1 1946, Combat, articles (1946–1950). Ni secret ni défense (19-20 mai 1946)
1 Ni secret ni défense (19-20 mai 1946)a Les hommes d’État, les généraux et quelques vulgarisateurs en mal d’idées
2 i défense (19-20 mai 1946)a Les hommes d’État, les généraux et quelques vulgarisateurs en mal d’idées ont trouvé deux mo
3 en mal d’idées ont trouvé deux moyens d’esquiver la question posée par la bombe atomique. Ils essaient d’enchaîner le mon
4 ouvé deux moyens d’esquiver la question posée par la bombe atomique. Ils essaient d’enchaîner le monstre avec des agrafes
5 e par la bombe atomique. Ils essaient d’enchaîner le monstre avec des agrafes de dossiers : « C’est un secret que nous gar
6 dons, c’est un dépôt sacré », disent-ils. Et sans l’ avis d’aucun savant autorisé, ils parlent de défenses possibles, si to
7 e défenses possibles, si toutefois on leur laisse le commandement. Je leur oppose le meilleur analyste américain des chose
8 is on leur laisse le commandement. Je leur oppose le meilleur analyste américain des choses militaire dans cette guerre, e
9 ricain des choses militaire dans cette guerre, et le corps unanime des savants. M. Hanson W. Baldwin l’a fort bien expliqu
10 e corps unanime des savants. M. Hanson W. Baldwin l’ a fort bien expliqué dans le New York Times : le seul et vrai secret d
11 M. Hanson W. Baldwin l’a fort bien expliqué dans le New York Times : le seul et vrai secret de la bombe atomique réside d
12 n l’a fort bien expliqué dans le New York Times : le seul et vrai secret de la bombe atomique réside dans la puissance ind
13 ans le New York Times : le seul et vrai secret de la bombe atomique réside dans la puissance industrielle de l’Amérique. C
14 l et vrai secret de la bombe atomique réside dans la puissance industrielle de l’Amérique. C’est assez dire qu’il n’est qu
15 atomique réside dans la puissance industrielle de l’ Amérique. C’est assez dire qu’il n’est que temporaire. Quant au secret
16 ’est que temporaire. Quant au secret technique de la détonation, dans quelques mois les Russes l’auront, ou les Anglais, o
17 et technique de la détonation, dans quelques mois les Russes l’auront, ou les Anglais, ou les Danois peut-être. Et je ne co
18 e de la détonation, dans quelques mois les Russes l’ auront, ou les Anglais, ou les Danois peut-être. Et je ne connais pas
19 ation, dans quelques mois les Russes l’auront, ou les Anglais, ou les Danois peut-être. Et je ne connais pas un seul physic
20 ques mois les Russes l’auront, ou les Anglais, ou les Danois peut-être. Et je ne connais pas un seul physicien qui n’ait ni
21 pressément, et en toute occasion publique, devant les journalistes ou le Sénat, l’existence actuelle ou possible de la moin
22 ute occasion publique, devant les journalistes ou le Sénat, l’existence actuelle ou possible de la moindre défense effecti
23 on publique, devant les journalistes ou le Sénat, l’ existence actuelle ou possible de la moindre défense effective contre
24 ou le Sénat, l’existence actuelle ou possible de la moindre défense effective contre un raid atomique par surprise. ⁂ Voi
25 un raid atomique par surprise. ⁂ Voici cependant l’ état de l’opinion américaine, avertie par sa presse de tous ces faits.
26 tomique par surprise. ⁂ Voici cependant l’état de l’ opinion américaine, avertie par sa presse de tous ces faits. M. George
27 1 % des citoyens de son pays « refusent de livrer le contrôle de la bombe aux Nations unies », cependant que la même enquê
28 s de son pays « refusent de livrer le contrôle de la bombe aux Nations unies », cependant que la même enquête révèle que 6
29 le de la bombe aux Nations unies », cependant que la même enquête révèle que 65 % sont persuadés que « le secret ne peut ê
30 même enquête révèle que 65 % sont persuadés que «  le secret ne peut être gardé ». D’où je déduis que la proportion des Amé
31 e secret ne peut être gardé ». D’où je déduis que la proportion des Américains raisonnables (j’entends capables de rapproc
32 ais qu’après un essai en Europe. Il est clair que l’ opinion publique est égarée par sa foi dans la science, que les savant
33 que l’opinion publique est égarée par sa foi dans la science, que les savants sérieux ne partagent point. On parle de rada
34 blique est égarée par sa foi dans la science, que les savants sérieux ne partagent point. On parle de radars omniscients et
35 dars omniscients et de rayons qui feraient sauter la bombe tôt après son départ, chez l’adversaire. Mais quand bien même o
36 raient sauter la bombe tôt après son départ, chez l’ adversaire. Mais quand bien même on inventerait ces procédés, leur mis
37 bilisation permanente qui, sous prétexte d’éviter la guerre, tuerait la paix. Une partie de la population serait employée
38 te qui, sous prétexte d’éviter la guerre, tuerait la paix. Une partie de la population serait employée à surveiller le cie
39 ’éviter la guerre, tuerait la paix. Une partie de la population serait employée à surveiller le ciel, l’autre partie à fab
40 tie de la population serait employée à surveiller le ciel, l’autre partie à fabriquer les instruments et à payer les impôt
41 à surveiller le ciel, l’autre partie à fabriquer les instruments et à payer les impôts nécessaires. Par crainte de mourir,
42 tre partie à fabriquer les instruments et à payer les impôts nécessaires. Par crainte de mourir, plus personne ne vivrait.
43 ar crainte de mourir, plus personne ne vivrait. ⁂ La situation présente, en vérité, est bien plus folle qu’on ne l’imagine
44 présente, en vérité, est bien plus folle qu’on ne l’ imagine. Car non seulement nous sommes sans défense, mais encore le se
45 n seulement nous sommes sans défense, mais encore le secret de la bombe sera demain celui de Polichinelle, et enfin si que
46 ous sommes sans défense, mais encore le secret de la bombe sera demain celui de Polichinelle, et enfin si quelqu’un nous a
47 pas qui a tiré. Supposez qu’un petit pays, disons la Suisse, manufacture une douzaine de bombes. Ce n’est pas une question
48 mbes. Ce n’est pas une question d’argent comme on le croit (les grosses dépenses ont été faites par l’Amérique pendant les
49 ’est pas une question d’argent comme on le croit ( les grosses dépenses ont été faites par l’Amérique pendant les recherches
50 le croit (les grosses dépenses ont été faites par l’ Amérique pendant les recherches), mais d’ingéniosité et d’équipement t
51 es dépenses ont été faites par l’Amérique pendant les recherches), mais d’ingéniosité et d’équipement technique, et vous sa
52 sité et d’équipement technique, et vous savez que la Suisse possède tout cela. En fait, c’est à l’École polytechnique de Z
53 que la Suisse possède tout cela. En fait, c’est à l’ École polytechnique de Zurich que sont nés les travaux d’Einstein. Sup
54 st à l’École polytechnique de Zurich que sont nés les travaux d’Einstein. Supposez maintenant que ce petit pays, pour se ti
55 oie deux ou trois bombes sur New York. (Je prends l’ exemple le plus invraisemblable, pour qu’on n’aille pas y voir je ne s
56 u trois bombes sur New York. (Je prends l’exemple le plus invraisemblable, pour qu’on n’aille pas y voir je ne sais quelle
57 uelle allusion à des circonstances trop réelles.) L’ Amérique ne doute pas un instant que les projectiles ne viennent de Ru
58 réelles.) L’Amérique ne doute pas un instant que les projectiles ne viennent de Russie. Il est trop tard pour échanger des
59 aut de forme. Voilà Moscou et Kiev en ruines dans les trois heures. Les Russes ripostent sur Détroit et Saint-Louis, et dét
60 à Moscou et Kiev en ruines dans les trois heures. Les Russes ripostent sur Détroit et Saint-Louis, et détruisent Londres pa
61 le mesure de précaution. Et ainsi de suite : dans le langage technique, cela s’appelle chain reaction. En vingt-quatre heu
62 s’appelle chain reaction. En vingt-quatre heures, l’ Occident a vécu. Un éclair tombant du ciel bleu, — l’expression est de
63 ccident a vécu. Un éclair tombant du ciel bleu, —  l’ expression est devenue si vraie qu’elle a cessé de nous frapper. Une a
64 per. Une apathie étrange me semble s’établir dans les masses comme chez ceux qui les mènent. Les trois Grands sont presque
65 ble s’établir dans les masses comme chez ceux qui les mènent. Les trois Grands sont presque d’accord pour renouveler leurs
66 r dans les masses comme chez ceux qui les mènent. Les trois Grands sont presque d’accord pour renouveler leurs petites disc
67 e ses lunettes et veille sur son « dépôt sacré ». Le monde n’a pas de gouvernement. Je ne suis pas sûr que les nations en
68 e n’a pas de gouvernement. Je ne suis pas sûr que les nations en aient. Et nous restons, les bras ballants… a. Rougemont
69 as sûr que les nations en aient. Et nous restons, les bras ballants… a. Rougemont Denis de, « Ni secret ni défense », Co
2 1946, Combat, articles (1946–1950). Paralysie des hommes d’État (21 mai 1946)
70 du xxe siècle est gouverné par ceux qu’on nomme les trois Grands. Ils se composent d’un loup déguisé en mouton et de deux
71 c au nom du Petit Père, et du Brave Garçon, et de l’ Esprit bourgeois que la Bombe doit être administrée. Notez que, si ell
72 et du Brave Garçon, et de l’Esprit bourgeois que la Bombe doit être administrée. Notez que, si elle ne l’est pas, quelqu’
73 ombe doit être administrée. Notez que, si elle ne l’ est pas, quelqu’un va nous l’administrer. L’alternative est entre ces
74 otez que, si elle ne l’est pas, quelqu’un va nous l’ administrer. L’alternative est entre ces deux sens du verbe. Et soudai
75 le ne l’est pas, quelqu’un va nous l’administrer. L’ alternative est entre ces deux sens du verbe. Et soudain, je me demand
76 trois messieurs paraissent impuissants à décréter les moyens d’une paix pourtant facile à concevoir : donner la Bombe au go
77 s d’une paix pourtant facile à concevoir : donner la Bombe au gouvernement mondial, supprimer les armées et ouvrir les fro
78 onner la Bombe au gouvernement mondial, supprimer les armées et ouvrir les frontières. Qui ne partage cette impression, ave
79 vernement mondial, supprimer les armées et ouvrir les frontières. Qui ne partage cette impression, avec les masses contempo
80 frontières. Qui ne partage cette impression, avec les masses contemporaines : que les chefs responsables de notre sort sont
81 impression, avec les masses contemporaines : que les chefs responsables de notre sort sont en réalité irresponsables ? Et
82 nt en réalité irresponsables ? Et qu’ils usurpent le nom de gouvernants ? J’essaie de me mettre à leur place. Staline voud
83 ssaie de me mettre à leur place. Staline voudrait la paix, car sa Russie blessée doit d’abord être reconstruite, mais il n
84 pas aux plans de Pierre le Grand. Attlee voudrait la paix, car l’Empire blessé est en pleine expérience socialiste, mais i
85 de Pierre le Grand. Attlee voudrait la paix, car l’ Empire blessé est en pleine expérience socialiste, mais il ne renonce
86 e socialiste, mais il ne renonce pas à faire tuer les indigènes qui se révoltent à Java contre un impérialisme démodé. Trum
87 va contre un impérialisme démodé. Truman voudrait la paix, car le commerce et l’industrie américains y trouveraient leur e
88 impérialisme démodé. Truman voudrait la paix, car le commerce et l’industrie américains y trouveraient leur espace vital,
89 modé. Truman voudrait la paix, car le commerce et l’ industrie américains y trouveraient leur espace vital, mais il ne reno
90 ais il ne renonce pas aux barrières douanières, à la défense du capital d’abord, et à la peur (elle-même créatrice de conf
91 douanières, à la défense du capital d’abord, et à la peur (elle-même créatrice de conflits) d’un conflit avec la Russie. S
92 lle-même créatrice de conflits) d’un conflit avec la Russie. Sans doute sont-ils tous les trois convaincus qu’ils aiment l
93 conflit avec la Russie. Sans doute sont-ils tous les trois convaincus qu’ils aiment la paix en général, et pour elle-même,
94 sont-ils tous les trois convaincus qu’ils aiment la paix en général, et pour elle-même, et qu’ils détestent la guerre : p
95 n général, et pour elle-même, et qu’ils détestent la guerre : pourtant, ils s’y préparent. Ce qui domine en fait leur poli
96 rent. Ce qui domine en fait leur politique, c’est la vision de la guerre, non pas celle de la paix. Ils agissent donc comm
97 domine en fait leur politique, c’est la vision de la guerre, non pas celle de la paix. Ils agissent donc comme des irrespo
98 e, c’est la vision de la guerre, non pas celle de la paix. Ils agissent donc comme des irresponsables, provoquant ce qu’il
99 onsables, provoquant ce qu’ils veulent éviter. Et le public a l’air de trouver cela normal, — ou ne trouve rien. ⁂ J’essai
100 normal, — ou ne trouve rien. ⁂ J’essaie encore de les comprendre, avant de les traiter de ce qu’ils ont l’air d’être, quand
101 en. ⁂ J’essaie encore de les comprendre, avant de les traiter de ce qu’ils ont l’air d’être, quand on voit ce qu’ils vont f
102 — ils suffiraient aux tâches courantes — que par le fait du problème posé, qui les dépasse comme la Bombe dépasse tout. D
103 courantes — que par le fait du problème posé, qui les dépasse comme la Bombe dépasse tout. Devant le monde à unifier, ils p
104 r le fait du problème posé, qui les dépasse comme la Bombe dépasse tout. Devant le monde à unifier, ils paraissent frappés
105 i les dépasse comme la Bombe dépasse tout. Devant le monde à unifier, ils paraissent frappés d’un vertige. Ils ne voient r
106 penser ? Simplement, pratiquement, ils n’ont pas le temps. Pourquoi ? J’en vois une raison simple. Parce qu’ils gouvernen
107 ’est assez ou même trop pour un homme, tandis que le problème est mondial. La Bombe est un cas international, qui ne peut
108 our un homme, tandis que le problème est mondial. La Bombe est un cas international, qui ne peut être résolu qu’à une éche
109 planétaire : or, ces messieurs sont absorbés par la défense d’intérêts locaux dits nationaux, trente visites par jour, de
110 des nominations. Il est clair que, pour gouverner les nations, la première condition requise est de n’être pas le chef d’un
111 , la première condition requise est de n’être pas le chef d’une grande nation. Mais qui l’a dit, jusqu’à ce jour ? Chacun
112 n’être pas le chef d’une grande nation. Mais qui l’ a dit, jusqu’à ce jour ? Chacun sait que l’arbitre d’un match n’est ja
113 is qui l’a dit, jusqu’à ce jour ? Chacun sait que l’ arbitre d’un match n’est jamais le capitaine d’une des équipes. Qui l’
114 Chacun sait que l’arbitre d’un match n’est jamais le capitaine d’une des équipes. Qui l’a rappelé au sujet des trois Grand
115 n’est jamais le capitaine d’une des équipes. Qui l’ a rappelé au sujet des trois Grands ? Chacun sait que, pour arbitrer l
116 des trois Grands ? Chacun sait que, pour arbitrer la lutte entre les continents, il faut d’autres talents et un autre savo
117 s ? Chacun sait que, pour arbitrer la lutte entre les continents, il faut d’autres talents et un autre savoir que pour équi
118 es talents et un autre savoir que pour équilibrer les démocrates du Sud et ceux du Nord en présence des républicains, tout
119 ence des républicains, tout en gardant un œil sur la gauche naissante, le Sénat, le Congrès, les fonctionnaires et la pres
120 , tout en gardant un œil sur la gauche naissante, le Sénat, le Congrès, les fonctionnaires et la presse. Mais qui l’a dit
121 gardant un œil sur la gauche naissante, le Sénat, le Congrès, les fonctionnaires et la presse. Mais qui l’a dit au sujet d
122 il sur la gauche naissante, le Sénat, le Congrès, les fonctionnaires et la presse. Mais qui l’a dit au sujet de Truman ? L’
123 ante, le Sénat, le Congrès, les fonctionnaires et la presse. Mais qui l’a dit au sujet de Truman ? L’Amérique est trop gra
124 ongrès, les fonctionnaires et la presse. Mais qui l’ a dit au sujet de Truman ? L’Amérique est trop grande pour lui, et le
