1 1945, Carrefour, articles (1945–1947). L’Amérique de la vie quotidienne (19 octobre 1945)
1 L’Amérique de la vie quotidienne (19 octobre 1945)a Cinq ans déjà, et chaque mat
2 Cinq ans déjà, et chaque matin je m’étonne encore de me réveiller en Amérique. J’ai vécu en Suisse, en Autriche, en Italie
3 bliais que le pays n’était pas le mien. C’était l’ Europe . C’est ici l’Amérique, et je n’ai pas fini de m’en ébahir. Ce Nouveau
4 Europe. C’est ici l’Amérique, et je n’ai pas fini de m’en ébahir. Ce Nouveau Monde m’apparaît à chaque pas sinon neuf, du
5 araît à chaque pas sinon neuf, du moins différent de ce que mes réflexes attendaient. Des amis débarquant de France me dis
6 que mes réflexes attendaient. Des amis débarquant de France me disent : Alors, qu’en pensez-vous ? De l’Amérique ? Tout ce
7 de France me disent : Alors, qu’en pensez-vous ? De l’Amérique ? Tout ce que je vais vous dire, tout ce que l’on peut en
8 stes, et finalement interrogé sur ses impressions d’ architecte, répondit, m’assure-t-on : « Les maisons sont trop basses. 
9 r à tour plus formaliste et plus sans façon qu’en Europe  : plus avide de nouveauté et plus respectueusement conservateur ; plu
10 iste et plus sans façon qu’en Europe : plus avide de nouveauté et plus respectueusement conservateur ; plus réaliste et pl
11 et plus gaspilleur ; plus puritain et plus libre de mœurs. L’Amérique ne se définit pas. Elle ne s’explique pas dans l’en
12 rique, c’est d’abord un sentiment. J’avais, avant d’ y venir, vu tant de films et lu tant de romans américains : ils donnai
13 naient, je le sais aujourd’hui, des images vraies de la vie d’ici, surtout dans leurs passages les moins frappants, les pl
14 t. Et quand j’y ai débarqué, je n’ai rien reconnu de ce qu’une douzaine d’ouvrages européens, tous fort exacts dans leurs
15 arqué, je n’ai rien reconnu de ce qu’une douzaine d’ ouvrages européens, tous fort exacts dans leurs informations, de Tocqu
16 ’ai rien reconnu de ce qu’une douzaine d’ouvrages européens , tous fort exacts dans leurs informations, de Tocqueville à André Sie
17 opéens, tous fort exacts dans leurs informations, de Tocqueville à André Siegfried, m’en avaient appris à l’avance. C’étai
18 e-ciel et Broadway, les grandes plaines couvertes d’ usines, les villages aux maisons de bois blanc sur des pelouses bien p
19 ines couvertes d’usines, les villages aux maisons de bois blanc sur des pelouses bien peignées, le drapeau de la boîte aux
20 blanc sur des pelouses bien peignées, le drapeau de la boîte aux lettres… et c’était tout à fait autre chose — une autre
21 tinent dont je tiens pour possible et même facile de parler fort correctement sans y être jamais allé : la plupart des lie
22 les enthousiasmes à la Jules Romains ; mais rien de tout cela n’empêchera le voyageur, debout sur le pont du bateau qui r
23 e pont du bateau qui remonte lentement les passes de l’Hudson vers Manhattan, d’être saisi par l’émotion d’une nouveauté q
24 lentement les passes de l’Hudson vers Manhattan, d’ être saisi par l’émotion d’une nouveauté qui, dans mon cas, après cinq
25 Hudson vers Manhattan, d’être saisi par l’émotion d’ une nouveauté qui, dans mon cas, après cinq ans, reste nouvelle. Du se
26 uvelle. Du sentimentalisme à l’épopée, l’Amérique de la vie quotidienne, comme celle du mythe politique et planétaire, est
27 ure un peu ou pas du tout, agite la main, s’en va d’ un pas étrangement souple avec un sourire parfait, un pas où l’on pres
28 sourire gentiment courageux — vous allez croire à de l’insouciance — vers une party… « J’espère que tu t’amuses, que tu as
29 oe que j’aimais, je l’attends, je vais me séparer de Jim, et je suis sûre qu’il comprendra très bien… » Un mois plus tard.
30 s un autre rêve naissant, dans le rêve du bonheur d’ un autre… Tout est possible. Il y en a pour tout le monde. La jalousie
31 éricaine. Comment décrire ces légers déplacements d’ accent vers le sérieux ou vers l’humour cocasse qui créent dans l’ense
32 ensemble une allure, une atmosphère si différente de l’Europe ? Cela tient à des riens ; mais de ces riens multipliés dans
33 ble une allure, une atmosphère si différente de l’ Europe  ? Cela tient à des riens ; mais de ces riens multipliés dans la vie q
34 rente de l’Europe ? Cela tient à des riens ; mais de ces riens multipliés dans la vie quotidienne, naît une aisance généra
35 une aisance générale. L’Américain ne supporte pas d’ être gêné aux entournures, matériellement ou moralement. Dès l’enfance
36 ns ses relations, dans ses vêtements. Un peu plus d’ ampleur aux épaules, de larges plis sur le devant des costumes d’homme
37 ses vêtements. Un peu plus d’ampleur aux épaules, de larges plis sur le devant des costumes d’hommes : un peu plus de soup
38 paules, de larges plis sur le devant des costumes d’ hommes : un peu plus de souplesse aux chevilles des jeunes femmes ; un
39 sur le devant des costumes d’hommes : un peu plus de souplesse aux chevilles des jeunes femmes ; un peu plus de sourires s
40 sse aux chevilles des jeunes femmes ; un peu plus de sourires sans raison échangés avec les passants, les voisins d’autobu
41 ns raison échangés avec les passants, les voisins d’ autobus ou de train… Et je me sens moins jugé, moins jaugé, pour tout
42 angés avec les passants, les voisins d’autobus ou de train… Et je me sens moins jugé, moins jaugé, pour tout dire, moins v
43 jugé, moins jaugé, pour tout dire, moins vu qu’en Europe . Parce qu’ils sont moins conscients de leur vie et d’autrui, ils me t
44 qu’en Europe. Parce qu’ils sont moins conscients de leur vie et d’autrui, ils me tolèrent davantage. Ce n’est pas qu’ils
45 Parce qu’ils sont moins conscients de leur vie et d’ autrui, ils me tolèrent davantage. Ce n’est pas qu’ils m’ignorent ou l
46 ar ma conduite ou mon accent, ils n’ont pas l’air d’ en faire un cas, de se croire obligés de prendre position ou d’essayer
47 on accent, ils n’ont pas l’air d’en faire un cas, de se croire obligés de prendre position ou d’essayer de m’influencer pa
48 pas l’air d’en faire un cas, de se croire obligés de prendre position ou d’essayer de m’influencer par quelques remarques
49 cas, de se croire obligés de prendre position ou d’ essayer de m’influencer par quelques remarques ironiques pour m’accord
50 e croire obligés de prendre position ou d’essayer de m’influencer par quelques remarques ironiques pour m’accorder à leurs
51 e continent américain on en voit chaque jour tant d’ exemples. Tant d’espèces de gens, et de gens sans espèce ; tant de ra
52 ain on en voit chaque jour tant d’exemples. Tant d’ espèces de gens, et de gens sans espèce ; tant de races et de mélanges
53 voit chaque jour tant d’exemples. Tant d’espèces de gens, et de gens sans espèce ; tant de races et de mélanges de races 
54 jour tant d’exemples. Tant d’espèces de gens, et de gens sans espèce ; tant de races et de mélanges de races ; tant de fo
55 e gens, et de gens sans espèce ; tant de races et de mélanges de races ; tant de fous qui réussissent ou qui amusent ; et
56 e gens sans espèce ; tant de races et de mélanges de races ; tant de fous qui réussissent ou qui amusent ; et aussi tant d
57 us qui réussissent ou qui amusent ; et aussi tant d’ efforts gaspillés pour se faire remarquer, pour être différent, car ic
58 es, me racontaient leur vie sans le moindre souci de se faire bien ou mal juger, m’appelaient par mon prénom au bout de ci
59 prénom au bout de cinq minutes et sortaient tout d’ un coup avec un signe de la main, so long ! un bye bye ! négligent… Je
60 minutes et sortaient tout d’un coup avec un signe de la main, so long ! un bye bye ! négligent… Je m’étais à peine habitué
61 é, non sans plaisir, à cette suppression générale de nos cérémonies, précautions oratoires, méfiances paysannes ou réserve
62 aines, que je découvrais un aspect tout contraire de la coutume américaine : le formalisme, une passion du décor dès qu’il
63 formalisme, une passion du décor dès qu’il s’agit de manifestations publiques. Ceci compense cela, sans doute, par une méc
64 une mécanique inconsciente. On n’en finirait pas d’ énumérer les exemples courants et voyants de leur goût baroque des fêt
65 t pas d’énumérer les exemples courants et voyants de leur goût baroque des fêtes et de leur respect de la mise en scène so
66 ants et voyants de leur goût baroque des fêtes et de leur respect de la mise en scène solennelle. Je me borne à citer dans
67 de leur goût baroque des fêtes et de leur respect de la mise en scène solennelle. Je me borne à citer dans des domaines hé
68 processions, jusque dans les églises protestantes de la campagne ; les garçons d’ascenseur galonnés comme des généraux d’o
69 églises protestantes de la campagne ; les garçons d’ ascenseur galonnés comme des généraux d’opérette ; le culte méticuleux
70 s garçons d’ascenseur galonnés comme des généraux d’ opérette ; le culte méticuleux de la bannière étoilée inculqué chaque
71 mme des généraux d’opérette ; le culte méticuleux de la bannière étoilée inculqué chaque matin aux enfants des écoles ; la
72 la multiplication des jours fériés ; les cortèges de carnaval, avec fanfares, avant les grands matchs de football ; les cé
73 carnaval, avec fanfares, avant les grands matchs de football ; les cérémonies d’ouverture et de clôture des universités ;
74 nt les grands matchs de football ; les cérémonies d’ ouverture et de clôture des universités ; et « l’Inauguration » des pr
75 atchs de football ; les cérémonies d’ouverture et de clôture des universités ; et « l’Inauguration » des présidents… Qu’il
76 on » des présidents… Qu’il y ait là quelque chose de typiquement américain, j’en vois la preuve dans les formalités d’une
77 méricain, j’en vois la preuve dans les formalités d’ une nature pour le moins particulière qui précèdent obligatoirement l’
78 particulière qui précèdent obligatoirement l’acte de naturalisation. Je les crois sans exemple dans l’histoire, et sans éq
79 s jours plus tard en qualité formelle et déclarée de candidat à la citoyenneté. Cette opération, fort coûteuse si on habit
80 Cette opération, fort coûteuse si on habite loin d’ une frontière, n’a de toute évidence qu’une portée symbolique et ritue
81 t coûteuse si on habite loin d’une frontière, n’a de toute évidence qu’une portée symbolique et rituelle. Autrement, elle
82 a simplicité, comme on voudra, dans les relations de la vie privée. Giraudoux a écrit quelque part que l’Amérique n’est pa
83 n acte public qui s’accompagne tout naturellement d’ opérations conventionnelles et d’un cérémonial d’initiation, calculé d
84 ut naturellement d’opérations conventionnelles et d’ un cérémonial d’initiation, calculé de manière à inspirer le respect d
85 d’opérations conventionnelles et d’un cérémonial d’ initiation, calculé de manière à inspirer le respect de l’institution
86 tiation, calculé de manière à inspirer le respect de l’institution et de l’orgueil d’y appartenir. Mais aussitôt que vous
87 manière à inspirer le respect de l’institution et de l’orgueil d’y appartenir. Mais aussitôt que vous serez un membre régu
88 pirer le respect de l’institution et de l’orgueil d’ y appartenir. Mais aussitôt que vous serez un membre régulier, vous au
89 vous aurez tous les droits, on ne s’occupera plus de vous et vous vivrez à votre guise dans toute l’enceinte démesurée du
90 inte démesurée du club. ⁂ Je ne vous ai pas parlé d’ actualités brûlantes, dans cette préface à quelques articles sur l’Amé
91 crois aux signes plus qu’aux faits ; aux courants de sensibilité plus qu’aux chiffres et aux statistiques ; à ce qui prépa
92 r lentement les événements, plus qu’aux incidents de la semaine. Il me semble assez important, pour faire comprendre à des
93 e à des Français certaines démarches surprenantes de la diplomatie américaine, de parler tout d’abord et surtout de ce qu’
94 marches surprenantes de la diplomatie américaine, de parler tout d’abord et surtout de ce qu’on ne dit pas dans les dépêch
95 tie américaine, de parler tout d’abord et surtout de ce qu’on ne dit pas dans les dépêches, de ce qui n’est pas matière d’
96 surtout de ce qu’on ne dit pas dans les dépêches, de ce qui n’est pas matière d’enquête et de reportages, de ces nuances d
97 as dans les dépêches, de ce qui n’est pas matière d’ enquête et de reportages, de ces nuances de sentiments ou de coutumes
98 épêches, de ce qui n’est pas matière d’enquête et de reportages, de ces nuances de sentiments ou de coutumes qui qualifien
99 qui n’est pas matière d’enquête et de reportages, de ces nuances de sentiments ou de coutumes qui qualifient la vie et la
100 atière d’enquête et de reportages, de ces nuances de sentiments ou de coutumes qui qualifient la vie et la vision d’un peu
101 et de reportages, de ces nuances de sentiments ou de coutumes qui qualifient la vie et la vision d’un peuple, et qui par l
102 ou de coutumes qui qualifient la vie et la vision d’ un peuple, et qui par là vont peut-être expliquer l’histoire du siècle
103 iècle, notre histoire réelle. Car celle-ci dépend de deux peuples — l’autre est le russe — dont toutes les réactions intim
104 sse — dont toutes les réactions intimes et sautes d’ humeur vont affecter notre sort matériel, aussi directement que naguèr
105 atériel, aussi directement que naguère les crises d’ un certain névropathe. a. Rougemont Denis de, « L’Amérique de la vi
106 es d’un certain névropathe. a. Rougemont Denis de , « L’Amérique de la vie quotidienne », Carrefour, Paris, 19 octobre 1
107 évropathe. a. Rougemont Denis de, « L’Amérique de la vie quotidienne », Carrefour, Paris, 19 octobre 1945, p. 1 et 5.
