1 1946, Combat, articles (1946–1950). Ni secret ni défense (19-20 mai 1946)
1 tomique. Ils essaient d’enchaîner le monstre avec des agrafes de dossiers : « C’est un secret que nous gardons, c’est un dé
2 le monstre avec des agrafes de dossiers : « C’est un secret que nous gardons, c’est un dépôt sacré », disent-ils. Et sans
3 siers : « C’est un secret que nous gardons, c’est un dépôt sacré », disent-ils. Et sans l’avis d’aucun savant autorisé, il
4 nt. Je leur oppose le meilleur analyste américain des choses militaire dans cette guerre, et le corps unanime des savants.
5 militaire dans cette guerre, et le corps unanime des savants. M. Hanson W. Baldwin l’a fort bien expliqué dans le New York
6 is, ou les Danois peut-être. Et je ne connais pas un seul physicien qui n’ait nié expressément, et en toute occasion publi
7 u possible de la moindre défense effective contre un raid atomique par surprise. ⁂ Voici cependant l’état de l’opinion amé
8 faits. M. George Gallup vient d’établir que 71 % des citoyens de son pays « refusent de livrer le contrôle de la bombe aux
9 ut être gardé ». D’où je déduis que la proportion des Américains raisonnables (j’entends capables de rapprocher deux idées
10 s capables de rapprocher deux idées et d’en tirer une conclusion logique) est au plus de 35 %. Est-ce peu ou beaucoup pour
11 est au plus de 35 %. Est-ce peu ou beaucoup pour un peuple ? Je n’en jugerais qu’après un essai en Europe. Il est clair q
12 aucoup pour un peuple ? Je n’en jugerais qu’après un essai en Europe. Il est clair que l’opinion publique est égarée par s
13 rait ces procédés, leur mise en œuvre supposerait un état de mobilisation permanente qui, sous prétexte d’éviter la guerre
14 ous prétexte d’éviter la guerre, tuerait la paix. Une partie de la population serait employée à surveiller le ciel, l’autre
15 aque, nous ne saurons pas qui a tiré. Supposez qu’ un petit pays, disons la Suisse, manufacture une douzaine de bombes. Ce
16 z qu’un petit pays, disons la Suisse, manufacture une douzaine de bombes. Ce n’est pas une question d’argent comme on le cr
17 manufacture une douzaine de bombes. Ce n’est pas une question d’argent comme on le croit (les grosses dépenses ont été fai
18 sez maintenant que ce petit pays, pour se tirer d’ un mauvais pas, envoie deux ou trois bombes sur New York. (Je prends l’e
19 n n’aille pas y voir je ne sais quelle allusion à des circonstances trop réelles.) L’Amérique ne doute pas un instant que l
20 constances trop réelles.) L’Amérique ne doute pas un instant que les projectiles ne viennent de Russie. Il est trop tard p
21 iennent de Russie. Il est trop tard pour échanger des notes et des coups de chapeau haut de forme. Voilà Moscou et Kiev en
22 ssie. Il est trop tard pour échanger des notes et des coups de chapeau haut de forme. Voilà Moscou et Kiev en ruines dans l
23 ction. En vingt-quatre heures, l’Occident a vécu. Un éclair tombant du ciel bleu, — l’expression est devenue si vraie qu’e
24 devenue si vraie qu’elle a cessé de nous frapper. Une apathie étrange me semble s’établir dans les masses comme chez ceux q
2 1946, Combat, articles (1946–1950). Paralysie des hommes d’État (21 mai 1946)
25 Paralysie des hommes d’État (21 mai 1946)b Notre monde du milieu du xxe siècle
26 qu’on nomme les trois Grands. Ils se composent d’ un loup déguisé en mouton et de deux moutons vêtus de leur vraie peau. C
27 rs paraissent impuissants à décréter les moyens d’ une paix pourtant facile à concevoir : donner la Bombe au gouvernement mo
28 tuer les indigènes qui se révoltent à Java contre un impérialisme démodé. Truman voudrait la paix, car le commerce et l’in
29 et à la peur (elle-même créatrice de conflits) d’ un conflit avec la Russie. Sans doute sont-ils tous les trois convaincus
30 non pas celle de la paix. Ils agissent donc comme des irresponsables, provoquant ce qu’ils veulent éviter. Et le public a l
31 vant le monde à unifier, ils paraissent frappés d’ un vertige. Ils ne voient rien. Cette absence de pensée est plus dangere
32 ent, ils n’ont pas le temps. Pourquoi ? J’en vois une raison simple. Parce qu’ils gouvernent leur nation, et que c’est asse
33 leur nation, et que c’est assez ou même trop pour un homme, tandis que le problème est mondial. La Bombe est un cas intern
34 tandis que le problème est mondial. La Bombe est un cas international, qui ne peut être résolu qu’à une échelle planétair
35 n cas international, qui ne peut être résolu qu’à une échelle planétaire : or, ces messieurs sont absorbés par la défense d
36 s locaux dits nationaux, trente visites par jour, des inaugurations, des banquets et des nominations. Il est clair que, pou
37 naux, trente visites par jour, des inaugurations, des banquets et des nominations. Il est clair que, pour gouverner les nat
38 ites par jour, des inaugurations, des banquets et des nominations. Il est clair que, pour gouverner les nations, la premièr
39 ère condition requise est de n’être pas le chef d’ une grande nation. Mais qui l’a dit, jusqu’à ce jour ? Chacun sait que l’
40 it, jusqu’à ce jour ? Chacun sait que l’arbitre d’ un match n’est jamais le capitaine d’une des équipes. Qui l’a rappelé au
41 l’arbitre d’un match n’est jamais le capitaine d’ une des équipes. Qui l’a rappelé au sujet des trois Grands ? Chacun sait
42 rbitre d’un match n’est jamais le capitaine d’une des équipes. Qui l’a rappelé au sujet des trois Grands ? Chacun sait que,
43 taine d’une des équipes. Qui l’a rappelé au sujet des trois Grands ? Chacun sait que, pour arbitrer la lutte entre les cont
44 entre les continents, il faut d’autres talents et un autre savoir que pour équilibrer les démocrates du Sud et ceux du Nor
45 ord en présence des républicains, tout en gardant un œil sur la gauche naissante, le Sénat, le Congrès, les fonctionnaires
46 orcé de les traiter d’usurpateurs. L’incompétence des commandants en chef n’est-elle pas jugée criminelle par l’opinion pub
47 ricains : — Imaginez-vous ce pays conduit non par un cabinet fédéral, mais par les gouverneurs des quarante-huit États de
48 par un cabinet fédéral, mais par les gouverneurs des quarante-huit États de l’Union ? — Ce serait absurde, me disent-ils.
