1
ins différent de ce que mes réflexes attendaient.
Des
amis débarquant de France me disent : Alors, qu’en pensez-vous ? De l
2
e, c’est vrai. Mais Le Corbusier, promené pendant
une
heure dans la ville par des journalistes, et finalement interrogé sur
3
sier, promené pendant une heure dans la ville par
des
journalistes, et finalement interrogé sur ses impressions d’architect
4
ensemble. Elle se sent. L’Amérique, c’est d’abord
un
sentiment. J’avais, avant d’y venir, vu tant de films et lu tant de r
5
éricains : ils donnaient, je le sais aujourd’hui,
des
images vraies de la vie d’ici, surtout dans leurs passages les moins
6
nd j’y ai débarqué, je n’ai rien reconnu de ce qu’
une
douzaine d’ouvrages européens, tous fort exacts dans leurs informatio
7
sines, les villages aux maisons de bois blanc sur
des
pelouses bien peignées, le drapeau de la boîte aux lettres… et c’étai
8
aux lettres… et c’était tout à fait autre chose —
une
autre civilisation. L’Amérique est un continent dont je tiens pour po
9
re chose — une autre civilisation. L’Amérique est
un
continent dont je tiens pour possible et même facile de parler fort c
10
dson vers Manhattan, d’être saisi par l’émotion d’
une
nouveauté qui, dans mon cas, après cinq ans, reste nouvelle. Du senti
11
comme celle du mythe politique et planétaire, est
un
immense glissement à travers le temps et l’espace. Tout glisse et pas
12
Américaine quitte son fiancé qui s’embarque pour
une
guerre lointaine : elle pleure un peu ou pas du tout, agite la main,
13
’embarque pour une guerre lointaine : elle pleure
un
peu ou pas du tout, agite la main, s’en va d’un pas étrangement soupl
14
e un peu ou pas du tout, agite la main, s’en va d’
un
pas étrangement souple avec un sourire parfait, un pas où l’on presse
15
la main, s’en va d’un pas étrangement souple avec
un
sourire parfait, un pas où l’on pressent déjà la danse, un sourire ge
16
n pas étrangement souple avec un sourire parfait,
un
pas où l’on pressent déjà la danse, un sourire gentiment courageux —
17
e parfait, un pas où l’on pressent déjà la danse,
un
sourire gentiment courageux — vous allez croire à de l’insouciance —
18
eux — vous allez croire à de l’insouciance — vers
une
party… « J’espère que tu t’amuses, que tu as du fun », écrit l’ami du
19
im, et je suis sûre qu’il comprendra très bien… »
Un
mois plus tard. Jim et Joe boivent ensemble à la santé du couple réun
20
tion, va plus loin et se perd on ne sait où, dans
un
autre rêve naissant, dans le rêve du bonheur d’un autre… Tout est pos
21
un autre rêve naissant, dans le rêve du bonheur d’
un
autre… Tout est possible. Il y en a pour tout le monde. La jalousie n
22
vers l’humour cocasse qui créent dans l’ensemble
une
allure, une atmosphère si différente de l’Europe ? Cela tient à des r
23
ur cocasse qui créent dans l’ensemble une allure,
une
atmosphère si différente de l’Europe ? Cela tient à des riens ; mais
24
mosphère si différente de l’Europe ? Cela tient à
des
riens ; mais de ces riens multipliés dans la vie quotidienne, naît un
25
es riens multipliés dans la vie quotidienne, naît
une
aisance générale. L’Américain ne supporte pas d’être gêné aux entourn
26
conduite, dans ses relations, dans ses vêtements.
Un
peu plus d’ampleur aux épaules, de larges plis sur le devant des cost
27
ampleur aux épaules, de larges plis sur le devant
des
costumes d’hommes : un peu plus de souplesse aux chevilles des jeunes
28
larges plis sur le devant des costumes d’hommes :
un
peu plus de souplesse aux chevilles des jeunes femmes ; un peu plus d
29
d’hommes : un peu plus de souplesse aux chevilles
des
jeunes femmes ; un peu plus de sourires sans raison échangés avec les
30
us de souplesse aux chevilles des jeunes femmes ;
un
peu plus de sourires sans raison échangés avec les passants, les vois
31
ite ou mon accent, ils n’ont pas l’air d’en faire
un
cas, de se croire obligés de prendre position ou d’essayer de m’influ
32
t crazy, qui veut dire toqué, loufoque, n’est pas
un
adjectif dépréciatif, bien au contraire, qu’on l’applique à un film,
33
épréciatif, bien au contraire, qu’on l’applique à
un
film, à un chapeau, ou même à un industriel entreprenant. Cette nuanc
34
bien au contraire, qu’on l’applique à un film, à
un
chapeau, ou même à un industriel entreprenant. Cette nuance me paraît
35
’on l’applique à un film, à un chapeau, ou même à
un
industriel entreprenant. Cette nuance me paraît capitale : elle suffi
36
dans la rue ou à la maison, je les trouvais tous
un
peu crazy les gens d’ici. Ils entraient et sortaient sans saluer, san
37
nus ; ils se versaient à boire, et, les pieds sur
une
chaise, me posaient avec naturel des questions follement indiscrètes,
38
es pieds sur une chaise, me posaient avec naturel
des
questions follement indiscrètes, me racontaient leur vie sans le moin
39
rénom au bout de cinq minutes et sortaient tout d’
un
coup avec un signe de la main, so long ! un bye bye ! négligent… Je m
40
de cinq minutes et sortaient tout d’un coup avec
un
signe de la main, so long ! un bye bye ! négligent… Je m’étais à pein
41
out d’un coup avec un signe de la main, so long !
un
bye bye ! négligent… Je m’étais à peine habitué, non sans plaisir, à
42
aysannes ou réserves mondaines, que je découvrais
un
aspect tout contraire de la coutume américaine : le formalisme, une p
43
ntraire de la coutume américaine : le formalisme,
une
passion du décor dès qu’il s’agit de manifestations publiques. Ceci c
44
ns publiques. Ceci compense cela, sans doute, par
une
mécanique inconsciente. On n’en finirait pas d’énumérer les exemples
45
exemples courants et voyants de leur goût baroque
des
fêtes et de leur respect de la mise en scène solennelle. Je me borne
46
ise en scène solennelle. Je me borne à citer dans
des
domaines hétéroclites à souhait : le déploiement des costumes sacerdo
47
domaines hétéroclites à souhait : le déploiement
des
costumes sacerdotaux, des drapeaux, des chœurs en robes et des proces
48
ouhait : le déploiement des costumes sacerdotaux,
des
drapeaux, des chœurs en robes et des processions, jusque dans les égl
49
ploiement des costumes sacerdotaux, des drapeaux,
des
chœurs en robes et des processions, jusque dans les églises protestan
50
sacerdotaux, des drapeaux, des chœurs en robes et
des
processions, jusque dans les églises protestantes de la campagne ; le
51
campagne ; les garçons d’ascenseur galonnés comme
des
généraux d’opérette ; le culte méticuleux de la bannière étoilée incu
52
annière étoilée inculqué chaque matin aux enfants
des
écoles ; la multiplication des jours fériés ; les cortèges de carnava
53
matin aux enfants des écoles ; la multiplication
des
jours fériés ; les cortèges de carnaval, avec fanfares, avant les gra
54
otball ; les cérémonies d’ouverture et de clôture
des
universités ; et « l’Inauguration » des présidents… Qu’il y ait là qu
55
e clôture des universités ; et « l’Inauguration »
des
présidents… Qu’il y ait là quelque chose de typiquement américain, j’
56
ricain, j’en vois la preuve dans les formalités d’
une
nature pour le moins particulière qui précèdent obligatoirement l’act
57
histoire, et sans équivalent dans nul autre pays.
