1
avec des agrafes de dossiers : « C’est un secret
que
nous gardons, c’est un dépôt sacré », disent-ils. Et sans l’avis d’au
2
ance industrielle de l’Amérique. C’est assez dire
qu’
il n’est que temporaire. Quant au secret technique de la détonation, d
3
ielle de l’Amérique. C’est assez dire qu’il n’est
que
temporaire. Quant au secret technique de la détonation, dans quelques
4
tous ces faits. M. George Gallup vient d’établir
que
71 % des citoyens de son pays « refusent de livrer le contrôle de la
5
ons unies », cependant que la même enquête révèle
que
65 % sont persuadés que « le secret ne peut être gardé ». D’où je déd
6
ue la même enquête révèle que 65 % sont persuadés
que
« le secret ne peut être gardé ». D’où je déduis que la proportion de
7
« le secret ne peut être gardé ». D’où je déduis
que
la proportion des Américains raisonnables (j’entends capables de rapp
8
peu ou beaucoup pour un peuple ? Je n’en jugerais
qu’
après un essai en Europe. Il est clair que l’opinion publique est égar
9
ugerais qu’après un essai en Europe. Il est clair
que
l’opinion publique est égarée par sa foi dans la science, que les sav
10
n publique est égarée par sa foi dans la science,
que
les savants sérieux ne partagent point. On parle de radars omniscient
11
ituation présente, en vérité, est bien plus folle
qu’
on ne l’imagine. Car non seulement nous sommes sans défense, mais enco
12
attaque, nous ne saurons pas qui a tiré. Supposez
qu’
un petit pays, disons la Suisse, manufacture une douzaine de bombes. C
13
éniosité et d’équipement technique, et vous savez
que
la Suisse possède tout cela. En fait, c’est à l’École polytechnique d
14
En fait, c’est à l’École polytechnique de Zurich
que
sont nés les travaux d’Einstein. Supposez maintenant que ce petit pay
15
t nés les travaux d’Einstein. Supposez maintenant
que
ce petit pays, pour se tirer d’un mauvais pas, envoie deux ou trois b
16
trop réelles.) L’Amérique ne doute pas un instant
que
les projectiles ne viennent de Russie. Il est trop tard pour échanger
17
du ciel bleu, — l’expression est devenue si vraie
qu’
elle a cessé de nous frapper. Une apathie étrange me semble s’établir
18
monde n’a pas de gouvernement. Je ne suis pas sûr
que
les nations en aient. Et nous restons, les bras ballants… a. Rouge
19
de du milieu du xxe siècle est gouverné par ceux
qu’
on nomme les trois Grands. Ils se composent d’un loup déguisé en mouto
20
ère, et du Brave Garçon, et de l’Esprit bourgeois
que
la Bombe doit être administrée. Notez que, si elle ne l’est pas, quel
21
urgeois que la Bombe doit être administrée. Notez
que
, si elle ne l’est pas, quelqu’un va nous l’administrer. L’alternative
22
ette impression, avec les masses contemporaines :
que
les chefs responsables de notre sort sont en réalité irresponsables ?
23
de notre sort sont en réalité irresponsables ? Et
qu’
ils usurpent le nom de gouvernants ? J’essaie de me mettre à leur plac
24
ie. Sans doute sont-ils tous les trois convaincus
qu’
ils aiment la paix en général, et pour elle-même, et qu’ils détestent
25
aiment la paix en général, et pour elle-même, et
qu’
ils détestent la guerre : pourtant, ils s’y préparent. Ce qui domine e
26
sent donc comme des irresponsables, provoquant ce
qu’
ils veulent éviter. Et le public a l’air de trouver cela normal, — ou
27
ore de les comprendre, avant de les traiter de ce
qu’
ils ont l’air d’être, quand on voit ce qu’ils vont faire ou laisser fa
28
r de ce qu’ils ont l’air d’être, quand on voit ce
qu’
ils vont faire ou laisser faire de nos vies. Irresponsables moins par
29
capacité — ils suffiraient aux tâches courantes —
que
par le fait du problème posé, qui les dépasse comme la Bombe dépasse
30
rien. Cette absence de pensée est plus dangereuse
que
n’importe quelle pensée fausse. Mais comment pourraient-ils penser ?
