1 1945, Carrefour, articles (1945–1947). L’Amérique de la vie quotidienne (19 octobre 1945)
1 L’Amérique de la vie quotidienne (19 octobre 1945)a Cinq ans déjà, et chaque mat
2 Cinq ans déjà, et chaque matin je m’étonne encore de me réveiller en Amérique. J’ai vécu en Suisse, en Autriche, en Italie
3 Europe. C’est ici l’Amérique, et je n’ai pas fini de m’en ébahir. Ce Nouveau Monde m’apparaît à chaque pas sinon neuf, du
4 araît à chaque pas sinon neuf, du moins différent de ce que mes réflexes attendaient. Des amis débarquant de France me dis
5 que mes réflexes attendaient. Des amis débarquant de France me disent : Alors, qu’en pensez-vous ? De l’Amérique ? Tout ce
6 de France me disent : Alors, qu’en pensez-vous ? De l’Amérique ? Tout ce que je vais vous dire, tout ce que l’on peut en
7 stes, et finalement interrogé sur ses impressions d’ architecte, répondit, m’assure-t-on : « Les maisons sont trop basses. 
8 iste et plus sans façon qu’en Europe : plus avide de nouveauté et plus respectueusement conservateur ; plus réaliste et pl
9 et plus gaspilleur ; plus puritain et plus libre de mœurs. L’Amérique ne se définit pas. Elle ne s’explique pas dans l’en
10 rique, c’est d’abord un sentiment. J’avais, avant d’ y venir, vu tant de films et lu tant de romans américains : ils donnai
11 naient, je le sais aujourd’hui, des images vraies de la vie d’ici, surtout dans leurs passages les moins frappants, les pl
12 t. Et quand j’y ai débarqué, je n’ai rien reconnu de ce qu’une douzaine d’ouvrages européens, tous fort exacts dans leurs
13 arqué, je n’ai rien reconnu de ce qu’une douzaine d’ ouvrages européens, tous fort exacts dans leurs informations, de Tocqu
14 opéens, tous fort exacts dans leurs informations, de Tocqueville à André Siegfried, m’en avaient appris à l’avance. C’étai
15 e-ciel et Broadway, les grandes plaines couvertes d’ usines, les villages aux maisons de bois blanc sur des pelouses bien p
16 ines couvertes d’usines, les villages aux maisons de bois blanc sur des pelouses bien peignées, le drapeau de la boîte aux
17 blanc sur des pelouses bien peignées, le drapeau de la boîte aux lettres… et c’était tout à fait autre chose — une autre
18 tinent dont je tiens pour possible et même facile de parler fort correctement sans y être jamais allé : la plupart des lie
19 les enthousiasmes à la Jules Romains ; mais rien de tout cela n’empêchera le voyageur, debout sur le pont du bateau qui r
20 e pont du bateau qui remonte lentement les passes de l’Hudson vers Manhattan, d’être saisi par l’émotion d’une nouveauté q
21 lentement les passes de l’Hudson vers Manhattan, d’ être saisi par l’émotion d’une nouveauté qui, dans mon cas, après cinq
22 Hudson vers Manhattan, d’être saisi par l’émotion d’ une nouveauté qui, dans mon cas, après cinq ans, reste nouvelle. Du se
23 uvelle. Du sentimentalisme à l’épopée, l’Amérique de la vie quotidienne, comme celle du mythe politique et planétaire, est
24 ure un peu ou pas du tout, agite la main, s’en va d’ un pas étrangement souple avec un sourire parfait, un pas où l’on pres
25 sourire gentiment courageux — vous allez croire à de l’insouciance — vers une party… « J’espère que tu t’amuses, que tu as
26 oe que j’aimais, je l’attends, je vais me séparer de Jim, et je suis sûre qu’il comprendra très bien… » Un mois plus tard.
27 s un autre rêve naissant, dans le rêve du bonheur d’ un autre… Tout est possible. Il y en a pour tout le monde. La jalousie
28 éricaine. Comment décrire ces légers déplacements d’ accent vers le sérieux ou vers l’humour cocasse qui créent dans l’ense
29 ensemble une allure, une atmosphère si différente de l’Europe ? Cela tient à des riens ; mais de ces riens multipliés dans
30 rente de l’Europe ? Cela tient à des riens ; mais de ces riens multipliés dans la vie quotidienne, naît une aisance généra
31 une aisance générale. L’Américain ne supporte pas d’ être gêné aux entournures, matériellement ou moralement. Dès l’enfance
32 ns ses relations, dans ses vêtements. Un peu plus d’ ampleur aux épaules, de larges plis sur le devant des costumes d’homme
33 ses vêtements. Un peu plus d’ampleur aux épaules, de larges plis sur le devant des costumes d’hommes : un peu plus de soup
34 paules, de larges plis sur le devant des costumes d’ hommes : un peu plus de souplesse aux chevilles des jeunes femmes ; un
35 sur le devant des costumes d’hommes : un peu plus de souplesse aux chevilles des jeunes femmes ; un peu plus de sourires s
36 sse aux chevilles des jeunes femmes ; un peu plus de sourires sans raison échangés avec les passants, les voisins d’autobu
37 ns raison échangés avec les passants, les voisins d’ autobus ou de train… Et je me sens moins jugé, moins jaugé, pour tout
38 angés avec les passants, les voisins d’autobus ou de train… Et je me sens moins jugé, moins jaugé, pour tout dire, moins v
39 qu’en Europe. Parce qu’ils sont moins conscients de leur vie et d’autrui, ils me tolèrent davantage. Ce n’est pas qu’ils
40 Parce qu’ils sont moins conscients de leur vie et d’ autrui, ils me tolèrent davantage. Ce n’est pas qu’ils m’ignorent ou l
41 ar ma conduite ou mon accent, ils n’ont pas l’air d’ en faire un cas, de se croire obligés de prendre position ou d’essayer
42 on accent, ils n’ont pas l’air d’en faire un cas, de se croire obligés de prendre position ou d’essayer de m’influencer pa
43 pas l’air d’en faire un cas, de se croire obligés de prendre position ou d’essayer de m’influencer par quelques remarques
44 cas, de se croire obligés de prendre position ou d’ essayer de m’influencer par quelques remarques ironiques pour m’accord
45 e croire obligés de prendre position ou d’essayer de m’influencer par quelques remarques ironiques pour m’accorder à leurs
46 e continent américain on en voit chaque jour tant d’ exemples. Tant d’espèces de gens, et de gens sans espèce ; tant de ra
47 ain on en voit chaque jour tant d’exemples. Tant d’ espèces de gens, et de gens sans espèce ; tant de races et de mélanges
48 voit chaque jour tant d’exemples. Tant d’espèces de gens, et de gens sans espèce ; tant de races et de mélanges de races 
49 jour tant d’exemples. Tant d’espèces de gens, et de gens sans espèce ; tant de races et de mélanges de races ; tant de fo
50 e gens, et de gens sans espèce ; tant de races et de mélanges de races ; tant de fous qui réussissent ou qui amusent ; et
51 e gens sans espèce ; tant de races et de mélanges de races ; tant de fous qui réussissent ou qui amusent ; et aussi tant d
52 us qui réussissent ou qui amusent ; et aussi tant d’ efforts gaspillés pour se faire remarquer, pour être différent, car ic
53 es, me racontaient leur vie sans le moindre souci de se faire bien ou mal juger, m’appelaient par mon prénom au bout de ci
54 prénom au bout de cinq minutes et sortaient tout d’ un coup avec un signe de la main, so long ! un bye bye ! négligent… Je
55 minutes et sortaient tout d’un coup avec un signe de la main, so long ! un bye bye ! négligent… Je m’étais à peine habitué
56 é, non sans plaisir, à cette suppression générale de nos cérémonies, précautions oratoires, méfiances paysannes ou réserve
57 aines, que je découvrais un aspect tout contraire de la coutume américaine : le formalisme, une passion du décor dès qu’il
58 formalisme, une passion du décor dès qu’il s’agit de manifestations publiques. Ceci compense cela, sans doute, par une méc
59 une mécanique inconsciente. On n’en finirait pas d’ énumérer les exemples courants et voyants de leur goût baroque des fêt
60 t pas d’énumérer les exemples courants et voyants de leur goût baroque des fêtes et de leur respect de la mise en scène so
61 ants et voyants de leur goût baroque des fêtes et de leur respect de la mise en scène solennelle. Je me borne à citer dans
62 de leur goût baroque des fêtes et de leur respect de la mise en scène solennelle. Je me borne à citer dans des domaines hé
63 processions, jusque dans les églises protestantes de la campagne ; les garçons d’ascenseur galonnés comme des généraux d’o
64 églises protestantes de la campagne ; les garçons d’ ascenseur galonnés comme des généraux d’opérette ; le culte méticuleux
65 s garçons d’ascenseur galonnés comme des généraux d’ opérette ; le culte méticuleux de la bannière étoilée inculqué chaque
66 mme des généraux d’opérette ; le culte méticuleux de la bannière étoilée inculqué chaque matin aux enfants des écoles ; la
67 la multiplication des jours fériés ; les cortèges de carnaval, avec fanfares, avant les grands matchs de football ; les cé
68 carnaval, avec fanfares, avant les grands matchs de football ; les cérémonies d’ouverture et de clôture des universités ;
69 nt les grands matchs de football ; les cérémonies d’ ouverture et de clôture des universités ; et « l’Inauguration » des pr
70 atchs de football ; les cérémonies d’ouverture et de clôture des universités ; et « l’Inauguration » des présidents… Qu’il
71 on » des présidents… Qu’il y ait là quelque chose de typiquement américain, j’en vois la preuve dans les formalités d’une
72 méricain, j’en vois la preuve dans les formalités d’ une nature pour le moins particulière qui précèdent obligatoirement l’
73 particulière qui précèdent obligatoirement l’acte de naturalisation. Je les crois sans exemple dans l’histoire, et sans éq
74 s jours plus tard en qualité formelle et déclarée de candidat à la citoyenneté. Cette opération, fort coûteuse si on habit
75 Cette opération, fort coûteuse si on habite loin d’ une frontière, n’a de toute évidence qu’une portée symbolique et ritue
76 t coûteuse si on habite loin d’une frontière, n’a de toute évidence qu’une portée symbolique et rituelle. Autrement, elle
77 a simplicité, comme on voudra, dans les relations de la vie privée. Giraudoux a écrit quelque part que l’Amérique n’est pa
78 n acte public qui s’accompagne tout naturellement d’ opérations conventionnelles et d’un cérémonial d’initiation, calculé d
79 ut naturellement d’opérations conventionnelles et d’ un cérémonial d’initiation, calculé de manière à inspirer le respect d
80 d’opérations conventionnelles et d’un cérémonial d’ initiation, calculé de manière à inspirer le respect de l’institution
81 tiation, calculé de manière à inspirer le respect de l’institution et de l’orgueil d’y appartenir. Mais aussitôt que vous
82 manière à inspirer le respect de l’institution et de l’orgueil d’y appartenir. Mais aussitôt que vous serez un membre régu
83 pirer le respect de l’institution et de l’orgueil d’ y appartenir. Mais aussitôt que vous serez un membre régulier, vous au
84 vous aurez tous les droits, on ne s’occupera plus de vous et vous vivrez à votre guise dans toute l’enceinte démesurée du
85 inte démesurée du club. ⁂ Je ne vous ai pas parlé d’ actualités brûlantes, dans cette préface à quelques articles sur l’Amé
86 crois aux signes plus qu’aux faits ; aux courants de sensibilité plus qu’aux chiffres et aux statistiques ; à ce qui prépa
87 r lentement les événements, plus qu’aux incidents de la semaine. Il me semble assez important, pour faire comprendre à des
88 e à des Français certaines démarches surprenantes de la diplomatie américaine, de parler tout d’abord et surtout de ce qu’
89 marches surprenantes de la diplomatie américaine, de parler tout d’abord et surtout de ce qu’on ne dit pas dans les dépêch
90 tie américaine, de parler tout d’abord et surtout de ce qu’on ne dit pas dans les dépêches, de ce qui n’est pas matière d’
91 surtout de ce qu’on ne dit pas dans les dépêches, de ce qui n’est pas matière d’enquête et de reportages, de ces nuances d
92 as dans les dépêches, de ce qui n’est pas matière d’ enquête et de reportages, de ces nuances de sentiments ou de coutumes
93 épêches, de ce qui n’est pas matière d’enquête et de reportages, de ces nuances de sentiments ou de coutumes qui qualifien
94 qui n’est pas matière d’enquête et de reportages, de ces nuances de sentiments ou de coutumes qui qualifient la vie et la
95 atière d’enquête et de reportages, de ces nuances de sentiments ou de coutumes qui qualifient la vie et la vision d’un peu
96 et de reportages, de ces nuances de sentiments ou de coutumes qui qualifient la vie et la vision d’un peuple, et qui par l
97 ou de coutumes qui qualifient la vie et la vision d’ un peuple, et qui par là vont peut-être expliquer l’histoire du siècle
98 iècle, notre histoire réelle. Car celle-ci dépend de deux peuples — l’autre est le russe — dont toutes les réactions intim
99 sse — dont toutes les réactions intimes et sautes d’ humeur vont affecter notre sort matériel, aussi directement que naguèr
100 atériel, aussi directement que naguère les crises d’ un certain névropathe. a. Rougemont Denis de, « L’Amérique de la vi
101 es d’un certain névropathe. a. Rougemont Denis de , « L’Amérique de la vie quotidienne », Carrefour, Paris, 19 octobre 1
102 évropathe. a. Rougemont Denis de, « L’Amérique de la vie quotidienne », Carrefour, Paris, 19 octobre 1945, p. 1 et 5.
