1 1945, Carrefour, articles (1945–1947). L’Amérique de la vie quotidienne (19 octobre 1945)
1 non sans plaisir, à cette suppression générale de nos cérémonies, précautions oratoires, méfiances paysannes ou réserves mo
2 là vont peut-être expliquer l’histoire du siècle, notre histoire réelle. Car celle-ci dépend de deux peuples — l’autre est le
3 éactions intimes et sautes d’humeur vont affecter notre sort matériel, aussi directement que naguère les crises d’un certain
2 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Le rêve américain (9 novembre 1945)
4 x. Je crois qu’ils sont bien moins conscients que nous . À quoi rêvent-ils ? À la vie large, toujours plus large devant eux,
5 e « frontière », leur nouveau front, dirait-on de nos jours. Et ce fut l’ère des fortunes, et des cités, et des usines colo
6 e nécessité profonde : le rêve américain l’exige. Nous voici bien loin de nos danseurs de Broadway ! Peut-être, mais tout ce
7 e rêve américain l’exige. Nous voici bien loin de nos danseurs de Broadway ! Peut-être, mais tout cela va dans le même sens
8 de poussée d’impérialisme américain ? Vos rêveurs nous paraissent terriblement pratiques et parfaitement conscients de leurs
9 mpérialisme au sens européen du mot. Je pense que nous avons un peu plus de raisons de nous en réjouir que de nous en méfier
10 Je pense que nous avons un peu plus de raisons de nous en réjouir que de nous en méfier. b. Rougemont Denis de, « Le rêve
11 un peu plus de raisons de nous en réjouir que de nous en méfier. b. Rougemont Denis de, « Le rêve américain », Carrefour
3 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Hollywood n’a plus d’idées (13 décembre 1945)
12 st déjà Greta Garbo, symbole d’un âge. Ô Garbo de notre jeunesse, volupté du regard. Reine des neiges, Dame des rêves de l’ad
13 re à l’oreille : — Pouvez-vous céder votre table, nous avons besoin d’une table de deux dans cinq minutes ? Merci. Vous alle
14 lle encore, en robe courte de soie grise, et déjà nous choquons nos petits verres de vodka. On l’a présentée comme « Miss G…
15 robe courte de soie grise, et déjà nous choquons nos petits verres de vodka. On l’a présentée comme « Miss G… » (prononcez
16 ure à causer avec elle, sur un sofa, et plus tard nous avons soupé, assis par terre, dans une foule, mais dos à dos, et voic
17 Comme elle est gaie pour un fantôme… ⁂ Revenons à nos moutons de Hollywood. Je ne vois qu’un homme en Amérique, qui ait su
18 des drames, des ameublements ou des jardins comme nous pouvons en voir sans l’aide d’une caméra, et sur les rythmes habituel
19 ide d’une caméra, et sur les rythmes habituels de notre vie. C’est dire qu’ils oublient ou refusent de prendre avantage des p
20 s vois s’agiter sur l’écran comme des ludions qui nous rendraient visibles les mouvements délirants de l’Inconscient moderne
21 ts déchirants qui, bien avant la dernière guerre, nous donnèrent seuls la sensation du Blitz. Ils sont de notre temps d’une
22 onnèrent seuls la sensation du Blitz. Ils sont de notre temps d’une manière plus profonde que leur auteur, sans doute, n’eût
23 ia à Buenos Aires que j’ai rencontré Walt Disney. Nous l’attendions à déjeuner chez Victoria Ocampo, plutôt déprimés par la
4 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Les enfants américains réclament des bombes atomiques (20 décembre 1945)
24 que, inaugurant officiellement la saison de Noël. Nous sommes le 13 et les rayons de jouets sont déjà presque vides à New Yo
25 vrit la bouche, puis écarquilla les yeux : devant nous venait d’apparaître une jeune femme au visage anguleux et couvert de
26 , dit-elle en lui pinçant la joue, et la vendeuse nous planta là. Il neigeait sur la Cinquième Avenue, sur les paquets enrub
27 d meeting. Sur le coup de minuit, le 31 décembre, nous perdrons le meilleur maire de New York. Et Roosevelt n’est pas rempla
