1 1945, Carrefour, articles (1945–1947). L’Amérique de la vie quotidienne (19 octobre 1945)
1 ins différent de ce que mes réflexes attendaient. Des amis débarquant de France me disent : Alors, qu’en pensez-vous ? De l
2 e, c’est vrai. Mais Le Corbusier, promené pendant une heure dans la ville par des journalistes, et finalement interrogé sur
3 sier, promené pendant une heure dans la ville par des journalistes, et finalement interrogé sur ses impressions d’architect
4 ensemble. Elle se sent. L’Amérique, c’est d’abord un sentiment. J’avais, avant d’y venir, vu tant de films et lu tant de r
5 éricains : ils donnaient, je le sais aujourd’hui, des images vraies de la vie d’ici, surtout dans leurs passages les moins
6 nd j’y ai débarqué, je n’ai rien reconnu de ce qu’ une douzaine d’ouvrages européens, tous fort exacts dans leurs informatio
7 sines, les villages aux maisons de bois blanc sur des pelouses bien peignées, le drapeau de la boîte aux lettres… et c’étai
8 aux lettres… et c’était tout à fait autre chose — une autre civilisation. L’Amérique est un continent dont je tiens pour po
9 re chose — une autre civilisation. L’Amérique est un continent dont je tiens pour possible et même facile de parler fort c
10 dson vers Manhattan, d’être saisi par l’émotion d’ une nouveauté qui, dans mon cas, après cinq ans, reste nouvelle. Du senti
11 comme celle du mythe politique et planétaire, est un immense glissement à travers le temps et l’espace. Tout glisse et pas
12 Américaine quitte son fiancé qui s’embarque pour une guerre lointaine : elle pleure un peu ou pas du tout, agite la main,
13 ’embarque pour une guerre lointaine : elle pleure un peu ou pas du tout, agite la main, s’en va d’un pas étrangement soupl
14 e un peu ou pas du tout, agite la main, s’en va d’ un pas étrangement souple avec un sourire parfait, un pas où l’on presse
15 la main, s’en va d’un pas étrangement souple avec un sourire parfait, un pas où l’on pressent déjà la danse, un sourire ge
16 n pas étrangement souple avec un sourire parfait, un pas où l’on pressent déjà la danse, un sourire gentiment courageux —
17 e parfait, un pas où l’on pressent déjà la danse, un sourire gentiment courageux — vous allez croire à de l’insouciance —
18 eux — vous allez croire à de l’insouciance — vers une party… « J’espère que tu t’amuses, que tu as du fun », écrit l’ami du
19 im, et je suis sûre qu’il comprendra très bien… » Un mois plus tard. Jim et Joe boivent ensemble à la santé du couple réun
20 tion, va plus loin et se perd on ne sait où, dans un autre rêve naissant, dans le rêve du bonheur d’un autre… Tout est pos
21 un autre rêve naissant, dans le rêve du bonheur d’ un autre… Tout est possible. Il y en a pour tout le monde. La jalousie n
22 vers l’humour cocasse qui créent dans l’ensemble une allure, une atmosphère si différente de l’Europe ? Cela tient à des r
23 ur cocasse qui créent dans l’ensemble une allure, une atmosphère si différente de l’Europe ? Cela tient à des riens ; mais
24 mosphère si différente de l’Europe ? Cela tient à des riens ; mais de ces riens multipliés dans la vie quotidienne, naît un
25 es riens multipliés dans la vie quotidienne, naît une aisance générale. L’Américain ne supporte pas d’être gêné aux entourn
26 conduite, dans ses relations, dans ses vêtements. Un peu plus d’ampleur aux épaules, de larges plis sur le devant des cost
27 ampleur aux épaules, de larges plis sur le devant des costumes d’hommes : un peu plus de souplesse aux chevilles des jeunes
28 larges plis sur le devant des costumes d’hommes : un peu plus de souplesse aux chevilles des jeunes femmes ; un peu plus d
29 d’hommes : un peu plus de souplesse aux chevilles des jeunes femmes ; un peu plus de sourires sans raison échangés avec les
30 us de souplesse aux chevilles des jeunes femmes ; un peu plus de sourires sans raison échangés avec les passants, les vois
31 ite ou mon accent, ils n’ont pas l’air d’en faire un cas, de se croire obligés de prendre position ou d’essayer de m’influ
32 t crazy, qui veut dire toqué, loufoque, n’est pas un adjectif dépréciatif, bien au contraire, qu’on l’applique à un film,
33 épréciatif, bien au contraire, qu’on l’applique à un film, à un chapeau, ou même à un industriel entreprenant. Cette nuanc
34 bien au contraire, qu’on l’applique à un film, à un chapeau, ou même à un industriel entreprenant. Cette nuance me paraît
35 ’on l’applique à un film, à un chapeau, ou même à un industriel entreprenant. Cette nuance me paraît capitale : elle suffi
36 dans la rue ou à la maison, je les trouvais tous un peu crazy les gens d’ici. Ils entraient et sortaient sans saluer, san
37 nus ; ils se versaient à boire, et, les pieds sur une chaise, me posaient avec naturel des questions follement indiscrètes,
38 es pieds sur une chaise, me posaient avec naturel des questions follement indiscrètes, me racontaient leur vie sans le moin
39 rénom au bout de cinq minutes et sortaient tout d’ un coup avec un signe de la main, so long ! un bye bye ! négligent… Je m
40 de cinq minutes et sortaient tout d’un coup avec un signe de la main, so long ! un bye bye ! négligent… Je m’étais à pein
41 out d’un coup avec un signe de la main, so long ! un bye bye ! négligent… Je m’étais à peine habitué, non sans plaisir, à
42 aysannes ou réserves mondaines, que je découvrais un aspect tout contraire de la coutume américaine : le formalisme, une p
43 ntraire de la coutume américaine : le formalisme, une passion du décor dès qu’il s’agit de manifestations publiques. Ceci c
44 ns publiques. Ceci compense cela, sans doute, par une mécanique inconsciente. On n’en finirait pas d’énumérer les exemples
45 exemples courants et voyants de leur goût baroque des fêtes et de leur respect de la mise en scène solennelle. Je me borne
46 ise en scène solennelle. Je me borne à citer dans des domaines hétéroclites à souhait : le déploiement des costumes sacerdo
47 domaines hétéroclites à souhait : le déploiement des costumes sacerdotaux, des drapeaux, des chœurs en robes et des proces
48 ouhait : le déploiement des costumes sacerdotaux, des drapeaux, des chœurs en robes et des processions, jusque dans les égl
49 ploiement des costumes sacerdotaux, des drapeaux, des chœurs en robes et des processions, jusque dans les églises protestan
50 sacerdotaux, des drapeaux, des chœurs en robes et des processions, jusque dans les églises protestantes de la campagne ; le
51 campagne ; les garçons d’ascenseur galonnés comme des généraux d’opérette ; le culte méticuleux de la bannière étoilée incu
52 annière étoilée inculqué chaque matin aux enfants des écoles ; la multiplication des jours fériés ; les cortèges de carnava
53 matin aux enfants des écoles ; la multiplication des jours fériés ; les cortèges de carnaval, avec fanfares, avant les gra
54 otball ; les cérémonies d’ouverture et de clôture des universités ; et « l’Inauguration » des présidents… Qu’il y ait là qu
55 e clôture des universités ; et « l’Inauguration » des présidents… Qu’il y ait là quelque chose de typiquement américain, j’
56 ricain, j’en vois la preuve dans les formalités d’ une nature pour le moins particulière qui précèdent obligatoirement l’act
57 histoire, et sans équivalent dans nul autre pays. Un étranger résidant aux États-Unis, même depuis dix ou vingt ans, s’il
58 vant : il lui faut tout d’abord quitter le pays — un petit voyage au Canada ou au Mexique — pour rentrer deux ou trois jou
59 ette opération, fort coûteuse si on habite loin d’ une frontière, n’a de toute évidence qu’une portée symbolique et rituelle
60 te loin d’une frontière, n’a de toute évidence qu’ une portée symbolique et rituelle. Autrement, elle ne sert à rien. Mais p
