1 1945, Carrefour, articles (1945–1947). L’Amérique de la vie quotidienne (19 octobre 1945)
1 mois et j’étais acclimaté. J’oubliais que le pays n’ était pas le mien. C’était l’Europe. C’est ici l’Amérique, et je n’ai
2 en. C’était l’Europe. C’est ici l’Amérique, et je n’ ai pas fini de m’en ébahir. Ce Nouveau Monde m’apparaît à chaque pas s
3 et les lieux, et tout sera contradictoire et rien ne sera suffisant. New York a les plus hauts gratte-ciel du monde, c’est
4 ois étages. Ainsi du reste : ce pays si religieux n’ a guère le sens du spirituel ; on y est tour à tour plus formaliste et
5 plus puritain et plus libre de mœurs. L’Amérique ne se définit pas. Elle ne s’explique pas dans l’ensemble. Elle se sent.
6 ibre de mœurs. L’Amérique ne se définit pas. Elle ne s’explique pas dans l’ensemble. Elle se sent. L’Amérique, c’est d’abo
7 es moins frappants, les plus quelconques. Mais je ne voyais pas l’Amérique dans ces photos et ces livres où elle est. Et q
8 livres où elle est. Et quand j’y ai débarqué, je n’ ai rien reconnu de ce qu’une douzaine d’ouvrages européens, tous fort
9 asmes à la Jules Romains ; mais rien de tout cela n’ empêchera le voyageur, debout sur le pont du bateau qui remonte lentem
10 passe, fait sensation, va plus loin et se perd on ne sait où, dans un autre rêve naissant, dans le rêve du bonheur d’un au
11 ssible. Il y en a pour tout le monde. La jalousie n’ est pas américaine. Comment décrire ces légers déplacements d’accent v
12 otidienne, naît une aisance générale. L’Américain ne supporte pas d’être gêné aux entournures, matériellement ou moralemen
13 ur vie et d’autrui, ils me tolèrent davantage. Ce n’ est pas qu’ils m’ignorent ou le feignent, mais ils m’acceptent avant t
14 r mon costume, par ma conduite ou mon accent, ils n’ ont pas l’air d’en faire un cas, de se croire obligés de prendre posit
15 iginal ; et crazy, qui veut dire toqué, loufoque, n’ est pas un adjectif dépréciatif, bien au contraire, qu’on l’applique à
16 a, sans doute, par une mécanique inconsciente. On n’ en finirait pas d’énumérer les exemples courants et voyants de leur go
17 fort coûteuse si on habite loin d’une frontière, n’ a de toute évidence qu’une portée symbolique et rituelle. Autrement, e
18 ne portée symbolique et rituelle. Autrement, elle ne sert à rien. Mais personne ne paraît s’en étonner, tant est puissant
19 le. Autrement, elle ne sert à rien. Mais personne ne paraît s’en étonner, tant est puissant le sens des conventions publiq
20 ée. Giraudoux a écrit quelque part que l’Amérique n’ est pas une nation comme les autres, mais un club. Cette remarque expl
21 n membre régulier, vous aurez tous les droits, on ne s’occupera plus de vous et vous vivrez à votre guise dans toute l’enc
22 ise dans toute l’enceinte démesurée du club. ⁂ Je ne vous ai pas parlé d’actualités brûlantes, dans cette préface à quelqu
23 ne, de parler tout d’abord et surtout de ce qu’on ne dit pas dans les dépêches, de ce qui n’est pas matière d’enquête et d
24 ce qu’on ne dit pas dans les dépêches, de ce qui n’ est pas matière d’enquête et de reportages, de ces nuances de sentimen
2 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Le rêve américain (9 novembre 1945)
25 e rêve américain (9 novembre 1945)b L’Amérique n’ est pas un pays de rêve quand on y vit, mais c’est un pays de rêveurs.
26 rins, de soldats presque imberbes, de garçons qui n’ ont pas encore l’âge militaire. La frénésie rythmique des jitterbugs é
27 ’apaise. Les couples se séparent un peu. Personne ne parle. Suit un tango où ils se glissent joue à joue, avec n’importe q
28 uit un tango où ils se glissent joue à joue, avec n’ importe qui, comme sans se voir, dans une demi-obscurité rougeâtre. De
29 de ce que l’on nomme leur optimisme. L’Américain ne croit pas aux limites. Une limite, c’est toujours la fin d’un rêve. N
30 êve. Non seulement les limites le gênent, mais il ne veut pas même admettre qu’elles existent, sinon pour être dépassées.