2 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Le rêve américain (9 novembre 1945)
103 9 novembre 1945)b L’Amérique n’est pas un pays de rêve quand on y vit, mais c’est un pays de rêveurs. Je vais parfois l
104 n pays de rêve quand on y vit, mais c’est un pays de rêveurs. Je vais parfois les regarder dans les grandes salles populai
105 s les regarder dans les grandes salles populaires de Broadway, où des centaines de jeunes filles en jupes très courtes se
106 s salles populaires de Broadway, où des centaines de jeunes filles en jupes très courtes se livrent à la danse appelée jit
107 danse appelée jitterbugs autour de petits marins, de soldats presque imberbes, de garçons qui n’ont pas encore l’âge milit
108 ur de petits marins, de soldats presque imberbes, de garçons qui n’ont pas encore l’âge militaire. La frénésie rythmique d
109 à la piste, regardent dans le vide. Peu ou point de plaisanteries échangées. Ils sont ici pour rêver, pour danser. Ils rê
110 r, pour danser. Ils rêvent dans toutes les salles de cinéma. Ils marchent dans la rue en chantonnant leurs mélodies toujou
111 élodies toujours si tristes, mais avec un sourire de rêve heureux. Je crois qu’ils sont bien moins conscients que nous. À
112 une aisance qui va venir. C’est là tout le secret de ce que l’on nomme leur optimisme. L’Américain ne croit pas aux limite
113 as aux limites. Une limite, c’est toujours la fin d’ un rêve. Non seulement les limites le gênent, mais il ne veut pas même
114 dition. Ses ancêtres ont été amenés sur les rives de l’Hudson et du Potomac par le rêve d’un pays sans limites, et il l’ét
115 r les rives de l’Hudson et du Potomac par le rêve d’ un pays sans limites, et il l’était vraiment pour ceux qui triomphaien
116 ent fui les étroitesses religieuses et politiques de l’Europe. Ils se trouvaient tout seuls devant leur chance. Tout dépen
117 ent tout seuls devant leur chance. Tout dépendait de leur courage, de leur esprit d’entreprise et de leur foi. Cette situa
118 vant leur chance. Tout dépendait de leur courage, de leur esprit d’entreprise et de leur foi. Cette situation, dépassée pa
119 e. Tout dépendait de leur courage, de leur esprit d’ entreprise et de leur foi. Cette situation, dépassée par les faits, do
120 t de leur courage, de leur esprit d’entreprise et de leur foi. Cette situation, dépassée par les faits, domine encore l’in
121 ine encore l’inconscient collectif des Américains d’ aujourd’hui. Et leur grand rêve, leur american dream, prolonge vers l’
122 tion. Leurs ancêtres appelaient frontier la ligne de démarcation, sans cesse mouvante, entre les terres colonisées et les
123 es colonisées et les prairies sauvages parcourues d’ Indiens indomptés. Pendant des siècles, tout l’effort des pionniers a
124 Jusqu’à ce qu’enfin, au xixe siècle, les colons de la Nouvelle-Angleterre aient pu tendre la main à ceux des côtés de la
125 gleterre aient pu tendre la main à ceux des côtés de la Californie. C’était une grande victoire sur la géographie démesuré
126 elle « frontière », leur nouveau front, dirait-on de nos jours. Et ce fut l’ère des fortunes, et des cités, et des usines
127 resque à l’étroit entre les rives du Pacifique et de l’Atlantique, mais encore débordants d’énergies qui soudain ne trouve
128 ifique et de l’Atlantique, mais encore débordants d’ énergies qui soudain ne trouvent plus d’issues prochaines, hésitent… P
129 ébordants d’énergies qui soudain ne trouvent plus d’ issues prochaines, hésitent… Pourtant, c’est bien le même rêve qui les
130 jours plus large. Le soldat qu’un ancien paquebot de luxe ramène vers son pays du fond du Pacifique ou de l’Europe, dont i
131 luxe ramène vers son pays du fond du Pacifique ou de l’Europe, dont il n’a guère connu que les ruines et les amertumes, rê
132 que les ruines et les amertumes, rêve simplement de son foyer. Il voit sa maison blanche, sa femme et le drugstore du coi
133 is-à-vis des pays qu’il vient de libérer au péril de sa vie, il garde une espèce de rancœur. Je ne pense pas que le mot so
134 e libérer au péril de sa vie, il garde une espèce de rancœur. Je ne pense pas que le mot soit trop fort. Je parle de la ma
135 ne pense pas que le mot soit trop fort. Je parle de la majorité. Je connais beaucoup d’exceptions. Mais si les vétérans d
136 ort. Je parle de la majorité. Je connais beaucoup d’ exceptions. Mais si les vétérans de cette guerre dominaient les procha
137 nnais beaucoup d’exceptions. Mais si les vétérans de cette guerre dominaient les prochaines élections, il y aurait huit à
138 que l’Amérique retourne à l’isolationnisme. Rien de tel pour blesser l’amour entre deux peuples que de les mélanger dans
139 e tel pour blesser l’amour entre deux peuples que de les mélanger dans leurs épreuves. Les jeunes Américains se sont trouv
140 êlés au grand malheur des peuples qu’ils aimaient de loin. Ils ont été courageux devant l’ennemi, mais non pas devant la m
141 ux devant l’ennemi, mais non pas devant la misère de leurs amis. Ils rentrent en disant que la France est sale et en désor
142 ités mal à propos au compte des profits et pertes d’ une guerre moderne, à l’échelle planétaire. Mais il y a le rêve des ci
143 qu’il est bien près de le faire dans les limites de son pays, « d’une côte à l’autre », comme il dit. Et ce pressentiment
144 près de le faire dans les limites de son pays, «  d’ une côte à l’autre », comme il dit. Et ce pressentiment l’inquiète pro
145 Cordell Hull, le ministre des Affaires étrangères de Roosevelt, avait prévue. Et c’est elle qu’il avait tenté de prévenir,
146 lt, avait prévue. Et c’est elle qu’il avait tenté de prévenir, non sans succès, en particulier par sa politique de bon voi
147 non sans succès, en particulier par sa politique de bon voisinage avec l’Amérique latine. Cette politique comportait deux
148 anches, curieusement juxtaposées dans le nom même de l’agence qui l’administrait et qui s’intitulait : Office de coordinat
149 e qui l’administrait et qui s’intitulait : Office de coordination des relations commerciales et culturelles interaméricain
150 intrigué et choqué. Aujourd’hui, je me l’explique de la manière suivante : le rêve américain évoque une vie sans cesse plu
151 mps, répandre dans tous les pays du monde l’idéal de la démocratie américaine, c’est-à-dire multiplier les échanges cultur
152 sont étroitement liées, car seule une atmosphère de démocratie mondiale peut créer les conditions nécessaires au libre-éc
153 échange paraît propre à favoriser l’établissement de la démocratie dans les pays où les difficultés et les injustices écon
154 hain la rentrée massive des vétérans, doit cesser de s’isoler et doit littéralement sortir d’elle-même par une nécessité p
155 t cesser de s’isoler et doit littéralement sortir d’ elle-même par une nécessité profonde : le rêve américain l’exige. Nous
156 ain l’exige. Nous voici bien loin de nos danseurs de Broadway ! Peut-être, mais tout cela va dans le même sens, illustre u
157 , n’est-ce pas tout simplement une grande poussée d’ impérialisme américain ? Vos rêveurs nous paraissent terriblement prat
158 terriblement pratiques et parfaitement conscients de leurs intérêts… Voilà qui est vrai, en apparence du moins. J’essaiera
159 qui est vrai, en apparence du moins. J’essaierai d’ exposer, dans un prochain article, les motifs qui m’ont convaincu que
160 e l’expansion américaine n’est pas du tout à base d’ impérialisme au sens européen du mot. Je pense que nous avons un peu p
161 opéen du mot. Je pense que nous avons un peu plus de raisons de nous en réjouir que de nous en méfier. b. Rougemont Den
162 t. Je pense que nous avons un peu plus de raisons de nous en réjouir que de nous en méfier. b. Rougemont Denis de, « Le
163 ons un peu plus de raisons de nous en réjouir que de nous en méfier. b. Rougemont Denis de, « Le rêve américain », Carr
164 ouir que de nous en méfier. b. Rougemont Denis de , « Le rêve américain », Carrefour, Paris, 9 novembre 1945, p. 3.
3 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Hollywood n’a plus d’idées (13 décembre 1945)
165 Hollywood n’a plus d’ idées (13 décembre 1945)c Toujours plus impeccables du point de vue
166 éotypées, voilà les films américains au lendemain de la guerre. Les critiques, les échos de presse, et même les spectateur
167 lendemain de la guerre. Les critiques, les échos de presse, et même les spectateurs, sont unanimes : Hollywood est à cour
168 pectateurs, sont unanimes : Hollywood est à court d’ inventions. Hollywood achète n’importe quoi, un roman non terminé, un
169 ète n’importe quoi, un roman non terminé, un bout de conversation, l’esquisse d’une histoire, un « four » de Broadway, sur
170 non terminé, un bout de conversation, l’esquisse d’ une histoire, un « four » de Broadway, sur le soupçon qu’on pourrait y
171 versation, l’esquisse d’une histoire, un « four » de Broadway, sur le soupçon qu’on pourrait y trouver « une idée ». Je so
172 Elle transforme en argent tout ce qu’elle a envie de toucher, et c’est pourquoi son avidité même à se renouveler stérilise
173 antanément les nouveautés qu’il semblerait facile d’ y introduire, à première vue. Cette technique trop parfaite n’est obte
174 te n’est obtenue qu’au prix de telles dépenses et d’ une telle quantité de spécialistes neutralisant l’originalité les uns
175 u prix de telles dépenses et d’une telle quantité de spécialistes neutralisant l’originalité les uns des autres : elle sup
176 tes et au faux-vrai luxe : elle doit tenir compte de tant d’exigences personnelles des stars, collectives et supposées du
177 u faux-vrai luxe : elle doit tenir compte de tant d’ exigences personnelles des stars, collectives et supposées du public,
178 osées du public, tatillonnes et insanes du Comité de moralité, et de mille préjugés hérités de trente ans de triomphe, qu’
179 tatillonnes et insanes du Comité de moralité, et de mille préjugés hérités de trente ans de triomphe, qu’il n’est pas de
180 Comité de moralité, et de mille préjugés hérités de trente ans de triomphe, qu’il n’est pas de génie assez coriace pour s
181 alité, et de mille préjugés hérités de trente ans de triomphe, qu’il n’est pas de génie assez coriace pour survivre à pare
182 érités de trente ans de triomphe, qu’il n’est pas de génie assez coriace pour survivre à pareille torture au ralenti, même
183 pareille torture au ralenti, même avec une prime d’ un million, resplendissant au terme de l’épreuve. Le moindre film euro
184 c une prime d’un million, resplendissant au terme de l’épreuve. Le moindre film européen d’avant la guerre, projeté dans u
185 t au terme de l’épreuve. Le moindre film européen d’ avant la guerre, projeté dans une petite salle de rétrospective, à New
186 d’avant la guerre, projeté dans une petite salle de rétrospective, à New York, me semble en comparaison fait de bric et d
187 ective, à New York, me semble en comparaison fait de bric et de broc et de ficelles partout visibles, mais touchant aux la
188 ew York, me semble en comparaison fait de bric et de broc et de ficelles partout visibles, mais touchant aux larmes, spiri
189 semble en comparaison fait de bric et de broc et de ficelles partout visibles, mais touchant aux larmes, spirituel jusque
190 pirituel jusque dans l’émotion, et tout crépitant d’ inventions étonnantes. Le rythme est cahotant, trop coupé, mais quand
191 il entraîne ! Je rentre après cela dans une salle de Broadway : tout y marche et ronronne comme un moteur de luxe, tout es
192 adway : tout y marche et ronronne comme un moteur de luxe, tout est faux, tout le monde est beau, jamais on ne voit percer
193 e nue du réel. Jamais un choc, pour tant de coups de poing, de coups de feu et de coups de théâtre. C’est que le public, m
194 éel. Jamais un choc, pour tant de coups de poing, de coups de feu et de coups de théâtre. C’est que le public, me disent l
195 , pour tant de coups de poing, de coups de feu et de coups de théâtre. C’est que le public, me disent les producers, n’acc
196 nt de coups de poing, de coups de feu et de coups de théâtre. C’est que le public, me disent les producers, n’accepte pas
197 comme les autres. N’insistons pas : la décadence de Hollywood n’a pas de raisons mystérieuses ou accidentelles. Ses cause
198 insistons pas : la décadence de Hollywood n’a pas de raisons mystérieuses ou accidentelles. Ses causes sont évidentes et i
199 e légende : comme l’est déjà Greta Garbo, symbole d’ un âge. Ô Garbo de notre jeunesse, volupté du regard. Reine des neiges
200 l’est déjà Greta Garbo, symbole d’un âge. Ô Garbo de notre jeunesse, volupté du regard. Reine des neiges, Dame des rêves d
201 lupté du regard. Reine des neiges, Dame des rêves de l’adolescence, femme la plus célèbre du monde, idée de la Femme régna
202 adolescence, femme la plus célèbre du monde, idée de la Femme régnant sur des millions de nuits, mythe évasif, que n’êtes-
203 monde, idée de la Femme régnant sur des millions de nuits, mythe évasif, que n’êtes-vous disparue comme un songe au matin
204 onge au matin ? Dans ce petit restaurant français de la 56e rue, à l’ouest, un jour de l’autre hiver, le garçon vint me di