49 que nous offre, à quelques nuances près, le plan des Nations unies. Vos États n’ont fait un pays qu’en unissant leurs peup
50 , le plan des Nations unies. Vos États n’ont fait un pays qu’en unissant leurs peuples, et non leurs chefs, qui se sont ef
51 s, et non leurs chefs, qui se sont effacés devant un pouvoir nouveau, sorti du peuple… Mais si l’on touche à l’idée de nat
52 trois hommes surchargés, débordés, qui n’ont pas une minute pour réfléchir, et qui représentent les intérêts de leur natio
53 t évident, car les visions de l’avenir naissent d’ un loisir intense. Or, ils ont à recevoir des députés… Seule, une cour i
54 ssent d’un loisir intense. Or, ils ont à recevoir des députés… Seule, une cour internationale, formée d’hommes désignés par
55 tense. Or, ils ont à recevoir des députés… Seule, une cour internationale, formée d’hommes désignés par la voie populaire,
56 elle donner le choc nécessaire pour alerter enfin une opinion mondiale ? Avant ce début de juillet, puissent les trois Gran
57 rdre la boule ! Car le fait est qu’il n’y en a qu’ une de boule, comme disait à peu près le regretté Willkie, et qu’une erre
58 omme disait à peu près le regretté Willkie, et qu’ une erreur unique, désormais, pourrait la rendre folle à tout jamais. b
59 out jamais. b. Rougemont Denis de, « Paralysie des hommes d’État », Combat, Paris, 21 mai 1946, p. 1.
3 1946, Combat, articles (1946–1950). Tous démocrates (22 mai 1946)
60 crates (22 mai 1946)c Je fus hier soir visiter un ami qui aime à se dire « un anarchiste catholique ». (Je le crois seu
61 fus hier soir visiter un ami qui aime à se dire «  un anarchiste catholique ». (Je le crois seul de son parti.) Il avait l’
62 . (Je le crois seul de son parti.) Il avait l’air un peu nerveux. Voici notre conversation : Moi. — Contre qui écrivez-vo
63 ivez-vous aujourd’hui ? Lui. — Je fais le plan d’ une trilogie sur les trois grands régimes politiques de ce siècle. Je vai
64 iquidation, évaporation ! (Il prononça ces mots d’ un ton rageur, qui me fit éclater de rire.) Moi. — Quel beau programme 
65 el beau programme ! Avouez que nous sortons enfin des petitesses de l’ère bourgeoise, succédant aux ténèbres du Moyen Âge.
66 nternational. Moi. — Pas d’accord ! Je distingue un espoir. Des trois régimes dont vous parlez, l’un est écrasé. Les deux
67 l. Moi. — Pas d’accord ! Je distingue un espoir. Des trois régimes dont vous parlez, l’un est écrasé. Les deux qui restent
68 lieu de défendre la Démocratie, en bloc, et comme une étiquette, contre ses adversaires déclarés, nous allions enfin pouvoi
69 table de la démocratie, sans passer aussitôt pour des fascistes. Lui. — Autant dire que votre mot démocratie a perdu tout
70 e votre mot démocratie a perdu tout son pouvoir ! Une étiquette qui s’applique à tous les partis et à toutes les nations du
71 ons du globe ne signifie plus rien. Ou bien c’est un mensonge et une hypocrisie. Je vais vous en donner un exemple. Les So
72 signifie plus rien. Ou bien c’est un mensonge et une hypocrisie. Je vais vous en donner un exemple. Les Soviets, qui se di
73 ensonge et une hypocrisie. Je vais vous en donner un exemple. Les Soviets, qui se disent démocrates, dénonçaient naguère e
74 ’elle répugne, entre autres, à la nationalisation des banques. Peut-être a-t-elle tort, mais on n’a pas manqué de répondre
75 otre effort, désormais, non plus sur la défense d’ un mot, d’un terme vague que personne n’attaque, mais sur la définition
76 t, désormais, non plus sur la défense d’un mot, d’ un terme vague que personne n’attaque, mais sur la définition d’une réal
77 que personne n’attaque, mais sur la définition d’ une réalité que ce terme symbolise et parfois dissimule : qu’est-ce que l
78 débat. Si nous le reconnaissons, nous aurons fait un grand progrès, le seul peut-être que la guerre pouvait permettre… Lu
79 e. La liberté est certainement le problème numéro un de notre temps : car les problèmes se posent quand les choses s’en vo
4 1946, Combat, articles (1946–1950). Les cochons en uniforme ou le nouveau Déluge (23 mai 1946)
80 1945-1946, le gouvernement américain fit annoncer une expérience sensationnelle : au mois de mai ou de juillet, une ou deux
81 ce sensationnelle : au mois de mai ou de juillet, une ou deux bombes seraient jetées sur une flotte de cent bâtiments de gu
82 e juillet, une ou deux bombes seraient jetées sur une flotte de cent bâtiments de guerre réunie dans la baie de Bikini, Pac
83 réparatifs de l’expérience, j’en retiens deux. 1° Une mission de savants américains formée de quatorze biologistes, botanis
84 le de Bikini. L’objet de la mission est d’établir un relevé complet de tous les êtres vivants sur l’île. C’est une mission
85 omplet de tous les êtres vivants sur l’île. C’est une mission fort analogue que Noé reçut du Seigneur peu de temps avant le
86 irrésistiblement, à la légende de l’arche de Noé. Une précision supplémentaire, à propos des cochons : l’on a remarqué que
