1 1945, Carrefour, articles (1945–1947). L’Amérique de la vie quotidienne (19 octobre 1945)
1  : quelques mois et j’étais acclimaté. J’oubliais que le pays n’était pas le mien. C’était l’Europe. C’est ici l’Amérique,
2 à chaque pas sinon neuf, du moins différent de ce que mes réflexes attendaient. Des amis débarquant de France me disent : A
3 Des amis débarquant de France me disent : Alors, qu’ en pensez-vous ? De l’Amérique ? Tout ce que je vais vous dire, tout c
4 lors, qu’en pensez-vous ? De l’Amérique ? Tout ce que je vais vous dire, tout ce que l’on peut en dire en général sera vrai
5 Amérique ? Tout ce que je vais vous dire, tout ce que l’on peut en dire en général sera vrai selon les temps et les lieux,
6 st tour à tour plus formaliste et plus sans façon qu’ en Europe : plus avide de nouveauté et plus respectueusement conservat
7 quand j’y ai débarqué, je n’ai rien reconnu de ce qu’ une douzaine d’ouvrages européens, tous fort exacts dans leurs informa
8 e à de l’insouciance — vers une party… « J’espère que tu t’amuses, que tu as du fun », écrit l’ami du fond du Pacifique. Je
9 nce — vers une party… « J’espère que tu t’amuses, que tu as du fun », écrit l’ami du fond du Pacifique. Je pense aussi à ce
10 rs : « Jim est simplement épatant, mais c’est Joe que j’aimais, je l’attends, je vais me séparer de Jim, et je suis sûre qu
11 tends, je vais me séparer de Jim, et je suis sûre qu’ il comprendra très bien… » Un mois plus tard. Jim et Joe boivent ensem
12 moins jugé, moins jaugé, pour tout dire, moins vu qu’ en Europe. Parce qu’ils sont moins conscients de leur vie et d’autrui,
13 d’autrui, ils me tolèrent davantage. Ce n’est pas qu’ ils m’ignorent ou le feignent, mais ils m’acceptent avant tout sans ex
14 t pas un adjectif dépréciatif, bien au contraire, qu’ on l’applique à un film, à un chapeau, ou même à un industriel entrepr
15 oires, méfiances paysannes ou réserves mondaines, que je découvrais un aspect tout contraire de la coutume américaine : le
16 iversités ; et « l’Inauguration » des présidents… Qu’ il y ait là quelque chose de typiquement américain, j’en vois la preuv
17 abite loin d’une frontière, n’a de toute évidence qu’ une portée symbolique et rituelle. Autrement, elle ne sert à rien. Mai
18 s ce peuple qui, par ailleurs, a poussé plus loin que tout autre le sans-gêne ou la simplicité, comme on voudra, dans les r
19 de la vie privée. Giraudoux a écrit quelque part que l’Amérique n’est pas une nation comme les autres, mais un club. Cette
20 bien des choses, et, en particulier, le paradoxe qu’ on vient de relever. L’entrée dans le club est un acte public qui s’ac
21 ion et de l’orgueil d’y appartenir. Mais aussitôt que vous serez un membre régulier, vous aurez tous les droits, on ne s’oc
22 préface à quelques articles sur l’Amérique. C’est que je crois aux signes plus qu’aux faits ; aux courants de sensibilité p
23 ur l’Amérique. C’est que je crois aux signes plus qu’ aux faits ; aux courants de sensibilité plus qu’aux chiffres et aux st
24 s qu’aux faits ; aux courants de sensibilité plus qu’ aux chiffres et aux statistiques ; à ce qui prépare et fait mûrir lent
25 pare et fait mûrir lentement les événements, plus qu’ aux incidents de la semaine. Il me semble assez important, pour faire
26 éricaine, de parler tout d’abord et surtout de ce qu’ on ne dit pas dans les dépêches, de ce qui n’est pas matière d’enquête
27 t affecter notre sort matériel, aussi directement que naguère les crises d’un certain névropathe. a. Rougemont Denis de,
2 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Le rêve américain (9 novembre 1945)
28 s, mais avec un sourire de rêve heureux. Je crois qu’ ils sont bien moins conscients que nous. À quoi rêvent-ils ? À la vie
29 ureux. Je crois qu’ils sont bien moins conscients que nous. À quoi rêvent-ils ? À la vie large, toujours plus large devant
30 s large devant eux, à la richesse et à la liberté qu’ elle leur donnerait, croient-ils. À une aisance qui va venir. C’est là
31 sance qui va venir. C’est là tout le secret de ce que l’on nomme leur optimisme. L’Américain ne croit pas aux limites. Une
32 ites le gênent, mais il ne veut pas même admettre qu’ elles existent, sinon pour être dépassées. C’est contraire à sa tradit
33 tière toujours plus loin vers l’ouest. Jusqu’à ce qu’ enfin, au xixe siècle, les colons de la Nouvelle-Angleterre aient pu
34 e du continent. Mais c’était une limite atteinte. Qu’ allaient-ils faire des énergies mises en œuvre pour la conquête ? Ils
35 loin, vers une vie toujours plus large. Le soldat qu’ un ancien paquebot de luxe ramène vers son pays du fond du Pacifique o
36 Pacifique ou de l’Europe, dont il n’a guère connu que les ruines et les amertumes, rêve simplement de son foyer. Il voit sa
37 oin. Huit à neuf fois sur dix, vis-à-vis des pays qu’ il vient de libérer au péril de sa vie, il garde une espèce de rancœur