205 aurant français de la 56e rue, à l’ouest, un jour de l’autre hiver, le garçon vint me dire à l’oreille : — Pouvez-vous céd
206 Pouvez-vous céder votre table, nous avons besoin d’ une table de deux dans cinq minutes ? Merci. Vous allez voir que cela
207 céder votre table, nous avons besoin d’une table de deux dans cinq minutes ? Merci. Vous allez voir que cela vaut le déra
208 Elle entre sur ses talons plats, avec son chapeau de feutre gris souris relevé de côté, et le profil du rêve. J’eusse préf
209 ts, avec son chapeau de feutre gris souris relevé de côté, et le profil du rêve. J’eusse préféré ne la voir jamais, mais j
210 j’avoue qu’elle est très jolie, malgré la minceur de ses lèvres. Un peu plus tard, c’est une party de Pâques russe chez un
211 de ses lèvres. Un peu plus tard, c’est une party de Pâques russe chez une amie. « Venez très tôt, vous aurez une surprise
212 od, le dramaturge et l’un des conseillers intimes de Roosevelt. Mais une minute plus tard, un pas rapide dans l’escalier :
213 ns l’escalier : c’est elle encore, en robe courte de soie grise, et déjà nous choquons nos petits verres de vodka. On l’a
214 ie grise, et déjà nous choquons nos petits verres de vodka. On l’a présentée comme « Miss G… » (prononcez Djie), ainsi qu’
215 ns une foule, mais dos à dos, et voici l’étonnant de l’histoire : je ne trouve rien à me remémorer de ses propos. Elle a l
216 de l’histoire : je ne trouve rien à me remémorer de ses propos. Elle a le génie de ne rien dire qui la rende plus réelle
217 ien à me remémorer de ses propos. Elle a le génie de ne rien dire qui la rende plus réelle qu’une image. Ne serait-ce pas
218 t-ce pas là son secret ? Se prêter à la fantaisie de toutes les imaginations. Comme elle est belle et comme elle est absen
219 st gaie pour un fantôme… ⁂ Revenons à nos moutons de Hollywood. Je ne vois qu’un homme en Amérique, qui ait su tirer du ci
220 ui ait su tirer du cinéma quelques-uns des moyens d’ expression radicalement neufs qu’il permet : c’est Walt Disney. Les au
221 es jardins comme nous pouvons en voir sans l’aide d’ une caméra, et sur les rythmes habituels de notre vie. C’est dire qu’i
222 l’aide d’une caméra, et sur les rythmes habituels de notre vie. C’est dire qu’ils oublient ou refusent de prendre avantage
223 notre vie. C’est dire qu’ils oublient ou refusent de prendre avantage des possibilités uniques du cinéma. L’analyse du mou
224 les déformations expressives, les superpositions d’ images ou de corps par transparence, la synchronisation des gestes et
225 tions expressives, les superpositions d’images ou de corps par transparence, la synchronisation des gestes et de la musiqu
226 ar transparence, la synchronisation des gestes et de la musique, vingt autres procédés moins faciles à définir, en deux mo
227 s : voilà le domaine que Disney seul a le courage d’ explorer aujourd’hui. Mickey et Donald le Canard font partie de la lég
228 jourd’hui. Mickey et Donald le Canard font partie de la légende de ce siècle. Je les vois s’agiter sur l’écran comme des l
229 key et Donald le Canard font partie de la légende de ce siècle. Je les vois s’agiter sur l’écran comme des ludions qui nou
230 nous rendraient visibles les mouvements délirants de l’Inconscient moderne. Battus comme plâtre, et toujours Tartarins, cu
231 comme les figures du rêve, passant en une seconde de l’aplanissement physique à la mégalomanie, extravagants, sentimentaux
232 mégalomanie, extravagants, sentimentaux entourés de monstres sadiques, souvent sadiques eux-mêmes et avec quelle joie ent
233 quelle joie entièrement partagée par les publics d’ enfants, ils évoluent dans un univers de machines féroces, d’explosion
234 s publics d’enfants, ils évoluent dans un univers de machines féroces, d’explosions, de flammes instantanées et de bruits
235 ils évoluent dans un univers de machines féroces, d’ explosions, de flammes instantanées et de bruits déchirants qui, bien
236 ans un univers de machines féroces, d’explosions, de flammes instantanées et de bruits déchirants qui, bien avant la derni
237 féroces, d’explosions, de flammes instantanées et de bruits déchirants qui, bien avant la dernière guerre, nous donnèrent
238 s donnèrent seuls la sensation du Blitz. Ils sont de notre temps d’une manière plus profonde que leur auteur, sans doute,
239 ls la sensation du Blitz. Ils sont de notre temps d’ une manière plus profonde que leur auteur, sans doute, n’eût osé le so
240 st génial. Disney, quand il se trompe, n’y va pas de main morte. Je pense surtout à Fantasia, essai d’illustration mouvant
241 de main morte. Je pense surtout à Fantasia, essai d’ illustration mouvante de quelques symphonies sérieuses (non plus silly
242 surtout à Fantasia, essai d’illustration mouvante de quelques symphonies sérieuses (non plus silly) entrecoupées de vues e
243 ymphonies sérieuses (non plus silly) entrecoupées de vues en gros plan sur la chevelure blanche, les mains précieuses ou l
244 les mains précieuses ou la nuque rose et violacée de Stokowsky. Par malchance, c’est au lendemain de la première de Fantas
245 e de Stokowsky. Par malchance, c’est au lendemain de la première de Fantasia à Buenos Aires que j’ai rencontré Walt Disney
246 Par malchance, c’est au lendemain de la première de Fantasia à Buenos Aires que j’ai rencontré Walt Disney. Nous l’attend
247 ria Ocampo, plutôt déprimés par la représentation de la veille. Il entre avec sa femme. Il a l’air d’un bon garçon bien co
248 de la veille. Il entre avec sa femme. Il a l’air d’ un bon garçon bien correct et bien banal. On essaie de parler musique,
249 bon garçon bien correct et bien banal. On essaie de parler musique, Mozart et Stravinsky — deux des principales victimes
250 art et Stravinsky — deux des principales victimes de son film. Il coupe court d’un ton neutre : « Mrs Walt Disney n’aime p
251 principales victimes de son film. Il coupe court d’ un ton neutre : « Mrs Walt Disney n’aime pas la musique classique. » U
252 roid, et chacun pense : Que ne l’a-t-elle empêché de s’en occuper ! Son mauvais goût me paraît irrémédiable, étant celui d
253 mauvais goût me paraît irrémédiable, étant celui de l’Américain moyen en matière d’art et surtout de peinture. (La fin de
254 able, étant celui de l’Américain moyen en matière d’ art et surtout de peinture. (La fin de Fantasia, sur l’Ave Maria de Sc
255 de l’Américain moyen en matière d’art et surtout de peinture. (La fin de Fantasia, sur l’Ave Maria de Schubert, n’est qu’
256 en matière d’art et surtout de peinture. (La fin de Fantasia, sur l’Ave Maria de Schubert, n’est qu’une suite de cartes d
257 , sur l’Ave Maria de Schubert, n’est qu’une suite de cartes de bons vœux comme il s’en envoie des millions à chaque Noël e
258 e Maria de Schubert, n’est qu’une suite de cartes de bons vœux comme il s’en envoie des millions à chaque Noël en Amérique
259 s à chaque Noël en Amérique.) Mais il a le secret de ce rythme endiablé, cette ingéniosité foisonnante, follement gaspillé
260 , et cette maîtrise impitoyable dans l’agencement d’ une suite de catastrophes qui laissent le spectateur soulagé et heureu
261 aîtrise impitoyable dans l’agencement d’une suite de catastrophes qui laissent le spectateur soulagé et heureux, parce que
262 un bon quart d’heure, avec l’assentiment du rire de la foule. ⁂ Les créations géniales de Disney remontent à la période o
263 ent du rire de la foule. ⁂ Les créations géniales de Disney remontent à la période où il travaillait seul, à l’aventure, a
264 nture, avec des moyens peu coûteux. Les producers de Hollywood travaillent aujourd’hui avec des milliers d’employés, dans
265 llywood travaillent aujourd’hui avec des milliers d’ employés, dans le cadre d’une routine technique stupidement respectée
266 d’hui avec des milliers d’employés, dans le cadre d’ une routine technique stupidement respectée par tous les nouveaux venu
267 atisfaire ce plus grand public, il faut se garder d’ innover ou de faire plus vrai que la convention du jour. Les milliers
268 plus grand public, il faut se garder d’innover ou de faire plus vrai que la convention du jour. Les milliers d’employés dé
269 plus vrai que la convention du jour. Les milliers d’ employés déjà cités se livrent donc à une chasse impitoyable à la situ
270 a tuer. En même temps, les producers se plaignent de ce que les auteurs n’aient plus d’idées… Je vais leur donner gratis l
271 s se plaignent de ce que les auteurs n’aient plus d’ idées… Je vais leur donner gratis le moyen d’en sortir, et mon idée ti
272 plus d’idées… Je vais leur donner gratis le moyen d’ en sortir, et mon idée tient en trois mots : — Messieurs, sabrez vos b
273 mots : — Messieurs, sabrez vos budgets ! Essayez de faire pour une fois : « le film le meilleur marché du monde », au lie
274 et qu’ils s’en doutent. L’importance des studios de New York s’accroît sans cesse. On parle d’un nouveau centre de produc
275 tudios de New York s’accroît sans cesse. On parle d’ un nouveau centre de production qui se créerait bientôt du côté de Mia
276 ’accroît sans cesse. On parle d’un nouveau centre de production qui se créerait bientôt du côté de Miami. Les barrières co
277 ui qu’un asile délabré aux bandits, et des sujets de scénarios historiques. Il se peut que Hollywood, après sa mort, devie
278 , après sa mort, devienne une merveilleuse « idée de film », et renaisse à l’écran sous la forme du chef-d’œuvre que, viva
279 e, elle n’a fait que rêver. c. Rougemont Denis de , « Hollywood n’a plus d’idées », Carrefour, Paris, 13 décembre 1945,
280 r. c. Rougemont Denis de, « Hollywood n’a plus d’ idées », Carrefour, Paris, 13 décembre 1945, p. 7.
4 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Les enfants américains réclament des bombes atomiques (20 décembre 1945)
281 e l’Amérique, inaugurant officiellement la saison de Noël. Nous sommes le 13 et les rayons de jouets sont déjà presque vid
282 a saison de Noël. Nous sommes le 13 et les rayons de jouets sont déjà presque vides à New York. La conversion des tanks et
283 es tanks et des forteresses volantes en pacotille de nursery exige plus qu’un instant de foi et d’abandon… Cet an de grâce
284 en pacotille de nursery exige plus qu’un instant de foi et d’abandon… Cet an de grâce rationné 1945 se termine en pleine
285 lle de nursery exige plus qu’un instant de foi et d’ abandon… Cet an de grâce rationné 1945 se termine en pleine équivoque 
286 ge plus qu’un instant de foi et d’abandon… Cet an de grâce rationné 1945 se termine en pleine équivoque : est-ce la paix d
287 e la paix déjà ? La guerre encore ? Interférences de disette et de luxe, d’appétits ranimés et d’amertumes durables. Et No
288  ? La guerre encore ? Interférences de disette et de luxe, d’appétits ranimés et d’amertumes durables. Et Noël va tomber a
289 rre encore ? Interférences de disette et de luxe, d’ appétits ranimés et d’amertumes durables. Et Noël va tomber au milieu
290 nces de disette et de luxe, d’appétits ranimés et d’ amertumes durables. Et Noël va tomber au milieu de l’an I d’une ère de
291 s durables. Et Noël va tomber au milieu de l’an I d’ une ère de paix fondée sur la plus grande menace de toute l’Histoire.
292 . Et Noël va tomber au milieu de l’an I d’une ère de paix fondée sur la plus grande menace de toute l’Histoire. Les enfant
293 ’une ère de paix fondée sur la plus grande menace de toute l’Histoire. Les enfants, comme les gouvernements, demandent pou
294 tomiques. Trois d’entre eux, à Brooklyn, viennent d’ être blessés sérieusement en jouant à faire sauter le monde. Les trois
295 : un loup déguisé en mouton et deux moutons vêtus de leur vraie peau. Mais rien n’empêche le Waldorf Astoria d’annoncer qu
296 raie peau. Mais rien n’empêche le Waldorf Astoria d’ annoncer que sa nuit de Nouvel An « promet d’être la plus grande nuit
297 empêche le Waldorf Astoria d’annoncer que sa nuit de Nouvel An « promet d’être la plus grande nuit de l’histoire de l’hôte
298 oria d’annoncer que sa nuit de Nouvel An « promet d’ être la plus grande nuit de l’histoire de l’hôtel — à partir de vingt
299 de Nouvel An « promet d’être la plus grande nuit de l’histoire de l’hôtel — à partir de vingt dollars ». Hier chez Schwar
300 « promet d’être la plus grande nuit de l’histoire de l’hôtel — à partir de vingt dollars ». Hier chez Schwartz, le grand m
301 t dollars ». Hier chez Schwartz, le grand magasin de jouets de la Cinquième Avenue : « Auriez-vous, dis-je d’un ton suave,
302 ». Hier chez Schwartz, le grand magasin de jouets de la Cinquième Avenue : « Auriez-vous, dis-je d’un ton suave, quelque c
303 ts de la Cinquième Avenue : « Auriez-vous, dis-je d’ un ton suave, quelque chose qui ressemble à un modèle de bombe atomiqu
304 on suave, quelque chose qui ressemble à un modèle de bombe atomique pour les enfants ? » La vendeuse ouvrit la bouche, pui
305 he, puis écarquilla les yeux : devant nous venait d’ apparaître une jeune femme au visage anguleux et couvert de taches de
306 tre une jeune femme au visage anguleux et couvert de taches de rousseur, la tête serrée dans un foulard de soie rose feu.