2 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Le rêve américain (9 novembre 1945)
108 9 novembre 1945)b L’Amérique n’est pas un pays de rêve quand on y vit, mais c’est un pays de rêveurs. Je vais parfois l
109 n pays de rêve quand on y vit, mais c’est un pays de rêveurs. Je vais parfois les regarder dans les grandes salles populai
110 s les regarder dans les grandes salles populaires de Broadway, où des centaines de jeunes filles en jupes très courtes se
111 s salles populaires de Broadway, où des centaines de jeunes filles en jupes très courtes se livrent à la danse appelée jit
112 danse appelée jitterbugs autour de petits marins, de soldats presque imberbes, de garçons qui n’ont pas encore l’âge milit
113 ur de petits marins, de soldats presque imberbes, de garçons qui n’ont pas encore l’âge militaire. La frénésie rythmique d
114 à la piste, regardent dans le vide. Peu ou point de plaisanteries échangées. Ils sont ici pour rêver, pour danser. Ils rê
115 r, pour danser. Ils rêvent dans toutes les salles de cinéma. Ils marchent dans la rue en chantonnant leurs mélodies toujou
116 élodies toujours si tristes, mais avec un sourire de rêve heureux. Je crois qu’ils sont bien moins conscients que nous. À
117 une aisance qui va venir. C’est là tout le secret de ce que l’on nomme leur optimisme. L’Américain ne croit pas aux limite
118 as aux limites. Une limite, c’est toujours la fin d’ un rêve. Non seulement les limites le gênent, mais il ne veut pas même
119 dition. Ses ancêtres ont été amenés sur les rives de l’Hudson et du Potomac par le rêve d’un pays sans limites, et il l’ét
120 r les rives de l’Hudson et du Potomac par le rêve d’ un pays sans limites, et il l’était vraiment pour ceux qui triomphaien
121 ent fui les étroitesses religieuses et politiques de l’Europe. Ils se trouvaient tout seuls devant leur chance. Tout dépen
122 ui les étroitesses religieuses et politiques de l’ Europe . Ils se trouvaient tout seuls devant leur chance. Tout dépendait de l
123 ent tout seuls devant leur chance. Tout dépendait de leur courage, de leur esprit d’entreprise et de leur foi. Cette situa
124 vant leur chance. Tout dépendait de leur courage, de leur esprit d’entreprise et de leur foi. Cette situation, dépassée pa
125 e. Tout dépendait de leur courage, de leur esprit d’ entreprise et de leur foi. Cette situation, dépassée par les faits, do
126 t de leur courage, de leur esprit d’entreprise et de leur foi. Cette situation, dépassée par les faits, domine encore l’in
127 ine encore l’inconscient collectif des Américains d’ aujourd’hui. Et leur grand rêve, leur american dream, prolonge vers l’
128 tion. Leurs ancêtres appelaient frontier la ligne de démarcation, sans cesse mouvante, entre les terres colonisées et les
129 es colonisées et les prairies sauvages parcourues d’ Indiens indomptés. Pendant des siècles, tout l’effort des pionniers a
130 Jusqu’à ce qu’enfin, au xixe siècle, les colons de la Nouvelle-Angleterre aient pu tendre la main à ceux des côtés de la
131 gleterre aient pu tendre la main à ceux des côtés de la Californie. C’était une grande victoire sur la géographie démesuré
132 elle « frontière », leur nouveau front, dirait-on de nos jours. Et ce fut l’ère des fortunes, et des cités, et des usines
133 resque à l’étroit entre les rives du Pacifique et de l’Atlantique, mais encore débordants d’énergies qui soudain ne trouve
134 ifique et de l’Atlantique, mais encore débordants d’ énergies qui soudain ne trouvent plus d’issues prochaines, hésitent… P
135 ébordants d’énergies qui soudain ne trouvent plus d’ issues prochaines, hésitent… Pourtant, c’est bien le même rêve qui les
136 jours plus large. Le soldat qu’un ancien paquebot de luxe ramène vers son pays du fond du Pacifique ou de l’Europe, dont i
137 luxe ramène vers son pays du fond du Pacifique ou de l’Europe, dont il n’a guère connu que les ruines et les amertumes, rê
138 ramène vers son pays du fond du Pacifique ou de l’ Europe , dont il n’a guère connu que les ruines et les amertumes, rêve simple
139 que les ruines et les amertumes, rêve simplement de son foyer. Il voit sa maison blanche, sa femme et le drugstore du coi
140 is-à-vis des pays qu’il vient de libérer au péril de sa vie, il garde une espèce de rancœur. Je ne pense pas que le mot so
141 e libérer au péril de sa vie, il garde une espèce de rancœur. Je ne pense pas que le mot soit trop fort. Je parle de la ma
142 ne pense pas que le mot soit trop fort. Je parle de la majorité. Je connais beaucoup d’exceptions. Mais si les vétérans d
143 ort. Je parle de la majorité. Je connais beaucoup d’ exceptions. Mais si les vétérans de cette guerre dominaient les procha
144 nnais beaucoup d’exceptions. Mais si les vétérans de cette guerre dominaient les prochaines élections, il y aurait huit à
145 que l’Amérique retourne à l’isolationnisme. Rien de tel pour blesser l’amour entre deux peuples que de les mélanger dans
146 e tel pour blesser l’amour entre deux peuples que de les mélanger dans leurs épreuves. Les jeunes Américains se sont trouv
147 êlés au grand malheur des peuples qu’ils aimaient de loin. Ils ont été courageux devant l’ennemi, mais non pas devant la m
148 ux devant l’ennemi, mais non pas devant la misère de leurs amis. Ils rentrent en disant que la France est sale et en désor
149 demandent qu’on ne leur parle plus des indigènes européens , ces agités, ces nerveux, ces tricheurs. C’est ainsi, et je ne juge p
150 ités mal à propos au compte des profits et pertes d’ une guerre moderne, à l’échelle planétaire. Mais il y a le rêve des ci
151 qu’il est bien près de le faire dans les limites de son pays, « d’une côte à l’autre », comme il dit. Et ce pressentiment
152 près de le faire dans les limites de son pays, «  d’ une côte à l’autre », comme il dit. Et ce pressentiment l’inquiète pro
153 Cordell Hull, le ministre des Affaires étrangères de Roosevelt, avait prévue. Et c’est elle qu’il avait tenté de prévenir,
154 lt, avait prévue. Et c’est elle qu’il avait tenté de prévenir, non sans succès, en particulier par sa politique de bon voi
155 non sans succès, en particulier par sa politique de bon voisinage avec l’Amérique latine. Cette politique comportait deux
156 anches, curieusement juxtaposées dans le nom même de l’agence qui l’administrait et qui s’intitulait : Office de coordinat
157 e qui l’administrait et qui s’intitulait : Office de coordination des relations commerciales et culturelles interaméricain
158 intrigué et choqué. Aujourd’hui, je me l’explique de la manière suivante : le rêve américain évoque une vie sans cesse plu
159 mps, répandre dans tous les pays du monde l’idéal de la démocratie américaine, c’est-à-dire multiplier les échanges cultur
160 sont étroitement liées, car seule une atmosphère de démocratie mondiale peut créer les conditions nécessaires au libre-éc
161 échange paraît propre à favoriser l’établissement de la démocratie dans les pays où les difficultés et les injustices écon
162 hain la rentrée massive des vétérans, doit cesser de s’isoler et doit littéralement sortir d’elle-même par une nécessité p
163 t cesser de s’isoler et doit littéralement sortir d’ elle-même par une nécessité profonde : le rêve américain l’exige. Nous
164 ain l’exige. Nous voici bien loin de nos danseurs de Broadway ! Peut-être, mais tout cela va dans le même sens, illustre u
165 mme le pays où ce qui va venir émeut autant qu’en Europe le souvenir. Mais ce qui va venir, direz-vous, n’est-ce pas tout simp
166 , n’est-ce pas tout simplement une grande poussée d’ impérialisme américain ? Vos rêveurs nous paraissent terriblement prat
167 terriblement pratiques et parfaitement conscients de leurs intérêts… Voilà qui est vrai, en apparence du moins. J’essaiera
168 qui est vrai, en apparence du moins. J’essaierai d’ exposer, dans un prochain article, les motifs qui m’ont convaincu que
169 e l’expansion américaine n’est pas du tout à base d’ impérialisme au sens européen du mot. Je pense que nous avons un peu p
170 e n’est pas du tout à base d’impérialisme au sens européen du mot. Je pense que nous avons un peu plus de raisons de nous en réj
171 opéen du mot. Je pense que nous avons un peu plus de raisons de nous en réjouir que de nous en méfier. b. Rougemont Den
172 t. Je pense que nous avons un peu plus de raisons de nous en réjouir que de nous en méfier. b. Rougemont Denis de, « Le
173 ons un peu plus de raisons de nous en réjouir que de nous en méfier. b. Rougemont Denis de, « Le rêve américain », Carr
174 ouir que de nous en méfier. b. Rougemont Denis de , « Le rêve américain », Carrefour, Paris, 9 novembre 1945, p. 3.
3 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Hollywood n’a plus d’idées (13 décembre 1945)
175 Hollywood n’a plus d’ idées (13 décembre 1945)c Toujours plus impeccables du point de vue
176 éotypées, voilà les films américains au lendemain de la guerre. Les critiques, les échos de presse, et même les spectateur
177 lendemain de la guerre. Les critiques, les échos de presse, et même les spectateurs, sont unanimes : Hollywood est à cour
178 pectateurs, sont unanimes : Hollywood est à court d’ inventions. Hollywood achète n’importe quoi, un roman non terminé, un
179 ète n’importe quoi, un roman non terminé, un bout de conversation, l’esquisse d’une histoire, un « four » de Broadway, sur
180 non terminé, un bout de conversation, l’esquisse d’ une histoire, un « four » de Broadway, sur le soupçon qu’on pourrait y
181 versation, l’esquisse d’une histoire, un « four » de Broadway, sur le soupçon qu’on pourrait y trouver « une idée ». Je so
182 Elle transforme en argent tout ce qu’elle a envie de toucher, et c’est pourquoi son avidité même à se renouveler stérilise
183 antanément les nouveautés qu’il semblerait facile d’ y introduire, à première vue. Cette technique trop parfaite n’est obte
184 te n’est obtenue qu’au prix de telles dépenses et d’ une telle quantité de spécialistes neutralisant l’originalité les uns
185 u prix de telles dépenses et d’une telle quantité de spécialistes neutralisant l’originalité les uns des autres : elle sup
186 tes et au faux-vrai luxe : elle doit tenir compte de tant d’exigences personnelles des stars, collectives et supposées du
187 u faux-vrai luxe : elle doit tenir compte de tant d’ exigences personnelles des stars, collectives et supposées du public,
188 osées du public, tatillonnes et insanes du Comité de moralité, et de mille préjugés hérités de trente ans de triomphe, qu’
189 tatillonnes et insanes du Comité de moralité, et de mille préjugés hérités de trente ans de triomphe, qu’il n’est pas de
190 Comité de moralité, et de mille préjugés hérités de trente ans de triomphe, qu’il n’est pas de génie assez coriace pour s
191 alité, et de mille préjugés hérités de trente ans de triomphe, qu’il n’est pas de génie assez coriace pour survivre à pare
192 érités de trente ans de triomphe, qu’il n’est pas de génie assez coriace pour survivre à pareille torture au ralenti, même
193 pareille torture au ralenti, même avec une prime d’ un million, resplendissant au terme de l’épreuve. Le moindre film euro
194 c une prime d’un million, resplendissant au terme de l’épreuve. Le moindre film européen d’avant la guerre, projeté dans u
195 lendissant au terme de l’épreuve. Le moindre film européen d’avant la guerre, projeté dans une petite salle de rétrospective, à
196 t au terme de l’épreuve. Le moindre film européen d’ avant la guerre, projeté dans une petite salle de rétrospective, à New
197 d’avant la guerre, projeté dans une petite salle de rétrospective, à New York, me semble en comparaison fait de bric et d
198 ective, à New York, me semble en comparaison fait de bric et de broc et de ficelles partout visibles, mais touchant aux la
199 ew York, me semble en comparaison fait de bric et de broc et de ficelles partout visibles, mais touchant aux larmes, spiri
200 semble en comparaison fait de bric et de broc et de ficelles partout visibles, mais touchant aux larmes, spirituel jusque
201 pirituel jusque dans l’émotion, et tout crépitant d’ inventions étonnantes. Le rythme est cahotant, trop coupé, mais quand
202 il entraîne ! Je rentre après cela dans une salle de Broadway : tout y marche et ronronne comme un moteur de luxe, tout es
203 adway : tout y marche et ronronne comme un moteur de luxe, tout est faux, tout le monde est beau, jamais on ne voit percer
204 e nue du réel. Jamais un choc, pour tant de coups de poing, de coups de feu et de coups de théâtre. C’est que le public, m
205 éel. Jamais un choc, pour tant de coups de poing, de coups de feu et de coups de théâtre. C’est que le public, me disent l
206 , pour tant de coups de poing, de coups de feu et de coups de théâtre. C’est que le public, me disent les producers, n’acc
207 nt de coups de poing, de coups de feu et de coups de théâtre. C’est que le public, me disent les producers, n’accepte pas
208 comme les autres. N’insistons pas : la décadence de Hollywood n’a pas de raisons mystérieuses ou accidentelles. Ses cause
209 insistons pas : la décadence de Hollywood n’a pas de raisons mystérieuses ou accidentelles. Ses causes sont évidentes et i
210 e légende : comme l’est déjà Greta Garbo, symbole d’ un âge. Ô Garbo de notre jeunesse, volupté du regard. Reine des neiges
211 l’est déjà Greta Garbo, symbole d’un âge. Ô Garbo de notre jeunesse, volupté du regard. Reine des neiges, Dame des rêves d
212 lupté du regard. Reine des neiges, Dame des rêves de l’adolescence, femme la plus célèbre du monde, idée de la Femme régna