Un
étranger résidant aux États-Unis, même depuis dix ou vingt ans, s’il
58
vant : il lui faut tout d’abord quitter le pays —
un
petit voyage au Canada ou au Mexique — pour rentrer deux ou trois jou
59
ette opération, fort coûteuse si on habite loin d’
une
frontière, n’a de toute évidence qu’une portée symbolique et rituelle
60
te loin d’une frontière, n’a de toute évidence qu’
une
portée symbolique et rituelle. Autrement, elle ne sert à rien. Mais p
61
ne paraît s’en étonner, tant est puissant le sens
des
conventions publiques dans ce peuple qui, par ailleurs, a poussé plus
62
oux a écrit quelque part que l’Amérique n’est pas
une
nation comme les autres, mais un club. Cette remarque explique bien d
63
rique n’est pas une nation comme les autres, mais
un
club. Cette remarque explique bien des choses, et, en particulier, le
64
utres, mais un club. Cette remarque explique bien
des
choses, et, en particulier, le paradoxe qu’on vient de relever. L’ent
65
qu’on vient de relever. L’entrée dans le club est
un
acte public qui s’accompagne tout naturellement d’opérations conventi
66
naturellement d’opérations conventionnelles et d’
un
cérémonial d’initiation, calculé de manière à inspirer le respect de
67
ueil d’y appartenir. Mais aussitôt que vous serez
un
membre régulier, vous aurez tous les droits, on ne s’occupera plus de
68
e semble assez important, pour faire comprendre à
des
Français certaines démarches surprenantes de la diplomatie américaine
69
de coutumes qui qualifient la vie et la vision d’
un
peuple, et qui par là vont peut-être expliquer l’histoire du siècle,
70
ériel, aussi directement que naguère les crises d’
un
certain névropathe. a. Rougemont Denis de, « L’Amérique de la vie
71
ricain (9 novembre 1945)b L’Amérique n’est pas
un
pays de rêve quand on y vit, mais c’est un pays de rêveurs. Je vais p
72
st pas un pays de rêve quand on y vit, mais c’est
un
pays de rêveurs. Je vais parfois les regarder dans les grandes salles
73
ans les grandes salles populaires de Broadway, où
des
centaines de jeunes filles en jupes très courtes se livrent à la dans
74
pas encore l’âge militaire. La frénésie rythmique
des
jitterbugs évoque, par moments, le vaudou, et, quand ils se mettent à
75
prend fin, tout s’apaise. Les couples se séparent
un
peu. Personne ne parle. Suit un tango où ils se glissent joue à joue,
76
uples se séparent un peu. Personne ne parle. Suit
un
tango où ils se glissent joue à joue, avec n’importe qui, comme sans
77
oue, avec n’importe qui, comme sans se voir, dans
une
demi-obscurité rougeâtre. Des garçons seuls, assis sur des banquettes
78
sans se voir, dans une demi-obscurité rougeâtre.
Des
garçons seuls, assis sur des banquettes tournant le dos à la piste, r
79
obscurité rougeâtre. Des garçons seuls, assis sur
des
banquettes tournant le dos à la piste, regardent dans le vide. Peu ou
80
ant leurs mélodies toujours si tristes, mais avec
un
sourire de rêve heureux. Je crois qu’ils sont bien moins conscients q
81
la liberté qu’elle leur donnerait, croient-ils. À
une
aisance qui va venir. C’est là tout le secret de ce que l’on nomme le
82
optimisme. L’Américain ne croit pas aux limites.
Une
limite, c’est toujours la fin d’un rêve. Non seulement les limites le
83
aux limites. Une limite, c’est toujours la fin d’
un
rêve. Non seulement les limites le gênent, mais il ne veut pas même a
84
les rives de l’Hudson et du Potomac par le rêve d’
un
pays sans limites, et il l’était vraiment pour ceux qui triomphaient
85
et il l’était vraiment pour ceux qui triomphaient
des
famines, des moustiques, des dysenteries et des Indiens. Ils avaient
86
vraiment pour ceux qui triomphaient des famines,
des
moustiques, des dysenteries et des Indiens. Ils avaient fui les étroi
87
eux qui triomphaient des famines, des moustiques,
des
dysenteries et des Indiens. Ils avaient fui les étroitesses religieus
88
t des famines, des moustiques, des dysenteries et
des
Indiens. Ils avaient fui les étroitesses religieuses et politiques de
89
les faits, domine encore l’inconscient collectif
des
Américains d’aujourd’hui. Et leur grand rêve, leur american dream, pr
90
sauvages parcourues d’Indiens indomptés. Pendant
des
siècles, tout l’effort des pionniers a consisté à repousser cette fro
91
ens indomptés. Pendant des siècles, tout l’effort
des
pionniers a consisté à repousser cette frontière toujours plus loin v
92
ouvelle-Angleterre aient pu tendre la main à ceux
des
côtés de la Californie. C’était une grande victoire sur la géographie
93
a main à ceux des côtés de la Californie. C’était
une
grande victoire sur la géographie démesurée du continent. Mais c’étai
94
a géographie démesurée du continent. Mais c’était
une
limite atteinte. Qu’allaient-ils faire des énergies mises en œuvre po
95
’était une limite atteinte. Qu’allaient-ils faire
des
énergies mises en œuvre pour la conquête ? Ils se tournèrent vers l’i
96
au front, dirait-on de nos jours. Et ce fut l’ère
des
fortunes, et des cités, et des usines colossales, puis des gratte-cie
97
on de nos jours. Et ce fut l’ère des fortunes, et
des
cités, et des usines colossales, puis des gratte-ciel à cent étages.
98
s. Et ce fut l’ère des fortunes, et des cités, et
des
usines colossales, puis des gratte-ciel à cent étages. « Le ciel est
99
nes, et des cités, et des usines colossales, puis
des
gratte-ciel à cent étages. « Le ciel est la limite », disait alors le
100
nquise. Le ciel fut conquis en trente ans. Encore
une
limite atteinte. Et les voici, vers ce milieu du xxe siècle, presque
101
es tourmente et les anime : aller plus loin, vers
une
vie toujours plus large. Le soldat qu’un ancien paquebot de luxe ramè
102
n, vers une vie toujours plus large. Le soldat qu’
un
ancien paquebot de luxe ramène vers son pays du fond du Pacifique ou
103
tore du coin. Huit à neuf fois sur dix, vis-à-vis
des
pays qu’il vient de libérer au péril de sa vie, il garde une espèce d
104
’il vient de libérer au péril de sa vie, il garde
une
espèce de rancœur. Je ne pense pas que le mot soit trop fort. Je parl
105
Américains se sont trouvés mêlés au grand malheur
des
peuples qu’ils aimaient de loin. Ils ont été courageux devant l’ennem
106
publiques. Ils demandent qu’on ne leur parle plus
des
indigènes européens, ces agités, ces nerveux, ces tricheurs. C’est ai
107
es flagrantes, ces vérités mal à propos au compte
des
profits et pertes d’une guerre moderne, à l’échelle planétaire. Mais
108
és mal à propos au compte des profits et pertes d’
une
guerre moderne, à l’échelle planétaire. Mais il y a le rêve des civil
109
erne, à l’échelle planétaire. Mais il y a le rêve
des
civils. Et c’est lui qui va dominer, nécessairement. Les vétérans ser
110
s… L’homme d’affaires américain est le petit-fils
des
pionniers qui luttaient sur la « frontière ». Il pressent qu’il a fai
111
rès de le faire dans les limites de son pays, « d’
une
côte à l’autre », comme il dit. Et ce pressentiment l’inquiète profon
112
rait et qui s’intitulait : Office de coordination
des
relations commerciales et culturelles interaméricaines. Cette dénomin
113
de la manière suivante : le rêve américain évoque
une
vie sans cesse plus large et libre. Mais la « frontière » ayant rejoi
114
« frontière » ayant rejoint les frontières mêmes
des
États-Unis, il faut donc en sortir et deux voies sont possibles : rép
115
. Ces ambitions sont étroitement liées, car seule
une
atmosphère de démocratie mondiale peut créer les conditions nécessair
116
quera sans doute l’an prochain la rentrée massive
des
vétérans, doit cesser de s’isoler et doit littéralement sortir d’elle
117
oler et doit littéralement sortir d’elle-même par
une
nécessité profonde : le rêve américain l’exige. Nous voici bien loin
118
re, mais tout cela va dans le même sens, illustre
un
même mouvement profond et général vers la vie libre, vers l’avenir. O
119
a venir, direz-vous, n’est-ce pas tout simplement
une
grande poussée d’impérialisme américain ? Vos rêveurs nous paraissent
120
n apparence du moins. J’essaierai d’exposer, dans
un
prochain article, les motifs qui m’ont convaincu que l’expansion amér
121
au sens européen du mot. Je pense que nous avons
un
peu plus de raisons de nous en réjouir que de nous en méfier. b. R
122
rt d’inventions. Hollywood achète n’importe quoi,
un
roman non terminé, un bout de conversation, l’esquisse d’une histoire
123
wood achète n’importe quoi, un roman non terminé,
un
bout de conversation, l’esquisse d’une histoire, un « four » de Broad
124
on terminé, un bout de conversation, l’esquisse d’
une
histoire, un « four » de Broadway, sur le soupçon qu’on pourrait y tr
125
bout de conversation, l’esquisse d’une histoire,
un
« four » de Broadway, sur le soupçon qu’on pourrait y trouver « une i
126
oadway, sur le soupçon qu’on pourrait y trouver «
une
idée ». Je soupçonne, pour ma part, que Hollywood n’y trouvera rien,
127
Hollywood n’y trouvera rien, ou si elle y trouve
un
germe, le nettoiera. Car Hollywood n’est plus qu’une machine. Elle tr
128
germe, le nettoiera. Car Hollywood n’est plus qu’
une
machine. Elle transforme en argent tout ce qu’elle a envie de toucher
129
n’est obtenue qu’au prix de telles dépenses et d’
une
telle quantité de spécialistes neutralisant l’originalité les uns des
130
e spécialistes neutralisant l’originalité les uns
des
autres : elle suppose une telle application au détail matériel, au ca
131
t l’originalité les uns des autres : elle suppose
une
telle application au détail matériel, au cadre, au son, à l’éclairage
132
oit tenir compte de tant d’exigences personnelles
des
stars, collectives et supposées du public, tatillonnes et insanes du
133
survivre à pareille torture au ralenti, même avec
une
prime d’un million, resplendissant au terme de l’épreuve. Le moindre
134
areille torture au ralenti, même avec une prime d’
un
million, resplendissant au terme de l’épreuve. Le moindre film europé
135
dre film européen d’avant la guerre, projeté dans
une
petite salle de rétrospective, à New York, me semble en comparaison f
136
cahotant, trop coupé, mais quand il s’établit sur
une
ou deux séquences, comme il entraîne ! Je rentre après cela dans une
137
es, comme il entraîne ! Je rentre après cela dans
une
salle de Broadway : tout y marche et ronronne comme un moteur de luxe
138
lle de Broadway : tout y marche et ronronne comme
un
moteur de luxe, tout est faux, tout le monde est beau, jamais on ne v
139
is on ne voit percer la trame nue du réel. Jamais
un
choc, pour tant de coups de poing, de coups de feu et de coups de thé
140
as que Hedy Lamarr soit mal habillée si elle joue
une
pauvresse, qu’Ingrid Bergman ressemble à la Suédoise qu’elle est, plu
141
ressemble à la Suédoise qu’elle est, plutôt qu’à
une
star comme les autres. N’insistons pas : la décadence de Hollywood n’
142
cadets, d’ici dix ans, Hollywood ne sera plus qu’
une
légende : comme l’est déjà Greta Garbo, symbole d’un âge. Ô Garbo de
143
légende : comme l’est déjà Greta Garbo, symbole d’
un
âge. Ô Garbo de notre jeunesse, volupté du regard. Reine des neiges,
144
Garbo de notre jeunesse, volupté du regard. Reine
des
neiges, Dame des rêves de l’adolescence, femme la plus célèbre du mon
145
unesse, volupté du regard. Reine des neiges, Dame
des
rêves de l’adolescence, femme la plus célèbre du monde, idée de la Fe
146
us célèbre du monde, idée de la Femme régnant sur
des
millions de nuits, mythe évasif, que n’êtes-vous disparue comme un so
147
its, mythe évasif, que n’êtes-vous disparue comme
un
songe au matin ? Dans ce petit restaurant français de la 56e rue, à l
148
tit restaurant français de la 56e rue, à l’ouest,
un
jour de l’autre hiver, le garçon vint me dire à l’oreille : — Pouvez-
149
ouvez-vous céder votre table, nous avons besoin d’
une
table de deux dans cinq minutes ? Merci. Vous allez voir que cela vau
150
est très jolie, malgré la minceur de ses lèvres.
