1 1945, Carrefour, articles (1945–1947). L’Amérique de la vie quotidienne (19 octobre 1945)
1 L’ Amérique de la vie quotidienne (19 octobre 1945)a Cinq ans déjà, et
2 L’Amérique de la vie quotidienne (19 octobre 1945)a Cinq ans déjà, et chaque matin
3 uelques mois et j’étais acclimaté. J’oubliais que le pays n’était pas le mien. C’était l’Europe. C’est ici l’Amérique, et
4 oubliais que le pays n’était pas le mien. C’était l’ Europe. C’est ici l’Amérique, et je n’ai pas fini de m’en ébahir. Ce N
5 n’était pas le mien. C’était l’Europe. C’est ici l’ Amérique, et je n’ai pas fini de m’en ébahir. Ce Nouveau Monde m’appar
6 France me disent : Alors, qu’en pensez-vous ? De l’ Amérique ? Tout ce que je vais vous dire, tout ce que l’on peut en dir
7 ique ? Tout ce que je vais vous dire, tout ce que l’ on peut en dire en général sera vrai selon les temps et les lieux, et
8 que l’on peut en dire en général sera vrai selon les temps et les lieux, et tout sera contradictoire et rien ne sera suffi
9 t en dire en général sera vrai selon les temps et les lieux, et tout sera contradictoire et rien ne sera suffisant. New Yor
10 tradictoire et rien ne sera suffisant. New York a les plus hauts gratte-ciel du monde, c’est vrai. Mais Le Corbusier, prome
11 plus hauts gratte-ciel du monde, c’est vrai. Mais Le Corbusier, promené pendant une heure dans la ville par des journalist
12 Mais Le Corbusier, promené pendant une heure dans la ville par des journalistes, et finalement interrogé sur ses impressio
13 essions d’architecte, répondit, m’assure-t-on : «  Les maisons sont trop basses. » Et c’était vrai, car la plupart ont trois
14 . Ainsi du reste : ce pays si religieux n’a guère le sens du spirituel ; on y est tour à tour plus formaliste et plus sans
15 s réaliste et plus idéaliste ; plus efficace dans la rationalisation et plus gaspilleur ; plus puritain et plus libre de m
16 aspilleur ; plus puritain et plus libre de mœurs. L’ Amérique ne se définit pas. Elle ne s’explique pas dans l’ensemble. El
17 ue ne se définit pas. Elle ne s’explique pas dans l’ ensemble. Elle se sent. L’Amérique, c’est d’abord un sentiment. J’avai
18 ne s’explique pas dans l’ensemble. Elle se sent. L’ Amérique, c’est d’abord un sentiment. J’avais, avant d’y venir, vu tan
19 lu tant de romans américains : ils donnaient, je le sais aujourd’hui, des images vraies de la vie d’ici, surtout dans leu
20 ent, je le sais aujourd’hui, des images vraies de la vie d’ici, surtout dans leurs passages les moins frappants, les plus
21 aies de la vie d’ici, surtout dans leurs passages les moins frappants, les plus quelconques. Mais je ne voyais pas l’Amériq
22 surtout dans leurs passages les moins frappants, les plus quelconques. Mais je ne voyais pas l’Amérique dans ces photos et
23 ants, les plus quelconques. Mais je ne voyais pas l’ Amérique dans ces photos et ces livres où elle est. Et quand j’y ai dé
24 queville à André Siegfried, m’en avaient appris à l’ avance. C’était cela, les gratte-ciel et Broadway, les grandes plaines
25 ed, m’en avaient appris à l’avance. C’était cela, les gratte-ciel et Broadway, les grandes plaines couvertes d’usines, les
26 vance. C’était cela, les gratte-ciel et Broadway, les grandes plaines couvertes d’usines, les villages aux maisons de bois
27 Broadway, les grandes plaines couvertes d’usines, les villages aux maisons de bois blanc sur des pelouses bien peignées, le
28 ons de bois blanc sur des pelouses bien peignées, le drapeau de la boîte aux lettres… et c’était tout à fait autre chose —
29 anc sur des pelouses bien peignées, le drapeau de la boîte aux lettres… et c’était tout à fait autre chose — une autre civ
30 tout à fait autre chose — une autre civilisation. L’ Amérique est un continent dont je tiens pour possible et même facile d
31 circulent à son sujet sont justifiés, de même que les critiques à la Duhamel et les enthousiasmes à la Jules Romains ; mais
32 sujet sont justifiés, de même que les critiques à la Duhamel et les enthousiasmes à la Jules Romains ; mais rien de tout c
33 tifiés, de même que les critiques à la Duhamel et les enthousiasmes à la Jules Romains ; mais rien de tout cela n’empêchera
34 les critiques à la Duhamel et les enthousiasmes à la Jules Romains ; mais rien de tout cela n’empêchera le voyageur, debou
35 ules Romains ; mais rien de tout cela n’empêchera le voyageur, debout sur le pont du bateau qui remonte lentement les pass
36 de tout cela n’empêchera le voyageur, debout sur le pont du bateau qui remonte lentement les passes de l’Hudson vers Manh
37 ebout sur le pont du bateau qui remonte lentement les passes de l’Hudson vers Manhattan, d’être saisi par l’émotion d’une n
38 ont du bateau qui remonte lentement les passes de l’ Hudson vers Manhattan, d’être saisi par l’émotion d’une nouveauté qui,
39 sses de l’Hudson vers Manhattan, d’être saisi par l’ émotion d’une nouveauté qui, dans mon cas, après cinq ans, reste nouve
40 ès cinq ans, reste nouvelle. Du sentimentalisme à l’ épopée, l’Amérique de la vie quotidienne, comme celle du mythe politiq
41 s, reste nouvelle. Du sentimentalisme à l’épopée, l’ Amérique de la vie quotidienne, comme celle du mythe politique et plan
42 lle. Du sentimentalisme à l’épopée, l’Amérique de la vie quotidienne, comme celle du mythe politique et planétaire, est un
43 t planétaire, est un immense glissement à travers le temps et l’espace. Tout glisse et passe ici, vers l’oubli, vers la vi
44 , est un immense glissement à travers le temps et l’ espace. Tout glisse et passe ici, vers l’oubli, vers la vie. La jeune
45 temps et l’espace. Tout glisse et passe ici, vers l’ oubli, vers la vie. La jeune Américaine quitte son fiancé qui s’embarq
46 ace. Tout glisse et passe ici, vers l’oubli, vers la vie. La jeune Américaine quitte son fiancé qui s’embarque pour une gu
47 t glisse et passe ici, vers l’oubli, vers la vie. La jeune Américaine quitte son fiancé qui s’embarque pour une guerre loi
48 ntaine : elle pleure un peu ou pas du tout, agite la main, s’en va d’un pas étrangement souple avec un sourire parfait, un
49 ngement souple avec un sourire parfait, un pas où l’ on pressent déjà la danse, un sourire gentiment courageux — vous allez
50 un sourire parfait, un pas où l’on pressent déjà la danse, un sourire gentiment courageux — vous allez croire à de l’inso
51 rire gentiment courageux — vous allez croire à de l’ insouciance — vers une party… « J’espère que tu t’amuses, que tu as du
52 espère que tu t’amuses, que tu as du fun », écrit l’ ami du fond du Pacifique. Je pense aussi à celle qui s’était remariée
53 ’était remariée croyant son mari tué en Chine. On le retrouve. Elle déclare aux reporters : « Jim est simplement épatant,
54 mplement épatant, mais c’est Joe que j’aimais, je l’ attends, je vais me séparer de Jim, et je suis sûre qu’il comprendra t
55 Un mois plus tard. Jim et Joe boivent ensemble à la santé du couple réuni. Ils aiment tout ce qui passe, fait sensation,
56 on ne sait où, dans un autre rêve naissant, dans le rêve du bonheur d’un autre… Tout est possible. Il y en a pour tout le
57 ’un autre… Tout est possible. Il y en a pour tout le monde. La jalousie n’est pas américaine. Comment décrire ces légers d
58 Tout est possible. Il y en a pour tout le monde. La jalousie n’est pas américaine. Comment décrire ces légers déplacement
59 ent décrire ces légers déplacements d’accent vers le sérieux ou vers l’humour cocasse qui créent dans l’ensemble une allur
60 ers déplacements d’accent vers le sérieux ou vers l’ humour cocasse qui créent dans l’ensemble une allure, une atmosphère s
61 sérieux ou vers l’humour cocasse qui créent dans l’ ensemble une allure, une atmosphère si différente de l’Europe ? Cela t
62 emble une allure, une atmosphère si différente de l’ Europe ? Cela tient à des riens ; mais de ces riens multipliés dans la
63 t à des riens ; mais de ces riens multipliés dans la vie quotidienne, naît une aisance générale. L’Américain ne supporte p
64 ns la vie quotidienne, naît une aisance générale. L’ Américain ne supporte pas d’être gêné aux entournures, matériellement
65 ux entournures, matériellement ou moralement. Dès l’ enfance, il s’arrange pour ménager du jeu dans sa conduite, dans ses r
66 eu plus d’ampleur aux épaules, de larges plis sur le devant des costumes d’hommes : un peu plus de souplesse aux chevilles
67 un peu plus de sourires sans raison échangés avec les passants, les voisins d’autobus ou de train… Et je me sens moins jugé
68 sourires sans raison échangés avec les passants, les voisins d’autobus ou de train… Et je me sens moins jugé, moins jaugé,
69 rent davantage. Ce n’est pas qu’ils m’ignorent ou le feignent, mais ils m’acceptent avant tout sans examen. Si je leur par
70 à leurs manières. Il y a tant de bizarreries dans le monde, et dans ce continent américain on en voit chaque jour tant d’e
71 un adjectif dépréciatif, bien au contraire, qu’on l’ applique à un film, à un chapeau, ou même à un industriel entreprenant
72 nuance me paraît capitale : elle suffit à changer l’ atmosphère. L’avouerai-je ? Aux premiers contacts, dans la rue ou à la
73 ît capitale : elle suffit à changer l’atmosphère. L’ avouerai-je ? Aux premiers contacts, dans la rue ou à la maison, je le
74 hère. L’avouerai-je ? Aux premiers contacts, dans la rue ou à la maison, je les trouvais tous un peu crazy les gens d’ici.
75 erai-je ? Aux premiers contacts, dans la rue ou à la maison, je les trouvais tous un peu crazy les gens d’ici. Ils entraie
76 premiers contacts, dans la rue ou à la maison, je les trouvais tous un peu crazy les gens d’ici. Ils entraient et sortaient
77 ou à la maison, je les trouvais tous un peu crazy les gens d’ici. Ils entraient et sortaient sans saluer, sans dire pourquo
78 ils étaient venus ; ils se versaient à boire, et, les pieds sur une chaise, me posaient avec naturel des questions follemen
79 llement indiscrètes, me racontaient leur vie sans le moindre souci de se faire bien ou mal juger, m’appelaient par mon pré
80 utes et sortaient tout d’un coup avec un signe de la main, so long ! un bye bye ! négligent… Je m’étais à peine habitué, n
81 es, que je découvrais un aspect tout contraire de la coutume américaine : le formalisme, une passion du décor dès qu’il s’
82 aspect tout contraire de la coutume américaine : le formalisme, une passion du décor dès qu’il s’agit de manifestations p
83 que inconsciente. On n’en finirait pas d’énumérer les exemples courants et voyants de leur goût baroque des fêtes et de leu
84 leur goût baroque des fêtes et de leur respect de la mise en scène solennelle. Je me borne à citer dans des domaines hétér
85 citer dans des domaines hétéroclites à souhait : le déploiement des costumes sacerdotaux, des drapeaux, des chœurs en rob
86 s chœurs en robes et des processions, jusque dans les églises protestantes de la campagne ; les garçons d’ascenseur galonné
87 cessions, jusque dans les églises protestantes de la campagne ; les garçons d’ascenseur galonnés comme des généraux d’opér
88 ue dans les églises protestantes de la campagne ; les garçons d’ascenseur galonnés comme des généraux d’opérette ; le culte
89 scenseur galonnés comme des généraux d’opérette ; le culte méticuleux de la bannière étoilée inculqué chaque matin aux enf
90 des généraux d’opérette ; le culte méticuleux de la bannière étoilée inculqué chaque matin aux enfants des écoles ; la mu
91 ée inculqué chaque matin aux enfants des écoles ; la multiplication des jours fériés ; les cortèges de carnaval, avec fanf
92 des écoles ; la multiplication des jours fériés ; les cortèges de carnaval, avec fanfares, avant les grands matchs de footb
93  ; les cortèges de carnaval, avec fanfares, avant les grands matchs de football ; les cérémonies d’ouverture et de clôture
94 c fanfares, avant les grands matchs de football ; les cérémonies d’ouverture et de clôture des universités ; et « l’Inaugur
95 d’ouverture et de clôture des universités ; et «  l’ Inauguration » des présidents… Qu’il y ait là quelque chose de typique
96 quelque chose de typiquement américain, j’en vois la preuve dans les formalités d’une nature pour le moins particulière qu
97 e typiquement américain, j’en vois la preuve dans les formalités d’une nature pour le moins particulière qui précèdent obli
98 s la preuve dans les formalités d’une nature pour le moins particulière qui précèdent obligatoirement l’acte de naturalisa
99 moins particulière qui précèdent obligatoirement l’ acte de naturalisation. Je les crois sans exemple dans l’histoire, et
100 dent obligatoirement l’acte de naturalisation. Je les crois sans exemple dans l’histoire, et sans équivalent dans nul autre
101 de naturalisation. Je les crois sans exemple dans l’ histoire, et sans équivalent dans nul autre pays. Un étranger résidant
102 u rite suivant : il lui faut tout d’abord quitter le pays — un petit voyage au Canada ou au Mexique — pour rentrer deux ou
103 ard en qualité formelle et déclarée de candidat à la citoyenneté. Cette opération, fort coûteuse si on habite loin d’une f
104 ersonne ne paraît s’en étonner, tant est puissant le sens des conventions publiques dans ce peuple qui, par ailleurs, a po
105 , par ailleurs, a poussé plus loin que tout autre le sans-gêne ou la simplicité, comme on voudra, dans les relations de la
106 a poussé plus loin que tout autre le sans-gêne ou la simplicité, comme on voudra, dans les relations de la vie privée. Gir
107 sans-gêne ou la simplicité, comme on voudra, dans les relations de la vie privée. Giraudoux a écrit quelque part que l’Amér
108 implicité, comme on voudra, dans les relations de la vie privée. Giraudoux a écrit quelque part que l’Amérique n’est pas u
109 la vie privée. Giraudoux a écrit quelque part que l’ Amérique n’est pas une nation comme les autres, mais un club. Cette re
110 ue part que l’Amérique n’est pas une nation comme les autres, mais un club. Cette remarque explique bien des choses, et, en
111 que explique bien des choses, et, en particulier, le paradoxe qu’on vient de relever. L’entrée dans le club est un acte pu
112 particulier, le paradoxe qu’on vient de relever. L’ entrée dans le club est un acte public qui s’accompagne tout naturelle
113 le paradoxe qu’on vient de relever. L’entrée dans le club est un acte public qui s’accompagne tout naturellement d’opérati
114 onial d’initiation, calculé de manière à inspirer le respect de l’institution et de l’orgueil d’y appartenir. Mais aussitô
115 tion, calculé de manière à inspirer le respect de l’ institution et de l’orgueil d’y appartenir. Mais aussitôt que vous ser
116 ière à inspirer le respect de l’institution et de l’ orgueil d’y appartenir. Mais aussitôt que vous serez un membre régulie
117 ue vous serez un membre régulier, vous aurez tous les droits, on ne s’occupera plus de vous et vous vivrez à votre guise da
118 s de vous et vous vivrez à votre guise dans toute l’ enceinte démesurée du club. ⁂ Je ne vous ai pas parlé d’actualités brû
119 antes, dans cette préface à quelques articles sur l’ Amérique. C’est que je crois aux signes plus qu’aux faits ; aux couran
120 tiques ; à ce qui prépare et fait mûrir lentement les événements, plus qu’aux incidents de la semaine. Il me semble assez i
121 entement les événements, plus qu’aux incidents de la semaine. Il me semble assez important, pour faire comprendre à des Fr
122 des Français certaines démarches surprenantes de la diplomatie américaine, de parler tout d’abord et surtout de ce qu’on
123 ut d’abord et surtout de ce qu’on ne dit pas dans les dépêches, de ce qui n’est pas matière d’enquête et de reportages, de
124 ances de sentiments ou de coutumes qui qualifient la vie et la vision d’un peuple, et qui par là vont peut-être expliquer
125 entiments ou de coutumes qui qualifient la vie et la vision d’un peuple, et qui par là vont peut-être expliquer l’histoire
126 un peuple, et qui par là vont peut-être expliquer l’ histoire du siècle, notre histoire réelle. Car celle-ci dépend de deux
127 Car celle-ci dépend de deux peuples — l’autre est le russe — dont toutes les réactions intimes et sautes d’humeur vont aff
128 deux peuples — l’autre est le russe — dont toutes les réactions intimes et sautes d’humeur vont affecter notre sort matérie
129 otre sort matériel, aussi directement que naguère les crises d’un certain névropathe. a. Rougemont Denis de, « L’Amériqu
130 n certain névropathe. a. Rougemont Denis de, «  L’ Amérique de la vie quotidienne », Carrefour, Paris, 19 octobre 1945, p
131 opathe. a. Rougemont Denis de, « L’Amérique de la vie quotidienne », Carrefour, Paris, 19 octobre 1945, p. 1 et 5.
