1
: quelques mois et j’étais acclimaté. J’oubliais
que
le pays n’était pas le mien. C’était l’Europe. C’est ici l’Amérique,
2
à chaque pas sinon neuf, du moins différent de ce
que
mes réflexes attendaient. Des amis débarquant de France me disent : A
3
Des amis débarquant de France me disent : Alors,
qu’
en pensez-vous ? De l’Amérique ? Tout ce que je vais vous dire, tout c
4
lors, qu’en pensez-vous ? De l’Amérique ? Tout ce
que
je vais vous dire, tout ce que l’on peut en dire en général sera vrai
5
Amérique ? Tout ce que je vais vous dire, tout ce
que
l’on peut en dire en général sera vrai selon les temps et les lieux,
6
st tour à tour plus formaliste et plus sans façon
qu’
en Europe : plus avide de nouveauté et plus respectueusement conservat
7
quand j’y ai débarqué, je n’ai rien reconnu de ce
qu’
une douzaine d’ouvrages européens, tous fort exacts dans leurs informa
8
e à de l’insouciance — vers une party… « J’espère
que
tu t’amuses, que tu as du fun », écrit l’ami du fond du Pacifique. Je
9
nce — vers une party… « J’espère que tu t’amuses,
que
tu as du fun », écrit l’ami du fond du Pacifique. Je pense aussi à ce
10
rs : « Jim est simplement épatant, mais c’est Joe
que
j’aimais, je l’attends, je vais me séparer de Jim, et je suis sûre qu
11
tends, je vais me séparer de Jim, et je suis sûre
qu’
il comprendra très bien… » Un mois plus tard. Jim et Joe boivent ensem
12
moins jugé, moins jaugé, pour tout dire, moins vu
qu’
en Europe. Parce qu’ils sont moins conscients de leur vie et d’autrui,
13
d’autrui, ils me tolèrent davantage. Ce n’est pas
qu’
ils m’ignorent ou le feignent, mais ils m’acceptent avant tout sans ex
14
t pas un adjectif dépréciatif, bien au contraire,
qu’
on l’applique à un film, à un chapeau, ou même à un industriel entrepr
15
oires, méfiances paysannes ou réserves mondaines,
que
je découvrais un aspect tout contraire de la coutume américaine : le
16
iversités ; et « l’Inauguration » des présidents…
Qu’
il y ait là quelque chose de typiquement américain, j’en vois la preuv
17
abite loin d’une frontière, n’a de toute évidence
qu’
une portée symbolique et rituelle. Autrement, elle ne sert à rien. Mai
18
s ce peuple qui, par ailleurs, a poussé plus loin
que
tout autre le sans-gêne ou la simplicité, comme on voudra, dans les r
19
de la vie privée. Giraudoux a écrit quelque part
que
l’Amérique n’est pas une nation comme les autres, mais un club. Cette
20
bien des choses, et, en particulier, le paradoxe
qu’
on vient de relever. L’entrée dans le club est un acte public qui s’ac
21
ion et de l’orgueil d’y appartenir. Mais aussitôt
que
vous serez un membre régulier, vous aurez tous les droits, on ne s’oc
22
préface à quelques articles sur l’Amérique. C’est
que
je crois aux signes plus qu’aux faits ; aux courants de sensibilité p
23
ur l’Amérique. C’est que je crois aux signes plus
qu’
aux faits ; aux courants de sensibilité plus qu’aux chiffres et aux st
24
s qu’aux faits ; aux courants de sensibilité plus
qu’
aux chiffres et aux statistiques ; à ce qui prépare et fait mûrir lent
25
pare et fait mûrir lentement les événements, plus
qu’
aux incidents de la semaine. Il me semble assez important, pour faire
26
éricaine, de parler tout d’abord et surtout de ce
qu’
on ne dit pas dans les dépêches, de ce qui n’est pas matière d’enquête
27
t affecter notre sort matériel, aussi directement
que
naguère les crises d’un certain névropathe. a. Rougemont Denis de,
28
s, mais avec un sourire de rêve heureux. Je crois
qu’
ils sont bien moins conscients que nous. À quoi rêvent-ils ? À la vie
29
ureux. Je crois qu’ils sont bien moins conscients
que
nous. À quoi rêvent-ils ? À la vie large, toujours plus large devant
30
s large devant eux, à la richesse et à la liberté
qu’
elle leur donnerait, croient-ils. À une aisance qui va venir. C’est là
31
sance qui va venir. C’est là tout le secret de ce
que
l’on nomme leur optimisme. L’Américain ne croit pas aux limites. Une
32
ites le gênent, mais il ne veut pas même admettre
qu’
elles existent, sinon pour être dépassées. C’est contraire à sa tradit
33
tière toujours plus loin vers l’ouest. Jusqu’à ce
qu’
enfin, au xixe siècle, les colons de la Nouvelle-Angleterre aient pu
34
e du continent. Mais c’était une limite atteinte.
