1
t, les généraux et quelques vulgarisateurs en mal
d’
idées ont trouvé deux moyens d’esquiver la question posée par la bombe
2
garisateurs en mal d’idées ont trouvé deux moyens
d’
esquiver la question posée par la bombe atomique. Ils essaient d’encha
3
uestion posée par la bombe atomique. Ils essaient
d’
enchaîner le monstre avec des agrafes de dossiers : « C’est un secret
4
essaient d’enchaîner le monstre avec des agrafes
de
dossiers : « C’est un secret que nous gardons, c’est un dépôt sacré »
5
’est un dépôt sacré », disent-ils. Et sans l’avis
d’
aucun savant autorisé, ils parlent de défenses possibles, si toutefois
6
sans l’avis d’aucun savant autorisé, ils parlent
de
défenses possibles, si toutefois on leur laisse le commandement. Je l
7
é dans le New York Times : le seul et vrai secret
de
la bombe atomique réside dans la puissance industrielle de l’Amérique
8
be atomique réside dans la puissance industrielle
de
l’Amérique. C’est assez dire qu’il n’est que temporaire. Quant au sec
9
l n’est que temporaire. Quant au secret technique
de
la détonation, dans quelques mois les Russes l’auront, ou les Anglais
10
tes ou le Sénat, l’existence actuelle ou possible
de
la moindre défense effective contre un raid atomique par surprise. ⁂
11
d atomique par surprise. ⁂ Voici cependant l’état
de
l’opinion américaine, avertie par sa presse de tous ces faits. M. Geo
12
at de l’opinion américaine, avertie par sa presse
de
tous ces faits. M. George Gallup vient d’établir que 71 % des citoyen
13
presse de tous ces faits. M. George Gallup vient
d’
établir que 71 % des citoyens de son pays « refusent de livrer le cont
14
orge Gallup vient d’établir que 71 % des citoyens
de
son pays « refusent de livrer le contrôle de la bombe aux Nations uni
15
blir que 71 % des citoyens de son pays « refusent
de
livrer le contrôle de la bombe aux Nations unies », cependant que la
16
yens de son pays « refusent de livrer le contrôle
de
la bombe aux Nations unies », cependant que la même enquête révèle qu
17
t persuadés que « le secret ne peut être gardé ».
D’
où je déduis que la proportion des Américains raisonnables (j’entends
18
n des Américains raisonnables (j’entends capables
de
rapprocher deux idées et d’en tirer une conclusion logique) est au pl
19
s (j’entends capables de rapprocher deux idées et
d’
en tirer une conclusion logique) est au plus de 35 %. Est-ce peu ou be
20
et d’en tirer une conclusion logique) est au plus
de
35 %. Est-ce peu ou beaucoup pour un peuple ? Je n’en jugerais qu’apr
21
les savants sérieux ne partagent point. On parle
de
radars omniscients et de rayons qui feraient sauter la bombe tôt aprè
22
artagent point. On parle de radars omniscients et
de
rayons qui feraient sauter la bombe tôt après son départ, chez l’adve
23
procédés, leur mise en œuvre supposerait un état
de
mobilisation permanente qui, sous prétexte d’éviter la guerre, tuerai
24
tat de mobilisation permanente qui, sous prétexte
d’
éviter la guerre, tuerait la paix. Une partie de la population serait
25
e d’éviter la guerre, tuerait la paix. Une partie
de
la population serait employée à surveiller le ciel, l’autre partie à
26
t nous sommes sans défense, mais encore le secret
de
la bombe sera demain celui de Polichinelle, et enfin si quelqu’un nou
27
is encore le secret de la bombe sera demain celui
de
Polichinelle, et enfin si quelqu’un nous attaque, nous ne saurons pas
28
pays, disons la Suisse, manufacture une douzaine
de
bombes. Ce n’est pas une question d’argent comme on le croit (les gro
29
une douzaine de bombes. Ce n’est pas une question
d’
argent comme on le croit (les grosses dépenses ont été faites par l’Am
30
ites par l’Amérique pendant les recherches), mais
d’
ingéniosité et d’équipement technique, et vous savez que la Suisse pos
31
ue pendant les recherches), mais d’ingéniosité et
d’
équipement technique, et vous savez que la Suisse possède tout cela. E
32
tout cela. En fait, c’est à l’École polytechnique
de
Zurich que sont nés les travaux d’Einstein. Supposez maintenant que c
33
polytechnique de Zurich que sont nés les travaux
d’
Einstein. Supposez maintenant que ce petit pays, pour se tirer d’un ma
34
posez maintenant que ce petit pays, pour se tirer
d’
un mauvais pas, envoie deux ou trois bombes sur New York. (Je prends l
35
st trop tard pour échanger des notes et des coups
de
chapeau haut de forme. Voilà Moscou et Kiev en ruines dans les trois
36
nt-Louis, et détruisent Londres par simple mesure
de
précaution. Et ainsi de suite : dans le langage technique, cela s’app
37
Londres par simple mesure de précaution. Et ainsi
de
suite : dans le langage technique, cela s’appelle chain reaction. En
38
l’expression est devenue si vraie qu’elle a cessé
de
nous frapper. Une apathie étrange me semble s’établir dans les masses
39
veille sur son « dépôt sacré ». Le monde n’a pas
de
gouvernement. Je ne suis pas sûr que les nations en aient. Et nous re
40
restons, les bras ballants… a. Rougemont Denis
de
, « Ni secret ni défense », Combat, Paris, 19–20 mai 1946, p. 1.
41
ux qu’on nomme les trois Grands. Ils se composent
d’
un loup déguisé en mouton et de deux moutons vêtus de leur vraie peau.
42
. Ils se composent d’un loup déguisé en mouton et
de
deux moutons vêtus de leur vraie peau. C’est donc au nom du Petit Pèr
43
n loup déguisé en mouton et de deux moutons vêtus
de
leur vraie peau. C’est donc au nom du Petit Père, et du Brave Garçon,
44
donc au nom du Petit Père, et du Brave Garçon, et
de
l’Esprit bourgeois que la Bombe doit être administrée. Notez que, si
45
eurs paraissent impuissants à décréter les moyens
d’
une paix pourtant facile à concevoir : donner la Bombe au gouvernement
46
asses contemporaines : que les chefs responsables
de
notre sort sont en réalité irresponsables ? Et qu’ils usurpent le nom
47
éalité irresponsables ? Et qu’ils usurpent le nom
de
gouvernants ? J’essaie de me mettre à leur place. Staline voudrait la
48
qu’ils usurpent le nom de gouvernants ? J’essaie
de
me mettre à leur place. Staline voudrait la paix, car sa Russie bless
49
re reconstruite, mais il ne renonce pas aux plans
de
Pierre le Grand. Attlee voudrait la paix, car l’Empire blessé est en
50
apital d’abord, et à la peur (elle-même créatrice
de
conflits) d’un conflit avec la Russie. Sans doute sont-ils tous les t
51
d, et à la peur (elle-même créatrice de conflits)
d’
un conflit avec la Russie. Sans doute sont-ils tous les trois convainc
52
ui domine en fait leur politique, c’est la vision
de
la guerre, non pas celle de la paix. Ils agissent donc comme des irre
53
ique, c’est la vision de la guerre, non pas celle
de
la paix. Ils agissent donc comme des irresponsables, provoquant ce qu
54
nt ce qu’ils veulent éviter. Et le public a l’air
de
trouver cela normal, — ou ne trouve rien. ⁂ J’essaie encore de les co
55
la normal, — ou ne trouve rien. ⁂ J’essaie encore
de
les comprendre, avant de les traiter de ce qu’ils ont l’air d’être, q
56
ie encore de les comprendre, avant de les traiter
de
ce qu’ils ont l’air d’être, quand on voit ce qu’ils vont faire ou lai
57
ndre, avant de les traiter de ce qu’ils ont l’air
d’
être, quand on voit ce qu’ils vont faire ou laisser faire de nos vies.