2 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Le rêve américain (9 novembre 1945)
132 Le rêve américain (9 novembre 1945)b L’Amérique n’est pas un pays de
133 Le rêve américain (9 novembre 1945)b L’ Amérique n’est pas un pays de rêve quand on y vit, mais c’est un pays
134 t, mais c’est un pays de rêveurs. Je vais parfois les regarder dans les grandes salles populaires de Broadway, où des centa
135 ays de rêveurs. Je vais parfois les regarder dans les grandes salles populaires de Broadway, où des centaines de jeunes fil
136 jeunes filles en jupes très courtes se livrent à la danse appelée jitterbugs autour de petits marins, de soldats presque
137 presque imberbes, de garçons qui n’ont pas encore l’ âge militaire. La frénésie rythmique des jitterbugs évoque, par moment
138 de garçons qui n’ont pas encore l’âge militaire. La frénésie rythmique des jitterbugs évoque, par moments, le vaudou, et,
139 sie rythmique des jitterbugs évoque, par moments, le vaudou, et, quand ils se mettent à crier, on les croirait au bord du
140 , le vaudou, et, quand ils se mettent à crier, on les croirait au bord du délire collectif. Mais la danse prend fin, tout s
141 on les croirait au bord du délire collectif. Mais la danse prend fin, tout s’apaise. Les couples se séparent un peu. Perso
142 ollectif. Mais la danse prend fin, tout s’apaise. Les couples se séparent un peu. Personne ne parle. Suit un tango où ils s
143 garçons seuls, assis sur des banquettes tournant le dos à la piste, regardent dans le vide. Peu ou point de plaisanteries
144 seuls, assis sur des banquettes tournant le dos à la piste, regardent dans le vide. Peu ou point de plaisanteries échangée
145 uettes tournant le dos à la piste, regardent dans le vide. Peu ou point de plaisanteries échangées. Ils sont ici pour rêve
146 i pour rêver, pour danser. Ils rêvent dans toutes les salles de cinéma. Ils marchent dans la rue en chantonnant leurs mélod
147 ns toutes les salles de cinéma. Ils marchent dans la rue en chantonnant leurs mélodies toujours si tristes, mais avec un s
148 moins conscients que nous. À quoi rêvent-ils ? À la vie large, toujours plus large devant eux, à la richesse et à la libe
149 À la vie large, toujours plus large devant eux, à la richesse et à la liberté qu’elle leur donnerait, croient-ils. À une a
150 oujours plus large devant eux, à la richesse et à la liberté qu’elle leur donnerait, croient-ils. À une aisance qui va ven
151 nt-ils. À une aisance qui va venir. C’est là tout le secret de ce que l’on nomme leur optimisme. L’Américain ne croit pas
152 e qui va venir. C’est là tout le secret de ce que l’ on nomme leur optimisme. L’Américain ne croit pas aux limites. Une lim
153 ut le secret de ce que l’on nomme leur optimisme. L’ Américain ne croit pas aux limites. Une limite, c’est toujours la fin
154 croit pas aux limites. Une limite, c’est toujours la fin d’un rêve. Non seulement les limites le gênent, mais il ne veut p
155 e, c’est toujours la fin d’un rêve. Non seulement les limites le gênent, mais il ne veut pas même admettre qu’elles existen
156 jours la fin d’un rêve. Non seulement les limites le gênent, mais il ne veut pas même admettre qu’elles existent, sinon po
157 e à sa tradition. Ses ancêtres ont été amenés sur les rives de l’Hudson et du Potomac par le rêve d’un pays sans limites, e
158 ion. Ses ancêtres ont été amenés sur les rives de l’ Hudson et du Potomac par le rêve d’un pays sans limites, et il l’était
159 menés sur les rives de l’Hudson et du Potomac par le rêve d’un pays sans limites, et il l’était vraiment pour ceux qui tri
160 Potomac par le rêve d’un pays sans limites, et il l’ était vraiment pour ceux qui triomphaient des famines, des moustiques,
161 , des dysenteries et des Indiens. Ils avaient fui les étroitesses religieuses et politiques de l’Europe. Ils se trouvaient
162 fui les étroitesses religieuses et politiques de l’ Europe. Ils se trouvaient tout seuls devant leur chance. Tout dépendai
163 ise et de leur foi. Cette situation, dépassée par les faits, domine encore l’inconscient collectif des Américains d’aujourd
164 situation, dépassée par les faits, domine encore l’ inconscient collectif des Américains d’aujourd’hui. Et leur grand rêve
165 ur grand rêve, leur american dream, prolonge vers l’ avenir cette tradition. Leurs ancêtres appelaient frontier la ligne de
166 tte tradition. Leurs ancêtres appelaient frontier la ligne de démarcation, sans cesse mouvante, entre les terres colonisée
167 ligne de démarcation, sans cesse mouvante, entre les terres colonisées et les prairies sauvages parcourues d’Indiens indom
168 ns cesse mouvante, entre les terres colonisées et les prairies sauvages parcourues d’Indiens indomptés. Pendant des siècles
169 es d’Indiens indomptés. Pendant des siècles, tout l’ effort des pionniers a consisté à repousser cette frontière toujours p
170 repousser cette frontière toujours plus loin vers l’ ouest. Jusqu’à ce qu’enfin, au xixe siècle, les colons de la Nouvelle
171 rs l’ouest. Jusqu’à ce qu’enfin, au xixe siècle, les colons de la Nouvelle-Angleterre aient pu tendre la main à ceux des c
172 squ’à ce qu’enfin, au xixe siècle, les colons de la Nouvelle-Angleterre aient pu tendre la main à ceux des côtés de la Ca
173 colons de la Nouvelle-Angleterre aient pu tendre la main à ceux des côtés de la Californie. C’était une grande victoire s
174 terre aient pu tendre la main à ceux des côtés de la Californie. C’était une grande victoire sur la géographie démesurée d
175 de la Californie. C’était une grande victoire sur la géographie démesurée du continent. Mais c’était une limite atteinte.
176 laient-ils faire des énergies mises en œuvre pour la conquête ? Ils se tournèrent vers l’industrie. Ce fut leur nouvelle «
177 n œuvre pour la conquête ? Ils se tournèrent vers l’ industrie. Ce fut leur nouvelle « frontière », leur nouveau front, dir
178 nouveau front, dirait-on de nos jours. Et ce fut l’ ère des fortunes, et des cités, et des usines colossales, puis des gra
179 colossales, puis des gratte-ciel à cent étages. «  Le ciel est la limite », disait alors leur dicton favori. La terre avait
180 puis des gratte-ciel à cent étages. « Le ciel est la limite », disait alors leur dicton favori. La terre avait été duremen
181 est la limite », disait alors leur dicton favori. La terre avait été durement conquise. Le ciel fut conquis en trente ans.
182 ton favori. La terre avait été durement conquise. Le ciel fut conquis en trente ans. Encore une limite atteinte. Et les vo
183 uis en trente ans. Encore une limite atteinte. Et les voici, vers ce milieu du xxe siècle, presque à l’étroit entre les ri
184 s voici, vers ce milieu du xxe siècle, presque à l’ étroit entre les rives du Pacifique et de l’Atlantique, mais encore dé
185 e milieu du xxe siècle, presque à l’étroit entre les rives du Pacifique et de l’Atlantique, mais encore débordants d’énerg
186 que à l’étroit entre les rives du Pacifique et de l’ Atlantique, mais encore débordants d’énergies qui soudain ne trouvent
187 issues prochaines, hésitent… Pourtant, c’est bien le même rêve qui les tourmente et les anime : aller plus loin, vers une
188 , hésitent… Pourtant, c’est bien le même rêve qui les tourmente et les anime : aller plus loin, vers une vie toujours plus
189 ant, c’est bien le même rêve qui les tourmente et les anime : aller plus loin, vers une vie toujours plus large. Le soldat
190 ller plus loin, vers une vie toujours plus large. Le soldat qu’un ancien paquebot de luxe ramène vers son pays du fond du
191 e ramène vers son pays du fond du Pacifique ou de l’ Europe, dont il n’a guère connu que les ruines et les amertumes, rêve
192 fique ou de l’Europe, dont il n’a guère connu que les ruines et les amertumes, rêve simplement de son foyer. Il voit sa mai
193 Europe, dont il n’a guère connu que les ruines et les amertumes, rêve simplement de son foyer. Il voit sa maison blanche, s
194 son foyer. Il voit sa maison blanche, sa femme et le drugstore du coin. Huit à neuf fois sur dix, vis-à-vis des pays qu’il
195 garde une espèce de rancœur. Je ne pense pas que le mot soit trop fort. Je parle de la majorité. Je connais beaucoup d’ex
196 pense pas que le mot soit trop fort. Je parle de la majorité. Je connais beaucoup d’exceptions. Mais si les vétérans de c
197 jorité. Je connais beaucoup d’exceptions. Mais si les vétérans de cette guerre dominaient les prochaines élections, il y au
198 . Mais si les vétérans de cette guerre dominaient les prochaines élections, il y aurait huit à neuf chances sur dix que l’A
199 ions, il y aurait huit à neuf chances sur dix que l’ Amérique retourne à l’isolationnisme. Rien de tel pour blesser l’amour
200 à neuf chances sur dix que l’Amérique retourne à l’ isolationnisme. Rien de tel pour blesser l’amour entre deux peuples qu
201 urne à l’isolationnisme. Rien de tel pour blesser l’ amour entre deux peuples que de les mélanger dans leurs épreuves. Les
202 el pour blesser l’amour entre deux peuples que de les mélanger dans leurs épreuves. Les jeunes Américains se sont trouvés m
203 peuples que de les mélanger dans leurs épreuves. Les jeunes Américains se sont trouvés mêlés au grand malheur des peuples
204 ls aimaient de loin. Ils ont été courageux devant l’ ennemi, mais non pas devant la misère de leurs amis. Ils rentrent en d
205 té courageux devant l’ennemi, mais non pas devant la misère de leurs amis. Ils rentrent en disant que la France est sale e
206 misère de leurs amis. Ils rentrent en disant que la France est sale et en désordre, que tout y est cher pour eux et que l
207 en désordre, que tout y est cher pour eux et que les WC sont au milieu des places publiques. Ils demandent qu’on ne leur p
208 pte des profits et pertes d’une guerre moderne, à l’ échelle planétaire. Mais il y a le rêve des civils. Et c’est lui qui v
209 erre moderne, à l’échelle planétaire. Mais il y a le rêve des civils. Et c’est lui qui va dominer, nécessairement. Les vét
210 ils. Et c’est lui qui va dominer, nécessairement. Les vétérans seront absorbés par la vie quotidienne d’ici quelques années
211 nécessairement. Les vétérans seront absorbés par la vie quotidienne d’ici quelques années. Ils finiront bien par penser c
212 comme leur femme, leur patron, leurs concurrents… L’ homme d’affaires américain est le petit-fils des pionniers qui luttaie
213 urs concurrents… L’homme d’affaires américain est le petit-fils des pionniers qui luttaient sur la « frontière ». Il press
214 est le petit-fils des pionniers qui luttaient sur la « frontière ». Il pressent qu’il a fait son plein ou qu’il est bien p
215 qu’il a fait son plein ou qu’il est bien près de le faire dans les limites de son pays, « d’une côte à l’autre », comme i
216 son plein ou qu’il est bien près de le faire dans les limites de son pays, « d’une côte à l’autre », comme il dit. Et ce pr
217 te à l’autre », comme il dit. Et ce pressentiment l’ inquiète profondément. Or c’est bien cette situation que Cordell Hull,
218 . Or c’est bien cette situation que Cordell Hull, le ministre des Affaires étrangères de Roosevelt, avait prévue. Et c’est
219 articulier par sa politique de bon voisinage avec l’ Amérique latine. Cette politique comportait deux branches, curieusemen
220 tait deux branches, curieusement juxtaposées dans le nom même de l’agence qui l’administrait et qui s’intitulait : Office
221 hes, curieusement juxtaposées dans le nom même de l’ agence qui l’administrait et qui s’intitulait : Office de coordination
222 ment juxtaposées dans le nom même de l’agence qui l’ administrait et qui s’intitulait : Office de coordination des relation
223 longtemps intrigué et choqué. Aujourd’hui, je me l’ explique de la manière suivante : le rêve américain évoque une vie san
224 rigué et choqué. Aujourd’hui, je me l’explique de la manière suivante : le rêve américain évoque une vie sans cesse plus l
225 rd’hui, je me l’explique de la manière suivante : le rêve américain évoque une vie sans cesse plus large et libre. Mais la
226 oque une vie sans cesse plus large et libre. Mais la « frontière » ayant rejoint les frontières mêmes des États-Unis, il f
227 rge et libre. Mais la « frontière » ayant rejoint les frontières mêmes des États-Unis, il faut donc en sortir et deux voies
228 en sortir et deux voies sont possibles : répandre les produits américains sur tous les marchés du monde, c’est-à-dire multi
229 ibles : répandre les produits américains sur tous les marchés du monde, c’est-à-dire multiplier les échanges commerciaux, e
230 ous les marchés du monde, c’est-à-dire multiplier les échanges commerciaux, et, en même temps, répandre dans tous les pays
231 ommerciaux, et, en même temps, répandre dans tous les pays du monde l’idéal de la démocratie américaine, c’est-à-dire multi
232 même temps, répandre dans tous les pays du monde l’ idéal de la démocratie américaine, c’est-à-dire multiplier les échange
233 , répandre dans tous les pays du monde l’idéal de la démocratie américaine, c’est-à-dire multiplier les échanges culturels
234 la démocratie américaine, c’est-à-dire multiplier les échanges culturels. Ces ambitions sont étroitement liées, car seule u
235 une atmosphère de démocratie mondiale peut créer les conditions nécessaires au libre-échange, et en retour ce libre-échang
236 retour ce libre-échange paraît propre à favoriser l’ établissement de la démocratie dans les pays où les difficultés et les
237 ange paraît propre à favoriser l’établissement de la démocratie dans les pays où les difficultés et les injustices économi
238 à favoriser l’établissement de la démocratie dans les pays où les difficultés et les injustices économiques donnent aux dic
239 l’établissement de la démocratie dans les pays où les difficultés et les injustices économiques donnent aux dictateurs leur
240 la démocratie dans les pays où les difficultés et les injustices économiques donnent aux dictateurs leurs prétextes les plu
241 conomiques donnent aux dictateurs leurs prétextes les plus frappants. Et voilà pourquoi l’Amérique, malgré le choc en retou
242 s prétextes les plus frappants. Et voilà pourquoi l’ Amérique, malgré le choc en retour inévitable que provoquera sans dout
243 s frappants. Et voilà pourquoi l’Amérique, malgré le choc en retour inévitable que provoquera sans doute l’an prochain la
244 oc en retour inévitable que provoquera sans doute l’ an prochain la rentrée massive des vétérans, doit cesser de s’isoler e
245 névitable que provoquera sans doute l’an prochain la rentrée massive des vétérans, doit cesser de s’isoler et doit littéra
246 t sortir d’elle-même par une nécessité profonde : le rêve américain l’exige. Nous voici bien loin de nos danseurs de Broad
247 me par une nécessité profonde : le rêve américain l’ exige. Nous voici bien loin de nos danseurs de Broadway ! Peut-être, m
248 s de Broadway ! Peut-être, mais tout cela va dans le même sens, illustre un même mouvement profond et général vers la vie
249 llustre un même mouvement profond et général vers la vie libre, vers l’avenir. On pourrait définir l’Amérique comme le pay
250 vement profond et général vers la vie libre, vers l’ avenir. On pourrait définir l’Amérique comme le pays où ce qui va veni
251 la vie libre, vers l’avenir. On pourrait définir l’ Amérique comme le pays où ce qui va venir émeut autant qu’en Europe le
252 rs l’avenir. On pourrait définir l’Amérique comme le pays où ce qui va venir émeut autant qu’en Europe le souvenir. Mais c
253 pays où ce qui va venir émeut autant qu’en Europe le souvenir. Mais ce qui va venir, direz-vous, n’est-ce pas tout simplem
254 J’essaierai d’exposer, dans un prochain article, les motifs qui m’ont convaincu que l’expansion américaine n’est pas du to
255 chain article, les motifs qui m’ont convaincu que l’ expansion américaine n’est pas du tout à base d’impérialisme au sens e
256 ue de nous en méfier. b. Rougemont Denis de, «  Le rêve américain », Carrefour, Paris, 9 novembre 1945, p. 3.