307 une femme au visage anguleux et couvert de taches de rousseur, la tête serrée dans un foulard de soie rose feu. — « Papa,
308 aches de rousseur, la tête serrée dans un foulard de soie rose feu. — « Papa, me dit mon petit garçon, c’est Miss Hepburn 
309 efeller Plaza, transporté avec toutes ses racines d’ un parc où il sera replanté dès janvier, n’ayant coûté que cent dollar
310 lanté dès janvier, n’ayant coûté que cent dollars de location à M. John D. Rockefeller, car tout se sait. Des haut-parleur
311 haut-parleurs répandaient sans relâche des hymnes de Noël transformés en jazz hot par les klaxons d’interminables embarras
312 s de Noël transformés en jazz hot par les klaxons d’ interminables embarras de trafic. Aux vitrines triomphait le rêve amér
313 jazz hot par les klaxons d’interminables embarras de trafic. Aux vitrines triomphait le rêve américain, le clinquant, l’ir
314 clinquant, l’irréel, le rose et le doré, le rêve d’ enfance et d’innocence universelle, bercé de musiques nostalgiques. No
315 ’irréel, le rose et le doré, le rêve d’enfance et d’ innocence universelle, bercé de musiques nostalgiques. Noël ici devien
316 rêve d’enfance et d’innocence universelle, bercé de musiques nostalgiques. Noël ici devient la fête du bébé Cadum des réc
317 nt la fête du bébé Cadum des réclames et non plus de cet enfant vrai qui naquit tant bien que mal dans la paille, sous le
318 tant bien que mal dans la paille, sous le souffle d’ un bœuf malodorant. Plus que dix jours pour acquérir dans cette aimabl
319 bonne conscience que représente une table chargée de cadeaux enveloppés de papiers brillants, verts, rouge, argent et mord
320 eprésente une table chargée de cadeaux enveloppés de papiers brillants, verts, rouge, argent et mordorés. Pourquoi ces éch
321 anges éperdus ? Est-ce un souvenir du seul cadeau de paix jamais fait à l’humanité ? ou bien cette fièvre de rivaliser dan
322 x jamais fait à l’humanité ? ou bien cette fièvre de rivaliser dans la dépense en fin d’année, est-elle comme chez les pri
323 cette fièvre de rivaliser dans la dépense en fin d’ année, est-elle comme chez les primitifs la manière de conjurer le sor
324 née, est-elle comme chez les primitifs la manière de conjurer le sort ? Plus que dix jours pour s’assurer une bonne place
325 ent pas à une cellule sociale, formeront la foule de Times Square. Le coudoiement universel leur tiendra lieu d’intimité…
326 quare. Le coudoiement universel leur tiendra lieu d’ intimité… Pour moi, j’irai comme chaque année à la messe de minuit des
327 é… Pour moi, j’irai comme chaque année à la messe de minuit des protestants, dans la plus grande église gothique du monde,
328 us grande église gothique du monde, la cathédrale de Saint-Jean-de-Dieu, siège de l’évêque anglican de New York. Dix mille
329 monde, la cathédrale de Saint-Jean-de-Dieu, siège de l’évêque anglican de New York. Dix mille personnes y chanteront des h
330 de Saint-Jean-de-Dieu, siège de l’évêque anglican de New York. Dix mille personnes y chanteront des hymnes avant la proces
331 ant la procession du chœur et du clergé, précédés de porteurs de torches à la Burne Jones. Et comme chaque année, j’entend
332 ssion du chœur et du clergé, précédés de porteurs de torches à la Burne Jones. Et comme chaque année, j’entendrai le Credo
333 ones. Et comme chaque année, j’entendrai le Credo de Gretchaninoff et le motet de Prætorius, Une rose est née… et je me di
334 j’entendrai le Credo de Gretchaninoff et le motet de Prætorius, Une rose est née… et je me dirai que l’Amérique n’a pas en
335 ui gagne à tous les coups. Qu’apportera cette fin d’ année ? Un dernier speech de La Guardia à la radio, révélant une derni
336 u’apportera cette fin d’année ? Un dernier speech de La Guardia à la radio, révélant une dernière recette aux ménagères po
337 autant qu’honnête, le gros petit homme à la face de clown, Fiorello, la Fleurette, comme le peuple l’a baptisé, saisissan
338 a pour la dernière fois l’orchestre ou la fanfare d’ un grand meeting. Sur le coup de minuit, le 31 décembre, nous perdrons
339 tre ou la fanfare d’un grand meeting. Sur le coup de minuit, le 31 décembre, nous perdrons le meilleur maire de New York.
340 , le 31 décembre, nous perdrons le meilleur maire de New York. Et Roosevelt n’est pas remplacé… Et toutes les utopies prév
341 n vente la « bicyclette du ciel », un petit avion de mille dollars. Déjà les banques de Buffalo ouvrent des guichets extér
342 un petit avion de mille dollars. Déjà les banques de Buffalo ouvrent des guichets extérieurs où l’on peut déposer de l’arg
343 rent des guichets extérieurs où l’on peut déposer de l’argent sans descendre de sa voiture. Déjà les biches et les daims s
344 s où l’on peut déposer de l’argent sans descendre de sa voiture. Déjà les biches et les daims sont amenés dans la forêt de
345 les biches et les daims sont amenés dans la forêt de chasse au moyen de taxis aériens. Déjà la télévision en couleurs prou
346 t et la précision du détail », qualités préférées de l’Américain. Déjà l’on nous annonce de Hollywood un superfilm sur la
347 préférées de l’Américain. Déjà l’on nous annonce de Hollywood un superfilm sur la bombe atomique, où le love interest ne
348 au sujet de cette invention « qui signifie la fin de l’humanité ou l’aube d’un âge d’or » à votre choix. Déjà, le syndicat
349 ion « qui signifie la fin de l’humanité ou l’aube d’ un âge d’or » à votre choix. Déjà, le syndicat des ouvriers de l’indus
350 signifie la fin de l’humanité ou l’aube d’un âge d’ or » à votre choix. Déjà, le syndicat des ouvriers de l’industrie auto
351 r » à votre choix. Déjà, le syndicat des ouvriers de l’industrie automobile offre à Ford un contrat collectif qui le protè
352 gulières, car la force et l’initiative ont changé de camp et les vainqueurs se montrent généreux. Et déjà les pasteurs et
353 s et les prêtres se préparent à parler du message de Noël « aux hommes de bonne volonté », répétant sans scrupules avec M.
354 réparent à parler du message de Noël « aux hommes de bonne volonté », répétant sans scrupules avec M. Romains une grave er
355 t sans scrupules avec M. Romains une grave erreur de traduction car l’Évangile, dans le texte original, dit simplement : «
356 t simplement : « Paix sur la terre, bonne volonté de Dieu envers les hommes ». Est-il besoin de la bombe, et des grèves, e
357 olonté de Dieu envers les hommes ». Est-il besoin de la bombe, et des grèves, et de la famine européenne, et de la guerre
358 s ». Est-il besoin de la bombe, et des grèves, et de la famine européenne, et de la guerre endémique dans tout l’Orient, e
359 be, et des grèves, et de la famine européenne, et de la guerre endémique dans tout l’Orient, et de la méfiance et de la pe
360 et de la guerre endémique dans tout l’Orient, et de la méfiance et de la peur réciproques qui président aux rapports des
361 ndémique dans tout l’Orient, et de la méfiance et de la peur réciproques qui président aux rapports des nations, et de l’a
362 roques qui président aux rapports des nations, et de l’antisémitisme, et de l’antisoviétisme, et de l’antiaméricanisme, po
363 x rapports des nations, et de l’antisémitisme, et de l’antisoviétisme, et de l’antiaméricanisme, pour que nous comprenions
364 et de l’antisémitisme, et de l’antisoviétisme, et de l’antiaméricanisme, pour que nous comprenions que les hommes ont fort
365 s la rumeur assourdissante des petites trompettes de foire et des crécelles, GI Joe, le combattant moyen, se dira : « Well
366 tait donc pour tout cela… » d. Rougemont Denis de , « Les enfants américains réclament des bombes atomiques », Carrefour
5 1946, Carrefour, articles (1945–1947). Deux presses, deux méthodes : l’Américain expose, le Français explique (4 avril 1946)
367 a guerre, un grand journal du soir, qui disposait d’ un poste de radio, m’interviewa au sujet du petit livre que je venais
368 n grand journal du soir, qui disposait d’un poste de radio, m’interviewa au sujet du petit livre que je venais de publier
369 sse hitlérienne me paraissait meilleure que celle de France, parce qu’elle donnait plus de nouvelles du monde, et d’une ma
370 e que celle de France, parce qu’elle donnait plus de nouvelles du monde, et d’une manière plus objective, du fait même que
371 ce qu’elle donnait plus de nouvelles du monde, et d’ une manière plus objective, du fait même que ses partis pris étaient c
372 cteur du journal en question censura cette partie de l’interview, en vertu de la politique qu’on attribue par erreur à l’a
373 omme la suite l’a prouvé d’ailleurs. Le directeur de Carrefour admettra-t-il que je récidive, à propos cette fois-ci de l’
374 ttra-t-il que je récidive, à propos cette fois-ci de l’exemple américain ? Exposé de points de vue contradictoires Le
375 s cette fois-ci de l’exemple américain ? Exposé de points de vue contradictoires Les grands journaux américains admet
376 américains admettent dans leurs colonnes l’exposé de points de vue contradictoires, et je précise : ils l’admettent justem
377 sionnés, tels que ceux que provoquent une période de grèves, le renvoi bruyant d’un ministre, ou même d’une élection prési
378 ovoquent une période de grèves, le renvoi bruyant d’ un ministre, ou même d’une élection présidentielle. Dans quel autre pa
379 grèves, le renvoi bruyant d’un ministre, ou même d’ une élection présidentielle. Dans quel autre pays de notre monde du xx
380 une élection présidentielle. Dans quel autre pays de notre monde du xxe siècle verrait-on un journal de l’importance du N
381 notre monde du xxe siècle verrait-on un journal de l’importance du New York Times donner une page entière au discours de
382 ew York Times donner une page entière au discours de son candidat, et une page entière, en regard, au discours de son adve
383 idat, et une page entière, en regard, au discours de son adversaire ? Cependant que l’éditorial commente en termes mesurés
384 ectifs des personnes en présence ? Et s’il s’agit d’ une grève de vastes dimensions, comme celle qui vient d’interrompre pe
385 ersonnes en présence ? Et s’il s’agit d’une grève de vastes dimensions, comme celle qui vient d’interrompre pendant plusie
386 grève de vastes dimensions, comme celle qui vient d’ interrompre pendant plusieurs mois la production de la General Motors,
387 ’interrompre pendant plusieurs mois la production de la General Motors, vous trouverez tous les jours les points de vue af
388 jours les points de vue affrontés du patronat et de l’union syndicale, dont les déclarations officielles seront citées in
389 ions officielles seront citées in extenso. Pas de polémique contre un autre journal Ainsi la controverse réelle est
390 st un débat à propos d’un débat. C’est un torrent de jugements contradictoires, mais trop exactement prévus — sous la rubr
391 s trop exactement prévus — sous la rubrique revue de la presse — au sujet d’un problème qui, semble-t-il, importe moins en
392 — sous la rubrique revue de la presse — au sujet d’ un problème qui, semble-t-il, importe moins en soi que ce qu’en disent
393 i l’on peut « causer » à l’infini, mais sans trop de chances de se former une opinion plausible ou réaliste. Tartempion pe
394 « causer » à l’infini, mais sans trop de chances de se former une opinion plausible ou réaliste. Tartempion pense ceci, D
395 mpion me ressasse que Durand n’est qu’un radical. De quoi donc parlait-on ? Qu’allons-nous faire ? Ce n’est pas que les jo
396 scandale. Quand ils s’y lancent, ils n’y vont pas de main morte. Mais leur objectif principal, ou si l’on veut, leur arme
397 tion toute nue, ou presque. Sur trente-deux pages de leur édition quotidienne, le Times ou le Tribune consacrent à peu prè
398 es ou le Tribune consacrent à peu près deux tiers de page à leurs éditoriaux, dont la moitié traite de ce qui se passe dan
399 de page à leurs éditoriaux, dont la moitié traite de ce qui se passe dans tel pays de l’Amérique du Sud ou de l’Europe. Le
400 la moitié traite de ce qui se passe dans tel pays de l’Amérique du Sud ou de l’Europe. Le reste du journal se compose de d
401 ui se passe dans tel pays de l’Amérique du Sud ou de l’Europe. Le reste du journal se compose de dépêches d’agences, récri
402 ud ou de l’Europe. Le reste du journal se compose de dépêches d’agences, récrites et délayées sous forme d’articles signés
403 urope. Le reste du journal se compose de dépêches d’ agences, récrites et délayées sous forme d’articles signés, et d’artic
404 pêches d’agences, récrites et délayées sous forme d’ articles signés, et d’articles de correspondants spéciaux publiés sous
405 ites et délayées sous forme d’articles signés, et d’ articles de correspondants spéciaux publiés sous forme de longues dépê
406 ayées sous forme d’articles signés, et d’articles de correspondants spéciaux publiés sous forme de longues dépêches ; de c
407 spéciaux publiés sous forme de longues dépêches ; de commentaires ou « colonnes syndiquées » (qui paraissent le même jour
408 nce, jardin, etc. Mais le fait est qu’une dépêche de Paris, par un correspondant américain, qui occupe chaque matin une ou
409 ain, qui occupe chaque matin une ou deux colonnes de son journal, en apprend davantage sur ce qui se passe en France que l
410 tage sur ce qui se passe en France que la lecture de dix journaux français. Tous les Français, qui viennent ici, en tomben
411 omanciers. Ce qui pose chaque jour aux rédacteurs d’ un journal américain, en plus des problèmes d’un grand quotidien, le p
412 urs d’un journal américain, en plus des problèmes d’ un grand quotidien, le problème d’une volumineuse revue de vulgarisati
413 s des problèmes d’un grand quotidien, le problème d’ une volumineuse revue de vulgarisation. Ce qui suppose un état-major e
414 nd quotidien, le problème d’une volumineuse revue de vulgarisation. Ce qui suppose un état-major et un personnel gigantesq
415 gigantesques, spécialisés à l’infini ; des pages de publicité aussi chères qu’abondantes ; ou un propriétaire aux dollars
416 cation des journaux. New York, pour sept millions d’ habitants, ne possède que neuf grands journaux ; Paris en publie sept
417 se, tout juste un numéro du Times, pour le volume de mots imprimés. Deux pages pour la religion, pas de roman-feuilleto
418 ots imprimés. Deux pages pour la religion, pas de roman-feuilleton Trois remarques au sujet des rubriques régulières