28 l », qualités préférées de l’Américain. Déjà l’on nous annonce de Hollywood un superfilm sur la bombe atomique, où le love i
29 ntisoviétisme, et de l’antiaméricanisme, pour que nous comprenions que les hommes ont fort peu de bonne volonté ? La plupart
5 1946, Carrefour, articles (1945–1947). Deux presses, deux méthodes : l’Américain expose, le Français explique (4 avril 1946)
30 élection présidentielle. Dans quel autre pays de notre monde du xxe siècle verrait-on un journal de l’importance du New Yor
31 u’un radical. De quoi donc parlait-on ? Qu’allons- nous faire ? Ce n’est pas que les journaux américains craignent la discuss
32 e inexcusable de la presse du siècle dernier, que nous appelons le roman-feuilleton, et que je vois encore, en pleine périod
33 anifeste, une fois de plus, en facilitant à un de nos compatriotes qui vit à l’étranger, la possibilité de s’exprimer libre
6 1946, Carrefour, articles (1945–1947). Une bureaucratie sans ronds-de-cuir (23 mai 1946)
34 leur général des États-Unis écrit de son côté : «  Notre gouvernement est une vaste pétaudière. » Ce fonctionnaire sait à peu
35 ès pour dire comme lui. Car son travail consiste, nous explique-t-il, à maintenir les agences de l’État dans les limites de
36 puis en avant, et voyons ce que le coming man va nous sortir. S’il réussit, sa gloire sera grande pendant plusieurs semaine
37 que l’on désigne ordinairement une situation dont notre esprit n’arrive pas à se former une image claire et cohérente. (Pour
38 roi, dit-on. Mais ce n’est pas beaucoup dire, de nos jours. Il choisit ses ministres et ses tsars. Mais il doit tenir comp
39 de du terrain) ; enfin de l’opinion publique, car nous sommes en démocratie, et il faut bien que cela se marque quelque part
40 à la fatalité incontrôlable des agences. Finirons- nous tous fonctionnaires ? La société entière se transformera-t-elle en un
7 1946, Carrefour, articles (1945–1947). L’Amérique est-elle nationaliste ? (29 août 1946)
41 s ? C’est, à mon sens, toute la question. Lorsque nous parlons d’impérialisme, en Europe, nous pensons à une volonté de domi
42 . Lorsque nous parlons d’impérialisme, en Europe, nous pensons à une volonté de dominer affirmée par un chef au nom de sa na
43 ique, reine des États-Unis, devînt nationaliste à notre image européenne ? Et qu’elle décidât d’imposer au monde entier la lo
44 phénomène est-il probable ? Et s’il l’est, devons- nous le redouter ? Je répondrai que le phénomène est non seulement probabl
45 ement probable, mais en train de s’accomplir sous nos yeux. Pourtant, je reste persuadé qu’il ne comporte rien de redoutabl
46 e refermer sur lui leurs serres. Ils ont envie de nous faire bénéficier de leur style de vie, de leur way of life, parce qu’
47 vient de le voir aux Philippines. J’entends d’ici nos méfiants à moustaches et à col dur : « Le commerce américain va nous
48 staches et à col dur : « Le commerce américain va nous submerger et détruire nos coutumes d’économie paysanne ; on achètera
49 commerce américain va nous submerger et détruire nos coutumes d’économie paysanne ; on achètera nos âmes avec des frigidai
50 re nos coutumes d’économie paysanne ; on achètera nos âmes avec des frigidaires ; la sottise humanitaire enlisera nos élans
51 des frigidaires ; la sottise humanitaire enlisera nos élans spirituels ; nous serons noyés par une civilisation qui ne resp
52 ttise humanitaire enlisera nos élans spirituels ; nous serons noyés par une civilisation qui ne respecte que la quantité ; l
53 , toutes ces accusations injustes, à mon avis. Si nous vendons nos âmes contre des frigidaires, ce sera notre faute et non p
54 accusations injustes, à mon avis. Si nous vendons nos âmes contre des frigidaires, ce sera notre faute et non pas celle de
