1 1946, Combat, articles (1946–1950). Ni secret ni défense (19-20 mai 1946)
1 t, les généraux et quelques vulgarisateurs en mal d’ idées ont trouvé deux moyens d’esquiver la question posée par la bombe
2 garisateurs en mal d’idées ont trouvé deux moyens d’ esquiver la question posée par la bombe atomique. Ils essaient d’encha
3 uestion posée par la bombe atomique. Ils essaient d’ enchaîner le monstre avec des agrafes de dossiers : « C’est un secret
4 essaient d’enchaîner le monstre avec des agrafes de dossiers : « C’est un secret que nous gardons, c’est un dépôt sacré »
5 ’est un dépôt sacré », disent-ils. Et sans l’avis d’ aucun savant autorisé, ils parlent de défenses possibles, si toutefois
6 sans l’avis d’aucun savant autorisé, ils parlent de défenses possibles, si toutefois on leur laisse le commandement. Je l
7 é dans le New York Times : le seul et vrai secret de la bombe atomique réside dans la puissance industrielle de l’Amérique
8 be atomique réside dans la puissance industrielle de l’Amérique. C’est assez dire qu’il n’est que temporaire. Quant au sec
9 l n’est que temporaire. Quant au secret technique de la détonation, dans quelques mois les Russes l’auront, ou les Anglais
10 tes ou le Sénat, l’existence actuelle ou possible de la moindre défense effective contre un raid atomique par surprise. ⁂
11 d atomique par surprise. ⁂ Voici cependant l’état de l’opinion américaine, avertie par sa presse de tous ces faits. M. Geo
12 at de l’opinion américaine, avertie par sa presse de tous ces faits. M. George Gallup vient d’établir que 71 % des citoyen
13 presse de tous ces faits. M. George Gallup vient d’ établir que 71 % des citoyens de son pays « refusent de livrer le cont
14 orge Gallup vient d’établir que 71 % des citoyens de son pays « refusent de livrer le contrôle de la bombe aux Nations uni
15 blir que 71 % des citoyens de son pays « refusent de livrer le contrôle de la bombe aux Nations unies », cependant que la
16 yens de son pays « refusent de livrer le contrôle de la bombe aux Nations unies », cependant que la même enquête révèle qu
17 t persuadés que « le secret ne peut être gardé ». D’ où je déduis que la proportion des Américains raisonnables (j’entends
18 n des Américains raisonnables (j’entends capables de rapprocher deux idées et d’en tirer une conclusion logique) est au pl
19 s (j’entends capables de rapprocher deux idées et d’ en tirer une conclusion logique) est au plus de 35 %. Est-ce peu ou be
20 et d’en tirer une conclusion logique) est au plus de 35 %. Est-ce peu ou beaucoup pour un peuple ? Je n’en jugerais qu’apr
21 les savants sérieux ne partagent point. On parle de radars omniscients et de rayons qui feraient sauter la bombe tôt aprè
22 artagent point. On parle de radars omniscients et de rayons qui feraient sauter la bombe tôt après son départ, chez l’adve
23 procédés, leur mise en œuvre supposerait un état de mobilisation permanente qui, sous prétexte d’éviter la guerre, tuerai
24 tat de mobilisation permanente qui, sous prétexte d’ éviter la guerre, tuerait la paix. Une partie de la population serait
25 e d’éviter la guerre, tuerait la paix. Une partie de la population serait employée à surveiller le ciel, l’autre partie à
26 t nous sommes sans défense, mais encore le secret de la bombe sera demain celui de Polichinelle, et enfin si quelqu’un nou
27 is encore le secret de la bombe sera demain celui de Polichinelle, et enfin si quelqu’un nous attaque, nous ne saurons pas
28 pays, disons la Suisse, manufacture une douzaine de bombes. Ce n’est pas une question d’argent comme on le croit (les gro
29 une douzaine de bombes. Ce n’est pas une question d’ argent comme on le croit (les grosses dépenses ont été faites par l’Am
30 ites par l’Amérique pendant les recherches), mais d’ ingéniosité et d’équipement technique, et vous savez que la Suisse pos
31 ue pendant les recherches), mais d’ingéniosité et d’ équipement technique, et vous savez que la Suisse possède tout cela. E
32 tout cela. En fait, c’est à l’École polytechnique de Zurich que sont nés les travaux d’Einstein. Supposez maintenant que c
33 polytechnique de Zurich que sont nés les travaux d’ Einstein. Supposez maintenant que ce petit pays, pour se tirer d’un ma
34 posez maintenant que ce petit pays, pour se tirer d’ un mauvais pas, envoie deux ou trois bombes sur New York. (Je prends l
35 st trop tard pour échanger des notes et des coups de chapeau haut de forme. Voilà Moscou et Kiev en ruines dans les trois
36 nt-Louis, et détruisent Londres par simple mesure de précaution. Et ainsi de suite : dans le langage technique, cela s’app
37 Londres par simple mesure de précaution. Et ainsi de suite : dans le langage technique, cela s’appelle chain reaction. En
38 l’expression est devenue si vraie qu’elle a cessé de nous frapper. Une apathie étrange me semble s’établir dans les masses
39 veille sur son « dépôt sacré ». Le monde n’a pas de gouvernement. Je ne suis pas sûr que les nations en aient. Et nous re
40 restons, les bras ballants… a. Rougemont Denis de , « Ni secret ni défense », Combat, Paris, 19–20 mai 1946, p. 1.
2 1946, Combat, articles (1946–1950). Paralysie des hommes d’État (21 mai 1946)
41 ux qu’on nomme les trois Grands. Ils se composent d’ un loup déguisé en mouton et de deux moutons vêtus de leur vraie peau.
42 . Ils se composent d’un loup déguisé en mouton et de deux moutons vêtus de leur vraie peau. C’est donc au nom du Petit Pèr
43 n loup déguisé en mouton et de deux moutons vêtus de leur vraie peau. C’est donc au nom du Petit Père, et du Brave Garçon,
44 donc au nom du Petit Père, et du Brave Garçon, et de l’Esprit bourgeois que la Bombe doit être administrée. Notez que, si
45 eurs paraissent impuissants à décréter les moyens d’ une paix pourtant facile à concevoir : donner la Bombe au gouvernement
46 asses contemporaines : que les chefs responsables de notre sort sont en réalité irresponsables ? Et qu’ils usurpent le nom
47 éalité irresponsables ? Et qu’ils usurpent le nom de gouvernants ? J’essaie de me mettre à leur place. Staline voudrait la
48 qu’ils usurpent le nom de gouvernants ? J’essaie de me mettre à leur place. Staline voudrait la paix, car sa Russie bless
49 re reconstruite, mais il ne renonce pas aux plans de Pierre le Grand. Attlee voudrait la paix, car l’Empire blessé est en
50 apital d’abord, et à la peur (elle-même créatrice de conflits) d’un conflit avec la Russie. Sans doute sont-ils tous les t
51 d, et à la peur (elle-même créatrice de conflits) d’ un conflit avec la Russie. Sans doute sont-ils tous les trois convainc
52 ui domine en fait leur politique, c’est la vision de la guerre, non pas celle de la paix. Ils agissent donc comme des irre
53 ique, c’est la vision de la guerre, non pas celle de la paix. Ils agissent donc comme des irresponsables, provoquant ce qu
54 nt ce qu’ils veulent éviter. Et le public a l’air de trouver cela normal, — ou ne trouve rien. ⁂ J’essaie encore de les co
55 la normal, — ou ne trouve rien. ⁂ J’essaie encore de les comprendre, avant de les traiter de ce qu’ils ont l’air d’être, q
56 ie encore de les comprendre, avant de les traiter de ce qu’ils ont l’air d’être, quand on voit ce qu’ils vont faire ou lai
57 ndre, avant de les traiter de ce qu’ils ont l’air d’ être, quand on voit ce qu’ils vont faire ou laisser faire de nos vies.