31
n simple. Parce qu’ils gouvernent leur nation, et
que
c’est assez ou même trop pour un homme, tandis que le problème est mo
32
est un cas international, qui ne peut être résolu
qu’
à une échelle planétaire : or, ces messieurs sont absorbés par la défe
33
ns, des banquets et des nominations. Il est clair
que
, pour gouverner les nations, la première condition requise est de n’ê
34
. Mais qui l’a dit, jusqu’à ce jour ? Chacun sait
que
l’arbitre d’un match n’est jamais le capitaine d’une des équipes. Qui
35
a rappelé au sujet des trois Grands ? Chacun sait
que
, pour arbitrer la lutte entre les continents, il faut d’autres talent
36
ents, il faut d’autres talents et un autre savoir
que
pour équilibrer les démocrates du Sud et ceux du Nord en présence des
37
urde, me disent-ils. — Eh quoi, c’est pourtant ce
que
nous offre, à quelques nuances près, le plan des Nations unies. Vos É
38
n des Nations unies. Vos États n’ont fait un pays
qu’
en unissant leurs peuples, et non leurs chefs, qui se sont effacés dev
39
que c’est précisément aux dépens de ces intérêts
que
l’humanité pourra s’unir ? La fonction même de ces chefs d’État les d
40
oter. Leur métier même les rend inaptes à voir ce
que
le monde entier attend. Ils ne voient rien, c’est évident, car les vi
41
populaire, et qui n’auraient pas d’autre affaire
que
de considérer la Planète, puis de traiter de haut avec les chefs d’Ét
42
s Grands ne pas perdre la boule ! Car le fait est
qu’
il n’y en a qu’une de boule, comme disait à peu près le regretté Willk
43
perdre la boule ! Car le fait est qu’il n’y en a
qu’
une de boule, comme disait à peu près le regretté Willkie, et qu’une e
44
, comme disait à peu près le regretté Willkie, et
qu’
une erreur unique, désormais, pourrait la rendre folle à tout jamais.
45
er de rire.) Moi. — Quel beau programme ! Avouez
que
nous sortons enfin des petitesses de l’ère bourgeoise, succédant aux
46
e : tout monte et s’épanouit vers le ciel ! Notez
que
, dans ce système, la démocratie paraît supérieure au soviétisme et à
47
entends le diable ! D’ailleurs, on n’entend guère
que
lui dans ce siècle trois fois maudit. Je ne vois plus d’espoir sérieu
48
exception faite de deux pays de langue espagnole,
que
nous appellerons secondaires. Et voici mon espoir, dans cette situati
49
Et voici mon espoir, dans cette situation : c’est
qu’
au lieu de défendre la Démocratie, en bloc, et comme une étiquette, co
50
aussitôt pour des fascistes. Lui. — Autant dire
que
votre mot démocratie a perdu tout son pouvoir ! Une étiquette qui s’a
51
a-t-elle tort, mais on n’a pas manqué de répondre
que
cette mesure est précisément celle qui fut prise en premier lieu par
52
on plus sur la défense d’un mot, d’un terme vague
que
personne n’attaque, mais sur la définition d’une réalité que ce terme
53
e n’attaque, mais sur la définition d’une réalité
que
ce terme symbolise et parfois dissimule : qu’est-ce que la liberté ?
54
ité que ce terme symbolise et parfois dissimule :
qu’
est-ce que la liberté ? Et cela nous amènera bientôt à nous demander :
55
terme symbolise et parfois dissimule : qu’est-ce
que
la liberté ? Et cela nous amènera bientôt à nous demander : qu’est-ce
56
? Et cela nous amènera bientôt à nous demander :
qu’
est-ce que l’homme ? C’est le vrai débat. Si nous le reconnaissons, no
57
nous amènera bientôt à nous demander : qu’est-ce
que
l’homme ? C’est le vrai débat. Si nous le reconnaissons, nous aurons
58
s aurons fait un grand progrès, le seul peut-être
que
la guerre pouvait permettre… Lui. — Mais avouez qu’aussi longtemps q
59
la guerre pouvait permettre… Lui. — Mais avouez
qu’
aussi longtemps que vos hommes d’État démocratiques n’auront pas abord
60
permettre… Lui. — Mais avouez qu’aussi longtemps
que
vos hommes d’État démocratiques n’auront pas abordé ouvertement et si
61
, et de deux commerçants en poissons (mieux payés
que
les savants, dit-on) vient de partir pour l’île de Bikini. L’objet de
62
ivants sur l’île. C’est une mission fort analogue
que
Noé reçut du Seigneur peu de temps avant le Déluge. Cette fois-ci, le
63
émentaire, à propos des cochons : l’on a remarqué
que
la peau des cochons est fort semblable à celle de l’homme. La sensibi
64
e comportent sous le feu, et savent mourir. Quel
que
soit le résultat de l’opération, sur lequel nos savants se perdent en
65
us scientifique de ce terme. Quand je vous disais
que
la guerre est morte, la guerre des militaires, la vraie ! Quand je vo
66
