1
L’esprit totalitaire est pour nous une menace1.
De
récents événements l’auront fait voir aux plus naïfs. Mais il n’est p
2
coup plus grave, une tentation. Il flatte au cœur
de
notre angoisse morale et matérielle le désir lâche d’un « ordre » imp
3
otre angoisse morale et matérielle le désir lâche
d’
un « ordre » imposé par la force, d’une « mise au pas » brutale qui no
4
e désir lâche d’un « ordre » imposé par la force,
d’
une « mise au pas » brutale qui nous dispense de nous sentir les respo
5
, d’une « mise au pas » brutale qui nous dispense
de
nous sentir les responsables de la cité et de l’État. D’autre part, i
6
qui nous dispense de nous sentir les responsables
de
la cité et de l’État. D’autre part, il nous tente par la promesse d’u
7
nse de nous sentir les responsables de la cité et
de
l’État. D’autre part, il nous tente par la promesse d’une communauté
8
État. D’autre part, il nous tente par la promesse
d’
une communauté restaurée, d’un coude-à-coude physique, d’une grande ca
9
tente par la promesse d’une communauté restaurée,
d’
un coude-à-coude physique, d’une grande camaraderie. Et ce sont là les
10
ommunauté restaurée, d’un coude-à-coude physique,
d’
une grande camaraderie. Et ce sont là les vraies raisons de sa puissan
11
nde camaraderie. Et ce sont là les vraies raisons
de
sa puissance. C’est sur ce terrain-là — non sur des champs de bataill
12
nce. C’est sur ce terrain-là — non sur des champs
de
bataille hypothétiques — que nous devons organiser nos résistances. ⁂
13
, me semble-t-il : D’abord il a utilisé le défaut
de
civisme qui résultait de la destruction de toute commune mesure dans
14
d il a utilisé le défaut de civisme qui résultait
de
la destruction de toute commune mesure dans la cité (ou d’un défaut t
15
défaut de civisme qui résultait de la destruction
de
toute commune mesure dans la cité (ou d’un défaut total d’éducation,
16
truction de toute commune mesure dans la cité (ou
d’
un défaut total d’éducation, comme en Russie). Ensuite il a donné une
17
commune mesure dans la cité (ou d’un défaut total
d’
éducation, comme en Russie). Ensuite il a donné une réponse à l’exigen
18
euples, déçue par les Églises chrétiennes. Défaut
de
civisme : j’en donnerai un seul exemple mais significatif. En Italie,
19
rai un seul exemple mais significatif. En Italie,
de
1920 à 1922, le parti socialiste était le plus important : 35 % des é
20
aient sans être inquiétés. Et cela, des centaines
de
fois. Comment ces crimes ont-ils pu se produire ? C’est que la police
21
tions du peuple — réactions aussitôt qualifiées «
d’
odieuses provocations marxistes ». Si le fascisme s’est imposé, c’est
22
imposé, c’est donc d’abord grâce à la protection
de
la police. Mais cela supposait la complicité des ministères libéraux
23
ne rien dire, naturellement, des grands bailleurs
de
fonds bourgeois, banquiers et dirigeants de trusts. C’est donc à une
24
leurs de fonds bourgeois, banquiers et dirigeants
de
trusts. C’est donc à une complicité quasi universelle que le fascisme
25
complicité quasi universelle que le fascisme a dû
de
s’emparer de l’État. Un peu de civisme l’eût arrêté. Sa force n’a été
26
asi universelle que le fascisme a dû de s’emparer
de
l’État. Un peu de civisme l’eût arrêté. Sa force n’a été faite que de
27
civisme l’eût arrêté. Sa force n’a été faite que
de
lâchetés accumulées, et de calculs dits « réalistes » d’une bourgeois
28
orce n’a été faite que de lâchetés accumulées, et
de
calculs dits « réalistes » d’une bourgeoisie qui s’en repent peut-êtr
29
etés accumulées, et de calculs dits « réalistes »
d’
une bourgeoisie qui s’en repent peut-être aujourd’hui…2 Ne croyez pas
30
pas que ce soit là une vue partiale et partisane
de
l’histoire : c’est la version très officielle des historiens fasciste
31
et 1921. 500 fascistes avaient débarqué à la gare
de
cette petite ville. Ils s’y heurtèrent à 8 gendarmes et 3 soldats, qu
32
armes et 3 soldats, qui pour une fois s’avisèrent
de
résister. Au premier coup de feu, la petite armée des chemises noires
33
e le rapport que fit à son sujet le chef fasciste
de
l’expédition. Il écrit en effet à la Centrale du Parti : « L’expéditi
34
en effet à la Centrale du Parti : « L’expédition
de
Sarzana n’est qu’un épisode normal : il devait survenir dès que le fa
35
us vrai : le totalitarisme ne saurait triompher «
de
gens disposés à tenir bon » selon l’expression de l’Italien. Or qu’es
36
de gens disposés à tenir bon » selon l’expression
de
l’Italien. Or qu’est-ce qu’un homme décidé à tenir bon ? C’est un hom
37
idé à tenir bon ? C’est un homme qui a conscience
de
ses raisons de vivre. Ce n’est pas l’homme le mieux armé, mais celui
38
? C’est un homme qui a conscience de ses raisons
de
vivre. Ce n’est pas l’homme le mieux armé, mais celui dont le moral e
39
trois grandes dictatures, on constate l’existence
d’
une sorte de loi historique : le totalitarisme n’est fort que dans la
40
s dictatures, on constate l’existence d’une sorte
de
loi historique : le totalitarisme n’est fort que dans la mesure où le
41
ez nous, sa puissance ne sera que la somme exacte
de
nos lâchetés particulières. L’exemple de Sarzana nous le prouve forte
42
e exacte de nos lâchetés particulières. L’exemple
de
Sarzana nous le prouve fortement : ce n’est pas le nombre et l’armeme
43
aient plus, que les fascistes n’ont pas rencontré
de
résistance sérieuse. De ces deux causes du succès totalitaire, déduis
44
istes n’ont pas rencontré de résistance sérieuse.
De
ces deux causes du succès totalitaire, déduisons maintenant nos princ
45
s totalitaire, déduisons maintenant nos principes
de
conduite : 1° Il nous faut restaurer l’esprit de résistance civique.
46
de conduite : 1° Il nous faut restaurer l’esprit
de
résistance civique. Et cela suppose que nous reprenions conscience de
47
e. Et cela suppose que nous reprenions conscience
de
nos raisons de vivre dans la communauté, et des devoirs qu’impliquent
48
ose que nous reprenions conscience de nos raisons
de
vivre dans la communauté, et des devoirs qu’impliquent nos libertés a
49
totalitarisme ne sera jamais que la somme exacte
de
nos lâchetés individuelles, c’est-à-dire de nos égoïsmes. 2° Il nous
50
xacte de nos lâchetés individuelles, c’est-à-dire
de
nos égoïsmes. 2° Il nous faut refaire une commune mesure vivante. Si
51
ra. Soyons donc les premiers chez nous, répondons
d’
une manière plus humaine que les totalitaires, plus vraie aussi, et pl
52
urs mystiques saura nous indiquer les vraies fins
de
la lutte. Conscience civique et conscience religieuse. J’illustrerai
53
par notre situation comme chrétiens. ⁂ L’exemple
de
la Suisse me tient à cœur à double titre : c’est ma patrie, et d’autr
54
pourrai le mieux faire saisir la portée immédiate
de
ce que j’entends quand je parle de conscience civique. Lorsque l’Alle
55
rtée immédiate de ce que j’entends quand je parle
de
conscience civique. Lorsque l’Allemagne totalitaire envahit l’Autrich
56
totalitaire envahit l’Autriche, nous fûmes saisis
d’
une angoisse soudaine : pour la première fois, depuis des siècles, nou
57
, nous concevions la possibilité, même théorique,
d’
un démembrement de notre État. La première réaction de notre opinion f
58
la possibilité, même théorique, d’un démembrement
de
notre État. La première réaction de notre opinion fut aussi la plus n
59
démembrement de notre État. La première réaction
de
notre opinion fut aussi la plus naturelle et la plus instinctive : «
60
l du danger, armons-nous ! » L’instinct ancestral
de
l’homme, c’est de parer à la violence par une violence du même ordre.
61
s-nous ! » L’instinct ancestral de l’homme, c’est
de
parer à la violence par une violence du même ordre. Cette solution es
62
somme qu’un réflexe. Elle ne suppose aucun effort
de
l’esprit, aucune espèce d’imagination. Et c’est aussi pourquoi elle e
63
e suppose aucun effort de l’esprit, aucune espèce
d’
imagination. Et c’est aussi pourquoi elle est de beaucoup la plus fréq
64
e d’imagination. Et c’est aussi pourquoi elle est
de
beaucoup la plus fréquente et la plus populaire. J’ai à cœur cependan
65
uente et la plus populaire. J’ai à cœur cependant
de
montrer son danger pour nous Suisses. Et je voudrais, à titre personn
66
ations qui glorifient la guerre ? La vraie raison
de
la course aux armements, c’est l’incapacité où se trouvent les États,
67
les États, capitalistes ou soviétique d’ailleurs,
d’
occuper leurs chômeurs autrement qu’en leur faisant fabriquer des obus
68
n curieux, si l’on y réfléchit. Quand il y a trop
de
médecins dans un pays, et donc chômage dans la profession médicale, p
69
rofession médicale, personne n’a jamais eu l’idée
de
proposer qu’on donne la peste à toute la nation. Or c’est à peu près
70
c ce qui doit le faire mourir. C’est la politique
de
Gribouille : pour éviter la pluie, on se jette à l’eau. Autre danger
71
se jette à l’eau. Autre danger : si l’on accepte
de
jouer le jeu des armements, l’effrénée concurrence conduit l’État qui
72
peu près au niveau du voisin, à perdre la mesure
de
ce qu’il peut dépenser sans s’affaiblir. Les armements deviennent tro
73
supposez que cette question soit résolue au mieux
de
nos possibilités de vie normale. Il s’agira maintenant d’utiliser les
74
uestion soit résolue au mieux de nos possibilités
de
vie normale. Il s’agira maintenant d’utiliser les armes. Nul n’ignore
75
ossibilités de vie normale. Il s’agira maintenant
d’
utiliser les armes. Nul n’ignore que la guerre moderne est devenue la
76
nue la guerre totale. C’est dire qu’il n’y a plus
de
distinction entre civils et militaires, selon la doctrine officielle
77
et militaires, selon la doctrine officielle dite
de
la nation armée. Mussolini l’a très bien dit : « La discipline milita
78
t nous mettre, les démocraties seront contraintes
d’
adopter peu à peu un régime politique qui les transformera automatique
79
se que représente le fascisme, elles auront moins
de
dynamisme. Ainsi, sous prétexte de vivre, elles perdront leurs raison
80
s prétexte de vivre, elles perdront leurs raisons
de
vivre. Voici donc le dilemme que nous pose ce mimétisme totalitaire :
81
mais alors la guerre est moralement perdue avant
d’
être livrée, puisque la conception totalitaire s’est déjà installée ch
82
ant que Suisses, car elle menace l’existence même
de
notre État. Réagir à la menace totalitaire sur le plan de la défense
83
État. Réagir à la menace totalitaire sur le plan
de
la défense armée, et tout subordonner à cela, c’est introduire chez n
84
nner à cela, c’est introduire chez nous le cheval
de
Troie. La guerre totale en effet suppose l’unification totalitaire d’
85
totale en effet suppose l’unification totalitaire
d’
un pays. Ou sinon, c’est qu’elle est très mal préparée. Or ce processu
86
ition fédérale, tradition qui est la seule raison
d’
être de notre État. Se placer sur le plan de la guerre totale et de sa
87
édérale, tradition qui est la seule raison d’être
de
notre État. Se placer sur le plan de la guerre totale et de sa prépar
88
aison d’être de notre État. Se placer sur le plan
de
la guerre totale et de sa préparation civile en temps de paix, cela é
89
tat. Se placer sur le plan de la guerre totale et
de
sa préparation civile en temps de paix, cela équivaut pratiquement à
90
uerre totale et de sa préparation civile en temps
de
paix, cela équivaut pratiquement à faire du nationalisme. Et il est a
91
tiquement à faire du nationalisme. Et il est aisé
de
voir que le nationalisme, en Suisse, signifierait bientôt le partage
92
lisme, en Suisse, signifierait bientôt le partage
de
notre État en trois nations. Ce serait la négation la plus radicale d
93
rait la négation la plus radicale des bases mêmes
de
la Confédération. Souvenons-nous du sort de l’Autriche ! Si ce pays a
94
mêmes de la Confédération. Souvenons-nous du sort
de
l’Autriche ! Si ce pays a succombé, ce n’est point tant qu’il ait céd
95
urtout, c’est essentiellement parce qu’il doutait
de
sa valeur propre et autonome, parce qu’il doutait de sa vocation, de
96
sa valeur propre et autonome, parce qu’il doutait
de
sa vocation, de sa raison d’être comme État ; parce qu’il était miné
97
et autonome, parce qu’il doutait de sa vocation,
de
sa raison d’être comme État ; parce qu’il était miné par une intime t
98
parce qu’il doutait de sa vocation, de sa raison
d’
être comme État ; parce qu’il était miné par une intime tentation de s
99
; parce qu’il était miné par une intime tentation
de
suicide totalitaire. Leçon capitale pour la Suisse ! Un État qui ne
100
oisin, un tel État ne peut pas compter sur l’aide
d’
autrui. Nous ne pouvons compter sur cette aide que dans la mesure où n
101
représente et qui incarne le seul avenir possible
d’
une Europe pacifique. Si nous restons cela, si nous prenons conscience
102
s cela, si nous prenons conscience tout à nouveau
de
la grandeur d’une pareille vocation, on nous laissera tranquilles, pa
103
prenons conscience tout à nouveau de la grandeur
d’
une pareille vocation, on nous laissera tranquilles, parce qu’on saura
104
vile dont je vous parlais, et voilà la conscience
de
notre force véritable. Si nous avons le droit et le devoir de rester
105
ce véritable. Si nous avons le droit et le devoir
de
rester neutres, ce n’est pas comme on le dit trop souvent en vertu de
106
nos yeux, mais dont nos grands voisins n’ont pas
de
raisons de tenir le moindre compte. Si nous avons le droit d’être neu
107
mais dont nos grands voisins n’ont pas de raisons
de
tenir le moindre compte. Si nous avons le droit d’être neutres, ce n’
108
e tenir le moindre compte. Si nous avons le droit
d’
être neutres, ce n’est pas en vertu d’un privilège divin, mais d’une m
109
ce n’est pas en vertu d’un privilège divin, mais
d’
une mission bien définie dont nous sommes responsables devant l’Europe
110
alement devant l’Europe, pour pouvoir nous passer
d’
une armée. Ce n’est pas le cas. Mais il n’en reste pas moins que notre
111
Mais il n’en reste pas moins que notre tâche est
de
tout mettre en œuvre pour échapper au cercle de la guerre totale. Je
112
t de tout mettre en œuvre pour échapper au cercle
de
la guerre totale. Je crois que le seul moyen sérieux de résister à l’
113
guerre totale. Je crois que le seul moyen sérieux
de
résister à l’emprise totalitaire sur le plan de la lutte directe, c’e
114
x de résister à l’emprise totalitaire sur le plan
de
la lutte directe, c’est d’inventer des formes de défense non militair
115
otalitaire sur le plan de la lutte directe, c’est
d’
inventer des formes de défense non militaires, donc non totalitaires.
116
de la lutte directe, c’est d’inventer des formes
de
défense non militaires, donc non totalitaires. Je ne dis pas que je l
117
ue je les ai trouvées. Je dis que le salut serait
de
les trouver. La force des totalitaires c’est d’entraîner les démocrat
118
t de les trouver. La force des totalitaires c’est
d’
entraîner les démocrates sur un terrain où ils se renient eux-mêmes. I
119
se renient eux-mêmes. Il est donc vital pour nous
de
refuser ce défi, de déjouer ce calcul, et de ne pas opposer à la viol
120
. Il est donc vital pour nous de refuser ce défi,
de
déjouer ce calcul, et de ne pas opposer à la violence une violence du
121
nous de refuser ce défi, de déjouer ce calcul, et
de
ne pas opposer à la violence une violence du même ordre, mais forcéme
122
tout simplement une énergie renouvelée. Essayons
d’
inventer autre chose. Ne jouons pas le jeu. Imitons les paysans du Mor
123
tons les paysans du Morgarten : ils n’avaient pas
d’
armures ni de lances : ils trichèrent donc au jeu où l’adversaire deva
124
ans du Morgarten : ils n’avaient pas d’armures ni
de
lances : ils trichèrent donc au jeu où l’adversaire devait gagner, et
125
ndirent avec leurs moyens propres : des quartiers
de
roche. Je ne veux pas dire, évidemment, que nous devions nous défendr
126
us défendre aujourd’hui encore avec des quartiers
de
roche ; je veux dire que la force du faible, c’est de refuser le jeu
127
oche ; je veux dire que la force du faible, c’est
de
refuser le jeu du fort, et de le déconcerter par ce refus. Je lis dan
128
ce du faible, c’est de refuser le jeu du fort, et
de
le déconcerter par ce refus. Je lis dans un ouvrage anglais quelques
129
ter nos recherches à cet égard : La non-violence
de
la victime, écrit l’auteur, agit comme le manque d’opposition physiqu
130
la victime, écrit l’auteur, agit comme le manque
d’
opposition physique dans le jiu-jitsu : elle fait perdre son équilibre
131
l se trouve comme précipité dans un nouveau monde
de
valeurs, où il ne sait comment agir, et il y perd son assurance. Repr
132
absolue ; en réalité, ils se battent sur la base
d’
un accord fondamental : la croyance à la validité de la violence. Si t
133
un accord fondamental : la croyance à la validité
de
la violence. Si tout d’un coup l’un des lutteurs supprime cet accord
134
la croyance à la validité de la violence. Si tout
d’
un coup l’un des lutteurs supprime cet accord fondamental et prouve pa
135
t prouve par ses actes qu’il abandonne la méthode
de
lutte ancestrale, il n’est pas étonnant que l’autre soit déconcerté,
136
rce que ses instincts animaux ne lui dictent plus
de
conduite immédiate. Il vacille devant l’inconnu… Pour ma part, je ne
137
inconnu… Pour ma part, je ne suis pas adversaire
de
la violence en soi, mais bien de cette forme mécanique qu’elle revêt
138
s pas adversaire de la violence en soi, mais bien
de
cette forme mécanique qu’elle revêt dans la guerre moderne. Aussi bie
139
as la non-résistance, mais au contraire une forme
de
lutte nouvelle. C’est à cette sorte de jiu-jitsu moral que nous devri
140
une forme de lutte nouvelle. C’est à cette sorte
de
jiu-jitsu moral que nous devrions nous exercer. Si l’on y déployait l
141
vrions nous exercer. Si l’on y déployait le quart
de
l’énergie et de l’esprit de sacrifice qu’on met ordinairement dans le
142
cer. Si l’on y déployait le quart de l’énergie et
de
l’esprit de sacrifice qu’on met ordinairement dans le métier des arme
143
y déployait le quart de l’énergie et de l’esprit
de
sacrifice qu’on met ordinairement dans le métier des armes, il est ce
144
vous le dis pas seulement comme Suisse, convaincu
de
la mission fédéraliste de son pays ; je vous le dis aussi comme chrét
145
comme Suisse, convaincu de la mission fédéraliste
de
son pays ; je vous le dis aussi comme chrétien. Refuser le jeu de l’a
146
vous le dis aussi comme chrétien. Refuser le jeu
de
l’agresseur violent, c’est le premier devoir du chrétien. Déconcerter
147
us avons tous trahi le grand devoir communautaire
de
l’Église, parce que nous avons transformé le christianisme en quelque
148
vons transformé le christianisme en quelque chose
de
rassurant, de distingué, de commode et même de bourgeois. Alors les p
149
é le christianisme en quelque chose de rassurant,
de
distingué, de commode et même de bourgeois. Alors les païens russes e
150
isme en quelque chose de rassurant, de distingué,
de
commode et même de bourgeois. Alors les païens russes et les païens r
151
se de rassurant, de distingué, de commode et même
de
bourgeois. Alors les païens russes et les païens racistes ont fait ce
152
es païens racistes ont fait ce que nous refusions
de
faire. Ils l’ont fait mal, et contre nous. Ils représentent notre châ
153
s Berdiaev. Ce n’est pas à la méchanceté supposée
d’
un Hitler ou d’un Staline que nous devons attribuer tout le mal, mais
154
n’est pas à la méchanceté supposée d’un Hitler ou
d’
un Staline que nous devons attribuer tout le mal, mais aussi bien à la
155
r. Je ne veux, sous aucun prétexte pieux, exciter
de
la haine contre ceux qui adorent l’idole totalitaire. Je veux démasqu
156
n lui rend. Or je distingue dans ces raisons plus
d’
angoisse que de méchanceté. J’ai reçu cet hiver, d’un jeune nazi, une
157
je distingue dans ces raisons plus d’angoisse que
de
méchanceté. J’ai reçu cet hiver, d’un jeune nazi, une lettre signific
158
’angoisse que de méchanceté. J’ai reçu cet hiver,
d’
un jeune nazi, une lettre significative, et à certains égards, fort ém
159
tains égards, fort émouvante. La raison profonde
d’
un mouvement comme le nôtre — m’écrivait-il — est irrationnelle. Nous
160
satisfaisait plus depuis bien longtemps au besoin
de
croire de la majorité du peuple. Nous voulons croire à la mission du
161
it plus depuis bien longtemps au besoin de croire
de
la majorité du peuple. Nous voulons croire à la mission du peuple all
162
ngoisse dans ce peut-être ? Et dans cette volonté
de
croire à n’importe quoi et à tout prix, fût-ce à quelque chose d’auss
163
porte quoi et à tout prix, fût-ce à quelque chose
d’
aussi peu croyable que l’immortalité d’un peuple ?… Or l’angoisse n’ap
164
lque chose d’aussi peu croyable que l’immortalité
d’
un peuple ?… Or l’angoisse n’appelle pas la haine, mais au contraire l
165
des officielles et sous les vantardises effrénées
de
la propagande totalitaire. Tout cela n’exprime qu’un sentiment d’infé
166
totalitaire. Tout cela n’exprime qu’un sentiment
d’
infériorité collective, un manque de foi réelle qui se déguise en défi
167
’un sentiment d’infériorité collective, un manque
de
foi réelle qui se déguise en défi, par désespoir. Mais là encore, je
168
i, par désespoir. Mais là encore, je ne parle pas
d’
une compassion sentimentale. Je parle d’une attitude virile et décidée
169
parle pas d’une compassion sentimentale. Je parle
d’
une attitude virile et décidée, d’une volonté de libérer ces peuples e
170
ntale. Je parle d’une attitude virile et décidée,
d’
une volonté de libérer ces peuples en leur donnant l’exemple, dans nos
171
e d’une attitude virile et décidée, d’une volonté
de
libérer ces peuples en leur donnant l’exemple, dans nos pays, d’une m
172
peuples en leur donnant l’exemple, dans nos pays,
d’
une meilleure solution de leur problème. Contre les excès agaçants de
173
’exemple, dans nos pays, d’une meilleure solution
de
leur problème. Contre les excès agaçants de la propagande soviétique
174
ution de leur problème. Contre les excès agaçants
de
la propagande soviétique et fasciste, toute espèce de tolérance polie
175
a propagande soviétique et fasciste, toute espèce
de
tolérance polie serait déjà une complicité. Ce n’est pas ainsi que je
176
t leur empereur, les chrétiens ne craignaient pas
de
passer pour athées : ils refusaient le culte de l’idole et s’en moqua
177
s de passer pour athées : ils refusaient le culte
de
l’idole et s’en moquaient. Nous aussi nous devons rire des idoles col
178
s infaillibles, je ne crois pas manquer au devoir
de
charité en jugeant parfaitement grotesque leur impossible prétention.
179
impossible prétention. Au fanatisme, il convient
d’
opposer une certaine douceur amusée. Voltaire nous conte là-dessus une
180
grecque lui en sut très mauvais gré et lui en fit
de
vifs reproches à ses derniers moments. Mon oncle en fut affligé, et p
181
gé, et pour mourir en paix, il dit à l’archevêque
d’
Astracan : « Allez, ne vous attristez pas. Ne voyez-vous pas que je vo
182
à cette immense question religieuse des peuples,
d’
où sont issus les trois mouvements totalitaires, c’est la réponse vrai
183
ts totalitaires, c’est la réponse vraiment totale
de
notre foi. La foi chrétienne, pour les mystiques idolâtres, c’est un
184
nes au nom desquelles on veut réglementer le tout
de
l’homme, quand il s’agit en vérité des solutions et des doctrines d’u
185
l s’agit en vérité des solutions et des doctrines
d’
un seul parti, d’une seule tendance, et la plus animale de l’homme. Se
186
é des solutions et des doctrines d’un seul parti,
d’
une seule tendance, et la plus animale de l’homme. Seule a le droit d’
187
l parti, d’une seule tendance, et la plus animale
de
l’homme. Seule a le droit d’être totalitaire la vérité totale, qui n’
188
, et la plus animale de l’homme. Seule a le droit
d’
être totalitaire la vérité totale, qui n’appartient qu’à Dieu. C’est d
189
sse aux vrais besoins du citoyen ou du soldat, ou
de
l’ouvrier, ou de l’aryen blond. C’est par cette seule mesure que nous
190
oins du citoyen ou du soldat, ou de l’ouvrier, ou
de
l’aryen blond. C’est par cette seule mesure que nous pourrons devenir
191
’elles ont accepté pour vocation, et responsables
de
cette vocation devant la cité qui les protège. Je ne vous appellerai
192
iste, mais à une tâche constructive, qui se situe
d’
une manière très précise dans le mouvement de l’Histoire occidentale.
193
itue d’une manière très précise dans le mouvement
de
l’Histoire occidentale. Trois siècles d’individualisme, de divinisati
194
ouvement de l’Histoire occidentale. Trois siècles
d’
individualisme, de divinisation de l’homme, nous ont conduits à une di
195
oire occidentale. Trois siècles d’individualisme,
de
divinisation de l’homme, nous ont conduits à une dissolution presque
196
. Trois siècles d’individualisme, de divinisation
de
l’homme, nous ont conduits à une dissolution presque totale de la soc
197
ous ont conduits à une dissolution presque totale
de
la société. Nous ne sommes plus qu’une poussière de petits individus,
198
la société. Nous ne sommes plus qu’une poussière
de
petits individus, impuissants, isolés, anxieux. Allons-nous retomber
199
’Histoire ne l’est pas moins. Il dépend en partie
de
nous que nous trouvions la solution de l’éternel problème individu-co
200
en partie de nous que nous trouvions la solution
de
l’éternel problème individu-communauté. Il dépend en partie de nous d
201
problème individu-communauté. Il dépend en partie
de
nous de refaire une société vivable, une commune mesure vivante sur l
202
individu-communauté. Il dépend en partie de nous
de
refaire une société vivable, une commune mesure vivante sur le fondem
203
able, une commune mesure vivante sur le fondement
de
la personne, c’est-à-dire de l’individu à la fois libre et engagé, au
204
nte sur le fondement de la personne, c’est-à-dire
de
l’individu à la fois libre et engagé, autonome et pourtant solidaire.
205
sirons, mais nous aurons du moins sauvé l’honneur
de
cette génération anxieuse. Et pour tout dire, je ne suis pas sans esp
206
suis pas sans espoir. Les faux dieux ne font pas
de
miracles. Je ne me lasserai jamais de le répéter — c’est mon delenda
207
ne font pas de miracles. Je ne me lasserai jamais
de
le répéter — c’est mon delenda Carthago : Là où l’homme veut être tot
208
tat ne sera jamais totalitaire. 1. Conclusions
d’
une conférence prononcée à Genève au mois de mai 1938, sous les auspic
209
sions d’une conférence prononcée à Genève au mois
de
mai 1938, sous les auspices de Zofingue et de l’Association chrétienn
210
e à Genève au mois de mai 1938, sous les auspices
de
Zofingue et de l’Association chrétienne d’étudiants. Le thème général
211
ois de mai 1938, sous les auspices de Zofingue et
de
l’Association chrétienne d’étudiants. Le thème général était celui-ci
212
spices de Zofingue et de l’Association chrétienne
d’
étudiants. Le thème général était celui-ci : les trois mouvements « to
213
ont pour but véritable — et souvent inconscient —
de
remplacer le christianisme défaillant par le culte social de l’État e
214
r le christianisme défaillant par le culte social
de
l’État et de son principe « sacral » : Prolétariat, Race, Empire. 2.
215
nisme défaillant par le culte social de l’État et
de
son principe « sacral » : Prolétariat, Race, Empire. 2. Quelques bou
216
rgeois veulent voir dans le fascisme le « rempart
de
l’ordre établi ». C’est bien touchant. Voici ce que dit à leur sujet
217
désormais sur nos épaules, et qu’ils feront mieux
d’
avoir peur de nous que du communisme. » a. Rougemont Denis de, « La
218
nos épaules, et qu’ils feront mieux d’avoir peur
de
nous que du communisme. » a. Rougemont Denis de, « La vraie défense
219
de nous que du communisme. » a. Rougemont Denis
de
, « La vraie défense contre l’esprit totalitaire », Les Cahiers protes
220
939)b Pour la très grande majorité des Suisses
d’
aujourd’hui, surtout dans les cantons protestants, Nicolas de Flue est
221
t un souvenir scolaire. Nous n’avons guère retenu
de
son histoire que l’image d’un ermite à longue barbe qui rétablit la p
222
n’avons guère retenu de son histoire que l’image
d’
un ermite à longue barbe qui rétablit la paix civile entre les vieux C
223
s vieux Confédérés, en prononçant devant la Diète
de
Stans un discours plein d’élévation. Comment prendre vraiment au séri
224
onçant devant la Diète de Stans un discours plein
d’
élévation. Comment prendre vraiment au sérieux un drame qui se dénoue
225
se fasse attendre). Mais là, c’est l’autre aspect
de
la vie du « Frère Claus » qui est exalté : on parle surtout de ses mi
226
« Frère Claus » qui est exalté : on parle surtout
de
ses miracles, de son ascèse, de ses visions, et même parfois des prop
227
ui est exalté : on parle surtout de ses miracles,
de
son ascèse, de ses visions, et même parfois des prophéties qu’on lui
228
on parle surtout de ses miracles, de son ascèse,
de
ses visions, et même parfois des prophéties qu’on lui attribue sur la
229
sur la Réforme et ses « innovations ». Une suite
de
hasards m’ayant mis entre les mains, au cours de l’été dernier, quelq
230
el point que je n’hésitai pas à en faire le sujet
d’
un drame, qui sera représenté à Zurich en septembre, et pour lequel Ar
231
omposé une importante partition chorale. Le choix
de
ce sujet n’a pas été sans surprendre certains de mes amis protestants
232
de ce sujet n’a pas été sans surprendre certains
de
mes amis protestants, et — pour d’autres raisons sans doute — certain
233
re que j’avançais dans mon travail, que la figure
de
Nicolas de Flue pouvait revêtir pour les Suisses d’aujourd’hui, et po
234
Nicolas de Flue pouvait revêtir pour les Suisses
d’
aujourd’hui, et pour les protestants précisément, une signification pe
235
signification peut-être toute nouvelle. La vie
de
Nicolas Quel fut cet homme, en vérité ? Et peut-on le comprendre,
236
rs de son temps ? Il naquit à l’époque du concile
de
Constance, et mourut à la fin du xve siècle. Son existence coïncide
237
coïncide donc exactement avec la dernière période
d’
unité de l’Église occidentale. Le concile de Constance venait de mettr
238
donc exactement avec la dernière période d’unité
de
l’Église occidentale. Le concile de Constance venait de mettre fin au
239
riode d’unité de l’Église occidentale. Le concile
de
Constance venait de mettre fin au Grand Schisme de la catholicité. Au
240
e Constance venait de mettre fin au Grand Schisme
de
la catholicité. Au pape d’Avignon, au pape de Rome, à l’antipape qu’o
241
e fin au Grand Schisme de la catholicité. Au pape
d’
Avignon, au pape de Rome, à l’antipape qu’on avait tenté de leur oppos
242
sme de la catholicité. Au pape d’Avignon, au pape
de
Rome, à l’antipape qu’on avait tenté de leur opposer — et tous les tr
243
, au pape de Rome, à l’antipape qu’on avait tenté
de
leur opposer — et tous les trois s’excommuniaient réciproquement, ain
244
orte que toute la chrétienté se vit alors frappée
d’
anathème ! — le concile avait substitué un pontife unique et romain. O
245
ss, le premier qui eût osé proclamer la nécessité
d’
une réforme. On l’avait fait monter sur le bûcher au mépris de la paro
246
e. On l’avait fait monter sur le bûcher au mépris
de
la parole donnée. Il semblait que la chrétienté se regroupait, non sa
247
regroupait, non sans résignation, autour du siège
de
Saint-Pierre raffermi dans sa Primauté. Mais une discipline extérieur
248
e ne pouvait pas tromper les âmes. Et la vie même
de
Nicolas de Flue nous en donne une preuve édifiante. Dès son enfance,
249
fance, nous le voyons s’astreindre aux « œuvres »
de
la religion qui est alors celle de tous — mais avec une conscience bi
250
aux « œuvres » de la religion qui est alors celle
de
tous — mais avec une conscience bizarrement scrupuleuse. Il ne prend
251
ise ou pour les ordres. Mais non, parvenu à l’âge
d’
homme, il s’engage dans les bandes armées qui guerroyaient alors contr
252
n natal pour y exercer les fonctions patriarcales
de
juge de paix, tout en cultivant son domaine. Un beau jour, certaine i
253
ice flagrante commise par ses collègues, au cours
d’
un procès, le décide à déposer sa charge et à se retirer dans sa famil
254
retirer dans sa famille. C’est le deuxième temps
de
cette espèce de retraite concentrique — vers lui-même — qui est la fo
255
famille. C’est le deuxième temps de cette espèce
de
retraite concentrique — vers lui-même — qui est la forme de sa destin
256
e concentrique — vers lui-même — qui est la forme
de
sa destinée. Notons que ce capitaine, puis ce juge, puis ce père de f
257
tons que ce capitaine, puis ce juge, puis ce père
de
famille — il aura dix enfants — n’est pas un type exceptionnel parmi
258
s vieux confédérés, sinon par la rigueur inusitée
de
sa conscience. C’est un citoyen de bon sens et de bon conseil, un sol
259
gueur inusitée de sa conscience. C’est un citoyen
de
bon sens et de bon conseil, un solide paysan, les deux pieds sur la t
260
de sa conscience. C’est un citoyen de bon sens et
de
bon conseil, un solide paysan, les deux pieds sur la terre, et non pa
261
apaisement que devraient lui donner les pratiques
d’
une extrême dévotion, ses proches ont bien senti le drame intime, long
262
des visions, peut-être a-t-il manqué sa vocation
de
prêtre, — déçu par les exemples qu’il avait sous les yeux. Peut-être
263
ve-t-il comme tout son siècle, et sans le savoir,
d’
une piété plus intérieure, d’un contact plus direct, plus confiant ave
264
, et sans le savoir, d’une piété plus intérieure,
d’
un contact plus direct, plus confiant avec Dieu… À cinquante ans, il n
265
n’y résiste plus : sa vocation profonde triomphe
de
tous ses doutes, et même de ses devoirs et attachements humains. Quel
266
ion profonde triomphe de tous ses doutes, et même
de
ses devoirs et attachements humains. Quelle vocation ? Celle des « fr
267
sur les routes, au hasard, abandonnés au souffle
de
l’Esprit. Il fait part à sa femme de cette terrible décision, et elle
268
s au souffle de l’Esprit. Il fait part à sa femme
de
cette terrible décision, et elle l’accepte au terme d’une lutte héroï
269
tte terrible décision, et elle l’accepte au terme
d’
une lutte héroïque avec elle-même. Alors commence la vie de solitude e
270
te héroïque avec elle-même. Alors commence la vie
de
solitude et d’oraison que toute l’évolution intérieure de Nicolas sem
271
c elle-même. Alors commence la vie de solitude et
d’
oraison que toute l’évolution intérieure de Nicolas semblait appeler c
272
ude et d’oraison que toute l’évolution intérieure
de
Nicolas semblait appeler comme une fin obscure et pourtant obsédante.
