1 1946, Combat, articles (1946–1950). Ni secret ni défense (19-20 mai 1946)
1 esquiver la question posée par la bombe atomique. Ils essaient d’enchaîner le monstre avec des agrafes de dossiers : « C’es
2 que nous gardons, c’est un dépôt sacré », disent- ils . Et sans l’avis d’aucun savant autorisé, ils parlent de défenses poss
3 sent-ils. Et sans l’avis d’aucun savant autorisé, ils parlent de défenses possibles, si toutefois on leur laisse le command
4 e industrielle de l’Amérique. C’est assez dire qu’ il n’est que temporaire. Quant au secret technique de la détonation, dan
5 e ? Je n’en jugerais qu’après un essai en Europe. Il est clair que l’opinion publique est égarée par sa foi dans la scienc
6 nstant que les projectiles ne viennent de Russie. Il est trop tard pour échanger des notes et des coups de chapeau haut de
7 ciel bleu, — l’expression est devenue si vraie qu’ elle a cessé de nous frapper. Une apathie étrange me semble s’établir dans
2 1946, Combat, articles (1946–1950). Paralysie des hommes d’État (21 mai 1946)
8 t gouverné par ceux qu’on nomme les trois Grands. Ils se composent d’un loup déguisé en mouton et de deux moutons vêtus de
9 ave Garçon, et de l’Esprit bourgeois que la Bombe doit être administrée. Notez que, si elle ne l’est pas, quelqu’un va nous
10 que la Bombe doit être administrée. Notez que, si elle ne l’est pas, quelqu’un va nous l’administrer. L’alternative est entr
11 notre sort sont en réalité irresponsables ? Et qu’ ils usurpent le nom de gouvernants ? J’essaie de me mettre à leur place.
12 . Staline voudrait la paix, car sa Russie blessée doit d’abord être reconstruite, mais il ne renonce pas aux plans de Pierre
13 ssie blessée doit d’abord être reconstruite, mais il ne renonce pas aux plans de Pierre le Grand. Attlee voudrait la paix,
14 blessé est en pleine expérience socialiste, mais il ne renonce pas à faire tuer les indigènes qui se révoltent à Java con
15 américains y trouveraient leur espace vital, mais il ne renonce pas aux barrières douanières, à la défense du capital d’ab
16 its) d’un conflit avec la Russie. Sans doute sont- ils tous les trois convaincus qu’ils aiment la paix en général, et pour e
17 Sans doute sont-ils tous les trois convaincus qu’ ils aiment la paix en général, et pour elle-même, et qu’ils détestent la
18 ment la paix en général, et pour elle-même, et qu’ ils détestent la guerre : pourtant, ils s’y préparent. Ce qui domine en f
19 e-même, et qu’ils détestent la guerre : pourtant, ils s’y préparent. Ce qui domine en fait leur politique, c’est la vision
20 la vision de la guerre, non pas celle de la paix. Ils agissent donc comme des irresponsables, provoquant ce qu’ils veulent
21 t donc comme des irresponsables, provoquant ce qu’ ils veulent éviter. Et le public a l’air de trouver cela normal, — ou ne
22 de les comprendre, avant de les traiter de ce qu’ ils ont l’air d’être, quand on voit ce qu’ils vont faire ou laisser faire
23 e ce qu’ils ont l’air d’être, quand on voit ce qu’ ils vont faire ou laisser faire de nos vies. Irresponsables moins par inc
24 e nos vies. Irresponsables moins par incapacité — ils suffiraient aux tâches courantes — que par le fait du problème posé,
25 la Bombe dépasse tout. Devant le monde à unifier, ils paraissent frappés d’un vertige. Ils ne voient rien. Cette absence de
26 e à unifier, ils paraissent frappés d’un vertige. Ils ne voient rien. Cette absence de pensée est plus dangereuse que n’imp
27 rte quelle pensée fausse. Mais comment pourraient- ils penser ? Simplement, pratiquement, ils n’ont pas le temps. Pourquoi ?