125 la presse. Mais qui l’a dit au sujet de Truman ? L’ Amérique est trop grande pour lui, et le voici chargé du monde en plus
126 Truman ? L’Amérique est trop grande pour lui, et le voici chargé du monde en plus ! Ainsi d’Attlee et de Staline, bien qu
127 bien que ce dernier me paraisse plus habile dans le grand art de prendre son temps. ⁂ Je les plains. Cependant, s’ils s’o
128 bile dans le grand art de prendre son temps. ⁂ Je les plains. Cependant, s’ils s’obstinent, je serai forcé de les traiter d
129 . Cependant, s’ils s’obstinent, je serai forcé de les traiter d’usurpateurs. L’incompétence des commandants en chef n’est-e
130 ent, je serai forcé de les traiter d’usurpateurs. L’ incompétence des commandants en chef n’est-elle pas jugée criminelle p
131 dants en chef n’est-elle pas jugée criminelle par l’ opinion publique de leur patrie, et parfois par les tribunaux ? Je dem
132 l’opinion publique de leur patrie, et parfois par les tribunaux ? Je demande à mes amis américains : — Imaginez-vous ce pay
133 pays conduit non par un cabinet fédéral, mais par les gouverneurs des quarante-huit États de l’Union ? — Ce serait absurde,
134 rtant ce que nous offre, à quelques nuances près, le plan des Nations unies. Vos États n’ont fait un pays qu’en unissant l
135 vant un pouvoir nouveau, sorti du peuple… Mais si l’ on touche à l’idée de nation, voilà tous les visages qui se ferment, e
136 r nouveau, sorti du peuple… Mais si l’on touche à l’ idée de nation, voilà tous les visages qui se ferment, et les esprits
137 ais si l’on touche à l’idée de nation, voilà tous les visages qui se ferment, et les esprits en état de siège. Sommes-nous
138 nation, voilà tous les visages qui se ferment, et les esprits en état de siège. Sommes-nous fous ? Allons-nous continuer ce
139 -nous fous ? Allons-nous continuer ce jeu jusqu’à l’ explosion de la Terre ? Allons-nous confier le destin de la planète à
140 lons-nous continuer ce jeu jusqu’à l’explosion de la Terre ? Allons-nous confier le destin de la planète à trois hommes su
141 u’à l’explosion de la Terre ? Allons-nous confier le destin de la planète à trois hommes surchargés, débordés, qui n’ont p
142 on de la Terre ? Allons-nous confier le destin de la planète à trois hommes surchargés, débordés, qui n’ont pas une minute
143 as une minute pour réfléchir, et qui représentent les intérêts de leur nation, alors que c’est précisément aux dépens de ce
144 c’est précisément aux dépens de ces intérêts que l’ humanité pourra s’unir ? La fonction même de ces chefs d’État les disq
145 ns de ces intérêts que l’humanité pourra s’unir ? La fonction même de ces chefs d’État les disqualifie, en principe, pour
146 rra s’unir ? La fonction même de ces chefs d’État les disqualifie, en principe, pour l’entreprise dont ils se chargent, et
147 s chefs d’État les disqualifie, en principe, pour l’ entreprise dont ils se chargent, et les porte à la saboter. Leur métie
148 ncipe, pour l’entreprise dont ils se chargent, et les porte à la saboter. Leur métier même les rend inaptes à voir ce que l
149 l’entreprise dont ils se chargent, et les porte à la saboter. Leur métier même les rend inaptes à voir ce que le monde ent
150 gent, et les porte à la saboter. Leur métier même les rend inaptes à voir ce que le monde entier attend. Ils ne voient rien
151 . Leur métier même les rend inaptes à voir ce que le monde entier attend. Ils ne voient rien, c’est évident, car les visio
152 er attend. Ils ne voient rien, c’est évident, car les visions de l’avenir naissent d’un loisir intense. Or, ils ont à recev
153 ne voient rien, c’est évident, car les visions de l’ avenir naissent d’un loisir intense. Or, ils ont à recevoir des député
154 cour internationale, formée d’hommes désignés par la voie populaire, et qui n’auraient pas d’autre affaire que de considér
155 n’auraient pas d’autre affaire que de considérer la Planète, puis de traiter de haut avec les chefs d’État… Peut-être l’e
156 nsidérer la Planète, puis de traiter de haut avec les chefs d’État… Peut-être l’expérience de Bikini va-t-elle donner le ch
157 traiter de haut avec les chefs d’État… Peut-être l’ expérience de Bikini va-t-elle donner le choc nécessaire pour alerter
158 Peut-être l’expérience de Bikini va-t-elle donner le choc nécessaire pour alerter enfin une opinion mondiale ? Avant ce dé
159 on mondiale ? Avant ce début de juillet, puissent les trois Grands ne pas perdre la boule ! Car le fait est qu’il n’y en a
160 juillet, puissent les trois Grands ne pas perdre la boule ! Car le fait est qu’il n’y en a qu’une de boule, comme disait
161 ent les trois Grands ne pas perdre la boule ! Car le fait est qu’il n’y en a qu’une de boule, comme disait à peu près le r
162 n’y en a qu’une de boule, comme disait à peu près le regretté Willkie, et qu’une erreur unique, désormais, pourrait la ren
163 kie, et qu’une erreur unique, désormais, pourrait la rendre folle à tout jamais. b. Rougemont Denis de, « Paralysie des
3 1946, Combat, articles (1946–1950). Tous démocrates (22 mai 1946)
164 aime à se dire « un anarchiste catholique ». (Je le crois seul de son parti.) Il avait l’air un peu nerveux. Voici notre
165 re qui écrivez-vous aujourd’hui ? Lui. — Je fais le plan d’une trilogie sur les trois grands régimes politiques de ce siè
166 ’hui ? Lui. — Je fais le plan d’une trilogie sur les trois grands régimes politiques de ce siècle. Je vais les caractérise
167 s grands régimes politiques de ce siècle. Je vais les caractériser par leurs armes ou leurs méthodes favorites. Le livre s’
168 iser par leurs armes ou leurs méthodes favorites. Le livre s’intitulera donc Crémation, liquidation, évaporation ! (Il pro
169 ! Avouez que nous sortons enfin des petitesses de l’ ère bourgeoise, succédant aux ténèbres du Moyen Âge. Car ces trois arm
170 s correspondent à trois conceptions grandioses de la vie. La crémation, c’est la purification par le feu ! La liquidation,
171 pondent à trois conceptions grandioses de la vie. La crémation, c’est la purification par le feu ! La liquidation, c’est l
172 eptions grandioses de la vie. La crémation, c’est la purification par le feu ! La liquidation, c’est la vie même, toujours
173 e la vie. La crémation, c’est la purification par le feu ! La liquidation, c’est la vie même, toujours fluente et circulan
174 La crémation, c’est la purification par le feu ! La liquidation, c’est la vie même, toujours fluente et circulante, le sa
175 a purification par le feu ! La liquidation, c’est la vie même, toujours fluente et circulante, le sang, les sèves ! Quant
176 ’est la vie même, toujours fluente et circulante, le sang, les sèves ! Quant à l’évaporation atomique, eh bien, n’est-ce p
177 ie même, toujours fluente et circulante, le sang, les sèves ! Quant à l’évaporation atomique, eh bien, n’est-ce pas le symb
178 uente et circulante, le sang, les sèves ! Quant à l’ évaporation atomique, eh bien, n’est-ce pas le symbole même de l’idéal
179 t à l’évaporation atomique, eh bien, n’est-ce pas le symbole même de l’idéalisme : tout monte et s’épanouit vers le ciel !
180 tomique, eh bien, n’est-ce pas le symbole même de l’ idéalisme : tout monte et s’épanouit vers le ciel ! Notez que, dans ce
181 me de l’idéalisme : tout monte et s’épanouit vers le ciel ! Notez que, dans ce système, la démocratie paraît supérieure au
182 anouit vers le ciel ! Notez que, dans ce système, la démocratie paraît supérieure au soviétisme et à l’hitlérisme. Lui. —
183 a démocratie paraît supérieure au soviétisme et à l’ hitlérisme. Lui. — Je vous entends ! J’entends le diable ! D’ailleurs
184 l’hitlérisme. Lui. — Je vous entends ! J’entends le diable ! D’ailleurs, on n’entend guère que lui dans ce siècle trois f
185 dit. Je ne vois plus d’espoir sérieux nulle part. La faillite morale est universelle, chez les individus comme sur le plan
186 le part. La faillite morale est universelle, chez les individus comme sur le plan international. Moi. — Pas d’accord ! Je
187 trois régimes dont vous parlez, l’un est écrasé. Les deux qui restent, et qui se partagent le monde, se déclarent formelle
188 écrasé. Les deux qui restent, et qui se partagent le monde, se déclarent formellement démocrates. Donc, nous voilà tous dé
189 émocrates. Donc, nous voilà tous démocrates, dans le monde entier, exception faite de deux pays de langue espagnole, que n
190 ns cette situation : c’est qu’au lieu de défendre la Démocratie, en bloc, et comme une étiquette, contre ses adversaires d
191 nous allions enfin pouvoir, entre nous, discuter le contenu véritable de la démocratie, sans passer aussitôt pour des fas
192 oir, entre nous, discuter le contenu véritable de la démocratie, sans passer aussitôt pour des fascistes. Lui. — Autant d
193 son pouvoir ! Une étiquette qui s’applique à tous les partis et à toutes les nations du globe ne signifie plus rien. Ou bie
194 ette qui s’applique à tous les partis et à toutes les nations du globe ne signifie plus rien. Ou bien c’est un mensonge et
195 ne hypocrisie. Je vais vous en donner un exemple. Les Soviets, qui se disent démocrates, dénonçaient naguère encore la Suis
196 se disent démocrates, dénonçaient naguère encore la Suisse, qui est la plus vieille démocratie du monde, et la traitaient
197 es, dénonçaient naguère encore la Suisse, qui est la plus vieille démocratie du monde, et la traitaient de « fasciste », p
198 , qui est la plus vieille démocratie du monde, et la traitaient de « fasciste », parce qu’elle répugne, entre autres, à la
199 asciste », parce qu’elle répugne, entre autres, à la nationalisation des banques. Peut-être a-t-elle tort, mais on n’a pas
200 écisément celle qui fut prise en premier lieu par les États fascistes, aussi bien que par les Soviets et par les socialiste
201 lieu par les États fascistes, aussi bien que par les Soviets et par les socialistes anglais. Moi. — Voilà le problème emb
202 fascistes, aussi bien que par les Soviets et par les socialistes anglais. Moi. — Voilà le problème embrouillé à souhait,
203 ets et par les socialistes anglais. Moi. — Voilà le problème embrouillé à souhait, et je vous vois sourire diaboliquement
204 é. Puisque tous sont devenus « démocrates », dans le monde de 1946, nous pouvons parler d’autre chose. Nous pouvons porter
205 vons porter notre effort, désormais, non plus sur la défense d’un mot, d’un terme vague que personne n’attaque, mais sur l
206 d’un terme vague que personne n’attaque, mais sur la définition d’une réalité que ce terme symbolise et parfois dissimule 
207 me symbolise et parfois dissimule : qu’est-ce que la liberté ? Et cela nous amènera bientôt à nous demander : qu’est-ce qu
208 s amènera bientôt à nous demander : qu’est-ce que l’ homme ? C’est le vrai débat. Si nous le reconnaissons, nous aurons fai
209 t à nous demander : qu’est-ce que l’homme ? C’est le vrai débat. Si nous le reconnaissons, nous aurons fait un grand progr
210 est-ce que l’homme ? C’est le vrai débat. Si nous le reconnaissons, nous aurons fait un grand progrès, le seul peut-être q
211 reconnaissons, nous aurons fait un grand progrès, le seul peut-être que la guerre pouvait permettre… Lui. — Mais avouez q
212 rons fait un grand progrès, le seul peut-être que la guerre pouvait permettre… Lui. — Mais avouez qu’aussi longtemps que
213 et sincèrement ces deux questions fondamentales, l’ étiquette « démocratie » ne signifiera rien du tout. Ou bien elle serv
214 cousu de fil blanc ou de fil rouge aux politiques les plus contradictoires, et parfois les plus tyranniques. Moi. — Je l’a
215 x politiques les plus contradictoires, et parfois les plus tyranniques. Moi. — Je l’avoue. La liberté est certainement le
216 ires, et parfois les plus tyranniques. Moi. — Je l’ avoue. La liberté est certainement le problème numéro un de notre temp
217 parfois les plus tyranniques. Moi. — Je l’avoue. La liberté est certainement le problème numéro un de notre temps : car l
218 . Moi. — Je l’avoue. La liberté est certainement le problème numéro un de notre temps : car les problèmes se posent quand
219 nement le problème numéro un de notre temps : car les problèmes se posent quand les choses s’en vont… c. Rougemont Denis
220 e notre temps : car les problèmes se posent quand les choses s’en vont… c. Rougemont Denis de, « Tous démocrates », Comb
4 1946, Combat, articles (1946–1950). Les cochons en uniforme ou le nouveau Déluge (23 mai 1946)
221 Les cochons en uniforme ou le nouveau Déluge (23 mai 1946)d Pendant l’
222 Les cochons en uniforme ou le nouveau Déluge (23 mai 1946)d Pendant l’hiver 1945-1946, le gouver
223 me ou le nouveau Déluge (23 mai 1946)d Pendant l’ hiver 1945-1946, le gouvernement américain fit annoncer une expérience
224 luge (23 mai 1946)d Pendant l’hiver 1945-1946, le gouvernement américain fit annoncer une expérience sensationnelle : a
225 ne flotte de cent bâtiments de guerre réunie dans la baie de Bikini, Pacifique. Parmi tous les détails publiés par la pres
226 nie dans la baie de Bikini, Pacifique. Parmi tous les détails publiés par la presse sur les préparatifs de l’expérience, j’
227 ni, Pacifique. Parmi tous les détails publiés par la presse sur les préparatifs de l’expérience, j’en retiens deux. 1° Une
228 Parmi tous les détails publiés par la presse sur les préparatifs de l’expérience, j’en retiens deux. 1° Une mission de sav
229 ails publiés par la presse sur les préparatifs de l’ expérience, j’en retiens deux. 1° Une mission de savants américains fo
230 de deux commerçants en poissons (mieux payés que les savants, dit-on) vient de partir pour l’île de Bikini. L’objet de la
231 yés que les savants, dit-on) vient de partir pour l’ île de Bikini. L’objet de la mission est d’établir un relevé complet d
232 ts, dit-on) vient de partir pour l’île de Bikini. L’ objet de la mission est d’établir un relevé complet de tous les êtres
233 vient de partir pour l’île de Bikini. L’objet de la mission est d’établir un relevé complet de tous les êtres vivants sur
234 a mission est d’établir un relevé complet de tous les êtres vivants sur l’île. C’est une mission fort analogue que Noé reçu
235 r un relevé complet de tous les êtres vivants sur l’ île. C’est une mission fort analogue que Noé reçut du Seigneur peu de
236 ogue que Noé reçut du Seigneur peu de temps avant le Déluge. Cette fois-ci, les travaux seront filmés. 2° Au jour J, les c
237 neur peu de temps avant le Déluge. Cette fois-ci, les travaux seront filmés. 2° Au jour J, les cent bâtiments de la flotte
238 fois-ci, les travaux seront filmés. 2° Au jour J, les cent bâtiments de la flotte de guerre réunis dans la baie de Bikini p
239 eront filmés. 2° Au jour J, les cent bâtiments de la flotte de guerre réunis dans la baie de Bikini pour subir l’épreuve a
240 cent bâtiments de la flotte de guerre réunis dans la baie de Bikini pour subir l’épreuve atomique auront leurs équipages c
241 e guerre réunis dans la baie de Bikini pour subir l’ épreuve atomique auront leurs équipages complets. Mais ces équipages s
242 tre-mille rats seront à leur poste de combat, sur les tourelles, dans les chambres de machines et sur les ponts. Et ceci en
243 t à leur poste de combat, sur les tourelles, dans les chambres de machines et sur les ponts. Et ceci encore nous ramène, ir
244 s tourelles, dans les chambres de machines et sur les ponts. Et ceci encore nous ramène, irrésistiblement, à la légende de
245 . Et ceci encore nous ramène, irrésistiblement, à la légende de l’arche de Noé. Une précision supplémentaire, à propos des
246 re nous ramène, irrésistiblement, à la légende de l’ arche de Noé. Une précision supplémentaire, à propos des cochons : l’o
247 précision supplémentaire, à propos des cochons : l’ on a remarqué que la peau des cochons est fort semblable à celle de l’
