1 1946, Combat, articles (1946–1950). Ni secret ni défense (19-20 mai 1946)
1 ndustrielle de l’Amérique. C’est assez dire qu’il n’ est que temporaire. Quant au secret technique de la détonation, dans q
2 t, ou les Anglais, ou les Danois peut-être. Et je ne connais pas un seul physicien qui n’ait nié expressément, et en toute
3 -être. Et je ne connais pas un seul physicien qui n’ ait nié expressément, et en toute occasion publique, devant les journa
4 te révèle que 65 % sont persuadés que « le secret ne peut être gardé ». D’où je déduis que la proportion des Américains ra
5 35 %. Est-ce peu ou beaucoup pour un peuple ? Je n’ en jugerais qu’après un essai en Europe. Il est clair que l’opinion pu
6 r sa foi dans la science, que les savants sérieux ne partagent point. On parle de radars omniscients et de rayons qui fera
7 nécessaires. Par crainte de mourir, plus personne ne vivrait. ⁂ La situation présente, en vérité, est bien plus folle qu’o
8 on présente, en vérité, est bien plus folle qu’on ne l’imagine. Car non seulement nous sommes sans défense, mais encore le
9 hinelle, et enfin si quelqu’un nous attaque, nous ne saurons pas qui a tiré. Supposez qu’un petit pays, disons la Suisse,
10 la Suisse, manufacture une douzaine de bombes. Ce n’ est pas une question d’argent comme on le croit (les grosses dépenses
11 nds l’exemple le plus invraisemblable, pour qu’on n’ aille pas y voir je ne sais quelle allusion à des circonstances trop r
12 invraisemblable, pour qu’on n’aille pas y voir je ne sais quelle allusion à des circonstances trop réelles.) L’Amérique ne
13 ion à des circonstances trop réelles.) L’Amérique ne doute pas un instant que les projectiles ne viennent de Russie. Il es
14 rique ne doute pas un instant que les projectiles ne viennent de Russie. Il est trop tard pour échanger des notes et des c
15 ettes et veille sur son « dépôt sacré ». Le monde n’ a pas de gouvernement. Je ne suis pas sûr que les nations en aient. Et
16 pôt sacré ». Le monde n’a pas de gouvernement. Je ne suis pas sûr que les nations en aient. Et nous restons, les bras ball
2 1946, Combat, articles (1946–1950). Paralysie des hommes d’État (21 mai 1946)
17 a Bombe doit être administrée. Notez que, si elle ne l’est pas, quelqu’un va nous l’administrer. L’alternative est entre c
18 upprimer les armées et ouvrir les frontières. Qui ne partage cette impression, avec les masses contemporaines : que les ch
19 e blessée doit d’abord être reconstruite, mais il ne renonce pas aux plans de Pierre le Grand. Attlee voudrait la paix, ca
20 essé est en pleine expérience socialiste, mais il ne renonce pas à faire tuer les indigènes qui se révoltent à Java contre
21 ricains y trouveraient leur espace vital, mais il ne renonce pas aux barrières douanières, à la défense du capital d’abord
22 Et le public a l’air de trouver cela normal, — ou ne trouve rien. ⁂ J’essaie encore de les comprendre, avant de les traite
23 unifier, ils paraissent frappés d’un vertige. Ils ne voient rien. Cette absence de pensée est plus dangereuse que n’import
24 . Cette absence de pensée est plus dangereuse que n’ importe quelle pensée fausse. Mais comment pourraient-ils penser ? Sim
25 raient-ils penser ? Simplement, pratiquement, ils n’ ont pas le temps. Pourquoi ? J’en vois une raison simple. Parce qu’ils
26 t mondial. La Bombe est un cas international, qui ne peut être résolu qu’à une échelle planétaire : or, ces messieurs sont
27 les nations, la première condition requise est de n’ être pas le chef d’une grande nation. Mais qui l’a dit, jusqu’à ce jou
28 ’à ce jour ? Chacun sait que l’arbitre d’un match n’ est jamais le capitaine d’une des équipes. Qui l’a rappelé au sujet de
29 urpateurs. L’incompétence des commandants en chef n’ est-elle pas jugée criminelle par l’opinion publique de leur patrie, e
30 uances près, le plan des Nations unies. Vos États n’ ont fait un pays qu’en unissant leurs peuples, et non leurs chefs, qui