213 adolescence, femme la plus célèbre du monde, idée de la Femme régnant sur des millions de nuits, mythe évasif, que n’êtes-
214 monde, idée de la Femme régnant sur des millions de nuits, mythe évasif, que n’êtes-vous disparue comme un songe au matin
215 onge au matin ? Dans ce petit restaurant français de la 56e rue, à l’ouest, un jour de l’autre hiver, le garçon vint me di
216 aurant français de la 56e rue, à l’ouest, un jour de l’autre hiver, le garçon vint me dire à l’oreille : — Pouvez-vous céd
217 Pouvez-vous céder votre table, nous avons besoin d’ une table de deux dans cinq minutes ? Merci. Vous allez voir que cela
218 céder votre table, nous avons besoin d’une table de deux dans cinq minutes ? Merci. Vous allez voir que cela vaut le déra
219 Elle entre sur ses talons plats, avec son chapeau de feutre gris souris relevé de côté, et le profil du rêve. J’eusse préf
220 ts, avec son chapeau de feutre gris souris relevé de côté, et le profil du rêve. J’eusse préféré ne la voir jamais, mais j
221 j’avoue qu’elle est très jolie, malgré la minceur de ses lèvres. Un peu plus tard, c’est une party de Pâques russe chez un
222 de ses lèvres. Un peu plus tard, c’est une party de Pâques russe chez une amie. « Venez très tôt, vous aurez une surprise
223 od, le dramaturge et l’un des conseillers intimes de Roosevelt. Mais une minute plus tard, un pas rapide dans l’escalier :
224 ns l’escalier : c’est elle encore, en robe courte de soie grise, et déjà nous choquons nos petits verres de vodka. On l’a
225 ie grise, et déjà nous choquons nos petits verres de vodka. On l’a présentée comme « Miss G… » (prononcez Djie), ainsi qu’
226 ns une foule, mais dos à dos, et voici l’étonnant de l’histoire : je ne trouve rien à me remémorer de ses propos. Elle a l
227 de l’histoire : je ne trouve rien à me remémorer de ses propos. Elle a le génie de ne rien dire qui la rende plus réelle
228 ien à me remémorer de ses propos. Elle a le génie de ne rien dire qui la rende plus réelle qu’une image. Ne serait-ce pas
229 t-ce pas là son secret ? Se prêter à la fantaisie de toutes les imaginations. Comme elle est belle et comme elle est absen
230 st gaie pour un fantôme… ⁂ Revenons à nos moutons de Hollywood. Je ne vois qu’un homme en Amérique, qui ait su tirer du ci
231 ui ait su tirer du cinéma quelques-uns des moyens d’ expression radicalement neufs qu’il permet : c’est Walt Disney. Les au
232 es jardins comme nous pouvons en voir sans l’aide d’ une caméra, et sur les rythmes habituels de notre vie. C’est dire qu’i
233 l’aide d’une caméra, et sur les rythmes habituels de notre vie. C’est dire qu’ils oublient ou refusent de prendre avantage
234 notre vie. C’est dire qu’ils oublient ou refusent de prendre avantage des possibilités uniques du cinéma. L’analyse du mou
235 les déformations expressives, les superpositions d’ images ou de corps par transparence, la synchronisation des gestes et
236 tions expressives, les superpositions d’images ou de corps par transparence, la synchronisation des gestes et de la musiqu
237 ar transparence, la synchronisation des gestes et de la musique, vingt autres procédés moins faciles à définir, en deux mo
238 s : voilà le domaine que Disney seul a le courage d’ explorer aujourd’hui. Mickey et Donald le Canard font partie de la lég
239 jourd’hui. Mickey et Donald le Canard font partie de la légende de ce siècle. Je les vois s’agiter sur l’écran comme des l
240 key et Donald le Canard font partie de la légende de ce siècle. Je les vois s’agiter sur l’écran comme des ludions qui nou
241 nous rendraient visibles les mouvements délirants de l’Inconscient moderne. Battus comme plâtre, et toujours Tartarins, cu
242 comme les figures du rêve, passant en une seconde de l’aplanissement physique à la mégalomanie, extravagants, sentimentaux
243 mégalomanie, extravagants, sentimentaux entourés de monstres sadiques, souvent sadiques eux-mêmes et avec quelle joie ent
244 quelle joie entièrement partagée par les publics d’ enfants, ils évoluent dans un univers de machines féroces, d’explosion
245 s publics d’enfants, ils évoluent dans un univers de machines féroces, d’explosions, de flammes instantanées et de bruits
246 ils évoluent dans un univers de machines féroces, d’ explosions, de flammes instantanées et de bruits déchirants qui, bien
247 ans un univers de machines féroces, d’explosions, de flammes instantanées et de bruits déchirants qui, bien avant la derni
248 féroces, d’explosions, de flammes instantanées et de bruits déchirants qui, bien avant la dernière guerre, nous donnèrent
249 s donnèrent seuls la sensation du Blitz. Ils sont de notre temps d’une manière plus profonde que leur auteur, sans doute,
250 ls la sensation du Blitz. Ils sont de notre temps d’ une manière plus profonde que leur auteur, sans doute, n’eût osé le so
251 st génial. Disney, quand il se trompe, n’y va pas de main morte. Je pense surtout à Fantasia, essai d’illustration mouvant
252 de main morte. Je pense surtout à Fantasia, essai d’ illustration mouvante de quelques symphonies sérieuses (non plus silly
253 surtout à Fantasia, essai d’illustration mouvante de quelques symphonies sérieuses (non plus silly) entrecoupées de vues e
254 ymphonies sérieuses (non plus silly) entrecoupées de vues en gros plan sur la chevelure blanche, les mains précieuses ou l
255 les mains précieuses ou la nuque rose et violacée de Stokowsky. Par malchance, c’est au lendemain de la première de Fantas
256 e de Stokowsky. Par malchance, c’est au lendemain de la première de Fantasia à Buenos Aires que j’ai rencontré Walt Disney
257 Par malchance, c’est au lendemain de la première de Fantasia à Buenos Aires que j’ai rencontré Walt Disney. Nous l’attend
258 ria Ocampo, plutôt déprimés par la représentation de la veille. Il entre avec sa femme. Il a l’air d’un bon garçon bien co
259 de la veille. Il entre avec sa femme. Il a l’air d’ un bon garçon bien correct et bien banal. On essaie de parler musique,
260 bon garçon bien correct et bien banal. On essaie de parler musique, Mozart et Stravinsky — deux des principales victimes
261 art et Stravinsky — deux des principales victimes de son film. Il coupe court d’un ton neutre : « Mrs Walt Disney n’aime p
262 principales victimes de son film. Il coupe court d’ un ton neutre : « Mrs Walt Disney n’aime pas la musique classique. » U
263 roid, et chacun pense : Que ne l’a-t-elle empêché de s’en occuper ! Son mauvais goût me paraît irrémédiable, étant celui d
264 mauvais goût me paraît irrémédiable, étant celui de l’Américain moyen en matière d’art et surtout de peinture. (La fin de
265 able, étant celui de l’Américain moyen en matière d’ art et surtout de peinture. (La fin de Fantasia, sur l’Ave Maria de Sc
266 de l’Américain moyen en matière d’art et surtout de peinture. (La fin de Fantasia, sur l’Ave Maria de Schubert, n’est qu’
267 en matière d’art et surtout de peinture. (La fin de Fantasia, sur l’Ave Maria de Schubert, n’est qu’une suite de cartes d
268 , sur l’Ave Maria de Schubert, n’est qu’une suite de cartes de bons vœux comme il s’en envoie des millions à chaque Noël e
269 e Maria de Schubert, n’est qu’une suite de cartes de bons vœux comme il s’en envoie des millions à chaque Noël en Amérique
270 s à chaque Noël en Amérique.) Mais il a le secret de ce rythme endiablé, cette ingéniosité foisonnante, follement gaspillé
271 , et cette maîtrise impitoyable dans l’agencement d’ une suite de catastrophes qui laissent le spectateur soulagé et heureu
272 aîtrise impitoyable dans l’agencement d’une suite de catastrophes qui laissent le spectateur soulagé et heureux, parce que
273 un bon quart d’heure, avec l’assentiment du rire de la foule. ⁂ Les créations géniales de Disney remontent à la période o
274 ent du rire de la foule. ⁂ Les créations géniales de Disney remontent à la période où il travaillait seul, à l’aventure, a
275 nture, avec des moyens peu coûteux. Les producers de Hollywood travaillent aujourd’hui avec des milliers d’employés, dans
276 llywood travaillent aujourd’hui avec des milliers d’ employés, dans le cadre d’une routine technique stupidement respectée
277 d’hui avec des milliers d’employés, dans le cadre d’ une routine technique stupidement respectée par tous les nouveaux venu
278 atisfaire ce plus grand public, il faut se garder d’ innover ou de faire plus vrai que la convention du jour. Les milliers
279 plus grand public, il faut se garder d’innover ou de faire plus vrai que la convention du jour. Les milliers d’employés dé
280 plus vrai que la convention du jour. Les milliers d’ employés déjà cités se livrent donc à une chasse impitoyable à la situ
281 a tuer. En même temps, les producers se plaignent de ce que les auteurs n’aient plus d’idées… Je vais leur donner gratis l
282 s se plaignent de ce que les auteurs n’aient plus d’ idées… Je vais leur donner gratis le moyen d’en sortir, et mon idée ti
283 plus d’idées… Je vais leur donner gratis le moyen d’ en sortir, et mon idée tient en trois mots : — Messieurs, sabrez vos b
284 mots : — Messieurs, sabrez vos budgets ! Essayez de faire pour une fois : « le film le meilleur marché du monde », au lie
285 . Et qui sait s’il ne va point préférer les films européens , dès qu’il pourra les voir ? Tous les signes sont là. Dépêchez-vous !
286 et qu’ils s’en doutent. L’importance des studios de New York s’accroît sans cesse. On parle d’un nouveau centre de produc
287 tudios de New York s’accroît sans cesse. On parle d’ un nouveau centre de production qui se créerait bientôt du côté de Mia
288 ’accroît sans cesse. On parle d’un nouveau centre de production qui se créerait bientôt du côté de Miami. Les barrières co
289 ui qu’un asile délabré aux bandits, et des sujets de scénarios historiques. Il se peut que Hollywood, après sa mort, devie
290 , après sa mort, devienne une merveilleuse « idée de film », et renaisse à l’écran sous la forme du chef-d’œuvre que, viva
291 e, elle n’a fait que rêver. c. Rougemont Denis de , « Hollywood n’a plus d’idées », Carrefour, Paris, 13 décembre 1945,
292 r. c. Rougemont Denis de, « Hollywood n’a plus d’ idées », Carrefour, Paris, 13 décembre 1945, p. 7.
4 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Les enfants américains réclament des bombes atomiques (20 décembre 1945)
293 e l’Amérique, inaugurant officiellement la saison de Noël. Nous sommes le 13 et les rayons de jouets sont déjà presque vid
294 a saison de Noël. Nous sommes le 13 et les rayons de jouets sont déjà presque vides à New York. La conversion des tanks et
295 es tanks et des forteresses volantes en pacotille de nursery exige plus qu’un instant de foi et d’abandon… Cet an de grâce
296 en pacotille de nursery exige plus qu’un instant de foi et d’abandon… Cet an de grâce rationné 1945 se termine en pleine
297 lle de nursery exige plus qu’un instant de foi et d’ abandon… Cet an de grâce rationné 1945 se termine en pleine équivoque 
298 ge plus qu’un instant de foi et d’abandon… Cet an de grâce rationné 1945 se termine en pleine équivoque : est-ce la paix d
299 e la paix déjà ? La guerre encore ? Interférences de disette et de luxe, d’appétits ranimés et d’amertumes durables. Et No
300  ? La guerre encore ? Interférences de disette et de luxe, d’appétits ranimés et d’amertumes durables. Et Noël va tomber a
301 rre encore ? Interférences de disette et de luxe, d’ appétits ranimés et d’amertumes durables. Et Noël va tomber au milieu
302 nces de disette et de luxe, d’appétits ranimés et d’ amertumes durables. Et Noël va tomber au milieu de l’an I d’une ère de
303 s durables. Et Noël va tomber au milieu de l’an I d’ une ère de paix fondée sur la plus grande menace de toute l’Histoire.
304 . Et Noël va tomber au milieu de l’an I d’une ère de paix fondée sur la plus grande menace de toute l’Histoire. Les enfant
305 ’une ère de paix fondée sur la plus grande menace de toute l’Histoire. Les enfants, comme les gouvernements, demandent pou
306 tomiques. Trois d’entre eux, à Brooklyn, viennent d’ être blessés sérieusement en jouant à faire sauter le monde. Les trois
307 : un loup déguisé en mouton et deux moutons vêtus de leur vraie peau. Mais rien n’empêche le Waldorf Astoria d’annoncer qu
308 raie peau. Mais rien n’empêche le Waldorf Astoria d’ annoncer que sa nuit de Nouvel An « promet d’être la plus grande nuit
309 empêche le Waldorf Astoria d’annoncer que sa nuit de Nouvel An « promet d’être la plus grande nuit de l’histoire de l’hôte
310 oria d’annoncer que sa nuit de Nouvel An « promet d’ être la plus grande nuit de l’histoire de l’hôtel — à partir de vingt
311 de Nouvel An « promet d’être la plus grande nuit de l’histoire de l’hôtel — à partir de vingt dollars ». Hier chez Schwar
312 « promet d’être la plus grande nuit de l’histoire de l’hôtel — à partir de vingt dollars ». Hier chez Schwartz, le grand m
313 t dollars ». Hier chez Schwartz, le grand magasin de jouets de la Cinquième Avenue : « Auriez-vous, dis-je d’un ton suave,
314 ». Hier chez Schwartz, le grand magasin de jouets de la Cinquième Avenue : « Auriez-vous, dis-je d’un ton suave, quelque c
315 ts de la Cinquième Avenue : « Auriez-vous, dis-je d’ un ton suave, quelque chose qui ressemble à un modèle de bombe atomiqu
316 on suave, quelque chose qui ressemble à un modèle de bombe atomique pour les enfants ? » La vendeuse ouvrit la bouche, pui
317 he, puis écarquilla les yeux : devant nous venait d’ apparaître une jeune femme au visage anguleux et couvert de taches de
318 tre une jeune femme au visage anguleux et couvert de taches de rousseur, la tête serrée dans un foulard de soie rose feu.