Qu’
allaient-ils faire des énergies mises en œuvre pour la conquête ? Ils
35
loin, vers une vie toujours plus large. Le soldat
qu’
un ancien paquebot de luxe ramène vers son pays du fond du Pacifique o
36
Pacifique ou de l’Europe, dont il n’a guère connu
que
les ruines et les amertumes, rêve simplement de son foyer. Il voit sa
37
oin. Huit à neuf fois sur dix, vis-à-vis des pays
qu’
il vient de libérer au péril de sa vie, il garde une espèce de rancœur
38
, il garde une espèce de rancœur. Je ne pense pas
que
le mot soit trop fort. Je parle de la majorité. Je connais beaucoup d
39
lections, il y aurait huit à neuf chances sur dix
que
l’Amérique retourne à l’isolationnisme. Rien de tel pour blesser l’am
40
en de tel pour blesser l’amour entre deux peuples
que
de les mélanger dans leurs épreuves. Les jeunes Américains se sont tr
41
e sont trouvés mêlés au grand malheur des peuples
qu’
ils aimaient de loin. Ils ont été courageux devant l’ennemi, mais non
42
t la misère de leurs amis. Ils rentrent en disant
que
la France est sale et en désordre, que tout y est cher pour eux et qu
43
en disant que la France est sale et en désordre,
que
tout y est cher pour eux et que les WC sont au milieu des places publ
44
e et en désordre, que tout y est cher pour eux et
que
les WC sont au milieu des places publiques. Ils demandent qu’on ne le
45
ont au milieu des places publiques. Ils demandent
qu’
on ne leur parle plus des indigènes européens, ces agités, ces nerveux
46
s qui luttaient sur la « frontière ». Il pressent
qu’
il a fait son plein ou qu’il est bien près de le faire dans les limite
47
rontière ». Il pressent qu’il a fait son plein ou
qu’
il est bien près de le faire dans les limites de son pays, « d’une côt
48
uiète profondément. Or c’est bien cette situation
que
Cordell Hull, le ministre des Affaires étrangères de Roosevelt, avait
49
angères de Roosevelt, avait prévue. Et c’est elle
qu’
il avait tenté de prévenir, non sans succès, en particulier par sa pol
50
i l’Amérique, malgré le choc en retour inévitable
que
provoquera sans doute l’an prochain la rentrée massive des vétérans,
51
que comme le pays où ce qui va venir émeut autant
qu’
en Europe le souvenir. Mais ce qui va venir, direz-vous, n’est-ce pas
52
prochain article, les motifs qui m’ont convaincu
que
l’expansion américaine n’est pas du tout à base d’impérialisme au sen
53
d’impérialisme au sens européen du mot. Je pense
que
nous avons un peu plus de raisons de nous en réjouir que de nous en m
54
s avons un peu plus de raisons de nous en réjouir
que
de nous en méfier. b. Rougemont Denis de, « Le rêve américain », C
55
histoire, un « four » de Broadway, sur le soupçon
qu’
on pourrait y trouver « une idée ». Je soupçonne, pour ma part, que Ho
56
trouver « une idée ». Je soupçonne, pour ma part,
que
Hollywood n’y trouvera rien, ou si elle y trouve un germe, le nettoie
57
un germe, le nettoiera. Car Hollywood n’est plus
qu’
une machine. Elle transforme en argent tout ce qu’elle a envie de touc
58
qu’une machine. Elle transforme en argent tout ce
qu’
elle a envie de toucher, et c’est pourquoi son avidité même à se renou
59
enouveler stérilise instantanément les nouveautés
qu’
il semblerait facile d’y introduire, à première vue. Cette technique t
60
vue. Cette technique trop parfaite n’est obtenue
qu’
au prix de telles dépenses et d’une telle quantité de spécialistes neu
61
mille préjugés hérités de trente ans de triomphe,
qu’
il n’est pas de génie assez coriace pour survivre à pareille torture a
62
ng, de coups de feu et de coups de théâtre. C’est
que
le public, me disent les producers, n’accepte pas que Hedy Lamarr soi
63
le public, me disent les producers, n’accepte pas
que
Hedy Lamarr soit mal habillée si elle joue une pauvresse, qu’Ingrid B
64
arr soit mal habillée si elle joue une pauvresse,
qu’
Ingrid Bergman ressemble à la Suédoise qu’elle est, plutôt qu’à une st
65
vresse, qu’Ingrid Bergman ressemble à la Suédoise
qu’
elle est, plutôt qu’à une star comme les autres. N’insistons pas : la
66
rgman ressemble à la Suédoise qu’elle est, plutôt
qu’
à une star comme les autres. N’insistons pas : la décadence de Hollywo
67
mes cadets, d’ici dix ans, Hollywood ne sera plus