273
une fin obscure et pourtant obsédante. Vie libre
d’
un laïque chrétien, hors de tout ordre monastique, hors du clergé cons
274
monastique, hors du clergé constitué. À une heure
de
chez lui, dans la gorge du Ranft, il se construit une cellule, auprès
275
rge du Ranft, il se construit une cellule, auprès
d’
une minuscule chapelle. Et le miracle, préparé dès son enfance, se réa
276
: Nicolas s’aperçoit soudain qu’il peut se passer
de
manger ! Une fois par semaine il s’en va communier dans un des villag
277
mme il le répétera souvent : « L’homme ne vit pas
de
pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de mon Pèr
278
nt : « L’homme ne vit pas de pain seulement, mais
de
toute parole qui sort de la bouche de mon Père »… Ni les espions plac
279
de pain seulement, mais de toute parole qui sort
de
la bouche de mon Père »… Ni les espions placés autour de l’ermitage p
280
ement, mais de toute parole qui sort de la bouche
de
mon Père »… Ni les espions placés autour de l’ermitage par des autori
281
des autorités fort soupçonneuses, ni les envoyés
de
l’évêque n’ont jamais pu prendre en défaut le « Frère Claus » — ainsi
282
s par la curiosité, les autres par le grand désir
de
recevoir une parole simple et forte, un conseil, une révélation. (Bea
283
révélation. (Beaucoup nous ont laissé la relation
de
leur visite : unanimes dans l’admiration devant cet « homme de Dieu »
284
e : unanimes dans l’admiration devant cet « homme
de
Dieu » fruste et biblique.) Il n’est pas jusqu’aux princes des contré
285
lèguent auprès du Frère Claus des envoyés chargés
d’
obtenir son appui : car son conseil est si puissant parmi les Suisses
286
est si puissant parmi les Suisses qu’on a coutume
de
s’adresser d’abord à lui lorsqu’il faut négocier un traité. C’est ain
287
’est ainsi que le solitaire conseille aux Suisses
de
se montrer prudents dans l’affaire de Bourgogne, où l’Autriche et la
288
aux Suisses de se montrer prudents dans l’affaire
de
Bourgogne, où l’Autriche et la France complotent de les précipiter. I
289
Bourgogne, où l’Autriche et la France complotent
de
les précipiter. Il voit trop bien à quels dangers leur victoire même
290
erre pour s’enrichir, et s’ils apprennent le prix
de
l’or, c’en sera fait de leur union patriarcale. Mais la tentation est
291
s’ils apprennent le prix de l’or, c’en sera fait
de
leur union patriarcale. Mais la tentation est trop forte. Les Suisses
292
st trop forte. Les Suisses passent outre aux avis
de
l’ermite, et toutes ses prédictions se réalisent : victoires, pillage
293
édictions se réalisent : victoires, pillage, flot
d’
or, et disputes sanglantes à propos du partage. Les choses s’envenimen
294
à tel point qu’en l’année 1486, quinze assemblées
de
la Diète des cantons n’ont pas suffi pour rétablir l’union. C’est alo
295
ssible, et les députés se séparent sur une menace
de
guerre civile entre cités et petits cantons. Mais voici l’heure de Ni
296
entre cités et petits cantons. Mais voici l’heure
de
Nicolas, l’heure qui donnera son plein sens à sa vie et à ses retrait
297
s retraites successives. Pendant la nuit, le curé
de
Stans monte au Ranft, et il adjure le solitaire de tenter un dernier
298
e Stans monte au Ranft, et il adjure le solitaire
de
tenter un dernier effort. On ne sait pas — on ne saura jamais — de qu
299
ier effort. On ne sait pas — on ne saura jamais —
de
quel message Nicolas l’a chargé. Ce que l’on sait, par ce qu’attesten
300
eur transmit dans une séance secrète les conseils
de
Nicolas. Miracle ? Ou résultat d’une combinaison particulièrement « p
301
te les conseils de Nicolas. Miracle ? Ou résultat
d’
une combinaison particulièrement « politique » dont l’ermite eût donné
302
nné l’idée ? Il me paraît probable que l’autorité
de
Nicolas sur ses compatriotes suffit à calmer les esprits et à permett
303
si la paix avait été sauvée, et avec elle le sort
de
la fédération, on le devait par-dessus tout à l’action de l’ermite du
304
dération, on le devait par-dessus tout à l’action
de
l’ermite du Ranft. (Remarquons à ce propos que la seule chose que tou
305
propos que la seule chose que tout le monde sache
de
Nicolas, est en réalité la seule qu’il n’ait pas faite : sa venue en
306
ononcé !) La piété du Frère Claus Ce résumé
d’
une existence peut suffire à nous étonner, peut-être même à nous faire
307
peut-être même à nous faire partager cette espèce
de
vénération que lui vouèrent les hommes du xve siècle. Mais on peut c
308
ècle. Mais on peut craindre aussi que l’essentiel
de
la personne nous échappe, si nous nous limitons au savoir historique.
309
ès difficile, sur les documents qui nous restent,
de
nous faire une idée, et mieux : un sentiment, de la foi du « pieux ho
310
de nous faire une idée, et mieux : un sentiment,
de
la foi du « pieux homme frère Claus ». Nous en sommes forcément rédui
311
approches tâtonnantes. Pour ma part, je tenterai
de
distinguer dans la vie religieuse de Nicolas trois tendances ou trois
312
je tenterai de distinguer dans la vie religieuse
de
Nicolas trois tendances ou trois courants qui permettront peut-être d
313
ances ou trois courants qui permettront peut-être
de
mieux situer cet homme par rapport à son temps tout d’abord, mais aus
314
lle que les catholiques mettent surtout en valeur
de
nos jours : la dévotion au Saint-Sacrement, à la Vierge et aux saints
315
x saints, l’ascétisme, les visions, les pratiques
de
piété. Beaucoup de documents indiscutables nous obligent à prendre au
316
e au sérieux cet aspect proprement « catholique »
de
la religion du Bienheureux. Toutefois, je ne puis me persuader qu’il
317
uvres qu’il pratique et d’autre part les troubles
de
conscience qui ne cessent de l’assiéger, comment ne point songer à la
318
re part les troubles de conscience qui ne cessent
de
l’assiéger, comment ne point songer à la piété du jeune Luther, et à
319
songer à la piété du jeune Luther, et à ce drame
de
Wittemberg dont la Réforme devait sortir ? Rappelez-vous le moine aug
320
s plus scrupuleuses : comme Nicolas, il espérait,
de
toute son âme, s’acquérir la sainteté par les voies qu’ordonnait l’Ég
321
é par les voies qu’ordonnait l’Église ; mais loin
d’
y trouver l’apaisement, il sentait croître en lui l’inquiétude du salu
322
le soin dont j’étais capable, je me suis efforcé
de
les observer par le jeûne, les veilles, les oraisons et autres exerci
323
e persécutent, parce que je leur enlève la gloire
de
se justifier… J’imposais à mon corps plus d’efforts qu’il n’en pouvai
324
oire de se justifier… J’imposais à mon corps plus
d’
efforts qu’il n’en pouvait fournir sans danger pour la santé… Tout ce
325
toute simplicité, par pur zèle et pour la gloire
de
Dieu. Toute ma vie n’était que jeûnes, veilles, oraisons, sueurs… E
326
ritiques catholiques modernes reprochent à Luther
d’
avoir « manqué de discrétion » dans ses pratiques. Mais ce reproche n’
327
ues modernes reprochent à Luther d’avoir « manqué
de
discrétion » dans ses pratiques. Mais ce reproche n’atteindrait-il pa
328
as davantage un Nicolas de Flue, jeûnant plus que
de
raison dès son enfance, et au-delà de toute « discrétion » imaginable
329
nt plus que de raison dès son enfance, et au-delà
de
toute « discrétion » imaginable pendant ses vingt dernières années ?
330
ne puis qu’esquisser, nous mettrait-il en mesure
de
deviner la raison spirituelle des inquiétudes que nourrit Nicolas jus
331
? Toutes proportions gardées, il me paraît licite
de
voir dans le cas du paysan, illettré et simple fidèle, une sorte de p
332
s du paysan, illettré et simple fidèle, une sorte
de
préfiguration du drame qui se jouera un peu plus tard dans la conscie
333
nous pourrions précisément saisir, dans la piété
de
Nicolas, les éléments sinon « protestants » du moins pré-réformés qui
334
ent perçus par ses après-venants. On serait tenté
de
chercher ailleurs, à un niveau plus apparent, les manifestations de l
335
rs, à un niveau plus apparent, les manifestations
de
la tendance pré-réformée chez l’ermite. Les auteurs catholiques eux-m
336
sévères pour les abus et les trahisons du clergé
de
son siècle. On cite les répliques assez dures dont il gratifia plus d
337
e les répliques assez dures dont il gratifia plus
d’
un évêque ou supérieur de couvent venu le voir par curiosité. Mais cet
338
es dont il gratifia plus d’un évêque ou supérieur
de
couvent venu le voir par curiosité. Mais cet anticléricalisme et ce d
339
curiosité. Mais cet anticléricalisme et ce désir
de
réformer les mœurs ecclésiastiques sont choses si courantes au Moyen
340
si courantes au Moyen Âge qu’il serait imprudent
d’
y chercher un trait spécifique de la spiritualité de Nicolas. Un Franç
341
serait imprudent d’y chercher un trait spécifique
de
la spiritualité de Nicolas. Un François d’Assise, une Catherine de Si
342
y chercher un trait spécifique de la spiritualité
de
Nicolas. Un François d’Assise, une Catherine de Sienne, un Gerson, un
343
an Huss, avant Wiclef, élevé contre la corruption
de
Rome et du clergé des protestations autrement violentes. Quant à la v
344
estations autrement violentes. Quant à la volonté
de
vivre en dehors des cadres de l’Église, volonté que Nicolas a toujour
345
Quant à la volonté de vivre en dehors des cadres
de
l’Église, volonté que Nicolas a toujours affirmée, non seulement en r
346
as a toujours affirmée, non seulement en refusant
de
devenir prêtre, mais surtout en cherchant son salut dans une solitude
347
ut dans une solitude érémitique d’ailleurs pleine
d’
activité autant que de contemplation3, je pense qu’il faut la rattache
348
rémitique d’ailleurs pleine d’activité autant que
de
contemplation3, je pense qu’il faut la rattacher surtout à une troisi
349
me tendance, la plus importante à mes yeux, celle
de
la mystique germanique. Nous savons que par sa mère et par certains a
350
Nous savons que par sa mère et par certains amis
de
celle-ci, tel le curé Matthias Hattinger, le jeune Nicolas avait subi
351
l’influence très profonde du mouvement des « Amis
de
Dieu ». Initié en Alsace par le marchand Rulman Merswin, au xive siè
352
mouvement plus ou moins hérétique n’est pas sans
d’
intimes relations avec les doctrines mystiques de Suso et de Tauler, e
353
d’intimes relations avec les doctrines mystiques
de
Suso et de Tauler, et par eux, de Maître Eckhart. On sait que Luther,
354
relations avec les doctrines mystiques de Suso et
de
Tauler, et par eux, de Maître Eckhart. On sait que Luther, de son côt
355
rines mystiques de Suso et de Tauler, et par eux,
de
Maître Eckhart. On sait que Luther, de son côté, fut assez fortement
356
t par eux, de Maître Eckhart. On sait que Luther,
de
son côté, fut assez fortement influencé par ces mêmes doctrines. Cepe
357
mêmes doctrines. Cependant, il serait très abusif
de
ramener à une forme larvée de protestantisme cette piété d’un type to
358
serait très abusif de ramener à une forme larvée
de
protestantisme cette piété d’un type tout à fait original, proprement
359
à une forme larvée de protestantisme cette piété
d’
un type tout à fait original, proprement germanique, ou plus préciséme
360
, au sens moderne, et qui se rapprocherait plutôt
de
celle des sectes mystiques qui foisonnèrent en Occident à partir du x
361
u xiie siècle et du mouvement cathare. Plusieurs
de
ses principaux représentants vécurent en Suisse allemande du xiiie a
362
n peut l’expliquer — si l’on ne tenait pas compte
de
cet environnement spirituel, et des contacts qu’il dut avoir avec cer
363
t des contacts qu’il dut avoir avec certains Amis
de
Dieu. Lorsqu’il quitta sa femme et ses enfants, son idée n’était-ell
364
a femme et ses enfants, son idée n’était-elle pas
de
se rendre en Alsace, pour y rejoindre des communautés d’Amis de Dieu
365
endre en Alsace, pour y rejoindre des communautés
d’
Amis de Dieu dont Hattinger lui avait parlé ? Et la première visite qu
366
n Alsace, pour y rejoindre des communautés d’Amis
de
Dieu dont Hattinger lui avait parlé ? Et la première visite qu’il reç
367
reçut au Ranft ne fut-elle pas précisément celle
d’
un pèlerin « ami de Dieu », peut-être délégué par le mouvement ? Les p
368
fut-elle pas précisément celle d’un pèlerin « ami
de
Dieu », peut-être délégué par le mouvement ? Les plus récents histori
369
? Les plus récents historiens l’ont admis, après
de
nombreux tâtonnements. D’autre part, la fameuse « petite prière » de
370
ments. D’autre part, la fameuse « petite prière »
de
Nicolas (das Gebetlein) popularisée par la littérature hagiographique
371
ature hagiographique est en réalité la paraphrase
d’
un texte du mystique Heinrich Suso : Mon Seigneur et mon Dieu, ôte de
372
ue Heinrich Suso : Mon Seigneur et mon Dieu, ôte
de
moi tout ce qui m’éloigne de toi ! Mon Seigneur et mon Dieu, donne-
373
eur et mon Dieu, ôte de moi tout ce qui m’éloigne
de
toi ! Mon Seigneur et mon Dieu, donne-moi tout ce qui me rapproche
374
r et mon Dieu, donne-moi tout ce qui me rapproche
de
toi ! Mon Seigneur et mon Dieu, arrache-moi à moi-même et donne-moi
375
moi tout entier à toi seul ! Il n’est pas facile
de
caractériser en quelques mots cette « piété germanique », de forme pr
376
iser en quelques mots cette « piété germanique »,
de
forme proprement mystique. Qu’il suffise d’indiquer qu’elle représent
377
ue », de forme proprement mystique. Qu’il suffise
d’
indiquer qu’elle représentait, face à l’Église établie, une aspiration
378
es pratiques ou malgré elles, une intériorisation
de
la foi, mais aussi une volonté de communion et presque de communisme
379
intériorisation de la foi, mais aussi une volonté
de
communion et presque de communisme spirituel et matériel ; bref, une
380
i, mais aussi une volonté de communion et presque
de
communisme spirituel et matériel ; bref, une certaine déviation « spi
381
; bref, une certaine déviation « spiritualiste »
de
la foi, mais compensée par un salutaire redressement du sens moral et
382
taire. Le réalisme très paysan et très helvétique
de
Nicolas le préserva des excès de la secte — c’est ainsi qu’il ne romp
383
très helvétique de Nicolas le préserva des excès
de
la secte — c’est ainsi qu’il ne rompit jamais avec l’Église, tout en
384
que ses propos et son action relèvent directement
de
cette espèce de réaction intérieure au formalisme romain, qu’ont repr
385
t son action relèvent directement de cette espèce
de
réaction intérieure au formalisme romain, qu’ont représenté les Amis
386
au formalisme romain, qu’ont représenté les Amis
de
Dieu. Et l’on conçoit que ce mouvement, rectifié et rendu plus sobre
387
le mouvement assez voisin des Vaudois, ou Pauvres
de
Lyon, se confondit sans nulle difficulté avec le calvinisme.) Nico
388
olas de Flue et les réformés La contre-épreuve
de
ces diverses hypothèses m’a été fournie d’une manière très convaincan
389
preuve de ces diverses hypothèses m’a été fournie
d’
une manière très convaincante par la lecture des deux grands recueils
390
vaincante par la lecture des deux grands recueils
de
documents sur Nicolas que publiait, au lendemain de la guerre, Robert
391
documents sur Nicolas que publiait, au lendemain
de
la guerre, Robert Dürrer, historien du canton d’Unterwald. C’est une
392
de la guerre, Robert Dürrer, historien du canton
d’
Unterwald. C’est une véritable somme critique de tout ce que la tradit
393
n d’Unterwald. C’est une véritable somme critique
de
tout ce que la tradition nous a livré concernant le pacificateur de l
394
tradition nous a livré concernant le pacificateur
de
la Suisse. On ne saurait en louer assez la science, et surtout l’honn
395
un doute à cette dernière qualité que nous devons
de
pouvoir redécouvrir aujourd’hui, malgré certain accaparement de Nicol
396
écouvrir aujourd’hui, malgré certain accaparement
de
Nicolas de Flue par l’Église romaine, la signification qu’il eut, en
397
u’il eut, en fait, pour les premières générations
de
la Réforme. Ce n’est pas sans un joyeux étonnement que je suis tombé,
398
peine les gros volumes ouverts, sur une abondance
de
citations de Luther, de Zwingli, de Vadian, de Bullinger, d’Œcolampad
399
s volumes ouverts, sur une abondance de citations
de
Luther, de Zwingli, de Vadian, de Bullinger, d’Œcolampade, unanimes à
400
uverts, sur une abondance de citations de Luther,
de
Zwingli, de Vadian, de Bullinger, d’Œcolampade, unanimes à revendique
401
une abondance de citations de Luther, de Zwingli,
de
Vadian, de Bullinger, d’Œcolampade, unanimes à revendiquer l’exemple
402
ce de citations de Luther, de Zwingli, de Vadian,
de
Bullinger, d’Œcolampade, unanimes à revendiquer l’exemple de Nicolas
403
s de Luther, de Zwingli, de Vadian, de Bullinger,
d’
Œcolampade, unanimes à revendiquer l’exemple de Nicolas de Flue à l’ap
404
r, d’Œcolampade, unanimes à revendiquer l’exemple
de
Nicolas de Flue à l’appui de leur œuvre de réforme de l’Église. Et ce
405
xemple de Nicolas de Flue à l’appui de leur œuvre
de
réforme de l’Église. Et ce n’est pas sans un léger mouvement de triom
406
icolas de Flue à l’appui de leur œuvre de réforme
de
l’Église. Et ce n’est pas sans un léger mouvement de triomphe, je l’a
407
l’Église. Et ce n’est pas sans un léger mouvement
de
triomphe, je l’avoue, que j’ai trouvé ce fait, très généralement igno
408
es drames protestants, composés par des disciples
de
Zwingli, voire dans des intentions de polémique antiromaine (lesquell
409
s disciples de Zwingli, voire dans des intentions
de
polémique antiromaine (lesquelles d’ailleurs sont loin de nous réjoui
410
la Réforme). Il n’est peut-être pas sans intérêt
de
donner ici un aperçu rapide de cette littérature réformée sur Nicolas
411
e pas sans intérêt de donner ici un aperçu rapide
de
cette littérature réformée sur Nicolas. Je la diviserai en trois rubr
412
. 1. Chroniques. — La première en date est celle
de
Heinrich Glarean, écrite en latin, et commentée par Myconius, Lucerno
413
e par Myconius, Lucernois réformé, sur la demande
de
Zwingli et de Vadian. C’est encore un ami de Vadian, Hermann Miles (o
414
, Lucernois réformé, sur la demande de Zwingli et
de
Vadian. C’est encore un ami de Vadian, Hermann Miles (ou Ritter) de S
415
ande de Zwingli et de Vadian. C’est encore un ami
de
Vadian, Hermann Miles (ou Ritter) de Saint-Gall, qui mentionne le Frè
416
ncore un ami de Vadian, Hermann Miles (ou Ritter)
de
Saint-Gall, qui mentionne le Frère Claus avec de grands éloges dans u
417
de Saint-Gall, qui mentionne le Frère Claus avec
de
grands éloges dans un ouvrage daté de 1522. (Nous sommes donc aux tou
418
Claus avec de grands éloges dans un ouvrage daté
de
1522. (Nous sommes donc aux tout premiers jours de la Réforme.) En 15
419
e 1522. (Nous sommes donc aux tout premiers jours
de
la Réforme.) En 1529, un protestant bernois, Valerius Anshelm, nous d
420
elm, nous donne la première biographie importante
de
Nicolas, sur le ton le plus enthousiaste. Il est suivi en 1546 par St
421
. En 1556, Matthias Flacius Illyricus, professeur
d’
hébreu à Wittenberg, et parfois nommé le père de l’histoire des église
422
r d’hébreu à Wittenberg, et parfois nommé le père
de
l’histoire des églises protestantes, mentionne longuement Nicolas dan
423
longuement Nicolas dans son Catalogue des témoins
de
la foi qui se sont dressés avant Martin Luther, par la parole et par
424
Puis en 1524, il rappelle les conseils politiques
de
l’ermite, ses mises en garde répétées contre le service mercenaire à
425
ire à l’étranger. Et comme Johannes Faber tentait
de
lui opposer une parole de Nicolas conjurant les Suisses de garder la
426
Johannes Faber tentait de lui opposer une parole
de
Nicolas conjurant les Suisses de garder la foi de leurs pères, Zwingl
427
poser une parole de Nicolas conjurant les Suisses
de
garder la foi de leurs pères, Zwingli réplique que les réformés sont
428
de Nicolas conjurant les Suisses de garder la foi
de
leurs pères, Zwingli réplique que les réformés sont les véritables di
429
des Apôtres, et se sont refusés à faire commerce
de
leur religion. De 1526 à 1574, nous trouvons de nombreuses mentions d
430
e sont refusés à faire commerce de leur religion.
De
1526 à 1574, nous trouvons de nombreuses mentions du Frère Claus dans
431
e de leur religion. De 1526 à 1574, nous trouvons
de
nombreuses mentions du Frère Claus dans les sermons et traités de Bul
432
ntions du Frère Claus dans les sermons et traités
de
Bullinger (successeur de Zwingli à Zurich) ; de Vadian (Joachim von W
433
s les sermons et traités de Bullinger (successeur
de
Zwingli à Zurich) ; de Vadian (Joachim von Watt, réformateur de Saint
434
s de Bullinger (successeur de Zwingli à Zurich) ;
de
Vadian (Joachim von Watt, réformateur de Saint-Gall et grand humanist
435
urich) ; de Vadian (Joachim von Watt, réformateur
de
Saint-Gall et grand humaniste) ; d’Œcolampade (réformateur de Bâle) ;
436
, réformateur de Saint-Gall et grand humaniste) ;
d’
Œcolampade (réformateur de Bâle) ; d’Ulrich Campell, pasteur de Coire.
437
l et grand humaniste) ; d’Œcolampade (réformateur
de
Bâle) ; d’Ulrich Campell, pasteur de Coire. Ajoutons qu’en 1585, une
438
humaniste) ; d’Œcolampade (réformateur de Bâle) ;
d’
Ulrich Campell, pasteur de Coire. Ajoutons qu’en 1585, une délégation
439
(réformateur de Bâle) ; d’Ulrich Campell, pasteur
de
Coire. Ajoutons qu’en 1585, une délégation des cantons réformés se re
440
569. 3. Satires et drames. — La première mention
de
Nicolas dans une satire catholique date de 1522. Chose curieuse, elle
441
ention de Nicolas dans une satire catholique date
de
1522. Chose curieuse, elle est extrêmement défavorable au Bienheureux
442
défavorable au Bienheureux. On y sent l’agacement
de
l’auteur à voir le nom et les conseils du Frère sans cesse revendiqué
443
chacun reste sur son fumier !). Vous feriez mieux
de
le croire et de ne point innover, etc. Par contre, un Narrenspiel zwi
444
son fumier !). Vous feriez mieux de le croire et
de
ne point innover, etc. Par contre, un Narrenspiel zwinglien de 1526 e
445
nnover, etc. Par contre, un Narrenspiel zwinglien
de
1526 et une satire intitulée Etter Heini, de Jakob Ruf (1538), exploi
446
lien de 1526 et une satire intitulée Etter Heini,
de
Jakob Ruf (1538), exploitent, avec beaucoup de verve et quelque gross
447
verve et quelque grossièreté, les fameux conseils
de
Nicolas, qui se trouvent condamner toute la politique des cantons cat
448
à la Réforme, afin de les brûler ; dans la liste
de
ceux qui furent détruits figure un Jeu de Frère Claus et de Frère Tel
449
a liste de ceux qui furent détruits figure un Jeu
de
Frère Claus et de Frère Tell ! Mais la pièce la plus importante de ce
450
i furent détruits figure un Jeu de Frère Claus et
de
Frère Tell ! Mais la pièce la plus importante de cette série est cell
451
de Frère Tell ! Mais la pièce la plus importante
de
cette série est celle que fit jouer à Bâle, en 1550, le protestant Va
452
centrale symbolisant l’idée confédérale créatrice
de
la Suisse. Les cantons personnifiés prenaient la parole tour à tour,
453
tour, comme à la Diète (Uri se contentant parfois
de
sonner sa fameuse corne !), et Moïse ou Élie intervenaient dans les d
454
fit jouer à Lucerne, cette année-là, une Comoedia
de
vita Nicolai Underwaldii Eremitæ Helvetii, écrite en latin et représe
455
érêt dramatique ni sans verve, mais on est frappé
de
constater une fois de plus que seule la piété d’allure monacale du Fr
456
de constater une fois de plus que seule la piété
d’
allure monacale du Frère Claus y est mise en valeur, tandis que son rô
457
nait l’Église, remarque Dürrer.) Il y aurait lieu
de
citer enfin le libelle de Luther sur la « vision des épées », que Nic
458
rrer.) Il y aurait lieu de citer enfin le libelle
de
Luther sur la « vision des épées », que Nicolas avait fait peindre au
459
es épées », que Nicolas avait fait peindre au mur
de
sa cellule. Luther l’interprétait comme une prophétie contre le pape,
460
tête, dans l’image traditionnelle, est environnée
de
trois glaives, l’un d’eux appuyé contre ses lèvres comme pour l’empêc
461
itionnelle, est environnée de trois glaives, l’un
d’
eux appuyé contre ses lèvres comme pour l’empêcher de dire la Parole.
462
ux appuyé contre ses lèvres comme pour l’empêcher
de
dire la Parole. Mais à partir de 1536, les catholiques à leur tour ut
463
non sans supprimer la tiare papale) en une vision
de
la Trinité. Les historiens ne sont guère d’accord, et je n’ai pas qua
464
tes, bien entendu, n’ont aucunement la prétention
d’
annexer Nicolas de Flue à je ne sais quel « parti de la Réforme » ! El
465
annexer Nicolas de Flue à je ne sais quel « parti
de
la Réforme » ! Elles ne visent qu’à faire mieux connaître une grande
466
faire mieux connaître une grande figure que trop
de
protestants ignorent, et qu’ils ignorent le plus souvent du simple fa
467
que les catholiques l’exaltent. Tel est l’esprit
de
parti, même parmi les chrétiens ! Que de richesses les réformés n’ont
468
l’esprit de parti, même parmi les chrétiens ! Que
de
richesses les réformés n’ont-ils pas laissé perdre de la sorte, et n’
469
ichesses les réformés n’ont-ils pas laissé perdre
de
la sorte, et n’ont-ils pas laissé dénaturer ! Mon désir n’est nulleme
470
pas laissé dénaturer ! Mon désir n’est nullement
d’
enlever le Frère Claus aux catholiques — il ne peut leur faire que du
471
liques — il ne peut leur faire que du bien — mais
de
le rendre aussi aux protestants, comme une part de leur héritage. Dan
472
e le rendre aussi aux protestants, comme une part
de
leur héritage. Dans une période où le sens fédéral paraît renaître pa
473
mblé que la vie du Frère Claus prenait une valeur
de
symbole, et non seulement pour l’ordre politique, mais aussi sur le p
474
r le plan religieux. Nicolas pauvre et se privant
de
pain à l’époque même où les Suisses sont tentés par les richesses étr
475
t qu’il rappelle aux « centralistes » que le bien
de
tous suppose le bien de chacun ; Nicolas témoin de la foi dans une ép
476
entralistes » que le bien de tous suppose le bien
de
chacun ; Nicolas témoin de la foi dans une époque où toute la chrétie
477
e tous suppose le bien de chacun ; Nicolas témoin
de
la foi dans une époque où toute la chrétienté était encore extérieure
478
ncêtre commun, et j’ajouterais : comme le parrain
de
cette « défense spirituelle du pays » que nous devons approuver comme
479
, en particulier par Vadian. b. Rougemont Denis
de
, « Nicolas de Flue et la Réforme », Les Cahiers protestants, Lausanne
480
La bataille
de
la culture (janvier-février 1940)c d Le fait même que nous éprouvi
481
e nous éprouvions tous un doute sur l’opportunité
d’
une conférence en temps de guerre, ce fait est significatif. Il prouve
482
doute sur l’opportunité d’une conférence en temps
de
guerre, ce fait est significatif. Il prouve que nous tenons la cultur
483
uve que nous tenons la culture pour quelque chose
d’
un peu moins sérieux que l’action, ou que la guerre, par exemple, ou s
484
se nationale. Or je vois là le signe très certain
d’
une crise, — et d’une crise qui met en question les fondements mêmes d
485
e vois là le signe très certain d’une crise, — et
d’
une crise qui met en question les fondements mêmes de la culture en Oc
486
ne crise qui met en question les fondements mêmes
de
la culture en Occident. Je voudrais vous montrer ce soir que cette cr
487
uences pratiques ; qu’elle est l’une des origines
de
la présente guerre ; et que cette guerre n’est, en fin de compte, mal
488
s ses prétextes matériels, qu’un épisode tragique
d’
une bataille bien plus vaste, la millénaire bataille de la culture.