38 , il garde une espèce de rancœur. Je ne pense pas que le mot soit trop fort. Je parle de la majorité. Je connais beaucoup d
39 lections, il y aurait huit à neuf chances sur dix que l’Amérique retourne à l’isolationnisme. Rien de tel pour blesser l’am
40 en de tel pour blesser l’amour entre deux peuples que de les mélanger dans leurs épreuves. Les jeunes Américains se sont tr
41 e sont trouvés mêlés au grand malheur des peuples qu’ ils aimaient de loin. Ils ont été courageux devant l’ennemi, mais non
42 t la misère de leurs amis. Ils rentrent en disant que la France est sale et en désordre, que tout y est cher pour eux et qu
43 en disant que la France est sale et en désordre, que tout y est cher pour eux et que les WC sont au milieu des places publ
44 e et en désordre, que tout y est cher pour eux et que les WC sont au milieu des places publiques. Ils demandent qu’on ne le
45 ont au milieu des places publiques. Ils demandent qu’ on ne leur parle plus des indigènes européens, ces agités, ces nerveux
46 s qui luttaient sur la « frontière ». Il pressent qu’ il a fait son plein ou qu’il est bien près de le faire dans les limite
47 rontière ». Il pressent qu’il a fait son plein ou qu’ il est bien près de le faire dans les limites de son pays, « d’une côt
48 uiète profondément. Or c’est bien cette situation que Cordell Hull, le ministre des Affaires étrangères de Roosevelt, avait
49 angères de Roosevelt, avait prévue. Et c’est elle qu’ il avait tenté de prévenir, non sans succès, en particulier par sa pol
50 i l’Amérique, malgré le choc en retour inévitable que provoquera sans doute l’an prochain la rentrée massive des vétérans,
51 que comme le pays où ce qui va venir émeut autant qu’ en Europe le souvenir. Mais ce qui va venir, direz-vous, n’est-ce pas
52 prochain article, les motifs qui m’ont convaincu que l’expansion américaine n’est pas du tout à base d’impérialisme au sen
53 d’impérialisme au sens européen du mot. Je pense que nous avons un peu plus de raisons de nous en réjouir que de nous en m
54 s avons un peu plus de raisons de nous en réjouir que de nous en méfier. b. Rougemont Denis de, « Le rêve américain », C
3 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Hollywood n’a plus d’idées (13 décembre 1945)
55 histoire, un « four » de Broadway, sur le soupçon qu’ on pourrait y trouver « une idée ». Je soupçonne, pour ma part, que Ho
56 trouver « une idée ». Je soupçonne, pour ma part, que Hollywood n’y trouvera rien, ou si elle y trouve un germe, le nettoie
57 un germe, le nettoiera. Car Hollywood n’est plus qu’ une machine. Elle transforme en argent tout ce qu’elle a envie de touc
58 qu’une machine. Elle transforme en argent tout ce qu’ elle a envie de toucher, et c’est pourquoi son avidité même à se renou
59 enouveler stérilise instantanément les nouveautés qu’ il semblerait facile d’y introduire, à première vue. Cette technique t
60 vue. Cette technique trop parfaite n’est obtenue qu’ au prix de telles dépenses et d’une telle quantité de spécialistes neu
61 mille préjugés hérités de trente ans de triomphe, qu’ il n’est pas de génie assez coriace pour survivre à pareille torture a
62 ng, de coups de feu et de coups de théâtre. C’est que le public, me disent les producers, n’accepte pas que Hedy Lamarr soi
63 le public, me disent les producers, n’accepte pas que Hedy Lamarr soit mal habillée si elle joue une pauvresse, qu’Ingrid B
64 arr soit mal habillée si elle joue une pauvresse, qu’ Ingrid Bergman ressemble à la Suédoise qu’elle est, plutôt qu’à une st
65 vresse, qu’Ingrid Bergman ressemble à la Suédoise qu’ elle est, plutôt qu’à une star comme les autres. N’insistons pas : la
66 rgman ressemble à la Suédoise qu’elle est, plutôt qu’ à une star comme les autres. N’insistons pas : la décadence de Hollywo
67 mes cadets, d’ici dix ans, Hollywood ne sera plus qu’ une légende : comme l’est déjà Greta Garbo, symbole d’un âge. Ô Garbo
68 régnant sur des millions de nuits, mythe évasif, que n’êtes-vous disparue comme un songe au matin ? Dans ce petit restaura
69 e deux dans cinq minutes ? Merci. Vous allez voir que cela vaut le dérangement. Je me déplace. Elle entre sur ses talons pl
70 . J’eusse préféré ne la voir jamais, mais j’avoue qu’ elle est très jolie, malgré la minceur de ses lèvres. Un peu plus tard
71 ez une surprise. » J’arrive très tôt et ne trouve qu’ un géant, Robert Sherwood, le dramaturge et l’un des conseillers intim
72 ésentée comme « Miss G… » (prononcez Djie), ainsi qu’ on fait parfois des souverains en voyage. Comme elle est gaie ! J’ai p
73 le génie de ne rien dire qui la rende plus réelle qu’ une image. Ne serait-ce pas là son secret ? Se prêter à la fantaisie d
74 ⁂ Revenons à nos moutons de Hollywood. Je ne vois qu’ un homme en Amérique, qui ait su tirer du cinéma quelques-uns des moye