3 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Hollywood n’a plus d’idées (13 décembre 1945)
257 toujours plus coûteux, de plus en plus semblables les uns aux autres et de plus en plus fades jusque dans leurs brutalités
258 jusque dans leurs brutalités stéréotypées, voilà les films américains au lendemain de la guerre. Les critiques, les échos
259 ypées, voilà les films américains au lendemain de la guerre. Les critiques, les échos de presse, et même les spectateurs,
260 à les films américains au lendemain de la guerre. Les critiques, les échos de presse, et même les spectateurs, sont unanime
261 ricains au lendemain de la guerre. Les critiques, les échos de presse, et même les spectateurs, sont unanimes : Hollywood e
262 erre. Les critiques, les échos de presse, et même les spectateurs, sont unanimes : Hollywood est à court d’inventions. Holl
263 i, un roman non terminé, un bout de conversation, l’ esquisse d’une histoire, un « four » de Broadway, sur le soupçon qu’on
264 isse d’une histoire, un « four » de Broadway, sur le soupçon qu’on pourrait y trouver « une idée ». Je soupçonne, pour ma
265 n’y trouvera rien, ou si elle y trouve un germe, le nettoiera. Car Hollywood n’est plus qu’une machine. Elle transforme e
266 ité même à se renouveler stérilise instantanément les nouveautés qu’il semblerait facile d’y introduire, à première vue. Ce
267 d’une telle quantité de spécialistes neutralisant l’ originalité les uns des autres : elle suppose une telle application au
268 antité de spécialistes neutralisant l’originalité les uns des autres : elle suppose une telle application au détail matérie
269 plication au détail matériel, au cadre, au son, à l’ éclairage, aux cravates et au faux-vrai luxe : elle doit tenir compte
270 ne prime d’un million, resplendissant au terme de l’ épreuve. Le moindre film européen d’avant la guerre, projeté dans une
271 un million, resplendissant au terme de l’épreuve. Le moindre film européen d’avant la guerre, projeté dans une petite sall
272 me de l’épreuve. Le moindre film européen d’avant la guerre, projeté dans une petite salle de rétrospective, à New York, m
273 , mais touchant aux larmes, spirituel jusque dans l’ émotion, et tout crépitant d’inventions étonnantes. Le rythme est caho
274 otion, et tout crépitant d’inventions étonnantes. Le rythme est cahotant, trop coupé, mais quand il s’établit sur une ou d
275 tout le monde est beau, jamais on ne voit percer la trame nue du réel. Jamais un choc, pour tant de coups de poing, de co
276 de coups de feu et de coups de théâtre. C’est que le public, me disent les producers, n’accepte pas que Hedy Lamarr soit m
277 coups de théâtre. C’est que le public, me disent les producers, n’accepte pas que Hedy Lamarr soit mal habillée si elle jo
278 joue une pauvresse, qu’Ingrid Bergman ressemble à la Suédoise qu’elle est, plutôt qu’à une star comme les autres. N’insist
279 Suédoise qu’elle est, plutôt qu’à une star comme les autres. N’insistons pas : la décadence de Hollywood n’a pas de raison
280 qu’à une star comme les autres. N’insistons pas : la décadence de Hollywood n’a pas de raisons mystérieuses ou accidentell
281 ns, Hollywood ne sera plus qu’une légende : comme l’ est déjà Greta Garbo, symbole d’un âge. Ô Garbo de notre jeunesse, vol
282 té du regard. Reine des neiges, Dame des rêves de l’ adolescence, femme la plus célèbre du monde, idée de la Femme régnant
283 es neiges, Dame des rêves de l’adolescence, femme la plus célèbre du monde, idée de la Femme régnant sur des millions de n
284 lescence, femme la plus célèbre du monde, idée de la Femme régnant sur des millions de nuits, mythe évasif, que n’êtes-vou
285 e au matin ? Dans ce petit restaurant français de la 56e rue, à l’ouest, un jour de l’autre hiver, le garçon vint me dire
286 ans ce petit restaurant français de la 56e rue, à l’ ouest, un jour de l’autre hiver, le garçon vint me dire à l’oreille :
287 la 56e rue, à l’ouest, un jour de l’autre hiver, le garçon vint me dire à l’oreille : — Pouvez-vous céder votre table, no
288 n jour de l’autre hiver, le garçon vint me dire à l’ oreille : — Pouvez-vous céder votre table, nous avons besoin d’une tab
289 nq minutes ? Merci. Vous allez voir que cela vaut le dérangement. Je me déplace. Elle entre sur ses talons plats, avec son
290 chapeau de feutre gris souris relevé de côté, et le profil du rêve. J’eusse préféré ne la voir jamais, mais j’avoue qu’el
291 de côté, et le profil du rêve. J’eusse préféré ne la voir jamais, mais j’avoue qu’elle est très jolie, malgré la minceur d
292 mais, mais j’avoue qu’elle est très jolie, malgré la minceur de ses lèvres. Un peu plus tard, c’est une party de Pâques ru
293 ès tôt et ne trouve qu’un géant, Robert Sherwood, le dramaturge et l’un des conseillers intimes de Roosevelt. Mais une min
294 lt. Mais une minute plus tard, un pas rapide dans l’ escalier : c’est elle encore, en robe courte de soie grise, et déjà no
295 déjà nous choquons nos petits verres de vodka. On l’ a présentée comme « Miss G… » (prononcez Djie), ainsi qu’on fait parfo
296 r terre, dans une foule, mais dos à dos, et voici l’ étonnant de l’histoire : je ne trouve rien à me remémorer de ses propo
297 une foule, mais dos à dos, et voici l’étonnant de l’ histoire : je ne trouve rien à me remémorer de ses propos. Elle a le g
298 trouve rien à me remémorer de ses propos. Elle a le génie de ne rien dire qui la rende plus réelle qu’une image. Ne serai
299 e ses propos. Elle a le génie de ne rien dire qui la rende plus réelle qu’une image. Ne serait-ce pas là son secret ? Se p
300 age. Ne serait-ce pas là son secret ? Se prêter à la fantaisie de toutes les imaginations. Comme elle est belle et comme e
301 à son secret ? Se prêter à la fantaisie de toutes les imaginations. Comme elle est belle et comme elle est absente ! Quelle
302 et comme elle est absente ! Quelle élégance dans l’ irréalité ! Comme elle est gaie pour un fantôme… ⁂ Revenons à nos mout
303 icalement neufs qu’il permet : c’est Walt Disney. Les autres en sont encore à photographier des comédies, des drames, des a
304 ts ou des jardins comme nous pouvons en voir sans l’ aide d’une caméra, et sur les rythmes habituels de notre vie. C’est di
305 pouvons en voir sans l’aide d’une caméra, et sur les rythmes habituels de notre vie. C’est dire qu’ils oublient ou refusen
306 ndre avantage des possibilités uniques du cinéma. L’ analyse du mouvement, la vitesse ou la lenteur folle, les objets qui m
307 ilités uniques du cinéma. L’analyse du mouvement, la vitesse ou la lenteur folle, les objets qui montent et volent au lieu
308 du cinéma. L’analyse du mouvement, la vitesse ou la lenteur folle, les objets qui montent et volent au lieu de tomber, le
309 yse du mouvement, la vitesse ou la lenteur folle, les objets qui montent et volent au lieu de tomber, les déformations expr
310 s objets qui montent et volent au lieu de tomber, les déformations expressives, les superpositions d’images ou de corps par
311 au lieu de tomber, les déformations expressives, les superpositions d’images ou de corps par transparence, la synchronisat
312 rpositions d’images ou de corps par transparence, la synchronisation des gestes et de la musique, vingt autres procédés mo
313 transparence, la synchronisation des gestes et de la musique, vingt autres procédés moins faciles à définir, en deux mots 
314 dés moins faciles à définir, en deux mots : voilà le domaine que Disney seul a le courage d’explorer aujourd’hui. Mickey e
315 en deux mots : voilà le domaine que Disney seul a le courage d’explorer aujourd’hui. Mickey et Donald le Canard font parti
316 rd’hui. Mickey et Donald le Canard font partie de la légende de ce siècle. Je les vois s’agiter sur l’écran comme des ludi
317 Canard font partie de la légende de ce siècle. Je les vois s’agiter sur l’écran comme des ludions qui nous rendraient visib
318 la légende de ce siècle. Je les vois s’agiter sur l’ écran comme des ludions qui nous rendraient visibles les mouvements dé
319 an comme des ludions qui nous rendraient visibles les mouvements délirants de l’Inconscient moderne. Battus comme plâtre, e
320 s rendraient visibles les mouvements délirants de l’ Inconscient moderne. Battus comme plâtre, et toujours Tartarins, cupid
321 et toujours Tartarins, cupides ou entravés comme les figures du rêve, passant en une seconde de l’aplanissement physique à
322 me les figures du rêve, passant en une seconde de l’ aplanissement physique à la mégalomanie, extravagants, sentimentaux en
323 sant en une seconde de l’aplanissement physique à la mégalomanie, extravagants, sentimentaux entourés de monstres sadiques
324 êmes et avec quelle joie entièrement partagée par les publics d’enfants, ils évoluent dans un univers de machines féroces,
325 en avant la dernière guerre, nous donnèrent seuls la sensation du Blitz. Ils sont de notre temps d’une manière plus profon
326 s profonde que leur auteur, sans doute, n’eût osé le soupçonner. Car il n’est pas intelligent, s’il est génial. Disney, qu
327 plus silly) entrecoupées de vues en gros plan sur la chevelure blanche, les mains précieuses ou la nuque rose et violacée
328 es de vues en gros plan sur la chevelure blanche, les mains précieuses ou la nuque rose et violacée de Stokowsky. Par malch
329 sur la chevelure blanche, les mains précieuses ou la nuque rose et violacée de Stokowsky. Par malchance, c’est au lendemai
330 Buenos Aires que j’ai rencontré Walt Disney. Nous l’ attendions à déjeuner chez Victoria Ocampo, plutôt déprimés par la rep
331 éjeuner chez Victoria Ocampo, plutôt déprimés par la représentation de la veille. Il entre avec sa femme. Il a l’air d’un
332 Ocampo, plutôt déprimés par la représentation de la veille. Il entre avec sa femme. Il a l’air d’un bon garçon bien corre
333 rt d’un ton neutre : « Mrs Walt Disney n’aime pas la musique classique. » Un froid, et chacun pense : Que ne l’a-t-elle em
334 e classique. » Un froid, et chacun pense : Que ne l’ a-t-elle empêché de s’en occuper ! Son mauvais goût me paraît irrémédi
335 uvais goût me paraît irrémédiable, étant celui de l’ Américain moyen en matière d’art et surtout de peinture. (La fin de Fa
336 n moyen en matière d’art et surtout de peinture. ( La fin de Fantasia, sur l’Ave Maria de Schubert, n’est qu’une suite de c
337 et surtout de peinture. (La fin de Fantasia, sur l’ Ave Maria de Schubert, n’est qu’une suite de cartes de bons vœux comme
338 es millions à chaque Noël en Amérique.) Mais il a le secret de ce rythme endiablé, cette ingéniosité foisonnante, follemen
339 ent gaspillée, et cette maîtrise impitoyable dans l’ agencement d’une suite de catastrophes qui laissent le spectateur soul
340 encement d’une suite de catastrophes qui laissent le spectateur soulagé et heureux, parce que son inconscient a pu se déch
341 bien visible, pendant un bon quart d’heure, avec l’ assentiment du rire de la foule. ⁂ Les créations géniales de Disney re
342 bon quart d’heure, avec l’assentiment du rire de la foule. ⁂ Les créations géniales de Disney remontent à la période où i
343 ’heure, avec l’assentiment du rire de la foule. ⁂ Les créations géniales de Disney remontent à la période où il travaillait
344 e. ⁂ Les créations géniales de Disney remontent à la période où il travaillait seul, à l’aventure, avec des moyens peu coû
345 remontent à la période où il travaillait seul, à l’ aventure, avec des moyens peu coûteux. Les producers de Hollywood trav
346 seul, à l’aventure, avec des moyens peu coûteux. Les producers de Hollywood travaillent aujourd’hui avec des milliers d’em
347 nt aujourd’hui avec des milliers d’employés, dans le cadre d’une routine technique stupidement respectée par tous les nouv
348 routine technique stupidement respectée par tous les nouveaux venus, et qui exige des sommes fabuleuses. Pour que ces somm
349 buleuses. Pour que ces sommes rapportent, il faut le plus grand public possible. Pour satisfaire ce plus grand public, il
350 aut se garder d’innover ou de faire plus vrai que la convention du jour. Les milliers d’employés déjà cités se livrent don
351 ou de faire plus vrai que la convention du jour. Les milliers d’employés déjà cités se livrent donc à une chasse impitoyab
352 cités se livrent donc à une chasse impitoyable à la situation neuve ou vraie, pour la tuer. En même temps, les producers
353 e impitoyable à la situation neuve ou vraie, pour la tuer. En même temps, les producers se plaignent de ce que les auteurs
354 tion neuve ou vraie, pour la tuer. En même temps, les producers se plaignent de ce que les auteurs n’aient plus d’idées… Je
355 même temps, les producers se plaignent de ce que les auteurs n’aient plus d’idées… Je vais leur donner gratis le moyen d’e
356 n’aient plus d’idées… Je vais leur donner gratis le moyen d’en sortir, et mon idée tient en trois mots : — Messieurs, sab
357 vos budgets ! Essayez de faire pour une fois : «  le film le meilleur marché du monde », au lieu de rivaliser dans la dépe
358 gets ! Essayez de faire pour une fois : « le film le meilleur marché du monde », au lieu de rivaliser dans la dépense. Tou
359 leur marché du monde », au lieu de rivaliser dans la dépense. Tout changera, comme par enchantement ! Vous verrez les idée
360 ut changera, comme par enchantement ! Vous verrez les idées affluer. Quant au public… Eh bien ! pendant que j’y suis, un bo
361 que j’y suis, un bon conseil : ne croyez pas que le grand public déteste autant que vous la nouveauté. Il a aimé Disney.
362 z pas que le grand public déteste autant que vous la nouveauté. Il a aimé Disney. Et qui sait s’il ne va point préférer le
363 imé Disney. Et qui sait s’il ne va point préférer les films européens, dès qu’il pourra les voir ? Tous les signes sont là.
364 nt préférer les films européens, dès qu’il pourra les voir ? Tous les signes sont là. Dépêchez-vous ! Mais peut-être qu’il
365 films européens, dès qu’il pourra les voir ? Tous les signes sont là. Dépêchez-vous ! Mais peut-être qu’il est trop tard :
366 tre qu’il est trop tard : et qu’ils s’en doutent. L’ importance des studios de New York s’accroît sans cesse. On parle d’un
367 duction qui se créerait bientôt du côté de Miami. Les barrières commerciales qui s’opposent à l’entrée des films russes, an
368 iami. Les barrières commerciales qui s’opposent à l’ entrée des films russes, anglais et français, cèderont au jour… Et j’i
369 reille à ces villes éphémères que fit surgir dans le Colorado la ruée vers l’or, et qui n’offrent plus aujourd’hui qu’un a
370 villes éphémères que fit surgir dans le Colorado la ruée vers l’or, et qui n’offrent plus aujourd’hui qu’un asile délabré
371 ères que fit surgir dans le Colorado la ruée vers l’ or, et qui n’offrent plus aujourd’hui qu’un asile délabré aux bandits,
372 une merveilleuse « idée de film », et renaisse à l’ écran sous la forme du chef-d’œuvre que, vivante, elle n’a fait que rê
373 euse « idée de film », et renaisse à l’écran sous la forme du chef-d’œuvre que, vivante, elle n’a fait que rêver. c. Ro
4 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Les enfants américains réclament des bombes atomiques (20 décembre 1945)
374 Les enfants américains réclament des bombes atomiques (20 décembre 1945)d
375 es bombes atomiques (20 décembre 1945)d Noël ! La ruée vers les magasins s’est déclenchée depuis le 1er décembre dans t
376 miques (20 décembre 1945)d Noël ! La ruée vers les magasins s’est déclenchée depuis le 1er décembre dans toute l’Amériqu
377 La ruée vers les magasins s’est déclenchée depuis le 1er décembre dans toute l’Amérique, inaugurant officiellement la sais
378 ’est déclenchée depuis le 1er décembre dans toute l’ Amérique, inaugurant officiellement la saison de Noël. Nous sommes le
379 dans toute l’Amérique, inaugurant officiellement la saison de Noël. Nous sommes le 13 et les rayons de jouets sont déjà p
380 ant officiellement la saison de Noël. Nous sommes le 13 et les rayons de jouets sont déjà presque vides à New York. La con
381 iellement la saison de Noël. Nous sommes le 13 et les rayons de jouets sont déjà presque vides à New York. La conversion de
382 ons de jouets sont déjà presque vides à New York. La conversion des tanks et des forteresses volantes en pacotille de nurs
383 onné 1945 se termine en pleine équivoque : est-ce la paix déjà ? La guerre encore ? Interférences de disette et de luxe, d
384 rmine en pleine équivoque : est-ce la paix déjà ? La guerre encore ? Interférences de disette et de luxe, d’appétits ranim
385 mertumes durables. Et Noël va tomber au milieu de l’ an I d’une ère de paix fondée sur la plus grande menace de toute l’His
386 au milieu de l’an I d’une ère de paix fondée sur la plus grande menace de toute l’Histoire. Les enfants, comme les gouver
387 de paix fondée sur la plus grande menace de toute l’ Histoire. Les enfants, comme les gouvernements, demandent pour leur No
388 ée sur la plus grande menace de toute l’Histoire. Les enfants, comme les gouvernements, demandent pour leur Noël des petite
389 de menace de toute l’Histoire. Les enfants, comme les gouvernements, demandent pour leur Noël des petites bombes atomiques.
390 tre blessés sérieusement en jouant à faire sauter le monde. Les trois Grands, à Moscou, seront-ils plus adroits dans ce mê
391 s sérieusement en jouant à faire sauter le monde. Les trois Grands, à Moscou, seront-ils plus adroits dans ce même jeu ? On
392 seront-ils plus adroits dans ce même jeu ? On ne le croirait pas à les voir. Curieux trio : un loup déguisé en mouton et
393 droits dans ce même jeu ? On ne le croirait pas à les voir. Curieux trio : un loup déguisé en mouton et deux moutons vêtus
394 ons vêtus de leur vraie peau. Mais rien n’empêche le Waldorf Astoria d’annoncer que sa nuit de Nouvel An « promet d’être l
395 annoncer que sa nuit de Nouvel An « promet d’être la plus grande nuit de l’histoire de l’hôtel — à partir de vingt dollars
396 Nouvel An « promet d’être la plus grande nuit de l’ histoire de l’hôtel — à partir de vingt dollars ». Hier chez Schwartz,
397 romet d’être la plus grande nuit de l’histoire de l’ hôtel — à partir de vingt dollars ». Hier chez Schwartz, le grand maga
398 à partir de vingt dollars ». Hier chez Schwartz, le grand magasin de jouets de la Cinquième Avenue : « Auriez-vous, dis-j
399 qui ressemble à un modèle de bombe atomique pour les enfants ? » La vendeuse ouvrit la bouche, puis écarquilla les yeux :
400 un modèle de bombe atomique pour les enfants ? » La vendeuse ouvrit la bouche, puis écarquilla les yeux : devant nous ven
401 atomique pour les enfants ? » La vendeuse ouvrit la bouche, puis écarquilla les yeux : devant nous venait d’apparaître un
402 ? » La vendeuse ouvrit la bouche, puis écarquilla les yeux : devant nous venait d’apparaître une jeune femme au visage angu
403 visage anguleux et couvert de taches de rousseur, la tête serrée dans un foulard de soie rose feu. — « Papa, me dit mon pe
404 rn ! » — « C’est moi ! », dit-elle en lui pinçant la joue, et la vendeuse nous planta là. Il neigeait sur la Cinquième Ave
405 ’est moi ! », dit-elle en lui pinçant la joue, et la vendeuse nous planta là. Il neigeait sur la Cinquième Avenue, sur les
406 anta là. Il neigeait sur la Cinquième Avenue, sur les paquets enrubannés, sur les fourrures, sur l’arbre immense du Rockefe
407 Cinquième Avenue, sur les paquets enrubannés, sur les fourrures, sur l’arbre immense du Rockefeller Plaza, transporté avec
408 ur les paquets enrubannés, sur les fourrures, sur l’ arbre immense du Rockefeller Plaza, transporté avec toutes ses racines
409 he des hymnes de Noël transformés en jazz hot par les klaxons d’interminables embarras de trafic. Aux vitrines triomphait l
410 ables embarras de trafic. Aux vitrines triomphait le rêve américain, le clinquant, l’irréel, le rose et le doré, le rêve d
411 rafic. Aux vitrines triomphait le rêve américain, le clinquant, l’irréel, le rose et le doré, le rêve d’enfance et d’innoc
412 rines triomphait le rêve américain, le clinquant, l’ irréel, le rose et le doré, le rêve d’enfance et d’innocence universel
413 mphait le rêve américain, le clinquant, l’irréel, le rose et le doré, le rêve d’enfance et d’innocence universelle, bercé
414 êve américain, le clinquant, l’irréel, le rose et le doré, le rêve d’enfance et d’innocence universelle, bercé de musiques
415 cain, le clinquant, l’irréel, le rose et le doré, le rêve d’enfance et d’innocence universelle, bercé de musiques nostalgi
416 bercé de musiques nostalgiques. Noël ici devient la fête du bébé Cadum des réclames et non plus de cet enfant vrai qui na
417 cet enfant vrai qui naquit tant bien que mal dans la paille, sous le souffle d’un bœuf malodorant. Plus que dix jours pour
418 qui naquit tant bien que mal dans la paille, sous le souffle d’un bœuf malodorant. Plus que dix jours pour acquérir dans c
419 jours pour acquérir dans cette aimable bousculade la bonne conscience que représente une table chargée de cadeaux envelopp
420 un souvenir du seul cadeau de paix jamais fait à l’ humanité ? ou bien cette fièvre de rivaliser dans la dépense en fin d’
421 humanité ? ou bien cette fièvre de rivaliser dans la dépense en fin d’année, est-elle comme chez les primitifs la manière
422 ns la dépense en fin d’année, est-elle comme chez les primitifs la manière de conjurer le sort ? Plus que dix jours pour s’
423 en fin d’année, est-elle comme chez les primitifs la manière de conjurer le sort ? Plus que dix jours pour s’assurer une b
424 e comme chez les primitifs la manière de conjurer le sort ? Plus que dix jours pour s’assurer une bonne place dans le mond
425 que dix jours pour s’assurer une bonne place dans le monde des familles, un droit à la chaleur des groupes. Et ceux qui se
426 onne place dans le monde des familles, un droit à la chaleur des groupes. Et ceux qui seront laissés dehors, ceux qui n’ap
427 ppartiennent pas à une cellule sociale, formeront la foule de Times Square. Le coudoiement universel leur tiendra lieu d’i
428 lule sociale, formeront la foule de Times Square. Le coudoiement universel leur tiendra lieu d’intimité… Pour moi, j’irai
429 d’intimité… Pour moi, j’irai comme chaque année à la messe de minuit des protestants, dans la plus grande église gothique
430 année à la messe de minuit des protestants, dans la plus grande église gothique du monde, la cathédrale de Saint-Jean-de-
431 ts, dans la plus grande église gothique du monde, la cathédrale de Saint-Jean-de-Dieu, siège de l’évêque anglican de New Y
432 de, la cathédrale de Saint-Jean-de-Dieu, siège de l’ évêque anglican de New York. Dix mille personnes y chanteront des hymn
433 Dix mille personnes y chanteront des hymnes avant la procession du chœur et du clergé, précédés de porteurs de torches à l
434 r et du clergé, précédés de porteurs de torches à la Burne Jones. Et comme chaque année, j’entendrai le Credo de Gretchani
435 a Burne Jones. Et comme chaque année, j’entendrai le Credo de Gretchaninoff et le motet de Prætorius, Une rose est née… et
436 e année, j’entendrai le Credo de Gretchaninoff et le motet de Prætorius, Une rose est née… et je me dirai que l’Amérique n
437 e Prætorius, Une rose est née… et je me dirai que l’ Amérique n’a pas encore très bien compris les traditions, parce qu’ell
438 i que l’Amérique n’a pas encore très bien compris les traditions, parce qu’elle les respecte un peu trop… Times Square, tou
439 e très bien compris les traditions, parce qu’elle les respecte un peu trop… Times Square, tous ses feux allumés, semblera c
440 lera célébrer un V Day, une nouvelle victoire sur le temps, comme si ce n’était pas lui qui gagne à tous les coups. Qu’app
441 mps, comme si ce n’était pas lui qui gagne à tous les coups. Qu’apportera cette fin d’année ? Un dernier speech de La Guard
442 pportera cette fin d’année ? Un dernier speech de La Guardia à la radio, révélant une dernière recette aux ménagères pour
443 e fin d’année ? Un dernier speech de La Guardia à la radio, révélant une dernière recette aux ménagères pour cuire la dind
444 ant une dernière recette aux ménagères pour cuire la dinde ; le politicien rusé autant qu’honnête, le gros petit homme à l
445 nière recette aux ménagères pour cuire la dinde ; le politicien rusé autant qu’honnête, le gros petit homme à la face de c
446 la dinde ; le politicien rusé autant qu’honnête, le gros petit homme à la face de clown, Fiorello, la Fleurette, comme le
447 ien rusé autant qu’honnête, le gros petit homme à la face de clown, Fiorello, la Fleurette, comme le peuple l’a baptisé, s
448 le gros petit homme à la face de clown, Fiorello, la Fleurette, comme le peuple l’a baptisé, saisissant la baguette des ma
449 à la face de clown, Fiorello, la Fleurette, comme le peuple l’a baptisé, saisissant la baguette des mains du chef, diriger
450 de clown, Fiorello, la Fleurette, comme le peuple l’ a baptisé, saisissant la baguette des mains du chef, dirigera pour la
451 leurette, comme le peuple l’a baptisé, saisissant la baguette des mains du chef, dirigera pour la dernière fois l’orchestr
452 des mains du chef, dirigera pour la dernière fois l’ orchestre ou la fanfare d’un grand meeting. Sur le coup de minuit, le
453 ef, dirigera pour la dernière fois l’orchestre ou la fanfare d’un grand meeting. Sur le coup de minuit, le 31 décembre, no
454 l’orchestre ou la fanfare d’un grand meeting. Sur le coup de minuit, le 31 décembre, nous perdrons le meilleur maire de Ne
455 anfare d’un grand meeting. Sur le coup de minuit, le 31 décembre, nous perdrons le meilleur maire de New York. Et Roosevel
456 le coup de minuit, le 31 décembre, nous perdrons le meilleur maire de New York. Et Roosevelt n’est pas remplacé… Et toute
457 York. Et Roosevelt n’est pas remplacé… Et toutes les utopies prévues par l’avant-guerre entreront dans la voie des réalisa
458 t pas remplacé… Et toutes les utopies prévues par l’ avant-guerre entreront dans la voie des réalisations. Déjà l’on met en
459 utopies prévues par l’avant-guerre entreront dans la voie des réalisations. Déjà l’on met en vente la « bicyclette du ciel
460 rre entreront dans la voie des réalisations. Déjà l’ on met en vente la « bicyclette du ciel », un petit avion de mille dol
461 la voie des réalisations. Déjà l’on met en vente la « bicyclette du ciel », un petit avion de mille dollars. Déjà les ban
462 du ciel », un petit avion de mille dollars. Déjà les banques de Buffalo ouvrent des guichets extérieurs où l’on peut dépos
463 ues de Buffalo ouvrent des guichets extérieurs où l’ on peut déposer de l’argent sans descendre de sa voiture. Déjà les bic
464 t des guichets extérieurs où l’on peut déposer de l’ argent sans descendre de sa voiture. Déjà les biches et les daims sont
465 er de l’argent sans descendre de sa voiture. Déjà les biches et les daims sont amenés dans la forêt de chasse au moyen de t
466 sans descendre de sa voiture. Déjà les biches et les daims sont amenés dans la forêt de chasse au moyen de taxis aériens.