31 ue, mais encore débordants d’énergies qui soudain ne trouvent plus d’issues prochaines, hésitent… Pourtant, c’est bien le
32 pays du fond du Pacifique ou de l’Europe, dont il n’ a guère connu que les ruines et les amertumes, rêve simplement de son
33 ril de sa vie, il garde une espèce de rancœur. Je ne pense pas que le mot soit trop fort. Je parle de la majorité. Je conn
34 milieu des places publiques. Ils demandent qu’on ne leur parle plus des indigènes européens, ces agités, ces nerveux, ces
35 s, ces nerveux, ces tricheurs. C’est ainsi, et je ne juge personne. Il faut verser ces injustices flagrantes, ces vérités
36 pe le souvenir. Mais ce qui va venir, direz-vous, n’ est-ce pas tout simplement une grande poussée d’impérialisme américain
37 fs qui m’ont convaincu que l’expansion américaine n’ est pas du tout à base d’impérialisme au sens européen du mot. Je pens
3 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Hollywood n’a plus d’idées (13 décembre 1945)
38 Hollywood n’ a plus d’idées (13 décembre 1945)c Toujours plus impeccables du poi
39 lywood est à court d’inventions. Hollywood achète n’ importe quoi, un roman non terminé, un bout de conversation, l’esquiss
40 idée ». Je soupçonne, pour ma part, que Hollywood n’ y trouvera rien, ou si elle y trouve un germe, le nettoiera. Car Holly
41 le y trouve un germe, le nettoiera. Car Hollywood n’ est plus qu’une machine. Elle transforme en argent tout ce qu’elle a e
42 re, à première vue. Cette technique trop parfaite n’ est obtenue qu’au prix de telles dépenses et d’une telle quantité de s
43 préjugés hérités de trente ans de triomphe, qu’il n’ est pas de génie assez coriace pour survivre à pareille torture au ral
44 tout est faux, tout le monde est beau, jamais on ne voit percer la trame nue du réel. Jamais un choc, pour tant de coups
45 re. C’est que le public, me disent les producers, n’ accepte pas que Hedy Lamarr soit mal habillée si elle joue une pauvres
46 ’elle est, plutôt qu’à une star comme les autres. N’ insistons pas : la décadence de Hollywood n’a pas de raisons mystérieu
47 tres. N’insistons pas : la décadence de Hollywood n’ a pas de raisons mystérieuses ou accidentelles. Ses causes sont éviden
48 autres. Pour mes cadets, d’ici dix ans, Hollywood ne sera plus qu’une légende : comme l’est déjà Greta Garbo, symbole d’un
49 nant sur des millions de nuits, mythe évasif, que n’ êtes-vous disparue comme un songe au matin ? Dans ce petit restaurant
50 vé de côté, et le profil du rêve. J’eusse préféré ne la voir jamais, mais j’avoue qu’elle est très jolie, malgré la minceu
51 , vous aurez une surprise. » J’arrive très tôt et ne trouve qu’un géant, Robert Sherwood, le dramaturge et l’un des consei
52 dos à dos, et voici l’étonnant de l’histoire : je ne trouve rien à me remémorer de ses propos. Elle a le génie de ne rien
53 à me remémorer de ses propos. Elle a le génie de ne rien dire qui la rende plus réelle qu’une image. Ne serait-ce pas là
54 rien dire qui la rende plus réelle qu’une image. Ne serait-ce pas là son secret ? Se prêter à la fantaisie de toutes les
55 antôme… ⁂ Revenons à nos moutons de Hollywood. Je ne vois qu’un homme en Amérique, qui ait su tirer du cinéma quelques-uns
56 anière plus profonde que leur auteur, sans doute, n’ eût osé le soupçonner. Car il n’est pas intelligent, s’il est génial.
57 teur, sans doute, n’eût osé le soupçonner. Car il n’ est pas intelligent, s’il est génial. Disney, quand il se trompe, n’y
58 ent, s’il est génial. Disney, quand il se trompe, n’ y va pas de main morte. Je pense surtout à Fantasia, essai d’illustrat
59 l coupe court d’un ton neutre : « Mrs Walt Disney n’ aime pas la musique classique. » Un froid, et chacun pense : Que ne l’
60 ique classique. » Un froid, et chacun pense : Que ne l’a-t-elle empêché de s’en occuper ! Son mauvais goût me paraît irrém
61 (La fin de Fantasia, sur l’Ave Maria de Schubert, n’ est qu’une suite de cartes de bons vœux comme il s’en envoie des milli
62 les producers se plaignent de ce que les auteurs n’ aient plus d’idées… Je vais leur donner gratis le moyen d’en sortir, e
63 Eh bien ! pendant que j’y suis, un bon conseil : ne croyez pas que le grand public déteste autant que vous la nouveauté.