31 planète à trois hommes surchargés, débordés, qui n’ ont pas une minute pour réfléchir, et qui représentent les intérêts de
32 inaptes à voir ce que le monde entier attend. Ils ne voient rien, c’est évident, car les visions de l’avenir naissent d’un
33 e d’hommes désignés par la voie populaire, et qui n’ auraient pas d’autre affaire que de considérer la Planète, puis de tra
34 nt ce début de juillet, puissent les trois Grands ne pas perdre la boule ! Car le fait est qu’il n’y en a qu’une de boule,
35 ds ne pas perdre la boule ! Car le fait est qu’il n’ y en a qu’une de boule, comme disait à peu près le regretté Willkie, e
3 1946, Combat, articles (1946–1950). Tous démocrates (22 mai 1946)
36 sèves ! Quant à l’évaporation atomique, eh bien, n’ est-ce pas le symbole même de l’idéalisme : tout monte et s’épanouit v
37 us entends ! J’entends le diable ! D’ailleurs, on n’ entend guère que lui dans ce siècle trois fois maudit. Je ne vois plus
38 uère que lui dans ce siècle trois fois maudit. Je ne vois plus d’espoir sérieux nulle part. La faillite morale est univers
39 tous les partis et à toutes les nations du globe ne signifie plus rien. Ou bien c’est un mensonge et une hypocrisie. Je v
40 ion des banques. Peut-être a-t-elle tort, mais on n’ a pas manqué de répondre que cette mesure est précisément celle qui fu
41 a défense d’un mot, d’un terme vague que personne n’ attaque, mais sur la définition d’une réalité que ce terme symbolise e
42 ssi longtemps que vos hommes d’État démocratiques n’ auront pas abordé ouvertement et sincèrement ces deux questions fondam
43 estions fondamentales, l’étiquette « démocratie » ne signifiera rien du tout. Ou bien elle servira d’excuse et de prétexte
4 1946, Combat, articles (1946–1950). Les cochons en uniforme ou le nouveau Déluge (23 mai 1946)
44 par l’usage de la bombe atomique… J’avoue que je n’ avais pas pensé à l’uniforme et au respect que nous lui devions naguèr
45 t que nous lui devions naguère. Les savants, eux, ne l’ont pas raté. Ce n’est pas ma faute, c’est fait. Et c’en est fait,
46 naguère. Les savants, eux, ne l’ont pas raté. Ce n’ est pas ma faute, c’est fait. Et c’en est fait, — même si l’on renonce
47 ut la peine de remarquer, enfin, que pas une voix ne s’est élevée, du côté des fervents de l’Armée, pour protester contre
5 1946, Combat, articles (1946–1950). Post-scriptum (24 mai 1946)
48 mot. (Et dire que j’allais l’oublier !) La Bombe n’ est pas dangereuse du tout. — Êtes-vous fou ? De quoi donc parliez-vo
49 ortant. La fin des armées, par exemple. Mais cela ne serait rien encore, quoi qu’en pensent quelques généraux. Je parlais
50 it d’Apocalypse. Mais dix mois ont passé, et rien ne se passe. Dieu soit loué, nous avons repris nos sens. Certains presse
51 masque en bandoulière. Eh bien, la guerre des gaz n’ a pas eu lieu, parce que tout le monde en avait une peur bleue, et que
52 une peur bleue, et que personne, même pas Hitler, n’ a eu le courage de commencer. À plus forte raison pour la Bombe… — Je
53 ommencer. À plus forte raison pour la Bombe… — Je ne trouve pas la raison bien forte, en vérité. Hitler n’a pas eu recours
54 rouve pas la raison bien forte, en vérité. Hitler n’ a pas eu recours aux gaz, c’est entendu. Mais pensez-vous qu’une timid
55 os actes. Si l’emploi de la Bombe est décisif, il n’ y a pas de punition à redouter. Il est donc clair qu’on l’emploiera, a
56 la Terre. — Alors, pourquoi dites-vous : la Bombe n’ est pas dangereuse ? — Pour une raison très simple. La Bombe est un ob
57 on très simple. La Bombe est un objet. Les objets ne sont jamais dangereux. ⁂ Ce qui est dangereux, horriblement, c’est l’
58 de Chine. Si on laisse la Bombe tranquille, elle ne fera rien, c’est clair. Elle se tiendra bien coite dans sa caisse. Qu
59 Elle se tiendra bien coite dans sa caisse. Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contr
60 C’est la question de l’Autre. C’est la seule. On ne peut plus l’éviter depuis que la Bombe nous menace et nous tente à la