87 propos des cochons : l’on a remarqué que la peau des cochons est fort semblable à celle de l’homme. La sensibilité de l’un
88 , d’uniformes réguliers de la marine, imprégnés d’ une substance capable d’absorber les rayons gamma. Ceux-ci, comme vous le
89 nos savants se perdent en conjectures, j’en tire une conclusion définitive, quoique préalable. Pour la première, fois dans
90 , fois dans l’Histoire, l’uniforme sera porté par des cochons, au sens le plus scientifique de ce terme. Quand je vous disa
91 je vous disais que la guerre est morte, la guerre des militaires, la vraie ! Quand je vous disais que ses règles sacrées so
92 er. Il vaut la peine de remarquer, enfin, que pas une voix ne s’est élevée, du côté des fervents de l’Armée, pour protester
93 enfin, que pas une voix ne s’est élevée, du côté des fervents de l’Armée, pour protester contre une profanation si littéra
94 té des fervents de l’Armée, pour protester contre une profanation si littéralement éclatante. Au contraire, toute la résist
95 dire, du côté opposé. C’est la Ligue protectrice des animaux d’un des États de l’Est de l’Amérique qui a pris l’initiative
96 opposé. C’est la Ligue protectrice des animaux d’ un des États de l’Est de l’Amérique qui a pris l’initiative d’un mouveme
97 posé. C’est la Ligue protectrice des animaux d’un des États de l’Est de l’Amérique qui a pris l’initiative d’un mouvement d
98 de l’Est de l’Amérique qui a pris l’initiative d’ un mouvement d’opinion contre les essais projetés. Cette Ligue demande q
99 de sacrifier tant d’innocentes victimes, et dans une posture si ridicule, on place sur les navires les membres du Congrès
5 1946, Combat, articles (1946–1950). Post-scriptum (24 mai 1946)
100 Post-scriptum (24 mai 1946)e Un dernier mot. (Et dire que j’allais l’oublier !) La Bombe n’est pas da
101 énements qui nous menacent à bout portant. La fin des armées, par exemple. Mais cela ne serait rien encore, quoi qu’en pens
102 ’Hiroshima nous ait jetés pour quelque temps dans un état d’esprit d’Apocalypse. Mais dix mois ont passé, et rien ne se pa
103 out, nous devions le prévoir, car nous avons vécu un précédent : la guerre des gaz. Tout le monde s’y préparait, vous rapp
104 oir, car nous avons vécu un précédent : la guerre des gaz. Tout le monde s’y préparait, vous rappelez-vous ? Dans toutes le
105 boîte à masque en bandoulière. Eh bien, la guerre des gaz n’a pas eu lieu, parce que tout le monde en avait une peur bleue,
106 n’a pas eu lieu, parce que tout le monde en avait une peur bleue, et que personne, même pas Hitler, n’a eu le courage de co
107 cours aux gaz, c’est entendu. Mais pensez-vous qu’ une timidité subite l’ait arrêté, ou quelque amour tardif de notre humani
108 ster, c’est-à-dire jouera militairement le rôle d’ une bataille décisive. Elle supprimera donc les scrupules de l’agresseur
109 entuel. Car nos scrupules naissent, en général, d’ une rapide évaluation des conséquences fâcheuses, pour nous-mêmes, de nos
110 les naissent, en général, d’une rapide évaluation des conséquences fâcheuses, pour nous-mêmes, de nos actes. Si l’emploi de
111 tes-vous : la Bombe n’est pas dangereuse ? — Pour une raison très simple. La Bombe est un objet. Les objets ne sont jamais
112 use ? — Pour une raison très simple. La Bombe est un objet. Les objets ne sont jamais dangereux. ⁂ Ce qui est dangereux, h
113 e prépare à l’employer. Quand je vois qu’on nomme des comités pour la retenir ! Comme si elle était tombée du ciel, animée
114 du ciel, animée de mauvaises intentions ! C’est d’ un comique démesuré. Le contrôle de la Bombe, que l’on discute à longueu
115 ontrôler cet objet inerte ? C’est comme si tout d’ un coup l’on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser les
116 C’est comme si tout d’un coup l’on se jetait sur une chaise pour l’empêcher d’aller casser les vases de Chine. Si on laiss
117 e donc pas d’histoires. Ce qu’il nous faut, c’est un contrôle de l’homme. — Ah ! ça, c’est une autre question. — C’est la
118 t, c’est un contrôle de l’homme. — Ah ! ça, c’est une autre question. — C’est la question de l’Autre. C’est la seule. On ne
119 bien le progrès le plus sensationnel du siècle. — Un progrès ? — Oui, j’appelle ainsi tout ce qui nous rapproche des vraie
120 — Oui, j’appelle ainsi tout ce qui nous rapproche des vraies questions, et nous oblige à y faire face. e. Rougemont Deni
6 1946, Combat, articles (1946–1950). Bikini bluff (2 juillet 1946)
121 1946)f g À l’heure qu’il est, on ne sait rien des cochons. Peut-être les prières dites en l’église de Carliste, en Angl
122 u à toutes nos espérances. Nous comptons en tirer des renseignements d’une valeur inestimable. » On ne saurait mieux dire,
123 nces. Nous comptons en tirer des renseignements d’ une valeur inestimable. » On ne saurait mieux dire, étant un amiral. Oui,
124 ur inestimable. » On ne saurait mieux dire, étant un amiral. Oui, l’expérience a répondu à l’espérance des amiraux du mond