75 es-uns des moyens d’expression radicalement neufs qu’ il permet : c’est Walt Disney. Les autres en sont encore à photographi
76 ur les rythmes habituels de notre vie. C’est dire qu’ ils oublient ou refusent de prendre avantage des possibilités uniques
77 aciles à définir, en deux mots : voilà le domaine que Disney seul a le courage d’explorer aujourd’hui. Mickey et Donald le
78 s sont de notre temps d’une manière plus profonde que leur auteur, sans doute, n’eût osé le soupçonner. Car il n’est pas in
79 ndemain de la première de Fantasia à Buenos Aires que j’ai rencontré Walt Disney. Nous l’attendions à déjeuner chez Victori
80 musique classique. » Un froid, et chacun pense : Que ne l’a-t-elle empêché de s’en occuper ! Son mauvais goût me paraît ir
81 n de Fantasia, sur l’Ave Maria de Schubert, n’est qu’ une suite de cartes de bons vœux comme il s’en envoie des millions à c
82 il faut se garder d’innover ou de faire plus vrai que la convention du jour. Les milliers d’employés déjà cités se livrent
83 . En même temps, les producers se plaignent de ce que les auteurs n’aient plus d’idées… Je vais leur donner gratis le moyen
84 dant que j’y suis, un bon conseil : ne croyez pas que le grand public déteste autant que vous la nouveauté. Il a aimé Disne
85 ne croyez pas que le grand public déteste autant que vous la nouveauté. Il a aimé Disney. Et qui sait s’il ne va point pré
86 es signes sont là. Dépêchez-vous ! Mais peut-être qu’ il est trop tard : et qu’ils s’en doutent. L’importance des studios de
87 ez-vous ! Mais peut-être qu’il est trop tard : et qu’ ils s’en doutent. L’importance des studios de New York s’accroît sans
88 é, une ghost town pareille à ces villes éphémères que fit surgir dans le Colorado la ruée vers l’or, et qui n’offrent plus
89 ruée vers l’or, et qui n’offrent plus aujourd’hui qu’ un asile délabré aux bandits, et des sujets de scénarios historiques.
90 t des sujets de scénarios historiques. Il se peut que Hollywood, après sa mort, devienne une merveilleuse « idée de film »,
91 renaisse à l’écran sous la forme du chef-d’œuvre que , vivante, elle n’a fait que rêver. c. Rougemont Denis de, « Hollyw
92 forme du chef-d’œuvre que, vivante, elle n’a fait que rêver. c. Rougemont Denis de, « Hollywood n’a plus d’idées », Carr
4 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Les enfants américains réclament des bombes atomiques (20 décembre 1945)
93 esses volantes en pacotille de nursery exige plus qu’ un instant de foi et d’abandon… Cet an de grâce rationné 1945 se termi
94 Mais rien n’empêche le Waldorf Astoria d’annoncer que sa nuit de Nouvel An « promet d’être la plus grande nuit de l’histoir
95 rc où il sera replanté dès janvier, n’ayant coûté que cent dollars de location à M. John D. Rockefeller, car tout se sait.
96 aille, sous le souffle d’un bœuf malodorant. Plus que dix jours pour acquérir dans cette aimable bousculade la bonne consci
97 dans cette aimable bousculade la bonne conscience que représente une table chargée de cadeaux enveloppés de papiers brillan
98 s primitifs la manière de conjurer le sort ? Plus que dix jours pour s’assurer une bonne place dans le monde des familles,
99 et de Prætorius, Une rose est née… et je me dirai que l’Amérique n’a pas encore très bien compris les traditions, parce qu’
100 si ce n’était pas lui qui gagne à tous les coups. Qu’ apportera cette fin d’année ? Un dernier speech de La Guardia à la rad
101 s pour cuire la dinde ; le politicien rusé autant qu’ honnête, le gros petit homme à la face de clown, Fiorello, la Fleurett
102 is aériens. Déjà la télévision en couleurs prouve qu’ elle ne le cède en rien à la photographie pour « le brillant et la pré
103 de l’antiaméricanisme, pour que nous comprenions que les hommes ont fort peu de bonne volonté ? La plupart sont involontai
104 onté ? La plupart sont involontaires. Ils ne font que subir leur condition. À Times Square, dans une foule compacte et lent
5 1946, Carrefour, articles (1945–1947). Deux presses, deux méthodes : l’Américain expose, le Français explique (4 avril 1946)
105 te de radio, m’interviewa au sujet du petit livre que je venais de publier sur l’Allemagne. J’expliquai que la presse hitlé
106 je venais de publier sur l’Allemagne. J’expliquai que la presse hitlérienne me paraissait meilleure que celle de France, pa
107 que la presse hitlérienne me paraissait meilleure que celle de France, parce qu’elle donnait plus de nouvelles du monde, et
108 de, et d’une manière plus objective, du fait même que ses partis pris étaient connus et déclarés. Le directeur du journal e
109 e partie de l’interview, en vertu de la politique qu’ on attribue par erreur à l’autruche. Je suis certain qu’il avait tort,
110 attribue par erreur à l’autruche. Je suis certain qu’ il avait tort, comme la suite l’a prouvé d’ailleurs. Le directeur de C
111 ailleurs. Le directeur de Carrefour admettra-t-il que je récidive, à propos cette fois-ci de l’exemple américain ? Exposé