6 1946, Combat, articles (1946–1950). Bikini bluff (2 juillet 1946)
61 ff (2 juillet 1946)f g À l’heure qu’il est, on ne sait rien des cochons. Peut-être les prières dites en l’église de Car
62 sacrifiés » et « pour alléger leurs souffrances » n’ ont-elles point été sans effet. Ce qu’on sait, de source officielle, c
63 des renseignements d’une valeur inestimable. » On ne saurait mieux dire, étant un amiral. Oui, l’expérience a répondu à l’
64 st, en somme, de rester des amiraux. Et sa valeur ne saurait être exagérée, encore qu’elle soit aisément « estimable » : e
65 teurs contre les expériences de Bikini. Tout cela n’ était, nous disaient-ils, qu’un complot pseudo-scientifique pour démon
66 semble du « Projet Manhattan ». Le Dr Oppenheimer n’ a rien voulu savoir de cette futile grillade de cochons vifs, organisé
67 ricaines, au cours de l’hiver dernier. « La bombe ne fait que décupler l’importance de l’armée de terre », disait devant l
68 s ce grand match à trois équipes. Mais sans doute ne l’a-t-elle gagnée qu’aux yeux de l’opinion publique. Les vrais arbitr
69 les plans qu’ils ont tirés, l’humanité en général n’ a pas lieu de se réjouir trop bruyamment de la survie des deux-cents c
70 s cochons en uniformes. Les habitants d’Hiroshima n’ ont pas tenu le coup tout à fait aussi bien, comme le révèlent les rap
71 de Londres, de New York, de Leningrad et de Paris ne seront point protégés aussi méthodiquement que le budget de la Marine
72 ulagement produit par le grand « four » de Bikini ne peut qu’augmenter le danger. La seule défense contre la bombe reste l
73 ous aurons compris que toute guerre, aujourd’hui, n’ est possible qu’avec toutes nos complicités et ne saurait être qu’une
74 n’est possible qu’avec toutes nos complicités et ne saurait être qu’une guerre civile que le genre humain se fait « à lui
7 1946, Combat, articles (1946–1950). Les intellectuels sont-ils responsables ? (5 juillet 1946)
75 ’herbe se faisait rare sous leurs pieds et qu’ils n’ avaient plus de berger, aux éclairs de chaleur d’une révolution encore
76 n nom connu, d’un nom à faire connaître… Bref, il n’ est pas un acte commis dans le monde, depuis quatre ans, qui n’ait été
77 acte commis dans le monde, depuis quatre ans, qui n’ ait été vertement dénoncé pas des « intellectuels » français. Mais si
78 des « intellectuels » français. Mais si le monde ne s’en porte pas mieux, l’intelligence n’y gagne guère. ⁂ Tant que les
79 le monde ne s’en porte pas mieux, l’intelligence n’ y gagne guère. ⁂ Tant que les écrivains mettaient leur soin à vivre en
80 lligence d’un côté, action de l’autre, et surtout ne mélangeons rien. Tributaires d’une culture dont l’ambition suprême ét
81 s dans leur erreur. Les modalités de leur retrait ne contredisaient nullement les postulats fondamentaux de leur métaphysi
82 pensée détachée, irresponsable par définition. Il n’ y a pas que du mal à en dire : cela nous a valu quelques œuvres durabl
83 até que rien, ni la pensée, ni l’acte individuel, n’ est en réalité gratuit. Que tout se paye. Que notre liberté de penser
84 it. Que tout se paye. Que notre liberté de penser n’ importe quoi, sans tenir compte de l’époque, était une illusion entret
85 par l’apparente paix sociale, mais que l’échéance ne pouvait être indéfiniment repoussée et que les dettes contractées par
86 oussée et que les dettes contractées par l’esprit ne laissaient même plus une possibilité de concordat. Déjà les dictature
87 i. ⁂ Pour qu’une pensée s’engage dans le réel, il ne faut pas ni ne saurait suffire qu’elle se soumette à des réalités don
88 e pensée s’engage dans le réel, il ne faut pas ni ne saurait suffire qu’elle se soumette à des réalités dont elle ignore o
89 interne : la tactique d’un parti par exemple. Ce n’ est pas dans l’utilisation accidentelle et partisane d’une pensée que