489
bataille bien plus vaste, la millénaire bataille
de
la culture. L’adversaire est en nous Mais d’abord, essayons d’éc
490
’adversaire est en nous Mais d’abord, essayons
d’
écarter un malentendu menaçant. La bataille dont je vais vous parler n
491
uels belligérants, et il n’est pas question, ici,
de
confondre l’un des partis avec la cause de la culture, l’autre étant
492
, ici, de confondre l’un des partis avec la cause
de
la culture, l’autre étant le parti de l’anti-culture. Ce genre d’oppo
493
ec la cause de la culture, l’autre étant le parti
de
l’anti-culture. Ce genre d’opposition est très tentant, je l’avoue, e
494
’autre étant le parti de l’anti-culture. Ce genre
d’
opposition est très tentant, je l’avoue, et aujourd’hui plus que jamai
495
hui plus que jamais. C’est malgré tout un procédé
de
propagande de guerre. Un fameux général autrichien disait un jour : T
496
amais. C’est malgré tout un procédé de propagande
de
guerre. Un fameux général autrichien disait un jour : Tout ce qui n’e
497
mes encore neutres, et nous avons encore le droit
de
ne pas nous livrer à ce genre de simplifications brutales. Notre prem
498
encore le droit de ne pas nous livrer à ce genre
de
simplifications brutales. Notre premier devoir est, aujourd’hui, de d
499
brutales. Notre premier devoir est, aujourd’hui,
de
défendre l’intelligence contre un certain primitivisme qui se réveill
500
in primitivisme qui se réveille toujours en temps
de
guerre. Les primitifs ont l’habitude de personnifier les forces mauva
501
en temps de guerre. Les primitifs ont l’habitude
de
personnifier les forces mauvaises qui les menacent. S’ils sont malade
502
’ils sont malades, ils pensent que c’est la faute
d’
un objet maléfique, ou d’un sorcier, ou d’un esprit qui rôde autour de
503
nsent que c’est la faute d’un objet maléfique, ou
d’
un sorcier, ou d’un esprit qui rôde autour de leur maison. Toujours, l
504
a faute d’un objet maléfique, ou d’un sorcier, ou
d’
un esprit qui rôde autour de leur maison. Toujours, la cause du mal, c
505
sous l’influence du christianisme, s’est efforcée
de
nous faire comprendre que la vraie cause de nos malheurs est presque
506
orcée de nous faire comprendre que la vraie cause
de
nos malheurs est presque toujours en nous-mêmes. Il faut reconnaître,
507
a manie des primitifs : nous rendons responsables
de
nos maux — les autres, uniquement les autres, ceux d’un autre parti,
508
os maux — les autres, uniquement les autres, ceux
d’
un autre parti, ceux d’une autre nation… Nous faisons tous comme les p
509
niquement les autres, ceux d’un autre parti, ceux
d’
une autre nation… Nous faisons tous comme les petits enfants qui batte
510
e ils se sont heurtés. Il est facile et rassurant
de
noircir le voisin pour mieux se blanchir soi-même. Mais en réalité, n
511
nos adversaires ne diffèrent pas essentiellement
de
nous. Tout homme porte en soi les microbes de toutes les maladies ima
512
ent de nous. Tout homme porte en soi les microbes
de
toutes les maladies imaginables. Et cet ennemi qui nous menace, il ne
513
qui nous menace, il ne serait nullement suffisant
de
l’anéantir pour nous en délivrer. Car la tendance qu’il personnifie à
514
t, pour nous défendre, c’est en nous qu’il s’agit
de
l’attaquer, et avant tout, de la reconnaître. Disharmonies et impu
515
n nous qu’il s’agit de l’attaquer, et avant tout,
de
la reconnaître. Disharmonies et impuissance de l’esprit Songean
516
de la reconnaître. Disharmonies et impuissance
de
l’esprit Songeant à notre civilisation moderne, je suis de plus en
517
une étonnante disharmonie entre les divers ordres
de
nos activités, — d’autre part, une angoissante impuissance de l’espri
518
ités, — d’autre part, une angoissante impuissance
de
l’esprit devant ce monde. Tel grand chimiste scandinave invente, dans
519
ceux qui travaillèrent pour la paix. Mais l’état
de
notre culture est tel que l’invention sera utilisée pour détruire cet
520
cifique verra retomber sur sa tête, sous la forme
d’
une bombe de 1000 kg son invention humanitaire. Par quelle fatalité ma
521
a retomber sur sa tête, sous la forme d’une bombe
de
1000 kg son invention humanitaire. Par quelle fatalité mauvaise tous
522
re. Par quelle fatalité mauvaise tous les progrès
de
notre science contribuent-ils à ravager la civilisation qui les produ
523
ous posé cette question-là. Mais il ne suffit pas
de
se la poser et ensuite de se lamenter. Il faut voir ce que signifie u
524
. Mais il ne suffit pas de se la poser et ensuite
de
se lamenter. Il faut voir ce que signifie une si cruelle disharmonie,
525
xiste des remèdes. Car il ne serait pas suffisant
de
n’accuser que la méchanceté des hommes : c’est l’esprit même de la cu
526
ue la méchanceté des hommes : c’est l’esprit même
de
la culture moderne, et son défaut de sagesse générale qui se trouve i
527
’esprit même de la culture moderne, et son défaut
de
sagesse générale qui se trouve ici mis à nu. Un autre fait, dans ce m
528
entions techniques est double : il est d’une part
d’
économiser du travail d’hommes par les machines, et donc de créer du l
529
ouble : il est d’une part d’économiser du travail
d’
hommes par les machines, et donc de créer du loisir ; d’autre part, d’
530
ser du travail d’hommes par les machines, et donc
de
créer du loisir ; d’autre part, d’élever le niveau général du confort
531
hines, et donc de créer du loisir ; d’autre part,
d’
élever le niveau général du confort. Or chacun sait que les résultats
532
les résultats pratiques du machinisme ne sont pas
d’
augmenter les loisirs, mais bien d’augmenter le chômage, et qu’au lieu
533
me ne sont pas d’augmenter les loisirs, mais bien
d’
augmenter le chômage, et qu’au lieu d’élever le niveau général, l’indu
534
eu d’élever le niveau général, l’industrie a créé
d’
immenses masses misérables, déracinées et démoralisées. Enfin je vous
535
n cas individuel assez typique. Un grand banquier
de
Paris, membre d’un comité de bienfaisance, fut interrogé un jour, dev
536
assez typique. Un grand banquier de Paris, membre
d’
un comité de bienfaisance, fut interrogé un jour, devant moi, par un d
537
e. Un grand banquier de Paris, membre d’un comité
de
bienfaisance, fut interrogé un jour, devant moi, par un de ses collèg
538
isance, fut interrogé un jour, devant moi, par un
de
ses collègues. Était-il vrai, lui demandait-on, que sa banque finançâ
539
ar tout ce que j’ai à voir, ce sont deux colonnes
de
chiffres, dont la balance est favorable à ma maison. — L’exemple peut
540
plus, il illustre à merveille le vice fondamental
de
notre société et aussi de notre culture : c’est une absence totale de
541
lle le vice fondamental de notre société et aussi
de
notre culture : c’est une absence totale de vue d’ensemble. Ce qui no
542
aussi de notre culture : c’est une absence totale
de
vue d’ensemble. Ce qui nous manque absolument, c’est un grand princip
543
e notre culture : c’est une absence totale de vue
d’
ensemble. Ce qui nous manque absolument, c’est un grand principe d’uni
544
i nous manque absolument, c’est un grand principe
d’
unité entre notre pensée et nos actions. Cette absence d’un principe d
545
entre notre pensée et nos actions. Cette absence
d’
un principe d’unité est si totale qu’on ne la ressent même plus comme
546
ensée et nos actions. Cette absence d’un principe
d’
unité est si totale qu’on ne la ressent même plus comme un scandale. E
547
vait disharmonie, contradiction, entre son comité
de
bienfaisance, les intérêts de sa banque, et le massacre des Chinois.
548
n, entre son comité de bienfaisance, les intérêts
de
sa banque, et le massacre des Chinois. Chacune de ces activités lui p
549
de sa banque, et le massacre des Chinois. Chacune
de
ces activités lui paraissait, en somme, justifiable en elle-même, pou
550
t pas tout mélanger… Et en effet, nous mélangeons
de
moins en moins notre pensée à notre action. L’impuissance de la pensé
551
moins notre pensée à notre action. L’impuissance
de
la pensée sur la conduite générale des affaires, tel est le dogme fon
552
nérale des affaires, tel est le dogme fondamental
de
la mentalité moderne. C’est plus qu’un dogme, c’est une croyance spon
553
Il est admis, dans notre société, que les hommes
de
la pensée n’ont rien à dire d’utile aux hommes de l’action, aux capit
554
té, que les hommes de la pensée n’ont rien à dire
d’
utile aux hommes de l’action, aux capitaines de l’industrie ou de la g
555
de la pensée n’ont rien à dire d’utile aux hommes
de
l’action, aux capitaines de l’industrie ou de la guerre. Le divorce a
556
re d’utile aux hommes de l’action, aux capitaines
de
l’industrie ou de la guerre. Le divorce a été prononcé entre la cultu
557
mes de l’action, aux capitaines de l’industrie ou
de
la guerre. Le divorce a été prononcé entre la culture et l’action, en
558
ction, entre le cerveau et la main. Les résultats
de
ce divorce sont infinis. Mais le plus décisif, sans doute, est celui-
559
a culture apparaît aujourd’hui comme une activité
de
luxe, et l’action seule est tenue pour sérieuse. En voici la preuve.
560
e. Quand la situation devient grave, comme en cas
de
guerre par exemple, tout le monde trouve parfaitement naturel que la
561
sée abdique sa liberté et se soumette aux besoins
de
l’action, du haut en bas de l’échelle de nos occupations. Tout le mon
562
soumette aux besoins de l’action, du haut en bas
de
l’échelle de nos occupations. Tout le monde trouve parfaitement natur
563
besoins de l’action, du haut en bas de l’échelle
de
nos occupations. Tout le monde trouve parfaitement naturel de cesser
564
ations. Tout le monde trouve parfaitement naturel
de
cesser d’acheter des livres : c’est la première économie que l’on fer
565
ut le monde trouve parfaitement naturel de cesser
d’
acheter des livres : c’est la première économie que l’on fera. De même
566
mière économie que l’on fera. De même qu’en temps
de
restrictions alimentaires on trouve tout naturel de se priver d’abord
567
restrictions alimentaires on trouve tout naturel
de
se priver d’abord de dessert. Oui, la culture est devenue pour nous q
568
aires on trouve tout naturel de se priver d’abord
de
dessert. Oui, la culture est devenue pour nous quelque chose comme un
569
. Elle n’est plus un pain quotidien. Quand on dit
de
quelqu’un : c’est un intellectuel ! cela signifie : c’est un monsieur
570
i ne vaut rien pour conduire la cité, pour gagner
de
l’argent, pour faire des choses sérieuses… Et cependant, une société
571
rieuses… Et cependant, une société où les valeurs
de
la pensée n’ont plus aucun rapport avec les lois de l’action, une soc
572
la pensée n’ont plus aucun rapport avec les lois
de
l’action, une société qui manque à ce point d’harmonie, et où ce manq
573
is de l’action, une société qui manque à ce point
d’
harmonie, et où ce manque n’est même plus ressenti comme un scandale,
574
sera toujours le seul aboutissement. L’esprit
de
Ponce Pilate Mais alors, qui est responsable de ce divorce entre l
575
e Ponce Pilate Mais alors, qui est responsable
de
ce divorce entre la main et le cerveau ? Nous voyons bien où il nous
576
u ? Nous voyons bien où il nous a menés. Essayons
de
voir d’où il vient. Le phénomène le plus remarquable des débuts du xi
577
voyons bien où il nous a menés. Essayons de voir
d’
où il vient. Le phénomène le plus remarquable des débuts du xixe sièc
578
des machines a brusquement accru nos possibilités
d’
action sur la matière. L’industrie et le commerce ont provoqué la brus
579
e et le commerce ont provoqué la brusque création
de
villes énormes, dix ou cent fois plus grandes que celles qu’on connai
580
uparavant. Ainsi Berlin passe, en un demi-siècle,
de
25 000 habitants à 4 millions. Dans ces villes, se sont entassées des
581
celles des monstres antédiluviens. La population
de
l’Europe a plus que doublé en cent ans, ses richesses ont été décuplé
582
tous ces éléments réunis ont provoqué la création
d’
armées considérables, agrandissant le phénomène de la guerre, brusquem
583
d’armées considérables, agrandissant le phénomène
de
la guerre, brusquement, aux proportions de la nation entière. Voici d
584
nomène de la guerre, brusquement, aux proportions
de
la nation entière. Voici donc, dans tous les domaines, que nos pouvoi
585
ci donc, dans tous les domaines, que nos pouvoirs
d’
agir matériellement grandissent, par une mutation brusque, dans la pro
586
ent, par une mutation brusque, dans la proportion
de
1 à 100. Que va faire la pensée, en présence de cet essor fulgurant d
587
ire la pensée, en présence de cet essor fulgurant
de
l’action ? Et que va faire la culture ? Il semble que la société devi
588
ciété devienne trop gigantesque pour être dominée
d’
un seul regard. Une seule intelligence ne peut plus en comprendre et e
589
menacent et souffrent. Tout cela échappe aux vues
de
l’esprit rationaliste. Le panorama de la société devient confus. Plus
590
pe aux vues de l’esprit rationaliste. Le panorama
de
la société devient confus. Plus rien n’est à la mesure de l’homme ind
591
ciété devient confus. Plus rien n’est à la mesure
de
l’homme individuel. Quand nous regardons en arrière, nous nous disons
592
ient dû faire à ce moment-là un formidable effort
de
mise en ordre : ils auraient dû être saisis tout à la fois d’angoisse
593
rdre : ils auraient dû être saisis tout à la fois
d’
angoisse et d’enthousiasme devant ce monde démesuré, porteur de tels p
594
aient dû être saisis tout à la fois d’angoisse et
d’
enthousiasme devant ce monde démesuré, porteur de tels pouvoirs de vie
595
d’enthousiasme devant ce monde démesuré, porteur
de
tels pouvoirs de vie et de mort. Songez donc : si tous ces pouvoirs a
596
evant ce monde démesuré, porteur de tels pouvoirs
de
vie et de mort. Songez donc : si tous ces pouvoirs avaient été coordo
597
onde démesuré, porteur de tels pouvoirs de vie et
de
mort. Songez donc : si tous ces pouvoirs avaient été coordonnés, orie
598
tés par une vue générale, par une notion générale
de
l’homme et des buts de sa destinée, ils pouvaient créer une belle vie
599
e, par une notion générale de l’homme et des buts
de
sa destinée, ils pouvaient créer une belle vie ! Mais si ces mêmes po
600
onnés à l’anarchie, s’ils se développaient chacun
de
son côté sans tenir compte d’aucune harmonie ni d’aucune mesure humai
601
éveloppaient chacun de son côté sans tenir compte
d’
aucune harmonie ni d’aucune mesure humaine, ils ne pouvaient créer qu’
602
e son côté sans tenir compte d’aucune harmonie ni
d’
aucune mesure humaine, ils ne pouvaient créer qu’une vie fausse, une v
603
uvaise, antihumaine. C’eût été le rôle des hommes
de
la pensée que d’avertir les hommes d’action. Ils avaient là une chanc
604
ne. C’eût été le rôle des hommes de la pensée que
d’
avertir les hommes d’action. Ils avaient là une chance et un devoir vi
605
des hommes de la pensée que d’avertir les hommes
d’
action. Ils avaient là une chance et un devoir vital. Or, ils ont perd
606
ance. Ils n’ont pas vu le danger, ils ont eu peur
de
le prévoir. Et c’est ici que nous allons découvrir le grand ennemi de
607
est ici que nous allons découvrir le grand ennemi
de
la culture ; c’est chez les philosophes et les penseurs qu’il s’est d
608
t d’abord manifesté. Et je le nommerai : l’esprit
de
démission, de non-intervention, ou la démission de l’esprit. C’est l’
609
festé. Et je le nommerai : l’esprit de démission,
de
non-intervention, ou la démission de l’esprit. C’est l’esprit même d’
610
e démission, de non-intervention, ou la démission
de
l’esprit. C’est l’esprit même d’un Ponce Pilate, le sceptique qui se
611
ou la démission de l’esprit. C’est l’esprit même
d’
un Ponce Pilate, le sceptique qui se lave les mains et laisse les chos
612
, et par ce qu’ils appelaient le désintéressement
de
la pensée. Ils ont renoncé à leur mission de directeurs spirituels de
613
ment de la pensée. Ils ont renoncé à leur mission
de
directeurs spirituels de la cité. Bien sûr, ils n’ont pas dit : notre
614
t renoncé à leur mission de directeurs spirituels
de
la cité. Bien sûr, ils n’ont pas dit : notre pensée, à partir d’aujou
615
n sûr, ils n’ont pas dit : notre pensée, à partir
d’
aujourd’hui, renonce à agir, mais ils ont dit : la dignité de la pensé
616
ui, renonce à agir, mais ils ont dit : la dignité
de
la pensée réside dans son détachement de toute action, dans son désin
617
dignité de la pensée réside dans son détachement
de
toute action, dans son désintéressement scientifique. Ils n’ont pas d
618
s n’ont pas dit : nous ne voulons plus rien faire
d’
utile, mais ils ont dit : on ne peut plus rien faire, car l’histoire e
619
angoissant des faits, ils ont opposé des milliers
de
pages de rhétorique sur le Progrès. Merveilleuse doctrine que celle-l
620
t des faits, ils ont opposé des milliers de pages
de
rhétorique sur le Progrès. Merveilleuse doctrine que celle-là ! Car e
621
lle justifie tout, endort l’esprit et le dispense
de
toute intervention active. Pourquoi s’inquiéter des effets futurs de
622
on active. Pourquoi s’inquiéter des effets futurs
de
ces capitaux accumulés ou du sort de ces masses humaines rassemblées
623
ffets futurs de ces capitaux accumulés ou du sort
de
ces masses humaines rassemblées ? Primo : notre esprit est trop disti
624
ui réponds que sa croyance au Progrès est l’opium
de
la culture. S’il fallait résumer rapidement les caractères généraux p
625
ères généraux par lesquels se trahit la démission
de
l’esprit, je dirais : goût des automatismes, croyance aux fatalités d
626
s : goût des automatismes, croyance aux fatalités
de
l’Histoire et de l’Économie, manie des organisations trop vastes et u
627
matismes, croyance aux fatalités de l’Histoire et
de
l’Économie, manie des organisations trop vastes et uniformes, optimis
628
formes, optimisme trop confortable, enfin, manque
d’
imagination. Or la plupart de ces choses ont paru magnifiques et série
629
e Kierkegaard et Nietzsche pour protester du fond
de
leur solitude. Kierkegaard qui osa écrire ce blasphème contre les pré
630
s préjugés du siècle : « Le plus grand adversaire
de
l’esprit, c’est la presse quotidienne. On ne peut plus prêcher le chr
631
dans un monde où règne la presse. » Et Nietzsche,
de
son côté, dénonçait la manie d’organiser et de centraliser en écrivan
632
. » Et Nietzsche, de son côté, dénonçait la manie
d’
organiser et de centraliser en écrivant : « L’État est le plus froid p
633
e, de son côté, dénonçait la manie d’organiser et
de
centraliser en écrivant : « L’État est le plus froid parmi les monstr
634
abandonné à son mouvement fatal. Le développement
de
l’industrie a produit évidemment beaucoup d’automobiles, de téléphone
635
ment de l’industrie a produit évidemment beaucoup
d’
automobiles, de téléphones et de frigidaires, mais il a aussi produit
636
trie a produit évidemment beaucoup d’automobiles,
de
téléphones et de frigidaires, mais il a aussi produit beaucoup de can
637
idemment beaucoup d’automobiles, de téléphones et
de
frigidaires, mais il a aussi produit beaucoup de canons et de masques
638
es, mais il a aussi produit beaucoup de canons et
de
masques à gaz. Il a produit beaucoup de confort, mais il a également
639
te catastrophe humaine, l’un des désastres moraux
de
l’Histoire. Tout cela, faute d’harmonie et de mesure humaine, faute d
640
désastres moraux de l’Histoire. Tout cela, faute
d’
harmonie et de mesure humaine, faute d’un grand principe directeur, sp
641
aux de l’Histoire. Tout cela, faute d’harmonie et
de
mesure humaine, faute d’un grand principe directeur, spirituel ou cul
642
ela, faute d’harmonie et de mesure humaine, faute
d’
un grand principe directeur, spirituel ou culturel. Tout cela parce qu
643
infaillible, et que la seule tâche sérieuse était
de
gagner de l’argent en attendant que les choses s’arrangent d’elles-mê
644
e, et que la seule tâche sérieuse était de gagner
de
l’argent en attendant que les choses s’arrangent d’elles-mêmes. Or, e
645
l’argent en attendant que les choses s’arrangent
d’
elles-mêmes. Or, en réalité, rien ne s’est arrangé. Et voici où nous
646
e n’a plus en fait l’initiative, ce sont les lois
de
la production et de la guerre qui imposent leurs nécessités à notre p
647
’initiative, ce sont les lois de la production et
de
la guerre qui imposent leurs nécessités à notre pensée impuissante. Q
648
rde pas à se défaire. Dès que la pensée se sépare
de
l’action, les hommes se trouvent séparés les uns des autres. Chacun,
649
cées par des principes contradictoires et privées
de
commune mesure. Décadence de la communauté Je préciserai ce que
650
toires et privées de commune mesure. Décadence
de
la communauté Je préciserai ce que j’appelle ici la commune mesure
651
préciserai ce que j’appelle ici la commune mesure
d’
une civilisation : c’est le principe qui doit harmoniser toutes les ac
652
principe qui doit harmoniser toutes les activités
d’
une société donnée. Dans la cité grecque, par exemple, tout était rapp
653
que, par exemple, tout était rapporté à la mesure
de
l’individu raisonnable. Dans l’Empire romain, tout était réglé par le
654
ns l’Empire romain, tout était réglé par le droit
d’
État. Chez les Juifs, c’était la Loi de Moïse qui ordonnait toute l’ex
655
r le droit d’État. Chez les Juifs, c’était la Loi
de
Moïse qui ordonnait toute l’existence dans ses plus minutieux détails
656
enant que tout, dans le monde, échappe aux prises
de
l’esprit humain, il ne reste qu’un seul principe pour mesurer la vale
657
reste qu’un seul principe pour mesurer la valeur
de
nos actes : c’est l’Argent. Et quand il n’y a plus d’argent, c’est la
658
os actes : c’est l’Argent. Et quand il n’y a plus
d’
argent, c’est la misère. Et quand la misère est trop grande, alors c’e
659
ande, alors c’est l’État-providence qui se charge
de
tout mettre au pas. Le malheur, c’est que l’Argent et l’État sont des
660
des principes qui ne valent rien dans le domaine
de
l’esprit. Et dès lors, la culture en chômage se corrompt rapidement,
661
servit. Je vous en donnerai un exemple que chacun
de
vous peut vérifier quotidiennement. Le fondement et le symbole de tou
662
ifier quotidiennement. Le fondement et le symbole
de
toute culture, c’est le langage. Or nous assistons aujourd’hui à une
663
pays. Au cours des siècles précédents, les hommes
d’
une même société s’entendaient sur le sens de certains mots fondamenta
664
mmes d’une même société s’entendaient sur le sens
de
certains mots fondamentaux que j’appellerai les lieux communs. C’étai
665
appellerai les lieux communs. C’était sur la base
de
ces mots définis une fois pour toutes que les échanges d’idées pouvai
666
ots définis une fois pour toutes que les échanges
d’
idées pouvaient se produire sans erreur ni malentendu. Les lieux commu
667
entendu. Les lieux communs étaient donc à la base
de
toute la vie sociale du siècle. Que sont-ils devenus parmi nous ? Pre
668
es plus fréquents dans les discours et les écrits
de
notre époque : esprit, liberté et ordre. Je constate que le mot espri
669
à vingt-neuf sens différents dans le dictionnaire
de
Littré. Mais cela n’est pas un mal, car ces sens, justement, sont exa
670
esprit, mais pour certains, c’est le Saint-Esprit
de
la théologie, pour d’autres, c’est la raison humaine ou l’ensemble de
671
r d’autres, c’est la raison humaine ou l’ensemble
de
la culture. Pour celui-ci, l’esprit signifiera le luxe des délicats,
672
naire des créateurs. Si j’affirme que mon but est
de
sauver l’esprit, le marxiste en déduira que je néglige la vie concrèt
673
évade dans le spiritualisme, alors que je ne vois
de
salut pour l’esprit que dans la présence effective de la pensée et de
674
alut pour l’esprit que dans la présence effective
de
la pensée et de la foi à toutes les misères de ce monde. La liberté :
675
it que dans la présence effective de la pensée et
de
la foi à toutes les misères de ce monde. La liberté : tout le monde l
676
ve de la pensée et de la foi à toutes les misères
de
ce monde. La liberté : tout le monde l’invoque, n’est-ce pas ? Mais p
677
pour l’économiste libéral, cela signifie le droit
de
ruiner le voisin par le jeu de la concurrence ; pour l’individualiste
678
signifie le droit de ruiner le voisin par le jeu
de
la concurrence ; pour l’individualiste anarchisant, ce sera le refus
679
ur l’individualiste anarchisant, ce sera le refus
d’
obéir à l’État ; dans tel pays, la liberté consiste à s’armer jusqu’au
680
la liberté signifiera le droit pour le plus fort
de
s’annexer un voisin faible ; dans un troisième pays, la liberté sera
681
ys, la liberté sera tout simplement la permission
de
dire à haute voix ce que l’on pense. Et quand ces trois pays se feron
682
al, si absurde qu’il soit, tantôt l’établissement
d’
une hiérarchie nouvelle au prix d’une révolution, tantôt la suppressio
683
l’établissement d’une hiérarchie nouvelle au prix
d’
une révolution, tantôt la suppression physique de tous ceux qui critiq
684
d’une révolution, tantôt la suppression physique
de
tous ceux qui critiquent le désordre établi, tantôt le fait qu’on n’a
685
plus dans la rue mais seulement dans les prisons
d’
État. Je n’hésite pas à le dire : l’une des causes principales de la m
686
site pas à le dire : l’une des causes principales
de
la mésentente des peuples réside dans ce désordre du langage, et dans
687
de dans ce désordre du langage, et dans l’absence
de
toute autorité morale capable d’y porter remède. Car qui peut fixer a
688
t dans l’absence de toute autorité morale capable
d’
y porter remède. Car qui peut fixer aujourd’hui le véritable sens des
689
léry, un Gide ou un Claudel ont quelques milliers
de
lecteurs, tandis que la presse du soir et la radio atteignent chaque
690
r et la radio atteignent chaque jour des millions
d’
hommes, et c’est tout un domaine du langage que l’écrivain ne contrôle
691
ne forme pas, n’atteint même pas. Ainsi se créent
d’
énormes zones d’échanges verbaux incontrôlés. Et plus on y échange de
692
atteint même pas. Ainsi se créent d’énormes zones
d’
échanges verbaux incontrôlés. Et plus on y échange de mots, plus ils p
693
changes verbaux incontrôlés. Et plus on y échange
de
mots, plus ils perdent leur force et leur sens, et leur délicatesse d
694
dent leur force et leur sens, et leur délicatesse
d’
appel. Alors les écrivains, qui n’ont pas d’autres armes que les mots,
695
pas d’autres armes que les mots, se voient privés
de
tout moyen d’agir. Leurs conseils, leurs appels ne portent plus. Les
696
rmes que les mots, se voient privés de tout moyen
d’
agir. Leurs conseils, leurs appels ne portent plus. Les hommes échange
697
omme fait à un homme, et qui engage quelque chose
de
son être, c’est l’amitié humaine qui se détruit, le fondement même de
698
’amitié humaine qui se détruit, le fondement même
de
toute communauté. Alors paraît le règne de la force ! Si nulle autori
699
t même de toute communauté. Alors paraît le règne
de
la force ! Si nulle autorité spirituelle ne peut fixer le sens des mo
700
gera. À la place des grands lieux communs chargés
de
sens traditionnel, nous aurons des slogans, des mots d’ordre simplist
701
sens des mots sept fois par an, selon les besoins
de
la cause. C’est ainsi que tout récemment le ministre d’une grande pui
702
cause. C’est ainsi que tout récemment le ministre
d’
une grande puissance, le camarade Molotov, déclarait que le mot d’agre
703
ssance, le camarade Molotov, déclarait que le mot
d’
agression avait changé de sens depuis ce printemps, « les événements l
704
ov, déclarait que le mot d’agression avait changé
de
sens depuis ce printemps, « les événements lui ayant donné un contenu
705
contenu historique nouveau », exactement inverse
de
l’ancien… Cela me fit songer irrésistiblement à un dialogue d’Alice a
706
Cela me fit songer irrésistiblement à un dialogue
d’
Alice au pays des Merveilles (qui est un de mes livres préférés), dial
707
alogue d’Alice au pays des Merveilles (qui est un
de
mes livres préférés), dialogue dont voici trois répliques : « Quand j
708
e dont voici trois répliques : « Quand je me sers
d’
un mot, dit Humpty Dumpty d’un ton méprisant, il signifie exactement c
709
: « Quand je me sers d’un mot, dit Humpty Dumpty
d’
un ton méprisant, il signifie exactement ce que je veux qu’il signifie
710
’il signifie… ni plus ni moins. — La question est
de
savoir, dit Alice, si vous pouvez faire que les mêmes mots signifient
711
ifient des choses différentes ? — La question est
de
savoir, dit Humpty Dumpty, qui est le plus fort… et c’est tout. » Nou
712
artout. L’appel au dictateur Or maintenant,
de
cette angoisse monte un appel, le formidable et inconscient appel des
713
novée dans son esprit et dans ses signes, l’appel
de
toute l’Europe du xxe siècle vers une commune mesure restaurée et vi
714
ner — avant les intellectuels ! — la vraie nature
de
l’angoisse des foules, pour lui donner une réponse à la fois frappant
715
bien simple. Nous allons proclamer que l’intérêt
de
l’État dont nous sommes devenus les maîtres est la seule règle de tou
716
ous sommes devenus les maîtres est la seule règle
de
toute activité, culturelle, politique, ou même religieuse. » C’était
717
politique, ou même religieuse. » C’était un coup
de
génie, si le génie consiste à deviner et à prévenir les inconscients
718
e à deviner et à prévenir les inconscients désirs
d’
une nation. Mais on peut avoir du génie et faire de grosses fautes de
719