28 pourraient-ils penser ? Simplement, pratiquement, ils n’ont pas le temps. Pourquoi ? J’en vois une raison simple. Parce qu’
29 Pourquoi ? J’en vois une raison simple. Parce qu’ ils gouvernent leur nation, et que c’est assez ou même trop pour un homme
30 s inaugurations, des banquets et des nominations. Il est clair que, pour gouverner les nations, la première condition requ
31 que, pour arbitrer la lutte entre les continents, il faut d’autres talents et un autre savoir que pour équilibrer les démo
32 prendre son temps. ⁂ Je les plains. Cependant, s’ ils s’obstinent, je serai forcé de les traiter d’usurpateurs. L’incompéte
33 urs. L’incompétence des commandants en chef n’est- elle pas jugée criminelle par l’opinion publique de leur patrie, et parfoi
34 États de l’Union ? — Ce serait absurde, me disent- ils . — Eh quoi, c’est pourtant ce que nous offre, à quelques nuances près
35 disqualifie, en principe, pour l’entreprise dont ils se chargent, et les porte à la saboter. Leur métier même les rend ina
36 end inaptes à voir ce que le monde entier attend. Ils ne voient rien, c’est évident, car les visions de l’avenir naissent d
37 ons de l’avenir naissent d’un loisir intense. Or, ils ont à recevoir des députés… Seule, une cour internationale, formée d’
38 efs d’État… Peut-être l’expérience de Bikini va-t- elle donner le choc nécessaire pour alerter enfin une opinion mondiale ? A
39 rands ne pas perdre la boule ! Car le fait est qu’ il n’y en a qu’une de boule, comme disait à peu près le regretté Willkie
3 1946, Combat, articles (1946–1950). Tous démocrates (22 mai 1946)
40 te catholique ». (Je le crois seul de son parti.) Il avait l’air un peu nerveux. Voici notre conversation : Moi. — Contre
41 ulera donc Crémation, liquidation, évaporation ! ( Il prononça ces mots d’un ton rageur, qui me fit éclater de rire.) Moi.
42 monde, et la traitaient de « fasciste », parce qu’ elle répugne, entre autres, à la nationalisation des banques. Peut-être a-
43 , à la nationalisation des banques. Peut-être a-t- elle tort, mais on n’a pas manqué de répondre que cette mesure est précisé
44  démocratie » ne signifiera rien du tout. Ou bien elle servira d’excuse et de prétexte cousu de fil blanc ou de fil rouge au
4 1946, Combat, articles (1946–1950). Les cochons en uniforme ou le nouveau Déluge (23 mai 1946)
45 ussi bien nos marins ou capitaines cochons seront- ils revêtus, pour l’occasion, d’uniformes réguliers de la marine, imprégn
46 pas pensé à l’uniforme et au respect que nous lui devions naguère. Les savants, eux, ne l’ont pas raté. Ce n’est pas ma faute,
47 ge de l’uniforme, symboliquement, qui va sombrer. Il vaut la peine de remarquer, enfin, que pas une voix ne s’est élevée,
5 1946, Combat, articles (1946–1950). Post-scriptum (24 mai 1946)
48 parliez-vous dans vos articles précédents ? Faut- il penser que vous vous moquiez du monde ? — J’étais sérieux. Je prenais
49 ous que beaucoup l’ont pensé, sans vous le dire ? Il est bien naturel que l’événement d’Hiroshima nous ait jetés pour quel
50 e se dégonfler, pour ainsi dire. Après tout, nous devions le prévoir, car nous avons vécu un précédent : la guerre des gaz. Tou
51 lque amour tardif de notre humanité ? Simplement, il a fait son calcul. Les Alliés pouvaient riposter, et la valeur milita
52 de compenser, même à ses yeux, le risque moral qu’ il eût couru à l’employer. Le cas de la Bombe est différent. Je vous rép
53 cas de la Bombe est différent. Je vous répète qu’ elle supprimera la possibilité de riposter, c’est-à-dire jouera militairem
54 ra militairement le rôle d’une bataille décisive. Elle supprimera donc les scrupules de l’agresseur éventuel. Car nos scrupu
55 e nos actes. Si l’emploi de la Bombe est décisif, il n’y a pas de punition à redouter. Il est donc clair qu’on l’emploiera
56 est décisif, il n’y a pas de punition à redouter. Il est donc clair qu’on l’emploiera, au risque de faire sauter la Terre.