112 bats les plus graves et les plus passionnés, tels que ceux que provoquent une période de grèves, le renvoi bruyant d’un min
113 plus graves et les plus passionnés, tels que ceux que provoquent une période de grèves, le renvoi bruyant d’un ministre, ou
114 sée, pièces à l’appui, devant le lecteur. Mais ce que vous ne verrez jamais, dans ce même journal, c’est une polémique cont
115 très important. En France, il arrive trop souvent que le débat réel reste mal défini, les positions des parties en présence
116 es dans les termes exacts où elles s’arrêtent. Ce que l’on trouve dans son journal, c’est un débat à propos d’un débat. C’e
117 n problème qui, semble-t-il, importe moins en soi que ce qu’en disent les partis. Ainsi l’on peut « causer » à l’infini, ma
118 ème qui, semble-t-il, importe moins en soi que ce qu’ en disent les partis. Ainsi l’on peut « causer » à l’infini, mais sans
119 s bien, parbleu ! comme dirait Gide. Et je savais que quel que fût le problème posé, ils resteraient attachés « indéfectibl
120 arbleu ! comme dirait Gide. Et je savais que quel que fût le problème posé, ils resteraient attachés « indéfectiblement »,
121 incipes. Mais le problème subsiste et je voudrais qu’ on me dise comment le résoudre pratiquement. Au lieu de quoi Tartempio
122 tiquement. Au lieu de quoi Tartempion me ressasse que Durand n’est qu’un radical. De quoi donc parlait-on ? Qu’allons-nous
123 u de quoi Tartempion me ressasse que Durand n’est qu’ un radical. De quoi donc parlait-on ? Qu’allons-nous faire ? Ce n’est
124 nd n’est qu’un radical. De quoi donc parlait-on ? Qu’ allons-nous faire ? Ce n’est pas que les journaux américains craignent
125 parlait-on ? Qu’allons-nous faire ? Ce n’est pas que les journaux américains craignent la discussion violente, la dénoncia
126 re, correspondance, jardin, etc. Mais le fait est qu’ une dépêche de Paris, par un correspondant américain, qui occupe chaqu
127 n apprend davantage sur ce qui se passe en France que la lecture de dix journaux français. Tous les Français, qui viennent
128 à l’infini ; des pages de publicité aussi chères qu’ abondantes ; ou un propriétaire aux dollars inépuisables. Ce qui s’opp
129 York, pour sept millions d’habitants, ne possède que neuf grands journaux ; Paris en publie sept fois plus, qui, d’ailleur
130 régulières. Celle des sports, contrairement à ce que l’on attendrait, ne tient pas plus de place que dans la presse frança
131 e que l’on attendrait, ne tient pas plus de place que dans la presse française. Par contre, celle de la religion, qui n’exi
132 itage inexcusable de la presse du siècle dernier, que nous appelons le roman-feuilleton, et que je vois encore, en pleine p
133 ernier, que nous appelons le roman-feuilleton, et que je vois encore, en pleine période de disette de papier, encombrer le
134 tez-leur une histoire. « S’ils n’ont pas de pain, qu’ ils mangent des brioches ! » Le siècle est en révolution, l’Europe en
135 ur quoi peut bien régner ce ministère ? J’imagine qu’ il a pris à tâche de créer un nouvel esprit, un nouveau sens des devoi
136 ou du Herald Tribune. Ce sont ces grands journaux que j’avais dans l’esprit en écrivant ce qui précède. J’ai préféré ne poi
137 opéen. Toutes les comparaisons du genre de celles que je viens d’esquisser courent le risque d’opposer le meilleur d’un des
6 1946, Carrefour, articles (1945–1947). Une bureaucratie sans ronds-de-cuir (23 mai 1946)
138 eut lire sous la plume d’un fermier du Middlewest que l’Amérique est le seul pays décent au monde, et qu’un agent d’assuran
139 e l’Amérique est le seul pays décent au monde, et qu’ un agent d’assurances du Connecticut affirme qu’elle jouit d’un gouver
140 t qu’un agent d’assurances du Connecticut affirme qu’ elle jouit d’un gouvernement pratiquement idéal, le Contrôleur général
141 ives et de leur budget particulier, mais il avoue que c’est une tâche impossible. Dans le domaine des transports, par exemp
142 s pour étudier cette situation. Il est concevable qu’ un dixième comité ait pour objet d’examiner l’activité des neuf premie
143 sables de ce board. Et ainsi de suite, jusqu’à ce que le président, ayant reçu cent-mille lettres de protestation, décide q
144 t reçu cent-mille lettres de protestation, décide que les transports doivent transporter, avant même de faire vivre leurs b
145 n nouveau salaire. Et puis en avant, et voyons ce que le coming man va nous sortir. S’il réussit, sa gloire sera grande pen
146 pendant plusieurs semaines au moins, à condition que la presse l’ait adopté. S’il rate, il sera vidé sans autres formes qu
147 dopté. S’il rate, il sera vidé sans autres formes qu’ une lettre personnelle du président, qu’il pourra lire le jour même da
148 es formes qu’une lettre personnelle du président, qu’ il pourra lire le jour même dans le journal : « Mon cher Bill, au mome