319 une femme au visage anguleux et couvert de taches de rousseur, la tête serrée dans un foulard de soie rose feu. — « Papa,
320 aches de rousseur, la tête serrée dans un foulard de soie rose feu. — « Papa, me dit mon petit garçon, c’est Miss Hepburn 
321 efeller Plaza, transporté avec toutes ses racines d’ un parc où il sera replanté dès janvier, n’ayant coûté que cent dollar
322 lanté dès janvier, n’ayant coûté que cent dollars de location à M. John D. Rockefeller, car tout se sait. Des haut-parleur
323 haut-parleurs répandaient sans relâche des hymnes de Noël transformés en jazz hot par les klaxons d’interminables embarras
324 s de Noël transformés en jazz hot par les klaxons d’ interminables embarras de trafic. Aux vitrines triomphait le rêve amér
325 jazz hot par les klaxons d’interminables embarras de trafic. Aux vitrines triomphait le rêve américain, le clinquant, l’ir
326 clinquant, l’irréel, le rose et le doré, le rêve d’ enfance et d’innocence universelle, bercé de musiques nostalgiques. No
327 ’irréel, le rose et le doré, le rêve d’enfance et d’ innocence universelle, bercé de musiques nostalgiques. Noël ici devien
328 rêve d’enfance et d’innocence universelle, bercé de musiques nostalgiques. Noël ici devient la fête du bébé Cadum des réc
329 nt la fête du bébé Cadum des réclames et non plus de cet enfant vrai qui naquit tant bien que mal dans la paille, sous le
330 tant bien que mal dans la paille, sous le souffle d’ un bœuf malodorant. Plus que dix jours pour acquérir dans cette aimabl
331 bonne conscience que représente une table chargée de cadeaux enveloppés de papiers brillants, verts, rouge, argent et mord
332 eprésente une table chargée de cadeaux enveloppés de papiers brillants, verts, rouge, argent et mordorés. Pourquoi ces éch
333 anges éperdus ? Est-ce un souvenir du seul cadeau de paix jamais fait à l’humanité ? ou bien cette fièvre de rivaliser dan
334 x jamais fait à l’humanité ? ou bien cette fièvre de rivaliser dans la dépense en fin d’année, est-elle comme chez les pri
335 cette fièvre de rivaliser dans la dépense en fin d’ année, est-elle comme chez les primitifs la manière de conjurer le sor
336 née, est-elle comme chez les primitifs la manière de conjurer le sort ? Plus que dix jours pour s’assurer une bonne place
337 ent pas à une cellule sociale, formeront la foule de Times Square. Le coudoiement universel leur tiendra lieu d’intimité…
338 quare. Le coudoiement universel leur tiendra lieu d’ intimité… Pour moi, j’irai comme chaque année à la messe de minuit des
339 é… Pour moi, j’irai comme chaque année à la messe de minuit des protestants, dans la plus grande église gothique du monde,
340 us grande église gothique du monde, la cathédrale de Saint-Jean-de-Dieu, siège de l’évêque anglican de New York. Dix mille
341 monde, la cathédrale de Saint-Jean-de-Dieu, siège de l’évêque anglican de New York. Dix mille personnes y chanteront des h
342 de Saint-Jean-de-Dieu, siège de l’évêque anglican de New York. Dix mille personnes y chanteront des hymnes avant la proces
343 ant la procession du chœur et du clergé, précédés de porteurs de torches à la Burne Jones. Et comme chaque année, j’entend
344 ssion du chœur et du clergé, précédés de porteurs de torches à la Burne Jones. Et comme chaque année, j’entendrai le Credo
345 ones. Et comme chaque année, j’entendrai le Credo de Gretchaninoff et le motet de Prætorius, Une rose est née… et je me di
346 j’entendrai le Credo de Gretchaninoff et le motet de Prætorius, Une rose est née… et je me dirai que l’Amérique n’a pas en
347 ui gagne à tous les coups. Qu’apportera cette fin d’ année ? Un dernier speech de La Guardia à la radio, révélant une derni
348 u’apportera cette fin d’année ? Un dernier speech de La Guardia à la radio, révélant une dernière recette aux ménagères po
349 autant qu’honnête, le gros petit homme à la face de clown, Fiorello, la Fleurette, comme le peuple l’a baptisé, saisissan
350 a pour la dernière fois l’orchestre ou la fanfare d’ un grand meeting. Sur le coup de minuit, le 31 décembre, nous perdrons
351 tre ou la fanfare d’un grand meeting. Sur le coup de minuit, le 31 décembre, nous perdrons le meilleur maire de New York.
352 , le 31 décembre, nous perdrons le meilleur maire de New York. Et Roosevelt n’est pas remplacé… Et toutes les utopies prév
353 n vente la « bicyclette du ciel », un petit avion de mille dollars. Déjà les banques de Buffalo ouvrent des guichets extér
354 un petit avion de mille dollars. Déjà les banques de Buffalo ouvrent des guichets extérieurs où l’on peut déposer de l’arg
355 rent des guichets extérieurs où l’on peut déposer de l’argent sans descendre de sa voiture. Déjà les biches et les daims s
356 s où l’on peut déposer de l’argent sans descendre de sa voiture. Déjà les biches et les daims sont amenés dans la forêt de
357 les biches et les daims sont amenés dans la forêt de chasse au moyen de taxis aériens. Déjà la télévision en couleurs prou
358 t et la précision du détail », qualités préférées de l’Américain. Déjà l’on nous annonce de Hollywood un superfilm sur la
359 préférées de l’Américain. Déjà l’on nous annonce de Hollywood un superfilm sur la bombe atomique, où le love interest ne
360 au sujet de cette invention « qui signifie la fin de l’humanité ou l’aube d’un âge d’or » à votre choix. Déjà, le syndicat
361 ion « qui signifie la fin de l’humanité ou l’aube d’ un âge d’or » à votre choix. Déjà, le syndicat des ouvriers de l’indus
362 signifie la fin de l’humanité ou l’aube d’un âge d’ or » à votre choix. Déjà, le syndicat des ouvriers de l’industrie auto
363 r » à votre choix. Déjà, le syndicat des ouvriers de l’industrie automobile offre à Ford un contrat collectif qui le protè
364 gulières, car la force et l’initiative ont changé de camp et les vainqueurs se montrent généreux. Et déjà les pasteurs et
365 s et les prêtres se préparent à parler du message de Noël « aux hommes de bonne volonté », répétant sans scrupules avec M.
366 réparent à parler du message de Noël « aux hommes de bonne volonté », répétant sans scrupules avec M. Romains une grave er
367 t sans scrupules avec M. Romains une grave erreur de traduction car l’Évangile, dans le texte original, dit simplement : «
368 t simplement : « Paix sur la terre, bonne volonté de Dieu envers les hommes ». Est-il besoin de la bombe, et des grèves, e
369 olonté de Dieu envers les hommes ». Est-il besoin de la bombe, et des grèves, et de la famine européenne, et de la guerre
370 s ». Est-il besoin de la bombe, et des grèves, et de la famine européenne, et de la guerre endémique dans tout l’Orient, e
371 esoin de la bombe, et des grèves, et de la famine européenne , et de la guerre endémique dans tout l’Orient, et de la méfiance et d
372 be, et des grèves, et de la famine européenne, et de la guerre endémique dans tout l’Orient, et de la méfiance et de la pe
373 et de la guerre endémique dans tout l’Orient, et de la méfiance et de la peur réciproques qui président aux rapports des
374 ndémique dans tout l’Orient, et de la méfiance et de la peur réciproques qui président aux rapports des nations, et de l’a
375 roques qui président aux rapports des nations, et de l’antisémitisme, et de l’antisoviétisme, et de l’antiaméricanisme, po
376 x rapports des nations, et de l’antisémitisme, et de l’antisoviétisme, et de l’antiaméricanisme, pour que nous comprenions
377 et de l’antisémitisme, et de l’antisoviétisme, et de l’antiaméricanisme, pour que nous comprenions que les hommes ont fort
378 s la rumeur assourdissante des petites trompettes de foire et des crécelles, GI Joe, le combattant moyen, se dira : « Well
379 tait donc pour tout cela… » d. Rougemont Denis de , « Les enfants américains réclament des bombes atomiques », Carrefour
5 1946, Carrefour, articles (1945–1947). Deux presses, deux méthodes : l’Américain expose, le Français explique (4 avril 1946)
380 a guerre, un grand journal du soir, qui disposait d’ un poste de radio, m’interviewa au sujet du petit livre que je venais
381 n grand journal du soir, qui disposait d’un poste de radio, m’interviewa au sujet du petit livre que je venais de publier
382 sse hitlérienne me paraissait meilleure que celle de France, parce qu’elle donnait plus de nouvelles du monde, et d’une ma
383 e que celle de France, parce qu’elle donnait plus de nouvelles du monde, et d’une manière plus objective, du fait même que
384 ce qu’elle donnait plus de nouvelles du monde, et d’ une manière plus objective, du fait même que ses partis pris étaient c
385 cteur du journal en question censura cette partie de l’interview, en vertu de la politique qu’on attribue par erreur à l’a
386 omme la suite l’a prouvé d’ailleurs. Le directeur de Carrefour admettra-t-il que je récidive, à propos cette fois-ci de l’
387 ttra-t-il que je récidive, à propos cette fois-ci de l’exemple américain ? Exposé de points de vue contradictoires Le
388 s cette fois-ci de l’exemple américain ? Exposé de points de vue contradictoires Les grands journaux américains admet
389 américains admettent dans leurs colonnes l’exposé de points de vue contradictoires, et je précise : ils l’admettent justem
390 sionnés, tels que ceux que provoquent une période de grèves, le renvoi bruyant d’un ministre, ou même d’une élection prési
391 ovoquent une période de grèves, le renvoi bruyant d’ un ministre, ou même d’une élection présidentielle. Dans quel autre pa
392 grèves, le renvoi bruyant d’un ministre, ou même d’ une élection présidentielle. Dans quel autre pays de notre monde du xx
393 une élection présidentielle. Dans quel autre pays de notre monde du xxe siècle verrait-on un journal de l’importance du N
394 notre monde du xxe siècle verrait-on un journal de l’importance du New York Times donner une page entière au discours de
395 ew York Times donner une page entière au discours de son candidat, et une page entière, en regard, au discours de son adve
396 idat, et une page entière, en regard, au discours de son adversaire ? Cependant que l’éditorial commente en termes mesurés
397 ectifs des personnes en présence ? Et s’il s’agit d’ une grève de vastes dimensions, comme celle qui vient d’interrompre pe
398 ersonnes en présence ? Et s’il s’agit d’une grève de vastes dimensions, comme celle qui vient d’interrompre pendant plusie
399 grève de vastes dimensions, comme celle qui vient d’ interrompre pendant plusieurs mois la production de la General Motors,
400 ’interrompre pendant plusieurs mois la production de la General Motors, vous trouverez tous les jours les points de vue af
401 jours les points de vue affrontés du patronat et de l’union syndicale, dont les déclarations officielles seront citées in
402 ions officielles seront citées in extenso. Pas de polémique contre un autre journal Ainsi la controverse réelle est
403 st un débat à propos d’un débat. C’est un torrent de jugements contradictoires, mais trop exactement prévus — sous la rubr
404 s trop exactement prévus — sous la rubrique revue de la presse — au sujet d’un problème qui, semble-t-il, importe moins en
405 — sous la rubrique revue de la presse — au sujet d’ un problème qui, semble-t-il, importe moins en soi que ce qu’en disent
406 i l’on peut « causer » à l’infini, mais sans trop de chances de se former une opinion plausible ou réaliste. Tartempion pe
407 « causer » à l’infini, mais sans trop de chances de se former une opinion plausible ou réaliste. Tartempion pense ceci, D
408 mpion me ressasse que Durand n’est qu’un radical. De quoi donc parlait-on ? Qu’allons-nous faire ? Ce n’est pas que les jo
409 scandale. Quand ils s’y lancent, ils n’y vont pas de main morte. Mais leur objectif principal, ou si l’on veut, leur arme
410 tion toute nue, ou presque. Sur trente-deux pages de leur édition quotidienne, le Times ou le Tribune consacrent à peu prè
411 es ou le Tribune consacrent à peu près deux tiers de page à leurs éditoriaux, dont la moitié traite de ce qui se passe dan
412 de page à leurs éditoriaux, dont la moitié traite de ce qui se passe dans tel pays de l’Amérique du Sud ou de l’Europe. Le
413 la moitié traite de ce qui se passe dans tel pays de l’Amérique du Sud ou de l’Europe. Le reste du journal se compose de d
414 ui se passe dans tel pays de l’Amérique du Sud ou de l’Europe. Le reste du journal se compose de dépêches d’agences, récri
415 passe dans tel pays de l’Amérique du Sud ou de l’ Europe . Le reste du journal se compose de dépêches d’agences, récrites et dé
416 ud ou de l’Europe. Le reste du journal se compose de dépêches d’agences, récrites et délayées sous forme d’articles signés
417 urope. Le reste du journal se compose de dépêches d’ agences, récrites et délayées sous forme d’articles signés, et d’artic
418 pêches d’agences, récrites et délayées sous forme d’ articles signés, et d’articles de correspondants spéciaux publiés sous
419 ites et délayées sous forme d’articles signés, et d’ articles de correspondants spéciaux publiés sous forme de longues dépê
420 ayées sous forme d’articles signés, et d’articles de correspondants spéciaux publiés sous forme de longues dépêches ; de c
421 spéciaux publiés sous forme de longues dépêches ; de commentaires ou « colonnes syndiquées » (qui paraissent le même jour
422 nce, jardin, etc. Mais le fait est qu’une dépêche de Paris, par un correspondant américain, qui occupe chaque matin une ou
423 ain, qui occupe chaque matin une ou deux colonnes de son journal, en apprend davantage sur ce qui se passe en France que l
424 tage sur ce qui se passe en France que la lecture de dix journaux français. Tous les Français, qui viennent ici, en tomben
425 omanciers. Ce qui pose chaque jour aux rédacteurs d’ un journal américain, en plus des problèmes d’un grand quotidien, le p
426 urs d’un journal américain, en plus des problèmes d’ un grand quotidien, le problème d’une volumineuse revue de vulgarisati
427 s des problèmes d’un grand quotidien, le problème d’ une volumineuse revue de vulgarisation. Ce qui suppose un état-major e
428 nd quotidien, le problème d’une volumineuse revue de vulgarisation. Ce qui suppose un état-major et un personnel gigantesq
429 gigantesques, spécialisés à l’infini ; des pages de publicité aussi chères qu’abondantes ; ou un propriétaire aux dollars
430 cation des journaux. New York, pour sept millions d’ habitants, ne possède que neuf grands journaux ; Paris en publie sept
431 se, tout juste un numéro du Times, pour le volume de mots imprimés. Deux pages pour la religion, pas de roman-feuilleto
432 ots imprimés. Deux pages pour la religion, pas de roman-feuilleton Trois remarques au sujet des rubriques régulières
433 ement à ce que l’on attendrait, ne tient pas plus de place que dans la presse française. Par contre, celle de la religion,
434 e que dans la presse française. Par contre, celle de la religion, qui n’existe aucunement en France, occupe souvent deux p
435 les journaux américains cet héritage inexcusable de la presse du siècle dernier, que nous appelons le roman-feuilleton, e