Un
peu plus tard, c’est une party de Pâques russe chez une amie. « Venez
151
la minceur de ses lèvres. Un peu plus tard, c’est
une
party de Pâques russe chez une amie. « Venez très tôt, vous aurez une
152
u plus tard, c’est une party de Pâques russe chez
une
amie. « Venez très tôt, vous aurez une surprise. » J’arrive très tôt
153
russe chez une amie. « Venez très tôt, vous aurez
une
surprise. » J’arrive très tôt et ne trouve qu’un géant, Robert Sherwo
154
une surprise. » J’arrive très tôt et ne trouve qu’
un
géant, Robert Sherwood, le dramaturge et l’un des conseillers intimes
155
’un géant, Robert Sherwood, le dramaturge et l’un
des
conseillers intimes de Roosevelt. Mais une minute plus tard, un pas r
156
t l’un des conseillers intimes de Roosevelt. Mais
une
minute plus tard, un pas rapide dans l’escalier : c’est elle encore,
157
intimes de Roosevelt. Mais une minute plus tard,
un
pas rapide dans l’escalier : c’est elle encore, en robe courte de soi
158
s G… » (prononcez Djie), ainsi qu’on fait parfois
des
souverains en voyage. Comme elle est gaie ! J’ai passé une demi-heure
159
rains en voyage. Comme elle est gaie ! J’ai passé
une
demi-heure à causer avec elle, sur un sofa, et plus tard nous avons s
160
J’ai passé une demi-heure à causer avec elle, sur
un
sofa, et plus tard nous avons soupé, assis par terre, dans une foule,
161
plus tard nous avons soupé, assis par terre, dans
une
foule, mais dos à dos, et voici l’étonnant de l’histoire : je ne trou
162
génie de ne rien dire qui la rende plus réelle qu’
une
image. Ne serait-ce pas là son secret ? Se prêter à la fantaisie de t
163
gance dans l’irréalité ! Comme elle est gaie pour
un
fantôme… ⁂ Revenons à nos moutons de Hollywood. Je ne vois qu’un homm
164
evenons à nos moutons de Hollywood. Je ne vois qu’
un
homme en Amérique, qui ait su tirer du cinéma quelques-uns des moyens
165
Amérique, qui ait su tirer du cinéma quelques-uns
des
moyens d’expression radicalement neufs qu’il permet : c’est Walt Disn
166
Disney. Les autres en sont encore à photographier
des
comédies, des drames, des ameublements ou des jardins comme nous pouv
167
tres en sont encore à photographier des comédies,
des
drames, des ameublements ou des jardins comme nous pouvons en voir sa
168
encore à photographier des comédies, des drames,
des
ameublements ou des jardins comme nous pouvons en voir sans l’aide d’
169
ier des comédies, des drames, des ameublements ou
des
jardins comme nous pouvons en voir sans l’aide d’une caméra, et sur l
170
jardins comme nous pouvons en voir sans l’aide d’
une
caméra, et sur les rythmes habituels de notre vie. C’est dire qu’ils
171
e qu’ils oublient ou refusent de prendre avantage
des
possibilités uniques du cinéma. L’analyse du mouvement, la vitesse ou
172
ou de corps par transparence, la synchronisation
des
gestes et de la musique, vingt autres procédés moins faciles à défini
173
ce siècle. Je les vois s’agiter sur l’écran comme
des
ludions qui nous rendraient visibles les mouvements délirants de l’In
174
ou entravés comme les figures du rêve, passant en
une
seconde de l’aplanissement physique à la mégalomanie, extravagants, s
175
agée par les publics d’enfants, ils évoluent dans
un
univers de machines féroces, d’explosions, de flammes instantanées et
176
la sensation du Blitz. Ils sont de notre temps d’
une
manière plus profonde que leur auteur, sans doute, n’eût osé le soupç
177
e la veille. Il entre avec sa femme. Il a l’air d’
un
bon garçon bien correct et bien banal. On essaie de parler musique, M
178
ie de parler musique, Mozart et Stravinsky — deux
des
principales victimes de son film. Il coupe court d’un ton neutre : «
179
rincipales victimes de son film. Il coupe court d’
un
ton neutre : « Mrs Walt Disney n’aime pas la musique classique. » Un
180
rs Walt Disney n’aime pas la musique classique. »
Un
froid, et chacun pense : Que ne l’a-t-elle empêché de s’en occuper !
181
e Fantasia, sur l’Ave Maria de Schubert, n’est qu’
une
suite de cartes de bons vœux comme il s’en envoie des millions à chaq
182
suite de cartes de bons vœux comme il s’en envoie
des
millions à chaque Noël en Amérique.) Mais il a le secret de ce rythme
183
et cette maîtrise impitoyable dans l’agencement d’
une
suite de catastrophes qui laissent le spectateur soulagé et heureux,
184
pu se déchaîner devant lui, bien visible, pendant
un
bon quart d’heure, avec l’assentiment du rire de la foule. ⁂ Les créa
185
ériode où il travaillait seul, à l’aventure, avec
des
moyens peu coûteux. Les producers de Hollywood travaillent aujourd’hu
186
oducers de Hollywood travaillent aujourd’hui avec
des
milliers d’employés, dans le cadre d’une routine technique stupidemen
187
hui avec des milliers d’employés, dans le cadre d’
une
routine technique stupidement respectée par tous les nouveaux venus,
188
spectée par tous les nouveaux venus, et qui exige
des
sommes fabuleuses. Pour que ces sommes rapportent, il faut le plus gr
189
milliers d’employés déjà cités se livrent donc à
une
chasse impitoyable à la situation neuve ou vraie, pour la tuer. En mê
190
Quant au public… Eh bien ! pendant que j’y suis,
un
bon conseil : ne croyez pas que le grand public déteste autant que vo
191
trop tard : et qu’ils s’en doutent. L’importance
des
studios de New York s’accroît sans cesse. On parle d’un nouveau centr
192
dios de New York s’accroît sans cesse. On parle d’
un
nouveau centre de production qui se créerait bientôt du côté de Miami
193
barrières commerciales qui s’opposent à l’entrée
des
films russes, anglais et français, cèderont au jour… Et j’imagine alo
194
nt au jour… Et j’imagine alors Hollywood déserté,
une
ghost town pareille à ces villes éphémères que fit surgir dans le Col
195
e vers l’or, et qui n’offrent plus aujourd’hui qu’
un
asile délabré aux bandits, et des sujets de scénarios historiques. Il
196
s aujourd’hui qu’un asile délabré aux bandits, et
des
sujets de scénarios historiques. Il se peut que Hollywood, après sa m
197
Il se peut que Hollywood, après sa mort, devienne
une
merveilleuse « idée de film », et renaisse à l’écran sous la forme du
198
Les enfants américains réclament
des
bombes atomiques (20 décembre 1945)d Noël ! La ruée vers les magas
199
sont déjà presque vides à New York. La conversion
des
tanks et des forteresses volantes en pacotille de nursery exige plus
200
sque vides à New York. La conversion des tanks et
des
forteresses volantes en pacotille de nursery exige plus qu’un instant
201
es volantes en pacotille de nursery exige plus qu’
un
instant de foi et d’abandon… Cet an de grâce rationné 1945 se termine
202
durables. Et Noël va tomber au milieu de l’an I d’
une
ère de paix fondée sur la plus grande menace de toute l’Histoire. Les
203
comme les gouvernements, demandent pour leur Noël
des
petites bombes atomiques. Trois d’entre eux, à Brooklyn, viennent d’ê
204
On ne le croirait pas à les voir. Curieux trio :
un
loup déguisé en mouton et deux moutons vêtus de leur vraie peau. Mais
205
de la Cinquième Avenue : « Auriez-vous, dis-je d’
un
ton suave, quelque chose qui ressemble à un modèle de bombe atomique
206
-je d’un ton suave, quelque chose qui ressemble à
un
modèle de bombe atomique pour les enfants ? » La vendeuse ouvrit la b
207
quilla les yeux : devant nous venait d’apparaître
une
jeune femme au visage anguleux et couvert de taches de rousseur, la t
208
ouvert de taches de rousseur, la tête serrée dans
un
foulard de soie rose feu. — « Papa, me dit mon petit garçon, c’est Mi
209
eller Plaza, transporté avec toutes ses racines d’
un
parc où il sera replanté dès janvier, n’ayant coûté que cent dollars
210
ation à M. John D. Rockefeller, car tout se sait.