’une nation. Mais on peut avoir du génie et faire
de
grosses fautes de calcul. Surtout quand on est très pressé. Or il est
720
on peut avoir du génie et faire de grosses fautes
de
calcul. Surtout quand on est très pressé. Or il est certain que ces c
721
des principes qui étaient partiels. La discipline
d’
État, ou le sang, ou la classe, ce sont certes des réalités. Mais des
722
ple nos petits États neutres, ne nous faisons pas
d’
illusions : tôt ou tard, là aussi, cet appel exigera une réponse. Rest
723
r les essayer sur nous d’abord. À la recherche
de
l’homme réel … Sur quel principe pourrions-nous rebâtir un monde q
724
nous rebâtir un monde qui soit vraiment à hauteur
d’
homme ? Un monde où la pensée, la culture et l’esprit soient de nouvea
725
la culture et l’esprit soient de nouveau capables
d’
agir ? Et quelle est l’attitude de pensée qui peut nous orienter dès à
726
ouveau capables d’agir ? Et quelle est l’attitude
de
pensée qui peut nous orienter dès à présent vers une communauté solid
727
faut rapprendre à penser, à penser dans le train
de
l’action, oui, à penser avec les mains. Il nous faut voir que tout dé
728
Il nous faut voir que tout dépend en premier lieu
de
notre état d’esprit. S’il change, tout commence à changer. S’il ne ch
729
bien se sont trompés sur sa nature. Ils ont perdu
de
vue sa définition même. Leur point de départ est faux, et c’est pourq
730
s ont perdu de vue sa définition même. Leur point
de
départ est faux, et c’est pourquoi leurs efforts, même les plus sincè
731
s, même les plus sincères, aboutissent au malheur
de
l’homme. Dans ce monde qui a perdu la mesure, le seul devoir des inte
732
— et j’ajouterai : leur seul pouvoir — c’est donc
de
rechercher l’homme perdu. Or l’histoire nous apprend que l’homme ne t
733
supposait que l’humanité n’était qu’un assemblage
d’
individus, d’hommes qui avaient surtout des droits légaux, et très peu
734
l’humanité n’était qu’un assemblage d’individus,
d’
hommes qui avaient surtout des droits légaux, et très peu de devoirs n
735
ationaliste, c’était un homme in abstracto, privé
d’
attaches avec le sol, la patrie et l’hérédité. C’était un homme libéré
736
tait un homme libéré des servitudes et des tabous
de
la tribu, mais en même temps privé de relations concrètes. Or la comm
737
des tabous de la tribu, mais en même temps privé
de
relations concrètes. Or la communauté des hommes se fonde d’abord sur
738
doctrine antisociale. Elle a pour effet mécanique
de
dissocier toute communauté naturelle. Et alors se produit le phénomèn
739
ne auquel nous avons assisté depuis une trentaine
d’
années. L’homme isolé, dans un monde trop vaste, ne se sent plus porté
740
pe. Déraciné, il flotte, il erre, il n’offre plus
de
résistance aux courants d’opinion, aux modes, à la publicité des gran
741
erre, il n’offre plus de résistance aux courants
d’
opinion, aux modes, à la publicité des grandes firmes et des grands pa
742
oduit fatalement ce que j’appellerai un sentiment
de
vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse, d’où naît le besoin
743
erai un sentiment de vide social. C’est une sorte
d’
angoisse diffuse, d’où naît le besoin d’un coude à coude où l’individu
744
vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse,
d’
où naît le besoin d’un coude à coude où l’individu isolé retrouve des
745
une sorte d’angoisse diffuse, d’où naît le besoin
d’
un coude à coude où l’individu isolé retrouve des contraintes qui le r
746
ssurent. Appel à une communauté : c’est le secret
de
toute révolution. Alors, d’un coup de balancier, nous nous trouvons p
747
uté : c’est le secret de toute révolution. Alors,
d’
un coup de balancier, nous nous trouvons portés à l’autre pôle, qui es
748
t le secret de toute révolution. Alors, d’un coup
de
balancier, nous nous trouvons portés à l’autre pôle, qui est le pôle
749
, qui est le pôle collectiviste. Toute l’histoire
de
l’Europe peut être ramenée à ces grands balancements d’un pôle à l’au
750
urope peut être ramenée à ces grands balancements
d’
un pôle à l’autre. À l’anarchie individualiste de la Grèce répond l’ét
751
d’un pôle à l’autre. À l’anarchie individualiste
de
la Grèce répond l’étatisme romain. Au collectivisme sacral du Moyen Â
752
ral du Moyen Âge répond la révolte individualiste
de
la Renaissance. Et aujourd’hui, nouvelle oscillation du balancier : l
753
ssante réaction collective. Sortirons-nous jamais
de
cette dialectique, dont les phases et les renversements menacent aujo
754
phases et les renversements menacent aujourd’hui
d’
anéantir l’Europe ? Il s’agit de résoudre enfin l’éternel problème que
755
acent aujourd’hui d’anéantir l’Europe ? Il s’agit
de
résoudre enfin l’éternel problème que nous posent les relations de l’
756
l’éternel problème que nous posent les relations
de
l’individu et de la collectivité. Il s’agit de voir que l’homme concr
757
me que nous posent les relations de l’individu et
de
la collectivité. Il s’agit de voir que l’homme concret n’est pas le R
758
ns de l’individu et de la collectivité. Il s’agit
de
voir que l’homme concret n’est pas le Robinson d’une île déserte, ni
759
de voir que l’homme concret n’est pas le Robinson
d’
une île déserte, ni l’anonyme numéro d’un rang, mais qu’il est à la fo
760
e Robinson d’une île déserte, ni l’anonyme numéro
d’
un rang, mais qu’il est à la fois un être unique et un être qui a des
761
e un homme libre et pourtant relié, c’est l’idéal
de
l’homme occidental. N’allons pas dire que c’est une utopie ! Car ce p
762
e a été résolu, cet idéal réalisé, au ier siècle
de
notre ère, par les communautés de l’Église primitive. Le chrétien pri
763
au ier siècle de notre ère, par les communautés
de
l’Église primitive. Le chrétien primitif est un homme qui, du fait de
764
e. Le chrétien primitif est un homme qui, du fait
de
sa conversion, se trouve chargé d’une vocation particulière qui le di
765
e qui, du fait de sa conversion, se trouve chargé
d’
une vocation particulière qui le distingue de tous ses voisins ; mais
766
argé d’une vocation particulière qui le distingue
de
tous ses voisins ; mais d’autre part, cette vocation unique le met en
767
dont nous souffrons sont avant tout des maladies
de
la personne. Quand l’homme oublie qu’il est responsable de sa vocatio
768
sonne. Quand l’homme oublie qu’il est responsable
de
sa vocation envers ses prochains, il devient individualiste. Et quand
769
ualiste. Et quand il oublie qu’il est responsable
de
sa vocation envers lui-même, il devient collectiviste. L’homme comple
770
et réel, c’est celui qui se sait à la fois libre
d’
être soi-même vis-à-vis de l’ensemble, et engagé vis-à-vis de cet ense
771
t engagé vis-à-vis de cet ensemble par l’exercice
d’
une vocation qui le relie à ses prochains. C’est pour cet homme réel q
772
ré que c’est justement cet homme-là qui a le plus
de
peine à subsister ou à se former dans le monde moderne. Car supposez
773
posez qu’un homme se sente une vocation et décide
de
la réaliser. Il se trouve en présence d’un monde que l’histoire et la
774
onde que l’histoire et la sociologie ont encombré
de
lois fatales. Que peut-il seul, contre ces lois ? Il faut donc, s’il
775
bit une discipline qui ne s’accommode pas du tout
de
sa vocation personnelle. Voici donc le dilemme où nous placent la cul
776
en tu veux faire quelque chose, mais alors, cesse
d’
être toi-même ! Comment sortir de ce cercle vicieux ? Par un changemen
777
ais alors, cesse d’être toi-même ! Comment sortir
de
ce cercle vicieux ? Par un changement d’état d’esprit aussi bien chez
778
t sortir de ce cercle vicieux ? Par un changement
d’
état d’esprit aussi bien chez les intellectuels créateurs que chez les
779
les intellectuels créateurs que chez les amateurs
de
vraie culture, les lecteurs, le public cultivé. Car c’est de ce chang
780
lture, les lecteurs, le public cultivé. Car c’est
de
ce changement d’état d’esprit que sortira la possibilité de repenser
781
rs, le public cultivé. Car c’est de ce changement
d’
état d’esprit que sortira la possibilité de repenser une société. R
782
gement d’état d’esprit que sortira la possibilité
de
repenser une société. Raisons d’espérer : la culture et les groupe
783
a possibilité de repenser une société. Raisons
d’
espérer : la culture et les groupes Je voudrais vous dire, maintena
784
drais vous dire, maintenant, les raisons que j’ai
d’
espérer, après avoir tant critiqué. Je voudrais vous énumérer les prem
785
r les premiers succès remportés, dans la bataille
de
la culture moderne, par l’esprit créateur sur l’esprit fataliste. Ce
786
alysait les intellectuels qui sentaient le besoin
d’
agir sur les destins de la cité, c’était, depuis Hegel, Auguste Comte,
787
ls qui sentaient le besoin d’agir sur les destins
de
la cité, c’était, depuis Hegel, Auguste Comte, et Marx, l’idée que l’
788
la retraite dans les bibliothèques. Or cette idée
de
lois fatales avait été empruntée à la science, et transportée abusive
789
portée abusivement dans les domaines plus humains
de
l’histoire, de la sociologie, et même de la psychologie. Et voici que
790
ent dans les domaines plus humains de l’histoire,
de
la sociologie, et même de la psychologie. Et voici que cette idée par
791
humains de l’histoire, de la sociologie, et même
de
la psychologie. Et voici que cette idée paralysante est en train de s
792
s coups décisifs : ce sont précisément les hommes
de
science qui, les premiers, cessent d’y croire. Ils ont reconnu, depui
793
les hommes de science qui, les premiers, cessent
d’
y croire. Ils ont reconnu, depuis quelques années, que la notion de lo
794
nt reconnu, depuis quelques années, que la notion
de
lois tout objectives, de lois absolument indépendantes de l’homme, n’
795
es années, que la notion de lois tout objectives,
de
lois absolument indépendantes de l’homme, n’était qu’une illusion rat
796
tout objectives, de lois absolument indépendantes
de
l’homme, n’était qu’une illusion rationaliste. Qu’il me suffise de ra
797
it qu’une illusion rationaliste. Qu’il me suffise
de
rappeler ici les découvertes de la physique des quanta : elle a prouv
798
Qu’il me suffise de rappeler ici les découvertes
de
la physique des quanta : elle a prouvé que l’observation microscopiqu
799
s fameuses lois scientifiques ne sont en fait que
de
commodes conventions, dépendant des systèmes de mesures inventés par
800
e de commodes conventions, dépendant des systèmes
de
mesures inventés par l’esprit humain. Or si la science elle-même vien
801
même dans l’ordre matériel, il n’est plus permis
de
concevoir une observation impartiale, à combien plus forte raison pou
802
étendaient décrire objectivement les lois rigides
de
notre société. En vérité, il n’est de lois fatales que là où l’espri
803
is rigides de notre société. En vérité, il n’est
de
lois fatales que là où l’esprit démissionne. Toute action créatrice d
804
à où l’esprit démissionne. Toute action créatrice
de
l’homme normal inflige un démenti aux lois et fait mentir les statist
805
s et fait mentir les statistiques. Ainsi les lois
de
la publicité ne sont exactes que dans la mesure où l’homme n’est qu’u
806
qu’un homme redevient conscient des vrais besoins
de
sa personne. Il n’y a de loi, répétons-le, que là où l’homme renonce
807
scient des vrais besoins de sa personne. Il n’y a
de
loi, répétons-le, que là où l’homme renonce à se manifester selon sa
808
ue les États totalitaires justifient les rigueurs
de
leur régime au nom de lois économiques, ou historiques, ou biologique
809
nnent vraies, qu’en vertu d’une immense démission
de
l’esprit civique dans les trop grands pays. Elles ne traduisent en fa
810
e affaissement du sens personnel dans les parties
de
l’humanité contemporaine exténuées par la misère. Les solutions total
811
l on les prône, ne sont en fait que des solutions
de
paresse intellectuelle, des solutions de misère, fardées de rhétoriqu
812
olutions de paresse intellectuelle, des solutions
de
misère, fardées de rhétorique héroïque. Le seul moyen de prévenir ces
813
intellectuelle, des solutions de misère, fardées
de
rhétorique héroïque. Le seul moyen de prévenir ces simplifications vi
814
re, fardées de rhétorique héroïque. Le seul moyen
de
prévenir ces simplifications violentes qui jouent la comédie de l’éne
815
s simplifications violentes qui jouent la comédie
de
l’énergie, c’est de développer soi-même une énergie normale et souple
816
olentes qui jouent la comédie de l’énergie, c’est
de
développer soi-même une énergie normale et souple. Or nous savons mai
817
ore et de nouveau possible. Notre culture libérée
de
la superstition des lois fatales peut envisager de nouveau d’influenc
818
tition des lois fatales peut envisager de nouveau
d’
influencer le monde réel, ramené en droit, — sinon déjà en fait — aux
819
en droit, — sinon déjà en fait — aux proportions
de
l’esprit humain et de ses prises. Mais quelles seront alors les direc
820
à en fait — aux proportions de l’esprit humain et
de
ses prises. Mais quelles seront alors les directives de cette action
821
prises. Mais quelles seront alors les directives
de
cette action redevenue possible ? Je ne voudrais pas, ici, partir dan
822
e. Je ne pense pas que les principes fondamentaux
d’
une société plus harmonieuse puissent être formulés dès maintenant com
823
t être formulés dès maintenant comme un programme
de
parti politique. Ils doivent mûrir, et lentement se dégager de l’ense
824
tique. Ils doivent mûrir, et lentement se dégager
de
l’ensemble de mille efforts orientés par une même espérance. L’effort
825
vent mûrir, et lentement se dégager de l’ensemble
de
mille efforts orientés par une même espérance. L’effort des Églises,
826
sme, les Églises ont été les grandes pourvoyeuses
de
lieux communs pour la cité. La théologie médiévale, par les Sommes de
827
r la cité. La théologie médiévale, par les Sommes
de
Thomas d’Aquin, fixait à la pensée et à l’action des règles véritable
828
temps de la Réformation, l’Institution chrétienne
de
Jean Calvin. Mais dans l’époque moderne les Églises ont paru, elles a
829
e les Églises ont paru, elles aussi, se détourner
de
toute action régulatrice sur la cité. Elles ont assisté sans mot dire
830
masses ouvrières, c’est parce qu’il s’est chargé
de
la mission sociale qu’avaient trahie toutes les Églises. Nicolas Berd
831
aev l’a bien vu : le bolchévisme fut le châtiment
d’
un christianisme devenu passif devant le monde. Or il me semble que, l
832
Églises. Elles ont compris qu’il ne suffisait pas
de
dénoncer les doctrines païennes mais qu’il fallait répondre mieux que
833
es à la question posée par l’angoisse des foules.
D’
où les encycliques sociales données par les deux derniers papes. Et le
834
nnées par les deux derniers papes. Et les congrès
de
Stockholm et d’Oxford ont montré que les autres Églises n’entendaient
835
ux derniers papes. Et les congrès de Stockholm et
d’
Oxford ont montré que les autres Églises n’entendaient pas demeurer en
836
, c’est qu’enfin les Églises retrouvent leur rôle
de
direction dans tous les ordres de la pensée et de l’action. J’ai insi
837
uvent leur rôle de direction dans tous les ordres
de
la pensée et de l’action. J’ai insisté sur le rôle des Églises parce
838
de direction dans tous les ordres de la pensée et
de
l’action. J’ai insisté sur le rôle des Églises parce qu’elles sont le
839
type même des groupes au sein desquels la culture
d’
Occident a toujours trouvé ses mesures. Bien d’autres groupes, je le s
840
je le sais, sont à l’œuvre, Mouvement des groupes
d’
Oxford, mouvement des groupes personnalistes, répandus en France et en
841
et vingt autres mouvements analogues, tous animés
de
cet esprit d’équipe qui seul peut nous guérir de l’individualisme, to
842
s mouvements analogues, tous animés de cet esprit
d’
équipe qui seul peut nous guérir de l’individualisme, tout en prévenan
843
de cet esprit d’équipe qui seul peut nous guérir
de
l’individualisme, tout en prévenant la maladie collectiviste. C’est d
844
a maladie collectiviste. C’est dans cette volonté
de
recréer des groupes à la mesure de la personne, matériellement et mor
845
cette volonté de recréer des groupes à la mesure
de
la personne, matériellement et moralement, que je vois la commune mes
846
ment et moralement, que je vois la commune mesure
de
la cité qu’il nous faut rebâtir. Cité solide et pourtant libérale : c
847
as beaucoup la tolérance, vertu qui naît en somme
d’
un scepticisme, car elle suppose que la pensée de l’autre, qu’on tolèr
848
d’un scepticisme, car elle suppose que la pensée
de
l’autre, qu’on tolère, ne passera jamais dans les actes. Je n’aime pa
849
i veut tout uniformiser, et qui est donc une mort
de
l’esprit. La tolérance était la pâle vertu des libéraux individualist
850
est la sombre vertu des partisans collectivistes.
De
leur lutte est sortie la guerre. Le seul moyen de dépasser cette mauv
851
De leur lutte est sortie la guerre. Le seul moyen
de
dépasser cette mauvaise position du problème, c’est de prévoir pour l
852
passer cette mauvaise position du problème, c’est
de
prévoir pour la cité et la culture une structure fédéraliste. Le fédé
853
ifiés, et par là même il offre tous les avantages
de
la tolérance libérale, mais non pas ses inconvénients : car chacun da
854
le groupe qu’il a choisi, peut donner le meilleur
de
soi-même, aller au terme de sa pensée, jusqu’à l’acte qui la rend sér
855
ut donner le meilleur de soi-même, aller au terme
de
sa pensée, jusqu’à l’acte qui la rend sérieuse. Refaire un monde et u
856
euse. Refaire un monde et une culture sur la base
de
la diversité des personnes et des vocations, — c’est aujourd’hui le s
857
des vocations, — c’est aujourd’hui le seul moyen
de
préparer une paix solide. Car, après tout, qu’est-ce que la guerre ac
858
ctuelle ? C’est la rançon fatale du gigantisme et
de
la démission de la culture. C’est la faillite des systèmes centralist
859
la rançon fatale du gigantisme et de la démission
de
la culture. C’est la faillite des systèmes centralistes et de l’espri
860
e. C’est la faillite des systèmes centralistes et
de
l’esprit d’uniformisation. Or le contraire exact de cet esprit, c’est
861
faillite des systèmes centralistes et de l’esprit
d’
uniformisation. Or le contraire exact de cet esprit, c’est justement l
862
l’esprit d’uniformisation. Or le contraire exact
de
cet esprit, c’est justement l’esprit fédéraliste, avec sa devise para
863
gigantesques. C’est la guerre la plus antisuisse
de
toute l’histoire. C’est donc pour nous la pire menace. Mais en même t
864
la solution suisse et fédérale est seule capable
de
fonder la paix, puisque l’autre aboutit à la guerre. Ce n’est pas not
865
édéraliste en politique et dans tous les domaines
de
la culture, le seul avenir possible de l’Europe. Le seul lieu où cet
866
s domaines de la culture, le seul avenir possible
de
l’Europe. Le seul lieu où cet avenir soit, d’ores et déjà, un présent
867
oit, d’ores et déjà, un présent. Il ne s’agit pas
de
grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait,
868
éjà, un présent. Il ne s’agit pas de grands mots,
de
lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes
869
t. Il ne s’agit pas de grands mots, de lyrisme ou
d’
idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes là, au service
870
grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit
de
voir qu’en fait, si nous sommes là, au service du pays, ce n’est pas
871
’est pas pour défendre des fromages, des conseils
d’
administration, notre confort et nos hôtels. (D’autres — on sait qui —
872
it fort bien Karl Barth, pour protéger nos « lacs
d’
azur » et nos « glaciers sublimes ». (Certain ministre de la propagand
873
» et nos « glaciers sublimes ». (Certain ministre
de
la propagande se chargerait très volontiers de ce travail de Heimatsc
874
re de la propagande se chargerait très volontiers
de
ce travail de Heimatschutz.) Si nous sommes là, c’est pour exécuter l
875
gande se chargerait très volontiers de ce travail
de
Heimatschutz.) Si nous sommes là, c’est pour exécuter la mission dont
876
des siècles, devant l’Europe. Nous sommes chargés
de
la défendre contre elle-même, de garder son trésor, d’affirmer sa san
877
s sommes chargés de la défendre contre elle-même,
de
garder son trésor, d’affirmer sa santé, et de sauver son avenir. Si n
878
défendre contre elle-même, de garder son trésor,
d’
affirmer sa santé, et de sauver son avenir. Si nous trahissons cette m
879
me, de garder son trésor, d’affirmer sa santé, et
de
sauver son avenir. Si nous trahissons cette mission, si nous n’en pre
880
ivique et culturelle nous a dressés pour ce genre
de
mission. On parle un peu partout de fédérer l’Europe. Cela ne se fera
881
pour ce genre de mission. On parle un peu partout
de
fédérer l’Europe. Cela ne se fera pas en un jour, ni même pendant les
882
ni même pendant les quelques semaines fiévreuses
d’
un congrès de la paix improvisé dans l’épuisement général. Cela ne se
883
ant les quelques semaines fiévreuses d’un congrès
de
la paix improvisé dans l’épuisement général. Cela ne se fera que si d
884
re entreprennent, dès maintenant, un gros travail
de
déblaiement, d’études précises, de calculs réalistes. Ces hommes ne p
885
, dès maintenant, un gros travail de déblaiement,
d’
études précises, de calculs réalistes. Ces hommes ne peuvent guère exi
886
n gros travail de déblaiement, d’études précises,
de
calculs réalistes. Ces hommes ne peuvent guère exister et travailler
887
chez nous tout d’abord, puisqu’il s’agit en somme
d’
utiliser notre expérience, et de tirer des leçons non pas seulement de
888
l s’agit en somme d’utiliser notre expérience, et
de
tirer des leçons non pas seulement de ses succès mais aussi de ses éc
889
érience, et de tirer des leçons non pas seulement
de
ses succès mais aussi de ses échecs, que nous connaissons mieux que p
890
leçons non pas seulement de ses succès mais aussi
de
ses échecs, que nous connaissons mieux que personne. Tout mon espoir
891
out mon espoir est qu’il se forme ici des équipes
de
fédérateurs, d’hommes qui comprennent enfin que l’heure est venue pou
892
st qu’il se forme ici des équipes de fédérateurs,
d’
hommes qui comprennent enfin que l’heure est venue pour nous autres Su
893
n que l’heure est venue pour nous autres Suisses,
de
voir grand, de voir aux proportions de l’Europe moderne, tout en gard
894
st venue pour nous autres Suisses, de voir grand,
de
voir aux proportions de l’Europe moderne, tout en gardant la mesure d
895
s Suisses, de voir grand, de voir aux proportions
de
l’Europe moderne, tout en gardant la mesure de notre histoire, la mes
896
ns de l’Europe moderne, tout en gardant la mesure
de
notre histoire, la mesure de l’individu engagé dans la communauté. Ce
897
en gardant la mesure de notre histoire, la mesure
de
l’individu engagé dans la communauté. Cette œuvre n’est pas utopique.
898
sceptiques professionnels, par tous les paresseux
d’
esprit qui se prétendent réalistes. Encore faut-il — et je termine là-
899
se pas sur une erreur profonde quant aux pouvoirs
de
l’homme et à ses fins terrestres. En appelant et préparant de toutes
900
t à ses fins terrestres. En appelant et préparant
de
toutes nos forces une Europe fédéralisée, nous ne demanderons pas un
901
rons simplement un monde humain. Non pas un monde
d’
utopie où toutes les luttes s’apaiseraient par miracle, mais un monde
902
t fatalement à des catastrophes cosmiques. La vie
de
la cité et de la culture, ce sera toujours une bataille. Entre l’espr
903
des catastrophes cosmiques. La vie de la cité et
de
la culture, ce sera toujours une bataille. Entre l’esprit de lourdeur
904
re, ce sera toujours une bataille. Entre l’esprit
de
lourdeur, comme disait Nietzsche, et les forces de création, la lutte
905
e lourdeur, comme disait Nietzsche, et les forces
de
création, la lutte sera toujours ouverte, tant qu’il y aura du péché
906
tion du prophète Isaïe : « Sentinelle, que dis-tu
de
la nuit ? » La sentinelle a répondu : « Le matin vient, et la nuit au
907
vons invoquer ne peut pas être une simple absence
de
guerre. Spirituellement, une vraie paix sera toujours plus difficile
908
. Mais qu’elle nous donne au moins la possibilité
de
rendre un sens aux conflits éternels, — un sens, et s’il se peut, une
909
les autres font la guerre, ils n’ont pas le temps
de
préparer un monde humain. Mais nous qui avons encore su conserver une
910
ui avons encore su conserver une cité à la mesure
de
la personne, nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pas notre dé
911
ommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai
de
grâce : c’est à nous de gagner la vraie paix, c’est à nous d’engager
912
e perdons pas notre délai de grâce : c’est à nous
de
gagner la vraie paix, c’est à nous d’engager sans illusion le vrai co
913
’est à nous de gagner la vraie paix, c’est à nous
d’
engager sans illusion le vrai combat qui nous maintienne humains. Tout
914
ous maintienne humains. Tout cela, un jeune poète
de
génie, Arthur Rimbaud, l’a dit d’un seul trait prophétique : « Le com
915
un jeune poète de génie, Arthur Rimbaud, l’a dit
d’
un seul trait prophétique : « Le combat spirituel est aussi brutal que
916
combat spirituel est aussi brutal que la bataille
d’
hommes, mais la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul. »
917
i brutal que la bataille d’hommes, mais la vision
de
la justice est le plaisir de Dieu seul. » c. Rougemont Denis de,
918
mmes, mais la vision de la justice est le plaisir
de
Dieu seul. » c. Rougemont Denis de, « La bataille de la culture »
919
le plaisir de Dieu seul. » c. Rougemont Denis
de
, « La bataille de la culture », Les Cahiers protestants, Lausanne, ja
920
seul. » c. Rougemont Denis de, « La bataille
de
la culture », Les Cahiers protestants, Lausanne, janvier–février 1940
921
athaus de Zurich, le 15 janvier 1940. — Le manque
de
place nous a contraint d’abréger. »
922
nvier 1940. — Le manque de place nous a contraint
d’
abréger. »
923
es faits dans le monde, mais seulement sur l’état
de
leurs nerfs. Sans intérêt. Ce qu’il nous faut à l’heure que nous vivo
924
ivons, ce sont des pessimistes réfléchis, maîtres
d’
eux-mêmes et objectifs. Je dirai plus : ce qu’il nous faut, ce sont de
925
ent à la maxime du Taciturne : « Pas n’est besoin
d’
espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. » Or cette e
926
Pas n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni
de
réussir pour persévérer. » Or cette espèce est rare en Suisse, comme
927
ù l’ère bourgeoise, ère du « confort moderne » et
de
l’absence d’imagination, prolonge encore une existence brutalement co
928
eoise, ère du « confort moderne » et de l’absence
d’
imagination, prolonge encore une existence brutalement condamnée par c
929
ns lequel nous étions installés nous mettait hors
d’
état d’imaginer à la fois le sublime et le pire. « Trop beau pour être
930
el nous étions installés nous mettait hors d’état
d’
imaginer à la fois le sublime et le pire. « Trop beau pour être vrai »
931
le pire. « Trop beau pour être vrai », c’était un
de
nos proverbes. Et lorsqu’on nous avertissait de certains dangers form
932
n de nos proverbes. Et lorsqu’on nous avertissait
de
certains dangers formidables qui menaçaient l’existence même de l’hér
933
ngers formidables qui menaçaient l’existence même
de
l’héritage européen, nous répondions : « C’est trop affreux pour être
934
« réalistes ». Nous étions simplement incapables
d’
imaginer quelque chose d’excessif par rapport à nos sécurités. Cette i
935
ns simplement incapables d’imaginer quelque chose
d’
excessif par rapport à nos sécurités. Cette inconscience j’en dirai la
936
iable, et ne sait pas le reconnaître. À l’origine
de
notre aveuglement, il y a incrédulité. Si Dieu existait, pleurons-nou
937
Si nous avions su croire en lui pendant le temps
de
sa patience, nous aurions eu « des yeux pour voir », et pour connaîtr
938
et pour connaître les démons. Voici venu le temps
de
la colère, le temps des plaies d’Égypte, où les cœurs s’endurcissent.
939
i venu le temps de la colère, le temps des plaies
d’
Égypte, où les cœurs s’endurcissent. Voici venue l’heure sévère. Ouvro
940
re. Ouvrons les yeux et apprenons ce qu’il en est
de
notre châtiment. ⁂ L’Europe est en train de payer le prix d’un siècle
941
âtiment. ⁂ L’Europe est en train de payer le prix
d’
un siècle d’abandon à l’optimisme du Progrès. Pendant un siècle, elle
942
’Europe est en train de payer le prix d’un siècle
d’
abandon à l’optimisme du Progrès. Pendant un siècle, elle fit la sourd
943
t irritante, n’est-ce pas, aux yeux de qui refuse
d’
envisager la vie comme une totalité orientée par l’esprit. L’esprit pr
944
’aviation n’a nullement transformé les conditions
de
notre bonheur, mais bien celles de notre malheur. Mais l’optimisme du
945
les conditions de notre bonheur, mais bien celles
de
notre malheur. Mais l’optimisme du matérialiste modéré ne veut prévoi
946
matérialiste modéré ne veut prévoir que le profit
d’
argent et l’augmentation du confort. Il refuse de se demander à quoi s
947
d’argent et l’augmentation du confort. Il refuse
de
se demander à quoi servira cet argent ou si le confort matériel favor
948
atériel favorise un bien spirituel. À la première
de
ces questions, il n’oserait pas répondre en toute franchise ; et à la
949
pressent bien qu’on ne pourrait que répondre non.