467 re. Déjà les biches et les daims sont amenés dans la forêt de chasse au moyen de taxis aériens. Déjà la télévision en coul
468 a forêt de chasse au moyen de taxis aériens. Déjà la télévision en couleurs prouve qu’elle ne le cède en rien à la photogr
469 Déjà la télévision en couleurs prouve qu’elle ne le cède en rien à la photographie pour « le brillant et la précision du
470 n en couleurs prouve qu’elle ne le cède en rien à la photographie pour « le brillant et la précision du détail », qualités
471 ’elle ne le cède en rien à la photographie pour «  le brillant et la précision du détail », qualités préférées de l’América
472 e en rien à la photographie pour « le brillant et la précision du détail », qualités préférées de l’Américain. Déjà l’on n
473 t la précision du détail », qualités préférées de l’ Américain. Déjà l’on nous annonce de Hollywood un superfilm sur la bom
474 détail », qualités préférées de l’Américain. Déjà l’ on nous annonce de Hollywood un superfilm sur la bombe atomique, où le
475 à l’on nous annonce de Hollywood un superfilm sur la bombe atomique, où le love interest ne manquera pas ; cependant que d
476 Hollywood un superfilm sur la bombe atomique, où le love interest ne manquera pas ; cependant que déjà le New Yorker se m
477 ove interest ne manquera pas ; cependant que déjà le New Yorker se moque des clichés à la mode au sujet de cette invention
478 ant que déjà le New Yorker se moque des clichés à la mode au sujet de cette invention « qui signifie la fin de l’humanité
479 a mode au sujet de cette invention « qui signifie la fin de l’humanité ou l’aube d’un âge d’or » à votre choix. Déjà, le s
480 sujet de cette invention « qui signifie la fin de l’ humanité ou l’aube d’un âge d’or » à votre choix. Déjà, le syndicat de
481 invention « qui signifie la fin de l’humanité ou l’ aube d’un âge d’or » à votre choix. Déjà, le syndicat des ouvriers de
482 té ou l’aube d’un âge d’or » à votre choix. Déjà, le syndicat des ouvriers de l’industrie automobile offre à Ford un contr
483 à votre choix. Déjà, le syndicat des ouvriers de l’ industrie automobile offre à Ford un contrat collectif qui le protèger
484 automobile offre à Ford un contrat collectif qui le protègera contre les grèves irrégulières, car la force et l’initiativ
485 Ford un contrat collectif qui le protègera contre les grèves irrégulières, car la force et l’initiative ont changé de camp
486 le protègera contre les grèves irrégulières, car la force et l’initiative ont changé de camp et les vainqueurs se montren
487 a contre les grèves irrégulières, car la force et l’ initiative ont changé de camp et les vainqueurs se montrent généreux.
488 ar la force et l’initiative ont changé de camp et les vainqueurs se montrent généreux. Et déjà les pasteurs et les prêtres
489 p et les vainqueurs se montrent généreux. Et déjà les pasteurs et les prêtres se préparent à parler du message de Noël « au
490 urs se montrent généreux. Et déjà les pasteurs et les prêtres se préparent à parler du message de Noël « aux hommes de bonn
491 vec M. Romains une grave erreur de traduction car l’ Évangile, dans le texte original, dit simplement : « Paix sur la terre
492 e grave erreur de traduction car l’Évangile, dans le texte original, dit simplement : « Paix sur la terre, bonne volonté d
493 ns le texte original, dit simplement : « Paix sur la terre, bonne volonté de Dieu envers les hommes ». Est-il besoin de la
494 « Paix sur la terre, bonne volonté de Dieu envers les hommes ». Est-il besoin de la bombe, et des grèves, et de la famine e
495 nté de Dieu envers les hommes ». Est-il besoin de la bombe, et des grèves, et de la famine européenne, et de la guerre end
496 . Est-il besoin de la bombe, et des grèves, et de la famine européenne, et de la guerre endémique dans tout l’Orient, et d
497 et des grèves, et de la famine européenne, et de la guerre endémique dans tout l’Orient, et de la méfiance et de la peur
498 e européenne, et de la guerre endémique dans tout l’ Orient, et de la méfiance et de la peur réciproques qui président aux
499 de la guerre endémique dans tout l’Orient, et de la méfiance et de la peur réciproques qui président aux rapports des nat
500 mique dans tout l’Orient, et de la méfiance et de la peur réciproques qui président aux rapports des nations, et de l’anti
501 ues qui président aux rapports des nations, et de l’ antisémitisme, et de l’antisoviétisme, et de l’antiaméricanisme, pour
502 apports des nations, et de l’antisémitisme, et de l’ antisoviétisme, et de l’antiaméricanisme, pour que nous comprenions qu
503 de l’antisémitisme, et de l’antisoviétisme, et de l’ antiaméricanisme, pour que nous comprenions que les hommes ont fort pe
504 l’antiaméricanisme, pour que nous comprenions que les hommes ont fort peu de bonne volonté ? La plupart sont involontaires.
505 es Square, dans une foule compacte et lente, dans la rumeur assourdissante des petites trompettes de foire et des crécelle
506 tes trompettes de foire et des crécelles, GI Joe, le combattant moyen, se dira : « Well, c’était donc pour tout cela… »
507 onc pour tout cela… » d. Rougemont Denis de, «  Les enfants américains réclament des bombes atomiques », Carrefour, Paris
5 1946, Carrefour, articles (1945–1947). Deux presses, deux méthodes : l’Américain expose, le Français explique (4 avril 1946)
508 Deux presses, deux méthodes : l’ Américain expose, le Français explique (4 avril 1946)e f Peu de tem
509 Deux presses, deux méthodes : l’Américain expose, le Français explique (4 avril 1946)e f Peu de temps avant la guerre,
510 explique (4 avril 1946)e f Peu de temps avant la guerre, un grand journal du soir, qui disposait d’un poste de radio,
511 sujet du petit livre que je venais de publier sur l’ Allemagne. J’expliquai que la presse hitlérienne me paraissait meilleu
512 enais de publier sur l’Allemagne. J’expliquai que la presse hitlérienne me paraissait meilleure que celle de France, parce
513 e que ses partis pris étaient connus et déclarés. Le directeur du journal en question censura cette partie de l’interview,
514 ur du journal en question censura cette partie de l’ interview, en vertu de la politique qu’on attribue par erreur à l’autr
515 censura cette partie de l’interview, en vertu de la politique qu’on attribue par erreur à l’autruche. Je suis certain qu’
516 vertu de la politique qu’on attribue par erreur à l’ autruche. Je suis certain qu’il avait tort, comme la suite l’a prouvé
517 autruche. Je suis certain qu’il avait tort, comme la suite l’a prouvé d’ailleurs. Le directeur de Carrefour admettra-t-il
518 Je suis certain qu’il avait tort, comme la suite l’ a prouvé d’ailleurs. Le directeur de Carrefour admettra-t-il que je ré
519 avait tort, comme la suite l’a prouvé d’ailleurs. Le directeur de Carrefour admettra-t-il que je récidive, à propos cette
520 a-t-il que je récidive, à propos cette fois-ci de l’ exemple américain ? Exposé de points de vue contradictoires Les g
521 in ? Exposé de points de vue contradictoires Les grands journaux américains admettent dans leurs colonnes l’exposé de
522 journaux américains admettent dans leurs colonnes l’ exposé de points de vue contradictoires, et je précise : ils l’admette
523 oints de vue contradictoires, et je précise : ils l’ admettent justement à l’occasion des débats les plus graves et les plu
524 ires, et je précise : ils l’admettent justement à l’ occasion des débats les plus graves et les plus passionnés, tels que c
525 ils l’admettent justement à l’occasion des débats les plus graves et les plus passionnés, tels que ceux que provoquent une
526 tement à l’occasion des débats les plus graves et les plus passionnés, tels que ceux que provoquent une période de grèves,
527 ls que ceux que provoquent une période de grèves, le renvoi bruyant d’un ministre, ou même d’une élection présidentielle.
528 tre monde du xxe siècle verrait-on un journal de l’ importance du New York Times donner une page entière au discours de so
529 rd, au discours de son adversaire ? Cependant que l’ éditorial commente en termes mesurés les mérites respectifs des person
530 endant que l’éditorial commente en termes mesurés les mérites respectifs des personnes en présence ? Et s’il s’agit d’une g
531 le qui vient d’interrompre pendant plusieurs mois la production de la General Motors, vous trouverez tous les jours les po
532 terrompre pendant plusieurs mois la production de la General Motors, vous trouverez tous les jours les points de vue affro
533 duction de la General Motors, vous trouverez tous les jours les points de vue affrontés du patronat et de l’union syndicale
534 la General Motors, vous trouverez tous les jours les points de vue affrontés du patronat et de l’union syndicale, dont les
535 urs les points de vue affrontés du patronat et de l’ union syndicale, dont les déclarations officielles seront citées in ex
536 frontés du patronat et de l’union syndicale, dont les déclarations officielles seront citées in extenso. Pas de polémiqu
537 Pas de polémique contre un autre journal Ainsi la controverse réelle est exposée, pièces à l’appui, devant le lecteur.
538 Ainsi la controverse réelle est exposée, pièces à l’ appui, devant le lecteur. Mais ce que vous ne verrez jamais, dans ce m
539 erse réelle est exposée, pièces à l’appui, devant le lecteur. Mais ce que vous ne verrez jamais, dans ce même journal, c’e
540 important. En France, il arrive trop souvent que le débat réel reste mal défini, les positions des parties en présence n’
541 trop souvent que le débat réel reste mal défini, les positions des parties en présence n’ayant pas été déclarées dans les
542 arties en présence n’ayant pas été déclarées dans les termes exacts où elles s’arrêtent. Ce que l’on trouve dans son journa
543 ans les termes exacts où elles s’arrêtent. Ce que l’ on trouve dans son journal, c’est un débat à propos d’un débat. C’est
544 ntradictoires, mais trop exactement prévus — sous la rubrique revue de la presse — au sujet d’un problème qui, semble-t-il
545 rop exactement prévus — sous la rubrique revue de la presse — au sujet d’un problème qui, semble-t-il, importe moins en so
546 le-t-il, importe moins en soi que ce qu’en disent les partis. Ainsi l’on peut « causer » à l’infini, mais sans trop de chan
547 oins en soi que ce qu’en disent les partis. Ainsi l’ on peut « causer » à l’infini, mais sans trop de chances de se former
548 n disent les partis. Ainsi l’on peut « causer » à l’ infini, mais sans trop de chances de se former une opinion plausible o
549 , mais l’un est radical et l’autre communiste, je le savais bien, parbleu ! comme dirait Gide. Et je savais que quel que f
550 comme dirait Gide. Et je savais que quel que fût le problème posé, ils resteraient attachés « indéfectiblement », comme d
551 , comme des moules, à leurs vieux principes. Mais le problème subsiste et je voudrais qu’on me dise comment le résoudre pr
552 ème subsiste et je voudrais qu’on me dise comment le résoudre pratiquement. Au lieu de quoi Tartempion me ressasse que Dur
553 lait-on ? Qu’allons-nous faire ? Ce n’est pas que les journaux américains craignent la discussion violente, la dénonciation
554 e n’est pas que les journaux américains craignent la discussion violente, la dénonciation personnelle ou le scandale. Quan
555 naux américains craignent la discussion violente, la dénonciation personnelle ou le scandale. Quand ils s’y lancent, ils n
556 scussion violente, la dénonciation personnelle ou le scandale. Quand ils s’y lancent, ils n’y vont pas de main morte. Mais
557 e main morte. Mais leur objectif principal, ou si l’ on veut, leur arme favorite, reste l’information toute nue, ou presque
558 cipal, ou si l’on veut, leur arme favorite, reste l’ information toute nue, ou presque. Sur trente-deux pages de leur éditi
559 ur trente-deux pages de leur édition quotidienne, le Times ou le Tribune consacrent à peu près deux tiers de page à leurs
560 ux pages de leur édition quotidienne, le Times ou le Tribune consacrent à peu près deux tiers de page à leurs éditoriaux,
561 près deux tiers de page à leurs éditoriaux, dont la moitié traite de ce qui se passe dans tel pays de l’Amérique du Sud o
562 moitié traite de ce qui se passe dans tel pays de l’ Amérique du Sud ou de l’Europe. Le reste du journal se compose de dépê
563 se passe dans tel pays de l’Amérique du Sud ou de l’ Europe. Le reste du journal se compose de dépêches d’agences, récrites
564 ans tel pays de l’Amérique du Sud ou de l’Europe. Le reste du journal se compose de dépêches d’agences, récrites et délayé
565 taires ou « colonnes syndiquées » (qui paraissent le même jour dans vingt autres journaux) ; et des rubriques régulières :
566 ivres, théâtre, correspondance, jardin, etc. Mais le fait est qu’une dépêche de Paris, par un correspondant américain, qui
567 prend davantage sur ce qui se passe en France que la lecture de dix journaux français. Tous les Français, qui viennent ici
568 nce que la lecture de dix journaux français. Tous les Français, qui viennent ici, en tombent d’accord. New York a neuf j
569 cord. New York a neuf journaux, Paris en a… Le correspondant-américain-à-l’étranger est une espèce humaine bien défi
570 à-l’étranger est une espèce humaine bien définie. Le grand reporter français cherche à expliquer, il tend à l’essai. Le co
571 reporter français cherche à expliquer, il tend à l’ essai. Le correspondant américain cherche à faire voir, il tend au rom
572 français cherche à expliquer, il tend à l’essai. Le correspondant américain cherche à faire voir, il tend au roman. Sa gl
573 cain, en plus des problèmes d’un grand quotidien, le problème d’une volumineuse revue de vulgarisation. Ce qui suppose un
574 major et un personnel gigantesques, spécialisés à l’ infini ; des pages de publicité aussi chères qu’abondantes ; ou un pro
575 aux dollars inépuisables. Ce qui s’oppose enfin à la multiplication des journaux. New York, pour sept millions d’habitants
576 seule liasse, tout juste un numéro du Times, pour le volume de mots imprimés. Deux pages pour la religion, pas de roman
577 ur le volume de mots imprimés. Deux pages pour la religion, pas de roman-feuilleton Trois remarques au sujet des rub
578 ulières. Celle des sports, contrairement à ce que l’ on attendrait, ne tient pas plus de place que dans la presse française
579 n attendrait, ne tient pas plus de place que dans la presse française. Par contre, celle de la religion, qui n’existe aucu
580 ue dans la presse française. Par contre, celle de la religion, qui n’existe aucunement en France, occupe souvent deux page
581 pages entières. Enfin, vous ne trouverez pas dans les journaux américains cet héritage inexcusable de la presse du siècle d
582 s journaux américains cet héritage inexcusable de la presse du siècle dernier, que nous appelons le roman-feuilleton, et q
583 de la presse du siècle dernier, que nous appelons le roman-feuilleton, et que je vois encore, en pleine période de disette
584 en pleine période de disette de papier, encombrer le tiers de la seconde et dernière page de plusieurs journaux parisiens.