e des militaires, la vraie ! Quand je vous disais
que
ses règles sacrées sont toutes violées sans exception par l’usage de
67
ception par l’usage de la bombe atomique… J’avoue
que
je n’avais pas pensé à l’uniforme et au respect que nous lui devions
68
e je n’avais pas pensé à l’uniforme et au respect
que
nous lui devions naguère. Les savants, eux, ne l’ont pas raté. Ce n’e
69
va sombrer. Il vaut la peine de remarquer, enfin,
que
pas une voix ne s’est élevée, du côté des fervents de l’Armée, pour p
70
n contre les essais projetés. Cette Ligue demande
qu’
au lieu de sacrifier tant d’innocentes victimes, et dans une posture s
71
riptum (24 mai 1946)e Un dernier mot. (Et dire
que
j’allais l’oublier !) La Bombe n’est pas dangereuse du tout. — Êtes-
72
ous dans vos articles précédents ? Faut-il penser
que
vous vous moquiez du monde ? — J’étais sérieux. Je prenais au sérieux
73
t là sans doute votre manière paradoxale d’avouer
que
vous exagériez. Savez-vous que beaucoup l’ont pensé, sans vous le dir
74
aradoxale d’avouer que vous exagériez. Savez-vous
que
beaucoup l’ont pensé, sans vous le dire ? Il est bien naturel que l’é
75
nt pensé, sans vous le dire ? Il est bien naturel
que
l’événement d’Hiroshima nous ait jetés pour quelque temps dans un éta
76
avons repris nos sens. Certains pressentent déjà
que
la bombe est en train de se dégonfler, pour ainsi dire. Après tout, n
77
rce que tout le monde en avait une peur bleue, et
que
personne, même pas Hitler, n’a eu le courage de commencer. À plus for
78
recours aux gaz, c’est entendu. Mais pensez-vous
qu’
une timidité subite l’ait arrêté, ou quelque amour tardif de notre hum
79
in de compenser, même à ses yeux, le risque moral
qu’
il eût couru à l’employer. Le cas de la Bombe est différent. Je vous r
80
Le cas de la Bombe est différent. Je vous répète
qu’
elle supprimera la possibilité de riposter, c’est-à-dire jouera milita
81
y a pas de punition à redouter. Il est donc clair
qu’
on l’emploiera, au risque de faire sauter la Terre. — Alors, pourquoi
82
i seul qui se prépare à l’employer. Quand je vois
qu’
on nomme des comités pour la retenir ! Comme si elle était tombée du c
83
t d’un comique démesuré. Le contrôle de la Bombe,
que
l’on discute à longueur de colonne, dans toute la presse, est la plus
84
clair. Elle se tiendra bien coite dans sa caisse.
Qu’
on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un
85
e. Qu’on ne nous raconte donc pas d’histoires. Ce
qu’
il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. — Ah ! ça, c’est une autre
86
. C’est la seule. On ne peut plus l’éviter depuis
que
la Bombe nous menace et nous tente à la foi. Et voilà bien le progrès
87
Bikini bluff (2 juillet 1946)f g À l’heure
qu’
il est, on ne sait rien des cochons. Peut-être les prières dites en l’
88
ouffrances » n’ont-elles point été sans effet. Ce
qu’
on sait, de source officielle, c’est que l’amiral Blandy se déclare sa
89
effet. Ce qu’on sait, de source officielle, c’est
que
l’amiral Blandy se déclare satisfait. « L’expérience, déclare-t-il, a
90
ux. Et sa valeur ne saurait être exagérée, encore
qu’
elle soit aisément « estimable » : elle peut se chiffrer assez exactem
91
de Bikini. Tout cela n’était, nous disaient-ils,
qu’
un complot pseudo-scientifique pour démontrer la valeur éternelle des
92
d danger, le vrai danger de l’expérience, c’était
qu’
elle ratât, conformément aux prévisions des amiraux, et qu’elle rassur
93
atât, conformément aux prévisions des amiraux, et
qu’
elle rassurât faussement les peuples quant aux risques institués par l
94
nt aux risques institués par la bombe. Il se peut
que
cette campagne ait été orchestrée par les services de l’Armée de Terr
95
a question du commandement unique. Il est certain
que
les savants sérieux se sont tous rangés du côté des adversaires de l’
96
isée par les services publicitaires de la Marine.
Qu’
on se rappelle, à ce sujet, les déclarations faites à la presse par le
97
, au cours de l’hiver dernier. « La bombe ne fait
que
décupler l’importance de l’armée de terre », disait devant le Sénat l
98
ances sur les fantassins et les marins, suggérait
que
l’aviation seule restait indispensable, puisque c’est elle qui transp
99
ois équipes. Mais sans doute ne l’a-t-elle gagnée
qu’
aux yeux de l’opinion publique. Les vrais arbitres restent les savants
100
et mille fois surpassée par les récents modèles,
qu’
ils sont seuls à connaître. Et c’est leur point de vue qui m’importe.