64 la nouveauté. Il a aimé Disney. Et qui sait s’il ne va point préférer les films européens, dès qu’il pourra les voir ? To
65 surgir dans le Colorado la ruée vers l’or, et qui n’ offrent plus aujourd’hui qu’un asile délabré aux bandits, et des sujet
66 sous la forme du chef-d’œuvre que, vivante, elle n’ a fait que rêver. c. Rougemont Denis de, « Hollywood n’a plus d’idé
67 que rêver. c. Rougemont Denis de, « Hollywood n’ a plus d’idées », Carrefour, Paris, 13 décembre 1945, p. 7.
4 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Les enfants américains réclament des bombes atomiques (20 décembre 1945)
68 ou, seront-ils plus adroits dans ce même jeu ? On ne le croirait pas à les voir. Curieux trio : un loup déguisé en mouton
69 deux moutons vêtus de leur vraie peau. Mais rien n’ empêche le Waldorf Astoria d’annoncer que sa nuit de Nouvel An « prome
70 acines d’un parc où il sera replanté dès janvier, n’ ayant coûté que cent dollars de location à M. John D. Rockefeller, car
71 upes. Et ceux qui seront laissés dehors, ceux qui n’ appartiennent pas à une cellule sociale, formeront la foule de Times S
72 , Une rose est née… et je me dirai que l’Amérique n’ a pas encore très bien compris les traditions, parce qu’elle les respe
73 , une nouvelle victoire sur le temps, comme si ce n’ était pas lui qui gagne à tous les coups. Qu’apportera cette fin d’ann
74 drons le meilleur maire de New York. Et Roosevelt n’ est pas remplacé… Et toutes les utopies prévues par l’avant-guerre ent
75 ns. Déjà la télévision en couleurs prouve qu’elle ne le cède en rien à la photographie pour « le brillant et la précision
76 erfilm sur la bombe atomique, où le love interest ne manquera pas ; cependant que déjà le New Yorker se moque des clichés
77 onne volonté ? La plupart sont involontaires. Ils ne font que subir leur condition. À Times Square, dans une foule compact
5 1946, Carrefour, articles (1945–1947). Deux presses, deux méthodes : l’Américain expose, le Français explique (4 avril 1946)
78 es à l’appui, devant le lecteur. Mais ce que vous ne verrez jamais, dans ce même journal, c’est une polémique contre un au
79 mal défini, les positions des parties en présence n’ ayant pas été déclarées dans les termes exacts où elles s’arrêtent. Ce
80 Au lieu de quoi Tartempion me ressasse que Durand n’ est qu’un radical. De quoi donc parlait-on ? Qu’allons-nous faire ? Ce
81 quoi donc parlait-on ? Qu’allons-nous faire ? Ce n’ est pas que les journaux américains craignent la discussion violente,
82 nnelle ou le scandale. Quand ils s’y lancent, ils n’ y vont pas de main morte. Mais leur objectif principal, ou si l’on veu
83 urnaux. New York, pour sept millions d’habitants, ne possède que neuf grands journaux ; Paris en publie sept fois plus, qu
84 s sports, contrairement à ce que l’on attendrait, ne tient pas plus de place que dans la presse française. Par contre, cel
85 française. Par contre, celle de la religion, qui n’ existe aucunement en France, occupe souvent deux pages entières. Enfin
86 , occupe souvent deux pages entières. Enfin, vous ne trouverez pas dans les journaux américains cet héritage inexcusable d
87 e d’empêcher le peuple de savoir ce qui se passe, n’ eût pas trouvé de meilleur expédient : s’ils demandent des nouvelles,
88 des nouvelles, contez-leur une histoire. « S’ils n’ ont pas de pain, qu’ils mangent des brioches ! » Le siècle est en révo
89 ’Information, dont jusqu’à plus ample informé, je ne mettrai pas en doute l’utilité. Mais elle ne possède pas d’organes d’
90 , je ne mettrai pas en doute l’utilité. Mais elle ne possède pas d’organes d’information dignes du nom. Sur quoi peut bien
91 l’esprit en écrivant ce qui précède. J’ai préféré ne point parler de la « presse Hearst » et des journaux de McCormick, qu
6 1946, Carrefour, articles (1945–1947). Une bureaucratie sans ronds-de-cuir (23 mai 1946)
