1 1945, Carrefour, articles (1945–1947). L’Amérique de la vie quotidienne (19 octobre 1945)
1 fini de m’en ébahir. Ce Nouveau Monde m’apparaît à chaque pas sinon neuf, du moins différent de ce que mes réflexes atte
2 rt exacts dans leurs informations, de Tocqueville à André Siegfried, m’en avaient appris à l’avance. C’était cela, les gr
3 ocqueville à André Siegfried, m’en avaient appris à l’avance. C’était cela, les gratte-ciel et Broadway, les grandes plai
4 drapeau de la boîte aux lettres… et c’était tout à fait autre chose — une autre civilisation. L’Amérique est un continen
5 allé : la plupart des lieux communs qui circulent à son sujet sont justifiés, de même que les critiques à la Duhamel et l
6 n sujet sont justifiés, de même que les critiques à la Duhamel et les enthousiasmes à la Jules Romains ; mais rien de tou
7 e les critiques à la Duhamel et les enthousiasmes à la Jules Romains ; mais rien de tout cela n’empêchera le voyageur, de
8 près cinq ans, reste nouvelle. Du sentimentalisme à l’épopée, l’Amérique de la vie quotidienne, comme celle du mythe poli
9 n sourire gentiment courageux — vous allez croire à de l’insouciance — vers une party… « J’espère que tu t’amuses, que tu
10 écrit l’ami du fond du Pacifique. Je pense aussi à celle qui s’était remariée croyant son mari tué en Chine. On le retro
11  » Un mois plus tard. Jim et Joe boivent ensemble à la santé du couple réuni. Ils aiment tout ce qui passe, fait sensatio
12 atmosphère si différente de l’Europe ? Cela tient à des riens ; mais de ces riens multipliés dans la vie quotidienne, naî
13 par quelques remarques ironiques pour m’accorder à leurs manières. Il y a tant de bizarreries dans le monde, et dans ce
14 dépréciatif, bien au contraire, qu’on l’applique à un film, à un chapeau, ou même à un industriel entreprenant. Cette nu
15 f, bien au contraire, qu’on l’applique à un film, à un chapeau, ou même à un industriel entreprenant. Cette nuance me par
16 qu’on l’applique à un film, à un chapeau, ou même à un industriel entreprenant. Cette nuance me paraît capitale : elle su
17 nt. Cette nuance me paraît capitale : elle suffit à changer l’atmosphère. L’avouerai-je ? Aux premiers contacts, dans la
18 ouerai-je ? Aux premiers contacts, dans la rue ou à la maison, je les trouvais tous un peu crazy les gens d’ici. Ils entr
19 ire pourquoi ils étaient venus ; ils se versaient à boire, et, les pieds sur une chaise, me posaient avec naturel des que
20 nt… Je m’étais à peine habitué, non sans plaisir, à cette suppression générale de nos cérémonies, précautions oratoires,
21 spect de la mise en scène solennelle. Je me borne à citer dans des domaines hétéroclites à souhait : le déploiement des c
22 e me borne à citer dans des domaines hétéroclites à souhait : le déploiement des costumes sacerdotaux, des drapeaux, des
23 tard en qualité formelle et déclarée de candidat à la citoyenneté. Cette opération, fort coûteuse si on habite loin d’un
24 e symbolique et rituelle. Autrement, elle ne sert à rien. Mais personne ne paraît s’en étonner, tant est puissant le sens
25 its, on ne s’occupera plus de vous et vous vivrez à votre guise dans toute l’enceinte démesurée du club. ⁂ Je ne vous ai
26 parlé d’actualités brûlantes, dans cette préface à quelques articles sur l’Amérique. C’est que je crois aux signes plus
27 bilité plus qu’aux chiffres et aux statistiques ; à ce qui prépare et fait mûrir lentement les événements, plus qu’aux in
28 me semble assez important, pour faire comprendre à des Français certaines démarches surprenantes de la diplomatie améric
2 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Le rêve américain (9 novembre 1945)
29 de jeunes filles en jupes très courtes se livrent à la danse appelée jitterbugs autour de petits marins, de soldats presq