101
st leur point de vue qui m’importe. Les problèmes
que
nous pose la bombe restent intacts, autant que les palmiers de Bikini
102
es que nous pose la bombe restent intacts, autant
que
les palmiers de Bikini. Et si les amiraux sont rassurés, conformément
103
raux sont rassurés, conformément à tous les plans
qu’
ils ont tirés, l’humanité en général n’a pas lieu de se réjouir trop b
104
ris ne seront point protégés aussi méthodiquement
que
le budget de la Marine américaine. Et le faux soulagement produit par
105
t produit par le grand « four » de Bikini ne peut
qu’
augmenter le danger. La seule défense contre la bombe reste le gouvern
106
ui pourrait être l’ONU si elle existait autrement
que
sous forme d’initiales — c’est d’augmenter parmi les peuples le senti
107
e leur interdépendance. Quand nous aurons compris
que
toute guerre, aujourd’hui, n’est possible qu’avec toutes nos complici
108
ris que toute guerre, aujourd’hui, n’est possible
qu’
avec toutes nos complicités et ne saurait être qu’une guerre civile qu
109
qu’avec toutes nos complicités et ne saurait être
qu’
une guerre civile que le genre humain se fait « à lui-même », les prem
110
mplicités et ne saurait être qu’une guerre civile
que
le genre humain se fait « à lui-même », les premières bases psycholog
111
utons enragés. Fatigués de leur innocence, voyant
que
l’herbe se faisait rare sous leurs pieds et qu’ils n’avaient plus de
112
t que l’herbe se faisait rare sous leurs pieds et
qu’
ils n’avaient plus de berger, aux éclairs de chaleur d’une révolution
113
pas mieux, l’intelligence n’y gagne guère. ⁂ Tant
que
les écrivains mettaient leur soin à vivre en marge de tous les confli
114
achée, irresponsable par définition. Il n’y a pas
que
du mal à en dire : cela nous a valu quelques œuvres durables, mineure
115
mps ont changé. La crise nous a fait voir soudain
que
les positions intellectuelles héritées du libéralisme conduisaient à
116
libéralisme conduisaient à ce régime de faillite
qu’
on nomme l’État totalitaire. Nous avons constaté que rien, ni la pensé
117
’on nomme l’État totalitaire. Nous avons constaté
que
rien, ni la pensée, ni l’acte individuel, n’est en réalité gratuit. Q
118
, ni l’acte individuel, n’est en réalité gratuit.
Que
tout se paye. Que notre liberté de penser n’importe quoi, sans tenir
119
duel, n’est en réalité gratuit. Que tout se paye.
Que
notre liberté de penser n’importe quoi, sans tenir compte de l’époque
120
ion entretenue par l’apparente paix sociale, mais
que
l’échéance ne pouvait être indéfiniment repoussée et que les dettes c
121
chéance ne pouvait être indéfiniment repoussée et
que
les dettes contractées par l’esprit ne laissaient même plus une possi
122
. Toute la confusion vient de là. Car la culture
qu’
on nous propose de défendre, c’est elle, précisément, qui est responsa
123
e réel et l’actuel, et de surmonter enfin ce vice
qu’
est la distinction libérale entre la pensée et l’action. Au lieu de pr
124
ans le réel, il ne faut pas ni ne saurait suffire
qu’
elle se soumette à des réalités dont elle ignore ou répudie la loi int
125
tilisation accidentelle et partisane d’une pensée
que
réside son engagement. C’est, au contraire, dans sa démarche intime,
126
n’est pas faire payer sa prose par Ce Soir plutôt
que
par l’Intransigeant. Ce n’est pas signer ici plutôt que là. Ce n’est
127
r l’Intransigeant. Ce n’est pas signer ici plutôt
que
là. Ce n’est pas passer de l’esclavage d’une mode à celui d’une tacti
128
sa liberté. Il peut sembler paradoxal de soutenir
que
l’engagement d’une pensée suppose sa libération. En vérité, c’est le
129
vérité, c’est le libéralisme qui a répandu l’idée
que
l’engagement ne peut être qu’un esclavage. La liberté réelle n’a pas
130
ui a répandu l’idée que l’engagement ne peut être
qu’
un esclavage. La liberté réelle n’a pas de pires ennemis que les libér
131
avage. La liberté réelle n’a pas de pires ennemis
que
les libéraux ; sinon en intention, du moins en fait. Les penseurs les
132
réalité. Et cela suffirait bien à définir le sens
que
nous donnons à ce mot d’engagement. ⁂ Je l’ai dit ailleurs : un gant
133
r si peu un penseur engagé. Et il ne faudrait pas
que
ces trahisons insignes ridiculisent toute espèce d’engagement. Une pe
134
vient pas libératrice et responsable du seul fait
qu’