90 mer, donc finalement de le dominer. S’engager, ce n’ est pas se mettre en location. Ce n’est pas « prêter » son nom ou son
91 S’engager, ce n’est pas se mettre en location. Ce n’ est pas « prêter » son nom ou son autorité. Ce n’est pas faire payer s
92 n’est pas « prêter » son nom ou son autorité. Ce n’ est pas faire payer sa prose par Ce Soir plutôt que par l’Intransigean
93 se par Ce Soir plutôt que par l’Intransigeant. Ce n’ est pas signer ici plutôt que là. Ce n’est pas passer de l’esclavage d
94 igeant. Ce n’est pas signer ici plutôt que là. Ce n’ est pas passer de l’esclavage d’une mode à celui d’une tactique politi
95 e d’une mode à celui d’une tactique politique. Ce n’ est pas du tout devenir esclave d’une doctrine, mais au contraire, c’e
96 libéralisme qui a répandu l’idée que l’engagement ne peut être qu’un esclavage. La liberté réelle n’a pas de pires ennemis
97 t ne peut être qu’un esclavage. La liberté réelle n’ a pas de pires ennemis que les libéraux ; sinon en intention, du moins
98 ⁂ Je l’ai dit ailleurs : un gant qui se retourne ne devient pas pour si peu une main vivante et agissante. Un libéral qui
99 n libéral qui se soumet aux directives d’un parti ne devient pas pour si peu un penseur engagé. Et il ne faudrait pas que
100 devient pas pour si peu un penseur engagé. Et il ne faudrait pas que ces trahisons insignes ridiculisent toute espèce d’e
101 mouvement originel, est libérale, irresponsable, ne devient pas libératrice et responsable du seul fait qu’elle se met « 
102 le péril totalitaire (de droite ou de gauche) ce n’ est pas « d’adhérer » à quelque antifascisme, mais de s’attaquer à la
8 1947, Combat, articles (1946–1950). « La tâche française c’est d’inventer la paix » (26 décembre 1947)
103 urs, prénommé Voltaire. Il me semble que mon hôte n’ est pas fâché d’habiter sous cette ombre. Il y a quelque chose de volt
104 l’ordre du jour par la nouvelle arme. « La bombe n’ est pas dangereuse, disait-il en substance, mais les hommes qui l’util
105 orces qui aboutissent à la bombe ou à la paix. Il n’ y a de fatalité que lorsque l’homme démissionne. Et c’est ce qui est g
106 ave en ce moment : on a l’impression que personne n’ est décidé à arrêter la folle machine ou, plutôt, à la remettre sur la
107 nce et nous constatons avec stupeur que la France ne fait rien et se perd dans une sorte d’amer byzantinisme. Dans ces con
108 regarder ailleurs ? La France « en attente » Ne vous y trompez pas. Le monde entier, comme nous-mêmes, attend encore
109 initiative de salut. Sans doute, cette initiative ne saurait être politique : la France n’est plus à la taille de ces géan
110 initiative ne saurait être politique : la France n’ est plus à la taille de ces géants qui s’affrontent. Elle est pauvre a
111 ’impression d’être sous une double dépendance. Ce n’ est donc pas de ses dirigeants que nous attendons quoi que ce soit. Ma
112 llectuelle ? Si on peut dire qu’actuellement elle ne l’a pas davantage que l’initiative politique, il faut ajouter aussitô
113 politique, il faut ajouter aussitôt que personne ne l’a reprise à sa place. Cette initiative-là, on la perd dès qu’on ces
114 de quoi ? Du conflit qui « devient » fatal si on ne fait que l’attendre. C’est bien l’impression désespérante que nous av
115 refuse également à chacun des « blocs » mais elle ne sait pas à quoi elle se donnera. Il faut, précisément, reprend Denis
116 ent ? Je vais d’abord vous confier une chose : je ne crois pas aux « blocs ». C’est une invention des propagandes. Ils n’e
117 blocs ». C’est une invention des propagandes. Ils n’ existent que dans la mesure où on veut bien leur accorder du crédit. V
118 r du crédit. Voilà bien le cercle vicieux et l’on n’ en sortira qu’en sautant à pieds joints par-dessus la ligne du mensong
119 la ligne du mensonge. Inventer la paix Mais ne pensez-vous pas alors que la vocation de la France est clairement cir
120 lle elle se trouve, et que ses refus mêmes, s’ils n’ étaient pas exploités sur le plan passionnel, définiraient une affirma