58 and on voit ce qu’ils vont faire ou laisser faire de nos vies. Irresponsables moins par incapacité — ils suffiraient aux t
59 Devant le monde à unifier, ils paraissent frappés d’ un vertige. Ils ne voient rien. Cette absence de pensée est plus dange
60 s d’un vertige. Ils ne voient rien. Cette absence de pensée est plus dangereuse que n’importe quelle pensée fausse. Mais c
61  : or, ces messieurs sont absorbés par la défense d’ intérêts locaux dits nationaux, trente visites par jour, des inaugurat
62 er les nations, la première condition requise est de n’être pas le chef d’une grande nation. Mais qui l’a dit, jusqu’à ce
63 mière condition requise est de n’être pas le chef d’ une grande nation. Mais qui l’a dit, jusqu’à ce jour ? Chacun sait que
64 dit, jusqu’à ce jour ? Chacun sait que l’arbitre d’ un match n’est jamais le capitaine d’une des équipes. Qui l’a rappelé
65 ue l’arbitre d’un match n’est jamais le capitaine d’ une des équipes. Qui l’a rappelé au sujet des trois Grands ? Chacun sa
66 lui, et le voici chargé du monde en plus ! Ainsi d’ Attlee et de Staline, bien que ce dernier me paraisse plus habile dans
67 voici chargé du monde en plus ! Ainsi d’Attlee et de Staline, bien que ce dernier me paraisse plus habile dans le grand ar
68 dernier me paraisse plus habile dans le grand art de prendre son temps. ⁂ Je les plains. Cependant, s’ils s’obstinent, je
69 ins. Cependant, s’ils s’obstinent, je serai forcé de les traiter d’usurpateurs. L’incompétence des commandants en chef n’e
70 s’ils s’obstinent, je serai forcé de les traiter d’ usurpateurs. L’incompétence des commandants en chef n’est-elle pas jug
71 -elle pas jugée criminelle par l’opinion publique de leur patrie, et parfois par les tribunaux ? Je demande à mes amis amé
72 au, sorti du peuple… Mais si l’on touche à l’idée de nation, voilà tous les visages qui se ferment, et les esprits en état
73 Allons-nous continuer ce jeu jusqu’à l’explosion de la Terre ? Allons-nous confier le destin de la planète à trois hommes
74 osion de la Terre ? Allons-nous confier le destin de la planète à trois hommes surchargés, débordés, qui n’ont pas une min
75 pour réfléchir, et qui représentent les intérêts de leur nation, alors que c’est précisément aux dépens de ces intérêts q
76 s que l’humanité pourra s’unir ? La fonction même de ces chefs d’État les disqualifie, en principe, pour l’entreprise dont
77 ls ne voient rien, c’est évident, car les visions de l’avenir naissent d’un loisir intense. Or, ils ont à recevoir des dép
78 est évident, car les visions de l’avenir naissent d’ un loisir intense. Or, ils ont à recevoir des députés… Seule, une cour
79 s députés… Seule, une cour internationale, formée d’ hommes désignés par la voie populaire, et qui n’auraient pas d’autre a
80 gnés par la voie populaire, et qui n’auraient pas d’ autre affaire que de considérer la Planète, puis de traiter de haut av
81 ulaire, et qui n’auraient pas d’autre affaire que de considérer la Planète, puis de traiter de haut avec les chefs d’État…
82 ’autre affaire que de considérer la Planète, puis de traiter de haut avec les chefs d’État… Peut-être l’expérience de Biki
83 ire que de considérer la Planète, puis de traiter de haut avec les chefs d’État… Peut-être l’expérience de Bikini va-t-ell
84 aut avec les chefs d’État… Peut-être l’expérience de Bikini va-t-elle donner le choc nécessaire pour alerter enfin une opi
85 erter enfin une opinion mondiale ? Avant ce début de juillet, puissent les trois Grands ne pas perdre la boule ! Car le fa
86 la boule ! Car le fait est qu’il n’y en a qu’une de boule, comme disait à peu près le regretté Willkie, et qu’une erreur
87 rendre folle à tout jamais. b. Rougemont Denis de , « Paralysie des hommes d’État », Combat, Paris, 21 mai 1946, p. 1.
3 1946, Combat, articles (1946–1950). Tous démocrates (22 mai 1946)
88 e « un anarchiste catholique ». (Je le crois seul de son parti.) Il avait l’air un peu nerveux. Voici notre conversation :
89 crivez-vous aujourd’hui ? Lui. — Je fais le plan d’ une trilogie sur les trois grands régimes politiques de ce siècle. Je
90 trilogie sur les trois grands régimes politiques de ce siècle. Je vais les caractériser par leurs armes ou leurs méthodes
91 liquidation, évaporation ! (Il prononça ces mots d’ un ton rageur, qui me fit éclater de rire.) Moi. — Quel beau programm
92 me ! Avouez que nous sortons enfin des petitesses de l’ère bourgeoise, succédant aux ténèbres du Moyen Âge. Car ces trois
93 rnes correspondent à trois conceptions grandioses de la vie. La crémation, c’est la purification par le feu ! La liquidati
94 n atomique, eh bien, n’est-ce pas le symbole même de l’idéalisme : tout monte et s’épanouit vers le ciel ! Notez que, dans
95 dans ce siècle trois fois maudit. Je ne vois plus d’ espoir sérieux nulle part. La faillite morale est universelle, chez le
96 démocrates, dans le monde entier, exception faite de deux pays de langue espagnole, que nous appellerons secondaires. Et v
97 ans le monde entier, exception faite de deux pays de langue espagnole, que nous appellerons secondaires. Et voici mon espo
98 ouvoir, entre nous, discuter le contenu véritable de la démocratie, sans passer aussitôt pour des fascistes. Lui. — Autan
99 lus vieille démocratie du monde, et la traitaient de « fasciste », parce qu’elle répugne, entre autres, à la nationalisati
100 . Peut-être a-t-elle tort, mais on n’a pas manqué de répondre que cette mesure est précisément celle qui fut prise en prem
101 e tous sont devenus « démocrates », dans le monde de 1946, nous pouvons parler d’autre chose. Nous pouvons porter notre ef
102 tes », dans le monde de 1946, nous pouvons parler d’ autre chose. Nous pouvons porter notre effort, désormais, non plus sur
103 notre effort, désormais, non plus sur la défense d’ un mot, d’un terme vague que personne n’attaque, mais sur la définitio
104 ort, désormais, non plus sur la défense d’un mot, d’ un terme vague que personne n’attaque, mais sur la définition d’une ré
105 ue que personne n’attaque, mais sur la définition d’ une réalité que ce terme symbolise et parfois dissimule : qu’est-ce qu
106 ne signifiera rien du tout. Ou bien elle servira d’ excuse et de prétexte cousu de fil blanc ou de fil rouge aux politique
107 ra rien du tout. Ou bien elle servira d’excuse et de prétexte cousu de fil blanc ou de fil rouge aux politiques les plus c
108 u bien elle servira d’excuse et de prétexte cousu de fil blanc ou de fil rouge aux politiques les plus contradictoires, et
109 ira d’excuse et de prétexte cousu de fil blanc ou de fil rouge aux politiques les plus contradictoires, et parfois les plu
110 La liberté est certainement le problème numéro un de notre temps : car les problèmes se posent quand les choses s’en vont…
111 quand les choses s’en vont… c. Rougemont Denis de , « Tous démocrates », Combat, Paris, 22 mai 1946, p. 1.