436 illeton, et que je vois encore, en pleine période de disette de papier, encombrer le tiers de la seconde et dernière page
437 que je vois encore, en pleine période de disette de papier, encombrer le tiers de la seconde et dernière page de plusieur
438 période de disette de papier, encombrer le tiers de la seconde et dernière page de plusieurs journaux parisiens. Le cense
439 encombrer le tiers de la seconde et dernière page de plusieurs journaux parisiens. Le censeur astucieux, possédé par l’idé
440 risiens. Le censeur astucieux, possédé par l’idée d’ empêcher le peuple de savoir ce qui se passe, n’eût pas trouvé de meil
441 stucieux, possédé par l’idée d’empêcher le peuple de savoir ce qui se passe, n’eût pas trouvé de meilleur expédient : s’il
442 euple de savoir ce qui se passe, n’eût pas trouvé de meilleur expédient : s’ils demandent des nouvelles, contez-leur une h
443 lles, contez-leur une histoire. « S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent des brioches ! » Le siècle est en révolution, l’
444 t des brioches ! » Le siècle est en révolution, l’ Europe en ruine, la France en crise pour dire le moins, c’est bien le moment
445 en crise pour dire le moins, c’est bien le moment de lire Paul de Kock… Des moyens d’information dignes de ce nom La
446 ien le moment de lire Paul de Kock… Des moyens d’ information dignes de ce nom La France possède, depuis la guerre, u
447 Paul de Kock… Des moyens d’information dignes de ce nom La France possède, depuis la guerre, un ministère de l’Info
448 La France possède, depuis la guerre, un ministère de l’Information, dont jusqu’à plus ample informé, je ne mettrai pas en
449 pas en doute l’utilité. Mais elle ne possède pas d’ organes d’information dignes du nom. Sur quoi peut bien régner ce mini
450 ute l’utilité. Mais elle ne possède pas d’organes d’ information dignes du nom. Sur quoi peut bien régner ce ministère ? J’
451 ner ce ministère ? J’imagine qu’il a pris à tâche de créer un nouvel esprit, un nouveau sens des devoirs civiques de la pr
452 uvel esprit, un nouveau sens des devoirs civiques de la presse, une école de reportage, un journal type… et surtout des ca
453 sens des devoirs civiques de la presse, une école de reportage, un journal type… et surtout des campagnes d’information. J
454 ortage, un journal type… et surtout des campagnes d’ information. Je me permettrais, dans ce cas, de lui suggérer le modèle
455 es d’information. Je me permettrais, dans ce cas, de lui suggérer le modèle du Christian Science Monitor, du New York Time
456 vant ce qui précède. J’ai préféré ne point parler de la « presse Hearst » et des journaux de McCormick, qui règnent sur le
457 nt parler de la « presse Hearst » et des journaux de McCormick, qui règnent sur le Middle West, et dont les tares les plus
458 dont les tares les plus connues sont la brutalité de langage, la haine posthume de Roosevelt, l’isolationnisme impénitent,
459 s sont la brutalité de langage, la haine posthume de Roosevelt, l’isolationnisme impénitent, le racisme et le préjugé anti
460 gé antieuropéen. Toutes les comparaisons du genre de celles que je viens d’esquisser courent le risque d’opposer le meille
461 les comparaisons du genre de celles que je viens d’ esquisser courent le risque d’opposer le meilleur d’un des termes à la
462 celles que je viens d’esquisser courent le risque d’ opposer le meilleur d’un des termes à la moyenne ou même au pire de l’
463 esquisser courent le risque d’opposer le meilleur d’ un des termes à la moyenne ou même au pire de l’autre. Il resterait à
464 leur d’un des termes à la moyenne ou même au pire de l’autre. Il resterait à opposer la tenue littéraire, mettons du Figa
465 le du Journal and American. Mais il est difficile d’ être à la fois juste et utile, en temps de crise. Et j’ai voulu courir
466 fficile d’être à la fois juste et utile, en temps de crise. Et j’ai voulu courir au plus pressé. e. Rougemont Denis de
467 ulu courir au plus pressé. e. Rougemont Denis de , « Deux presses, deux méthodes : l’Américain expose, le Français expl
468 our, Paris, 4 avril 1946, p. 1. f. Texte précédé de la note suivante : « La volonté objective de Carrefour se manifeste,
469 cédé de la note suivante : « La volonté objective de Carrefour se manifeste, une fois de plus, en facilitant à un de nos c
470 e manifeste, une fois de plus, en facilitant à un de nos compatriotes qui vit à l’étranger, la possibilité de s’exprimer l
471 compatriotes qui vit à l’étranger, la possibilité de s’exprimer librement sur l’un des problèmes les plus brûlants de l’he
472 ibrement sur l’un des problèmes les plus brûlants de l’heure : celui de la mission de la presse. »
473 es problèmes les plus brûlants de l’heure : celui de la mission de la presse. »
474 es plus brûlants de l’heure : celui de la mission de la presse. »
6 1946, Carrefour, articles (1945–1947). Une bureaucratie sans ronds-de-cuir (23 mai 1946)
475 nds-de-cuir (23 mai 1946)g Dans le même numéro de magazine où l’on peut lire sous la plume d’un fermier du Middlewest q
476 uméro de magazine où l’on peut lire sous la plume d’ un fermier du Middlewest que l’Amérique est le seul pays décent au mon
477 est le seul pays décent au monde, et qu’un agent d’ assurances du Connecticut affirme qu’elle jouit d’un gouvernement prat
478 d’assurances du Connecticut affirme qu’elle jouit d’ un gouvernement pratiquement idéal, le Contrôleur général des États-Un
479 idéal, le Contrôleur général des États-Unis écrit de son côté : « Notre gouvernement est une vaste pétaudière. » Ce foncti
480 te pétaudière. » Ce fonctionnaire sait à peu près de quoi il parle, — et je dis à peu près pour dire comme lui. Car son tr
481 iste, nous explique-t-il, à maintenir les agences de l’État dans les limites de leurs prérogatives et de leur budget parti
482 maintenir les agences de l’État dans les limites de leurs prérogatives et de leur budget particulier, mais il avoue que c
483 l’État dans les limites de leurs prérogatives et de leur budget particulier, mais il avoue que c’est une tâche impossible
484 st concevable qu’un dixième comité ait pour objet d’ examiner l’activité des neuf premiers. On nommera un Board national, c
485 uf premiers. On nommera un Board national, chargé de coordonner comités et agences, et baptisé de quelques initiales pour
486 argé de coordonner comités et agences, et baptisé de quelques initiales pour initiés. Après quoi le Sénat fera comparaître
487 itiés. Après quoi le Sénat fera comparaître, pour de longues séances d’enquêtes, les responsables de ce board. Et ainsi de
488 e Sénat fera comparaître, pour de longues séances d’ enquêtes, les responsables de ce board. Et ainsi de suite, jusqu’à ce
489 r de longues séances d’enquêtes, les responsables de ce board. Et ainsi de suite, jusqu’à ce que le président, ayant reçu
490 ’enquêtes, les responsables de ce board. Et ainsi de suite, jusqu’à ce que le président, ayant reçu cent-mille lettres de
491 e que le président, ayant reçu cent-mille lettres de protestation, décide que les transports doivent transporter, avant mê
492 ue les transports doivent transporter, avant même de faire vivre leurs bureaux, et nomme un tsar qui supervise le tout, av
493 politiciens sans emploi ou des anciens ministres de n’importe quoi. Il sera plutôt un homme d’affaires dans la quarantain
494 d’affaires dans la quarantaine, le vice-président d’ une chaîne de Prisunics, le directeur technique d’un trust industriel,
495 ns la quarantaine, le vice-président d’une chaîne de Prisunics, le directeur technique d’un trust industriel, le secrétair
496 d’une chaîne de Prisunics, le directeur technique d’ un trust industriel, le secrétaire d’un des grands syndicats, ou bien
497 ur technique d’un trust industriel, le secrétaire d’ un des grands syndicats, ou bien un professeur d’économie. On lui fera
498 d’un des grands syndicats, ou bien un professeur d’ économie. On lui fera beaucoup de publicité. Les journaux donneront le
499 p de publicité. Les journaux donneront le chiffre de ses revenus anciens et celui de son nouveau salaire. Et puis en avant
500 neront le chiffre de ses revenus anciens et celui de son nouveau salaire. Et puis en avant, et voyons ce que le coming man
501 ournal : « Mon cher Bill, au moment de me séparer de vous, je tiens à vous remercier pour les services (adjectif variable)
502 s m’obligent, etc. Mais je serai toujours heureux de pouvoir compter sur vous en cas de besoin. » Dans l’un et l’autre cas
503 ujours heureux de pouvoir compter sur vous en cas de besoin. » Dans l’un et l’autre cas, succès ou échec, ce tsar reprendr
504 on ancienne profession, avec ou sans augmentation de salaire et de rang. Et c’est ainsi que dans le désordre éperdument or
505 ofession, avec ou sans augmentation de salaire et de rang. Et c’est ainsi que dans le désordre éperdument organisé, la bur
506 ne à l’esprit. J’ai dit désordre, parce que c’est de ce nom que l’on désigne ordinairement une situation dont notre esprit
507 prit infiniment intelligent, il n’y aurait jamais de désordre, mais seulement des complexités.) Le fait est que je n’imagi
508 exités.) Le fait est que je n’imagine pas un seul de mes contemporains qui soit capable d’embrasser dans une seule vue les
509 pas un seul de mes contemporains qui soit capable d’ embrasser dans une seule vue les rouages du gouvernement des États-Uni
510 la jungle administrative… Le président a plus de pouvoir qu’un roi, dit-on. Mais ce n’est pas beaucoup dire, de nos jo
511 ’un roi, dit-on. Mais ce n’est pas beaucoup dire, de nos jours. Il choisit ses ministres et ses tsars. Mais il doit tenir
512 tsars. Mais il doit tenir compte, pour ce choix, de l’équilibre des républicains, des démocrates du Sud, et du Travail, r
513 ssants ; il doit tenir compte des pressure groups de Washington ; des agences et bureaux d’État indépendants des ministère
514 ure groups de Washington ; des agences et bureaux d’ État indépendants des ministères ; de la Finance (bien qu’elle perde d
515 s et bureaux d’État indépendants des ministères ; de la Finance (bien qu’elle perde du terrain) ; enfin de l’opinion publi
516 a Finance (bien qu’elle perde du terrain) ; enfin de l’opinion publique, car nous sommes en démocratie, et il faut bien qu
517 quelque part… et en quelque manière. Les agences d’ État à initiales sont si nombreuses (quelques milliers) ; si provisoir
518 quelques milliers) ; si provisoires (elles durent de trois ans à trois mois) ; et de statut si variable (allant du rang de
519 res (elles durent de trois ans à trois mois) ; et de statut si variable (allant du rang de ministère non régulier à celui
520 mois) ; et de statut si variable (allant du rang de ministère non régulier à celui d’expédient de crise) ; qu’il n’y a pa
521 (allant du rang de ministère non régulier à celui d’ expédient de crise) ; qu’il n’y a pas homme au monde qui ait le temps
522 ang de ministère non régulier à celui d’expédient de crise) ; qu’il n’y a pas homme au monde qui ait le temps ou les moyen
523 onde qui ait le temps ou les moyens intellectuels de s’y retrouver : à peine y serait-il parvenu que le tableau changerait
524 venu que le tableau changerait en quelques jours. D’ où la gabegie littéralement indescriptible dont le Contrôleur général
525 indescriptible dont le Contrôleur général essaie de donner une idée dans le bref article que je citais : Prenez le probl
526 devant un comité du Sénat, la question fut posée de savoir si quelqu’un au monde connaissait réellement le nombre des age
527 ts. Depuis lors, on a chargé une agence nationale de coordonner les travaux. Mais son administrateur déclare aujourd’hui q
528 toire est propriété du gouvernement, c’est-à-dire de trente-quatre agences et d’une douzaine de départements fédéraux qui
529 rnement, c’est-à-dire de trente-quatre agences et d’ une douzaine de départements fédéraux qui se font la guerre, sans qu’i
530 à-dire de trente-quatre agences et d’une douzaine de départements fédéraux qui se font la guerre, sans qu’il existe un seu
531 guerre, sans qu’il existe un seul centre capable de dresser l’inventaire de ce domaine gigantesque… Or, malgré tout, la m
532 te un seul centre capable de dresser l’inventaire de ce domaine gigantesque… Or, malgré tout, la machine tourne. Les raiso
533 … Or, malgré tout, la machine tourne. Les raisons de ce succès pratique me demeurent en partie mystérieuses, mais quelques
534 es, mais quelques-unes sont formulables. … pas de fonctionnaires Tout d’abord, l’Amérique ne possède pas d’école de
535 naires Tout d’abord, l’Amérique ne possède pas d’ école de fonctionnaires spécialisés. Elle ne produit pas plus d’inspec
536 Tout d’abord, l’Amérique ne possède pas d’école de fonctionnaires spécialisés. Elle ne produit pas plus d’inspecteurs de
537 ctionnaires spécialisés. Elle ne produit pas plus d’ inspecteurs des Finances que de ronds-de-cuir de père en fils. Le pers
538 e produit pas plus d’inspecteurs des Finances que de ronds-de-cuir de père en fils. Le personnel des bureaux gouvernementa
539 s d’inspecteurs des Finances que de ronds-de-cuir de père en fils. Le personnel des bureaux gouvernementaux est sans cesse
540 ouvelé, au physique comme au figuré. Peu ou point de fonctionnaires de carrière, aigris et stéréotypés. Peu ou point d’esp
541 e comme au figuré. Peu ou point de fonctionnaires de carrière, aigris et stéréotypés. Peu ou point d’esprit de corps, de t
542 de carrière, aigris et stéréotypés. Peu ou point d’ esprit de corps, de traditions administratives, et d’institutions « vé
543 ère, aigris et stéréotypés. Peu ou point d’esprit de corps, de traditions administratives, et d’institutions « vénérables 
544 s et stéréotypés. Peu ou point d’esprit de corps, de traditions administratives, et d’institutions « vénérables », formali
545 sprit de corps, de traditions administratives, et d’ institutions « vénérables », formalistes et inefficaces. Ensuite, tous
546 et inefficaces. Ensuite, tous ces fonctionnaires d’ occasion savent qu’ils peuvent être aisément révoqués, et l’acceptent
547 rront reprendre au premier jour. J’ai fait partie de la troupe et parle en connaissance de cause. L’Office d’information d
548 roupe et parle en connaissance de cause. L’Office d’ information de guerre (OWI) qui tenait le rang d’un ministère, et où j
549 en connaissance de cause. L’Office d’information de guerre (OWI) qui tenait le rang d’un ministère, et où j’ai travaillé
550 d’information de guerre (OWI) qui tenait le rang d’ un ministère, et où j’ai travaillé pendant près de deux ans, ne compta
551 s de deux ans, ne comptait qu’une infime minorité de fonctionnaires de métier. Le chef en fut d’abord un général, puis un
552 comptait qu’une infime minorité de fonctionnaires de métier. Le chef en fut d’abord un général, puis un commentateur de la
553 f en fut d’abord un général, puis un commentateur de la radio. Il avait sous ses ordres des écrivains, des journalistes, d