585 et dernière page de plusieurs journaux parisiens. Le censeur astucieux, possédé par l’idée d’empêcher le peuple de savoir
586 naux parisiens. Le censeur astucieux, possédé par l’ idée d’empêcher le peuple de savoir ce qui se passe, n’eût pas trouvé
587 censeur astucieux, possédé par l’idée d’empêcher le peuple de savoir ce qui se passe, n’eût pas trouvé de meilleur expédi
588 ’ont pas de pain, qu’ils mangent des brioches ! » Le siècle est en révolution, l’Europe en ruine, la France en crise pour
589 ent des brioches ! » Le siècle est en révolution, l’ Europe en ruine, la France en crise pour dire le moins, c’est bien le
590 » Le siècle est en révolution, l’Europe en ruine, la France en crise pour dire le moins, c’est bien le moment de lire Paul
591 , l’Europe en ruine, la France en crise pour dire le moins, c’est bien le moment de lire Paul de Kock… Des moyens d’inf
592 la France en crise pour dire le moins, c’est bien le moment de lire Paul de Kock… Des moyens d’information dignes de ce
593 … Des moyens d’information dignes de ce nom La France possède, depuis la guerre, un ministère de l’Information, dont
594 ion dignes de ce nom La France possède, depuis la guerre, un ministère de l’Information, dont jusqu’à plus ample inform
595 France possède, depuis la guerre, un ministère de l’ Information, dont jusqu’à plus ample informé, je ne mettrai pas en dou
596 ’à plus ample informé, je ne mettrai pas en doute l’ utilité. Mais elle ne possède pas d’organes d’information dignes du no
597 l esprit, un nouveau sens des devoirs civiques de la presse, une école de reportage, un journal type… et surtout des campa
598 . Je me permettrais, dans ce cas, de lui suggérer le modèle du Christian Science Monitor, du New York Times ou du Herald T
599 une. Ce sont ces grands journaux que j’avais dans l’ esprit en écrivant ce qui précède. J’ai préféré ne point parler de la
600 t ce qui précède. J’ai préféré ne point parler de la « presse Hearst » et des journaux de McCormick, qui règnent sur le Mi
601 t » et des journaux de McCormick, qui règnent sur le Middle West, et dont les tares les plus connues sont la brutalité de
602 cCormick, qui règnent sur le Middle West, et dont les tares les plus connues sont la brutalité de langage, la haine posthum
603 qui règnent sur le Middle West, et dont les tares les plus connues sont la brutalité de langage, la haine posthume de Roose
604 dle West, et dont les tares les plus connues sont la brutalité de langage, la haine posthume de Roosevelt, l’isolationnism
605 es les plus connues sont la brutalité de langage, la haine posthume de Roosevelt, l’isolationnisme impénitent, le racisme
606 alité de langage, la haine posthume de Roosevelt, l’ isolationnisme impénitent, le racisme et le préjugé antieuropéen. Tout
607 sthume de Roosevelt, l’isolationnisme impénitent, le racisme et le préjugé antieuropéen. Toutes les comparaisons du genre
608 evelt, l’isolationnisme impénitent, le racisme et le préjugé antieuropéen. Toutes les comparaisons du genre de celles que
609 nt, le racisme et le préjugé antieuropéen. Toutes les comparaisons du genre de celles que je viens d’esquisser courent le r
610 genre de celles que je viens d’esquisser courent le risque d’opposer le meilleur d’un des termes à la moyenne ou même au
611 je viens d’esquisser courent le risque d’opposer le meilleur d’un des termes à la moyenne ou même au pire de l’autre. Il
612 le risque d’opposer le meilleur d’un des termes à la moyenne ou même au pire de l’autre. Il resterait à opposer la tenue l
613 u même au pire de l’autre. Il resterait à opposer la tenue littéraire, mettons du Figaro à la vulgarité totale du Journa
614 pposer la tenue littéraire, mettons du Figaro à la vulgarité totale du Journal and American. Mais il est difficile d’êtr
615 ugemont Denis de, « Deux presses, deux méthodes : l’ Américain expose, le Français explique », Carrefour, Paris, 4 avril 19
616 Deux presses, deux méthodes : l’Américain expose, le Français explique », Carrefour, Paris, 4 avril 1946, p. 1. f. Texte
617 , Paris, 4 avril 1946, p. 1. f. Texte précédé de la note suivante : « La volonté objective de Carrefour se manifeste, une
618 , p. 1. f. Texte précédé de la note suivante : «  La volonté objective de Carrefour se manifeste, une fois de plus, en fac
619 en facilitant à un de nos compatriotes qui vit à l’ étranger, la possibilité de s’exprimer librement sur l’un des problème
620 nt à un de nos compatriotes qui vit à l’étranger, la possibilité de s’exprimer librement sur l’un des problèmes les plus b
621 té de s’exprimer librement sur l’un des problèmes les plus brûlants de l’heure : celui de la mission de la presse. »
622 ement sur l’un des problèmes les plus brûlants de l’ heure : celui de la mission de la presse. »
623 problèmes les plus brûlants de l’heure : celui de la mission de la presse. »
624 plus brûlants de l’heure : celui de la mission de la presse. »
6 1946, Carrefour, articles (1945–1947). Une bureaucratie sans ronds-de-cuir (23 mai 1946)
625 ucratie sans ronds-de-cuir (23 mai 1946)g Dans le même numéro de magazine où l’on peut lire sous la plume d’un fermier
626 mai 1946)g Dans le même numéro de magazine où l’ on peut lire sous la plume d’un fermier du Middlewest que l’Amérique e
627 le même numéro de magazine où l’on peut lire sous la plume d’un fermier du Middlewest que l’Amérique est le seul pays déce
628 lire sous la plume d’un fermier du Middlewest que l’ Amérique est le seul pays décent au monde, et qu’un agent d’assurances
629 ume d’un fermier du Middlewest que l’Amérique est le seul pays décent au monde, et qu’un agent d’assurances du Connecticut
630 ’elle jouit d’un gouvernement pratiquement idéal, le Contrôleur général des États-Unis écrit de son côté : « Notre gouvern
631 travail consiste, nous explique-t-il, à maintenir les agences de l’État dans les limites de leurs prérogatives et de leur b
632 e, nous explique-t-il, à maintenir les agences de l’ État dans les limites de leurs prérogatives et de leur budget particul
633 ique-t-il, à maintenir les agences de l’État dans les limites de leurs prérogatives et de leur budget particulier, mais il
634 ais il avoue que c’est une tâche impossible. Dans le domaine des transports, par exemple, soixante-quinze bureaux différen
635 iques, et se battent entre eux. Depuis douze ans, les chambres ont nommé neuf comités successifs pour étudier cette situati
636 le qu’un dixième comité ait pour objet d’examiner l’ activité des neuf premiers. On nommera un Board national, chargé de co
637 sé de quelques initiales pour initiés. Après quoi le Sénat fera comparaître, pour de longues séances d’enquêtes, les respo
638 comparaître, pour de longues séances d’enquêtes, les responsables de ce board. Et ainsi de suite, jusqu’à ce que le présid
639 es de ce board. Et ainsi de suite, jusqu’à ce que le président, ayant reçu cent-mille lettres de protestation, décide que
640 çu cent-mille lettres de protestation, décide que les transports doivent transporter, avant même de faire vivre leurs burea
641 vre leurs bureaux, et nomme un tsar qui supervise le tout, avec pouvoirs dictatoriaux. Le « tsar » est un « businessman 
642 supervise le tout, avec pouvoirs dictatoriaux. Le « tsar » est un « businessman » Ce tsar ne sera pas choisi parmi l
643 businessman » Ce tsar ne sera pas choisi parmi la troupe des politiciens sans emploi ou des anciens ministres de n’impo
644 rte quoi. Il sera plutôt un homme d’affaires dans la quarantaine, le vice-président d’une chaîne de Prisunics, le directeu
645 a plutôt un homme d’affaires dans la quarantaine, le vice-président d’une chaîne de Prisunics, le directeur technique d’un
646 ine, le vice-président d’une chaîne de Prisunics, le directeur technique d’un trust industriel, le secrétaire d’un des gra
647 cs, le directeur technique d’un trust industriel, le secrétaire d’un des grands syndicats, ou bien un professeur d’économi
648 ur d’économie. On lui fera beaucoup de publicité. Les journaux donneront le chiffre de ses revenus anciens et celui de son
649 era beaucoup de publicité. Les journaux donneront le chiffre de ses revenus anciens et celui de son nouveau salaire. Et pu
650 uveau salaire. Et puis en avant, et voyons ce que le coming man va nous sortir. S’il réussit, sa gloire sera grande pendan
651 dant plusieurs semaines au moins, à condition que la presse l’ait adopté. S’il rate, il sera vidé sans autres formes qu’un
652 eurs semaines au moins, à condition que la presse l’ ait adopté. S’il rate, il sera vidé sans autres formes qu’une lettre p
653 ettre personnelle du président, qu’il pourra lire le jour même dans le journal : « Mon cher Bill, au moment de me séparer
654 du président, qu’il pourra lire le jour même dans le journal : « Mon cher Bill, au moment de me séparer de vous, je tiens
655 e séparer de vous, je tiens à vous remercier pour les services (adjectif variable) que vous avez rendus à l’administration.
656 rvices (adjectif variable) que vous avez rendus à l’ administration. Les circonstances m’obligent, etc. Mais je serai toujo
657 ariable) que vous avez rendus à l’administration. Les circonstances m’obligent, etc. Mais je serai toujours heureux de pouv
658 on de salaire et de rang. Et c’est ainsi que dans le désordre éperdument organisé, la bureaucratie la plus coûteuse du mon
659 t ainsi que dans le désordre éperdument organisé, la bureaucratie la plus coûteuse du monde finit par jouer dans l’ensembl
660 le désordre éperdument organisé, la bureaucratie la plus coûteuse du monde finit par jouer dans l’ensemble, et obtient ce
661 ie la plus coûteuse du monde finit par jouer dans l’ ensemble, et obtient certains résultats dont la victoire sur les nazis
662 ns l’ensemble, et obtient certains résultats dont la victoire sur les nazis et le Japon n’est que le premier exemple qui m
663 t obtient certains résultats dont la victoire sur les nazis et le Japon n’est que le premier exemple qui me vienne à l’espr
664 tains résultats dont la victoire sur les nazis et le Japon n’est que le premier exemple qui me vienne à l’esprit. J’ai dit
665 apon n’est que le premier exemple qui me vienne à l’ esprit. J’ai dit désordre, parce que c’est de ce nom que l’on désigne
666 J’ai dit désordre, parce que c’est de ce nom que l’ on désigne ordinairement une situation dont notre esprit n’arrive pas
667 ais de désordre, mais seulement des complexités.) Le fait est que je n’imagine pas un seul de mes contemporains qui soit c
668 s qui soit capable d’embrasser dans une seule vue les rouages du gouvernement des États-Unis d’Amérique. Dans la jungle
669 u gouvernement des États-Unis d’Amérique. Dans la jungle administrative… Le président a plus de pouvoir qu’un roi, d
670 d’Amérique. Dans la jungle administrative… Le président a plus de pouvoir qu’un roi, dit-on. Mais ce n’est pas beau
671 ars. Mais il doit tenir compte, pour ce choix, de l’ équilibre des républicains, des démocrates du Sud, et du Travail, repr
672 démocrates du Sud, et du Travail, représenté par les trois chefs des syndicats les plus puissants ; il doit tenir compte d
673 ail, représenté par les trois chefs des syndicats les plus puissants ; il doit tenir compte des pressure groups de Washingt
674 t bureaux d’État indépendants des ministères ; de la Finance (bien qu’elle perde du terrain) ; enfin de l’opinion publique
675 inance (bien qu’elle perde du terrain) ; enfin de l’ opinion publique, car nous sommes en démocratie, et il faut bien que c
676 la se marque quelque part… et en quelque manière. Les agences d’État à initiales sont si nombreuses (quelques milliers) ; s
677 e crise) ; qu’il n’y a pas homme au monde qui ait le temps ou les moyens intellectuels de s’y retrouver : à peine y serait
678 u’il n’y a pas homme au monde qui ait le temps ou les moyens intellectuels de s’y retrouver : à peine y serait-il parvenu q
679 e s’y retrouver : à peine y serait-il parvenu que le tableau changerait en quelques jours. D’où la gabegie littéralement i
680 que le tableau changerait en quelques jours. D’où la gabegie littéralement indescriptible dont le Contrôleur général essai
681 D’où la gabegie littéralement indescriptible dont le Contrôleur général essaie de donner une idée dans le bref article que
682 Contrôleur général essaie de donner une idée dans le bref article que je citais : Prenez le problème du logement. Il y a
683 idée dans le bref article que je citais : Prenez le problème du logement. Il y a quelques années, devant un comité du Sén
684 l y a quelques années, devant un comité du Sénat, la question fut posée de savoir si quelqu’un au monde connaissait réelle
685 voir si quelqu’un au monde connaissait réellement le nombre des agences qui s’occupaient des logements. Depuis lors, on a
686 s, on a chargé une agence nationale de coordonner les travaux. Mais son administrateur déclare aujourd’hui que « des projet
687 éclare aujourd’hui que « des projets financés par le gouvernement fédéral ont été néanmoins mis en œuvre par au moins quin
688 œuvre par au moins quinze agences différentes ». Le même article m’apprend qu’un cinquième du territoire est propriété du
689 une douzaine de départements fédéraux qui se font la guerre, sans qu’il existe un seul centre capable de dresser l’inventa
690 ns qu’il existe un seul centre capable de dresser l’ inventaire de ce domaine gigantesque… Or, malgré tout, la machine tour
691 taire de ce domaine gigantesque… Or, malgré tout, la machine tourne. Les raisons de ce succès pratique me demeurent en par
692 gigantesque… Or, malgré tout, la machine tourne. Les raisons de ce succès pratique me demeurent en partie mystérieuses, ma
693 bles. … pas de fonctionnaires Tout d’abord, l’ Amérique ne possède pas d’école de fonctionnaires spécialisés. Elle ne
694 es Finances que de ronds-de-cuir de père en fils. Le personnel des bureaux gouvernementaux est sans cesse ventilé et renou
695 savent qu’ils peuvent être aisément révoqués, et l’ acceptent non moins aisément, en principe, car ils ont par ailleurs un
696 nt reprendre au premier jour. J’ai fait partie de la troupe et parle en connaissance de cause. L’Office d’information de g
697 e de la troupe et parle en connaissance de cause. L’ Office d’information de guerre (OWI) qui tenait le rang d’un ministère
698 L’Office d’information de guerre (OWI) qui tenait le rang d’un ministère, et où j’ai travaillé pendant près de deux ans, n
699 ’une infime minorité de fonctionnaires de métier. Le chef en fut d’abord un général, puis un commentateur de la radio. Il
700 n fut d’abord un général, puis un commentateur de la radio. Il avait sous ses ordres des écrivains, des journalistes, des
701 es. Cet exemple est courant, et c’est pourquoi je le donne. Si vous prenez, au lieu de l’OWI, le NWLB ou l’OPA, il suffira
702 pourquoi je le donne. Si vous prenez, au lieu de l’ OWI, le NWLB ou l’OPA, il suffira de transposer écrivains en ingénieur
703 oi je le donne. Si vous prenez, au lieu de l’OWI, le NWLB ou l’OPA, il suffira de transposer écrivains en ingénieurs, jour
704 nne. Si vous prenez, au lieu de l’OWI, le NWLB ou l’ OPA, il suffira de transposer écrivains en ingénieurs, journalistes en
705 perts du travail ou du commerce. Tout cela change l’ air des bureaux, et l’esprit d’une bureaucratie, pour ceux qui en sont
706 commerce. Tout cela change l’air des bureaux, et l’ esprit d’une bureaucratie, pour ceux qui en sont comme pour les visite
707 ne bureaucratie, pour ceux qui en sont comme pour les visiteurs. La mer des paperasses rempart de la liberté ? Mais j
708 our ceux qui en sont comme pour les visiteurs. La mer des paperasses rempart de la liberté ? Mais je me pose tout de
709 es visiteurs. La mer des paperasses rempart de la liberté ? Mais je me pose tout de même la question de l’avenir des
710 t de la liberté ? Mais je me pose tout de même la question de l’avenir des démocraties, livrées à la fatalité incontrôl
711  ? Mais je me pose tout de même la question de l’ avenir des démocraties, livrées à la fatalité incontrôlable des agence
712 a question de l’avenir des démocraties, livrées à la fatalité incontrôlable des agences. Finirons-nous tous fonctionnaires
713 des agences. Finirons-nous tous fonctionnaires ? La société entière se transformera-t-elle en un cauchemar de statistique
714 des bureaux passera son temps à faire enquête sur les activités de l’autre moitié, qui elle-même consacrera le plus clair d
715 vités de l’autre moitié, qui elle-même consacrera le plus clair de son temps à rédiger de longs rapports prouvant qu’elle
716 n : car c’est, en fait, par très peu d’hommes que les choses marchent. Alors un être d’exception, comme vous ou moi, se dem
717 ectuel ou de désespoir balayant tout scrupule, si l’ on ne pourrait pas faire sans nul dommage l’économie de la machine ent
718 e, si l’on ne pourrait pas faire sans nul dommage l’ économie de la machine entière ? La raison lui répondra oui. L’expérie
719 pourrait pas faire sans nul dommage l’économie de la machine entière ? La raison lui répondra oui. L’expérience lui répond
720 ns nul dommage l’économie de la machine entière ? La raison lui répondra oui. L’expérience lui répondra non. Car s’il n’y
721 la machine entière ? La raison lui répondra oui. L’ expérience lui répondra non. Car s’il n’y avait plus de grands bureaux
722 deviendraient responsables… Facilement désignés à la vindicte publique, ils n’auraient plus de choix qu’entre la démission
723 e publique, ils n’auraient plus de choix qu’entre la démission et la tyrannie déclarée. Les bureaux à l’américaine semblen
724 n’auraient plus de choix qu’entre la démission et la tyrannie déclarée. Les bureaux à l’américaine semblent avoir été créé
725 ix qu’entre la démission et la tyrannie déclarée. Les bureaux à l’américaine semblent avoir été créés pour épargner aux gou
726 démission et la tyrannie déclarée. Les bureaux à l’ américaine semblent avoir été créés pour épargner aux gouvernants cett
727 aux gouvernants cette tragédie. Évitant à la fois le Charybde de la routine inefficace et le Scylla du pouvoir personnel,
728 cette tragédie. Évitant à la fois le Charybde de la routine inefficace et le Scylla du pouvoir personnel, ils choisissent
729 à la fois le Charybde de la routine inefficace et le Scylla du pouvoir personnel, ils choisissent le naufrage commun dans
730 t le Scylla du pouvoir personnel, ils choisissent le naufrage commun dans le détroit des Délais ou la mer des paperasses,
731 ersonnel, ils choisissent le naufrage commun dans le détroit des Délais ou la mer des paperasses, aux frais de l’État qui
732 le naufrage commun dans le détroit des Délais ou la mer des paperasses, aux frais de l’État qui payera l’assurance. Et c’
733 des Délais ou la mer des paperasses, aux frais de l’ État qui payera l’assurance. Et c’est la sagesse politique, au siècle
734 er des paperasses, aux frais de l’État qui payera l’ assurance. Et c’est la sagesse politique, au siècle du collectivisme.
735 frais de l’État qui payera l’assurance. Et c’est la sagesse politique, au siècle du collectivisme. g. Rougemont Denis
7 1946, Carrefour, articles (1945–1947). L’Amérique est-elle nationaliste ? (29 août 1946)
736 L’ Amérique est-elle nationaliste ? (29 août 1946)h Vont-ils devenir n
737 manière des Européens ? C’est, à mon sens, toute la question. Lorsque nous parlons d’impérialisme, en Europe, nous penson
738 ominer affirmée par un chef au nom de sa nation : les Allemands sous Hitler, les Français sous Louis XIV et sous Napoléon,
739 au nom de sa nation : les Allemands sous Hitler, les Français sous Louis XIV et sous Napoléon, les Italiens sous Mussolini
740 er, les Français sous Louis XIV et sous Napoléon, les Italiens sous Mussolini. Les Américains n’ont pas de chefs de cette e
741 IV et sous Napoléon, les Italiens sous Mussolini. Les Américains n’ont pas de chefs de cette espèce. Mais l’opinion publiqu
742 éricains n’ont pas de chefs de cette espèce. Mais l’ opinion publique, chez eux, en tient la place. Se pourrait-il qu’un jo
743 pèce. Mais l’opinion publique, chez eux, en tient la place. Se pourrait-il qu’un jour prochain, cette opinion publique, re
744 ne ? Et qu’elle décidât d’imposer au monde entier la loi yankee ? Il faudrait tout d’abord que l’Amérique se formât une co
745 tier la loi yankee ? Il faudrait tout d’abord que l’ Amérique se formât une conscience nationale. Le phénomène est-il proba
746 ue l’Amérique se formât une conscience nationale. Le phénomène est-il probable ? Et s’il l’est, devons-nous le redouter ?