61 ne paraît s’en étonner, tant est puissant le sens des conventions publiques dans ce peuple qui, par ailleurs, a poussé plus
62 oux a écrit quelque part que l’Amérique n’est pas une nation comme les autres, mais un club. Cette remarque explique bien d
63 rique n’est pas une nation comme les autres, mais un club. Cette remarque explique bien des choses, et, en particulier, le
64 utres, mais un club. Cette remarque explique bien des choses, et, en particulier, le paradoxe qu’on vient de relever. L’ent
65 qu’on vient de relever. L’entrée dans le club est un acte public qui s’accompagne tout naturellement d’opérations conventi
66 naturellement d’opérations conventionnelles et d’ un cérémonial d’initiation, calculé de manière à inspirer le respect de
67 ueil d’y appartenir. Mais aussitôt que vous serez un membre régulier, vous aurez tous les droits, on ne s’occupera plus de
68 e semble assez important, pour faire comprendre à des Français certaines démarches surprenantes de la diplomatie américaine
69 de coutumes qui qualifient la vie et la vision d’ un peuple, et qui par là vont peut-être expliquer l’histoire du siècle,
70 ériel, aussi directement que naguère les crises d’ un certain névropathe. a. Rougemont Denis de, « L’Amérique de la vie
2 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Le rêve américain (9 novembre 1945)
71 ricain (9 novembre 1945)b L’Amérique n’est pas un pays de rêve quand on y vit, mais c’est un pays de rêveurs. Je vais p
72 st pas un pays de rêve quand on y vit, mais c’est un pays de rêveurs. Je vais parfois les regarder dans les grandes salles
73 ans les grandes salles populaires de Broadway, où des centaines de jeunes filles en jupes très courtes se livrent à la dans
74 pas encore l’âge militaire. La frénésie rythmique des jitterbugs évoque, par moments, le vaudou, et, quand ils se mettent à
75 prend fin, tout s’apaise. Les couples se séparent un peu. Personne ne parle. Suit un tango où ils se glissent joue à joue,
76 uples se séparent un peu. Personne ne parle. Suit un tango où ils se glissent joue à joue, avec n’importe qui, comme sans
77 oue, avec n’importe qui, comme sans se voir, dans une demi-obscurité rougeâtre. Des garçons seuls, assis sur des banquettes
78 sans se voir, dans une demi-obscurité rougeâtre. Des garçons seuls, assis sur des banquettes tournant le dos à la piste, r
79 obscurité rougeâtre. Des garçons seuls, assis sur des banquettes tournant le dos à la piste, regardent dans le vide. Peu ou
80 ant leurs mélodies toujours si tristes, mais avec un sourire de rêve heureux. Je crois qu’ils sont bien moins conscients q
81 la liberté qu’elle leur donnerait, croient-ils. À une aisance qui va venir. C’est là tout le secret de ce que l’on nomme le
82 optimisme. L’Américain ne croit pas aux limites. Une limite, c’est toujours la fin d’un rêve. Non seulement les limites le
83 aux limites. Une limite, c’est toujours la fin d’ un rêve. Non seulement les limites le gênent, mais il ne veut pas même a
84 les rives de l’Hudson et du Potomac par le rêve d’ un pays sans limites, et il l’était vraiment pour ceux qui triomphaient
85 et il l’était vraiment pour ceux qui triomphaient des famines, des moustiques, des dysenteries et des Indiens. Ils avaient
86 vraiment pour ceux qui triomphaient des famines, des moustiques, des dysenteries et des Indiens. Ils avaient fui les étroi
87 eux qui triomphaient des famines, des moustiques, des dysenteries et des Indiens. Ils avaient fui les étroitesses religieus
88 t des famines, des moustiques, des dysenteries et des Indiens. Ils avaient fui les étroitesses religieuses et politiques de
89 les faits, domine encore l’inconscient collectif des Américains d’aujourd’hui. Et leur grand rêve, leur american dream, pr
90 sauvages parcourues d’Indiens indomptés. Pendant des siècles, tout l’effort des pionniers a consisté à repousser cette fro
91 ens indomptés. Pendant des siècles, tout l’effort des pionniers a consisté à repousser cette frontière toujours plus loin v
92 ouvelle-Angleterre aient pu tendre la main à ceux des côtés de la Californie. C’était une grande victoire sur la géographie
93 a main à ceux des côtés de la Californie. C’était une grande victoire sur la géographie démesurée du continent. Mais c’étai
94 a géographie démesurée du continent. Mais c’était une limite atteinte. Qu’allaient-ils faire des énergies mises en œuvre po
95 ’était une limite atteinte. Qu’allaient-ils faire des énergies mises en œuvre pour la conquête ? Ils se tournèrent vers l’i
96 au front, dirait-on de nos jours. Et ce fut l’ère des fortunes, et des cités, et des usines colossales, puis des gratte-cie
97 on de nos jours. Et ce fut l’ère des fortunes, et des cités, et des usines colossales, puis des gratte-ciel à cent étages.
98 s. Et ce fut l’ère des fortunes, et des cités, et des usines colossales, puis des gratte-ciel à cent étages. « Le ciel est
99 nes, et des cités, et des usines colossales, puis des gratte-ciel à cent étages. « Le ciel est la limite », disait alors le
100 nquise. Le ciel fut conquis en trente ans. Encore une limite atteinte. Et les voici, vers ce milieu du xxe siècle, presque
101 es tourmente et les anime : aller plus loin, vers une vie toujours plus large. Le soldat qu’un ancien paquebot de luxe ramè
102 n, vers une vie toujours plus large. Le soldat qu’ un ancien paquebot de luxe ramène vers son pays du fond du Pacifique ou
103 tore du coin. Huit à neuf fois sur dix, vis-à-vis des pays qu’il vient de libérer au péril de sa vie, il garde une espèce d
104 ’il vient de libérer au péril de sa vie, il garde une espèce de rancœur. Je ne pense pas que le mot soit trop fort. Je parl
105 Américains se sont trouvés mêlés au grand malheur des peuples qu’ils aimaient de loin. Ils ont été courageux devant l’ennem
106 publiques. Ils demandent qu’on ne leur parle plus des indigènes européens, ces agités, ces nerveux, ces tricheurs. C’est ai
107 es flagrantes, ces vérités mal à propos au compte des profits et pertes d’une guerre moderne, à l’échelle planétaire. Mais
108 és mal à propos au compte des profits et pertes d’ une guerre moderne, à l’échelle planétaire. Mais il y a le rêve des civil
109 erne, à l’échelle planétaire. Mais il y a le rêve des civils. Et c’est lui qui va dominer, nécessairement. Les vétérans ser
110 s… L’homme d’affaires américain est le petit-fils des pionniers qui luttaient sur la « frontière ». Il pressent qu’il a fai
111 rès de le faire dans les limites de son pays, « d’ une côte à l’autre », comme il dit. Et ce pressentiment l’inquiète profon
112 rait et qui s’intitulait : Office de coordination des relations commerciales et culturelles interaméricaines. Cette dénomin
113 de la manière suivante : le rêve américain évoque une vie sans cesse plus large et libre. Mais la « frontière » ayant rejoi
114 « frontière » ayant rejoint les frontières mêmes des États-Unis, il faut donc en sortir et deux voies sont possibles : rép
115 . Ces ambitions sont étroitement liées, car seule une atmosphère de démocratie mondiale peut créer les conditions nécessair
116 quera sans doute l’an prochain la rentrée massive des vétérans, doit cesser de s’isoler et doit littéralement sortir d’elle
117 oler et doit littéralement sortir d’elle-même par une nécessité profonde : le rêve américain l’exige. Nous voici bien loin
118 re, mais tout cela va dans le même sens, illustre un même mouvement profond et général vers la vie libre, vers l’avenir. O
119 a venir, direz-vous, n’est-ce pas tout simplement une grande poussée d’impérialisme américain ? Vos rêveurs nous paraissent
120 n apparence du moins. J’essaierai d’exposer, dans un prochain article, les motifs qui m’ont convaincu que l’expansion amér
