1 1938, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). La vraie défense contre l’esprit totalitaire (juillet 1938)
1 défense contre l’esprit totalitaire (juillet 1938) a L’esprit totalitaire est pour nous une menace1. De récents événeme
2 st pour nous une menace1. De récents événements l’ auront fait voir aux plus naïfs. Mais il n’est pas seulement une menace. Il
3 ons organiser nos résistances. ⁂ Le totalitarisme a triomphé surtout pour deux raisons, me semble-t-il : D’abord il a uti
4 ut pour deux raisons, me semble-t-il : D’abord il a utilisé le défaut de civisme qui résultait de la destruction de toute
5 t total d’éducation, comme en Russie). Ensuite il a donné une réponse à l’exigence religieuse des peuples, déçue par les
6 t cela, des centaines de fois. Comment ces crimes ont -ils pu se produire ? C’est que la police protégeait les fascistes con
7 une complicité quasi universelle que le fascisme a dû de s’emparer de l’État. Un peu de civisme l’eût arrêté. Sa force n
8 a dû de s’emparer de l’État. Un peu de civisme l’ eût arrêté. Sa force n’a été faite que de lâchetés accumulées, et de calc
9 ’État. Un peu de civisme l’eût arrêté. Sa force n’ a été faite que de lâchetés accumulées, et de calculs dits « réalistes 
10 Ce fut à Sarzana, en juillet 1921. 500 fascistes avaient débarqué à la gare de cette petite ville. Ils s’y heurtèrent à 8 gend
11 e normal : il devait survenir dès que le fascisme aurait trouvé des gens devant lui, disposés à tenir bon… » Rien n’est plus v
12 ’un homme décidé à tenir bon ? C’est un homme qui a conscience de ses raisons de vivre. Ce n’est pas l’homme le mieux arm
13 tement : ce n’est pas le nombre et l’armement qui ont triomphé ce jour-là, mais la bonne conscience civique. Or une telle b
14 que là où existe l’autorité morale. Les fascistes ont été arrêtés à Sarzana, mais ils l’ont emporté partout ailleurs, parce
15 s fascistes ont été arrêtés à Sarzana, mais ils l’ ont emporté partout ailleurs, parce qu’ils représentaient une espérance.
16 e rejoins ici ma seconde thèse : le totalitarisme a triomphé parce qu’il fut le premier à donner une réponse très grossiè
17 eligieux du peuple. C’est parce que les fascistes avaient une mystique, tandis que les autres n’en avaient plus, que les fascis
18 avaient une mystique, tandis que les autres n’en avaient plus, que les fascistes n’ont pas rencontré de résistance sérieuse. D
19 les autres n’en avaient plus, que les fascistes n’ ont pas rencontré de résistance sérieuse. De ces deux causes du succès to
20 le. Mais c’est là une question religieuse, nous l’ avons vu, et seule une religion plus vraie que leurs mystiques saura nous i
21 eaucoup la plus fréquente et la plus populaire. J’ ai à cœur cependant de montrer son danger pour nous Suisses. Et je voudr
22 c chômage dans la profession médicale, personne n’ a jamais eu l’idée de proposer qu’on donne la peste à toute la nation.