149 s remercier pour les services (adjectif variable) que vous avez rendus à l’administration. Les circonstances m’obligent, et
150 ugmentation de salaire et de rang. Et c’est ainsi que dans le désordre éperdument organisé, la bureaucratie la plus coûteus
151 dont la victoire sur les nazis et le Japon n’est que le premier exemple qui me vienne à l’esprit. J’ai dit désordre, parce
152 rit. J’ai dit désordre, parce que c’est de ce nom que l’on désigne ordinairement une situation dont notre esprit n’arrive p
153 dre, mais seulement des complexités.) Le fait est que je n’imagine pas un seul de mes contemporains qui soit capable d’embr
154 administrative… Le président a plus de pouvoir qu’ un roi, dit-on. Mais ce n’est pas beaucoup dire, de nos jours. Il choi
155 tère non régulier à celui d’expédient de crise) ; qu’ il n’y a pas homme au monde qui ait le temps ou les moyens intellectue
156 ls de s’y retrouver : à peine y serait-il parvenu que le tableau changerait en quelques jours. D’où la gabegie littéralemen
157 al essaie de donner une idée dans le bref article que je citais : Prenez le problème du logement. Il y a quelques années,
158 vaux. Mais son administrateur déclare aujourd’hui que « des projets financés par le gouvernement fédéral ont été néanmoins
159 agences différentes ». Le même article m’apprend qu’ un cinquième du territoire est propriété du gouvernement, c’est-à-dire
160 le ne produit pas plus d’inspecteurs des Finances que de ronds-de-cuir de père en fils. Le personnel des bureaux gouverneme
161 nsuite, tous ces fonctionnaires d’occasion savent qu’ ils peuvent être aisément révoqués, et l’acceptent non moins aisément,
162 principe, car ils ont par ailleurs une profession qu’ ils pourront reprendre au premier jour. J’ai fait partie de la troupe
163 i travaillé pendant près de deux ans, ne comptait qu’ une infime minorité de fonctionnaires de métier. Le chef en fut d’abor
164 de son temps à rédiger de longs rapports prouvant qu’ elle est indispensable. Ici et là, quelques énergumènes s’aviseront de
165 bien : car c’est, en fait, par très peu d’hommes que les choses marchent. Alors un être d’exception, comme vous ou moi, se
166 a vindicte publique, ils n’auraient plus de choix qu’ entre la démission et la tyrannie déclarée. Les bureaux à l’américaine
7 1946, Carrefour, articles (1945–1947). L’Amérique est-elle nationaliste ? (29 août 1946)
167 ique, chez eux, en tient la place. Se pourrait-il qu’ un jour prochain, cette opinion publique, reine des États-Unis, devînt
168 devînt nationaliste à notre image européenne ? Et qu’ elle décidât d’imposer au monde entier la loi yankee ? Il faudrait tou
169 e entier la loi yankee ? Il faudrait tout d’abord que l’Amérique se formât une conscience nationale. Le phénomène est-il pr
170 ’il l’est, devons-nous le redouter ? Je répondrai que le phénomène est non seulement probable, mais en train de s’accomplir
171 omplir sous nos yeux. Pourtant, je reste persuadé qu’ il ne comporte rien de redoutable. Une nation prend conscience d’elle-
172 ême lorsqu’elle atteint ses limites naturelles et qu’ elle se heurte à des voisins organisés. Or c’est le cas de l’Amérique,
173 c’est le cas de l’Amérique, virtuellement, depuis que sa mouvante frontier a rejoint ses frontières naturelles, aux environ
174 ritannique et français. Couronnant le tout, voici que le monde germanique vient déclarer la guerre aux États-Unis, puis que
175 que vient déclarer la guerre aux États-Unis, puis que le monde russe, provisoirement allié, entre en concurrence déclarée a
176 coup ; et, de plus, elle l’a gagnée avec une arme qu’ elle se trouve seule à posséder pour le moment. Voilà bien des raisons
177 nscience de soi, en tant que nation, avec tout ce que cela comporte d’orgueil et de volonté de régenter le monde, puisqu’on
178 rieux et tout-puissants du premier coup. Imaginez qu’ un grand pays européen ait remporté des triomphes de cet ordre. La ter
179 nées, pour marquer sa réprobation aussi fortement que possible : It’s unamerican, « ce n’est pas américain. » Nationalisme,
180 qui les fait devenir vraiment Américains, quelles que soient, par ailleurs, leurs origines. On ne se réfère pas au passé, m
181 ition, mais l’utopie. On pense moins aux ancêtres qu’ aux descendants, considérés d’ailleurs comme nécessairement ascendants
182 ais au contraire d’une exhortation et d’un rappel qu’ on adresse à soi-même autant qu’aux autres, afin que chacun devienne p
183 on et d’un rappel qu’on adresse à soi-même autant qu’ aux autres, afin que chacun devienne plus digne de ce que tous attende
184 autres, afin que chacun devienne plus digne de ce que tous attendent de ce pays, plus digne du mythe, du rêve américain. Vo
185 u comme chez Rosenberg dans le sang et le sol. Ce qu’ il y a de répugnant dans le nationalisme européen, c’est que l’on y se