57 u’on nomme des comités pour la retenir ! Comme si elle était tombée du ciel, animée de mauvaises intentions ! C’est d’un com
58 vases de Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se tiendra bien coite dans sa caisse.
59 Bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se tiendra bien coite dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas
60 Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce qu’ il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. — Ah ! ça, c’est une autre q
6 1946, Combat, articles (1946–1950). Bikini bluff (2 juillet 1946)
61 Bikini bluff (2 juillet 1946)f g À l’heure qu’ il est, on ne sait rien des cochons. Peut-être les prières dites en l’ég
62 iés » et « pour alléger leurs souffrances » n’ont- elles point été sans effet. Ce qu’on sait, de source officielle, c’est que
63 y se déclare satisfait. « L’expérience, déclare-t- il , a répondu à toutes nos espérances. Nous comptons en tirer des rensei
64 Et sa valeur ne saurait être exagérée, encore qu’ elle soit aisément « estimable » : elle peut se chiffrer assez exactement,
65 rée, encore qu’elle soit aisément « estimable » : elle peut se chiffrer assez exactement, si l’on connaît le budget prévu po
66 ences de Bikini. Tout cela n’était, nous disaient- ils , qu’un complot pseudo-scientifique pour démontrer la valeur éternelle
67 anger, le vrai danger de l’expérience, c’était qu’ elle ratât, conformément aux prévisions des amiraux, et qu’elle rassurât f
68 t, conformément aux prévisions des amiraux, et qu’ elle rassurât faussement les peuples quant aux risques institués par la bo
69 peuples quant aux risques institués par la bombe. Il se peut que cette campagne ait été orchestrée par les services de l’A
70 a Marine, sur la question du commandement unique. Il est certain que les savants sérieux se sont tous rangés du côté des a
71 iation seule restait indispensable, puisque c’est elle qui transporterait la bombe, ou abattrait les bombardiers ennemis. La
72 d match à trois équipes. Mais sans doute ne l’a-t- elle gagnée qu’aux yeux de l’opinion publique. Les vrais arbitres restent
73 expérience d’une explosion atomique sous-marine. Ils jugent la bombe du type Nagasaki — celle qui fut lancée dimanche soir
74 mille fois surpassée par les récents modèles, qu’ ils sont seuls à connaître. Et c’est leur point de vue qui m’importe. Les
75 x sont rassurés, conformément à tous les plans qu’ ils ont tirés, l’humanité en général n’a pas lieu de se réjouir trop bruy
76 ’un tel gouvernement — qui pourrait être l’ONU si elle existait autrement que sous forme d’initiales — c’est d’augmenter par
7 1946, Combat, articles (1946–1950). Les intellectuels sont-ils responsables ? (5 juillet 1946)
77 Les intellectuels sont- ils responsables ? (5 juillet 1946)h i Chose étrange, le 6 février 193
78 rier 1934 fut une date de l’histoire littéraire : elle inaugura le temps des moutons enragés. Fatigués de leur innocence, vo
79 ue l’herbe se faisait rare sous leurs pieds et qu’ ils n’avaient plus de berger, aux éclairs de chaleur d’une révolution enc
80 irs de chaleur d’une révolution encore lointaine, ils se sont jetés dans le premier parc venu, à gauche ou à droite, et dep
81 euse, tout en signant une quantité de manifestes. Ils ont signé pour le négus et contre lui ; pour le chef bien-aimé, Père
82 d’un nom connu, d’un nom à faire connaître… Bref, il n’est pas un acte commis dans le monde, depuis quatre ans, qui n’ait
83 ’être considérés comme des citoyens responsables, ils étaient au moins en accord avec l’esprit général de l’époque : intell