4 1946, Combat, articles (1946–1950). Les cochons en uniforme ou le nouveau Déluge (23 mai 1946)
112 annoncer une expérience sensationnelle : au mois de mai ou de juillet, une ou deux bombes seraient jetées sur une flotte
113 une expérience sensationnelle : au mois de mai ou de juillet, une ou deux bombes seraient jetées sur une flotte de cent bâ
114 une ou deux bombes seraient jetées sur une flotte de cent bâtiments de guerre réunie dans la baie de Bikini, Pacifique. Pa
115 seraient jetées sur une flotte de cent bâtiments de guerre réunie dans la baie de Bikini, Pacifique. Parmi tous les détai
116 détails publiés par la presse sur les préparatifs de l’expérience, j’en retiens deux. 1° Une mission de savants américains
117 e l’expérience, j’en retiens deux. 1° Une mission de savants américains formée de quatorze biologistes, botanistes et océa
118 deux. 1° Une mission de savants américains formée de quatorze biologistes, botanistes et océanographes, et de deux commerç
119 orze biologistes, botanistes et océanographes, et de deux commerçants en poissons (mieux payés que les savants, dit-on) vi
120 on) vient de partir pour l’île de Bikini. L’objet de la mission est d’établir un relevé complet de tous les êtres vivants
121 r pour l’île de Bikini. L’objet de la mission est d’ établir un relevé complet de tous les êtres vivants sur l’île. C’est u
122 jet de la mission est d’établir un relevé complet de tous les êtres vivants sur l’île. C’est une mission fort analogue que
123 x seront filmés. 2° Au jour J, les cent bâtiments de la flotte de guerre réunis dans la baie de Bikini pour subir l’épreuv
124 és. 2° Au jour J, les cent bâtiments de la flotte de guerre réunis dans la baie de Bikini pour subir l’épreuve atomique au
125 s. Mais ces équipages seront entièrement composés d’ animaux. Deux-cents chèvres, deux-cents cochons et quatre-mille rats s
126 cochons et quatre-mille rats seront à leur poste de combat, sur les tourelles, dans les chambres de machines et sur les p
127 e de combat, sur les tourelles, dans les chambres de machines et sur les ponts. Et ceci encore nous ramène, irrésistibleme
128 ncore nous ramène, irrésistiblement, à la légende de l’arche de Noé. Une précision supplémentaire, à propos des cochons :
129 ramène, irrésistiblement, à la légende de l’arche de Noé. Une précision supplémentaire, à propos des cochons : l’on a rema
130 ue la peau des cochons est fort semblable à celle de l’homme. La sensibilité de l’une peut renseigner sur celle de l’autre
131 fort semblable à celle de l’homme. La sensibilité de l’une peut renseigner sur celle de l’autre. Aussi bien nos marins ou
132 La sensibilité de l’une peut renseigner sur celle de l’autre. Aussi bien nos marins ou capitaines cochons seront-ils revêt
133 ines cochons seront-ils revêtus, pour l’occasion, d’ uniformes réguliers de la marine, imprégnés d’une substance capable d’
134 s revêtus, pour l’occasion, d’uniformes réguliers de la marine, imprégnés d’une substance capable d’absorber les rayons ga
135 on, d’uniformes réguliers de la marine, imprégnés d’ une substance capable d’absorber les rayons gamma. Ceux-ci, comme vous
136 s de la marine, imprégnés d’une substance capable d’ absorber les rayons gamma. Ceux-ci, comme vous le savez, sont réputés
137 feu, et savent mourir. Quel que soit le résultat de l’opération, sur lequel nos savants se perdent en conjectures, j’en t
138 rté par des cochons, au sens le plus scientifique de ce terme. Quand je vous disais que la guerre est morte, la guerre des
139 es sont toutes violées sans exception par l’usage de la bombe atomique… J’avoue que je n’avais pas pensé à l’uniforme et a
140 c la flotte sacrifiée à Bikini, c’est le prestige de l’uniforme, symboliquement, qui va sombrer. Il vaut la peine de remar
141 symboliquement, qui va sombrer. Il vaut la peine de remarquer, enfin, que pas une voix ne s’est élevée, du côté des ferve
142 as une voix ne s’est élevée, du côté des fervents de l’Armée, pour protester contre une profanation si littéralement éclat
143 té opposé. C’est la Ligue protectrice des animaux d’ un des États de l’Est de l’Amérique qui a pris l’initiative d’un mouve
144 ts de l’Est de l’Amérique qui a pris l’initiative d’ un mouvement d’opinion contre les essais projetés. Cette Ligue demande
145 l’Amérique qui a pris l’initiative d’un mouvement d’ opinion contre les essais projetés. Cette Ligue demande qu’au lieu de
146 Cette Ligue demande qu’au lieu de sacrifier tant d’ innocentes victimes, et dans une posture si ridicule, on place sur les
147 qui se seront déclarés en faveur de l’expérience de Bikini. d. Rougemont Denis de, « Les cochons en uniforme ou le nou
148 de l’expérience de Bikini. d. Rougemont Denis de , « Les cochons en uniforme ou le nouveau Déluge », Combat, Paris, 23
5 1946, Combat, articles (1946–1950). Post-scriptum (24 mai 1946)
149 n’est pas dangereuse du tout. — Êtes-vous fou ? De quoi donc parliez-vous dans vos articles précédents ? Faut-il penser
150 quoi qu’en pensent quelques généraux. Je parlais de la fin du monde… — Et maintenant vous nous dites : aucun danger ! C’e
151 er ! C’est là sans doute votre manière paradoxale d’ avouer que vous exagériez. Savez-vous que beaucoup l’ont pensé, sans v
152 ous le dire ? Il est bien naturel que l’événement d’ Hiroshima nous ait jetés pour quelque temps dans un état d’esprit d’Ap
153 it jetés pour quelque temps dans un état d’esprit d’ Apocalypse. Mais dix mois ont passé, et rien ne se passe. Dieu soit lo
154 t, vous rappelez-vous ? Dans toutes les capitales d’ Europe, on voyait en 1939 les civils se promener avec leur boîte à mas
155 que personne, même pas Hitler, n’a eu le courage de commencer. À plus forte raison pour la Bombe… — Je ne trouve pas la r
156 dité subite l’ait arrêté, ou quelque amour tardif de notre humanité ? Simplement, il a fait son calcul. Les Alliés pouvaie
157 Alliés pouvaient riposter, et la valeur militaire de cette arme était loin de compenser, même à ses yeux, le risque moral
158 risque moral qu’il eût couru à l’employer. Le cas de la Bombe est différent. Je vous répète qu’elle supprimera la possibil
159 Je vous répète qu’elle supprimera la possibilité de riposter, c’est-à-dire jouera militairement le rôle d’une bataille dé
160 poster, c’est-à-dire jouera militairement le rôle d’ une bataille décisive. Elle supprimera donc les scrupules de l’agresse
161 ille décisive. Elle supprimera donc les scrupules de l’agresseur éventuel. Car nos scrupules naissent, en général, d’une r
162 éventuel. Car nos scrupules naissent, en général, d’ une rapide évaluation des conséquences fâcheuses, pour nous-mêmes, de
163 tion des conséquences fâcheuses, pour nous-mêmes, de nos actes. Si l’emploi de la Bombe est décisif, il n’y a pas de punit
164 euses, pour nous-mêmes, de nos actes. Si l’emploi de la Bombe est décisif, il n’y a pas de punition à redouter. Il est don
165 Si l’emploi de la Bombe est décisif, il n’y a pas de punition à redouter. Il est donc clair qu’on l’emploiera, au risque d
166 enir ! Comme si elle était tombée du ciel, animée de mauvaises intentions ! C’est d’un comique démesuré. Le contrôle de la
167 e du ciel, animée de mauvaises intentions ! C’est d’ un comique démesuré. Le contrôle de la Bombe, que l’on discute à longu
168 ntions ! C’est d’un comique démesuré. Le contrôle de la Bombe, que l’on discute à longueur de colonne, dans toute la press
169 contrôle de la Bombe, que l’on discute à longueur de colonne, dans toute la presse, est la plus belle absurdité de l’Histo
170 dans toute la presse, est la plus belle absurdité de l’Histoire. Comprenez-vous bien de quoi l’on parle ? Contrôler cet ob
171 elle absurdité de l’Histoire. Comprenez-vous bien de quoi l’on parle ? Contrôler cet objet inerte ? C’est comme si tout d’
172 Contrôler cet objet inerte ? C’est comme si tout d’ un coup l’on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser l
173 oup l’on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’ aller casser les vases de Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, ell
174 e chaise pour l’empêcher d’aller casser les vases de Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est cla
175 te dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’ histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. — Ah ! ça
176 ’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. — Ah ! ça, c’est une autre question. — C’est la question de
177 ça, c’est une autre question. — C’est la question de l’Autre. C’est la seule. On ne peut plus l’éviter depuis que la Bombe
178 nous oblige à y faire face. e. Rougemont Denis de , « Post-scriptum », Combat, Paris, 24 mai 1946, p. 1.
6 1946, Combat, articles (1946–1950). Bikini bluff (2 juillet 1946)
179 cochons. Peut-être les prières dites en l’église de Carliste, en Angleterre, « pour les animaux sacrifiés » et « pour all
180 n’ont-elles point été sans effet. Ce qu’on sait, de source officielle, c’est que l’amiral Blandy se déclare satisfait. « 
181 rances. Nous comptons en tirer des renseignements d’ une valeur inestimable. » On ne saurait mieux dire, étant un amiral. O
182 e des amiraux du monde entier, qui est, en somme, de rester des amiraux. Et sa valeur ne saurait être exagérée, encore qu’
183 l’on connaît le budget prévu pour le Département de la Marine américaine. Depuis des mois, de nombreux organes de la gran
184 rtement de la Marine américaine. Depuis des mois, de nombreux organes de la grande presse américaine mettaient en garde le
185 américaine. Depuis des mois, de nombreux organes de la grande presse américaine mettaient en garde leurs lecteurs contre
186 nt en garde leurs lecteurs contre les expériences de Bikini. Tout cela n’était, nous disaient-ils, qu’un complot pseudo-sc
187 et porte-avions. Le grand danger, le vrai danger de l’expérience, c’était qu’elle ratât, conformément aux prévisions des
188 ette campagne ait été orchestrée par les services de l’Armée de Terre, pendant le débat qui opposait cette dernière à la M
189 ne ait été orchestrée par les services de l’Armée de Terre, pendant le débat qui opposait cette dernière à la Marine, sur
190 rieux se sont tous rangés du côté des adversaires de l’expérience. Trois jours avant le lancement de la bombe, on annonçai
191 s de l’expérience. Trois jours avant le lancement de la bombe, on annonçait la démission du fameux Dr Oppenheimer, qui fut
192 le ouvrière des expériences du Nouveau-Mexique et de l’ensemble du « Projet Manhattan ». Le Dr Oppenheimer n’a rien voulu
193 hattan ». Le Dr Oppenheimer n’a rien voulu savoir de cette futile grillade de cochons vifs, organisée par les services pub
194 er n’a rien voulu savoir de cette futile grillade de cochons vifs, organisée par les services publicitaires de la Marine.