58
and on voit ce qu’ils vont faire ou laisser faire
de
nos vies. Irresponsables moins par incapacité — ils suffiraient aux t
59
Devant le monde à unifier, ils paraissent frappés
d’
un vertige. Ils ne voient rien. Cette absence de pensée est plus dange
60
s d’un vertige. Ils ne voient rien. Cette absence
de
pensée est plus dangereuse que n’importe quelle pensée fausse. Mais c
61
: or, ces messieurs sont absorbés par la défense
d’
intérêts locaux dits nationaux, trente visites par jour, des inaugurat
62
er les nations, la première condition requise est
de
n’être pas le chef d’une grande nation. Mais qui l’a dit, jusqu’à ce
63
mière condition requise est de n’être pas le chef
d’
une grande nation. Mais qui l’a dit, jusqu’à ce jour ? Chacun sait que
64
dit, jusqu’à ce jour ? Chacun sait que l’arbitre
d’
un match n’est jamais le capitaine d’une des équipes. Qui l’a rappelé
65
ue l’arbitre d’un match n’est jamais le capitaine
d’
une des équipes. Qui l’a rappelé au sujet des trois Grands ? Chacun sa
66
lui, et le voici chargé du monde en plus ! Ainsi
d’
Attlee et de Staline, bien que ce dernier me paraisse plus habile dans
67
voici chargé du monde en plus ! Ainsi d’Attlee et
de
Staline, bien que ce dernier me paraisse plus habile dans le grand ar
68
dernier me paraisse plus habile dans le grand art
de
prendre son temps. ⁂ Je les plains. Cependant, s’ils s’obstinent, je
69
ins. Cependant, s’ils s’obstinent, je serai forcé
de
les traiter d’usurpateurs. L’incompétence des commandants en chef n’e
70
s’ils s’obstinent, je serai forcé de les traiter
d’
usurpateurs. L’incompétence des commandants en chef n’est-elle pas jug
71
-elle pas jugée criminelle par l’opinion publique
de
leur patrie, et parfois par les tribunaux ? Je demande à mes amis amé
72
au, sorti du peuple… Mais si l’on touche à l’idée
de
nation, voilà tous les visages qui se ferment, et les esprits en état
73
Allons-nous continuer ce jeu jusqu’à l’explosion
de
la Terre ? Allons-nous confier le destin de la planète à trois hommes
74
osion de la Terre ? Allons-nous confier le destin
de
la planète à trois hommes surchargés, débordés, qui n’ont pas une min
75
pour réfléchir, et qui représentent les intérêts
de
leur nation, alors que c’est précisément aux dépens de ces intérêts q
76
s que l’humanité pourra s’unir ? La fonction même
de
ces chefs d’État les disqualifie, en principe, pour l’entreprise dont
77
ls ne voient rien, c’est évident, car les visions
de
l’avenir naissent d’un loisir intense. Or, ils ont à recevoir des dép
78
est évident, car les visions de l’avenir naissent
d’
un loisir intense. Or, ils ont à recevoir des députés… Seule, une cour
79
s députés… Seule, une cour internationale, formée
d’
hommes désignés par la voie populaire, et qui n’auraient pas d’autre a
80
gnés par la voie populaire, et qui n’auraient pas
d’
autre affaire que de considérer la Planète, puis de traiter de haut av
81
ulaire, et qui n’auraient pas d’autre affaire que
de
considérer la Planète, puis de traiter de haut avec les chefs d’État…
82
’autre affaire que de considérer la Planète, puis
de
traiter de haut avec les chefs d’État… Peut-être l’expérience de Biki
83
ire que de considérer la Planète, puis de traiter
de
haut avec les chefs d’État… Peut-être l’expérience de Bikini va-t-ell
84
aut avec les chefs d’État… Peut-être l’expérience
de
Bikini va-t-elle donner le choc nécessaire pour alerter enfin une opi
85
avec les chefs d’État… Peut-être l’expérience de
Bikini
va-t-elle donner le choc nécessaire pour alerter enfin une opinion mo
86
erter enfin une opinion mondiale ? Avant ce début
de
juillet, puissent les trois Grands ne pas perdre la boule ! Car le fa
87
la boule ! Car le fait est qu’il n’y en a qu’une
de
boule, comme disait à peu près le regretté Willkie, et qu’une erreur
88
rendre folle à tout jamais. b. Rougemont Denis
de
, « Paralysie des hommes d’État », Combat, Paris, 21 mai 1946, p. 1.
89
e « un anarchiste catholique ». (Je le crois seul
de
son parti.) Il avait l’air un peu nerveux. Voici notre conversation :
90
crivez-vous aujourd’hui ? Lui. — Je fais le plan
d’
une trilogie sur les trois grands régimes politiques de ce siècle. Je
91
trilogie sur les trois grands régimes politiques
de
ce siècle. Je vais les caractériser par leurs armes ou leurs méthodes
92
liquidation, évaporation ! (Il prononça ces mots
d’
un ton rageur, qui me fit éclater de rire.) Moi. — Quel beau programm
93
me ! Avouez que nous sortons enfin des petitesses
de
l’ère bourgeoise, succédant aux ténèbres du Moyen Âge. Car ces trois
94
rnes correspondent à trois conceptions grandioses
de
la vie. La crémation, c’est la purification par le feu ! La liquidati
95
n atomique, eh bien, n’est-ce pas le symbole même
de
l’idéalisme : tout monte et s’épanouit vers le ciel ! Notez que, dans
96
dans ce siècle trois fois maudit. Je ne vois plus
d’
espoir sérieux nulle part. La faillite morale est universelle, chez le
97
démocrates, dans le monde entier, exception faite
de
deux pays de langue espagnole, que nous appellerons secondaires. Et v
98
ans le monde entier, exception faite de deux pays
de
langue espagnole, que nous appellerons secondaires. Et voici mon espo
99
ouvoir, entre nous, discuter le contenu véritable
de
la démocratie, sans passer aussitôt pour des fascistes. Lui. — Autan
100
lus vieille démocratie du monde, et la traitaient
de
« fasciste », parce qu’elle répugne, entre autres, à la nationalisati
101
. Peut-être a-t-elle tort, mais on n’a pas manqué
de
répondre que cette mesure est précisément celle qui fut prise en prem
102
e tous sont devenus « démocrates », dans le monde
de
1946, nous pouvons parler d’autre chose. Nous pouvons porter notre ef
103
tes », dans le monde de 1946, nous pouvons parler
d’
autre chose. Nous pouvons porter notre effort, désormais, non plus sur
104
notre effort, désormais, non plus sur la défense
d’
un mot, d’un terme vague que personne n’attaque, mais sur la définitio
105
ort, désormais, non plus sur la défense d’un mot,
d’
un terme vague que personne n’attaque, mais sur la définition d’une ré
106
ue que personne n’attaque, mais sur la définition
d’
une réalité que ce terme symbolise et parfois dissimule : qu’est-ce qu
107
ne signifiera rien du tout. Ou bien elle servira
d’
excuse et de prétexte cousu de fil blanc ou de fil rouge aux politique
108
ra rien du tout. Ou bien elle servira d’excuse et
de
prétexte cousu de fil blanc ou de fil rouge aux politiques les plus c
109
u bien elle servira d’excuse et de prétexte cousu
de
fil blanc ou de fil rouge aux politiques les plus contradictoires, et
110
ira d’excuse et de prétexte cousu de fil blanc ou
de
fil rouge aux politiques les plus contradictoires, et parfois les plu
111
La liberté est certainement le problème numéro un
de
notre temps : car les problèmes se posent quand les choses s’en vont…
112
quand les choses s’en vont… c. Rougemont Denis
de
, « Tous démocrates », Combat, Paris, 22 mai 1946, p. 1.
113
annoncer une expérience sensationnelle : au mois
de
mai ou de juillet, une ou deux bombes seraient jetées sur une flotte
114
une expérience sensationnelle : au mois de mai ou
de
juillet, une ou deux bombes seraient jetées sur une flotte de cent bâ
115
une ou deux bombes seraient jetées sur une flotte
de
cent bâtiments de guerre réunie dans la baie de Bikini, Pacifique. Pa
116
seraient jetées sur une flotte de cent bâtiments
de
guerre réunie dans la baie de Bikini, Pacifique. Parmi tous les détai
117
détails publiés par la presse sur les préparatifs
de
l’expérience, j’en retiens deux. 1° Une mission de savants américains
118
e l’expérience, j’en retiens deux. 1° Une mission
de
savants américains formée de quatorze biologistes, botanistes et océa
119
deux. 1° Une mission de savants américains formée
de
quatorze biologistes, botanistes et océanographes, et de deux commerç
120
orze biologistes, botanistes et océanographes, et
de
deux commerçants en poissons (mieux payés que les savants, dit-on) vi
121
on) vient de partir pour l’île de Bikini. L’objet
de
la mission est d’établir un relevé complet de tous les êtres vivants
122
r pour l’île de Bikini. L’objet de la mission est
d’
établir un relevé complet de tous les êtres vivants sur l’île. C’est u
123
jet de la mission est d’établir un relevé complet
de
tous les êtres vivants sur l’île. C’est une mission fort analogue que
124
un relevé complet de tous les êtres vivants sur l’
île
. C’est une mission fort analogue que Noé reçut du Seigneur peu de tem
125
x seront filmés. 2° Au jour J, les cent bâtiments
de
la flotte de guerre réunis dans la baie de Bikini pour subir l’épreuv
126
és. 2° Au jour J, les cent bâtiments de la flotte
de
guerre réunis dans la baie de Bikini pour subir l’épreuve atomique au
127
s. Mais ces équipages seront entièrement composés
d’
animaux. Deux-cents chèvres, deux-cents cochons et quatre-mille rats s
128
cochons et quatre-mille rats seront à leur poste
de
combat, sur les tourelles, dans les chambres de machines et sur les p
129
e de combat, sur les tourelles, dans les chambres
de
machines et sur les ponts. Et ceci encore nous ramène, irrésistibleme
130
ncore nous ramène, irrésistiblement, à la légende
de
l’arche de Noé. Une précision supplémentaire, à propos des cochons :
131
ramène, irrésistiblement, à la légende de l’arche
de
Noé. Une précision supplémentaire, à propos des cochons : l’on a rema
132
ue la peau des cochons est fort semblable à celle
de
l’homme. La sensibilité de l’une peut renseigner sur celle de l’autre
133
fort semblable à celle de l’homme. La sensibilité
de
l’une peut renseigner sur celle de l’autre. Aussi bien nos marins ou
134
La sensibilité de l’une peut renseigner sur celle
de
l’autre. Aussi bien nos marins ou capitaines cochons seront-ils revêt
135
ines cochons seront-ils revêtus, pour l’occasion,
d’
uniformes réguliers de la marine, imprégnés d’une substance capable d’
136
s revêtus, pour l’occasion, d’uniformes réguliers
de
la marine, imprégnés d’une substance capable d’absorber les rayons ga
137
on, d’uniformes réguliers de la marine, imprégnés
d’
une substance capable d’absorber les rayons gamma. Ceux-ci, comme vous
138
s de la marine, imprégnés d’une substance capable
d’
absorber les rayons gamma. Ceux-ci, comme vous le savez, sont réputés
139
feu, et savent mourir. Quel que soit le résultat
de
l’opération, sur lequel nos savants se perdent en conjectures, j’en t
140
rté par des cochons, au sens le plus scientifique
de
ce terme. Quand je vous disais que la guerre est morte, la guerre des
141
es sont toutes violées sans exception par l’usage
de
la bombe atomique… J’avoue que je n’avais pas pensé à l’uniforme et a
142
enonce à l’expérience. Avec la flotte sacrifiée à
Bikini
, c’est le prestige de l’uniforme, symboliquement, qui va sombrer. Il
143
c la flotte sacrifiée à Bikini, c’est le prestige
de
l’uniforme, symboliquement, qui va sombrer. Il vaut la peine de remar
144
symboliquement, qui va sombrer. Il vaut la peine
de
remarquer, enfin, que pas une voix ne s’est élevée, du côté des ferve
145
as une voix ne s’est élevée, du côté des fervents
de
l’Armée, pour protester contre une profanation si littéralement éclat
146
té opposé. C’est la Ligue protectrice des animaux
d’
un des États de l’Est de l’Amérique qui a pris l’initiative d’un mouve
147
ts de l’Est de l’Amérique qui a pris l’initiative
d’
un mouvement d’opinion contre les essais projetés. Cette Ligue demande
148
l’Amérique qui a pris l’initiative d’un mouvement
d’
opinion contre les essais projetés. Cette Ligue demande qu’au lieu de
149
Cette Ligue demande qu’au lieu de sacrifier tant
d’
innocentes victimes, et dans une posture si ridicule, on place sur les
150
qui se seront déclarés en faveur de l’expérience
de
Bikini. d. Rougemont Denis de, « Les cochons en uniforme ou le nou
151
i se seront déclarés en faveur de l’expérience de
Bikini
. d. Rougemont Denis de, « Les cochons en uniforme ou le nouveau Dé
152
de l’expérience de Bikini. d. Rougemont Denis
de
, « Les cochons en uniforme ou le nouveau Déluge », Combat, Paris, 23
153
n’est pas dangereuse du tout. — Êtes-vous fou ?