747 nationale. Le phénomène est-il probable ? Et s’il l’ est, devons-nous le redouter ? Je répondrai que le phénomène est non s
748 mène est-il probable ? Et s’il l’est, devons-nous le redouter ? Je répondrai que le phénomène est non seulement probable,
749 l’est, devons-nous le redouter ? Je répondrai que le phénomène est non seulement probable, mais en train de s’accomplir so
750 ’elle se heurte à des voisins organisés. Or c’est le cas de l’Amérique, virtuellement, depuis que sa mouvante frontier a r
751 eurte à des voisins organisés. Or c’est le cas de l’ Amérique, virtuellement, depuis que sa mouvante frontier a rejoint ses
752 aient être deux océans au-delà desquels régnaient le Japon et l’Europe ; et deux territoires géographiquement américains,
753 eux océans au-delà desquels régnaient le Japon et l’ Europe ; et deux territoires géographiquement américains, mais histori
754 , mais historiquement étrangers au génie yankee : le Mexique latin, le Canada britannique et français. Couronnant le tout,
755 ent étrangers au génie yankee : le Mexique latin, le Canada britannique et français. Couronnant le tout, voici que le mond
756 in, le Canada britannique et français. Couronnant le tout, voici que le monde germanique vient déclarer la guerre aux État
757 nnique et français. Couronnant le tout, voici que le monde germanique vient déclarer la guerre aux États-Unis, puis que le
758 out, voici que le monde germanique vient déclarer la guerre aux États-Unis, puis que le monde russe, provisoirement allié,
759 vient déclarer la guerre aux États-Unis, puis que le monde russe, provisoirement allié, entre en concurrence déclarée avec
760 irement allié, entre en concurrence déclarée avec la production américaine et l’idéal démocratique d’un Roosevelt. L’Améri
761 urrence déclarée avec la production américaine et l’ idéal démocratique d’un Roosevelt. L’Amérique atteignant ses limites s
762 méricaine et l’idéal démocratique d’un Roosevelt. L’ Amérique atteignant ses limites se voit donc subitement confrontée non
763 es déserts, ses émigrés et ses Indiens, mais avec le monde entier organisé en groupes solides ; de plus, on lui a déclaré
764 sé en groupes solides ; de plus, on lui a déclaré la guerre, comme pour mieux marquer le coup ; et, de plus, elle l’a gagn
765 lui a déclaré la guerre, comme pour mieux marquer le coup ; et, de plus, elle l’a gagnée avec une arme qu’elle se trouve s
766 me pour mieux marquer le coup ; et, de plus, elle l’ a gagnée avec une arme qu’elle se trouve seule à posséder pour le mome
767 une arme qu’elle se trouve seule à posséder pour le moment. Voilà bien des raisons de prendre conscience de soi, en tant
768 cela comporte d’orgueil et de volonté de régenter le monde, puisqu’on est au surplus victorieux et tout-puissants du premi
769 européen ait remporté des triomphes de cet ordre. La terre entière aurait de quoi trembler. Mais il ne s’agit pas d’une na
770 rembler. Mais il ne s’agit pas d’une nation comme les autres. Je voudrais, pour vous le faire sentir, prendre un exemple au
771 e nation comme les autres. Je voudrais, pour vous le faire sentir, prendre un exemple au langage quotidien de l’Amérique.
772 entir, prendre un exemple au langage quotidien de l’ Amérique. Lorsqu’un citoyen des États-Unis désapprouve une certaine ac
773 cain. » Nationalisme, direz-vous. Oui, mais pas à la manière européenne. La phrase veut dire : cette opinion ou cette acti
774 irez-vous. Oui, mais pas à la manière européenne. La phrase veut dire : cette opinion ou cette action ne va pas dans le se
775 re : cette opinion ou cette action ne va pas dans le sens de l’idéal commun vers quoi tendent les Américains, et qui les f
776 opinion ou cette action ne va pas dans le sens de l’ idéal commun vers quoi tendent les Américains, et qui les fait devenir
777 dans le sens de l’idéal commun vers quoi tendent les Américains, et qui les fait devenir vraiment Américains, quelles que
778 l commun vers quoi tendent les Américains, et qui les fait devenir vraiment Américains, quelles que soient, par ailleurs, l
779 rs origines. On ne se réfère pas au passé, mais à l’ avenir. On n’invoque pas la tradition, mais l’utopie. On pense moins a
780 e pas au passé, mais à l’avenir. On n’invoque pas la tradition, mais l’utopie. On pense moins aux ancêtres qu’aux descenda
781 s à l’avenir. On n’invoque pas la tradition, mais l’ utopie. On pense moins aux ancêtres qu’aux descendants, considérés d’a
782 Voilà donc un nationalisme « ouvert » et pour qui la nation est en avant dans un élan, un rêve, une liberté future. Non pa
783 e liberté future. Non pas comme chez Maurras dans le passé, comme chez Barrès dans la terre et les morts, ou comme chez Ro
784 hez Maurras dans le passé, comme chez Barrès dans la terre et les morts, ou comme chez Rosenberg dans le sang et le sol. C
785 dans le passé, comme chez Barrès dans la terre et les morts, ou comme chez Rosenberg dans le sang et le sol. Ce qu’il y a d
786 terre et les morts, ou comme chez Rosenberg dans le sang et le sol. Ce qu’il y a de répugnant dans le nationalisme europé
787 es morts, ou comme chez Rosenberg dans le sang et le sol. Ce qu’il y a de répugnant dans le nationalisme européen, c’est q
788 le sang et le sol. Ce qu’il y a de répugnant dans le nationalisme européen, c’est que l’on y sent une volonté de resserrem
789 épugnant dans le nationalisme européen, c’est que l’ on y sent une volonté de resserrement, une soif d’imposer au voisin se
790 limitations traditionnelles et de lui faire subir la loi d’un village qui n’est pas le sien. Au contraire, ce qu’il y a de
791 ien. Au contraire, ce qu’il y a de rassurant dans le nationalisme américain, c’est qu’on y sent une volonté d’élargissemen
792 é d’élargissement, une soif de proposer au voisin les moyens de libération qu’on vient de découvrir pour son compte et qui
793 pte et qui seront bien plus efficaces appliqués à l’ échelle mondiale. Ici, l’impérialisme américain vient se confondre, pr
794 us efficaces appliqués à l’échelle mondiale. Ici, l’ impérialisme américain vient se confondre, pratiquement, avec le rêve
795 américain vient se confondre, pratiquement, avec le rêve d’une communion planétaire dans la même liberté. Ils ont envie d
796 ent, avec le rêve d’une communion planétaire dans la même liberté. Ils ont envie d’ouvrir le monde à leur jeunesse, non pa
797 aire dans la même liberté. Ils ont envie d’ouvrir le monde à leur jeunesse, non pas de refermer sur lui leurs serres. Ils
798 en entendu) se sentira plus en sécurité et plus à l’ aise. Je pense aux Russes. Je vous laisse comparer. Chacun ses goûts.
799 . Je me borne à marquer une différence capitale : l’ Américain n’insiste pas quand on ne l’aime pas — comme en Europe — ou
800 capitale : l’Américain n’insiste pas quand on ne l’ aime pas — comme en Europe — ou simplement quand on peut faire sans lu
801 t quand on peut faire sans lui, comme on vient de le voir aux Philippines. J’entends d’ici nos méfiants à moustaches et à
802 d’ici nos méfiants à moustaches et à col dur : «  Le commerce américain va nous submerger et détruire nos coutumes d’écono
803 nne ; on achètera nos âmes avec des frigidaires ; la sottise humanitaire enlisera nos élans spirituels ; nous serons noyés
804 ns noyés par une civilisation qui ne respecte que la quantité ; le dollar sera roi, etc. » Toutes ces méfiances sont sans
805 ne civilisation qui ne respecte que la quantité ; le dollar sera roi, etc. » Toutes ces méfiances sont sans fondements, to
806 gidaires, ce sera notre faute et non pas celle de l’ industrie américaine qui aura mis dans un coin de nos cuisines ces app
807 oin de nos cuisines ces appareils où tout respire l’ innocence et ronronne l’hygiène. Ceux qui voient dans le frigidaire un
808 appareils où tout respire l’innocence et ronronne l’ hygiène. Ceux qui voient dans le frigidaire une menace pour leur civil
809 cence et ronronne l’hygiène. Ceux qui voient dans le frigidaire une menace pour leur civilisation semblent avouer par là q
810 , qu’elle « sent » déjà. Il est grand temps qu’on la mette dans la glace. De même, le commerce américain ne peut nous subm
811 nt » déjà. Il est grand temps qu’on la mette dans la glace. De même, le commerce américain ne peut nous submerger qu’au mo
812 rand temps qu’on la mette dans la glace. De même, le commerce américain ne peut nous submerger qu’au moyen de produits que
813 tumes avares, ce sera tant mieux. De même encore, la « sottise humanitaire » des États-Unis nous a fait moins de mal, semb
814 Unis nous a fait moins de mal, semble-t-il, que «  l’ intelligence » inhumaine de certains chefs européens qui professaient
815 aine de certains chefs européens qui professaient le machiavélisme. De même enfin, si nous sommes un jour noyés par la qua
816 . De même enfin, si nous sommes un jour noyés par la quantité, ce ne sera pas la faute de la quantité, mais bien de l’abai
817 mes un jour noyés par la quantité, ce ne sera pas la faute de la quantité, mais bien de l’abaissement de notre qualité. En
818 noyés par la quantité, ce ne sera pas la faute de la quantité, mais bien de l’abaissement de notre qualité. En résumé, ce
819 ne sera pas la faute de la quantité, mais bien de l’ abaissement de notre qualité. En résumé, ce que l’on nomme en Europe «
820 l’abaissement de notre qualité. En résumé, ce que l’ on nomme en Europe « l’américanisme » n’est pas un danger américain, m
821 qualité. En résumé, ce que l’on nomme en Europe «  l’ américanisme » n’est pas un danger américain, mais européen. Je veux d
822 péen. Je veux dire par là que si un homme devient l’ esclave de son automobile, le blâme en retombe sur l’homme et non sur
823 si un homme devient l’esclave de son automobile, le blâme en retombe sur l’homme et non sur la machine. Car primo, on ne
824 sclave de son automobile, le blâme en retombe sur l’ homme et non sur la machine. Car primo, on ne l’a pas forcé à l’achete
825 obile, le blâme en retombe sur l’homme et non sur la machine. Car primo, on ne l’a pas forcé à l’acheter, et secundo, une
826 r l’homme et non sur la machine. Car primo, on ne l’ a pas forcé à l’acheter, et secundo, une fois l’automobile achetée, il
827 sur la machine. Car primo, on ne l’a pas forcé à l’ acheter, et secundo, une fois l’automobile achetée, il ne dépendait qu
828 e l’a pas forcé à l’acheter, et secundo, une fois l’ automobile achetée, il ne dépendait que de lui d’aller à pied quand ce
829 contradiction étrange. Il semble bien que ce sont les mêmes personnes qui vitupèrent l’impérialisme commercial de l’Amériqu
830 en que ce sont les mêmes personnes qui vitupèrent l’ impérialisme commercial de l’Amérique, d’une part, et qui se plaignent
831 onnes qui vitupèrent l’impérialisme commercial de l’ Amérique, d’une part, et qui se plaignent de ce que l’Amérique ne leur
832 érique, d’une part, et qui se plaignent de ce que l’ Amérique ne leur vende pas assez de blé, d’autre part. Quand l’Amériqu
833 leur vende pas assez de blé, d’autre part. Quand l’ Amérique envoie, on parle d’impérialisme ; quand elle n’envoie pas, on
834 sie puritaine. Et il arrive même trop souvent que l’ on parle des deux à la fois. Je voudrais insister sur ce point. Ceux q
835 ais insister sur ce point. Ceux qui se méfient de l’ Amérique, en Europe, l’accusent à la fois d’être là et, pour comble, d
836 nt. Ceux qui se méfient de l’Amérique, en Europe, l’ accusent à la fois d’être là et, pour comble, de n’être pas là. Quand
837 à. Quand elle fait une crise d’isolationnisme, on l’ accuse de myopie, d’inertie, d’incompréhension de la situation mondial
838 accuse de myopie, d’inertie, d’incompréhension de la situation mondiale et d’orgueil inqualifiable. Mais quand elle fait u
839 une crise d’idéalisme et qu’elle intervient dans les affaires d’Europe, comme en 1917 et en 1943, on l’accuse de se mêler
840 s affaires d’Europe, comme en 1917 et en 1943, on l’ accuse de se mêler de ce qu’elle ne peut comprendre. Ce qu’on voudrait
841 omprendre. Ce qu’on voudrait, en somme, c’est que les Américains interviennent quand les choses vont très mal — par notre f
842 mme, c’est que les Américains interviennent quand les choses vont très mal — par notre faute — et qu’ils vident les lieux e
843 ont très mal — par notre faute — et qu’ils vident les lieux en vitesse, comme des intrus et sans remerciements, dès qu’ils
844 ⁂ Autre exemple de cette même contradiction dans les jugements européens sur l’Amérique. On n’a pas épargné les critiques
845 me contradiction dans les jugements européens sur l’ Amérique. On n’a pas épargné les critiques à la politique d’occupation
846 ents européens sur l’Amérique. On n’a pas épargné les critiques à la politique d’occupation américaine en Allemagne : « Ils
847 ur l’Amérique. On n’a pas épargné les critiques à la politique d’occupation américaine en Allemagne : « Ils sont trop doux
848 t naïfs, ils ne comprennent rien aux problèmes de l’ Europe, de quoi se mêlent-ils ? » Intimidés, conscients d’avoir fait q
849 imidés, conscients d’avoir fait quelques gaffes à la Patton, les Américains donnent des signes de leur envie de s’en aller
850 scients d’avoir fait quelques gaffes à la Patton, les Américains donnent des signes de leur envie de s’en aller. Mais aussi
851 bien sûr, ils vont nous laisser seuls avec toute la charge de l’occupation sur les bras ! » Remarquons que les Russes ne
852 s vont nous laisser seuls avec toute la charge de l’ occupation sur les bras ! » Remarquons que les Russes ne prêtent pas l
853 er seuls avec toute la charge de l’occupation sur les bras ! » Remarquons que les Russes ne prêtent pas le flanc à des crit
854 e de l’occupation sur les bras ! » Remarquons que les Russes ne prêtent pas le flanc à des critiques de ce genre parce qu’i
855 bras ! » Remarquons que les Russes ne prêtent pas le flanc à des critiques de ce genre parce qu’ils ne publient rien, inte
856 genre parce qu’ils ne publient rien, interdisent les reportages, agissent en conquérants et claquent les portes dès que se
857 s reportages, agissent en conquérants et claquent les portes dès que se produit la moindre divergence. À ce propos, j’enten
858 uérants et claquent les portes dès que se produit la moindre divergence. À ce propos, j’entendais l’autre jour un diplomat
859 ais l’autre jour un diplomate américain parler de l’ attitude hostile des Soviétiques à l’égard de toutes les mesures propo
860 itude hostile des Soviétiques à l’égard de toutes les mesures proposées ou soutenues par son pays. — Ils sont bien maladroi
861 trecarrer, ils vont nous obliger à faire enfin de la politique étrangère dont nous n’avions naguère ni le goût ni le besoi
862 politique étrangère dont nous n’avions naguère ni le goût ni le besoin… ⁂ Prise entre ces reproches contradictoires d’isol
863 trangère dont nous n’avions naguère ni le goût ni le besoin… ⁂ Prise entre ces reproches contradictoires d’isolationnisme
864 ntradictoires d’isolationnisme et d’impérialisme, la politique américaine hésite parfois. D’autant plus qu’il existe bel e
865 radoxe symétrique de celui que je relevais tout à l’ heure. Cette timidité de la politique américaine me paraît beaucoup pl
866 que je relevais tout à l’heure. Cette timidité de la politique américaine me paraît beaucoup plus dangereuse pour l’Europe
867 méricaine me paraît beaucoup plus dangereuse pour l’ Europe que cet impérialisme qu’on redoute pour de mauvaises raisons ou
868 redoute pour de mauvaises raisons ou parce qu’on l’ assimile à des tendances européennes qui n’ont de commun avec lui que
869 nces européennes qui n’ont de commun avec lui que le nom. h. Rougemont Denis de, « L’Amérique est-elle nationaliste ? »
870 avec lui que le nom. h. Rougemont Denis de, «  L’ Amérique est-elle nationaliste ? », Carrefour, Paris, 26 août 1946, p.