30 par moments, le vaudou, et, quand ils se mettent à crier, on les croirait au bord du délire collectif. Mais la danse pre
31 e ne parle. Suit un tango où ils se glissent joue à joue, avec n’importe qui, comme sans se voir, dans une demi-obscurité
32 s seuls, assis sur des banquettes tournant le dos à la piste, regardent dans le vide. Peu ou point de plaisanteries échan
33 crois qu’ils sont bien moins conscients que nous. À quoi rêvent-ils ? À la vie large, toujours plus large devant eux, à l
34 en moins conscients que nous. À quoi rêvent-ils ? À la vie large, toujours plus large devant eux, à la richesse et à la l
35 ? À la vie large, toujours plus large devant eux, à la richesse et à la liberté qu’elle leur donnerait, croient-ils. À un
36 toujours plus large devant eux, à la richesse et à la liberté qu’elle leur donnerait, croient-ils. À une aisance qui va
37 à la liberté qu’elle leur donnerait, croient-ils. À une aisance qui va venir. C’est là tout le secret de ce que l’on nomm
38 stent, sinon pour être dépassées. C’est contraire à sa tradition. Ses ancêtres ont été amenés sur les rives de l’Hudson e
39 s siècles, tout l’effort des pionniers a consisté à repousser cette frontière toujours plus loin vers l’ouest. Jusqu’à ce
40 frontière toujours plus loin vers l’ouest. Jusqu’ à ce qu’enfin, au xixe siècle, les colons de la Nouvelle-Angleterre ai
41 de la Nouvelle-Angleterre aient pu tendre la main à ceux des côtés de la Californie. C’était une grande victoire sur la g
42 s, et des usines colossales, puis des gratte-ciel à cent étages. « Le ciel est la limite », disait alors leur dicton favo
43 les voici, vers ce milieu du xxe siècle, presque à l’étroit entre les rives du Pacifique et de l’Atlantique, mais encore
44 naient les prochaines élections, il y aurait huit à neuf chances sur dix que l’Amérique retourne à l’isolationnisme. Rien
45 it à neuf chances sur dix que l’Amérique retourne à l’isolationnisme. Rien de tel pour blesser l’amour entre deux peuples
46 verser ces injustices flagrantes, ces vérités mal à propos au compte des profits et pertes d’une guerre moderne, à l’éche
47 ompte des profits et pertes d’une guerre moderne, à l’échelle planétaire. Mais il y a le rêve des civils. Et c’est lui qu
48 faire dans les limites de son pays, « d’une côte à l’autre », comme il dit. Et ce pressentiment l’inquiète profondément.
49 ange, et en retour ce libre-échange paraît propre à favoriser l’établissement de la démocratie dans les pays où les diffi
50 incu que l’expansion américaine n’est pas du tout à base d’impérialisme au sens européen du mot. Je pense que nous avons
3 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Hollywood n’a plus d’idées (13 décembre 1945)
51 me les spectateurs, sont unanimes : Hollywood est à court d’inventions. Hollywood achète n’importe quoi, un roman non ter
52 ie de toucher, et c’est pourquoi son avidité même à se renouveler stérilise instantanément les nouveautés qu’il semblerai
53 ouveautés qu’il semblerait facile d’y introduire, à première vue. Cette technique trop parfaite n’est obtenue qu’au prix
54 application au détail matériel, au cadre, au son, à l’éclairage, aux cravates et au faux-vrai luxe : elle doit tenir comp
55 il n’est pas de génie assez coriace pour survivre à pareille torture au ralenti, même avec une prime d’un million, resple
56 , projeté dans une petite salle de rétrospective, à New York, me semble en comparaison fait de bric et de broc et de fice
57 e joue une pauvresse, qu’Ingrid Bergman ressemble à la Suédoise qu’elle est, plutôt qu’à une star comme les autres. N’ins
58 an ressemble à la Suédoise qu’elle est, plutôt qu’ à une star comme les autres. N’insistons pas : la décadence de Hollywoo
