
429
iste. Mais tandis que la plupart en sont encore à
des
symboles équivoques et, quoi qu’ils en disent, « artistiqués », — ils
430
’a plus même la force de l’hypocrisie. Isolé dans
un
hôtel perdu, avec son corps qui se souvient — « mémoire, l’ennemie »
431
s qui se souvient — « mémoire, l’ennemie » — avec
une
intelligence dont la triste profession est de détruire le désir qu’el
432
s physiologiques dont la pauvreté le rejette dans
une
angoisse qu’il nomme « élan mortel ». Cette inversion de tout ce qui
433
t créateur, voilà je pense le véritable désordre.
Une
intelligence parvenue au point où elle « ne semble avoir rien d’autre
434
oir rien d’autre à faire que son propre procès »,
une
intelligence qui se dégoûte, tel est le spectacle que nous dévoile c
435
la nature. Il s’agit de créer à notre vie moderne
un
décor utile et beau. Or « la grande ville, phénomène de force en mouv
436
phénomène de force en mouvement, est aujourd’hui
une
catastrophe menaçante pour n’avoir pas été animée de l’esprit de géom
437
géométrie… Elle use et conduit lentement l’usure
des
milliers d’êtres humains ». Elle n’est plus adaptée aux conditions no
438
l ou de repos, ni dans son plan ni dans le détail
des
rues. Congestion : « un cheval arrête 1000 chevaux-vapeurs ». Et pour
439
n plan ni dans le détail des rues. Congestion : «
un
cheval arrête 1000 chevaux-vapeurs ». Et pourtant « la ville est une
440
000 chevaux-vapeurs ». Et pourtant « la ville est
une
image puissante qui actionne notre esprit » après avoir été créée par
441
le problème de l’Urbanisme se place au croisement
des
préoccupations esthétiques et sociales d’aujourd’hui. Pour résoudre l
442
ect comme sous les autres, il nous faut mieux que
des
dictateurs : des Architectes, de l’esprit et de la matière. Si Le Cor
443
s autres, il nous faut mieux que des dictateurs :
des
Architectes, de l’esprit et de la matière. Si Le Corbusier réalise so
444
meux discours aux édiles de Rome). Urbanisme est
une
étude technique et un pamphlet dont l’argumentation serrée éclate par
445
s de Rome). Urbanisme est une étude technique et
un
pamphlet dont l’argumentation serrée éclate parfois en boutades morda
446
s mordantes, en brèves fusées de lyrisme. C’est d’
une
verve puissante jusque dans la statistique. On en sort convaincu ou b
447
nt d’aspirations modernes. Voici sans aucun doute
un
des livres les plus représentatifs de l’époque de Lénine, du fascisme
448
d’aspirations modernes. Voici sans aucun doute un
des
livres les plus représentatifs de l’époque de Lénine, du fascisme, du
449
du fascisme, du ciment armé. « Notre monde comme
un
ossuaire est couvert des détritus d’époques mortes. Une tâche nous in
450
armé. « Notre monde comme un ossuaire est couvert
des
détritus d’époques mortes. Une tâche nous incombe, construire le cadr
451
suaire est couvert des détritus d’époques mortes.
Une
tâche nous incombe, construire le cadre de notre existence… construir
452
s villes de notre temps ». Et je déplie ce plan d’
une
« ville contemporaine ». Pures géométries de verre et de ciment blanc
453
e-ciel de la cité, au centre, s’espacent autour d’
un
aérodrome-gare circulaire, prismes perdus dans le silence de l’azur a
454
rismes perdus dans le silence de l’azur au-dessus
des
rumeurs de la ville. Puis s’étendent les quartiers de résidence ; les
455
us les étages soulignent de verdure l’horizontale
des
toitures en terrasses. Des perspectives régulières recoupées à 200 et
456
verdure l’horizontale des toitures en terrasses.
Des
perspectives régulières recoupées à 200 et 400 mètres par les plans f
457
coupées à 200 et 400 mètres par les plans fuyants
des
rues immenses livrées au 100 à l’heure des autos. Les maisons habitée
458
uyants des rues immenses livrées au 100 à l’heure
des
autos. Les maisons habitées ne sont plus que des enceintes transparen
459
des autos. Les maisons habitées ne sont plus que
des
enceintes transparentes, et minces en regard de leur hauteur, entoura
460
hauteur, entourant de leurs multiples « redents »
des
terrains de jeux et des parcs, la nature annexée à la ville. « C’est
461
urs multiples « redents » des terrains de jeux et
des
parcs, la nature annexée à la ville. « C’est un spectacle organisé pa
462
des parcs, la nature annexée à la ville. « C’est
un
spectacle organisé par l’Architecture avec les ressources de la plast
463
eu de formes sous la lumière ». Cristallisation d’
un
rêve de joie et de raison où de grandes ordonnances élèvent leur chan
464
pour créer avec ses moyens matériels formidables
des
ensembles soumis aux lois de l’esprit et de la vie sociale, non plus
465
lois de l’esprit et de la vie sociale, non plus à
un
opportunisme anarchique. Tirer des lignes droites, est le propre de l
466
ale, non plus à un opportunisme anarchique. Tirer
des
lignes droites, est le propre de l’homme. Toutes les civilisations fo
467
Toutes les civilisations fortes l’ont osé. Créer
un
espace architectural lumineux à la place de nos cités congestionnées,
468
ongestionnées, ce serait peut-être tuer au soleil
des
germes de révolution. Déjà des ingénieurs se sont mis à calculer la r
469
tre tuer au soleil des germes de révolution. Déjà
des
ingénieurs se sont mis à calculer la réalisation de ce phénomène de h
470
ène de haute poésie — la « ville contemporaine ».
Un
labeur précis et anonyme concourt obscurément à cette parfaite expres
471
our lui faire acquérir droit de cité. Voici enfin
un
critique qui sait tirer une leçon constructive des expériences entrep
472
t de cité. Voici enfin un critique qui sait tirer
une
leçon constructive des expériences entreprises par les générations pr
473
un critique qui sait tirer une leçon constructive
des
expériences entreprises par les générations précédentes. Parce qu’ell
474
s dans leurs recherches, il ne les condamne pas d’
un
« Jugement » sans issue sinon vers le passé catholique ; mais tenant
475
, qui se trouve ainsi continuer leur œuvre, comme
une
découverte couronne une série d’expériences négatives. La critique de
476
ntinuer leur œuvre, comme une découverte couronne
une
série d’expériences négatives. La critique de ces expériences négativ
477
s lois de la vie sont essentiellement différentes
des
lois de l’œuvre d’art, il ne s’en suit pas forcément que l’on doit ni
478
’œuvre et le moi, comme le fait M. Fernandez dans
un
essai sur l’Autobiographie et le Roman, dont pour ma part je suis lo
479
rouver par exemple que l’œuvre d’art ne peut être
un
moyen de connaissance personnelle. Après quoi il écrit : « II y a, en
480
essayer. » Fort bien, mais l’œuvre n’est-elle pas
une
façon particulière de s’essayer ? Je ne puis amorcer ici une discussi
481
articulière de s’essayer ? Je ne puis amorcer ici
une
discussion de ces thèses subtiles, d’autant que la position de l’aute
482
et de l’art, ou s’il la condamne plutôt, à cause
des
confusions qu’il y décèle. Le meilleur morceau du livre est l’essai s
483
eau du livre est l’essai sur Proust et sa théorie
des
« intermittences du cœur » dont Fernandez donne une critique décisive
484
s « intermittences du cœur » dont Fernandez donne
une
critique décisive. Et c’est justement par opposition à la conception
485
qu’il définit sa propre théorie de la « garantie
des
sentiments », où l’on est en droit de voir le germe d’un moralisme no
486
iments », où l’on est en droit de voir le germe d’
un
moralisme nouveau qui se fonderait solidement sur les données moderne
487
Pour nous prémunir contre le pouvoir d’analyse —
une
analyse qui retient les éléments de la personnalité moins le « princi
488
a psychologie freudienne et proustienne a porté à
un
point si dangereux, il nous propose l’expérience d’un Newman, les exe
489
oint si dangereux, il nous propose l’expérience d’
un
Newman, les exemples d’un Meredith et d’un Stendhal, qui ont su « pen
490
propose l’expérience d’un Newman, les exemples d’
un
Meredith et d’un Stendhal, qui ont su « penser dans le train de l’act
491
ence d’un Newman, les exemples d’un Meredith et d’
un
Stendhal, qui ont su « penser dans le train de l’action, faire de la
492
sa véritable unité. Je me borne à signaler encore
un
thème qui revient dans la plupart de ces essais : l’esthétique du rom
493
ais : l’esthétique du roman. Fernandez en formule
une
théorie assez proche du cubisme littéraire, et qu’il serait bien util
494
ntir sous l’expression trop technique ou obscure,
une
richesse d’idées neuves et fortes, mais péniblement comprimées. Ce dé
495
osophe aux littérateurs. Il manque à M. Fernandez
un
certain recul par rapport à ses idées, on le sent un peu gauche encor
496
certain recul par rapport à ses idées, on le sent
un
peu gauche encore dans les positions conquises. Il n’empêche que son
497
s conquises. Il n’empêche que son livre manifeste
une
belle unité de pensée, et qu’il propose quelques directions très nett
498
quelques directions très nettes de synthèse. Avec
une
œuvre comme Plaisir des Sports de Jean Prévost, et les essais politiq
499
nettes de synthèse. Avec une œuvre comme Plaisir
des
Sports de Jean Prévost, et les essais politiques de Drieu la Rochelle
500
t les premières contributions à l’établissement d’
une
éthique adaptée aux besoins modernes. w. Rougemont Denis de, « [Co
501
ptembre 1926)x J’éprouve quelque gêne à porter
un
jugement littéraire sur ce nouveau tome des mémoires de Montherlant :
502
porter un jugement littéraire sur ce nouveau tome
des
mémoires de Montherlant : dans ce récit plus encore que dans les œuvr
503
ire que le livre vaut par son allure plus que par
des
qualités de composition ou de perfection formelle. Pour quelques-uns
504
e de la Renaissance », pour quelques descriptions
des
prairies espagnoles pleines de simple grandeur, j’ai supporté mille f
505
i supporté mille fastidieux détails techniques et
des
délires taurologiques avec lesquels, pour communier, il faudrait sans
506
désinvolture. Elle est tonique comme le spectacle
des
athlètes. Et c’est elle avant tout que j’admire dans ces Bestiaires,
507
ment dans les prairies célestes, pour avoir donné
une
grande gloire aux jeunes hommes ! » Mais ce jeune homme qui écrivit n
508
ues et sobres, jetées de haut avec la nonchalance
des
vrais puissants, je compte qu’il saura fonder sa gloire future sur de
509
je compte qu’il saura fonder sa gloire future sur
des
valeurs plus humaines. x. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Hen
510
onnages cocasses à souhait, qui manifestent, avec
un
certain manque de conviction et des poses de mannequins, les tendance
511
ifestent, avec un certain manque de conviction et
des
poses de mannequins, les tendances contradictoires d’un individu. C’e
512
es de mannequins, les tendances contradictoires d’
un
individu. C’est pour traiter ce sujet pirandellien qu’on s’embarque d
513
aiter ce sujet pirandellien qu’on s’embarque dans
une
croisière de vacances, qui finit par un naufrage dans la littérature,
514
que dans une croisière de vacances, qui finit par
un
naufrage dans la littérature, le navire succombant sous les allégorie
515
le livre soit réellement amusant, et qu’il trouve
une
sorte d’unité vivante dans le rythme des désirs jamais simultanés de
516
l trouve une sorte d’unité vivante dans le rythme
des
désirs jamais simultanés de ses petits héros. M. Spitz cherche à fair
517
nt l’on sourit : il faut bien croire qu’il y a là
un
talent, charmant, glacé, spirituellement « poétique ». y. Rougemon
518
oquois (décembre 1926)z Ce roman a le charme d’
un
automne, une amertume enveloppée, une atmosphère trop claire où les c
519
mbre 1926)z Ce roman a le charme d’un automne,
une
amertume enveloppée, une atmosphère trop claire où les cris se font u
520
le charme d’un automne, une amertume enveloppée,
une
atmosphère trop claire où les cris se font un peu aigres et les coule
521
e, une atmosphère trop claire où les cris se font
un
peu aigres et les couleurs fluides. Toute la tendresse que ranime un
522
s couleurs fluides. Toute la tendresse que ranime
un
soleil lointain va tourner en cruelle mélancolie. Pourquoi, Henri de
523
Henri de Closain, quitter le domaine enchanté où
des
amis très fins, précieux poètes, dissertent sur leurs fantaisies ? Ç’
524
s souvenirs ; jusqu’au soir où la douleur nette d’
un
amour réveillé l’envahit. Et Closain rencontre, dans l’inévitable bar
525
ls qui va l’entraîner avec son mauvais cœur, dans
une
aventure incertaine et douloureuse ; enfin Orpha, sa maîtresse, le fu
526
ssion ironique qui lui convient, mais ici mêlée à
une
émotion plus grave, qui transparaît parfois et nous fait regretter qu
527
eur ne se soit pas mieux abandonné à son sujet, d’
un
pathétique assez neuf. z. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Alf
528
, La Tentation de l’Occident (décembre 1926)aa
Un
Chinois écrit d’Europe à un Français qui lui répond de Chine. Nous so
529
(décembre 1926)aa Un Chinois écrit d’Europe à
un
Français qui lui répond de Chine. Nous sommes loin du ton des Lettres
530
qui lui répond de Chine. Nous sommes loin du ton
des
Lettres persanes : le Chinois s’étonne non sans quelque aigreur, et c
531
étonne non sans quelque aigreur, et critique avec
un
mépris tranquille ; le Français riposte sans conviction, et sous sa d
532
ste sans conviction, et sous sa défense on devine
une
détresse. C’est encore une vision de l’Occident qui naît de ce petit
533
s sa défense on devine une détresse. C’est encore
une
vision de l’Occident qui naît de ce petit livre si dense, si inquiéta
534
e, si inquiétant. Le Chinois voit dans l’Europe «
une
barbarie attentivement ordonnée, où l’idée de la civilisation et cell
535
passion apparaît dans notre ordre social « comme
une
adroite fêlure ». Notre morale est entièrement subordonnée à l’action
536
tte confrontation, s’évanouit : c’est bien plutôt
une
unité supérieure de l’esprit humain que nous découvrons, et qui nous
537
à quoi, grands dieux ? — nous prenons chaque jour
une
conscience plus claire de la vanité de nos buts, « capables d’agir ju
538
qu’elle risque de ne laisser subsister en nous qu’
un
« étrange goût de la destruction et de l’anarchie, exempt de passion,
539
qu’on me les oppose. Ce ne sont pas les termes d’
un
traité de paix. Entre moi et vous, c’est la guerre. » Voilà pour les
540
nthousiasmer il leur réserve mieux encore : après
une
kyrielle d’injures qui ne font pas honneur à l’imagination d’autres f
541
paraphrasent ce que je dis ». Il y a chez Aragon
une
folie de la persécution, qui se cherche partout des prétextes, et une
542
e folie de la persécution, qui se cherche partout
des
prétextes, et une passion farouche pour la liberté, qui font de cet o
543
écution, qui se cherche partout des prétextes, et
une
passion farouche pour la liberté, qui font de cet ombrageux personnag
544
la liberté, qui font de cet ombrageux personnage
une
manière de Rousseau surréaliste. Devant cette ostentation de révolte,
545
e. Il le proclame « J’appartiens à la grande race
des
torrents ». Génie inégal s’il en fut, voici parmi trop de talents int
546
en fut, voici parmi trop de talents intéressants,
un
écrivain qui s’impose avec des qualités et des défauts pareillement é
547
lents intéressants, un écrivain qui s’impose avec
des
qualités et des défauts pareillement énormes. Il faut remonter loin d
548
ts, un écrivain qui s’impose avec des qualités et
des
défauts pareillement énormes. Il faut remonter loin dans notre littér
549
ous les records de l’image, ce qui nous vaut avec
des
bizarreries fatigantes et quelques sombres délires, des pages d’un ly
550
zarreries fatigantes et quelques sombres délires,
des
pages d’un lyrisme inouï. Que Louis Aragon ne se croie pas tenu de ju
551
tigantes et quelques sombres délires, des pages d’
un
lyrisme inouï. Que Louis Aragon ne se croie pas tenu de justifier ses
552
pas tenu de justifier ses visions par le moyen d’
une
métaphysique aussi prétentieuse qu’incertaine. Son affaire, c’est l’a
553
ir vaste et profond comme l’époque. « Voulez-vous
des
douleurs, la mort ou des chansons ? » On a l’hallucination du décor d
554
l’époque. « Voulez-vous des douleurs, la mort ou
des
chansons ? » On a l’hallucination du décor des capitales, créatrice d
555
ou des chansons ? » On a l’hallucination du décor
des
capitales, créatrice d’un merveilleux de chaque instant, d’une vérita
556
hallucination du décor des capitales, créatrice d’
un
merveilleux de chaque instant, d’une véritable « mythologie moderne »
557
, créatrice d’un merveilleux de chaque instant, d’
une
véritable « mythologie moderne ». Le Paysan de Paris est une suite de
558
le « mythologie moderne ». Le Paysan de Paris est
une
suite de promenades dont la composition n’est pas sans rappeler celle
559
dont la composition n’est pas sans rappeler celle
des
Nuits d’octobre de Nerval ; forme qui permet à l’auteur de divaguer d
560
passant par la description réaliste ou imaginée d’
une
boîte de nuit, d’une devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le mei
561
ption réaliste ou imaginée d’une boîte de nuit, d’
une
devanture, d’un parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de l’aute
562
imaginée d’une boîte de nuit, d’une devanture, d’
un
parc public. Ce n’est pas le meilleur livre de l’auteur d’Anicet. C’e
563
illeur livre de l’auteur d’Anicet. C’est pourtant
un
des plus significatifs du romantisme nouveau. J’ai nommé Rousseau, Ne
564
eur livre de l’auteur d’Anicet. C’est pourtant un
des
plus significatifs du romantisme nouveau. J’ai nommé Rousseau, Nerval
565
. J’ai nommé Rousseau, Nerval Musset : mais voyez
un
Rousseau sans tendresse, un Nerval sans pudeur, un Musset ivre non pl
566
l Musset : mais voyez un Rousseau sans tendresse,
un
Nerval sans pudeur, un Musset ivre non plus de vin de France, mais d’
567
n Rousseau sans tendresse, un Nerval sans pudeur,
un
Musset ivre non plus de vin de France, mais d’alcools pleins de démon
568
e, la décristallisation progressive et réciproque
des
conjoints. » On sait que Beyle appelait cristallisation une fièvre d’
569
nts. » On sait que Beyle appelait cristallisation
une
fièvre d’imagination qui orne de beautés illusoires l’objet de l’amou
570
de la Maladère pour se déprendre de leurs rêves.