De
quoi donc parliez-vous dans vos articles précédents ? Faut-il penser
154
quoi qu’en pensent quelques généraux. Je parlais
de
la fin du monde… — Et maintenant vous nous dites : aucun danger ! C’e
155
er ! C’est là sans doute votre manière paradoxale
d’
avouer que vous exagériez. Savez-vous que beaucoup l’ont pensé, sans v
156
ous le dire ? Il est bien naturel que l’événement
d’
Hiroshima nous ait jetés pour quelque temps dans un état d’esprit d’Ap
157
it jetés pour quelque temps dans un état d’esprit
d’
Apocalypse. Mais dix mois ont passé, et rien ne se passe. Dieu soit lo
158
t, vous rappelez-vous ? Dans toutes les capitales
d’
Europe, on voyait en 1939 les civils se promener avec leur boîte à mas
159
que personne, même pas Hitler, n’a eu le courage
de
commencer. À plus forte raison pour la Bombe… — Je ne trouve pas la r
160
dité subite l’ait arrêté, ou quelque amour tardif
de
notre humanité ? Simplement, il a fait son calcul. Les Alliés pouvaie
161
Alliés pouvaient riposter, et la valeur militaire
de
cette arme était loin de compenser, même à ses yeux, le risque moral
162
risque moral qu’il eût couru à l’employer. Le cas
de
la Bombe est différent. Je vous répète qu’elle supprimera la possibil
163
Je vous répète qu’elle supprimera la possibilité
de
riposter, c’est-à-dire jouera militairement le rôle d’une bataille dé
164
poster, c’est-à-dire jouera militairement le rôle
d’
une bataille décisive. Elle supprimera donc les scrupules de l’agresse
165
ille décisive. Elle supprimera donc les scrupules
de
l’agresseur éventuel. Car nos scrupules naissent, en général, d’une r
166
éventuel. Car nos scrupules naissent, en général,
d’
une rapide évaluation des conséquences fâcheuses, pour nous-mêmes, de
167
tion des conséquences fâcheuses, pour nous-mêmes,
de
nos actes. Si l’emploi de la Bombe est décisif, il n’y a pas de punit
168
euses, pour nous-mêmes, de nos actes. Si l’emploi
de
la Bombe est décisif, il n’y a pas de punition à redouter. Il est don
169
Si l’emploi de la Bombe est décisif, il n’y a pas
de
punition à redouter. Il est donc clair qu’on l’emploiera, au risque d
170
enir ! Comme si elle était tombée du ciel, animée
de
mauvaises intentions ! C’est d’un comique démesuré. Le contrôle de la
171
e du ciel, animée de mauvaises intentions ! C’est
d’
un comique démesuré. Le contrôle de la Bombe, que l’on discute à longu
172
ntions ! C’est d’un comique démesuré. Le contrôle
de
la Bombe, que l’on discute à longueur de colonne, dans toute la press
173
contrôle de la Bombe, que l’on discute à longueur
de
colonne, dans toute la presse, est la plus belle absurdité de l’Histo
174
dans toute la presse, est la plus belle absurdité
de
l’Histoire. Comprenez-vous bien de quoi l’on parle ? Contrôler cet ob
175
elle absurdité de l’Histoire. Comprenez-vous bien
de
quoi l’on parle ? Contrôler cet objet inerte ? C’est comme si tout d’
176
Contrôler cet objet inerte ? C’est comme si tout
d’
un coup l’on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser l
177
oup l’on se jetait sur une chaise pour l’empêcher
d’
aller casser les vases de Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, ell
178
e chaise pour l’empêcher d’aller casser les vases
de
Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est cla
179
te dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas
d’
histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. — Ah ! ça
180
’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle
de
l’homme. — Ah ! ça, c’est une autre question. — C’est la question de
181
ça, c’est une autre question. — C’est la question
de
l’Autre. C’est la seule. On ne peut plus l’éviter depuis que la Bombe
182
nous oblige à y faire face. e. Rougemont Denis
de
, « Post-scriptum », Combat, Paris, 24 mai 1946, p. 1.
183
Bikini
bluff (2 juillet 1946)f g À l’heure qu’il est, on ne sait rien des
184
cochons. Peut-être les prières dites en l’église
de
Carliste, en Angleterre, « pour les animaux sacrifiés » et « pour all
185
n’ont-elles point été sans effet. Ce qu’on sait,
de
source officielle, c’est que l’amiral Blandy se déclare satisfait. «
186
rances. Nous comptons en tirer des renseignements
d’
une valeur inestimable. » On ne saurait mieux dire, étant un amiral. O
187
e des amiraux du monde entier, qui est, en somme,
de
rester des amiraux. Et sa valeur ne saurait être exagérée, encore qu’
188
l’on connaît le budget prévu pour le Département
de
la Marine américaine. Depuis des mois, de nombreux organes de la gran
189
rtement de la Marine américaine. Depuis des mois,
de
nombreux organes de la grande presse américaine mettaient en garde le
190
américaine. Depuis des mois, de nombreux organes
de
la grande presse américaine mettaient en garde leurs lecteurs contre
191
nt en garde leurs lecteurs contre les expériences
de
Bikini. Tout cela n’était, nous disaient-ils, qu’un complot pseudo-sc
192
en garde leurs lecteurs contre les expériences de
Bikini
. Tout cela n’était, nous disaient-ils, qu’un complot pseudo-scientifi
193
et porte-avions. Le grand danger, le vrai danger
de
l’expérience, c’était qu’elle ratât, conformément aux prévisions des
194
ette campagne ait été orchestrée par les services
de
l’Armée de Terre, pendant le débat qui opposait cette dernière à la M
195
ne ait été orchestrée par les services de l’Armée
de
Terre, pendant le débat qui opposait cette dernière à la Marine, sur
196
rieux se sont tous rangés du côté des adversaires
de
l’expérience. Trois jours avant le lancement de la bombe, on annonçai
197
s de l’expérience. Trois jours avant le lancement
de
la bombe, on annonçait la démission du fameux Dr Oppenheimer, qui fut
198
le ouvrière des expériences du Nouveau-Mexique et
de
l’ensemble du « Projet Manhattan ». Le Dr Oppenheimer n’a rien voulu
199
hattan ». Le Dr Oppenheimer n’a rien voulu savoir
de
cette futile grillade de cochons vifs, organisée par les services pub
200
er n’a rien voulu savoir de cette futile grillade
de
cochons vifs, organisée par les services publicitaires de la Marine.