59 Dans ce petit restaurant français de la 56e rue, à l’ouest, un jour de l’autre hiver, le garçon vint me dire à l’oreille
60 un jour de l’autre hiver, le garçon vint me dire à l’oreille : — Pouvez-vous céder votre table, nous avons besoin d’une
61 . Comme elle est gaie ! J’ai passé une demi-heure à causer avec elle, sur un sofa, et plus tard nous avons soupé, assis p
62 soupé, assis par terre, dans une foule, mais dos à dos, et voici l’étonnant de l’histoire : je ne trouve rien à me remém
63 oici l’étonnant de l’histoire : je ne trouve rien à me remémorer de ses propos. Elle a le génie de ne rien dire qui la re
64 image. Ne serait-ce pas là son secret ? Se prêter à la fantaisie de toutes les imaginations. Comme elle est belle et comm
65 ! Comme elle est gaie pour un fantôme… ⁂ Revenons à nos moutons de Hollywood. Je ne vois qu’un homme en Amérique, qui ait
66 et : c’est Walt Disney. Les autres en sont encore à photographier des comédies, des drames, des ameublements ou des jardi
67 e la musique, vingt autres procédés moins faciles à définir, en deux mots : voilà le domaine que Disney seul a le courage
68 assant en une seconde de l’aplanissement physique à la mégalomanie, extravagants, sentimentaux entourés de monstres sadiq
69 rompe, n’y va pas de main morte. Je pense surtout à Fantasia, essai d’illustration mouvante de quelques symphonies sérieu
70 ce, c’est au lendemain de la première de Fantasia à Buenos Aires que j’ai rencontré Walt Disney. Nous l’attendions à déje
71 que j’ai rencontré Walt Disney. Nous l’attendions à déjeuner chez Victoria Ocampo, plutôt déprimés par la représentation
72 es de bons vœux comme il s’en envoie des millions à chaque Noël en Amérique.) Mais il a le secret de ce rythme endiablé,
73 ule. ⁂ Les créations géniales de Disney remontent à la période où il travaillait seul, à l’aventure, avec des moyens peu
74 ey remontent à la période où il travaillait seul, à l’aventure, avec des moyens peu coûteux. Les producers de Hollywood t
75 es milliers d’employés déjà cités se livrent donc à une chasse impitoyable à la situation neuve ou vraie, pour la tuer. E
76 jà cités se livrent donc à une chasse impitoyable à la situation neuve ou vraie, pour la tuer. En même temps, les produce
77 Miami. Les barrières commerciales qui s’opposent à l’entrée des films russes, anglais et français, cèderont au jour… Et
78 alors Hollywood déserté, une ghost town pareille à ces villes éphémères que fit surgir dans le Colorado la ruée vers l’o
79 ne une merveilleuse « idée de film », et renaisse à l’écran sous la forme du chef-d’œuvre que, vivante, elle n’a fait que
4 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Les enfants américains réclament des bombes atomiques (20 décembre 1945)
80 3 et les rayons de jouets sont déjà presque vides à New York. La conversion des tanks et des forteresses volantes en paco
81 des petites bombes atomiques. Trois d’entre eux, à Brooklyn, viennent d’être blessés sérieusement en jouant à faire saut
82 n, viennent d’être blessés sérieusement en jouant à faire sauter le monde. Les trois Grands, à Moscou, seront-ils plus ad
83 jouant à faire sauter le monde. Les trois Grands, à Moscou, seront-ils plus adroits dans ce même jeu ? On ne le croirait
84 adroits dans ce même jeu ? On ne le croirait pas à les voir. Curieux trio : un loup déguisé en mouton et deux moutons vê
85 is-je d’un ton suave, quelque chose qui ressemble à un modèle de bombe atomique pour les enfants ? » La vendeuse ouvrit l
86 nvier, n’ayant coûté que cent dollars de location à M. John D. Rockefeller, car tout se sait. Des haut-parleurs répandaie
87 ce un souvenir du seul cadeau de paix jamais fait à l’humanité ? ou bien cette fièvre de rivaliser dans la dépense en fin