121 au sens européen du mot. Je pense que nous avons un peu plus de raisons de nous en réjouir que de nous en méfier. b. R
3 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Hollywood n’a plus d’idées (13 décembre 1945)
122 rt d’inventions. Hollywood achète n’importe quoi, un roman non terminé, un bout de conversation, l’esquisse d’une histoire
123 wood achète n’importe quoi, un roman non terminé, un bout de conversation, l’esquisse d’une histoire, un « four » de Broad
124 on terminé, un bout de conversation, l’esquisse d’ une histoire, un « four » de Broadway, sur le soupçon qu’on pourrait y tr
125 bout de conversation, l’esquisse d’une histoire, un « four » de Broadway, sur le soupçon qu’on pourrait y trouver « une i
126 oadway, sur le soupçon qu’on pourrait y trouver «  une idée ». Je soupçonne, pour ma part, que Hollywood n’y trouvera rien,
127 Hollywood n’y trouvera rien, ou si elle y trouve un germe, le nettoiera. Car Hollywood n’est plus qu’une machine. Elle tr
128 germe, le nettoiera. Car Hollywood n’est plus qu’ une machine. Elle transforme en argent tout ce qu’elle a envie de toucher
129 n’est obtenue qu’au prix de telles dépenses et d’ une telle quantité de spécialistes neutralisant l’originalité les uns des
130 e spécialistes neutralisant l’originalité les uns des autres : elle suppose une telle application au détail matériel, au ca
131 t l’originalité les uns des autres : elle suppose une telle application au détail matériel, au cadre, au son, à l’éclairage
132 oit tenir compte de tant d’exigences personnelles des stars, collectives et supposées du public, tatillonnes et insanes du
133 survivre à pareille torture au ralenti, même avec une prime d’un million, resplendissant au terme de l’épreuve. Le moindre
134 areille torture au ralenti, même avec une prime d’ un million, resplendissant au terme de l’épreuve. Le moindre film europé
135 dre film européen d’avant la guerre, projeté dans une petite salle de rétrospective, à New York, me semble en comparaison f
136 cahotant, trop coupé, mais quand il s’établit sur une ou deux séquences, comme il entraîne ! Je rentre après cela dans une
137 es, comme il entraîne ! Je rentre après cela dans une salle de Broadway : tout y marche et ronronne comme un moteur de luxe
138 lle de Broadway : tout y marche et ronronne comme un moteur de luxe, tout est faux, tout le monde est beau, jamais on ne v
139 is on ne voit percer la trame nue du réel. Jamais un choc, pour tant de coups de poing, de coups de feu et de coups de thé
140 as que Hedy Lamarr soit mal habillée si elle joue une pauvresse, qu’Ingrid Bergman ressemble à la Suédoise qu’elle est, plu
141 ressemble à la Suédoise qu’elle est, plutôt qu’à une star comme les autres. N’insistons pas : la décadence de Hollywood n’
142 cadets, d’ici dix ans, Hollywood ne sera plus qu’ une légende : comme l’est déjà Greta Garbo, symbole d’un âge. Ô Garbo de
143 légende : comme l’est déjà Greta Garbo, symbole d’ un âge. Ô Garbo de notre jeunesse, volupté du regard. Reine des neiges,
144 Garbo de notre jeunesse, volupté du regard. Reine des neiges, Dame des rêves de l’adolescence, femme la plus célèbre du mon
145 unesse, volupté du regard. Reine des neiges, Dame des rêves de l’adolescence, femme la plus célèbre du monde, idée de la Fe
146 us célèbre du monde, idée de la Femme régnant sur des millions de nuits, mythe évasif, que n’êtes-vous disparue comme un so
147 its, mythe évasif, que n’êtes-vous disparue comme un songe au matin ? Dans ce petit restaurant français de la 56e rue, à l
148 tit restaurant français de la 56e rue, à l’ouest, un jour de l’autre hiver, le garçon vint me dire à l’oreille : — Pouvez-
149 ouvez-vous céder votre table, nous avons besoin d’ une table de deux dans cinq minutes ? Merci. Vous allez voir que cela vau
150 est très jolie, malgré la minceur de ses lèvres. Un peu plus tard, c’est une party de Pâques russe chez une amie. « Venez
151 la minceur de ses lèvres. Un peu plus tard, c’est une party de Pâques russe chez une amie. « Venez très tôt, vous aurez une
152 u plus tard, c’est une party de Pâques russe chez une amie. « Venez très tôt, vous aurez une surprise. » J’arrive très tôt
153 russe chez une amie. « Venez très tôt, vous aurez une surprise. » J’arrive très tôt et ne trouve qu’un géant, Robert Sherwo
154 une surprise. » J’arrive très tôt et ne trouve qu’ un géant, Robert Sherwood, le dramaturge et l’un des conseillers intimes
155 ’un géant, Robert Sherwood, le dramaturge et l’un des conseillers intimes de Roosevelt. Mais une minute plus tard, un pas r
156 t l’un des conseillers intimes de Roosevelt. Mais une minute plus tard, un pas rapide dans l’escalier : c’est elle encore,
157 intimes de Roosevelt. Mais une minute plus tard, un pas rapide dans l’escalier : c’est elle encore, en robe courte de soi
158 s G… » (prononcez Djie), ainsi qu’on fait parfois des souverains en voyage. Comme elle est gaie ! J’ai passé une demi-heure
159 rains en voyage. Comme elle est gaie ! J’ai passé une demi-heure à causer avec elle, sur un sofa, et plus tard nous avons s
160 J’ai passé une demi-heure à causer avec elle, sur un sofa, et plus tard nous avons soupé, assis par terre, dans une foule,
161 plus tard nous avons soupé, assis par terre, dans une foule, mais dos à dos, et voici l’étonnant de l’histoire : je ne trou
162 génie de ne rien dire qui la rende plus réelle qu’ une image. Ne serait-ce pas là son secret ? Se prêter à la fantaisie de t
163 gance dans l’irréalité ! Comme elle est gaie pour un fantôme… ⁂ Revenons à nos moutons de Hollywood. Je ne vois qu’un homm
164 evenons à nos moutons de Hollywood. Je ne vois qu’ un homme en Amérique, qui ait su tirer du cinéma quelques-uns des moyens
165 Amérique, qui ait su tirer du cinéma quelques-uns des moyens d’expression radicalement neufs qu’il permet : c’est Walt Disn
166 Disney. Les autres en sont encore à photographier des comédies, des drames, des ameublements ou des jardins comme nous pouv
167 tres en sont encore à photographier des comédies, des drames, des ameublements ou des jardins comme nous pouvons en voir sa
168 encore à photographier des comédies, des drames, des ameublements ou des jardins comme nous pouvons en voir sans l’aide d’
169 ier des comédies, des drames, des ameublements ou des jardins comme nous pouvons en voir sans l’aide d’une caméra, et sur l
170 jardins comme nous pouvons en voir sans l’aide d’ une caméra, et sur les rythmes habituels de notre vie. C’est dire qu’ils
171 e qu’ils oublient ou refusent de prendre avantage des possibilités uniques du cinéma. L’analyse du mouvement, la vitesse ou
172 ou de corps par transparence, la synchronisation des gestes et de la musique, vingt autres procédés moins faciles à défini
173 ce siècle. Je les vois s’agiter sur l’écran comme des ludions qui nous rendraient visibles les mouvements délirants de l’In
174 ou entravés comme les figures du rêve, passant en une seconde de l’aplanissement physique à la mégalomanie, extravagants, s
175 agée par les publics d’enfants, ils évoluent dans un univers de machines féroces, d’explosions, de flammes instantanées et
176 la sensation du Blitz. Ils sont de notre temps d’ une manière plus profonde que leur auteur, sans doute, n’eût osé le soupç
177 e la veille. Il entre avec sa femme. Il a l’air d’ un bon garçon bien correct et bien banal. On essaie de parler musique, M
178 ie de parler musique, Mozart et Stravinsky — deux des principales victimes de son film. Il coupe court d’un ton neutre : « 
179 rincipales victimes de son film. Il coupe court d’ un ton neutre : « Mrs Walt Disney n’aime pas la musique classique. » Un
180 rs Walt Disney n’aime pas la musique classique. » Un froid, et chacun pense : Que ne l’a-t-elle empêché de s’en occuper !