248 taire, à propos des cochons : l’on a remarqué que la peau des cochons est fort semblable à celle de l’homme. La sensibilit
249 la peau des cochons est fort semblable à celle de l’ homme. La sensibilité de l’une peut renseigner sur celle de l’autre. A
250 es cochons est fort semblable à celle de l’homme. La sensibilité de l’une peut renseigner sur celle de l’autre. Aussi bien
251 ns ou capitaines cochons seront-ils revêtus, pour l’ occasion, d’uniformes réguliers de la marine, imprégnés d’une substanc
252 evêtus, pour l’occasion, d’uniformes réguliers de la marine, imprégnés d’une substance capable d’absorber les rayons gamma
253 ine, imprégnés d’une substance capable d’absorber les rayons gamma. Ceux-ci, comme vous le savez, sont réputés mortels. On
254 d’absorber les rayons gamma. Ceux-ci, comme vous le savez, sont réputés mortels. On verra bien comment ces cochons-là se
255 ra bien comment ces cochons-là se comportent sous le feu, et savent mourir. Quel que soit le résultat de l’opération, sur
256 ent sous le feu, et savent mourir. Quel que soit le résultat de l’opération, sur lequel nos savants se perdent en conject
257 , et savent mourir. Quel que soit le résultat de l’ opération, sur lequel nos savants se perdent en conjectures, j’en tire
258 e, quoique préalable. Pour la première, fois dans l’ Histoire, l’uniforme sera porté par des cochons, au sens le plus scien
259 réalable. Pour la première, fois dans l’Histoire, l’ uniforme sera porté par des cochons, au sens le plus scientifique de c
260 e, l’uniforme sera porté par des cochons, au sens le plus scientifique de ce terme. Quand je vous disais que la guerre est
261 cientifique de ce terme. Quand je vous disais que la guerre est morte, la guerre des militaires, la vraie ! Quand je vous
262 me. Quand je vous disais que la guerre est morte, la guerre des militaires, la vraie ! Quand je vous disais que ses règles
263 ue la guerre est morte, la guerre des militaires, la vraie ! Quand je vous disais que ses règles sacrées sont toutes violé
264 es sacrées sont toutes violées sans exception par l’ usage de la bombe atomique… J’avoue que je n’avais pas pensé à l’unifo
265 sont toutes violées sans exception par l’usage de la bombe atomique… J’avoue que je n’avais pas pensé à l’uniforme et au r
266 ombe atomique… J’avoue que je n’avais pas pensé à l’ uniforme et au respect que nous lui devions naguère. Les savants, eux,
267 forme et au respect que nous lui devions naguère. Les savants, eux, ne l’ont pas raté. Ce n’est pas ma faute, c’est fait. E
268 ue nous lui devions naguère. Les savants, eux, ne l’ ont pas raté. Ce n’est pas ma faute, c’est fait. Et c’en est fait, — m
269 ma faute, c’est fait. Et c’en est fait, — même si l’ on renonce à l’expérience. Avec la flotte sacrifiée à Bikini, c’est le
270 fait. Et c’en est fait, — même si l’on renonce à l’ expérience. Avec la flotte sacrifiée à Bikini, c’est le prestige de l’
271 fait, — même si l’on renonce à l’expérience. Avec la flotte sacrifiée à Bikini, c’est le prestige de l’uniforme, symboliqu
272 érience. Avec la flotte sacrifiée à Bikini, c’est le prestige de l’uniforme, symboliquement, qui va sombrer. Il vaut la pe
273 a flotte sacrifiée à Bikini, c’est le prestige de l’ uniforme, symboliquement, qui va sombrer. Il vaut la peine de remarque
274 uniforme, symboliquement, qui va sombrer. Il vaut la peine de remarquer, enfin, que pas une voix ne s’est élevée, du côté
275 une voix ne s’est élevée, du côté des fervents de l’ Armée, pour protester contre une profanation si littéralement éclatant
276 n si littéralement éclatante. Au contraire, toute la résistance est venue, si je puis dire, du côté opposé. C’est la Ligue
277 est venue, si je puis dire, du côté opposé. C’est la Ligue protectrice des animaux d’un des États de l’Est de l’Amérique q
278 d’un des États de l’Est de l’Amérique qui a pris l’ initiative d’un mouvement d’opinion contre les essais projetés. Cette
279 pris l’initiative d’un mouvement d’opinion contre les essais projetés. Cette Ligue demande qu’au lieu de sacrifier tant d’i
280 es, et dans une posture si ridicule, on place sur les navires les membres du Congrès et du Sénat qui se seront déclarés en
281 une posture si ridicule, on place sur les navires les membres du Congrès et du Sénat qui se seront déclarés en faveur de l’
282 s et du Sénat qui se seront déclarés en faveur de l’ expérience de Bikini. d. Rougemont Denis de, « Les cochons en unifo
283 expérience de Bikini. d. Rougemont Denis de, «  Les cochons en uniforme ou le nouveau Déluge », Combat, Paris, 23 mai 194
284 Rougemont Denis de, « Les cochons en uniforme ou le nouveau Déluge », Combat, Paris, 23 mai 1946, p. 1.
5 1946, Combat, articles (1946–1950). Post-scriptum (24 mai 1946)
285 i 1946)e Un dernier mot. (Et dire que j’allais l’ oublier !) La Bombe n’est pas dangereuse du tout. — Êtes-vous fou ? D
286 n dernier mot. (Et dire que j’allais l’oublier !) La Bombe n’est pas dangereuse du tout. — Êtes-vous fou ? De quoi donc p
287 monde ? — J’étais sérieux. Je prenais au sérieux les événements qui nous menacent à bout portant. La fin des armées, par e
288 les événements qui nous menacent à bout portant. La fin des armées, par exemple. Mais cela ne serait rien encore, quoi qu
289 oi qu’en pensent quelques généraux. Je parlais de la fin du monde… — Et maintenant vous nous dites : aucun danger ! C’est
290 vouer que vous exagériez. Savez-vous que beaucoup l’ ont pensé, sans vous le dire ? Il est bien naturel que l’événement d’H
291 z. Savez-vous que beaucoup l’ont pensé, sans vous le dire ? Il est bien naturel que l’événement d’Hiroshima nous ait jetés
292 ensé, sans vous le dire ? Il est bien naturel que l’ événement d’Hiroshima nous ait jetés pour quelque temps dans un état d
293 ns repris nos sens. Certains pressentent déjà que la bombe est en train de se dégonfler, pour ainsi dire. Après tout, nous
294 onfler, pour ainsi dire. Après tout, nous devions le prévoir, car nous avons vécu un précédent : la guerre des gaz. Tout l
295 ns le prévoir, car nous avons vécu un précédent : la guerre des gaz. Tout le monde s’y préparait, vous rappelez-vous ? Dan
296 e s’y préparait, vous rappelez-vous ? Dans toutes les capitales d’Europe, on voyait en 1939 les civils se promener avec leu
297 toutes les capitales d’Europe, on voyait en 1939 les civils se promener avec leur boîte à masque en bandoulière. Eh bien,
298 avec leur boîte à masque en bandoulière. Eh bien, la guerre des gaz n’a pas eu lieu, parce que tout le monde en avait une
299 r bleue, et que personne, même pas Hitler, n’a eu le courage de commencer. À plus forte raison pour la Bombe… — Je ne trou
300 le courage de commencer. À plus forte raison pour la Bombe… — Je ne trouve pas la raison bien forte, en vérité. Hitler n’a
301 us forte raison pour la Bombe… — Je ne trouve pas la raison bien forte, en vérité. Hitler n’a pas eu recours aux gaz, c’es
302 entendu. Mais pensez-vous qu’une timidité subite l’ ait arrêté, ou quelque amour tardif de notre humanité ? Simplement, il
303 otre humanité ? Simplement, il a fait son calcul. Les Alliés pouvaient riposter, et la valeur militaire de cette arme était
304 ait son calcul. Les Alliés pouvaient riposter, et la valeur militaire de cette arme était loin de compenser, même à ses ye
305 te arme était loin de compenser, même à ses yeux, le risque moral qu’il eût couru à l’employer. Le cas de la Bombe est dif
306 ême à ses yeux, le risque moral qu’il eût couru à l’ employer. Le cas de la Bombe est différent. Je vous répète qu’elle sup
307 ux, le risque moral qu’il eût couru à l’employer. Le cas de la Bombe est différent. Je vous répète qu’elle supprimera la p
308 que moral qu’il eût couru à l’employer. Le cas de la Bombe est différent. Je vous répète qu’elle supprimera la possibilité
309 est différent. Je vous répète qu’elle supprimera la possibilité de riposter, c’est-à-dire jouera militairement le rôle d’
310 té de riposter, c’est-à-dire jouera militairement le rôle d’une bataille décisive. Elle supprimera donc les scrupules de l
311 ôle d’une bataille décisive. Elle supprimera donc les scrupules de l’agresseur éventuel. Car nos scrupules naissent, en gén
312 e décisive. Elle supprimera donc les scrupules de l’ agresseur éventuel. Car nos scrupules naissent, en général, d’une rapi
313 nces fâcheuses, pour nous-mêmes, de nos actes. Si l’ emploi de la Bombe est décisif, il n’y a pas de punition à redouter. I
314 es, pour nous-mêmes, de nos actes. Si l’emploi de la Bombe est décisif, il n’y a pas de punition à redouter. Il est donc c
315 s de punition à redouter. Il est donc clair qu’on l’ emploiera, au risque de faire sauter la Terre. — Alors, pourquoi dites
316 lair qu’on l’emploiera, au risque de faire sauter la Terre. — Alors, pourquoi dites-vous : la Bombe n’est pas dangereuse ?
317 e sauter la Terre. — Alors, pourquoi dites-vous : la Bombe n’est pas dangereuse ? — Pour une raison très simple. La Bombe
318 t pas dangereuse ? — Pour une raison très simple. La Bombe est un objet. Les objets ne sont jamais dangereux. ⁂ Ce qui est
319 ur une raison très simple. La Bombe est un objet. Les objets ne sont jamais dangereux. ⁂ Ce qui est dangereux, horriblement
320 reux. ⁂ Ce qui est dangereux, horriblement, c’est l’ homme. C’est lui qui a fait la Bombe, et c’est lui seul qui se prépare
321 horriblement, c’est l’homme. C’est lui qui a fait la Bombe, et c’est lui seul qui se prépare à l’employer. Quand je vois q
322 fait la Bombe, et c’est lui seul qui se prépare à l’ employer. Quand je vois qu’on nomme des comités pour la retenir ! Comm
323 loyer. Quand je vois qu’on nomme des comités pour la retenir ! Comme si elle était tombée du ciel, animée de mauvaises int
324 uvaises intentions ! C’est d’un comique démesuré. Le contrôle de la Bombe, que l’on discute à longueur de colonne, dans to
325 ons ! C’est d’un comique démesuré. Le contrôle de la Bombe, que l’on discute à longueur de colonne, dans toute la presse,
326 un comique démesuré. Le contrôle de la Bombe, que l’ on discute à longueur de colonne, dans toute la presse, est la plus be
327 ue l’on discute à longueur de colonne, dans toute la presse, est la plus belle absurdité de l’Histoire. Comprenez-vous bie
328 à longueur de colonne, dans toute la presse, est la plus belle absurdité de l’Histoire. Comprenez-vous bien de quoi l’on
329 s toute la presse, est la plus belle absurdité de l’ Histoire. Comprenez-vous bien de quoi l’on parle ? Contrôler cet objet
330 urdité de l’Histoire. Comprenez-vous bien de quoi l’ on parle ? Contrôler cet objet inerte ? C’est comme si tout d’un coup
331 cet objet inerte ? C’est comme si tout d’un coup l’ on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser les vases d
332 tout d’un coup l’on se jetait sur une chaise pour l’ empêcher d’aller casser les vases de Chine. Si on laisse la Bombe tran
333 ait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser les vases de Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, elle ne fera rien,
334 r d’aller casser les vases de Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se tiendra bie
335 stoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’ homme. — Ah ! ça, c’est une autre question. — C’est la question de l’A
336 mme. — Ah ! ça, c’est une autre question. — C’est la question de l’Autre. C’est la seule. On ne peut plus l’éviter depuis
337 e question. — C’est la question de l’Autre. C’est la seule. On ne peut plus l’éviter depuis que la Bombe nous menace et no
338 stion de l’Autre. C’est la seule. On ne peut plus l’ éviter depuis que la Bombe nous menace et nous tente à la foi. Et voil
339 est la seule. On ne peut plus l’éviter depuis que la Bombe nous menace et nous tente à la foi. Et voilà bien le progrès le
340 r depuis que la Bombe nous menace et nous tente à la foi. Et voilà bien le progrès le plus sensationnel du siècle. — Un pr
341 nous menace et nous tente à la foi. Et voilà bien le progrès le plus sensationnel du siècle. — Un progrès ? — Oui, j’appel
342 et nous tente à la foi. Et voilà bien le progrès le plus sensationnel du siècle. — Un progrès ? — Oui, j’appelle ainsi to
6 1946, Combat, articles (1946–1950). Bikini bluff (2 juillet 1946)
343 Bikini bluff (2 juillet 1946)f g À l’ heure qu’il est, on ne sait rien des cochons. Peut-être les prières di
344 qu’il est, on ne sait rien des cochons. Peut-être les prières dites en l’église de Carliste, en Angleterre, « pour les anim
345 rien des cochons. Peut-être les prières dites en l’ église de Carliste, en Angleterre, « pour les animaux sacrifiés » et «
346 es en l’église de Carliste, en Angleterre, « pour les animaux sacrifiés » et « pour alléger leurs souffrances » n’ont-elles
347 t. Ce qu’on sait, de source officielle, c’est que l’ amiral Blandy se déclare satisfait. « L’expérience, déclare-t-il, a ré
348 c’est que l’amiral Blandy se déclare satisfait. «  L’ expérience, déclare-t-il, a répondu à toutes nos espérances. Nous comp
349 » On ne saurait mieux dire, étant un amiral. Oui, l’ expérience a répondu à l’espérance des amiraux du monde entier, qui es
350 e, étant un amiral. Oui, l’expérience a répondu à l’ espérance des amiraux du monde entier, qui est, en somme, de rester de
351 le » : elle peut se chiffrer assez exactement, si l’ on connaît le budget prévu pour le Département de la Marine américaine
352 eut se chiffrer assez exactement, si l’on connaît le budget prévu pour le Département de la Marine américaine. Depuis des
353 exactement, si l’on connaît le budget prévu pour le Département de la Marine américaine. Depuis des mois, de nombreux org
354 on connaît le budget prévu pour le Département de la Marine américaine. Depuis des mois, de nombreux organes de la grande
355 éricaine. Depuis des mois, de nombreux organes de la grande presse américaine mettaient en garde leurs lecteurs contre les
356 éricaine mettaient en garde leurs lecteurs contre les expériences de Bikini. Tout cela n’était, nous disaient-ils, qu’un co
357 qu’un complot pseudo-scientifique pour démontrer la valeur éternelle des cuirassés et porte-avions. Le grand danger, le v
358 a valeur éternelle des cuirassés et porte-avions. Le grand danger, le vrai danger de l’expérience, c’était qu’elle ratât,
359 e des cuirassés et porte-avions. Le grand danger, le vrai danger de l’expérience, c’était qu’elle ratât, conformément aux
360 porte-avions. Le grand danger, le vrai danger de l’ expérience, c’était qu’elle ratât, conformément aux prévisions des ami
361 sions des amiraux, et qu’elle rassurât faussement les peuples quant aux risques institués par la bombe. Il se peut que cett
362 ement les peuples quant aux risques institués par la bombe. Il se peut que cette campagne ait été orchestrée par les servi
363 se peut que cette campagne ait été orchestrée par les services de l’Armée de Terre, pendant le débat qui opposait cette der
364 e campagne ait été orchestrée par les services de l’ Armée de Terre, pendant le débat qui opposait cette dernière à la Mari
365 rée par les services de l’Armée de Terre, pendant le débat qui opposait cette dernière à la Marine, sur la question du com
366 e, pendant le débat qui opposait cette dernière à la Marine, sur la question du commandement unique. Il est certain que le
367 ébat qui opposait cette dernière à la Marine, sur la question du commandement unique. Il est certain que les savants série
368 estion du commandement unique. Il est certain que les savants sérieux se sont tous rangés du côté des adversaires de l’expé
369 ux se sont tous rangés du côté des adversaires de l’ expérience. Trois jours avant le lancement de la bombe, on annonçait l
370 es adversaires de l’expérience. Trois jours avant le lancement de la bombe, on annonçait la démission du fameux Dr Oppenhe
371 e l’expérience. Trois jours avant le lancement de la bombe, on annonçait la démission du fameux Dr Oppenheimer, qui fut le