88 bonne place dans le monde des familles, un droit à la chaleur des groupes. Et ceux qui seront laissés dehors, ceux qui n
89 ront laissés dehors, ceux qui n’appartiennent pas à une cellule sociale, formeront la foule de Times Square. Le coudoieme
90 u d’intimité… Pour moi, j’irai comme chaque année à la messe de minuit des protestants, dans la plus grande église gothiq
91 œur et du clergé, précédés de porteurs de torches à la Burne Jones. Et comme chaque année, j’entendrai le Credo de Gretch
92 r le temps, comme si ce n’était pas lui qui gagne à tous les coups. Qu’apportera cette fin d’année ? Un dernier speech de
93 tte fin d’année ? Un dernier speech de La Guardia à la radio, révélant une dernière recette aux ménagères pour cuire la d
94 icien rusé autant qu’honnête, le gros petit homme à la face de clown, Fiorello, la Fleurette, comme le peuple l’a baptisé
95 ion en couleurs prouve qu’elle ne le cède en rien à la photographie pour « le brillant et la précision du détail », quali
96 ndant que déjà le New Yorker se moque des clichés à la mode au sujet de cette invention « qui signifie la fin de l’humani
97 ie la fin de l’humanité ou l’aube d’un âge d’or » à votre choix. Déjà, le syndicat des ouvriers de l’industrie automobile
98 icat des ouvriers de l’industrie automobile offre à Ford un contrat collectif qui le protègera contre les grèves irréguli
99 Et déjà les pasteurs et les prêtres se préparent à parler du message de Noël « aux hommes de bonne volonté », répétant s
100 olontaires. Ils ne font que subir leur condition. À Times Square, dans une foule compacte et lente, dans la rumeur assour
5 1946, Carrefour, articles (1945–1947). Deux presses, deux méthodes : l’Américain expose, le Français explique (4 avril 1946)
101 n vertu de la politique qu’on attribue par erreur à l’autruche. Je suis certain qu’il avait tort, comme la suite l’a prou
102 cteur de Carrefour admettra-t-il que je récidive, à propos cette fois-ci de l’exemple américain ? Exposé de points de v
103 toires, et je précise : ils l’admettent justement à l’occasion des débats les plus graves et les plus passionnés, tels qu
104 Ainsi la controverse réelle est exposée, pièces à l’appui, devant le lecteur. Mais ce que vous ne verrez jamais, dans c
105 ’en disent les partis. Ainsi l’on peut « causer » à l’infini, mais sans trop de chances de se former une opinion plausibl
106 attachés « indéfectiblement », comme des moules, à leurs vieux principes. Mais le problème subsiste et je voudrais qu’on
107 Tribune consacrent à peu près deux tiers de page à leurs éditoriaux, dont la moitié traite de ce qui se passe dans tel p
108 bien définie. Le grand reporter français cherche à expliquer, il tend à l’essai. Le correspondant américain cherche à fa
109 nd reporter français cherche à expliquer, il tend à l’essai. Le correspondant américain cherche à faire voir, il tend au
110 end à l’essai. Le correspondant américain cherche à faire voir, il tend au roman. Sa gloire et son statut social éclipsen
111 t-major et un personnel gigantesques, spécialisés à l’infini ; des pages de publicité aussi chères qu’abondantes ; ou un
112 e aux dollars inépuisables. Ce qui s’oppose enfin à la multiplication des journaux. New York, pour sept millions d’habita
113 guerre, un ministère de l’Information, dont jusqu’ à plus ample informé, je ne mettrai pas en doute l’utilité. Mais elle n
114 bien régner ce ministère ? J’imagine qu’il a pris à tâche de créer un nouvel esprit, un nouveau sens des devoirs civiques
115 t le risque d’opposer le meilleur d’un des termes à la moyenne ou même au pire de l’autre. Il resterait à opposer la tenu