201
ns vifs, organisée par les services publicitaires
de
la Marine. Qu’on se rappelle, à ce sujet, les déclarations faites à l
202
ier. « La bombe ne fait que décupler l’importance
de
l’armée de terre », disait devant le Sénat le général Marshall. « Je
203
ombe ne fait que décupler l’importance de l’armée
de
terre », disait devant le Sénat le général Marshall. « Je vous abando
204
it. Sur quoi le général Arnold, après des phrases
de
condoléances sur les fantassins et les marins, suggérait que l’aviati
205
dire des catastrophes continentales, pour le jour
de
la grande expérience d’une explosion atomique sous-marine. Ils jugent
206
ntinentales, pour le jour de la grande expérience
d’
une explosion atomique sous-marine. Ils jugent la bombe du type Nagasa
207
la bombe restent intacts, autant que les palmiers
de
Bikini. Et si les amiraux sont rassurés, conformément à tous les plan
208
bombe restent intacts, autant que les palmiers de
Bikini
. Et si les amiraux sont rassurés, conformément à tous les plans qu’il
209
ils ont tirés, l’humanité en général n’a pas lieu
de
se réjouir trop bruyamment de la survie des deux-cents cochons en uni
210
énéral n’a pas lieu de se réjouir trop bruyamment
de
la survie des deux-cents cochons en uniformes. Les habitants d’Hirosh
211
es deux-cents cochons en uniformes. Les habitants
d’
Hiroshima n’ont pas tenu le coup tout à fait aussi bien, comme le révè
212
iciels publiés la semaine dernière. Les habitants
de
Londres, de New York, de Leningrad et de Paris ne seront point protég
213
és la semaine dernière. Les habitants de Londres,
de
New York, de Leningrad et de Paris ne seront point protégés aussi mét
214
dernière. Les habitants de Londres, de New York,
de
Leningrad et de Paris ne seront point protégés aussi méthodiquement q
215
abitants de Londres, de New York, de Leningrad et
de
Paris ne seront point protégés aussi méthodiquement que le budget de
216
point protégés aussi méthodiquement que le budget
de
la Marine américaine. Et le faux soulagement produit par le grand « f
217
le faux soulagement produit par le grand « four »
de
Bikini ne peut qu’augmenter le danger. La seule défense contre la bom
218
faux soulagement produit par le grand « four » de
Bikini
ne peut qu’augmenter le danger. La seule défense contre la bombe rest
219
la bombe reste le gouvernement mondial, seul armé
de
la bombe pour assurer la police parmi les États. Et le seul moyen d’a
220
surer la police parmi les États. Et le seul moyen
d’
accélérer l’instauration d’un tel gouvernement — qui pourrait être l’O
221
tats. Et le seul moyen d’accélérer l’instauration
d’
un tel gouvernement — qui pourrait être l’ONU si elle existait autreme
222
e l’ONU si elle existait autrement que sous forme
d’
initiales — c’est d’augmenter parmi les peuples le sentiment de leur i
223
tait autrement que sous forme d’initiales — c’est
d’
augmenter parmi les peuples le sentiment de leur interdépendance. Quan
224
c’est d’augmenter parmi les peuples le sentiment
de
leur interdépendance. Quand nous aurons compris que toute guerre, auj
225
à lui-même », les premières bases psychologiques
d’
une paix réelle seront posées. f. Rougemont Denis de, « Bikini bluf
226
paix réelle seront posées. f. Rougemont Denis
de
, « Bikini bluff », Combat, Paris, 2 juillet 1946, p. 1 et 3. g. Text
227
réelle seront posées. f. Rougemont Denis de, «
Bikini
bluff », Combat, Paris, 2 juillet 1946, p. 1 et 3. g. Texte corrigé
228
Chose étrange, le 6 février 1934 fut une date
de
l’histoire littéraire : elle inaugura le temps des moutons enragés. F
229
e inaugura le temps des moutons enragés. Fatigués
de
leur innocence, voyant que l’herbe se faisait rare sous leurs pieds e
230
it rare sous leurs pieds et qu’ils n’avaient plus
de
berger, aux éclairs de chaleur d’une révolution encore lointaine, ils
231
s et qu’ils n’avaient plus de berger, aux éclairs
de
chaleur d’une révolution encore lointaine, ils se sont jetés dans le
232
n’avaient plus de berger, aux éclairs de chaleur
d’
une révolution encore lointaine, ils se sont jetés dans le premier par
233
nu, à gauche ou à droite, et depuis lors y bêlent
d’
une voix aigre et anxieuse, tout en signant une quantité de manifestes
234
x aigre et anxieuse, tout en signant une quantité
de
manifestes. Ils ont signé pour le négus et contre lui ; pour le chef
235
s deux mains, des quatre pattes, les yeux fermés,
d’
une croix, d’une faucille et d’un marteau, ou avec plus ou moins de ré
236
des quatre pattes, les yeux fermés, d’une croix,
d’
une faucille et d’un marteau, ou avec plus ou moins de réticences ; d’
237
, les yeux fermés, d’une croix, d’une faucille et
d’
un marteau, ou avec plus ou moins de réticences ; d’un nom connu, d’un
238
e faucille et d’un marteau, ou avec plus ou moins
de
réticences ; d’un nom connu, d’un nom à faire connaître… Bref, il n’e
239
un marteau, ou avec plus ou moins de réticences ;
d’
un nom connu, d’un nom à faire connaître… Bref, il n’est pas un acte c
240
vec plus ou moins de réticences ; d’un nom connu,
d’
un nom à faire connaître… Bref, il n’est pas un acte commis dans le mo
241
vivre en marge de tous les conflits et refusaient
d’
être considérés comme des citoyens responsables, ils étaient au moins
242
étaient au moins en accord avec l’esprit général
de
l’époque : intelligence d’un côté, action de l’autre, et surtout ne m
243
avec l’esprit général de l’époque : intelligence
d’
un côté, action de l’autre, et surtout ne mélangeons rien. Tributaires
244
éral de l’époque : intelligence d’un côté, action
de
l’autre, et surtout ne mélangeons rien. Tributaires d’une culture don
245
autre, et surtout ne mélangeons rien. Tributaires
d’
une culture dont l’ambition suprême était de se « distinguer » des con
246
aires d’une culture dont l’ambition suprême était
de
se « distinguer » des contingences, ils étaient au moins purs dans le
247
ent au moins purs dans leur erreur. Les modalités
de
leur retrait ne contredisaient nullement les postulats fondamentaux d
248
ntredisaient nullement les postulats fondamentaux
de
leur métaphysique inconsciente. Et leur style traduisait fidèlement l
249
. Et leur style traduisait fidèlement les nuances
d’
une pensée détachée, irresponsable par définition. Il n’y a pas que du
250
héritées du libéralisme conduisaient à ce régime
de
faillite qu’on nomme l’État totalitaire. Nous avons constaté que rien
251
lité gratuit. Que tout se paye. Que notre liberté
de
penser n’importe quoi, sans tenir compte de l’époque, était une illus
252
berté de penser n’importe quoi, sans tenir compte
de
l’époque, était une illusion entretenue par l’apparente paix sociale,
253
l’esprit ne laissaient même plus une possibilité
de
concordat. Déjà les dictatures réglaient les comptes. « Lorsque j’ent
254
réglaient les comptes. « Lorsque j’entends parler
d’
esprit, je désarme mon revolver », disait un officier nazi. Les stalin
255
s faisaient de même en présence du libéralisme et
de
la culture « désintéressée ». C’est alors qu’on lança parmi nous le m
256
qu’on lança parmi nous le mot d’ordre : « Défense
de
la culture ». Toute la confusion vient de là. Car la culture qu’on n
257
on vient de là. Car la culture qu’on nous propose
de
défendre, c’est elle, précisément, qui est responsable de la brutalit
258
dre, c’est elle, précisément, qui est responsable
de
la brutalité totalitaire. On nous propose donc de défendre une maladi
259
de la brutalité totalitaire. On nous propose donc
de
défendre une maladie contre la mort, à quoi elle mène nécessairement.
