1 1945, Carrefour, articles (1945–1947). L’Amérique de la vie quotidienne (19 octobre 1945)
1 y être jamais allé : la plupart des lieux communs qui circulent à son sujet sont justifiés, de même que les critiques à la
2 pêchera le voyageur, debout sur le pont du bateau qui remonte lentement les passes de l’Hudson vers Manhattan, d’être saisi
3 attan, d’être saisi par l’émotion d’une nouveauté qui , dans mon cas, après cinq ans, reste nouvelle. Du sentimentalisme à l
4 ers la vie. La jeune Américaine quitte son fiancé qui s’embarque pour une guerre lointaine : elle pleure un peu ou pas du t
5 ’ami du fond du Pacifique. Je pense aussi à celle qui s’était remariée croyant son mari tué en Chine. On le retrouve. Elle
6 le à la santé du couple réuni. Ils aiment tout ce qui passe, fait sensation, va plus loin et se perd on ne sait où, dans un
7 d’accent vers le sérieux ou vers l’humour cocasse qui créent dans l’ensemble une allure, une atmosphère si différente de l’
8 t de races et de mélanges de races ; tant de fous qui réussissent ou qui amusent ; et aussi tant d’efforts gaspillés pour s
9 langes de races ; tant de fous qui réussissent ou qui amusent ; et aussi tant d’efforts gaspillés pour se faire remarquer,
10 car ici différent veut dire original ; et crazy, qui veut dire toqué, loufoque, n’est pas un adjectif dépréciatif, bien au
11 ormalités d’une nature pour le moins particulière qui précèdent obligatoirement l’acte de naturalisation. Je les crois sans
12 le sens des conventions publiques dans ce peuple qui , par ailleurs, a poussé plus loin que tout autre le sans-gêne ou la s
13 relever. L’entrée dans le club est un acte public qui s’accompagne tout naturellement d’opérations conventionnelles et d’un
14 é plus qu’aux chiffres et aux statistiques ; à ce qui prépare et fait mûrir lentement les événements, plus qu’aux incidents
15 t de ce qu’on ne dit pas dans les dépêches, de ce qui n’est pas matière d’enquête et de reportages, de ces nuances de senti
16 ages, de ces nuances de sentiments ou de coutumes qui qualifient la vie et la vision d’un peuple, et qui par là vont peut-ê
17 ui qualifient la vie et la vision d’un peuple, et qui par là vont peut-être expliquer l’histoire du siècle, notre histoire
2 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Le rêve américain (9 novembre 1945)
18 s marins, de soldats presque imberbes, de garçons qui n’ont pas encore l’âge militaire. La frénésie rythmique des jitterbug
19 go où ils se glissent joue à joue, avec n’importe qui , comme sans se voir, dans une demi-obscurité rougeâtre. Des garçons s
20 u’elle leur donnerait, croient-ils. À une aisance qui va venir. C’est là tout le secret de ce que l’on nomme leur optimisme
21 ys sans limites, et il l’était vraiment pour ceux qui triomphaient des famines, des moustiques, des dysenteries et des Indi
22 e l’Atlantique, mais encore débordants d’énergies qui soudain ne trouvent plus d’issues prochaines, hésitent… Pourtant, c’e
23 ines, hésitent… Pourtant, c’est bien le même rêve qui les tourmente et les anime : aller plus loin, vers une vie toujours p
24 ire. Mais il y a le rêve des civils. Et c’est lui qui va dominer, nécessairement. Les vétérans seront absorbés par la vie q
25 ffaires américain est le petit-fils des pionniers qui luttaient sur la « frontière ». Il pressent qu’il a fait son plein ou
26 eusement juxtaposées dans le nom même de l’agence qui l’administrait et qui s’intitulait : Office de coordination des relat
27 ans le nom même de l’agence qui l’administrait et qui s’intitulait : Office de coordination des relations commerciales et c
28 n pourrait définir l’Amérique comme le pays où ce qui va venir émeut autant qu’en Europe le souvenir. Mais ce qui va venir,
29 ir émeut autant qu’en Europe le souvenir. Mais ce qui va venir, direz-vous, n’est-ce pas tout simplement une grande poussée
30 parfaitement conscients de leurs intérêts… Voilà qui est vrai, en apparence du moins. J’essaierai d’exposer, dans un proch