84 rême était de se « distinguer » des contingences, ils étaient au moins purs dans leur erreur. Les modalités de leur retrait
85 ne pensée détachée, irresponsable par définition. Il n’y a pas que du mal à en dire : cela nous a valu quelques œuvres dur
86 la culture qu’on nous propose de défendre, c’est elle , précisément, qui est responsable de la brutalité totalitaire. On nou
87 nc de défendre une maladie contre la mort, à quoi elle mène nécessairement. Au lieu de nous refaire une santé. Au lieu de no
88 ’hui. ⁂ Pour qu’une pensée s’engage dans le réel, il ne faut pas ni ne saurait suffire qu’elle se soumette à des réalités
89 le réel, il ne faut pas ni ne saurait suffire qu’ elle se soumette à des réalités dont elle ignore ou répudie la loi interne
90 t suffire qu’elle se soumette à des réalités dont elle ignore ou répudie la loi interne : la tactique d’un parti par exemple
91 se libérer et assumer les risques de sa liberté. Il peut sembler paradoxal de soutenir que l’engagement d’une pensée supp
92 ne devient pas pour si peu un penseur engagé. Et il ne faudrait pas que ces trahisons insignes ridiculisent toute espèce
93 nt pas libératrice et responsable du seul fait qu’ elle se met « au service » d’une doctrine de lutte politique. Faire la rév
94 e élite en est l’ahurissant exemple. Du moins a-t- elle eu cela de bon : les écrivains qui ont décidé tout récemment de renon
95 ifeste de Ce Soir) ont exprimé en toute clarté qu’ ils étaient de vrais libéraux, irresponsables nés2, égarés pour un temps
96 agement » politique, et faisant amende honorable. Ils étaient en rupture de bercail. Maintenant, tout est rentré dans l’ord
97 audelaire voulait que la critique des poètes — qu’ il opposait à celle des philosophes libéraux — fût partiale, pleine de p
98 h. Rougemont Denis de, « Les intellectuels sont- ils responsables ? », Combat, Paris, 5 juillet 1946, p. 1. i. Précédé du
99 exprime souvent par des attitudes assez confuses, il est vrai néanmoins que les impératifs partisans pèsent de plus en plu
100 ctivité intellectuelle. Aussi avons-nous pensé qu’ il serait intéressant de demander à un certain nombre d’écrivains leur o
101 lié en 1936), nous envoie l’article suivant, dont il est intéressant de souligner qu’il fut écrit et publié dans une revue
102 suivant, dont il est intéressant de souligner qu’ il fut écrit et publié dans une revue en 1938, sous le titre : « Trop d’
8 1947, Combat, articles (1946–1950). « La tâche française c’est d’inventer la paix » (26 décembre 1947)
103 de Rougemont me reçoit dans l’agréable maison qu’ il occupe à la sortie du village de Ferney, désormais et pour toujours,
104 y, désormais et pour toujours, prénommé Voltaire. Il me semble que mon hôte n’est pas fâché d’habiter sous cette ombre. Il
105 est le contraire d’un amuseur. Pendant la guerre, il a mené le bon combat à l’émission « La voix de l’Amérique », tandis q
106 s étincelantes Lettres sur la bombe atomique où il prenait position devant les problèmes mis à l’ordre du jour par la no
107 lle arme. « La bombe n’est pas dangereuse, disait- il en substance, mais les hommes qui l’utilisent. Ce sont eux qu’il faut
108 , mais les hommes qui l’utilisent. Ce sont eux qu’ il faut contrôler ». Je pense à cela tandis que notre entretien prend, c
109 s forces qui aboutissent à la bombe ou à la paix. Il n’y a de fatalité que lorsque l’homme démissionne. Et c’est ce qui es
110 plus à la taille de ces géants qui s’affrontent. Elle est pauvre aussi et le monde actuel est sans pitié pour les pauvres.