260
aire une santé. Au lieu de nous proposer une cure
de
désintoxication énergique. Au lieu de rechercher les moyens de penser
261
ation énergique. Au lieu de rechercher les moyens
de
penser dans le réel et l’actuel, et de surmonter enfin ce vice qu’est
262
les moyens de penser dans le réel et l’actuel, et
de
surmonter enfin ce vice qu’est la distinction libérale entre la pensé
263
action. Au lieu de préciser, par exemple, le sens
de
ce mot d’engagement dont tout le monde abuse aujourd’hui. ⁂ Pour qu’u
264
lieu de préciser, par exemple, le sens de ce mot
d’
engagement dont tout le monde abuse aujourd’hui. ⁂ Pour qu’une pensée
265
le ignore ou répudie la loi interne : la tactique
d’
un parti par exemple. Ce n’est pas dans l’utilisation accidentelle et
266
pas dans l’utilisation accidentelle et partisane
d’
une pensée que réside son engagement. C’est, au contraire, dans sa dém
267
ier, dans sa prise sur le réel et dans sa volonté
de
le transformer, donc finalement de le dominer. S’engager, ce n’est pa
268
ans sa volonté de le transformer, donc finalement
de
le dominer. S’engager, ce n’est pas se mettre en location. Ce n’est p
269
pas signer ici plutôt que là. Ce n’est pas passer
de
l’esclavage d’une mode à celui d’une tactique politique. Ce n’est pas
270
plutôt que là. Ce n’est pas passer de l’esclavage
d’
une mode à celui d’une tactique politique. Ce n’est pas du tout deveni
271
’est pas passer de l’esclavage d’une mode à celui
d’
une tactique politique. Ce n’est pas du tout devenir esclave d’une doc
272
e politique. Ce n’est pas du tout devenir esclave
d’
une doctrine, mais au contraire, c’est se libérer et assumer les risqu
273
ontraire, c’est se libérer et assumer les risques
de
sa liberté. Il peut sembler paradoxal de soutenir que l’engagement d’
274
risques de sa liberté. Il peut sembler paradoxal
de
soutenir que l’engagement d’une pensée suppose sa libération. En véri
275
ut sembler paradoxal de soutenir que l’engagement
d’
une pensée suppose sa libération. En vérité, c’est le libéralisme qui
276
t être qu’un esclavage. La liberté réelle n’a pas
de
pires ennemis que les libéraux ; sinon en intention, du moins en fait
277
bien à définir le sens que nous donnons à ce mot
d’
engagement. ⁂ Je l’ai dit ailleurs : un gant qui se retourne ne devien
278
gissante. Un libéral qui se soumet aux directives
d’
un parti ne devient pas pour si peu un penseur engagé. Et il ne faudra
279
ces trahisons insignes ridiculisent toute espèce
d’
engagement. Une pensée qui, par sa nature et son mouvement originel, e
280
nsable du seul fait qu’elle se met « au service »
d’
une doctrine de lutte politique. Faire la révolution, cela demande un
281
fait qu’elle se met « au service » d’une doctrine
de
lutte politique. Faire la révolution, cela demande un effort un peu p
282
ion, cela demande un effort un peu plus grand, et
d’
une autre nature, que l’effort de signer un manifeste ou de s’inscrire
283
u plus grand, et d’une autre nature, que l’effort
de
signer un manifeste ou de s’inscrire dans les rangs d’une ligue. On r
284
re nature, que l’effort de signer un manifeste ou
de
s’inscrire dans les rangs d’une ligue. On rougit de rappeler de tels
285
gner un manifeste ou de s’inscrire dans les rangs
d’
une ligue. On rougit de rappeler de tels truismes. Mais on y est bien
286
s’inscrire dans les rangs d’une ligue. On rougit
de
rappeler de tels truismes. Mais on y est bien forcé par le spectacle
287
dans les rangs d’une ligue. On rougit de rappeler
de
tels truismes. Mais on y est bien forcé par le spectacle de l’intelli
288
uismes. Mais on y est bien forcé par le spectacle
de
l’intelligentsia française. Précisons donc encore : la première tâche
289
tellectuels qui ont compris le péril totalitaire (
de
droite ou de gauche) ce n’est pas « d’adhérer » à quelque antifascism
290
ui ont compris le péril totalitaire (de droite ou
de
gauche) ce n’est pas « d’adhérer » à quelque antifascisme, mais de s’
291
talitaire (de droite ou de gauche) ce n’est pas «
d’
adhérer » à quelque antifascisme, mais de s’attaquer à la forme de pen
292
st pas « d’adhérer » à quelque antifascisme, mais
de
s’attaquer à la forme de pensée d’où vont nécessairement sortir le fa
293
elque antifascisme, mais de s’attaquer à la forme
de
pensée d’où vont nécessairement sortir le fascisme et le stalinisme.
294
fascisme, mais de s’attaquer à la forme de pensée
d’
où vont nécessairement sortir le fascisme et le stalinisme. Et c’est l
295
ibérale. Voyez donc comme nos libéraux se mettent
d’
eux-mêmes en rangs et marquent le pas dès qu’une menace se précise con
296
es ! Le réflexe du libéral devant le péril, c’est
de
faire un fascisme. Fût-ce même pour se défendre du fascisme. Et peut-
297
me. Et peut-être surtout dans ce cas ! La panique
de
« l’union sacrée » qui vient de souffler sur notre élite en est l’ahu
298
t l’ahurissant exemple. Du moins a-t-elle eu cela
de
bon : les écrivains qui ont décidé tout récemment de renoncer à l’usa
299
bon : les écrivains qui ont décidé tout récemment
de
renoncer à l’usage de leur pensée devant la menace hitlérienne (voir
300
i ont décidé tout récemment de renoncer à l’usage
de
leur pensée devant la menace hitlérienne (voir le manifeste de Ce Soi
301
e devant la menace hitlérienne (voir le manifeste
de
Ce Soir) ont exprimé en toute clarté qu’ils étaient de vrais libéraux
302
Soir) ont exprimé en toute clarté qu’ils étaient
de
vrais libéraux, irresponsables nés2, égarés pour un temps dans les vo
303
nsables nés2, égarés pour un temps dans les voies
de
« l’engagement » politique, et faisant amende honorable. Ils étaient
304
faisant amende honorable. Ils étaient en rupture
de
bercail. Maintenant, tout est rentré dans l’ordre, les moutons se son
305
e des philosophes libéraux — fût partiale, pleine
de
partis pris, et même politique ! 2. Je fais exception pour deux ou t
306
dance qui est significative. h. Rougemont Denis
de
, « Les intellectuels sont-ils responsables ? », Combat, Paris, 5 juil
307
. 1. i. Précédé du chapeau suivant : « La notion
de
l’“engagement” politique connaît depuis quelques mois une extrême fav
308
ur dans les milieux intellectuels et littéraires.
De
fait, si cette volonté d’engagement s’exprime souvent par des attitud
309
ectuels et littéraires. De fait, si cette volonté
d’
engagement s’exprime souvent par des attitudes assez confuses, il est
310
. Aussi avons-nous pensé qu’il serait intéressant
de
demander à un certain nombre d’écrivains leur opinion sur un problème
311
erait intéressant de demander à un certain nombre
d’
écrivains leur opinion sur un problème qui met en cause, non seulement
312
eur rôle dans la société, mais aussi leur manière
de
s’exprimer. Denis de Rougemont, qui fut un des premiers à soutenir l’
313
envoie l’article suivant, dont il est intéressant
de
souligner qu’il fut écrit et publié dans une revue en 1938, sous le t
314
ié dans une revue en 1938, sous le titre : « Trop
d’
irresponsables s’engagent ».
315
« La tâche française c’est
d’
inventer la paix » (26 décembre 1947)j k Denis de Rougemont me reço
316
réable maison qu’il occupe à la sortie du village
de
Ferney, désormais et pour toujours, prénommé Voltaire. Il me semble q
317
ltaire. Il me semble que mon hôte n’est pas fâché
d’
habiter sous cette ombre. Il y a quelque chose de voltairien chez lui
318
d’habiter sous cette ombre. Il y a quelque chose
de
voltairien chez lui : cette aisance dans l’épigramme, ce ton persifle
319
l Barth, venu conquérir Paris voici une quinzaine
d’
années et que des ouvrages brillants et profonds comme Penser avec le
320
irent bien vite au premier rang, est le contraire
d’
un amuseur. Pendant la guerre, il a mené le bon combat à l’émission «
321
e, il a mené le bon combat à l’émission « La voix
de
l’Amérique », tandis que ses livres et en particulier son Journal d’A
322
ndis que ses livres et en particulier son Journal
d’
Allemagne, étaient mis au pilon par les nazis. Mais, bientôt après, éc
323
les nazis. Mais, bientôt après, éclatait la bombe
d’
Hiroshima et de Rougemont écrivait aussitôt ses étincelantes Lettres
324
se à cela tandis que notre entretien prend, comme
de
lui-même, le tour que je désirais lui imprimer. » C’est l’homme qui f
325
qui aboutissent à la bombe ou à la paix. Il n’y a
de
fatalité que lorsque l’homme démissionne. Et c’est ce qui est grave e
326
la France ne fait rien et se perd dans une sorte
d’
amer byzantinisme. Dans ces conditions, êtes-vous tenté de regarder ai
327
yzantinisme. Dans ces conditions, êtes-vous tenté
de
regarder ailleurs ? La France « en attente » Ne vous y trompez p
328
Le monde entier, comme nous-mêmes, attend encore
de
la France une initiative de salut. Sans doute, cette initiative ne sa
329
-mêmes, attend encore de la France une initiative
de
salut. Sans doute, cette initiative ne saurait être politique : la Fr
330
être politique : la France n’est plus à la taille
de
ces géants qui s’affrontent. Elle est pauvre aussi et le monde actuel
331
n parti communiste. Elle donne ainsi l’impression
d’
être sous une double dépendance. Ce n’est donc pas de ses dirigeants q
332
tre sous une double dépendance. Ce n’est donc pas
de
ses dirigeants que nous attendons quoi que ce soit. Mais l’initiative
333
. Cette initiative-là, on la perd dès qu’on cesse
de
la prendre. Ce rôle est donc vacant, et seule la France pourra le ten
334
sé. Mais la France est « en attente ». En attente
de
quoi ? Du conflit qui « devient » fatal si on ne fait que l’attendre.