116 moyenne ou même au pire de l’autre. Il resterait à opposer la tenue littéraire, mettons du Figaro à la vulgarité total
117 opposer la tenue littéraire, mettons du Figaro à la vulgarité totale du Journal and American. Mais il est difficile d’
118 our se manifeste, une fois de plus, en facilitant à un de nos compatriotes qui vit à l’étranger, la possibilité de s’expr
119 s, en facilitant à un de nos compatriotes qui vit à l’étranger, la possibilité de s’exprimer librement sur l’un des probl
6 1946, Carrefour, articles (1945–1947). Une bureaucratie sans ronds-de-cuir (23 mai 1946)
120 ui. Car son travail consiste, nous explique-t-il, à maintenir les agences de l’État dans les limites de leurs prérogative
121 esponsables de ce board. Et ainsi de suite, jusqu’ à ce que le président, ayant reçu cent-mille lettres de protestation, d
122 sera grande pendant plusieurs semaines au moins, à condition que la presse l’ait adopté. S’il rate, il sera vidé sans au
123 r Bill, au moment de me séparer de vous, je tiens à vous remercier pour les services (adjectif variable) que vous avez re
124 services (adjectif variable) que vous avez rendus à l’administration. Les circonstances m’obligent, etc. Mais je serai to
125 Japon n’est que le premier exemple qui me vienne à l’esprit. J’ai dit désordre, parce que c’est de ce nom que l’on désig
126 ment une situation dont notre esprit n’arrive pas à se former une image claire et cohérente. (Pour un esprit infiniment i
127 e part… et en quelque manière. Les agences d’État à initiales sont si nombreuses (quelques milliers) ; si provisoires (el
128 iers) ; si provisoires (elles durent de trois ans à trois mois) ; et de statut si variable (allant du rang de ministère n
129 ariable (allant du rang de ministère non régulier à celui d’expédient de crise) ; qu’il n’y a pas homme au monde qui ait
130 n tout. Presque tous, aujourd’hui, sont retournés à leurs occupations habituelles. Cet exemple est courant, et c’est pour
131 la question de l’avenir des démocraties, livrées à la fatalité incontrôlable des agences. Finirons-nous tous fonctionnai
132 us rien. Une moitié des bureaux passera son temps à faire enquête sur les activités de l’autre moitié, qui elle-même cons
133 i elle-même consacrera le plus clair de son temps à rédiger de longs rapports prouvant qu’elle est indispensable. Ici et
134 s deviendraient responsables… Facilement désignés à la vindicte publique, ils n’auraient plus de choix qu’entre la démiss
135 la démission et la tyrannie déclarée. Les bureaux à l’américaine semblent avoir été créés pour épargner aux gouvernants c
7 1946, Carrefour, articles (1945–1947). L’Amérique est-elle nationaliste ? (29 août 1946)
136 nationalistes à la manière des Européens ? C’est, à mon sens, toute la question. Lorsque nous parlons d’impérialisme, en
137 s parlons d’impérialisme, en Europe, nous pensons à une volonté de dominer affirmée par un chef au nom de sa nation : les
138 blique, reine des États-Unis, devînt nationaliste à notre image européenne ? Et qu’elle décidât d’imposer au monde entier
139 teint ses limites naturelles et qu’elle se heurte à des voisins organisés. Or c’est le cas de l’Amérique, virtuellement,
140 l’a gagnée avec une arme qu’elle se trouve seule à posséder pour le moment. Voilà bien des raisons de prendre conscience
141 ricain. » Nationalisme, direz-vous. Oui, mais pas à la manière européenne. La phrase veut dire : cette opinion ou cette a
142 eurs origines. On ne se réfère pas au passé, mais à l’avenir. On n’invoque pas la tradition, mais l’utopie. On pense moin
143 re d’une exhortation et d’un rappel qu’on adresse à soi-même autant qu’aux autres, afin que chacun devienne plus digne de
144 ompte et qui seront bien plus efficaces appliqués à l’échelle mondiale. Ici, l’impérialisme américain vient se confondre,