92 . Le « tsar » est un « businessman » Ce tsar ne sera pas choisi parmi la troupe des politiciens sans emploi ou des an
93 liticiens sans emploi ou des anciens ministres de n’ importe quoi. Il sera plutôt un homme d’affaires dans la quarantaine,
94 ultats dont la victoire sur les nazis et le Japon n’ est que le premier exemple qui me vienne à l’esprit. J’ai dit désordre
95 gne ordinairement une situation dont notre esprit n’ arrive pas à se former une image claire et cohérente. (Pour un esprit
96 rente. (Pour un esprit infiniment intelligent, il n’ y aurait jamais de désordre, mais seulement des complexités.) Le fait
97 is seulement des complexités.) Le fait est que je n’ imagine pas un seul de mes contemporains qui soit capable d’embrasser
98 dent a plus de pouvoir qu’un roi, dit-on. Mais ce n’ est pas beaucoup dire, de nos jours. Il choisit ses ministres et ses t
99 on régulier à celui d’expédient de crise) ; qu’il n’ y a pas homme au monde qui ait le temps ou les moyens intellectuels de
100 pas de fonctionnaires Tout d’abord, l’Amérique ne possède pas d’école de fonctionnaires spécialisés. Elle ne produit pa
101 e pas d’école de fonctionnaires spécialisés. Elle ne produit pas plus d’inspecteurs des Finances que de ronds-de-cuir de p
102 e, et où j’ai travaillé pendant près de deux ans, ne comptait qu’une infime minorité de fonctionnaires de métier. Le chef
103 service ? C’est fort possible. Personne au monde n’ y comprendra plus rien. Une moitié des bureaux passera son temps à fai
104 l ou de désespoir balayant tout scrupule, si l’on ne pourrait pas faire sans nul dommage l’économie de la machine entière 
105 ndra oui. L’expérience lui répondra non. Car s’il n’ y avait plus de grands bureaux dans une démocratie, quelques hommes de
106 … Facilement désignés à la vindicte publique, ils n’ auraient plus de choix qu’entre la démission et la tyrannie déclarée.
7 1946, Carrefour, articles (1945–1947). L’Amérique est-elle nationaliste ? (29 août 1946)
107 léon, les Italiens sous Mussolini. Les Américains n’ ont pas de chefs de cette espèce. Mais l’opinion publique, chez eux, e
108 sous nos yeux. Pourtant, je reste persuadé qu’il ne comporte rien de redoutable. Une nation prend conscience d’elle-même
109 La terre entière aurait de quoi trembler. Mais il ne s’agit pas d’une nation comme les autres. Je voudrais, pour vous le f
110 si fortement que possible : It’s unamerican, « ce n’ est pas américain. » Nationalisme, direz-vous. Oui, mais pas à la mani
111 phrase veut dire : cette opinion ou cette action ne va pas dans le sens de l’idéal commun vers quoi tendent les Américain
112 lles que soient, par ailleurs, leurs origines. On ne se réfère pas au passé, mais à l’avenir. On n’invoque pas la traditio
113 On ne se réfère pas au passé, mais à l’avenir. On n’ invoque pas la tradition, mais l’utopie. On pense moins aux ancêtres q
114 airement ascendants vers une vie meilleure. Et il ne s’agit pas d’une déclaration d’anti quelque chose, mais au contraire
115 les et de lui faire subir la loi d’un village qui n’ est pas le sien. Au contraire, ce qu’il y a de rassurant dans le natio
116 e à marquer une différence capitale : l’Américain n’ insiste pas quand on ne l’aime pas — comme en Europe — ou simplement q
117 nce capitale : l’Américain n’insiste pas quand on ne l’aime pas — comme en Europe — ou simplement quand on peut faire sans
118 uels ; nous serons noyés par une civilisation qui ne respecte que la quantité ; le dollar sera roi, etc. » Toutes ces méfi
119 isation semblent avouer par là que cette dernière n’ est plus très saine, qu’elle « sent » déjà. Il est grand temps qu’on l
120 tte dans la glace. De même, le commerce américain ne peut nous submerger qu’au moyen de produits que nous aurons bien voul
121 si nous sommes un jour noyés par la quantité, ce ne sera pas la faute de la quantité, mais bien de l’abaissement de notre