125 amiral. Oui, l’expérience a répondu à l’espérance des amiraux du monde entier, qui est, en somme, de rester des amiraux. Et
126 aux du monde entier, qui est, en somme, de rester des amiraux. Et sa valeur ne saurait être exagérée, encore qu’elle soit a
127 ur le Département de la Marine américaine. Depuis des mois, de nombreux organes de la grande presse américaine mettaient en
128 Bikini. Tout cela n’était, nous disaient-ils, qu’ un complot pseudo-scientifique pour démontrer la valeur éternelle des cu
129 o-scientifique pour démontrer la valeur éternelle des cuirassés et porte-avions. Le grand danger, le vrai danger de l’expér
130 ’était qu’elle ratât, conformément aux prévisions des amiraux, et qu’elle rassurât faussement les peuples quant aux risques
131 e les savants sérieux se sont tous rangés du côté des adversaires de l’expérience. Trois jours avant le lancement de la bom
132 enheimer, qui fut le chef et la cheville ouvrière des expériences du Nouveau-Mexique et de l’ensemble du « Projet Manhattan
133 aites à la presse par les trois plus grands chefs des forces armées américaines, au cours de l’hiver dernier. « La bombe ne
134 à qui est fait. Sur quoi le général Arnold, après des phrases de condoléances sur les fantassins et les marins, suggérait q
135 avants. Or, les savants persistent à nous prédire des catastrophes continentales, pour le jour de la grande expérience d’un
136 inentales, pour le jour de la grande expérience d’ une explosion atomique sous-marine. Ils jugent la bombe du type Nagasaki
137 s lieu de se réjouir trop bruyamment de la survie des deux-cents cochons en uniformes. Les habitants d’Hiroshima n’ont pas
138 ts. Et le seul moyen d’accélérer l’instauration d’ un tel gouvernement — qui pourrait être l’ONU si elle existait autrement
139 avec toutes nos complicités et ne saurait être qu’ une guerre civile que le genre humain se fait « à lui-même », les premièr
140 lui-même », les premières bases psychologiques d’ une paix réelle seront posées. f. Rougemont Denis de, « Bikini bluff »
7 1946, Combat, articles (1946–1950). Les intellectuels sont-ils responsables ? (5 juillet 1946)
141 1946)h i Chose étrange, le 6 février 1934 fut une date de l’histoire littéraire : elle inaugura le temps des moutons en
142 de l’histoire littéraire : elle inaugura le temps des moutons enragés. Fatigués de leur innocence, voyant que l’herbe se fa
143 ’avaient plus de berger, aux éclairs de chaleur d’ une révolution encore lointaine, ils se sont jetés dans le premier parc v
144 , à gauche ou à droite, et depuis lors y bêlent d’ une voix aigre et anxieuse, tout en signant une quantité de manifestes. I
145 ent d’une voix aigre et anxieuse, tout en signant une quantité de manifestes. Ils ont signé pour le négus et contre lui ; p
146 égus et contre lui ; pour le chef bien-aimé, Père des peuples, et pour ses innocentes victimes, vipères lubriques ; pour Fr
147 , contre le Japon, à propos du tsar, à M. Bénès ; des deux mains, des quatre pattes, les yeux fermés, d’une croix, d’une fa
148 n, à propos du tsar, à M. Bénès ; des deux mains, des quatre pattes, les yeux fermés, d’une croix, d’une faucille et d’un m
149 deux mains, des quatre pattes, les yeux fermés, d’ une croix, d’une faucille et d’un marteau, ou avec plus ou moins de rétic
150 es quatre pattes, les yeux fermés, d’une croix, d’ une faucille et d’un marteau, ou avec plus ou moins de réticences ; d’un
151 les yeux fermés, d’une croix, d’une faucille et d’ un marteau, ou avec plus ou moins de réticences ; d’un nom connu, d’un n
152 marteau, ou avec plus ou moins de réticences ; d’ un nom connu, d’un nom à faire connaître… Bref, il n’est pas un acte com
153 c plus ou moins de réticences ; d’un nom connu, d’ un nom à faire connaître… Bref, il n’est pas un acte commis dans le mond
154 u, d’un nom à faire connaître… Bref, il n’est pas un acte commis dans le monde, depuis quatre ans, qui n’ait été vertement
155 s quatre ans, qui n’ait été vertement dénoncé pas des « intellectuels » français. Mais si le monde ne s’en porte pas mieux,
156 es conflits et refusaient d’être considérés comme des citoyens responsables, ils étaient au moins en accord avec l’esprit g
157 vec l’esprit général de l’époque : intelligence d’ un côté, action de l’autre, et surtout ne mélangeons rien. Tributaires d
158 tre, et surtout ne mélangeons rien. Tributaires d’ une culture dont l’ambition suprême était de se « distinguer » des contin
159 ont l’ambition suprême était de se « distinguer » des contingences, ils étaient au moins purs dans leur erreur. Les modalit
160 Et leur style traduisait fidèlement les nuances d’ une pensée détachée, irresponsable par définition. Il n’y a pas que du ma
161 mporte quoi, sans tenir compte de l’époque, était une illusion entretenue par l’apparente paix sociale, mais que l’échéance
162 contractées par l’esprit ne laissaient même plus une possibilité de concordat. Déjà les dictatures réglaient les comptes.
