1 1946, Combat, articles (1946–1950). Ni secret ni défense (19-20 mai 1946)
1 Ni secret ni défense (19-20 mai 1946) a Les hommes d’État, les généraux et quelques vulgarisateurs en mal
2 énéraux et quelques vulgarisateurs en mal d’idées ont trouvé deux moyens d’esquiver la question posée par la bombe atomique
3 corps unanime des savants. M. Hanson W. Baldwin l’ a fort bien expliqué dans le New York Times : le seul et vrai secret de
4 de la détonation, dans quelques mois les Russes l’ auront , ou les Anglais, ou les Danois peut-être. Et je ne connais pas un seu
5 tre. Et je ne connais pas un seul physicien qui n’ ait nié expressément, et en toute occasion publique, devant les journalis
6 i quelqu’un nous attaque, nous ne saurons pas qui a tiré. Supposez qu’un petit pays, disons la Suisse, manufacture une do
7 d’argent comme on le croit (les grosses dépenses ont été faites par l’Amérique pendant les recherches), mais d’ingéniosité
8 hain reaction. En vingt-quatre heures, l’Occident a vécu. Un éclair tombant du ciel bleu, — l’expression est devenue si v
9 bleu, — l’expression est devenue si vraie qu’elle a cessé de nous frapper. Une apathie étrange me semble s’établir dans l
10 tes et veille sur son « dépôt sacré ». Le monde n’ a pas de gouvernement. Je ne suis pas sûr que les nations en aient. Et
11 uvernement. Je ne suis pas sûr que les nations en aient . Et nous restons, les bras ballants… a. Rougemont Denis de, « Ni s
12 s en aient. Et nous restons, les bras ballants… a . Rougemont Denis de, « Ni secret ni défense », Combat, Paris, 19–20
2 1946, Combat, articles (1946–1950). Paralysie des hommes d’État (21 mai 1946)
13 ient-ils penser ? Simplement, pratiquement, ils n’ ont pas le temps. Pourquoi ? J’en vois une raison simple. Parce qu’ils go
14 ’être pas le chef d’une grande nation. Mais qui l’ a dit, jusqu’à ce jour ? Chacun sait que l’arbitre d’un match n’est jam
15 ’est jamais le capitaine d’une des équipes. Qui l’ a rappelé au sujet des trois Grands ? Chacun sait que, pour arbitrer la
16 grès, les fonctionnaires et la presse. Mais qui l’ a dit au sujet de Truman ? L’Amérique est trop grande pour lui, et le v
17 nces près, le plan des Nations unies. Vos États n’ ont fait un pays qu’en unissant leurs peuples, et non leurs chefs, qui se
18 lanète à trois hommes surchargés, débordés, qui n’ ont pas une minute pour réfléchir, et qui représentent les intérêts de le
19 de l’avenir naissent d’un loisir intense. Or, ils ont à recevoir des députés… Seule, une cour internationale, formée d’homm
20 d’hommes désignés par la voie populaire, et qui n’ auraient pas d’autre affaire que de considérer la Planète, puis de traiter de
21 as perdre la boule ! Car le fait est qu’il n’y en a qu’une de boule, comme disait à peu près le regretté Willkie, et qu’u
3 1946, Combat, articles (1946–1950). Tous démocrates (22 mai 1946)
22 tes. Lui. — Autant dire que votre mot démocratie a perdu tout son pouvoir ! Une étiquette qui s’applique à tous les part
23 tres, à la nationalisation des banques. Peut-être a-t -elle tort, mais on n’a pas manqué de répondre que cette mesure est pr
24 n des banques. Peut-être a-t-elle tort, mais on n’ a pas manqué de répondre que cette mesure est précisément celle qui fut
25 est le vrai débat. Si nous le reconnaissons, nous aurons fait un grand progrès, le seul peut-être que la guerre pouvait permet
26 i longtemps que vos hommes d’État démocratiques n’ auront pas abordé ouvertement et sincèrement ces deux questions fondamentale
4 1946, Combat, articles (1946–1950). Les cochons en uniforme ou le nouveau Déluge (23 mai 1946)
27 s la baie de Bikini pour subir l’épreuve atomique auront leurs équipages complets. Mais ces équipages seront entièrement compo
28 ision supplémentaire, à propos des cochons : l’on a remarqué que la peau des cochons est fort semblable à celle de l’homm