419 ement à ce que l’on attendrait, ne tient pas plus de place que dans la presse française. Par contre, celle de la religion,
420 e que dans la presse française. Par contre, celle de la religion, qui n’existe aucunement en France, occupe souvent deux p
421 les journaux américains cet héritage inexcusable de la presse du siècle dernier, que nous appelons le roman-feuilleton, e
422 illeton, et que je vois encore, en pleine période de disette de papier, encombrer le tiers de la seconde et dernière page
423 que je vois encore, en pleine période de disette de papier, encombrer le tiers de la seconde et dernière page de plusieur
424 période de disette de papier, encombrer le tiers de la seconde et dernière page de plusieurs journaux parisiens. Le cense
425 encombrer le tiers de la seconde et dernière page de plusieurs journaux parisiens. Le censeur astucieux, possédé par l’idé
426 risiens. Le censeur astucieux, possédé par l’idée d’ empêcher le peuple de savoir ce qui se passe, n’eût pas trouvé de meil
427 stucieux, possédé par l’idée d’empêcher le peuple de savoir ce qui se passe, n’eût pas trouvé de meilleur expédient : s’il
428 euple de savoir ce qui se passe, n’eût pas trouvé de meilleur expédient : s’ils demandent des nouvelles, contez-leur une h
429 lles, contez-leur une histoire. « S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent des brioches ! » Le siècle est en révolution, l’
430 en crise pour dire le moins, c’est bien le moment de lire Paul de Kock… Des moyens d’information dignes de ce nom La
431 ien le moment de lire Paul de Kock… Des moyens d’ information dignes de ce nom La France possède, depuis la guerre, u
432 Paul de Kock… Des moyens d’information dignes de ce nom La France possède, depuis la guerre, un ministère de l’Info
433 La France possède, depuis la guerre, un ministère de l’Information, dont jusqu’à plus ample informé, je ne mettrai pas en
434 pas en doute l’utilité. Mais elle ne possède pas d’ organes d’information dignes du nom. Sur quoi peut bien régner ce mini
435 ute l’utilité. Mais elle ne possède pas d’organes d’ information dignes du nom. Sur quoi peut bien régner ce ministère ? J’
436 ner ce ministère ? J’imagine qu’il a pris à tâche de créer un nouvel esprit, un nouveau sens des devoirs civiques de la pr
437 uvel esprit, un nouveau sens des devoirs civiques de la presse, une école de reportage, un journal type… et surtout des ca
438 sens des devoirs civiques de la presse, une école de reportage, un journal type… et surtout des campagnes d’information. J
439 ortage, un journal type… et surtout des campagnes d’ information. Je me permettrais, dans ce cas, de lui suggérer le modèle
440 es d’information. Je me permettrais, dans ce cas, de lui suggérer le modèle du Christian Science Monitor, du New York Time
441 vant ce qui précède. J’ai préféré ne point parler de la « presse Hearst » et des journaux de McCormick, qui règnent sur le
442 nt parler de la « presse Hearst » et des journaux de McCormick, qui règnent sur le Middle West, et dont les tares les plus
443 dont les tares les plus connues sont la brutalité de langage, la haine posthume de Roosevelt, l’isolationnisme impénitent,
444 s sont la brutalité de langage, la haine posthume de Roosevelt, l’isolationnisme impénitent, le racisme et le préjugé anti
445 gé antieuropéen. Toutes les comparaisons du genre de celles que je viens d’esquisser courent le risque d’opposer le meille
446 les comparaisons du genre de celles que je viens d’ esquisser courent le risque d’opposer le meilleur d’un des termes à la
447 celles que je viens d’esquisser courent le risque d’ opposer le meilleur d’un des termes à la moyenne ou même au pire de l’
448 esquisser courent le risque d’opposer le meilleur d’ un des termes à la moyenne ou même au pire de l’autre. Il resterait à
449 leur d’un des termes à la moyenne ou même au pire de l’autre. Il resterait à opposer la tenue littéraire, mettons du Figa
450 le du Journal and American. Mais il est difficile d’ être à la fois juste et utile, en temps de crise. Et j’ai voulu courir
451 fficile d’être à la fois juste et utile, en temps de crise. Et j’ai voulu courir au plus pressé. e. Rougemont Denis de
452 ulu courir au plus pressé. e. Rougemont Denis de , « Deux presses, deux méthodes : l’Américain expose, le Français expl
453 our, Paris, 4 avril 1946, p. 1. f. Texte précédé de la note suivante : « La volonté objective de Carrefour se manifeste,
454 cédé de la note suivante : « La volonté objective de Carrefour se manifeste, une fois de plus, en facilitant à un de nos c
455 e manifeste, une fois de plus, en facilitant à un de nos compatriotes qui vit à l’étranger, la possibilité de s’exprimer l
456 compatriotes qui vit à l’étranger, la possibilité de s’exprimer librement sur l’un des problèmes les plus brûlants de l’he
457 ibrement sur l’un des problèmes les plus brûlants de l’heure : celui de la mission de la presse. »
458 es problèmes les plus brûlants de l’heure : celui de la mission de la presse. »
459 es plus brûlants de l’heure : celui de la mission de la presse. »
6 1946, Carrefour, articles (1945–1947). Une bureaucratie sans ronds-de-cuir (23 mai 1946)
460 nds-de-cuir (23 mai 1946)g Dans le même numéro de magazine où l’on peut lire sous la plume d’un fermier du Middlewest q
461 uméro de magazine où l’on peut lire sous la plume d’ un fermier du Middlewest que l’Amérique est le seul pays décent au mon
462 est le seul pays décent au monde, et qu’un agent d’ assurances du Connecticut affirme qu’elle jouit d’un gouvernement prat
463 d’assurances du Connecticut affirme qu’elle jouit d’ un gouvernement pratiquement idéal, le Contrôleur général des États-Un
464 idéal, le Contrôleur général des États-Unis écrit de son côté : « Notre gouvernement est une vaste pétaudière. » Ce foncti
465 te pétaudière. » Ce fonctionnaire sait à peu près de quoi il parle, — et je dis à peu près pour dire comme lui. Car son tr
466 iste, nous explique-t-il, à maintenir les agences de l’État dans les limites de leurs prérogatives et de leur budget parti
467 maintenir les agences de l’État dans les limites de leurs prérogatives et de leur budget particulier, mais il avoue que c
468 l’État dans les limites de leurs prérogatives et de leur budget particulier, mais il avoue que c’est une tâche impossible
469 st concevable qu’un dixième comité ait pour objet d’ examiner l’activité des neuf premiers. On nommera un Board national, c
470 uf premiers. On nommera un Board national, chargé de coordonner comités et agences, et baptisé de quelques initiales pour
471 argé de coordonner comités et agences, et baptisé de quelques initiales pour initiés. Après quoi le Sénat fera comparaître
472 itiés. Après quoi le Sénat fera comparaître, pour de longues séances d’enquêtes, les responsables de ce board. Et ainsi de
473 e Sénat fera comparaître, pour de longues séances d’ enquêtes, les responsables de ce board. Et ainsi de suite, jusqu’à ce
474 r de longues séances d’enquêtes, les responsables de ce board. Et ainsi de suite, jusqu’à ce que le président, ayant reçu
475 ’enquêtes, les responsables de ce board. Et ainsi de suite, jusqu’à ce que le président, ayant reçu cent-mille lettres de
476 e que le président, ayant reçu cent-mille lettres de protestation, décide que les transports doivent transporter, avant mê
477 ue les transports doivent transporter, avant même de faire vivre leurs bureaux, et nomme un tsar qui supervise le tout, av
478 politiciens sans emploi ou des anciens ministres de n’importe quoi. Il sera plutôt un homme d’affaires dans la quarantain
479 d’affaires dans la quarantaine, le vice-président d’ une chaîne de Prisunics, le directeur technique d’un trust industriel,
480 ns la quarantaine, le vice-président d’une chaîne de Prisunics, le directeur technique d’un trust industriel, le secrétair
481 d’une chaîne de Prisunics, le directeur technique d’ un trust industriel, le secrétaire d’un des grands syndicats, ou bien
482 ur technique d’un trust industriel, le secrétaire d’ un des grands syndicats, ou bien un professeur d’économie. On lui fera
483 d’un des grands syndicats, ou bien un professeur d’ économie. On lui fera beaucoup de publicité. Les journaux donneront le
484 p de publicité. Les journaux donneront le chiffre de ses revenus anciens et celui de son nouveau salaire. Et puis en avant
485 neront le chiffre de ses revenus anciens et celui de son nouveau salaire. Et puis en avant, et voyons ce que le coming man
486 ournal : « Mon cher Bill, au moment de me séparer de vous, je tiens à vous remercier pour les services (adjectif variable)
487 s m’obligent, etc. Mais je serai toujours heureux de pouvoir compter sur vous en cas de besoin. » Dans l’un et l’autre cas
488 ujours heureux de pouvoir compter sur vous en cas de besoin. » Dans l’un et l’autre cas, succès ou échec, ce tsar reprendr
489 on ancienne profession, avec ou sans augmentation de salaire et de rang. Et c’est ainsi que dans le désordre éperdument or
490 ofession, avec ou sans augmentation de salaire et de rang. Et c’est ainsi que dans le désordre éperdument organisé, la bur
491 ne à l’esprit. J’ai dit désordre, parce que c’est de ce nom que l’on désigne ordinairement une situation dont notre esprit
492 prit infiniment intelligent, il n’y aurait jamais de désordre, mais seulement des complexités.) Le fait est que je n’imagi
493 exités.) Le fait est que je n’imagine pas un seul de mes contemporains qui soit capable d’embrasser dans une seule vue les
494 pas un seul de mes contemporains qui soit capable d’ embrasser dans une seule vue les rouages du gouvernement des États-Uni
495 la jungle administrative… Le président a plus de pouvoir qu’un roi, dit-on. Mais ce n’est pas beaucoup dire, de nos jo
496 ’un roi, dit-on. Mais ce n’est pas beaucoup dire, de nos jours. Il choisit ses ministres et ses tsars. Mais il doit tenir
497 tsars. Mais il doit tenir compte, pour ce choix, de l’équilibre des républicains, des démocrates du Sud, et du Travail, r
498 ssants ; il doit tenir compte des pressure groups de Washington ; des agences et bureaux d’État indépendants des ministère
499 ure groups de Washington ; des agences et bureaux d’ État indépendants des ministères ; de la Finance (bien qu’elle perde d
500 s et bureaux d’État indépendants des ministères ; de la Finance (bien qu’elle perde du terrain) ; enfin de l’opinion publi
501 a Finance (bien qu’elle perde du terrain) ; enfin de l’opinion publique, car nous sommes en démocratie, et il faut bien qu
502 quelque part… et en quelque manière. Les agences d’ État à initiales sont si nombreuses (quelques milliers) ; si provisoir
503 quelques milliers) ; si provisoires (elles durent de trois ans à trois mois) ; et de statut si variable (allant du rang de
504 res (elles durent de trois ans à trois mois) ; et de statut si variable (allant du rang de ministère non régulier à celui
505 mois) ; et de statut si variable (allant du rang de ministère non régulier à celui d’expédient de crise) ; qu’il n’y a pa
506 (allant du rang de ministère non régulier à celui d’ expédient de crise) ; qu’il n’y a pas homme au monde qui ait le temps
507 ang de ministère non régulier à celui d’expédient de crise) ; qu’il n’y a pas homme au monde qui ait le temps ou les moyen
508 onde qui ait le temps ou les moyens intellectuels de s’y retrouver : à peine y serait-il parvenu que le tableau changerait
509 venu que le tableau changerait en quelques jours. D’ où la gabegie littéralement indescriptible dont le Contrôleur général
510 indescriptible dont le Contrôleur général essaie de donner une idée dans le bref article que je citais : Prenez le probl
511 devant un comité du Sénat, la question fut posée de savoir si quelqu’un au monde connaissait réellement le nombre des age
512 ts. Depuis lors, on a chargé une agence nationale de coordonner les travaux. Mais son administrateur déclare aujourd’hui q
513 toire est propriété du gouvernement, c’est-à-dire de trente-quatre agences et d’une douzaine de départements fédéraux qui
514 rnement, c’est-à-dire de trente-quatre agences et d’ une douzaine de départements fédéraux qui se font la guerre, sans qu’i
515 à-dire de trente-quatre agences et d’une douzaine de départements fédéraux qui se font la guerre, sans qu’il existe un seu
516 guerre, sans qu’il existe un seul centre capable de dresser l’inventaire de ce domaine gigantesque… Or, malgré tout, la m
517 te un seul centre capable de dresser l’inventaire de ce domaine gigantesque… Or, malgré tout, la machine tourne. Les raiso
518 … Or, malgré tout, la machine tourne. Les raisons de ce succès pratique me demeurent en partie mystérieuses, mais quelques
519 es, mais quelques-unes sont formulables. … pas de fonctionnaires Tout d’abord, l’Amérique ne possède pas d’école de
520 naires Tout d’abord, l’Amérique ne possède pas d’ école de fonctionnaires spécialisés. Elle ne produit pas plus d’inspec
521 Tout d’abord, l’Amérique ne possède pas d’école de fonctionnaires spécialisés. Elle ne produit pas plus d’inspecteurs de
522 ctionnaires spécialisés. Elle ne produit pas plus d’ inspecteurs des Finances que de ronds-de-cuir de père en fils. Le pers
523 e produit pas plus d’inspecteurs des Finances que de ronds-de-cuir de père en fils. Le personnel des bureaux gouvernementa
524 s d’inspecteurs des Finances que de ronds-de-cuir de père en fils. Le personnel des bureaux gouvernementaux est sans cesse
525 ouvelé, au physique comme au figuré. Peu ou point de fonctionnaires de carrière, aigris et stéréotypés. Peu ou point d’esp
526 e comme au figuré. Peu ou point de fonctionnaires de carrière, aigris et stéréotypés. Peu ou point d’esprit de corps, de t
527 de carrière, aigris et stéréotypés. Peu ou point d’ esprit de corps, de traditions administratives, et d’institutions « vé
528 ère, aigris et stéréotypés. Peu ou point d’esprit de corps, de traditions administratives, et d’institutions « vénérables 
529 s et stéréotypés. Peu ou point d’esprit de corps, de traditions administratives, et d’institutions « vénérables », formali
530 sprit de corps, de traditions administratives, et d’ institutions « vénérables », formalistes et inefficaces. Ensuite, tous