Un
malentendu grandit entre eux dans leur isolement, inexplicable et mal
571
solement, inexplicable et mal avoué. L’on songe à
une
fatalité intérieure qui les ferait se meurtrir l’un l’autre. Pourtant
572
un l’autre. Pourtant, jusqu’au bout, il semble qu’
un
mot, un geste décisif, ou certaine amitié de la saison suffirait à di
573
re. Pourtant, jusqu’au bout, il semble qu’un mot,
un
geste décisif, ou certaine amitié de la saison suffirait à dissiper l
574
? son manque d’amour ? Pour Jacques, il souffre d’
une
incurable adolescence, d’un défaitisme sentimental qui l’empêtre de r
575
acques, il souffre d’une incurable adolescence, d’
un
défaitisme sentimental qui l’empêtre de réticences, et le fait jouer
576
omme… « Captif de sa propre jeunesse. » C’est ici
un
autre sujet du roman, qui se mêle étroitement au premier… Mais combie
577
entions du récit et de les exprimer seulement par
un
geste, une nuance du paysage, une image qu’on garde comme un pressent
578
récit et de les exprimer seulement par un geste,
une
nuance du paysage, une image qu’on garde comme un pressentiment. Ce n
579
er seulement par un geste, une nuance du paysage,
une
image qu’on garde comme un pressentiment. Ce n’est qu’à force de disc
580
ne nuance du paysage, une image qu’on garde comme
un
pressentiment. Ce n’est qu’à force de discrétion dans les moyens qu’i
581
ce de discrétion dans les moyens qu’il parvient à
une
certaine puissance de l’effet, aux dernières pages. Il règne dans la
582
t, aux dernières pages. Il règne dans la Maladère
une
étrange harmonie entre le climat des sentiments et celui des campagne
583
la Maladère une étrange harmonie entre le climat
des
sentiments et celui des campagnes désolées où ils se développent. Pay
584
harmonie entre le climat des sentiments et celui
des
campagnes désolées où ils se développent. Paysages tristes et sans vi
585
t d’autant plus cruelle qu’elle est contenue sous
des
dehors trop polis. Une fois fermé le livre de Barbey, on oublie la ju
586
a justesse de son analyse pour n’évoquer plus que
des
visions où se condense le sentiment du récit. Dans le Cœur gros, c’ét
587
le sentiment du récit. Dans le Cœur gros, c’était
un
parc avant l’orage, le rose sombre d’une joue brûlante et fraîche dan
588
, c’était un parc avant l’orage, le rose sombre d’
une
joue brûlante et fraîche dans le vent. Et dans la Maladère, un arbre
589
nte et fraîche dans le vent. Et dans la Maladère,
un
arbre coupé découvrant le manoir perdu, des fumées sur un paysage d’h
590
adère, un arbre coupé découvrant le manoir perdu,
des
fumées sur un paysage d’hiver et soudain sous la lueur d’un incendie,
591
coupé découvrant le manoir perdu, des fumées sur
un
paysage d’hiver et soudain sous la lueur d’un incendie, deux visages
592
sur un paysage d’hiver et soudain sous la lueur d’
un
incendie, deux visages tordus de passion. Cette fin est admirable, do
593
brutalité si longtemps désirée délivre Jacques d’
un
passé obsédant, d’une jeunesse trop complaisante à son tourment. ac
594
ps désirée délivre Jacques d’un passé obsédant, d’
une
jeunesse trop complaisante à son tourment. ac. Rougemont Denis de,
595
sement passionné de leur vie, ou l’aveu déguisé d’
une
insatisfaction qu’elle leur laisse. Montclar est l’auteur de vers de
596
emands qui, fréquente sontae, pour notre plaisir,
un
peu plus viennois que naturel s’il parle de choses d’art comme on fai
597
ut pas nous tromper là-dessus. Il se connaît avec
une
sorte de froideur que l’on dirait désintéressée si elle n’avait pour
598
rogrès moral. C’est ainsi qu’il consent, non sans
une
imperceptible satisfaction, l’aveu d’une fondamentale indifférence du
599
non sans une imperceptible satisfaction, l’aveu d’
une
fondamentale indifférence du cœur qui contraste avec une vie voluptue
600
damentale indifférence du cœur qui contraste avec
une
vie voluptueuse et assez désordonnée. Pourtant, entre Montclar et Ame
601
désordonnée. Pourtant, entre Montclar et Ameline,
un
amour se noue, qui commence où souvent l’on finit. Et peut-être l’amo
602
ites blessures. Ce n’est pas le moins troublant d’
une
telle vie, cette sagesse un peu sombre qui s’en dégage, sagesse qui v
603
le moins troublant d’une telle vie, cette sagesse
un
peu sombre qui s’en dégage, sagesse qui veut « que nous appelions les
604
ar elle sait « qu’entre les êtres, le bonheur est
un
lien sans durée. Seules la souffrance ou de secrètes anomalies ont un
605
Seules la souffrance ou de secrètes anomalies ont
un
pouvoir d’éternité. » Il est juste, ce me semble, d’insister sur ce q
606
sur ce qui forme dans le récit de cette vie comme
une
arrière-pensée inquiète et un peu hautaine. Que la composition de cet
607
de cette vie comme une arrière-pensée inquiète et
un
peu hautaine. Que la composition de cette réminiscence soit assez fac
608
t, qu’elle ne laisse point oublier que ce livre d’
une
résonance si humaine, est mieux que charmant, — douloureux et désinvo
609
, février 1927, p. 257. ae. Il manque sans doute
un
morceau de phrase dans l’édition originale.
610
927)af M. Edmond Jaloux offre l’exemple rare d’
un
homme que son évolution naturelle a rapproché, dans sa maturité, des
611
volution naturelle a rapproché, dans sa maturité,
des
jeunes générations, en sorte que l’espèce de romantisme à la Nerval a
612
tisme à la Nerval auquel il aboutit coïncide avec
un
mouvement dont lui-même s’est plu à relever les indices chez ses jeun
613
ent nos jeunes poètes cosmopolites, mais il garde
une
certaine discrétion, cet air de rêverie d’un homme qui en sait long…
614
rde une certaine discrétion, cet air de rêverie d’
un
homme qui en sait long… Et, certes, il faut être un peu mage pour por
615
homme qui en sait long… Et, certes, il faut être
un
peu mage pour porter tant de richesses avec cette mélancolique grâce.
616
ux sont taillés comme ceux de Giraudoux, j’y vois
un
signe charmant d’amitié de l’aîné au plus jeune, lequel envoie l’un d
617
ges pour remercier ; (pouvait-il mieux trouver qu’
un
René Dubardeau pour cette ambassade). Parfois l’on se demande si l’Au
618
ncontré M. Paul Morand, mais elle a dû le trouver
un
peu froid, n’aura pas été tentée de lui faire ces confidences qu’elle
619
Jérôme Parseval, journaliste parisien, rencontre
une
femme qui incarne aussitôt à ses yeux tout ce qu’il attend de l’amour
620
sitôt à ses yeux tout ce qu’il attend de l’amour.
Une
confidence, un baiser, et il ne la reverra jamais. Il aime encore sa
621
tout ce qu’il attend de l’amour. Une confidence,
un
baiser, et il ne la reverra jamais. Il aime encore sa femme, « mais c
622
is. Il aime encore sa femme, « mais comme on aime
une
petite maison de province quand on a failli hériter de Chenonceaux ».
623
ène Rezzovitch s’idéalise et gagne la puissance d’
une
merveilleuse obsession. Il lui écrit de longues lettres, sans les env
624
tre aimé. Enfin, divorcé, seul, il la revoit dans
une
vision prestigieuse et désolée… M. Jaloux a trouvé là un sujet qui co
625
on prestigieuse et désolée… M. Jaloux a trouvé là
un
sujet qui convient admirablement à son art, où s’unissent aujourd’hui
626
dmirablement à son art, où s’unissent aujourd’hui
un
réalisme discret mais précis et le sens de ce qu’il y a en nous d’ess
627
sions à nous-mêmes inavoués, rêves éveillés. Tout
un
système de valeurs lyriques et sentimentales que la raison ignore ou
628
e à ce devoir sacré ». M. Jaloux évite le péril d’
un
réalisme trop amer et celui du roman lyrique, par l’équilibre qu’il m
629
ieux que quiconque aujourd’hui faire éclater dans
un
cadre très moderne où s’agitent des personnages spirituellement dessi
630
e éclater dans un cadre très moderne où s’agitent
des
personnages spirituellement dessinés un de ces drames tout intérieurs
631
’agitent des personnages spirituellement dessinés
un
de ces drames tout intérieurs dont il dit : « Personne ne peut juger
632
même eux ». Dans ce roman, comme dans l’Âge d’or,
un
désenchantement profond prend le masque d’une aimable mélancolie. C’e
633
’or, un désenchantement profond prend le masque d’
une
aimable mélancolie. C’est la sourde tristesse des choses qui vous éch
634
une aimable mélancolie. C’est la sourde tristesse
des
choses qui vous échappent, des amours impossibles, des histoires dont
635
a sourde tristesse des choses qui vous échappent,
des
amours impossibles, des histoires dont on ne sait pas la fin ni le se
636
hoses qui vous échappent, des amours impossibles,
des
histoires dont on ne sait pas la fin ni le sens véritable, mais seule
637
, lettres perdues, aveux incompris, et peut-être,
un
quiproquo de destinées… Le tragique du peut-être ; (comme dans l’une
638
ées… Le tragique du peut-être ; (comme dans l’une
des
dernières phrases de Sylvie : « Là était le bonheur, peut-être… »). M
639
spirituel, fantaisiste (cette touche pour peindre
un
personnage épisodique : « Il confondait la rose et la pivoine, l’oran
640
la rose et la pivoine, l’orange et l’ananas… »).
Une
telle œuvre, dense, sans obscurité, riche et décantée, profonde et dé
641
es que son intelligence très nuancée maintient en
une
sorte d’instable équilibre, les tendances que ses contemporains ont p
642
admirant Maurras sans l’aimer ; saluant en Valéry
une
réussite unique mais presque inhumaine ; secrètement attiré par les t
643
par les thèses extrémistes mais non dépourvues d’
une
sombre grandeur, des surréalistes, et en même temps par cette solutio
644
mistes mais non dépourvues d’une sombre grandeur,
des
surréalistes, et en même temps par cette solution universelle, la foi
645
la misère de l’époque — et qu’il avoue préférer à
une
certitude trop vite atteinte, où sa jeunesse ne verrait qu’une abdica
646
trop vite atteinte, où sa jeunesse ne verrait qu’
une
abdication. Il décrit la « génération nouvelle » avec une intelligent
647
cation. Il décrit la « génération nouvelle » avec
une
intelligente sympathie et un sens rare des directions générales. « Ha
648
ion nouvelle » avec une intelligente sympathie et
un
sens rare des directions générales. « Hamlétisme », pouvoir aigu d’an
649
» avec une intelligente sympathie et un sens rare
des
directions générales. « Hamlétisme », pouvoir aigu d’analyse qui cond
650
f de tout et pourtant mépris de tout, procédant d’
un
goût de l’absolu à la fois mystique et anarchique : ce sont bien les
651
négligé le rôle extérieur, que je crois décisif,
des
conditions de la vie moderne.) Après avoir défini quelques « position
652
nt que de Dieu : la Foi ». Acculée à la rigueur d’
un
choix presque impossible, notre incertitude paraît sans remède. Mais,
653
el-Rops n’a-t-il pas cédé à la tentation de créer
des
dilemmes irréductibles, suprême et inconsciente ruse d’un inquiet qui
654
mes irréductibles, suprême et inconsciente ruse d’
un
inquiet qui veut le rester ? Ces deux solutions peuvent se résumer en
655
i. Dès lors sont-elles vraiment les deux termes d’
un
dilemme, l’une n’étant que le chemin qui mène à l’autre ? Car la foi
656
Bernard Lecache, Jacob (mai 1927)ah Voici
un
livre dur et sans grâces, qui ne manque pas d’une beauté assez brutal
657
un livre dur et sans grâces, qui ne manque pas d’
une
beauté assez brutale, pour nous choquer et s’imposer pourtant. M. Lec
658
urtant. M. Lecache présente le problème juif avec
une
obstination à ne rien cacher qui le mène profond. Une famille juive d
659
obstination à ne rien cacher qui le mène profond.
Une
famille juive dans le Marais. Le père est un tailleur, biblique, aust
660
nd. Une famille juive dans le Marais. Le père est
un
tailleur, biblique, austère et probe, qui n’a d’ambition que pour ses
661
oresque dans la description du milieu juif, prend
une
âpre rapidité avec l’ascension de Jacob et ses luttes. On pardonne bo
662
difficile (mai 1927)ai Le jeu de tout dire est
une
des plus tragiques inventions de l’inquiétude actuelle. Sous couleur
663
icile (mai 1927)ai Le jeu de tout dire est une
des
plus tragiques inventions de l’inquiétude actuelle. Sous couleur de d
664
rnement angoissé qu’on y apporte, l’on en vient à
une
conception de la sincérité qui me paraît proprement inhumaine. Tout d
665
humaine. Tout dire, vraiment ? C’est l’exigence d’
une
détresse cachée ; elle fait bientôt considérer toute joie comme illus
666
ncérité ne serait-elle à son tour que le masque d’
un
goût du malheur ? Le sujet profond de ce roman, où l’on voit comment
667
st pas encore détaché de la matière pour en tirer
une
œuvre d’art. La sincérité audacieuse mais sans bravade qui donne à ce
668
tes et d’expressions toutes faites qui trahissent
une
écriture hâtive. Mais il y a dans l’œuvre de René Crevel un sens de l
669
e hâtive. Mais il y a dans l’œuvre de René Crevel
un
sens de la douleur et un sérieux humain qui forcent la sympathie. a
670
s l’œuvre de René Crevel un sens de la douleur et
un
sérieux humain qui forcent la sympathie. ai. Rougemont Denis de, «
671
e plus séduisant, le plus dangereusement gracieux
des
noctambules. Rêves éveillés, entre deux gorgées d’un élixir dont il v
672
noctambules. Rêves éveillés, entre deux gorgées d’
un
élixir dont il voudrait bien nous faire croire que le diable est l’au
673
nt au bord des verres, se posent sur les cordes d’
une
lyre dont ils font grésiller l’accord, une patte en l’air, becquètent
674
rdes d’une lyre dont ils font grésiller l’accord,
une
patte en l’air, becquètent le cœur d’une femme qui va les étrangler d
675
’accord, une patte en l’air, becquètent le cœur d’
une
femme qui va les étrangler doucement. Ces vers sont de jolies flèches
676
bien français » ; et le mot sang n’évoque ici qu’
une
tache de couleur, plus sentimental que cruel. « J’ai la beauté facile
677
la beauté facile et c’est heureux. » Il y a aussi
un
certain tragique, mais au filet si acéré qu’on ne sent presque pas sa
678
’une autant qu’à l’autre, Drieu s’examine. Encore
un
? Non, enfin un. Tous les autres y ont apporté de secrètes complaisan
679
l’autre, Drieu s’examine. Encore un ? Non, enfin
un
. Tous les autres y ont apporté de secrètes complaisances, ou une arri
680
utres y ont apporté de secrètes complaisances, ou
une
arrière-pensée d’apologie, ou même simplement un besoin d’être aimés
681
une arrière-pensée d’apologie, ou même simplement
un
besoin d’être aimés qui faussaient leurs voix pour les rendre plus to
682
ndre plus touchantes. Celui-ci bat sa coulpe avec
une
saine rudesse. « Il s’examine jusqu’au ventre de sa mère et cognoit q
683
alvin). Le tableau n’est pas beau, mais on y sent
une
« patte » qui révèle encore dans le fond quelque chose de solide, d’a
684
autre chose que les « éclats de l’impuissance ».