554 z, au lieu de l’OWI, le NWLB ou l’OPA, il suffira de transposer écrivains en ingénieurs, journalistes en businessmen, ciné
555 . Tout cela change l’air des bureaux, et l’esprit d’ une bureaucratie, pour ceux qui en sont comme pour les visiteurs. L
556 r les visiteurs. La mer des paperasses rempart de la liberté ? Mais je me pose tout de même la question de l’avenir
557 rté ? Mais je me pose tout de même la question de l’avenir des démocraties, livrées à la fatalité incontrôlable des age
558 té entière se transformera-t-elle en un cauchemar de statistiques, de directives, de formulaires, de fiches, de doubles bi
559 nsformera-t-elle en un cauchemar de statistiques, de directives, de formulaires, de fiches, de doubles bien classés, et de
560 e en un cauchemar de statistiques, de directives, de formulaires, de fiches, de doubles bien classés, et de coups de tampo
561 r de statistiques, de directives, de formulaires, de fiches, de doubles bien classés, et de coups de tampon sur des notes
562 tiques, de directives, de formulaires, de fiches, de doubles bien classés, et de coups de tampon sur des notes de service 
563 rmulaires, de fiches, de doubles bien classés, et de coups de tampon sur des notes de service ? C’est fort possible. Perso
564 , de fiches, de doubles bien classés, et de coups de tampon sur des notes de service ? C’est fort possible. Personne au mo
565 bien classés, et de coups de tampon sur des notes de service ? C’est fort possible. Personne au monde n’y comprendra plus
566 ssera son temps à faire enquête sur les activités de l’autre moitié, qui elle-même consacrera le plus clair de son temps à
567 re moitié, qui elle-même consacrera le plus clair de son temps à rédiger de longs rapports prouvant qu’elle est indispensa
568 e consacrera le plus clair de son temps à rédiger de longs rapports prouvant qu’elle est indispensable. Ici et là, quelque
569 able. Ici et là, quelques énergumènes s’aviseront de travailler. Et cela suffira bien : car c’est, en fait, par très peu d
570 a suffira bien : car c’est, en fait, par très peu d’ hommes que les choses marchent. Alors un être d’exception, comme vous
571 u d’hommes que les choses marchent. Alors un être d’ exception, comme vous ou moi, se demandera dans un accès de courage in
572 on, comme vous ou moi, se demandera dans un accès de courage intellectuel ou de désespoir balayant tout scrupule, si l’on
573 emandera dans un accès de courage intellectuel ou de désespoir balayant tout scrupule, si l’on ne pourrait pas faire sans
574 ne pourrait pas faire sans nul dommage l’économie de la machine entière ? La raison lui répondra oui. L’expérience lui rép
575 érience lui répondra non. Car s’il n’y avait plus de grands bureaux dans une démocratie, quelques hommes deviendraient res
576 ignés à la vindicte publique, ils n’auraient plus de choix qu’entre la démission et la tyrannie déclarée. Les bureaux à l’
577 nts cette tragédie. Évitant à la fois le Charybde de la routine inefficace et le Scylla du pouvoir personnel, ils choisiss
578 it des Délais ou la mer des paperasses, aux frais de l’État qui payera l’assurance. Et c’est la sagesse politique, au sièc
579 u siècle du collectivisme. g. Rougemont Denis de , « Une bureaucratie sans ronds-de-cuir », Carrefour, Paris, 23 mai 19
7 1946, Carrefour, articles (1945–1947). L’Amérique est-elle nationaliste ? (29 août 1946)
580 Vont-ils devenir nationalistes à la manière des Européens  ? C’est, à mon sens, toute la question. Lorsque nous parlons d’impéri
581 mon sens, toute la question. Lorsque nous parlons d’ impérialisme, en Europe, nous pensons à une volonté de dominer affirmé
582 question. Lorsque nous parlons d’impérialisme, en Europe , nous pensons à une volonté de dominer affirmée par un chef au nom de
583 périalisme, en Europe, nous pensons à une volonté de dominer affirmée par un chef au nom de sa nation : les Allemands sous
584 Italiens sous Mussolini. Les Américains n’ont pas de chefs de cette espèce. Mais l’opinion publique, chez eux, en tient la
585 sous Mussolini. Les Américains n’ont pas de chefs de cette espèce. Mais l’opinion publique, chez eux, en tient la place. S
586 des États-Unis, devînt nationaliste à notre image européenne  ? Et qu’elle décidât d’imposer au monde entier la loi yankee ? Il fau
587 ste à notre image européenne ? Et qu’elle décidât d’ imposer au monde entier la loi yankee ? Il faudrait tout d’abord que l
588 ourtant, je reste persuadé qu’il ne comporte rien de redoutable. Une nation prend conscience d’elle-même lorsqu’elle attei
589 e rien de redoutable. Une nation prend conscience d’ elle-même lorsqu’elle atteint ses limites naturelles et qu’elle se heu
590 e heurte à des voisins organisés. Or c’est le cas de l’Amérique, virtuellement, depuis que sa mouvante frontier a rejoint
591 ses frontières naturelles, aux environs du début de ce siècle. Ces frontières se trouvaient être deux océans au-delà desq
592 x océans au-delà desquels régnaient le Japon et l’ Europe  ; et deux territoires géographiquement américains, mais historiquemen
593 la production américaine et l’idéal démocratique d’ un Roosevelt. L’Amérique atteignant ses limites se voit donc subitemen
594 à posséder pour le moment. Voilà bien des raisons de prendre conscience de soi, en tant que nation, avec tout ce que cela
595 ent. Voilà bien des raisons de prendre conscience de soi, en tant que nation, avec tout ce que cela comporte d’orgueil et
596 n tant que nation, avec tout ce que cela comporte d’ orgueil et de volonté de régenter le monde, puisqu’on est au surplus v
597 tion, avec tout ce que cela comporte d’orgueil et de volonté de régenter le monde, puisqu’on est au surplus victorieux et
598 tout ce que cela comporte d’orgueil et de volonté de régenter le monde, puisqu’on est au surplus victorieux et tout-puissa
599 ssants du premier coup. Imaginez qu’un grand pays européen ait remporté des triomphes de cet ordre. La terre entière aurait de q
600 un grand pays européen ait remporté des triomphes de cet ordre. La terre entière aurait de quoi trembler. Mais il ne s’agi
601 s triomphes de cet ordre. La terre entière aurait de quoi trembler. Mais il ne s’agit pas d’une nation comme les autres. J
602 re aurait de quoi trembler. Mais il ne s’agit pas d’ une nation comme les autres. Je voudrais, pour vous le faire sentir, p
603 e sentir, prendre un exemple au langage quotidien de l’Amérique. Lorsqu’un citoyen des États-Unis désapprouve une certaine
604 aine conduite, une certaine opinion, il a coutume de dire, depuis quelques années, pour marquer sa réprobation aussi forte
605 ionalisme, direz-vous. Oui, mais pas à la manière européenne . La phrase veut dire : cette opinion ou cette action ne va pas dans l
606 te opinion ou cette action ne va pas dans le sens de l’idéal commun vers quoi tendent les Américains, et qui les fait deve
607 dants vers une vie meilleure. Et il ne s’agit pas d’ une déclaration d’anti quelque chose, mais au contraire d’une exhortat
608 meilleure. Et il ne s’agit pas d’une déclaration d’ anti quelque chose, mais au contraire d’une exhortation et d’un rappel
609 claration d’anti quelque chose, mais au contraire d’ une exhortation et d’un rappel qu’on adresse à soi-même autant qu’aux
610 que chose, mais au contraire d’une exhortation et d’ un rappel qu’on adresse à soi-même autant qu’aux autres, afin que chac
611 u’aux autres, afin que chacun devienne plus digne de ce que tous attendent de ce pays, plus digne du mythe, du rêve améric
612 acun devienne plus digne de ce que tous attendent de ce pays, plus digne du mythe, du rêve américain. Voilà donc un nation
613 ez Rosenberg dans le sang et le sol. Ce qu’il y a de répugnant dans le nationalisme européen, c’est que l’on y sent une vo
614 l. Ce qu’il y a de répugnant dans le nationalisme européen , c’est que l’on y sent une volonté de resserrement, une soif d’impose
615 lisme européen, c’est que l’on y sent une volonté de resserrement, une soif d’imposer au voisin ses propres limitations tr
616 l’on y sent une volonté de resserrement, une soif d’ imposer au voisin ses propres limitations traditionnelles et de lui fa
617 voisin ses propres limitations traditionnelles et de lui faire subir la loi d’un village qui n’est pas le sien. Au contrai
618 ions traditionnelles et de lui faire subir la loi d’ un village qui n’est pas le sien. Au contraire, ce qu’il y a de rassur
619 qui n’est pas le sien. Au contraire, ce qu’il y a de rassurant dans le nationalisme américain, c’est qu’on y sent une volo
620 nalisme américain, c’est qu’on y sent une volonté d’ élargissement, une soif de proposer au voisin les moyens de libération
621 u’on y sent une volonté d’élargissement, une soif de proposer au voisin les moyens de libération qu’on vient de découvrir
622 sement, une soif de proposer au voisin les moyens de libération qu’on vient de découvrir pour son compte et qui seront bie
623 in vient se confondre, pratiquement, avec le rêve d’ une communion planétaire dans la même liberté. Ils ont envie d’ouvrir
624 on planétaire dans la même liberté. Ils ont envie d’ ouvrir le monde à leur jeunesse, non pas de refermer sur lui leurs ser
625 envie d’ouvrir le monde à leur jeunesse, non pas de refermer sur lui leurs serres. Ils ont envie de nous faire bénéficier
626 s de refermer sur lui leurs serres. Ils ont envie de nous faire bénéficier de leur style de vie, de leur way of life, parc
627 rs serres. Ils ont envie de nous faire bénéficier de leur style de vie, de leur way of life, parce qu’ainsi, croient-ils,
628 ont envie de nous faire bénéficier de leur style de vie, de leur way of life, parce qu’ainsi, croient-ils, tout le monde
629 ie de nous faire bénéficier de leur style de vie, de leur way of life, parce qu’ainsi, croient-ils, tout le monde (et eux
630 n n’insiste pas quand on ne l’aime pas — comme en Europe — ou simplement quand on peut faire sans lui, comme on vient de le vo
631 ricain va nous submerger et détruire nos coutumes d’ économie paysanne ; on achètera nos âmes avec des frigidaires ; la sot
632 frigidaires, ce sera notre faute et non pas celle de l’industrie américaine qui aura mis dans un coin de nos cuisines ces
633 l’industrie américaine qui aura mis dans un coin de nos cuisines ces appareils où tout respire l’innocence et ronronne l’
634 se humanitaire » des États-Unis nous a fait moins de mal, semble-t-il, que « l’intelligence » inhumaine de certains chefs
635 al, semble-t-il, que « l’intelligence » inhumaine de certains chefs européens qui professaient le machiavélisme. De même e
636 ue « l’intelligence » inhumaine de certains chefs européens qui professaient le machiavélisme. De même enfin, si nous sommes un j
637 ce ne sera pas la faute de la quantité, mais bien de l’abaissement de notre qualité. En résumé, ce que l’on nomme en Europ
638 faute de la quantité, mais bien de l’abaissement de notre qualité. En résumé, ce que l’on nomme en Europe « l’américanism
639 de notre qualité. En résumé, ce que l’on nomme en Europe « l’américanisme » n’est pas un danger américain, mais européen. Je v
640 méricanisme » n’est pas un danger américain, mais européen . Je veux dire par là que si un homme devient l’esclave de son automob
641 eux dire par là que si un homme devient l’esclave de son automobile, le blâme en retombe sur l’homme et non sur la machine
642 ne fois l’automobile achetée, il ne dépendait que de lui d’aller à pied quand cela lui chantait. Mais je m’avise ici d’une
643 l’automobile achetée, il ne dépendait que de lui d’ aller à pied quand cela lui chantait. Mais je m’avise ici d’une contra
644 pied quand cela lui chantait. Mais je m’avise ici d’ une contradiction étrange. Il semble bien que ce sont les mêmes person
645 ersonnes qui vitupèrent l’impérialisme commercial de l’Amérique, d’une part, et qui se plaignent de ce que l’Amérique ne l
646 al de l’Amérique, d’une part, et qui se plaignent de ce que l’Amérique ne leur vende pas assez de blé, d’autre part. Quand
647 nent de ce que l’Amérique ne leur vende pas assez de blé, d’autre part. Quand l’Amérique envoie, on parle d’impérialisme ;
648 , d’autre part. Quand l’Amérique envoie, on parle d’ impérialisme ; quand elle n’envoie pas, on parle d’égoïsme et d’hypocr
649 ’impérialisme ; quand elle n’envoie pas, on parle d’ égoïsme et d’hypocrisie puritaine. Et il arrive même trop souvent que
650  ; quand elle n’envoie pas, on parle d’égoïsme et d’ hypocrisie puritaine. Et il arrive même trop souvent que l’on parle de
651 udrais insister sur ce point. Ceux qui se méfient de l’Amérique, en Europe, l’accusent à la fois d’être là et, pour comble
652 r ce point. Ceux qui se méfient de l’Amérique, en Europe , l’accusent à la fois d’être là et, pour comble, de n’être pas là. Qu
653 nt de l’Amérique, en Europe, l’accusent à la fois d’ être là et, pour comble, de n’être pas là. Quand elle fait une crise d
654 , l’accusent à la fois d’être là et, pour comble, de n’être pas là. Quand elle fait une crise d’isolationnisme, on l’accus
655 mble, de n’être pas là. Quand elle fait une crise d’ isolationnisme, on l’accuse de myopie, d’inertie, d’incompréhension de
656 elle fait une crise d’isolationnisme, on l’accuse de myopie, d’inertie, d’incompréhension de la situation mondiale et d’or
657 ne crise d’isolationnisme, on l’accuse de myopie, d’ inertie, d’incompréhension de la situation mondiale et d’orgueil inqua
658 isolationnisme, on l’accuse de myopie, d’inertie, d’ incompréhension de la situation mondiale et d’orgueil inqualifiable. M
659 l’accuse de myopie, d’inertie, d’incompréhension de la situation mondiale et d’orgueil inqualifiable. Mais quand elle fai
660 ie, d’incompréhension de la situation mondiale et d’ orgueil inqualifiable. Mais quand elle fait une crise d’idéalisme et q
661 eil inqualifiable. Mais quand elle fait une crise d’ idéalisme et qu’elle intervient dans les affaires d’Europe, comme en 1
662 idéalisme et qu’elle intervient dans les affaires d’ Europe, comme en 1917 et en 1943, on l’accuse de se mêler de ce qu’ell
663 éalisme et qu’elle intervient dans les affaires d’ Europe , comme en 1917 et en 1943, on l’accuse de se mêler de ce qu’elle ne p
664 s d’Europe, comme en 1917 et en 1943, on l’accuse de se mêler de ce qu’elle ne peut comprendre. Ce qu’on voudrait, en somm
665 comme en 1917 et en 1943, on l’accuse de se mêler de ce qu’elle ne peut comprendre. Ce qu’on voudrait, en somme, c’est que
666 et sans remerciements, dès qu’ils nous ont tirés d’ affaire. « Eh quoi ! deux ans pour débarquer ! » (C’est-à-dire pour cr
667 x ans pour débarquer ! » (C’est-à-dire pour créer de toutes pièces une armée de 10 millions d’hommes.) « Eh quoi ! trois m
668 ’est-à-dire pour créer de toutes pièces une armée de 10 millions d’hommes.) « Eh quoi ! trois mois déjà que nous sommes li
669 r créer de toutes pièces une armée de 10 millions d’ hommes.) « Eh quoi ! trois mois déjà que nous sommes libérés et ils in
670 ils infestent encore nos bars ! » ⁂ Autre exemple de cette même contradiction dans les jugements européens sur l’Amérique.