181 e Fantasia, sur l’Ave Maria de Schubert, n’est qu’ une suite de cartes de bons vœux comme il s’en envoie des millions à chaq
182 suite de cartes de bons vœux comme il s’en envoie des millions à chaque Noël en Amérique.) Mais il a le secret de ce rythme
183 et cette maîtrise impitoyable dans l’agencement d’ une suite de catastrophes qui laissent le spectateur soulagé et heureux,
184 pu se déchaîner devant lui, bien visible, pendant un bon quart d’heure, avec l’assentiment du rire de la foule. ⁂ Les créa
185 ériode où il travaillait seul, à l’aventure, avec des moyens peu coûteux. Les producers de Hollywood travaillent aujourd’hu
186 oducers de Hollywood travaillent aujourd’hui avec des milliers d’employés, dans le cadre d’une routine technique stupidemen
187 hui avec des milliers d’employés, dans le cadre d’ une routine technique stupidement respectée par tous les nouveaux venus,
188 spectée par tous les nouveaux venus, et qui exige des sommes fabuleuses. Pour que ces sommes rapportent, il faut le plus gr
189 milliers d’employés déjà cités se livrent donc à une chasse impitoyable à la situation neuve ou vraie, pour la tuer. En mê
190 Quant au public… Eh bien ! pendant que j’y suis, un bon conseil : ne croyez pas que le grand public déteste autant que vo
191 trop tard : et qu’ils s’en doutent. L’importance des studios de New York s’accroît sans cesse. On parle d’un nouveau centr
192 dios de New York s’accroît sans cesse. On parle d’ un nouveau centre de production qui se créerait bientôt du côté de Miami
193 barrières commerciales qui s’opposent à l’entrée des films russes, anglais et français, cèderont au jour… Et j’imagine alo
194 nt au jour… Et j’imagine alors Hollywood déserté, une ghost town pareille à ces villes éphémères que fit surgir dans le Col
195 e vers l’or, et qui n’offrent plus aujourd’hui qu’ un asile délabré aux bandits, et des sujets de scénarios historiques. Il
196 s aujourd’hui qu’un asile délabré aux bandits, et des sujets de scénarios historiques. Il se peut que Hollywood, après sa m
197 Il se peut que Hollywood, après sa mort, devienne une merveilleuse « idée de film », et renaisse à l’écran sous la forme du
4 1945, Carrefour, articles (1945–1947). Les enfants américains réclament des bombes atomiques (20 décembre 1945)
198 Les enfants américains réclament des bombes atomiques (20 décembre 1945)d Noël ! La ruée vers les magas
199 sont déjà presque vides à New York. La conversion des tanks et des forteresses volantes en pacotille de nursery exige plus
200 sque vides à New York. La conversion des tanks et des forteresses volantes en pacotille de nursery exige plus qu’un instant
201 es volantes en pacotille de nursery exige plus qu’ un instant de foi et d’abandon… Cet an de grâce rationné 1945 se termine
202 durables. Et Noël va tomber au milieu de l’an I d’ une ère de paix fondée sur la plus grande menace de toute l’Histoire. Les
203 comme les gouvernements, demandent pour leur Noël des petites bombes atomiques. Trois d’entre eux, à Brooklyn, viennent d’ê
204 On ne le croirait pas à les voir. Curieux trio : un loup déguisé en mouton et deux moutons vêtus de leur vraie peau. Mais
205 de la Cinquième Avenue : « Auriez-vous, dis-je d’ un ton suave, quelque chose qui ressemble à un modèle de bombe atomique
206 -je d’un ton suave, quelque chose qui ressemble à un modèle de bombe atomique pour les enfants ? » La vendeuse ouvrit la b
207 quilla les yeux : devant nous venait d’apparaître une jeune femme au visage anguleux et couvert de taches de rousseur, la t
208 ouvert de taches de rousseur, la tête serrée dans un foulard de soie rose feu. — « Papa, me dit mon petit garçon, c’est Mi
209 eller Plaza, transporté avec toutes ses racines d’ un parc où il sera replanté dès janvier, n’ayant coûté que cent dollars
210 ation à M. John D. Rockefeller, car tout se sait. Des haut-parleurs répandaient sans relâche des hymnes de Noël transformés
211 sait. Des haut-parleurs répandaient sans relâche des hymnes de Noël transformés en jazz hot par les klaxons d’interminable
212 talgiques. Noël ici devient la fête du bébé Cadum des réclames et non plus de cet enfant vrai qui naquit tant bien que mal
213 nt bien que mal dans la paille, sous le souffle d’ un bœuf malodorant. Plus que dix jours pour acquérir dans cette aimable
214 ble bousculade la bonne conscience que représente une table chargée de cadeaux enveloppés de papiers brillants, verts, roug
215 mordorés. Pourquoi ces échanges éperdus ? Est-ce un souvenir du seul cadeau de paix jamais fait à l’humanité ? ou bien ce
216 jurer le sort ? Plus que dix jours pour s’assurer une bonne place dans le monde des familles, un droit à la chaleur des gro
217 ours pour s’assurer une bonne place dans le monde des familles, un droit à la chaleur des groupes. Et ceux qui seront laiss
218 surer une bonne place dans le monde des familles, un droit à la chaleur des groupes. Et ceux qui seront laissés dehors, ce
219 dans le monde des familles, un droit à la chaleur des groupes. Et ceux qui seront laissés dehors, ceux qui n’appartiennent
220 nt laissés dehors, ceux qui n’appartiennent pas à une cellule sociale, formeront la foule de Times Square. Le coudoiement u
221 i, j’irai comme chaque année à la messe de minuit des protestants, dans la plus grande église gothique du monde, la cathédr
222 can de New York. Dix mille personnes y chanteront des hymnes avant la procession du chœur et du clergé, précédés de porteur
223 Credo de Gretchaninoff et le motet de Prætorius, Une rose est née… et je me dirai que l’Amérique n’a pas encore très bien
224 ompris les traditions, parce qu’elle les respecte un peu trop… Times Square, tous ses feux allumés, semblera célébrer un V
225 Square, tous ses feux allumés, semblera célébrer un V Day, une nouvelle victoire sur le temps, comme si ce n’était pas lu
226 ous ses feux allumés, semblera célébrer un V Day, une nouvelle victoire sur le temps, comme si ce n’était pas lui qui gagne
227 tous les coups. Qu’apportera cette fin d’année ? Un dernier speech de La Guardia à la radio, révélant une dernière recett
228 dernier speech de La Guardia à la radio, révélant une dernière recette aux ménagères pour cuire la dinde ; le politicien ru
229 mme le peuple l’a baptisé, saisissant la baguette des mains du chef, dirigera pour la dernière fois l’orchestre ou la fanfa
230 pour la dernière fois l’orchestre ou la fanfare d’ un grand meeting. Sur le coup de minuit, le 31 décembre, nous perdrons l
231 prévues par l’avant-guerre entreront dans la voie des réalisations. Déjà l’on met en vente la « bicyclette du ciel », un pe
232 Déjà l’on met en vente la « bicyclette du ciel », un petit avion de mille dollars. Déjà les banques de Buffalo ouvrent des
233 ille dollars. Déjà les banques de Buffalo ouvrent des guichets extérieurs où l’on peut déposer de l’argent sans descendre d
234 l’Américain. Déjà l’on nous annonce de Hollywood un superfilm sur la bombe atomique, où le love interest ne manquera pas 
235 a pas ; cependant que déjà le New Yorker se moque des clichés à la mode au sujet de cette invention « qui signifie la fin d
236 n « qui signifie la fin de l’humanité ou l’aube d’ un âge d’or » à votre choix. Déjà, le syndicat des ouvriers de l’industr
237 d’un âge d’or » à votre choix. Déjà, le syndicat des ouvriers de l’industrie automobile offre à Ford un contrat collectif
238 s ouvriers de l’industrie automobile offre à Ford un contrat collectif qui le protègera contre les grèves irrégulières, ca
239 olonté », répétant sans scrupules avec M. Romains une grave erreur de traduction car l’Évangile, dans le texte original, di
240 nvers les hommes ». Est-il besoin de la bombe, et des grèves, et de la famine européenne, et de la guerre endémique dans to
241 de la peur réciproques qui président aux rapports des nations, et de l’antisémitisme, et de l’antisoviétisme, et de l’antia
242 nt que subir leur condition. À Times Square, dans une foule compacte et lente, dans la rumeur assourdissante des petites tr
243 compacte et lente, dans la rumeur assourdissante des petites trompettes de foire et des crécelles, GI Joe, le combattant m
244 assourdissante des petites trompettes de foire et des crécelles, GI Joe, le combattant moyen, se dira : « Well, c’était don
245 mont Denis de, « Les enfants américains réclament des bombes atomiques », Carrefour, Paris, 20 décembre 1945, p. 4.