qu’
une légende : comme l’est déjà Greta Garbo, symbole d’un âge. Ô Garbo
68
régnant sur des millions de nuits, mythe évasif,
que
n’êtes-vous disparue comme un songe au matin ? Dans ce petit restaura
69
e deux dans cinq minutes ? Merci. Vous allez voir
que
cela vaut le dérangement. Je me déplace. Elle entre sur ses talons pl
70
. J’eusse préféré ne la voir jamais, mais j’avoue
qu’
elle est très jolie, malgré la minceur de ses lèvres. Un peu plus tard
71
ez une surprise. » J’arrive très tôt et ne trouve
qu’
un géant, Robert Sherwood, le dramaturge et l’un des conseillers intim
72
ésentée comme « Miss G… » (prononcez Djie), ainsi
qu’
on fait parfois des souverains en voyage. Comme elle est gaie ! J’ai p
73
le génie de ne rien dire qui la rende plus réelle
qu’
une image. Ne serait-ce pas là son secret ? Se prêter à la fantaisie d
74
⁂ Revenons à nos moutons de Hollywood. Je ne vois
qu’
un homme en Amérique, qui ait su tirer du cinéma quelques-uns des moye
75
es-uns des moyens d’expression radicalement neufs
qu’
il permet : c’est Walt Disney. Les autres en sont encore à photographi
76
ur les rythmes habituels de notre vie. C’est dire
qu’
ils oublient ou refusent de prendre avantage des possibilités uniques
77
aciles à définir, en deux mots : voilà le domaine
que
Disney seul a le courage d’explorer aujourd’hui. Mickey et Donald le
78
s sont de notre temps d’une manière plus profonde
que
leur auteur, sans doute, n’eût osé le soupçonner. Car il n’est pas in
79
ndemain de la première de Fantasia à Buenos Aires
que
j’ai rencontré Walt Disney. Nous l’attendions à déjeuner chez Victori
80
musique classique. » Un froid, et chacun pense :
Que
ne l’a-t-elle empêché de s’en occuper ! Son mauvais goût me paraît ir
81
n de Fantasia, sur l’Ave Maria de Schubert, n’est
qu’
une suite de cartes de bons vœux comme il s’en envoie des millions à c
82
il faut se garder d’innover ou de faire plus vrai
que
la convention du jour. Les milliers d’employés déjà cités se livrent
83
. En même temps, les producers se plaignent de ce
que
les auteurs n’aient plus d’idées… Je vais leur donner gratis le moyen
84
dant que j’y suis, un bon conseil : ne croyez pas
que
le grand public déteste autant que vous la nouveauté. Il a aimé Disne
85
ne croyez pas que le grand public déteste autant
que
vous la nouveauté. Il a aimé Disney. Et qui sait s’il ne va point pré
86
es signes sont là. Dépêchez-vous ! Mais peut-être
qu’
il est trop tard : et qu’ils s’en doutent. L’importance des studios de
87
ez-vous ! Mais peut-être qu’il est trop tard : et
qu’
ils s’en doutent. L’importance des studios de New York s’accroît sans
88
é, une ghost town pareille à ces villes éphémères
que
fit surgir dans le Colorado la ruée vers l’or, et qui n’offrent plus
89
ruée vers l’or, et qui n’offrent plus aujourd’hui
qu’
un asile délabré aux bandits, et des sujets de scénarios historiques.
90
t des sujets de scénarios historiques. Il se peut
que
Hollywood, après sa mort, devienne une merveilleuse « idée de film »,
91
renaisse à l’écran sous la forme du chef-d’œuvre
que
, vivante, elle n’a fait que rêver. c. Rougemont Denis de, « Hollyw
92
forme du chef-d’œuvre que, vivante, elle n’a fait
que
rêver. c. Rougemont Denis de, « Hollywood n’a plus d’idées », Carr
93
esses volantes en pacotille de nursery exige plus
qu’
un instant de foi et d’abandon… Cet an de grâce rationné 1945 se termi
94
Mais rien n’empêche le Waldorf Astoria d’annoncer
que
sa nuit de Nouvel An « promet d’être la plus grande nuit de l’histoir
95
rc où il sera replanté dès janvier, n’ayant coûté
que
cent dollars de location à M. John D. Rockefeller, car tout se sait.
96
aille, sous le souffle d’un bœuf malodorant. Plus
que
dix jours pour acquérir dans cette aimable bousculade la bonne consci
97
dans cette aimable bousculade la bonne conscience
que
représente une table chargée de cadeaux enveloppés de papiers brillan
98
s primitifs la manière de conjurer le sort ? Plus
que
dix jours pour s’assurer une bonne place dans le monde des familles,
99
et de Prætorius, Une rose est née… et je me dirai
que
l’Amérique n’a pas encore très bien compris les traditions, parce qu’
100
si ce n’était pas lui qui gagne à tous les coups.