163 arler d’esprit, je désarme mon revolver », disait un officier nazi. Les staliniens faisaient de même en présence du libéra
164 ité totalitaire. On nous propose donc de défendre une maladie contre la mort, à quoi elle mène nécessairement. Au lieu de n
165 elle mène nécessairement. Au lieu de nous refaire une santé. Au lieu de nous proposer une cure de désintoxication énergique
166 nous refaire une santé. Au lieu de nous proposer une cure de désintoxication énergique. Au lieu de rechercher les moyens d
167 t dont tout le monde abuse aujourd’hui. ⁂ Pour qu’ une pensée s’engage dans le réel, il ne faut pas ni ne saurait suffire qu
168 t pas ni ne saurait suffire qu’elle se soumette à des réalités dont elle ignore ou répudie la loi interne : la tactique d’u
169 ignore ou répudie la loi interne : la tactique d’ un parti par exemple. Ce n’est pas dans l’utilisation accidentelle et pa
170 as dans l’utilisation accidentelle et partisane d’ une pensée que réside son engagement. C’est, au contraire, dans sa démarc
171 utôt que là. Ce n’est pas passer de l’esclavage d’ une mode à celui d’une tactique politique. Ce n’est pas du tout devenir e
172 st pas passer de l’esclavage d’une mode à celui d’ une tactique politique. Ce n’est pas du tout devenir esclave d’une doctri
173 politique. Ce n’est pas du tout devenir esclave d’ une doctrine, mais au contraire, c’est se libérer et assumer les risques
174 sembler paradoxal de soutenir que l’engagement d’ une pensée suppose sa libération. En vérité, c’est le libéralisme qui a r
175 a répandu l’idée que l’engagement ne peut être qu’ un esclavage. La liberté réelle n’a pas de pires ennemis que les libérau
176 seurs les plus violemment libres du xixe siècle, un Nietzsche, un Kierkegaard, un Baudelaire1, ont été les plus violemmen
177 violemment libres du xixe siècle, un Nietzsche, un Kierkegaard, un Baudelaire1, ont été les plus violemment engagés dans
178 es du xixe siècle, un Nietzsche, un Kierkegaard, un Baudelaire1, ont été les plus violemment engagés dans la réalité. Et
179 s à ce mot d’engagement. ⁂ Je l’ai dit ailleurs : un gant qui se retourne ne devient pas pour si peu une main vivante et a
180 n gant qui se retourne ne devient pas pour si peu une main vivante et agissante. Un libéral qui se soumet aux directives d’
181 nt pas pour si peu une main vivante et agissante. Un libéral qui se soumet aux directives d’un parti ne devient pas pour s
182 ssante. Un libéral qui se soumet aux directives d’ un parti ne devient pas pour si peu un penseur engagé. Et il ne faudrait
183 directives d’un parti ne devient pas pour si peu un penseur engagé. Et il ne faudrait pas que ces trahisons insignes ridi
184 insignes ridiculisent toute espèce d’engagement. Une pensée qui, par sa nature et son mouvement originel, est libérale, ir
185 able du seul fait qu’elle se met « au service » d’ une doctrine de lutte politique. Faire la révolution, cela demande un eff
186 utte politique. Faire la révolution, cela demande un effort un peu plus grand, et d’une autre nature, que l’effort de sign
187 ique. Faire la révolution, cela demande un effort un peu plus grand, et d’une autre nature, que l’effort de signer un mani
188 n, cela demande un effort un peu plus grand, et d’ une autre nature, que l’effort de signer un manifeste ou de s’inscrire da
189 nd, et d’une autre nature, que l’effort de signer un manifeste ou de s’inscrire dans les rangs d’une ligue. On rougit de r
190 er un manifeste ou de s’inscrire dans les rangs d’ une ligue. On rougit de rappeler de tels truismes. Mais on y est bien for
191 nçaise. Précisons donc encore : la première tâche des intellectuels qui ont compris le péril totalitaire (de droite ou de g
192 nt d’eux-mêmes en rangs et marquent le pas dès qu’ une menace se précise contre les libertés françaises ! Le réflexe du libé
193 éflexe du libéral devant le péril, c’est de faire un fascisme. Fût-ce même pour se défendre du fascisme. Et peut-être surt
194 vrais libéraux, irresponsables nés2, égarés pour un temps dans les voies de « l’engagement » politique, et faisant amende
195 et la situation s’éclaircit. Voici venir le temps des vrais dangers, c’est-à-dire des vraies luttes et des vrais engagement
196 ci venir le temps des vrais dangers, c’est-à-dire des vraies luttes et des vrais engagements. 1. Baudelaire voulait que l
197 vrais dangers, c’est-à-dire des vraies luttes et des vrais engagements. 1. Baudelaire voulait que la critique des poètes
198 agements. 1. Baudelaire voulait que la critique des poètes — qu’il opposait à celle des philosophes libéraux — fût partia
199 e la critique des poètes — qu’il opposait à celle des philosophes libéraux — fût partiale, pleine de partis pris, et même p
200 ngagement” politique connaît depuis quelques mois une extrême faveur dans les milieux intellectuels et littéraires. De fait
201 cette volonté d’engagement s’exprime souvent par des attitudes assez confuses, il est vrai néanmoins que les impératifs pa
202 nous pensé qu’il serait intéressant de demander à un certain nombre d’écrivains leur opinion sur un problème qui met en ca
203 à un certain nombre d’écrivains leur opinion sur un problème qui met en cause, non seulement leur responsabilité et leur
204 anière de s’exprimer. Denis de Rougemont, qui fut un des premiers à soutenir l’engagement intellectuel, notamment dans son
205 ère de s’exprimer. Denis de Rougemont, qui fut un des premiers à soutenir l’engagement intellectuel, notamment dans son ess
206 ssant de souligner qu’il fut écrit et publié dans une revue en 1938, sous le titre : « Trop d’irresponsables s’engagent ».