195 ns vifs, organisée par les services publicitaires de la Marine. Qu’on se rappelle, à ce sujet, les déclarations faites à l
196 ier. « La bombe ne fait que décupler l’importance de l’armée de terre », disait devant le Sénat le général Marshall. « Je
197 ombe ne fait que décupler l’importance de l’armée de terre », disait devant le Sénat le général Marshall. « Je vous abando
198 it. Sur quoi le général Arnold, après des phrases de condoléances sur les fantassins et les marins, suggérait que l’aviati
199 dire des catastrophes continentales, pour le jour de la grande expérience d’une explosion atomique sous-marine. Ils jugent
200 ntinentales, pour le jour de la grande expérience d’ une explosion atomique sous-marine. Ils jugent la bombe du type Nagasa
201 la bombe restent intacts, autant que les palmiers de Bikini. Et si les amiraux sont rassurés, conformément à tous les plan
202 ils ont tirés, l’humanité en général n’a pas lieu de se réjouir trop bruyamment de la survie des deux-cents cochons en uni
203 énéral n’a pas lieu de se réjouir trop bruyamment de la survie des deux-cents cochons en uniformes. Les habitants d’Hirosh
204 es deux-cents cochons en uniformes. Les habitants d’ Hiroshima n’ont pas tenu le coup tout à fait aussi bien, comme le révè
205 iciels publiés la semaine dernière. Les habitants de Londres, de New York, de Leningrad et de Paris ne seront point protég
206 és la semaine dernière. Les habitants de Londres, de New York, de Leningrad et de Paris ne seront point protégés aussi mét
207 dernière. Les habitants de Londres, de New York, de Leningrad et de Paris ne seront point protégés aussi méthodiquement q
208 abitants de Londres, de New York, de Leningrad et de Paris ne seront point protégés aussi méthodiquement que le budget de
209 point protégés aussi méthodiquement que le budget de la Marine américaine. Et le faux soulagement produit par le grand « f
210 le faux soulagement produit par le grand « four » de Bikini ne peut qu’augmenter le danger. La seule défense contre la bom
211 la bombe reste le gouvernement mondial, seul armé de la bombe pour assurer la police parmi les États. Et le seul moyen d’a
212 surer la police parmi les États. Et le seul moyen d’ accélérer l’instauration d’un tel gouvernement — qui pourrait être l’O
213 tats. Et le seul moyen d’accélérer l’instauration d’ un tel gouvernement — qui pourrait être l’ONU si elle existait autreme
214 e l’ONU si elle existait autrement que sous forme d’ initiales — c’est d’augmenter parmi les peuples le sentiment de leur i
215 tait autrement que sous forme d’initiales — c’est d’ augmenter parmi les peuples le sentiment de leur interdépendance. Quan
216 c’est d’augmenter parmi les peuples le sentiment de leur interdépendance. Quand nous aurons compris que toute guerre, auj
217  à lui-même », les premières bases psychologiques d’ une paix réelle seront posées. f. Rougemont Denis de, « Bikini bluf
218 paix réelle seront posées. f. Rougemont Denis de , « Bikini bluff », Combat, Paris, 2 juillet 1946, p. 1 et 3. g. Text
7 1946, Combat, articles (1946–1950). Les intellectuels sont-ils responsables ? (5 juillet 1946)
219 Chose étrange, le 6 février 1934 fut une date de l’histoire littéraire : elle inaugura le temps des moutons enragés. F
220 e inaugura le temps des moutons enragés. Fatigués de leur innocence, voyant que l’herbe se faisait rare sous leurs pieds e
221 it rare sous leurs pieds et qu’ils n’avaient plus de berger, aux éclairs de chaleur d’une révolution encore lointaine, ils
222 s et qu’ils n’avaient plus de berger, aux éclairs de chaleur d’une révolution encore lointaine, ils se sont jetés dans le
223 n’avaient plus de berger, aux éclairs de chaleur d’ une révolution encore lointaine, ils se sont jetés dans le premier par
224 nu, à gauche ou à droite, et depuis lors y bêlent d’ une voix aigre et anxieuse, tout en signant une quantité de manifestes
225 x aigre et anxieuse, tout en signant une quantité de manifestes. Ils ont signé pour le négus et contre lui ; pour le chef
226 s deux mains, des quatre pattes, les yeux fermés, d’ une croix, d’une faucille et d’un marteau, ou avec plus ou moins de ré
227 des quatre pattes, les yeux fermés, d’une croix, d’ une faucille et d’un marteau, ou avec plus ou moins de réticences ; d’
228 , les yeux fermés, d’une croix, d’une faucille et d’ un marteau, ou avec plus ou moins de réticences ; d’un nom connu, d’un
229 e faucille et d’un marteau, ou avec plus ou moins de réticences ; d’un nom connu, d’un nom à faire connaître… Bref, il n’e
230 un marteau, ou avec plus ou moins de réticences ; d’ un nom connu, d’un nom à faire connaître… Bref, il n’est pas un acte c
231 vec plus ou moins de réticences ; d’un nom connu, d’ un nom à faire connaître… Bref, il n’est pas un acte commis dans le mo
232 vivre en marge de tous les conflits et refusaient d’ être considérés comme des citoyens responsables, ils étaient au moins
233 étaient au moins en accord avec l’esprit général de l’époque : intelligence d’un côté, action de l’autre, et surtout ne m
234 avec l’esprit général de l’époque : intelligence d’ un côté, action de l’autre, et surtout ne mélangeons rien. Tributaires
235 éral de l’époque : intelligence d’un côté, action de l’autre, et surtout ne mélangeons rien. Tributaires d’une culture don
236 autre, et surtout ne mélangeons rien. Tributaires d’ une culture dont l’ambition suprême était de se « distinguer » des con
237 aires d’une culture dont l’ambition suprême était de se « distinguer » des contingences, ils étaient au moins purs dans le
238 ent au moins purs dans leur erreur. Les modalités de leur retrait ne contredisaient nullement les postulats fondamentaux d
239 ntredisaient nullement les postulats fondamentaux de leur métaphysique inconsciente. Et leur style traduisait fidèlement l
240 . Et leur style traduisait fidèlement les nuances d’ une pensée détachée, irresponsable par définition. Il n’y a pas que du
241 héritées du libéralisme conduisaient à ce régime de faillite qu’on nomme l’État totalitaire. Nous avons constaté que rien
242 lité gratuit. Que tout se paye. Que notre liberté de penser n’importe quoi, sans tenir compte de l’époque, était une illus
243 berté de penser n’importe quoi, sans tenir compte de l’époque, était une illusion entretenue par l’apparente paix sociale,
244 l’esprit ne laissaient même plus une possibilité de concordat. Déjà les dictatures réglaient les comptes. « Lorsque j’ent
245 réglaient les comptes. « Lorsque j’entends parler d’ esprit, je désarme mon revolver », disait un officier nazi. Les stalin
246 s faisaient de même en présence du libéralisme et de la culture « désintéressée ». C’est alors qu’on lança parmi nous le m
247 qu’on lança parmi nous le mot d’ordre : « Défense de la culture ». Toute la confusion vient de là. Car la culture qu’on n
248 on vient de là. Car la culture qu’on nous propose de défendre, c’est elle, précisément, qui est responsable de la brutalit
249 dre, c’est elle, précisément, qui est responsable de la brutalité totalitaire. On nous propose donc de défendre une maladi
250 de la brutalité totalitaire. On nous propose donc de défendre une maladie contre la mort, à quoi elle mène nécessairement.