elle se met « au service » d’une doctrine de lutte politique. Faire la
135
effort un peu plus grand, et d’une autre nature,
que
l’effort de signer un manifeste ou de s’inscrire dans les rangs d’une
136
manifeste de Ce Soir) ont exprimé en toute clarté
qu’
ils étaient de vrais libéraux, irresponsables nés2, égarés pour un tem
137
et des vrais engagements. 1. Baudelaire voulait
que
la critique des poètes — qu’il opposait à celle des philosophes libér
138
. Baudelaire voulait que la critique des poètes —
qu’
il opposait à celle des philosophes libéraux — fût partiale, pleine de
139
is exception pour deux ou trois d’entre eux, tels
que
Bernanos et Schlumberger, dont la bonne foi a été surprise, — comme o
140
s attitudes assez confuses, il est vrai néanmoins
que
les impératifs partisans pèsent de plus en plus lourdement sur l’acti
141
l’activité intellectuelle. Aussi avons-nous pensé
qu’
il serait intéressant de demander à un certain nombre d’écrivains leur
142
cle suivant, dont il est intéressant de souligner
qu’
il fut écrit et publié dans une revue en 1938, sous le titre : « Trop
143
nis de Rougemont me reçoit dans l’agréable maison
qu’
il occupe à la sortie du village de Ferney, désormais et pour toujours
144
et pour toujours, prénommé Voltaire. Il me semble
que
mon hôte n’est pas fâché d’habiter sous cette ombre. Il y a quelque c
145
u conquérir Paris voici une quinzaine d’années et
que
des ouvrages brillants et profonds comme Penser avec les mains et
146
nce, mais les hommes qui l’utilisent. Ce sont eux
qu’
il faut contrôler ». Je pense à cela tandis que notre entretien prend,
147
notre entretien prend, comme de lui-même, le tour
que
je désirais lui imprimer. » C’est l’homme qui fait son destin, me dit
148
ent à la bombe ou à la paix. Il n’y a de fatalité
que
lorsque l’homme démissionne. Et c’est ce qui est grave en ce moment :
149
ce qui est grave en ce moment : on a l’impression
que
personne n’est décidé à arrêter la folle machine ou, plutôt, à la rem
150
és vers la France et nous constatons avec stupeur
que
la France ne fait rien et se perd dans une sorte d’amer byzantinisme.
151
e dépendance. Ce n’est donc pas de ses dirigeants
que
nous attendons quoi que ce soit. Mais l’initiative intellectuelle ? S
152
ais l’initiative intellectuelle ? Si on peut dire
qu’
actuellement elle ne l’a pas davantage que l’initiative politique, il
153
ut dire qu’actuellement elle ne l’a pas davantage
que
l’initiative politique, il faut ajouter aussitôt que personne ne l’a
154
l’initiative politique, il faut ajouter aussitôt
que
personne ne l’a reprise à sa place. Cette initiative-là, on la perd d
155
? Du conflit qui « devient » fatal si on ne fait
que
l’attendre. C’est bien l’impression désespérante que nous avons. L’in
156
l’attendre. C’est bien l’impression désespérante
que
nous avons. L’intelligence française est comme paralysée, neutralisée
157
Il faut, précisément, reprend Denis de Rougemont,
que
cette double négation devienne une affirmation, sous peine de voir le
158
est une invention des propagandes. Ils n’existent
que
dans la mesure où on veut bien leur accorder du crédit. Voilà bien le
159
Voilà bien le cercle vicieux et l’on n’en sortira
qu’
en sautant à pieds joints par-dessus la ligne du mensonge. Inventer
160
par la situation dans laquelle elle se trouve, et
que
ses refus mêmes, s’ils n’étaient pas exploités sur le plan passionnel
161
nçaise — c’est dans ces circonstances historiques
que
nous venons de dire, « d’inventer » la paix. Si elle ne le fait pas,
162
de mais aussi une faute de français. Il faut donc
que
l’affirmation française, si elle éclate, comme je le souhaite, trouve
163
ve immédiatement son champ d’action. Je n’en vois
qu’
un mais il est immense et à sa portée : l’Europe. C’est seulement par
164
a portée : l’Europe. C’est seulement par l’Europe
que
nous pourrons agir sur les USA ou l’URSS. Il est temps que nous en pr
165
pourrons agir sur les USA ou l’URSS. Il est temps
que
nous en prenions conscience : nous ne sommes pas des petits garçons,
166
ommes aussi forts et aussi riches de possibilités
qu’
aucun des « colosses » du monde. Mais il faut que nous existions et qu
167
qu’aucun des « colosses » du monde. Mais il faut
que
nous existions et que nous sachions que nous existons. « Pessimism
168
es » du monde. Mais il faut que nous existions et