Un
plus délicat eut compris que certains des morceaux très divers qui co
685
sance ». Un plus délicat eut compris que certains
des
morceaux très divers qui composent ce livre sont bien mauvais, à côté
686
eut encore s’en tirer, du moins l’avoue-t-il avec
une
franchise qui la rend sympathique. Et puis, tout de même, on est bien
687
de rencontrer chez les jeunes écrivains français
un
homme qui ait à ce point le sens de l’époque, une vision si claire et
688
un homme qui ait à ce point le sens de l’époque,
une
vision si claire et si tragique de la civilisation d’Occident. Les qu
689
ns capitales posées ailleurs depuis longtemps par
des
maîtres comme Keyserling, Ferrero, commencent à être prises au sérieu
690
littérature sur la vie, mais d’avoir su en garder
une
passion pour la pureté, un « jusqu’au boutisine » qui seul peut redon
691
d’avoir su en garder une passion pour la pureté,
un
« jusqu’au boutisine » qui seul peut redonner quelque vitalité à notr
692
otre civilisation, — et je sais bien que c’est là
un
des signes de sa décadence. Il y a du chirurgien chez ce soldat deven
693
e civilisation, — et je sais bien que c’est là un
des
signes de sa décadence. Il y a du chirurgien chez ce soldat devenu «
694
rtain, brutal : mais faisons-lui confiance, voici
un
homme d’aujourd’hui, presque sans pose, et décidé à mépriser le bluff
695
Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur
des
femmes (juillet 1927)am Quand vous avez fermé ce petit livre, vous
696
it livre, vous partez en chantonnant le titre sur
un
air sentimental, bien décidé au fond, à retrouver Patsy, l’Irlandaise
697
ympathique Paterne. Sous le fallacieux prétexte d’
une
flânerie de saison, vous vous attardez aux terrasses des cafés. Peut-
698
nerie de saison, vous vous attardez aux terrasses
des
cafés. Peut-être va-t-elle revenir avec son Johannes laqué. Ah ! comm
699
Ah ! comme vous sauriez lui plaire, maintenant qu’
une
si triomphante tendresse vous possède ! Justement, voici Pierre Girar
700
s sérieux. Il sourit. Vous ajoutez que le lyrisme
des
noms géographiques vous fatigue ; que c’est une vraie manie de nommer
701
e des noms géographiques vous fatigue ; que c’est
une
vraie manie de nommer à tout propos d’Annunzio, Pola Negri, Charly Cl
702
sants ». Pierre Girard n’écoute plus : il pense à
des
Vénézuéliennes ou à Gérard de Nerval. Bientôt vous vous calmez. Car i
703
d’hui que ce globe dans son voyage « est arrivé à
un
endroit de l’éther où il y a du bonheur ». Vous reconnaissez que Pier
704
onheur ». Vous reconnaissez que Pierre Girard est
un
peu responsable de cette douceur de vivre. Déjà vous ne niez plus sa
705
ôlerie, son aisance. Vous accordez que s’il force
un
peu la dose de fantaisie, c’est plutôt par excès de facilité que par
706
ter. Bien plus, vous découvrez dans ses fantoches
une
malicieuse et fine psychologie. Mais à ce mot, son visage s’assombrit
707
sychologie. Mais à ce mot, son visage s’assombrit
un
peu. « Tous nos ennuis nous seraient épargnés si nous ne regardions q
708
ent épargnés si nous ne regardions que les jambes
des
femmes », dit-il, pour vous apprendre ! — sans se douter que rien ne
709
s lu ce livre ? Ah ! sans hésiter, je vous ferais
un
devoir de ce plaisir. Un devoir !… Car hélas, l’on n’est pas impunéme
710
hésiter, je vous ferais un devoir de ce plaisir.
Un
devoir !… Car hélas, l’on n’est pas impunément concitoyen de cet oncl
711
out cela est sans importance, car voici « l’heure
des
petits arbres pourpres, l’heure où dans les bibliothèques désertes gl
712
l’heure où dans les bibliothèques désertes glisse
un
grand souffle oblique plein de fraîcheur et de pardon. » am. Rouge
713
te rendu] Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur
des
femmes », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, juill
714
s que la forme : ce sont de lentes réminiscences,
des
évocations intérieures, — et dans l’abandon de leurs méandres, peu à
715
dres, peu à peu, se précisent les circonstances d’
une
aventure ancienne. Entre hier et demain : Une femme « encore jeune »
716
d’une aventure ancienne. Entre hier et demain :
Une
femme « encore jeune » se souvient d’un danseur de ses 20 ans, d’une
717
demain : Une femme « encore jeune » se souvient d’
un
danseur de ses 20 ans, d’une aventure qui aurait pu être… Un homme mé
718
jeune » se souvient d’un danseur de ses 20 ans, d’
une
aventure qui aurait pu être… Un homme médite à côté du corps de son a
719
de ses 20 ans, d’une aventure qui aurait pu être…
Un
homme médite à côté du corps de son ami suicidé pour une femme qu’ils
720
me médite à côté du corps de son ami suicidé pour
une
femme qu’ils ont aimé tous deux (L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le ré
721
s deux (L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le récit d’
un
été de vacances, quand les premières inquiétudes du désir viennent tr
722
ler de ravissantes amours d’adolescents. Et c’est
Un
vieil été. Cette nouvelle, très supérieure aux deux autres, est une r
723
te nouvelle, très supérieure aux deux autres, est
une
réussite rare par la justesse de l’observation autant que par la symp
724
e l’auteur pour ses héros. Indulgence et regrets,
un
ton qui permet le tact dans la hardiesse. On reste ravi de tant d’adr
725
a hardiesse. On reste ravi de tant d’adresse sous
un
air de facilité qui serait presque de la nonchalance. M. Vaudoyer res
726
nce. M. Vaudoyer ressuscite ces adolescences avec
une
tendre minutie, avec une sorte d’amoureuse application du souvenir, d
727
te ces adolescences avec une tendre minutie, avec
une
sorte d’amoureuse application du souvenir, d’une séduction certaine.
728
une sorte d’amoureuse application du souvenir, d’
une
séduction certaine. C’est un art de détails ; mais si délicat et d’un
729
tion du souvenir, d’une séduction certaine. C’est
un
art de détails ; mais si délicat et d’une si subtile convenance avec
730
e. C’est un art de détails ; mais si délicat et d’
une
si subtile convenance avec son objet qu’il en saisit sans mièvrerie n
731
il en saisit sans mièvrerie ni vulgarité la grâce
un
peu trouble et l’insidieuse mélancolie. Un détail piqué adroitement,
732
grâce un peu trouble et l’insidieuse mélancolie.
Un
détail piqué adroitement, papillon dont frémissent encore les ailes i
733
« cette vague poésie involontaire, intermittente,
un
peu émiettée, éventée, que je trouve dans une ancienne réalité ressus
734
nte, un peu émiettée, éventée, que je trouve dans
une
ancienne réalité ressuscitée… » Sachons gré à M. Vaudoyer d’avoir su
735
é à M. Vaudoyer d’avoir su donner à ces œuvrettes
une
si exquise humanité : par lui le « charme » reprend quelques droits.
736
er l’excellent petit livre d’Edmond Jaloux. C’est
un
recueil de divers articles et essais, dont certains — le Message de R
737
, de ce Jaloux qui sait parler mieux que personne
des
poètes scandinaves et des romantiques allemands parce qu’il partage a
738
rler mieux que personne des poètes scandinaves et
des
romantiques allemands parce qu’il partage avec eux ce goût du rêve pr
739
ui a rencontré plusieurs fois Rilke, trace de lui
un
portrait qu’on dirait, en peinture, très « interprété ». Non pas une
740
dirait, en peinture, très « interprété ». Non pas
une
photographie morale, mais une sorte de synthèse de l’homme et de l’ho
741
terprété ». Non pas une photographie morale, mais
une
sorte de synthèse de l’homme et de l’homme dans son œuvre, qui est pe
742
ilkienne que ne fut Rilke. Rilke y apparaît comme
une
de ces âmes mystiques et raffinées telles qu’on en découvre chez cert
743
en découvre chez certaines femmes et l’on y voit
une
préciosité sentimentale qui touche à la névrose ou bien simplement un
744
entale qui touche à la névrose ou bien simplement
une
clairvoyance exceptionnelle, suivant que l’on juge au nom d’une scien
745
ce exceptionnelle, suivant que l’on juge au nom d’
une
science ou au nom de l’esprit. « Pour moi qui aime plus que tout la p
746
ompris que cet univers dont je rêvais n’était pas
un
objet de songe mais d’expérience ». Mais une telle « expérience », je
747
t pas un objet de songe mais d’expérience ». Mais
une
telle « expérience », je crois, ne peut être sensible qu’à des êtres
748
xpérience », je crois, ne peut être sensible qu’à
des
êtres pour qui elle est en somme inutile : parce qu’ils possèdent déj
749
ils possèdent déjà, au moins obscurément, le sens
des
réalités sur lesquelles s’opère l’expérience. On ne prouve la religio
750
s — qui n’ont plus besoin de preuves. Il reste qu’
un
livre comme celui-ci tend un merveilleux piège sentimental à la raiso
751
preuves. Il reste qu’un livre comme celui-ci tend
un
merveilleux piège sentimental à la raison raisonnante. Et qu’il nous
752
ental à la raison raisonnante. Et qu’il nous mène
un
peu plus loin que la sempiternelle « stratégie littéraire », de gazet
753
Léon Bopp, Interférences (décembre 1927)ap
Un
jeune auteur raconte dans une lettre à une amie comment il a écrit, s
754
(décembre 1927)ap Un jeune auteur raconte dans
une
lettre à une amie comment il a écrit, sur commande, une Promenade dan
755
7)ap Un jeune auteur raconte dans une lettre à
une
amie comment il a écrit, sur commande, une Promenade dans le Midi. Ré
756
ttre à une amie comment il a écrit, sur commande,
une
Promenade dans le Midi. Récit alerte et familier (un brin pédant et u
757
Promenade dans le Midi. Récit alerte et familier (
un
brin pédant et un brin vulgaire par endroits, mais pour rire), des di
758
Midi. Récit alerte et familier (un brin pédant et
un
brin vulgaire par endroits, mais pour rire), des difficultés, hésitat
759
t un brin vulgaire par endroits, mais pour rire),
des
difficultés, hésitations, paresses, rêves, réactions physiques, etc.,
760
êves, réactions physiques, etc., qui accompagnent
une
création littéraire. Bien sûr, c’est cela, le malaise d’écrire. Bopp
761
verve, et pas embarrassé du tout pour vous lâcher
un
beau pavé mathématique au milieu d’une effusion « lyrique », histoire
762
vous lâcher un beau pavé mathématique au milieu d’
une
effusion « lyrique », histoire de n’avoir pas l’air dupe. Mais il a d
763
», histoire de n’avoir pas l’air dupe. Mais il a
des
façons parfois bien désobligeantes de voir juste. Et quand son bonhom
764
littéraire. La « Promenade » du héros de Bopp est
une
sorte de pensum. Cela rend peut-être moins convaincantes certaines de
765
aucoup sont excellentes et leur facilité même est
une
réussite. Léon Bopp, c’est le combat d’un tempérament avec l’esprit d
766
me est une réussite. Léon Bopp, c’est le combat d’
un
tempérament avec l’esprit de géométrie. Un scientisme assez insolent
767
mbat d’un tempérament avec l’esprit de géométrie.
Un
scientisme assez insolent et les joyeuses révoltes de sa verve « inte
768
aussi (presque imperceptible, mais ici décisive),
une
secrète complaisance à se regarder vivre qui est bien d’aujourd’hui —
769
ibesco, Catherine-Paris (janvier 1928)aq C’est
un
livre sympathique ; et il vaut la peine de le dire car la chose n’est
770
premiers chapitres de Catherine-Paris cette magie
des
sensations et des rêves de l’enfance et cette féminité du sentiment,
771
de Catherine-Paris cette magie des sensations et
des
rêves de l’enfance et cette féminité du sentiment, du tour de pensée
772
pensée même, qui faisaient déjà du Perroquet Vert
un
petit chef-d’œuvre de poésie proprement romanesque, naissant des situ
773
d’œuvre de poésie proprement romanesque, naissant
des
situations mêmes et non de dissertations lyriques à leur propos. Mais
774
y a encore la princesse, le témoin intelligent et
un
peu ironique des cours d’Europe à la veille de la guerre. De cette es
775
incesse, le témoin intelligent et un peu ironique
des
cours d’Europe à la veille de la guerre. De cette espèce de collabora
776
e Catherine à Paris est du roman pur ; la tournée
des
cours de l’Europe centrale, qu’elle subit comme jeune épouse d’un com
777
rope centrale, qu’elle subit comme jeune épouse d’
un
comte polonais, grand seigneur médiatisé, vaguement prétendant au trô
778
ment prétendant au trône de Pologne, est plutôt d’
un
mémorialiste. Madame Bibesco y montre beaucoup de liberté d’esprit, u
779
me Bibesco y montre beaucoup de liberté d’esprit,
une
pénétration de jugement et une ironie assez amère qui étonnent de la
780
liberté d’esprit, une pénétration de jugement et
une
ironie assez amère qui étonnent de la part d’une femme aussi femme qu
781
une ironie assez amère qui étonnent de la part d’
une
femme aussi femme que l’auteur du Perroquet Vert. Mais là-dessus, le
782
s une troisième action (l’amour de Catherine pour
un
aviateur français) assez peu intéressante à vrai dire, parce qu’elle
783
llances de la technique du roman sont sauvées par
un
style brillant, plein de trouvailles spirituelles, malicieuses ou poé
784
el… On peut regretter que ce livre ne réalise pas
une
synthèse plus organique du roman et des mémoires. Mais si son début p
785
alise pas une synthèse plus organique du roman et
des
mémoires. Mais si son début permet de croire que le Perroquet Vert ne
786
et de croire que le Perroquet Vert ne restera pas
une
réussite isolée dans l’œuvre purement romanesque de la princesse Bibe
787
sse Bibesco, Catherine-Paris annonce par ailleurs
un
mémorialiste captivant, dans la tradition d’un Ligne par exemple. a
788
rs un mémorialiste captivant, dans la tradition d’
un
Ligne par exemple. aq. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Prince
789
ituel. Pourquoi ne veut-on voir en Jules Verne qu’
un
précurseur ? Jules Verne est un créateur, dont les inventions se suff
790
en Jules Verne qu’un précurseur ? Jules Verne est
un
créateur, dont les inventions se suffisent et suffisent à notre joie.
791
ptiques. Il a aimé la science parce qu’elle ouvre
des
perspectives d’évasion — où seuls les poètes savent se perdre. Et c’e
792
voir emprunté le véhicule à la mode pour conduire
des
millions de lecteurs dans un monde purement fantaisiste où les équati
793
mode pour conduire des millions de lecteurs dans
un
monde purement fantaisiste où les équations tyranniques deviennent de
794
ellement dans la lune, ou bien descendent au fond
des
mers adorer la Liberté et jouer de l’orgue sous les yeux de poulpes g
795
elle du cinéma ! Claretie raconte que les détenus
des
maisons de correction se jetaient sur ces volumes « au travers desque
796
nous pas autant, emprisonnés que nous sommes dans
une
civilisation qui, selon l’expression de Jules Verne désabusé « emprun
797
ion de Jules Verne désabusé « emprunte l’aspect d’
une
nécessité » (et dans la bouche de ce libertaire, cela constituait un
798
dans la bouche de ce libertaire, cela constituait
un
jugement !) Serons-nous longtemps encore dupes d’une conception de l
799
jugement !) Serons-nous longtemps encore dupes d’
une
conception de la littérature si pédante qu’elle exclut un de nos plus
800
ption de la littérature si pédante qu’elle exclut
un
de nos plus grands conteurs sous prétexte qu’il n’est styliste ni psy
801
urvu si possible. Je ne demande aux écrivains que
des
révélations, ou mieux, qu’ils les favorisent par leurs écrits. Aragon
802
t beaucoup de choses vraies (belles). Il est même
un
des très rares parmi les jeunes qui ait vraiment donné quelque chose.