122 é, ce que l’on nomme en Europe « l’américanisme » n’ est pas un danger américain, mais européen. Je veux dire par là que si
123 sur l’homme et non sur la machine. Car primo, on ne l’a pas forcé à l’acheter, et secundo, une fois l’automobile achetée,
124 er, et secundo, une fois l’automobile achetée, il ne dépendait que de lui d’aller à pied quand cela lui chantait. Mais je
125 ne part, et qui se plaignent de ce que l’Amérique ne leur vende pas assez de blé, d’autre part. Quand l’Amérique envoie, o
126 ique envoie, on parle d’impérialisme ; quand elle n’ envoie pas, on parle d’égoïsme et d’hypocrisie puritaine. Et il arrive
127 ’accusent à la fois d’être là et, pour comble, de n’ être pas là. Quand elle fait une crise d’isolationnisme, on l’accuse d
128 et en 1943, on l’accuse de se mêler de ce qu’elle ne peut comprendre. Ce qu’on voudrait, en somme, c’est que les Américain
129 n dans les jugements européens sur l’Amérique. On n’ a pas épargné les critiques à la politique d’occupation américaine en
130 magne : « Ils sont trop doux, ils sont naïfs, ils ne comprennent rien aux problèmes de l’Europe, de quoi se mêlent-ils ? »
131 pation sur les bras ! » Remarquons que les Russes ne prêtent pas le flanc à des critiques de ce genre parce qu’ils ne publ
132 le flanc à des critiques de ce genre parce qu’ils ne publient rien, interdisent les reportages, agissent en conquérants et
133 à faire enfin de la politique étrangère dont nous n’ avions naguère ni le goût ni le besoin… ⁂ Prise entre ces reproches co
134 qu’on l’assimile à des tendances européennes qui n’ ont de commun avec lui que le nom. h. Rougemont Denis de, « L’Améri
8 1947, Carrefour, articles (1945–1947). L’art dirigé [Réponse à une enquête] (23 janvier 1947)
135 anique relève de l’imitation — il est clair qu’il ne peut exister d’art dirigé, pas plus qu’on ne peut prévoir l’imprévisi
136 u’il ne peut exister d’art dirigé, pas plus qu’on ne peut prévoir l’imprévisible. Ce que les communistes veulent diriger n
137 révisible. Ce que les communistes veulent diriger n’ est pas l’art, mais la propagande et la production de cartes postales
138 exercer une censure (mais la censure des lettres n’ a jamais prétendu « diriger » la correspondance) et d’autre part favor
139 , le favoritisme éhonté, la calomnie, la terreur, n’ ont rien à voir avec l’esthétique, ont tout à voir avec le fascisme. D
140 structure sociale et la politique de l’époque. Je ne vois pas comment un artiste pourrait s’en désintéresser, ni comment i
141 urrait s’en désintéresser, ni comment il pourrait ne point s’efforcer de modifier les structures existantes et d’en invent
142 ique au temps du romantisme allemand. En fait, il ne s’agit pas d’idéologies, mais de tactiques, pas de styles mais de tru
9 1947, Carrefour, articles (1945–1947). Fédération ou dictature mondiale ? (9 avril 1947)
143 mité. La presse américaine en a beaucoup parlé et ne cesse de discuter le sujet. En Europe, au contraire, il m’apparaît qu
144 uer ses préjugés. Ensuite on dit que « l’humanité n’ est pas prête pour un gouvernement mondial ». La timidité d’esprit que
145 ’une de ces grandes causes ou grandes actions, il n’ y aurait pas eu de martyrs, ni de tyrans, ni d’adversaires de la Révol
146 ns le cas particulier. Vous dites que les peuples ne sont pas prêts à accepter l’idée d’un gouvernement mondial, mais qu’e
147 te idée. Avouez plutôt que vous, personnellement, n’ y êtes pas prêt, que vous personnellement y êtes hostile. Car autremen
148 ile. Car autrement, au lieu de dire : les peuples ne sont pas prêts, donc le projet ne vaut rien, vous diriez : le projet
149 e : les peuples ne sont pas prêts, donc le projet ne vaut rien, vous diriez : le projet paraît juste et nécessaire, donc i
150 ions, de leurs prérogatives de droit divin. Qu’on ne dise pas que c’est une pure rêverie. Tout récemment, nous avons enreg