251 aire une santé. Au lieu de nous proposer une cure de désintoxication énergique. Au lieu de rechercher les moyens de penser
252 ation énergique. Au lieu de rechercher les moyens de penser dans le réel et l’actuel, et de surmonter enfin ce vice qu’est
253 les moyens de penser dans le réel et l’actuel, et de surmonter enfin ce vice qu’est la distinction libérale entre la pensé
254 action. Au lieu de préciser, par exemple, le sens de ce mot d’engagement dont tout le monde abuse aujourd’hui. ⁂ Pour qu’u
255 lieu de préciser, par exemple, le sens de ce mot d’ engagement dont tout le monde abuse aujourd’hui. ⁂ Pour qu’une pensée
256 le ignore ou répudie la loi interne : la tactique d’ un parti par exemple. Ce n’est pas dans l’utilisation accidentelle et
257 pas dans l’utilisation accidentelle et partisane d’ une pensée que réside son engagement. C’est, au contraire, dans sa dém
258 ier, dans sa prise sur le réel et dans sa volonté de le transformer, donc finalement de le dominer. S’engager, ce n’est pa
259 ans sa volonté de le transformer, donc finalement de le dominer. S’engager, ce n’est pas se mettre en location. Ce n’est p
260 pas signer ici plutôt que là. Ce n’est pas passer de l’esclavage d’une mode à celui d’une tactique politique. Ce n’est pas
261 plutôt que là. Ce n’est pas passer de l’esclavage d’ une mode à celui d’une tactique politique. Ce n’est pas du tout deveni
262 ’est pas passer de l’esclavage d’une mode à celui d’ une tactique politique. Ce n’est pas du tout devenir esclave d’une doc
263 e politique. Ce n’est pas du tout devenir esclave d’ une doctrine, mais au contraire, c’est se libérer et assumer les risqu
264 ontraire, c’est se libérer et assumer les risques de sa liberté. Il peut sembler paradoxal de soutenir que l’engagement d’
265 risques de sa liberté. Il peut sembler paradoxal de soutenir que l’engagement d’une pensée suppose sa libération. En véri
266 ut sembler paradoxal de soutenir que l’engagement d’ une pensée suppose sa libération. En vérité, c’est le libéralisme qui
267 t être qu’un esclavage. La liberté réelle n’a pas de pires ennemis que les libéraux ; sinon en intention, du moins en fait
268 bien à définir le sens que nous donnons à ce mot d’ engagement. ⁂ Je l’ai dit ailleurs : un gant qui se retourne ne devien
269 gissante. Un libéral qui se soumet aux directives d’ un parti ne devient pas pour si peu un penseur engagé. Et il ne faudra
270 ces trahisons insignes ridiculisent toute espèce d’ engagement. Une pensée qui, par sa nature et son mouvement originel, e
271 nsable du seul fait qu’elle se met « au service » d’ une doctrine de lutte politique. Faire la révolution, cela demande un
272 fait qu’elle se met « au service » d’une doctrine de lutte politique. Faire la révolution, cela demande un effort un peu p
273 ion, cela demande un effort un peu plus grand, et d’ une autre nature, que l’effort de signer un manifeste ou de s’inscrire
274 u plus grand, et d’une autre nature, que l’effort de signer un manifeste ou de s’inscrire dans les rangs d’une ligue. On r
275 re nature, que l’effort de signer un manifeste ou de s’inscrire dans les rangs d’une ligue. On rougit de rappeler de tels
276 gner un manifeste ou de s’inscrire dans les rangs d’ une ligue. On rougit de rappeler de tels truismes. Mais on y est bien
277 s’inscrire dans les rangs d’une ligue. On rougit de rappeler de tels truismes. Mais on y est bien forcé par le spectacle
278 dans les rangs d’une ligue. On rougit de rappeler de tels truismes. Mais on y est bien forcé par le spectacle de l’intelli
279 uismes. Mais on y est bien forcé par le spectacle de l’intelligentsia française. Précisons donc encore : la première tâche
280 tellectuels qui ont compris le péril totalitaire ( de droite ou de gauche) ce n’est pas « d’adhérer » à quelque antifascism
281 ui ont compris le péril totalitaire (de droite ou de gauche) ce n’est pas « d’adhérer » à quelque antifascisme, mais de s’
282 talitaire (de droite ou de gauche) ce n’est pas «  d’ adhérer » à quelque antifascisme, mais de s’attaquer à la forme de pen
283 st pas « d’adhérer » à quelque antifascisme, mais de s’attaquer à la forme de pensée d’où vont nécessairement sortir le fa
284 elque antifascisme, mais de s’attaquer à la forme de pensée d’où vont nécessairement sortir le fascisme et le stalinisme.
285 fascisme, mais de s’attaquer à la forme de pensée d’ où vont nécessairement sortir le fascisme et le stalinisme. Et c’est l
286 ibérale. Voyez donc comme nos libéraux se mettent d’ eux-mêmes en rangs et marquent le pas dès qu’une menace se précise con
287 es ! Le réflexe du libéral devant le péril, c’est de faire un fascisme. Fût-ce même pour se défendre du fascisme. Et peut-
288 me. Et peut-être surtout dans ce cas ! La panique de « l’union sacrée » qui vient de souffler sur notre élite en est l’ahu
289 t l’ahurissant exemple. Du moins a-t-elle eu cela de bon : les écrivains qui ont décidé tout récemment de renoncer à l’usa
290 bon : les écrivains qui ont décidé tout récemment de renoncer à l’usage de leur pensée devant la menace hitlérienne (voir
291 i ont décidé tout récemment de renoncer à l’usage de leur pensée devant la menace hitlérienne (voir le manifeste de Ce Soi
292 e devant la menace hitlérienne (voir le manifeste de Ce Soir) ont exprimé en toute clarté qu’ils étaient de vrais libéraux
293 Soir) ont exprimé en toute clarté qu’ils étaient de vrais libéraux, irresponsables nés2, égarés pour un temps dans les vo
294 nsables nés2, égarés pour un temps dans les voies de « l’engagement » politique, et faisant amende honorable. Ils étaient
295 faisant amende honorable. Ils étaient en rupture de bercail. Maintenant, tout est rentré dans l’ordre, les moutons se son
296 e des philosophes libéraux — fût partiale, pleine de partis pris, et même politique ! 2. Je fais exception pour deux ou t
297 dance qui est significative. h. Rougemont Denis de , « Les intellectuels sont-ils responsables ? », Combat, Paris, 5 juil
298 . 1. i. Précédé du chapeau suivant : « La notion de l’“engagement” politique connaît depuis quelques mois une extrême fav
299 ur dans les milieux intellectuels et littéraires. De fait, si cette volonté d’engagement s’exprime souvent par des attitud
300 ectuels et littéraires. De fait, si cette volonté d’ engagement s’exprime souvent par des attitudes assez confuses, il est
301 . Aussi avons-nous pensé qu’il serait intéressant de demander à un certain nombre d’écrivains leur opinion sur un problème
302 erait intéressant de demander à un certain nombre d’ écrivains leur opinion sur un problème qui met en cause, non seulement
303 eur rôle dans la société, mais aussi leur manière de s’exprimer. Denis de Rougemont, qui fut un des premiers à soutenir l’
304 envoie l’article suivant, dont il est intéressant de souligner qu’il fut écrit et publié dans une revue en 1938, sous le t
305 ié dans une revue en 1938, sous le titre : « Trop d’ irresponsables s’engagent ».
8 1947, Combat, articles (1946–1950). « La tâche française c’est d’inventer la paix » (26 décembre 1947)
306 « La tâche française c’est d’ inventer la paix » (26 décembre 1947)j k Denis de Rougemont me reço
307 réable maison qu’il occupe à la sortie du village de Ferney, désormais et pour toujours, prénommé Voltaire. Il me semble q
308 ltaire. Il me semble que mon hôte n’est pas fâché d’ habiter sous cette ombre. Il y a quelque chose de voltairien chez lui 
309 d’habiter sous cette ombre. Il y a quelque chose de voltairien chez lui : cette aisance dans l’épigramme, ce ton persifle
310 l Barth, venu conquérir Paris voici une quinzaine d’ années et que des ouvrages brillants et profonds comme Penser avec le
311 irent bien vite au premier rang, est le contraire d’ un amuseur. Pendant la guerre, il a mené le bon combat à l’émission « 
312 e, il a mené le bon combat à l’émission « La voix de l’Amérique », tandis que ses livres et en particulier son Journal d’A
313 ndis que ses livres et en particulier son Journal d’ Allemagne, étaient mis au pilon par les nazis. Mais, bientôt après, éc
314 les nazis. Mais, bientôt après, éclatait la bombe d’ Hiroshima et de Rougemont écrivait aussitôt ses étincelantes Lettres
315 se à cela tandis que notre entretien prend, comme de lui-même, le tour que je désirais lui imprimer. » C’est l’homme qui f
316 qui aboutissent à la bombe ou à la paix. Il n’y a de fatalité que lorsque l’homme démissionne. Et c’est ce qui est grave e
317 la France ne fait rien et se perd dans une sorte d’ amer byzantinisme. Dans ces conditions, êtes-vous tenté de regarder ai
318 yzantinisme. Dans ces conditions, êtes-vous tenté de regarder ailleurs ? La France « en attente » Ne vous y trompez p
319 Le monde entier, comme nous-mêmes, attend encore de la France une initiative de salut. Sans doute, cette initiative ne sa
320 -mêmes, attend encore de la France une initiative de salut. Sans doute, cette initiative ne saurait être politique : la Fr
321 être politique : la France n’est plus à la taille de ces géants qui s’affrontent. Elle est pauvre aussi et le monde actuel
322 n parti communiste. Elle donne ainsi l’impression d’ être sous une double dépendance. Ce n’est donc pas de ses dirigeants q
323 tre sous une double dépendance. Ce n’est donc pas de ses dirigeants que nous attendons quoi que ce soit. Mais l’initiative
324 . Cette initiative-là, on la perd dès qu’on cesse de la prendre. Ce rôle est donc vacant, et seule la France pourra le ten
325 sé. Mais la France est « en attente ». En attente de quoi ? Du conflit qui « devient » fatal si on ne fait que l’attendre.