Qu’
apportera cette fin d’année ? Un dernier speech de La Guardia à la rad
101
s pour cuire la dinde ; le politicien rusé autant
qu’
honnête, le gros petit homme à la face de clown, Fiorello, la Fleurett
102
is aériens. Déjà la télévision en couleurs prouve
qu’
elle ne le cède en rien à la photographie pour « le brillant et la pré
103
de l’antiaméricanisme, pour que nous comprenions
que
les hommes ont fort peu de bonne volonté ? La plupart sont involontai
104
onté ? La plupart sont involontaires. Ils ne font
que
subir leur condition. À Times Square, dans une foule compacte et lent
105
te de radio, m’interviewa au sujet du petit livre
que
je venais de publier sur l’Allemagne. J’expliquai que la presse hitlé
106
je venais de publier sur l’Allemagne. J’expliquai
que
la presse hitlérienne me paraissait meilleure que celle de France, pa
107
que la presse hitlérienne me paraissait meilleure
que
celle de France, parce qu’elle donnait plus de nouvelles du monde, et
108
de, et d’une manière plus objective, du fait même
que
ses partis pris étaient connus et déclarés. Le directeur du journal e
109
e partie de l’interview, en vertu de la politique
qu’
on attribue par erreur à l’autruche. Je suis certain qu’il avait tort,
110
attribue par erreur à l’autruche. Je suis certain
qu’
il avait tort, comme la suite l’a prouvé d’ailleurs. Le directeur de C
111
ailleurs. Le directeur de Carrefour admettra-t-il
que
je récidive, à propos cette fois-ci de l’exemple américain ? Exposé
112
bats les plus graves et les plus passionnés, tels
que
ceux que provoquent une période de grèves, le renvoi bruyant d’un min
113
plus graves et les plus passionnés, tels que ceux
que
provoquent une période de grèves, le renvoi bruyant d’un ministre, ou
114
sée, pièces à l’appui, devant le lecteur. Mais ce
que
vous ne verrez jamais, dans ce même journal, c’est une polémique cont
115
très important. En France, il arrive trop souvent
que
le débat réel reste mal défini, les positions des parties en présence
116
es dans les termes exacts où elles s’arrêtent. Ce
que
l’on trouve dans son journal, c’est un débat à propos d’un débat. C’e
117
n problème qui, semble-t-il, importe moins en soi
que
ce qu’en disent les partis. Ainsi l’on peut « causer » à l’infini, ma
118
ème qui, semble-t-il, importe moins en soi que ce
qu’
en disent les partis. Ainsi l’on peut « causer » à l’infini, mais sans
119
s bien, parbleu ! comme dirait Gide. Et je savais
que
quel que fût le problème posé, ils resteraient attachés « indéfectibl
120
arbleu ! comme dirait Gide. Et je savais que quel
que
fût le problème posé, ils resteraient attachés « indéfectiblement »,
121
incipes. Mais le problème subsiste et je voudrais
qu’
on me dise comment le résoudre pratiquement. Au lieu de quoi Tartempio
122
tiquement. Au lieu de quoi Tartempion me ressasse
que
Durand n’est qu’un radical. De quoi donc parlait-on ? Qu’allons-nous
123
u de quoi Tartempion me ressasse que Durand n’est
qu’
un radical. De quoi donc parlait-on ? Qu’allons-nous faire ? Ce n’est
124
nd n’est qu’un radical. De quoi donc parlait-on ?
Qu’
allons-nous faire ? Ce n’est pas que les journaux américains craignent
125
parlait-on ? Qu’allons-nous faire ? Ce n’est pas
que
les journaux américains craignent la discussion violente, la dénoncia
126
re, correspondance, jardin, etc. Mais le fait est
qu’
une dépêche de Paris, par un correspondant américain, qui occupe chaqu
127
n apprend davantage sur ce qui se passe en France
que
la lecture de dix journaux français. Tous les Français, qui viennent
128
à l’infini ; des pages de publicité aussi chères
qu’
abondantes ; ou un propriétaire aux dollars inépuisables. Ce qui s’opp
129
York, pour sept millions d’habitants, ne possède
que
neuf grands journaux ; Paris en publie sept fois plus, qui, d’ailleur
130
régulières. Celle des sports, contrairement à ce
que
l’on attendrait, ne tient pas plus de place que dans la presse frança
131
e que l’on attendrait, ne tient pas plus de place
que
dans la presse française. Par contre, celle de la religion, qui n’exi
132
itage inexcusable de la presse du siècle dernier,
que
nous appelons le roman-feuilleton, et que je vois encore, en pleine p
133
ernier, que nous appelons le roman-feuilleton, et
que
je vois encore, en pleine période de disette de papier, encombrer le
134
tez-leur une histoire. « S’ils n’ont pas de pain,
qu’
ils mangent des brioches ! » Le siècle est en révolution, l’Europe en
135
ur quoi peut bien régner ce ministère ? J’imagine
qu’
il a pris à tâche de créer un nouvel esprit, un nouveau sens des devoi
136
ou du Herald Tribune. Ce sont ces grands journaux
que
j’avais dans l’esprit en écrivant ce qui précède. J’ai préféré ne poi
137
opéen. Toutes les comparaisons du genre de celles
que
je viens d’esquisser courent le risque d’opposer le meilleur d’un des
138
eut lire sous la plume d’un fermier du Middlewest
que
l’Amérique est le seul pays décent au monde, et qu’un agent d’assuran
139
e l’Amérique est le seul pays décent au monde, et
qu’
un agent d’assurances du Connecticut affirme qu’elle jouit d’un gouver
140
t qu’un agent d’assurances du Connecticut affirme
qu’