671 le de cette même contradiction dans les jugements européens sur l’Amérique. On n’a pas épargné les critiques à la politique d’occ
672 . On n’a pas épargné les critiques à la politique d’ occupation américaine en Allemagne : « Ils sont trop doux, ils sont na
673 sont naïfs, ils ne comprennent rien aux problèmes de l’Europe, de quoi se mêlent-ils ? » Intimidés, conscients d’avoir fai
674 naïfs, ils ne comprennent rien aux problèmes de l’ Europe , de quoi se mêlent-ils ? » Intimidés, conscients d’avoir fait quelque
675 ls ne comprennent rien aux problèmes de l’Europe, de quoi se mêlent-ils ? » Intimidés, conscients d’avoir fait quelques ga
676 , de quoi se mêlent-ils ? » Intimidés, conscients d’ avoir fait quelques gaffes à la Patton, les Américains donnent des sig
677 es à la Patton, les Américains donnent des signes de leur envie de s’en aller. Mais aussitôt : « Ah ! bien sûr, ils vont n
678 , les Américains donnent des signes de leur envie de s’en aller. Mais aussitôt : « Ah ! bien sûr, ils vont nous laisser se
679 ils vont nous laisser seuls avec toute la charge de l’occupation sur les bras ! » Remarquons que les Russes ne prêtent pa
680 es Russes ne prêtent pas le flanc à des critiques de ce genre parce qu’ils ne publient rien, interdisent les reportages, a
681 endais l’autre jour un diplomate américain parler de l’attitude hostile des Soviétiques à l’égard de toutes les mesures pr
682 contrecarrer, ils vont nous obliger à faire enfin de la politique étrangère dont nous n’avions naguère ni le goût ni le be
683 soin… ⁂ Prise entre ces reproches contradictoires d’ isolationnisme et d’impérialisme, la politique américaine hésite parfo
684 ces reproches contradictoires d’isolationnisme et d’ impérialisme, la politique américaine hésite parfois. D’autant plus qu
685 rialisme, la politique américaine hésite parfois. D’ autant plus qu’il existe bel et bien aux États-Unis des fractions isol
686 me dans certains cas — par un paradoxe symétrique de celui que je relevais tout à l’heure. Cette timidité de la politique
687 ui que je relevais tout à l’heure. Cette timidité de la politique américaine me paraît beaucoup plus dangereuse pour l’Eur
688 ricaine me paraît beaucoup plus dangereuse pour l’ Europe que cet impérialisme qu’on redoute pour de mauvaises raisons ou parce
689 l’Europe que cet impérialisme qu’on redoute pour de mauvaises raisons ou parce qu’on l’assimile à des tendances européenn
690 raisons ou parce qu’on l’assimile à des tendances européennes qui n’ont de commun avec lui que le nom. h. Rougemont Denis de, « 
691 l’assimile à des tendances européennes qui n’ont de commun avec lui que le nom. h. Rougemont Denis de, « L’Amérique es
692 commun avec lui que le nom. h. Rougemont Denis de , « L’Amérique est-elle nationaliste ? », Carrefour, Paris, 26 août 19
8 1947, Carrefour, articles (1945–1947). L’art dirigé [Réponse à une enquête] (23 janvier 1947)
693 er 1947)i j 1° Si l’on nomme Art ce qui relève de la création — tandis que la production mécanique relève de l’imitatio
694 ation — tandis que la production mécanique relève de l’imitation — il est clair qu’il ne peut exister d’art dirigé, pas pl
695 l’imitation — il est clair qu’il ne peut exister d’ art dirigé, pas plus qu’on ne peut prévoir l’imprévisible. Ce que les
696 st pas l’art, mais la propagande et la production de cartes postales en couleur. Ce qu’ils appellent diriger l’art, c’est
697 er les artistes inscrits au parti. Or les lettres de cachet, les mesures de police, le favoritisme éhonté, la calomnie, la
698 s au parti. Or les lettres de cachet, les mesures de police, le favoritisme éhonté, la calomnie, la terreur, n’ont rien à
699 sso non. 2° Si l’artiste aujourd’hui se préoccupe d’ être immédiatement accessible au peuple, il faut qu’il se maintienne a
700 se maintienne au niveau de la presse du savoir et de la radio (libres ou dirigées) et il cessera d’être un artiste. Sinon,
701 et de la radio (libres ou dirigées) et il cessera d’ être un artiste. Sinon, il se voit contraint d’inventer son langage, s
702 ra d’être un artiste. Sinon, il se voit contraint d’ inventer son langage, sa rhétorique, ses sujets, et peu à peu son publ
703 ic : c’est l’ambition romantique, c’est le destin de l’artiste individualiste, et c’est trop pour un homme. Il s’agit pour
704 trop pour un homme. Il s’agit pour nous, au xxe , d’ appeler et de créer des « communautés » véritables, au sein desquelles
705 homme. Il s’agit pour nous, au xxe , d’appeler et de créer des « communautés » véritables, au sein desquelles le langage r
706 e elle toute la structure sociale et la politique de l’époque. Je ne vois pas comment un artiste pourrait s’en désintéress
707 esser, ni comment il pourrait ne point s’efforcer de modifier les structures existantes et d’en inventer de nouvelles, soi
708 efforcer de modifier les structures existantes et d’ en inventer de nouvelles, soit par son art, soit en tant que citoyen.
709 difier les structures existantes et d’en inventer de nouvelles, soit par son art, soit en tant que citoyen. 3° Tout art im
710 eux en le sachant. Mais les idéologies politiques d’ aujourd’hui sont aussi stériles pour l’artiste que fureur féconde la t
711 du romantisme allemand. En fait, il ne s’agit pas d’ idéologies, mais de tactiques, pas de styles mais de trucs, pas de ser
712 and. En fait, il ne s’agit pas d’idéologies, mais de tactiques, pas de styles mais de trucs, pas de service mais de servil
713 e s’agit pas d’idéologies, mais de tactiques, pas de styles mais de trucs, pas de service mais de servilité. i. Rougemo
714 idéologies, mais de tactiques, pas de styles mais de trucs, pas de service mais de servilité. i. Rougemont Denis de, « 
715 is de tactiques, pas de styles mais de trucs, pas de service mais de servilité. i. Rougemont Denis de, « [Réponse à une
716 pas de styles mais de trucs, pas de service mais de servilité. i. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] L’art
717 service mais de servilité. i. Rougemont Denis de , « [Réponse à une enquête] L’art dirigé », Carrefour, Paris, 23 janvi
718 te, se rapportant aux controverses sur la liberté de l’art (ou son absence) en URSS, comportait les trois questions suivan
719  1. L’artiste peut-il s’exprimer dans les limites d’ un art dirigé ? 2. Estimez-vous que l’artiste doive se préoccuper d’êt
720 2. Estimez-vous que l’artiste doive se préoccuper d’ être immédiatement accessible au plus grand nombre ? 3. L’art peut-il
721 s grand nombre ? 3. L’art peut-il être au service d’ une idéologie ? »
9 1947, Carrefour, articles (1945–1947). Fédération ou dictature mondiale ? (9 avril 1947)
722 re mondiale ? (9 avril 1947)k Six associations d’ étudiants américains préconisant un gouvernement mondial viennent de f
723 e ligue compte déjà 18 000 membres actifs et plus de 70 000 sympathisants. Plusieurs savants, chroniqueurs influents de la
724 isants. Plusieurs savants, chroniqueurs influents de la radio, magistrats et écrivains réputés, font partie de son comité.
725 dio, magistrats et écrivains réputés, font partie de son comité. La presse américaine en a beaucoup parlé et ne cesse de d
726 presse américaine en a beaucoup parlé et ne cesse de discuter le sujet. En Europe, au contraire, il m’apparaît que l’idée
727 aucoup parlé et ne cesse de discuter le sujet. En Europe , au contraire, il m’apparaît que l’idée d’un gouvernement mondial se
728 En Europe, au contraire, il m’apparaît que l’idée d’ un gouvernement mondial se heurte au scepticisme général, et même, pou
729 i oppose couramment. Je trouve d’abord un réflexe de fatigue et de méfiance facilement explicable : on voudrait écarter l’
730 mment. Je trouve d’abord un réflexe de fatigue et de méfiance facilement explicable : on voudrait écarter l’idée en la qua
731 ble : on voudrait écarter l’idée en la qualifiant d’ « utopie ». Bornons-nous à remarquer que cet argument a contre lui tou
732 er que cet argument a contre lui toute l’histoire de l’humanité, qui est l’histoire des utopies réalisées. Tout ce qui a c
733 nisme et l’aviation, le marxisme et l’utilisation de l’électricité, la découverte de l’Amérique et la transmission instant
734 et l’utilisation de l’électricité, la découverte de l’Amérique et la transmission instantanée de la parole d’un continent
735 erte de l’Amérique et la transmission instantanée de la parole d’un continent à l’autre. Traiter une idée en utopie, c’est
736 rique et la transmission instantanée de la parole d’ un continent à l’autre. Traiter une idée en utopie, c’est en fait décl
737 en fait déclarer « qu’on est contre », en évitant d’ avouer ses raisons ou de démasquer ses préjugés. Ensuite on dit que « 
738 est contre », en évitant d’avouer ses raisons ou de démasquer ses préjugés. Ensuite on dit que « l’humanité n’est pas prê
739 prête pour un gouvernement mondial ». La timidité d’ esprit que cet argument trahit touche à la mauvaise foi. S’est-on jama
740 uche à la mauvaise foi. S’est-on jamais préoccupé de savoir si les peuples étaient prêts pour la guerre, par exemple, et p
741 érie ? Ce qui est vrai, c’est qu’on les y prépare de force, quand on a décidé de faire la guerre. Mais pour quelle grande
742 t qu’on les y prépare de force, quand on a décidé de faire la guerre. Mais pour quelle grande entreprise de l’histoire a-t
743 ire la guerre. Mais pour quelle grande entreprise de l’histoire a-t-on jamais demandé l’avis des peuples, et pourquoi fure
744 mbe atomique ? S’ils avaient été prêts pour l’une de ces grandes causes ou grandes actions, il n’y aurait pas eu de martyr
745 s causes ou grandes actions, il n’y aurait pas eu de martyrs, ni de tyrans, ni d’adversaires de la Révolution, ni de socia
746 ndes actions, il n’y aurait pas eu de martyrs, ni de tyrans, ni d’adversaires de la Révolution, ni de socialisme, ni d’His
747 il n’y aurait pas eu de martyrs, ni de tyrans, ni d’ adversaires de la Révolution, ni de socialisme, ni d’Histoire en génér
748 pas eu de martyrs, ni de tyrans, ni d’adversaires de la Révolution, ni de socialisme, ni d’Histoire en général. L’argument
749 de tyrans, ni d’adversaires de la Révolution, ni de socialisme, ni d’Histoire en général. L’argument est au moins léger.
750 dversaires de la Révolution, ni de socialisme, ni d’ Histoire en général. L’argument est au moins léger. De plus, il est in
751 e les peuples ne sont pas prêts à accepter l’idée d’ un gouvernement mondial, mais qu’en savez-vous ? Le seul peuple « sond
752  » à ce sujet, celui des États-Unis, a donné 67 % de réponses favorables à cette idée. Avouez plutôt que vous, personnelle
753 e réaliser. Passons aux objections plus réalistes d’ une réflexion qui accepte au moins d’imaginer, avant de le rejeter, le
754 us réalistes d’une réflexion qui accepte au moins d’ imaginer, avant de le rejeter, le projet qu’on propose. Elles se ramèn
755 jet qu’on propose. Elles se ramènent à deux types d’ argument : le gouvernement mondial serait impuissant, ou bien il serai
756 en il serait trop puissant. À l’appui de la thèse de l’impuissance, on cite bien entendu l’échec de la Société des Nations
757 se de l’impuissance, on cite bien entendu l’échec de la Société des Nations, et l’on rappelle qu’à chaque conflit sérieux
758 x les nations se sont divisées suivant les lignes de force de la politique ancienne ; les unes sont simplement sorties de
759 ions se sont divisées suivant les lignes de force de la politique ancienne ; les unes sont simplement sorties de la Ligue
760 tique ancienne ; les unes sont simplement sorties de la Ligue qui les condamnait, les autres ont réagi bien moins en tant
761 s autres ont réagi bien moins en tant que membres de la Ligue qu’au nom de leurs intérêts individuels et de leurs alliance
762 Ligue qu’au nom de leurs intérêts individuels et de leurs alliances particulières. Cet argument porte à coup sûr contre l
763 on signale avait une cause précise dans le statut de la SDN, lequel sauvegardait avec soin la souveraineté absolue des nat
764 eté absolue des nations, source et condition même de toutes les guerres modernes. Cette faiblesse taxe identiquement l’ONU
765 our cette raison que beaucoup éprouvent l’urgence d’ un gouvernement mondial. Ce dernier, pour être effectif, capable de p
766 mondial. Ce dernier, pour être effectif, capable de prévenir ou de tuer les guerres, devrait être établi au-dessus des na
767 rnier, pour être effectif, capable de prévenir ou de tuer les guerres, devrait être établi au-dessus des nations et aux dé
768 s et aux dépens de leur souveraineté. Il naîtrait de l’abandon même, par les nations, de leurs prérogatives de droit divin
769 . Il naîtrait de l’abandon même, par les nations, de leurs prérogatives de droit divin. Qu’on ne dise pas que c’est une pu
770 ndon même, par les nations, de leurs prérogatives de droit divin. Qu’on ne dise pas que c’est une pure rêverie. Tout récem
771 sens. Le plan américain pour prendre le contrôle de la bombe atomique prévoit en effet un comité supranational chargé d’i
772 e prévoit en effet un comité supranational chargé d’ inspecter dans tous les pays les usines et les laboratoires, et qui se
773 oires, et qui serait seul dépositaire des secrets de fabrication actuellement détenus par les États-Unis. Or M. Gromyko,
774 tenus par les États-Unis. Or M. Gromyko, délégué de l’URSS s’est aussitôt opposé au projet, pour la raison qu’il comporta
775 nt résume tout le problème. D’une part, il permet d’ observer le processus de la naissance d’un pouvoir mondial. D’autre pa
776 me. D’une part, il permet d’observer le processus de la naissance d’un pouvoir mondial. D’autre part, il révèle la vraie n
777 il permet d’observer le processus de la naissance d’ un pouvoir mondial. D’autre part, il révèle la vraie nature des forces
778 arquaient tout à l’heure avec raison qu’une ligue de gouvernants est par définition incapable d’empêcher la guerre, puisqu
779 ligue de gouvernants est par définition incapable d’ empêcher la guerre, puisque dans un conflit éventuel les arbitres sera
780 rent maintenant qu’un pouvoir mondial indépendant de ces gouvernants, né de l’abandon partiel des souverainetés nationales
781 ouvoir mondial indépendant de ces gouvernants, né de l’abandon partiel des souverainetés nationales, et armé de la bombe a
782 don partiel des souverainetés nationales, et armé de la bombe atomique, serait au contraire trop puissant. Et, en effet, o
783 et, on peut redouter qu’un tel pouvoir soit tenté d’ imposer à tout le genre humain l’idéologie la plus répandue au moment
784 eposant sur une conception naïvement matérialiste de l’homme.) Ainsi la paix mondiale ne serait établie qu’au prix d’une s