121 s venons de dire, « d’inventer » la paix. Si elle ne le fait pas, personne ne le fera à sa place. Mais si elle l’inventait
122 enter » la paix. Si elle ne le fait pas, personne ne le fera à sa place. Mais si elle l’inventait pour elle seule — ce qui
123 d’ailleurs impensable —, ce serait comme si elle n’ avait rien fait. Il n’y a pas d’autarcie de la paix. « Penser français
124 —, ce serait comme si elle n’avait rien fait. Il n’ y a pas d’autarcie de la paix. « Penser français » comme le voulait Ba
125 aite, trouve immédiatement son champ d’action. Je n’ en vois qu’un mais il est immense et à sa portée : l’Europe. C’est seu
126 est temps que nous en prenions conscience : nous ne sommes pas des petits garçons, nous sommes aussi forts et aussi riche
127 Cette Europe unie, sous l’impulsion d’une nation, n’ est-ce pas le rêve de Napoléon ou de Hitler ? Bien entendu. Aussi n’es
128 ve de Napoléon ou de Hitler ? Bien entendu. Aussi n’ est-il pas question « d’unifier » l’Europe mais de « l’unir ». Seul, l
129 éraliste. Il est évident que le rôle de la France ne sera pas celui d’un conquérant. Le voudrait-elle qu’elle n’en a pas l
130 s celui d’un conquérant. Le voudrait-elle qu’elle n’ en a pas les moyens. Ce n’est pas une « francisation » de l’Europe qu’
131 e voudrait-elle qu’elle n’en a pas les moyens. Ce n’ est pas une « francisation » de l’Europe qu’il s’agit de réaliser, mai
132 e nous sommes un pays fédéraliste. Le fédéralisme n’ est pas un système de la quantité, mais de la qualité. Et croyez-vous
133 te Europe possible ? Parfaitement. Les Américains ne demandent pas mieux : pour des raisons d’intérêt, sans doute, mais do
134 fiter. Quant aux Russes, je suis convaincu qu’ils n’ ont qu’à y gagner. Mais s’ils persistent dans leur attitude ombrageuse
135 leur consentement. C’est bien dommage, mais nous n’ allons quand même pas attendre le visa de qui que ce soit pour nous dé
136 e fidèle à ma formule du « pessimisme actif ». Je ne me fais aucune illusion. Il n’y aura jamais d’âge d’or. Je demande si
137 imisme actif ». Je ne me fais aucune illusion. Il n’ y aura jamais d’âge d’or. Je demande simplement un monde où les vrais
9 1948, Combat, articles (1946–1950). Message aux Européens (14 mai 1948)
138 res qui empêchent ses biens de circuler, mais qui ne sauraient plus la protéger, notre Europe désunie marche à sa fin. Auc
139 Europe désunie marche à sa fin. Aucun de nos pays ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse de son indépendance. Auc
140 e sérieuse de son indépendance. Aucun de nos pays ne peut résoudre, seul, les problèmes que lui pose l’économie moderne. À
141 omique de notre temps. Jamais l’histoire du monde n’ aura connu un si puissant rassemblement d’hommes libres. Jamais la gue
142 s libres. Jamais la guerre, la peur, et la misère n’ auront été mises en échec par un plus formidable adversaire. Entre ce
143 ésume clairement ses volontés. Nous pensons qu’il ne laissera pas nos lecteurs indifférents. »
10 1950, Combat, articles (1946–1950). Messieurs, n’oubliez pas l’exemple de la Suisse (3 octobre 1950)
144 Messieurs, n’ oubliez pas l’exemple de la Suisse (3 octobre 1950)n o Messieurs le
145 aire. Faire l’Europe signifie la fédérer, ou bien ne signifie pas grand-chose. Comment fédérer des nations qui se croient
146 souverains Au début de 1848, la Confédération n’ était qu’un pacte d’alliance entre vingt-cinq États absolument souvera
147 e notre Europe, sauf pour le péril extérieur, qui n’ était rien au regard de celui que nous courons ? Une partie de l’opini
148 oirs limités mais réels. Rien d’autre, en vérité, ne pouvait assurer l’indépendance du pays. Mais la Diète, les États et l
149 uait, chiffres en main, que la liberté d’échanges ne manquerait pas de causer quelques dommages locaux. C’était répondre a
150 ision profonde du pacte. En 1847, notons-le, rien ne semblait « praticable » aux yeux des réalistes. (Nous en sommes là en