elle jouit d’un gouvernement pratiquement idéal, le Contrôleur général
141
ives et de leur budget particulier, mais il avoue
que
c’est une tâche impossible. Dans le domaine des transports, par exemp
142
s pour étudier cette situation. Il est concevable
qu’
un dixième comité ait pour objet d’examiner l’activité des neuf premie
143
sables de ce board. Et ainsi de suite, jusqu’à ce
que
le président, ayant reçu cent-mille lettres de protestation, décide q
144
t reçu cent-mille lettres de protestation, décide
que
les transports doivent transporter, avant même de faire vivre leurs b
145
n nouveau salaire. Et puis en avant, et voyons ce
que
le coming man va nous sortir. S’il réussit, sa gloire sera grande pen
146
pendant plusieurs semaines au moins, à condition
que
la presse l’ait adopté. S’il rate, il sera vidé sans autres formes qu
147
dopté. S’il rate, il sera vidé sans autres formes
qu’
une lettre personnelle du président, qu’il pourra lire le jour même da
148
es formes qu’une lettre personnelle du président,
qu’
il pourra lire le jour même dans le journal : « Mon cher Bill, au mome
149
s remercier pour les services (adjectif variable)
que
vous avez rendus à l’administration. Les circonstances m’obligent, et
150
ugmentation de salaire et de rang. Et c’est ainsi
que
dans le désordre éperdument organisé, la bureaucratie la plus coûteus
151
dont la victoire sur les nazis et le Japon n’est
que
le premier exemple qui me vienne à l’esprit. J’ai dit désordre, parce
152
rit. J’ai dit désordre, parce que c’est de ce nom
que
l’on désigne ordinairement une situation dont notre esprit n’arrive p
153
dre, mais seulement des complexités.) Le fait est
que
je n’imagine pas un seul de mes contemporains qui soit capable d’embr
154
administrative… Le président a plus de pouvoir
qu’
un roi, dit-on. Mais ce n’est pas beaucoup dire, de nos jours. Il choi
155
tère non régulier à celui d’expédient de crise) ;
qu’
il n’y a pas homme au monde qui ait le temps ou les moyens intellectue
156
ls de s’y retrouver : à peine y serait-il parvenu
que
le tableau changerait en quelques jours. D’où la gabegie littéralemen
157
al essaie de donner une idée dans le bref article
que
je citais : Prenez le problème du logement. Il y a quelques années,
158
vaux. Mais son administrateur déclare aujourd’hui
que
« des projets financés par le gouvernement fédéral ont été néanmoins
159
agences différentes ». Le même article m’apprend
qu’
un cinquième du territoire est propriété du gouvernement, c’est-à-dire
160
le ne produit pas plus d’inspecteurs des Finances
que
de ronds-de-cuir de père en fils. Le personnel des bureaux gouverneme
161
nsuite, tous ces fonctionnaires d’occasion savent
qu’
ils peuvent être aisément révoqués, et l’acceptent non moins aisément,
162
principe, car ils ont par ailleurs une profession
qu’
ils pourront reprendre au premier jour. J’ai fait partie de la troupe
163
i travaillé pendant près de deux ans, ne comptait
qu’
une infime minorité de fonctionnaires de métier. Le chef en fut d’abor
164
de son temps à rédiger de longs rapports prouvant
qu’
elle est indispensable. Ici et là, quelques énergumènes s’aviseront de
165
bien : car c’est, en fait, par très peu d’hommes
que
les choses marchent. Alors un être d’exception, comme vous ou moi, se
166
a vindicte publique, ils n’auraient plus de choix
qu’
entre la démission et la tyrannie déclarée. Les bureaux à l’américaine
167
ique, chez eux, en tient la place. Se pourrait-il
qu’
un jour prochain, cette opinion publique, reine des États-Unis, devînt
168
devînt nationaliste à notre image européenne ? Et
qu’
elle décidât d’imposer au monde entier la loi yankee ? Il faudrait tou
169
e entier la loi yankee ? Il faudrait tout d’abord
que
l’Amérique se formât une conscience nationale. Le phénomène est-il pr
170
’il l’est, devons-nous le redouter ? Je répondrai
que
le phénomène est non seulement probable, mais en train de s’accomplir
171
omplir sous nos yeux. Pourtant, je reste persuadé
qu’
il ne comporte rien de redoutable. Une nation prend conscience d’elle-
172
ême lorsqu’elle atteint ses limites naturelles et
qu’
elle se heurte à des voisins organisés. Or c’est le cas de l’Amérique,
173
c’est le cas de l’Amérique, virtuellement, depuis
que
sa mouvante frontier a rejoint ses frontières naturelles, aux environ
174
ritannique et français. Couronnant le tout, voici
que
le monde germanique vient déclarer la guerre aux États-Unis, puis que
175
que vient déclarer la guerre aux États-Unis, puis
que
le monde russe, provisoirement allié, entre en concurrence déclarée a
176
coup ; et, de plus, elle l’a gagnée avec une arme
qu’
elle se trouve seule à posséder pour le moment. Voilà bien des raisons
177
nscience de soi, en tant que nation, avec tout ce
que
cela comporte d’orgueil et de volonté de régenter le monde, puisqu’on
178
rieux et tout-puissants du premier coup. Imaginez
qu’
un grand pays européen ait remporté des triomphes de cet ordre. La ter
179
nées, pour marquer sa réprobation aussi fortement
que
possible : It’s unamerican, « ce n’est pas américain. » Nationalisme,
180
qui les fait devenir vraiment Américains, quelles
que