que
nous sachions que nous existons. « Pessimisme actif » Cette Eur
169
s il faut que nous existions et que nous sachions
que
nous existons. « Pessimisme actif » Cette Europe unie, sous l’i
170
oi je suis résolument fédéraliste. Il est évident
que
le rôle de la France ne sera pas celui d’un conquérant. Le voudrait-e
171
sera pas celui d’un conquérant. Le voudrait-elle
qu’
elle n’en a pas les moyens. Ce n’est pas une « francisation » de l’Eur
172
ns. Ce n’est pas une « francisation » de l’Europe
qu’
il s’agit de réaliser, mais que la France devienne et soit la conscien
173
tion » de l’Europe qu’il s’agit de réaliser, mais
que
la France devienne et soit la conscience d’une Europe à naître. Voyez
174
tre minorité y est particulièrement active. C’est
que
nous sommes un pays fédéraliste. Le fédéralisme n’est pas un système
175
ons profiter. Quant aux Russes, je suis convaincu
qu’
ils n’ont qu’à y gagner. Mais s’ils persistent dans leur attitude ombr
176
Quant aux Russes, je suis convaincu qu’ils n’ont
qu’
à y gagner. Mais s’ils persistent dans leur attitude ombrageuse, eh bi
177
ui que ce soit pour nous décider à agir. Je crois
que
l’Europe se fera, envers et contre tout et tous. Vous voyez que ma ré
178
e fera, envers et contre tout et tous. Vous voyez
que
ma réponse est optimiste. Dites bien cependant que je reste fidèle à
179
de nos pays ne peut résoudre, seul, les problèmes
que
lui pose l’économie moderne. À défaut d’une union librement consentie
180
de la communauté, afin d’ouvrir au monde la voie
qu’
il cherche, la voie des libertés organisées. Elle est de ranimer ses p
181
si pour en élargir le bénéfice à tous les hommes,
que
nous voulons l’union de notre continent. Sur cette union l’Europe jou
182
lui de la paix du monde. Soit donc notoire à tous
que
nous, Européens, rassemblés pour donner une voix à tous les peuples d
183
rtés de pensée, de réunion et d’expression, ainsi
que
le libre exercice d’une opposition politique. 3° Nous voulons une Cou
184
s et résume clairement ses volontés. Nous pensons
qu’
il ne laissera pas nos lecteurs indifférents. »
185
ut le monde croit l’avoir vue et s’en va répétant
qu’
il a fallu plus de cinq-cents ans pour sceller son union fédérale. Tou
186
ins Au début de 1848, la Confédération n’était
qu’
un pacte d’alliance entre vingt-cinq États absolument souverains. Poin
187
ant la guerre entre les États membres. Niera-t-on
que
ce fût là, trait pour trait, un état comparable à celui de notre Euro
188
il extérieur, qui n’était rien au regard de celui
que
nous courons ? Une partie de l’opinion réclamait une autorité fédéral
189
anières. La routine rétorquait, chiffres en main,
que
la liberté d’échanges ne manquerait pas de causer quelques dommages l
190
utopistes qui proposaient d’éteindre l’incendie,
que
l’eau peut abîmer les meubles. Il y eut une guerre civile entre canto
191
erains. Le 15 mai, la Diète est saisie du projet,
qu’
elle adopte le 27 juin. Pendant le mois d’août le peuple vote dans les
192
s les cantons. Le 12 septembre, la Diète proclame
que
la Constitution est acceptée par près de deux tiers des États et plus
193
s et dûment calculées ne se produisirent. L’essor
que
prit la Suisse, dès cet instant, n’a pas fléchi durant un siècle. Mes
194
ffi pour fédérer 25 États souverains. Pensez-vous
que
l’Histoire vous en laisse un peu plus, pour unir vos États dans un pl
195
grand péril ? Vous me direz… Vous me direz
que
l’Europe est plus grande que la Suisse ; qu’il fallut une bonne guerr
196
ez… Vous me direz que l’Europe est plus grande
que
la Suisse ; qu’il fallut une bonne guerre pour briser le tabou des so
197
irez que l’Europe est plus grande que la Suisse ;
qu’
il fallut une bonne guerre pour briser le tabou des souverainetés cant
198
le tabou des souverainetés cantonales absolues ;
que
les cantons suisses vivaient ensemble depuis des siècles ; que les pr
199
ns suisses vivaient ensemble depuis des siècles ;
que
les problèmes économiques sont plus complexes ; et qu’on ne peut comp
200
es problèmes économiques sont plus complexes ; et
qu’
on ne peut comparer, sans offense, nos modestes sagesses et les folies
201
s nations contemporaines. Mais il n’est pas exact
que
l’Europe d’aujourd’hui soit plus grande que la Suisse d’alors : vous
202