326 Mais ne pensez-vous pas alors que la vocation de la France est clairement circonscrite par la situation dans laquelle
327 convaincu. La tâche française — encore une fois, de l’« intelligence » française — c’est dans ces circonstances historiqu
328 constances historiques que nous venons de dire, «  d’ inventer » la paix. Si elle ne le fait pas, personne ne le fera à sa p
329 ait comme si elle n’avait rien fait. Il n’y a pas d’ autarcie de la paix. « Penser français » comme le voulait Barrès, c’es
330 i elle n’avait rien fait. Il n’y a pas d’autarcie de la paix. « Penser français » comme le voulait Barrès, c’est non seule
331 me je le souhaite, trouve immédiatement son champ d’ action. Je n’en vois qu’un mais il est immense et à sa portée : l’Euro
332 garçons, nous sommes aussi forts et aussi riches de possibilités qu’aucun des « colosses » du monde. Mais il faut que nou
333 me actif » Cette Europe unie, sous l’impulsion d’ une nation, n’est-ce pas le rêve de Napoléon ou de Hitler ? Bien enten
334 us l’impulsion d’une nation, n’est-ce pas le rêve de Napoléon ou de Hitler ? Bien entendu. Aussi n’est-il pas question « d
335 d’une nation, n’est-ce pas le rêve de Napoléon ou de Hitler ? Bien entendu. Aussi n’est-il pas question « d’unifier » l’Eu
336 ler ? Bien entendu. Aussi n’est-il pas question «  d’ unifier » l’Europe mais de « l’unir ». Seul, le fédéralisme est capabl
337 n’est-il pas question « d’unifier » l’Europe mais de « l’unir ». Seul, le fédéralisme est capable de réaliser cette unité
338 s de « l’unir ». Seul, le fédéralisme est capable de réaliser cette unité dans la diversité et c’est pourquoi je suis réso
339 ésolument fédéraliste. Il est évident que le rôle de la France ne sera pas celui d’un conquérant. Le voudrait-elle qu’elle
340 vident que le rôle de la France ne sera pas celui d’ un conquérant. Le voudrait-elle qu’elle n’en a pas les moyens. Ce n’es
341 pas les moyens. Ce n’est pas une « francisation » de l’Europe qu’il s’agit de réaliser, mais que la France devienne et soi
342 pas une « francisation » de l’Europe qu’il s’agit de réaliser, mais que la France devienne et soit la conscience d’une Eur
343 mais que la France devienne et soit la conscience d’ une Europe à naître. Voyez ce qui se passe en Suisse : nous autres rom
344 autres romands, nous y sommes dans la proportion d’ un tiers contre deux tiers, et pourtant notre minorité y est particuli
345 fédéraliste. Le fédéralisme n’est pas un système de la quantité, mais de la qualité. Et croyez-vous cette Europe possible
346 ralisme n’est pas un système de la quantité, mais de la qualité. Et croyez-vous cette Europe possible ? Parfaitement. Les
347 ricains ne demandent pas mieux : pour des raisons d’ intérêt, sans doute, mais dont nous devons profiter. Quant aux Russes,
348 ttitude ombrageuse, eh bien ! nous nous passerons de leur consentement. C’est bien dommage, mais nous n’allons quand même
349 ais nous n’allons quand même pas attendre le visa de qui que ce soit pour nous décider à agir. Je crois que l’Europe se fe
350 Je ne me fais aucune illusion. Il n’y aura jamais d’ âge d’or. Je demande simplement un monde où les vrais problèmes soient
351 me fais aucune illusion. Il n’y aura jamais d’âge d’ or. Je demande simplement un monde où les vrais problèmes soient discu
352 où l’on puisse « vivre ». j. Rougemont Denis de , « [Entretien] La tâche française c’est d’inventer la paix », Combat,
353 Denis de, « [Entretien] La tâche française c’est d’ inventer la paix », Combat, Paris, 26 décembre 1947, p. 1-2. k. Propo
9 1948, Combat, articles (1946–1950). Message aux Européens (14 mai 1948)
354 nace vient de ses divisions. Appauvrie, encombrée de barrières qui empêchent ses biens de circuler, mais qui ne sauraient
355 e, encombrée de barrières qui empêchent ses biens de circuler, mais qui ne sauraient plus la protéger, notre Europe désuni
356 éger, notre Europe désunie marche à sa fin. Aucun de nos pays ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse de son indép
357 s ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse de son indépendance. Aucun de nos pays ne peut résoudre, seul, les probl
358 à une défense sérieuse de son indépendance. Aucun de nos pays ne peut résoudre, seul, les problèmes que lui pose l’économi
359 oblèmes que lui pose l’économie moderne. À défaut d’ une union librement consentie, notre anarchie présente nous exposera d
360 n à l’unification forcée, soit par l’intervention d’ un empire du dehors, soit par l’usurpation d’un parti du dedans. L’heu
361 tion d’un empire du dehors, soit par l’usurpation d’ un parti du dedans. L’heure est venue d’entreprendre une action qui so
362 surpation d’un parti du dedans. L’heure est venue d’ entreprendre une action qui soit à la mesure du danger. Tous ensemble,
363 le, demain, nous pouvons édifier avec les peuples d’ outre-mer associés à nos destinées, la plus grande formation politique
364 on politique et le plus vaste ensemble économique de notre temps. Jamais l’histoire du monde n’aura connu un si puissant r
365 u monde n’aura connu un si puissant rassemblement d’ hommes libres. Jamais la guerre, la peur, et la misère n’auront été mi
366 grand péril et cette grande espérance la vocation de l’Europe se définit clairement. Elle est d’unir ses peuples selon leu
367 ation de l’Europe se définit clairement. Elle est d’ unir ses peuples selon leur vrai génie, qui est celui de la diversité,
368 ses peuples selon leur vrai génie, qui est celui de la diversité, et dans les conditions du xxe siècle, qui sont celles
369 ns les conditions du xxe siècle, qui sont celles de la communauté, afin d’ouvrir au monde la voie qu’il cherche, la voie
370 herche, la voie des libertés organisées. Elle est de ranimer ses pouvoirs d’invention pour la défense et pour l’illustrati
371 rtés organisées. Elle est de ranimer ses pouvoirs d’ invention pour la défense et pour l’illustration des droits et des dev
372 et pour l’illustration des droits et des devoirs de la personne humaine, dont, malgré toutes ses infidélités, l’Europe de
373 eux du monde le grand témoin. La conquête suprême de l’Europe s’appelle la dignité de l’homme, et sa vraie force est dans
374 conquête suprême de l’Europe s’appelle la dignité de l’homme, et sa vraie force est dans la liberté. Tel est l’enjeu final
375 force est dans la liberté. Tel est l’enjeu final de notre lutte. C’est pour sauver nos libertés acquises, mais aussi pour
376 éfice à tous les hommes, que nous voulons l’union de notre continent. Sur cette union l’Europe joue son destin et celui de
377 Sur cette union l’Europe joue son destin et celui de la paix du monde. Soit donc notoire à tous que nous, Européens, rasse
378 assemblés pour donner une voix à tous les peuples de ce continent, déclarons solennellement notre commune volonté dans les
379 des droits de l’homme, garantissant les libertés de pensée, de réunion et d’expression, ainsi que le libre exercice d’une
380 de l’homme, garantissant les libertés de pensée, de réunion et d’expression, ainsi que le libre exercice d’une opposition
381 arantissant les libertés de pensée, de réunion et d’ expression, ainsi que le libre exercice d’une opposition politique. 3°
382 nion et d’expression, ainsi que le libre exercice d’ une opposition politique. 3° Nous voulons une Cour de justice capable
383 ne opposition politique. 3° Nous voulons une Cour de justice capable d’appliquer les sanctions nécessaires pour que soit r
384 ique. 3° Nous voulons une Cour de justice capable d’ appliquer les sanctions nécessaires pour que soit respectée la Charte.
385 ropéenne, où soient représentées les forces vives de toutes nos nations. 5° Et nous prenons de bonne foi l’engagement d’ap
386 s vives de toutes nos nations. 5° Et nous prenons de bonne foi l’engagement d’appuyer de tous nos efforts, dans nos foyers
387 ons. 5° Et nous prenons de bonne foi l’engagement d’ appuyer de tous nos efforts, dans nos foyers et en public, dans nos pa
388 nous prenons de bonne foi l’engagement d’appuyer de tous nos efforts, dans nos foyers et en public, dans nos partis, dans
389 t les gouvernements qui travaillent à cette œuvre de salut public, suprême chance de la paix et gage d’un grand avenir, po
390 ent à cette œuvre de salut public, suprême chance de la paix et gage d’un grand avenir, pour cette génération et celles qu
391 e salut public, suprême chance de la paix et gage d’ un grand avenir, pour cette génération et celles qui la suivront. l.
392 et celles qui la suivront. l. Rougemont Denis de , « Message aux Européens », Combat, Paris, 14 mai 1948, p. 1. m. Pré
393 ant au nom de tous les congressistes, à la séance de clôture du congrès de La Haye. Il donne la note la plus juste sur l’a
394 congressistes, à la séance de clôture du congrès de La Haye. Il donne la note la plus juste sur l’atmosphère de ses débat
395 . Il donne la note la plus juste sur l’atmosphère de ses débats et résume clairement ses volontés. Nous pensons qu’il ne l
10 1950, Combat, articles (1946–1950). Messieurs, n’oubliez pas l’exemple de la Suisse (3 octobre 1950)
396 Messieurs, n’oubliez pas l’exemple de la Suisse (3 octobre 1950)n o Messieurs les députés européens, Vou
397 pour faire l’Europe, et nous pour faire semblant de la faire. Faire l’Europe signifie la fédérer, ou bien ne signifie pas
398 ’avoir vue et s’en va répétant qu’il a fallu plus de cinq-cents ans pour sceller son union fédérale. Tout le monde se trom
399 r fédérer vingt-cinq États souverains Au début de 1848, la Confédération n’était qu’un pacte d’alliance entre vingt-cin
400 but de 1848, la Confédération n’était qu’un pacte d’ alliance entre vingt-cinq États absolument souverains. Point de citoye
401 tre vingt-cinq États absolument souverains. Point de citoyenneté suisse, point de liberté d’établissement ou d’échange com
402 nt souverains. Point de citoyenneté suisse, point de liberté d’établissement ou d’échange commercial entre cantons, point
403 ns. Point de citoyenneté suisse, point de liberté d’ établissement ou d’échange commercial entre cantons, point de représen
404 nneté suisse, point de liberté d’établissement ou d’ échange commercial entre cantons, point de représentation des peuples.