372 ours avant le lancement de la bombe, on annonçait la démission du fameux Dr Oppenheimer, qui fut le chef et la cheville ou
373 it la démission du fameux Dr Oppenheimer, qui fut le chef et la cheville ouvrière des expériences du Nouveau-Mexique et de
374 sion du fameux Dr Oppenheimer, qui fut le chef et la cheville ouvrière des expériences du Nouveau-Mexique et de l’ensemble
375 ouvrière des expériences du Nouveau-Mexique et de l’ ensemble du « Projet Manhattan ». Le Dr Oppenheimer n’a rien voulu sav
376 Mexique et de l’ensemble du « Projet Manhattan ». Le Dr Oppenheimer n’a rien voulu savoir de cette futile grillade de coch
377 te futile grillade de cochons vifs, organisée par les services publicitaires de la Marine. Qu’on se rappelle, à ce sujet, l
378 vifs, organisée par les services publicitaires de la Marine. Qu’on se rappelle, à ce sujet, les déclarations faites à la p
379 ires de la Marine. Qu’on se rappelle, à ce sujet, les déclarations faites à la presse par les trois plus grands chefs des f
380 e rappelle, à ce sujet, les déclarations faites à la presse par les trois plus grands chefs des forces armées américaines,
381 ce sujet, les déclarations faites à la presse par les trois plus grands chefs des forces armées américaines, au cours de l’
382 chefs des forces armées américaines, au cours de l’ hiver dernier. « La bombe ne fait que décupler l’importance de l’armée
383 rmées américaines, au cours de l’hiver dernier. «  La bombe ne fait que décupler l’importance de l’armée de terre », disait
384 l’hiver dernier. « La bombe ne fait que décupler l’ importance de l’armée de terre », disait devant le Sénat le général Ma
385 . « La bombe ne fait que décupler l’importance de l’ armée de terre », disait devant le Sénat le général Marshall. « Je vou
386 l’importance de l’armée de terre », disait devant le Sénat le général Marshall. « Je vous abandonne volontiers l’infanteri
387 nce de l’armée de terre », disait devant le Sénat le général Marshall. « Je vous abandonne volontiers l’infanterie, déclar
388 général Marshall. « Je vous abandonne volontiers l’ infanterie, déclarait en substance l’amiral King, mais la marine saura
389 e volontiers l’infanterie, déclarait en substance l’ amiral King, mais la marine saura prouver sa résistance et sa nécessit
390 terie, déclarait en substance l’amiral King, mais la marine saura prouver sa résistance et sa nécessité ». Voilà qui est f
391 e et sa nécessité ». Voilà qui est fait. Sur quoi le général Arnold, après des phrases de condoléances sur les fantassins
392 ral Arnold, après des phrases de condoléances sur les fantassins et les marins, suggérait que l’aviation seule restait indi
393 des phrases de condoléances sur les fantassins et les marins, suggérait que l’aviation seule restait indispensable, puisque
394 s sur les fantassins et les marins, suggérait que l’ aviation seule restait indispensable, puisque c’est elle qui transport
395 ispensable, puisque c’est elle qui transporterait la bombe, ou abattrait les bombardiers ennemis. La Marine vient de gagne
396 st elle qui transporterait la bombe, ou abattrait les bombardiers ennemis. La Marine vient de gagner la première manche, da
397 t la bombe, ou abattrait les bombardiers ennemis. La Marine vient de gagner la première manche, dans ce grand match à troi
398 e grand match à trois équipes. Mais sans doute ne l’ a-t-elle gagnée qu’aux yeux de l’opinion publique. Les vrais arbitres
399 is sans doute ne l’a-t-elle gagnée qu’aux yeux de l’ opinion publique. Les vrais arbitres restent les savants. Or, les sava
400 -t-elle gagnée qu’aux yeux de l’opinion publique. Les vrais arbitres restent les savants. Or, les savants persistent à nous
401 de l’opinion publique. Les vrais arbitres restent les savants. Or, les savants persistent à nous prédire des catastrophes c
402 ique. Les vrais arbitres restent les savants. Or, les savants persistent à nous prédire des catastrophes continentales, pou
403 nous prédire des catastrophes continentales, pour le jour de la grande expérience d’une explosion atomique sous-marine. Il
404 e des catastrophes continentales, pour le jour de la grande expérience d’une explosion atomique sous-marine. Ils jugent la
405 d’une explosion atomique sous-marine. Ils jugent la bombe du type Nagasaki — celle qui fut lancée dimanche soir — démodée
406 manche soir — démodée et mille fois surpassée par les récents modèles, qu’ils sont seuls à connaître. Et c’est leur point d
407 naître. Et c’est leur point de vue qui m’importe. Les problèmes que nous pose la bombe restent intacts, autant que les palm
408 de vue qui m’importe. Les problèmes que nous pose la bombe restent intacts, autant que les palmiers de Bikini. Et si les a
409 ue nous pose la bombe restent intacts, autant que les palmiers de Bikini. Et si les amiraux sont rassurés, conformément à t
410 intacts, autant que les palmiers de Bikini. Et si les amiraux sont rassurés, conformément à tous les plans qu’ils ont tirés
411 si les amiraux sont rassurés, conformément à tous les plans qu’ils ont tirés, l’humanité en général n’a pas lieu de se réjo
412 , conformément à tous les plans qu’ils ont tirés, l’ humanité en général n’a pas lieu de se réjouir trop bruyamment de la s
413 ral n’a pas lieu de se réjouir trop bruyamment de la survie des deux-cents cochons en uniformes. Les habitants d’Hiroshima
414 de la survie des deux-cents cochons en uniformes. Les habitants d’Hiroshima n’ont pas tenu le coup tout à fait aussi bien,
415 iformes. Les habitants d’Hiroshima n’ont pas tenu le coup tout à fait aussi bien, comme le révèlent les rapports officiels
416 nt pas tenu le coup tout à fait aussi bien, comme le révèlent les rapports officiels publiés la semaine dernière. Les habi
417 le coup tout à fait aussi bien, comme le révèlent les rapports officiels publiés la semaine dernière. Les habitants de Lond
418 comme le révèlent les rapports officiels publiés la semaine dernière. Les habitants de Londres, de New York, de Leningrad
419 s rapports officiels publiés la semaine dernière. Les habitants de Londres, de New York, de Leningrad et de Paris ne seront
420 ne seront point protégés aussi méthodiquement que le budget de la Marine américaine. Et le faux soulagement produit par le
421 nt protégés aussi méthodiquement que le budget de la Marine américaine. Et le faux soulagement produit par le grand « four
422 quement que le budget de la Marine américaine. Et le faux soulagement produit par le grand « four » de Bikini ne peut qu’a
423 ne américaine. Et le faux soulagement produit par le grand « four » de Bikini ne peut qu’augmenter le danger. La seule déf
424 le grand « four » de Bikini ne peut qu’augmenter le danger. La seule défense contre la bombe reste le gouvernement mondia
425  four » de Bikini ne peut qu’augmenter le danger. La seule défense contre la bombe reste le gouvernement mondial, seul arm
426 t qu’augmenter le danger. La seule défense contre la bombe reste le gouvernement mondial, seul armé de la bombe pour assur
427 le danger. La seule défense contre la bombe reste le gouvernement mondial, seul armé de la bombe pour assurer la police pa
428 bombe reste le gouvernement mondial, seul armé de la bombe pour assurer la police parmi les États. Et le seul moyen d’accé
429 ement mondial, seul armé de la bombe pour assurer la police parmi les États. Et le seul moyen d’accélérer l’instauration d
430 eul armé de la bombe pour assurer la police parmi les États. Et le seul moyen d’accélérer l’instauration d’un tel gouvernem
431 bombe pour assurer la police parmi les États. Et le seul moyen d’accélérer l’instauration d’un tel gouvernement — qui pou
432 ice parmi les États. Et le seul moyen d’accélérer l’ instauration d’un tel gouvernement — qui pourrait être l’ONU si elle e
433 uration d’un tel gouvernement — qui pourrait être l’ ONU si elle existait autrement que sous forme d’initiales — c’est d’au
434 sous forme d’initiales — c’est d’augmenter parmi les peuples le sentiment de leur interdépendance. Quand nous aurons compr
435 d’initiales — c’est d’augmenter parmi les peuples le sentiment de leur interdépendance. Quand nous aurons compris que tout
436 cités et ne saurait être qu’une guerre civile que le genre humain se fait « à lui-même », les premières bases psychologiqu
437 1 et 3. g. Texte corrigé en deux endroits, selon l’ erratum publié dans la livraison du lendemain, p. 1.
438 igé en deux endroits, selon l’erratum publié dans la livraison du lendemain, p. 1.
7 1946, Combat, articles (1946–1950). Les intellectuels sont-ils responsables ? (5 juillet 1946)
439 Les intellectuels sont-ils responsables ? (5 juillet 1946)h i Chose ét
440 ponsables ? (5 juillet 1946)h i Chose étrange, le 6 février 1934 fut une date de l’histoire littéraire : elle inaugura
441 Chose étrange, le 6 février 1934 fut une date de l’ histoire littéraire : elle inaugura le temps des moutons enragés. Fati
442 une date de l’histoire littéraire : elle inaugura le temps des moutons enragés. Fatigués de leur innocence, voyant que l’h
443 s enragés. Fatigués de leur innocence, voyant que l’ herbe se faisait rare sous leurs pieds et qu’ils n’avaient plus de ber
444 nt une quantité de manifestes. Ils ont signé pour le négus et contre lui ; pour le chef bien-aimé, Père des peuples, et po
445 Ils ont signé pour le négus et contre lui ; pour le chef bien-aimé, Père des peuples, et pour ses innocentes victimes, vi
446 fuss et pour Schuschnigg ; pour Thaelmann, contre le Japon, à propos du tsar, à M. Bénès ; des deux mains, des quatre patt
447 , à M. Bénès ; des deux mains, des quatre pattes, les yeux fermés, d’une croix, d’une faucille et d’un marteau, ou avec plu
448 connaître… Bref, il n’est pas un acte commis dans le monde, depuis quatre ans, qui n’ait été vertement dénoncé pas des « i
449 noncé pas des « intellectuels » français. Mais si le monde ne s’en porte pas mieux, l’intelligence n’y gagne guère. ⁂ Tant
450 ançais. Mais si le monde ne s’en porte pas mieux, l’ intelligence n’y gagne guère. ⁂ Tant que les écrivains mettaient leur
451 mieux, l’intelligence n’y gagne guère. ⁂ Tant que les écrivains mettaient leur soin à vivre en marge de tous les conflits e
452 ains mettaient leur soin à vivre en marge de tous les conflits et refusaient d’être considérés comme des citoyens responsab
453 responsables, ils étaient au moins en accord avec l’ esprit général de l’époque : intelligence d’un côté, action de l’autre
454 aient au moins en accord avec l’esprit général de l’ époque : intelligence d’un côté, action de l’autre, et surtout ne méla
455 e mélangeons rien. Tributaires d’une culture dont l’ ambition suprême était de se « distinguer » des contingences, ils étai
456 nces, ils étaient au moins purs dans leur erreur. Les modalités de leur retrait ne contredisaient nullement les postulats f
457 lités de leur retrait ne contredisaient nullement les postulats fondamentaux de leur métaphysique inconsciente. Et leur sty
458 inconsciente. Et leur style traduisait fidèlement les nuances d’une pensée détachée, irresponsable par définition. Il n’y a
459 doute, mais délicates et ingénieuses. Cependant, les temps ont changé. La crise nous a fait voir soudain que les positions
460 et ingénieuses. Cependant, les temps ont changé. La crise nous a fait voir soudain que les positions intellectuelles héri
461 ont changé. La crise nous a fait voir soudain que les positions intellectuelles héritées du libéralisme conduisaient à ce r
462 conduisaient à ce régime de faillite qu’on nomme l’ État totalitaire. Nous avons constaté que rien, ni la pensée, ni l’act
463 tat totalitaire. Nous avons constaté que rien, ni la pensée, ni l’acte individuel, n’est en réalité gratuit. Que tout se p
464 e. Nous avons constaté que rien, ni la pensée, ni l’ acte individuel, n’est en réalité gratuit. Que tout se paye. Que notre
465 té de penser n’importe quoi, sans tenir compte de l’ époque, était une illusion entretenue par l’apparente paix sociale, ma
466 te de l’époque, était une illusion entretenue par l’ apparente paix sociale, mais que l’échéance ne pouvait être indéfinime
467 entretenue par l’apparente paix sociale, mais que l’ échéance ne pouvait être indéfiniment repoussée et que les dettes cont
468 nce ne pouvait être indéfiniment repoussée et que les dettes contractées par l’esprit ne laissaient même plus une possibili
469 iment repoussée et que les dettes contractées par l’ esprit ne laissaient même plus une possibilité de concordat. Déjà les
470 ient même plus une possibilité de concordat. Déjà les dictatures réglaient les comptes. « Lorsque j’entends parler d’esprit
471 ilité de concordat. Déjà les dictatures réglaient les comptes. « Lorsque j’entends parler d’esprit, je désarme mon revolver
472 désarme mon revolver », disait un officier nazi. Les staliniens faisaient de même en présence du libéralisme et de la cult
473 aisaient de même en présence du libéralisme et de la culture « désintéressée ». C’est alors qu’on lança parmi nous le mot
474 sintéressée ». C’est alors qu’on lança parmi nous le mot d’ordre : « Défense de la culture ». Toute la confusion vient de
475 on lança parmi nous le mot d’ordre : « Défense de la culture ». Toute la confusion vient de là. Car la culture qu’on nous
476 e mot d’ordre : « Défense de la culture ». Toute la confusion vient de là. Car la culture qu’on nous propose de défendre,
477 a culture ». Toute la confusion vient de là. Car la culture qu’on nous propose de défendre, c’est elle, précisément, qui
478 , c’est elle, précisément, qui est responsable de la brutalité totalitaire. On nous propose donc de défendre une maladie c
479 nous propose donc de défendre une maladie contre la mort, à quoi elle mène nécessairement. Au lieu de nous refaire une sa
480 désintoxication énergique. Au lieu de rechercher les moyens de penser dans le réel et l’actuel, et de surmonter enfin ce v
481 . Au lieu de rechercher les moyens de penser dans le réel et l’actuel, et de surmonter enfin ce vice qu’est la distinction
482 e rechercher les moyens de penser dans le réel et l’ actuel, et de surmonter enfin ce vice qu’est la distinction libérale e
483 et l’actuel, et de surmonter enfin ce vice qu’est la distinction libérale entre la pensée et l’action. Au lieu de préciser
484 nfin ce vice qu’est la distinction libérale entre la pensée et l’action. Au lieu de préciser, par exemple, le sens de ce m
485 qu’est la distinction libérale entre la pensée et l’ action. Au lieu de préciser, par exemple, le sens de ce mot d’engageme
486 ée et l’action. Au lieu de préciser, par exemple, le sens de ce mot d’engagement dont tout le monde abuse aujourd’hui. ⁂ P
487 e aujourd’hui. ⁂ Pour qu’une pensée s’engage dans le réel, il ne faut pas ni ne saurait suffire qu’elle se soumette à des
488 umette à des réalités dont elle ignore ou répudie la loi interne : la tactique d’un parti par exemple. Ce n’est pas dans l
489 ités dont elle ignore ou répudie la loi interne : la tactique d’un parti par exemple. Ce n’est pas dans l’utilisation acci
490 actique d’un parti par exemple. Ce n’est pas dans l’ utilisation accidentelle et partisane d’une pensée que réside son enga
491 intime, dans son élan premier, dans sa prise sur le réel et dans sa volonté de le transformer, donc finalement de le domi
492 , dans sa prise sur le réel et dans sa volonté de le transformer, donc finalement de le dominer. S’engager, ce n’est pas s
493 sa volonté de le transformer, donc finalement de le dominer. S’engager, ce n’est pas se mettre en location. Ce n’est pas
494 s faire payer sa prose par Ce Soir plutôt que par l’ Intransigeant. Ce n’est pas signer ici plutôt que là. Ce n’est pas pas
495 signer ici plutôt que là. Ce n’est pas passer de l’ esclavage d’une mode à celui d’une tactique politique. Ce n’est pas du