soient, par ailleurs, leurs origines. On ne se réfère pas au passé, m
181
ition, mais l’utopie. On pense moins aux ancêtres
qu’
aux descendants, considérés d’ailleurs comme nécessairement ascendants
182
ais au contraire d’une exhortation et d’un rappel
qu’
on adresse à soi-même autant qu’aux autres, afin que chacun devienne p
183
on et d’un rappel qu’on adresse à soi-même autant
qu’
aux autres, afin que chacun devienne plus digne de ce que tous attende
184
autres, afin que chacun devienne plus digne de ce
que
tous attendent de ce pays, plus digne du mythe, du rêve américain. Vo
185
u comme chez Rosenberg dans le sang et le sol. Ce
qu’
il y a de répugnant dans le nationalisme européen, c’est que l’on y se
186
de répugnant dans le nationalisme européen, c’est
que
l’on y sent une volonté de resserrement, une soif d’imposer au voisin
187
n village qui n’est pas le sien. Au contraire, ce
qu’
il y a de rassurant dans le nationalisme américain, c’est qu’on y sent
188
e rassurant dans le nationalisme américain, c’est
qu’
on y sent une volonté d’élargissement, une soif de proposer au voisin
189
if de proposer au voisin les moyens de libération
qu’
on vient de découvrir pour son compte et qui seront bien plus efficace
190
serons noyés par une civilisation qui ne respecte
que
la quantité ; le dollar sera roi, etc. » Toutes ces méfiances sont sa
191
ace pour leur civilisation semblent avouer par là
que
cette dernière n’est plus très saine, qu’elle « sent » déjà. Il est g
192
par là que cette dernière n’est plus très saine,
qu’
elle « sent » déjà. Il est grand temps qu’on la mette dans la glace. D
193
saine, qu’elle « sent » déjà. Il est grand temps
qu’
on la mette dans la glace. De même, le commerce américain ne peut nous
194
ême, le commerce américain ne peut nous submerger
qu’
au moyen de produits que nous aurons bien voulu acheter ; et si son ry
195
in ne peut nous submerger qu’au moyen de produits
que
nous aurons bien voulu acheter ; et si son rythme plus rapide met en
196
États-Unis nous a fait moins de mal, semble-t-il,
que
« l’intelligence » inhumaine de certains chefs européens qui professa
197
de l’abaissement de notre qualité. En résumé, ce
que
l’on nomme en Europe « l’américanisme » n’est pas un danger américain
198
ger américain, mais européen. Je veux dire par là
que
si un homme devient l’esclave de son automobile, le blâme en retombe
199
o, une fois l’automobile achetée, il ne dépendait
que
de lui d’aller à pied quand cela lui chantait. Mais je m’avise ici d’
200
l’Amérique, d’une part, et qui se plaignent de ce
que
l’Amérique ne leur vende pas assez de blé, d’autre part. Quand l’Amér
201
ocrisie puritaine. Et il arrive même trop souvent
que
l’on parle des deux à la fois. Je voudrais insister sur ce point. Ceu
202
le. Mais quand elle fait une crise d’idéalisme et
qu’
elle intervient dans les affaires d’Europe, comme en 1917 et en 1943,
203
en 1917 et en 1943, on l’accuse de se mêler de ce
qu’
elle ne peut comprendre. Ce qu’on voudrait, en somme, c’est que les Am
204
de se mêler de ce qu’elle ne peut comprendre. Ce
qu’
on voudrait, en somme, c’est que les Américains interviennent quand le
205
ut comprendre. Ce qu’on voudrait, en somme, c’est
que
les Américains interviennent quand les choses vont très mal — par not
206
d les choses vont très mal — par notre faute — et
qu’
ils vident les lieux en vitesse, comme des intrus et sans remerciement
207
0 millions d’hommes.) « Eh quoi ! trois mois déjà
que
nous sommes libérés et ils infestent encore nos bars ! » ⁂ Autre exem
208
harge de l’occupation sur les bras ! » Remarquons
que
les Russes ne prêtent pas le flanc à des critiques de ce genre parce
209
olitique américaine hésite parfois. D’autant plus
qu’
il existe bel et bien aux États-Unis des fractions isolationnistes et
210
isolationnistes et des fractions impérialistes et
que
ces minorités, d’ailleurs plus bruyantes qu’efficaces, se confondent
211
s et que ces minorités, d’ailleurs plus bruyantes
qu’
efficaces, se confondent même dans certains cas — par un paradoxe symé
212
ertains cas — par un paradoxe symétrique de celui
que
je relevais tout à l’heure. Cette timidité de la politique américaine
213
me paraît beaucoup plus dangereuse pour l’Europe
que
cet impérialisme qu’on redoute pour de mauvaises raisons ou parce qu’
214
lus dangereuse pour l’Europe que cet impérialisme
qu’
on redoute pour de mauvaises raisons ou parce qu’on l’assimile à des t
215
endances européennes qui n’ont de commun avec lui
que
le nom. h. Rougemont Denis de, « L’Amérique est-elle nationaliste
216
on mécanique relève de l’imitation — il est clair
qu’
il ne peut exister d’art dirigé, pas plus qu’on ne peut prévoir l’impr
217
pas plus qu’on ne peut prévoir l’imprévisible. Ce
que
les communistes veulent diriger n’est pas l’art, mais la propagande e
218
t la production de cartes postales en couleur. Ce
qu’
ils appellent diriger l’art, c’est d’une part exercer une censure (mai
219
’être immédiatement accessible au peuple, il faut
qu’
il se maintienne au niveau de la presse du savoir et de la radio (libr
220
x dire exprime une théologie et une métaphysique,
qu’
on le veuille et le sache, ou non. Je pense que cela va mieux en le sa