803
eaucoup de choses vraies (belles). Il est même un
des
très rares parmi les jeunes qui ait vraiment donné quelque chose. C’e
804
livre, malgré son premier chapitre, variation sur
un
mot bien français et ses applications faciles à cent célébrités local
805
the, traité de clown, cela ne va pas loin.) C’est
une
belle rage (ô combien partagée !) vainement passée (quitte à renaître
806
ement passée (quitte à renaître heureusement) sur
des
gens qui ne m’intéressent pas ou bien qui ne sont pas atteints par ce
807
is donner l’air bête à ceux qui le sont en créant
une
belle œuvre serait, par exemple, plus efficace. Aragon se retourne sa
808
rcher plus loin, dans ce silence où l’on accède à
des
objets qui enfin valent le respect. as. Rougemont Denis de, « [Com
809
lectuels (novembre 1928)at Les derniers écrits
des
surréalistes débattent la question de savoir s’ils vont se taire ou n
810
nt trop littérateurs. Rien d’étonnant à cela dans
une
époque où les valeurs de l’esprit sont en pratique universellement mé
811
leur défense de l’esprit s’est bornée jusqu’ici à
une
rhétorique très brillante contre un état de choses justement détesté,
812
jusqu’ici à une rhétorique très brillante contre
un
état de choses justement détesté, mais dont ils participent plus qu’i
813
Mais à condition d’aller plus loin et de prendre
une
connaissance positive de ce qu’il y a sous cette réalité. Il est cert
814
ros mots et de discours en très beau style contre
un
monde très laid dont ils n’ont pas encore renoncé à chatouiller le sn
815
organisation et le sabotage. On y découvre le jeu
des
tempéraments qui fait opter ces chefs pour l’une ou l’autre de ces at
816
es représentent deux manières de sentir l’unité d’
une
époque obsédée d’action.) Autour de ces individus — Chinois nationali
817
le monde du Pacifique. On retrouvera ici beaucoup
des
idées que la Tentation de l’Occident exprimait sous une forme abstrai
818
ées que la Tentation de l’Occident exprimait sous
une
forme abstraite et poétique. Mais cette fois tout est concrétisé en h
819
décrets. Qu’il décrive la vie intense et instable
des
acteurs du drame, l’aspect quotidien et mystérieux d’une révolution d
820
eurs du drame, l’aspect quotidien et mystérieux d’
une
révolution de rues, ou la palpitation inquiétante des villes chinoise
821
révolution de rues, ou la palpitation inquiétante
des
villes chinoises, Malraux fait preuve d’un art du détail où se révèle
822
tante des villes chinoises, Malraux fait preuve d’
un
art du détail où se révèle le vrai romancier. On serait parfois tenté
823
oute aussi plus sensible. Et il ne se borne pas à
des
effets pittoresques : ce récit coloré et précis, admirablement object
824
ement objectif, est aussi, mais à coups de faits,
une
discussion d’idées. Il est surtout la description d’une angoisse que
825
scussion d’idées. Il est surtout la description d’
une
angoisse que le nihilisme de M. Malraux veut sans issues : l’angoisse
826
passionnant de l’action, il se dégage de ce roman
un
désespoir sec, sans grimace. Cette intelligence et cette sensibilité
827
orces déterminantes de l’heure, à les exprimer en
un
tel drame, et voici André Malraux au premier rang des romanciers cont
828
tel drame, et voici André Malraux au premier rang
des
romanciers contemporains. au. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
829
c son beau regard de rêve, — lit-on dans l’Ennemi
des
Lois — son expression amoureuse du silence et cet ensemble idéal d’ét
830
tre réfractaire ». N’est-ce point trop demander à
une
existence bien indécise, que son échec même ne relève pas, et qui tir
831
« prince de l’illusion et de la solitude ». Mais
un
prince rêveur n’est pas forcément prince du rêve ; et par ailleurs ce
832
qu’il l’a pu, étant roi. Il offre ainsi l’image d’
un
romantisme assez morose ; mais à grande échelle. M. de Pourtalès a su
833
aux nuances assez troubles du personnage central
une
résonance plus profonde. Louis II, ce chimérique, disposait par hasar
834
absence d’amour, par refus de souffrir. Mais chez
un
être raffiné, la peur d’étreindre aboutit à l’amour de soi dans « l’i
835
oindre habileté du biographe. D’ailleurs, réussir
un
livre attrayant sur une vie manquée n’était pas un problème aisé : Gu
836
raphe. D’ailleurs, réussir un livre attrayant sur
une
vie manquée n’était pas un problème aisé : Guy de Pourtalès l’a résol
837
n livre attrayant sur une vie manquée n’était pas
un
problème aisé : Guy de Pourtalès l’a résolu d’une façon fort adroite
838
un problème aisé : Guy de Pourtalès l’a résolu d’
une
façon fort adroite mais non moins franche. av. Rougemont Denis de,
839
e Prince menteur (décembre 1928)aw Au hasard d’
une
rencontre, l’auteur de ce récit se lie avec un inconnu qui se dit pri
840
d’une rencontre, l’auteur de ce récit se lie avec
un
inconnu qui se dit prince russe et entretient autour de sa vie le plu
841
i disparaît, néanmoins. Enfin, le Français reçoit
une
lettre trouvée sur le corps de son ami suicidé, pathétique confession
842
egrette seulement que Daniel-Rops se soit borné à
une
courte nouvelle, d’ailleurs assez dense, et dont le mérite est d’être
843
oit bien que l’épithète de mythomane n’épuise pas
une
question dont l’importance dépasse celle du cas pathologique. Il y a
844
n a vu sévir parmi certains milieux d’avant-garde
une
confusion assez tragique, parce qu’elle constitue une tentation pour
845
confusion assez tragique, parce qu’elle constitue
une
tentation pour tous les poètes. Le désir de « plus vrai que le vrai »
846
us vrai que le vrai » surexcité par l’insolence d’
une
psychologie qui rabaisse tout, peut conduire à préférer un mensonge q
847
logie qui rabaisse tout, peut conduire à préférer
un
mensonge qui n’est, hélas, qu’une déformation de cette réalité détest
848
duire à préférer un mensonge qui n’est, hélas, qu’
une
déformation de cette réalité détestée. Le mythomane brouille les cart
849
Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis
un
homme (janvier 1929)ax Le critique se sent désarmé et légèrement a
850
e se sent désarmé et légèrement absurde en face d’
un
récit comme celui d’Anderson : voici un homme qui raconte sa vie avec
851
en face d’un récit comme celui d’Anderson : voici
un
homme qui raconte sa vie avec une émouvante simplicité et il faudrait
852
Anderson : voici un homme qui raconte sa vie avec
une
émouvante simplicité et il faudrait avoir la grossièreté de lui répon
853
l faudrait avoir la grossièreté de lui répondre d’
un
air connaisseur que c’est bien composé. J’avoue prendre cette autobio
854
né du passage où il rappelle qu’il écrit la vie d’
un
homme de lettres. En réalité, on ne le voit pas encore apparaître sou
855
aspect dans ces deux premiers tomes, où il décrit
des
scènes de son enfance et de sa jeunesse comme ouvrier. L’art d’Anders
856
nnant d’apparente simplicité. Le récit s’avance à
une
allure libre et tranquille, anglo-saxonne et peu à peu entraîne tout
857
nquille, anglo-saxonne et peu à peu entraîne tout
un
branle-bas d’évocations hautes en couleur, de rêves, de visages, tand
858
êves, de visages, tandis que ç[à] et là s’ouvrent
des
perspectives saisissantes sur l’époque. Anderson est avant tout un po
859
aisissantes sur l’époque. Anderson est avant tout
un
poète, un homme qui aime inventer et que cela console des nécessités
860
s sur l’époque. Anderson est avant tout un poète,
un
homme qui aime inventer et que cela console des nécessités modernes,
861
e, un homme qui aime inventer et que cela console
des
nécessités modernes, dégradantes. Cet amour de l’invention romanesque
862
amour de l’invention romanesque considérée comme
une
revanche de la poésie — mais à Chicago on doit appeler ça du bluff —
863
bluff — fait de lui sans doute le plus méridional
des
conteurs américains. Avec cela, un réalisme, plein de verdeur et souv
864
us méridional des conteurs américains. Avec cela,
un
réalisme, plein de verdeur et souvent d’amertume. Mais là où d’autres
865
raient le couplet humanitariste, lui s’en va dans
un
rêve, ou dans un autre souvenir. Qui parmi nous sait encore parler de
866
humanitariste, lui s’en va dans un rêve, ou dans
un
autre souvenir. Qui parmi nous sait encore parler de sa mère avec cet
867
avec cette virile et religieuse tendresse ? C’est
un
Chinois, c’est un Américain qui viennent nous rapprendre que les sour
868
et religieuse tendresse ? C’est un Chinois, c’est
un
Américain qui viennent nous rapprendre que les sources de la poésie s
869
ources de la poésie sont dans notre maison. Voici
un
de ces passages où il sait être, avec sa verve doucement comique, si
870
ette époque je croyais fortement en l’existence d’
une
espèce de secrète et à peu près universelle conspiration pour insiste
871
conspiration pour insister sur la laideur. “C’est
une
frasque de gosses à laquelle nous nous livrons, voilà tout, moi et le
872
les autres”, me disais-je parfois, et il y avait
des
moments où j’arrivais presque à me convaincre que si je m’approchais
873
que si je m’approchais tout à coup par-derrière d’
un
homme ou d’une femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se sec
874
prochais tout à coup par-derrière d’un homme ou d’
une
femme quelconque, et disais “houu !” il ou elle se secouerait enfin,
875
ous-mêmes et de tout le reste, nous amusant comme
des
fous ». Mais non, on ne le secouera pas, ce cauchemar, ce monde moder
876
on, ce monde où l’on ne sait plus créer avec joie
des
formes belles, ce monde qui devient impuissant. Impossible d’évoquer
877
onde qui devient impuissant. Impossible d’évoquer
un
personnage précis pour lui faire endosser le blâme, mais comme l’homm
878
sa fin logique, ne pourrait-il pas être considéré
un
jour comme le grand tueur de son époque ? Rendre impuissant c’est à c
879
de l’élever à la présidence de la République. Qu’
un
tel acte serait adéquat ! Tamerlan, dont la spécialité était l’assass
880
du] Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis
un
homme », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, janvie
881
uin 1929)ay Ce petit livre de poèmes est comme
une
initiation au silence. Il faut s’en approcher avec une douceur patien
882
nitiation au silence. Il faut s’en approcher avec
une
douceur patiente, et le laisser créer en nous son silence particulier
883
r avant d’entendre les signes qu’il nous propose.
Une
telle poésie n’offre aux sens que peu d’images (à peine quelques « mo
884
fs », objets usuels et usés, sur la nuance mate d’
un
paravent chinois). Ce qu’elle décrit, ce sont des perceptions de l’âm
885
’un paravent chinois). Ce qu’elle décrit, ce sont
des
perceptions de l’âme plus que de l’esprit ou des sens. « Reste immobi
886
des perceptions de l’âme plus que de l’esprit ou
des
sens. « Reste immobile et sache attendre que ton cœur se détache de t
887
che attendre que ton cœur se détache de toi comme
une
lourde pierre. » Le corps, que l’âme quitte, redevient minéral, statu
888
oses dont elle s’est dégagée et qu’elle voit dans
une
autre lumière : « Tout semblait vivre au fond d’un insistant regard.
889
e autre lumière : « Tout semblait vivre au fond d’
un
insistant regard. » Le poète des Gravitations est ici descendu plus p
890
t vivre au fond d’un insistant regard. » Le poète
des
Gravitations est ici descendu plus profond en soi-même ; son art y ga
891
oi-même ; son art y gagne en densité, en émotion.
Des
mots simples, mais chacun dans sa mûre saveur ; une phrase naturellem
892
s mots simples, mais chacun dans sa mûre saveur ;
une
phrase naturellement grave ; une voix douce et virile ; et quel beau
893
sa mûre saveur ; une phrase naturellement grave ;
une
voix douce et virile ; et quel beau titre ! « Saisir » n’est-ce point
894
» ? Mais le plus émouvant, c’est ici l’approche d’
un
silence partout pressenti, qui s’impose, qui apaise le vain débat de
895
« Car l’on pense beaucoup trop haut, et cela fait
un
vacarme terrible. » ay. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Jules
896
Jean Cassou, La Clef
des
songes (août 1929)az Après cet austère Pays qui n’est à personne p
897
Pays qui n’est à personne paru l’année dernière —
un
livre assez troublant et qu’on a trop peu remarqué —, Jean Cassou rev
898
son romantisme, à notre cher romantisme. La Clef
des
songes est de nouveau une dérive fantaisiste dans ce monde un peu plu
899
her romantisme. La Clef des songes est de nouveau
une
dérive fantaisiste dans ce monde un peu plus léger, un peu plus profo
900
t de nouveau une dérive fantaisiste dans ce monde
un
peu plus léger, un peu plus profond que le vrai, où l’Éloge de la fol
901
rive fantaisiste dans ce monde un peu plus léger,
un
peu plus profond que le vrai, où l’Éloge de la folie nous entraînait
902
e son Pierangelo dans la vie. Le hasard, complice
des
poètes, lui fait rencontrer des êtres bizarres avec lesquels il n’hés
903
hasard, complice des poètes, lui fait rencontrer
des
êtres bizarres avec lesquels il n’hésite pas à faire un bout de chemi
904
es bizarres avec lesquels il n’hésite pas à faire
un
bout de chemin, Hans le gardeur d’oies, le gueux Joseph qui parle à s
905
le gueux Joseph qui parle à son chien en mourant,
une
fille qui chante et des enfants surtout, dès le début, puis plus tard
906
e à son chien en mourant, une fille qui chante et
des
enfants surtout, dès le début, puis plus tard encore, dans les songes
907
le début, puis plus tard encore, dans les songes
des
grandes personnes, — puis tous se perdent, comme des souvenirs, et l’
908
grandes personnes, — puis tous se perdent, comme
des
souvenirs, et l’on retrouve un peu plus loin d’autres souvenirs attri
909
se perdent, comme des souvenirs, et l’on retrouve
un
peu plus loin d’autres souvenirs attristés par le temps, des visages
910
s loin d’autres souvenirs attristés par le temps,
des
visages qui ne sont plus tout à fait les mêmes, des bonheurs qui sign
911
s visages qui ne sont plus tout à fait les mêmes,
des
bonheurs qui signifient plus de désespoir qu’ils ne s’en doutent… C’e
912
t plus de désespoir qu’ils ne s’en doutent… C’est
un
dévergondage sentimental, plein de malices et d’envies de pleurer. Qu
913
el dommage qu’il s’égare parfois dans les maisons
des
grands bourgeois, où tout, soudain, devient plus terne. Mais bien vit
914
tout, soudain, devient plus terne. Mais bien vite
un
intermède bouffon, impossible et d’une désopilante poésie nous replon
915
s bien vite un intermède bouffon, impossible et d’
une
désopilante poésie nous replonge dans une atmosphère autre, où les pe
916
le et d’une désopilante poésie nous replonge dans
une
atmosphère autre, où les personnages ont cet air un peu ivre et capab
917
atmosphère autre, où les personnages ont cet air
un
peu ivre et capable de n’importe quoi, cet air dangereux et tendre qu
918
hants, et seulement aux dernières pages du livre,
un
peu amers… On voudrait un livre de Cassou qui ne serait fait que de c
919
rnières pages du livre, un peu amers… On voudrait
un
livre de Cassou qui ne serait fait que de ces intermèdes ; pur de tou
920
u’invention, qui inventerait sa vérité. Ce serait
un
de ces miracles de liberté dont nous avons besoin pour croire que le
921
besoin pour croire que le monde actuel n’est pas
un
cas désespéré. Mais voici déjà dans l’œuvre de Jean Cassou, et singul
922
faits ». Car il y a toujours assez de vérité dans
une
histoire où il y a de la poésie. az. Rougemont Denis de, « [Compte
923
t Denis de, « [Compte rendu] Jean Cassou, La Clef
des
songes », Bibliothèque universelle et Revue de Genève, Genève, août
924
de Rimbaud, l’on s’étonne qu’il ait fallu plus d’
un
demi-siècle pour qu’une telle interprétation voie le jour. Cela pourr
925
nne qu’il ait fallu plus d’un demi-siècle pour qu’
une
telle interprétation voie le jour. Cela pourrait donner lieu à de mél
926
l’un de ces signes qui de toutes parts annoncent
une
rentrée de l’âme dans la littérature la plus spirituelle du monde. La
927
auteur de cet essai — la voyance de Rimbaud — est
une
de ces évidences qu’il est bon de proposer à la réflexion de notre te
928
our faite honte à ceux qui sont encore capables d’
une
telle honte, de leur indifférence à l’endroit de l’être le plus monst
929
par le truchement de la poésie française. — Livre
un
peu didactique, trop attentif à sa propre démarche, mais inspiré par
930
. Regrettons seulement qu’il n’élargisse pas plus
une
question aussi centrale — qui est, si l’on veut, la question d’Orient
931
aisant de Rimbaud, « mystique à l’état sauvage »,
un
catholique qui s’ignore, il n’est pas plus admissible d’inférer du mé
932
élation évangélique. Je ne vois là que l’indice d’
une
confusion bien française, hélas. ba. Rougemont Denis de, « [Compte
933
n’est plus l’heure de venir prendre position dans
un
débat où les voix les mieux écoutées ont dit ce qu’elles avaient à di
934
e cette revue connaissent la thèse de la Trahison
des
Clercs 11, thèse dont la Fin de l’Éternel ne fait que reprendre la dé
935
a trahit à son tour quand il tire argument contre
une
thèse de M. Marcel de ce qu’elle « mène loin… dans l’ordre moral ». E
936
ternel », la chute de l’idée dans la matière, est
un
phénomène exactement aussi vieux que le monde. Mais M. Benda distingu
937
distinguera, et ils seront confondus. Car il y a
un
sophiste en M. Benda, un polémiste qui joue de la raison ratiocinante
938
nt confondus. Car il y a un sophiste en M. Benda,
un
polémiste qui joue de la raison ratiocinante tout comme si elle n’éta
939
lement antimoderne, parce que désintéressé. C’est
un
extrême, un pic trop élevé pour qu’on y puisse vivre, c’est l’impossi
940
oderne, parce que désintéressé. C’est un extrême,
un
pic trop élevé pour qu’on y puisse vivre, c’est l’impossible. Mais ju
941
de la pensée intemporelle, en butte aux sarcasmes
des
extrémistes de droite et de gauche, n’en apparaît que plus pur. « Nom
942
. Et Daudet nous apprend que « le petit Benda est
un
fameux serin ». Mais ces affirmations sont exactement celles qu’il fa
943
t court. Celle-là même qui paraît anarchique dans
un
monde où tout est bon à quelque chose, où rien plus n’est tenu pour v
944
rien plus n’est tenu pour vrai que relativement à
un
rendement. Rien, pas même la religion. 11. Cf. l’article de M. Dani
945
0)bd Si vous avez la curiosité, mieux, le goût
des
esprits singuliers, si vous croyez que c’est par l’extrême pointe du
946
s de ces effets faciles qu’on aime à ménager dans
un
jardin à la française. Mais vous ne tarderez pas à remarquer que tout
947
tout, ici, est original, indigène, tant l’allure
des
sentiers qui vous mènent tranquillement aux points de vue les plus co
948
aux points de vue les plus cocasses, que la forme
des
fleurs, que les animaux qui circulent. Un auteur qui n’imite personne
949
forme des fleurs, que les animaux qui circulent.