55 vendons nos âmes contre des frigidaires, ce sera notre faute et non pas celle de l’industrie américaine qui aura mis dans un
56 industrie américaine qui aura mis dans un coin de nos cuisines ces appareils où tout respire l’innocence et ronronne l’hygi
57 la glace. De même, le commerce américain ne peut nous submerger qu’au moyen de produits que nous aurons bien voulu acheter 
58 e peut nous submerger qu’au moyen de produits que nous aurons bien voulu acheter ; et si son rythme plus rapide met en péril
59 encore, la « sottise humanitaire » des États-Unis nous a fait moins de mal, semble-t-il, que « l’intelligence » inhumaine de
60 professaient le machiavélisme. De même enfin, si nous sommes un jour noyés par la quantité, ce ne sera pas la faute de la q
61 ute de la quantité, mais bien de l’abaissement de notre qualité. En résumé, ce que l’on nomme en Europe « l’américanisme » n’
62 nterviennent quand les choses vont très mal — par notre faute — et qu’ils vident les lieux en vitesse, comme des intrus et sa
63 omme des intrus et sans remerciements, dès qu’ils nous ont tirés d’affaire. « Eh quoi ! deux ans pour débarquer ! » (C’est-à
64 llions d’hommes.) « Eh quoi ! trois mois déjà que nous sommes libérés et ils infestent encore nos bars ! » ⁂ Autre exemple d
65 à que nous sommes libérés et ils infestent encore nos bars ! » ⁂ Autre exemple de cette même contradiction dans les jugemen
66 aller. Mais aussitôt : « Ah ! bien sûr, ils vont nous laisser seuls avec toute la charge de l’occupation sur les bras ! » R
67 maladroits, disait-il en souriant, car à force de nous contrecarrer, ils vont nous obliger à faire enfin de la politique étr
68 riant, car à force de nous contrecarrer, ils vont nous obliger à faire enfin de la politique étrangère dont nous n’avions na
69 iger à faire enfin de la politique étrangère dont nous n’avions naguère ni le goût ni le besoin… ⁂ Prise entre ces reproches
8 1947, Carrefour, articles (1945–1947). L’art dirigé [Réponse à une enquête] (23 janvier 1947)
70 iste, et c’est trop pour un homme. Il s’agit pour nous , au xxe , d’appeler et de créer des « communautés » véritables, au se
71 progrès un but. Mais cela remet en question toute notre culture, et derrière elle toute la structure sociale et la politique
9 1947, Carrefour, articles (1945–1947). Fédération ou dictature mondiale ? (9 avril 1947)
72 ter l’idée en la qualifiant d’« utopie ». Bornons- nous à remarquer que cet argument a contre lui toute l’histoire de l’human
73 qui a compté, tout ce qui a marqué, tout ce dont nous vivons pratiquement aujourd’hui, tout fut d’abord une utopie : le chr
74 e pas que c’est une pure rêverie. Tout récemment, nous avons enregistré la première impulsion organique dans ce sens. Le pla
75 elles seraient définies par la nécessité même qui nous fait souhaiter qu’il existe : la nécessité urgente d’empêcher la guer
76 e régime des États-nations absolument souverains, nous aurons des menaces de guerre : et réciproquement, tant qu’il y aura d
77 eurs frontières est un dangereux anachronisme. Si nous sommes incapables de briser cette féodalité et d’adapter nos structur
78 incapables de briser cette féodalité et d’adapter nos structures politiques aux réalités du xxe siècle, qui sont d’ores et
79 -dire de l’Usonie ou de la Soviétie. Dans ce cas, nous aurons une dictature dont le Führer ne sera pas un homme mais une nat
80 tion. Alors, mais dans les ruines radioactives de notre civilisation, la Résistance mondiale s’organisera, comme une église s
81 . L’utopie ou la tragédie, tel est le dilemme que nous offre le siècle. En nous refusant à l’une, nous décidons pour l’autre
82 , tel est le dilemme que nous offre le siècle. En nous refusant à l’une, nous décidons pour l’autre. Ce qui est certain, c’e