496 e, mais au contraire, c’est se libérer et assumer les risques de sa liberté. Il peut sembler paradoxal de soutenir que l’en
497 iberté. Il peut sembler paradoxal de soutenir que l’ engagement d’une pensée suppose sa libération. En vérité, c’est le lib
498 ne pensée suppose sa libération. En vérité, c’est le libéralisme qui a répandu l’idée que l’engagement ne peut être qu’un
499 on. En vérité, c’est le libéralisme qui a répandu l’ idée que l’engagement ne peut être qu’un esclavage. La liberté réelle
500 té, c’est le libéralisme qui a répandu l’idée que l’ engagement ne peut être qu’un esclavage. La liberté réelle n’a pas de
501 ée que l’engagement ne peut être qu’un esclavage. La liberté réelle n’a pas de pires ennemis que les libéraux ; sinon en i
502 e. La liberté réelle n’a pas de pires ennemis que les libéraux ; sinon en intention, du moins en fait. Les penseurs les plu
503 libéraux ; sinon en intention, du moins en fait. Les penseurs les plus violemment libres du xixe siècle, un Nietzsche, un
504 inon en intention, du moins en fait. Les penseurs les plus violemment libres du xixe siècle, un Nietzsche, un Kierkegaard,
505 ietzsche, un Kierkegaard, un Baudelaire1, ont été les plus violemment engagés dans la réalité. Et cela suffirait bien à déf
506 elaire1, ont été les plus violemment engagés dans la réalité. Et cela suffirait bien à définir le sens que nous donnons à
507 dans la réalité. Et cela suffirait bien à définir le sens que nous donnons à ce mot d’engagement. ⁂ Je l’ai dit ailleurs :
508 sens que nous donnons à ce mot d’engagement. ⁂ Je l’ ai dit ailleurs : un gant qui se retourne ne devient pas pour si peu u
509 ervice » d’une doctrine de lutte politique. Faire la révolution, cela demande un effort un peu plus grand, et d’une autre
510 ort un peu plus grand, et d’une autre nature, que l’ effort de signer un manifeste ou de s’inscrire dans les rangs d’une li
511 fort de signer un manifeste ou de s’inscrire dans les rangs d’une ligue. On rougit de rappeler de tels truismes. Mais on y
512 er de tels truismes. Mais on y est bien forcé par le spectacle de l’intelligentsia française. Précisons donc encore : la p
513 mes. Mais on y est bien forcé par le spectacle de l’ intelligentsia française. Précisons donc encore : la première tâche de
514 première tâche des intellectuels qui ont compris le péril totalitaire (de droite ou de gauche) ce n’est pas « d’adhérer »
515 er » à quelque antifascisme, mais de s’attaquer à la forme de pensée d’où vont nécessairement sortir le fascisme et le sta
516 a forme de pensée d’où vont nécessairement sortir le fascisme et le stalinisme. Et c’est la pensée libérale. Voyez donc co
517 ée d’où vont nécessairement sortir le fascisme et le stalinisme. Et c’est la pensée libérale. Voyez donc comme nos libérau
518 ent sortir le fascisme et le stalinisme. Et c’est la pensée libérale. Voyez donc comme nos libéraux se mettent d’eux-mêmes
519 éraux se mettent d’eux-mêmes en rangs et marquent le pas dès qu’une menace se précise contre les libertés françaises ! Le
520 rquent le pas dès qu’une menace se précise contre les libertés françaises ! Le réflexe du libéral devant le péril, c’est de
521 enace se précise contre les libertés françaises ! Le réflexe du libéral devant le péril, c’est de faire un fascisme. Fût-c
522 ibertés françaises ! Le réflexe du libéral devant le péril, c’est de faire un fascisme. Fût-ce même pour se défendre du fa
523 e du fascisme. Et peut-être surtout dans ce cas ! La panique de « l’union sacrée » qui vient de souffler sur notre élite e
524 t peut-être surtout dans ce cas ! La panique de «  l’ union sacrée » qui vient de souffler sur notre élite en est l’ahurissa
525 ée » qui vient de souffler sur notre élite en est l’ ahurissant exemple. Du moins a-t-elle eu cela de bon : les écrivains q
526 ssant exemple. Du moins a-t-elle eu cela de bon : les écrivains qui ont décidé tout récemment de renoncer à l’usage de leur
527 vains qui ont décidé tout récemment de renoncer à l’ usage de leur pensée devant la menace hitlérienne (voir le manifeste d
528 mment de renoncer à l’usage de leur pensée devant la menace hitlérienne (voir le manifeste de Ce Soir) ont exprimé en tout
529 de leur pensée devant la menace hitlérienne (voir le manifeste de Ce Soir) ont exprimé en toute clarté qu’ils étaient de v
530 x, irresponsables nés2, égarés pour un temps dans les voies de « l’engagement » politique, et faisant amende honorable. Ils
531 es nés2, égarés pour un temps dans les voies de «  l’ engagement » politique, et faisant amende honorable. Ils étaient en ru
532 ture de bercail. Maintenant, tout est rentré dans l’ ordre, les moutons se sont apaisés, et la situation s’éclaircit. Voici
533 ercail. Maintenant, tout est rentré dans l’ordre, les moutons se sont apaisés, et la situation s’éclaircit. Voici venir le
534 tré dans l’ordre, les moutons se sont apaisés, et la situation s’éclaircit. Voici venir le temps des vrais dangers, c’est-
535 apaisés, et la situation s’éclaircit. Voici venir le temps des vrais dangers, c’est-à-dire des vraies luttes et des vrais
536 es vrais engagements. 1. Baudelaire voulait que la critique des poètes — qu’il opposait à celle des philosophes libéraux
537 ntre eux, tels que Bernanos et Schlumberger, dont la bonne foi a été surprise, — comme on dit. Peu importent d’ailleurs le
538 urprise, — comme on dit. Peu importent d’ailleurs les personnes : c’est la tendance qui est significative. h. Rougemont D
539 t. Peu importent d’ailleurs les personnes : c’est la tendance qui est significative. h. Rougemont Denis de, « Les intell
540 qui est significative. h. Rougemont Denis de, «  Les intellectuels sont-ils responsables ? », Combat, Paris, 5 juillet 194
541 et 1946, p. 1. i. Précédé du chapeau suivant : «  La notion de l’“engagement” politique connaît depuis quelques mois une e
542 . i. Précédé du chapeau suivant : « La notion de l’ “engagement” politique connaît depuis quelques mois une extrême faveur
543 naît depuis quelques mois une extrême faveur dans les milieux intellectuels et littéraires. De fait, si cette volonté d’eng
544 titudes assez confuses, il est vrai néanmoins que les impératifs partisans pèsent de plus en plus lourdement sur l’activité
545 s partisans pèsent de plus en plus lourdement sur l’ activité intellectuelle. Aussi avons-nous pensé qu’il serait intéressa
546 n seulement leur responsabilité et leur rôle dans la société, mais aussi leur manière de s’exprimer. Denis de Rougemont, q
547 de Rougemont, qui fut un des premiers à soutenir l’ engagement intellectuel, notamment dans son essai Penser avec les mai
548 ser avec les mains (publié en 1936), nous envoie l’ article suivant, dont il est intéressant de souligner qu’il fut écrit
549 fut écrit et publié dans une revue en 1938, sous le titre : « Trop d’irresponsables s’engagent ».
8 1947, Combat, articles (1946–1950). « La tâche française c’est d’inventer la paix » (26 décembre 1947)
550 «  La tâche française c’est d’inventer la paix » (26 décembre 1947)j k D
551 « La tâche française c’est d’inventer la paix » (26 décembre 1947)j k Denis de Rougemont me reçoit dans l’a
552 bre 1947)j k Denis de Rougemont me reçoit dans l’ agréable maison qu’il occupe à la sortie du village de Ferney, désorma
553 t me reçoit dans l’agréable maison qu’il occupe à la sortie du village de Ferney, désormais et pour toujours, prénommé Vol
554 chose de voltairien chez lui : cette aisance dans l’ épigramme, ce ton persifleur et cette parfaite élégance du style. Mais
555 ette parfaite élégance du style. Mais là se borne la ressemblance. Ce jeune disciple du théologien protestant Karl Barth,
556 nts et profonds comme Penser avec les mains et L’ Amour et l’Occident mirent bien vite au premier rang, est le contrair
557 onds comme Penser avec les mains et L’Amour et l’ Occident mirent bien vite au premier rang, est le contraire d’un amus
558 l’Occident mirent bien vite au premier rang, est le contraire d’un amuseur. Pendant la guerre, il a mené le bon combat à
559 mier rang, est le contraire d’un amuseur. Pendant la guerre, il a mené le bon combat à l’émission « La voix de l’Amérique 
560 traire d’un amuseur. Pendant la guerre, il a mené le bon combat à l’émission « La voix de l’Amérique », tandis que ses liv
561 eur. Pendant la guerre, il a mené le bon combat à l’ émission « La voix de l’Amérique », tandis que ses livres et en partic
562 la guerre, il a mené le bon combat à l’émission «  La voix de l’Amérique », tandis que ses livres et en particulier son Jou
563 il a mené le bon combat à l’émission « La voix de l’ Amérique », tandis que ses livres et en particulier son Journal d’Alle
564 son Journal d’Allemagne, étaient mis au pilon par les nazis. Mais, bientôt après, éclatait la bombe d’Hiroshima et de Rouge
565 ilon par les nazis. Mais, bientôt après, éclatait la bombe d’Hiroshima et de Rougemont écrivait aussitôt ses étincelantes
566 t écrivait aussitôt ses étincelantes Lettres sur la bombe atomique où il prenait position devant les problèmes mis à l’o
567 la bombe atomique où il prenait position devant les problèmes mis à l’ordre du jour par la nouvelle arme. « La bombe n’es
568 où il prenait position devant les problèmes mis à l’ ordre du jour par la nouvelle arme. « La bombe n’est pas dangereuse, d
569 on devant les problèmes mis à l’ordre du jour par la nouvelle arme. « La bombe n’est pas dangereuse, disait-il en substanc
570 mes mis à l’ordre du jour par la nouvelle arme. «  La bombe n’est pas dangereuse, disait-il en substance, mais les hommes q
571 ’est pas dangereuse, disait-il en substance, mais les hommes qui l’utilisent. Ce sont eux qu’il faut contrôler ». Je pense
572 euse, disait-il en substance, mais les hommes qui l’ utilisent. Ce sont eux qu’il faut contrôler ». Je pense à cela tandis
573 dis que notre entretien prend, comme de lui-même, le tour que je désirais lui imprimer. » C’est l’homme qui fait son desti
574 me, le tour que je désirais lui imprimer. » C’est l’ homme qui fait son destin, me dit avec force de Rougemont. C’est lui e
575 de Rougemont. C’est lui et lui seul qui déchaîne les forces qui aboutissent à la bombe ou à la paix. Il n’y a de fatalité
576 ui seul qui déchaîne les forces qui aboutissent à la bombe ou à la paix. Il n’y a de fatalité que lorsque l’homme démissio
577 chaîne les forces qui aboutissent à la bombe ou à la paix. Il n’y a de fatalité que lorsque l’homme démissionne. Et c’est
578 be ou à la paix. Il n’y a de fatalité que lorsque l’ homme démissionne. Et c’est ce qui est grave en ce moment : on a l’imp
579 ne. Et c’est ce qui est grave en ce moment : on a l’ impression que personne n’est décidé à arrêter la folle machine ou, pl
580 l’impression que personne n’est décidé à arrêter la folle machine ou, plutôt, à la remettre sur la bonne voie. Nous autre
581 t décidé à arrêter la folle machine ou, plutôt, à la remettre sur la bonne voie. Nous autres, Suisses romands, nous avons
582 er la folle machine ou, plutôt, à la remettre sur la bonne voie. Nous autres, Suisses romands, nous avons les yeux tournés
583 ne voie. Nous autres, Suisses romands, nous avons les yeux tournés vers la France et nous constatons avec stupeur que la Fr
584 Suisses romands, nous avons les yeux tournés vers la France et nous constatons avec stupeur que la France ne fait rien et
585 ers la France et nous constatons avec stupeur que la France ne fait rien et se perd dans une sorte d’amer byzantinisme. Da
586 ditions, êtes-vous tenté de regarder ailleurs ? La France « en attente » Ne vous y trompez pas. Le monde entier, comm
587 a France « en attente » Ne vous y trompez pas. Le monde entier, comme nous-mêmes, attend encore de la France une initia
588 monde entier, comme nous-mêmes, attend encore de la France une initiative de salut. Sans doute, cette initiative ne saura
589 ute, cette initiative ne saurait être politique : la France n’est plus à la taille de ces géants qui s’affrontent. Elle es
590 e saurait être politique : la France n’est plus à la taille de ces géants qui s’affrontent. Elle est pauvre aussi et le mo
591 géants qui s’affrontent. Elle est pauvre aussi et le monde actuel est sans pitié pour les pauvres. La France a besoin des
592 uvre aussi et le monde actuel est sans pitié pour les pauvres. La France a besoin des États-Unis pour sa subsistance et ell
593 le monde actuel est sans pitié pour les pauvres. La France a besoin des États-Unis pour sa subsistance et elle est entrav
594 tance et elle est entravée dans ses démarches par la Russie, c’est-à-dire par son parti communiste. Elle donne ainsi l’imp
595 à-dire par son parti communiste. Elle donne ainsi l’ impression d’être sous une double dépendance. Ce n’est donc pas de ses
596 igeants que nous attendons quoi que ce soit. Mais l’ initiative intellectuelle ? Si on peut dire qu’actuellement elle ne l’
597 ctuelle ? Si on peut dire qu’actuellement elle ne l’ a pas davantage que l’initiative politique, il faut ajouter aussitôt q
598 ire qu’actuellement elle ne l’a pas davantage que l’ initiative politique, il faut ajouter aussitôt que personne ne l’a rep
599 litique, il faut ajouter aussitôt que personne ne l’ a reprise à sa place. Cette initiative-là, on la perd dès qu’on cesse
600 e l’a reprise à sa place. Cette initiative-là, on la perd dès qu’on cesse de la prendre. Ce rôle est donc vacant, et seule
601 ette initiative-là, on la perd dès qu’on cesse de la prendre. Ce rôle est donc vacant, et seule la France pourra le tenir
602 de la prendre. Ce rôle est donc vacant, et seule la France pourra le tenir comme elle l’a tenu dans le passé. Mais la Fra
603 e rôle est donc vacant, et seule la France pourra le tenir comme elle l’a tenu dans le passé. Mais la France est « en atte
604 nt, et seule la France pourra le tenir comme elle l’ a tenu dans le passé. Mais la France est « en attente ». En attente de
605 a France pourra le tenir comme elle l’a tenu dans le passé. Mais la France est « en attente ». En attente de quoi ? Du con
606 le tenir comme elle l’a tenu dans le passé. Mais la France est « en attente ». En attente de quoi ? Du conflit qui « devi
607 u conflit qui « devient » fatal si on ne fait que l’ attendre. C’est bien l’impression désespérante que nous avons. L’intel
608  » fatal si on ne fait que l’attendre. C’est bien l’ impression désespérante que nous avons. L’intelligence française est c
609 st bien l’impression désespérante que nous avons. L’ intelligence française est comme paralysée, neutralisée par une double
610 tion devienne une affirmation, sous peine de voir le monde entier sombrer avec vous dans le désespoir. Comment ? Je vais d
611 ne de voir le monde entier sombrer avec vous dans le désespoir. Comment ? Je vais d’abord vous confier une chose : je ne c
612 nvention des propagandes. Ils n’existent que dans la mesure où on veut bien leur accorder du crédit. Voilà bien le cercle
613 on veut bien leur accorder du crédit. Voilà bien le cercle vicieux et l’on n’en sortira qu’en sautant à pieds joints par-
614 corder du crédit. Voilà bien le cercle vicieux et l’ on n’en sortira qu’en sautant à pieds joints par-dessus la ligne du me
615 n sortira qu’en sautant à pieds joints par-dessus la ligne du mensonge. Inventer la paix Mais ne pensez-vous pas alo
616 ints par-dessus la ligne du mensonge. Inventer la paix Mais ne pensez-vous pas alors que la vocation de la France es
617 nter la paix Mais ne pensez-vous pas alors que la vocation de la France est clairement circonscrite par la situation da
618 Mais ne pensez-vous pas alors que la vocation de la France est clairement circonscrite par la situation dans laquelle ell
619 tion de la France est clairement circonscrite par la situation dans laquelle elle se trouve, et que ses refus mêmes, s’ils