Un
auteur qui n’imite personne court bientôt le risque de s’imiter soi-m
950
riche et il fabrique, soit qu’il se décrive comme
un
lieu de miracles le plus souvent malencontreux, ou qu’il invente des
951
s le plus souvent malencontreux, ou qu’il invente
des
animaux dont la complexité ne le cède en rien à celle de l’introspect
952
l’introspection la plus poussée. Il invente aussi
des
mots et en fait de courts poèmes d’une divertissante et parfois émouv
953
ente aussi des mots et en fait de courts poèmes d’
une
divertissante et parfois émouvante bizarrerie (Mort d’un Page). Cepen
954
rtissante et parfois émouvante bizarrerie (Mort d’
un
Page). Cependant je préfère ses proses : il y a ici plus qu’une maniè
955
endant je préfère ses proses : il y a ici plus qu’
une
manière et qu’un ton, il y a une vision du monde véritablement neuve,
956
ses proses : il y a ici plus qu’une manière et qu’
un
ton, il y a une vision du monde véritablement neuve, dans laquelle l’
957
y a ici plus qu’une manière et qu’un ton, il y a
une
vision du monde véritablement neuve, dans laquelle l’âme, agissant à
958
neuve, dans laquelle l’âme, agissant à la façon d’
une
force physique, déforme et recrée le réel à son gré. Seule compte la
959
is parfaitement concrètes, ces tours de phrases d’
une
familiarité bourrue mais raffinée, cette ivresse verbale jugulée par
960
mais raffinée, cette ivresse verbale jugulée par
une
constante mauvaise humeur, tout cela compose une atmosphère poétique
961
une constante mauvaise humeur, tout cela compose
une
atmosphère poétique très dense et active. Depuis longtemps — depuis l
962
h — je n’avais pas lu de livre où s’exprimât avec
une
pareille sécurité dans l’insolite, ce qu’il y a en nous à la fois de
963
du Japon pour accueillir du premier regard, dans
un
matin plein de mouettes — « Un beau bruit d’ailes me fait un ciel » —
964
emier regard, dans un matin plein de mouettes — «
Un
beau bruit d’ailes me fait un ciel » — la vaporeuse beauté du lac de
965
ein de mouettes — « Un beau bruit d’ailes me fait
un
ciel » — la vaporeuse beauté du lac de Neuchâtel. Mlle Kikou Yamata a
966
ris et ardent sous le soleil caché », ou bien, en
un
printemps liquide et glacé, balançant parmi les roseaux d’une baie se
967
s liquide et glacé, balançant parmi les roseaux d’
une
baie ses poules d’eaux noires. Il y fallait cette féminité ingénue et
968
euse, toujours prête à épouser tout le sensible d’
un
paysage pour peu qu’elle y découvre une secrète parenté de l’âme. Kik
969
sensible d’un paysage pour peu qu’elle y découvre
une
secrète parenté de l’âme. Kikou Yamata peint la Suisse avec un pincea
970
renté de l’âme. Kikou Yamata peint la Suisse avec
un
pinceau « fait du poil de novembre des chamois ». On s’émerveille de
971
Suisse avec un pinceau « fait du poil de novembre
des
chamois ». On s’émerveille de le voir, dans sa main rapide et minutie
972
e Rhin ou les pentes de Chésières en les parant d’
une
grâce malicieuse et sensuelle dont nos yeux helvètes les croyaient pa
973
Cette charmante « japanisation » est rehaussée d’
une
douzaine de lithographies de Meili. Ce peintre se montre plus occiden
974
îtrise de sa technique ! Et qui eût pensé qu’avec
un
jeu de noirs et de gris l’on pût recréer toute la ferveur d’un couche
975
rs et de gris l’on pût recréer toute la ferveur d’
un
coucher de soleil. Des formes purifiées, un relief net, une heureuse
976
recréer toute la ferveur d’un coucher de soleil.
Des
formes purifiées, un relief net, une heureuse alliance de charme et d
977
eur d’un coucher de soleil. Des formes purifiées,
un
relief net, une heureuse alliance de charme et de rigueur, de moelleu
978
r de soleil. Des formes purifiées, un relief net,
une
heureuse alliance de charme et de rigueur, de moelleux et de précisio
979
de précision… À la dernière page, l’artiste fait
une
belle grimace : le lecteur ne l’imitera pas. be. Rougemont Denis d
980
lien du Breuil, Kate (avril 1930)bf Ce récit d’
une
élégante minceur décrit la passion d’une jeune fille de la grande bou
981
récit d’une élégante minceur décrit la passion d’
une
jeune fille de la grande bourgeoisie pour une gamine qui lui sert de
982
n d’une jeune fille de la grande bourgeoisie pour
une
gamine qui lui sert de modèle dans son atelier. Autour de cet inciden
983
assez émouvant, on entrevoit la famille indignée,
une
mère qui souffre, un jeune frère qui rêve. Le livre se résout dans un
984
revoit la famille indignée, une mère qui souffre,
un
jeune frère qui rêve. Le livre se résout dans une amertume vague. Ceu
985
un jeune frère qui rêve. Le livre se résout dans
une
amertume vague. Ceux qui ont lu la Mort difficile de René Crevel ne s
986
oute inconsciemment et qui n’est rien de moins qu’
une
conception nouvelle de l’amour-passion : il apparaît ici sous la form
987
l’amour-passion : il apparaît ici sous la forme d’
une
obsession physique, parée d’une sorte de poésie fatale, où se mêle, s
988
i sous la forme d’une obsession physique, parée d’
une
sorte de poésie fatale, où se mêle, selon l’auteur un peu ou pas mal
989
orte de poésie fatale, où se mêle, selon l’auteur
un
peu ou pas mal de littérature. Et c’est à un tel amour qu’on va deman
990
teur un peu ou pas mal de littérature. Et c’est à
un
tel amour qu’on va demander sa revanche contre la mesquinerie morale
991
erie morale du milieu… Étrange misère que celle d’
une
génération qui, après tant de sarcasmes contre l’enfer bourgeois, n’a
992
igure ? Le roman de M. Jullien de Breuil effleure
un
autre problème de non moindre valeur tragique : le conflit de la jeun
993
que : le conflit de la jeunesse d’après-guerre et
des
parents. Encore un sujet qui attend son maître. bf. Rougemont Deni
994
la jeunesse d’après-guerre et des parents. Encore
un
sujet qui attend son maître. bf. Rougemont Denis de, « [Compte ren
995
Ducasse et qu’il composa vers sa vingtième année
un
vaste poème en prose intitulé Les Chants de Maldoror. De 1870 jusqu’à
996
re sur ce poète, qu’on a traité de fou et d’ange,
un
essai remarquable de netteté et souvent, d’indépendance. Il dégage le
997
il analyse les principaux thèmes de l’œuvre avec
une
intelligence que l’on rencontre bien rarement dans les essais consacr
998
onsacrés jusqu’ici à Ducasse. Ce « précurseur » d’
une
certaine littérature moderne n’a fait, en somme, que reprendre, quitt
999
nds thèmes du romantisme. Mais il les a poussés à
un
paroxysme verbal qui induit à croire qu’il les sentait moins profondé
1000
me n’est pas beaucoup plus « horrible » que celui
des
rêveries de certaines pubertés ; quant à l’amour, Maldoror ne paraît
1001
ément, — ses injures de Caliban littérateur. Dans
un
chapitre excellent et peut-être plus audacieux que les autres, M. Pie
1002
ois de plus, l’intelligence apporte la solution d’
une
hypocrisie que la révolte rend moins sympathique, certes, mais plus r
1003
pas à la cheville de Rimbaud. (Ce n’est pas avec
un
Dieu pour rire que Rimbaud est aux prises, et il n’a cure de cette li
1004
laissé quelque peu impressionner par le fanatisme
des
disciples et imitateurs du « comte ». D’autres que lui s’y sont tromp
1005
ère qu’il fallait voir en Lautréamont « le maître
des
écluses pour la littérature de demain ». Concession un peu hâtive à u
1006
luses pour la littérature de demain ». Concession
un
peu hâtive à une « jeunesse » déjà démodée… Je crois que la jeunesse
1007
ttérature de demain ». Concession un peu hâtive à
une
« jeunesse » déjà démodée… Je crois que la jeunesse d’aujourd’hui s’é
1008
plutôt de la grandiloquence « antilittéraire » et
des
révoltes au hasard d’un Maldoror. Elle demande une pensée forte et or
1009
ce « antilittéraire » et des révoltes au hasard d’
un
Maldoror. Elle demande une pensée forte et orientée plutôt que ces éc
1010
es révoltes au hasard d’un Maldoror. Elle demande
une
pensée forte et orientée plutôt que ces éclats de voix sarcastiques,
1011
ai pas dormi. Le seul refuge est à l’avant, parmi
des
cordages, des chaînes, sur un banc humide, — juste de quoi s’étendre,
1012
Le seul refuge est à l’avant, parmi des cordages,
des
chaînes, sur un banc humide, — juste de quoi s’étendre, et regarder j
1013
t à l’avant, parmi des cordages, des chaînes, sur
un
banc humide, — juste de quoi s’étendre, et regarder jaillir sans fin
1014
u de ce beau Danube jaune qui est le plus inodore
des
fleuves. Dormir. Sans avoir pu retrouver cette mélodie descendue d’un
1015
Sans avoir pu retrouver cette mélodie descendue d’
un
balcon où chantait la Schumann ; sans avoir pu retrouver le nom de qu
1016
, arbres et jets d’eau ; sans avoir pu retrouver,
des
conversations de ce bal, autre chose que la phrase, l’unique phrase q
1017
vais au lit… » C’était au vestiaire, il enfilait
une
manche de pardessus, me donnait l’autre à serrer, la main n’étant pas
1018
e… Dormir au fil de l’eau, entre l’étrange nuit d’
un
autre bal et cette perspective de voyage au hasard et commencé dans l
1019
………………………………………………………………………… Le monde renaît dans
des
accords. Une mélodie hongroise éveille un vagabond angoissé, bienheur
1020
……………………………………… Le monde renaît dans des accords.
Une
mélodie hongroise éveille un vagabond angoissé, bienheureux : il se l
1021
t dans des accords. Une mélodie hongroise éveille
un
vagabond angoissé, bienheureux : il se lève, il reconnaît son rêve. H
1022
la capitale qui s’avance dans la lumière fauve d’
un
soir chaud sur la plaine, avec ses dômes et ses façades exubérantes d
1023
us passons sous de hauts ponts sonores, au long d’
un
quai tout fleuri de terrasses ; on nous déverse dans cette foule et c
1024
deux visages amis me sourient. Ô liberté aérienne
des
arrivées, premiers regards aux rues croisées qui font des signes pour
1025
vées, premiers regards aux rues croisées qui font
des
signes pour demain, présentations de mes Espoirs aux jeunes Promesses
1026
bien compris les noms, on échange, à la dérobée,
des
coups d’œil, dans le léger étourdissement de l’amitié prochaine). Et
1027
issement de l’amitié prochaine). Et la générosité
des
lumières d’avant le soir, — et cette espèce de tendresse pour tous le
1028
je crois bien, jeunesse… Je me suis endormi dans
une
grande maison calme aux voûtes sombres, qui est un Collège célèbre.
1029
e grande maison calme aux voûtes sombres, qui est
un
Collège célèbre. 2. La recherche de l’objet inconnu Personne n’
1030
m’apporter ce Paquet inouï, cadeau annonciateur d’
une
miraculeuse et royale Venue. Dans le silence de l’adoration comblée,
1031
utilisables, bouleversants de perfection, gages d’
un
monde que les poètes essaient de décrire sans l’avoir jamais vu, et d
1032
e tout y a son écho le plus pur. Le voyage trompe
un
temps cette angoisse. J’irai chercher moi-même, me suis-je dit, je fe
1033
et qui sait si tant d’erreurs ne composeront pas
un
jour une sorte d’incantation capable d’incliner le Hasard ? Ô décevan
1034
sait si tant d’erreurs ne composeront pas un jour
une
sorte d’incantation capable d’incliner le Hasard ? Ô décevantes chass
1035
décevantes chasses dans les bazars, aux étalages
des
fêtes populaires, au fond des boutiques de vieux en province, dans le
1036
azars, aux étalages des fêtes populaires, au fond
des
boutiques de vieux en province, dans les combles d’un château prussie
1037
outiques de vieux en province, dans les combles d’
un
château prussien où tissaient d’incroyables araignées, partout où le
1038
oyables araignées, partout où le désordre naturel
des
choses pouvait offrir asile à l’objet inconnu que je chercherai sans
1039
connu que je chercherai sans doute jusqu’à la fin
des
fins… Mais voici mes amis. Et la question terrible, tout de suite : «
1040
usque chez nous ? » On me demandera donc toujours
des
passeports ? Dussè-je les inventer… Ah ! l’embarras de voyager n’est
1041
l’on est parti. Cependant, mes regards errant sur
une
bibliothèque, je crois y trouver mon salut : « Peter Schlemihl, et vo
1042
it perdu, c’était son ombre. Mais moi qui cherche
un
Objet Inconnu ! — Ô Destin sans repos et qui me voue à toutes les mag
1043
es plus incompréhensibles s’emparent de moi comme
des
superstitions. Tout mon avoir se fond dans une loterie qui peut-être
1044
me des superstitions. Tout mon avoir se fond dans
une
loterie qui peut-être n’a pas de gros lot, et jamais, je crains bien,
1045
à peine jalouse que l’on réserve aux égarements d’
une
jeunesse démodée se peignirent sur les traits de mes auditeurs. — Vou
1046
traits de mes auditeurs. — Vous êtes, me dit-on,
un
amateur de troubles distingués. Peu de sens du réel. Mais nous vous m
1047
ce qu’il en reste. Sur quoi l’on m’entraîna dans
un
musée sans sièges. Le Musée de Budapest enferme quelques paysages rom
1048
ns de démesure. Et, de Giorgione, ce « Portrait d’
un
homme » devant lequel il faut se taire pour écouter ce qu’il entend.
1049
3. Au tombeau de Gül Baba Dans Bude il y a
des
ruelles qui sentent encore le Turc. Tandis que nous y rôdions, un soi
1050
entent encore le Turc. Tandis que nous y rôdions,
un
soir étouffant, vous m’avez montré en passant des murs brunis qui rou
1051
un soir étouffant, vous m’avez montré en passant
des
murs brunis qui rougeoyaient au sommet du Rozsadomb — la Colline des
1052
rougeoyaient au sommet du Rozsadomb — la Colline
des
roses. Une ancienne mosquée, disiez-vous, le tombeau du prophète Gül
1053
nt au sommet du Rozsadomb — la Colline des roses.
Une
ancienne mosquée, disiez-vous, le tombeau du prophète Gül Baba. Puis,
1054
, comme le soleil se couchait, nous avons repassé
un
grand pont vibrant et nous sommes rentrés en Europe. Mais dès le lend
1055
Rozsadomb. « Vous n’y verrez, m’avait-on dit, qu’
une
paire de babouches dans une mosquée vide que personne n’a plus l’idée
1056
z, m’avait-on dit, qu’une paire de babouches dans
une
mosquée vide que personne n’a plus l’idée de visiter. » Mais comment
1057
l’idée de visiter. » Mais comment ne pas voir qu’
un
lieu qui porte un nom pareil est par là même extraordinaire. Celui qu
1058
. » Mais comment ne pas voir qu’un lieu qui porte
un
nom pareil est par là même extraordinaire. Celui qui ne croit pas à l
1059
extraordinaire. Celui qui ne croit pas à la vertu
des
noms reste prisonnier de ses sens ; mais celui-là est véritablement v
1060
e j’obéissais à ce que nos psychologues appellent
une
conduite magique. Or il est délicieux de réaliser une idée fixe injus
1061
conduite magique. Or il est délicieux de réaliser
une
idée fixe injustifiable : c’est le plaisir même de l’enfance. Je port
1062
pèlerinage au Temple de l’Objet inconnu. On passe
une
barrière, une cour vide ; on prend le sentier qui monte en zigzag à t
1063
Temple de l’Objet inconnu. On passe une barrière,
une
cour vide ; on prend le sentier qui monte en zigzag à travers des jar
1064
on prend le sentier qui monte en zigzag à travers
des
jardins dont les arbustes sèchent, vers une espèce de grande villa ba
1065
avers des jardins dont les arbustes sèchent, vers
une
espèce de grande villa baroque assez décrépite, décor en pierre brune
1066
lide, rongé de petites roses cramoisies. On longe
une
galerie couverte, on tourne dans un escalier compliqué : c’est plein
1067
es. On longe une galerie couverte, on tourne dans
un
escalier compliqué : c’est plein de colonnettes et de statues dégradé
1068
s et de statues dégradées et charmantes. (Vue sur
des
maisons pauvres un peu plus bas, avec du linge dans des courettes pou
1069
adées et charmantes. (Vue sur des maisons pauvres
un
peu plus bas, avec du linge dans des courettes poussiéreuses.) On abo
1070
isons pauvres un peu plus bas, avec du linge dans
des
courettes poussiéreuses.) On aboutit à une plate-forme dallée, surcha
1071
e dans des courettes poussiéreuses.) On aboutit à
une
plate-forme dallée, surchauffée, entre des murs assez hauts dont l’un
1072
utit à une plate-forme dallée, surchauffée, entre
des
murs assez hauts dont l’un est peut-être la façade d’une chapelle ; m
1073
s assez hauts dont l’un est peut-être la façade d’
une
chapelle ; mais la porte est fermée. Par une ouverture étroite on pas
1074
de d’une chapelle ; mais la porte est fermée. Par
une
ouverture étroite on passe ensuite à une seconde terrasse plus vaste,
1075
mée. Par une ouverture étroite on passe ensuite à
une
seconde terrasse plus vaste, où il y a quelques arbres devant une sor
1076
asse plus vaste, où il y a quelques arbres devant
une
sorte de tour peu élevée, à demi recouverte de rosiers, et qu’il para
1077
qu’il paraît impossible de situer dans l’ensemble
des
constructions. C’est là qu’on entre. Murs nus. Un catafalque de bois,
1078
es constructions. C’est là qu’on entre. Murs nus.
Un
catafalque de bois, au milieu, recouvert d’un très beau tapis mince,
1079
us. Un catafalque de bois, au milieu, recouvert d’
un
très beau tapis mince, ou bannière, avec des caractères turcs brodés
1080
ert d’un très beau tapis mince, ou bannière, avec
des
caractères turcs brodés en or. L’histoire de Gül Baba est racontée su
1081
és en or. L’histoire de Gül Baba est racontée sur
un
papier jauni encadré et fixé au mur. Gül Baba est le dernier héros mu
1082
ur, en ont fait Gül Baba, ce qui signifie le Père
des
roses. Moyennant cette naturalisation il continue de protéger la vill
1083
avec saint Gellert, dont la statue colossale, sur
un
rocher, les bras levés, dirige la circulation de Pest. Gül Baba est m
1084
ien que ce n’est pas l’heure de visiter : le Père
des
roses est peut-être allé se promener. Dehors, les roses crimson sente
1085
inexplicable que mystérieux. Aussi, la confusion
des
noms ne comporte aucun symbole à développer noblement. Une chute dans
1086
ne comporte aucun symbole à développer noblement.