D’
où sa myopie et son imprévision systématique des maux prochains. J’écr
950
maux prochains. J’écris ceci pendant la bataille
de
France. Est-il trop tard pour répéter ces vérités élémentaires, que l
951
aires, que le sérieux des gouvernants, des hommes
d’
affaires, des penseurs officiels et des bourgeois moyens, a refusé pen
952
t des bourgeois moyens, a refusé pendant cent ans
d’
envisager ? Pourtant, les plus grands hommes du dernier siècle furent
953
aintenant nous surprend. Nous avons eu bien assez
de
prophètes. Nous n’avons pas le droit de gémir que les avertissements
954
ien assez de prophètes. Nous n’avons pas le droit
de
gémir que les avertissements nous ont manqué. Le dossier de ces avert
955
ue les avertissements nous ont manqué. Le dossier
de
ces avertissements est écrasant pour la conscience européenne : vous
956
uropéenne : vous y trouverez les plus grands noms
de
la pensée, qui furent aussi les plus cyniquement méconnus. Vous y tro
957
pposés, unanimes dans la critique du « réalisme »
de
leur temps, et dans la prédiction des maux à venir — ceux qui fondent
958
nir — ceux qui fondent sur nous aujourd’hui. Quoi
de
commun entre un Burckhardt, un Kierkegaard, un Vinet ou un Nietzsche
959
persiste à ne prendre au sérieux que les valeurs
de
bourse et la « prosperity ». Kierkegaard nous décrit le règne de la m
960
« prosperity ». Kierkegaard nous décrit le règne
de
la masse comme celui des lâchetés individuelles additionnées, créant
961
monde moderne est en train d’adopter « une morale
de
commerçants », et qu’il sera vaincu par des ascètes féroces. Vinet pr
962
pirituel ne les oriente, aboutiront au despotisme
de
l’État. Et contre tout l’« économisme » de son temps, il ose écrire :
963
otisme de l’État. Et contre tout l’« économisme »
de
son temps, il ose écrire : « Si quelque chose aujourd’hui menace la l
964
du côté de la tyrannie. » Et qu’il suffise enfin
d’
une allusion aux prophéties de Burckhardt sur les « terribles simplifi
965
qu’il suffise enfin d’une allusion aux prophéties
de
Burckhardt sur les « terribles simplificateurs », qui viendront impos
966
mplificateurs », qui viendront imposer à l’Europe
d’
impitoyables dictatures militaires au nom de la liberté et du bonheur
967
liberté et du bonheur des masses. Cette unanimité
d’
esprits partout ailleurs irréductiblement divers, je répète qu’elle es
968
xcuses. Nous avons été avertis. Nous avons refusé
d’
écouter. Et maintenant il faut payer. Non point parce que l’injustice
969
n châtiment. Il faut payer. Nous adorions l’idole
de
la prospérité, et l’idole du confort, et l’idole du progrès — ce prog
970
« sauver » nos vies mêmes, nous voilà condamnés,
de
la manière la plus tragi-comique, à sacrifier notre prospérité, notre
971
confort et nos progrès aux nécessités impérieuses
de
la défense nationale. Pour avoir refusé les sacrifices qu’eût entraîn
972
ce soit notre confort, notre profit, nos égoïsmes
de
nations, nous voici contraints brutalement à des sacrifices mille foi
973
lent parfaitement « possibles ». Dès qu’il s’agit
de
sauver notre peau, dès qu’il s’agit de défense nationale, nous accept
974
’il s’agit de sauver notre peau, dès qu’il s’agit
de
défense nationale, nous acceptons des mesures qui, hier encore, passa
975
ables et impraticables aux yeux des « réalistes »
de
l’économie : prélèvement sur le capital ou caisse de compensation, —
976
l’économie : prélèvement sur le capital ou caisse
de
compensation, — et je ne prends là que de petits exemples…4 Nous avo
977
caisse de compensation, — et je ne prends là que
de
petits exemples…4 Nous avons critiqué sans merci comme des « utopies
978
pas seulement en Suisse, mais dans tous les pays
de
l’Europe ; non seulement sur le plan social, mais sur le plan des rel
979
ur le plan social, mais sur le plan des relations
de
peuple à peuple. Tout ce que nous jugions impossible quand il s’agiss
980
bien si la peur et la guerre sont seules capables
d’
obtenir de nous un dépassement de nos égoïsmes que nous refusions à l’
981
peur et la guerre sont seules capables d’obtenir
de
nous un dépassement de nos égoïsmes que nous refusions à l’amour, pou
982
seules capables d’obtenir de nous un dépassement
de
nos égoïsmes que nous refusions à l’amour, pourquoi donc voulez-vous
983
portunes, à l’heure où nous cherchons des raisons
d’
espérer ! Mais nul espoir n’est plus possible, sachons-le, si nous ref
984
e, sachons-le, si nous refusons maintenant encore
d’
envisager les causes du désastre. Envisager, c’est regarder en plein v
985
et le dernier possible — quelle que soit l’issue
de
la guerre — dépend de notre capacité d’accepter des vérités dures. Ca
986
e — quelle que soit l’issue de la guerre — dépend
de
notre capacité d’accepter des vérités dures. Car tout le mal est venu
987
t l’issue de la guerre — dépend de notre capacité
d’
accepter des vérités dures. Car tout le mal est venu de les avoir refu
988
aginer le mal parce qu’ils croyaient au bien fait
de
main d’homme. « Mea culpa » des militaristes, qui n’ont pas su imagin
989
e mal parce qu’ils croyaient au bien fait de main
d’
homme. « Mea culpa » des militaristes, qui n’ont pas su imaginer un au
990
ner un autre bien que la défense toute matérielle
d’
un ordre de choses vicié dans son principe ; ou la conquête, mais qui
991
e bien que la défense toute matérielle d’un ordre
de
choses vicié dans son principe ; ou la conquête, mais qui tue ce qu’e
992
tue ce qu’elle conquiert. « Mea culpa » des gens
de
droite, qui croyaient pouvoir conserver des privilèges hérités, tout
993
rousser au bout du compte. « Mea culpa » des gens
de
gauche, dont le programme de bonheur obligatoire était le même — avec
994
Mea culpa » des gens de gauche, dont le programme
de
bonheur obligatoire était le même — avec moins de franchise — que cel
995
de bonheur obligatoire était le même — avec moins
de
franchise — que celui de l’ennemi fasciste contre lequel ils excitaie
996
ait le même — avec moins de franchise — que celui
de
l’ennemi fasciste contre lequel ils excitaient les masses. « Mea culp
997
des Suisses, qui voulaient profiter des avantages
de
la folie moderne, et qui se plaignent aujourd’hui de devoir payer leu
998
la folie moderne, et qui se plaignent aujourd’hui
de
devoir payer leur part minime dans la banqueroute européenne. « Mea c
999
, mais qui se tinrent apparemment pour satisfaits
de
leur succès de librairie : « mea culpa ». Mais quelles fautes avaient
1000
inrent apparemment pour satisfaits de leur succès
de
librairie : « mea culpa ». Mais quelles fautes avaient donc commises
1001
quelles fautes avaient donc commises ces millions
de
femmes et d’enfants en fuite sur les routes de France ? Nous n’avons
1002
s avaient donc commises ces millions de femmes et
d’
enfants en fuite sur les routes de France ? Nous n’avons plus qu’un se
1003
ns de femmes et d’enfants en fuite sur les routes
de
France ? Nous n’avons plus qu’un seul espoir — quelle que soit l’issu
1004
plus qu’un seul espoir — quelle que soit l’issue
de
la guerre : obtenir pour l’Europe un statut sursitaire, une espèce de
1005
ir pour l’Europe un statut sursitaire, une espèce
de
concordat qui nous laisserait la possibilité de rebâtir. Mais on n’ac
1006
e de concordat qui nous laisserait la possibilité
de
rebâtir. Mais on n’accorde un concordat qu’à celui qui se déclare en
1007
Suisses ont quelque chose à faire, quelque chose
de
précis, que je veux dire à temps. Ils sont encore à l’écart de la gue
1008
e je veux dire à temps. Ils sont encore à l’écart
de
la guerre, et peut-être y resteront-ils. Ils ont encore ce bref délai
1009
tre y resteront-ils. Ils ont encore ce bref délai
de
grâce dont je parlais aux Hollandais, en novembre de l’an dernier — e
1010
grâce dont je parlais aux Hollandais, en novembre
de
l’an dernier — et c’est fini —, dont je parlais aux Suisses en janvie
1011
st fini —, dont je parlais aux Suisses en janvier
de
cette année, et cela fait déjà cinq mois passés. Ce délai nous permet
1012
fait déjà cinq mois passés. Ce délai nous permet
de
comprendre, d’avouer nos fautes et celles de notre monde, de dire la
1013
mois passés. Ce délai nous permet de comprendre,
d’
avouer nos fautes et celles de notre monde, de dire la vérité que les
1014
rmet de comprendre, d’avouer nos fautes et celles
de
notre monde, de dire la vérité que les peuples en guerre n’ont plus l
1015
re, d’avouer nos fautes et celles de notre monde,
de
dire la vérité que les peuples en guerre n’ont plus le pouvoir de rec
1016
é que les peuples en guerre n’ont plus le pouvoir
de
reconnaître, dans le fracas des chars, sous les bombardements, quand
1017
l’homme sort toujours retrempé. Avouer les fautes
de
ceux qu’on aime et dont on attend la victoire comme la permission de
1018
et dont on attend la victoire comme la permission
de
revivre, c’est une épreuve encore, on ose à peine le dire, une épreuv
1019
si nous en triomphons, elle nous donnera la force
de
préparer l’avenir. Il est dur de reconnaître ces fautes, parce que no
1020
donnera la force de préparer l’avenir. Il est dur
de
reconnaître ces fautes, parce que nous en sommes les complices, et qu
1021
lices, et que nous aimons les fautifs. Il est dur
de
les avouer, parce que les fautes contraires des autres, en face, nous
1022
tout de même, ou à cause de cela même. Il est dur
de
reconnaître que ce châtiment, qui nous atteint aussi, est mérité ; et
1023
s qui auront su répudier les illusions flatteuses
de
l’ère bourgeoise. Car ceux-là seuls sauront alors ce qui mérite d’êtr
1024
se. Car ceux-là seuls sauront alors ce qui mérite
d’
être sauvé ou recréé. Non pas le droit et la justice dont se réclamaie
1025
ocraties ont la victoire. Non pas le bonheur fait
de
laisser-aller et d’insouciance du prochain, car nous le payons mainte
1026
oire. Non pas le bonheur fait de laisser-aller et
d’
insouciance du prochain, car nous le payons maintenant, une fois pour
1027
lités, est pulvérisé par les bombes. Au plus fort
de
la persécution entreprise par Julien l’Apostat contre la chrétienté n
1028
c’est un petit nuage, il passera. Ce n’était pas
de
l’optimisme. Athanase prévoyait qu’avec le « petit nuage » passerait
1029
» passerait aussi, probablement, sa vie et celle
de
tant de frères. Mais au-delà de l’optimisme humain toujours bafoué, a
1030
, sa vie et celle de tant de frères. Mais au-delà
de
l’optimisme humain toujours bafoué, au-delà du pessimisme lâche, il y
1031
foi dans l’éternel, il y a l’amour et l’espérance
de
l’éternel. À quoi se raccrocher, que faire encore ? Quelle était l’as
1032
cher, que faire encore ? Quelle était l’assurance
d’
éternité qui permettait à Athanase de dire : c’est un petit nuage, il
1033
l’assurance d’éternité qui permettait à Athanase
de
dire : c’est un petit nuage, il passera ? La grandeur de cette heure
1034
: c’est un petit nuage, il passera ? La grandeur
de
cette heure sévère, c’est que par la force des choses, par la brutali
1035
ainte. » Quoi qu’il arrive. 4. Le budget annuel
de
la « défense spirituelle » de la Suisse représente à peu près le prix
1036
4. Le budget annuel de la « défense spirituelle »
de
la Suisse représente à peu près le prix de deux chars d’assaut. On tr
1037
elle » de la Suisse représente à peu près le prix
de
deux chars d’assaut. On trouvera de l’argent pour 40 chars, mais si j
1038
uisse représente à peu près le prix de deux chars
d’
assaut. On trouvera de l’argent pour 40 chars, mais si je demande qu’o
1039
près le prix de deux chars d’assaut. On trouvera
de
l’argent pour 40 chars, mais si je demande qu’on double un budget cul
1040
à l’instant où j’écris ceci. e. Rougemont Denis
de
, « L’heure sévère », Les Cahiers protestants, Lausanne, juin 1940, p.
1041
isé à reproduire cet article paru dans son numéro
de
juin 1940. L’auteur — qui est un de nos collaborateurs — se voit cont
1042
ns son numéro de juin 1940. L’auteur — qui est un
de
nos collaborateurs — se voit contraint par les circonstances à ne pas
1043
uisse (août 1940)g h Je vous parlerai ce matin
de
l’Église visible et non pas de l’Église en général. Je vous parlerai
1044
parlerai ce matin de l’Église visible et non pas
de
l’Église en général. Je vous parlerai des Églises telles que nous les
1045
Églises telles que nous les voyons en Suisse ; et
de
la Suisse, telle que nous la voyons en ce mois de juillet de 1940. Ce
1046
de la Suisse, telle que nous la voyons en ce mois
de
juillet de 1940. Ce ne sera pas une conférence bien bâtie, je tiens à
1047
e, telle que nous la voyons en ce mois de juillet
de
1940. Ce ne sera pas une conférence bien bâtie, je tiens à vous le di
1048
t de suite, mais une simple introduction, un plan
de
travail, une invite à la discussion. Je vous ferai part de certaines
1049
l, une invite à la discussion. Je vous ferai part
de
certaines critiques et de certaines suggestions, critiques peut-être
1050
ion. Je vous ferai part de certaines critiques et
de
certaines suggestions, critiques peut-être dures, mais qu’il est temp
1051
, critiques peut-être dures, mais qu’il est temps
de
formuler pour préparer la voie d’un renouveau, ou les moyens d’une ré
1052
qu’il est temps de formuler pour préparer la voie
d’
un renouveau, ou les moyens d’une résistance efficace. Et d’abord, une
1053
ur préparer la voie d’un renouveau, ou les moyens
d’
une résistance efficace. Et d’abord, une parole de confiance. Tout cra
1054
d’une résistance efficace. Et d’abord, une parole
de
confiance. Tout craque autour de nous, mais ce n’est pas une raison d
1055
aque autour de nous, mais ce n’est pas une raison
de
se lamenter ou de se décourager, bien au contraire. C’est une grande
1056
s, mais ce n’est pas une raison de se lamenter ou
de
se décourager, bien au contraire. C’est une grande occasion de travai
1057
ger, bien au contraire. C’est une grande occasion
de
travailler. Voyons d’abord la situation de notre pays. « Au cœur de
1058
casion de travailler. Voyons d’abord la situation
de
notre pays. « Au cœur de la révolution européenne, la Suisse est réd
1059
ns d’abord la situation de notre pays. « Au cœur
de
la révolution européenne, la Suisse est réduite à elle-même. Elle n’a
1060
la Suisse est réduite à elle-même. Elle n’a plus
d’
autre garantie humaine que son armée, plus d’autre allié que son terra
1061
plus d’autre garantie humaine que son armée, plus
d’
autre allié que son terrain, plus d’autre espoir que son travail. Cont
1062
n armée, plus d’autre allié que son terrain, plus
d’
autre espoir que son travail. Contrairement à ce que beaucoup croient,
1063
pas nouvelle dans notre histoire. Elle fut celle
de
nos grandes victoires et de nos grands renouvellements.6 » Aujourd’hu
1064
toire. Elle fut celle de nos grandes victoires et
de
nos grands renouvellements.6 » Aujourd’hui, comme aux heures héroïque
1065
ments.6 » Aujourd’hui, comme aux heures héroïques
de
l’ancienne Confédération, sachons voir et saisir notre chance et les
1066
r et saisir notre chance et les chances nouvelles
de
l’Esprit ! Quand toutes les positions morales et matérielles sont ébr
1067
alors sonne une heure favorable pour les examens
de
conscience, pour les réformes, et dans le cas présent, pour une nouve
1068
ouvelle Réformation communautaire. Car c’est bien
de
cela qu’il s’agit : fonder à nouveau la cité, pour qu’elle résiste et
1069
ive, oui même si le pire arrive. Au cœur physique
de
notre Confédération se dresse le massif du Gothard, mystérieux et ine
1070
hard, mystérieux et inexpugnable. Bastion naturel
de
la Suisse, cœur de l’Europe et rendez-vous des races, le Gothard est
1071
inexpugnable. Bastion naturel de la Suisse, cœur
de
l’Europe et rendez-vous des races, le Gothard est le grand symbole de
1072
z-vous des races, le Gothard est le grand symbole
de
notre mission politique et de notre sécurité. Et s’il fallait qu’un j
1073
st le grand symbole de notre mission politique et
de
notre sécurité. Et s’il fallait qu’un jour la Suisse fût envahie, j’i
1074
n’atteignent ni chars ni avions, dans cet Alcazar
de
l’Europe, quelques dizaines de milliers d’hommes tiennent encore, mon
1075
, dans cet Alcazar de l’Europe, quelques dizaines
de
milliers d’hommes tiennent encore, montant la garde aux derniers somm
1076
lcazar de l’Europe, quelques dizaines de milliers
d’
hommes tiennent encore, montant la garde aux derniers sommets libres,
1077
rde aux derniers sommets libres, autour du trésor
de
la Suisse. Oui, nous serions courbés, mais le grondement lointain des
1078
dement lointain des canons du Gothard nous dirait
d’
espérer. Maintenant, je poserai cette question : dans la situation ext
1079
xistence permanente — même secrète — et la parole
de
nos Églises aux catacombes suffiraient-elles à ranimer notre espéranc
1080
ourages ? Nos Églises trouveraient-elles le moyen
de
subsister et de s’organiser par l’initiative des laïques, comme elles
1081
lises trouveraient-elles le moyen de subsister et
de
s’organiser par l’initiative des laïques, comme elles l’ont fait dans
1082
qu’on voit ce qui était vraiment solide. L’Église
de
Suisse est-elle vraiment solide ? Saura-t-elle résister comme un roc
1083
Dieu le sait, et l’événement seul fera la preuve
de
notre force ou de nos faiblesses. En attendant, mettons-nous au trava
1084
l’événement seul fera la preuve de notre force ou
de
nos faiblesses. En attendant, mettons-nous au travail pour qu’au jour
1085
spectons avec soin nos défenses, ayons le courage
de
dire franchement : ici ou là, nous sommes encore faibles. C’est ici e
1086
ort. Aujourd’hui ou jamais, notre Église a besoin
d’
une rigoureuse critique, d’une critique utile et positive, qui prépare
1087
notre Église a besoin d’une rigoureuse critique,
d’
une critique utile et positive, qui prépare et qui définisse les recon
1088
econstructions nécessaires. ⁂ La grande faiblesse
de
notre Église visible, de nos diverses Églises suisses, c’est qu’elles
1089
s. ⁂ La grande faiblesse de notre Église visible,
de
nos diverses Églises suisses, c’est qu’elles ont cessé d’être ou n’on
1090
iverses Églises suisses, c’est qu’elles ont cessé
d’
être ou n’ont jamais été de véritables communautés. Voilà le fait qui
1091
est qu’elles ont cessé d’être ou n’ont jamais été
de
véritables communautés. Voilà le fait qui me paraît le plus grave, ét
1092
ons prévoir. Une Église devrait être le type même
de
la communauté vivante. Posons tout de suite un repère : les paroisses
1093
e. Posons tout de suite un repère : les paroisses
de
l’Église primitive étaient de vraies communautés. On y mettait tout e
1094
ère : les paroisses de l’Église primitive étaient
de
vraies communautés. On y mettait tout en commun, même les richesses,
1095
turel, parce que le but et le fondement spirituel
d’
une paroisse étaient alors plus importants que tout. La ferveur de la
1096
taient alors plus importants que tout. La ferveur
de
la foi nouvelle liait les esprits et les cœurs avec une telle puissan
1097
ices matériels devenaient simplement des services
d’
amitié, de ces services qui vont de soi entre les membres d’une famill
1098
iels devenaient simplement des services d’amitié,
de
ces services qui vont de soi entre les membres d’une famille. Et je n
1099
de ces services qui vont de soi entre les membres
d’
une famille. Et je ne parle même pas du « partage » spirituel, qui dev
1100
ge » spirituel, qui devait être le pain quotidien
de
ces communautés souvent persécutées. Certes, il ne faudrait pas s’ima
1101
familles qu’ils formaient ne connaissaient jamais
de
querelles de familles ! Les épîtres de Paul suffiraient à dissiper ce
1102
ls formaient ne connaissaient jamais de querelles
de
familles ! Les épîtres de Paul suffiraient à dissiper cette illusion.
1103
ent jamais de querelles de familles ! Les épîtres
de
Paul suffiraient à dissiper cette illusion. Il n’en reste pas moins q
1104
monté toutes les persécutions grâce à la cohésion
de
leurs paroisses, grâce à l’esprit communautaire qui les soutenait. Pe
1105
unautaire qui les soutenait. Pendant la décadence
de
l’Empire romain, ces paroisses ont constitué les cellules de base d’u
1106
romain, ces paroisses ont constitué les cellules
de
base d’une nouvelle société7, les noyaux des cités futures, les refug
1107
ces paroisses ont constitué les cellules de base
d’
une nouvelle société7, les noyaux des cités futures, les refuges de la
1108
ciété7, les noyaux des cités futures, les refuges
de
la vraie liberté. Nos paroisses actuelles, nos paroisses de Suisse, s
1109
e liberté. Nos paroisses actuelles, nos paroisses
de
Suisse, seraient-elles capables de jouer pareil rôle, de nos jours ?
1110
nos paroisses de Suisse, seraient-elles capables
de
jouer pareil rôle, de nos jours ? Souvent, en sortant d’un de nos cul
1111
se, seraient-elles capables de jouer pareil rôle,
de
nos jours ? Souvent, en sortant d’un de nos cultes, je regarde les ge
1112
r pareil rôle, de nos jours ? Souvent, en sortant
d’
un de nos cultes, je regarde les gens qui se dispersent, et je me pose
1113
eil rôle, de nos jours ? Souvent, en sortant d’un
de
nos cultes, je regarde les gens qui se dispersent, et je me pose cett
1114
prêts à mettre en commun autre chose que la pièce
de
monnaie qu’ils viennent de déposer dans le « sachet », avec l’air de
1115
iennent de déposer dans le « sachet », avec l’air
de
ne pas y toucher ? Sont-ils prêts à « partager » autre chose que des
1116
roisses décrètent du jour au lendemain le partage
de
tous les biens et décident d’établir un régime communiste, au sens li
1117
endemain le partage de tous les biens et décident
d’
établir un régime communiste, au sens littéral de ce mot. Mais je me d
1118
d’établir un régime communiste, au sens littéral
de
ce mot. Mais je me demande seulement si elles sont prêtes à envisager
1119
t si elles sont prêtes à envisager certains actes
de
solidarité pratique ; si elles acceptent, au moins en théorie, de fai
1120
atique ; si elles acceptent, au moins en théorie,
de
faire quelque chose dans ce sens, à supposer que les circonstances l’
1121
nt un jour prochain. Je me demande si les fidèles
de
nos cultes se sentent plus fortement liés aux autres membres de l’Égl
1122
se sentent plus fortement liés aux autres membres
de
l’Église qu’ils ne sont liés à leur parti, ou à leur classe, ou à leu
1123
nombreux, qu’il y a parmi leurs membres beaucoup
d’
individus vraiment croyants, capables de faire pour leur part des acte
1124
beaucoup d’individus vraiment croyants, capables
de
faire pour leur part des actes quotidiens de charité chrétienne. Mais
1125
bles de faire pour leur part des actes quotidiens
de
charité chrétienne. Mais une administration, des auditoires et un cer
1126
ministration, des auditoires et un certain nombre
d’
individualités chrétiennes, agissant pour leur compte — plus qu’au nom
1127
, si beaux soient-ils, cela ne fait pas un esprit
de
corps, — et l’expression « esprit de corps » devrait pouvoir s’appliq
1128
as un esprit de corps, — et l’expression « esprit
de
corps » devrait pouvoir s’appliquer à l’Église plus qu’à nulle autre
1129
se une fois reconnue et confessée, ne perdons pas
de
temps à nous lamenter ou à critiquer vainement. Mettons-nous au trava
1130
r vainement. Mettons-nous au travail pour essayer
de
refaire, avec ce dont nous disposons, quelque chose de plus solide, d
1131
ent des communautés véritables. Mais il est trois
de
ces conditions, entre vingt autres8, qui me paraissent à la fois indi
1132
aire, il faut : 1° qu’elles reprennent conscience
de
la nature éternelle et du but transcendant de l’Église ; 2° qu’elles
1133
nce de la nature éternelle et du but transcendant
de
l’Église ; 2° qu’elles développent ou réveillent en elles le sens mis
1134
’intérieur du pays ; 3° qu’elles aient le courage
d’
être franchement des Églises visibles, organisées, douées d’une discip
1135
nchement des Églises visibles, organisées, douées
d’
une discipline et de formes cultuelles fixes. I Le premier de ces
1136
visibles, organisées, douées d’une discipline et
de
formes cultuelles fixes. I Le premier de ces trois points est av
1137
et de formes cultuelles fixes. I Le premier
de
ces trois points est avant tout théologique. Je n’insisterai donc pas
1138
ualifiés que moi pour définir l’essence et le but
de
l’Église. Je me contenterai de quelques remarques sur les rapports de
1139
’essence et le but de l’Église. Je me contenterai
de
quelques remarques sur les rapports de l’Église et de la Suisse, en t
1140
ontenterai de quelques remarques sur les rapports
de
l’Église et de la Suisse, en tant qu’État. D’abord ceci : notre Églis
1141
uelques remarques sur les rapports de l’Église et
de
la Suisse, en tant qu’État. D’abord ceci : notre Église suisse doit ê
1142
Église suisse doit être, ou redevenir une Église
de
Dieu, et non pas la société des braves gens. Par exemple, on ne doit
1143
raves gens. Par exemple, on ne doit plus discuter
de
son administration et de ses rapports avec l’État comme s’il s’agissa
1144
on ne doit plus discuter de son administration et
de
ses rapports avec l’État comme s’il s’agissait d’un parti ou d’une fo
1145
de ses rapports avec l’État comme s’il s’agissait
d’
un parti ou d’une fondation de bienfaisance avec des traditions de fam
1146
s avec l’État comme s’il s’agissait d’un parti ou
d’
une fondation de bienfaisance avec des traditions de famille et des do
1147
mme s’il s’agissait d’un parti ou d’une fondation
de
bienfaisance avec des traditions de famille et des donateurs attachés
1148
une fondation de bienfaisance avec des traditions
de
famille et des donateurs attachés à leurs souvenirs. L’Église n’est p
1149
os affaires d’abord, mais les affaires du Royaume
de
Dieu. Il me paraît profondément indécent que ces affaires soient déba
1150
onseils, par des hommes qui parfois ignorent tout
de
la réalité de l’Église, corps du Christ. Ensuite, sur les rapports de
1151
es hommes qui parfois ignorent tout de la réalité
de
l’Église, corps du Christ. Ensuite, sur les rapports de l’Église et d
1152
glise, corps du Christ. Ensuite, sur les rapports
de
l’Église et de l’État, je vous proposerai deux formules : 1° Le servi
1153
Christ. Ensuite, sur les rapports de l’Église et
de
l’État, je vous proposerai deux formules : 1° Le service unique et su
1154
isant que l’Église doit rendre à la Suisse, c’est
de
rester ou de devenir une vraie Église, une Église de Dieu et non pas
1155
glise doit rendre à la Suisse, c’est de rester ou
de
devenir une vraie Église, une Église de Dieu et non pas une Église pa
1156
rester ou de devenir une vraie Église, une Église
de
Dieu et non pas une Église patriotique ou une puissance d’ordre polit
1157
t non pas une Église patriotique ou une puissance
d’
ordre politique. 2° Le service que l’État suisse doit en retour, à l’É
1158
e l’État suisse doit en retour, à l’Église, c’est
de
la laisser être une vraie Église de Dieu et non pas une Église de l’É
1159
Église, c’est de la laisser être une vraie Église
de
Dieu et non pas une Église de l’État suisse. Il est bien vrai que not
1160
re une vraie Église de Dieu et non pas une Église
de
l’État suisse. Il est bien vrai que notre État fédéral ne saurait se
1161
fonder concrètement que sur des bases chrétiennes
de
tolérance et d’amour du prochain. Mais je tiens à redire ici ce que j
1162
ent que sur des bases chrétiennes de tolérance et
d’
amour du prochain. Mais je tiens à redire ici ce que je disais cet hiv
1163
ce que nous sommes Suisses, mais nous devons être
de
bons Suisses parce que nous sommes chrétiens d’abord. Gardons-nous du
1164
parler j’opposerai cette déclaration prophétique
d’
un homme dont la pensée me paraît plus actuelle que jamais, Alexandre
1165
eulement pour tout le monde, faites-nous la grâce
de
n’en point vouloir ». Car « la société qui veut m’ôter ma religion, m
1166
communauté, c’est que l’Église soit indépendante
de
l’État, je veux dire par là : constituée face à l’État comme une auto
1167
remémore les événements qui ont amené la création
de
l’Église confessionnelle en Allemagne, on comprendra ce que je veux d
1168
es à l’intérieur du pays, dans toutes les couches
de
notre peuple suisse. Pour mille raisons qui tiennent à l’évolution so
1169
des villes, et dans beaucoup de villages. Même si
de
nombreuses familles d’ouvriers en font encore partie, c’est un fait q
1170
ucoup de villages. Même si de nombreuses familles
d’
ouvriers en font encore partie, c’est un fait que le ton des sermons,
1171
ue populaires. C’est sans doute l’une des raisons
de
la désaffection de la classe ouvrière vis-à-vis de l’Église depuis pl
1172
t sans doute l’une des raisons de la désaffection
de
la classe ouvrière vis-à-vis de l’Église depuis plus d’un siècle : el
1173
classe ouvrière vis-à-vis de l’Église depuis plus
d’
un siècle : elle ne s’y sent pas tout à fait chez elle ; elle n’y reco
1174
son langage. Il y a là certainement quelque chose
d’
anormal. L’Église n’aurait jamais dû prendre le ton et l’accent d’un m
1175
ise n’aurait jamais dû prendre le ton et l’accent
d’
un milieu social plutôt que d’un autre. Elle devrait aujourd’hui aband
1176
le ton et l’accent d’un milieu social plutôt que
d’
un autre. Elle devrait aujourd’hui abandonner résolument cette espèce
1177
it aujourd’hui abandonner résolument cette espèce
d’
éloquence conventionnelle qu’on appelle le ton de la chaire et qui pro
1178
d’éloquence conventionnelle qu’on appelle le ton
de
la chaire et qui produit sur l’auditeur occasionnel de nos sermons un
1179
chaire et qui produit sur l’auditeur occasionnel
de
nos sermons une impression fâcheuse de démodé, d’inactuel, d’irréalis
1180
ccasionnel de nos sermons une impression fâcheuse
de
démodé, d’inactuel, d’irréaliste. Il n’y a vraiment aucune raison val
1181
de nos sermons une impression fâcheuse de démodé,
d’
inactuel, d’irréaliste. Il n’y a vraiment aucune raison valable pour q
1182
ns une impression fâcheuse de démodé, d’inactuel,
d’
irréaliste. Il n’y a vraiment aucune raison valable pour que notre pré
1183
nne abandonne aux tribuns politiques le privilège
de
savoir parler à la foule, de savoir la toucher par des paroles direct
1184
itiques le privilège de savoir parler à la foule,
de
savoir la toucher par des paroles directes. Vous me direz peut-être q
1185
asteurs. Je n’en suis pas sûr. C’est une question
d’
atmosphère spirituelle, de disposition des esprits. C’est aussi notre
1186
sûr. C’est une question d’atmosphère spirituelle,
de
disposition des esprits. C’est aussi notre affaire à nous laïques. No
1187
able. Nous oublions trop facilement que la Parole
de
l’Église n’est pas réservée seulement à nos « milieux ecclésiastiques
1188
milieux ecclésiastiques », mais à tous les hommes
d’
où qu’ils viennent, qui ont faim et soif de vérité, sans le savoir le
1189
hommes d’où qu’ils viennent, qui ont faim et soif
de
vérité, sans le savoir le plus souvent. Il est grand temps que nous f
1190
r et puissent entendre sans éprouver le sentiment
de
s’être égarés dans un milieu où ils sont déplacés. Que nos Églises se
1191
és. Que nos Églises se préoccupent donc davantage
d’
être vraiment ouvertes à tous ! C’est une question de foi et de mainti
1192
tre vraiment ouvertes à tous ! C’est une question
de
foi et de maintien, de tact humain, de charité. C’est aussi, et c’est
1193
nt ouvertes à tous ! C’est une question de foi et
de
maintien, de tact humain, de charité. C’est aussi, et c’est avant tou
1194
tous ! C’est une question de foi et de maintien,
de
tact humain, de charité. C’est aussi, et c’est avant tout, une questi
1195
e question de foi et de maintien, de tact humain,
de
charité. C’est aussi, et c’est avant tout, une question de zèle missi
1196
é. C’est aussi, et c’est avant tout, une question
de
zèle missionnaire, d’amour des âmes. Si nous avons ce zèle et ce souc
1197
st avant tout, une question de zèle missionnaire,
d’
amour des âmes. Si nous avons ce zèle et ce souci, l’atmosphère un peu
1198
e zèle et ce souci, l’atmosphère un peu renfermée
de
certaines de nos paroisses se dissipera d’elle-même, se fera plus acc
1199
souci, l’atmosphère un peu renfermée de certaines
de
nos paroisses se dissipera d’elle-même, se fera plus accueillante. L’
1200
fermée de certaines de nos paroisses se dissipera
d’
elle-même, se fera plus accueillante. L’étranger qui entrera dans nos
1201
z les braves gens, mais accueilli dans une maison
de
Dieu. Ce que je voudrais dire encore sur ce sujet est peut-être un pe
1202
que à nos pasteurs, avec l’espoir que les laïques
de
cet auditoire l’appuieront pratiquement dans leurs paroisses. Je voud
1203
ales. Elle demande des vérités sûres, les vérités
de
la Bible, qui sont toujours les plus actuelles, et qui sont seules à
1204
s plus actuelles, et qui sont seules à la hauteur
de
la situation présente. Ce ne sont jamais nos idées personnelles, nos
1205
il y a quelques semaines, une parole qui m’a fait
de
l’impression. C’était dans un sermon, et le pasteur disait : « Laisso
1206
Parole profonde, parole qui devrait libérer plus
d’
un pasteur de ses soucis, et résoudre en partie le problème du samedi
1207
nde, parole qui devrait libérer plus d’un pasteur
de
ses soucis, et résoudre en partie le problème du samedi soir… Encore
1208
simple ! Jamais il ne pourra se rapprocher assez
de
la simplicité des paroles de la Bible. « Nous ne sommes pas convainca
1209
se rapprocher assez de la simplicité des paroles
de
la Bible. « Nous ne sommes pas convaincants », disait le pasteur que
1210
la plupart des auditeurs n’auraient pas eu l’idée
de
faire. Comme laïque, je ne demande pas qu’on me persuade de croire, m
1211
Comme laïque, je ne demande pas qu’on me persuade
de
croire, mais simplement qu’on nourrisse ma foi. J’attends qu’on me pa
1212
entuels. Notre génération n’est pas si tourmentée
de
doutes. Elle n’a guère la manie de discuter. Elle attend des directio
1213
si tourmentée de doutes. Elle n’a guère la manie
de
discuter. Elle attend des directions positives. Elle est prête à croi
1214
prête à croire, et elle demande à la prédication
de
parler à sa foi, non à son doute, avec la tranquille et familière ass
1215
doute, avec la tranquille et familière assurance
de
la foi. Car la conviction seule est convaincante. Tout ceci ne veut p
1216
re d’ailleurs que notre Église n’ait pas le droit
d’
aborder l’actualité sociale ou politique. Pour être missionnaire, l’Ég
1217
ssionnaire, l’Église doit d’abord être convaincue
de
la valeur et de la nouveauté perpétuelle d’un message purement bibliq
1218
lise doit d’abord être convaincue de la valeur et
de
la nouveauté perpétuelle d’un message purement biblique. C’est le pre
1219
incue de la valeur et de la nouveauté perpétuelle
d’
un message purement biblique. C’est le premier point. Mais cela étant
1220
étant acquis, pourquoi l’Église se priverait-elle
de
souligner l’actualité de son enseignement ? Pourquoi ne parlerait-ell
1221
Église se priverait-elle de souligner l’actualité
de
son enseignement ? Pourquoi ne parlerait-elle pas de politique, si el
1222
son enseignement ? Pourquoi ne parlerait-elle pas
de
politique, si elle le fait sur la seule base de la Bible ? On ne lui
1223
s de politique, si elle le fait sur la seule base
de
la Bible ? On ne lui demande pas une théorie originale, surtout pas !