186 de répugnant dans le nationalisme européen, c’est que l’on y sent une volonté de resserrement, une soif d’imposer au voisin
187 n village qui n’est pas le sien. Au contraire, ce qu’ il y a de rassurant dans le nationalisme américain, c’est qu’on y sent
188 e rassurant dans le nationalisme américain, c’est qu’ on y sent une volonté d’élargissement, une soif de proposer au voisin
189 if de proposer au voisin les moyens de libération qu’ on vient de découvrir pour son compte et qui seront bien plus efficace
190 serons noyés par une civilisation qui ne respecte que la quantité ; le dollar sera roi, etc. » Toutes ces méfiances sont sa
191 ace pour leur civilisation semblent avouer par là que cette dernière n’est plus très saine, qu’elle « sent » déjà. Il est g
192 par là que cette dernière n’est plus très saine, qu’ elle « sent » déjà. Il est grand temps qu’on la mette dans la glace. D
193 saine, qu’elle « sent » déjà. Il est grand temps qu’ on la mette dans la glace. De même, le commerce américain ne peut nous
194 ême, le commerce américain ne peut nous submerger qu’ au moyen de produits que nous aurons bien voulu acheter ; et si son ry
195 in ne peut nous submerger qu’au moyen de produits que nous aurons bien voulu acheter ; et si son rythme plus rapide met en
196 États-Unis nous a fait moins de mal, semble-t-il, que « l’intelligence » inhumaine de certains chefs européens qui professa
197 de l’abaissement de notre qualité. En résumé, ce que l’on nomme en Europe « l’américanisme » n’est pas un danger américain
198 ger américain, mais européen. Je veux dire par là que si un homme devient l’esclave de son automobile, le blâme en retombe
199 o, une fois l’automobile achetée, il ne dépendait que de lui d’aller à pied quand cela lui chantait. Mais je m’avise ici d’
200 l’Amérique, d’une part, et qui se plaignent de ce que l’Amérique ne leur vende pas assez de blé, d’autre part. Quand l’Amér
201 ocrisie puritaine. Et il arrive même trop souvent que l’on parle des deux à la fois. Je voudrais insister sur ce point. Ceu
202 le. Mais quand elle fait une crise d’idéalisme et qu’ elle intervient dans les affaires d’Europe, comme en 1917 et en 1943,
203 en 1917 et en 1943, on l’accuse de se mêler de ce qu’ elle ne peut comprendre. Ce qu’on voudrait, en somme, c’est que les Am
204 de se mêler de ce qu’elle ne peut comprendre. Ce qu’ on voudrait, en somme, c’est que les Américains interviennent quand le
205 ut comprendre. Ce qu’on voudrait, en somme, c’est que les Américains interviennent quand les choses vont très mal — par not
206 d les choses vont très mal — par notre faute — et qu’ ils vident les lieux en vitesse, comme des intrus et sans remerciement
207 0 millions d’hommes.) « Eh quoi ! trois mois déjà que nous sommes libérés et ils infestent encore nos bars ! » ⁂ Autre exem
208 harge de l’occupation sur les bras ! » Remarquons que les Russes ne prêtent pas le flanc à des critiques de ce genre parce
209 olitique américaine hésite parfois. D’autant plus qu’ il existe bel et bien aux États-Unis des fractions isolationnistes et
210 isolationnistes et des fractions impérialistes et que ces minorités, d’ailleurs plus bruyantes qu’efficaces, se confondent
211 s et que ces minorités, d’ailleurs plus bruyantes qu’ efficaces, se confondent même dans certains cas — par un paradoxe symé
212 ertains cas — par un paradoxe symétrique de celui que je relevais tout à l’heure. Cette timidité de la politique américaine
213 me paraît beaucoup plus dangereuse pour l’Europe que cet impérialisme qu’on redoute pour de mauvaises raisons ou parce qu’
214 lus dangereuse pour l’Europe que cet impérialisme qu’ on redoute pour de mauvaises raisons ou parce qu’on l’assimile à des t
215 endances européennes qui n’ont de commun avec lui que le nom. h. Rougemont Denis de, « L’Amérique est-elle nationaliste 
8 1947, Carrefour, articles (1945–1947). L’art dirigé [Réponse à une enquête] (23 janvier 1947)
216 on mécanique relève de l’imitation — il est clair qu’ il ne peut exister d’art dirigé, pas plus qu’on ne peut prévoir l’impr
217 pas plus qu’on ne peut prévoir l’imprévisible. Ce que les communistes veulent diriger n’est pas l’art, mais la propagande e
218 t la production de cartes postales en couleur. Ce qu’ ils appellent diriger l’art, c’est d’une part exercer une censure (mai
219 ’être immédiatement accessible au peuple, il faut qu’ il se maintienne au niveau de la presse du savoir et de la radio (libr
220 x dire exprime une théologie et une métaphysique, qu’ on le veuille et le sache, ou non. Je pense que cela va mieux en le sa
221 e, qu’on le veuille et le sache, ou non. Je pense que cela va mieux en le sachant. Mais les idéologies politiques d’aujourd
222 d’aujourd’hui sont aussi stériles pour l’artiste que fureur féconde la théologie au Moyen Âge, la métaphysique au temps du
223 ans les limites d’un art dirigé ? 2. Estimez-vous que l’artiste doive se préoccuper d’être immédiatement accessible au plus