exact que l’Europe d’aujourd’hui soit plus grande
que
la Suisse d’alors : vous êtes venus de Stockholm à Strasbourg — ou de
203
ou de Rome, ou même d’Ankara — en moins de temps
qu’
il n’en fallait, il y a cent ans, pour aller de Genève ou des Grisons
204
e depuis autant de siècles, et souvent davantage,
que
nos cantons. Leurs sorts ne sont pas moins liés, si vous regardez l’E
205
sont pas plus nombreux, ni moins strangulatoires,
que
ne l’étaient les nôtres. Et vos économies ne sont pas plus disparates
206
res. Et vos économies ne sont pas plus disparates
que
celles de Zurich, par exemple, et de ses petits voisins paysans. Les
207
araisse dans la bouche même de ceux qui affirment
que
nos réalités sont tellement différentes… Certes, comparaison n’est pa
208
faire restent les mêmes quoi qu’il arrive, c’est
qu’
elles traduisent une certaine forme d’esprit, une cécité partielle dev
209
cécité partielle devant les leçons de l’Histoire,
que
j’ai plus d’une raison de nommer le daltonisme politique. Messieurs l
210
isse : elle existe en dépit de tous les arguments
qu’
on oppose aujourd’hui à l’Europe. Son exemple vivant tend à nous démon
211
’Europe. Son exemple vivant tend à nous démontrer
que
la solution fédéraliste n’est pas seulement praticable en principe, m
212
s’arrêter devant ce fait, pour mieux se persuader
qu’
on peut aller très vite. Car le temps fait beaucoup à l’affaire. Celui
213
te. Car le temps fait beaucoup à l’affaire. Celui
que
vous n’auriez pas, Staline le prend : c’est le temps de méditer avant
214
’est le temps de méditer avant d’agir. Mais celui
que
vous risquez de perdre, cet été, soyez bien sûrs qu’il le retrouvera
215
vous risquez de perdre, cet été, soyez bien sûrs
qu’
il le retrouvera : c’est le temps de modifier non pas des paragraphes,
216
publions deux importants extraits de cinq lettres
que
notre ami Denis de Rougemont écrivit à l’intention des députés réunis
217
d du mur ! (4 octobre 1950)p q Ceux qui disent
que
« l’Europe sera socialiste ou ne sera pas » savent très bien qu’à ce
218
cela vaut pour tous ceux qui pourraient déclarer
que
l’Europe sera toute catholique, ou protestante, ou française, ou alle
219
lle dure, dans ses diversités de tous les ordres,
que
l’on ne peut préserver que par l’union et que l’unification tuerait.
220
és de tous les ordres, que l’on ne peut préserver
que
par l’union et que l’unification tuerait. Mais sans sacrifices d’amou
221
es, que l’on ne peut préserver que par l’union et
que
l’unification tuerait. Mais sans sacrifices d’amour-propre, sans repl
222
nécessité, il nous reste à leur faire comprendre
que
le pire obstacle, c’est eux-mêmes. Ils nous disent : « Je veux bien,
223
nion, par exemple, n’est pas mûre, et chacun sait
qu’
on ne peut rien faire sans elle ». C’est qu’ils se prennent pour l’opi
224
sait qu’on ne peut rien faire sans elle ». C’est
qu’
ils se prennent pour l’opinion, qu’ils ont négligé d’écouter. Tous les
225
elle ». C’est qu’ils se prennent pour l’opinion,
qu’
ils ont négligé d’écouter. Tous les sondages précis réfutent leurs cra
226
plus pour fédérer la Suisse. Mais l’opinion veut
qu’
on l’entraîne. « On suit ceux qui marchent », dit Péguy. Elle ne vous
227
rmontables. Il y a deux sortes d’opinions : celle
que
l’on invoque, et la vraie. L’une qui sert d’alibi aux démagogues, et
228
, l’autre qui vote. La première est exactement ce
que
la presse et la radio déclarent qu’elle est. Presse et radio voudraie
229
exactement ce que la presse et la radio déclarent
qu’
elle est. Presse et radio voudraient que Dewey soit élu : on dit alors
230
déclarent qu’elle est. Presse et radio voudraient
que
Dewey soit élu : on dit alors qu’il a pour lui toute l’opinion. Truma
231
ait avant cela, bien sûr, mais elle n’a pu parler
que
dans le secret des urnes. L’opinion d’aujourd’hui, je la sens, c’est
232
l de l’Europe murmurer pudiquement, chaque année,
qu’
il reste désireux d’envisager l’étude de quelques mesures préalables t
233
important vers l’union ». Et les Anglais jugeront
qu’
ils ne peuvent s’associer à ces engagements téméraires avant d’avoir p
234
temps d’étudier leur contenu et de s’être assurés
qu’
en tous les cas cela ne peut les conduire absolument à rien. Soyons fr
235
ncipes, a fait jusqu’ici pratiquement plus de mal
que
de bien à notre cause à tous. On me dira que si l’on se contente d’af