29 ar l’usage de la bombe atomique… J’avoue que je n’ avais pas pensé à l’uniforme et au respect que nous lui devions naguère. Le
30 nous lui devions naguère. Les savants, eux, ne l’ ont pas raté. Ce n’est pas ma faute, c’est fait. Et c’en est fait, — même
31 animaux d’un des États de l’Est de l’Amérique qui a pris l’initiative d’un mouvement d’opinion contre les essais projetés
5 1946, Combat, articles (1946–1950). Post-scriptum (24 mai 1946)
32 uer que vous exagériez. Savez-vous que beaucoup l’ ont pensé, sans vous le dire ? Il est bien naturel que l’événement d’Hiro
33 est bien naturel que l’événement d’Hiroshima nous ait jetés pour quelque temps dans un état d’esprit d’Apocalypse. Mais dix
34 dans un état d’esprit d’Apocalypse. Mais dix mois ont passé, et rien ne se passe. Dieu soit loué, nous avons repris nos sen
35 passé, et rien ne se passe. Dieu soit loué, nous avons repris nos sens. Certains pressentent déjà que la bombe est en train
36 re. Après tout, nous devions le prévoir, car nous avons vécu un précédent : la guerre des gaz. Tout le monde s’y préparait, v
37 sque en bandoulière. Eh bien, la guerre des gaz n’ a pas eu lieu, parce que tout le monde en avait une peur bleue, et que
38 s gaz n’a pas eu lieu, parce que tout le monde en avait une peur bleue, et que personne, même pas Hitler, n’a eu le courage d
39 e peur bleue, et que personne, même pas Hitler, n’ a eu le courage de commencer. À plus forte raison pour la Bombe… — Je n
40 peur bleue, et que personne, même pas Hitler, n’a eu le courage de commencer. À plus forte raison pour la Bombe… — Je ne t
41 uve pas la raison bien forte, en vérité. Hitler n’ a pas eu recours aux gaz, c’est entendu. Mais pensez-vous qu’une timidi
42 s la raison bien forte, en vérité. Hitler n’a pas eu recours aux gaz, c’est entendu. Mais pensez-vous qu’une timidité subi
43 ntendu. Mais pensez-vous qu’une timidité subite l’ ait arrêté, ou quelque amour tardif de notre humanité ? Simplement, il a
44 e amour tardif de notre humanité ? Simplement, il a fait son calcul. Les Alliés pouvaient riposter, et la valeur militair
45 compenser, même à ses yeux, le risque moral qu’il eût couru à l’employer. Le cas de la Bombe est différent. Je vous répète
46 ctes. Si l’emploi de la Bombe est décisif, il n’y a pas de punition à redouter. Il est donc clair qu’on l’emploiera, au r
47 ereux, horriblement, c’est l’homme. C’est lui qui a fait la Bombe, et c’est lui seul qui se prépare à l’employer. Quand j
6 1946, Combat, articles (1946–1950). Bikini bluff (2 juillet 1946)
48 crifiés » et « pour alléger leurs souffrances » n’ ont -elles point été sans effet. Ce qu’on sait, de source officielle, c’es
49 déclare satisfait. « L’expérience, déclare-t-il, a répondu à toutes nos espérances. Nous comptons en tirer des renseigne
50 it mieux dire, étant un amiral. Oui, l’expérience a répondu à l’espérance des amiraux du monde entier, qui est, en somme,
51 itués par la bombe. Il se peut que cette campagne ait été orchestrée par les services de l’Armée de Terre, pendant le débat
52 mble du « Projet Manhattan ». Le Dr Oppenheimer n’ a rien voulu savoir de cette futile grillade de cochons vifs, organisée
53 grand match à trois équipes. Mais sans doute ne l’ a-t -elle gagnée qu’aux yeux de l’opinion publique. Les vrais arbitres res
54 nt rassurés, conformément à tous les plans qu’ils ont tirés, l’humanité en général n’a pas lieu de se réjouir trop bruyamme
55 cochons en uniformes. Les habitants d’Hiroshima n’ ont pas tenu le coup tout à fait aussi bien, comme le révèlent les rappor
56 le sentiment de leur interdépendance. Quand nous aurons compris que toute guerre, aujourd’hui, n’est possible qu’avec toutes
7 1946, Combat, articles (1946–1950). Les intellectuels sont-ils responsables ? (5 juillet 1946)
57 erbe se faisait rare sous leurs pieds et qu’ils n’ avaient plus de berger, aux éclairs de chaleur d’une révolution encore lointa