620 finiraient une affirmation ? J’en suis convaincu. La tâche française — encore une fois, de l’« intelligence » française —
621 nvaincu. La tâche française — encore une fois, de l’ « intelligence » française — c’est dans ces circonstances historiques
622 storiques que nous venons de dire, « d’inventer » la paix. Si elle ne le fait pas, personne ne le fera à sa place. Mais si
623 enons de dire, « d’inventer » la paix. Si elle ne le fait pas, personne ne le fera à sa place. Mais si elle l’inventait po
624 er » la paix. Si elle ne le fait pas, personne ne le fera à sa place. Mais si elle l’inventait pour elle seule — ce qui es
625 pas, personne ne le fera à sa place. Mais si elle l’ inventait pour elle seule — ce qui est d’ailleurs impensable —, ce ser
626 lle n’avait rien fait. Il n’y a pas d’autarcie de la paix. « Penser français » comme le voulait Barrès, c’est non seulemen
627 d’autarcie de la paix. « Penser français » comme le voulait Barrès, c’est non seulement une faute de méthode mais aussi u
628 ais aussi une faute de français. Il faut donc que l’ affirmation française, si elle éclate, comme je le souhaite, trouve im
629 l’affirmation française, si elle éclate, comme je le souhaite, trouve immédiatement son champ d’action. Je n’en vois qu’un
630 n vois qu’un mais il est immense et à sa portée : l’ Europe. C’est seulement par l’Europe que nous pourrons agir sur les US
631 se et à sa portée : l’Europe. C’est seulement par l’ Europe que nous pourrons agir sur les USA ou l’URSS. Il est temps que
632 seulement par l’Europe que nous pourrons agir sur les USA ou l’URSS. Il est temps que nous en prenions conscience : nous ne
633 ar l’Europe que nous pourrons agir sur les USA ou l’ URSS. Il est temps que nous en prenions conscience : nous ne sommes pa
634 « Pessimisme actif » Cette Europe unie, sous l’ impulsion d’une nation, n’est-ce pas le rêve de Napoléon ou de Hitler 
635 unie, sous l’impulsion d’une nation, n’est-ce pas le rêve de Napoléon ou de Hitler ? Bien entendu. Aussi n’est-il pas ques
636 ntendu. Aussi n’est-il pas question « d’unifier » l’ Europe mais de « l’unir ». Seul, le fédéralisme est capable de réalise
637 -il pas question « d’unifier » l’Europe mais de «  l’ unir ». Seul, le fédéralisme est capable de réaliser cette unité dans
638 « d’unifier » l’Europe mais de « l’unir ». Seul, le fédéralisme est capable de réaliser cette unité dans la diversité et
639 éralisme est capable de réaliser cette unité dans la diversité et c’est pourquoi je suis résolument fédéraliste. Il est év
640 e suis résolument fédéraliste. Il est évident que le rôle de la France ne sera pas celui d’un conquérant. Le voudrait-elle
641 lument fédéraliste. Il est évident que le rôle de la France ne sera pas celui d’un conquérant. Le voudrait-elle qu’elle n’
642 e de la France ne sera pas celui d’un conquérant. Le voudrait-elle qu’elle n’en a pas les moyens. Ce n’est pas une « franc
643 n conquérant. Le voudrait-elle qu’elle n’en a pas les moyens. Ce n’est pas une « francisation » de l’Europe qu’il s’agit de
644 les moyens. Ce n’est pas une « francisation » de l’ Europe qu’il s’agit de réaliser, mais que la France devienne et soit l
645  » de l’Europe qu’il s’agit de réaliser, mais que la France devienne et soit la conscience d’une Europe à naître. Voyez ce
646 de réaliser, mais que la France devienne et soit la conscience d’une Europe à naître. Voyez ce qui se passe en Suisse : n
647 Suisse : nous autres romands, nous y sommes dans la proportion d’un tiers contre deux tiers, et pourtant notre minorité y
648 ctive. C’est que nous sommes un pays fédéraliste. Le fédéralisme n’est pas un système de la quantité, mais de la qualité.
649 déraliste. Le fédéralisme n’est pas un système de la quantité, mais de la qualité. Et croyez-vous cette Europe possible ?
650 isme n’est pas un système de la quantité, mais de la qualité. Et croyez-vous cette Europe possible ? Parfaitement. Les Amé
651 croyez-vous cette Europe possible ? Parfaitement. Les Américains ne demandent pas mieux : pour des raisons d’intérêt, sans
652 mmage, mais nous n’allons quand même pas attendre le visa de qui que ce soit pour nous décider à agir. Je crois que l’Euro
653 ue ce soit pour nous décider à agir. Je crois que l’ Europe se fera, envers et contre tout et tous. Vous voyez que ma répon
654 ais d’âge d’or. Je demande simplement un monde où les vrais problèmes soient discutés et, si possible, résolus, où les tens
655 èmes soient discutés et, si possible, résolus, où les tensions fécondes puissent s’exercer enfin librement. Un monde où l’o
656 s puissent s’exercer enfin librement. Un monde où l’ on puisse « vivre ». j. Rougemont Denis de, « [Entretien] La tâche
657 vivre ». j. Rougemont Denis de, « [Entretien] La tâche française c’est d’inventer la paix », Combat, Paris, 26 décembr
658 « [Entretien] La tâche française c’est d’inventer la paix », Combat, Paris, 26 décembre 1947, p. 1-2. k. Propos recueilli
9 1948, Combat, articles (1946–1950). Message aux Européens (14 mai 1948)
659 Message aux Européens (14 mai 1948)l m L’ Europe est menacée, l’Europe est divisée, et la plus grave menace vien
660 ropéens (14 mai 1948)l m L’Europe est menacée, l’ Europe est divisée, et la plus grave menace vient de ses divisions. Ap
661 L’Europe est menacée, l’Europe est divisée, et la plus grave menace vient de ses divisions. Appauvrie, encombrée de bar
662 ses biens de circuler, mais qui ne sauraient plus la protéger, notre Europe désunie marche à sa fin. Aucun de nos pays ne
663 ndance. Aucun de nos pays ne peut résoudre, seul, les problèmes que lui pose l’économie moderne. À défaut d’une union libre
664 e peut résoudre, seul, les problèmes que lui pose l’ économie moderne. À défaut d’une union librement consentie, notre anar
665 e, notre anarchie présente nous exposera demain à l’ unification forcée, soit par l’intervention d’un empire du dehors, soi
666 exposera demain à l’unification forcée, soit par l’ intervention d’un empire du dehors, soit par l’usurpation d’un parti d
667 ar l’intervention d’un empire du dehors, soit par l’ usurpation d’un parti du dedans. L’heure est venue d’entreprendre une
668 hors, soit par l’usurpation d’un parti du dedans. L’ heure est venue d’entreprendre une action qui soit à la mesure du dang
669 re est venue d’entreprendre une action qui soit à la mesure du danger. Tous ensemble, demain, nous pouvons édifier avec le
670 Tous ensemble, demain, nous pouvons édifier avec les peuples d’outre-mer associés à nos destinées, la plus grande formatio
671 les peuples d’outre-mer associés à nos destinées, la plus grande formation politique et le plus vaste ensemble économique
672 destinées, la plus grande formation politique et le plus vaste ensemble économique de notre temps. Jamais l’histoire du m
673 vaste ensemble économique de notre temps. Jamais l’ histoire du monde n’aura connu un si puissant rassemblement d’hommes l
674 si puissant rassemblement d’hommes libres. Jamais la guerre, la peur, et la misère n’auront été mises en échec par un plus
675 rassemblement d’hommes libres. Jamais la guerre, la peur, et la misère n’auront été mises en échec par un plus formidable
676 nt d’hommes libres. Jamais la guerre, la peur, et la misère n’auront été mises en échec par un plus formidable adversaire.
677 e. Entre ce grand péril et cette grande espérance la vocation de l’Europe se définit clairement. Elle est d’unir ses peupl
678 nd péril et cette grande espérance la vocation de l’ Europe se définit clairement. Elle est d’unir ses peuples selon leur v
679 s peuples selon leur vrai génie, qui est celui de la diversité, et dans les conditions du xxe siècle, qui sont celles de
680 rai génie, qui est celui de la diversité, et dans les conditions du xxe siècle, qui sont celles de la communauté, afin d’o
681 les conditions du xxe siècle, qui sont celles de la communauté, afin d’ouvrir au monde la voie qu’il cherche, la voie des
682 t celles de la communauté, afin d’ouvrir au monde la voie qu’il cherche, la voie des libertés organisées. Elle est de rani
683 té, afin d’ouvrir au monde la voie qu’il cherche, la voie des libertés organisées. Elle est de ranimer ses pouvoirs d’inve
684 Elle est de ranimer ses pouvoirs d’invention pour la défense et pour l’illustration des droits et des devoirs de la person
685 ses pouvoirs d’invention pour la défense et pour l’ illustration des droits et des devoirs de la personne humaine, dont, m
686 pour l’illustration des droits et des devoirs de la personne humaine, dont, malgré toutes ses infidélités, l’Europe demeu
687 nne humaine, dont, malgré toutes ses infidélités, l’ Europe demeure aux yeux du monde le grand témoin. La conquête suprême
688 s infidélités, l’Europe demeure aux yeux du monde le grand témoin. La conquête suprême de l’Europe s’appelle la dignité de
689 Europe demeure aux yeux du monde le grand témoin. La conquête suprême de l’Europe s’appelle la dignité de l’homme, et sa v
690 du monde le grand témoin. La conquête suprême de l’ Europe s’appelle la dignité de l’homme, et sa vraie force est dans la
691 témoin. La conquête suprême de l’Europe s’appelle la dignité de l’homme, et sa vraie force est dans la liberté. Tel est l’
692 quête suprême de l’Europe s’appelle la dignité de l’ homme, et sa vraie force est dans la liberté. Tel est l’enjeu final de
693 la dignité de l’homme, et sa vraie force est dans la liberté. Tel est l’enjeu final de notre lutte. C’est pour sauver nos
694 e, et sa vraie force est dans la liberté. Tel est l’ enjeu final de notre lutte. C’est pour sauver nos libertés acquises, m
695 nos libertés acquises, mais aussi pour en élargir le bénéfice à tous les hommes, que nous voulons l’union de notre contine
696 es, mais aussi pour en élargir le bénéfice à tous les hommes, que nous voulons l’union de notre continent. Sur cette union
697 r le bénéfice à tous les hommes, que nous voulons l’ union de notre continent. Sur cette union l’Europe joue son destin et
698 ulons l’union de notre continent. Sur cette union l’ Europe joue son destin et celui de la paix du monde. Soit donc notoire
699 cette union l’Europe joue son destin et celui de la paix du monde. Soit donc notoire à tous que nous, Européens, rassembl
700 Européens, rassemblés pour donner une voix à tous les peuples de ce continent, déclarons solennellement notre commune volon
701 clarons solennellement notre commune volonté dans les cinq articles suivants, qui résument les résolutions adoptées par not
702 nté dans les cinq articles suivants, qui résument les résolutions adoptées par notre Congrès : 1° Nous voulons une Europe u
703 une Europe unie, rendue dans toute son étendue à la libre circulation des hommes, des idées et des biens. 2° Nous voulons
704 ns une Charte des droits de l’homme, garantissant les libertés de pensée, de réunion et d’expression, ainsi que le libre ex
705 de pensée, de réunion et d’expression, ainsi que le libre exercice d’une opposition politique. 3° Nous voulons une Cour d
706 s voulons une Cour de justice capable d’appliquer les sanctions nécessaires pour que soit respectée la Charte. 4°) Nous vou
707 les sanctions nécessaires pour que soit respectée la Charte. 4°) Nous voulons une Assemblée européenne, où soient représen
708 une Assemblée européenne, où soient représentées les forces vives de toutes nos nations. 5° Et nous prenons de bonne foi l
709 utes nos nations. 5° Et nous prenons de bonne foi l’ engagement d’appuyer de tous nos efforts, dans nos foyers et en public
710 es, dans nos milieux professionnels et syndicaux, les hommes et les gouvernements qui travaillent à cette œuvre de salut pu
711 ilieux professionnels et syndicaux, les hommes et les gouvernements qui travaillent à cette œuvre de salut public, suprême
712 à cette œuvre de salut public, suprême chance de la paix et gage d’un grand avenir, pour cette génération et celles qui l
713 grand avenir, pour cette génération et celles qui la suivront. l. Rougemont Denis de, « Message aux Européens », Combat
714 e a été lu par son auteur, parlant au nom de tous les congressistes, à la séance de clôture du congrès de La Haye. Il donne
715 teur, parlant au nom de tous les congressistes, à la séance de clôture du congrès de La Haye. Il donne la note la plus jus
716 séance de clôture du congrès de La Haye. Il donne la note la plus juste sur l’atmosphère de ses débats et résume clairemen
717 e clôture du congrès de La Haye. Il donne la note la plus juste sur l’atmosphère de ses débats et résume clairement ses vo
718 ès de La Haye. Il donne la note la plus juste sur l’ atmosphère de ses débats et résume clairement ses volontés. Nous penso
10 1950, Combat, articles (1946–1950). Messieurs, n’oubliez pas l’exemple de la Suisse (3 octobre 1950)
719 Messieurs, n’oubliez pas l’ exemple de la Suisse (3 octobre 1950)n o Messieurs les députés euro
720 Messieurs, n’oubliez pas l’exemple de la Suisse (3 octobre 1950)n o Messieurs les députés européens, Vous ê
721 ple de la Suisse (3 octobre 1950)n o Messieurs les députés européens, Vous êtes ici pour faire l’Europe, et nous pour fa
722 s les députés européens, Vous êtes ici pour faire l’ Europe, et nous pour faire semblant de la faire. Faire l’Europe signif
723 ur faire l’Europe, et nous pour faire semblant de la faire. Faire l’Europe signifie la fédérer, ou bien ne signifie pas gr
724 e, et nous pour faire semblant de la faire. Faire l’ Europe signifie la fédérer, ou bien ne signifie pas grand-chose. Comme
725 ire semblant de la faire. Faire l’Europe signifie la fédérer, ou bien ne signifie pas grand-chose. Comment fédérer des nat
726 ations qui se croient encore souveraines ? Voyons l’ Histoire. Les Suisses ont réussi : voyons la Suisse. Tout le monde cro
727 e croient encore souveraines ? Voyons l’Histoire. Les Suisses ont réussi : voyons la Suisse. Tout le monde croit l’avoir vu
728 oyons l’Histoire. Les Suisses ont réussi : voyons la Suisse. Tout le monde croit l’avoir vue et s’en va répétant qu’il a f
729 nt réussi : voyons la Suisse. Tout le monde croit l’ avoir vue et s’en va répétant qu’il a fallu plus de cinq-cents ans pou
730 e monde se trompe. Il a fallu neuf mois. En voici le récit exact. Neuf mois pour fédérer vingt-cinq États souverains
731 vingt-cinq États souverains Au début de 1848, la Confédération n’était qu’un pacte d’alliance entre vingt-cinq États a
732 eprésentation des peuples. Un seul organe commun, la Diète, sorte de Comité des ministres, composé de plénipotentiaires ag
733 nom des États et prenant leurs rares décisions à la majorité des trois-quarts. Pratiquement : le « veto » paralysant un c
734 ns à la majorité des trois-quarts. Pratiquement : le « veto » paralysant un corps consultatif aux compétences douteuses et
735 compétences douteuses et jalousement restreintes, les barrières douanières multipliées à l’intérieur, nulles à l’extérieur,
736 streintes, les barrières douanières multipliées à l’ intérieur, nulles à l’extérieur, l’impuissance devant l’étranger et mê
737 es douanières multipliées à l’intérieur, nulles à l’ extérieur, l’impuissance devant l’étranger et même devant la guerre en
738 multipliées à l’intérieur, nulles à l’extérieur, l’ impuissance devant l’étranger et même devant la guerre entre les États
739 rieur, nulles à l’extérieur, l’impuissance devant l’ étranger et même devant la guerre entre les États membres. Niera-t-on
740 r, l’impuissance devant l’étranger et même devant la guerre entre les États membres. Niera-t-on que ce fût là, trait pour
741 devant l’étranger et même devant la guerre entre les États membres. Niera-t-on que ce fût là, trait pour trait, un état co
742 tat comparable à celui de notre Europe, sauf pour le péril extérieur, qui n’était rien au regard de celui que nous courons
743 regard de celui que nous courons ? Une partie de l’ opinion réclamait une autorité fédérale, dotée de pouvoirs limités mai