236
mal que de bien à notre cause à tous. On me dira
que
si l’on se contente d’affirmer des principes sans les mettre en prati
237
pe qui se moque des principes vaut beaucoup moins
qu’
une Amérique qui les professe, et ne vaut rien en face des Russes qui
238
rase est vague. Les actes sont parfois plus vains
que
les paroles. Lancer un timbre européen, ce serait un acte enfin, quel
239
peu déçus, et Staline très content. Voici l’acte
que
je vous propose, au nom de l’opinion qui ne parle pas encore. Messieu
240
l’Europe sans informer ses peuples, et du danger
qu’
ils courent, et de la parade puissante que pourrait constituer notre f
241
danger qu’ils courent, et de la parade puissante
que
pourrait constituer notre fédération. On n’informera pas les peuples
242
’agitation, d’émulation, de polémique européenne,
que
nulle autre méthode ne saurait provoquer. Si vous me dites… La
243
telle campagne, c’est de faire sentir aux peuples
qu’
elle comporte un enjeu, et que leur sort peut changer, matériellement
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sentir aux peuples qu’elle comporte un enjeu, et
que
leur sort peut changer, matériellement aussi, selon l’issue des élect
245
’issue des élections. En d’autres termes, il faut
que
le Parlement issu des élections ait quelque chose à faire. Qu’un but
246
ent issu des élections ait quelque chose à faire.
Qu’
un but concret soit assigné à ses travaux. Je n’en vois pour ma part q
247
assigné à ses travaux. Je n’en vois pour ma part
qu’
un seul : discuter et voter un projet bien précis de Constitution fédé
248
s n’acceptez pas, vous ne trouverez derrière vous
que
le vide et l’indifférence ; et devant vous, le rire des hommes d’acie
249
ous, le rire des hommes d’acier. Si vous me dites
que
c’est prématuré, je vous supplierai de déclarer clairement à quel mom
250
, cela cessera d’être prématuré. Si vous me dites
que
c’est très joli, mais qu’il faut qu’on vous laisse du temps, je vous
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aturé. Si vous me dites que c’est très joli, mais
qu’
il faut qu’on vous laisse du temps, je vous proposerai de l’obtenir de
252
ous me dites que c’est très joli, mais qu’il faut
qu’
on vous laisse du temps, je vous proposerai de l’obtenir de Staline. C
253
r en Europe il y en a peu. Si vous me dites enfin
que
c’est plus difficile que je n’ai l’air de le penser dans ma candeur n
254
. Si vous me dites enfin que c’est plus difficile
que
je n’ai l’air de le penser dans ma candeur naïve, je vous demanderai
255
que chose au monde est plus difficile à concevoir
que
le maintien du statu quo, que la vie, la durée de notre Europe divisé
256
fficile à concevoir que le maintien du statu quo,
que
la vie, la durée de notre Europe divisée, devant toutes les menaces q
257
e notre Europe divisée, devant toutes les menaces
que
vous savez : un régime social déficient, le chômage étendu, la ruine
258
ions de l’armée rouge. D’une part, on peut penser
qu’
au point où nous en sommes, il n’y a presque plus rien à perdre. Que r
259
s en sommes, il n’y a presque plus rien à perdre.
Que
risquez-vous à tenter l’impossible ? D’autre part, il est sûr qu’il y
260
à tenter l’impossible ? D’autre part, il est sûr
qu’
il y aurait tout à perdre, même l’espoir, à ne point risquer la derniè
261
! Messieurs les députés, faut-il vous dire encore
que
je ne suis rien qu’une voix presque désespérée, et sans autre pouvoir
262
tés, faut-il vous dire encore que je ne suis rien
qu’
une voix presque désespérée, et sans autre pouvoir que de vous adjurer
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ne voix presque désespérée, et sans autre pouvoir
que
de vous adjurer de la part des millions qui se taisent mais qui ont p
264
rès bien qu’une partie d’entre vous m’approuve et
qu’
une autre ne dit pas non. Dans un mouvement de passion, je m’écriais l
265
e ne pourra la défendre. Personne ne veut mourir,
que
pour des raisons de vivre. Mozart n’en est plus une pour les chômeurs
266
ire, si quelqu’un nous propose une autre solution
que
l’Autorité fédérale, souveraine au-dessus des États. Messieurs les dé
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extrait des cinq Lettres aux députés européens
que
Denis de Rougemont écrivit à l’occasion de la session de Strasbourg.