111 ce a besoin des États-Unis pour sa subsistance et elle est entravée dans ses démarches par la Russie, c’est-à-dire par son p
112 la Russie, c’est-à-dire par son parti communiste. Elle donne ainsi l’impression d’être sous une double dépendance. Ce n’est
113 intellectuelle ? Si on peut dire qu’actuellement elle ne l’a pas davantage que l’initiative politique, il faut ajouter auss
114 ne l’a pas davantage que l’initiative politique, il faut ajouter aussitôt que personne ne l’a reprise à sa place. Cette i
115 vacant, et seule la France pourra le tenir comme elle l’a tenu dans le passé. Mais la France est « en attente ». En attente
116 e paralysée, neutralisée par une double négation. Elle se refuse également à chacun des « blocs » mais elle ne sait pas à qu
117 e se refuse également à chacun des « blocs » mais elle ne sait pas à quoi elle se donnera. Il faut, précisément, reprend Den
118 chacun des « blocs » mais elle ne sait pas à quoi elle se donnera. Il faut, précisément, reprend Denis de Rougemont, que cet
119 s » mais elle ne sait pas à quoi elle se donnera. Il faut, précisément, reprend Denis de Rougemont, que cette double négat
120 x « blocs ». C’est une invention des propagandes. Ils n’existent que dans la mesure où on veut bien leur accorder du crédit
121 ement circonscrite par la situation dans laquelle elle se trouve, et que ses refus mêmes, s’ils n’étaient pas exploités sur
122 aquelle elle se trouve, et que ses refus mêmes, s’ ils n’étaient pas exploités sur le plan passionnel, définiraient une affi
123 e nous venons de dire, « d’inventer » la paix. Si elle ne le fait pas, personne ne le fera à sa place. Mais si elle l’invent
124 fait pas, personne ne le fera à sa place. Mais si elle l’inventait pour elle seule — ce qui est d’ailleurs impensable —, ce
125 le fera à sa place. Mais si elle l’inventait pour elle seule — ce qui est d’ailleurs impensable —, ce serait comme si elle n
126 i est d’ailleurs impensable —, ce serait comme si elle n’avait rien fait. Il n’y a pas d’autarcie de la paix. « Penser franç
127 ble —, ce serait comme si elle n’avait rien fait. Il n’y a pas d’autarcie de la paix. « Penser français » comme le voulait
128 aute de méthode mais aussi une faute de français. Il faut donc que l’affirmation française, si elle éclate, comme je le so
129 ais. Il faut donc que l’affirmation française, si elle éclate, comme je le souhaite, trouve immédiatement son champ d’action
130 ement son champ d’action. Je n’en vois qu’un mais il est immense et à sa portée : l’Europe. C’est seulement par l’Europe q
131 ope que nous pourrons agir sur les USA ou l’URSS. Il est temps que nous en prenions conscience : nous ne sommes pas des pe
132 ibilités qu’aucun des « colosses » du monde. Mais il faut que nous existions et que nous sachions que nous existons. « 
133 Napoléon ou de Hitler ? Bien entendu. Aussi n’est- il pas question « d’unifier » l’Europe mais de « l’unir ». Seul, le fédé
134 et c’est pourquoi je suis résolument fédéraliste. Il est évident que le rôle de la France ne sera pas celui d’un conquéran
135 ce ne sera pas celui d’un conquérant. Le voudrait- elle qu’elle n’en a pas les moyens. Ce n’est pas une « francisation » de l
136 ra pas celui d’un conquérant. Le voudrait-elle qu’ elle n’en a pas les moyens. Ce n’est pas une « francisation » de l’Europe
137 Ce n’est pas une « francisation » de l’Europe qu’ il s’agit de réaliser, mais que la France devienne et soit la conscience
138 des raisons d’intérêt, sans doute, mais dont nous devons profiter. Quant aux Russes, je suis convaincu qu’ils n’ont qu’à y gag
139 profiter. Quant aux Russes, je suis convaincu qu’ ils n’ont qu’à y gagner. Mais s’ils persistent dans leur attitude ombrage