5 1946, Carrefour, articles (1945–1947). Deux presses, deux méthodes : l’Américain expose, le Français explique (4 avril 1946)
246 4 avril 1946)e f Peu de temps avant la guerre, un grand journal du soir, qui disposait d’un poste de radio, m’interview
247 guerre, un grand journal du soir, qui disposait d’ un poste de radio, m’interviewa au sujet du petit livre que je venais de
248 qu’elle donnait plus de nouvelles du monde, et d’ une manière plus objective, du fait même que ses partis pris étaient conn
249 précise : ils l’admettent justement à l’occasion des débats les plus graves et les plus passionnés, tels que ceux que prov
250 les plus passionnés, tels que ceux que provoquent une période de grèves, le renvoi bruyant d’un ministre, ou même d’une éle
251 oquent une période de grèves, le renvoi bruyant d’ un ministre, ou même d’une élection présidentielle. Dans quel autre pays
252 rèves, le renvoi bruyant d’un ministre, ou même d’ une élection présidentielle. Dans quel autre pays de notre monde du xxe
253 tre pays de notre monde du xxe siècle verrait-on un journal de l’importance du New York Times donner une page entière au
254 journal de l’importance du New York Times donner une page entière au discours de son candidat, et une page entière, en reg
255 une page entière au discours de son candidat, et une page entière, en regard, au discours de son adversaire ? Cependant qu
256 commente en termes mesurés les mérites respectifs des personnes en présence ? Et s’il s’agit d’une grève de vastes dimensio
257 tifs des personnes en présence ? Et s’il s’agit d’ une grève de vastes dimensions, comme celle qui vient d’interrompre penda
258 ont citées in extenso. Pas de polémique contre un autre journal Ainsi la controverse réelle est exposée, pièces à l’
259 ous ne verrez jamais, dans ce même journal, c’est une polémique contre un autre journal. Ceci me paraît très important. En
260 dans ce même journal, c’est une polémique contre un autre journal. Ceci me paraît très important. En France, il arrive tr
261 que le débat réel reste mal défini, les positions des parties en présence n’ayant pas été déclarées dans les termes exacts
262 êtent. Ce que l’on trouve dans son journal, c’est un débat à propos d’un débat. C’est un torrent de jugements contradictoi
263 rouve dans son journal, c’est un débat à propos d’ un débat. C’est un torrent de jugements contradictoires, mais trop exact
264 ournal, c’est un débat à propos d’un débat. C’est un torrent de jugements contradictoires, mais trop exactement prévus — s
265 sous la rubrique revue de la presse — au sujet d’ un problème qui, semble-t-il, importe moins en soi que ce qu’en disent l
266 l’infini, mais sans trop de chances de se former une opinion plausible ou réaliste. Tartempion pense ceci, Durand déclare
267 resteraient attachés « indéfectiblement », comme des moules, à leurs vieux principes. Mais le problème subsiste et je voud
268 e quoi Tartempion me ressasse que Durand n’est qu’ un radical. De quoi donc parlait-on ? Qu’allons-nous faire ? Ce n’est pa
269 ent le même jour dans vingt autres journaux) ; et des rubriques régulières : sports, religion, finance, livres, théâtre, co
270 correspondance, jardin, etc. Mais le fait est qu’ une dépêche de Paris, par un correspondant américain, qui occupe chaque m
271 tc. Mais le fait est qu’une dépêche de Paris, par un correspondant américain, qui occupe chaque matin une ou deux colonnes
272 correspondant américain, qui occupe chaque matin une ou deux colonnes de son journal, en apprend davantage sur ce qui se p
273 a… Le correspondant-américain-à-l’étranger est une espèce humaine bien définie. Le grand reporter français cherche à exp
274 et son statut social éclipsent bien souvent ceux des grands romanciers. Ce qui pose chaque jour aux rédacteurs d’un journa
275 anciers. Ce qui pose chaque jour aux rédacteurs d’ un journal américain, en plus des problèmes d’un grand quotidien, le pro
276 ur aux rédacteurs d’un journal américain, en plus des problèmes d’un grand quotidien, le problème d’une volumineuse revue d
277 s d’un journal américain, en plus des problèmes d’ un grand quotidien, le problème d’une volumineuse revue de vulgarisation
278 des problèmes d’un grand quotidien, le problème d’ une volumineuse revue de vulgarisation. Ce qui suppose un état-major et u
279 olumineuse revue de vulgarisation. Ce qui suppose un état-major et un personnel gigantesques, spécialisés à l’infini ; des
280 de vulgarisation. Ce qui suppose un état-major et un personnel gigantesques, spécialisés à l’infini ; des pages de publici
281 personnel gigantesques, spécialisés à l’infini ; des pages de publicité aussi chères qu’abondantes ; ou un propriétaire au
282 ages de publicité aussi chères qu’abondantes ; ou un propriétaire aux dollars inépuisables. Ce qui s’oppose enfin à la mul
283 sables. Ce qui s’oppose enfin à la multiplication des journaux. New York, pour sept millions d’habitants, ne possède que ne
284 lleurs, tirés sur deux pages, feraient, réunis en une seule liasse, tout juste un numéro du Times, pour le volume de mots i
285 feraient, réunis en une seule liasse, tout juste un numéro du Times, pour le volume de mots imprimés. Deux pages pour
286 s de roman-feuilleton Trois remarques au sujet des rubriques régulières. Celle des sports, contrairement à ce que l’on a
287 emarques au sujet des rubriques régulières. Celle des sports, contrairement à ce que l’on attendrait, ne tient pas plus de
288 as trouvé de meilleur expédient : s’ils demandent des nouvelles, contez-leur une histoire. « S’ils n’ont pas de pain, qu’il
289 ient : s’ils demandent des nouvelles, contez-leur une histoire. « S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent des brioches ! »
290 stoire. « S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent des brioches ! » Le siècle est en révolution, l’Europe en ruine, la Franc
291 ns, c’est bien le moment de lire Paul de Kock… Des moyens d’information dignes de ce nom La France possède, depuis la
292 de ce nom La France possède, depuis la guerre, un ministère de l’Information, dont jusqu’à plus ample informé, je ne me
293 nistère ? J’imagine qu’il a pris à tâche de créer un nouvel esprit, un nouveau sens des devoirs civiques de la presse, une
294 e qu’il a pris à tâche de créer un nouvel esprit, un nouveau sens des devoirs civiques de la presse, une école de reportag
295 tâche de créer un nouvel esprit, un nouveau sens des devoirs civiques de la presse, une école de reportage, un journal typ
296 n nouveau sens des devoirs civiques de la presse, une école de reportage, un journal type… et surtout des campagnes d’infor
297 rs civiques de la presse, une école de reportage, un journal type… et surtout des campagnes d’information. Je me permettra
298 e école de reportage, un journal type… et surtout des campagnes d’information. Je me permettrais, dans ce cas, de lui suggé
299 référé ne point parler de la « presse Hearst » et des journaux de McCormick, qui règnent sur le Middle West, et dont les ta
300 quisser courent le risque d’opposer le meilleur d’ un des termes à la moyenne ou même au pire de l’autre. Il resterait à op
301 sser courent le risque d’opposer le meilleur d’un des termes à la moyenne ou même au pire de l’autre. Il resterait à oppose
302 r se manifeste, une fois de plus, en facilitant à un de nos compatriotes qui vit à l’étranger, la possibilité de s’exprime
303 , la possibilité de s’exprimer librement sur l’un des problèmes les plus brûlants de l’heure : celui de la mission de la pr
6 1946, Carrefour, articles (1945–1947). Une bureaucratie sans ronds-de-cuir (23 mai 1946)
304 Une bureaucratie sans ronds-de-cuir (23 mai 1946)g Dans le même numéro
305 éro de magazine où l’on peut lire sous la plume d’ un fermier du Middlewest que l’Amérique est le seul pays décent au monde
306 ’Amérique est le seul pays décent au monde, et qu’ un agent d’assurances du Connecticut affirme qu’elle jouit d’un gouverne
307 assurances du Connecticut affirme qu’elle jouit d’ un gouvernement pratiquement idéal, le Contrôleur général des États-Unis
308 rnement pratiquement idéal, le Contrôleur général des États-Unis écrit de son côté : « Notre gouvernement est une vaste pét
309 Unis écrit de son côté : « Notre gouvernement est une vaste pétaudière. » Ce fonctionnaire sait à peu près de quoi il parle
310 leur budget particulier, mais il avoue que c’est une tâche impossible. Dans le domaine des transports, par exemple, soixan
311 e que c’est une tâche impossible. Dans le domaine des transports, par exemple, soixante-quinze bureaux différents donnent d
312 emple, soixante-quinze bureaux différents donnent des ordres, recrutent des employés, font des statistiques, et se battent
313 bureaux différents donnent des ordres, recrutent des employés, font des statistiques, et se battent entre eux. Depuis douz