8 1947, Combat, articles (1946–1950). « La tâche française c’est d’inventer la paix » (26 décembre 1947)
207 protestant Karl Barth, venu conquérir Paris voici une quinzaine d’années et que des ouvrages brillants et profonds comme P
208 nquérir Paris voici une quinzaine d’années et que des ouvrages brillants et profonds comme Penser avec les mains et L’Am
209 ent bien vite au premier rang, est le contraire d’ un amuseur. Pendant la guerre, il a mené le bon combat à l’émission « La
210 tupeur que la France ne fait rien et se perd dans une sorte d’amer byzantinisme. Dans ces conditions, êtes-vous tenté de re
211 ier, comme nous-mêmes, attend encore de la France une initiative de salut. Sans doute, cette initiative ne saurait être pol
212 t sans pitié pour les pauvres. La France a besoin des États-Unis pour sa subsistance et elle est entravée dans ses démarche
213 uniste. Elle donne ainsi l’impression d’être sous une double dépendance. Ce n’est donc pas de ses dirigeants que nous atten
214 ce française est comme paralysée, neutralisée par une double négation. Elle se refuse également à chacun des « blocs » mais
215 ouble négation. Elle se refuse également à chacun des « blocs » mais elle ne sait pas à quoi elle se donnera. Il faut, préc
216 de Rougemont, que cette double négation devienne une affirmation, sous peine de voir le monde entier sombrer avec vous dan
217 désespoir. Comment ? Je vais d’abord vous confier une chose : je ne crois pas aux « blocs ». C’est une invention des propag
218 une chose : je ne crois pas aux « blocs ». C’est une invention des propagandes. Ils n’existent que dans la mesure où on ve
219 e ne crois pas aux « blocs ». C’est une invention des propagandes. Ils n’existent que dans la mesure où on veut bien leur a
220 as exploités sur le plan passionnel, définiraient une affirmation ? J’en suis convaincu. La tâche française — encore une fo
221 is » comme le voulait Barrès, c’est non seulement une faute de méthode mais aussi une faute de français. Il faut donc que l
222 est non seulement une faute de méthode mais aussi une faute de français. Il faut donc que l’affirmation française, si elle
223 immédiatement son champ d’action. Je n’en vois qu’ un mais il est immense et à sa portée : l’Europe. C’est seulement par l’
224 nous en prenions conscience : nous ne sommes pas des petits garçons, nous sommes aussi forts et aussi riches de possibilit
225 si forts et aussi riches de possibilités qu’aucun des « colosses » du monde. Mais il faut que nous existions et que nous sa
226 actif » Cette Europe unie, sous l’impulsion d’ une nation, n’est-ce pas le rêve de Napoléon ou de Hitler ? Bien entendu.
227 dent que le rôle de la France ne sera pas celui d’ un conquérant. Le voudrait-elle qu’elle n’en a pas les moyens. Ce n’est
228 -elle qu’elle n’en a pas les moyens. Ce n’est pas une « francisation » de l’Europe qu’il s’agit de réaliser, mais que la Fr
229 is que la France devienne et soit la conscience d’ une Europe à naître. Voyez ce qui se passe en Suisse : nous autres romand
230 utres romands, nous y sommes dans la proportion d’ un tiers contre deux tiers, et pourtant notre minorité y est particulièr
231 st particulièrement active. C’est que nous sommes un pays fédéraliste. Le fédéralisme n’est pas un système de la quantité,
232 mes un pays fédéraliste. Le fédéralisme n’est pas un système de la quantité, mais de la qualité. Et croyez-vous cette Euro
233 ent. Les Américains ne demandent pas mieux : pour des raisons d’intérêt, sans doute, mais dont nous devons profiter. Quant
234 n’y aura jamais d’âge d’or. Je demande simplement un monde où les vrais problèmes soient discutés et, si possible, résolus
235 ions fécondes puissent s’exercer enfin librement. Un monde où l’on puisse « vivre ». j. Rougemont Denis de, « [Entreti
9 1948, Combat, articles (1946–1950). Message aux Européens (14 mai 1948)
236 fin. Aucun de nos pays ne peut prétendre, seul, à une défense sérieuse de son indépendance. Aucun de nos pays ne peut résou
237 lèmes que lui pose l’économie moderne. À défaut d’ une union librement consentie, notre anarchie présente nous exposera dema
238 à l’unification forcée, soit par l’intervention d’ un empire du dehors, soit par l’usurpation d’un parti du dedans. L’heure
239 on d’un empire du dehors, soit par l’usurpation d’ un parti du dedans. L’heure est venue d’entreprendre une action qui soit
240 parti du dedans. L’heure est venue d’entreprendre une action qui soit à la mesure du danger. Tous ensemble, demain, nous po
241 re temps. Jamais l’histoire du monde n’aura connu un si puissant rassemblement d’hommes libres. Jamais la guerre, la peur,
242 eur, et la misère n’auront été mises en échec par un plus formidable adversaire. Entre ce grand péril et cette grande espé
243 d’ouvrir au monde la voie qu’il cherche, la voie des libertés organisées. Elle est de ranimer ses pouvoirs d’invention pou
244 ’invention pour la défense et pour l’illustration des droits et des devoirs de la personne humaine, dont, malgré toutes ses
245 r la défense et pour l’illustration des droits et des devoirs de la personne humaine, dont, malgré toutes ses infidélités,
246 tous que nous, Européens, rassemblés pour donner une voix à tous les peuples de ce continent, déclarons solennellement not
247 ions adoptées par notre Congrès : 1° Nous voulons une Europe unie, rendue dans toute son étendue à la libre circulation des
248 due dans toute son étendue à la libre circulation des hommes, des idées et des biens. 2° Nous voulons une Charte des droits
249 te son étendue à la libre circulation des hommes, des idées et des biens. 2° Nous voulons une Charte des droits de l’homme,
250 e à la libre circulation des hommes, des idées et des biens. 2° Nous voulons une Charte des droits de l’homme, garantissant
251 s hommes, des idées et des biens. 2° Nous voulons une Charte des droits de l’homme, garantissant les libertés de pensée, de
252 es idées et des biens. 2° Nous voulons une Charte des droits de l’homme, garantissant les libertés de pensée, de réunion et
253 on et d’expression, ainsi que le libre exercice d’ une opposition politique. 3° Nous voulons une Cour de justice capable d’a
254 rcice d’une opposition politique. 3° Nous voulons une Cour de justice capable d’appliquer les sanctions nécessaires pour qu
255 ur que soit respectée la Charte. 4°) Nous voulons une Assemblée européenne, où soient représentées les forces vives de tout
256 salut public, suprême chance de la paix et gage d’ un grand avenir, pour cette génération et celles qui la suivront. l.