785 nsi la paix mondiale ne serait établie qu’au prix d’ une sorte de paralysie de l’histoire, et d’un appauvrissement peut-êtr
786 mondiale ne serait établie qu’au prix d’une sorte de paralysie de l’histoire, et d’un appauvrissement peut-être irréparabl
787 erait établie qu’au prix d’une sorte de paralysie de l’histoire, et d’un appauvrissement peut-être irréparable des perspec
788 u prix d’une sorte de paralysie de l’histoire, et d’ un appauvrissement peut-être irréparable des perspectives de l’aventur
789 vrissement peut-être irréparable des perspectives de l’aventure humaine. Cette dernière objection me paraît seule sérieuse
790 me insoluble, celle-ci le suppose résolu et tente d’ évaluer la situation qui en résulterait probablement. Pour y répondre,
791 erait probablement. Pour y répondre, il s’agirait de considérer de plus près les modes d’élection du gouvernement mondial
792 il s’agirait de considérer de plus près les modes d’ élection du gouvernement mondial et les limites de son pouvoir. En eff
793 d’élection du gouvernement mondial et les limites de son pouvoir. En effet, si les membres de l’exécutif mondial étaient d
794 limites de son pouvoir. En effet, si les membres de l’exécutif mondial étaient désignés par les gouvernements nationaux,
795 nationaux, on retomberait soit dans l’impuissance d’ une ligue des nations, soit dans la dictature d’une idéologie majorita
796 e d’une ligue des nations, soit dans la dictature d’ une idéologie majoritaire. Si au contraire ils étaient désignés par le
797 secondés par un Parlement mondial, la possibilité d’ une opposition non seulement respectée mais organique serait sauvegard
798 sauvegardée. Le gouvernement mondial serait alors de type démocratique. (Car il apparaît de plus en plus clairement que la
799 ue la clé des quatre libertés est dans la liberté d’ opposition, et que celle-ci suffit à distinguer la démocratie de ses c
800 et que celle-ci suffit à distinguer la démocratie de ses contrefaçons totalitaires.) Quant aux fonctions du pouvoir mondia
801 ait souhaiter qu’il existe : la nécessité urgente d’ empêcher la guerre, c’est-à-dire de limiter les souverainetés national
802 essité urgente d’empêcher la guerre, c’est-à-dire de limiter les souverainetés nationales et de distribuer plus équitablem
803 à-dire de limiter les souverainetés nationales et de distribuer plus équitablement les richesses de la planète. Guerre, au
804 et de distribuer plus équitablement les richesses de la planète. Guerre, autarcie, inégalité économique, les trois phénomè
805 ns absolument souverains, nous aurons des menaces de guerre : et réciproquement, tant qu’il y aura des menaces de guerre,
806 et réciproquement, tant qu’il y aura des menaces de guerre, les États tendront à l’autarcie, les frontières closes, et le
807 dis que la famine régnera dans un autre. Je n’ai d’ autre ambition, ici, que d’attirer l’attention, d’une part sur la faib
808 ans un autre. Je n’ai d’autre ambition, ici, que d’ attirer l’attention, d’une part sur la faiblesse des objections préala
809 tions préalables qu’on oppose couramment à l’idée d’ une fédération mondiale, d’autre part sur l’urgence de discuter les vr
810 e fédération mondiale, d’autre part sur l’urgence de discuter les vrais problèmes qui se posent à son sujet. Car quelles q
811 partie imprévisibles qui en résulteraient (comme de toute institution humaine), le fait est que cette fédération paraît a
812 tient et se mêle inextricablement, la persistance d’ États-nations souverains dans le carcan de leurs frontières est un dan
813 istance d’États-nations souverains dans le carcan de leurs frontières est un dangereux anachronisme. Si nous sommes incapa
814 dangereux anachronisme. Si nous sommes incapables de briser cette féodalité et d’adapter nos structures politiques aux réa
815 us sommes incapables de briser cette féodalité et d’ adapter nos structures politiques aux réalités du xxe siècle, qui son
816 on ne voit pas ce qui pourrait empêcher la guerre d’ éclater. (La peur de la guerre, pratiquement, précipite les conflits p
817 i pourrait empêcher la guerre d’éclater. (La peur de la guerre, pratiquement, précipite les conflits plus qu’elle ne les r
818 a l’hégémonie mondiale du vainqueur, c’est-à-dire de l’Usonie ou de la Soviétie. Dans ce cas, nous aurons une dictature do
819 ondiale du vainqueur, c’est-à-dire de l’Usonie ou de la Soviétie. Dans ce cas, nous aurons une dictature dont le Führer ne
820 nation. Alors, mais dans les ruines radioactives de notre civilisation, la Résistance mondiale s’organisera, comme une ég
821 e mondiale s’organisera, comme une église secrète de la liberté. L’utopie ou la tragédie, tel est le dilemme que nous offr
822 ne peuvent plus être désormais qu’aux dimensions de la planète. k. Rougemont Denis de, « Fédération ou dictature mondi
823 x dimensions de la planète. k. Rougemont Denis de , « Fédération ou dictature mondiale ? », Carrefour, Paris, 9 avril 19
10 1947, Carrefour, articles (1945–1947). « Jean-Paul Sartre vous parle… et ce qu’en pensent… » (29 octobre 1947)
824 fait qu’en intention, si l’on néglige le sophisme de la moustache, qui en disqualifie toute la fin. (Hitler portait la mou
825 portent en sont un autre… ça va.) Sartre a raison de dire que la guerre n’est pas fatale, mais en fait l’argument porte su
826 la démocratie capitaliste. Merleau-Ponty a raison de dire qu’il « faudrait faire appel à la démocratie américaine » et de
827 drait faire appel à la démocratie américaine » et de se taire prudemment sur tout appel à la « démocratie » russe. S. de B
828 la « démocratie » russe. S. de Beauvoir a raison de défendre la liberté de penser, mais quand elle dit « qu’on peut toujo
829 e. S. de Beauvoir a raison de défendre la liberté de penser, mais quand elle dit « qu’on peut toujours trouver les circons
830 le communisme en exercice. l. Rougemont Denis de , « [Réponse à une enquête] Jean-Paul Sartre vous parle… et ce qu’en p
11 1947, Carrefour, articles (1945–1947). La France est assez grande pour n’être pas ingrate (26 novembre 1947)
831 ’être pas ingrate (26 novembre 1947)n La honte de l’Europe, ce n’est pas sa misère, ni l’aide nécessaire de l’Amérique,
832 pas ingrate (26 novembre 1947)n La honte de l’ Europe , ce n’est pas sa misère, ni l’aide nécessaire de l’Amérique, mais la
833 ope, ce n’est pas sa misère, ni l’aide nécessaire de l’Amérique, mais la manière dont nous sollicitons cette aide et la vi
834 yez, messieurs, et veuillez agréer les assurances de notre ingratitude anticipée. » C’est ce qu’il me semble entendre un p
835 s rentré dans ce vieux monde. Or il ne s’agit pas d’ une attitude nouvelle, ou qui serait le seul fait des communistes : il
836 ul fait des communistes : il y a trente ans que l’ Europe , la bourgeoisie d’Europe, se conduit mal à l’égard des États-Unis. Je
837  : il y a trente ans que l’Europe, la bourgeoisie d’ Europe, se conduit mal à l’égard des États-Unis. Je ne parle pas des d
838 il y a trente ans que l’Europe, la bourgeoisie d’ Europe , se conduit mal à l’égard des États-Unis. Je ne parle pas des discour
839 des discours officiels, mais des conversations et de beaucoup d’articles, de jugements que nous portons chaque jour sur le
840 officiels, mais des conversations et de beaucoup d’ articles, de jugements que nous portons chaque jour sur les Américains
841 mais des conversations et de beaucoup d’articles, de jugements que nous portons chaque jour sur les Américains et leur act
842 action. Il y a trente ans que nous les abreuvons de récriminations et de dédains, de demandes d’emprunts et de refus de r
843 e ans que nous les abreuvons de récriminations et de dédains, de demandes d’emprunts et de refus de rembourser, de recours
844 us les abreuvons de récriminations et de dédains, de demandes d’emprunts et de refus de rembourser, de recours à leurs cap
845 vons de récriminations et de dédains, de demandes d’ emprunts et de refus de rembourser, de recours à leurs capitaux et de
846 inations et de dédains, de demandes d’emprunts et de refus de rembourser, de recours à leurs capitaux et de dénonciations
847 et de dédains, de demandes d’emprunts et de refus de rembourser, de recours à leurs capitaux et de dénonciations de leur c
848 de demandes d’emprunts et de refus de rembourser, de recours à leurs capitaux et de dénonciations de leur capitalisme. Il
849 fus de rembourser, de recours à leurs capitaux et de dénonciations de leur capitalisme. Il y a trente ans que nous les app
850 , de recours à leurs capitaux et de dénonciations de leur capitalisme. Il y a trente ans que nous les appelons au secours
851 ente ans que nous les appelons au secours quand l’ Europe est à feu et à sang (par notre faute, si je ne me trompe) : il y a tr
852 ompe) : il y a trente ans que nous nous plaignons de leur lenteur à répondre à nos SOS (eh quoi ! onze mois pour créer de
853 épondre à nos SOS (eh quoi ! onze mois pour créer de toutes pièces l’armée de notre libération et pour la débarquer en Alg
854 i ! onze mois pour créer de toutes pièces l’armée de notre libération et pour la débarquer en Algérie !) ; il y a trente a
855 in, lorsqu’ils nous sauvent, nous leur disons : «  De quoi vous mêlez-vous ? » Bref, trente ans que nous voyons dans leurs
856 ans leurs réponses à nos appels désespérés autant de preuves de leur impérialisme. On va plus loin. On accuse les Américai
857 éponses à nos appels désespérés autant de preuves de leur impérialisme. On va plus loin. On accuse les Américains de sombr
858 alisme. On va plus loin. On accuse les Américains de sombres motifs égoïstes, non pas seulement quand ils s’isolent, mais
859 : « C’est entendu, ils nous fournissent du blé et de l’argent pour l’acheter, mais croyez-vous que ce soit par pure philan
860 eur intérêt ! » Que voudrait-on qu’ils y trouvent d’ autre ? L’intérêt de l’Amérique, c’est que l’Europe vive et ne tombe p
861 voudrait-on qu’ils y trouvent d’autre ? L’intérêt de l’Amérique, c’est que l’Europe vive et ne tombe pas aux mains des Rus
862 nt d’autre ? L’intérêt de l’Amérique, c’est que l’ Europe vive et ne tombe pas aux mains des Russes ; c’est qu’elle soit forte
863 nt sur sa faiblesse. Mais au lieu de se féliciter d’ une aussi bienheureuse coïncidence, on a l’air d’en vouloir à ces Yank
864 d’une aussi bienheureuse coïncidence, on a l’air d’ en vouloir à ces Yankees de n’être pas de purs imbéciles, de ne pas do
865 oïncidence, on a l’air d’en vouloir à ces Yankees de n’être pas de purs imbéciles, de ne pas donner comme ça, pour le plai
866 a l’air d’en vouloir à ces Yankees de n’être pas de purs imbéciles, de ne pas donner comme ça, pour le plaisir, n’importe
867 ir à ces Yankees de n’être pas de purs imbéciles, de ne pas donner comme ça, pour le plaisir, n’importe comment et à n’imp
868 comment et à n’importe qui… On leur fait un grief d’ avoir une politique, un crime d’être en mesure de l’appliquer, un ridi
869 eur fait un grief d’avoir une politique, un crime d’ être en mesure de l’appliquer, un ridicule d’avoir réalisé sans phrase
870 d’avoir une politique, un crime d’être en mesure de l’appliquer, un ridicule d’avoir réalisé sans phrases ce que les Russ
871 rime d’être en mesure de l’appliquer, un ridicule d’ avoir réalisé sans phrases ce que les Russes promettent aux masses et
872 staliniens, c’est nous qui sauverions l’Amérique de la ruine en acceptant qu’elle nous avance une vingtaine de milliards
873 ne en acceptant qu’elle nous avance une vingtaine de milliards de dollars ! C’est l’Amérique, dit-on, qui a besoin de l’Eu
874 nt qu’elle nous avance une vingtaine de milliards de dollars ! C’est l’Amérique, dit-on, qui a besoin de l’Europe ! Car el
875 dollars ! C’est l’Amérique, dit-on, qui a besoin de l’Europe ! Car elle est à la veille d’une crise épouvantable, Staline
876 ars ! C’est l’Amérique, dit-on, qui a besoin de l’ Europe  ! Car elle est à la veille d’une crise épouvantable, Staline l’a dit 
877 i a besoin de l’Europe ! Car elle est à la veille d’ une crise épouvantable, Staline l’a dit ; elle ne sait plus où vendre
878 plus où vendre ses produits, la pauvre, et tente de prolonger l’agonie de son système en s’ouvrant des marchés européens…
879 oduits, la pauvre, et tente de prolonger l’agonie de son système en s’ouvrant des marchés européens… Rien de plus stupéfi
880 l’agonie de son système en s’ouvrant des marchés européens … Rien de plus stupéfiant que la popularité de ce théâtre pour illett
881 péens… Rien de plus stupéfiant que la popularité de ce théâtre pour illettrés. Raymond Aron, après vingt autres, le rappe
882 10 % du produit national brut. » Quand on déduit de ce 10 % les parts qui reviennent à l’Amérique latine, à l’Asie et à l
883 ’Asie et à la Russie, on voit ce qui reste pour l’ Europe — pour la solidité de l’argument stalinien ! Par bonheur, elles n’y s
884 oit ce qui reste pour l’Europe — pour la solidité de l’argument stalinien ! Par bonheur, elles n’y suffiront pas. Le plan
885 t nos humeurs et préjugés. On ne nous demande pas de dire merci. Mais justement, puisque l’opportunisme n’est pas en cause
886 rtunisme n’est pas en cause, pour le seul honneur de l’Europe, il serait temps que nous prenions un peu de tenue. Si nous
887 sme n’est pas en cause, pour le seul honneur de l’ Europe , il serait temps que nous prenions un peu de tenue. Si nous étions fr
888 s dirions : la vraie menace contre l’indépendance européenne , elle ne vient pas de l’Amérique, mais de nous-mêmes. La vraie, ce n’
889 européenne, elle ne vient pas de l’Amérique, mais de nous-mêmes. La vraie, ce n’est pas que M. Clayton morigène les expert
890 es Seize, mais que ceux-ci se mettent dans le cas de mériter pareil rappel à l’ordre. L’indépendance économique des nation
891 à l’ordre. L’indépendance économique des nations de l’Europe est une fiction. Tout le monde le sait, n’en parlons plus. Q
892 ordre. L’indépendance économique des nations de l’ Europe est une fiction. Tout le monde le sait, n’en parlons plus. Quant à l’
893 le trouvera sa seule garantie. Nous serons guéris de notre mauvaise conscience quand nous aurons admis que la tâche concrè
894 aurons admis que la tâche concrète, ce n’est pas de défendre l’Europe, mais de la faire. n. Rougemont Denis de, « La F
895 que la tâche concrète, ce n’est pas de défendre l’ Europe , mais de la faire. n. Rougemont Denis de, « La France est assez gr
896 concrète, ce n’est pas de défendre l’Europe, mais de la faire. n. Rougemont Denis de, « La France est assez grande pour
897 l’Europe, mais de la faire. n. Rougemont Denis de , « La France est assez grande pour n’être pas ingrate », Carrefour, P