140 suis convaincu qu’ils n’ont qu’à y gagner. Mais s’ ils persistent dans leur attitude ombrageuse, eh bien ! nous nous passero
141 essimisme actif ». Je ne me fais aucune illusion. Il n’y aura jamais d’âge d’or. Je demande simplement un monde où les vra
9 1948, Combat, articles (1946–1950). Message aux Européens (14 mai 1948)
142 ce la vocation de l’Europe se définit clairement. Elle est d’unir ses peuples selon leur vrai génie, qui est celui de la div
143 la communauté, afin d’ouvrir au monde la voie qu’ il cherche, la voie des libertés organisées. Elle est de ranimer ses pou
144 e qu’il cherche, la voie des libertés organisées. Elle est de ranimer ses pouvoirs d’invention pour la défense et pour l’ill
145 défense et pour l’illustration des droits et des devoirs de la personne humaine, dont, malgré toutes ses infidélités, l’Europe
146 es, à la séance de clôture du congrès de La Haye. Il donne la note la plus juste sur l’atmosphère de ses débats et résume
147 t résume clairement ses volontés. Nous pensons qu’ il ne laissera pas nos lecteurs indifférents. »
10 1950, Combat, articles (1946–1950). Messieurs, n’oubliez pas l’exemple de la Suisse (3 octobre 1950)
148 le monde croit l’avoir vue et s’en va répétant qu’ il a fallu plus de cinq-cents ans pour sceller son union fédérale. Tout
149 ller son union fédérale. Tout le monde se trompe. Il a fallu neuf mois. En voici le récit exact. Neuf mois pour fédérer
150 n et au-dehors — se réunit pour la première fois. Elle décide de siéger à huis clos cinq fois par semaine. Le 8 avril, elle
151 er à huis clos cinq fois par semaine. Le 8 avril, elle termine ses travaux, dont elle soumet les résultats aux vingt-cinq Ét
152 maine. Le 8 avril, elle termine ses travaux, dont elle soumet les résultats aux vingt-cinq États souverains. Le 15 mai, la D
153 ins. Le 15 mai, la Diète est saisie du projet, qu’ elle adopte le 27 juin. Pendant le mois d’août le peuple vote dans les can
154 z que l’Europe est plus grande que la Suisse ; qu’ il fallut une bonne guerre pour briser le tabou des souverainetés canton
155 sublimes des grandes nations contemporaines. Mais il n’est pas exact que l’Europe d’aujourd’hui soit plus grande que la Su
156 de Rome, ou même d’Ankara — en moins de temps qu’ il n’en fallait, il y a cent ans, pour aller de Genève ou des Grisons à
157 mplissaient nos journaux, il y a cent-trois ans : il n’en est pas une seule qui se soit vérifiée, mais pas une seule non p
158 aisons de ne rien faire restent les mêmes quoi qu’ il arrive, c’est qu’elles traduisent une certaine forme d’esprit, une cé
159 ire restent les mêmes quoi qu’il arrive, c’est qu’ elles traduisent une certaine forme d’esprit, une cécité partielle devant l
160 Messieurs les députés, n’oubliez pas la Suisse : elle existe en dépit de tous les arguments qu’on oppose aujourd’hui à l’Eu
161 lques minutes. La Suisse s’est unie en neuf mois. Il vaut la peine de s’arrêter devant ce fait, pour mieux se persuader qu
162 us risquez de perdre, cet été, soyez bien sûrs qu’ il le retrouvera : c’est le temps de modifier non pas des paragraphes, m
11 1950, Combat, articles (1946–1950). Messieurs, on vous attend encore au pied du mur ! (4 octobre 1950)
163 te ou ne sera pas » savent très bien qu’à ce prix elle ne sera pas. Voilà l’ennemi, et non point Vychinski. Et cela vaut pou
164 de droite — ou ne sera pas. Vous êtes là pour qu’ elle soit, pour qu’elle dure, dans ses diversités de tous les ordres, que
165 sera pas. Vous êtes là pour qu’elle soit, pour qu’ elle dure, dans ses diversités de tous les ordres, que l’on ne peut préser