58 , tout en signant une quantité de manifestes. Ils ont signé pour le négus et contre lui ; pour le chef bien-aimé, Père des
59 te commis dans le monde, depuis quatre ans, qui n’ ait été vertement dénoncé pas des « intellectuels » français. Mais si le
60 ée détachée, irresponsable par définition. Il n’y a pas que du mal à en dire : cela nous a valu quelques œuvres durables,
61 on. Il n’y a pas que du mal à en dire : cela nous a valu quelques œuvres durables, mineures sans doute, mais délicates et
62 is délicates et ingénieuses. Cependant, les temps ont changé. La crise nous a fait voir soudain que les positions intellect
63 s. Cependant, les temps ont changé. La crise nous a fait voir soudain que les positions intellectuelles héritées du libér
64 de faillite qu’on nomme l’État totalitaire. Nous avons constaté que rien, ni la pensée, ni l’acte individuel, n’est en réali
65 a libération. En vérité, c’est le libéralisme qui a répandu l’idée que l’engagement ne peut être qu’un esclavage. La libe
66 ne peut être qu’un esclavage. La liberté réelle n’ a pas de pires ennemis que les libéraux ; sinon en intention, du moins
67 le, un Nietzsche, un Kierkegaard, un Baudelaire1, ont été les plus violemment engagés dans la réalité. Et cela suffirait bi
68 ns que nous donnons à ce mot d’engagement. ⁂ Je l’ ai dit ailleurs : un gant qui se retourne ne devient pas pour si peu une
69 encore : la première tâche des intellectuels qui ont compris le péril totalitaire (de droite ou de gauche) ce n’est pas « 
70 notre élite en est l’ahurissant exemple. Du moins a-t -elle eu cela de bon : les écrivains qui ont décidé tout récemment de
71 te en est l’ahurissant exemple. Du moins a-t-elle eu cela de bon : les écrivains qui ont décidé tout récemment de renoncer
72 moins a-t-elle eu cela de bon : les écrivains qui ont décidé tout récemment de renoncer à l’usage de leur pensée devant la
73 menace hitlérienne (voir le manifeste de Ce Soir) ont exprimé en toute clarté qu’ils étaient de vrais libéraux, irresponsab
74 s que Bernanos et Schlumberger, dont la bonne foi a été surprise, — comme on dit. Peu importent d’ailleurs les personnes 
75 s lourdement sur l’activité intellectuelle. Aussi avons -nous pensé qu’il serait intéressant de demander à un certain nombre d
8 1947, Combat, articles (1946–1950). « La tâche française c’est d’inventer la paix » (26 décembre 1947)
76 le contraire d’un amuseur. Pendant la guerre, il a mené le bon combat à l’émission « La voix de l’Amérique », tandis que
77 s qui aboutissent à la bombe ou à la paix. Il n’y a de fatalité que lorsque l’homme démissionne. Et c’est ce qui est grav
78 onne. Et c’est ce qui est grave en ce moment : on a l’impression que personne n’est décidé à arrêter la folle machine ou,
79 la bonne voie. Nous autres, Suisses romands, nous avons les yeux tournés vers la France et nous constatons avec stupeur que l
80 actuel est sans pitié pour les pauvres. La France a besoin des États-Unis pour sa subsistance et elle est entravée dans s
81 uelle ? Si on peut dire qu’actuellement elle ne l’ a pas davantage que l’initiative politique, il faut ajouter aussitôt qu
82 tique, il faut ajouter aussitôt que personne ne l’ a reprise à sa place. Cette initiative-là, on la perd dès qu’on cesse d
83 , et seule la France pourra le tenir comme elle l’ a tenu dans le passé. Mais la France est « en attente ». En attente de
84 re. C’est bien l’impression désespérante que nous avons . L’intelligence française est comme paralysée, neutralisée par une do
85 ’ailleurs impensable —, ce serait comme si elle n’ avait rien fait. Il n’y a pas d’autarcie de la paix. « Penser français » co
86 ce serait comme si elle n’avait rien fait. Il n’y a pas d’autarcie de la paix. « Penser français » comme le voulait Barrè
87 ui d’un conquérant. Le voudrait-elle qu’elle n’en a pas les moyens. Ce n’est pas une « francisation » de l’Europe qu’il s
88 ter. Quant aux Russes, je suis convaincu qu’ils n’ ont qu’à y gagner. Mais s’ils persistent dans leur attitude ombrageuse, e