Des
haut-parleurs répandaient sans relâche des hymnes de Noël transformés
211
sait. Des haut-parleurs répandaient sans relâche
des
hymnes de Noël transformés en jazz hot par les klaxons d’interminable
212
talgiques. Noël ici devient la fête du bébé Cadum
des
réclames et non plus de cet enfant vrai qui naquit tant bien que mal
213
nt bien que mal dans la paille, sous le souffle d’
un
bœuf malodorant. Plus que dix jours pour acquérir dans cette aimable
214
ble bousculade la bonne conscience que représente
une
table chargée de cadeaux enveloppés de papiers brillants, verts, roug
215
mordorés. Pourquoi ces échanges éperdus ? Est-ce
un
souvenir du seul cadeau de paix jamais fait à l’humanité ? ou bien ce
216
jurer le sort ? Plus que dix jours pour s’assurer
une
bonne place dans le monde des familles, un droit à la chaleur des gro
217
ours pour s’assurer une bonne place dans le monde
des
familles, un droit à la chaleur des groupes. Et ceux qui seront laiss
218
surer une bonne place dans le monde des familles,
un
droit à la chaleur des groupes. Et ceux qui seront laissés dehors, ce
219
dans le monde des familles, un droit à la chaleur
des
groupes. Et ceux qui seront laissés dehors, ceux qui n’appartiennent
220
nt laissés dehors, ceux qui n’appartiennent pas à
une
cellule sociale, formeront la foule de Times Square. Le coudoiement u
221
i, j’irai comme chaque année à la messe de minuit
des
protestants, dans la plus grande église gothique du monde, la cathédr
222
can de New York. Dix mille personnes y chanteront
des
hymnes avant la procession du chœur et du clergé, précédés de porteur
223
Credo de Gretchaninoff et le motet de Prætorius,
Une
rose est née… et je me dirai que l’Amérique n’a pas encore très bien
224
ompris les traditions, parce qu’elle les respecte
un
peu trop… Times Square, tous ses feux allumés, semblera célébrer un V
225
Square, tous ses feux allumés, semblera célébrer
un
V Day, une nouvelle victoire sur le temps, comme si ce n’était pas lu
226
ous ses feux allumés, semblera célébrer un V Day,
une
nouvelle victoire sur le temps, comme si ce n’était pas lui qui gagne
227
tous les coups. Qu’apportera cette fin d’année ?
Un
dernier speech de La Guardia à la radio, révélant une dernière recett
228
dernier speech de La Guardia à la radio, révélant
une
dernière recette aux ménagères pour cuire la dinde ; le politicien ru
229
mme le peuple l’a baptisé, saisissant la baguette
des
mains du chef, dirigera pour la dernière fois l’orchestre ou la fanfa
230
pour la dernière fois l’orchestre ou la fanfare d’
un
grand meeting. Sur le coup de minuit, le 31 décembre, nous perdrons l
231
prévues par l’avant-guerre entreront dans la voie
des
réalisations. Déjà l’on met en vente la « bicyclette du ciel », un pe
232
Déjà l’on met en vente la « bicyclette du ciel »,
un
petit avion de mille dollars. Déjà les banques de Buffalo ouvrent des
233
ille dollars. Déjà les banques de Buffalo ouvrent
des
guichets extérieurs où l’on peut déposer de l’argent sans descendre d
234
l’Américain. Déjà l’on nous annonce de Hollywood
un
superfilm sur la bombe atomique, où le love interest ne manquera pas
235
a pas ; cependant que déjà le New Yorker se moque
des
clichés à la mode au sujet de cette invention « qui signifie la fin d
236
n « qui signifie la fin de l’humanité ou l’aube d’
un
âge d’or » à votre choix. Déjà, le syndicat des ouvriers de l’industr
237
d’un âge d’or » à votre choix. Déjà, le syndicat
des
ouvriers de l’industrie automobile offre à Ford un contrat collectif
238
s ouvriers de l’industrie automobile offre à Ford
un
contrat collectif qui le protègera contre les grèves irrégulières, ca
239
olonté », répétant sans scrupules avec M. Romains
une
grave erreur de traduction car l’Évangile, dans le texte original, di
240
nvers les hommes ». Est-il besoin de la bombe, et
des
grèves, et de la famine européenne, et de la guerre endémique dans to
241
de la peur réciproques qui président aux rapports
des
nations, et de l’antisémitisme, et de l’antisoviétisme, et de l’antia
242
nt que subir leur condition. À Times Square, dans
une
foule compacte et lente, dans la rumeur assourdissante des petites tr
243
compacte et lente, dans la rumeur assourdissante
des
petites trompettes de foire et des crécelles, GI Joe, le combattant m
244
assourdissante des petites trompettes de foire et
des
crécelles, GI Joe, le combattant moyen, se dira : « Well, c’était don
245
mont Denis de, « Les enfants américains réclament
des
bombes atomiques », Carrefour, Paris, 20 décembre 1945, p. 4.