744 éels. Rien d’autre, en vérité, ne pouvait assurer l’ indépendance du pays. Mais la Diète, les États et leurs experts voyaie
745 , ne pouvait assurer l’indépendance du pays. Mais la Diète, les États et leurs experts voyaient dans le mot « souveraineté
746 it assurer l’indépendance du pays. Mais la Diète, les États et leurs experts voyaient dans le mot « souveraineté » la répon
747 a Diète, les États et leurs experts voyaient dans le mot « souveraineté » la réponse décisive à cette « chimère ». Le bon
748 urs experts voyaient dans le mot « souveraineté » la réponse décisive à cette « chimère ». Le bon sens dénonçait l’invivab
749 aineté » la réponse décisive à cette « chimère ». Le bon sens dénonçait l’invivable chaos entretenu par les barrières doua
750 cisive à cette « chimère ». Le bon sens dénonçait l’ invivable chaos entretenu par les barrières douanières. La routine rét
751 on sens dénonçait l’invivable chaos entretenu par les barrières douanières. La routine rétorquait, chiffres en main, que la
752 ble chaos entretenu par les barrières douanières. La routine rétorquait, chiffres en main, que la liberté d’échanges ne ma
753 res. La routine rétorquait, chiffres en main, que la liberté d’échanges ne manquerait pas de causer quelques dommages loca
754 répondre aux utopistes qui proposaient d’éteindre l’ incendie, que l’eau peut abîmer les meubles. Il y eut une guerre civil
755 pistes qui proposaient d’éteindre l’incendie, que l’ eau peut abîmer les meubles. Il y eut une guerre civile entre cantons,
756 ient d’éteindre l’incendie, que l’eau peut abîmer les meubles. Il y eut une guerre civile entre cantons, qui fit voir l’imp
757 eut une guerre civile entre cantons, qui fit voir l’ impuissance du pacte. Il y eut un long branle-bas de sociétés, de mouv
758 mouvements, de projets, de discours et de vœux. À la faveur de cette agitation, un petit groupe de jeunes chefs enthousias
759 upe de jeunes chefs enthousiastes fit adopter par la Diète le principe d’une révision profonde du pacte. En 1847, notons-l
760 unes chefs enthousiastes fit adopter par la Diète le principe d’une révision profonde du pacte. En 1847, notons-le, rien n
761 d’une révision profonde du pacte. En 1847, notons- le , rien ne semblait « praticable » aux yeux des réalistes. (Nous en som
762 yeux des réalistes. (Nous en sommes là en 1950.) La décision survint l’année suivante. Le 17 février 1848, la Commission
763 (Nous en sommes là en 1950.) La décision survint l’ année suivante. Le 17 février 1848, la Commission de révision — nommée
764 à en 1950.) La décision survint l’année suivante. Le 17 février 1848, la Commission de révision — nommée par la Diète dans
765 ion survint l’année suivante. Le 17 février 1848, la Commission de révision — nommée par la Diète dans son sein et au-deho
766 rier 1848, la Commission de révision — nommée par la Diète dans son sein et au-dehors — se réunit pour la première fois. E
767 cide de siéger à huis clos cinq fois par semaine. Le 8 avril, elle termine ses travaux, dont elle soumet les résultats aux
768 avril, elle termine ses travaux, dont elle soumet les résultats aux vingt-cinq États souverains. Le 15 mai, la Diète est sa
769 et les résultats aux vingt-cinq États souverains. Le 15 mai, la Diète est saisie du projet, qu’elle adopte le 27 juin. Pen
770 ltats aux vingt-cinq États souverains. Le 15 mai, la Diète est saisie du projet, qu’elle adopte le 27 juin. Pendant le moi
771 ai, la Diète est saisie du projet, qu’elle adopte le 27 juin. Pendant le mois d’août le peuple vote dans les cantons. Le 1
772 sie du projet, qu’elle adopte le 27 juin. Pendant le mois d’août le peuple vote dans les cantons. Le 12 septembre, la Dièt
773 qu’elle adopte le 27 juin. Pendant le mois d’août le peuple vote dans les cantons. Le 12 septembre, la Diète proclame que
774 juin. Pendant le mois d’août le peuple vote dans les cantons. Le 12 septembre, la Diète proclame que la Constitution est a
775 t le mois d’août le peuple vote dans les cantons. Le 12 septembre, la Diète proclame que la Constitution est acceptée par
776 le peuple vote dans les cantons. Le 12 septembre, la Diète proclame que la Constitution est acceptée par près de deux tier
777 s cantons. Le 12 septembre, la Diète proclame que la Constitution est acceptée par près de deux tiers des États et plus de
778 États et plus de deux tiers des citoyens votants. Le 16 novembre, le premier Conseil fédéral, organe exécutif, entre en fo
779 seil fédéral, organe exécutif, entre en fonction. Le drapeau suisse est arboré à côté des drapeaux des cantons. Aucun des
780 s prévues et dûment calculées ne se produisirent. L’ essor que prit la Suisse, dès cet instant, n’a pas fléchi durant un si
781 nt calculées ne se produisirent. L’essor que prit la Suisse, dès cet instant, n’a pas fléchi durant un siècle. Messieurs l
782 stant, n’a pas fléchi durant un siècle. Messieurs les députés, neuf mois avaient suffi pour fédérer 25 États souverains. Pe
783 pour fédérer 25 États souverains. Pensez-vous que l’ Histoire vous en laisse un peu plus, pour unir vos États dans un plus
784 nd péril ? Vous me direz… Vous me direz que l’ Europe est plus grande que la Suisse ; qu’il fallut une bonne guerre p
785 Vous me direz que l’Europe est plus grande que la Suisse ; qu’il fallut une bonne guerre pour briser le tabou des souve
786 uisse ; qu’il fallut une bonne guerre pour briser le tabou des souverainetés cantonales absolues ; que les cantons suisses
787 tabou des souverainetés cantonales absolues ; que les cantons suisses vivaient ensemble depuis des siècles ; que les problè
788 uisses vivaient ensemble depuis des siècles ; que les problèmes économiques sont plus complexes ; et qu’on ne peut comparer
789 comparer, sans offense, nos modestes sagesses et les folies sublimes des grandes nations contemporaines. Mais il n’est pas
790 tions contemporaines. Mais il n’est pas exact que l’ Europe d’aujourd’hui soit plus grande que la Suisse d’alors : vous ête
791 t que l’Europe d’aujourd’hui soit plus grande que la Suisse d’alors : vous êtes venus de Stockholm à Strasbourg — ou de Ro
792 pour aller de Genève ou des Grisons à Berne. Pour la guerre entre vos pays, les deux dont vous sortez suffisent. Vos natio
793 s Grisons à Berne. Pour la guerre entre vos pays, les deux dont vous sortez suffisent. Vos nations vivent ensemble depuis a
794 rs sorts ne sont pas moins liés, si vous regardez l’ Europe dans l’ensemble du monde. Vos cordons de douanes ne sont pas pl
795 nt pas moins liés, si vous regardez l’Europe dans l’ ensemble du monde. Vos cordons de douanes ne sont pas plus nombreux, n
796 s plus nombreux, ni moins strangulatoires, que ne l’ étaient les nôtres. Et vos économies ne sont pas plus disparates que c
797 h, par exemple, et de ses petits voisins paysans. Les sombres prévisions des réalistes quant aux effets d’une union « trop
798 ais pas une seule non plus qui ne reparaisse dans la bouche même de ceux qui affirment que nos réalités sont tellement dif
799 Certes, comparaison n’est pas raison, mais quand les raisons de ne rien faire restent les mêmes quoi qu’il arrive, c’est q
800 , mais quand les raisons de ne rien faire restent les mêmes quoi qu’il arrive, c’est qu’elles traduisent une certaine forme
801 taine forme d’esprit, une cécité partielle devant les leçons de l’Histoire, que j’ai plus d’une raison de nommer le daltoni
802 esprit, une cécité partielle devant les leçons de l’ Histoire, que j’ai plus d’une raison de nommer le daltonisme politique
803 l’Histoire, que j’ai plus d’une raison de nommer le daltonisme politique. Messieurs les députés, n’oubliez pas la Suisse 
804 ison de nommer le daltonisme politique. Messieurs les députés, n’oubliez pas la Suisse : elle existe en dépit de tous les a
805 e politique. Messieurs les députés, n’oubliez pas la Suisse : elle existe en dépit de tous les arguments qu’on oppose aujo
806 liez pas la Suisse : elle existe en dépit de tous les arguments qu’on oppose aujourd’hui à l’Europe. Son exemple vivant ten
807 de tous les arguments qu’on oppose aujourd’hui à l’ Europe. Son exemple vivant tend à nous démontrer que la solution fédér
808 ope. Son exemple vivant tend à nous démontrer que la solution fédéraliste n’est pas seulement praticable en principe, mais
809 ose vous supplier d’y réfléchir quelques minutes. La Suisse s’est unie en neuf mois. Il vaut la peine de s’arrêter devant
810 nutes. La Suisse s’est unie en neuf mois. Il vaut la peine de s’arrêter devant ce fait, pour mieux se persuader qu’on peut
811 ieux se persuader qu’on peut aller très vite. Car le temps fait beaucoup à l’affaire. Celui que vous n’auriez pas, Staline
812 eut aller très vite. Car le temps fait beaucoup à l’ affaire. Celui que vous n’auriez pas, Staline le prend : c’est le temp
813 à l’affaire. Celui que vous n’auriez pas, Staline le prend : c’est le temps de méditer avant d’agir. Mais celui que vous r
814 i que vous n’auriez pas, Staline le prend : c’est le temps de méditer avant d’agir. Mais celui que vous risquez de perdre,
815 risquez de perdre, cet été, soyez bien sûrs qu’il le retrouvera : c’est le temps de modifier non pas des paragraphes, mais
816 été, soyez bien sûrs qu’il le retrouvera : c’est le temps de modifier non pas des paragraphes, mais l’ordre de bataille d
817 e temps de modifier non pas des paragraphes, mais l’ ordre de bataille de l’Armée rouge. n. Rougemont Denis de, « Messi
818 pas des paragraphes, mais l’ordre de bataille de l’ Armée rouge. n. Rougemont Denis de, « Messieurs, n’oubliez pas l’e
819 . Rougemont Denis de, « Messieurs, n’oubliez pas l’ exemple de la Suisse », Combat, Paris, 3 octobre 1950, p. 6. o. Prése
820 Denis de, « Messieurs, n’oubliez pas l’exemple de la Suisse », Combat, Paris, 3 octobre 1950, p. 6. o. Présenté par la no
821 at, Paris, 3 octobre 1950, p. 6. o. Présenté par la notice suivante : « Nous publions deux importants extraits de cinq le
822 ettres que notre ami Denis de Rougemont écrivit à l’ intention des députés réunis à Strasbourg. La session d’été de l’Assem
823 it à l’intention des députés réunis à Strasbourg. La session d’été de l’Assemblée européenne est terminée. Mais ces lettre
824 députés réunis à Strasbourg. La session d’été de l’ Assemblée européenne est terminée. Mais ces lettres d’avertissement de
825 nt demeurent. Et il y a un redoutable abîme entre les propositions de Denis de Rougemont et les résultats des travaux de St
826 e entre les propositions de Denis de Rougemont et les résultats des travaux de Strasbourg. On trouvera ici, demain, le seco
11 1950, Combat, articles (1946–1950). Messieurs, on vous attend encore au pied du mur ! (4 octobre 1950)
827 ur ! (4 octobre 1950)p q Ceux qui disent que «  l’ Europe sera socialiste ou ne sera pas » savent très bien qu’à ce prix
828 nt très bien qu’à ce prix elle ne sera pas. Voilà l’ ennemi, et non point Vychinski. Et cela vaut pour tous ceux qui pourra
829 a vaut pour tous ceux qui pourraient déclarer que l’ Europe sera toute catholique, ou protestante, ou française, ou alleman
830 t, pour qu’elle dure, dans ses diversités de tous les ordres, que l’on ne peut préserver que par l’union et que l’unificati
831 dure, dans ses diversités de tous les ordres, que l’ on ne peut préserver que par l’union et que l’unification tuerait. Mai
832 us les ordres, que l’on ne peut préserver que par l’ union et que l’unification tuerait. Mais sans sacrifices d’amour-propr
833 que l’on ne peut préserver que par l’union et que l’ unification tuerait. Mais sans sacrifices d’amour-propre, sans replis
834 is, elle ne sera pas. C’est clair. Vous ignorez l’ opinion vraie Seuls ceux qui veulent passionnément le but se résoud
835 ion vraie Seuls ceux qui veulent passionnément le but se résoudront aux compromis vitaux. Quant à ceux qui n’ont point
836 ux. Quant à ceux qui n’ont point cette passion de l’ Europe, ceux dont le regard s’attarde aux obstacles à l’union, perdant
837 n’ont point cette passion de l’Europe, ceux dont le regard s’attarde aux obstacles à l’union, perdant de vue sa nécessité
838 pe, ceux dont le regard s’attarde aux obstacles à l’ union, perdant de vue sa nécessité, il nous reste à leur faire compren
839 essité, il nous reste à leur faire comprendre que le pire obstacle, c’est eux-mêmes. Ils nous disent : « Je veux bien, je
840 ne suis pas contre, mais voyez ces difficultés ! L’ Opinion, par exemple, n’est pas mûre, et chacun sait qu’on ne peut rie
841 faire sans elle ». C’est qu’ils se prennent pour l’ opinion, qu’ils ont négligé d’écouter. Tous les sondages précis réfute
842 our l’opinion, qu’ils ont négligé d’écouter. Tous les sondages précis réfutent leurs craintes, démasquent leurs arrière-pen
843 ensées, dénoncent leur parti pris de scepticisme. Les deux tiers des Européens se déclarent pour l’union, lorsqu’on les int
844 e. Les deux tiers des Européens se déclarent pour l’ union, lorsqu’on les interroge. Il n’en fallut pas plus pour fédérer l
845 es Européens se déclarent pour l’union, lorsqu’on les interroge. Il n’en fallut pas plus pour fédérer la Suisse. Mais l’opi
846 s interroge. Il n’en fallut pas plus pour fédérer la Suisse. Mais l’opinion veut qu’on l’entraîne. « On suit ceux qui marc
847 n’en fallut pas plus pour fédérer la Suisse. Mais l’ opinion veut qu’on l’entraîne. « On suit ceux qui marchent », dit Pégu
848 pour fédérer la Suisse. Mais l’opinion veut qu’on l’ entraîne. « On suit ceux qui marchent », dit Péguy. Elle ne vous suivr
849 le ne vous suivra pas si vous êtes daltoniens, et les sceptiques, alors, pourront bien dire : j’avais raison, voyez l’obsta
850 alors, pourront bien dire : j’avais raison, voyez l’ obstacle ! Ils l’auront eux-mêmes suscité. L’œil du sceptique crée les
851 ien dire : j’avais raison, voyez l’obstacle ! Ils l’ auront eux-mêmes suscité. L’œil du sceptique crée les obstacles insurm
852 oyez l’obstacle ! Ils l’auront eux-mêmes suscité. L’ œil du sceptique crée les obstacles insurmontables. Il y a deux sortes
853 auront eux-mêmes suscité. L’œil du sceptique crée les obstacles insurmontables. Il y a deux sortes d’opinions : celle que l
854 tables. Il y a deux sortes d’opinions : celle que l’ on invoque, et la vraie. L’une qui sert d’alibi aux démagogues, et l’a
855 ux sortes d’opinions : celle que l’on invoque, et la vraie. L’une qui sert d’alibi aux démagogues, et l’autre qui les lais
856 e qui sert d’alibi aux démagogues, et l’autre qui les laisse tomber ; l’une qui fait des discours, l’autre qui vote. La pre
857 autre qui vote. La première est exactement ce que la presse et la radio déclarent qu’elle est. Presse et radio voudraient
858 e. La première est exactement ce que la presse et la radio déclarent qu’elle est. Presse et radio voudraient que Dewey soi
859 ey soit élu : on dit alors qu’il a pour lui toute l’ opinion. Truman élu, l’opinion c’est Truman. Elle l’était avant cela,
860 ors qu’il a pour lui toute l’opinion. Truman élu, l’ opinion c’est Truman. Elle l’était avant cela, bien sûr, mais elle n’a
861 opinion. Truman élu, l’opinion c’est Truman. Elle l’ était avant cela, bien sûr, mais elle n’a pu parler que dans le secret
862 cela, bien sûr, mais elle n’a pu parler que dans le secret des urnes. L’opinion d’aujourd’hui, je la sens, c’est l’Europe
863 elle n’a pu parler que dans le secret des urnes. L’ opinion d’aujourd’hui, je la sens, c’est l’Europe. Mais elle ne bouger
864 le secret des urnes. L’opinion d’aujourd’hui, je la sens, c’est l’Europe. Mais elle ne bougera pas, si vous ne faites pre
865 urnes. L’opinion d’aujourd’hui, je la sens, c’est l’ Europe. Mais elle ne bougera pas, si vous ne faites presque rien. Elle
866 vous ne faites presque rien. Elle laissera parler les sceptiques parler « au nom des masses » dans l’indifférence générale.