Une
chute dans le quotidien. Car, en somme, le Prophète Chauve est devenu
1087
cides qu’il arrive qu’on porte sur la vie, tout d’
un
coup, à trois heures de l’après-midi par exemple, — non sans angoisse
1088
idi à quatorze heures On voyage de nos jours d’
une
façon « rationnelle », c’est-à-dire que les Cook’s tickets remplacent
1089
remplacent l’exigence intérieure. On n’avoue que
des
désirs archéologiques, d’ailleurs mensongers. Alors que dans ce domai
1090
ns ce domaine, plus visiblement qu’en tout autre,
un
non-conformisme intransigeant serait la seule conduite féconde. Il me
1091
la servitude de l’homme moderne apparaît ici sous
un
aspect bien inquiétant : c’est à la sensibilité même qu’on impose une
1092
iétant : c’est à la sensibilité même qu’on impose
une
livrée. — « Je comprends, me dit-on. Vous êtes pour la fantaisie, c’e
1093
rle simplement de vérité et de mensonge, opposant
une
réalité vivante à une duperie commerciale. Mais vous pensez que tant
1094
té et de mensonge, opposant une réalité vivante à
une
duperie commerciale. Mais vous pensez que tant de mots pour une simpl
1095
mmerciale. Mais vous pensez que tant de mots pour
une
simple question de sentiment… C’est que vous êtes déjà bien malade.
1096
us voici plus à l’aise. Eh bien oui : je me ferai
un
mérite de perdre tout mon temps, si toutefois perdre conserve ici le
1097
courir les risques12 les plus graves et provoquer
une
crise, bref, sans le payer cher. Tout cela est langage de bourse. Pou
1098
iscours en faveur de l’inutile, et ceci à la face
des
bouffons qui plongent invariablement les mains dans leurs vastes poch
1099
i constitue à leurs yeux ma condamnation et celle
des
minus habentes qui me ressemblent. Au risque de les voir trépigner, j
1100
ercevoir.) Je vais cependant dire quelque chose d’
une
scène pittoresque. Mais c’est une autre fois que je l’ai vue, à Pest,
1101
st une autre fois que je l’ai vue, à Pest, lors d’
un
autre séjour, dans la semaine qui suit Noël, — la plus sombre de l’an
1102
année par les rues vides sous la pluie étrangère.
Une
porte basse s’ouvre sur un long corridor hanté d’ombres drapées, qui
1103
s la pluie étrangère. Une porte basse s’ouvre sur
un
long corridor hanté d’ombres drapées, qui ne sont pas des nonnes, bie
1104
corridor hanté d’ombres drapées, qui ne sont pas
des
nonnes, bien que les voûtes soient celles d’un ancien couvent. Nous p
1105
s des nonnes, bien que les voûtes soient celles d’
un
ancien couvent. Nous pénétrons dans une grande salle vivement éclairé
1106
t celles d’un ancien couvent. Nous pénétrons dans
une
grande salle vivement éclairée. Murs chaulés, et de nouveau de hautes
1107
ée. Murs chaulés, et de nouveau de hautes voûtes.
Une
banquette longe trois des parois, la quatrième est occupée en partie
1108
uveau de hautes voûtes. Une banquette longe trois
des
parois, la quatrième est occupée en partie par le comptoir (un écrite
1109
quatrième est occupée en partie par le comptoir (
un
écriteau porte simplement ce tarif : 5 pengö), en partie par un poêle
1110
rte simplement ce tarif : 5 pengö), en partie par
un
poêle immense, à plusieurs étages et marches. Deux ou trois tables av
1111
eurs étages et marches. Deux ou trois tables avec
des
verres et des bouteilles sont placées au hasard dans l’espace vide où
1112
marches. Deux ou trois tables avec des verres et
des
bouteilles sont placées au hasard dans l’espace vide où tourne la fum
1113
s au hasard dans l’espace vide où tourne la fumée
des
cigares. Assis sur la banquette, quelques bougres isolés produisent e
1114
terre, dans l’attente. Nous sommes assis autour d’
une
table et nous voyons, au milieu de la salle, un arbre de Noël aux amp
1115
’une table et nous voyons, au milieu de la salle,
un
arbre de Noël aux amples branches rayonnantes, dans une gloire de dor
1116
bre de Noël aux amples branches rayonnantes, dans
une
gloire de dorures, — et massées tout autour, frileuses dans leurs des
1117
dans leurs dessous roses, les filles qui chantent
une
chanson populaire et regardent tristement les lumières. Il y en a aus
1118
du poêle, celles-là ne chantant pas. Parmi elles,
des
Tziganes, dont l’une affreusement belle dans un peignoir noir et blan
1119
des Tziganes, dont l’une affreusement belle dans
un
peignoir noir et blanc… Je ne puis avaler mon verre de ce café trop a
1120
vie : car cela m’inciterait à chercher après coup
des
transitions, et c’est alors que l’on est tenté de mentir, si fort ten
1121
cède à coup sûr, en se persuadant que c’est pour
des
raisons techniques. (Est-ce que cela ne devrait pas, au contraire, ag
1122
, au contraire, aggraver le cas ?) Or l’intérêt d’
un
récit de voyage ne réside pas dans sa vérité générale, mais bien se r
1123
e comme ce qui ne ressemble à rien, gênante comme
un
cadeau de pauvre, comme un vrai cadeau. Si le conteur ment, — pendant
1124
à rien, gênante comme un cadeau de pauvre, comme
un
vrai cadeau. Si le conteur ment, — pendant qu’il y est, il ferait mie
1125
— pendant qu’il y est, il ferait mieux de choisir
un
autre pays que la Hongrie archi-connue, — le lecteur le sent vite, et
1126
eau mensonge atteint à peine le degré d’intérêt d’
une
vérité banale, et seulement à condition de lui ressembler, ne fût-ce
1127
t-ce que de loin, — c’est alors ce qu’on appelait
un
paradoxe, du temps des petites manières. Cependant, la réalité d’un p
1128
est alors ce qu’on appelait un paradoxe, du temps
des
petites manières. Cependant, la réalité d’un pays apparaissant en gén
1129
mps des petites manières. Cependant, la réalité d’
un
pays apparaissant en général au voyageur de ma sorte sous ses modalit
1130
ue, à peine compréhensible, car on ne choisit pas
un
sujet : on est sujet. Et tout ceci n’est rien que le voyage du Sujet
1131
; en grand et gratuit, sacrifice.) … feuilletons
un
peu ma Hongrie. 7. Les magnats en taxis La place Saint-Georges,
1132
s en taxis La place Saint-Georges, à Bude, est
une
place vraiment royale. Vide, elle prend toute sa hauteur. Silencieuse
1133
e de nudité, entre le Palais du Régent et celui d’
un
des archiducs, quel décor à rêver le cortège d’un sacre ! J’y ai vu d
1134
e nudité, entre le Palais du Régent et celui d’un
des
archiducs, quel décor à rêver le cortège d’un sacre ! J’y ai vu défil
1135
un des archiducs, quel décor à rêver le cortège d’
un
sacre ! J’y ai vu défiler la Chambre des Magnats, le jour de l’électi
1136
cortège d’un sacre ! J’y ai vu défiler la Chambre
des
Magnats, le jour de l’élection d’un des quatre gardiens de la Couronn
1137
r la Chambre des Magnats, le jour de l’élection d’
un
des quatre gardiens de la Couronne de saint Étienne. Auprès du porche
1138
a Chambre des Magnats, le jour de l’élection d’un
des
quatre gardiens de la Couronne de saint Étienne. Auprès du porche du
1139
uprès du porche du Palais, ils n’étaient guère qu’
une
centaine de curieux, et quelques gardes. Traversant dans sa longueur
1140
passèrent lentement, l’une après l’autre, durant
une
demi-heure, saluées à l’entrée du Palais par les gardes présentant le
1141
s bourgeois en redingote ne répondent que du bout
des
doigts, crainte, sans doute, de troubler l’équilibre toujours instabl
1142
doute, de troubler l’équilibre toujours instable
des
huit reflets de leur dignité. Mais je n’oublierai pas le sourire de c
1143
e n’oublierai pas le sourire de ce vieux prince :
un
vrai sourire, adressé personnellement à l’homme, — et le mot « affabl
1144
du radiateur — les voici, pères et fils, revêtus
des
couleurs familiales. Ils se tiennent très droits, appuyés sur leurs s
1145
es entre leurs doigts gantés étincellent. Parfois
un
collier de la Toison d’Or, sur la fourrure du dolman rouge ou jaune,
1146
tit mouton. Aiguillettes, brandebourgs, aigrettes
des
bonnets à poils, richesse lourde, significative, séculaire. Mais, ô p
1147
absurdité de notre époque, beaucoup ont dû louer
des
taxis démodés, au tarif inférieur. Des chauffeurs vautrés, la casquet
1148
t dû louer des taxis démodés, au tarif inférieur.
Des
chauffeurs vautrés, la casquette de travers sur leurs idées sociales,
1149
ici venir à pied de son palais proche, tout seul,
un
archiduc. On salue profondément, en silence (cliquetis des rangées de
1150
duc. On salue profondément, en silence (cliquetis
des
rangées de décorations sur l’uniforme kaki, et du sabre balancé). Une
1151
ations sur l’uniforme kaki, et du sabre balancé).
Une
auto encore, en retard le président du Conseil, maigre, jaune et rigi
1152
s intérêts. Mais, en Hongrie, le nationalisme est
une
passion toute nue, qui exprime l’être profond de la race. On ne discu
1153
ne réfute pas cette haine. Ici, la sympathie est
un
devoir de politesse. Comment la mesurer sans mauvaise grâce à qui vou
1154
surer sans mauvaise grâce à qui vous a reçu comme
un
cadeau de Dieu. (« C’est Dieu qui vous envoie », dit la formule tradi
1155
he rend démonstratif, dont on vide trois verres d’
un
trait en guise de salut. C’est alors que se déplient les cartes de «
1156
e les nombres ont tort au regard de l’antiquité d’
une
civilisation ; qu’il s’agit ici de valeurs ; que si les populations d
1157
il s’agit ici de valeurs ; que si les populations
des
régions perdues étaient parfois en majorité roumaines ou slovaques, l
1158
elle était seule active et créatrice. Le reste :
des
porteurs d’eau… Dans l’inextricable confusion d’injustices à quoi dev
1159
ça les frontières actuelles, dans ce renversement
des
rôles, l’oppresseur devenant l’opprimé sans y perdre le sentiment de
1160
on comprend que le Hongrois n’ait point conservé
une
extrême sensibilité aux arguments de « droit » qui autorisèrent ce ch
1161
rnelle de la Hongrie — intemporelle, n’ayant cure
des
statistiques — et sa douleur aussi, douleur d’orgueil blessé, mais qu
1162
sur autrui, mais de ce que l’on est ; non point d’
un
parvenu, mais d’un aristocrate. Tous dangers égaux d’ailleurs, préfér
1163
ce que l’on est ; non point d’un parvenu, mais d’
un
aristocrate. Tous dangers égaux d’ailleurs, préférons cet impérialism
1164
impérialisme de l’âme à celui de la surproduction
des
machines et des enfants. C’est parce que les Hongrois n’ont pas perdu
1165
l’âme à celui de la surproduction des machines et
des
enfants. C’est parce que les Hongrois n’ont pas perdu le sentiment qu
1166
mon cor. Macrocosme et microcosme : la politique
des
peuples ressemble à celle des individus, pour ce qui est du moins, de
1167
osme : la politique des peuples ressemble à celle
des
individus, pour ce qui est du moins, de mentir à soi-même. Mais les H
1168
ntisme. Quelle revanche prendrait la Hongrie, sur
une
Carte du Tendre d’après le traité de Trianon ! Ces choses, je les ai
1169
ité de Trianon ! Ces choses, je les ai rêvées sur
un
divan, à cause d’un coussin où s’étalait le sourire optimiste de Lord
1170
choses, je les ai rêvées sur un divan, à cause d’
un
coussin où s’étalait le sourire optimiste de Lord Rothermere, en soie
1171
ce peuple turbulent et déchu, suffirent à faire d’
un
affairiste anglais l’idole du nationalisme magyar. Son portrait affic
1172
ns les halls universitaires, brodé aux devantures
des
magasins de mode, et son nom en lettres géantes sur une montagne chau
1173
gasins de mode, et son nom en lettres géantes sur
une
montagne chauve, voisine de Budapest, témoignent des espérances démes
1174
montagne chauve, voisine de Budapest, témoignent
des
espérances démesurées qu’il sut entretenir autour d’une action certes
1175
pérances démesurées qu’il sut entretenir autour d’
une
action certes méritoire, mais plus symbolique qu’efficace. Et sans le
1176
la passion ? — C’est celui de la Hongrie14. 9.
Une
lettre de Matthias Corvin « Matthias, par la grâce de Dieu roi de
1177
a peu de poètes par le monde. C’est dans l’ordre
des
choses, et l’on sait qu’il suffit de très peu de sel pour rendre mang
1178
udrait essayer d’obtenir : que la grande majorité
des
gens ne deviennent pas enragés dès qu’ils perçoivent de la poésie dan
1179
teur, d’ailleurs israélite. Il y a, bien entendu,
une
littérature officielle destinée à remplir les revues bien pensantes.
1180
tes. Elle traite de sujets « bien hongrois » dans
un
style académique qui me paraît être le contraire du style hongrois. I
1181
être le contraire du style hongrois. Il y a aussi
une
extrême gauche, et sa revue Documentum (une sorte d’Esprit nouveau tr
1182
aussi une extrême gauche, et sa revue Documentum (
une
sorte d’Esprit nouveau troublé de surréalisme), groupée autour de Lou
1183
nt Michel Babits est aujourd’hui le chef de file.
Des
amis m’emmènent le voir à Esztergóm, où il passe ses étés. Esztergóm
1184
Primat. Au-dessus du palais de l’archevêché, sur
une
colline que le Danube contourne, la basilique élève une coupole d’ocr
1185
lline que le Danube contourne, la basilique élève
une
coupole d’ocre éclatante, immense et froide, dominant cette plaine on
1186
plaine onduleuse dont les vagues se perdent dans
une
poussière violacée à l’horizon — chez les Tchèques déjà… Nous allons
1187
res, et nous montons vers la maison du poète, sur
un
coteau. Trois chambres boisées entourées d’une large galerie d’où l’o
1188
sur un coteau. Trois chambres boisées entourées d’
une
large galerie d’où l’on voit le Danube gris-jaune, brillant, sans rid
1189
lique sur son rocher. Fraîches, sentant bon, avec
des
livres sur des divans aux riches couleurs, des boissons préparées, l’
1190
ocher. Fraîches, sentant bon, avec des livres sur
des
divans aux riches couleurs, des boissons préparées, l’ombre bourdonna
1191
ec des livres sur des divans aux riches couleurs,
des
boissons préparées, l’ombre bourdonnante, — trois petites chambres et
1192
l’ombre bourdonnante, — trois petites chambres et
un
pan de toit par-dessus, une baraque à peine visible dans les vignes,
1193
is petites chambres et un pan de toit par-dessus,
une
baraque à peine visible dans les vignes, à peine détachée du flanc de
1194
ortent pas. L’après-midi est immense. Nous buvons
des
vins dorés et doux que nous verse Ilonka Babits (elle est aussi poète
1195
s noms au charbon sur le mur chaulé, Gachot prend
des
photos, Gyergyai fouille la plaine à la longue-vue et rêve qu’il y es
1196
e grimpe au cerisier sauvage, derrière la maison,
un
peintre tout en blanc arrive par les vignes, ah ! qu’il fait beau tem
1197
les couleurs, le poète sourit en lui-même, il y a
une
enfance dans l’air… 12. Rappelons que notre société est fondée sur
1198
ut ajouter aux autres causes de l’incompréhension
des
journalistes la ruse hongroise qu’ils ne peuvent pas déjouer, car le
1199
, car le Hongrois est ingénument rusé, à la façon
des
passionnés, non point à celle des arrivistes. 14. Parce que j’« exal
1200
usé, à la façon des passionnés, non point à celle
des
arrivistes. 14. Parce que j’« exalte les valeurs de passion » — pour
1201
tes qui veulent assurer la paix par la mutilation
des
passions sont disciples d’Origène. Il doit y avoir d’autres solutions
1202
ing et de Hegel, le précurseur de Nietzsche, l’un
des
plus admirables et des plus mystérieux génies poétiques de notre ère.
1203
curseur de Nietzsche, l’un des plus admirables et
des
plus mystérieux génies poétiques de notre ère. On doit beaucoup de re
1204
ces mythes tels qu’il n’est peut-être pas donné à
une
race d’en créer plus d’un, c’est-à-dire de s’en libérer. Ainsi la Fra
1205
peut-être pas donné à une race d’en créer plus d’
un
, c’est-à-dire de s’en libérer. Ainsi la France conçut l’homme rationn
1206
e mêler, dans la troisième version de ce drame, à
des
symboles nettement messianiques… Ce par quoi Hölderlin diffère le plu
1207
… Ce par quoi Hölderlin diffère le plus peut-être
des
poètes français, c’est que son lyrisme est l’expression d’une philoso
1208
rançais, c’est que son lyrisme est l’expression d’
une
philosophie à l’état naissant ; il est la vibration même d’une pensée
1209
ie à l’état naissant ; il est la vibration même d’
une
pensée en travail de mythes, sur lesquels, bientôt après, s’exercera
1210
ie, qu’il pressent. Et M. Babelon cite à ce sujet
des
phrases très frappantes : « L’un garde encore la connaissance au sein
1211
s : « L’un garde encore la connaissance au sein d’
une
flamme plus grande, l’autre seulement d’une plus faible… Le grand poè
1212
ein d’une flamme plus grande, l’autre seulement d’
une
plus faible… Le grand poète n’est jamais abandonné par lui-même ; il
1213
igure l’antithèse de Hölderlin : l’« économie » d’
un
Goethe, bien superficiellement qualifiée de bourgeoise, est en réalit
1214
qu’il le veut ». Mais Hölderlin est sans doute d’
une
constitution trop faible pour pouvoir longtemps maîtriser l’inspirati
1215
l va brusquement succomber. Buisson ardent auquel
un
souffle tempétueux arrache cette flamme trop grande pour son support.
1216
cette flamme trop grande pour son support. Reste
une
cendre où longtemps encore palpiteront de pâles lueurs réminiscentes.