1224
riginale, surtout pas ! On lui demande simplement
d’
appliquer à telle ou telle situation les paroles éternelles de l’Évang
1225
à telle ou telle situation les paroles éternelles
de
l’Évangile et des prophètes : par exemple, pour exhorter les fidèles
1226
exhorter les fidèles à renoncer à leurs préjugés
de
partis, ou à leurs intérêts de classe ; ou pour montrer à notre peupl
1227
r à leurs préjugés de partis, ou à leurs intérêts
de
classe ; ou pour montrer à notre peuple sa mission positive dans l’Eu
1228
à notre peuple sa mission positive dans l’Europe
d’
aujourd’hui. Toutes ces choses peuvent et doivent être dites du haut d
1229
ces choses peuvent et doivent être dites du haut
de
la chaire, à condition, je le répète et j’y insiste, qu’il ne s’agiss
1230
gisse jamais des idées personnelles du pasteur ou
de
quelque écrivain qu’il cite, mais du seul et unique point de vue de l
1231
n qu’il cite, mais du seul et unique point de vue
de
la Bible. En résumé, la deuxième condition indispensable pour que l’É
1232
nauté, c’est que l’Église ne parle pas le langage
d’
un seul groupe social, ou d’une seule classe ; ou le langage d’une que
1233
parle pas le langage d’un seul groupe social, ou
d’
une seule classe ; ou le langage d’une quelconque philosophie à la mod
1234
upe social, ou d’une seule classe ; ou le langage
d’
une quelconque philosophie à la mode ou déjà démodée ; ou le langage p
1235
la mode ou déjà démodée ; ou le langage personnel
de
Monsieur X, pasteur ou même théologien célèbre, — mais qu’elle parle
1236
qu’elle parle uniquement et simplement le langage
de
la Bible, qui appartient à tous, qui est frappant pour tous, et dans
1237
uvent communier. III La troisième condition
d’
une vraie communauté, je la définissais tout à l’heure comme suit : qu
1238
ure comme suit : que nos Églises aient le courage
d’
être franchement des Églises visibles — solidement organisées, — douée
1239
glises visibles — solidement organisées, — douées
d’
une discipline et de formes de culte fixes. Je ne soulèverai pas ici l
1240
lidement organisées, — douées d’une discipline et
de
formes de culte fixes. Je ne soulèverai pas ici le problème de l’épis
1241
rganisées, — douées d’une discipline et de formes
de
culte fixes. Je ne soulèverai pas ici le problème de l’épiscopat, enc
1242
culte fixes. Je ne soulèverai pas ici le problème
de
l’épiscopat, encore que je sois persuadé qu’il se posera pour nous au
1243
re développé encore, afin de décharger le pasteur
d’
un lourd travail de bienfaisance. Je me bornerai au seul problème des
1244
, afin de décharger le pasteur d’un lourd travail
de
bienfaisance. Je me bornerai au seul problème des formes du culte, au
1245
au seul problème des formes du culte, au problème
de
la liturgie protestante. C’est un laïque qui parle ici, je le répète.
1246
de l’Église ! Les théologiens élèveront peut-être
de
fortes objections contre ce que je vais dire. Je suis prêt à les écou
1247
ce. Mais je cherchais depuis longtemps l’occasion
de
formuler certaines propositions qui trouveront aujourd’hui, peut-être
1248
opositions qui trouveront aujourd’hui, peut-être,
de
l’écho. J’ai passé plusieurs années en France, et je me suis fortemen
1249
ement attaché à la liturgie des Églises réformées
de
ce pays. J’entends ici par liturgie : la partie du culte qui n’est pa
1250
tour en Suisse j’éprouve avec intensité l’absence
de
toute espèce de liturgie sérieuse dans nos cultes, à quelques rares e
1251
’éprouve avec intensité l’absence de toute espèce
de
liturgie sérieuse dans nos cultes, à quelques rares exceptions près10
1252
tions près10. Et ce n’est pas seulement le défaut
de
liturgie qui me choque, mais le manque de sens liturgique que manifes
1253
défaut de liturgie qui me choque, mais le manque
de
sens liturgique que manifestent les essais tentés ici ou là, pour rem
1254
, pour remédier à cette absence. Nous avons bien,
de
temps à autre, des cultes que nous appelons « liturgiques » et qui co
1255
n lectures bibliques ou littéraires, entrecoupées
de
chants et de jeux d’orgue. Eh bien, le seul fait de qualifier de « li
1256
bliques ou littéraires, entrecoupées de chants et
de
jeux d’orgue. Eh bien, le seul fait de qualifier de « liturgiques » c
1257
ou littéraires, entrecoupées de chants et de jeux
d’
orgue. Eh bien, le seul fait de qualifier de « liturgiques » ces manif
1258
chants et de jeux d’orgue. Eh bien, le seul fait
de
qualifier de « liturgiques » ces manifestations — peut-être parce qu’
1259
jeux d’orgue. Eh bien, le seul fait de qualifier
de
« liturgiques » ces manifestations — peut-être parce qu’on ne saurait
1260
l’évidence que nous ignorons le sens et la portée
de
la liturgie véritable. Celle-ci suppose des formes fixes et invariabl
1261
suppose des formes fixes et invariables, connues
de
tous, et auxquelles tout l’auditoire participe d’une manière à la foi
1262
de tous, et auxquelles tout l’auditoire participe
d’
une manière à la fois spontanée et réglée d’avance. Or nos cultes soi-
1263
icipe d’une manière à la fois spontanée et réglée
d’
avance. Or nos cultes soi-disant liturgiques sont exactement le contra
1264
oulent pas d’après un plan traditionnel et chargé
de
sens dogmatique, mais font se succéder, dans un ordre plus ou moins a
1265
ire, des textes souvent inconnus, et des morceaux
de
musique dont la signification reste imprécise… Voici un détail signif
1266
récise… Voici un détail significatif, à mes yeux,
de
ce même défaut de sens liturgique : lorsqu’il arrive qu’on lise, au d
1267
étail significatif, à mes yeux, de ce même défaut
de
sens liturgique : lorsqu’il arrive qu’on lise, au début d’un de nos c
1268
iturgique : lorsqu’il arrive qu’on lise, au début
d’
un de nos cultes, une prière liturgique isolée, comme la confession de
1269
ique : lorsqu’il arrive qu’on lise, au début d’un
de
nos cultes, une prière liturgique isolée, comme la confession des péc
1270
ertains pasteurs paraissent craindre la monotonie
de
ce vieux texte, et croient bien faire en y apportant quelques variant
1271
apportant quelques variantes personnelles, au gré
de
leur théologie ou de leur conception du style. Or justement, la valeu
1272
riantes personnelles, au gré de leur théologie ou
de
leur conception du style. Or justement, la valeur liturgique d’un tex
1273
tion du style. Or justement, la valeur liturgique
d’
un texte réside dans son invariabilité. C’est grâce à cette invariabil
1274
ue la liturgie crée dans l’auditoire un sentiment
de
communion, ou de communauté spirituelle. Une vraie liturgie doit être
1275
ée dans l’auditoire un sentiment de communion, ou
de
communauté spirituelle. Une vraie liturgie doit être invariable ; de
1276
auditeurs, et pleinement significative en chacune
de
ses parties. Elle doit former un ensemble, un tout cohérent et indivi
1277
n tout cohérent et indivisible. Prenons l’exemple
de
la liturgie des Églises réformées de France. Je vais vous la décrire
1278
ns l’exemple de la liturgie des Églises réformées
de
France. Je vais vous la décrire dans ses principaux traits. I. Invoca
1279
œur ou l’assemblée chante : « Seigneur, aie pitié
de
nous ! Christ, aie pitié de nous !… »). V. Promesses de grâce et abso
1280
« Seigneur, aie pitié de nous ! Christ, aie pitié
de
nous !… »). V. Promesses de grâce et absolution collective (l’assembl
1281
s ! Christ, aie pitié de nous !… »). V. Promesses
de
grâce et absolution collective (l’assemblée debout chante : « Ô qu’he
1282
culte, après l’Oraison dominicale, chant spontané
d’
une strophe du Te Deum : « Gloire soit au Saint-Esprit… » Puis bénédic
1283
e collectif non seulement des dogmes fondamentaux
de
la foi réformée, mais aussi du drame chrétien dans son déroulement bi
1284
ntance, la grâce accordée, et enfin le témoignage
de
la foi. À mon sens, cette liturgie est une des plus belles, dans sa s
1285
es, dans sa simplicité, et des plus justes aussi,
de
toutes celles qu’utilisent les différentes confessions chrétiennes. J
1286
maine. Comme toute société humaine, elle a besoin
de
signes extérieurs et de symboles collectifs qui manifestent publiquem
1287
té humaine, elle a besoin de signes extérieurs et
de
symboles collectifs qui manifestent publiquement sa cohésion spiritue
1288
négliger sans risques graves. Tous les fondateurs
de
régimes savent que pour créer une communauté nouvelle, il faut créer
1289
té à des cérémonies hitlériennes qui étaient déjà
de
véritables liturgies païennes. Ces abus manifestes ne doivent pas nou
1290
ous faire négliger le bon usage, l’usage chrétien
d’
une liturgie chrétienne. La science consommée des chefs totalitaires d
1291
otalitaires doit nous rendre attentifs à certains
de
nos défauts, afin que nous puissions les corriger à temps. Un peuple
1292
es corriger à temps. Un peuple complètement privé
de
toute manifestation de ce genre risque d’être une proie facile pour l
1293
peuple complètement privé de toute manifestation
de
ce genre risque d’être une proie facile pour les caricatures de litur
1294
t privé de toute manifestation de ce genre risque
d’
être une proie facile pour les caricatures de liturgie que les païens
1295
sque d’être une proie facile pour les caricatures
de
liturgie que les païens viendront lui offrir un jour, et qui seront a
1296
spécifiquement chrétien. Je dirais même qu’il est
d’
ordre sermonnaire. Je m’explique. Imaginez une personne qui n’a jamais
1297
une personne qui n’a jamais mis les pieds dans un
de
nos temples, qui ne sait rien du protestantisme, ou qui est incroyant
1298
réussissez à l’amener, un beau dimanche, au culte
d’
une de nos paroisses suisses. Elle sera d’abord, probablement, dépaysé
1299
ssez à l’amener, un beau dimanche, au culte d’une
de
nos paroisses suisses. Elle sera d’abord, probablement, dépaysée, com
1300
le ton du pasteur et le maintien un peu compassé
de
l’auditoire. Mais cela n’est rien encore : si elle est de bonne volon
1301
itoire. Mais cela n’est rien encore : si elle est
de
bonne volonté et avide de vérité, elle ne se laissera pas arrêter par
1302
en encore : si elle est de bonne volonté et avide
de
vérité, elle ne se laissera pas arrêter par ces détails. Ce qui est p
1303
’il n’est pas exceptionnellement bon, risque bien
de
la laisser sur sa faim. En sortant de là, elle ne saura pas exactemen
1304
risque bien de la laisser sur sa faim. En sortant
de
là, elle ne saura pas exactement ce que nous croyons, elle pourra s’i
1305
s fausses. Ou bien encore, elle aura l’impression
d’
avoir surpris une réunion d’initiés, habitués à un certain langage, do
1306
lle aura l’impression d’avoir surpris une réunion
d’
initiés, habitués à un certain langage, dont personne ne lui aura donn
1307
sermon du pasteur, elle le situe dans l’ensemble
de
nos dogmes, et elle rappelle notre Credo. Bref, quand le sermon comme
1308
, tout le monde, et même un étranger, peut savoir
de
quoi il s’agit. J’avoue que pour ma part, et je ne pense pas être le
1309
que pour ma part, et je ne pense pas être le seul
de
mon espèce, j’éprouve le besoin d’entendre répéter chaque dimanche le
1310
s être le seul de mon espèce, j’éprouve le besoin
d’
entendre répéter chaque dimanche les grandes vérités de la foi, j’épro
1311
endre répéter chaque dimanche les grandes vérités
de
la foi, j’éprouve le besoin de participer, par le chant ou la récitat
1312
es grandes vérités de la foi, j’éprouve le besoin
de
participer, par le chant ou la récitation, à ce témoignage collectif,
1313
on, à ce témoignage collectif, dans la communauté
de
mes frères, connus ou inconnus. Après cela, même si le sermon n’est p
1314
pas des meilleurs, j’ai tout de même le sentiment
d’
avoir approuvé mon Église, et d’en avoir reçu le message essentiel. En
1315
même le sentiment d’avoir approuvé mon Église, et
d’
en avoir reçu le message essentiel. Enfin, ma troisième raison se rapp
1316
s surprendra peut-être : le peuple suisse souffre
d’
un défaut qu’il me faut bien nommer le sans-gêne spirituel. Je ne sais
1317
nous, et qu’il subsiste dans nos Églises pas mal
de
traces d’un piétisme affadi. Je n’oserais pas suggérer que nous tenon
1318
qu’il subsiste dans nos Églises pas mal de traces
d’
un piétisme affadi. Je n’oserais pas suggérer que nous tenons à rester
1319
que, Seigneur et Roi des rois, à toutes les pages
de
notre Bible. Le fait est que nous manquons d’un certain respect relig
1320
ges de notre Bible. Le fait est que nous manquons
d’
un certain respect religieux, de même que nous passons, à l’étranger,
1321
qui frise peut-être la caricature. J’ai entendu,
de
mes oreilles, un jeune pasteur remercier Dieu, du haut de la chaire,
1322
reilles, un jeune pasteur remercier Dieu, du haut
de
la chaire, de ce que Dieu « nous a permis de lui parler tout simpleme
1323
une pasteur remercier Dieu, du haut de la chaire,
de
ce que Dieu « nous a permis de lui parler tout simplement, d’homme à
1324
haut de la chaire, de ce que Dieu « nous a permis
de
lui parler tout simplement, d’homme à homme »… Je reste persuadé, po
1325
eu « nous a permis de lui parler tout simplement,
d’
homme à homme »… Je reste persuadé, pour ma part, que nous devons plu
1326
uadé, pour ma part, que nous devons plutôt parler
d’
homme à Dieu, et que nous ferions bien de nous pénétrer de cette vérit
1327
t parler d’homme à Dieu, et que nous ferions bien
de
nous pénétrer de cette vérité fondamentale et même d’y conformer notr
1328
à Dieu, et que nous ferions bien de nous pénétrer
de
cette vérité fondamentale et même d’y conformer notre maintien. Sans
1329
ous pénétrer de cette vérité fondamentale et même
d’
y conformer notre maintien. Sans aller jusqu’à imiter les génuflexions
1330
russes, qui se prosternent jusqu’à toucher le sol
de
leur front, pourquoi refuserions-nous de nous agenouiller pour la pri
1331
r le sol de leur front, pourquoi refuserions-nous
de
nous agenouiller pour la prière publique, ou pendant la lecture de la
1332
er pour la prière publique, ou pendant la lecture
de
la confession des péchés, par exemple, comme cela se fait dans les Ég
1333
le, comme cela se fait dans les Églises réformées
de
Paris ? Aurions-nous trop de dignité pour consentir à cette marque pu
1334
es Églises réformées de Paris ? Aurions-nous trop
de
dignité pour consentir à cette marque publique d’humiliation ? Nous c
1335
de dignité pour consentir à cette marque publique
d’
humiliation ? Nous chantons dans un chant patriotique : « Devant Dieu
1336
assis… Ne pensez pas, surtout, que ces questions
d’
attitude soient futiles, ou trahissent je ne sais quelle déviation cat
1337
tholique. Toutes les Églises ont toujours attaché
de
l’importance à ces choses-là, et je pense qu’elles avaient de bonnes
1338
nce à ces choses-là, et je pense qu’elles avaient
de
bonnes raisons de le faire. Elles savaient qu’une certaine participat
1339
à, et je pense qu’elles avaient de bonnes raisons
de
le faire. Elles savaient qu’une certaine participation personnelle, p
1340
estes qui manifestent, visiblement, la communauté
de
la foi, de l’humiliation, ou de la joie chrétienne. Ce sont des geste
1341
anifestent, visiblement, la communauté de la foi,
de
l’humiliation, ou de la joie chrétienne. Ce sont des gestes, enfin, q
1342
nt, la communauté de la foi, de l’humiliation, ou
de
la joie chrétienne. Ce sont des gestes, enfin, qui favorisent l’oubli
1343
Ce sont des gestes, enfin, qui favorisent l’oubli
de
soi et qui libèrent des fausses pudeurs. Pour en finir sur ce sujet,
1344
s. Pour en finir sur ce sujet, je vous demanderai
de
vous poser à vous-même cette seule question : alors que les orthodoxe
1345
les calvinistes français jugent nécessaire et bon
d’
avoir une liturgie, comment se fait-il que nos Églises suisses soient
1346
ent pouvoir s’en passer, sans dommage ? L’absence
de
liturgie, remarquez-le, est un obstacle assez considérable à notre ra
1347
sans cesse croissante.) Et pourtant, les Églises
de
Suisse devraient avoir à cœur ce rapprochement, plus qu’aucune autre
1348
t nous préparer tout spécialement à cette mission
de
compréhension d’autrui, de rapprochement, de mutuelle instruction, qu
1349
out spécialement à cette mission de compréhension
d’
autrui, de rapprochement, de mutuelle instruction, qui est la mission
1350
lement à cette mission de compréhension d’autrui,
de
rapprochement, de mutuelle instruction, qui est la mission du jeune m
1351
sion de compréhension d’autrui, de rapprochement,
de
mutuelle instruction, qui est la mission du jeune mouvement œcuméniqu
1352
thèses — critiques et suggestions — que je viens
d’
esquisser devant vous. Je vous ai indiqué tout d’abord que la situatio
1353
iqué tout d’abord que la situation actuelle exige
de
nos Églises un grand effort vers la communauté vivante. Ce sera peut-
1354
ommunauté vivante. Ce sera peut-être une question
de
vie ou de mort, dans le monde qui se prépare. Je vous ai suggéré troi
1355
vivante. Ce sera peut-être une question de vie ou
de
mort, dans le monde qui se prépare. Je vous ai suggéré trois directio
1356
i se prépare. Je vous ai suggéré trois directions
d’
effort à la fois nécessaires et possibles : revenir d’abord à une comp
1357
r d’abord à une compréhension moins superficielle
de
la nature de nos Églises, qui sont les membres du Corps de Christ, et
1358
ne compréhension moins superficielle de la nature
de
nos Églises, qui sont les membres du Corps de Christ, et non pas des
1359
ure de nos Églises, qui sont les membres du Corps
de
Christ, et non pas des associations comme les autres. Avoir ensuite l
1360
ciations comme les autres. Avoir ensuite le souci
de
« désembourgeoiser » notre atmosphère, notre ton, nos manières de prê
1361
oiser » notre atmosphère, notre ton, nos manières
de
prêcher ou d’écouter, afin de rendre possible une action missionnaire
1362
atmosphère, notre ton, nos manières de prêcher ou
d’
écouter, afin de rendre possible une action missionnaire dans toutes l
1363
e une action missionnaire dans toutes les couches
de
notre peuple. Poser enfin très sérieusement le problème de la liturgi
1364
peuple. Poser enfin très sérieusement le problème
de
la liturgie, tant à nos bons théologiens qu’aux laïques, généralement
1365
héologiens qu’aux laïques, généralement ignorants
de
cette question, ou retenus par des préjugés à son égard. Je me suis b
1366
travail plutôt qu’à l’éloquence. 6. Manifeste
de
la Ligue du Gothard, juillet 1940. 7. On sait que l’organisation des
1367
peu pour leur compte les charges des gouverneurs
de
provinces ou comes, lors de la décadence des ive et ve siècles. 8.
1368
héologique (elle est en plein essor) ; confession
de
foi (on en parle beaucoup) ; doctrine des sacrements… 9. Je n’entend
1369
es problèmes tels que les prestations financières
de
l’État à l’Église, qui sont pour le moins secondaires. « Indépendante
1370
s secondaires. « Indépendante » veux dire : libre
de
se gouverner elle-même, comme lorsqu’on parle de « l’indépendance » d
1371
de se gouverner elle-même, comme lorsqu’on parle
de
« l’indépendance » de la Suisse. 10. Canton de Genève. g. Rougemon
1372
même, comme lorsqu’on parle de « l’indépendance »
de
la Suisse. 10. Canton de Genève. g. Rougemont Denis de, « L’Église
1373
e de « l’indépendance » de la Suisse. 10. Canton
de
Genève. g. Rougemont Denis de, « L’Église et la Suisse », Les Cahie
1374
isse. 10. Canton de Genève. g. Rougemont Denis
de
, « L’Église et la Suisse », Les Cahiers protestants, Lausanne, août 1
1375
ts, Lausanne, août 1940, p. 321-342. h. Une note
de
la rédaction précise : « Deuxième conférence du Camp aîné de Vaumarcu
1376
tion précise : « Deuxième conférence du Camp aîné
de
Vaumarcus. Les suivantes : L’Église et l’Europe, l’Église et le Royau
1377
es : L’Église et l’Europe, l’Église et le Royaume
de
Dieu, l’Église, c’est nous, paraîtront successivement au cours des pr
1378
Autocritique
de
la Suisse (février 1941)i j Nul pays à ma connaissance, n’a été pl
1379
aire et suppose donc la connaissance très vivante
d’
une autre espèce d’union, sans cesse à recréer. Or l’inertie des masse
1380
c la connaissance très vivante d’une autre espèce
d’
union, sans cesse à recréer. Or l’inertie des masses et l’à-peu-près i
1381
ntellectuel s’opposent sans cesse à cette reprise
de
conscience. D’où la nécessité d’une vigilante autocritique, si l’on n
1382
pposent sans cesse à cette reprise de conscience.
D’
où la nécessité d’une vigilante autocritique, si l’on ne veut pas déch
1383
à cette reprise de conscience. D’où la nécessité
d’
une vigilante autocritique, si l’on ne veut pas déchoir ou se laisser
1384
e qui suppose l’équilibre vivant entre les droits
de
chaque région et ses devoirs envers l’ensemble, il n’est pas absurde
1385
s devoirs envers l’ensemble, il n’est pas absurde
de
nommer « fédéraliste » un parti qui n’a d’autre programme que la défe
1386
bsurde de nommer « fédéraliste » un parti qui n’a
d’
autre programme que la défense des intérêts locaux contre le centre. C
1387
es cantonaux. Ceux qui insistent sur la nécessité
de
l’union centrale auraient peut-être plus de droits à revendiquer le n
1388
ssité de l’union centrale auraient peut-être plus
de
droits à revendiquer le nom de fédéralistes, dans son sens étymologiq
1389
ent peut-être plus de droits à revendiquer le nom
de
fédéralistes, dans son sens étymologique. (fœdus = traité, serment, u
1390
régionalistes, nomment « fédéral » ce qui procède
de
Berne. Il en résulte que leur fédéralisme se résume à combattre tout
1391
qui pourra ! Cette confusion verbale, symbolique
de
tant d’autres, est à la base de la plupart de nos conflits politiques
1392
rbale, symbolique de tant d’autres, est à la base
de
la plupart de nos conflits politiques, économiques, parlementaires.
1393
conomiques, parlementaires. i. Rougemont Denis
de
, « Autocritique de la Suisse », Les Cahiers protestants, Lausanne, fé
1394
ntaires. i. Rougemont Denis de, « Autocritique
de
la Suisse », Les Cahiers protestants, Lausanne, février 1941, p. 127-
1395
r 1941, p. 127-128. j. Une note précise : « Tiré
de
Mission ou démission de la Suisse . »
1396
ne note précise : « Tiré de Mission ou démission
de
la Suisse . »
1397
s-nous justifier, aux yeux de l’Europe qui essaie
de
se fédérer, cette raison de nous tenir à l’écart ou de bénéficier d’u
1398
e l’Europe qui essaie de se fédérer, cette raison
de
nous tenir à l’écart ou de bénéficier d’un traitement tout spécial, q
1399
fédérer, cette raison de nous tenir à l’écart ou
de
bénéficier d’un traitement tout spécial, que nos autorités et nos jou
1400
e raison de nous tenir à l’écart ou de bénéficier
d’
un traitement tout spécial, que nos autorités et nos journaux ne se la
1401
e nos autorités et nos journaux ne se lassent pas
d’
invoquer — comme si cela allait de soi — chaque fois qu’on nous propos
1402
la allait de soi — chaque fois qu’on nous propose
d’
entrer dans une forme quelconque d’union européenne ? Le fait est que
1403
n nous propose d’entrer dans une forme quelconque
d’
union européenne ? Le fait est que nos voisins d’Europe comprennent de
1404
d’union européenne ? Le fait est que nos voisins
d’
Europe comprennent de moins en moins notre neutralité. Le fait est que
1405
Le fait est que nos voisins d’Europe comprennent
de
moins en moins notre neutralité. Le fait est que les Américains ne la
1406
ait donc temps qu’en Suisse au moins, l’on essaie
de
comprendre un peu mieux les raisons véritables de ce statut spécial,
1407
de comprendre un peu mieux les raisons véritables
de
ce statut spécial, qui ne résulte pas d’une loi éternelle de la natur
1408
ritables de ce statut spécial, qui ne résulte pas
d’
une loi éternelle de la nature, ni d’un commandement de Moïse, ni d’un
1409
t spécial, qui ne résulte pas d’une loi éternelle
de
la nature, ni d’un commandement de Moïse, ni d’un droit divin des Hel
1410
résulte pas d’une loi éternelle de la nature, ni
d’
un commandement de Moïse, ni d’un droit divin des Helvètes, bref, qui
1411
loi éternelle de la nature, ni d’un commandement
de
Moïse, ni d’un droit divin des Helvètes, bref, qui n’est pas tombé du
1412
e de la nature, ni d’un commandement de Moïse, ni
d’
un droit divin des Helvètes, bref, qui n’est pas tombé du ciel et qui
1413
n’est pas tombé du ciel et qui ne va pas du tout
de
soi. Je suis bien obligé de l’avouer publiquement : pour beaucoup de
1414
qui ne va pas du tout de soi. Je suis bien obligé
de
l’avouer publiquement : pour beaucoup de mes compatriotes, la neutral
1415
ue un tabou, aussi sacré que l’égoïsme. On refuse
de
la discuter, parce qu’on craint que cette discussion n’aboutisse à de
1416
des conclusions gênantes et n’oblige à des prises
de
position. On n’aime pas cela… Ce qu’on veut, c’est la paix chez soi e
1417
ttre avec personne, tout en échappant au reproche
d’
égoïsme par des œuvres philanthropiques. Il faut bien le reconnaître,
1418
ment intéressé, qui tient parfois du raisonnement
de
l’autruche, et parfois d’une sagesse rusée, a parfaitement réussi jus
1419
parfois du raisonnement de l’autruche, et parfois
d’
une sagesse rusée, a parfaitement réussi jusqu’ici, matériellement par
1420
rlant. Quant aux effets moraux, sur notre peuple,
de
ce tour de force prolongé, ils sont hélas plus discutables. Et si vra
1421
t aux effets moraux, sur notre peuple, de ce tour
de
force prolongé, ils sont hélas plus discutables. Et si vraiment notre
1422
les. Et si vraiment notre neutralité n’était rien
d’
autre que ce que le Suisse moyen semble croire aujourd’hui, il ne faud
1423
onde. Comment les Suisses, si jalousement ennemis
de
privilèges dans leur pays, peuvent-ils prétendre avoir en bloc ce pri
1424
en bloc ce privilège exorbitant ? Pour commencer
de
répondre à cette question, je me contenterai ce soir d’un rapide aper
1425
ondre à cette question, je me contenterai ce soir
d’
un rapide aperçu sur l’histoire de notre neutralité, car je soupçonne
1426
enterai ce soir d’un rapide aperçu sur l’histoire
de
notre neutralité, car je soupçonne qu’elle n’est pas bien connue de l
1427
é, car je soupçonne qu’elle n’est pas bien connue
de
la plupart de nos contemporains. Aux origines lointaines de notre Éta
1428
art de nos contemporains. Aux origines lointaines
de
notre État, il y a le Pacte de 1291. Ce pacte fut juré par les représ
1429
rigines lointaines de notre État, il y a le Pacte
de
1291. Ce pacte fut juré par les représentants des trois communautés d
1430
coopératives forestières. Le pacte avait pour but
de
maintenir les libertés impériales acquises par ces communautés. Et ce
1431
mpire. Ainsi donc, dès le début, ce premier noyau
de
la Suisse a reçu un statut spécial dans l’intérêt de l’Europe entière
1432
la Suisse a reçu un statut spécial dans l’intérêt
de
l’Europe entière, au moins autant que pour lui-même. La première idée
1433
moins autant que pour lui-même. La première idée
d’
une neutralité négative des Confédérés apparaît vers 1648, lorsque la
1434
s apparaît vers 1648, lorsque la Suisse se sépare
de
l’Empire par le traité de Westphalie. L’expérience de la guerre de Tr
1435
que la Suisse se sépare de l’Empire par le traité
de
Westphalie. L’expérience de la guerre de Trente Ans a montré que les
1436
’Empire par le traité de Westphalie. L’expérience
de
la guerre de Trente Ans a montré que les cantons ne peuvent rester un
1437
e traité de Westphalie. L’expérience de la guerre
de
Trente Ans a montré que les cantons ne peuvent rester unis que s’ils
1438
ns ne peuvent rester unis que s’ils s’abstiennent
de
prendre part aux guerres entre rois catholiques et protestants — puis
1439
sions. Mais ce n’est qu’en 1815 que la neutralité
de
la Suisse se voit proclamée, sanctionnée par les Puissances et déclar
1440
un aspect positif. On sait en effet que le traité
de
Vienne dit en tous termes que « la neutralité et l’inviolabilité de l
1441
ous termes que « la neutralité et l’inviolabilité
de
la Suisse […] sont dans les vrais intérêts de l’Europe entière ». En
1442
ité de la Suisse […] sont dans les vrais intérêts
de
l’Europe entière ». En 1914, on retrouve ce même mélange d’intérêt pr
1443
e entière ». En 1914, on retrouve ce même mélange
d’
intérêt propre et d’intérêt européen dans notre abstention du conflit.