335
Mais ne pensez-vous pas alors que la vocation
de
la France est clairement circonscrite par la situation dans laquelle
336
convaincu. La tâche française — encore une fois,
de
l’« intelligence » française — c’est dans ces circonstances historiqu
337
constances historiques que nous venons de dire, «
d’
inventer » la paix. Si elle ne le fait pas, personne ne le fera à sa p
338
ait comme si elle n’avait rien fait. Il n’y a pas
d’
autarcie de la paix. « Penser français » comme le voulait Barrès, c’es
339
i elle n’avait rien fait. Il n’y a pas d’autarcie
de
la paix. « Penser français » comme le voulait Barrès, c’est non seule
340
me je le souhaite, trouve immédiatement son champ
d’
action. Je n’en vois qu’un mais il est immense et à sa portée : l’Euro
341
garçons, nous sommes aussi forts et aussi riches
de
possibilités qu’aucun des « colosses » du monde. Mais il faut que nou
342
me actif » Cette Europe unie, sous l’impulsion
d’
une nation, n’est-ce pas le rêve de Napoléon ou de Hitler ? Bien enten
343
us l’impulsion d’une nation, n’est-ce pas le rêve
de
Napoléon ou de Hitler ? Bien entendu. Aussi n’est-il pas question « d
344
d’une nation, n’est-ce pas le rêve de Napoléon ou
de
Hitler ? Bien entendu. Aussi n’est-il pas question « d’unifier » l’Eu
345
ler ? Bien entendu. Aussi n’est-il pas question «
d’
unifier » l’Europe mais de « l’unir ». Seul, le fédéralisme est capabl
346
n’est-il pas question « d’unifier » l’Europe mais
de
« l’unir ». Seul, le fédéralisme est capable de réaliser cette unité
347
s de « l’unir ». Seul, le fédéralisme est capable
de
réaliser cette unité dans la diversité et c’est pourquoi je suis réso
348
ésolument fédéraliste. Il est évident que le rôle
de
la France ne sera pas celui d’un conquérant. Le voudrait-elle qu’elle
349
vident que le rôle de la France ne sera pas celui
d’
un conquérant. Le voudrait-elle qu’elle n’en a pas les moyens. Ce n’es
350
pas les moyens. Ce n’est pas une « francisation »
de
l’Europe qu’il s’agit de réaliser, mais que la France devienne et soi
351
pas une « francisation » de l’Europe qu’il s’agit
de
réaliser, mais que la France devienne et soit la conscience d’une Eur
352
mais que la France devienne et soit la conscience
d’
une Europe à naître. Voyez ce qui se passe en Suisse : nous autres rom
353
autres romands, nous y sommes dans la proportion
d’
un tiers contre deux tiers, et pourtant notre minorité y est particuli
354
fédéraliste. Le fédéralisme n’est pas un système
de
la quantité, mais de la qualité. Et croyez-vous cette Europe possible
355
ralisme n’est pas un système de la quantité, mais
de
la qualité. Et croyez-vous cette Europe possible ? Parfaitement. Les
356
ricains ne demandent pas mieux : pour des raisons
d’
intérêt, sans doute, mais dont nous devons profiter. Quant aux Russes,
357
ttitude ombrageuse, eh bien ! nous nous passerons
de
leur consentement. C’est bien dommage, mais nous n’allons quand même
358
ais nous n’allons quand même pas attendre le visa
de
qui que ce soit pour nous décider à agir. Je crois que l’Europe se fe
359
Je ne me fais aucune illusion. Il n’y aura jamais
d’
âge d’or. Je demande simplement un monde où les vrais problèmes soient
360
me fais aucune illusion. Il n’y aura jamais d’âge
d’
or. Je demande simplement un monde où les vrais problèmes soient discu
361
où l’on puisse « vivre ». j. Rougemont Denis
de
, « [Entretien] La tâche française c’est d’inventer la paix », Combat,
362
Denis de, « [Entretien] La tâche française c’est
d’
inventer la paix », Combat, Paris, 26 décembre 1947, p. 1-2. k. Propo
363
nace vient de ses divisions. Appauvrie, encombrée
de
barrières qui empêchent ses biens de circuler, mais qui ne sauraient
364
e, encombrée de barrières qui empêchent ses biens
de
circuler, mais qui ne sauraient plus la protéger, notre Europe désuni
365
éger, notre Europe désunie marche à sa fin. Aucun
de
nos pays ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse de son indép
366
s ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse
de
son indépendance. Aucun de nos pays ne peut résoudre, seul, les probl
367
à une défense sérieuse de son indépendance. Aucun
de
nos pays ne peut résoudre, seul, les problèmes que lui pose l’économi
368
oblèmes que lui pose l’économie moderne. À défaut
d’
une union librement consentie, notre anarchie présente nous exposera d
369
n à l’unification forcée, soit par l’intervention
d’
un empire du dehors, soit par l’usurpation d’un parti du dedans. L’heu
370
tion d’un empire du dehors, soit par l’usurpation
d’
un parti du dedans. L’heure est venue d’entreprendre une action qui so
371
surpation d’un parti du dedans. L’heure est venue
d’
entreprendre une action qui soit à la mesure du danger. Tous ensemble,
372
le, demain, nous pouvons édifier avec les peuples
d’
outre-mer associés à nos destinées, la plus grande formation politique
373
on politique et le plus vaste ensemble économique
de
notre temps. Jamais l’histoire du monde n’aura connu un si puissant r
374
u monde n’aura connu un si puissant rassemblement
d’
hommes libres. Jamais la guerre, la peur, et la misère n’auront été mi
375
grand péril et cette grande espérance la vocation
de
l’Europe se définit clairement. Elle est d’unir ses peuples selon leu
376
ation de l’Europe se définit clairement. Elle est
d’
unir ses peuples selon leur vrai génie, qui est celui de la diversité,
377
ses peuples selon leur vrai génie, qui est celui
de
la diversité, et dans les conditions du xxe siècle, qui sont celles
378
ns les conditions du xxe siècle, qui sont celles
de
la communauté, afin d’ouvrir au monde la voie qu’il cherche, la voie
379
herche, la voie des libertés organisées. Elle est
de
ranimer ses pouvoirs d’invention pour la défense et pour l’illustrati
380
rtés organisées. Elle est de ranimer ses pouvoirs
d’
invention pour la défense et pour l’illustration des droits et des dev
381
et pour l’illustration des droits et des devoirs
de
la personne humaine, dont, malgré toutes ses infidélités, l’Europe de
382
eux du monde le grand témoin. La conquête suprême
de
l’Europe s’appelle la dignité de l’homme, et sa vraie force est dans
383
conquête suprême de l’Europe s’appelle la dignité
de
l’homme, et sa vraie force est dans la liberté. Tel est l’enjeu final
384
force est dans la liberté. Tel est l’enjeu final
de
notre lutte. C’est pour sauver nos libertés acquises, mais aussi pour
385
éfice à tous les hommes, que nous voulons l’union
de
notre continent. Sur cette union l’Europe joue son destin et celui de
386
Sur cette union l’Europe joue son destin et celui
de
la paix du monde. Soit donc notoire à tous que nous, Européens, rasse
387
assemblés pour donner une voix à tous les peuples
de
ce continent, déclarons solennellement notre commune volonté dans les
388
des droits de l’homme, garantissant les libertés
de
pensée, de réunion et d’expression, ainsi que le libre exercice d’une
389
de l’homme, garantissant les libertés de pensée,
de
réunion et d’expression, ainsi que le libre exercice d’une opposition
390
arantissant les libertés de pensée, de réunion et
d’
expression, ainsi que le libre exercice d’une opposition politique. 3°
391
nion et d’expression, ainsi que le libre exercice
d’
une opposition politique. 3° Nous voulons une Cour de justice capable
392
ne opposition politique. 3° Nous voulons une Cour
de
justice capable d’appliquer les sanctions nécessaires pour que soit r
393
ique. 3° Nous voulons une Cour de justice capable
d’
appliquer les sanctions nécessaires pour que soit respectée la Charte.
394
ropéenne, où soient représentées les forces vives
de
toutes nos nations. 5° Et nous prenons de bonne foi l’engagement d’ap
395
s vives de toutes nos nations. 5° Et nous prenons
de
bonne foi l’engagement d’appuyer de tous nos efforts, dans nos foyers
396
ons. 5° Et nous prenons de bonne foi l’engagement
d’
appuyer de tous nos efforts, dans nos foyers et en public, dans nos pa
397
nous prenons de bonne foi l’engagement d’appuyer
de
tous nos efforts, dans nos foyers et en public, dans nos partis, dans
398
t les gouvernements qui travaillent à cette œuvre
de
salut public, suprême chance de la paix et gage d’un grand avenir, po
399
ent à cette œuvre de salut public, suprême chance
de
la paix et gage d’un grand avenir, pour cette génération et celles qu
400
e salut public, suprême chance de la paix et gage
d’
un grand avenir, pour cette génération et celles qui la suivront. l.