31 i d’exposer, dans un prochain article, les motifs qui m’ont convaincu que l’expansion américaine n’est pas du tout à base d
3 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Hollywood n’a plus d’idées (13 décembre 1945)
32 identes et inéluctables : ce sont celles-là mêmes qui firent son succès, et non pas d’autres. Pour mes cadets, d’ici dix an
33 er de ses propos. Elle a le génie de ne rien dire qui la rende plus réelle qu’une image. Ne serait-ce pas là son secret ? S
34 de Hollywood. Je ne vois qu’un homme en Amérique, qui ait su tirer du cinéma quelques-uns des moyens d’expression radicalem
35 ement, la vitesse ou la lenteur folle, les objets qui montent et volent au lieu de tomber, les déformations expressives, le
36 e les vois s’agiter sur l’écran comme des ludions qui nous rendraient visibles les mouvements délirants de l’Inconscient mo
37 , de flammes instantanées et de bruits déchirants qui , bien avant la dernière guerre, nous donnèrent seuls la sensation du
38 ble dans l’agencement d’une suite de catastrophes qui laissent le spectateur soulagé et heureux, parce que son inconscient
39 idement respectée par tous les nouveaux venus, et qui exige des sommes fabuleuses. Pour que ces sommes rapportent, il faut
40 utant que vous la nouveauté. Il a aimé Disney. Et qui sait s’il ne va point préférer les films européens, dès qu’il pourra
41 cesse. On parle d’un nouveau centre de production qui se créerait bientôt du côté de Miami. Les barrières commerciales qui
42 ntôt du côté de Miami. Les barrières commerciales qui s’opposent à l’entrée des films russes, anglais et français, cèderont
43 fit surgir dans le Colorado la ruée vers l’or, et qui n’offrent plus aujourd’hui qu’un asile délabré aux bandits, et des su
4 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Les enfants américains réclament des bombes atomiques (20 décembre 1945)
44 Auriez-vous, dis-je d’un ton suave, quelque chose qui ressemble à un modèle de bombe atomique pour les enfants ? » La vende
45 Cadum des réclames et non plus de cet enfant vrai qui naquit tant bien que mal dans la paille, sous le souffle d’un bœuf ma
46 illes, un droit à la chaleur des groupes. Et ceux qui seront laissés dehors, ceux qui n’appartiennent pas à une cellule soc
47 groupes. Et ceux qui seront laissés dehors, ceux qui n’appartiennent pas à une cellule sociale, formeront la foule de Time
48 ictoire sur le temps, comme si ce n’était pas lui qui gagne à tous les coups. Qu’apportera cette fin d’année ? Un dernier s
49 s clichés à la mode au sujet de cette invention «  qui signifie la fin de l’humanité ou l’aube d’un âge d’or » à votre choix
50 trie automobile offre à Ford un contrat collectif qui le protègera contre les grèves irrégulières, car la force et l’initia
51 ient, et de la méfiance et de la peur réciproques qui président aux rapports des nations, et de l’antisémitisme, et de l’an
5 1946, Carrefour, articles (1945–1947). Deux presses, deux méthodes : l’Américain expose, le Français explique (4 avril 1946)
52 temps avant la guerre, un grand journal du soir, qui disposait d’un poste de radio, m’interviewa au sujet du petit livre q
53 git d’une grève de vastes dimensions, comme celle qui vient d’interrompre pendant plusieurs mois la production de la Genera
54 rique revue de la presse — au sujet d’un problème qui , semble-t-il, importe moins en soi que ce qu’en disent les partis. Ai
55 e à leurs éditoriaux, dont la moitié traite de ce qui se passe dans tel pays de l’Amérique du Sud ou de l’Europe. Le reste
56 hes ; de commentaires ou « colonnes syndiquées » ( qui paraissent le même jour dans vingt autres journaux) ; et des rubrique
57 dépêche de Paris, par un correspondant américain, qui occupe chaque matin une ou deux colonnes de son journal, en apprend d
58 onnes de son journal, en apprend davantage sur ce qui se passe en France que la lecture de dix journaux français. Tous les