1444
, on retrouve ce même mélange d’intérêt propre et
d’
intérêt européen dans notre abstention du conflit. Si la Suisse avait
1445
ent que notre neutralité dépendait donc, au début
de
ce siècle, du fameux « équilibre européen ». Mais déjà en 1939, la q
1446
’hui ? Tout est changé. Les conflits qui menacent
d’
éclater n’opposeront plus les catholiques aux protestants, comme penda
1447
holiques aux protestants, comme pendant la guerre
de
Trente Ans ; ni la France à l’Allemagne, ou l’Autriche à l’Italie, co
1448
ni même des Européens à d’autres Européens comme
de
1939 à 1945. Il n’est donc plus question pour la Suisse d’essayer de
1449
1945. Il n’est donc plus question pour la Suisse
d’
essayer de maintenir sa place centrale et réservée dans le jeu des pui
1450
n’est donc plus question pour la Suisse d’essayer
de
maintenir sa place centrale et réservée dans le jeu des puissances vo
1451
ans le jeu des puissances voisines. Il n’y a plus
d’
équilibre européen. Il y a l’Europe entière qui essaie de survivre et
1452
ibre européen. Il y a l’Europe entière qui essaie
de
survivre et de s’unir contre un danger commun. Nous sommes tous dans
1453
Il y a l’Europe entière qui essaie de survivre et
de
s’unir contre un danger commun. Nous sommes tous dans le même sac, si
1454
eule question réelle qui se pose désormais, c’est
de
savoir si la neutralité de notre pays est encore « dans les vrais int
1455
pose désormais, c’est de savoir si la neutralité
de
notre pays est encore « dans les vrais intérêts de l’Europe entière »
1456
e notre pays est encore « dans les vrais intérêts
de
l’Europe entière ». Apporte-t-elle, ou non, une contribution effectiv
1457
, une contribution effective à la défense commune
de
l’Europe ? II Avant tout essai de réponse, on fera bien de se d
1458
e commune de l’Europe ? II Avant tout essai
de
réponse, on fera bien de se demander d’abord : Quels sont, en somme,
1459
II Avant tout essai de réponse, on fera bien
de
se demander d’abord : Quels sont, en somme, les vrais intérêts de l’E
1460
’abord : Quels sont, en somme, les vrais intérêts
de
l’Europe entière ? Sont-ils les mêmes aujourd’hui qu’il y a cent-cinq
1461
e ne le pense pas. Ce que les auteurs des traités
de
1815 entendaient par l’intérêt de l’Europe, c’était un certain degré
1462
urs des traités de 1815 entendaient par l’intérêt
de
l’Europe, c’était un certain degré de concorde entre nos pays et leur
1463
r l’intérêt de l’Europe, c’était un certain degré
de
concorde entre nos pays et leurs régimes, concorde qui ne semblait po
1464
es puissances du continent. Il s’agit aujourd’hui
d’
autre chose. L’idée d’une guerre prochaine entre pays européens n’empê
1465
nent. Il s’agit aujourd’hui d’autre chose. L’idée
d’
une guerre prochaine entre pays européens n’empêche personne de dormir
1466
prochaine entre pays européens n’empêche personne
de
dormir. Mais tout le monde pense à deux dangers communs : l’un idéolo
1467
lleure solution que l’union. « Les vrais intérêts
de
l’Europe entière », c’est donc tout simplement que l’Europe devienne
1468
Or, peut-on dire que l’attitude plus que réservée
de
la Suisse contribue sérieusement à promouvoir l’union ? Peut-on dire
1469
l’union ? Peut-on dire que la Suisse, en refusant
de
se risquer à Strasbourg, contribue à renforcer le Conseil de l’Europe
1470
Europe ? Certes, nous avons fini par adhérer avec
d’
infinies précautions, à quelques entreprises internationales, telles q
1471
érêt bien compris. Il serait donc un peu excessif
de
citer nos adhésions tardives et réticentes comme autant de contributi
1472
nos adhésions tardives et réticentes comme autant
de
contributions à l’unité. Sur ce plan général, il semble difficile de
1473
l’unité. Sur ce plan général, il semble difficile
de
soutenir que la neutralité représente un apport positif à la fédérati
1474
ire à ses vrais intérêts. Mais sur le plan précis
de
la défense de l’Europe, la situation est différente. M. Churchill a p
1475
est différente. M. Churchill a parlé à Strasbourg
de
créer une armée européenne. M. Pleven a fait voter un projet similair
1476
mbre française. Et déjà, l’on commence à regarder
de
travers cette petite Suisse qui prétend rester neutre quand tout le m
1477
rité, c’est que la Suisse neutre est le seul pays
d’
Europe qui soit matériellement et moralement prêt à se défendre en cas
1478
iellement et moralement prêt à se défendre en cas
d’
attaque, demain. Je sais très bien que la seule mention de l’armée sui
1479
e, demain. Je sais très bien que la seule mention
de
l’armée suisse a le don de provoquer des sourires légèrement ironique
1480
n que la seule mention de l’armée suisse a le don
de
provoquer des sourires légèrement ironiques ou incrédules chez certai
1481
légèrement ironiques ou incrédules chez certains
de
nos voisins. Qu’ils comptent plutôt leurs divisions ! Nous en avons,
1482
plus qu’eux tous réunis. Il n’y a qu’un seul coin
de
l’Europe qui soit sérieusement défendu, et le fait est, paradoxal mai
1483
petit coin, c’est la Suisse neutre. Quand l’armée
de
l’Europe commencera d’exister, il sera temps d’aborder la question d’
1484
isse neutre. Quand l’armée de l’Europe commencera
d’
exister, il sera temps d’aborder la question d’un plan de défense unif
1485
e de l’Europe commencera d’exister, il sera temps
d’
aborder la question d’un plan de défense unifié. Vous le voyez, la rép
1486
ra d’exister, il sera temps d’aborder la question
d’
un plan de défense unifié. Vous le voyez, la réponse que j’essaie de t
1487
er, il sera temps d’aborder la question d’un plan
de
défense unifié. Vous le voyez, la réponse que j’essaie de trouver n’e
1488
se unifié. Vous le voyez, la réponse que j’essaie
de
trouver n’est pas simple. Si l’effort militaire considérable que nous
1489
litaire considérable que nous impose notre statut
de
neutralité est une contribution réelle à la défense du continent, on
1490
continent, on ne saurait vraiment en dire autant
de
notre attitude méfiante et presque négative à l’égard de l’union néce
1491
e l’union nécessaire. À la question qu’on me pose
de
tous côtés : Êtes-vous pour l’abandon de notre neutralité ? je ne pui
1492
me pose de tous côtés : Êtes-vous pour l’abandon
de
notre neutralité ? je ne puis donc répondre oui ou non. Le problème n
1493
raison grande et forte, c’est en somme au profit
de
quoi la Suisse devrait éventuellement renoncer à sa neutralité. Je ré
1494
ur ma part que cela ne pourrait être qu’au profit
de
l’Europe entière, c’est-à-dire au profit de son union fédérale, et de
1495
rofit de l’Europe entière, c’est-à-dire au profit
de
son union fédérale, et de cela seul. Encore faut-il que cette union p
1496
c’est-à-dire au profit de son union fédérale, et
de
cela seul. Encore faut-il que cette union prenne forme, et qu’en son
1497
États-Unis, soit le Conseil de l’Europe s’il sort
de
son impasse, soit encore une menace de guerre contre le continent tou
1498
s’il sort de son impasse, soit encore une menace
de
guerre contre le continent tout entier, nous poseront ces questions p
1499
evant des options graves qu’il lui sera difficile
de
trancher, ne sachant pas ce que pense le peuple suisse. Il ne faut pa
1500
nous surprenne, endormis dans la fausse sécurité
d’
une tradition qui a peut-être fait son temps, endormis derrière la neu
1501
rne à proposer, pour l’orienter, un seul principe
de
jugement politique. Le voici : Tant que la neutralité de la Suisse se
1502
ment politique. Le voici : Tant que la neutralité
de
la Suisse se révèle utile à l’Europe — comme aujourd’hui sur le plan
1503
traire elle devient un prétexte à freiner l’union
de
l’Europe et à ne pas y prendre notre part, elle est contraire à l’esp
1504
re notre part, elle est contraire à l’esprit même
de
son statut, et elle peut donc demain devenir une trahison. Car je le
1505
été reconnue par les puissances « dans l’intérêt
de
l’Europe entière », et non pas comme un privilège qu’il n’y aurait pl
1506
ons : en neutralité entre l’Europe et les ennemis
de
l’Europe — entre l’Europe unie et l’URSS par exemple — ceux-là sont i
1507
Ils violent notre statut légal, et l’esprit même
de
nos institutions. Je me promets de revenir sur ce point capital, que
1508
l’esprit même de nos institutions. Je me promets
de
revenir sur ce point capital, que personne encore n’a touché, tout au
1509
u moins à ma connaissance. k. Rougemont Denis
de
, « Europe unie et neutralité suisse », Les Cahiers protestants, Lausa
1510
, novembre–décembre 1950, p. 309-316. l. Précédé
de
la note suivante : « L’Europe est en danger. Les efforts pour unir l’
1511
é un questionnaire qui sera envoyé à quelques-uns
de
ceux que le problème préoccupe et nous ouvrons ainsi une rubrique où
1512
nses reçues. Voici le questionnaire. Il est suivi
d’
une première réponse de M. Denis de Rougemont aux questions IV et V :
1513
uestionnaire. Il est suivi d’une première réponse
de
M. Denis de Rougemont aux questions IV et V : […] — Quelle attitude,
1514
dite fédération ? Une conception trop restrictive
de
cette neutralité n’empêche-t-elle pas notre pays d’assumer actuelleme
1515
cette neutralité n’empêche-t-elle pas notre pays
d’
assumer actuellement la tâche de conciliation qui serait conforme à so
1516
le pas notre pays d’assumer actuellement la tâche
de
conciliation qui serait conforme à son génie ? — En faveur du maintie
1517
t conforme à son génie ? — En faveur du maintien,
de
l’assouplissement ou de l’abandon de cette neutralité, tenez-vous cer
1518
— En faveur du maintien, de l’assouplissement ou
de
l’abandon de cette neutralité, tenez-vous certains arguments comme pa
1519
du maintien, de l’assouplissement ou de l’abandon
de
cette neutralité, tenez-vous certains arguments comme particulièremen
1520
les 30 octobre et 6 novembre 1950, dans le cadre
de
l’émission ‟Destins du monde : Demain l’Europe !” ».
1521
ormer, et qu’il ait apporté à sa réfutation moins
de
scrupule que d’humeur. J’avais pourtant pris soin de souligner la com
1522
ait apporté à sa réfutation moins de scrupule que
d’
humeur. J’avais pourtant pris soin de souligner la complexité du probl
1523
scrupule que d’humeur. J’avais pourtant pris soin
de
souligner la complexité du problème. Je parlais de « ce mélange d’int
1524
e souligner la complexité du problème. Je parlais
de
« ce mélange d’intérêt propre et d’intérêt européen » qui a toujours
1525
omplexité du problème. Je parlais de « ce mélange
d’
intérêt propre et d’intérêt européen » qui a toujours caractérisé notr
1526
e. Je parlais de « ce mélange d’intérêt propre et
d’
intérêt européen » qui a toujours caractérisé notre neutralité et qui
1527
ire ». J’ai naturellement insisté sur « l’intérêt
de
l’Europe entière » parce que c’était par ce biais-là que je pouvais a
1528
aborder le problème suisse, dans le cadre général
de
ma chronique intitulée « Demain l’Europe ». Je n’ai nullement nié ou
1529
Je n’ai nullement nié ou méconnu l’intérêt propre
de
la Suisse. Il serait toutefois bien léger de penser, ou de laisser cr
1530
opre de la Suisse. Il serait toutefois bien léger
de
penser, ou de laisser croire, que ce propre intérêt soit seul en caus
1531
sse. Il serait toutefois bien léger de penser, ou
de
laisser croire, que ce propre intérêt soit seul en cause dans le jeu
1532
t seul en cause dans le jeu des forces politiques
de
notre temps ! Où donc ai-je soutenu « sans réserve » que la Suisse de
1533
i dit seulement que si la Suisse un jour décidait
de
renoncer à sa neutralité, ce ne pourrait être qu’au profit de l’Europ
1534
à sa neutralité, ce ne pourrait être qu’au profit
de
l’Europe entière et de son union fédérale ; et j’ai ajouté : « Encore
1535
pourrait être qu’au profit de l’Europe entière et
de
son union fédérale ; et j’ai ajouté : « Encore faut-il que cette unio
1536
un tabou.) Je m’étonne davantage qu’un professeur
d’
histoire puisse paraître assimiler la Russie de 1815 et l’URSS de Stal
1537
ur d’histoire puisse paraître assimiler la Russie
de
1815 et l’URSS de Staline, lorsqu’il s’agit de leurs relations avec l
1538
ie de 1815 et l’URSS de Staline, lorsqu’il s’agit
de
leurs relations avec l’Europe ; qu’il tienne l’URSS — malgré elle ! —
1539
européenne ; qu’il fasse état, très sérieusement,
de
ce que l’OECE « reste ouverte » aux pays de l’Est ; et qu’enfin tous
1540
ment, de ce que l’OECE « reste ouverte » aux pays
de
l’Est ; et qu’enfin tous les chiffres et proportions qu’il cite vers
1541
es chiffres et proportions qu’il cite vers la fin
de
son article soient erronés, — ceci pour deux motifs, l’un d’interprét
1542
cle soient erronés, — ceci pour deux motifs, l’un
d’
interprétation, l’autre de fait. Tout d’abord, il est clair que je n’a
1543
pour deux motifs, l’un d’interprétation, l’autre
de
fait. Tout d’abord, il est clair que je n’ai pas pu « confondre systé
1544
uls à la base. Finalement, quelle est la position
de
M. Lasserre sur le fond du problème, tel qu’il est défini par les poi
1545
lème, tel qu’il est défini par les points IV et V
de
votre questionnaire ?o On voit que mes thèses l’irritent. Et puis apr
1546
que mes thèses l’irritent. Et puis après ? Tenter
de
me réfuter ne supprime pas le problème du rôle actuel et futur de la
1547
supprime pas le problème du rôle actuel et futur
de
la Suisse dans la construction de l’Europe. C’est sur ce point qu’il
1548
actuel et futur de la Suisse dans la construction
de
l’Europe. C’est sur ce point qu’il eût été intéressant d’entendre l’h
1549
ope. C’est sur ce point qu’il eût été intéressant
d’
entendre l’historien respecté de Lausanne. m. Rougemont Denis de, «
1550
t été intéressant d’entendre l’historien respecté
de
Lausanne. m. Rougemont Denis de, « Réplique à M. Lasserre », Les C
1551
orien respecté de Lausanne. m. Rougemont Denis
de
, « Réplique à M. Lasserre », Les Cahiers protestants, Lausanne, mars–
1552
vril 1951, p. 117-118. n. À propos de la réponse
de
David Lasserre publiée comme réponse à l’enquête des Cahiers sur « La
1553
Pour une morale
de
la vocation (1968)p q On a parfois décrit la situation présente du
1554
hristianisme (protestant surtout) comme l’inverse
de
celle du xixe siècle. Alors, dit-on, c’était la théologie qui faisai
1555
stion, la morale était évidente. Le principe même
de
la dogmatique paraissait difficile à justifier, mais non pas les prin
1556
ésormais et au surplus indispensables au maintien
de
l’ordre social. Aujourd’hui, poursuit-on, la théologie a été solideme
1557
logie a été solidement reconstruite sur les bases
de
la dogmatique des Pères et des réformateurs ou de Thomas d’Aquin. Ses
1558
de la dogmatique des Pères et des réformateurs ou
de
Thomas d’Aquin. Ses problèmes centraux peuvent être tenus pour résolu
1559
it dire encore, et au nom de quoi. Le « moralisme
de
grand-papa » est encore plus mal vu chez les théologiens rigoureux qu
1560
ens rigoureux que chez les jeunes gens en colère.
De
cette morale que l’on disait chrétienne et qui se confondait, du moin
1561
ue reste-t-il après la triple attaque convergente
de
la sociologie (surtout marxiste), de la psychologie (surtout freudien
1562
convergente de la sociologie (surtout marxiste),
de
la psychologie (surtout freudienne) et de l’ethnologie comparée (de L
1563
xiste), de la psychologie (surtout freudienne) et
de
l’ethnologie comparée (de Lévy-Bruhl à Lévi-Strauss) ? Théoriquement
1564
(surtout freudienne) et de l’ethnologie comparée (
de
Lévy-Bruhl à Lévi-Strauss) ? Théoriquement et théologiquement, nous s
1565
mmes et à quels dogmes nous croyons. Mais au plan
de
la morale, nous vivons dans la plus incroyable confusion de systèmes
1566
le, nous vivons dans la plus incroyable confusion
de
systèmes hétéroclites, d’époques, de styles, de visées différentes ;
1567
us incroyable confusion de systèmes hétéroclites,
d’
époques, de styles, de visées différentes ; nous pataugeons dans l’imp
1568
le confusion de systèmes hétéroclites, d’époques,
de
styles, de visées différentes ; nous pataugeons dans l’impur, dans l’
1569
n de systèmes hétéroclites, d’époques, de styles,
de
visées différentes ; nous pataugeons dans l’impur, dans l’hybride, da
1570
des religions, des préjugés sociaux et nationaux,
de
l’obscurantisme et du rationalisme, du piétisme et de l’existentialis
1571
’obscurantisme et du rationalisme, du piétisme et
de
l’existentialisme, etc. Y a-t-il encore une morale chrétienne ? Osera
1572
de, morale problématique ; est-ce bien la réalité
de
notre temps ? Oui sans doute, si nous bornons l’enquête aux élites de
1573
sans doute, si nous bornons l’enquête aux élites
de
nos églises en Europe. Mais dans le reste du monde, déjà — et ce sera
1574
héma, comme un nouveau renversement, annonciateur
d’
une situation de nouveau comparable à celle du siècle passé, mais radi
1575
x États-Unis et en Grande-Bretagne la « théologie
de
la mort de Dieu » (ses échos remplissent depuis un an la presse intel
1576
s et en Grande-Bretagne la « théologie de la mort
de
Dieu » (ses échos remplissent depuis un an la presse intellectuelle a
1577
presse intellectuelle anglo-saxonne, en attendant
de
se répandre dans nos pays), cette théologie-là bouleverse le fondemen
1578
cette théologie-là bouleverse le fondement commun
de
toutes nos orthodoxies, qu’elles soient d’empreinte barthienne ou tho
1579
commun de toutes nos orthodoxies, qu’elles soient
d’
empreinte barthienne ou thomiste, et les notions mêmes d’orthodoxie et
1580
inte barthienne ou thomiste, et les notions mêmes
d’
orthodoxie et de révélation ; néanmoins, cette école (ou ce mouvement)
1581
ou thomiste, et les notions mêmes d’orthodoxie et
de
révélation ; néanmoins, cette école (ou ce mouvement) veut conserver
1582
onserver l’amour du Christ, c’est-à-dire la forme
d’
existence personnelle et sociale la plus conforme aux évangiles, l’ins
1583
conforme aux évangiles, l’inspiration évangélique
d’
une éthique. D’autre part, les prétentions de la science occidentale
1584
que d’une éthique. D’autre part, les prétentions
de
la science occidentale deviennent universelles, pour ne pas dire tota
1585
ue depuis peu — se mettent en devoir et en mesure
de
remplacer les préceptes et coutumes de la morale traditionnelle, dite
1586
en mesure de remplacer les préceptes et coutumes
de
la morale traditionnelle, dite « chrétienne », et sont déjà en bon tr
1587
e, dite « chrétienne », et sont déjà en bon train
d’
y parvenir dans plusieurs domaines importants. Au lieu de sermons cont
1588
impureté », on donne à nos adolescents des leçons
d’
initiation sexuelle ; au lieu de menaces d’aller en enfer et d’exorcis
1589
leçons d’initiation sexuelle ; au lieu de menaces
d’
aller en enfer et d’exorcismes, on prescrit une psychanalyse, certains
1590
sexuelle ; au lieu de menaces d’aller en enfer et
d’
exorcismes, on prescrit une psychanalyse, certains médicaments, ou div
1591
nalyse, certains médicaments, ou divers processus
d’
adaptation, d’ajustement social, voire politique, selon les pays. Rece
1592
ns médicaments, ou divers processus d’adaptation,
d’
ajustement social, voire politique, selon les pays. Recettes, régimes,
1593
, les feux rouges, le chef de l’État, les rythmes
de
la consommation ou de la productivité — c’est cela qui fonctionne auj
1594
chef de l’État, les rythmes de la consommation ou
de
la productivité — c’est cela qui fonctionne aujourd’hui, de mieux en
1595
uctivité — c’est cela qui fonctionne aujourd’hui,
de
mieux en mieux, qui persuade, qui agit, et qui contraint. En regard d
1596
i agit, et qui contraint. En regard de ce progrès
de
la Science sur tous les fronts, moralisme et immoralisme, vertus et v
1597
qui est sérieux, ce qui intéresse, c’est le mode
d’
emploi de notre univers actuel et le rendement des procédés et des con
1598
sérieux, ce qui intéresse, c’est le mode d’emploi
de
notre univers actuel et le rendement des procédés et des conduites, —
1599
t des procédés et des conduites, — qu’il s’agisse
de
s’assurer contre l’imprévu ou au contraire de mieux courir son risque
1600
u contraire de mieux courir son risque personnel,
de
guérir, ou d’améliorer son statut social, ses possibilités de travail
1601
mieux courir son risque personnel, de guérir, ou
d’
améliorer son statut social, ses possibilités de travail et de loisirs
1602
u d’améliorer son statut social, ses possibilités
de
travail et de loisirs, donc aussi sa culture et sa liberté. Nous tend
1603
son statut social, ses possibilités de travail et
de
loisirs, donc aussi sa culture et sa liberté. Nous tendons de la sort
1604
donc aussi sa culture et sa liberté. Nous tendons
de
la sorte, dans les pays techniquement avancés, vers une société qui s
1605
inée, normalisée et préconditionnée dès le secret
de
la cellule, dès le programme chromosomique, immunisée et psychanalysé
1606
évisé, testé et remis au point à l’aide de pièces
de
rechange, comme une voiture. Pour la première fois dans l’Histoire de
1607
ne voiture. Pour la première fois dans l’Histoire
de
nos civilisations, ce n’est pas l’anarchie croissante des mœurs que n
1608
traire l’universelle et rigoureuse réglementation
de
nos conduites par les ordinateurs électroniques. (On les verra peut-ê
1609
uite du bon vieux temps qu’auront été les siècles
de
luttes passionnantes entre le « péché » et la « grâce », c’est-à-dire
1610
t la « grâce », c’est-à-dire entre les tentations
de
la « chair » et les refus déchirants d’y céder — sujet privilégié et
1611
entations de la « chair » et les refus déchirants
d’
y céder — sujet privilégié et presque unique des romans de François Ma
1612
r — sujet privilégié et presque unique des romans
de
François Mauriac, par exemple.) Les conséquences de cette situation —
1613
François Mauriac, par exemple.) Les conséquences
de
cette situation — qu’il faut imaginer réalisées dans un avenir pas tr
1614
: à supposer que demain, ce soit un collège formé
de
généticiens, de psychologues, de démographes et d’économistes ou de p
1615
demain, ce soit un collège formé de généticiens,
de
psychologues, de démographes et d’économistes ou de politologues qui
1616
un collège formé de généticiens, de psychologues,
de
démographes et d’économistes ou de politologues qui décide de certain
1617
e généticiens, de psychologues, de démographes et
d’
économistes ou de politologues qui décide de certaines conduites sexue
1618
psychologues, de démographes et d’économistes ou
de
politologues qui décide de certaines conduites sexuelles (comme la co
1619
es et d’économistes ou de politologues qui décide
de
certaines conduites sexuelles (comme la contraception) dans une socié
1620
nnelle du prêtre ou du pasteur — alors les crises
de
conscience, les débats intérieurs ou conjugaux, les remords lancinant
1621
décisions farouches, tout ce pathos traditionnel
de
l’existence morale va s’évaporer ! Exécuter une prescription médicale
1622
cuter une prescription médicale, même s’il s’agit
d’
une intervention douloureuse comme peut l’être une extraction dentaire
1623
use comme peut l’être une extraction dentaire, ou
d’
une privation pénible comme de cesser de fumer, cela ne pose pas de pr
1624
action dentaire, ou d’une privation pénible comme
de
cesser de fumer, cela ne pose pas de problème, on le fait sans bargui
1625
taire, ou d’une privation pénible comme de cesser
de
fumer, cela ne pose pas de problème, on le fait sans barguigner, sans
1626
énible comme de cesser de fumer, cela ne pose pas
de
problème, on le fait sans barguigner, sans avoir à résoudre de confli
1627
on le fait sans barguigner, sans avoir à résoudre
de
conflits intérieurs dramatiques, on ne parle pas de « sacrifices » pl
1628
conflits intérieurs dramatiques, on ne parle pas
de
« sacrifices » plus ou moins « joyeusement consentis », de « tortures
1629
ifices » plus ou moins « joyeusement consentis »,
de
« tortures morales », de « tentation surmontée », etc. Sans délai, sa
1630
joyeusement consentis », de « tortures morales »,
de
« tentation surmontée », etc. Sans délai, sans débat, sans le moindre
1631
lieu de se débattre interminablement avec la voix
de
sa conscience, les conseils du prêtre, ou simplement l’opinion des pr
1632
malheur, voire une catastrophe, cette probabilité
d’
une sécularisation croissante des normes de nos conduites, sociales d’
1633
bilité d’une sécularisation croissante des normes
de
nos conduites, sociales d’abord, individuelles finalement. Pense-t-on
1634
on, peut-être, que la morale tomberait alors dans
de
très mauvaises mains, serait en quelque sorte livrée au « monde » ? C
1635
ité et dans la famille. Des spécialistes, revêtus
de
l’autorité incontestée de la Science, et sans doute de l’État, s’en v
1636
s spécialistes, revêtus de l’autorité incontestée
de
la Science, et sans doute de l’État, s’en voyant chargés à la satisfa
1637
autorité incontestée de la Science, et sans doute
de
l’État, s’en voyant chargés à la satisfaction des masses (pour ne pas
1638
e ne les partage nullement quant à l’appréciation
de
ces faits. La prise en charge progressive par la Science socialisée d
1639
e en charge progressive par la Science socialisée
de
l’ensemble des règles, prescriptions et conseils intéressant les cond
1640
umaines et naguère désignées par le terme général
de
morale, me paraît comporter à presque tous les égards, plus d’avantag
1641
paraît comporter à presque tous les égards, plus
d’
avantages que d’inconvénients, tant pour la Société que pour l’Église
1642
r à presque tous les égards, plus d’avantages que
d’
inconvénients, tant pour la Société que pour l’Église elle-même. Au li
1643
ivrer une longue bataille en retraite pour tenter
de
sauver ce qui pourrait l’être de ce qu’on appelait « morale chrétienn
1644
aite pour tenter de sauver ce qui pourrait l’être
de
ce qu’on appelait « morale chrétienne », au lieu de se cramponner à u
1645
ésuétude, les Églises ne feraient-elles pas mieux
d’
admettre que la compétence des savants et des praticiens en matière de
1646
ants et des praticiens en matière de psychologie,
d’
hygiène mentale, de démographie, de mécanismes sociaux ou économiques,
1647
ens en matière de psychologie, d’hygiène mentale,
de
démographie, de mécanismes sociaux ou économiques, de prévention de l
1648
e psychologie, d’hygiène mentale, de démographie,
de
mécanismes sociaux ou économiques, de prévention de la criminalité et
1649
émographie, de mécanismes sociaux ou économiques,
de
prévention de la criminalité et des maladies dites « sociales », etc.
1650
mécanismes sociaux ou économiques, de prévention
de
la criminalité et des maladies dites « sociales », etc. — que cette c
1651
e rôle que l’on sait dans la prédication, la cure
d’
âme et la littérature morale des pays protestants, depuis la fin du xv
1652
a, en Suisse romande, si j’en crois mes souvenirs
de
jeunesse. Si les Églises (et pas seulement celle de Rome, dans la lan
1653
jeunesse. Si les Églises (et pas seulement celle
de
Rome, dans la lancée de Vatican II) se décident à rendre à César, c’e
1654
s (et pas seulement celle de Rome, dans la lancée
de
Vatican II) se décident à rendre à César, c’est-à-dire au « siècle »,
1655
ndre à César, c’est-à-dire au « siècle », le soin
de
la réglementation et de la régulation de la conduite quotidienne des
1656
re au « siècle », le soin de la réglementation et
de
la régulation de la conduite quotidienne des membres d’une société, e
1657
le soin de la réglementation et de la régulation
de
la conduite quotidienne des membres d’une société, elles pourront se
1658
régulation de la conduite quotidienne des membres
d’
une société, elles pourront se consacrer d’autant mieux à leur mission
1659
embres d’une société, elles pourront se consacrer
d’
autant mieux à leur mission proprement spirituelle, qui est à mon sens
1660
sion proprement spirituelle, qui est à mon sens :
de
rappeler à l’homme son but final, sa destination ultime, sa vocation.
1661
ultime, sa vocation. Car les règles et les moyens
de
la vie sociale sont séculiers, par nature et destination, et dans ce
1662
n, et dans ce sens sont à César, mais la vocation
de
la personne est à Dieu, vient de Dieu et conduit à Lui, ce qu’aucune
1663
es. Je disais tout à l’heure que laisser le soin
de
la « morale » à César, c’est-à-dire aux sciences séculières plus ou m
1664
l est capital. Supposez, dans x années, une forme
d’
existence humaine suffisamment adaptée aux fonctions sociales (dans le
1665
s la société envisagée, serait alors mise en état
de
pilotage automatique, comme disent les aviateurs et les cybernéticien
1666
nsemble purement empirique et traditionnel, plein
de
contradictions intenables, que forment les préceptes du Décalogue et
1667
es du Décalogue et des sédimentations millénaires
de
nos coutumes serait avantageusement remplacé par un jeu complexe et p
1668
ageusement remplacé par un jeu complexe et précis
d’
informations constamment vérifiées et mises à jour, toute question tro
1669
sa réponse quasi instantanée par la consultation
d’
un ordinateur, les recours ultimes pouvant être présentés à la « Machi
1670
M que nous supposerons directrice ou correctrice
de
tous les « cerveaux automatiques » d’une nation, ou d’un continent, o
1671
correctrice de tous les « cerveaux automatiques »
d’
une nation, ou d’un continent, ou d’une culture. Une question et une s
1672
us les « cerveaux automatiques » d’une nation, ou
d’
un continent, ou d’une culture. Une question et une seule demeure alor
1673
utomatiques » d’une nation, ou d’un continent, ou
d’
une culture. Une question et une seule demeure alors sans réponse : la
1674
demeure alors sans réponse : la question du sens
de
ma vie sur cette terre et après ma mort ; la question de ma relation
1675
ie sur cette terre et après ma mort ; la question
de
ma relation à la transcendance. Elle demeure sans réponse, non point
1676
ponse, non point par accident, mais par nécessité
de
méthode. Car la grande Machine directrice la déclare sans objet, mal
1677
le et vide quant à l’information, non susceptible
d’
un traitement logique, et ne pouvant aboutir qu’à une série infinie de
1678
que, et ne pouvant aboutir qu’à une série infinie
de
zéros à la sortie des circuits. Dans cette société que je suppose en
1679
ans cette société que je suppose en parfait ordre
de
marche, il devient à peu près impossible, parce qu’impensable dans le
1680
s admis et inexprimable par les codes en vigueur,
de
justifier encore la singularité, la vocation d’une personne unique. S
1681
, de justifier encore la singularité, la vocation
d’
une personne unique. Si les ordinateurs disent les règles et les norme
1682
isantes, uniformes ou uniformisantes, réductrices
de
l’imprévu, du non conforme, de l’original et du « libre » (alors que
1683
antes, réductrices de l’imprévu, du non conforme,
de
l’original et du « libre » (alors que d’autre part ces notions d’orig
1684
du « libre » (alors que d’autre part ces notions
d’
originalité de vocation, etc., ont déjà été minées par la psychologie
1685
(alors que d’autre part ces notions d’originalité
de
vocation, etc., ont déjà été minées par la psychologie de l’inconscie
1686
ion, etc., ont déjà été minées par la psychologie
de
l’inconscient réduisant les « voix intérieures », naguère tenues pour
1687
es pour « divines », à des structures ou pulsions
de
l’instinct) — comment valoriser encore la personne ? Le vieux conflit
1688
ve ici radicalisé à la limite. Mais alors le rôle
de
l’Église apparaît subitement précisé à l’extrême par toute cette néga
1689
par toute cette négativité. Alors qu’aux origines
de
l’Europe et au Moyen Âge encore, l’Église formait les mœurs, édictait
1690
, l’Église formait les mœurs, édictait les canons
de
la morale, éduquait l’homme pour les y ajuster, tandis que les cherch
1691
spirituelles. Elle est là pour défendre le droit
de
la personne à différer, le droit à l’hérésie, si c’en est une de croi
1692
à différer, le droit à l’hérésie, si c’en est une
de
croire que le but de l’homme transcende tout conditionnement et tout
1693
à l’hérésie, si c’en est une de croire que le but
de
l’homme transcende tout conditionnement et tout asservissement automa
1694
devenir chrétien, devra-t-il s’exiler moralement
de
cette société trop bien ajustée, se désadapter exprès, ou saboter la
1695
Machine directrice, ou simplement faire la grève
de
la « créativité des loisirs » ? Ces gestes et attitudes romantiques s
1696
sitôt comment corriger le fonctionnement aberrant
de
cet individu. Je le vois plutôt, ce candidat chrétien, comme celui qu
1697
cieusement la Loi prescrite, ne pourra s’empêcher
de
se poser la Question, celle qui est réputée nulle et vide. Chrétien e
1698
en en cela qu’il cherchera ce sens dans les voies
de
l’amour, qui implique l’existence des autres, plutôt que dans l’avent
1699
t que dans l’aventure solitaire du mysticisme, ou
de
la connaissance au sens hindou. Amour et recherche du sens seront à l
1700
ens seront à la fois le contenu et les conditions
de
ce qu’il nommera sa « liberté ». Cela sera vu et ressenti comme un re
1701
iberté ». Cela sera vu et ressenti comme un refus
de
la « solution définitive et universelle » proposée par la Science et
1702
ar la Science et imposée par la Machine. Cet acte
d’
hérésie objective, de résistance, ne se manifestera pas nécessairement
1703
sée par la Machine. Cet acte d’hérésie objective,
de
résistance, ne se manifestera pas nécessairement sous une forme agres
1704
manent (et qui pourra rester souriant d’ailleurs)
d’
une non-satisfaction dernière, d’un non-contentement essentiel. Ce ne
1705
iant d’ailleurs) d’une non-satisfaction dernière,
d’
un non-contentement essentiel. Ce ne sera pas une attitude de révolté
1706
ntentement essentiel. Ce ne sera pas une attitude
de
révolté à gilet rouge, mais le droit qu’on demande et qu’on prend de
1707
rouge, mais le droit qu’on demande et qu’on prend
de
poser toujours et encore une question au-delà de toute réponse et de
1708
de poser toujours et encore une question au-delà
de
toute réponse et de toute permission d’interroger. Ce droit de demand
1709
t encore une question au-delà de toute réponse et
de
toute permission d’interroger. Ce droit de demander que ma vie ait un
1710
n au-delà de toute réponse et de toute permission
d’
interroger. Ce droit de demander que ma vie ait un sens, même si je ne
1711
nse et de toute permission d’interroger. Ce droit
de
demander que ma vie ait un sens, même si je ne trouve ou ne reçois ja
1712
un sens, même si je ne trouve ou ne reçois jamais
de
réponse certaine, cette demande, cette recherche en elle-même est mon
1713
en moralisé que nous préparent avec tant de zèle,
de
compétence, d’astuce technique les savants, les gouvernements et les
1714
nous préparent avec tant de zèle, de compétence,
d’
astuce technique les savants, les gouvernements et les nécessités touj
1715
vernements et les nécessités toujours croissantes
de
la production pour une humanité qui double tous les quarante ans. ⁂ A
1716
r à grands traits, j’avais écrit dès 1945 — l’été
d’
Hiroshima — un manuscrit de quelque deux-cents pages intitulé La Mora
1717
écrit dès 1945 — l’été d’Hiroshima — un manuscrit
de
quelque deux-cents pages intitulé La Morale du But , que je n’ai pas
1718
sement. En effet, depuis vingt ans, je n’ai cessé
d’
accumuler des notes (en vue d’ajouts indispensables), des objections t
1719
ans, je n’ai cessé d’accumuler des notes (en vue
d’
ajouts indispensables), des objections très graves à mes propres thèse
1720
ons très graves à mes propres thèses, des raisons
de
désespérer de mon entreprise, et d’autres raisons (pour l’instant lég
1721
s à mes propres thèses, des raisons de désespérer
de
mon entreprise, et d’autres raisons (pour l’instant légèrement majori
1722
raisons (pour l’instant légèrement majoritaires)
de
penser au contraire qu’elle peut contribuer à débrouiller un peu nos
1723
t primitif, mon ouvrage s’ouvre par le bref récit
d’
une modeste expérience, pour moi très importante, que j’ai faite au se
1724
ersion finale du livre. Elles sont intitulées : «
De
la Visée » : J’ai appris le tir au fusil dans un pays qui, traditio
1725
tionnellement, fournissait au monde les champions
de
cet art ; et comme j’étais alors une jeune recrue animée d’un extrême
1726
; et comme j’étais alors une jeune recrue animée
d’
un extrême désir d’être promu au grade de lieutenant, et d’acquérir de
1727
alors une jeune recrue animée d’un extrême désir
d’
être promu au grade de lieutenant, et d’acquérir de la sorte au plus t
1728
e animée d’un extrême désir d’être promu au grade
de
lieutenant, et d’acquérir de la sorte au plus tôt le droit de faire t
1729
ême désir d’être promu au grade de lieutenant, et
d’
acquérir de la sorte au plus tôt le droit de faire taire les sergents
1730
’être promu au grade de lieutenant, et d’acquérir
de
la sorte au plus tôt le droit de faire taire les sergents harcelants,
1731
t, et d’acquérir de la sorte au plus tôt le droit
de
faire taire les sergents harcelants, je m’appliquais de toutes mes fo
1732
re taire les sergents harcelants, je m’appliquais
de
toutes mes forces à bien tirer. Mais je suivais les conseils d’ordonn
1733
forces à bien tirer. Mais je suivais les conseils
d’
ordonnance, et tirais aussi mal que possible. Car je me trouvais embar
1734
i mal que possible. Car je me trouvais embarrassé
de
tant de recettes et d’ordres assénés qu’il me semblait, d’un exercice
1735
je me trouvais embarrassé de tant de recettes et
d’
ordres assénés qu’il me semblait, d’un exercice à l’autre, n’avoir fai
1736
e recettes et d’ordres assénés qu’il me semblait,
d’
un exercice à l’autre, n’avoir fait de progrès que dans la découverte
1737
e semblait, d’un exercice à l’autre, n’avoir fait
de
progrès que dans la découverte d’une maladresse naguère insoupçonnée.