401
et celles qui la suivront. l. Rougemont Denis
de
, « Message aux Européens », Combat, Paris, 14 mai 1948, p. 1. m. Pré
402
ant au nom de tous les congressistes, à la séance
de
clôture du congrès de La Haye. Il donne la note la plus juste sur l’a
403
congressistes, à la séance de clôture du congrès
de
La Haye. Il donne la note la plus juste sur l’atmosphère de ses débat
404
. Il donne la note la plus juste sur l’atmosphère
de
ses débats et résume clairement ses volontés. Nous pensons qu’il ne l
405
Messieurs, n’oubliez pas l’exemple
de
la Suisse (3 octobre 1950)n o Messieurs les députés européens, Vou
406
pour faire l’Europe, et nous pour faire semblant
de
la faire. Faire l’Europe signifie la fédérer, ou bien ne signifie pas
407
’avoir vue et s’en va répétant qu’il a fallu plus
de
cinq-cents ans pour sceller son union fédérale. Tout le monde se trom
408
r fédérer vingt-cinq États souverains Au début
de
1848, la Confédération n’était qu’un pacte d’alliance entre vingt-cin
409
but de 1848, la Confédération n’était qu’un pacte
d’
alliance entre vingt-cinq États absolument souverains. Point de citoye
410
tre vingt-cinq États absolument souverains. Point
de
citoyenneté suisse, point de liberté d’établissement ou d’échange com
411
nt souverains. Point de citoyenneté suisse, point
de
liberté d’établissement ou d’échange commercial entre cantons, point
412
ns. Point de citoyenneté suisse, point de liberté
d’
établissement ou d’échange commercial entre cantons, point de représen
413
nneté suisse, point de liberté d’établissement ou
d’
échange commercial entre cantons, point de représentation des peuples.
414
ment ou d’échange commercial entre cantons, point
de
représentation des peuples. Un seul organe commun, la Diète, sorte de
415
s peuples. Un seul organe commun, la Diète, sorte
de
Comité des ministres, composé de plénipotentiaires agissant au nom de
416
la Diète, sorte de Comité des ministres, composé
de
plénipotentiaires agissant au nom des États et prenant leurs rares dé
417
là, trait pour trait, un état comparable à celui
de
notre Europe, sauf pour le péril extérieur, qui n’était rien au regar
418
au regard de celui que nous courons ? Une partie
de
l’opinion réclamait une autorité fédérale, dotée de pouvoirs limités
419
l’opinion réclamait une autorité fédérale, dotée
de
pouvoirs limités mais réels. Rien d’autre, en vérité, ne pouvait assu
420
érale, dotée de pouvoirs limités mais réels. Rien
d’
autre, en vérité, ne pouvait assurer l’indépendance du pays. Mais la D
421
tine rétorquait, chiffres en main, que la liberté
d’
échanges ne manquerait pas de causer quelques dommages locaux. C’était
422
main, que la liberté d’échanges ne manquerait pas
de
causer quelques dommages locaux. C’était répondre aux utopistes qui p
423
x. C’était répondre aux utopistes qui proposaient
d’
éteindre l’incendie, que l’eau peut abîmer les meubles. Il y eut une g
424
impuissance du pacte. Il y eut un long branle-bas
de
sociétés, de mouvements, de projets, de discours et de vœux. À la fav
425
u pacte. Il y eut un long branle-bas de sociétés,
de
mouvements, de projets, de discours et de vœux. À la faveur de cette
426
ut un long branle-bas de sociétés, de mouvements,
de
projets, de discours et de vœux. À la faveur de cette agitation, un p
427
ranle-bas de sociétés, de mouvements, de projets,
de
discours et de vœux. À la faveur de cette agitation, un petit groupe
428
ciétés, de mouvements, de projets, de discours et
de
vœux. À la faveur de cette agitation, un petit groupe de jeunes chefs
429
, de projets, de discours et de vœux. À la faveur
de
cette agitation, un petit groupe de jeunes chefs enthousiastes fit ad
430
. À la faveur de cette agitation, un petit groupe
de
jeunes chefs enthousiastes fit adopter par la Diète le principe d’une
431
nthousiastes fit adopter par la Diète le principe
d’
une révision profonde du pacte. En 1847, notons-le, rien ne semblait «
432
année suivante. Le 17 février 1848, la Commission
de
révision — nommée par la Diète dans son sein et au-dehors — se réunit
433
rs — se réunit pour la première fois. Elle décide
de
siéger à huis clos cinq fois par semaine. Le 8 avril, elle termine se
434
rojet, qu’elle adopte le 27 juin. Pendant le mois
d’
août le peuple vote dans les cantons. Le 12 septembre, la Diète procla
435
acceptée par près de deux tiers des États et plus
de
deux tiers des citoyens votants. Le 16 novembre, le premier Conseil f
436
temporaines. Mais il n’est pas exact que l’Europe
d’
aujourd’hui soit plus grande que la Suisse d’alors : vous êtes venus d
437
rope d’aujourd’hui soit plus grande que la Suisse
d’
alors : vous êtes venus de Stockholm à Strasbourg — ou de Rome, ou mêm
438
: vous êtes venus de Stockholm à Strasbourg — ou
de
Rome, ou même d’Ankara — en moins de temps qu’il n’en fallait, il y a
439
s de Stockholm à Strasbourg — ou de Rome, ou même
d’
Ankara — en moins de temps qu’il n’en fallait, il y a cent ans, pour a
440
asbourg — ou de Rome, ou même d’Ankara — en moins
de
temps qu’il n’en fallait, il y a cent ans, pour aller de Genève ou de
441
s qu’il n’en fallait, il y a cent ans, pour aller
de
Genève ou des Grisons à Berne. Pour la guerre entre vos pays, les deu
442
fisent. Vos nations vivent ensemble depuis autant
de
siècles, et souvent davantage, que nos cantons. Leurs sorts ne sont p
443
ez l’Europe dans l’ensemble du monde. Vos cordons
de
douanes ne sont pas plus nombreux, ni moins strangulatoires, que ne l
444
économies ne sont pas plus disparates que celles
de
Zurich, par exemple, et de ses petits voisins paysans. Les sombres pr
445
disparates que celles de Zurich, par exemple, et
de
ses petits voisins paysans. Les sombres prévisions des réalistes quan
446
sombres prévisions des réalistes quant aux effets
d’
une union « trop rapide » remplissaient nos journaux, il y a cent-troi
447
le non plus qui ne reparaisse dans la bouche même
de
ceux qui affirment que nos réalités sont tellement différentes… Certe
448
paraison n’est pas raison, mais quand les raisons
de
ne rien faire restent les mêmes quoi qu’il arrive, c’est qu’elles tra
449
ive, c’est qu’elles traduisent une certaine forme
d’
esprit, une cécité partielle devant les leçons de l’Histoire, que j’ai
450
d’esprit, une cécité partielle devant les leçons
de
l’Histoire, que j’ai plus d’une raison de nommer le daltonisme politi
451
le devant les leçons de l’Histoire, que j’ai plus
d’
une raison de nommer le daltonisme politique. Messieurs les députés, n
452
leçons de l’Histoire, que j’ai plus d’une raison
de
nommer le daltonisme politique. Messieurs les députés, n’oubliez pas
453
ratique. C’est assez pour que j’ose vous supplier
d’
y réfléchir quelques minutes. La Suisse s’est unie en neuf mois. Il va
454
Suisse s’est unie en neuf mois. Il vaut la peine
de
s’arrêter devant ce fait, pour mieux se persuader qu’on peut aller tr
455
s n’auriez pas, Staline le prend : c’est le temps
de
méditer avant d’agir. Mais celui que vous risquez de perdre, cet été,
456
taline le prend : c’est le temps de méditer avant
d’
agir. Mais celui que vous risquez de perdre, cet été, soyez bien sûrs
457
méditer avant d’agir. Mais celui que vous risquez
de
perdre, cet été, soyez bien sûrs qu’il le retrouvera : c’est le temps
458
ez bien sûrs qu’il le retrouvera : c’est le temps
de
modifier non pas des paragraphes, mais l’ordre de bataille de l’Armée
459
de modifier non pas des paragraphes, mais l’ordre
de
bataille de l’Armée rouge. n. Rougemont Denis de, « Messieurs, n’
460
non pas des paragraphes, mais l’ordre de bataille
de
l’Armée rouge. n. Rougemont Denis de, « Messieurs, n’oubliez pas
461
bataille de l’Armée rouge. n. Rougemont Denis
de
, « Messieurs, n’oubliez pas l’exemple de la Suisse », Combat, Paris,
462
nt Denis de, « Messieurs, n’oubliez pas l’exemple
de
la Suisse », Combat, Paris, 3 octobre 1950, p. 6. o. Présenté par la
463
ivante : « Nous publions deux importants extraits
de
cinq lettres que notre ami Denis de Rougemont écrivit à l’intention d
464
ntion des députés réunis à Strasbourg. La session
d’
été de l’Assemblée européenne est terminée. Mais ces lettres d’avertis
465
des députés réunis à Strasbourg. La session d’été
de
l’Assemblée européenne est terminée. Mais ces lettres d’avertissement
466
semblée européenne est terminée. Mais ces lettres
d’
avertissement demeurent. Et il y a un redoutable abîme entre les propo
467
il y a un redoutable abîme entre les propositions
de
Denis de Rougemont et les résultats des travaux de Strasbourg. On tro
468
e Denis de Rougemont et les résultats des travaux
de
Strasbourg. On trouvera ici, demain, le second extrait de ces lettres
469
bourg. On trouvera ici, demain, le second extrait
de
ces lettres. »
470
e, ou protestante, ou française, ou allemande, ou