151 es, aucune des ruines prévues et dûment calculées ne se produisirent. L’essor que prit la Suisse, dès cet instant, n’a pas
152 ent. L’essor que prit la Suisse, dès cet instant, n’ a pas fléchi durant un siècle. Messieurs les députés, neuf mois avaien
153 blèmes économiques sont plus complexes ; et qu’on ne peut comparer, sans offense, nos modestes sagesses et les folies subl
154 limes des grandes nations contemporaines. Mais il n’ est pas exact que l’Europe d’aujourd’hui soit plus grande que la Suiss
155 Rome, ou même d’Ankara — en moins de temps qu’il n’ en fallait, il y a cent ans, pour aller de Genève ou des Grisons à Ber
156 t souvent davantage, que nos cantons. Leurs sorts ne sont pas moins liés, si vous regardez l’Europe dans l’ensemble du mon
157 dans l’ensemble du monde. Vos cordons de douanes ne sont pas plus nombreux, ni moins strangulatoires, que ne l’étaient le
158 pas plus nombreux, ni moins strangulatoires, que ne l’étaient les nôtres. Et vos économies ne sont pas plus disparates qu
159 es, que ne l’étaient les nôtres. Et vos économies ne sont pas plus disparates que celles de Zurich, par exemple, et de ses
160 issaient nos journaux, il y a cent-trois ans : il n’ en est pas une seule qui se soit vérifiée, mais pas une seule non plus
161 se soit vérifiée, mais pas une seule non plus qui ne reparaisse dans la bouche même de ceux qui affirment que nos réalités
162 s sont tellement différentes… Certes, comparaison n’ est pas raison, mais quand les raisons de ne rien faire restent les mê
163 aison n’est pas raison, mais quand les raisons de ne rien faire restent les mêmes quoi qu’il arrive, c’est qu’elles tradui
164 r le daltonisme politique. Messieurs les députés, n’ oubliez pas la Suisse : elle existe en dépit de tous les arguments qu’
165 tend à nous démontrer que la solution fédéraliste n’ est pas seulement praticable en principe, mais pratique. C’est assez p
166 e temps fait beaucoup à l’affaire. Celui que vous n’ auriez pas, Staline le prend : c’est le temps de méditer avant d’agir.
167 ée rouge. n. Rougemont Denis de, « Messieurs, n’ oubliez pas l’exemple de la Suisse », Combat, Paris, 3 octobre 1950, p
11 1950, Combat, articles (1946–1950). Messieurs, on vous attend encore au pied du mur ! (4 octobre 1950)
168 Ceux qui disent que « l’Europe sera socialiste ou ne sera pas » savent très bien qu’à ce prix elle ne sera pas. Voilà l’en
169 ne sera pas » savent très bien qu’à ce prix elle ne sera pas. Voilà l’ennemi, et non point Vychinski. Et cela vaut pour t
170 se, ou allemande, ou de gauche, ou de droite — ou ne sera pas. Vous êtes là pour qu’elle soit, pour qu’elle dure, dans ses
171 dans ses diversités de tous les ordres, que l’on ne peut préserver que par l’union et que l’unification tuerait. Mais san
172 giques d’intérêts légitimes, sans compromis, elle ne sera pas. C’est clair. Vous ignorez l’opinion vraie Seuls ceux q
173 résoudront aux compromis vitaux. Quant à ceux qui n’ ont point cette passion de l’Europe, ceux dont le regard s’attarde aux
174 t eux-mêmes. Ils nous disent : « Je veux bien, je ne suis pas contre, mais voyez ces difficultés ! L’Opinion, par exemple,
175 s voyez ces difficultés ! L’Opinion, par exemple, n’ est pas mûre, et chacun sait qu’on ne peut rien faire sans elle ». C’e
176 par exemple, n’est pas mûre, et chacun sait qu’on ne peut rien faire sans elle ». C’est qu’ils se prennent pour l’opinion,
177 clarent pour l’union, lorsqu’on les interroge. Il n’ en fallut pas plus pour fédérer la Suisse. Mais l’opinion veut qu’on l
178 e. « On suit ceux qui marchent », dit Péguy. Elle ne vous suivra pas si vous êtes daltoniens, et les sceptiques, alors, po
179 man. Elle l’était avant cela, bien sûr, mais elle n’ a pu parler que dans le secret des urnes. L’opinion d’aujourd’hui, je
180 ujourd’hui, je la sens, c’est l’Europe. Mais elle ne bougera pas, si vous ne faites presque rien. Elle laissera parler les