221
e, qu’on le veuille et le sache, ou non. Je pense
que
cela va mieux en le sachant. Mais les idéologies politiques d’aujourd
222
d’aujourd’hui sont aussi stériles pour l’artiste
que
fureur féconde la théologie au Moyen Âge, la métaphysique au temps du
223
ans les limites d’un art dirigé ? 2. Estimez-vous
que
l’artiste doive se préoccuper d’être immédiatement accessible au plus
224
le sujet. En Europe, au contraire, il m’apparaît
que
l’idée d’un gouvernement mondial se heurte au scepticisme général, et
225
heurte au scepticisme général, et même, pour peu
que
l’on insiste, provoque une curieuse impatience. Examinons les objecti
226
une curieuse impatience. Examinons les objectifs
qu’
on lui oppose couramment. Je trouve d’abord un réflexe de fatigue et d
227
qualifiant d’« utopie ». Bornons-nous à remarquer
que
cet argument a contre lui toute l’histoire de l’humanité, qui est l’h
228
iter une idée en utopie, c’est en fait déclarer «
qu’
on est contre », en évitant d’avouer ses raisons ou de démasquer ses p
229
sons ou de démasquer ses préjugés. Ensuite on dit
que
« l’humanité n’est pas prête pour un gouvernement mondial ». La timid
230
r un gouvernement mondial ». La timidité d’esprit
que
cet argument trahit touche à la mauvaise foi. S’est-on jamais préoccu
231
la mort en grande série ? Ce qui est vrai, c’est
qu’
on les y prépare de force, quand on a décidé de faire la guerre. Mais
232
l est inexact dans le cas particulier. Vous dites
que
les peuples ne sont pas prêts à accepter l’idée d’un gouvernement mon
233
à accepter l’idée d’un gouvernement mondial, mais
qu’
en savez-vous ? Le seul peuple « sondé » à ce sujet, celui des États-U
234
e réponses favorables à cette idée. Avouez plutôt
que
vous, personnellement, n’y êtes pas prêt, que vous personnellement y
235
tôt que vous, personnellement, n’y êtes pas prêt,
que
vous personnellement y êtes hostile. Car autrement, au lieu de dire :
236
e projet paraît juste et nécessaire, donc il faut
que
les peuples se préparent à le réaliser. Passons aux objections plus r
237
moins d’imaginer, avant de le rejeter, le projet
qu’
on propose. Elles se ramènent à deux types d’argument : le gouvernemen
238
échec de la Société des Nations, et l’on rappelle
qu’
à chaque conflit sérieux les nations se sont divisées suivant les lign
239
réagi bien moins en tant que membres de la Ligue
qu’
au nom de leurs intérêts individuels et de leurs alliances particulièr
240
non contre le gouvernement mondial. La faiblesse
qu’
on signale avait une cause précise dans le statut de la SDN, lequel sa
241
ent l’ONU, et c’est précisément pour cette raison
que
beaucoup éprouvent l’urgence d’un gouvernement mondial. Ce dernier,
242
es nations, de leurs prérogatives de droit divin.
Qu’
on ne dise pas que c’est une pure rêverie. Tout récemment, nous avons
243
rs prérogatives de droit divin. Qu’on ne dise pas
que
c’est une pure rêverie. Tout récemment, nous avons enregistré la prem
244
S s’est aussitôt opposé au projet, pour la raison
qu’
il comportait « une atteinte aux souverainetés nationales ». Et les Am
245
netés nationales ». Et les Américains ont répondu
que
c’était bien là ce qu’ils voulaient. Cet incident résume tout le prob
246
les Américains ont répondu que c’était bien là ce
qu’
ils voulaient. Cet incident résume tout le problème. D’une part, il pe
247
ries. Ils remarquaient tout à l’heure avec raison
qu’
une ligue de gouvernants est par définition incapable d’empêcher la gu
248
fs des États en conflit. Ils déclarent maintenant
qu’
un pouvoir mondial indépendant de ces gouvernants, né de l’abandon par
249
ire trop puissant. Et, en effet, on peut redouter
qu’
un tel pouvoir soit tenté d’imposer à tout le genre humain l’idéologie
250
’homme.) Ainsi la paix mondiale ne serait établie
qu’
au prix d’une sorte de paralysie de l’histoire, et d’un appauvrissemen
251
ique. (Car il apparaît de plus en plus clairement
que
la clé des quatre libertés est dans la liberté d’opposition, et que c
252
tre libertés est dans la liberté d’opposition, et
que
celle-ci suffit à distinguer la démocratie de ses contrefaçons totali
253
ies par la nécessité même qui nous fait souhaiter
qu’
il existe : la nécessité urgente d’empêcher la guerre, c’est-à-dire de
254
économique, les trois phénomènes sont liés. Tant
que
subsistera le régime des États-nations absolument souverains, nous au
255
s des menaces de guerre : et réciproquement, tant
qu’
il y aura des menaces de guerre, les États tendront à l’autarcie, les
256
ra dans un autre. Je n’ai d’autre ambition, ici,
que
d’attirer l’attention, d’une part sur la faiblesse des objections pré
257
e part sur la faiblesse des objections préalables
qu’
on oppose couramment à l’idée d’une fédération mondiale, d’autre part
258
problèmes qui se posent à son sujet. Car quelles
que
soient les difficultés que rencontre son établissement et les dangers
259
son sujet. Car quelles que soient les difficultés
que
rencontre son établissement et les dangers en partie imprévisibles qu
260
(comme de toute institution humaine), le fait est
que
cette fédération paraît aujourd’hui le seul remède contre la guerre.