314 donnent des ordres, recrutent des employés, font des statistiques, et se battent entre eux. Depuis douze ans, les chambres
315 xième comité ait pour objet d’examiner l’activité des neuf premiers. On nommera un Board national, chargé de coordonner com
316 examiner l’activité des neuf premiers. On nommera un Board national, chargé de coordonner comités et agences, et baptisé d
317 avant même de faire vivre leurs bureaux, et nomme un tsar qui supervise le tout, avec pouvoirs dictatoriaux. Le « tsar »
318 ut, avec pouvoirs dictatoriaux. Le « tsar » est un « businessman » Ce tsar ne sera pas choisi parmi la troupe des pol
319 n » Ce tsar ne sera pas choisi parmi la troupe des politiciens sans emploi ou des anciens ministres de n’importe quoi. I
320 si parmi la troupe des politiciens sans emploi ou des anciens ministres de n’importe quoi. Il sera plutôt un homme d’affair
321 ciens ministres de n’importe quoi. Il sera plutôt un homme d’affaires dans la quarantaine, le vice-président d’une chaîne
322 affaires dans la quarantaine, le vice-président d’ une chaîne de Prisunics, le directeur technique d’un trust industriel, le
323 une chaîne de Prisunics, le directeur technique d’ un trust industriel, le secrétaire d’un des grands syndicats, ou bien un
324 technique d’un trust industriel, le secrétaire d’ un des grands syndicats, ou bien un professeur d’économie. On lui fera b
325 chnique d’un trust industriel, le secrétaire d’un des grands syndicats, ou bien un professeur d’économie. On lui fera beauc
326 le secrétaire d’un des grands syndicats, ou bien un professeur d’économie. On lui fera beaucoup de publicité. Les journau
327 té. S’il rate, il sera vidé sans autres formes qu’ une lettre personnelle du président, qu’il pourra lire le jour même dans
328 ue c’est de ce nom que l’on désigne ordinairement une situation dont notre esprit n’arrive pas à se former une image claire
329 uation dont notre esprit n’arrive pas à se former une image claire et cohérente. (Pour un esprit infiniment intelligent, il
330 à se former une image claire et cohérente. (Pour un esprit infiniment intelligent, il n’y aurait jamais de désordre, mais
331 il n’y aurait jamais de désordre, mais seulement des complexités.) Le fait est que je n’imagine pas un seul de mes contemp
332 es complexités.) Le fait est que je n’imagine pas un seul de mes contemporains qui soit capable d’embrasser dans une seule
333 s contemporains qui soit capable d’embrasser dans une seule vue les rouages du gouvernement des États-Unis d’Amérique. D
334 er dans une seule vue les rouages du gouvernement des États-Unis d’Amérique. Dans la jungle administrative… Le présid
335 inistrative… Le président a plus de pouvoir qu’ un roi, dit-on. Mais ce n’est pas beaucoup dire, de nos jours. Il choisi
336 doit tenir compte, pour ce choix, de l’équilibre des républicains, des démocrates du Sud, et du Travail, représenté par le
337 , pour ce choix, de l’équilibre des républicains, des démocrates du Sud, et du Travail, représenté par les trois chefs des
338 ud, et du Travail, représenté par les trois chefs des syndicats les plus puissants ; il doit tenir compte des pressure grou
339 ndicats les plus puissants ; il doit tenir compte des pressure groups de Washington ; des agences et bureaux d’État indépen
340 tenir compte des pressure groups de Washington ; des agences et bureaux d’État indépendants des ministères ; de la Finance
341 gton ; des agences et bureaux d’État indépendants des ministères ; de la Finance (bien qu’elle perde du terrain) ; enfin de
342 tible dont le Contrôleur général essaie de donner une idée dans le bref article que je citais : Prenez le problème du loge
343 blème du logement. Il y a quelques années, devant un comité du Sénat, la question fut posée de savoir si quelqu’un au mond
344 elqu’un au monde connaissait réellement le nombre des agences qui s’occupaient des logements. Depuis lors, on a chargé une
345 réellement le nombre des agences qui s’occupaient des logements. Depuis lors, on a chargé une agence nationale de coordonne
346 ccupaient des logements. Depuis lors, on a chargé une agence nationale de coordonner les travaux. Mais son administrateur d
347 Mais son administrateur déclare aujourd’hui que «  des projets financés par le gouvernement fédéral ont été néanmoins mis en
348 ement, c’est-à-dire de trente-quatre agences et d’ une douzaine de départements fédéraux qui se font la guerre, sans qu’il e
349 fédéraux qui se font la guerre, sans qu’il existe un seul centre capable de dresser l’inventaire de ce domaine gigantesque
350 écialisés. Elle ne produit pas plus d’inspecteurs des Finances que de ronds-de-cuir de père en fils. Le personnel des burea
351 ue de ronds-de-cuir de père en fils. Le personnel des bureaux gouvernementaux est sans cesse ventilé et renouvelé, au physi
352 s aisément, en principe, car ils ont par ailleurs une profession qu’ils pourront reprendre au premier jour. J’ai fait parti
353 ’information de guerre (OWI) qui tenait le rang d’ un ministère, et où j’ai travaillé pendant près de deux ans, ne comptait
354 ravaillé pendant près de deux ans, ne comptait qu’ une infime minorité de fonctionnaires de métier. Le chef en fut d’abord u
355 fonctionnaires de métier. Le chef en fut d’abord un général, puis un commentateur de la radio. Il avait sous ses ordres d
356 e métier. Le chef en fut d’abord un général, puis un commentateur de la radio. Il avait sous ses ordres des écrivains, des
357 ommentateur de la radio. Il avait sous ses ordres des écrivains, des journalistes, des banquiers, des cinéastes, des dactyl
358 la radio. Il avait sous ses ordres des écrivains, des journalistes, des banquiers, des cinéastes, des dactylos, des étudian
359 sous ses ordres des écrivains, des journalistes, des banquiers, des cinéastes, des dactylos, des étudiants, des professeur
360 s des écrivains, des journalistes, des banquiers, des cinéastes, des dactylos, des étudiants, des professeurs et des acteur
361 , des journalistes, des banquiers, des cinéastes, des dactylos, des étudiants, des professeurs et des acteurs. Trente mille
362 stes, des banquiers, des cinéastes, des dactylos, des étudiants, des professeurs et des acteurs. Trente mille en tout. Pres
363 iers, des cinéastes, des dactylos, des étudiants, des professeurs et des acteurs. Trente mille en tout. Presque tous, aujou
364 , des dactylos, des étudiants, des professeurs et des acteurs. Trente mille en tout. Presque tous, aujourd’hui, sont retour
365 du travail ou du commerce. Tout cela change l’air des bureaux, et l’esprit d’une bureaucratie, pour ceux qui en sont comme
366 Tout cela change l’air des bureaux, et l’esprit d’ une bureaucratie, pour ceux qui en sont comme pour les visiteurs. La m
367 x qui en sont comme pour les visiteurs. La mer des paperasses rempart de la liberté ? Mais je me pose tout de même la
368 s je me pose tout de même la question de l’avenir des démocraties, livrées à la fatalité incontrôlable des agences. Finiron
369 démocraties, livrées à la fatalité incontrôlable des agences. Finirons-nous tous fonctionnaires ? La société entière se tr
370 es ? La société entière se transformera-t-elle en un cauchemar de statistiques, de directives, de formulaires, de fiches,
371 e doubles bien classés, et de coups de tampon sur des notes de service ? C’est fort possible. Personne au monde n’y compren
372 ible. Personne au monde n’y comprendra plus rien. Une moitié des bureaux passera son temps à faire enquête sur les activité
373 nne au monde n’y comprendra plus rien. Une moitié des bureaux passera son temps à faire enquête sur les activités de l’autr
374 très peu d’hommes que les choses marchent. Alors un être d’exception, comme vous ou moi, se demandera dans un accès de co
375 d’exception, comme vous ou moi, se demandera dans un accès de courage intellectuel ou de désespoir balayant tout scrupule,
376 n. Car s’il n’y avait plus de grands bureaux dans une démocratie, quelques hommes deviendraient responsables… Facilement dé
377 ls choisissent le naufrage commun dans le détroit des Délais ou la mer des paperasses, aux frais de l’État qui payera l’ass
378 frage commun dans le détroit des Délais ou la mer des paperasses, aux frais de l’État qui payera l’assurance. Et c’est la s
379 le du collectivisme. g. Rougemont Denis de, «  Une bureaucratie sans ronds-de-cuir », Carrefour, Paris, 23 mai 1946, p. 
7 1946, Carrefour, articles (1945–1947). L’Amérique est-elle nationaliste ? (29 août 1946)
380 parlons d’impérialisme, en Europe, nous pensons à une volonté de dominer affirmée par un chef au nom de sa nation : les All
381 ous pensons à une volonté de dominer affirmée par un chef au nom de sa nation : les Allemands sous Hitler, les Français so
382 e, chez eux, en tient la place. Se pourrait-il qu’ un jour prochain, cette opinion publique, reine des États-Unis, devînt n