246
4 avril 1946)e f Peu de temps avant la guerre,
un
grand journal du soir, qui disposait d’un poste de radio, m’interview
247
guerre, un grand journal du soir, qui disposait d’
un
poste de radio, m’interviewa au sujet du petit livre que je venais de
248
qu’elle donnait plus de nouvelles du monde, et d’
une
manière plus objective, du fait même que ses partis pris étaient conn
249
précise : ils l’admettent justement à l’occasion
des
débats les plus graves et les plus passionnés, tels que ceux que prov
250
les plus passionnés, tels que ceux que provoquent
une
période de grèves, le renvoi bruyant d’un ministre, ou même d’une éle
251
oquent une période de grèves, le renvoi bruyant d’
un
ministre, ou même d’une élection présidentielle. Dans quel autre pays
252
rèves, le renvoi bruyant d’un ministre, ou même d’
une
élection présidentielle. Dans quel autre pays de notre monde du xxe
253
tre pays de notre monde du xxe siècle verrait-on
un
journal de l’importance du New York Times donner une page entière au
254
journal de l’importance du New York Times donner
une
page entière au discours de son candidat, et une page entière, en reg
255
une page entière au discours de son candidat, et
une
page entière, en regard, au discours de son adversaire ? Cependant qu
256
commente en termes mesurés les mérites respectifs
des
personnes en présence ? Et s’il s’agit d’une grève de vastes dimensio
257
tifs des personnes en présence ? Et s’il s’agit d’
une
grève de vastes dimensions, comme celle qui vient d’interrompre penda
258
ont citées in extenso. Pas de polémique contre
un
autre journal Ainsi la controverse réelle est exposée, pièces à l’
259
ous ne verrez jamais, dans ce même journal, c’est
une
polémique contre un autre journal. Ceci me paraît très important. En
260
dans ce même journal, c’est une polémique contre
un
autre journal. Ceci me paraît très important. En France, il arrive tr
261
que le débat réel reste mal défini, les positions
des
parties en présence n’ayant pas été déclarées dans les termes exacts
262
êtent. Ce que l’on trouve dans son journal, c’est
un
débat à propos d’un débat. C’est un torrent de jugements contradictoi
263
rouve dans son journal, c’est un débat à propos d’
un
débat. C’est un torrent de jugements contradictoires, mais trop exact
264
ournal, c’est un débat à propos d’un débat. C’est
un
torrent de jugements contradictoires, mais trop exactement prévus — s
265
sous la rubrique revue de la presse — au sujet d’
un
problème qui, semble-t-il, importe moins en soi que ce qu’en disent l
266
l’infini, mais sans trop de chances de se former
une
opinion plausible ou réaliste. Tartempion pense ceci, Durand déclare
267
resteraient attachés « indéfectiblement », comme
des
moules, à leurs vieux principes. Mais le problème subsiste et je voud
268
e quoi Tartempion me ressasse que Durand n’est qu’
un
radical. De quoi donc parlait-on ? Qu’allons-nous faire ? Ce n’est pa
269
ent le même jour dans vingt autres journaux) ; et
des
rubriques régulières : sports, religion, finance, livres, théâtre, co
270
correspondance, jardin, etc. Mais le fait est qu’
une
dépêche de Paris, par un correspondant américain, qui occupe chaque m
271
tc. Mais le fait est qu’une dépêche de Paris, par
un
correspondant américain, qui occupe chaque matin une ou deux colonnes
272
correspondant américain, qui occupe chaque matin
une
ou deux colonnes de son journal, en apprend davantage sur ce qui se p
273
a… Le correspondant-américain-à-l’étranger est
une
espèce humaine bien définie. Le grand reporter français cherche à exp
274
et son statut social éclipsent bien souvent ceux
des
grands romanciers. Ce qui pose chaque jour aux rédacteurs d’un journa
275
anciers. Ce qui pose chaque jour aux rédacteurs d’
un
journal américain, en plus des problèmes d’un grand quotidien, le pro
276
ur aux rédacteurs d’un journal américain, en plus
des
problèmes d’un grand quotidien, le problème d’une volumineuse revue d
277
s d’un journal américain, en plus des problèmes d’
un
grand quotidien, le problème d’une volumineuse revue de vulgarisation
278
des problèmes d’un grand quotidien, le problème d’
une
volumineuse revue de vulgarisation. Ce qui suppose un état-major et u
279
olumineuse revue de vulgarisation. Ce qui suppose
un
état-major et un personnel gigantesques, spécialisés à l’infini ; des
280
de vulgarisation. Ce qui suppose un état-major et
un
personnel gigantesques, spécialisés à l’infini ; des pages de publici
281
personnel gigantesques, spécialisés à l’infini ;
des
pages de publicité aussi chères qu’abondantes ; ou un propriétaire au
282
ages de publicité aussi chères qu’abondantes ; ou
un
propriétaire aux dollars inépuisables. Ce qui s’oppose enfin à la mul
283
sables. Ce qui s’oppose enfin à la multiplication
des
journaux. New York, pour sept millions d’habitants, ne possède que ne
284
lleurs, tirés sur deux pages, feraient, réunis en
une
seule liasse, tout juste un numéro du Times, pour le volume de mots i
285
feraient, réunis en une seule liasse, tout juste
un
numéro du Times, pour le volume de mots imprimés. Deux pages pour
286
s de roman-feuilleton Trois remarques au sujet
des
rubriques régulières. Celle des sports, contrairement à ce que l’on a
287
emarques au sujet des rubriques régulières. Celle
des
sports, contrairement à ce que l’on attendrait, ne tient pas plus de
288
as trouvé de meilleur expédient : s’ils demandent
des
nouvelles, contez-leur une histoire. « S’ils n’ont pas de pain, qu’il
289
ient : s’ils demandent des nouvelles, contez-leur
une
histoire. « S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent des brioches ! »
290
stoire. « S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent
des
brioches ! » Le siècle est en révolution, l’Europe en ruine, la Franc
291
ns, c’est bien le moment de lire Paul de Kock…
Des
moyens d’information dignes de ce nom La France possède, depuis la
292
de ce nom La France possède, depuis la guerre,
un
ministère de l’Information, dont jusqu’à plus ample informé, je ne me
293
nistère ? J’imagine qu’il a pris à tâche de créer
un
nouvel esprit, un nouveau sens des devoirs civiques de la presse, une
294
e qu’il a pris à tâche de créer un nouvel esprit,
un
nouveau sens des devoirs civiques de la presse, une école de reportag
295
tâche de créer un nouvel esprit, un nouveau sens
des
devoirs civiques de la presse, une école de reportage, un journal typ
296
n nouveau sens des devoirs civiques de la presse,
une
école de reportage, un journal type… et surtout des campagnes d’infor
297
rs civiques de la presse, une école de reportage,
un
journal type… et surtout des campagnes d’information. Je me permettra
298
e école de reportage, un journal type… et surtout
des
campagnes d’information. Je me permettrais, dans ce cas, de lui suggé
299
référé ne point parler de la « presse Hearst » et
des
journaux de McCormick, qui règnent sur le Middle West, et dont les ta
300
quisser courent le risque d’opposer le meilleur d’
un
des termes à la moyenne ou même au pire de l’autre. Il resterait à op
301
sser courent le risque d’opposer le meilleur d’un
des
termes à la moyenne ou même au pire de l’autre. Il resterait à oppose
302
r se manifeste, une fois de plus, en facilitant à
un
de nos compatriotes qui vit à l’étranger, la possibilité de s’exprime
303
, la possibilité de s’exprimer librement sur l’un
des
problèmes les plus brûlants de l’heure : celui de la mission de la pr
304
Une
bureaucratie sans ronds-de-cuir (23 mai 1946)g Dans le même numéro
305
éro de magazine où l’on peut lire sous la plume d’
un
fermier du Middlewest que l’Amérique est le seul pays décent au monde
306
’Amérique est le seul pays décent au monde, et qu’
un
agent d’assurances du Connecticut affirme qu’elle jouit d’un gouverne
307
assurances du Connecticut affirme qu’elle jouit d’
un
gouvernement pratiquement idéal, le Contrôleur général des États-Unis
308
rnement pratiquement idéal, le Contrôleur général
des
États-Unis écrit de son côté : « Notre gouvernement est une vaste pét
309
Unis écrit de son côté : « Notre gouvernement est
une
vaste pétaudière. » Ce fonctionnaire sait à peu près de quoi il parle
310
leur budget particulier, mais il avoue que c’est
une
tâche impossible. Dans le domaine des transports, par exemple, soixan
311
e que c’est une tâche impossible. Dans le domaine
des
transports, par exemple, soixante-quinze bureaux différents donnent d
312
emple, soixante-quinze bureaux différents donnent
des
ordres, recrutent des employés, font des statistiques, et se battent
313
bureaux différents donnent des ordres, recrutent
des
employés, font des statistiques, et se battent entre eux. Depuis douz
314
donnent des ordres, recrutent des employés, font
des
statistiques, et se battent entre eux. Depuis douze ans, les chambres
315
xième comité ait pour objet d’examiner l’activité
des
neuf premiers. On nommera un Board national, chargé de coordonner com