145 la même liberté. Ils ont envie d’ouvrir le monde à leur jeunesse, non pas de refermer sur lui leurs serres. Ils ont envi
146 bien entendu) se sentira plus en sécurité et plus à l’aise. Je pense aux Russes. Je vous laisse comparer. Chacun ses goût
147 us laisse comparer. Chacun ses goûts. Je me borne à marquer une différence capitale : l’Américain n’insiste pas quand on
148 oir aux Philippines. J’entends d’ici nos méfiants à moustaches et à col dur : « Le commerce américain va nous submerger e
149 nes. J’entends d’ici nos méfiants à moustaches et à col dur : « Le commerce américain va nous submerger et détruire nos c
150 sans fondements, toutes ces accusations injustes, à mon avis. Si nous vendons nos âmes contre des frigidaires, ce sera no
151 on sur la machine. Car primo, on ne l’a pas forcé à l’acheter, et secundo, une fois l’automobile achetée, il ne dépendait
152 obile achetée, il ne dépendait que de lui d’aller à pied quand cela lui chantait. Mais je m’avise ici d’une contradiction
153 sur l’Amérique. On n’a pas épargné les critiques à la politique d’occupation américaine en Allemagne : « Ils sont trop d
154 ntimidés, conscients d’avoir fait quelques gaffes à la Patton, les Américains donnent des signes de leur envie de s’en al
155 Remarquons que les Russes ne prêtent pas le flanc à des critiques de ce genre parce qu’ils ne publient rien, interdisent
156 portes dès que se produit la moindre divergence. À ce propos, j’entendais l’autre jour un diplomate américain parler de
157 force de nous contrecarrer, ils vont nous obliger à faire enfin de la politique étrangère dont nous n’avions naguère ni l
158 paradoxe symétrique de celui que je relevais tout à l’heure. Cette timidité de la politique américaine me paraît beaucoup
159 ur de mauvaises raisons ou parce qu’on l’assimile à des tendances européennes qui n’ont de commun avec lui que le nom.
8 1947, Carrefour, articles (1945–1947). L’art dirigé [Réponse à une enquête] (23 janvier 1947)
160 L’art dirigé [Réponse à une enquête] (23 janvier 1947)i j 1° Si l’on nomme Art ce qui relè
161 e servilité. i. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] L’art dirigé », Carrefour, Paris, 23 janvier 1947, p. 6.
9 1947, Carrefour, articles (1945–1947). Fédération ou dictature mondiale ? (9 avril 1947)
162 ’idée en la qualifiant d’« utopie ». Bornons-nous à remarquer que cet argument a contre lui toute l’histoire de l’humanit
163 nsmission instantanée de la parole d’un continent à l’autre. Traiter une idée en utopie, c’est en fait déclarer « qu’on e
164 timidité d’esprit que cet argument trahit touche à la mauvaise foi. S’est-on jamais préoccupé de savoir si les peuples é
165 ier. Vous dites que les peuples ne sont pas prêts à accepter l’idée d’un gouvernement mondial, mais qu’en savez-vous ? Le
166 mais qu’en savez-vous ? Le seul peuple « sondé » à ce sujet, celui des États-Unis, a donné 67 % de réponses favorables à
167 s États-Unis, a donné 67 % de réponses favorables à cette idée. Avouez plutôt que vous, personnellement, n’y êtes pas prê
168 ssaire, donc il faut que les peuples se préparent à le réaliser. Passons aux objections plus réalistes d’une réflexion qu
169 jeter, le projet qu’on propose. Elles se ramènent à deux types d’argument : le gouvernement mondial serait impuissant, ou
170 ec de la Société des Nations, et l’on rappelle qu’ à chaque conflit sérieux les nations se sont divisées suivant les ligne
171 renversent leurs batteries. Ils remarquaient tout à l’heure avec raison qu’une ligue de gouvernants est par définition in
172 t redouter qu’un tel pouvoir soit tenté d’imposer à tout le genre humain l’idéologie la plus répandue au moment où il se