de
gauche, ou de droite — ou ne sera pas. Vous êtes là pour qu’elle soit
471
nte, ou française, ou allemande, ou de gauche, ou
de
droite — ou ne sera pas. Vous êtes là pour qu’elle soit, pour qu’elle
472
elle soit, pour qu’elle dure, dans ses diversités
de
tous les ordres, que l’on ne peut préserver que par l’union et que l’
473
t que l’unification tuerait. Mais sans sacrifices
d’
amour-propre, sans replis stratégiques d’intérêts légitimes, sans comp
474
crifices d’amour-propre, sans replis stratégiques
d’
intérêts légitimes, sans compromis, elle ne sera pas. C’est clair. V
475
itaux. Quant à ceux qui n’ont point cette passion
de
l’Europe, ceux dont le regard s’attarde aux obstacles à l’union, perd
476
regard s’attarde aux obstacles à l’union, perdant
de
vue sa nécessité, il nous reste à leur faire comprendre que le pire o
477
ls se prennent pour l’opinion, qu’ils ont négligé
d’
écouter. Tous les sondages précis réfutent leurs craintes, démasquent
478
leurs arrière-pensées, dénoncent leur parti pris
de
scepticisme. Les deux tiers des Européens se déclarent pour l’union,
479
les obstacles insurmontables. Il y a deux sortes
d’
opinions : celle que l’on invoque, et la vraie. L’une qui sert d’alibi
480
lle que l’on invoque, et la vraie. L’une qui sert
d’
alibi aux démagogues, et l’autre qui les laisse tomber ; l’une qui fai
481
pu parler que dans le secret des urnes. L’opinion
d’
aujourd’hui, je la sens, c’est l’Europe. Mais elle ne bougera pas, si
482
r pudiquement, chaque année, qu’il reste désireux
d’
envisager l’étude de quelques mesures préalables tendant à renforcer l
483
e année, qu’il reste désireux d’envisager l’étude
de
quelques mesures préalables tendant à renforcer le sentiment d’une So
484
sures préalables tendant à renforcer le sentiment
d’
une Solidarité qui ne saurait nuire à « l’achèvement d’une union plus
485
Solidarité qui ne saurait nuire à « l’achèvement
d’
une union plus intime entre ses membres ». Les manchettes des journaux
486
membres ». Les manchettes des journaux parleront
d’
un « pas important vers l’union ». Et les Anglais jugeront qu’ils ne p
487
ent s’associer à ces engagements téméraires avant
d’
avoir pris le temps d’étudier leur contenu et de s’être assurés qu’en
488
ngagements téméraires avant d’avoir pris le temps
d’
étudier leur contenu et de s’être assurés qu’en tous les cas cela ne p
489
t d’avoir pris le temps d’étudier leur contenu et
de
s’être assurés qu’en tous les cas cela ne peut les conduire absolumen
490
des principes, a fait jusqu’ici pratiquement plus
de
mal que de bien à notre cause à tous. On me dira que si l’on se conte
491
es, a fait jusqu’ici pratiquement plus de mal que
de
bien à notre cause à tous. On me dira que si l’on se contente d’affir
492
cause à tous. On me dira que si l’on se contente
d’
affirmer des principes sans les mettre en pratique, cela ne fait de ma
493
incipes sans les mettre en pratique, cela ne fait
de
mal à personne. Mais cela en fait aux principes. Or une Europe qui se
494
européen, ce serait un acte enfin, quelque chose
de
concret. Et je me garde de sous-estimer la puissance des philatéliste
495
e enfin, quelque chose de concret. Et je me garde
de
sous-estimer la puissance des philatélistes. Mais si Strasbourg accou
496
ce des philatélistes. Mais si Strasbourg accouche
d’
un timbre-poste, nous serons un peu déçus, et Staline très content. Vo
497
les députés, vous le savez bien, vous n’êtes pas
de
vrais députés, car les vrais sont élus, et vous êtes simplement délég
498
es simplement délégués pour consultation. Décidez
de
vous faire élire. Un raisonnement très simple appuie cette suggestion
499
rmer ses peuples, et du danger qu’ils courent, et
de
la parade puissante que pourrait constituer notre fédération. On n’in
500
s une propagande massive. Personne n’a les moyens
de
la financer. La seule solution concevable, c’est une campagne élector
501
vue de nommer leurs députés au premier Parlement
de
l’Europe. Les partis présenteront les candidats. Et les mouvements fé
502
les mouvements fédéralistes aussi. Et les groupes
d’
intérêts professionnels, syndicats patronaux et ouvriers. Il en résult
503
. Il en résultera dans nos provinces une campagne
d’
agitation, d’émulation, de polémique européenne, que nulle autre métho
504
tera dans nos provinces une campagne d’agitation,
d’
émulation, de polémique européenne, que nulle autre méthode ne saurait
505
provinces une campagne d’agitation, d’émulation,
de
polémique européenne, que nulle autre méthode ne saurait provoquer.
506
La condition à la fois nécessaire et suffisante
d’
une telle campagne, c’est de faire sentir aux peuples qu’elle comporte
507
essaire et suffisante d’une telle campagne, c’est
de
faire sentir aux peuples qu’elle comporte un enjeu, et que leur sort
508
un seul : discuter et voter un projet bien précis
de
Constitution fédérale de l’Europe. Si vous acceptez cela, vous aurez
509
er un projet bien précis de Constitution fédérale
de
l’Europe. Si vous acceptez cela, vous aurez avec vous l’opinion vraie
510
s l’opinion vraie dans sa majorité, les militants
de
l’Europe, la logique de l’Histoire, le réveil de notre espérance. Si
511
a majorité, les militants de l’Europe, la logique
de
l’Histoire, le réveil de notre espérance. Si vous n’acceptez pas, vou
512
de l’Europe, la logique de l’Histoire, le réveil
de
notre espérance. Si vous n’acceptez pas, vous ne trouverez derrière v
513
indifférence ; et devant vous, le rire des hommes
d’
acier. Si vous me dites que c’est prématuré, je vous supplierai de déc
514
me dites que c’est prématuré, je vous supplierai
de
déclarer clairement à quel moment, et sous quelles conditions, cela c
515
moment, et sous quelles conditions, cela cessera
d’
être prématuré. Si vous me dites que c’est très joli, mais qu’il faut
516
ut qu’on vous laisse du temps, je vous proposerai
de
l’obtenir de Staline. Car en Europe il y en a peu. Si vous me dites e
517
laisse du temps, je vous proposerai de l’obtenir
de
Staline. Car en Europe il y en a peu. Si vous me dites enfin que c’es
518
enfin que c’est plus difficile que je n’ai l’air
de
le penser dans ma candeur naïve, je vous demanderai si quelque chose
519
ue le maintien du statu quo, que la vie, la durée
de
notre Europe divisée, devant toutes les menaces que vous savez : un r
520
la ruine à bref délai, les trois-cents divisions
de
l’armée rouge. D’une part, on peut penser qu’au point où nous en somm
521
oix presque désespérée, et sans autre pouvoir que
de
vous adjurer de la part des millions qui se taisent mais qui ont peur
522
et qu’une autre ne dit pas non. Dans un mouvement
de
passion, je m’écriais l’autre jour : si vous ne voulez rien faire, al
523
et je les supplie maintenant, au nom de l’Europe,
de
rester au contraire, de ne point se séparer avant d’avoir dressé, pou
524
nant, au nom de l’Europe, de rester au contraire,
de
ne point se séparer avant d’avoir dressé, pour notre espoir, un signe
525
rester au contraire, de ne point se séparer avant
d’
avoir dressé, pour notre espoir, un signe ! Des raisons de vivre !
526
ssé, pour notre espoir, un signe ! Des raisons
de
vivre ! Vous n’êtes pas encore l’espoir des peuples libres, ni des
527
l’espoir des peuples libres, ni des peuples muets
de
l’Est européen. Mais vous pouvez le devenir et sonner le ralliement.
528
re. Personne ne veut mourir, que pour des raisons
de
vivre. Mozart n’en est plus une pour les chômeurs. Et ce n’est pas un
529
qui résoudra le problème du chômage, mais l’union
de
nos sacrifices. Qui peut nous l’imposer ? Qui peut faire reculer les
530
ois légitimes qui se révèlent contraires au salut
de
l’ensemble ? Je veux avoir parlé pour ne rien dire, si quelqu’un nous
531
s. Messieurs les députés européens, je vous salue
d’
un vœu qui voudrait résumer celui de tous nos peuples aux écoutes de l
532
je vous salue d’un vœu qui voudrait résumer celui
de
tous nos peuples aux écoutes de l’avenir, un vœu mêlé d’angoisse et d
533
ait résumer celui de tous nos peuples aux écoutes
de
l’avenir, un vœu mêlé d’angoisse et d’espérance : méritez votre nom,
534
nos peuples aux écoutes de l’avenir, un vœu mêlé
d’
angoisse et d’espérance : méritez votre nom, faites-vous élire et fédé
535
ux écoutes de l’avenir, un vœu mêlé d’angoisse et
d’
espérance : méritez votre nom, faites-vous élire et fédérez l’Europe p
536
y, 30 juillet-6 août 1950. p. Rougemont Denis
de
, « Messieurs, on vous attend encore au pied du mur ! », Combat, Paris
537
Combat, Paris, 4 octobre 1950, p. 6. q. Présenté
de
cette note : « Nous publions aujourd’hui le deuxième extrait des cinq
538
éens que Denis de Rougemont écrivit à l’occasion
de
la session de Strasbourg. »
539
s de Rougemont écrivit à l’occasion de la session
de
Strasbourg. »