531 et inefficaces. Ensuite, tous ces fonctionnaires d’ occasion savent qu’ils peuvent être aisément révoqués, et l’acceptent
532 rront reprendre au premier jour. J’ai fait partie de la troupe et parle en connaissance de cause. L’Office d’information d
533 roupe et parle en connaissance de cause. L’Office d’ information de guerre (OWI) qui tenait le rang d’un ministère, et où j
534 en connaissance de cause. L’Office d’information de guerre (OWI) qui tenait le rang d’un ministère, et où j’ai travaillé
535 d’information de guerre (OWI) qui tenait le rang d’ un ministère, et où j’ai travaillé pendant près de deux ans, ne compta
536 s de deux ans, ne comptait qu’une infime minorité de fonctionnaires de métier. Le chef en fut d’abord un général, puis un
537 comptait qu’une infime minorité de fonctionnaires de métier. Le chef en fut d’abord un général, puis un commentateur de la
538 f en fut d’abord un général, puis un commentateur de la radio. Il avait sous ses ordres des écrivains, des journalistes, d
539 z, au lieu de l’OWI, le NWLB ou l’OPA, il suffira de transposer écrivains en ingénieurs, journalistes en businessmen, ciné
540 . Tout cela change l’air des bureaux, et l’esprit d’ une bureaucratie, pour ceux qui en sont comme pour les visiteurs. L
541 r les visiteurs. La mer des paperasses rempart de la liberté ? Mais je me pose tout de même la question de l’avenir
542 rté ? Mais je me pose tout de même la question de l’avenir des démocraties, livrées à la fatalité incontrôlable des age
543 té entière se transformera-t-elle en un cauchemar de statistiques, de directives, de formulaires, de fiches, de doubles bi
544 nsformera-t-elle en un cauchemar de statistiques, de directives, de formulaires, de fiches, de doubles bien classés, et de
545 e en un cauchemar de statistiques, de directives, de formulaires, de fiches, de doubles bien classés, et de coups de tampo
546 r de statistiques, de directives, de formulaires, de fiches, de doubles bien classés, et de coups de tampon sur des notes
547 tiques, de directives, de formulaires, de fiches, de doubles bien classés, et de coups de tampon sur des notes de service 
548 rmulaires, de fiches, de doubles bien classés, et de coups de tampon sur des notes de service ? C’est fort possible. Perso
549 , de fiches, de doubles bien classés, et de coups de tampon sur des notes de service ? C’est fort possible. Personne au mo
550 bien classés, et de coups de tampon sur des notes de service ? C’est fort possible. Personne au monde n’y comprendra plus
551 ssera son temps à faire enquête sur les activités de l’autre moitié, qui elle-même consacrera le plus clair de son temps à
552 re moitié, qui elle-même consacrera le plus clair de son temps à rédiger de longs rapports prouvant qu’elle est indispensa
553 e consacrera le plus clair de son temps à rédiger de longs rapports prouvant qu’elle est indispensable. Ici et là, quelque
554 able. Ici et là, quelques énergumènes s’aviseront de travailler. Et cela suffira bien : car c’est, en fait, par très peu d
555 a suffira bien : car c’est, en fait, par très peu d’ hommes que les choses marchent. Alors un être d’exception, comme vous
556 u d’hommes que les choses marchent. Alors un être d’ exception, comme vous ou moi, se demandera dans un accès de courage in
557 on, comme vous ou moi, se demandera dans un accès de courage intellectuel ou de désespoir balayant tout scrupule, si l’on
558 emandera dans un accès de courage intellectuel ou de désespoir balayant tout scrupule, si l’on ne pourrait pas faire sans
559 ne pourrait pas faire sans nul dommage l’économie de la machine entière ? La raison lui répondra oui. L’expérience lui rép
560 érience lui répondra non. Car s’il n’y avait plus de grands bureaux dans une démocratie, quelques hommes deviendraient res
561 ignés à la vindicte publique, ils n’auraient plus de choix qu’entre la démission et la tyrannie déclarée. Les bureaux à l’
562 nts cette tragédie. Évitant à la fois le Charybde de la routine inefficace et le Scylla du pouvoir personnel, ils choisiss
563 it des Délais ou la mer des paperasses, aux frais de l’État qui payera l’assurance. Et c’est la sagesse politique, au sièc
564 u siècle du collectivisme. g. Rougemont Denis de , « Une bureaucratie sans ronds-de-cuir », Carrefour, Paris, 23 mai 19
7 1946, Carrefour, articles (1945–1947). L’Amérique est-elle nationaliste ? (29 août 1946)
565 mon sens, toute la question. Lorsque nous parlons d’ impérialisme, en Europe, nous pensons à une volonté de dominer affirmé
566 périalisme, en Europe, nous pensons à une volonté de dominer affirmée par un chef au nom de sa nation : les Allemands sous
567 Italiens sous Mussolini. Les Américains n’ont pas de chefs de cette espèce. Mais l’opinion publique, chez eux, en tient la
568 sous Mussolini. Les Américains n’ont pas de chefs de cette espèce. Mais l’opinion publique, chez eux, en tient la place. S
569 ste à notre image européenne ? Et qu’elle décidât d’ imposer au monde entier la loi yankee ? Il faudrait tout d’abord que l
570 ourtant, je reste persuadé qu’il ne comporte rien de redoutable. Une nation prend conscience d’elle-même lorsqu’elle attei
571 e rien de redoutable. Une nation prend conscience d’ elle-même lorsqu’elle atteint ses limites naturelles et qu’elle se heu
572 e heurte à des voisins organisés. Or c’est le cas de l’Amérique, virtuellement, depuis que sa mouvante frontier a rejoint
573 ses frontières naturelles, aux environs du début de ce siècle. Ces frontières se trouvaient être deux océans au-delà desq
574 la production américaine et l’idéal démocratique d’ un Roosevelt. L’Amérique atteignant ses limites se voit donc subitemen
575 à posséder pour le moment. Voilà bien des raisons de prendre conscience de soi, en tant que nation, avec tout ce que cela
576 ent. Voilà bien des raisons de prendre conscience de soi, en tant que nation, avec tout ce que cela comporte d’orgueil et
577 n tant que nation, avec tout ce que cela comporte d’ orgueil et de volonté de régenter le monde, puisqu’on est au surplus v
578 tion, avec tout ce que cela comporte d’orgueil et de volonté de régenter le monde, puisqu’on est au surplus victorieux et
579 tout ce que cela comporte d’orgueil et de volonté de régenter le monde, puisqu’on est au surplus victorieux et tout-puissa
580 un grand pays européen ait remporté des triomphes de cet ordre. La terre entière aurait de quoi trembler. Mais il ne s’agi
581 s triomphes de cet ordre. La terre entière aurait de quoi trembler. Mais il ne s’agit pas d’une nation comme les autres. J
582 re aurait de quoi trembler. Mais il ne s’agit pas d’ une nation comme les autres. Je voudrais, pour vous le faire sentir, p
583 e sentir, prendre un exemple au langage quotidien de l’Amérique. Lorsqu’un citoyen des États-Unis désapprouve une certaine
584 aine conduite, une certaine opinion, il a coutume de dire, depuis quelques années, pour marquer sa réprobation aussi forte
585 te opinion ou cette action ne va pas dans le sens de l’idéal commun vers quoi tendent les Américains, et qui les fait deve
586 dants vers une vie meilleure. Et il ne s’agit pas d’ une déclaration d’anti quelque chose, mais au contraire d’une exhortat
587 meilleure. Et il ne s’agit pas d’une déclaration d’ anti quelque chose, mais au contraire d’une exhortation et d’un rappel
588 claration d’anti quelque chose, mais au contraire d’ une exhortation et d’un rappel qu’on adresse à soi-même autant qu’aux
589 que chose, mais au contraire d’une exhortation et d’ un rappel qu’on adresse à soi-même autant qu’aux autres, afin que chac
590 u’aux autres, afin que chacun devienne plus digne de ce que tous attendent de ce pays, plus digne du mythe, du rêve améric
591 acun devienne plus digne de ce que tous attendent de ce pays, plus digne du mythe, du rêve américain. Voilà donc un nation
592 ez Rosenberg dans le sang et le sol. Ce qu’il y a de répugnant dans le nationalisme européen, c’est que l’on y sent une vo
593 lisme européen, c’est que l’on y sent une volonté de resserrement, une soif d’imposer au voisin ses propres limitations tr
594 l’on y sent une volonté de resserrement, une soif d’ imposer au voisin ses propres limitations traditionnelles et de lui fa
595 voisin ses propres limitations traditionnelles et de lui faire subir la loi d’un village qui n’est pas le sien. Au contrai
596 ions traditionnelles et de lui faire subir la loi d’ un village qui n’est pas le sien. Au contraire, ce qu’il y a de rassur
597 qui n’est pas le sien. Au contraire, ce qu’il y a de rassurant dans le nationalisme américain, c’est qu’on y sent une volo
598 nalisme américain, c’est qu’on y sent une volonté d’ élargissement, une soif de proposer au voisin les moyens de libération
599 u’on y sent une volonté d’élargissement, une soif de proposer au voisin les moyens de libération qu’on vient de découvrir
600 sement, une soif de proposer au voisin les moyens de libération qu’on vient de découvrir pour son compte et qui seront bie
601 in vient se confondre, pratiquement, avec le rêve d’ une communion planétaire dans la même liberté. Ils ont envie d’ouvrir
602 on planétaire dans la même liberté. Ils ont envie d’ ouvrir le monde à leur jeunesse, non pas de refermer sur lui leurs ser
603 envie d’ouvrir le monde à leur jeunesse, non pas de refermer sur lui leurs serres. Ils ont envie de nous faire bénéficier
604 s de refermer sur lui leurs serres. Ils ont envie de nous faire bénéficier de leur style de vie, de leur way of life, parc
605 rs serres. Ils ont envie de nous faire bénéficier de leur style de vie, de leur way of life, parce qu’ainsi, croient-ils,
606 ont envie de nous faire bénéficier de leur style de vie, de leur way of life, parce qu’ainsi, croient-ils, tout le monde
607 ie de nous faire bénéficier de leur style de vie, de leur way of life, parce qu’ainsi, croient-ils, tout le monde (et eux
608 ricain va nous submerger et détruire nos coutumes d’ économie paysanne ; on achètera nos âmes avec des frigidaires ; la sot
609 frigidaires, ce sera notre faute et non pas celle de l’industrie américaine qui aura mis dans un coin de nos cuisines ces
610 l’industrie américaine qui aura mis dans un coin de nos cuisines ces appareils où tout respire l’innocence et ronronne l’
611 se humanitaire » des États-Unis nous a fait moins de mal, semble-t-il, que « l’intelligence » inhumaine de certains chefs
612 al, semble-t-il, que « l’intelligence » inhumaine de certains chefs européens qui professaient le machiavélisme. De même e
613 ce ne sera pas la faute de la quantité, mais bien de l’abaissement de notre qualité. En résumé, ce que l’on nomme en Europ
614 faute de la quantité, mais bien de l’abaissement de notre qualité. En résumé, ce que l’on nomme en Europe « l’américanism
615 eux dire par là que si un homme devient l’esclave de son automobile, le blâme en retombe sur l’homme et non sur la machine
616 ne fois l’automobile achetée, il ne dépendait que de lui d’aller à pied quand cela lui chantait. Mais je m’avise ici d’une
617 l’automobile achetée, il ne dépendait que de lui d’ aller à pied quand cela lui chantait. Mais je m’avise ici d’une contra
618 pied quand cela lui chantait. Mais je m’avise ici d’ une contradiction étrange. Il semble bien que ce sont les mêmes person
619 ersonnes qui vitupèrent l’impérialisme commercial de l’Amérique, d’une part, et qui se plaignent de ce que l’Amérique ne l
620 al de l’Amérique, d’une part, et qui se plaignent de ce que l’Amérique ne leur vende pas assez de blé, d’autre part. Quand
621 nent de ce que l’Amérique ne leur vende pas assez de blé, d’autre part. Quand l’Amérique envoie, on parle d’impérialisme ;
622 , d’autre part. Quand l’Amérique envoie, on parle d’ impérialisme ; quand elle n’envoie pas, on parle d’égoïsme et d’hypocr
623 ’impérialisme ; quand elle n’envoie pas, on parle d’ égoïsme et d’hypocrisie puritaine. Et il arrive même trop souvent que
624  ; quand elle n’envoie pas, on parle d’égoïsme et d’ hypocrisie puritaine. Et il arrive même trop souvent que l’on parle de
625 udrais insister sur ce point. Ceux qui se méfient de l’Amérique, en Europe, l’accusent à la fois d’être là et, pour comble
626 nt de l’Amérique, en Europe, l’accusent à la fois d’ être là et, pour comble, de n’être pas là. Quand elle fait une crise d
627 , l’accusent à la fois d’être là et, pour comble, de n’être pas là. Quand elle fait une crise d’isolationnisme, on l’accus
628 mble, de n’être pas là. Quand elle fait une crise d’ isolationnisme, on l’accuse de myopie, d’inertie, d’incompréhension de
629 elle fait une crise d’isolationnisme, on l’accuse de myopie, d’inertie, d’incompréhension de la situation mondiale et d’or
630 ne crise d’isolationnisme, on l’accuse de myopie, d’ inertie, d’incompréhension de la situation mondiale et d’orgueil inqua
631 isolationnisme, on l’accuse de myopie, d’inertie, d’ incompréhension de la situation mondiale et d’orgueil inqualifiable. M
632 l’accuse de myopie, d’inertie, d’incompréhension de la situation mondiale et d’orgueil inqualifiable. Mais quand elle fai
633 ie, d’incompréhension de la situation mondiale et d’ orgueil inqualifiable. Mais quand elle fait une crise d’idéalisme et q
634 eil inqualifiable. Mais quand elle fait une crise d’ idéalisme et qu’elle intervient dans les affaires d’Europe, comme en 1
635 idéalisme et qu’elle intervient dans les affaires d’ Europe, comme en 1917 et en 1943, on l’accuse de se mêler de ce qu’ell
636 s d’Europe, comme en 1917 et en 1943, on l’accuse de se mêler de ce qu’elle ne peut comprendre. Ce qu’on voudrait, en somm
637 comme en 1917 et en 1943, on l’accuse de se mêler de ce qu’elle ne peut comprendre. Ce qu’on voudrait, en somme, c’est que
638 et sans remerciements, dès qu’ils nous ont tirés d’ affaire. « Eh quoi ! deux ans pour débarquer ! » (C’est-à-dire pour cr
639 x ans pour débarquer ! » (C’est-à-dire pour créer de toutes pièces une armée de 10 millions d’hommes.) « Eh quoi ! trois m
640 ’est-à-dire pour créer de toutes pièces une armée de 10 millions d’hommes.) « Eh quoi ! trois mois déjà que nous sommes li
641 r créer de toutes pièces une armée de 10 millions d’ hommes.) « Eh quoi ! trois mois déjà que nous sommes libérés et ils in
642 ils infestent encore nos bars ! » ⁂ Autre exemple de cette même contradiction dans les jugements européens sur l’Amérique.