1738
e, n’avoir fait de progrès que dans la découverte
d’
une maladresse naguère insoupçonnée. Je faisais tout ce que l’on me pr
1739
is faire aux autres. Je prenais avec soin le cran
d’
arrêt, bloquais mon souffle, visais d’un œil, reposant l’arme de temps
1740
oin le cran d’arrêt, bloquais mon souffle, visais
d’
un œil, reposant l’arme de temps à autre pour respirer et calmer ma ne
1741
ais mon souffle, visais d’un œil, reposant l’arme
de
temps à autre pour respirer et calmer ma nervosité, et lorsque enfin
1742
égligeait les autres, et je me résolus à profiter
de
ce répit pour trouver par moi-même le secret de mes erreurs et le moy
1743
r de ce répit pour trouver par moi-même le secret
de
mes erreurs et le moyen de les corriger, sans plus tenir compte des p
1744
par moi-même le secret de mes erreurs et le moyen
de
les corriger, sans plus tenir compte des préceptes reçus. Je ne tarda
1745
quelques points, sauvant l’honneur sinon l’espoir
de
me réhabiliter aux yeux de mes supérieurs. L’un d’entre eux cependant
1746
ouceur froide, au moment même où je me félicitais
d’
avoir encore marqué un point, loin du noir, mais enfin dans la cible.
1747
main, ni à ce que fait l’index qui a pris le cran
d’
arrêt. Laissez-vous simplement hypnotiser par ce petit disque noir à t
1748
noir à trois-cents mètres qui danse sur la ligne
de
mire. Quand vous serez assez concentré, sans que vous l’ayez voulu, l
1749
rêtait, dansait de nouveau, s’embuait. J’essayais
de
le rejoindre du regard, de l’aspirer, de le fasciner vers moi tandis
1750
s’embuait. J’essayais de le rejoindre du regard,
de
l’aspirer, de le fasciner vers moi tandis que je gonflais mes poumons
1751
essayais de le rejoindre du regard, de l’aspirer,
de
le fasciner vers moi tandis que je gonflais mes poumons. Soudain il m
1752
Et quand je levai les yeux, un petit disque blanc
d’
où pendait un mince fanion rouge surgit du bas de la cible, hésita une
1753
d’où pendait un mince fanion rouge surgit du bas
de
la cible, hésita une seconde, et marqua le centre du noir. Trois jour
1754
je gagnais le fameux galon, insigne des champions
de
l’école de tir, et l’arborais sur la manche droite de ma tunique. Qua
1755
le fameux galon, insigne des champions de l’école
de
tir, et l’arborais sur la manche droite de ma tunique. Quant aux cons
1756
’école de tir, et l’arborais sur la manche droite
de
ma tunique. Quant aux conséquences plus lointaines et aux implication
1757
s, décisives à mon sens, du conseil en trois mots
de
ce jeune officier — « pensez au noir » —, elles ne devaient m’apparaî
1758
ait, en un instant, posé et vérifié pour le reste
de
mes jours, sous une forme ultracondensée, la juste relation des moyen
1759
entrer saurait les illustrer dans maints domaines
de
ma conduite ou de ma réflexion. Je les consigne ici, fort brièvement,
1760
illustrer dans maints domaines de ma conduite ou
de
ma réflexion. Je les consigne ici, fort brièvement, réservant pour la
1761
fort brièvement, réservant pour la suite le soin
d’
en formuler les fondements théoriques et le mode d’emploi. 1. La consi
1762
’en formuler les fondements théoriques et le mode
d’
emploi. 1. La considération minutieuse des moyens, la stricte applicat
1763
ion minutieuse des moyens, la stricte application
d’
une méthode réglant l’ordre et l’usage de ces moyens, la maîtrise d’un
1764
lication d’une méthode réglant l’ordre et l’usage
de
ces moyens, la maîtrise d’une technique éprouvée, l’obéissance aux pr
1765
ant l’ordre et l’usage de ces moyens, la maîtrise
d’
une technique éprouvée, l’obéissance aux préceptes légaux et coutumier
1766
dération envoûtante du but dicte ainsi les moyens
de
l’atteindre et les oriente plus strictement qu’aucune méthode ou aucu
1767
ecte bouddhiste du zen fait grand usage du Tir et
de
la méditation sur cet art. Il s’agit du tir à l’arc. Le tireur zen do
1768
ifier au but (à la cible), à avoir ce but en soi,
de
telle sorte qu’il arrive un jour à mettre une flèche dans le noir les
1769
es yeux fermés, et une deuxième dans la tige même
de
la première. À ce moment, l’initiation a réussi). Partant de cette ex
1770
ère. À ce moment, l’initiation a réussi). Partant
de
cette expérience, et des maximes que j’en déduis, je propose dans la
1771
et l’évaluation des conduites humaines. Je pose
d’
un côté ce que j’appelle les Règles du Jeu, l’ensemble des moyens de v
1772
’appelle les Règles du Jeu, l’ensemble des moyens
de
vivre. Et je pose de l’autre côté la Vocation, le Sérieux final, le B
1773
u Jeu, l’ensemble des moyens de vivre. Et je pose
de
l’autre côté la Vocation, le Sérieux final, le But ultime de notre vi
1774
côté la Vocation, le Sérieux final, le But ultime
de
notre vie personnelle. Les Règles du Jeu comprennent, dans ma définit
1775
s méthodes et des rites, des codes et conventions
de
toute espèce qu’une société se donne pour guider les conduites de ses
1776
qu’une société se donne pour guider les conduites
de
ses membres. Cela va des règles du jeu d’échecs à la prohibition de l
1777
nduites de ses membres. Cela va des règles du jeu
d’
échecs à la prohibition de l’inceste chez les tribus sauvages, des rit
1778
la va des règles du jeu d’échecs à la prohibition
de
l’inceste chez les tribus sauvages, des rituels liturgiques aux lois
1779
distinguer d’une part ce qui relève expressément
de
l’artifice et de la convention donnée pour telle, et d’autre part ce
1780
part ce qui relève expressément de l’artifice et
de
la convention donnée pour telle, et d’autre part ce qui répond à des
1781
ologiques profondes, correspondant aux archétypes
de
l’inconscient collectif selon Jung, notamment, et c’est pourquoi il e
1782
notamment, et c’est pourquoi il est si difficile
de
les modifier ; en revanche, quantité de préceptes moraux que tel peup
1783
difficile de les modifier ; en revanche, quantité
de
préceptes moraux que tel peuple tient pour la traduction directe des
1784
la traduction directe des réalités fondamentales
de
la Nature ont pour origine des nécessités commerciales, par exemple,
1785
iales, économiques, climatériques ou religieuses,
de
peuples que la Nature a fait semblables physiquement. Je me borne à m
1786
quement. Je me borne à mentionner ici le principe
de
cette analyse, parce qu’il autorise quelques conclusions intéressante
1787
artir de Rousseau et du romantisme, on a dit trop
de
mal des conventions, en ce sens qu’on en a dit seulement du mal, oubl
1788
est-à-dire à toute vie humaine. Les règles du jeu
d’
échecs sont des conventions, c’est clair, mais elles font tout l’intér
1789
ions, c’est clair, mais elles font tout l’intérêt
de
cette activité. En effet, déplacer un bout de bois d’un carré blanc s
1790
rêt de cette activité. En effet, déplacer un bout
de
bois d’un carré blanc sur un carré noir est le type même du geste ins
1791
ette activité. En effet, déplacer un bout de bois
d’
un carré blanc sur un carré noir est le type même du geste insignifian
1792
avec passion pendant une heure, car il est chargé
de
sens par les règles du jeu. Quant aux feux verts et aux feux rouges,
1793
es ou profanes sous prétexte qu’elles ne sont que
de
« simples conventions », se trompent doublement : car premièrement, o
1794
nt, on peut démontrer que les règles et préceptes
de
toutes les morales humaines sont conventionnels, et non pas « naturel
1795
on des normes et prescriptions morales aux règles
d’
un jeu ne signifie nullement qu’il faille les prendre à la légère, ni
1796
les prendre à la légère, ni qu’on montre beaucoup
d’
intelligence en trichant avec elles : aux échecs, par exemple, la moin
1797
u, puisque cet intérêt tient aux règles et à rien
d’
autre. S’il est admis que les normes de la morale sont des règles d’un
1798
et à rien d’autre. S’il est admis que les normes
de
la morale sont des règles d’un jeu, toute espèce de laxisme est exclu
1799
admis que les normes de la morale sont des règles
d’
un jeu, toute espèce de laxisme est exclu, toute faute doit être exact
1800
la morale sont des règles d’un jeu, toute espèce
de
laxisme est exclu, toute faute doit être exactement pénalisée, par un
1801
aute doit être exactement pénalisée, par un recul
de
pions, une perte de points, une pièce soufflée, un coup franc contre
1802
ement pénalisée, par un recul de pions, une perte
de
points, une pièce soufflée, un coup franc contre le camp fautif (qui
1803
c contre le camp fautif (qui sont diverses formes
d’
amende), voire par la disqualification (qui correspond au bannissement
1804
au bannissement, à la prison à vie ou à la peine
de
mort). Mais si la morale est considérée comme un système de normes co
1805
Mais si la morale est considérée comme un système
de
normes conventionnelles adoptées par une société, et que l’on convien
1806
tées par une société, et que l’on conviendra donc
d’
observer rigoureusement, comme on le fait des règles d’un jeu, il faut
1807
erver rigoureusement, comme on le fait des règles
d’
un jeu, il faut souligner aussitôt que ces conventions ne sauraient êt
1808
les, ni évidemment néfastes soit pour l’intégrité
de
l’individu, soit pour la santé et l’équilibre d’une communauté. Or en
1809
de l’individu, soit pour la santé et l’équilibre
d’
une communauté. Or en fait notre société occidentale christianisée est
1810
iété occidentale christianisée est tout encombrée
de
règles contradictoires entre elles, ou impraticables, ou néfastes, et
1811
u impraticables, ou néfastes, et il est important
de
les soumettre à une critique systématique et scientifique. Ce qui ren
1812
a plupart des cas, c’est la confusion déplorable (
de
laquelle nos Églises sont largement responsables) qui fait que l’on a
1813
es âges et finalement considéré comme des vérités
de
foi, révélées et indiscutables, des coutumes qui nous venaient d’un p
1814
et indiscutables, des coutumes qui nous venaient
d’
un peu partout, aux hasards de l’histoire, et qui avaient été les conv
1815
s qui nous venaient d’un peu partout, aux hasards
de
l’histoire, et qui avaient été les conventions utiles d’autres sociét
1816
t la seule grande religion qui n’ait pas institué
de
morale codifiée, devait fournir un terrain de choix pour cette confus
1817
tué de morale codifiée, devait fournir un terrain
de
choix pour cette confusion : il ne disposait que de la loi mosaïque e
1818
choix pour cette confusion : il ne disposait que
de
la loi mosaïque et de son sommaire, le commandement sur l’amour de Di
1819
usion : il ne disposait que de la loi mosaïque et
de
son sommaire, le commandement sur l’amour de Dieu et du prochain comm
1820
e et de son sommaire, le commandement sur l’amour
de
Dieu et du prochain comme de soi-même. Or l’amour est une attitude fo
1821
andement sur l’amour de Dieu et du prochain comme
de
soi-même. Or l’amour est une attitude fondamentale, de valeur univers
1822
i-même. Or l’amour est une attitude fondamentale,
de
valeur universelle et instigatrice d’action, certes ; c’est l’inspira
1823
ndamentale, de valeur universelle et instigatrice
d’
action, certes ; c’est l’inspiration morale au degré suprême ; mais ce
1824
; mais ce n’est pas un code, une loi, un recueil
de
règles, et c’est même ce qui devrait permettre de se passer de code,
1825
de règles, et c’est même ce qui devrait permettre
de
se passer de code, de lois, de règles… « Ama et fac quod vis » est sa
1826
c’est même ce qui devrait permettre de se passer
de
code, de lois, de règles… « Ama et fac quod vis » est sans doute le s
1827
me ce qui devrait permettre de se passer de code,
de
lois, de règles… « Ama et fac quod vis » est sans doute le summum de
1828
devrait permettre de se passer de code, de lois,
de
règles… « Ama et fac quod vis » est sans doute le summum de la morale
1829
« Ama et fac quod vis » est sans doute le summum
de
la morale mais c’est aussi sa négation. Quant au Décalogue, c’est bie
1830
n code, mais rudimentaire et lacunaire, à l’usage
de
propriétaires du type patriarcal, et qui met notamment sur le même pl
1831
patriarcal, et qui met notamment sur le même plan
d’
objets (dont il faut préserver la possession) esclaves, femmes et béta
1832
et civique, ni une morale sexuelle, ni un système
de
valeurs, ni une méthode pour bien conduire la pensée et l’action dans
1833
bien conduire la pensée et l’action dans la cité.
De
là l’obligation de recourir à d’autres sources, — presque toutes vena
1834
nsée et l’action dans la cité. De là l’obligation
de
recourir à d’autres sources, — presque toutes venant d’autres religio
1835
rces, — presque toutes venant d’autres religions.
De
là aussi la confusion inévitable que j’ai dite, l’attribution à la «
1836
table que j’ai dite, l’attribution à la « volonté
de
Dieu » ou à la Nature des choses de tout ce que la société juge indis
1837
la « volonté de Dieu » ou à la Nature des choses
de
tout ce que la société juge indispensable à son bien : tantôt l’escla
1838
rgé bénissant des canons et priant pour le succès
de
telle équipe nationale de tueurs sur telle autre. Je ne rappelle pas
1839
t priant pour le succès de telle équipe nationale
de
tueurs sur telle autre. Je ne rappelle pas ces choses par masochisme
1840
le pas ces choses par masochisme ou par une sorte
de
démagogie, mais il faut bien le reconnaître : ces scandales trop conn
1841
que les Églises ont cru devoir édicter la morale
de
leur siècle, généralement au nom des intérêts (traduits en vertus) de
1842
ralement au nom des intérêts (traduits en vertus)
de
la société du siècle précédent, confondue par la masse des fidèles av
1843
c la tradition chrétienne. Je résume cette partie
de
mon argument : 1. j’estime qu’il y a tout avantage à considérer les p
1844
tout avantage à considérer les préceptes et codes
de
la morale comme les règles du jeu d’une société ; 2. ceci implique —
1845
tes et codes de la morale comme les règles du jeu
d’
une société ; 2. ceci implique — et facilite d’ailleurs — une stricte
1846
, comme il va de soi dans tous les jeux et sports
d’
équipe ; 3. ceci exclut, du même mouvement, la sacralisation de ces pr
1847
ceci exclut, du même mouvement, la sacralisation
de
ces préceptes et recettes, et la prétention tout à fait abusive à les
1848
ou la loi naturelle, à les assimiler aux « voies
de
la providence » ou à la « volonté de Dieu lui-même » ; 4. enfin, et j
1849
aux « voies de la providence » ou à la « volonté
de
Dieu lui-même » ; 4. enfin, et j’introduis ici une remarque nouvelle,
1850
fractions commises par un joueur n’entraînent pas
de
jugement sur sa valeur en tant que personne. Il est entendu que si l’
1851
u mauvais : simplement on joue bien ou mal. Point
de
« péché » dans le monde des règles du jeu, mais seulement des erreurs
1852
, mais seulement des erreurs, maladresses, fautes
de
calcul, déficiences physiques ou psychiques, un style défectueux, ou
1853
n style défectueux, ou une mauvaise tenue (manque
de
fair play ou d’objectivité, coups bas, etc.). La notion de péché n’ap
1854
ux, ou une mauvaise tenue (manque de fair play ou
d’
objectivité, coups bas, etc.). La notion de péché n’apparaît qu’à part
1855
lay ou d’objectivité, coups bas, etc.). La notion
de
péché n’apparaît qu’à partir du moment où se trouve posée la question
1856
à partir du moment où se trouve posée la question
de
nos fins dernières. Elle est liée à la vocation. ⁂ On pourrait défini
1857
ée à la vocation. ⁂ On pourrait définir une sorte
de
vocation générale du genre humain, de vocation de tout homme en tant
1858
r une sorte de vocation générale du genre humain,
de
vocation de tout homme en tant qu’homme, et qui serait, selon l’Évang
1859
de vocation générale du genre humain, de vocation
de
tout homme en tant qu’homme, et qui serait, selon l’Évangile, l’appel
1860
serait, selon l’Évangile, l’appel et la puissance
de
l’amour. À travers l’action dans la communauté, c’est-à-dire à traver
1861
chain, l’amour au sens chrétien est l’orientation
de
tout être, et de tout mon être vers Dieu, source et sujet de tout amo
1862
sens chrétien est l’orientation de tout être, et
de
tout mon être vers Dieu, source et sujet de tout amour. Mais la vocat
1863
e, et de tout mon être vers Dieu, source et sujet
de
tout amour. Mais la vocation dont je voudrais vous parler, c’est la v
1864
particulière qui s’adresse à un individu et fait
de
lui une personne distincte et unique. Obéir à ma vocation, c’est suiv
1865
t suivre le chemin qui va me conduire à la source
de
l’appel que j’ai cru percevoir, que je cherche à entendre, à capter d
1866
. Mais ce chemin sans précédent, — puisqu’il part
de
moi seul pour me conduire là où convergent tous les chemins de l’espr
1867
our me conduire là où convergent tous les chemins
de
l’esprit, — oui, tous convergent et se rejoindront en Dieu, mais il y
1868
’y engage, répondant à l’appel sans penser à rien
d’
autre. Il n’est pas jalonné, comme les grandes voies publiques, de sig
1869
t pas jalonné, comme les grandes voies publiques,
de
signes bien lisibles pour n’importe qui, puisque personne encore n’a
1870
r moi seul ! Cette unicité et singularité absolue
de
mon sentier personnel, qui le rend à peine discernable pour ma foi se
1871
ma foi seule, va permettre à mes voisins soucieux
de
mon sort de mettre en doute ou de nier son existence — sauf s’ils ont
1872
, va permettre à mes voisins soucieux de mon sort
de
mettre en doute ou de nier son existence — sauf s’ils ont fait, eux a
1873
oisins soucieux de mon sort de mettre en doute ou
de
nier son existence — sauf s’ils ont fait, eux aussi, l’expérience de
1874
ce — sauf s’ils ont fait, eux aussi, l’expérience
de
cet appel invraisemblable — et ils vont me conseiller « pour mon bien
1875
le — et ils vont me conseiller « pour mon bien »,
de
m’en tenir aux chemins communs, bien fréquentés, bien surveillés par
1876
ien surveillés par la police, là où règne le Code
de
la route, qui est aussi fait pour moi, ajouteront-ils, sévères. Oui,
1877
ela. Seul pourrait me relier à mon but le sentier
de
ma vocation, qui est au sens littéral improbable. Les grandes voies p
1878
iques, bien que réglées par la Loi, ne me servent
de
rien pour « faire mon salut » comme disait la piété classique. Il me
1879
institué pour moi seul. Et dans tout cela je n’ai
d’
autre soutien que ma croyance par éclairs, ma « foi » dans l’existence
1880
croyance par éclairs, ma « foi » dans l’existence
de
ce But qu’on ne peut voir et que personne n’a jamais vu. N’ayant d’au
1881
e personne n’a jamais vu. N’ayant d’autres moyens
de
répondre à son appel, de le rejoindre, que ceux que me suggère, inexp
1882
N’ayant d’autres moyens de répondre à son appel,
de
le rejoindre, que ceux que me suggère, inexplicablement, ma foi en lu
1883
st donc le But qui me communique les seuls moyens
d’
aller vers lui, dans la seule mesure où j’y crois, et où j’arrive par
1884
ts à oublier tout ce qui me fait douter du But et
de
l’appel et du chemin, quand je m’abandonne à l’élan, à l’attrait advi
1885
a donnés. Je disais tout à l’heure que la notion
de
péché n’a pas sa place dans le monde des règles du jeu, mais prend so
1886
règles du jeu, mais prend son sens dans le monde
de
la vocation. Voici comment je crois qu’il faut l’entendre. Par rappor
1887
re. Par rapport à la vocation humaine et générale
de
l’amour (sommaire de toute la Loi), il est clair que le péché en géné
1888
vocation humaine et générale de l’amour (sommaire
de
toute la Loi), il est clair que le péché en général est de faillir à
1889
la Loi), il est clair que le péché en général est
de
faillir à l’amour, de le blesser, ou de le dénaturer — par exemple de
1890
que le péché en général est de faillir à l’amour,
de
le blesser, ou de le dénaturer — par exemple de le réduire à un pur s
1891
néral est de faillir à l’amour, de le blesser, ou
de
le dénaturer — par exemple de le réduire à un pur sentiment ou désir,
1892
, de le blesser, ou de le dénaturer — par exemple
de
le réduire à un pur sentiment ou désir, alors qu’il est action. Mais
1893
désir, alors qu’il est action. Mais dans le monde
de
la vocation, mon péché particulier, c’est ce qui m’empêche de répondr
1894
on, mon péché particulier, c’est ce qui m’empêche
de
répondre à l’appel que j’ai cru entendre, c’est le refus d’y croire s
1895
e à l’appel que j’ai cru entendre, c’est le refus
d’
y croire sans preuve dont je puisse faire état « objectivement ». Mon
1896
se faire état « objectivement ». Mon péché, c’est
de
me mettre par ma conduite, par ma pensée, ou par quelque attitude int
1897
, c’est ce qui obscurcit ma visée, me fait perdre
de
vue le but, m’en fait douter quand il est invisible, bref, me détourn
1898
douter quand il est invisible, bref, me détourne
d’
agir ma vocation. Et je découvre, à ce propos, que le mot désignant le
1899
le but » ; et en grec : « ce qui passe au-dessus
de
la ligne normale », ou : « ce qui tombe à côté ». Voilà qui correspon
1900
mbe à côté ». Voilà qui correspond, n’est-ce pas,
d’
une manière assez frappante, à mes images initiales du tireur au fusil
1901
si l’esprit des réponses que l’on pourrait tenter
d’
y faire. La dichotomie proposée entre les règles du jeu d’une part, et
1902
tique — il est évident qu’elle provoque une série
de
questions, de doutes et de reproches hélas bien faciles à prévoir. Le
1903
évident qu’elle provoque une série de questions,
de
doutes et de reproches hélas bien faciles à prévoir. Le psychologue m
1904
lle provoque une série de questions, de doutes et
de
reproches hélas bien faciles à prévoir. Le psychologue me dira (et il
1905
n’est pas tout simplement l’expression symbolique
d’
une pulsion de l’inconscient ? — Eh bien non, je n’en suis jamais sûr
1906
simplement l’expression symbolique d’une pulsion
de
l’inconscient ? — Eh bien non, je n’en suis jamais sûr ! La foi sans
1907
dis aussi) : Si vous abandonnez la responsabilité
d’
établir le code moral au « monde », c’est-à-dire aujourd’hui et en fai
1908
et en fait aux savants et à l’État, vous risquez
de
laisser s’établir une société totalitaire. Et vous privez le monde de
1909
té totalitaire. Et vous privez le monde des aides
de
la Révélation. — À quoi je réponds que le risque est très grand, je l
1910
ui croyaient dur comme fer que leur mission était
de
régler la conduite morale de nos peuples n’ont pas réussi à empêcher
1911
e leur mission était de régler la conduite morale
de
nos peuples n’ont pas réussi à empêcher ni même à retarder sérieuseme
1912
patauger dans des domaines aussi vitaux que ceux
de
la contraception ou de la guerre, je me demande de quoi elles privera
1913
ines aussi vitaux que ceux de la contraception ou
de
la guerre, je me demande de quoi elles priveraient le monde si elles
1914
e la contraception ou de la guerre, je me demande
de
quoi elles priveraient le monde si elles cessaient de lui prodiguer d
1915
uoi elles priveraient le monde si elles cessaient
de
lui prodiguer des conseils ou des ordres au moins aussi contradictoir
1916
ra (et je ne suis pas du tout sûr qu’il ait tort)
d’
ouvrir les portes toutes grandes au subjectivisme intégral, à l’illumi
1917
tous les malades dont la psychose prend la forme
d’
une mission qu’ils affirment reçue de Dieu. — À quoi je pense qu’on do
1918
end la forme d’une mission qu’ils affirment reçue
de
Dieu. — À quoi je pense qu’on doit répondre par une vigilance redoubl
1919
oublée dans l’examen des marques ou des « notes »
de
l’authenticité d’une vocation, selon l’expérience des Pères, des réfo
1920
en des marques ou des « notes » de l’authenticité
d’
une vocation, selon l’expérience des Pères, des réformateurs, et aussi
1921
réformateurs, et aussi des meilleurs psychologues
de
ce temps, qui peuvent au moins déceler les fausses vocations… Mais le
1922
ent, je ne les minimise pas : ce sont les risques
de
la Foi et de la confiance dans le Saint-Esprit. Je souligne seulement
1923
s minimise pas : ce sont les risques de la Foi et
de
la confiance dans le Saint-Esprit. Je souligne seulement que les risq
1924
souligne seulement que les risques inverses, nés
de
l’exigence exclusive de ce que l’on nomme « objectivité scientifique
1925
les risques inverses, nés de l’exigence exclusive
de
ce que l’on nomme « objectivité scientifique », et qui évacue de la r
1926
nomme « objectivité scientifique », et qui évacue
de
la réalité tout ce qui ne peut être enregistré par la mémoire d’une m
1927
out ce qui ne peut être enregistré par la mémoire
d’
une machine électronique, que cet objectivisme-là est au moins aussi o
1928
xtrêmes du désert et du déluge, du doute aride et
de
l’émotivité prompte aux larmes, du positivisme et de l’illuminisme ?
1929
l’émotivité prompte aux larmes, du positivisme et
de
l’illuminisme ? Un troisième théologien, prenant acte de ce que je ne
1930
luminisme ? Un troisième théologien, prenant acte
de
ce que je ne crois pas du tout à une morale révélée, ni directement n
1931
e révélée, ni directement ni au travers des tours
de
passe-passe théologiques, regrettera peut-être au secret de son cœur,
1932
asse théologiques, regrettera peut-être au secret
de
son cœur, l’époque où l’on pouvait brûler des gens comme moi. Je lui
1933
selon vos meilleurs docteurs, le critère externe
de
la Révélation ; elle dit ceci : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu
1934
n ; elle dit ceci : « Cherchez d’abord le Royaume
de
Dieu, et le reste vous sera donné par-dessus. » Or chercher le Royaum
1935
ai moi. » Au sociologue, alors, qui me reprochera
de
verser dans un individualisme anarchisant, je répondrai qu’il a bien
1936
répondrai qu’il a bien mal compris la définition
de
la personne : l’homme chargé par la vocation même qui le distingue de
1937
omme chargé par la vocation même qui le distingue
de
la communauté, d’une action qui le relie à cette communauté et qui l’
1938
vocation même qui le distingue de la communauté,
d’
une action qui le relie à cette communauté et qui l’insère dans ses ré
1939
tes. Aux démocrates ombrageux qui m’accuseraient
de
proposer une éthique à l’usage exclusif d’une petite élite spirituell
1940
raient de proposer une éthique à l’usage exclusif
d’
une petite élite spirituelle, d’un groupe d’élus, je rappellerais les
1941
l’usage exclusif d’une petite élite spirituelle,
d’
un groupe d’élus, je rappellerais les paroles de Jésus sur le sel de l
1942
lusif d’une petite élite spirituelle, d’un groupe
d’
élus, je rappellerais les paroles de Jésus sur le sel de la Terre et s
1943
, d’un groupe d’élus, je rappellerais les paroles
de
Jésus sur le sel de la Terre et sa saveur. Mais j’ajouterais, paraphr
1944
, je rappellerais les paroles de Jésus sur le sel
de
la Terre et sa saveur. Mais j’ajouterais, paraphrasant Teilhard de Ch
1945
e Chardin : chaque homme n’est pas appelé à faire
de
grandes choses, c’est vrai, mais, par sa solidarité avec une grandeur
1946
nt déceler ma vocation, puisque selon vous le But
d’
où elle m’est adressée reste invisible, inouï, incalculable, et c’est
1947
nous meut à prier. Les « soupirs inexprimables »
de
la prière en nous répondent seuls à la réalité de l’indicible ; or to
1948
de la prière en nous répondent seuls à la réalité
de
l’indicible ; or toute vocation est d’abord indicible, parce qu’elle
1949
indicible, parce qu’elle n’a pas et ne peut avoir
de
précédent, parce qu’il n’y a pas deux hommes pareils, donc pas deux c
1950
mes pareils, donc pas deux chemins pareils allant
d’
un homme à Dieu. Mais je pressens que les objections les plus gênantes
1951
nt celles que je n’ai pas prévues… Je les attends
de
votre part et vous en dis d’avance ma gratitude. Ma recherche est enc
1952
vues… Je les attends de votre part et vous en dis
d’
avance ma gratitude. Ma recherche est encore bien loin des conclusions
1953
es et impératives. Quant aux laïques et au clergé
de
l’Église chrétienne, je pense que leur rôle spécifique et leur vocati
1954
isteront plutôt à poser des questions qu’à tenter
d’
imposer des réponses ; à poser avant tout, en temps et hors de temps,
1955
us faire entendre ce matin. p. Rougemont Denis
de
, « Pour une morale de la vocation », Les Cahiers protestants, Lausann
1956
atin. p. Rougemont Denis de, « Pour une morale
de
la vocation », Les Cahiers protestants, Lausanne, 1968, p. 5-29. q.
1957
rotestants, Lausanne, 1968, p. 5-29. q. Une note
de
la rédaction précise : « Ce texte est celui d’une conférence, prononc
1958
te de la rédaction précise : « Ce texte est celui
d’
une conférence, prononcée à Neuchâtel en septembre 1966, devant la Soc