316
examiner l’activité des neuf premiers. On nommera
un
Board national, chargé de coordonner comités et agences, et baptisé d
317
avant même de faire vivre leurs bureaux, et nomme
un
tsar qui supervise le tout, avec pouvoirs dictatoriaux. Le « tsar »
318
ut, avec pouvoirs dictatoriaux. Le « tsar » est
un
« businessman » Ce tsar ne sera pas choisi parmi la troupe des pol
319
n » Ce tsar ne sera pas choisi parmi la troupe
des
politiciens sans emploi ou des anciens ministres de n’importe quoi. I
320
si parmi la troupe des politiciens sans emploi ou
des
anciens ministres de n’importe quoi. Il sera plutôt un homme d’affair
321
ciens ministres de n’importe quoi. Il sera plutôt
un
homme d’affaires dans la quarantaine, le vice-président d’une chaîne
322
affaires dans la quarantaine, le vice-président d’
une
chaîne de Prisunics, le directeur technique d’un trust industriel, le
323
une chaîne de Prisunics, le directeur technique d’
un
trust industriel, le secrétaire d’un des grands syndicats, ou bien un
324
technique d’un trust industriel, le secrétaire d’
un
des grands syndicats, ou bien un professeur d’économie. On lui fera b
325
chnique d’un trust industriel, le secrétaire d’un
des
grands syndicats, ou bien un professeur d’économie. On lui fera beauc
326
le secrétaire d’un des grands syndicats, ou bien
un
professeur d’économie. On lui fera beaucoup de publicité. Les journau
327
té. S’il rate, il sera vidé sans autres formes qu’
une
lettre personnelle du président, qu’il pourra lire le jour même dans
328
ue c’est de ce nom que l’on désigne ordinairement
une
situation dont notre esprit n’arrive pas à se former une image claire
329
uation dont notre esprit n’arrive pas à se former
une
image claire et cohérente. (Pour un esprit infiniment intelligent, il
330
à se former une image claire et cohérente. (Pour
un
esprit infiniment intelligent, il n’y aurait jamais de désordre, mais
331
il n’y aurait jamais de désordre, mais seulement
des
complexités.) Le fait est que je n’imagine pas un seul de mes contemp
332
es complexités.) Le fait est que je n’imagine pas
un
seul de mes contemporains qui soit capable d’embrasser dans une seule
333
s contemporains qui soit capable d’embrasser dans
une
seule vue les rouages du gouvernement des États-Unis d’Amérique. D
334
er dans une seule vue les rouages du gouvernement
des
États-Unis d’Amérique. Dans la jungle administrative… Le présid
335
inistrative… Le président a plus de pouvoir qu’
un
roi, dit-on. Mais ce n’est pas beaucoup dire, de nos jours. Il choisi
336
doit tenir compte, pour ce choix, de l’équilibre
des
républicains, des démocrates du Sud, et du Travail, représenté par le
337
, pour ce choix, de l’équilibre des républicains,
des
démocrates du Sud, et du Travail, représenté par les trois chefs des
338
ud, et du Travail, représenté par les trois chefs
des
syndicats les plus puissants ; il doit tenir compte des pressure grou
339
ndicats les plus puissants ; il doit tenir compte
des
pressure groups de Washington ; des agences et bureaux d’État indépen
340
tenir compte des pressure groups de Washington ;
des
agences et bureaux d’État indépendants des ministères ; de la Finance
341
gton ; des agences et bureaux d’État indépendants
des
ministères ; de la Finance (bien qu’elle perde du terrain) ; enfin de
342
tible dont le Contrôleur général essaie de donner
une
idée dans le bref article que je citais : Prenez le problème du loge
343
blème du logement. Il y a quelques années, devant
un
comité du Sénat, la question fut posée de savoir si quelqu’un au mond
344
elqu’un au monde connaissait réellement le nombre
des
agences qui s’occupaient des logements. Depuis lors, on a chargé une
345
réellement le nombre des agences qui s’occupaient
des
logements. Depuis lors, on a chargé une agence nationale de coordonne
346
ccupaient des logements. Depuis lors, on a chargé
une
agence nationale de coordonner les travaux. Mais son administrateur d
347
Mais son administrateur déclare aujourd’hui que «
des
projets financés par le gouvernement fédéral ont été néanmoins mis en
348
ement, c’est-à-dire de trente-quatre agences et d’
une
douzaine de départements fédéraux qui se font la guerre, sans qu’il e
349
fédéraux qui se font la guerre, sans qu’il existe
un
seul centre capable de dresser l’inventaire de ce domaine gigantesque
350
écialisés. Elle ne produit pas plus d’inspecteurs
des
Finances que de ronds-de-cuir de père en fils. Le personnel des burea
351
ue de ronds-de-cuir de père en fils. Le personnel
des
bureaux gouvernementaux est sans cesse ventilé et renouvelé, au physi
352
s aisément, en principe, car ils ont par ailleurs
une
profession qu’ils pourront reprendre au premier jour. J’ai fait parti
353
’information de guerre (OWI) qui tenait le rang d’
un
ministère, et où j’ai travaillé pendant près de deux ans, ne comptait
354
ravaillé pendant près de deux ans, ne comptait qu’
une
infime minorité de fonctionnaires de métier. Le chef en fut d’abord u
355
fonctionnaires de métier. Le chef en fut d’abord
un
général, puis un commentateur de la radio. Il avait sous ses ordres d
356
e métier. Le chef en fut d’abord un général, puis
un
commentateur de la radio. Il avait sous ses ordres des écrivains, des
357
ommentateur de la radio. Il avait sous ses ordres
des
écrivains, des journalistes, des banquiers, des cinéastes, des dactyl
358
la radio. Il avait sous ses ordres des écrivains,
des
journalistes, des banquiers, des cinéastes, des dactylos, des étudian
359
sous ses ordres des écrivains, des journalistes,
des
banquiers, des cinéastes, des dactylos, des étudiants, des professeur
360
s des écrivains, des journalistes, des banquiers,
des
cinéastes, des dactylos, des étudiants, des professeurs et des acteur
361
, des journalistes, des banquiers, des cinéastes,
des
dactylos, des étudiants, des professeurs et des acteurs. Trente mille
362
stes, des banquiers, des cinéastes, des dactylos,
des
étudiants, des professeurs et des acteurs. Trente mille en tout. Pres
363
iers, des cinéastes, des dactylos, des étudiants,
des
professeurs et des acteurs. Trente mille en tout. Presque tous, aujou
364
, des dactylos, des étudiants, des professeurs et
des
acteurs. Trente mille en tout. Presque tous, aujourd’hui, sont retour
365
du travail ou du commerce. Tout cela change l’air
des
bureaux, et l’esprit d’une bureaucratie, pour ceux qui en sont comme
366
Tout cela change l’air des bureaux, et l’esprit d’
une
bureaucratie, pour ceux qui en sont comme pour les visiteurs. La m
367
x qui en sont comme pour les visiteurs. La mer
des
paperasses rempart de la liberté ? Mais je me pose tout de même la
368
s je me pose tout de même la question de l’avenir
des
démocraties, livrées à la fatalité incontrôlable des agences. Finiron
369
démocraties, livrées à la fatalité incontrôlable
des
agences. Finirons-nous tous fonctionnaires ? La société entière se tr
370
es ? La société entière se transformera-t-elle en
un
cauchemar de statistiques, de directives, de formulaires, de fiches,
371
e doubles bien classés, et de coups de tampon sur
des
notes de service ? C’est fort possible. Personne au monde n’y compren
372
ible. Personne au monde n’y comprendra plus rien.
Une
moitié des bureaux passera son temps à faire enquête sur les activité
373
nne au monde n’y comprendra plus rien. Une moitié
des
bureaux passera son temps à faire enquête sur les activités de l’autr
374
très peu d’hommes que les choses marchent. Alors
un
être d’exception, comme vous ou moi, se demandera dans un accès de co
375
d’exception, comme vous ou moi, se demandera dans
un
accès de courage intellectuel ou de désespoir balayant tout scrupule,
376
n. Car s’il n’y avait plus de grands bureaux dans
une
démocratie, quelques hommes deviendraient responsables… Facilement dé
377
ls choisissent le naufrage commun dans le détroit
des
Délais ou la mer des paperasses, aux frais de l’État qui payera l’ass
378
frage commun dans le détroit des Délais ou la mer
des
paperasses, aux frais de l’État qui payera l’assurance. Et c’est la s
379
le du collectivisme. g. Rougemont Denis de, «
Une
bureaucratie sans ronds-de-cuir », Carrefour, Paris, 23 mai 1946, p.
380
parlons d’impérialisme, en Europe, nous pensons à
une
volonté de dominer affirmée par un chef au nom de sa nation : les All
381
ous pensons à une volonté de dominer affirmée par
un
chef au nom de sa nation : les Allemands sous Hitler, les Français so
382
e, chez eux, en tient la place. Se pourrait-il qu’
un
jour prochain, cette opinion publique, reine des États-Unis, devînt n
383
u’un jour prochain, cette opinion publique, reine
des
États-Unis, devînt nationaliste à notre image européenne ? Et qu’elle
384
Il faudrait tout d’abord que l’Amérique se formât
une
conscience nationale. Le phénomène est-il probable ? Et s’il l’est, d
385
te persuadé qu’il ne comporte rien de redoutable.