643 . On n’a pas épargné les critiques à la politique d’ occupation américaine en Allemagne : « Ils sont trop doux, ils sont na
644 sont naïfs, ils ne comprennent rien aux problèmes de l’Europe, de quoi se mêlent-ils ? » Intimidés, conscients d’avoir fai
645 ls ne comprennent rien aux problèmes de l’Europe, de quoi se mêlent-ils ? » Intimidés, conscients d’avoir fait quelques ga
646 , de quoi se mêlent-ils ? » Intimidés, conscients d’ avoir fait quelques gaffes à la Patton, les Américains donnent des sig
647 es à la Patton, les Américains donnent des signes de leur envie de s’en aller. Mais aussitôt : « Ah ! bien sûr, ils vont n
648 , les Américains donnent des signes de leur envie de s’en aller. Mais aussitôt : « Ah ! bien sûr, ils vont nous laisser se
649 ils vont nous laisser seuls avec toute la charge de l’occupation sur les bras ! » Remarquons que les Russes ne prêtent pa
650 es Russes ne prêtent pas le flanc à des critiques de ce genre parce qu’ils ne publient rien, interdisent les reportages, a
651 endais l’autre jour un diplomate américain parler de l’attitude hostile des Soviétiques à l’égard de toutes les mesures pr
652 contrecarrer, ils vont nous obliger à faire enfin de la politique étrangère dont nous n’avions naguère ni le goût ni le be
653 soin… ⁂ Prise entre ces reproches contradictoires d’ isolationnisme et d’impérialisme, la politique américaine hésite parfo
654 ces reproches contradictoires d’isolationnisme et d’ impérialisme, la politique américaine hésite parfois. D’autant plus qu
655 rialisme, la politique américaine hésite parfois. D’ autant plus qu’il existe bel et bien aux États-Unis des fractions isol
656 me dans certains cas — par un paradoxe symétrique de celui que je relevais tout à l’heure. Cette timidité de la politique
657 ui que je relevais tout à l’heure. Cette timidité de la politique américaine me paraît beaucoup plus dangereuse pour l’Eur
658 l’Europe que cet impérialisme qu’on redoute pour de mauvaises raisons ou parce qu’on l’assimile à des tendances européenn
659 l’assimile à des tendances européennes qui n’ont de commun avec lui que le nom. h. Rougemont Denis de, « L’Amérique es
660 commun avec lui que le nom. h. Rougemont Denis de , « L’Amérique est-elle nationaliste ? », Carrefour, Paris, 26 août 19
8 1947, Carrefour, articles (1945–1947). L’art dirigé [Réponse à une enquête] (23 janvier 1947)
661 er 1947)i j 1° Si l’on nomme Art ce qui relève de la création — tandis que la production mécanique relève de l’imitatio
662 ation — tandis que la production mécanique relève de l’imitation — il est clair qu’il ne peut exister d’art dirigé, pas pl
663 l’imitation — il est clair qu’il ne peut exister d’ art dirigé, pas plus qu’on ne peut prévoir l’imprévisible. Ce que les
664 st pas l’art, mais la propagande et la production de cartes postales en couleur. Ce qu’ils appellent diriger l’art, c’est
665 er les artistes inscrits au parti. Or les lettres de cachet, les mesures de police, le favoritisme éhonté, la calomnie, la
666 s au parti. Or les lettres de cachet, les mesures de police, le favoritisme éhonté, la calomnie, la terreur, n’ont rien à
667 sso non. 2° Si l’artiste aujourd’hui se préoccupe d’ être immédiatement accessible au peuple, il faut qu’il se maintienne a
668 se maintienne au niveau de la presse du savoir et de la radio (libres ou dirigées) et il cessera d’être un artiste. Sinon,
669 et de la radio (libres ou dirigées) et il cessera d’ être un artiste. Sinon, il se voit contraint d’inventer son langage, s
670 ra d’être un artiste. Sinon, il se voit contraint d’ inventer son langage, sa rhétorique, ses sujets, et peu à peu son publ
671 ic : c’est l’ambition romantique, c’est le destin de l’artiste individualiste, et c’est trop pour un homme. Il s’agit pour
672 trop pour un homme. Il s’agit pour nous, au xxe , d’ appeler et de créer des « communautés » véritables, au sein desquelles
673 homme. Il s’agit pour nous, au xxe , d’appeler et de créer des « communautés » véritables, au sein desquelles le langage r
674 e elle toute la structure sociale et la politique de l’époque. Je ne vois pas comment un artiste pourrait s’en désintéress
675 esser, ni comment il pourrait ne point s’efforcer de modifier les structures existantes et d’en inventer de nouvelles, soi
676 efforcer de modifier les structures existantes et d’ en inventer de nouvelles, soit par son art, soit en tant que citoyen.
677 difier les structures existantes et d’en inventer de nouvelles, soit par son art, soit en tant que citoyen. 3° Tout art im
678 eux en le sachant. Mais les idéologies politiques d’ aujourd’hui sont aussi stériles pour l’artiste que fureur féconde la t
679 du romantisme allemand. En fait, il ne s’agit pas d’ idéologies, mais de tactiques, pas de styles mais de trucs, pas de ser
680 and. En fait, il ne s’agit pas d’idéologies, mais de tactiques, pas de styles mais de trucs, pas de service mais de servil
681 e s’agit pas d’idéologies, mais de tactiques, pas de styles mais de trucs, pas de service mais de servilité. i. Rougemo
682 idéologies, mais de tactiques, pas de styles mais de trucs, pas de service mais de servilité. i. Rougemont Denis de, « 
683 is de tactiques, pas de styles mais de trucs, pas de service mais de servilité. i. Rougemont Denis de, « [Réponse à une
684 pas de styles mais de trucs, pas de service mais de servilité. i. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] L’art
685 service mais de servilité. i. Rougemont Denis de , « [Réponse à une enquête] L’art dirigé », Carrefour, Paris, 23 janvi
686 te, se rapportant aux controverses sur la liberté de l’art (ou son absence) en URSS, comportait les trois questions suivan
687  1. L’artiste peut-il s’exprimer dans les limites d’ un art dirigé ? 2. Estimez-vous que l’artiste doive se préoccuper d’êt
688 2. Estimez-vous que l’artiste doive se préoccuper d’ être immédiatement accessible au plus grand nombre ? 3. L’art peut-il
689 s grand nombre ? 3. L’art peut-il être au service d’ une idéologie ? »
9 1947, Carrefour, articles (1945–1947). Fédération ou dictature mondiale ? (9 avril 1947)
690 re mondiale ? (9 avril 1947)k Six associations d’ étudiants américains préconisant un gouvernement mondial viennent de f
691 e ligue compte déjà 18 000 membres actifs et plus de 70 000 sympathisants. Plusieurs savants, chroniqueurs influents de la
692 isants. Plusieurs savants, chroniqueurs influents de la radio, magistrats et écrivains réputés, font partie de son comité.
693 dio, magistrats et écrivains réputés, font partie de son comité. La presse américaine en a beaucoup parlé et ne cesse de d
694 presse américaine en a beaucoup parlé et ne cesse de discuter le sujet. En Europe, au contraire, il m’apparaît que l’idée
695 En Europe, au contraire, il m’apparaît que l’idée d’ un gouvernement mondial se heurte au scepticisme général, et même, pou
696 i oppose couramment. Je trouve d’abord un réflexe de fatigue et de méfiance facilement explicable : on voudrait écarter l’
697 mment. Je trouve d’abord un réflexe de fatigue et de méfiance facilement explicable : on voudrait écarter l’idée en la qua
698 ble : on voudrait écarter l’idée en la qualifiant d’ « utopie ». Bornons-nous à remarquer que cet argument a contre lui tou
699 er que cet argument a contre lui toute l’histoire de l’humanité, qui est l’histoire des utopies réalisées. Tout ce qui a c
700 nisme et l’aviation, le marxisme et l’utilisation de l’électricité, la découverte de l’Amérique et la transmission instant
701 et l’utilisation de l’électricité, la découverte de l’Amérique et la transmission instantanée de la parole d’un continent
702 erte de l’Amérique et la transmission instantanée de la parole d’un continent à l’autre. Traiter une idée en utopie, c’est
703 rique et la transmission instantanée de la parole d’ un continent à l’autre. Traiter une idée en utopie, c’est en fait décl
704 en fait déclarer « qu’on est contre », en évitant d’ avouer ses raisons ou de démasquer ses préjugés. Ensuite on dit que « 
705 est contre », en évitant d’avouer ses raisons ou de démasquer ses préjugés. Ensuite on dit que « l’humanité n’est pas prê
706 prête pour un gouvernement mondial ». La timidité d’ esprit que cet argument trahit touche à la mauvaise foi. S’est-on jama
707 uche à la mauvaise foi. S’est-on jamais préoccupé de savoir si les peuples étaient prêts pour la guerre, par exemple, et p
708 érie ? Ce qui est vrai, c’est qu’on les y prépare de force, quand on a décidé de faire la guerre. Mais pour quelle grande
709 t qu’on les y prépare de force, quand on a décidé de faire la guerre. Mais pour quelle grande entreprise de l’histoire a-t
710 ire la guerre. Mais pour quelle grande entreprise de l’histoire a-t-on jamais demandé l’avis des peuples, et pourquoi fure
711 mbe atomique ? S’ils avaient été prêts pour l’une de ces grandes causes ou grandes actions, il n’y aurait pas eu de martyr
712 s causes ou grandes actions, il n’y aurait pas eu de martyrs, ni de tyrans, ni d’adversaires de la Révolution, ni de socia
713 ndes actions, il n’y aurait pas eu de martyrs, ni de tyrans, ni d’adversaires de la Révolution, ni de socialisme, ni d’His
714 il n’y aurait pas eu de martyrs, ni de tyrans, ni d’ adversaires de la Révolution, ni de socialisme, ni d’Histoire en génér
715 pas eu de martyrs, ni de tyrans, ni d’adversaires de la Révolution, ni de socialisme, ni d’Histoire en général. L’argument
716 de tyrans, ni d’adversaires de la Révolution, ni de socialisme, ni d’Histoire en général. L’argument est au moins léger.