1217
le de ses Noces. Jouve est le plus « germanique »
des
poètes français d’aujourd’hui ; ce sont les harmoniques éveillées en
1218
nciter à l’acte recréateur qu’est la traduction d’
un
poète par un autre poète. Les quatrains sont ici précédés de Fragment
1219
te recréateur qu’est la traduction d’un poète par
un
autre poète. Les quatrains sont ici précédés de Fragments dont je me
1220
de vers à peine ébauchés, — quelques mots isolés,
des
bribes de phrases… Or, si comme je le crois et voudrais l’établir plu
1221
is et voudrais l’établir plus longuement, le sens
des
poèmes de la maturité de Hölderlin est à chercher dans leur rythme se
1222
leur rythme seulement, — si ces mots séparés par
des
suites de points ne lui servaient qu’à noter des mètres, il apparaît
1223
des suites de points ne lui servaient qu’à noter
des
mètres, il apparaît que la traduction de tels fragments est illusoire
1224
on ne peut songer à remplacer ces mots-notes par
des
syllabes de valeur rythmique équivalente. Quoi qu’il en soit, et tels
1225
uysen et Jouve ont choisis et traduits à la suite
des
poèmes, ils ne sont pas ce que ce petit livre contient de moins boule
1226
eveux, glacer le masque et appuyer au front comme
une
caresse indéfinie de la puissance. Soir de voyage, tout enfiévré d’or
1227
nce à s’affirmer en détails précis, se masse dans
une
confusion de violet sombre, et par la seule ligne dure de l’horizon s
1228
peu d’or rose s’évanouit… Le train serpente dans
un
de ces paysages de nulle part qui sont les plus émouvants, entre des
1229
de nulle part qui sont les plus émouvants, entre
des
collines basses grattées par les vents, aux arbres rares, mais aux re
1230
qu’à cette heure on sent bien que poursuivre est
une
sorte d’enivrant péché. — Nous aurions une maison dans ce désert aux
1231
re est une sorte d’enivrant péché. — Nous aurions
une
maison dans ce désert aux formes tendres et déjà familières, et le pa
1232
formes tendres et déjà familières, et le passage
des
trains chaque soir nous redirait un adieu bref, — chaque soir plus in
1233
t le passage des trains chaque soir nous redirait
un
adieu bref, — chaque soir plus infime, à cause de l’éloignement en no
1234
ause de l’éloignement en nous-mêmes. À l’entrée d’
un
tunnel tu vois que la veilleuse brûle toujours — et moi, parmi les re
1235
e leur en parlais… Il leur suffirait de l’image d’
un
bibelot d’une sorte bizarre. Alors que c’est plutôt un certain arrang
1236
lais… Il leur suffirait de l’image d’un bibelot d’
une
sorte bizarre. Alors que c’est plutôt un certain arrangement des chos
1237
belot d’une sorte bizarre. Alors que c’est plutôt
un
certain arrangement des choses qui rende un certain son spirituel… Un
1238
re. Alors que c’est plutôt un certain arrangement
des
choses qui rende un certain son spirituel… Un objet de musique et de
1239
lutôt un certain arrangement des choses qui rende
un
certain son spirituel… Un objet de musique et de couleurs, mais aussi
1240
nt des choses qui rende un certain son spirituel…
Un
objet de musique et de couleurs, mais aussi une forme symbolique de t
1241
l… Un objet de musique et de couleurs, mais aussi
une
forme symbolique de tout… Enfin, tellement inconnu et tellement fasci
1242
s. — Le train s’attarde dans sa fumée, on respire
une
lourde obscurité qui sent l’enfer. Je ne pense plus qu’ « au souffle
1243
ffle »… Mais alors tout s’allume et voici la nuit
des
faubourgs de Pest, au-dessous de nous. 12. Un bal, ou de l’ivresse
1244
des faubourgs de Pest, au-dessous de nous. 12.
Un
bal, ou de l’ivresse considérée comme un des beaux-arts Ils n’ont
1245
. 12. Un bal, ou de l’ivresse considérée comme
un
des beaux-arts Ils n’ont plus de noms, ils ne sont qu’une ivresse
1246
12. Un bal, ou de l’ivresse considérée comme un
des
beaux-arts Ils n’ont plus de noms, ils ne sont qu’une ivresse aux
1247
ux-arts Ils n’ont plus de noms, ils ne sont qu’
une
ivresse aux cent visages, lorsque j’entre dans l’atelier du peintre.
1248
t lent ou fixe ou pas-à-pas. Tout s’épanouit dans
un
monde rythmé, fusant, tournoyant, sans frontières. Eux : leurs petite
1249
nt laids — sauf les demi-juifs — mais laids comme
des
paysans, beaux hommes aux traits lourds. Dans l’ivresse, leurs yeux s
1250
ue. Je les vois frapper le sol du talon en levant
un
bras, la main à la nuque ; frapper le sol de l’autre talon en changea
1251
r les épaules du cavalier) et la faire pirouetter
un
quart de tour à droite, un quart de tour à gauche ; pirouetter seuls
1252
et la faire pirouetter un quart de tour à droite,
un
quart de tour à gauche ; pirouetter seuls sur place ; de nouveau frap
1253
etter seuls sur place ; de nouveau frapper le sol
des
talons, alternativement ; saisir la danseuse, tourbillonner, pousser
1254
ds cris ; tourbillonner en sens inverse ; frapper
des
talons toujours plus vite, mains à la nuque, mains à la hanche, mains
1255
; partir en martelant le parquet jusqu’à produire
un
roulement continu, marteler encore plus vite en tourbillonnant, choir
1256
ore plus vite en tourbillonnant, choir enfin dans
une
vaste culbute sur les divans où l’ivresse les lâche, affalés, tandis
1257
les bras en riant pour qu’on les relève. Elles :
des
Vénitiennes aux yeux de plaine, comme les autres ont des yeux de mer.
1258
itiennes aux yeux de plaine, comme les autres ont
des
yeux de mer. Des grâces d’amazones avec un coup de talon qui les seco
1259
de plaine, comme les autres ont des yeux de mer.
Des
grâces d’amazones avec un coup de talon qui les secoue jusqu’à la che
1260
s ont des yeux de mer. Des grâces d’amazones avec
un
coup de talon qui les secoue jusqu’à la chevelure. Graves entre leurs
1261
de rire tournoyants mais non pas désordonnés, et
des
gestes tendres des bras en balançant vivement la tête. Quand elles pa
1262
s mais non pas désordonnés, et des gestes tendres
des
bras en balançant vivement la tête. Quand elles parlent, la voix un p
1263
nt vivement la tête. Quand elles parlent, la voix
un
peu rauque, voluptueuse ; quand elles chantent, les moires et l’ondul
1264
quand elles chantent, les moires et l’ondulation
des
rubans de vents chauds sur la plaine, avec des éloignements et des re
1265
on des rubans de vents chauds sur la plaine, avec
des
éloignements et des retours, des enroulements et déroulements rapides
1266
ts chauds sur la plaine, avec des éloignements et
des
retours, des enroulements et déroulements rapides, des vibrations ten
1267
la plaine, avec des éloignements et des retours,
des
enroulements et déroulements rapides, des vibrations tendues, horizon
1268
etours, des enroulements et déroulements rapides,
des
vibrations tendues, horizontales, soutenues par un long souffle vif.
1269
s vibrations tendues, horizontales, soutenues par
un
long souffle vif. J’observe que les paroles autant que les gestes son
1270
les gestes sont gouvernées par la seule logique d’
un
rythme constamment imprévu. Il s’agit moins de comprendre que de s’ab
1271
s’agit moins de comprendre que de s’abandonner d’
une
certaine manière. En France, chacun parle pour son compte, paraphe so
1272
épigramme, jette son petit caillou. Ici, le sens
des
mots et des choses est celui d’un courant musical qui domine l’ensemb
1273
jette son petit caillou. Ici, le sens des mots et
des
choses est celui d’un courant musical qui domine l’ensemble et le com
1274
. Ici, le sens des mots et des choses est celui d’
un
courant musical qui domine l’ensemble et le compose selon les lois d’
1275
domine l’ensemble et le compose selon les lois d’
une
plastique exubérante. Quand je dis que j’observe, je n’observe rien.
1276
d je dis que j’observe, je n’observe rien. Il y a
des
femmes si belles qu’on en ferme les yeux. Quel style dans la liberté
1277
! Il n’y a plus qu’ici qu’on aime l’ivresse comme
un
art. Et qu’on soigne sa mise en scène, qu’on sauvegarde sa qualité. A
1278
e ça n’est pas distingué, et en effet, que serait
un
lyrisme distingué ? Il faut choisir entre les bonnes manières et les
1279
sse15 seulement qui permet à l’esprit de passer d’
une
forme dans d’autres, — et c’est même en ce passage qu’elle consiste —
1280
raper ces apparences adorables… Si je « lâchais »
un
instant, toutes choses disparaîtraient… Le vertige (la peur et l’amou
1281
nson hongroise ne rappelle la nostalgie traînante
des
lieder de l’Oberland : ici la mélancolie même est passionnée. Elles c
1282
c les bras, comme on chante du Verdi, — elles ont
des
mouvements vifs du buste, et des mains pleines de drôleries ou de sup
1283
rdi, — elles ont des mouvements vifs du buste, et
des
mains pleines de drôleries ou de supplication. Je ne sais ce que dise
1284
on. Je ne sais ce que disent les paroles. Je vois
des
chevauchées sous le soleil, des campements nocturnes où le souvenir d
1285
paroles. Je vois des chevauchées sous le soleil,
des
campements nocturnes où le souvenir des pays désertés enfièvre encore
1286
e soleil, des campements nocturnes où le souvenir
des
pays désertés enfièvre encore un désir de perdition illimitée… Les Ho
1287
où le souvenir des pays désertés enfièvre encore
un
désir de perdition illimitée… Les Hongrois se sont arrêtés dans cette
1288
e plaine. Mais c’est le soir au camp, perpétuel.
Une
lassitude de steppe brûlante, des ondulations longues… Mais un cheval
1289
mp, perpétuel. Une lassitude de steppe brûlante,
des
ondulations longues… Mais un cheval se cabre ; et c’est la danse qui
1290
de steppe brûlante, des ondulations longues… Mais
un
cheval se cabre ; et c’est la danse qui se lève, et des tambours et d
1291
eval se cabre ; et c’est la danse qui se lève, et
des
tambours et des cris modulés, et toute la frénésie d’un grand souffle
1292
et c’est la danse qui se lève, et des tambours et
des
cris modulés, et toute la frénésie d’un grand souffle qui se serait m
1293
bours et des cris modulés, et toute la frénésie d’
un
grand souffle qui se serait mis à tourbillonner sur place. 14. L’a
1294
ar goût d’en bien parler. Les Suisses aiment avec
une
bonne ou une mauvaise conscience. À Vienne on voit des couples qui sa
1295
bien parler. Les Suisses aiment avec une bonne ou
une
mauvaise conscience. À Vienne on voit des couples qui savent être à l
1296
onne ou une mauvaise conscience. À Vienne on voit
des
couples qui savent être à la fois cocasses et fades. En Italie… Mais
1297
En Italie… Mais l’amour hongrois t’emportera dans
une
inénarrable confusion de sentimentalisme et de passion, et c’est là s
1298
ir de la gare de Budapest, devient avec la plaine
une
Symphonie-Dichtung borodinesque, mais l’erreur n’est imputable qu’à m
1299
hongroise n’est pas monotone, parce qu’elle est d’
un
seul tenant. Rien qui fasse répétition. C’est ici le premier pays que
1300
e ne me compose pas de morceaux choisis16. Il y a
une
grande ville, un grand lac, une plaine et une seule vigne de véritabl
1301
s de morceaux choisis16. Il y a une grande ville,
un
grand lac, une plaine et une seule vigne de véritable Tokay. Et point
1302
choisis16. Il y a une grande ville, un grand lac,
une
plaine et une seule vigne de véritable Tokay. Et point de ces endroit
1303
y a une grande ville, un grand lac, une plaine et
une
seule vigne de véritable Tokay. Et point de ces endroits déprimants,
1304
grouillante de questions sociales. La Puszta est
une
terre vierge, je veux dire que la bourgeoisie ne s’y est pas encore r
1305
is en Hongrie. Il y a de petits nobles déclassés,
des
juifs, des paysans, des communistes, de grands nobles, et des Tzigane
1306
ie. Il y a de petits nobles déclassés, des juifs,
des
paysans, des communistes, de grands nobles, et des Tziganes. D’ailleu
1307
petits nobles déclassés, des juifs, des paysans,
des
communistes, de grands nobles, et des Tziganes. D’ailleurs, le bourge
1308
es paysans, des communistes, de grands nobles, et
des
Tziganes. D’ailleurs, le bourgeois supporterait difficilement l’ample
1309
ennent de leurs mères ». Combien j’aime ces sœurs
des
Tziganes ! Les Tziganes vinrent en Europe conduits par le noir Duc d’
1310
ien : cigognes. D’ailleurs ces Égyptiens venaient
des
Indes, qui nous apportèrent le tarot et la roulotte, dont descendent
1311
t descendent le bridge et la bohème, c’est-à-dire
un
symbole de la servitude et un symbole de la liberté. Si la Hongrie to
1312
ohème, c’est-à-dire un symbole de la servitude et
un
symbole de la liberté. Si la Hongrie tout de même a quelque chose de
1313
tout de même a quelque chose de « moderne », dans
un
sens vaste et mystique, elle le doit au charme égyptien du peuple err
1314
es parlent, et certains sages : nous entrons dans
une
ère égyptienne. Mais que dire des pouvoirs de la plaine qui s’agrandi
1315
us entrons dans une ère égyptienne. Mais que dire
des
pouvoirs de la plaine qui s’agrandit pendant des heures ? — Ce qu’en
1316
des pouvoirs de la plaine qui s’agrandit pendant
des
heures ? — Ce qu’en raconte la musique — tu vas l’entendre à toutes l
1317
à toutes les terrasses de Debrecen. Debrecen est
une
sorte de ville indescriptible, à demi mêlée aux sables de la plaine d
1318
ues maisons jaunes immensément alignées, autour d’
une
place rectangulaire qui ressemble à un jardin public, flanquée d’un t
1319
autour d’une place rectangulaire qui ressemble à
un
jardin public, flanquée d’un temple blanc à deux clochers baroques, d
1320
aire qui ressemble à un jardin public, flanquée d’
un
temple blanc à deux clochers baroques, d’hôtels modernes, de statues,
1321
els modernes, de statues, de pylônes plantés dans
un
grand désordre de piétons et de chars à bœufs parmi les trams. Les ha
1322
nfance : or le rêve de l’enfant, c’est de devenir
une
grande personne. On me l’a dit, c’est vrai : cette ville historique e
1323
s et son quartier universitaire tout rajeuni dans
des
jardins luisants ne m’empêchera pas de m’y sentir au bout d’un monde,
1324
isants ne m’empêchera pas de m’y sentir au bout d’
un
monde, au bord extrême de l’Europe. Le hasard a voulu que j’y entende
1325
e de l’Europe. Le hasard a voulu que j’y entende,
un
soir, une présentation de musiques hongroises, turques et chinoises,
1326
rope. Le hasard a voulu que j’y entende, un soir,
une
présentation de musiques hongroises, turques et chinoises, commentées
1327
turques et chinoises, commentées et comparées par
un
folkloriste aux yeux ardents et au visage mongol. Il jouait des phras
1328
e aux yeux ardents et au visage mongol. Il jouait
des
phrases simples, tragiques, à peine modulées, qui donnent le vertige,
1329
e. En sortant du concert, j’ai erré aux terrasses
des
hôtels, dans le grandiose bavardage des Tziganes. Qu’est-ce qu’ils re
1330
terrasses des hôtels, dans le grandiose bavardage
des
Tziganes. Qu’est-ce qu’ils regardent en jouant ? Qu’est-ce qu’ils éco
1331
musique — car aussitôt donnée la phrase, voici qu’
une
autre vient d’ailleurs, entraînée par je ne sais quel vent sonore qui
1332
sonore qui l’étire et l’égare, et l’enroule et d’
un
coup la subtilise, ne laissant plus qu’un long silence soutenu, comme
1333
le et d’un coup la subtilise, ne laissant plus qu’
un
long silence soutenu, comme un appel à la rafale dont l’approche déjà
1334
e laissant plus qu’un long silence soutenu, comme
un
appel à la rafale dont l’approche déjà fait grésiller les notes basse
1335
maintenant ferme les yeux sous la vague toujours
un
peu plus haute que profonde ne fut l’attente, et lâche tout. C’est l’
1336
s, mais voici que le petit train en rumeur depuis
un
moment ne redescend plus : il gouverne avec une vertigineuse docilité
1337
is un moment ne redescend plus : il gouverne avec
une
vertigineuse docilité dans les voies d’un amour ineffable et se perd
1338
e avec une vertigineuse docilité dans les voies d’
un
amour ineffable et se perd avec lui vers le désert et ses mirages. On
1339
, — mais c’est toi, c’est toi qui l’as caché dans
une
roulotte sous des chiffons bariolés et des secrets qui feraient peur
1340
, c’est toi qui l’as caché dans une roulotte sous
des
chiffons bariolés et des secrets qui feraient peur aux femmes, cet ob
1341
é dans une roulotte sous des chiffons bariolés et
des
secrets qui feraient peur aux femmes, cet objet dont parfois, au comb
1342
parfois, au comble de la turbulence de tes jeux,
un
violon décrit vite quelque chose, d’une ligne nette, insaisissable, d
1343
tes jeux, un violon décrit vite quelque chose, d’
une
ligne nette, insaisissable, déjà perdue (comme le rêve pendant que ba
1344
l’excès du sommeil) — et me voici plus seul, avec
une
nostalgie qui ne veut pas de la romance à mon oreille d’un violoneux
1345
gie qui ne veut pas de la romance à mon oreille d’
un
violoneux qui me croit triste. Ils l’ont amené du fond d’une Inde. Il
1346
ux qui me croit triste. Ils l’ont amené du fond d’
une
Inde. Ils l’ont égaré, comme ils égarent tout d’un monde où si peu va
1347
e Inde. Ils l’ont égaré, comme ils égarent tout d’
un
monde où si peu vaut qu’on le conserve, au long d’un chemin effacé pa
1348
monde où si peu vaut qu’on le conserve, au long d’
un
chemin effacé par le vent sur la plaine… Ils l’ont perdu comme un rêv
1349
par le vent sur la plaine… Ils l’ont perdu comme
un
rêve au matin s’élude, — et leur musique seule s’en souvient. Trésor
1350
n —, car voici qu’à son tour il s’égare au bras d’
une
erreur inconnue, ton fantôme éternel, ton « Désir désiré ». 16. Le
1351
ux jambes, l’imperceptible angoisse de rencontrer
une
onde trop légère. Mais pour connaître un lac, il faut d’abord s’y plo
1352
contrer une onde trop légère. Mais pour connaître
un
lac, il faut d’abord s’y plonger ; et ensuite, s’il vous a paru beau,
1353
ffaire de pur caprice, tandis que s’y baigner est
une
règle de savoir-vivre avec la Nature. Lac doré, horizon de collines p
1354
ilitaires, idylles de jardins publics à l’écart d’
un
concert du samedi soir, petits professeurs entourés de leur famille,
1355
Charles. Non, non, plutôt emmener ce désir, comme
un
tendre souvenir de voyage, et partir en croyant qu’ici la vie a parfo
1356
se que m’infligent les lieux faciles. Ô tristesse
des
crèmeries et des jardins ! C’est devant une glace panachée qu’il m’ar
1357
t les lieux faciles. Ô tristesse des crèmeries et
des
jardins ! C’est devant une glace panachée qu’il m’arrive de douter de
1358
tesse des crèmeries et des jardins ! C’est devant
une
glace panachée qu’il m’arrive de douter de la vie, comme d’autres aux
1359
x collines basses, d’apparence rocheuse — ce sont
des
restes de volcans — blanches sous la Lune et toutes lustrées de rêche
1360
hes végétations. J’ai traversé l’angoisse lunaire
des
villages vides aux portes aveugles (j’avais peur du bruit de mes pas)
1361
peur du bruit de mes pas). Au hasard, j’ai suivi
des
sentiers dans les champs de maïs, épiant la venue d’une joie inconnue
1362
ntiers dans les champs de maïs, épiant la venue d’
une
joie inconnue. Joie d’être n’importe où… évadé ? Mais soudain, c’est
1363
me réveillé dans l’absurdité d’être n’importe où.