10 1950, Combat, articles (1946–1950). Messieurs, n’oubliez pas l’exemple de la Suisse (3 octobre 1950)
257 bien ne signifie pas grand-chose. Comment fédérer des nations qui se croient encore souveraines ? Voyons l’Histoire. Les Su
258 Au début de 1848, la Confédération n’était qu’ un pacte d’alliance entre vingt-cinq États absolument souverains. Point
259 commercial entre cantons, point de représentation des peuples. Un seul organe commun, la Diète, sorte de Comité des ministr
260 tre cantons, point de représentation des peuples. Un seul organe commun, la Diète, sorte de Comité des ministres, composé
261 Un seul organe commun, la Diète, sorte de Comité des ministres, composé de plénipotentiaires agissant au nom des États et
262 res, composé de plénipotentiaires agissant au nom des États et prenant leurs rares décisions à la majorité des trois-quarts
263 ts et prenant leurs rares décisions à la majorité des trois-quarts. Pratiquement : le « veto » paralysant un corps consulta
264 ois-quarts. Pratiquement : le « veto » paralysant un corps consultatif aux compétences douteuses et jalousement restreinte
265 bres. Niera-t-on que ce fût là, trait pour trait, un état comparable à celui de notre Europe, sauf pour le péril extérieur
266 ’était rien au regard de celui que nous courons ? Une partie de l’opinion réclamait une autorité fédérale, dotée de pouvoir
267 nous courons ? Une partie de l’opinion réclamait une autorité fédérale, dotée de pouvoirs limités mais réels. Rien d’autre
268 ndie, que l’eau peut abîmer les meubles. Il y eut une guerre civile entre cantons, qui fit voir l’impuissance du pacte. Il
269 ns, qui fit voir l’impuissance du pacte. Il y eut un long branle-bas de sociétés, de mouvements, de projets, de discours e
270 cours et de vœux. À la faveur de cette agitation, un petit groupe de jeunes chefs enthousiastes fit adopter par la Diète l
271 housiastes fit adopter par la Diète le principe d’ une révision profonde du pacte. En 1847, notons-le, rien ne semblait « pr
272 tons-le, rien ne semblait « praticable » aux yeux des réalistes. (Nous en sommes là en 1950.) La décision survint l’année s
273 Constitution est acceptée par près de deux tiers des États et plus de deux tiers des citoyens votants. Le 16 novembre, le
274 rès de deux tiers des États et plus de deux tiers des citoyens votants. Le 16 novembre, le premier Conseil fédéral, organe
275 en fonction. Le drapeau suisse est arboré à côté des drapeaux des cantons. Aucun des troubles graves, aucune des ruines pr
276 Le drapeau suisse est arboré à côté des drapeaux des cantons. Aucun des troubles graves, aucune des ruines prévues et dûme
277 est arboré à côté des drapeaux des cantons. Aucun des troubles graves, aucune des ruines prévues et dûment calculées ne se
278 ux des cantons. Aucun des troubles graves, aucune des ruines prévues et dûment calculées ne se produisirent. L’essor que pr
279 la Suisse, dès cet instant, n’a pas fléchi durant un siècle. Messieurs les députés, neuf mois avaient suffi pour fédérer 2
280 erains. Pensez-vous que l’Histoire vous en laisse un peu plus, pour unir vos États dans un plus grand péril ? Vous me d
281 s en laisse un peu plus, pour unir vos États dans un plus grand péril ? Vous me direz… Vous me direz que l’Europe es
282 rope est plus grande que la Suisse ; qu’il fallut une bonne guerre pour briser le tabou des souverainetés cantonales absolu
283 u’il fallut une bonne guerre pour briser le tabou des souverainetés cantonales absolues ; que les cantons suisses vivaient
284 que les cantons suisses vivaient ensemble depuis des siècles ; que les problèmes économiques sont plus complexes ; et qu’o
285 nse, nos modestes sagesses et les folies sublimes des grandes nations contemporaines. Mais il n’est pas exact que l’Europe
286 fallait, il y a cent ans, pour aller de Genève ou des Grisons à Berne. Pour la guerre entre vos pays, les deux dont vous so
287 es petits voisins paysans. Les sombres prévisions des réalistes quant aux effets d’une union « trop rapide » remplissaient
288 mbres prévisions des réalistes quant aux effets d’ une union « trop rapide » remplissaient nos journaux, il y a cent-trois a
289 journaux, il y a cent-trois ans : il n’en est pas une seule qui se soit vérifiée, mais pas une seule non plus qui ne repara
290 est pas une seule qui se soit vérifiée, mais pas une seule non plus qui ne reparaisse dans la bouche même de ceux qui affi
291 êmes quoi qu’il arrive, c’est qu’elles traduisent une certaine forme d’esprit, une cécité partielle devant les leçons de l’
292 qu’elles traduisent une certaine forme d’esprit, une cécité partielle devant les leçons de l’Histoire, que j’ai plus d’une
293 devant les leçons de l’Histoire, que j’ai plus d’ une raison de nommer le daltonisme politique. Messieurs les députés, n’ou
294 e retrouvera : c’est le temps de modifier non pas des paragraphes, mais l’ordre de bataille de l’Armée rouge. n. Rougem
295 otre ami Denis de Rougemont écrivit à l’intention des députés réunis à Strasbourg. La session d’été de l’Assemblée européen
296 ces lettres d’avertissement demeurent. Et il y a un redoutable abîme entre les propositions de Denis de Rougemont et les
297 opositions de Denis de Rougemont et les résultats des travaux de Strasbourg. On trouvera ici, demain, le second extrait de
11 1950, Combat, articles (1946–1950). Messieurs, on vous attend encore au pied du mur ! (4 octobre 1950)
298 nt leur parti pris de scepticisme. Les deux tiers des Européens se déclarent pour l’union, lorsqu’on les interroge. Il n’en
299 et l’autre qui les laisse tomber ; l’une qui fait des discours, l’autre qui vote. La première est exactement ce que la pres
300 n sûr, mais elle n’a pu parler que dans le secret des urnes. L’opinion d’aujourd’hui, je la sens, c’est l’Europe. Mais elle
301 le laissera parler les sceptiques parler « au nom des masses » dans l’indifférence générale. Elle laissera le Conseil de l’
302 res préalables tendant à renforcer le sentiment d’ une Solidarité qui ne saurait nuire à « l’achèvement d’une union plus int