405 ment ou d’échange commercial entre cantons, point de représentation des peuples. Un seul organe commun, la Diète, sorte de
406 s peuples. Un seul organe commun, la Diète, sorte de Comité des ministres, composé de plénipotentiaires agissant au nom de
407 la Diète, sorte de Comité des ministres, composé de plénipotentiaires agissant au nom des États et prenant leurs rares dé
408 là, trait pour trait, un état comparable à celui de notre Europe, sauf pour le péril extérieur, qui n’était rien au regar
409 au regard de celui que nous courons ? Une partie de l’opinion réclamait une autorité fédérale, dotée de pouvoirs limités
410 l’opinion réclamait une autorité fédérale, dotée de pouvoirs limités mais réels. Rien d’autre, en vérité, ne pouvait assu
411 érale, dotée de pouvoirs limités mais réels. Rien d’ autre, en vérité, ne pouvait assurer l’indépendance du pays. Mais la D
412 tine rétorquait, chiffres en main, que la liberté d’ échanges ne manquerait pas de causer quelques dommages locaux. C’était
413 main, que la liberté d’échanges ne manquerait pas de causer quelques dommages locaux. C’était répondre aux utopistes qui p
414 x. C’était répondre aux utopistes qui proposaient d’ éteindre l’incendie, que l’eau peut abîmer les meubles. Il y eut une g
415 impuissance du pacte. Il y eut un long branle-bas de sociétés, de mouvements, de projets, de discours et de vœux. À la fav
416 u pacte. Il y eut un long branle-bas de sociétés, de mouvements, de projets, de discours et de vœux. À la faveur de cette
417 ut un long branle-bas de sociétés, de mouvements, de projets, de discours et de vœux. À la faveur de cette agitation, un p
418 ranle-bas de sociétés, de mouvements, de projets, de discours et de vœux. À la faveur de cette agitation, un petit groupe
419 ciétés, de mouvements, de projets, de discours et de vœux. À la faveur de cette agitation, un petit groupe de jeunes chefs
420 , de projets, de discours et de vœux. À la faveur de cette agitation, un petit groupe de jeunes chefs enthousiastes fit ad
421 . À la faveur de cette agitation, un petit groupe de jeunes chefs enthousiastes fit adopter par la Diète le principe d’une
422 nthousiastes fit adopter par la Diète le principe d’ une révision profonde du pacte. En 1847, notons-le, rien ne semblait «
423 année suivante. Le 17 février 1848, la Commission de révision — nommée par la Diète dans son sein et au-dehors — se réunit
424 rs — se réunit pour la première fois. Elle décide de siéger à huis clos cinq fois par semaine. Le 8 avril, elle termine se
425 rojet, qu’elle adopte le 27 juin. Pendant le mois d’ août le peuple vote dans les cantons. Le 12 septembre, la Diète procla
426 acceptée par près de deux tiers des États et plus de deux tiers des citoyens votants. Le 16 novembre, le premier Conseil f
427 temporaines. Mais il n’est pas exact que l’Europe d’ aujourd’hui soit plus grande que la Suisse d’alors : vous êtes venus d
428 rope d’aujourd’hui soit plus grande que la Suisse d’ alors : vous êtes venus de Stockholm à Strasbourg — ou de Rome, ou mêm
429  : vous êtes venus de Stockholm à Strasbourg — ou de Rome, ou même d’Ankara — en moins de temps qu’il n’en fallait, il y a
430 s de Stockholm à Strasbourg — ou de Rome, ou même d’ Ankara — en moins de temps qu’il n’en fallait, il y a cent ans, pour a
431 asbourg — ou de Rome, ou même d’Ankara — en moins de temps qu’il n’en fallait, il y a cent ans, pour aller de Genève ou de
432 s qu’il n’en fallait, il y a cent ans, pour aller de Genève ou des Grisons à Berne. Pour la guerre entre vos pays, les deu
433 fisent. Vos nations vivent ensemble depuis autant de siècles, et souvent davantage, que nos cantons. Leurs sorts ne sont p
434 ez l’Europe dans l’ensemble du monde. Vos cordons de douanes ne sont pas plus nombreux, ni moins strangulatoires, que ne l
435 économies ne sont pas plus disparates que celles de Zurich, par exemple, et de ses petits voisins paysans. Les sombres pr
436 disparates que celles de Zurich, par exemple, et de ses petits voisins paysans. Les sombres prévisions des réalistes quan
437 sombres prévisions des réalistes quant aux effets d’ une union « trop rapide » remplissaient nos journaux, il y a cent-troi
438 le non plus qui ne reparaisse dans la bouche même de ceux qui affirment que nos réalités sont tellement différentes… Certe
439 paraison n’est pas raison, mais quand les raisons de ne rien faire restent les mêmes quoi qu’il arrive, c’est qu’elles tra
440 ive, c’est qu’elles traduisent une certaine forme d’ esprit, une cécité partielle devant les leçons de l’Histoire, que j’ai
441 d’esprit, une cécité partielle devant les leçons de l’Histoire, que j’ai plus d’une raison de nommer le daltonisme politi
442 le devant les leçons de l’Histoire, que j’ai plus d’ une raison de nommer le daltonisme politique. Messieurs les députés, n
443 leçons de l’Histoire, que j’ai plus d’une raison de nommer le daltonisme politique. Messieurs les députés, n’oubliez pas
444 ratique. C’est assez pour que j’ose vous supplier d’ y réfléchir quelques minutes. La Suisse s’est unie en neuf mois. Il va
445 Suisse s’est unie en neuf mois. Il vaut la peine de s’arrêter devant ce fait, pour mieux se persuader qu’on peut aller tr
446 s n’auriez pas, Staline le prend : c’est le temps de méditer avant d’agir. Mais celui que vous risquez de perdre, cet été,
447 taline le prend : c’est le temps de méditer avant d’ agir. Mais celui que vous risquez de perdre, cet été, soyez bien sûrs
448 méditer avant d’agir. Mais celui que vous risquez de perdre, cet été, soyez bien sûrs qu’il le retrouvera : c’est le temps
449 ez bien sûrs qu’il le retrouvera : c’est le temps de modifier non pas des paragraphes, mais l’ordre de bataille de l’Armée
450 de modifier non pas des paragraphes, mais l’ordre de bataille de l’Armée rouge. n. Rougemont Denis de, « Messieurs, n’
451 non pas des paragraphes, mais l’ordre de bataille de l’Armée rouge. n. Rougemont Denis de, « Messieurs, n’oubliez pas
452 bataille de l’Armée rouge. n. Rougemont Denis de , « Messieurs, n’oubliez pas l’exemple de la Suisse », Combat, Paris,
453 nt Denis de, « Messieurs, n’oubliez pas l’exemple de la Suisse », Combat, Paris, 3 octobre 1950, p. 6. o. Présenté par la
454 ivante : « Nous publions deux importants extraits de cinq lettres que notre ami Denis de Rougemont écrivit à l’intention d
455 ntion des députés réunis à Strasbourg. La session d’ été de l’Assemblée européenne est terminée. Mais ces lettres d’avertis
456 des députés réunis à Strasbourg. La session d’été de l’Assemblée européenne est terminée. Mais ces lettres d’avertissement
457 semblée européenne est terminée. Mais ces lettres d’ avertissement demeurent. Et il y a un redoutable abîme entre les propo
458 il y a un redoutable abîme entre les propositions de Denis de Rougemont et les résultats des travaux de Strasbourg. On tro
459 e Denis de Rougemont et les résultats des travaux de Strasbourg. On trouvera ici, demain, le second extrait de ces lettres
460 bourg. On trouvera ici, demain, le second extrait de ces lettres. »
11 1950, Combat, articles (1946–1950). Messieurs, on vous attend encore au pied du mur ! (4 octobre 1950)
461 e, ou protestante, ou française, ou allemande, ou de gauche, ou de droite — ou ne sera pas. Vous êtes là pour qu’elle soit
462 nte, ou française, ou allemande, ou de gauche, ou de droite — ou ne sera pas. Vous êtes là pour qu’elle soit, pour qu’elle
463 elle soit, pour qu’elle dure, dans ses diversités de tous les ordres, que l’on ne peut préserver que par l’union et que l’
464 t que l’unification tuerait. Mais sans sacrifices d’ amour-propre, sans replis stratégiques d’intérêts légitimes, sans comp
465 crifices d’amour-propre, sans replis stratégiques d’ intérêts légitimes, sans compromis, elle ne sera pas. C’est clair. V
466 itaux. Quant à ceux qui n’ont point cette passion de l’Europe, ceux dont le regard s’attarde aux obstacles à l’union, perd