383 u’un jour prochain, cette opinion publique, reine des États-Unis, devînt nationaliste à notre image européenne ? Et qu’elle
384 Il faudrait tout d’abord que l’Amérique se formât une conscience nationale. Le phénomène est-il probable ? Et s’il l’est, d
385 te persuadé qu’il ne comporte rien de redoutable. Une nation prend conscience d’elle-même lorsqu’elle atteint ses limites n
386 int ses limites naturelles et qu’elle se heurte à des voisins organisés. Or c’est le cas de l’Amérique, virtuellement, depu
387 a production américaine et l’idéal démocratique d’ un Roosevelt. L’Amérique atteignant ses limites se voit donc subitement
388 rquer le coup ; et, de plus, elle l’a gagnée avec une arme qu’elle se trouve seule à posséder pour le moment. Voilà bien de
389 rouve seule à posséder pour le moment. Voilà bien des raisons de prendre conscience de soi, en tant que nation, avec tout c
390 ux et tout-puissants du premier coup. Imaginez qu’ un grand pays européen ait remporté des triomphes de cet ordre. La terre
391 . Imaginez qu’un grand pays européen ait remporté des triomphes de cet ordre. La terre entière aurait de quoi trembler. Mai
392 aurait de quoi trembler. Mais il ne s’agit pas d’ une nation comme les autres. Je voudrais, pour vous le faire sentir, pren
393 . Je voudrais, pour vous le faire sentir, prendre un exemple au langage quotidien de l’Amérique. Lorsqu’un citoyen des Éta
394 xemple au langage quotidien de l’Amérique. Lorsqu’ un citoyen des États-Unis désapprouve une certaine action, une certaine
395 angage quotidien de l’Amérique. Lorsqu’un citoyen des États-Unis désapprouve une certaine action, une certaine conduite, un
396 que. Lorsqu’un citoyen des États-Unis désapprouve une certaine action, une certaine conduite, une certaine opinion, il a co
397 n des États-Unis désapprouve une certaine action, une certaine conduite, une certaine opinion, il a coutume de dire, depuis
398 rouve une certaine action, une certaine conduite, une certaine opinion, il a coutume de dire, depuis quelques années, pour
399 s d’ailleurs comme nécessairement ascendants vers une vie meilleure. Et il ne s’agit pas d’une déclaration d’anti quelque c
400 nts vers une vie meilleure. Et il ne s’agit pas d’ une déclaration d’anti quelque chose, mais au contraire d’une exhortation
401 aration d’anti quelque chose, mais au contraire d’ une exhortation et d’un rappel qu’on adresse à soi-même autant qu’aux aut
402 e chose, mais au contraire d’une exhortation et d’ un rappel qu’on adresse à soi-même autant qu’aux autres, afin que chacun
403 lus digne du mythe, du rêve américain. Voilà donc un nationalisme « ouvert » et pour qui la nation est en avant dans un él
404  ouvert » et pour qui la nation est en avant dans un élan, un rêve, une liberté future. Non pas comme chez Maurras dans le
405 et pour qui la nation est en avant dans un élan, un rêve, une liberté future. Non pas comme chez Maurras dans le passé, c
406 qui la nation est en avant dans un élan, un rêve, une liberté future. Non pas comme chez Maurras dans le passé, comme chez
407 s le nationalisme européen, c’est que l’on y sent une volonté de resserrement, une soif d’imposer au voisin ses propres lim
408 ’est que l’on y sent une volonté de resserrement, une soif d’imposer au voisin ses propres limitations traditionnelles et d
409 ns traditionnelles et de lui faire subir la loi d’ un village qui n’est pas le sien. Au contraire, ce qu’il y a de rassuran
410 ans le nationalisme américain, c’est qu’on y sent une volonté d’élargissement, une soif de proposer au voisin les moyens de
411 , c’est qu’on y sent une volonté d’élargissement, une soif de proposer au voisin les moyens de libération qu’on vient de dé
412 vient se confondre, pratiquement, avec le rêve d’ une communion planétaire dans la même liberté. Ils ont envie d’ouvrir le
413 comparer. Chacun ses goûts. Je me borne à marquer une différence capitale : l’Américain n’insiste pas quand on ne l’aime pa
414 s d’économie paysanne ; on achètera nos âmes avec des frigidaires ; la sottise humanitaire enlisera nos élans spirituels ;
415 sera nos élans spirituels ; nous serons noyés par une civilisation qui ne respecte que la quantité ; le dollar sera roi, et
416 stes, à mon avis. Si nous vendons nos âmes contre des frigidaires, ce sera notre faute et non pas celle de l’industrie amér
417 celle de l’industrie américaine qui aura mis dans un coin de nos cuisines ces appareils où tout respire l’innocence et ron
418 nne l’hygiène. Ceux qui voient dans le frigidaire une menace pour leur civilisation semblent avouer par là que cette derniè
419 mieux. De même encore, la « sottise humanitaire » des États-Unis nous a fait moins de mal, semble-t-il, que « l’intelligenc
420 t le machiavélisme. De même enfin, si nous sommes un jour noyés par la quantité, ce ne sera pas la faute de la quantité, m
421 l’on nomme en Europe « l’américanisme » n’est pas un danger américain, mais européen. Je veux dire par là que si un homme
422 ricain, mais européen. Je veux dire par là que si un homme devient l’esclave de son automobile, le blâme en retombe sur l’
423 ed quand cela lui chantait. Mais je m’avise ici d’ une contradiction étrange. Il semble bien que ce sont les mêmes personnes
424 ne. Et il arrive même trop souvent que l’on parle des deux à la fois. Je voudrais insister sur ce point. Ceux qui se méfien
425 t, pour comble, de n’être pas là. Quand elle fait une crise d’isolationnisme, on l’accuse de myopie, d’inertie, d’incompréh
426 et d’orgueil inqualifiable. Mais quand elle fait une crise d’idéalisme et qu’elle intervient dans les affaires d’Europe, c
427 te — et qu’ils vident les lieux en vitesse, comme des intrus et sans remerciements, dès qu’ils nous ont tirés d’affaire. « 
428 uer ! » (C’est-à-dire pour créer de toutes pièces une armée de 10 millions d’hommes.) « Eh quoi ! trois mois déjà que nous
429 elques gaffes à la Patton, les Américains donnent des signes de leur envie de s’en aller. Mais aussitôt : « Ah ! bien sûr,
430 marquons que les Russes ne prêtent pas le flanc à des critiques de ce genre parce qu’ils ne publient rien, interdisent les
431 divergence. À ce propos, j’entendais l’autre jour un diplomate américain parler de l’attitude hostile des Soviétiques à l’
432 diplomate américain parler de l’attitude hostile des Soviétiques à l’égard de toutes les mesures proposées ou soutenues pa
433 tant plus qu’il existe bel et bien aux États-Unis des fractions isolationnistes et des fractions impérialistes et que ces m
434 n aux États-Unis des fractions isolationnistes et des fractions impérialistes et que ces minorités, d’ailleurs plus bruyant
435 caces, se confondent même dans certains cas — par un paradoxe symétrique de celui que je relevais tout à l’heure. Cette ti
436 de mauvaises raisons ou parce qu’on l’assimile à des tendances européennes qui n’ont de commun avec lui que le nom. h.
8 1947, Carrefour, articles (1945–1947). L’art dirigé [Réponse à une enquête] (23 janvier 1947)
437 L’art dirigé [Réponse à une enquête] (23 janvier 1947)i j 1° Si l’on nomme Art ce qui relève d
438 appellent diriger l’art, c’est d’une part exercer une censure (mais la censure des lettres n’a jamais prétendu « diriger »
439 t d’une part exercer une censure (mais la censure des lettres n’a jamais prétendu « diriger » la correspondance) et d’autre
440 a radio (libres ou dirigées) et il cessera d’être un artiste. Sinon, il se voit contraint d’inventer son langage, sa rhéto
441 n de l’artiste individualiste, et c’est trop pour un homme. Il s’agit pour nous, au xxe , d’appeler et de créer des « comm
442 s’agit pour nous, au xxe , d’appeler et de créer des « communautés » véritables, au sein desquelles le langage retrouve un
443 éritables, au sein desquelles le langage retrouve un sens, les signes un pouvoir, l’opposition des repères, le progrès un
444 esquelles le langage retrouve un sens, les signes un pouvoir, l’opposition des repères, le progrès un but. Mais cela remet
445 ouve un sens, les signes un pouvoir, l’opposition des repères, le progrès un but. Mais cela remet en question toute notre c
446 un pouvoir, l’opposition des repères, le progrès un but. Mais cela remet en question toute notre culture, et derrière ell
447 la politique de l’époque. Je ne vois pas comment un artiste pourrait s’en désintéresser, ni comment il pourrait ne point
448 t, soit en tant que citoyen. 3° Tout art implique une « idéologie » ou pour mieux dire exprime une théologie et une métaphy
449 ique une « idéologie » ou pour mieux dire exprime une théologie et une métaphysique, qu’on le veuille et le sache, ou non.
450 gie » ou pour mieux dire exprime une théologie et une métaphysique, qu’on le veuille et le sache, ou non. Je pense que cela
451 servilité. i. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] L’art dirigé », Carrefour, Paris, 23 janvier 1947, p. 6. j.