151 matérialiste de l’homme.) Ainsi la paix mondiale ne serait établie qu’au prix d’une sorte de paralysie de l’histoire, et
152 , tandis que la famine régnera dans un autre. Je n’ ai d’autre ambition, ici, que d’attirer l’attention, d’une part sur la
153 ècle, qui sont d’ores et déjà internationales, on ne voit pas ce qui pourrait empêcher la guerre d’éclater. (La peur de la
154 pratiquement, précipite les conflits plus qu’elle ne les retarde.) Et si la guerre éclate — militaire ou non —, il en résu
155 ce cas, nous aurons une dictature dont le Führer ne sera pas un homme mais une nation. Alors, mais dans les ruines radioa
156 e. Ce qui est certain, c’est que l’une et l’autre ne peuvent plus être désormais qu’aux dimensions de la planète. k. Ro
10 1947, Carrefour, articles (1945–1947). « Jean-Paul Sartre vous parle… et ce qu’en pensent… » (29 octobre 1947)
157 re… ça va.) Sartre a raison de dire que la guerre n’ est pas fatale, mais en fait l’argument porte surtout contre la théori
158 sur l’exemple soviétique, incontestable, mais qui ne vaut pas nécessairement contre le gaullisme en puissance, s’il vaut à
11 1947, Carrefour, articles (1945–1947). La France est assez grande pour n’être pas ingrate (26 novembre 1947)
159 La France est assez grande pour n’ être pas ingrate (26 novembre 1947)n La honte de l’Europe, ce n’est
160 e (26 novembre 1947)n La honte de l’Europe, ce n’ est pas sa misère, ni l’aide nécessaire de l’Amérique, mais la manière
161 uis que je suis rentré dans ce vieux monde. Or il ne s’agit pas d’une attitude nouvelle, ou qui serait le seul fait des co
162 rope, se conduit mal à l’égard des États-Unis. Je ne parle pas des discours officiels, mais des conversations et de beauco
163 urope est à feu et à sang (par notre faute, si je ne me trompe) : il y a trente ans que nous nous plaignons de leur lenteu
164 intérêt de l’Amérique, c’est que l’Europe vive et ne tombe pas aux mains des Russes ; c’est qu’elle soit forte et donc uni
165 cidence, on a l’air d’en vouloir à ces Yankees de n’ être pas de purs imbéciles, de ne pas donner comme ça, pour le plaisir
166 à ces Yankees de n’être pas de purs imbéciles, de ne pas donner comme ça, pour le plaisir, n’importe comment et à n’import
167 iles, de ne pas donner comme ça, pour le plaisir, n’ importe comment et à n’importe qui… On leur fait un grief d’avoir une
168 comme ça, pour le plaisir, n’importe comment et à n’ importe qui… On leur fait un grief d’avoir une politique, un crime d’ê
169 hrases ce que les Russes promettent aux masses et ne leur donnent pas. On va plus loin encore, s’il est possible. À croire
170 d’une crise épouvantable, Staline l’a dit ; elle ne sait plus où vendre ses produits, la pauvre, et tente de prolonger l’
171 son plus haut niveau, l’exportation (américaine) ne représente pas 10 % du produit national brut. » Quand on déduit de ce
172 dité de l’argument stalinien ! Par bonheur, elles n’ y suffiront pas. Le plan Marshall se fonde sur nos besoins concrets, n
173 concrets, négligeant nos humeurs et préjugés. On ne nous demande pas de dire merci. Mais justement, puisque l’opportunism
174 ire merci. Mais justement, puisque l’opportunisme n’ est pas en cause, pour le seul honneur de l’Europe, il serait temps qu
175 aie menace contre l’indépendance européenne, elle ne vient pas de l’Amérique, mais de nous-mêmes. La vraie, ce n’est pas q
176 s de l’Amérique, mais de nous-mêmes. La vraie, ce n’ est pas que M. Clayton morigène les experts du Comité des Seize, mais
177 l’Europe est une fiction. Tout le monde le sait, n’ en parlons plus. Quant à l’indépendance morale et politique que nous d
178 quand nous aurons admis que la tâche concrète, ce n’ est pas de défendre l’Europe, mais de la faire. n. Rougemont Denis
179 emont Denis de, « La France est assez grande pour n’ être pas ingrate », Carrefour, Paris, 26 novembre 1947, p. 1 et 5.