261
guerre, pratiquement, précipite les conflits plus
qu’
elle ne les retarde.) Et si la guerre éclate — militaire ou non —, il
262
erté. L’utopie ou la tragédie, tel est le dilemme
que
nous offre le siècle. En nous refusant à l’une, nous décidons pour l’
263
décidons pour l’autre. Ce qui est certain, c’est
que
l’une et l’autre ne peuvent plus être désormais qu’aux dimensions de
264
e l’une et l’autre ne peuvent plus être désormais
qu’
aux dimensions de la planète. k. Rougemont Denis de, « Fédération o
265
« Jean-Paul Sartre vous parle… et ce
qu’
en pensent… » (29 octobre 1947)l m Émission plus ambiguë en fait qu
266
octobre 1947)l m Émission plus ambiguë en fait
qu’
en intention, si l’on néglige le sophisme de la moustache, qui en disq
267
en sont un autre… ça va.) Sartre a raison de dire
que
la guerre n’est pas fatale, mais en fait l’argument porte surtout con
268
ratie capitaliste. Merleau-Ponty a raison de dire
qu’
il « faudrait faire appel à la démocratie américaine » et de se taire
269
endre la liberté de penser, mais quand elle dit «
qu’
on peut toujours trouver les circonstances qui amènent à déclarer que
270
trouver les circonstances qui amènent à déclarer
que
telle ou telle liberté est dangereuse », elle s’appuie sans doute sur
271
à une enquête] Jean-Paul Sartre vous parle… et ce
qu’
en pensent… », Carrefour, Paris, 29 octobre 1947, p. 7. m. Réponse à
272
rances de notre ingratitude anticipée. » C’est ce
qu’
il me semble entendre un peu partout depuis que je suis rentré dans ce
273
ce qu’il me semble entendre un peu partout depuis
que
je suis rentré dans ce vieux monde. Or il ne s’agit pas d’une attitud
274
le seul fait des communistes : il y a trente ans
que
l’Europe, la bourgeoisie d’Europe, se conduit mal à l’égard des États
275
ersations et de beaucoup d’articles, de jugements
que
nous portons chaque jour sur les Américains et leur action. Il y a tr
276
les Américains et leur action. Il y a trente ans
que
nous les abreuvons de récriminations et de dédains, de demandes d’emp
277
onciations de leur capitalisme. Il y a trente ans
que
nous les appelons au secours quand l’Europe est à feu et à sang (par
278
re faute, si je ne me trompe) : il y a trente ans
que
nous nous plaignons de leur lenteur à répondre à nos SOS (eh quoi ! o
279
ur la débarquer en Algérie !) ; il y a trente ans
que
, lorsqu’ils arrivent enfin, lorsqu’ils nous sauvent, nous leur disons
280
: « De quoi vous mêlez-vous ? » Bref, trente ans
que
nous voyons dans leurs réponses à nos appels désespérés autant de pre
281
é et de l’argent pour l’acheter, mais croyez-vous
que
ce soit par pure philanthropie ? Soyez sûr qu’ils y trouvent leur int
282
us que ce soit par pure philanthropie ? Soyez sûr
qu’
ils y trouvent leur intérêt ! » Que voudrait-on qu’ils y trouvent d’au
283
ie ? Soyez sûr qu’ils y trouvent leur intérêt ! »
Que
voudrait-on qu’ils y trouvent d’autre ? L’intérêt de l’Amérique, c’es
284
u’ils y trouvent leur intérêt ! » Que voudrait-on
qu’
ils y trouvent d’autre ? L’intérêt de l’Amérique, c’est que l’Europe v
285
trouvent d’autre ? L’intérêt de l’Amérique, c’est
que
l’Europe vive et ne tombe pas aux mains des Russes ; c’est qu’elle so
286
vive et ne tombe pas aux mains des Russes ; c’est
qu’
elle soit forte et donc unique, puisque les autres comptent sur sa fai
287
quer, un ridicule d’avoir réalisé sans phrases ce
que
les Russes promettent aux masses et ne leur donnent pas. On va plus l
288
ui sauverions l’Amérique de la ruine en acceptant
qu’
elle nous avance une vingtaine de milliards de dollars ! C’est l’Améri
289
t des marchés européens… Rien de plus stupéfiant
que
la popularité de ce théâtre pour illettrés. Raymond Aron, après vingt
290
pour le seul honneur de l’Europe, il serait temps
que
nous prenions un peu de tenue. Si nous étions francs, nous dirions :
291
rique, mais de nous-mêmes. La vraie, ce n’est pas
que
M. Clayton morigène les experts du Comité des Seize, mais que ceux-ci
292
on morigène les experts du Comité des Seize, mais
que
ceux-ci se mettent dans le cas de mériter pareil rappel à l’ordre. L’
293
plus. Quant à l’indépendance morale et politique
que
nous devons affirmer ou regagner, c’est dans l’union fédérative du co
294
agner, c’est dans l’union fédérative du continent
qu’
elle trouvera sa seule garantie. Nous serons guéris de notre mauvaise
295
notre mauvaise conscience quand nous aurons admis
que
la tâche concrète, ce n’est pas de défendre l’Europe, mais de la fair