467 regard s’attarde aux obstacles à l’union, perdant de vue sa nécessité, il nous reste à leur faire comprendre que le pire o
468 ls se prennent pour l’opinion, qu’ils ont négligé d’ écouter. Tous les sondages précis réfutent leurs craintes, démasquent
469 leurs arrière-pensées, dénoncent leur parti pris de scepticisme. Les deux tiers des Européens se déclarent pour l’union,
470 les obstacles insurmontables. Il y a deux sortes d’ opinions : celle que l’on invoque, et la vraie. L’une qui sert d’alibi
471 lle que l’on invoque, et la vraie. L’une qui sert d’ alibi aux démagogues, et l’autre qui les laisse tomber ; l’une qui fai
472 pu parler que dans le secret des urnes. L’opinion d’ aujourd’hui, je la sens, c’est l’Europe. Mais elle ne bougera pas, si
473 r pudiquement, chaque année, qu’il reste désireux d’ envisager l’étude de quelques mesures préalables tendant à renforcer l
474 e année, qu’il reste désireux d’envisager l’étude de quelques mesures préalables tendant à renforcer le sentiment d’une So
475 sures préalables tendant à renforcer le sentiment d’ une Solidarité qui ne saurait nuire à « l’achèvement d’une union plus
476 Solidarité qui ne saurait nuire à « l’achèvement d’ une union plus intime entre ses membres ». Les manchettes des journaux
477 membres ». Les manchettes des journaux parleront d’ un « pas important vers l’union ». Et les Anglais jugeront qu’ils ne p
478 ent s’associer à ces engagements téméraires avant d’ avoir pris le temps d’étudier leur contenu et de s’être assurés qu’en
479 ngagements téméraires avant d’avoir pris le temps d’ étudier leur contenu et de s’être assurés qu’en tous les cas cela ne p
480 t d’avoir pris le temps d’étudier leur contenu et de s’être assurés qu’en tous les cas cela ne peut les conduire absolumen
481 des principes, a fait jusqu’ici pratiquement plus de mal que de bien à notre cause à tous. On me dira que si l’on se conte
482 es, a fait jusqu’ici pratiquement plus de mal que de bien à notre cause à tous. On me dira que si l’on se contente d’affir
483 cause à tous. On me dira que si l’on se contente d’ affirmer des principes sans les mettre en pratique, cela ne fait de ma
484 incipes sans les mettre en pratique, cela ne fait de mal à personne. Mais cela en fait aux principes. Or une Europe qui se
485 européen, ce serait un acte enfin, quelque chose de concret. Et je me garde de sous-estimer la puissance des philatéliste
486 e enfin, quelque chose de concret. Et je me garde de sous-estimer la puissance des philatélistes. Mais si Strasbourg accou
487 ce des philatélistes. Mais si Strasbourg accouche d’ un timbre-poste, nous serons un peu déçus, et Staline très content. Vo
488 les députés, vous le savez bien, vous n’êtes pas de vrais députés, car les vrais sont élus, et vous êtes simplement délég
489 es simplement délégués pour consultation. Décidez de vous faire élire. Un raisonnement très simple appuie cette suggestion
490 rmer ses peuples, et du danger qu’ils courent, et de la parade puissante que pourrait constituer notre fédération. On n’in
491 s une propagande massive. Personne n’a les moyens de la financer. La seule solution concevable, c’est une campagne élector
492 vue de nommer leurs députés au premier Parlement de l’Europe. Les partis présenteront les candidats. Et les mouvements fé
493 les mouvements fédéralistes aussi. Et les groupes d’ intérêts professionnels, syndicats patronaux et ouvriers. Il en résult
494 . Il en résultera dans nos provinces une campagne d’ agitation, d’émulation, de polémique européenne, que nulle autre métho
495 tera dans nos provinces une campagne d’agitation, d’ émulation, de polémique européenne, que nulle autre méthode ne saurait
496 provinces une campagne d’agitation, d’émulation, de polémique européenne, que nulle autre méthode ne saurait provoquer.
497 La condition à la fois nécessaire et suffisante d’ une telle campagne, c’est de faire sentir aux peuples qu’elle comporte
498 essaire et suffisante d’une telle campagne, c’est de faire sentir aux peuples qu’elle comporte un enjeu, et que leur sort
499 un seul : discuter et voter un projet bien précis de Constitution fédérale de l’Europe. Si vous acceptez cela, vous aurez
500 er un projet bien précis de Constitution fédérale de l’Europe. Si vous acceptez cela, vous aurez avec vous l’opinion vraie
501 s l’opinion vraie dans sa majorité, les militants de l’Europe, la logique de l’Histoire, le réveil de notre espérance. Si
502 a majorité, les militants de l’Europe, la logique de l’Histoire, le réveil de notre espérance. Si vous n’acceptez pas, vou
503 de l’Europe, la logique de l’Histoire, le réveil de notre espérance. Si vous n’acceptez pas, vous ne trouverez derrière v
504 indifférence ; et devant vous, le rire des hommes d’ acier. Si vous me dites que c’est prématuré, je vous supplierai de déc
505 me dites que c’est prématuré, je vous supplierai de déclarer clairement à quel moment, et sous quelles conditions, cela c
506 moment, et sous quelles conditions, cela cessera d’ être prématuré. Si vous me dites que c’est très joli, mais qu’il faut
507 ut qu’on vous laisse du temps, je vous proposerai de l’obtenir de Staline. Car en Europe il y en a peu. Si vous me dites e
508 laisse du temps, je vous proposerai de l’obtenir de Staline. Car en Europe il y en a peu. Si vous me dites enfin que c’es
509 enfin que c’est plus difficile que je n’ai l’air de le penser dans ma candeur naïve, je vous demanderai si quelque chose
510 ue le maintien du statu quo, que la vie, la durée de notre Europe divisée, devant toutes les menaces que vous savez : un r
511 la ruine à bref délai, les trois-cents divisions de l’armée rouge. D’une part, on peut penser qu’au point où nous en somm
512 oix presque désespérée, et sans autre pouvoir que de vous adjurer de la part des millions qui se taisent mais qui ont peur
513 et qu’une autre ne dit pas non. Dans un mouvement de passion, je m’écriais l’autre jour : si vous ne voulez rien faire, al
514 et je les supplie maintenant, au nom de l’Europe, de rester au contraire, de ne point se séparer avant d’avoir dressé, pou
515 nant, au nom de l’Europe, de rester au contraire, de ne point se séparer avant d’avoir dressé, pour notre espoir, un signe
516 rester au contraire, de ne point se séparer avant d’ avoir dressé, pour notre espoir, un signe ! Des raisons de vivre !
517 ssé, pour notre espoir, un signe ! Des raisons de vivre ! Vous n’êtes pas encore l’espoir des peuples libres, ni des
518 l’espoir des peuples libres, ni des peuples muets de l’Est européen. Mais vous pouvez le devenir et sonner le ralliement.
519 re. Personne ne veut mourir, que pour des raisons de vivre. Mozart n’en est plus une pour les chômeurs. Et ce n’est pas un
520 qui résoudra le problème du chômage, mais l’union de nos sacrifices. Qui peut nous l’imposer ? Qui peut faire reculer les
521 ois légitimes qui se révèlent contraires au salut de l’ensemble ? Je veux avoir parlé pour ne rien dire, si quelqu’un nous
522 s. Messieurs les députés européens, je vous salue d’ un vœu qui voudrait résumer celui de tous nos peuples aux écoutes de l
523 je vous salue d’un vœu qui voudrait résumer celui de tous nos peuples aux écoutes de l’avenir, un vœu mêlé d’angoisse et d
524 ait résumer celui de tous nos peuples aux écoutes de l’avenir, un vœu mêlé d’angoisse et d’espérance : méritez votre nom,
525 nos peuples aux écoutes de l’avenir, un vœu mêlé d’ angoisse et d’espérance : méritez votre nom, faites-vous élire et fédé
526 ux écoutes de l’avenir, un vœu mêlé d’angoisse et d’ espérance : méritez votre nom, faites-vous élire et fédérez l’Europe p
527 y, 30 juillet-6 août 1950. p. Rougemont Denis de , « Messieurs, on vous attend encore au pied du mur ! », Combat, Paris
528 Combat, Paris, 4 octobre 1950, p. 6. q. Présenté de cette note : « Nous publions aujourd’hui le deuxième extrait des cinq
529 éens que Denis de Rougemont écrivit à l’occasion de la session de Strasbourg. »
530 s de Rougemont écrivit à l’occasion de la session de Strasbourg. »