181 c’est l’Europe. Mais elle ne bougera pas, si vous ne faites presque rien. Elle laissera parler les sceptiques parler « au
182 ant à renforcer le sentiment d’une Solidarité qui ne saurait nuire à « l’achèvement d’une union plus intime entre ses memb
183 nt vers l’union ». Et les Anglais jugeront qu’ils ne peuvent s’associer à ces engagements téméraires avant d’avoir pris le
184 tenu et de s’être assurés qu’en tous les cas cela ne peut les conduire absolument à rien. Soyons francs : le Conseil de l’
185 r des principes sans les mettre en pratique, cela ne fait de mal à personne. Mais cela en fait aux principes. Or une Europ
186 aucoup moins qu’une Amérique qui les professe, et ne vaut rien en face des Russes qui les assènent. Il faut des actes, dit
187 acte que je vous propose, au nom de l’opinion qui ne parle pas encore. Messieurs les députés, vous le savez bien, vous n’ê
188 . Messieurs les députés, vous le savez bien, vous n’ êtes pas de vrais députés, car les vrais sont élus, et vous êtes simpl
189 sonnement très simple appuie cette suggestion. On ne fera pas l’Europe sans informer ses peuples, et du danger qu’ils cour
190 ante que pourrait constituer notre fédération. On n’ informera pas les peuples sans une propagande massive. Personne n’a le
191 les peuples sans une propagande massive. Personne n’ a les moyens de la financer. La seule solution concevable, c’est une c
192 de polémique européenne, que nulle autre méthode ne saurait provoquer. Si vous me dites… La condition à la fois néc
193 Qu’un but concret soit assigné à ses travaux. Je n’ en vois pour ma part qu’un seul : discuter et voter un projet bien pré
194 l’Histoire, le réveil de notre espérance. Si vous n’ acceptez pas, vous ne trouverez derrière vous que le vide et l’indiffé
195 de notre espérance. Si vous n’acceptez pas, vous ne trouverez derrière vous que le vide et l’indifférence ; et devant vou
196 us me dites enfin que c’est plus difficile que je n’ ai l’air de le penser dans ma candeur naïve, je vous demanderai si que
197 on peut penser qu’au point où nous en sommes, il n’ y a presque plus rien à perdre. Que risquez-vous à tenter l’impossible
198 ûr qu’il y aurait tout à perdre, même l’espoir, à ne point risquer la dernière chance européenne. Voilà le pari. Vous êtes
199 eurs les députés, faut-il vous dire encore que je ne suis rien qu’une voix presque désespérée, et sans autre pouvoir que d
200 rtinences : comprenez l’anxiété qui les dicte. Je ne vous écrirais pas si je ne savais très bien qu’une partie d’entre vou
201 iété qui les dicte. Je ne vous écrirais pas si je ne savais très bien qu’une partie d’entre vous m’approuve et qu’une autr
202 ne partie d’entre vous m’approuve et qu’une autre ne dit pas non. Dans un mouvement de passion, je m’écriais l’autre jour 
203 t de passion, je m’écriais l’autre jour : si vous ne voulez rien faire, allez-vous-en ! Mais beaucoup d’entre vous veulent
204 t, au nom de l’Europe, de rester au contraire, de ne point se séparer avant d’avoir dressé, pour notre espoir, un signe !
205 oir, un signe ! Des raisons de vivre ! Vous n’ êtes pas encore l’espoir des peuples libres, ni des peuples muets de l
206 t tient à votre sage audace. Car si l’Europe unie n’ est pas un grand espoir renaissant dans le cœur des masses, aucune arm
207 nt dans le cœur des masses, aucune armée du monde ne pourra la défendre. Personne ne veut mourir, que pour des raisons de
208 ne armée du monde ne pourra la défendre. Personne ne veut mourir, que pour des raisons de vivre. Mozart n’en est plus une
209 eut mourir, que pour des raisons de vivre. Mozart n’ en est plus une pour les chômeurs. Et ce n’est pas une secte politique
210 Mozart n’en est plus une pour les chômeurs. Et ce n’ est pas une secte politique, une doctrine partisane ou une autre, qui
211 au salut de l’ensemble ? Je veux avoir parlé pour ne rien dire, si quelqu’un nous propose une autre solution que l’Autorit