59 ture de dix journaux français. Tous les Français, qui viennent ici, en tombent d’accord. New York a neuf journaux, Paris
60 psent bien souvent ceux des grands romanciers. Ce qui pose chaque jour aux rédacteurs d’un journal américain, en plus des p
61 lème d’une volumineuse revue de vulgarisation. Ce qui suppose un état-major et un personnel gigantesques, spécialisés à l’i
62 ; ou un propriétaire aux dollars inépuisables. Ce qui s’oppose enfin à la multiplication des journaux. New York, pour sept
63 grands journaux ; Paris en publie sept fois plus, qui , d’ailleurs, tirés sur deux pages, feraient, réunis en une seule lias
64 esse française. Par contre, celle de la religion, qui n’existe aucunement en France, occupe souvent deux pages entières. En
65 sédé par l’idée d’empêcher le peuple de savoir ce qui se passe, n’eût pas trouvé de meilleur expédient : s’ils demandent de
66 journaux que j’avais dans l’esprit en écrivant ce qui précède. J’ai préféré ne point parler de la « presse Hearst » et des
67 a « presse Hearst » et des journaux de McCormick, qui règnent sur le Middle West, et dont les tares les plus connues sont l
68 s de plus, en facilitant à un de nos compatriotes qui vit à l’étranger, la possibilité de s’exprimer librement sur l’un des
6 1946, Carrefour, articles (1945–1947). Une bureaucratie sans ronds-de-cuir (23 mai 1946)
69 me de faire vivre leurs bureaux, et nomme un tsar qui supervise le tout, avec pouvoirs dictatoriaux. Le « tsar » est un «
70 es nazis et le Japon n’est que le premier exemple qui me vienne à l’esprit. J’ai dit désordre, parce que c’est de ce nom qu
71 que je n’imagine pas un seul de mes contemporains qui soit capable d’embrasser dans une seule vue les rouages du gouverneme
72 édient de crise) ; qu’il n’y a pas homme au monde qui ait le temps ou les moyens intellectuels de s’y retrouver : à peine y
73 onde connaissait réellement le nombre des agences qui s’occupaient des logements. Depuis lors, on a chargé une agence natio
74 gences et d’une douzaine de départements fédéraux qui se font la guerre, sans qu’il existe un seul centre capable de dresse
75 de cause. L’Office d’information de guerre (OWI) qui tenait le rang d’un ministère, et où j’ai travaillé pendant près de d
76 ureaux, et l’esprit d’une bureaucratie, pour ceux qui en sont comme pour les visiteurs. La mer des paperasses rempart de
77 aire enquête sur les activités de l’autre moitié, qui elle-même consacrera le plus clair de son temps à rédiger de longs ra
78 ais ou la mer des paperasses, aux frais de l’État qui payera l’assurance. Et c’est la sagesse politique, au siècle du colle
7 1946, Carrefour, articles (1945–1947). L’Amérique est-elle nationaliste ? (29 août 1946)
79 idéal commun vers quoi tendent les Américains, et qui les fait devenir vraiment Américains, quelles que soient, par ailleur
80 in. Voilà donc un nationalisme « ouvert » et pour qui la nation est en avant dans un élan, un rêve, une liberté future. Non
81 nnelles et de lui faire subir la loi d’un village qui n’est pas le sien. Au contraire, ce qu’il y a de rassurant dans le na
82 ation qu’on vient de découvrir pour son compte et qui seront bien plus efficaces appliqués à l’échelle mondiale. Ici, l’imp
83 irituels ; nous serons noyés par une civilisation qui ne respecte que la quantité ; le dollar sera roi, etc. » Toutes ces m
84 faute et non pas celle de l’industrie américaine qui aura mis dans un coin de nos cuisines ces appareils où tout respire l
85 t respire l’innocence et ronronne l’hygiène. Ceux qui voient dans le frigidaire une menace pour leur civilisation semblent
86 elligence » inhumaine de certains chefs européens qui professaient le machiavélisme. De même enfin, si nous sommes un jour
87 e. Il semble bien que ce sont les mêmes personnes qui vitupèrent l’impérialisme commercial de l’Amérique, d’une part, et qu
88 rialisme commercial de l’Amérique, d’une part, et qui se plaignent de ce que l’Amérique ne leur vende pas assez de blé, d’a