Une
nation prend conscience d’elle-même lorsqu’elle atteint ses limites n
386
int ses limites naturelles et qu’elle se heurte à
des
voisins organisés. Or c’est le cas de l’Amérique, virtuellement, depu
387
a production américaine et l’idéal démocratique d’
un
Roosevelt. L’Amérique atteignant ses limites se voit donc subitement
388
rquer le coup ; et, de plus, elle l’a gagnée avec
une
arme qu’elle se trouve seule à posséder pour le moment. Voilà bien de
389
rouve seule à posséder pour le moment. Voilà bien
des
raisons de prendre conscience de soi, en tant que nation, avec tout c
390
ux et tout-puissants du premier coup. Imaginez qu’
un
grand pays européen ait remporté des triomphes de cet ordre. La terre
391
. Imaginez qu’un grand pays européen ait remporté
des
triomphes de cet ordre. La terre entière aurait de quoi trembler. Mai
392
aurait de quoi trembler. Mais il ne s’agit pas d’
une
nation comme les autres. Je voudrais, pour vous le faire sentir, pren
393
. Je voudrais, pour vous le faire sentir, prendre
un
exemple au langage quotidien de l’Amérique. Lorsqu’un citoyen des Éta
394
xemple au langage quotidien de l’Amérique. Lorsqu’
un
citoyen des États-Unis désapprouve une certaine action, une certaine
395
angage quotidien de l’Amérique. Lorsqu’un citoyen
des
États-Unis désapprouve une certaine action, une certaine conduite, un
396
que. Lorsqu’un citoyen des États-Unis désapprouve
une
certaine action, une certaine conduite, une certaine opinion, il a co
397
n des États-Unis désapprouve une certaine action,
une
certaine conduite, une certaine opinion, il a coutume de dire, depuis
398
rouve une certaine action, une certaine conduite,
une
certaine opinion, il a coutume de dire, depuis quelques années, pour
399
s d’ailleurs comme nécessairement ascendants vers
une
vie meilleure. Et il ne s’agit pas d’une déclaration d’anti quelque c
400
nts vers une vie meilleure. Et il ne s’agit pas d’
une
déclaration d’anti quelque chose, mais au contraire d’une exhortation
401
aration d’anti quelque chose, mais au contraire d’
une
exhortation et d’un rappel qu’on adresse à soi-même autant qu’aux aut
402
e chose, mais au contraire d’une exhortation et d’
un
rappel qu’on adresse à soi-même autant qu’aux autres, afin que chacun
403
lus digne du mythe, du rêve américain. Voilà donc
un
nationalisme « ouvert » et pour qui la nation est en avant dans un él
404
ouvert » et pour qui la nation est en avant dans
un
élan, un rêve, une liberté future. Non pas comme chez Maurras dans le
405
et pour qui la nation est en avant dans un élan,
un
rêve, une liberté future. Non pas comme chez Maurras dans le passé, c
406
qui la nation est en avant dans un élan, un rêve,
une
liberté future. Non pas comme chez Maurras dans le passé, comme chez
407
s le nationalisme européen, c’est que l’on y sent
une
volonté de resserrement, une soif d’imposer au voisin ses propres lim
408
’est que l’on y sent une volonté de resserrement,
une
soif d’imposer au voisin ses propres limitations traditionnelles et d
409
ns traditionnelles et de lui faire subir la loi d’
un
village qui n’est pas le sien. Au contraire, ce qu’il y a de rassuran
410
ans le nationalisme américain, c’est qu’on y sent
une
volonté d’élargissement, une soif de proposer au voisin les moyens de
411
, c’est qu’on y sent une volonté d’élargissement,
une
soif de proposer au voisin les moyens de libération qu’on vient de dé
412
vient se confondre, pratiquement, avec le rêve d’
une
communion planétaire dans la même liberté. Ils ont envie d’ouvrir le
413
comparer. Chacun ses goûts. Je me borne à marquer
une
différence capitale : l’Américain n’insiste pas quand on ne l’aime pa
414
s d’économie paysanne ; on achètera nos âmes avec
des
frigidaires ; la sottise humanitaire enlisera nos élans spirituels ;
415
sera nos élans spirituels ; nous serons noyés par
une
civilisation qui ne respecte que la quantité ; le dollar sera roi, et
416
stes, à mon avis. Si nous vendons nos âmes contre
des
frigidaires, ce sera notre faute et non pas celle de l’industrie amér
417
celle de l’industrie américaine qui aura mis dans
un
coin de nos cuisines ces appareils où tout respire l’innocence et ron
418
nne l’hygiène. Ceux qui voient dans le frigidaire
une
menace pour leur civilisation semblent avouer par là que cette derniè
419
mieux. De même encore, la « sottise humanitaire »
des
États-Unis nous a fait moins de mal, semble-t-il, que « l’intelligenc
420
t le machiavélisme. De même enfin, si nous sommes
un
jour noyés par la quantité, ce ne sera pas la faute de la quantité, m
421
l’on nomme en Europe « l’américanisme » n’est pas
un
danger américain, mais européen. Je veux dire par là que si un homme
422
ricain, mais européen. Je veux dire par là que si
un
homme devient l’esclave de son automobile, le blâme en retombe sur l’
423
ed quand cela lui chantait. Mais je m’avise ici d’
une
contradiction étrange. Il semble bien que ce sont les mêmes personnes
424
ne. Et il arrive même trop souvent que l’on parle
des
deux à la fois. Je voudrais insister sur ce point. Ceux qui se méfien
425
t, pour comble, de n’être pas là. Quand elle fait
une
crise d’isolationnisme, on l’accuse de myopie, d’inertie, d’incompréh
426
et d’orgueil inqualifiable. Mais quand elle fait
une
crise d’idéalisme et qu’elle intervient dans les affaires d’Europe, c
427
te — et qu’ils vident les lieux en vitesse, comme
des
intrus et sans remerciements, dès qu’ils nous ont tirés d’affaire. «
428
uer ! » (C’est-à-dire pour créer de toutes pièces
une
armée de 10 millions d’hommes.) « Eh quoi ! trois mois déjà que nous
429
elques gaffes à la Patton, les Américains donnent
des
signes de leur envie de s’en aller. Mais aussitôt : « Ah ! bien sûr,
430
marquons que les Russes ne prêtent pas le flanc à
des
critiques de ce genre parce qu’ils ne publient rien, interdisent les
431
divergence. À ce propos, j’entendais l’autre jour
un
diplomate américain parler de l’attitude hostile des Soviétiques à l’
432
diplomate américain parler de l’attitude hostile
des
Soviétiques à l’égard de toutes les mesures proposées ou soutenues pa
433
tant plus qu’il existe bel et bien aux États-Unis
des
fractions isolationnistes et des fractions impérialistes et que ces m
434
n aux États-Unis des fractions isolationnistes et
des
fractions impérialistes et que ces minorités, d’ailleurs plus bruyant
435
caces, se confondent même dans certains cas — par
un
paradoxe symétrique de celui que je relevais tout à l’heure. Cette ti
436
de mauvaises raisons ou parce qu’on l’assimile à
des
tendances européennes qui n’ont de commun avec lui que le nom. h.
437
L’art dirigé [Réponse à
une
enquête] (23 janvier 1947)i j 1° Si l’on nomme Art ce qui relève d
438
appellent diriger l’art, c’est d’une part exercer
une
censure (mais la censure des lettres n’a jamais prétendu « diriger »
439
t d’une part exercer une censure (mais la censure
des
lettres n’a jamais prétendu « diriger » la correspondance) et d’autre
440
a radio (libres ou dirigées) et il cessera d’être
un
artiste. Sinon, il se voit contraint d’inventer son langage, sa rhéto
441
n de l’artiste individualiste, et c’est trop pour
un
homme. Il s’agit pour nous, au xxe , d’appeler et de créer des « comm
442
s’agit pour nous, au xxe , d’appeler et de créer
des
« communautés » véritables, au sein desquelles le langage retrouve un
443
éritables, au sein desquelles le langage retrouve
un
sens, les signes un pouvoir, l’opposition des repères, le progrès un
444
esquelles le langage retrouve un sens, les signes
un
pouvoir, l’opposition des repères, le progrès un but. Mais cela remet
445
ouve un sens, les signes un pouvoir, l’opposition
des
repères, le progrès un but. Mais cela remet en question toute notre c
446
un pouvoir, l’opposition des repères, le progrès
un
but. Mais cela remet en question toute notre culture, et derrière ell
447
la politique de l’époque. Je ne vois pas comment
un
artiste pourrait s’en désintéresser, ni comment il pourrait ne point
448
t, soit en tant que citoyen. 3° Tout art implique
une
« idéologie » ou pour mieux dire exprime une théologie et une métaphy
449
ique une « idéologie » ou pour mieux dire exprime
une
théologie et une métaphysique, qu’on le veuille et le sache, ou non.
450
gie » ou pour mieux dire exprime une théologie et
une
métaphysique, qu’on le veuille et le sache, ou non. Je pense que cela
451
servilité. i. Rougemont Denis de, « [Réponse à
une
enquête] L’art dirigé », Carrefour, Paris, 23 janvier 1947, p. 6. j.