89 me actif ». Je ne me fais aucune illusion. Il n’y aura jamais d’âge d’or. Je demande simplement un monde où les vrais problè
9 1948, Combat, articles (1946–1950). Message aux Européens (14 mai 1948)
90 ique de notre temps. Jamais l’histoire du monde n’ aura connu un si puissant rassemblement d’hommes libres. Jamais la guerre,
91 libres. Jamais la guerre, la peur, et la misère n’ auront été mises en échec par un plus formidable adversaire. Entre ce grand
92 p. 1. m. Précédé du chapeau suivant : « Ce texte a été lu par son auteur, parlant au nom de tous les congressistes, à la
10 1950, Combat, articles (1946–1950). Messieurs, n’oubliez pas l’exemple de la Suisse (3 octobre 1950)
93 core souveraines ? Voyons l’Histoire. Les Suisses ont réussi : voyons la Suisse. Tout le monde croit l’avoir vue et s’en va
94 réussi : voyons la Suisse. Tout le monde croit l’ avoir vue et s’en va répétant qu’il a fallu plus de cinq-cents ans pour sce
95 monde croit l’avoir vue et s’en va répétant qu’il a fallu plus de cinq-cents ans pour sceller son union fédérale. Tout le
96 r son union fédérale. Tout le monde se trompe. Il a fallu neuf mois. En voici le récit exact. Neuf mois pour fédérer vi
97 t. L’essor que prit la Suisse, dès cet instant, n’ a pas fléchi durant un siècle. Messieurs les députés, neuf mois avaient
98 urant un siècle. Messieurs les députés, neuf mois avaient suffi pour fédérer 25 États souverains. Pensez-vous que l’Histoire vo
99 partielle devant les leçons de l’Histoire, que j’ ai plus d’une raison de nommer le daltonisme politique. Messieurs les dé
100 temps fait beaucoup à l’affaire. Celui que vous n’ auriez pas, Staline le prend : c’est le temps de méditer avant d’agir. Mais
11 1950, Combat, articles (1946–1950). Messieurs, on vous attend encore au pied du mur ! (4 octobre 1950)
101 soudront aux compromis vitaux. Quant à ceux qui n’ ont point cette passion de l’Europe, ceux dont le regard s’attarde aux ob
102 . C’est qu’ils se prennent pour l’opinion, qu’ils ont négligé d’écouter. Tous les sondages précis réfutent leurs craintes,
103 et les sceptiques, alors, pourront bien dire : j’ avais raison, voyez l’obstacle ! Ils l’auront eux-mêmes suscité. L’œil du s
104 n dire : j’avais raison, voyez l’obstacle ! Ils l’ auront eux-mêmes suscité. L’œil du sceptique crée les obstacles insurmontabl
105 oudraient que Dewey soit élu : on dit alors qu’il a pour lui toute l’opinion. Truman élu, l’opinion c’est Truman. Elle l’
106 n. Elle l’était avant cela, bien sûr, mais elle n’ a pu parler que dans le secret des urnes. L’opinion d’aujourd’hui, je l
107 t s’associer à ces engagements téméraires avant d’ avoir pris le temps d’étudier leur contenu et de s’être assurés qu’en tous
108 lidement retranché dans le domaine des principes, a fait jusqu’ici pratiquement plus de mal que de bien à notre cause à t
109 s peuples sans une propagande massive. Personne n’ a les moyens de la financer. La seule solution concevable, c’est une ca
110 rmes, il faut que le Parlement issu des élections ait quelque chose à faire. Qu’un but concret soit assigné à ses travaux.
111 fédérale de l’Europe. Si vous acceptez cela, vous aurez avec vous l’opinion vraie dans sa majorité, les militants de l’Europe
112 ai de l’obtenir de Staline. Car en Europe il y en a peu. Si vous me dites enfin que c’est plus difficile que je n’ai l’ai
113 peut penser qu’au point où nous en sommes, il n’y a presque plus rien à perdre. Que risquez-vous à tenter l’impossible ?
114 r de la part des millions qui se taisent mais qui ont peur ? Pardonnez mes violences et mes impertinences : comprenez l’anx
115 ster au contraire, de ne point se séparer avant d’ avoir dressé, pour notre espoir, un signe ! Des raisons de vivre ! Vo
116 èlent contraires au salut de l’ensemble ? Je veux avoir parlé pour ne rien dire, si quelqu’un nous propose une autre solution