166 tratégiques d’intérêts légitimes, sans compromis, elle ne sera pas. C’est clair. Vous ignorez l’opinion vraie Seuls ceu
167 obstacles à l’union, perdant de vue sa nécessité, il nous reste à leur faire comprendre que le pire obstacle, c’est eux-mê
168 comprendre que le pire obstacle, c’est eux-mêmes. Ils nous disent : « Je veux bien, je ne suis pas contre, mais voyez ces d
169 ûre, et chacun sait qu’on ne peut rien faire sans elle  ». C’est qu’ils se prennent pour l’opinion, qu’ils ont négligé d’écou
170 it qu’on ne peut rien faire sans elle ». C’est qu’ ils se prennent pour l’opinion, qu’ils ont négligé d’écouter. Tous les so
171 le ». C’est qu’ils se prennent pour l’opinion, qu’ ils ont négligé d’écouter. Tous les sondages précis réfutent leurs craint
172 déclarent pour l’union, lorsqu’on les interroge. Il n’en fallut pas plus pour fédérer la Suisse. Mais l’opinion veut qu’o
173 traîne. « On suit ceux qui marchent », dit Péguy. Elle ne vous suivra pas si vous êtes daltoniens, et les sceptiques, alors,
174 nt bien dire : j’avais raison, voyez l’obstacle ! Ils l’auront eux-mêmes suscité. L’œil du sceptique crée les obstacles ins
175 ctement ce que la presse et la radio déclarent qu’ elle est. Presse et radio voudraient que Dewey soit élu : on dit alors qu’
176 o voudraient que Dewey soit élu : on dit alors qu’ il a pour lui toute l’opinion. Truman élu, l’opinion c’est Truman. Elle
177 te l’opinion. Truman élu, l’opinion c’est Truman. Elle l’était avant cela, bien sûr, mais elle n’a pu parler que dans le sec
178 t Truman. Elle l’était avant cela, bien sûr, mais elle n’a pu parler que dans le secret des urnes. L’opinion d’aujourd’hui,
179 n d’aujourd’hui, je la sens, c’est l’Europe. Mais elle ne bougera pas, si vous ne faites presque rien. Elle laissera parler
180 e ne bougera pas, si vous ne faites presque rien. Elle laissera parler les sceptiques parler « au nom des masses » dans l’in
181 au nom des masses » dans l’indifférence générale. Elle laissera le Conseil de l’Europe murmurer pudiquement, chaque année, q
182 e l’Europe murmurer pudiquement, chaque année, qu’ il reste désireux d’envisager l’étude de quelques mesures préalables ten
183 ortant vers l’union ». Et les Anglais jugeront qu’ ils ne peuvent s’associer à ces engagements téméraires avant d’avoir pris
184 ne vaut rien en face des Russes qui les assènent. Il faut des actes, dit-on. La phrase est vague. Les actes sont parfois p
185 Europe sans informer ses peuples, et du danger qu’ ils courent, et de la parade puissante que pourrait constituer notre fédé
186 professionnels, syndicats patronaux et ouvriers. Il en résultera dans nos provinces une campagne d’agitation, d’émulation
187 le campagne, c’est de faire sentir aux peuples qu’ elle comporte un enjeu, et que leur sort peut changer, matériellement auss
188 selon l’issue des élections. En d’autres termes, il faut que le Parlement issu des élections ait quelque chose à faire. Q
189 ré. Si vous me dites que c’est très joli, mais qu’ il faut qu’on vous laisse du temps, je vous proposerai de l’obtenir de S
190 proposerai de l’obtenir de Staline. Car en Europe il y en a peu. Si vous me dites enfin que c’est plus difficile que je n’
191 rt, on peut penser qu’au point où nous en sommes, il n’y a presque plus rien à perdre. Que risquez-vous à tenter l’impossi
192 isquez-vous à tenter l’impossible ? D’autre part, il est sûr qu’il y aurait tout à perdre, même l’espoir, à ne point risqu
193 ous la Constitution ! Messieurs les députés, faut- il vous dire encore que je ne suis rien qu’une voix presque désespérée,
194 faites-vous élire et fédérez l’Europe pendant qu’ il en est temps. Ferney, 30 juillet-6 août 1950. p. Rougemont Denis