452
. L’artiste peut-il s’exprimer dans les limites d’
un
art dirigé ? 2. Estimez-vous que l’artiste doive se préoccuper d’être
453
grand nombre ? 3. L’art peut-il être au service d’
une
idéologie ? »
454
x associations d’étudiants américains préconisant
un
gouvernement mondial viennent de fusionner pour constituer le « World
455
Europe, au contraire, il m’apparaît que l’idée d’
un
gouvernement mondial se heurte au scepticisme général, et même, pour
456
ral, et même, pour peu que l’on insiste, provoque
une
curieuse impatience. Examinons les objectifs qu’on lui oppose couramm
457
fs qu’on lui oppose couramment. Je trouve d’abord
un
réflexe de fatigue et de méfiance facilement explicable : on voudrait
458
oute l’histoire de l’humanité, qui est l’histoire
des
utopies réalisées. Tout ce qui a compté, tout ce qui a marqué, tout c
459
vivons pratiquement aujourd’hui, tout fut d’abord
une
utopie : le christianisme et l’aviation, le marxisme et l’utilisation
460
que et la transmission instantanée de la parole d’
un
continent à l’autre. Traiter une idée en utopie, c’est en fait déclar
461
ée de la parole d’un continent à l’autre. Traiter
une
idée en utopie, c’est en fait déclarer « qu’on est contre », en évita
462
uite on dit que « l’humanité n’est pas prête pour
un
gouvernement mondial ». La timidité d’esprit que cet argument trahit
463
eprise de l’histoire a-t-on jamais demandé l’avis
des
peuples, et pourquoi furent-ils jamais prêts ? L’étaient-ils pour le
464
les peuples ne sont pas prêts à accepter l’idée d’
un
gouvernement mondial, mais qu’en savez-vous ? Le seul peuple « sondé
465
vous ? Le seul peuple « sondé » à ce sujet, celui
des
États-Unis, a donné 67 % de réponses favorables à cette idée. Avouez
466
réaliser. Passons aux objections plus réalistes d’
une
réflexion qui accepte au moins d’imaginer, avant de le rejeter, le pr
467
rnement mondial. La faiblesse qu’on signale avait
une
cause précise dans le statut de la SDN, lequel sauvegardait avec soin
468
el sauvegardait avec soin la souveraineté absolue
des
nations, source et condition même de toutes les guerres modernes. Cet
469
r cette raison que beaucoup éprouvent l’urgence d’
un
gouvernement mondial. Ce dernier, pour être effectif, capable de pré
470
e tuer les guerres, devrait être établi au-dessus
des
nations et aux dépens de leur souveraineté. Il naîtrait de l’abandon
471
tives de droit divin. Qu’on ne dise pas que c’est
une
pure rêverie. Tout récemment, nous avons enregistré la première impul
472
le contrôle de la bombe atomique prévoit en effet
un
comité supranational chargé d’inspecter dans tous les pays les usines
473
les laboratoires, et qui serait seul dépositaire
des
secrets de fabrication actuellement détenus par les États-Unis. Or M
474
posé au projet, pour la raison qu’il comportait «
une
atteinte aux souverainetés nationales ». Et les Américains ont répond
475
permet d’observer le processus de la naissance d’
un
pouvoir mondial. D’autre part, il révèle la vraie nature des forces q
476
mondial. D’autre part, il révèle la vraie nature
des
forces qui s’y opposent : le nationalisme et l’esprit totalitaire. Su
477
s. Ils remarquaient tout à l’heure avec raison qu’
une
ligue de gouvernants est par définition incapable d’empêcher la guerr
478
tion incapable d’empêcher la guerre, puisque dans
un
conflit éventuel les arbitres seraient en même temps les chefs des Ét
479
uel les arbitres seraient en même temps les chefs
des
États en conflit. Ils déclarent maintenant qu’un pouvoir mondial indé
480
des États en conflit. Ils déclarent maintenant qu’
un
pouvoir mondial indépendant de ces gouvernants, né de l’abandon parti
481
ndant de ces gouvernants, né de l’abandon partiel
des
souverainetés nationales, et armé de la bombe atomique, serait au con
482
trop puissant. Et, en effet, on peut redouter qu’
un
tel pouvoir soit tenté d’imposer à tout le genre humain l’idéologie l
483
formerait. (Ce serait aujourd’hui, probablement,
un
dirigisme mitigé, plus ou moins scientifique, et reposant sur une con
484
tigé, plus ou moins scientifique, et reposant sur
une
conception naïvement matérialiste de l’homme.) Ainsi la paix mondiale
485
i la paix mondiale ne serait établie qu’au prix d’
une
sorte de paralysie de l’histoire, et d’un appauvrissement peut-être i
486
prix d’une sorte de paralysie de l’histoire, et d’
un
appauvrissement peut-être irréparable des perspectives de l’aventure
487
re, et d’un appauvrissement peut-être irréparable
des
perspectives de l’aventure humaine. Cette dernière objection me paraî
488
tionaux, on retomberait soit dans l’impuissance d’
une
ligue des nations, soit dans la dictature d’une idéologie majoritaire
489
n retomberait soit dans l’impuissance d’une ligue
des
nations, soit dans la dictature d’une idéologie majoritaire. Si au co
490
d’une ligue des nations, soit dans la dictature d’
une
idéologie majoritaire. Si au contraire ils étaient désignés par les p
491
étaient désignés par les peuples et secondés par
un
Parlement mondial, la possibilité d’une opposition non seulement resp
492
condés par un Parlement mondial, la possibilité d’
une
opposition non seulement respectée mais organique serait sauvegardée.
493
il apparaît de plus en plus clairement que la clé
des
quatre libertés est dans la liberté d’opposition, et que celle-ci suf
494
énomènes sont liés. Tant que subsistera le régime
des
États-nations absolument souverains, nous aurons des menaces de guerr
495
États-nations absolument souverains, nous aurons
des
menaces de guerre : et réciproquement, tant qu’il y aura des menaces
496
de guerre : et réciproquement, tant qu’il y aura
des
menaces de guerre, les États tendront à l’autarcie, les frontières cl
497
les pommes de terre pourriront par montagnes dans
un
pays, tandis que la famine régnera dans un autre. Je n’ai d’autre am
498
s dans un pays, tandis que la famine régnera dans
un
autre. Je n’ai d’autre ambition, ici, que d’attirer l’attention, d’u
499
’attirer l’attention, d’une part sur la faiblesse
des
objections préalables qu’on oppose couramment à l’idée d’une fédérati
500
ons préalables qu’on oppose couramment à l’idée d’
une
fédération mondiale, d’autre part sur l’urgence de discuter les vrais
501
aujourd’hui le seul remède contre la guerre. Dans
un
monde où, grâce à la diffusion des techniques occidentales, entraînan
502
la guerre. Dans un monde où, grâce à la diffusion
des
techniques occidentales, entraînant celle des idéologies, tout se tie
503
ion des techniques occidentales, entraînant celle
des
idéologies, tout se tient et se mêle inextricablement, la persistance
504
souverains dans le carcan de leurs frontières est
un
dangereux anachronisme. Si nous sommes incapables de briser cette féo
505
sonie ou de la Soviétie. Dans ce cas, nous aurons
une
dictature dont le Führer ne sera pas un homme mais une nation. Alors,
506
s aurons une dictature dont le Führer ne sera pas
un
homme mais une nation. Alors, mais dans les ruines radioactives de no
507
ictature dont le Führer ne sera pas un homme mais
une
nation. Alors, mais dans les ruines radioactives de notre civilisatio
508
ation, la Résistance mondiale s’organisera, comme
une
église secrète de la liberté. L’utopie ou la tragédie, tel est le dil
509
moustache. Tous les hommes qui la portent en sont
un
autre… ça va.) Sartre a raison de dire que la guerre n’est pas fatale
510
ut contre la théorie soviétique, laquelle prévoit
un
conflit fatal et violent entre la dictature marxiste et la démocratie
511
exercice. l. Rougemont Denis de, « [Réponse à
une
enquête] Jean-Paul Sartre vous parle… et ce qu’en pensent… », Carrefo
512
four, Paris, 29 octobre 1947, p. 7. m. Réponse à
une
enquête réalisée après une première émission des Temps modernes diffu
513
une enquête réalisée après une première émission
des
Temps modernes diffusée le 27 octobre 1947.
514
de anticipée. » C’est ce qu’il me semble entendre
un
peu partout depuis que je suis rentré dans ce vieux monde. Or il ne s
515
rentré dans ce vieux monde. Or il ne s’agit pas d’
une
attitude nouvelle, ou qui serait le seul fait des communistes : il y
516
une attitude nouvelle, ou qui serait le seul fait
des
communistes : il y a trente ans que l’Europe, la bourgeoisie d’Europe
517
uit mal à l’égard des États-Unis. Je ne parle pas
des
discours officiels, mais des conversations et de beaucoup d’articles,
518
nis. Je ne parle pas des discours officiels, mais
des
conversations et de beaucoup d’articles, de jugements que nous porton
519
c’est que l’Europe vive et ne tombe pas aux mains
des
Russes ; c’est qu’elle soit forte et donc unique, puisque les autres
520
sur sa faiblesse. Mais au lieu de se féliciter d’
une
aussi bienheureuse coïncidence, on a l’air d’en vouloir à ces Yankees
521
’importe comment et à n’importe qui… On leur fait
un
grief d’avoir une politique, un crime d’être en mesure de l’appliquer
522
et à n’importe qui… On leur fait un grief d’avoir
une
politique, un crime d’être en mesure de l’appliquer, un ridicule d’av
523
qui… On leur fait un grief d’avoir une politique,
un
crime d’être en mesure de l’appliquer, un ridicule d’avoir réalisé sa
524
itique, un crime d’être en mesure de l’appliquer,
un
ridicule d’avoir réalisé sans phrases ce que les Russes promettent au
525
encore, s’il est possible. À croire la propagande
des
staliniens, c’est nous qui sauverions l’Amérique de la ruine en accep
526
ique de la ruine en acceptant qu’elle nous avance
une
vingtaine de milliards de dollars ! C’est l’Amérique, dit-on, qui a b
527
a besoin de l’Europe ! Car elle est à la veille d’
une
crise épouvantable, Staline l’a dit ; elle ne sait plus où vendre ses
528
de prolonger l’agonie de son système en s’ouvrant
des
marchés européens… Rien de plus stupéfiant que la popularité de ce t
529
pas que M. Clayton morigène les experts du Comité
des
Seize, mais que ceux-ci se mettent dans le cas de mériter pareil rapp
530
areil rappel à l’ordre. L’indépendance économique
des
nations de l’Europe est une fiction. Tout le monde le sait, n’en parl
531
dépendance économique des nations de l’Europe est
une
fiction. Tout le monde le sait, n’en parlons plus. Quant à l’indépend