9 1947, Carrefour, articles (1945–1947). Fédération ou dictature mondiale ? (9 avril 1947)
224 le sujet. En Europe, au contraire, il m’apparaît que l’idée d’un gouvernement mondial se heurte au scepticisme général, et
225 heurte au scepticisme général, et même, pour peu que l’on insiste, provoque une curieuse impatience. Examinons les objecti
226 une curieuse impatience. Examinons les objectifs qu’ on lui oppose couramment. Je trouve d’abord un réflexe de fatigue et d
227 qualifiant d’« utopie ». Bornons-nous à remarquer que cet argument a contre lui toute l’histoire de l’humanité, qui est l’h
228 iter une idée en utopie, c’est en fait déclarer «  qu’ on est contre », en évitant d’avouer ses raisons ou de démasquer ses p
229 sons ou de démasquer ses préjugés. Ensuite on dit que « l’humanité n’est pas prête pour un gouvernement mondial ». La timid
230 r un gouvernement mondial ». La timidité d’esprit que cet argument trahit touche à la mauvaise foi. S’est-on jamais préoccu
231 la mort en grande série ? Ce qui est vrai, c’est qu’ on les y prépare de force, quand on a décidé de faire la guerre. Mais
232 l est inexact dans le cas particulier. Vous dites que les peuples ne sont pas prêts à accepter l’idée d’un gouvernement mon
233 à accepter l’idée d’un gouvernement mondial, mais qu’ en savez-vous ? Le seul peuple « sondé » à ce sujet, celui des États-U
234 e réponses favorables à cette idée. Avouez plutôt que vous, personnellement, n’y êtes pas prêt, que vous personnellement y
235 tôt que vous, personnellement, n’y êtes pas prêt, que vous personnellement y êtes hostile. Car autrement, au lieu de dire :
236 e projet paraît juste et nécessaire, donc il faut que les peuples se préparent à le réaliser. Passons aux objections plus r
237 moins d’imaginer, avant de le rejeter, le projet qu’ on propose. Elles se ramènent à deux types d’argument : le gouvernemen
238 échec de la Société des Nations, et l’on rappelle qu’ à chaque conflit sérieux les nations se sont divisées suivant les lign
239 réagi bien moins en tant que membres de la Ligue qu’ au nom de leurs intérêts individuels et de leurs alliances particulièr
240 non contre le gouvernement mondial. La faiblesse qu’ on signale avait une cause précise dans le statut de la SDN, lequel sa
241 ent l’ONU, et c’est précisément pour cette raison que beaucoup éprouvent l’urgence d’un gouvernement mondial. Ce dernier,
242 es nations, de leurs prérogatives de droit divin. Qu’ on ne dise pas que c’est une pure rêverie. Tout récemment, nous avons
243 rs prérogatives de droit divin. Qu’on ne dise pas que c’est une pure rêverie. Tout récemment, nous avons enregistré la prem
244 S s’est aussitôt opposé au projet, pour la raison qu’ il comportait « une atteinte aux souverainetés nationales ». Et les Am
245 netés nationales ». Et les Américains ont répondu que c’était bien là ce qu’ils voulaient. Cet incident résume tout le prob
246 les Américains ont répondu que c’était bien là ce qu’ ils voulaient. Cet incident résume tout le problème. D’une part, il pe
247 ries. Ils remarquaient tout à l’heure avec raison qu’ une ligue de gouvernants est par définition incapable d’empêcher la gu
248 fs des États en conflit. Ils déclarent maintenant qu’ un pouvoir mondial indépendant de ces gouvernants, né de l’abandon par
249 ire trop puissant. Et, en effet, on peut redouter qu’ un tel pouvoir soit tenté d’imposer à tout le genre humain l’idéologie
250 ’homme.) Ainsi la paix mondiale ne serait établie qu’ au prix d’une sorte de paralysie de l’histoire, et d’un appauvrissemen
251 ique. (Car il apparaît de plus en plus clairement que la clé des quatre libertés est dans la liberté d’opposition, et que c
252 tre libertés est dans la liberté d’opposition, et que celle-ci suffit à distinguer la démocratie de ses contrefaçons totali
253 ies par la nécessité même qui nous fait souhaiter qu’ il existe : la nécessité urgente d’empêcher la guerre, c’est-à-dire de
254 économique, les trois phénomènes sont liés. Tant que subsistera le régime des États-nations absolument souverains, nous au
255 s des menaces de guerre : et réciproquement, tant qu’ il y aura des menaces de guerre, les États tendront à l’autarcie, les
256 ra dans un autre. Je n’ai d’autre ambition, ici, que d’attirer l’attention, d’une part sur la faiblesse des objections pré
257 e part sur la faiblesse des objections préalables qu’ on oppose couramment à l’idée d’une fédération mondiale, d’autre part
258 problèmes qui se posent à son sujet. Car quelles que soient les difficultés que rencontre son établissement et les dangers
259 son sujet. Car quelles que soient les difficultés que rencontre son établissement et les dangers en partie imprévisibles qu
260 (comme de toute institution humaine), le fait est que cette fédération paraît aujourd’hui le seul remède contre la guerre.