717 dversaires de la Révolution, ni de socialisme, ni d’ Histoire en général. L’argument est au moins léger. De plus, il est in
718 e les peuples ne sont pas prêts à accepter l’idée d’ un gouvernement mondial, mais qu’en savez-vous ? Le seul peuple « sond
719  » à ce sujet, celui des États-Unis, a donné 67 % de réponses favorables à cette idée. Avouez plutôt que vous, personnelle
720 e réaliser. Passons aux objections plus réalistes d’ une réflexion qui accepte au moins d’imaginer, avant de le rejeter, le
721 us réalistes d’une réflexion qui accepte au moins d’ imaginer, avant de le rejeter, le projet qu’on propose. Elles se ramèn
722 jet qu’on propose. Elles se ramènent à deux types d’ argument : le gouvernement mondial serait impuissant, ou bien il serai
723 en il serait trop puissant. À l’appui de la thèse de l’impuissance, on cite bien entendu l’échec de la Société des Nations
724 se de l’impuissance, on cite bien entendu l’échec de la Société des Nations, et l’on rappelle qu’à chaque conflit sérieux
725 x les nations se sont divisées suivant les lignes de force de la politique ancienne ; les unes sont simplement sorties de
726 ions se sont divisées suivant les lignes de force de la politique ancienne ; les unes sont simplement sorties de la Ligue
727 tique ancienne ; les unes sont simplement sorties de la Ligue qui les condamnait, les autres ont réagi bien moins en tant
728 s autres ont réagi bien moins en tant que membres de la Ligue qu’au nom de leurs intérêts individuels et de leurs alliance
729 Ligue qu’au nom de leurs intérêts individuels et de leurs alliances particulières. Cet argument porte à coup sûr contre l
730 on signale avait une cause précise dans le statut de la SDN, lequel sauvegardait avec soin la souveraineté absolue des nat
731 eté absolue des nations, source et condition même de toutes les guerres modernes. Cette faiblesse taxe identiquement l’ONU
732 our cette raison que beaucoup éprouvent l’urgence d’ un gouvernement mondial. Ce dernier, pour être effectif, capable de p
733 mondial. Ce dernier, pour être effectif, capable de prévenir ou de tuer les guerres, devrait être établi au-dessus des na
734 rnier, pour être effectif, capable de prévenir ou de tuer les guerres, devrait être établi au-dessus des nations et aux dé
735 s et aux dépens de leur souveraineté. Il naîtrait de l’abandon même, par les nations, de leurs prérogatives de droit divin
736 . Il naîtrait de l’abandon même, par les nations, de leurs prérogatives de droit divin. Qu’on ne dise pas que c’est une pu
737 ndon même, par les nations, de leurs prérogatives de droit divin. Qu’on ne dise pas que c’est une pure rêverie. Tout récem
738 sens. Le plan américain pour prendre le contrôle de la bombe atomique prévoit en effet un comité supranational chargé d’i
739 e prévoit en effet un comité supranational chargé d’ inspecter dans tous les pays les usines et les laboratoires, et qui se
740 oires, et qui serait seul dépositaire des secrets de fabrication actuellement détenus par les États-Unis. Or M. Gromyko,
741 tenus par les États-Unis. Or M. Gromyko, délégué de l’URSS s’est aussitôt opposé au projet, pour la raison qu’il comporta
742 nt résume tout le problème. D’une part, il permet d’ observer le processus de la naissance d’un pouvoir mondial. D’autre pa
743 me. D’une part, il permet d’observer le processus de la naissance d’un pouvoir mondial. D’autre part, il révèle la vraie n
744 il permet d’observer le processus de la naissance d’ un pouvoir mondial. D’autre part, il révèle la vraie nature des forces
745 arquaient tout à l’heure avec raison qu’une ligue de gouvernants est par définition incapable d’empêcher la guerre, puisqu
746 ligue de gouvernants est par définition incapable d’ empêcher la guerre, puisque dans un conflit éventuel les arbitres sera
747 rent maintenant qu’un pouvoir mondial indépendant de ces gouvernants, né de l’abandon partiel des souverainetés nationales
748 ouvoir mondial indépendant de ces gouvernants, né de l’abandon partiel des souverainetés nationales, et armé de la bombe a
749 don partiel des souverainetés nationales, et armé de la bombe atomique, serait au contraire trop puissant. Et, en effet, o
750 et, on peut redouter qu’un tel pouvoir soit tenté d’ imposer à tout le genre humain l’idéologie la plus répandue au moment
751 eposant sur une conception naïvement matérialiste de l’homme.) Ainsi la paix mondiale ne serait établie qu’au prix d’une s
752 nsi la paix mondiale ne serait établie qu’au prix d’ une sorte de paralysie de l’histoire, et d’un appauvrissement peut-êtr
753 mondiale ne serait établie qu’au prix d’une sorte de paralysie de l’histoire, et d’un appauvrissement peut-être irréparabl
754 erait établie qu’au prix d’une sorte de paralysie de l’histoire, et d’un appauvrissement peut-être irréparable des perspec
755 u prix d’une sorte de paralysie de l’histoire, et d’ un appauvrissement peut-être irréparable des perspectives de l’aventur
756 vrissement peut-être irréparable des perspectives de l’aventure humaine. Cette dernière objection me paraît seule sérieuse
757 me insoluble, celle-ci le suppose résolu et tente d’ évaluer la situation qui en résulterait probablement. Pour y répondre,
758 erait probablement. Pour y répondre, il s’agirait de considérer de plus près les modes d’élection du gouvernement mondial
759 il s’agirait de considérer de plus près les modes d’ élection du gouvernement mondial et les limites de son pouvoir. En eff
760 d’élection du gouvernement mondial et les limites de son pouvoir. En effet, si les membres de l’exécutif mondial étaient d
761 limites de son pouvoir. En effet, si les membres de l’exécutif mondial étaient désignés par les gouvernements nationaux,
762 nationaux, on retomberait soit dans l’impuissance d’ une ligue des nations, soit dans la dictature d’une idéologie majorita
763 e d’une ligue des nations, soit dans la dictature d’ une idéologie majoritaire. Si au contraire ils étaient désignés par le
764 secondés par un Parlement mondial, la possibilité d’ une opposition non seulement respectée mais organique serait sauvegard
765 sauvegardée. Le gouvernement mondial serait alors de type démocratique. (Car il apparaît de plus en plus clairement que la
766 ue la clé des quatre libertés est dans la liberté d’ opposition, et que celle-ci suffit à distinguer la démocratie de ses c
767 et que celle-ci suffit à distinguer la démocratie de ses contrefaçons totalitaires.) Quant aux fonctions du pouvoir mondia
768 ait souhaiter qu’il existe : la nécessité urgente d’ empêcher la guerre, c’est-à-dire de limiter les souverainetés national
769 essité urgente d’empêcher la guerre, c’est-à-dire de limiter les souverainetés nationales et de distribuer plus équitablem
770 à-dire de limiter les souverainetés nationales et de distribuer plus équitablement les richesses de la planète. Guerre, au
771 et de distribuer plus équitablement les richesses de la planète. Guerre, autarcie, inégalité économique, les trois phénomè
772 ns absolument souverains, nous aurons des menaces de guerre : et réciproquement, tant qu’il y aura des menaces de guerre,
773 et réciproquement, tant qu’il y aura des menaces de guerre, les États tendront à l’autarcie, les frontières closes, et le
774 dis que la famine régnera dans un autre. Je n’ai d’ autre ambition, ici, que d’attirer l’attention, d’une part sur la faib
775 ans un autre. Je n’ai d’autre ambition, ici, que d’ attirer l’attention, d’une part sur la faiblesse des objections préala
776 tions préalables qu’on oppose couramment à l’idée d’ une fédération mondiale, d’autre part sur l’urgence de discuter les vr
777 e fédération mondiale, d’autre part sur l’urgence de discuter les vrais problèmes qui se posent à son sujet. Car quelles q
778 partie imprévisibles qui en résulteraient (comme de toute institution humaine), le fait est que cette fédération paraît a
779 tient et se mêle inextricablement, la persistance d’ États-nations souverains dans le carcan de leurs frontières est un dan
780 istance d’États-nations souverains dans le carcan de leurs frontières est un dangereux anachronisme. Si nous sommes incapa
781 dangereux anachronisme. Si nous sommes incapables de briser cette féodalité et d’adapter nos structures politiques aux réa
782 us sommes incapables de briser cette féodalité et d’ adapter nos structures politiques aux réalités du xxe siècle, qui son
783 on ne voit pas ce qui pourrait empêcher la guerre d’ éclater. (La peur de la guerre, pratiquement, précipite les conflits p
784 i pourrait empêcher la guerre d’éclater. (La peur de la guerre, pratiquement, précipite les conflits plus qu’elle ne les r
785 a l’hégémonie mondiale du vainqueur, c’est-à-dire de l’Usonie ou de la Soviétie. Dans ce cas, nous aurons une dictature do
786 ondiale du vainqueur, c’est-à-dire de l’Usonie ou de la Soviétie. Dans ce cas, nous aurons une dictature dont le Führer ne
787 nation. Alors, mais dans les ruines radioactives de notre civilisation, la Résistance mondiale s’organisera, comme une ég
788 e mondiale s’organisera, comme une église secrète de la liberté. L’utopie ou la tragédie, tel est le dilemme que nous offr
789 ne peuvent plus être désormais qu’aux dimensions de la planète. k. Rougemont Denis de, « Fédération ou dictature mondi
790 x dimensions de la planète. k. Rougemont Denis de , « Fédération ou dictature mondiale ? », Carrefour, Paris, 9 avril 19
10 1947, Carrefour, articles (1945–1947). « Jean-Paul Sartre vous parle… et ce qu’en pensent… » (29 octobre 1947)
791 fait qu’en intention, si l’on néglige le sophisme de la moustache, qui en disqualifie toute la fin. (Hitler portait la mou
792 portent en sont un autre… ça va.) Sartre a raison de dire que la guerre n’est pas fatale, mais en fait l’argument porte su
793 la démocratie capitaliste. Merleau-Ponty a raison de dire qu’il « faudrait faire appel à la démocratie américaine » et de
794 drait faire appel à la démocratie américaine » et de se taire prudemment sur tout appel à la « démocratie » russe. S. de B
795 la « démocratie » russe. S. de Beauvoir a raison de défendre la liberté de penser, mais quand elle dit « qu’on peut toujo
796 e. S. de Beauvoir a raison de défendre la liberté de penser, mais quand elle dit « qu’on peut toujours trouver les circons
797 le communisme en exercice. l. Rougemont Denis de , « [Réponse à une enquête] Jean-Paul Sartre vous parle… et ce qu’en p
11 1947, Carrefour, articles (1945–1947). La France est assez grande pour n’être pas ingrate (26 novembre 1947)
798 ’être pas ingrate (26 novembre 1947)n La honte de l’Europe, ce n’est pas sa misère, ni l’aide nécessaire de l’Amérique,
799 ope, ce n’est pas sa misère, ni l’aide nécessaire de l’Amérique, mais la manière dont nous sollicitons cette aide et la vi
800 yez, messieurs, et veuillez agréer les assurances de notre ingratitude anticipée. » C’est ce qu’il me semble entendre un p
801 s rentré dans ce vieux monde. Or il ne s’agit pas d’ une attitude nouvelle, ou qui serait le seul fait des communistes : il
802  : il y a trente ans que l’Europe, la bourgeoisie d’ Europe, se conduit mal à l’égard des États-Unis. Je ne parle pas des d
803 des discours officiels, mais des conversations et de beaucoup d’articles, de jugements que nous portons chaque jour sur le
804 officiels, mais des conversations et de beaucoup d’ articles, de jugements que nous portons chaque jour sur les Américains
805 mais des conversations et de beaucoup d’articles, de jugements que nous portons chaque jour sur les Américains et leur act
806 action. Il y a trente ans que nous les abreuvons de récriminations et de dédains, de demandes d’emprunts et de refus de r
807 e ans que nous les abreuvons de récriminations et de dédains, de demandes d’emprunts et de refus de rembourser, de recours
808 us les abreuvons de récriminations et de dédains, de demandes d’emprunts et de refus de rembourser, de recours à leurs cap
809 vons de récriminations et de dédains, de demandes d’ emprunts et de refus de rembourser, de recours à leurs capitaux et de
810 inations et de dédains, de demandes d’emprunts et de refus de rembourser, de recours à leurs capitaux et de dénonciations
811 et de dédains, de demandes d’emprunts et de refus de rembourser, de recours à leurs capitaux et de dénonciations de leur c
812 de demandes d’emprunts et de refus de rembourser, de recours à leurs capitaux et de dénonciations de leur capitalisme. Il
813 fus de rembourser, de recours à leurs capitaux et de dénonciations de leur capitalisme. Il y a trente ans que nous les app
814 , de recours à leurs capitaux et de dénonciations de leur capitalisme. Il y a trente ans que nous les appelons au secours
815 ompe) : il y a trente ans que nous nous plaignons de leur lenteur à répondre à nos SOS (eh quoi ! onze mois pour créer de
816 épondre à nos SOS (eh quoi ! onze mois pour créer de toutes pièces l’armée de notre libération et pour la débarquer en Alg
817 i ! onze mois pour créer de toutes pièces l’armée de notre libération et pour la débarquer en Algérie !) ; il y a trente a
818 in, lorsqu’ils nous sauvent, nous leur disons : «  De quoi vous mêlez-vous ? » Bref, trente ans que nous voyons dans leurs
819 ans leurs réponses à nos appels désespérés autant de preuves de leur impérialisme. On va plus loin. On accuse les Américai
820 éponses à nos appels désespérés autant de preuves de leur impérialisme. On va plus loin. On accuse les Américains de sombr
821 alisme. On va plus loin. On accuse les Américains de sombres motifs égoïstes, non pas seulement quand ils s’isolent, mais
822 : « C’est entendu, ils nous fournissent du blé et de l’argent pour l’acheter, mais croyez-vous que ce soit par pure philan
823 eur intérêt ! » Que voudrait-on qu’ils y trouvent d’ autre ? L’intérêt de l’Amérique, c’est que l’Europe vive et ne tombe p
824 voudrait-on qu’ils y trouvent d’autre ? L’intérêt de l’Amérique, c’est que l’Europe vive et ne tombe pas aux mains des Rus
825 nt sur sa faiblesse. Mais au lieu de se féliciter d’ une aussi bienheureuse coïncidence, on a l’air d’en vouloir à ces Yank
826 d’une aussi bienheureuse coïncidence, on a l’air d’ en vouloir à ces Yankees de n’être pas de purs imbéciles, de ne pas do
827 oïncidence, on a l’air d’en vouloir à ces Yankees de n’être pas de purs imbéciles, de ne pas donner comme ça, pour le plai
828 a l’air d’en vouloir à ces Yankees de n’être pas de purs imbéciles, de ne pas donner comme ça, pour le plaisir, n’importe
829 ir à ces Yankees de n’être pas de purs imbéciles, de ne pas donner comme ça, pour le plaisir, n’importe comment et à n’imp
830 comment et à n’importe qui… On leur fait un grief d’ avoir une politique, un crime d’être en mesure de l’appliquer, un ridi
831 eur fait un grief d’avoir une politique, un crime d’ être en mesure de l’appliquer, un ridicule d’avoir réalisé sans phrase
832 d’avoir une politique, un crime d’être en mesure de l’appliquer, un ridicule d’avoir réalisé sans phrases ce que les Russ
833 rime d’être en mesure de l’appliquer, un ridicule d’ avoir réalisé sans phrases ce que les Russes promettent aux masses et
834 staliniens, c’est nous qui sauverions l’Amérique de la ruine en acceptant qu’elle nous avance une vingtaine de milliards
835 ne en acceptant qu’elle nous avance une vingtaine de milliards de dollars ! C’est l’Amérique, dit-on, qui a besoin de l’Eu
836 nt qu’elle nous avance une vingtaine de milliards de dollars ! C’est l’Amérique, dit-on, qui a besoin de l’Europe ! Car el
837 dollars ! C’est l’Amérique, dit-on, qui a besoin de l’Europe ! Car elle est à la veille d’une crise épouvantable, Staline
838 i a besoin de l’Europe ! Car elle est à la veille d’ une crise épouvantable, Staline l’a dit ; elle ne sait plus où vendre
839 plus où vendre ses produits, la pauvre, et tente de prolonger l’agonie de son système en s’ouvrant des marchés européens…
840 oduits, la pauvre, et tente de prolonger l’agonie de son système en s’ouvrant des marchés européens… Rien de plus stupéfi
841 péens… Rien de plus stupéfiant que la popularité de ce théâtre pour illettrés. Raymond Aron, après vingt autres, le rappe
842 10 % du produit national brut. » Quand on déduit de ce 10 % les parts qui reviennent à l’Amérique latine, à l’Asie et à l
843 oit ce qui reste pour l’Europe — pour la solidité de l’argument stalinien ! Par bonheur, elles n’y suffiront pas. Le plan
844 t nos humeurs et préjugés. On ne nous demande pas de dire merci. Mais justement, puisque l’opportunisme n’est pas en cause
845 rtunisme n’est pas en cause, pour le seul honneur de l’Europe, il serait temps que nous prenions un peu de tenue. Si nous
846 européenne, elle ne vient pas de l’Amérique, mais de nous-mêmes. La vraie, ce n’est pas que M. Clayton morigène les expert
847 es Seize, mais que ceux-ci se mettent dans le cas de mériter pareil rappel à l’ordre. L’indépendance économique des nation
848 à l’ordre. L’indépendance économique des nations de l’Europe est une fiction. Tout le monde le sait, n’en parlons plus. Q
849 le trouvera sa seule garantie. Nous serons guéris de notre mauvaise conscience quand nous aurons admis que la tâche concrè
850 aurons admis que la tâche concrète, ce n’est pas de défendre l’Europe, mais de la faire. n. Rougemont Denis de, « La F
851 concrète, ce n’est pas de défendre l’Europe, mais de la faire. n. Rougemont Denis de, « La France est assez grande pour
852 l’Europe, mais de la faire. n. Rougemont Denis de , « La France est assez grande pour n’être pas ingrate », Carrefour, P