8 1947, Carrefour, articles (1945–1947). L’art dirigé [Réponse à une enquête] (23 janvier 1947)
871 L’ art dirigé [Réponse à une enquête] (23 janvier 1947)i j 1° Si l’on
872 onse à une enquête] (23 janvier 1947)i j 1° Si l’ on nomme Art ce qui relève de la création — tandis que la production m
873 1947)i j 1° Si l’on nomme Art ce qui relève de la création — tandis que la production mécanique relève de l’imitation —
874 mme Art ce qui relève de la création — tandis que la production mécanique relève de l’imitation — il est clair qu’il ne pe
875 on — tandis que la production mécanique relève de l’ imitation — il est clair qu’il ne peut exister d’art dirigé, pas plus
876 ster d’art dirigé, pas plus qu’on ne peut prévoir l’ imprévisible. Ce que les communistes veulent diriger n’est pas l’art,
877 plus qu’on ne peut prévoir l’imprévisible. Ce que les communistes veulent diriger n’est pas l’art, mais la propagande et la
878 Ce que les communistes veulent diriger n’est pas l’ art, mais la propagande et la production de cartes postales en couleur
879 communistes veulent diriger n’est pas l’art, mais la propagande et la production de cartes postales en couleur. Ce qu’ils
880 nt diriger n’est pas l’art, mais la propagande et la production de cartes postales en couleur. Ce qu’ils appellent diriger
881 postales en couleur. Ce qu’ils appellent diriger l’ art, c’est d’une part exercer une censure (mais la censure des lettres
882 l’art, c’est d’une part exercer une censure (mais la censure des lettres n’a jamais prétendu « diriger » la correspondance
883 nsure des lettres n’a jamais prétendu « diriger » la correspondance) et d’autre part favoriser les artistes inscrits au pa
884 er » la correspondance) et d’autre part favoriser les artistes inscrits au parti. Or les lettres de cachet, les mesures de
885 part favoriser les artistes inscrits au parti. Or les lettres de cachet, les mesures de police, le favoritisme éhonté, la c
886 stes inscrits au parti. Or les lettres de cachet, les mesures de police, le favoritisme éhonté, la calomnie, la terreur, n’
887 Or les lettres de cachet, les mesures de police, le favoritisme éhonté, la calomnie, la terreur, n’ont rien à voir avec l
888 et, les mesures de police, le favoritisme éhonté, la calomnie, la terreur, n’ont rien à voir avec l’esthétique, ont tout à
889 es de police, le favoritisme éhonté, la calomnie, la terreur, n’ont rien à voir avec l’esthétique, ont tout à voir avec le
890 , la calomnie, la terreur, n’ont rien à voir avec l’ esthétique, ont tout à voir avec le fascisme. Dans les limites du réal
891 en à voir avec l’esthétique, ont tout à voir avec le fascisme. Dans les limites du réalisme préconisé par M. Aragon, Édoua
892 sthétique, ont tout à voir avec le fascisme. Dans les limites du réalisme préconisé par M. Aragon, Édouard Detaille peut s’
893 uard Detaille peut s’exprimer, Picasso non. 2° Si l’ artiste aujourd’hui se préoccupe d’être immédiatement accessible au pe
894 peuple, il faut qu’il se maintienne au niveau de la presse du savoir et de la radio (libres ou dirigées) et il cessera d’
895 maintienne au niveau de la presse du savoir et de la radio (libres ou dirigées) et il cessera d’être un artiste. Sinon, il
896 ique, ses sujets, et peu à peu son public : c’est l’ ambition romantique, c’est le destin de l’artiste individualiste, et c
897 u son public : c’est l’ambition romantique, c’est le destin de l’artiste individualiste, et c’est trop pour un homme. Il s
898 : c’est l’ambition romantique, c’est le destin de l’ artiste individualiste, et c’est trop pour un homme. Il s’agit pour no
899 es « communautés » véritables, au sein desquelles le langage retrouve un sens, les signes un pouvoir, l’opposition des rep
900 , au sein desquelles le langage retrouve un sens, les signes un pouvoir, l’opposition des repères, le progrès un but. Mais
901 langage retrouve un sens, les signes un pouvoir, l’ opposition des repères, le progrès un but. Mais cela remet en question
902 les signes un pouvoir, l’opposition des repères, le progrès un but. Mais cela remet en question toute notre culture, et d
903 stion toute notre culture, et derrière elle toute la structure sociale et la politique de l’époque. Je ne vois pas comment
904 e, et derrière elle toute la structure sociale et la politique de l’époque. Je ne vois pas comment un artiste pourrait s’e
905 lle toute la structure sociale et la politique de l’ époque. Je ne vois pas comment un artiste pourrait s’en désintéresser,
906 mment il pourrait ne point s’efforcer de modifier les structures existantes et d’en inventer de nouvelles, soit par son art
907 exprime une théologie et une métaphysique, qu’on le veuille et le sache, ou non. Je pense que cela va mieux en le sachant
908 héologie et une métaphysique, qu’on le veuille et le sache, ou non. Je pense que cela va mieux en le sachant. Mais les idé
909 t le sache, ou non. Je pense que cela va mieux en le sachant. Mais les idéologies politiques d’aujourd’hui sont aussi stér
910 n. Je pense que cela va mieux en le sachant. Mais les idéologies politiques d’aujourd’hui sont aussi stériles pour l’artist
911 politiques d’aujourd’hui sont aussi stériles pour l’ artiste que fureur féconde la théologie au Moyen Âge, la métaphysique
912 aussi stériles pour l’artiste que fureur féconde la théologie au Moyen Âge, la métaphysique au temps du romantisme allema
913 ste que fureur féconde la théologie au Moyen Âge, la métaphysique au temps du romantisme allemand. En fait, il ne s’agit p
914 i. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] L’ art dirigé », Carrefour, Paris, 23 janvier 1947, p. 6. j. L’enquête,
915 é », Carrefour, Paris, 23 janvier 1947, p. 6. j. L’ enquête, se rapportant aux controverses sur la liberté de l’art (ou so
916 j. L’enquête, se rapportant aux controverses sur la liberté de l’art (ou son absence) en URSS, comportait les trois quest
917 se rapportant aux controverses sur la liberté de l’ art (ou son absence) en URSS, comportait les trois questions suivantes
918 rté de l’art (ou son absence) en URSS, comportait les trois questions suivantes : « 1. L’artiste peut-il s’exprimer dans le
919 , comportait les trois questions suivantes : « 1.  L’ artiste peut-il s’exprimer dans les limites d’un art dirigé ? 2. Estim
920 uivantes : « 1. L’artiste peut-il s’exprimer dans les limites d’un art dirigé ? 2. Estimez-vous que l’artiste doive se préo
921 les limites d’un art dirigé ? 2. Estimez-vous que l’ artiste doive se préoccuper d’être immédiatement accessible au plus gr
922 mmédiatement accessible au plus grand nombre ? 3. L’ art peut-il être au service d’une idéologie ? »
9 1947, Carrefour, articles (1945–1947). Fédération ou dictature mondiale ? (9 avril 1947)
923 ent mondial viennent de fusionner pour constituer le « World Federalist Movement ». Cette ligue compte déjà 18 000 membres
924 nts. Plusieurs savants, chroniqueurs influents de la radio, magistrats et écrivains réputés, font partie de son comité. La
925 et écrivains réputés, font partie de son comité. La presse américaine en a beaucoup parlé et ne cesse de discuter le suje
926 caine en a beaucoup parlé et ne cesse de discuter le sujet. En Europe, au contraire, il m’apparaît que l’idée d’un gouvern
927 sujet. En Europe, au contraire, il m’apparaît que l’ idée d’un gouvernement mondial se heurte au scepticisme général, et mê
928 rte au scepticisme général, et même, pour peu que l’ on insiste, provoque une curieuse impatience. Examinons les objectifs
929 iste, provoque une curieuse impatience. Examinons les objectifs qu’on lui oppose couramment. Je trouve d’abord un réflexe d
930 iance facilement explicable : on voudrait écarter l’ idée en la qualifiant d’« utopie ». Bornons-nous à remarquer que cet a
931 lement explicable : on voudrait écarter l’idée en la qualifiant d’« utopie ». Bornons-nous à remarquer que cet argument a
932 s à remarquer que cet argument a contre lui toute l’ histoire de l’humanité, qui est l’histoire des utopies réalisées. Tout
933 que cet argument a contre lui toute l’histoire de l’ humanité, qui est l’histoire des utopies réalisées. Tout ce qui a comp
934 ontre lui toute l’histoire de l’humanité, qui est l’ histoire des utopies réalisées. Tout ce qui a compté, tout ce qui a ma
935 uement aujourd’hui, tout fut d’abord une utopie : le christianisme et l’aviation, le marxisme et l’utilisation de l’électr
936 tout fut d’abord une utopie : le christianisme et l’ aviation, le marxisme et l’utilisation de l’électricité, la découverte
937 bord une utopie : le christianisme et l’aviation, le marxisme et l’utilisation de l’électricité, la découverte de l’Amériq
938  : le christianisme et l’aviation, le marxisme et l’ utilisation de l’électricité, la découverte de l’Amérique et la transm
939 me et l’aviation, le marxisme et l’utilisation de l’ électricité, la découverte de l’Amérique et la transmission instantané
940 n, le marxisme et l’utilisation de l’électricité, la découverte de l’Amérique et la transmission instantanée de la parole
941 l’utilisation de l’électricité, la découverte de l’ Amérique et la transmission instantanée de la parole d’un continent à
942 de l’électricité, la découverte de l’Amérique et la transmission instantanée de la parole d’un continent à l’autre. Trait
943 e de l’Amérique et la transmission instantanée de la parole d’un continent à l’autre. Traiter une idée en utopie, c’est en
944 u de démasquer ses préjugés. Ensuite on dit que «  l’ humanité n’est pas prête pour un gouvernement mondial ». La timidité d
945 é n’est pas prête pour un gouvernement mondial ». La timidité d’esprit que cet argument trahit touche à la mauvaise foi. S
946 imidité d’esprit que cet argument trahit touche à la mauvaise foi. S’est-on jamais préoccupé de savoir si les peuples étai
947 vaise foi. S’est-on jamais préoccupé de savoir si les peuples étaient prêts pour la guerre, par exemple, et pour la mort en
948 ccupé de savoir si les peuples étaient prêts pour la guerre, par exemple, et pour la mort en grande série ? Ce qui est vra
949 taient prêts pour la guerre, par exemple, et pour la mort en grande série ? Ce qui est vrai, c’est qu’on les y prépare de
950 rt en grande série ? Ce qui est vrai, c’est qu’on les y prépare de force, quand on a décidé de faire la guerre. Mais pour q
951 es y prépare de force, quand on a décidé de faire la guerre. Mais pour quelle grande entreprise de l’histoire a-t-on jamai
952 la guerre. Mais pour quelle grande entreprise de l’ histoire a-t-on jamais demandé l’avis des peuples, et pourquoi furent-
953 de entreprise de l’histoire a-t-on jamais demandé l’ avis des peuples, et pourquoi furent-ils jamais prêts ? L’étaient-ils
954 es peuples, et pourquoi furent-ils jamais prêts ? L’ étaient-ils pour le christianisme ? Pour la terreur ? Pour le capitali
955 quoi furent-ils jamais prêts ? L’étaient-ils pour le christianisme ? Pour la terreur ? Pour le capitalisme ? Pour la bombe
956 rêts ? L’étaient-ils pour le christianisme ? Pour la terreur ? Pour le capitalisme ? Pour la bombe atomique ? S’ils avaien
957 ls pour le christianisme ? Pour la terreur ? Pour le capitalisme ? Pour la bombe atomique ? S’ils avaient été prêts pour l
958 me ? Pour la terreur ? Pour le capitalisme ? Pour la bombe atomique ? S’ils avaient été prêts pour l’une de ces grandes ca
959 eu de martyrs, ni de tyrans, ni d’adversaires de la Révolution, ni de socialisme, ni d’Histoire en général. L’argument es
960 tion, ni de socialisme, ni d’Histoire en général. L’ argument est au moins léger. De plus, il est inexact dans le cas parti
961 est au moins léger. De plus, il est inexact dans le cas particulier. Vous dites que les peuples ne sont pas prêts à accep
962 t inexact dans le cas particulier. Vous dites que les peuples ne sont pas prêts à accepter l’idée d’un gouvernement mondial
963 ites que les peuples ne sont pas prêts à accepter l’ idée d’un gouvernement mondial, mais qu’en savez-vous ? Le seul peuple
964 ’un gouvernement mondial, mais qu’en savez-vous ? Le seul peuple « sondé » à ce sujet, celui des États-Unis, a donné 67 %
965 y êtes hostile. Car autrement, au lieu de dire : les peuples ne sont pas prêts, donc le projet ne vaut rien, vous diriez :
966 ieu de dire : les peuples ne sont pas prêts, donc le projet ne vaut rien, vous diriez : le projet paraît juste et nécessai
967 prêts, donc le projet ne vaut rien, vous diriez : le projet paraît juste et nécessaire, donc il faut que les peuples se pr
968 ojet paraît juste et nécessaire, donc il faut que les peuples se préparent à le réaliser. Passons aux objections plus réali
969 aire, donc il faut que les peuples se préparent à le réaliser. Passons aux objections plus réalistes d’une réflexion qui a
970 flexion qui accepte au moins d’imaginer, avant de le rejeter, le projet qu’on propose. Elles se ramènent à deux types d’ar
971 accepte au moins d’imaginer, avant de le rejeter, le projet qu’on propose. Elles se ramènent à deux types d’argument : le
972 pose. Elles se ramènent à deux types d’argument : le gouvernement mondial serait impuissant, ou bien il serait trop puissa
973 nt, ou bien il serait trop puissant. À l’appui de la thèse de l’impuissance, on cite bien entendu l’échec de la Société de
974 il serait trop puissant. À l’appui de la thèse de l’ impuissance, on cite bien entendu l’échec de la Société des Nations, e
975 e la thèse de l’impuissance, on cite bien entendu l’ échec de la Société des Nations, et l’on rappelle qu’à chaque conflit
976 de l’impuissance, on cite bien entendu l’échec de la Société des Nations, et l’on rappelle qu’à chaque conflit sérieux les
977 ien entendu l’échec de la Société des Nations, et l’ on rappelle qu’à chaque conflit sérieux les nations se sont divisées s
978 ons, et l’on rappelle qu’à chaque conflit sérieux les nations se sont divisées suivant les lignes de force de la politique
979 flit sérieux les nations se sont divisées suivant les lignes de force de la politique ancienne ; les unes sont simplement s
980 s se sont divisées suivant les lignes de force de la politique ancienne ; les unes sont simplement sorties de la Ligue qui
981 nt les lignes de force de la politique ancienne ; les unes sont simplement sorties de la Ligue qui les condamnait, les autr
982 ue ancienne ; les unes sont simplement sorties de la Ligue qui les condamnait, les autres ont réagi bien moins en tant que
983 les unes sont simplement sorties de la Ligue qui les condamnait, les autres ont réagi bien moins en tant que membres de la
984 implement sorties de la Ligue qui les condamnait, les autres ont réagi bien moins en tant que membres de la Ligue qu’au nom
985 utres ont réagi bien moins en tant que membres de la Ligue qu’au nom de leurs intérêts individuels et de leurs alliances p
986 rticulières. Cet argument porte à coup sûr contre l’ ONU, mais non contre le gouvernement mondial. La faiblesse qu’on signa
987 nt porte à coup sûr contre l’ONU, mais non contre le gouvernement mondial. La faiblesse qu’on signale avait une cause préc
988 e l’ONU, mais non contre le gouvernement mondial. La faiblesse qu’on signale avait une cause précise dans le statut de la
989 blesse qu’on signale avait une cause précise dans le statut de la SDN, lequel sauvegardait avec soin la souveraineté absol
990 signale avait une cause précise dans le statut de la SDN, lequel sauvegardait avec soin la souveraineté absolue des nation
991 e statut de la SDN, lequel sauvegardait avec soin la souveraineté absolue des nations, source et condition même de toutes
992 e des nations, source et condition même de toutes les guerres modernes. Cette faiblesse taxe identiquement l’ONU, et c’est
993 rres modernes. Cette faiblesse taxe identiquement l’ ONU, et c’est précisément pour cette raison que beaucoup éprouvent l’u
994 cisément pour cette raison que beaucoup éprouvent l’ urgence d’un gouvernement mondial. Ce dernier, pour être effectif, ca
995 our être effectif, capable de prévenir ou de tuer les guerres, devrait être établi au-dessus des nations et aux dépens de l
996 t aux dépens de leur souveraineté. Il naîtrait de l’ abandon même, par les nations, de leurs prérogatives de droit divin. Q
997 souveraineté. Il naîtrait de l’abandon même, par les nations, de leurs prérogatives de droit divin. Qu’on ne dise pas que
998 tré la première impulsion organique dans ce sens. Le plan américain pour prendre le contrôle de la bombe atomique prévoit
999 ique dans ce sens. Le plan américain pour prendre le contrôle de la bombe atomique prévoit en effet un comité supranationa
1000 ns. Le plan américain pour prendre le contrôle de la bombe atomique prévoit en effet un comité supranational chargé d’insp
1001 comité supranational chargé d’inspecter dans tous les pays les usines et les laboratoires, et qui serait seul dépositaire d
1002 pranational chargé d’inspecter dans tous les pays les usines et les laboratoires, et qui serait seul dépositaire des secret
1003 argé d’inspecter dans tous les pays les usines et les laboratoires, et qui serait seul dépositaire des secrets de fabricati
1004 s secrets de fabrication actuellement détenus par les États-Unis. Or M. Gromyko, délégué de l’URSS s’est aussitôt opposé a
1005 us par les États-Unis. Or M. Gromyko, délégué de l’ URSS s’est aussitôt opposé au projet, pour la raison qu’il comportait
1006 é de l’URSS s’est aussitôt opposé au projet, pour la raison qu’il comportait « une atteinte aux souverainetés nationales »
1007 « une atteinte aux souverainetés nationales ». Et les Américains ont répondu que c’était bien là ce qu’ils voulaient. Cet i
1008 là ce qu’ils voulaient. Cet incident résume tout le problème. D’une part, il permet d’observer le processus de la naissan
1009 out le problème. D’une part, il permet d’observer le processus de la naissance d’un pouvoir mondial. D’autre part, il révè
1010 D’une part, il permet d’observer le processus de la naissance d’un pouvoir mondial. D’autre part, il révèle la vraie natu
1011 nce d’un pouvoir mondial. D’autre part, il révèle la vraie nature des forces qui s’y opposent : le nationalisme et l’espri
1012 èle la vraie nature des forces qui s’y opposent : le nationalisme et l’esprit totalitaire. Sur quoi les adversaires du gou
1013 des forces qui s’y opposent : le nationalisme et l’ esprit totalitaire. Sur quoi les adversaires du gouvernement mondial r
1014 le nationalisme et l’esprit totalitaire. Sur quoi les adversaires du gouvernement mondial renversent leurs batteries. Ils r
1015 nversent leurs batteries. Ils remarquaient tout à l’ heure avec raison qu’une ligue de gouvernants est par définition incap
1016 uvernants est par définition incapable d’empêcher la guerre, puisque dans un conflit éventuel les arbitres seraient en mêm
1017 êcher la guerre, puisque dans un conflit éventuel les arbitres seraient en même temps les chefs des États en conflit. Ils d
1018 flit éventuel les arbitres seraient en même temps les chefs des États en conflit. Ils déclarent maintenant qu’un pouvoir mo
1019 oir mondial indépendant de ces gouvernants, né de l’ abandon partiel des souverainetés nationales, et armé de la bombe atom
1020 partiel des souverainetés nationales, et armé de la bombe atomique, serait au contraire trop puissant. Et, en effet, on p
1021 ter qu’un tel pouvoir soit tenté d’imposer à tout le genre humain l’idéologie la plus répandue au moment où il se formerai
1022 uvoir soit tenté d’imposer à tout le genre humain l’ idéologie la plus répandue au moment où il se formerait. (Ce serait au
1023 enté d’imposer à tout le genre humain l’idéologie la plus répandue au moment où il se formerait. (Ce serait aujourd’hui, p
1024 sant sur une conception naïvement matérialiste de l’ homme.) Ainsi la paix mondiale ne serait établie qu’au prix d’une sort