173 ante, car tandis que les précédentes se bornaient à déclarer le problème insoluble, celle-ci le suppose résolu et tente d
174 s la liberté d’opposition, et que celle-ci suffit à distinguer la démocratie de ses contrefaçons totalitaires.) Quant aux
175 y aura des menaces de guerre, les États tendront à l’autarcie, les frontières closes, et le blé, le riz, le café pourrir
176 des objections préalables qu’on oppose couramment à l’idée d’une fédération mondiale, d’autre part sur l’urgence de discu
177 nce de discuter les vrais problèmes qui se posent à son sujet. Car quelles que soient les difficultés que rencontre son é
178 ilemme que nous offre le siècle. En nous refusant à l’une, nous décidons pour l’autre. Ce qui est certain, c’est que l’un
10 1947, Carrefour, articles (1945–1947). « Jean-Paul Sartre vous parle… et ce qu’en pensent… » (29 octobre 1947)
179 nty a raison de dire qu’il « faudrait faire appel à la démocratie américaine » et de se taire prudemment sur tout appel à
180 icaine » et de se taire prudemment sur tout appel à la « démocratie » russe. S. de Beauvoir a raison de défendre la liber
181 ut toujours trouver les circonstances qui amènent à déclarer que telle ou telle liberté est dangereuse », elle s’appuie s
182 ement contre le gaullisme en puissance, s’il vaut à plein contre le communisme en exercice. l. Rougemont Denis de, « [
183 en exercice. l. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] Jean-Paul Sartre vous parle… et ce qu’en pensent… », Car
184 refour, Paris, 29 octobre 1947, p. 7. m. Réponse à une enquête réalisée après une première émission des Temps modernes d
11 1947, Carrefour, articles (1945–1947). La France est assez grande pour n’être pas ingrate (26 novembre 1947)
185 d’emprunts et de refus de rembourser, de recours à leurs capitaux et de dénonciations de leur capitalisme. Il y a trente
186 e nous les appelons au secours quand l’Europe est à feu et à sang (par notre faute, si je ne me trompe) : il y a trente a
187 s appelons au secours quand l’Europe est à feu et à sang (par notre faute, si je ne me trompe) : il y a trente ans que no
188 rente ans que nous nous plaignons de leur lenteur à répondre à nos SOS (eh quoi ! onze mois pour créer de toutes pièces l
189 ue nous nous plaignons de leur lenteur à répondre à nos SOS (eh quoi ! onze mois pour créer de toutes pièces l’armée de n
190 f, trente ans que nous voyons dans leurs réponses à nos appels désespérés autant de preuves de leur impérialisme. On va p
191 bienheureuse coïncidence, on a l’air d’en vouloir à ces Yankees de n’être pas de purs imbéciles, de ne pas donner comme ç
192 r comme ça, pour le plaisir, n’importe comment et à n’importe qui… On leur fait un grief d’avoir une politique, un crime
193 t pas. On va plus loin encore, s’il est possible. À croire la propagande des staliniens, c’est nous qui sauverions l’Amér
194 , dit-on, qui a besoin de l’Europe ! Car elle est à la veille d’une crise épouvantable, Staline l’a dit ; elle ne sait pl
195 tres, le rappelait récemment dans Le Figaro  : «  À son plus haut niveau, l’exportation (américaine) ne représente pas 10
196 and on déduit de ce 10 % les parts qui reviennent à l’Amérique latine, à l’Asie et à la Russie, on voit ce qui reste pour
197 0 % les parts qui reviennent à l’Amérique latine, à l’Asie et à la Russie, on voit ce qui reste pour l’Europe — pour la s
198 s qui reviennent à l’Amérique latine, à l’Asie et à la Russie, on voit ce qui reste pour l’Europe — pour la solidité de l
199 i se mettent dans le cas de mériter pareil rappel à l’ordre. L’indépendance économique des nations de l’Europe est une fi
200 . Tout le monde le sait, n’en parlons plus. Quant à l’indépendance morale et politique que nous devons affirmer ou regagn