83 e nous offre le siècle. En nous refusant à l’une, nous décidons pour l’autre. Ce qui est certain, c’est que l’une et l’autre
10 1947, Carrefour, articles (1945–1947). La France est assez grande pour n’être pas ingrate (26 novembre 1947)
84 de nécessaire de l’Amérique, mais la manière dont nous sollicitons cette aide et la vilipendons du même mouvement. « Payez,
85 , messieurs, et veuillez agréer les assurances de notre ingratitude anticipée. » C’est ce qu’il me semble entendre un peu par
86 tions et de beaucoup d’articles, de jugements que nous portons chaque jour sur les Américains et leur action. Il y a trente
87 Américains et leur action. Il y a trente ans que nous les abreuvons de récriminations et de dédains, de demandes d’emprunts
88 ations de leur capitalisme. Il y a trente ans que nous les appelons au secours quand l’Europe est à feu et à sang (par notre
89 u secours quand l’Europe est à feu et à sang (par notre faute, si je ne me trompe) : il y a trente ans que nous nous plaignon
90 aute, si je ne me trompe) : il y a trente ans que nous nous plaignons de leur lenteur à répondre à nos SOS (eh quoi ! onze m
91 si je ne me trompe) : il y a trente ans que nous nous plaignons de leur lenteur à répondre à nos SOS (eh quoi ! onze mois p
92 nous nous plaignons de leur lenteur à répondre à nos SOS (eh quoi ! onze mois pour créer de toutes pièces l’armée de notre
93 onze mois pour créer de toutes pièces l’armée de notre libération et pour la débarquer en Algérie !) ; il y a trente ans que
94 te ans que, lorsqu’ils arrivent enfin, lorsqu’ils nous sauvent, nous leur disons : « De quoi vous mêlez-vous ? » Bref, trent
95 rsqu’ils arrivent enfin, lorsqu’ils nous sauvent, nous leur disons : « De quoi vous mêlez-vous ? » Bref, trente ans que nous
96  De quoi vous mêlez-vous ? » Bref, trente ans que nous voyons dans leurs réponses à nos appels désespérés autant de preuves
97 trente ans que nous voyons dans leurs réponses à nos appels désespérés autant de preuves de leur impérialisme. On va plus
98 s’isolent, mais surtout et précisément quand ils nous offrent leur appui ! J’entends dire couramment : « C’est entendu, ils
99 J’entends dire couramment : « C’est entendu, ils nous fournissent du blé et de l’argent pour l’acheter, mais croyez-vous qu
100 ble. À croire la propagande des staliniens, c’est nous qui sauverions l’Amérique de la ruine en acceptant qu’elle nous avanc
101 rions l’Amérique de la ruine en acceptant qu’elle nous avance une vingtaine de milliards de dollars ! C’est l’Amérique, dit-
102 n’y suffiront pas. Le plan Marshall se fonde sur nos besoins concrets, négligeant nos humeurs et préjugés. On ne nous dema
103 all se fonde sur nos besoins concrets, négligeant nos humeurs et préjugés. On ne nous demande pas de dire merci. Mais juste
104 ncrets, négligeant nos humeurs et préjugés. On ne nous demande pas de dire merci. Mais justement, puisque l’opportunisme n’e
105 le seul honneur de l’Europe, il serait temps que nous prenions un peu de tenue. Si nous étions francs, nous dirions : la vr
106 erait temps que nous prenions un peu de tenue. Si nous étions francs, nous dirions : la vraie menace contre l’indépendance e
107 prenions un peu de tenue. Si nous étions francs, nous dirions : la vraie menace contre l’indépendance européenne, elle ne v
108 s. Quant à l’indépendance morale et politique que nous devons affirmer ou regagner, c’est dans l’union fédérative du contine
109 du continent qu’elle trouvera sa seule garantie. Nous serons guéris de notre mauvaise conscience quand nous aurons admis qu
110 trouvera sa seule garantie. Nous serons guéris de notre mauvaise conscience quand nous aurons admis que la tâche concrète, ce
111 serons guéris de notre mauvaise conscience quand nous aurons admis que la tâche concrète, ce n’est pas de défendre l’Europe