1025 ception naïvement matérialiste de l’homme.) Ainsi la paix mondiale ne serait établie qu’au prix d’une sorte de paralysie d
1026 it établie qu’au prix d’une sorte de paralysie de l’ histoire, et d’un appauvrissement peut-être irréparable des perspectiv
1027 ssement peut-être irréparable des perspectives de l’ aventure humaine. Cette dernière objection me paraît seule sérieuse, v
1028 seule sérieuse, voire inquiétante, car tandis que les précédentes se bornaient à déclarer le problème insoluble, celle-ci l
1029 andis que les précédentes se bornaient à déclarer le problème insoluble, celle-ci le suppose résolu et tente d’évaluer la
1030 naient à déclarer le problème insoluble, celle-ci le suppose résolu et tente d’évaluer la situation qui en résulterait pro
1031 le, celle-ci le suppose résolu et tente d’évaluer la situation qui en résulterait probablement. Pour y répondre, il s’agir
1032 répondre, il s’agirait de considérer de plus près les modes d’élection du gouvernement mondial et les limites de son pouvoi
1033 s les modes d’élection du gouvernement mondial et les limites de son pouvoir. En effet, si les membres de l’exécutif mondia
1034 ndial et les limites de son pouvoir. En effet, si les membres de l’exécutif mondial étaient désignés par les gouvernements
1035 mites de son pouvoir. En effet, si les membres de l’ exécutif mondial étaient désignés par les gouvernements nationaux, on
1036 embres de l’exécutif mondial étaient désignés par les gouvernements nationaux, on retomberait soit dans l’impuissance d’une
1037 gouvernements nationaux, on retomberait soit dans l’ impuissance d’une ligue des nations, soit dans la dictature d’une idéo
1038 l’impuissance d’une ligue des nations, soit dans la dictature d’une idéologie majoritaire. Si au contraire ils étaient dé
1039 ritaire. Si au contraire ils étaient désignés par les peuples et secondés par un Parlement mondial, la possibilité d’une op
1040 les peuples et secondés par un Parlement mondial, la possibilité d’une opposition non seulement respectée mais organique s
1041 ment respectée mais organique serait sauvegardée. Le gouvernement mondial serait alors de type démocratique. (Car il appar
1042 . (Car il apparaît de plus en plus clairement que la clé des quatre libertés est dans la liberté d’opposition, et que cell
1043 lairement que la clé des quatre libertés est dans la liberté d’opposition, et que celle-ci suffit à distinguer la démocrat
1044 d’opposition, et que celle-ci suffit à distinguer la démocratie de ses contrefaçons totalitaires.) Quant aux fonctions du
1045 s du pouvoir mondial, elles seraient définies par la nécessité même qui nous fait souhaiter qu’il existe : la nécessité ur
1046 ssité même qui nous fait souhaiter qu’il existe : la nécessité urgente d’empêcher la guerre, c’est-à-dire de limiter les s
1047 er qu’il existe : la nécessité urgente d’empêcher la guerre, c’est-à-dire de limiter les souverainetés nationales et de di
1048 nte d’empêcher la guerre, c’est-à-dire de limiter les souverainetés nationales et de distribuer plus équitablement les rich
1049 és nationales et de distribuer plus équitablement les richesses de la planète. Guerre, autarcie, inégalité économique, les
1050 de distribuer plus équitablement les richesses de la planète. Guerre, autarcie, inégalité économique, les trois phénomènes
1051 planète. Guerre, autarcie, inégalité économique, les trois phénomènes sont liés. Tant que subsistera le régime des États-n
1052 s trois phénomènes sont liés. Tant que subsistera le régime des États-nations absolument souverains, nous aurons des menac
1053 quement, tant qu’il y aura des menaces de guerre, les États tendront à l’autarcie, les frontières closes, et le blé, le riz
1054 aura des menaces de guerre, les États tendront à l’ autarcie, les frontières closes, et le blé, le riz, le café pourriront
1055 naces de guerre, les États tendront à l’autarcie, les frontières closes, et le blé, le riz, le café pourriront, les pommes
1056 tendront à l’autarcie, les frontières closes, et le blé, le riz, le café pourriront, les pommes de terre pourriront par m
1057 t à l’autarcie, les frontières closes, et le blé, le riz, le café pourriront, les pommes de terre pourriront par montagnes
1058 tarcie, les frontières closes, et le blé, le riz, le café pourriront, les pommes de terre pourriront par montagnes dans un
1059 es closes, et le blé, le riz, le café pourriront, les pommes de terre pourriront par montagnes dans un pays, tandis que la
1060 pourriront par montagnes dans un pays, tandis que la famine régnera dans un autre. Je n’ai d’autre ambition, ici, que d’a
1061 re. Je n’ai d’autre ambition, ici, que d’attirer l’ attention, d’une part sur la faiblesse des objections préalables qu’on
1062 n, ici, que d’attirer l’attention, d’une part sur la faiblesse des objections préalables qu’on oppose couramment à l’idée
1063 s objections préalables qu’on oppose couramment à l’ idée d’une fédération mondiale, d’autre part sur l’urgence de discuter
1064 ’idée d’une fédération mondiale, d’autre part sur l’ urgence de discuter les vrais problèmes qui se posent à son sujet. Car
1065 mondiale, d’autre part sur l’urgence de discuter les vrais problèmes qui se posent à son sujet. Car quelles que soient les
1066 qui se posent à son sujet. Car quelles que soient les difficultés que rencontre son établissement et les dangers en partie
1067 es difficultés que rencontre son établissement et les dangers en partie imprévisibles qui en résulteraient (comme de toute
1068 sulteraient (comme de toute institution humaine), le fait est que cette fédération paraît aujourd’hui le seul remède contr
1069 fait est que cette fédération paraît aujourd’hui le seul remède contre la guerre. Dans un monde où, grâce à la diffusion
1070 dération paraît aujourd’hui le seul remède contre la guerre. Dans un monde où, grâce à la diffusion des techniques occiden
1071 emède contre la guerre. Dans un monde où, grâce à la diffusion des techniques occidentales, entraînant celle des idéologie
1072 ogies, tout se tient et se mêle inextricablement, la persistance d’États-nations souverains dans le carcan de leurs fronti
1073 t, la persistance d’États-nations souverains dans le carcan de leurs frontières est un dangereux anachronisme. Si nous som
1074 tionales, on ne voit pas ce qui pourrait empêcher la guerre d’éclater. (La peur de la guerre, pratiquement, précipite les
1075 as ce qui pourrait empêcher la guerre d’éclater. ( La peur de la guerre, pratiquement, précipite les conflits plus qu’elle
1076 ourrait empêcher la guerre d’éclater. (La peur de la guerre, pratiquement, précipite les conflits plus qu’elle ne les reta
1077 r. (La peur de la guerre, pratiquement, précipite les conflits plus qu’elle ne les retarde.) Et si la guerre éclate — milit
1078 tiquement, précipite les conflits plus qu’elle ne les retarde.) Et si la guerre éclate — militaire ou non —, il en résulter
1079 les conflits plus qu’elle ne les retarde.) Et si la guerre éclate — militaire ou non —, il en résultera l’hégémonie mondi
1080 erre éclate — militaire ou non —, il en résultera l’ hégémonie mondiale du vainqueur, c’est-à-dire de l’Usonie ou de la Sov
1081 ’hégémonie mondiale du vainqueur, c’est-à-dire de l’ Usonie ou de la Soviétie. Dans ce cas, nous aurons une dictature dont
1082 iale du vainqueur, c’est-à-dire de l’Usonie ou de la Soviétie. Dans ce cas, nous aurons une dictature dont le Führer ne se
1083 étie. Dans ce cas, nous aurons une dictature dont le Führer ne sera pas un homme mais une nation. Alors, mais dans les rui
1084 ra pas un homme mais une nation. Alors, mais dans les ruines radioactives de notre civilisation, la Résistance mondiale s’o
1085 ns les ruines radioactives de notre civilisation, la Résistance mondiale s’organisera, comme une église secrète de la libe
1086 ondiale s’organisera, comme une église secrète de la liberté. L’utopie ou la tragédie, tel est le dilemme que nous offre l
1087 ganisera, comme une église secrète de la liberté. L’ utopie ou la tragédie, tel est le dilemme que nous offre le siècle. En
1088 mme une église secrète de la liberté. L’utopie ou la tragédie, tel est le dilemme que nous offre le siècle. En nous refusa
1089 e de la liberté. L’utopie ou la tragédie, tel est le dilemme que nous offre le siècle. En nous refusant à l’une, nous déci
1090 ou la tragédie, tel est le dilemme que nous offre le siècle. En nous refusant à l’une, nous décidons pour l’autre. Ce qui
1091 peuvent plus être désormais qu’aux dimensions de la planète. k. Rougemont Denis de, « Fédération ou dictature mondiale
10 1947, Carrefour, articles (1945–1947). « Jean-Paul Sartre vous parle… et ce qu’en pensent… » (29 octobre 1947)
1092 Émission plus ambiguë en fait qu’en intention, si l’ on néglige le sophisme de la moustache, qui en disqualifie toute la fi
1093 ambiguë en fait qu’en intention, si l’on néglige le sophisme de la moustache, qui en disqualifie toute la fin. (Hitler po
1094 t qu’en intention, si l’on néglige le sophisme de la moustache, qui en disqualifie toute la fin. (Hitler portait la mousta
1095 ophisme de la moustache, qui en disqualifie toute la fin. (Hitler portait la moustache. Tous les hommes qui la portent en
1096 qui en disqualifie toute la fin. (Hitler portait la moustache. Tous les hommes qui la portent en sont un autre… ça va.) S
1097 toute la fin. (Hitler portait la moustache. Tous les hommes qui la portent en sont un autre… ça va.) Sartre a raison de di
1098 (Hitler portait la moustache. Tous les hommes qui la portent en sont un autre… ça va.) Sartre a raison de dire que la guer
1099 ont un autre… ça va.) Sartre a raison de dire que la guerre n’est pas fatale, mais en fait l’argument porte surtout contre
1100 dire que la guerre n’est pas fatale, mais en fait l’ argument porte surtout contre la théorie soviétique, laquelle prévoit
1101 ale, mais en fait l’argument porte surtout contre la théorie soviétique, laquelle prévoit un conflit fatal et violent entr
1102 aquelle prévoit un conflit fatal et violent entre la dictature marxiste et la démocratie capitaliste. Merleau-Ponty a rais
1103 t fatal et violent entre la dictature marxiste et la démocratie capitaliste. Merleau-Ponty a raison de dire qu’il « faudra
1104 y a raison de dire qu’il « faudrait faire appel à la démocratie américaine » et de se taire prudemment sur tout appel à la
1105 aine » et de se taire prudemment sur tout appel à la « démocratie » russe. S. de Beauvoir a raison de défendre la liberté
1106 atie » russe. S. de Beauvoir a raison de défendre la liberté de penser, mais quand elle dit « qu’on peut toujours trouver
1107 mais quand elle dit « qu’on peut toujours trouver les circonstances qui amènent à déclarer que telle ou telle liberté est d
1108 té est dangereuse », elle s’appuie sans doute sur l’ exemple soviétique, incontestable, mais qui ne vaut pas nécessairement
1109 table, mais qui ne vaut pas nécessairement contre le gaullisme en puissance, s’il vaut à plein contre le communisme en exe
1110 gaullisme en puissance, s’il vaut à plein contre le communisme en exercice. l. Rougemont Denis de, « [Réponse à une en
1111 une première émission des Temps modernes diffusée le 27 octobre 1947.
11 1947, Carrefour, articles (1945–1947). La France est assez grande pour n’être pas ingrate (26 novembre 1947)
1112 La France est assez grande pour n’être pas ingrate (26 novembre 1947)n
1113 de pour n’être pas ingrate (26 novembre 1947)n La honte de l’Europe, ce n’est pas sa misère, ni l’aide nécessaire de l’
1114 re pas ingrate (26 novembre 1947)n La honte de l’ Europe, ce n’est pas sa misère, ni l’aide nécessaire de l’Amérique, ma
1115 La honte de l’Europe, ce n’est pas sa misère, ni l’ aide nécessaire de l’Amérique, mais la manière dont nous sollicitons c
1116 , ce n’est pas sa misère, ni l’aide nécessaire de l’ Amérique, mais la manière dont nous sollicitons cette aide et la vilip
1117 misère, ni l’aide nécessaire de l’Amérique, mais la manière dont nous sollicitons cette aide et la vilipendons du même mo
1118 is la manière dont nous sollicitons cette aide et la vilipendons du même mouvement. « Payez, messieurs, et veuillez agréer
1119 mouvement. « Payez, messieurs, et veuillez agréer les assurances de notre ingratitude anticipée. » C’est ce qu’il me semble
1120 s’agit pas d’une attitude nouvelle, ou qui serait le seul fait des communistes : il y a trente ans que l’Europe, la bourge
1121 seul fait des communistes : il y a trente ans que l’ Europe, la bourgeoisie d’Europe, se conduit mal à l’égard des États-Un
1122 des communistes : il y a trente ans que l’Europe, la bourgeoisie d’Europe, se conduit mal à l’égard des États-Unis. Je ne
1123 es, de jugements que nous portons chaque jour sur les Américains et leur action. Il y a trente ans que nous les abreuvons d
1124 icains et leur action. Il y a trente ans que nous les abreuvons de récriminations et de dédains, de demandes d’emprunts et
1125 s de leur capitalisme. Il y a trente ans que nous les appelons au secours quand l’Europe est à feu et à sang (par notre fau
1126 trente ans que nous les appelons au secours quand l’ Europe est à feu et à sang (par notre faute, si je ne me trompe) : il
1127 (eh quoi ! onze mois pour créer de toutes pièces l’ armée de notre libération et pour la débarquer en Algérie !) ; il y a
1128 toutes pièces l’armée de notre libération et pour la débarquer en Algérie !) ; il y a trente ans que, lorsqu’ils arrivent
1129 de leur impérialisme. On va plus loin. On accuse les Américains de sombres motifs égoïstes, non pas seulement quand ils s’
1130  C’est entendu, ils nous fournissent du blé et de l’ argent pour l’acheter, mais croyez-vous que ce soit par pure philanthr
1131 , ils nous fournissent du blé et de l’argent pour l’ acheter, mais croyez-vous que ce soit par pure philanthropie ? Soyez s
1132 t ! » Que voudrait-on qu’ils y trouvent d’autre ? L’ intérêt de l’Amérique, c’est que l’Europe vive et ne tombe pas aux mai
1133 drait-on qu’ils y trouvent d’autre ? L’intérêt de l’ Amérique, c’est que l’Europe vive et ne tombe pas aux mains des Russes
1134 vent d’autre ? L’intérêt de l’Amérique, c’est que l’ Europe vive et ne tombe pas aux mains des Russes ; c’est qu’elle soit
1135 c’est qu’elle soit forte et donc unique, puisque les autres comptent sur sa faiblesse. Mais au lieu de se féliciter d’une
1136 e purs imbéciles, de ne pas donner comme ça, pour le plaisir, n’importe comment et à n’importe qui… On leur fait un grief
1137 avoir une politique, un crime d’être en mesure de l’ appliquer, un ridicule d’avoir réalisé sans phrases ce que les Russes
1138 , un ridicule d’avoir réalisé sans phrases ce que les Russes promettent aux masses et ne leur donnent pas. On va plus loin
1139 va plus loin encore, s’il est possible. À croire la propagande des staliniens, c’est nous qui sauverions l’Amérique de la
1140 pagande des staliniens, c’est nous qui sauverions l’ Amérique de la ruine en acceptant qu’elle nous avance une vingtaine de
1141 aliniens, c’est nous qui sauverions l’Amérique de la ruine en acceptant qu’elle nous avance une vingtaine de milliards de
1142 nce une vingtaine de milliards de dollars ! C’est l’ Amérique, dit-on, qui a besoin de l’Europe ! Car elle est à la veille
1143 llars ! C’est l’Amérique, dit-on, qui a besoin de l’ Europe ! Car elle est à la veille d’une crise épouvantable, Staline l’
1144 dit-on, qui a besoin de l’Europe ! Car elle est à la veille d’une crise épouvantable, Staline l’a dit ; elle ne sait plus
1145 est à la veille d’une crise épouvantable, Staline l’ a dit ; elle ne sait plus où vendre ses produits, la pauvre, et tente
1146 a dit ; elle ne sait plus où vendre ses produits, la pauvre, et tente de prolonger l’agonie de son système en s’ouvrant de
1147 re ses produits, la pauvre, et tente de prolonger l’ agonie de son système en s’ouvrant des marchés européens… Rien de plu
1148 s marchés européens… Rien de plus stupéfiant que la popularité de ce théâtre pour illettrés. Raymond Aron, après vingt au
1149 pour illettrés. Raymond Aron, après vingt autres, le rappelait récemment dans Le Figaro  : « À son plus haut niveau, l’ex
1150 après vingt autres, le rappelait récemment dans Le Figaro  : « À son plus haut niveau, l’exportation (américaine) ne rep
1151 ment dans Le Figaro  : « À son plus haut niveau, l’ exportation (américaine) ne représente pas 10 % du produit national br
1152 oduit national brut. » Quand on déduit de ce 10 % les parts qui reviennent à l’Amérique latine, à l’Asie et à la Russie, on
1153 d on déduit de ce 10 % les parts qui reviennent à l’ Amérique latine, à l’Asie et à la Russie, on voit ce qui reste pour l’
1154 % les parts qui reviennent à l’Amérique latine, à l’ Asie et à la Russie, on voit ce qui reste pour l’Europe — pour la soli
1155 qui reviennent à l’Amérique latine, à l’Asie et à la Russie, on voit ce qui reste pour l’Europe — pour la solidité de l’ar
1156 l’Asie et à la Russie, on voit ce qui reste pour l’ Europe — pour la solidité de l’argument stalinien ! Par bonheur, elles
1157 Russie, on voit ce qui reste pour l’Europe — pour la solidité de l’argument stalinien ! Par bonheur, elles n’y suffiront p
1158 ce qui reste pour l’Europe — pour la solidité de l’ argument stalinien ! Par bonheur, elles n’y suffiront pas. Le plan Mar
1159 stalinien ! Par bonheur, elles n’y suffiront pas. Le plan Marshall se fonde sur nos besoins concrets, négligeant nos humeu
1160 emande pas de dire merci. Mais justement, puisque l’ opportunisme n’est pas en cause, pour le seul honneur de l’Europe, il
1161 , puisque l’opportunisme n’est pas en cause, pour le seul honneur de l’Europe, il serait temps que nous prenions un peu de
1162 nisme n’est pas en cause, pour le seul honneur de l’ Europe, il serait temps que nous prenions un peu de tenue. Si nous éti
1163 u de tenue. Si nous étions francs, nous dirions : la vraie menace contre l’indépendance européenne, elle ne vient pas de l
1164 ons francs, nous dirions : la vraie menace contre l’ indépendance européenne, elle ne vient pas de l’Amérique, mais de nous
1165 e l’indépendance européenne, elle ne vient pas de l’ Amérique, mais de nous-mêmes. La vraie, ce n’est pas que M. Clayton mo
1166 e ne vient pas de l’Amérique, mais de nous-mêmes. La vraie, ce n’est pas que M. Clayton morigène les experts du Comité des
1167 s. La vraie, ce n’est pas que M. Clayton morigène les experts du Comité des Seize, mais que ceux-ci se mettent dans le cas
1168 omité des Seize, mais que ceux-ci se mettent dans le cas de mériter pareil rappel à l’ordre. L’indépendance économique des
1169 se mettent dans le cas de mériter pareil rappel à l’ ordre. L’indépendance économique des nations de l’Europe est une ficti
1170 t dans le cas de mériter pareil rappel à l’ordre. L’ indépendance économique des nations de l’Europe est une fiction. Tout
1171 l’ordre. L’indépendance économique des nations de l’ Europe est une fiction. Tout le monde le sait, n’en parlons plus. Quan
1172 ations de l’Europe est une fiction. Tout le monde le sait, n’en parlons plus. Quant à l’indépendance morale et politique q
1173 Tout le monde le sait, n’en parlons plus. Quant à l’ indépendance morale et politique que nous devons affirmer ou regagner,
1174 que nous devons affirmer ou regagner, c’est dans l’ union fédérative du continent qu’elle trouvera sa seule garantie. Nous
1175 e mauvaise conscience quand nous aurons admis que la tâche concrète, ce n’est pas de défendre l’Europe, mais de la faire.
1176 s que la tâche concrète, ce n’est pas de défendre l’ Europe, mais de la faire. n. Rougemont Denis de, « La France est as
1177 crète, ce n’est pas de défendre l’Europe, mais de la faire. n. Rougemont Denis de, « La France est assez grande pour n’
1178 pe, mais de la faire. n. Rougemont Denis de, «  La France est assez grande pour n’être pas ingrate », Carrefour, Paris,