867 les sceptiques parler « au nom des masses » dans l’ indifférence générale. Elle laissera le Conseil de l’Europe murmurer p
868 ses » dans l’indifférence générale. Elle laissera le Conseil de l’Europe murmurer pudiquement, chaque année, qu’il reste d
869 t, chaque année, qu’il reste désireux d’envisager l’ étude de quelques mesures préalables tendant à renforcer le sentiment
870 e quelques mesures préalables tendant à renforcer le sentiment d’une Solidarité qui ne saurait nuire à « l’achèvement d’un
871 ntiment d’une Solidarité qui ne saurait nuire à «  l’ achèvement d’une union plus intime entre ses membres ». Les manchettes
872 ment d’une union plus intime entre ses membres ». Les manchettes des journaux parleront d’un « pas important vers l’union »
873 des journaux parleront d’un « pas important vers l’ union ». Et les Anglais jugeront qu’ils ne peuvent s’associer à ces en
874 parleront d’un « pas important vers l’union ». Et les Anglais jugeront qu’ils ne peuvent s’associer à ces engagements témér
875 r à ces engagements téméraires avant d’avoir pris le temps d’étudier leur contenu et de s’être assurés qu’en tous les cas
876 dier leur contenu et de s’être assurés qu’en tous les cas cela ne peut les conduire absolument à rien. Soyons francs : le C
877 de s’être assurés qu’en tous les cas cela ne peut les conduire absolument à rien. Soyons francs : le Conseil de l’Europe, s
878 t les conduire absolument à rien. Soyons francs : le Conseil de l’Europe, solidement retranché dans le domaine des princip
879 le Conseil de l’Europe, solidement retranché dans le domaine des principes, a fait jusqu’ici pratiquement plus de mal que
880 e de bien à notre cause à tous. On me dira que si l’ on se contente d’affirmer des principes sans les mettre en pratique, c
881 si l’on se contente d’affirmer des principes sans les mettre en pratique, cela ne fait de mal à personne. Mais cela en fait
882 principes vaut beaucoup moins qu’une Amérique qui les professe, et ne vaut rien en face des Russes qui les assènent. Il fau
883 professe, et ne vaut rien en face des Russes qui les assènent. Il faut des actes, dit-on. La phrase est vague. Les actes s
884 sses qui les assènent. Il faut des actes, dit-on. La phrase est vague. Les actes sont parfois plus vains que les paroles.
885 . Il faut des actes, dit-on. La phrase est vague. Les actes sont parfois plus vains que les paroles. Lancer un timbre europ
886 est vague. Les actes sont parfois plus vains que les paroles. Lancer un timbre européen, ce serait un acte enfin, quelque
887 chose de concret. Et je me garde de sous-estimer la puissance des philatélistes. Mais si Strasbourg accouche d’un timbre-
888 rons un peu déçus, et Staline très content. Voici l’ acte que je vous propose, au nom de l’opinion qui ne parle pas encore.
889 tent. Voici l’acte que je vous propose, au nom de l’ opinion qui ne parle pas encore. Messieurs les députés, vous le savez
890 m de l’opinion qui ne parle pas encore. Messieurs les députés, vous le savez bien, vous n’êtes pas de vrais députés, car le
891 ne parle pas encore. Messieurs les députés, vous le savez bien, vous n’êtes pas de vrais députés, car les vrais sont élus
892 savez bien, vous n’êtes pas de vrais députés, car les vrais sont élus, et vous êtes simplement délégués pour consultation.
893 ès simple appuie cette suggestion. On ne fera pas l’ Europe sans informer ses peuples, et du danger qu’ils courent, et de l
894 r ses peuples, et du danger qu’ils courent, et de la parade puissante que pourrait constituer notre fédération. On n’infor
895 t constituer notre fédération. On n’informera pas les peuples sans une propagande massive. Personne n’a les moyens de la fi
896 peuples sans une propagande massive. Personne n’a les moyens de la financer. La seule solution concevable, c’est une campag
897 ne propagande massive. Personne n’a les moyens de la financer. La seule solution concevable, c’est une campagne électorale
898 massive. Personne n’a les moyens de la financer. La seule solution concevable, c’est une campagne électorale organisée pa
899 able, c’est une campagne électorale organisée par les États, en vue de nommer leurs députés au premier Parlement de l’Europ
900 e de nommer leurs députés au premier Parlement de l’ Europe. Les partis présenteront les candidats. Et les mouvements fédér
901 r leurs députés au premier Parlement de l’Europe. Les partis présenteront les candidats. Et les mouvements fédéralistes aus
902 er Parlement de l’Europe. Les partis présenteront les candidats. Et les mouvements fédéralistes aussi. Et les groupes d’int
903 Europe. Les partis présenteront les candidats. Et les mouvements fédéralistes aussi. Et les groupes d’intérêts professionne
904 ndidats. Et les mouvements fédéralistes aussi. Et les groupes d’intérêts professionnels, syndicats patronaux et ouvriers. I
905 ode ne saurait provoquer. Si vous me dites… La condition à la fois nécessaire et suffisante d’une telle campagne, c’
906 ur sort peut changer, matériellement aussi, selon l’ issue des élections. En d’autres termes, il faut que le Parlement issu
907 ue des élections. En d’autres termes, il faut que le Parlement issu des élections ait quelque chose à faire. Qu’un but con
908 un projet bien précis de Constitution fédérale de l’ Europe. Si vous acceptez cela, vous aurez avec vous l’opinion vraie da
909 rope. Si vous acceptez cela, vous aurez avec vous l’ opinion vraie dans sa majorité, les militants de l’Europe, la logique
910 aurez avec vous l’opinion vraie dans sa majorité, les militants de l’Europe, la logique de l’Histoire, le réveil de notre e
911 ’opinion vraie dans sa majorité, les militants de l’ Europe, la logique de l’Histoire, le réveil de notre espérance. Si vou
912 raie dans sa majorité, les militants de l’Europe, la logique de l’Histoire, le réveil de notre espérance. Si vous n’accept
913 ajorité, les militants de l’Europe, la logique de l’ Histoire, le réveil de notre espérance. Si vous n’acceptez pas, vous n
914 militants de l’Europe, la logique de l’Histoire, le réveil de notre espérance. Si vous n’acceptez pas, vous ne trouverez
915 acceptez pas, vous ne trouverez derrière vous que le vide et l’indifférence ; et devant vous, le rire des hommes d’acier.
916 s, vous ne trouverez derrière vous que le vide et l’ indifférence ; et devant vous, le rire des hommes d’acier. Si vous me
917 s que le vide et l’indifférence ; et devant vous, le rire des hommes d’acier. Si vous me dites que c’est prématuré, je vou
918 qu’on vous laisse du temps, je vous proposerai de l’ obtenir de Staline. Car en Europe il y en a peu. Si vous me dites enfi
919 fin que c’est plus difficile que je n’ai l’air de le penser dans ma candeur naïve, je vous demanderai si quelque chose au
920 chose au monde est plus difficile à concevoir que le maintien du statu quo, que la vie, la durée de notre Europe divisée,
921 ile à concevoir que le maintien du statu quo, que la vie, la durée de notre Europe divisée, devant toutes les menaces que
922 ncevoir que le maintien du statu quo, que la vie, la durée de notre Europe divisée, devant toutes les menaces que vous sav
923 , la durée de notre Europe divisée, devant toutes les menaces que vous savez : un régime social déficient, le chômage étend
924 aces que vous savez : un régime social déficient, le chômage étendu, la ruine à bref délai, les trois-cents divisions de l
925  : un régime social déficient, le chômage étendu, la ruine à bref délai, les trois-cents divisions de l’armée rouge. D’une
926 icient, le chômage étendu, la ruine à bref délai, les trois-cents divisions de l’armée rouge. D’une part, on peut penser qu
927 ruine à bref délai, les trois-cents divisions de l’ armée rouge. D’une part, on peut penser qu’au point où nous en sommes,
928 que plus rien à perdre. Que risquez-vous à tenter l’ impossible ? D’autre part, il est sûr qu’il y aurait tout à perdre, mê
929 rt, il est sûr qu’il y aurait tout à perdre, même l’ espoir, à ne point risquer la dernière chance européenne. Voilà le par
930 oint risquer la dernière chance européenne. Voilà le pari. Vous êtes acculés à l’audace. Donnez-nous la Constitution ! Mes
931 ce européenne. Voilà le pari. Vous êtes acculés à l’ audace. Donnez-nous la Constitution ! Messieurs les députés, faut-il v
932 e pari. Vous êtes acculés à l’audace. Donnez-nous la Constitution ! Messieurs les députés, faut-il vous dire encore que je
933 l’audace. Donnez-nous la Constitution ! Messieurs les députés, faut-il vous dire encore que je ne suis rien qu’une voix pre
934 ez mes violences et mes impertinences : comprenez l’ anxiété qui les dicte. Je ne vous écrirais pas si je ne savais très bi
935 es et mes impertinences : comprenez l’anxiété qui les dicte. Je ne vous écrirais pas si je ne savais très bien qu’une parti
936 n ! Mais beaucoup d’entre vous veulent agir et je les supplie maintenant, au nom de l’Europe, de rester au contraire, de ne
937 lent agir et je les supplie maintenant, au nom de l’ Europe, de rester au contraire, de ne point se séparer avant d’avoir d
938 Des raisons de vivre ! Vous n’êtes pas encore l’ espoir des peuples libres, ni des peuples muets de l’Est européen. Mai
939 spoir des peuples libres, ni des peuples muets de l’ Est européen. Mais vous pouvez le devenir et sonner le ralliement. Tou
940 peuples muets de l’Est européen. Mais vous pouvez le devenir et sonner le ralliement. Tout tient à cela, tout tient à votr
941 t européen. Mais vous pouvez le devenir et sonner le ralliement. Tout tient à cela, tout tient à votre sage audace. Car si
942 nt à cela, tout tient à votre sage audace. Car si l’ Europe unie n’est pas un grand espoir renaissant dans le cœur des mass
943 pe unie n’est pas un grand espoir renaissant dans le cœur des masses, aucune armée du monde ne pourra la défendre. Personn
944 cœur des masses, aucune armée du monde ne pourra la défendre. Personne ne veut mourir, que pour des raisons de vivre. Moz
945 s raisons de vivre. Mozart n’en est plus une pour les chômeurs. Et ce n’est pas une secte politique, une doctrine partisane
946 une doctrine partisane ou une autre, qui résoudra le problème du chômage, mais l’union de nos sacrifices. Qui peut nous l’
947 autre, qui résoudra le problème du chômage, mais l’ union de nos sacrifices. Qui peut nous l’imposer ? Qui peut faire recu
948 ge, mais l’union de nos sacrifices. Qui peut nous l’ imposer ? Qui peut faire reculer les intérêts puissants et parfois lég
949 Qui peut nous l’imposer ? Qui peut faire reculer les intérêts puissants et parfois légitimes qui se révèlent contraires au
950 légitimes qui se révèlent contraires au salut de l’ ensemble ? Je veux avoir parlé pour ne rien dire, si quelqu’un nous pr
951 si quelqu’un nous propose une autre solution que l’ Autorité fédérale, souveraine au-dessus des États. Messieurs les déput
952 dérale, souveraine au-dessus des États. Messieurs les députés européens, je vous salue d’un vœu qui voudrait résumer celui
953 résumer celui de tous nos peuples aux écoutes de l’ avenir, un vœu mêlé d’angoisse et d’espérance : méritez votre nom, fai
954 : méritez votre nom, faites-vous élire et fédérez l’ Europe pendant qu’il en est temps. Ferney, 30 juillet-6 août 1950.
955 putés européens que Denis de Rougemont écrivit à l’ occasion de la session de Strasbourg. »
956 s que Denis de Rougemont écrivit à l’occasion de la session de Strasbourg. »