261 guerre, pratiquement, précipite les conflits plus qu’ elle ne les retarde.) Et si la guerre éclate — militaire ou non —, il
262 erté. L’utopie ou la tragédie, tel est le dilemme que nous offre le siècle. En nous refusant à l’une, nous décidons pour l’
263 décidons pour l’autre. Ce qui est certain, c’est que l’une et l’autre ne peuvent plus être désormais qu’aux dimensions de
264 e l’une et l’autre ne peuvent plus être désormais qu’ aux dimensions de la planète. k. Rougemont Denis de, « Fédération o
10 1947, Carrefour, articles (1945–1947). « Jean-Paul Sartre vous parle… et ce qu’en pensent… » (29 octobre 1947)
265 « Jean-Paul Sartre vous parle… et ce qu’ en pensent… » (29 octobre 1947)l m Émission plus ambiguë en fait qu
266 octobre 1947)l m Émission plus ambiguë en fait qu’ en intention, si l’on néglige le sophisme de la moustache, qui en disq
267 en sont un autre… ça va.) Sartre a raison de dire que la guerre n’est pas fatale, mais en fait l’argument porte surtout con
268 ratie capitaliste. Merleau-Ponty a raison de dire qu’ il « faudrait faire appel à la démocratie américaine » et de se taire
269 endre la liberté de penser, mais quand elle dit «  qu’ on peut toujours trouver les circonstances qui amènent à déclarer que
270 trouver les circonstances qui amènent à déclarer que telle ou telle liberté est dangereuse », elle s’appuie sans doute sur
271 à une enquête] Jean-Paul Sartre vous parle… et ce qu’ en pensent… », Carrefour, Paris, 29 octobre 1947, p. 7. m. Réponse à
11 1947, Carrefour, articles (1945–1947). La France est assez grande pour n’être pas ingrate (26 novembre 1947)
272 rances de notre ingratitude anticipée. » C’est ce qu’ il me semble entendre un peu partout depuis que je suis rentré dans ce
273 ce qu’il me semble entendre un peu partout depuis que je suis rentré dans ce vieux monde. Or il ne s’agit pas d’une attitud
274 le seul fait des communistes : il y a trente ans que l’Europe, la bourgeoisie d’Europe, se conduit mal à l’égard des États
275 ersations et de beaucoup d’articles, de jugements que nous portons chaque jour sur les Américains et leur action. Il y a tr
276 les Américains et leur action. Il y a trente ans que nous les abreuvons de récriminations et de dédains, de demandes d’emp
277 onciations de leur capitalisme. Il y a trente ans que nous les appelons au secours quand l’Europe est à feu et à sang (par
278 re faute, si je ne me trompe) : il y a trente ans que nous nous plaignons de leur lenteur à répondre à nos SOS (eh quoi ! o
279 ur la débarquer en Algérie !) ; il y a trente ans que , lorsqu’ils arrivent enfin, lorsqu’ils nous sauvent, nous leur disons
280  : « De quoi vous mêlez-vous ? » Bref, trente ans que nous voyons dans leurs réponses à nos appels désespérés autant de pre
281 é et de l’argent pour l’acheter, mais croyez-vous que ce soit par pure philanthropie ? Soyez sûr qu’ils y trouvent leur int
282 us que ce soit par pure philanthropie ? Soyez sûr qu’ ils y trouvent leur intérêt ! » Que voudrait-on qu’ils y trouvent d’au
283 ie ? Soyez sûr qu’ils y trouvent leur intérêt ! » Que voudrait-on qu’ils y trouvent d’autre ? L’intérêt de l’Amérique, c’es
284 u’ils y trouvent leur intérêt ! » Que voudrait-on qu’ ils y trouvent d’autre ? L’intérêt de l’Amérique, c’est que l’Europe v
285 trouvent d’autre ? L’intérêt de l’Amérique, c’est que l’Europe vive et ne tombe pas aux mains des Russes ; c’est qu’elle so
286 vive et ne tombe pas aux mains des Russes ; c’est qu’ elle soit forte et donc unique, puisque les autres comptent sur sa fai
287 quer, un ridicule d’avoir réalisé sans phrases ce que les Russes promettent aux masses et ne leur donnent pas. On va plus l
288 ui sauverions l’Amérique de la ruine en acceptant qu’ elle nous avance une vingtaine de milliards de dollars ! C’est l’Améri
289 t des marchés européens… Rien de plus stupéfiant que la popularité de ce théâtre pour illettrés. Raymond Aron, après vingt
290 pour le seul honneur de l’Europe, il serait temps que nous prenions un peu de tenue. Si nous étions francs, nous dirions :
291 rique, mais de nous-mêmes. La vraie, ce n’est pas que M. Clayton morigène les experts du Comité des Seize, mais que ceux-ci
292 on morigène les experts du Comité des Seize, mais que ceux-ci se mettent dans le cas de mériter pareil rappel à l’ordre. L’
293 plus. Quant à l’indépendance morale et politique que nous devons affirmer ou regagner, c’est dans l’union fédérative du co
294 agner, c’est dans l’union fédérative du continent qu’ elle trouvera sa seule garantie. Nous serons guéris de notre mauvaise
295 notre mauvaise conscience quand nous aurons admis que la tâche concrète, ce n’est pas de défendre l’Europe, mais de la fair