452 . L’artiste peut-il s’exprimer dans les limites d’ un art dirigé ? 2. Estimez-vous que l’artiste doive se préoccuper d’être
453 grand nombre ? 3. L’art peut-il être au service d’ une idéologie ? »
9 1947, Carrefour, articles (1945–1947). Fédération ou dictature mondiale ? (9 avril 1947)
454 x associations d’étudiants américains préconisant un gouvernement mondial viennent de fusionner pour constituer le « World
455 Europe, au contraire, il m’apparaît que l’idée d’ un gouvernement mondial se heurte au scepticisme général, et même, pour
456 ral, et même, pour peu que l’on insiste, provoque une curieuse impatience. Examinons les objectifs qu’on lui oppose couramm
457 fs qu’on lui oppose couramment. Je trouve d’abord un réflexe de fatigue et de méfiance facilement explicable : on voudrait
458 oute l’histoire de l’humanité, qui est l’histoire des utopies réalisées. Tout ce qui a compté, tout ce qui a marqué, tout c
459 vivons pratiquement aujourd’hui, tout fut d’abord une utopie : le christianisme et l’aviation, le marxisme et l’utilisation
460 que et la transmission instantanée de la parole d’ un continent à l’autre. Traiter une idée en utopie, c’est en fait déclar
461 ée de la parole d’un continent à l’autre. Traiter une idée en utopie, c’est en fait déclarer « qu’on est contre », en évita
462 uite on dit que « l’humanité n’est pas prête pour un gouvernement mondial ». La timidité d’esprit que cet argument trahit
463 eprise de l’histoire a-t-on jamais demandé l’avis des peuples, et pourquoi furent-ils jamais prêts ? L’étaient-ils pour le
464 les peuples ne sont pas prêts à accepter l’idée d’ un gouvernement mondial, mais qu’en savez-vous ? Le seul peuple « sondé 
465 vous ? Le seul peuple « sondé » à ce sujet, celui des États-Unis, a donné 67 % de réponses favorables à cette idée. Avouez
466 réaliser. Passons aux objections plus réalistes d’ une réflexion qui accepte au moins d’imaginer, avant de le rejeter, le pr
467 rnement mondial. La faiblesse qu’on signale avait une cause précise dans le statut de la SDN, lequel sauvegardait avec soin
468 el sauvegardait avec soin la souveraineté absolue des nations, source et condition même de toutes les guerres modernes. Cet
469 r cette raison que beaucoup éprouvent l’urgence d’ un gouvernement mondial. Ce dernier, pour être effectif, capable de pré
470 e tuer les guerres, devrait être établi au-dessus des nations et aux dépens de leur souveraineté. Il naîtrait de l’abandon
471 tives de droit divin. Qu’on ne dise pas que c’est une pure rêverie. Tout récemment, nous avons enregistré la première impul
472 le contrôle de la bombe atomique prévoit en effet un comité supranational chargé d’inspecter dans tous les pays les usines
473 les laboratoires, et qui serait seul dépositaire des secrets de fabrication actuellement détenus par les États-Unis. Or M
474 posé au projet, pour la raison qu’il comportait «  une atteinte aux souverainetés nationales ». Et les Américains ont répond
475 permet d’observer le processus de la naissance d’ un pouvoir mondial. D’autre part, il révèle la vraie nature des forces q
476 mondial. D’autre part, il révèle la vraie nature des forces qui s’y opposent : le nationalisme et l’esprit totalitaire. Su
477 s. Ils remarquaient tout à l’heure avec raison qu’ une ligue de gouvernants est par définition incapable d’empêcher la guerr
478 tion incapable d’empêcher la guerre, puisque dans un conflit éventuel les arbitres seraient en même temps les chefs des Ét
479 uel les arbitres seraient en même temps les chefs des États en conflit. Ils déclarent maintenant qu’un pouvoir mondial indé
480 des États en conflit. Ils déclarent maintenant qu’ un pouvoir mondial indépendant de ces gouvernants, né de l’abandon parti
481 ndant de ces gouvernants, né de l’abandon partiel des souverainetés nationales, et armé de la bombe atomique, serait au con
482 trop puissant. Et, en effet, on peut redouter qu’ un tel pouvoir soit tenté d’imposer à tout le genre humain l’idéologie l
483 formerait. (Ce serait aujourd’hui, probablement, un dirigisme mitigé, plus ou moins scientifique, et reposant sur une con
484 tigé, plus ou moins scientifique, et reposant sur une conception naïvement matérialiste de l’homme.) Ainsi la paix mondiale
485 i la paix mondiale ne serait établie qu’au prix d’ une sorte de paralysie de l’histoire, et d’un appauvrissement peut-être i
486 prix d’une sorte de paralysie de l’histoire, et d’ un appauvrissement peut-être irréparable des perspectives de l’aventure
487 re, et d’un appauvrissement peut-être irréparable des perspectives de l’aventure humaine. Cette dernière objection me paraî
488 tionaux, on retomberait soit dans l’impuissance d’ une ligue des nations, soit dans la dictature d’une idéologie majoritaire
489 n retomberait soit dans l’impuissance d’une ligue des nations, soit dans la dictature d’une idéologie majoritaire. Si au co
490 d’une ligue des nations, soit dans la dictature d’ une idéologie majoritaire. Si au contraire ils étaient désignés par les p
491 étaient désignés par les peuples et secondés par un Parlement mondial, la possibilité d’une opposition non seulement resp
492 condés par un Parlement mondial, la possibilité d’ une opposition non seulement respectée mais organique serait sauvegardée.
493 il apparaît de plus en plus clairement que la clé des quatre libertés est dans la liberté d’opposition, et que celle-ci suf
494 énomènes sont liés. Tant que subsistera le régime des États-nations absolument souverains, nous aurons des menaces de guerr
495 États-nations absolument souverains, nous aurons des menaces de guerre : et réciproquement, tant qu’il y aura des menaces
496 de guerre : et réciproquement, tant qu’il y aura des menaces de guerre, les États tendront à l’autarcie, les frontières cl
497 les pommes de terre pourriront par montagnes dans un pays, tandis que la famine régnera dans un autre. Je n’ai d’autre am
498 s dans un pays, tandis que la famine régnera dans un autre. Je n’ai d’autre ambition, ici, que d’attirer l’attention, d’u
499 ’attirer l’attention, d’une part sur la faiblesse des objections préalables qu’on oppose couramment à l’idée d’une fédérati
500 ons préalables qu’on oppose couramment à l’idée d’ une fédération mondiale, d’autre part sur l’urgence de discuter les vrais
501 aujourd’hui le seul remède contre la guerre. Dans un monde où, grâce à la diffusion des techniques occidentales, entraînan
502 la guerre. Dans un monde où, grâce à la diffusion des techniques occidentales, entraînant celle des idéologies, tout se tie
503 ion des techniques occidentales, entraînant celle des idéologies, tout se tient et se mêle inextricablement, la persistance
504 souverains dans le carcan de leurs frontières est un dangereux anachronisme. Si nous sommes incapables de briser cette féo
505 sonie ou de la Soviétie. Dans ce cas, nous aurons une dictature dont le Führer ne sera pas un homme mais une nation. Alors,
506 s aurons une dictature dont le Führer ne sera pas un homme mais une nation. Alors, mais dans les ruines radioactives de no
507 ictature dont le Führer ne sera pas un homme mais une nation. Alors, mais dans les ruines radioactives de notre civilisatio
508 ation, la Résistance mondiale s’organisera, comme une église secrète de la liberté. L’utopie ou la tragédie, tel est le dil
10 1947, Carrefour, articles (1945–1947). « Jean-Paul Sartre vous parle… et ce qu’en pensent… » (29 octobre 1947)
509 moustache. Tous les hommes qui la portent en sont un autre… ça va.) Sartre a raison de dire que la guerre n’est pas fatale
510 ut contre la théorie soviétique, laquelle prévoit un conflit fatal et violent entre la dictature marxiste et la démocratie
511 exercice. l. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] Jean-Paul Sartre vous parle… et ce qu’en pensent… », Carrefo
512 four, Paris, 29 octobre 1947, p. 7. m. Réponse à une enquête réalisée après une première émission des Temps modernes diffu
513 une enquête réalisée après une première émission des Temps modernes diffusée le 27 octobre 1947.
11 1947, Carrefour, articles (1945–1947). La France est assez grande pour n’être pas ingrate (26 novembre 1947)
514 de anticipée. » C’est ce qu’il me semble entendre un peu partout depuis que je suis rentré dans ce vieux monde. Or il ne s
515 rentré dans ce vieux monde. Or il ne s’agit pas d’ une attitude nouvelle, ou qui serait le seul fait des communistes : il y
516 une attitude nouvelle, ou qui serait le seul fait des communistes : il y a trente ans que l’Europe, la bourgeoisie d’Europe
517 uit mal à l’égard des États-Unis. Je ne parle pas des discours officiels, mais des conversations et de beaucoup d’articles,
518 nis. Je ne parle pas des discours officiels, mais des conversations et de beaucoup d’articles, de jugements que nous porton
519 c’est que l’Europe vive et ne tombe pas aux mains des Russes ; c’est qu’elle soit forte et donc unique, puisque les autres
520 sur sa faiblesse. Mais au lieu de se féliciter d’ une aussi bienheureuse coïncidence, on a l’air d’en vouloir à ces Yankees
521 ’importe comment et à n’importe qui… On leur fait un grief d’avoir une politique, un crime d’être en mesure de l’appliquer
522 et à n’importe qui… On leur fait un grief d’avoir une politique, un crime d’être en mesure de l’appliquer, un ridicule d’av
523 qui… On leur fait un grief d’avoir une politique, un crime d’être en mesure de l’appliquer, un ridicule d’avoir réalisé sa
524 itique, un crime d’être en mesure de l’appliquer, un ridicule d’avoir réalisé sans phrases ce que les Russes promettent au
525 encore, s’il est possible. À croire la propagande des staliniens, c’est nous qui sauverions l’Amérique de la ruine en accep
526 ique de la ruine en acceptant qu’elle nous avance une vingtaine de milliards de dollars ! C’est l’Amérique, dit-on, qui a b
527 a besoin de l’Europe ! Car elle est à la veille d’ une crise épouvantable, Staline l’a dit ; elle ne sait plus où vendre ses
528 de prolonger l’agonie de son système en s’ouvrant des marchés européens… Rien de plus stupéfiant que la popularité de ce t
529 pas que M. Clayton morigène les experts du Comité des Seize, mais que ceux-ci se mettent dans le cas de mériter pareil rapp
530 areil rappel à l’ordre. L’indépendance économique des nations de l’Europe est une fiction. Tout le monde le sait, n’en parl
531 dépendance économique des nations de l’Europe est une fiction. Tout le monde le sait, n’en parlons plus. Quant à l’indépend