Une
panique balaye la nuit déserte jusqu’à l’horizon. Où vas-tu, les main
1364
intenant, où tu n’es pas — et tant d’amour perdu…
Un
train dormait devant la gare campagnarde. Je me suis étendu dans un c
1365
evant la gare campagnarde. Je me suis étendu dans
un
compartiment obscur, stores baissés, à l’abri de la lune. Le contrôle
1366
, — alors que justement j’allais rattraper, comme
un
pan de la nuit fuyante, un songe où j’ai dû voir l’objet pour la prem
1367
llais rattraper, comme un pan de la nuit fuyante,
un
songe où j’ai dû voir l’objet pour la première fois — ou bien était-c
1368
l’objet pour la première fois — ou bien était-ce
un
être ? 17. Insomnie J’éteignais la lampe et la veilleuse me ren
1369
s la lampe et la veilleuse me rendait compagnon d’
une
momie bleuâtre, mais peut-on se reposer vraiment à cent à l’heure. Pa
1370
re. Par-dessous le store, je voyais la Lune faire
des
bonds courts sur la plaine inondée de nuit. J’essayais de penser par-
1371
iné de cette hurlante bousculade sur place qu’est
un
voyage en express. Mais je ne trouvais pas la pente de mon esprit, et
1372
ente de mon esprit, et tout en le parcourant avec
une
soif qui annonçait le désert, je traçais des plans d’œuvres sablonneu
1373
avec une soif qui annonçait le désert, je traçais
des
plans d’œuvres sablonneuses. Je composais un traité des voyages : les
1374
ais des plans d’œuvres sablonneuses. Je composais
un
traité des voyages : les titres en étaient de Sénèque ou de Swift, et
1375
ans d’œuvres sablonneuses. Je composais un traité
des
voyages : les titres en étaient de Sénèque ou de Swift, et je voyais
1376
he. Notre liberté de penser est absurde au regard
des
contraintes que subissent nos gestes. Imaginer ce qui se produirait,
1377
quelque Décret l’on élevait la Morale du domaine
des
actions à celui de la pensée, de l’Apparence à l’Essence. D’un coup,
1378
celui de la pensée, de l’Apparence à l’Essence. D’
un
coup, tous les refoulés qui explosent, le chômage dans la gendarmerie
1379
les fakirs débordés. L’hypocrisie s’en tire avec
une
volte-face.) Quelle heure est-il ? La Lune se tient assez bien depuis
1380
heure est-il ? La Lune se tient assez bien depuis
un
moment, c’est que la ligne est droite. Je ne sais plus dans quel sens
1381
’endors, et que, vers le soir, tu t’éveilles dans
une
lueur jaune, ne sachant plus en quel endroit du temps tu vis, — c’en
1382
serait-ce brouiller les horaires ? Le voyage est
un
état d’âme et non pas une question de transport. Un vrai voyage, on n
1383
horaires ? Le voyage est un état d’âme et non pas
une
question de transport. Un vrai voyage, on ne sait jamais où cela mène
1384
état d’âme et non pas une question de transport.
Un
vrai voyage, on ne sait jamais où cela mène, c’est une aventure qui r
1385
rai voyage, on ne sait jamais où cela mène, c’est
une
aventure qui relève de la métaphysique plus que de la psychologie. —
1386
de la métaphysique plus que de la psychologie. —
Une
vaste licence poétique… (Voici bien la fatigue avec son jeu des défin
1387
nce poétique… (Voici bien la fatigue avec son jeu
des
définitions)… pas de but. — C’est vous qui le dites ! — Vous, naturel
1388
ous qui le dites ! — Vous, naturellement… (Encore
un
qui se réveille dans ma tête.) — On ne voyage jamais que dans son pro
1389
— Mais en voyage on la regarde mieux. — La vie… (
une
sorte de cauchemar de la pensée, qui ne peut plus s’arrêter de penser
1390
e sens de la vie ! Je sais seulement que ma vie a
un
but. M’approcher de mon être véritable. Seul au milieu des miens, j’o
1391
s sur mon apparence, je me découvre localisé dans
un
type humain. Immobile, j’étais presque infiniment variable, indétermi
1392
n intérieure. Et souvent je pressens qu’il existe
une
clef : délivré de moi, j’entrerais en plein Moi… Une clef ? Plutôt «
1393
clef : délivré de moi, j’entrerais en plein Moi…
Une
clef ? Plutôt « cela » qui me permettrait de combler l’écart entre mo
1394
Moi qui est la seule réalité absolument tragique…
Une
chose ? Un être ? L’Objet ? — Est-ce que je dors dans mes pensées ? L
1395
la seule réalité absolument tragique… Une chose ?
Un
être ? L’Objet ? — Est-ce que je dors dans mes pensées ? La veilleuse
1396
dans mes pensées ? La veilleuse fleurit soudain d’
un
éclat bleu douloureux, le train ralentit. Hegyeshalom, petite gare fr
1397
tée au milieu de la plaine à l’heure A, — l’heure
des
arrivées et des adieux… Il y a dans tous les réveils une détresse et
1398
la plaine à l’heure A, — l’heure des arrivées et
des
adieux… Il y a dans tous les réveils une détresse et une délivrance é
1399
ivées et des adieux… Il y a dans tous les réveils
une
détresse et une délivrance étrangement mêlées. 18. Les clefs perdu
1400
eux… Il y a dans tous les réveils une détresse et
une
délivrance étrangement mêlées. 18. Les clefs perdues Il faudrai
1401
à l’air frais, mais chaque porte est obstruée par
un
douanier, tant qu’à la fin on me refoule dans mon compartiment. Est-c
1402
n me refoule dans mon compartiment. Est-ce encore
un
rêve ? Je comprends bien qu’il faudrait ouvrir ces valises, mais j’ai
1403
j’ai perdu mes clefs. L’œil du douanier conseille
des
aveux complets. J’ai le feu à la tête, mais je suis innocent puisque
1404
rop certain. Cependant, « rien à déclarer » après
des
semaines de voyage ? Cela va paraître improbable. On a dû voir sur mo
1405
ans mes onze poches. Seulement ce papier timbré d’
un
ministère… mais déjà l’œil s’éteint, le corps se plie, fait demi-tour
1406
nom. Parfois je me suis demandé s’il n’était pas
une
sorte de pierre philosophale. Peut-être ces deux mots suffiraient-ils
1407
ant le change à celles de mes pensées qui exigent
des
apparences positives. Ainsi donc, j’ai cherché la Pierre des philosop
1408
ces positives. Ainsi donc, j’ai cherché la Pierre
des
philosophes. D’autres aussi, peut-être, la cherchent. Et qui sait si
1409
rand Œuvre ? Cela seul est certain : qu’il existe
des
signes. Peut-être faut-il d’abord les découvrir tous par soi-même. Et
1410
t ce qu’elle m’a donné ? Cette notion plus vive d’
un
univers où la présence de l’Objet deviendrait plus probable ? Ou bien
1411
u’au point de perfection, aimer et connaître sont
un
seul et même acte. Peut-être l’ai-je aimée d’un amour égoïste, comme
1412
t un seul et même acte. Peut-être l’ai-je aimée d’
un
amour égoïste, comme un être dont on a besoin et en qui l’on chérit s
1413
Peut-être l’ai-je aimée d’un amour égoïste, comme
un
être dont on a besoin et en qui l’on chérit surtout ce dont on manque
1414
mensonges du cœur qui traduisent, à tout prendre,
une
vérité particulière plus importante que cette vérité générale dont to
1415
nde se réclame et dont personne ne vit… Et certes
un
tel amour est un amour mineur. Mais qui saura jamais la vérité sur au
1416
dont personne ne vit… Et certes un tel amour est
un
amour mineur. Mais qui saura jamais la vérité sur aucun être ? Et s’i
1417
rains de sable noir, piqués de petits arbres et d’
un
désordre de maisons basses, les dernières de la ville de Debrecen, au
1418
suis sans doute perdu et pourtant je n’éprouve qu’
une
étrange sécurité. Présence, présence réelle… Comme j’ai peine à m’ima
1419
dité foncière qu’il m’arrive d’éprouver en face d’
une
action purement raisonnable. Ah ! quelle raison t’attirait donc ici,
1420
sinon l’espoir bien fou d’y retrouver l’émotion d’
un
miracle imminent… ou moins encore : l’image, née en rêve, d’une plain
1421
minent… ou moins encore : l’image, née en rêve, d’
une
plaine, d’un couchant plus grandiose au ciel et sur la terre plus sec
1422
ns encore : l’image, née en rêve, d’une plaine, d’
un
couchant plus grandiose au ciel et sur la terre plus secret que dans
1423
terre plus secret que dans ton pays. Tu attendais
une
révélation, non point de cet endroit, ni même par lui, — mais à cet e
1424
, en ce temps… Qui sait si tu ne l’as pas reçue ?
Une
qualité, une tendresse, quelque similitude… Oh ! bien peu ! Mais qu’e
1425
… Qui sait si tu ne l’as pas reçue ? Une qualité,
une
tendresse, quelque similitude… Oh ! bien peu ! Mais qu’est-ce que ce
1426
dans d’autres vies, pour approcher de tous côtés
un
But dont tu ne sais rien d’autre que sa fuite : n’est-il pas cet Obje
1427
ui est de soi-même, et conscient… C’est à cause d’
un
pari peut-être fou, et qui porte sur des sentiments indéfinis, à caus
1428
à cause d’un pari peut-être fou, et qui porte sur
des
sentiments indéfinis, à cause de ce pari dont tu n’as vu l’enjeu qu’u
1429
is, à cause de ce pari dont tu n’as vu l’enjeu qu’
un
seul instant — nos rêves sont instantanés — que tu es parti ; et main
1430
nant tu joues ce rôle, tu t’intéresses, tu serres
des
mains, — tu perds les clefs de tes valises… (Cela encore : m’arrêter
1431
alises… (Cela encore : m’arrêter à Vienne à cause
des
serrures… Peut-être y passer une nuit — rôder à la recherche de Gérar
1432
à Vienne à cause des serrures… Peut-être y passer
une
nuit — rôder à la recherche de Gérard par les rues noires aux palais
1433
t à la Lune — lit-on dans les upanishads. — Or si
un
homme n’est pas satisfait dans la lune, celle-ci le libère (le laisse
1434
le libère (le laisse aller chez Brahma) ; mais si
un
homme y est satisfait, la Lune le renvoie sur Terre en forme de pluie
1435
oie sur Terre en forme de pluie. » Si je trouvais
un
jour l’Objet, il ne me resterait qu’à le détruire. (Aussitôt je comme
1436
laît dans ce qu’il trouve. 15. Toute l’échelle
des
ivresses : ivresses de la faim, de l’alcool, de la foule, de la solit
1437
a se réfugier le dernier vestige de la sensualité
des
érudits. 17. La fameuse marche de Rakoczy est l’œuvre d’une Tzigane.
1438
. 17. La fameuse marche de Rakoczy est l’œuvre d’
une
Tzigane. 18. L’or n’était qu’un prétexte. Déjà une blague de passepo
1439
y est l’œuvre d’une Tzigane. 18. L’or n’était qu’
un
prétexte. Déjà une blague de passeport. bj. Rougemont Denis de, « V
1440
e Tzigane. 18. L’or n’était qu’un prétexte. Déjà
une
blague de passeport. bj. Rougemont Denis de, « Voyage en Hongrie II
1441
ent, tant par les sujets abordés que par le style
des
« approches », le livre le plus significatif de son tempérament criti
1442
’on doit admirer chez M. Du Bos. Et dans l’allure
des
phrases, le rythme même de sa pensée. Parfois certes, un peu gêné par
1443
ses, le rythme même de sa pensée. Parfois certes,
un
peu gêné par la lenteur de certains méandres, aimerait-on les sentir
1444
insistants, moins concertés. Mais n’est-ce pas là
un
défaut qui relève de la nature même d’un esprit « critique » dans l’e
1445
e pas là un défaut qui relève de la nature même d’
un
esprit « critique » dans l’exercice de sa probité ? Défaut combien pl
1446
sthal. Que Charles Du Bos mérite aujourd’hui l’un
des
premiers rangs dans la critique européenne, l’ampleur du champ qui lu
1447
ndiquer. Mais ce qui l’établit sans conteste dans
une
classe internationale — comme on dirait en style sportif — c’est l’ai
1448
sportif — c’est l’aisance avec laquelle il aborde
un
Pater, un George non pas autrement qu’il n’aborderait un génie frança
1449
c’est l’aisance avec laquelle il aborde un Pater,
un
George non pas autrement qu’il n’aborderait un génie français, et sur
1450
r, un George non pas autrement qu’il n’aborderait
un
génie français, et sur un pied véritablement européen. L’envergure en
1451
ment qu’il n’aborderait un génie français, et sur
un
pied véritablement européen. L’envergure en quelque sorte géographiqu
1452
péen. L’envergure en quelque sorte géographique d’
une
telle enquête suppose une Weltanschauung correspondante en profondeur
1453
ue sorte géographique d’une telle enquête suppose
une
Weltanschauung correspondante en profondeur. Il la possède. On peut d
1454
esthétique, la littérature ne constitue pas moins
un
cas privilégié. Et parce que M. Du Bos ne cesse de la soumettre à des
1455
Et parce que M. Du Bos ne cesse de la soumettre à
des
contrôles éthiques autant qu’esthétiques, il lui rend l’humilité et l
1456
nant de toutes parts son sujet, M. Du Bos choisit
des
bases d’approche parfois si éloignées, et progresse par des voies si
1457
d’approche parfois si éloignées, et progresse par
des
voies si subtiles qu’il ne doit qu’à un sens exceptionnel de l’orient
1458
esse par des voies si subtiles qu’il ne doit qu’à
un
sens exceptionnel de l’orientation dans le monde de l’esprit la sécur
1459
’esprit la sécurité de sa marche vers le centre d’
une
œuvre. La méthode de M. Du Bos est la plus propre à dégager l’élément
1460
est la plus propre à dégager l’élément spécifique
des
génies qu’elle « approche » : on pourrait l’appeler une critique des
1461
nies qu’elle « approche » : on pourrait l’appeler
une
critique des obstacles. Je veux dire par là que M. Du Bos parvient à
1462
« approche » : on pourrait l’appeler une critique
des
obstacles. Je veux dire par là que M. Du Bos parvient à recréer comme
1463
e. Le danger de cette méthode, c’est que, donnant
un
nom à chaque problème, l’« hypostasiant » en quelque mesure, elle ris
1464
que mesure, elle risque de nous laisser l’image d’
un
auteur plus conscient de ses propres difficultés que ne saurait l’êtr
1465
ifficultés que ne saurait l’être le créateur. Car
une
telle conscience appartient au critique avant tout, et c’est pourquoi
1466
teur, supposant le problème résolu (Racine), fait
une
œuvre d’art. Ou bien encore, l’artiste, usant de cette sorte de désin
1467
e de désinvolture qui lui est naturelle, confie à
des
figures le soin hasardeux de résoudre ses antinomies (Goethe) ; que s
1468
e) ; que si elles y échouent, il restera du moins
des
personnages ! Mais la grandeur d’un Du Bos, n’est-elle pas précisémen
1469
era du moins des personnages ! Mais la grandeur d’
un
Du Bos, n’est-elle pas précisément dans son refus de sacrifier jamais
1470
chez tant d’autres émoussé, et qu’il exerce avec
une
intelligence et une autorité aujourd’hui sans secondes : le sens de l
1471
émoussé, et qu’il exerce avec une intelligence et
une
autorité aujourd’hui sans secondes : le sens de la responsabilité de