303 olidarité qui ne saurait nuire à « l’achèvement d’ une union plus intime entre ses membres ». Les manchettes des journaux pa
304 n plus intime entre ses membres ». Les manchettes des journaux parleront d’un « pas important vers l’union ». Et les Anglai
305 embres ». Les manchettes des journaux parleront d’ un « pas important vers l’union ». Et les Anglais jugeront qu’ils ne peu
306 de l’Europe, solidement retranché dans le domaine des principes, a fait jusqu’ici pratiquement plus de mal que de bien à no
307 us. On me dira que si l’on se contente d’affirmer des principes sans les mettre en pratique, cela ne fait de mal à personne
308 l à personne. Mais cela en fait aux principes. Or une Europe qui se moque des principes vaut beaucoup moins qu’une Amérique
309 en fait aux principes. Or une Europe qui se moque des principes vaut beaucoup moins qu’une Amérique qui les professe, et ne
310 qui se moque des principes vaut beaucoup moins qu’ une Amérique qui les professe, et ne vaut rien en face des Russes qui les
311 rien en face des Russes qui les assènent. Il faut des actes, dit-on. La phrase est vague. Les actes sont parfois plus vains
312 s sont parfois plus vains que les paroles. Lancer un timbre européen, ce serait un acte enfin, quelque chose de concret. E
313 les paroles. Lancer un timbre européen, ce serait un acte enfin, quelque chose de concret. Et je me garde de sous-estimer
314 cret. Et je me garde de sous-estimer la puissance des philatélistes. Mais si Strasbourg accouche d’un timbre-poste, nous se
315 des philatélistes. Mais si Strasbourg accouche d’ un timbre-poste, nous serons un peu déçus, et Staline très content. Voic
316 trasbourg accouche d’un timbre-poste, nous serons un peu déçus, et Staline très content. Voici l’acte que je vous propose,
317 s pour consultation. Décidez de vous faire élire. Un raisonnement très simple appuie cette suggestion. On ne fera pas l’Eu
318 e fédération. On n’informera pas les peuples sans une propagande massive. Personne n’a les moyens de la financer. La seule
319 la financer. La seule solution concevable, c’est une campagne électorale organisée par les États, en vue de nommer leurs d
320 x et ouvriers. Il en résultera dans nos provinces une campagne d’agitation, d’émulation, de polémique européenne, que nulle
321 La condition à la fois nécessaire et suffisante d’ une telle campagne, c’est de faire sentir aux peuples qu’elle comporte un
322 ’est de faire sentir aux peuples qu’elle comporte un enjeu, et que leur sort peut changer, matériellement aussi, selon l’i
323 peut changer, matériellement aussi, selon l’issue des élections. En d’autres termes, il faut que le Parlement issu des élec
324 En d’autres termes, il faut que le Parlement issu des élections ait quelque chose à faire. Qu’un but concret soit assigné à
325 issu des élections ait quelque chose à faire. Qu’ un but concret soit assigné à ses travaux. Je n’en vois pour ma part qu’
326 signé à ses travaux. Je n’en vois pour ma part qu’ un seul : discuter et voter un projet bien précis de Constitution fédéra
327 vois pour ma part qu’un seul : discuter et voter un projet bien précis de Constitution fédérale de l’Europe. Si vous acce
328 vide et l’indifférence ; et devant vous, le rire des hommes d’acier. Si vous me dites que c’est prématuré, je vous supplie
329 visée, devant toutes les menaces que vous savez : un régime social déficient, le chômage étendu, la ruine à bref délai, le
330 , faut-il vous dire encore que je ne suis rien qu’ une voix presque désespérée, et sans autre pouvoir que de vous adjurer de
331 ne vous écrirais pas si je ne savais très bien qu’ une partie d’entre vous m’approuve et qu’une autre ne dit pas non. Dans u
332 bien qu’une partie d’entre vous m’approuve et qu’ une autre ne dit pas non. Dans un mouvement de passion, je m’écriais l’au
333 s m’approuve et qu’une autre ne dit pas non. Dans un mouvement de passion, je m’écriais l’autre jour : si vous ne voulez r
334 séparer avant d’avoir dressé, pour notre espoir, un signe ! Des raisons de vivre ! Vous n’êtes pas encore l’espoir
335 d’avoir dressé, pour notre espoir, un signe ! Des raisons de vivre ! Vous n’êtes pas encore l’espoir des peuples lib
336 ons de vivre ! Vous n’êtes pas encore l’espoir des peuples libres, ni des peuples muets de l’Est européen. Mais vous pou
337 n’êtes pas encore l’espoir des peuples libres, ni des peuples muets de l’Est européen. Mais vous pouvez le devenir et sonne
338 votre sage audace. Car si l’Europe unie n’est pas un grand espoir renaissant dans le cœur des masses, aucune armée du mond
339 n’est pas un grand espoir renaissant dans le cœur des masses, aucune armée du monde ne pourra la défendre. Personne ne veut
340 ra la défendre. Personne ne veut mourir, que pour des raisons de vivre. Mozart n’en est plus une pour les chômeurs. Et ce n
341 e pour des raisons de vivre. Mozart n’en est plus une pour les chômeurs. Et ce n’est pas une secte politique, une doctrine
342 n est plus une pour les chômeurs. Et ce n’est pas une secte politique, une doctrine partisane ou une autre, qui résoudra le
343 es chômeurs. Et ce n’est pas une secte politique, une doctrine partisane ou une autre, qui résoudra le problème du chômage,
344 as une secte politique, une doctrine partisane ou une autre, qui résoudra le problème du chômage, mais l’union de nos sacri
345 arlé pour ne rien dire, si quelqu’un nous propose une autre solution que l’Autorité fédérale, souveraine au-dessus des État
346 ion que l’Autorité fédérale, souveraine au-dessus des États. Messieurs les députés européens, je vous salue d’un vœu qui vo
347 Messieurs les députés européens, je vous salue d’ un vœu qui voudrait résumer celui de tous nos peuples aux écoutes de l’a
348 elui de tous nos peuples aux écoutes de l’avenir, un vœu mêlé d’angoisse et d’espérance : méritez votre nom, faites-vous é
349 : « Nous publions aujourd’hui le deuxième extrait des cinq Lettres aux députés européens que Denis de Rougemont écrivit à