89 la fois. Je voudrais insister sur ce point. Ceux qui se méfient de l’Amérique, en Europe, l’accusent à la fois d’être là e
90 arce qu’on l’assimile à des tendances européennes qui n’ont de commun avec lui que le nom. h. Rougemont Denis de, « L’Am
8 1947, Carrefour, articles (1945–1947). L’art dirigé [Réponse à une enquête] (23 janvier 1947)
91 ] (23 janvier 1947)i j 1° Si l’on nomme Art ce qui relève de la création — tandis que la production mécanique relève de
9 1947, Carrefour, articles (1945–1947). Fédération ou dictature mondiale ? (9 avril 1947)
92 ment a contre lui toute l’histoire de l’humanité, qui est l’histoire des utopies réalisées. Tout ce qui a compté, tout ce q
93 qui est l’histoire des utopies réalisées. Tout ce qui a compté, tout ce qui a marqué, tout ce dont nous vivons pratiquement
94 utopies réalisées. Tout ce qui a compté, tout ce qui a marqué, tout ce dont nous vivons pratiquement aujourd’hui, tout fut
95 par exemple, et pour la mort en grande série ? Ce qui est vrai, c’est qu’on les y prépare de force, quand on a décidé de fa
96 ons aux objections plus réalistes d’une réflexion qui accepte au moins d’imaginer, avant de le rejeter, le projet qu’on pro
97 ne ; les unes sont simplement sorties de la Ligue qui les condamnait, les autres ont réagi bien moins en tant que membres d
98 tous les pays les usines et les laboratoires, et qui serait seul dépositaire des secrets de fabrication actuellement déten
99 ’autre part, il révèle la vraie nature des forces qui s’y opposent : le nationalisme et l’esprit totalitaire. Sur quoi les
100 le suppose résolu et tente d’évaluer la situation qui en résulterait probablement. Pour y répondre, il s’agirait de considé
101 al, elles seraient définies par la nécessité même qui nous fait souhaiter qu’il existe : la nécessité urgente d’empêcher la
102 art sur l’urgence de discuter les vrais problèmes qui se posent à son sujet. Car quelles que soient les difficultés que ren
103 blissement et les dangers en partie imprévisibles qui en résulteraient (comme de toute institution humaine), le fait est qu
104 tructures politiques aux réalités du xxe siècle, qui sont d’ores et déjà internationales, on ne voit pas ce qui pourrait e
105 d’ores et déjà internationales, on ne voit pas ce qui pourrait empêcher la guerre d’éclater. (La peur de la guerre, pratiqu
106 refusant à l’une, nous décidons pour l’autre. Ce qui est certain, c’est que l’une et l’autre ne peuvent plus être désormai
10 1947, Carrefour, articles (1945–1947). « Jean-Paul Sartre vous parle… et ce qu’en pensent… » (29 octobre 1947)
107 ion, si l’on néglige le sophisme de la moustache, qui en disqualifie toute la fin. (Hitler portait la moustache. Tous les h
108 in. (Hitler portait la moustache. Tous les hommes qui la portent en sont un autre… ça va.) Sartre a raison de dire que la g
109 t « qu’on peut toujours trouver les circonstances qui amènent à déclarer que telle ou telle liberté est dangereuse », elle
110 ute sur l’exemple soviétique, incontestable, mais qui ne vaut pas nécessairement contre le gaullisme en puissance, s’il vau
11 1947, Carrefour, articles (1945–1947). La France est assez grande pour n’être pas ingrate (26 novembre 1947)
111 . Or il ne s’agit pas d’une attitude nouvelle, ou qui serait le seul fait des communistes : il y a trente ans que l’Europe,
112 pour le plaisir, n’importe comment et à n’importe qui … On leur fait un grief d’avoir une politique, un crime d’être en mesu
113 À croire la propagande des staliniens, c’est nous qui sauverions l’Amérique de la ruine en acceptant qu’elle nous avance un
114 milliards de dollars ! C’est l’Amérique, dit-on, qui a besoin de l’Europe ! Car elle est à la veille d’une crise épouvanta
115 onal brut. » Quand on déduit de ce 10 % les parts qui reviennent à l’Amérique latine, à l’Asie et à la Russie, on voit ce q
116 rique latine, à l’Asie et à la Russie, on voit ce qui reste pour l’Europe — pour la solidité de l’argument stalinien ! Par