23 dans la profession médicale, personne n’a jamais eu l’idée de proposer qu’on donne la peste à toute la nation. Or c’est à
24 st devenue la guerre totale. C’est dire qu’il n’y a plus de distinction entre civils et militaires, selon la doctrine off
25 e officielle dite de la nation armée. Mussolini l’ a très bien dit : « La discipline militaire implique la discipline poli
26 ssances totalitaires. Avec cette différence que n’ ayant pas vécu la révolution religieuse que représente le fascisme, elles a
27 tion religieuse que représente le fascisme, elles auront moins de dynamisme. Ainsi, sous prétexte de vivre, elles perdront leu
28 Souvenons-nous du sort de l’Autriche ! Si ce pays a succombé, ce n’est point tant qu’il ait cédé à la menace militaire, d
29 Si ce pays a succombé, ce n’est point tant qu’il ait cédé à la menace militaire, d’ailleurs réelle ; c’est surtout, c’est
30 nous sommes pour l’Europe quelque chose dont elle a besoin ; cette chose unique, irremplaçable : un État qui n’est pas na
31 à la conscience de notre force véritable. Si nous avons le droit et le devoir de rester neutres, ce n’est pas comme on le dit
32 itimes à nos yeux, mais dont nos grands voisins n’ ont pas de raisons de tenir le moindre compte. Si nous avons le droit d’ê
33 as de raisons de tenir le moindre compte. Si nous avons le droit d’être neutres, ce n’est pas en vertu d’un privilège divin,
34 , donc non totalitaires. Je ne dis pas que je les ai trouvées. Je dis que le salut serait de les trouver. La force des tot
35 le jeu. Imitons les paysans du Morgarten : ils n’ avaient pas d’armures ni de lances : ils trichèrent donc au jeu où l’adversai
36 re triomphe aujourd’hui en Europe, c’est que nous avons laissé les peuples sans commune mesure spirituelle. Nous avons tous t
37 les peuples sans commune mesure spirituelle. Nous avons tous trahi le grand devoir communautaire de l’Église, parce que nous
38 devoir communautaire de l’Église, parce que nous avons transformé le christianisme en quelque chose de rassurant, de disting
39 s. Alors les païens russes et les païens racistes ont fait ce que nous refusions de faire. Ils l’ont fait mal, et contre no
40 es ont fait ce que nous refusions de faire. Ils l’ ont fait mal, et contre nous. Ils représentent notre châtiment, comme l’a
41 e nous. Ils représentent notre châtiment, comme l’ a magnifiquement montré Nicolas Berdiaev. Ce n’est pas à la méchanceté
42 ces raisons plus d’angoisse que de méchanceté. J’ ai reçu cet hiver, d’un jeune nazi, une lettre significative, et à certa
43 ose. Nous voulions vivre pour quelque chose. Nous avons été reconnaissants à celui qui nous apportait cette possibilité. Le c
44 le tendance, et la plus animale de l’homme. Seule a le droit d’être totalitaire la vérité totale, qui n’appartient qu’à D
45 et responsables. Libres pour obéir à ce qu’elles ont accepté pour vocation, et responsables de cette vocation devant la ci
46 ’individualisme, de divinisation de l’homme, nous ont conduits à une dissolution presque totale de la société. Nous ne somm
47 e total. Je ne sais si nous réussirons, mais nous aurons du moins sauvé l’honneur de cette génération anxieuse. Et pour tout d
48 rétextes politiques, apparemment contradictoires, ont pour but véritable — et souvent inconscient — de remplacer le christi
49 sormais sur nos épaules, et qu’ils feront mieux d’ avoir peur de nous que du communisme. » a. Rougemont Denis de, « La vraie
50 mieux d’avoir peur de nous que du communisme. » a . Rougemont Denis de, « La vraie défense contre l’esprit totalitaire 
2 1939, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Nicolas de Flue et la Réforme (août 1939)
51 ie. C’est avant tout un souvenir scolaire. Nous n’ avons guère retenu de son histoire que l’image d’un ermite à longue barbe q
52 amour le souvenir du solitaire du Ranft, que Rome a dès longtemps béatifié, et que la vénération du peuple, surtout dans
53 ation du peuple, surtout dans les petits cantons, a déjà mis au rang des saints (bien que la canonisation se fasse attend
54 me et ses « innovations ». Une suite de hasards m’ ayant mis entre les mains, au cours de l’été dernier, quelques écrits popul
55 rich en septembre, et pour lequel Arthur Honegger a composé une importante partition chorale. Le choix de ce sujet n’a pa
56 ortante partition chorale. Le choix de ce sujet n’ a pas été sans surprendre certains de mes amis protestants, et — pour d
57 res raisons sans doute — certains catholiques qui ont bien voulu me le faire sentir. Il m’a semblé que je devais aux uns et
58 iques qui ont bien voulu me le faire sentir. Il m’ a semblé que je devais aux uns et aux autres une brève explication, don
59 pe d’Avignon, au pape de Rome, à l’antipape qu’on avait tenté de leur opposer — et tous les trois s’excommuniaient réciproque
60 té se vit alors frappée d’anathème ! — le concile avait substitué un pontife unique et romain. On avait condamné Jean Huss, l
61 e avait substitué un pontife unique et romain. On avait condamné Jean Huss, le premier qui eût osé proclamer la nécessité d’u
62 main. On avait condamné Jean Huss, le premier qui eût osé proclamer la nécessité d’une réforme. On l’avait fait monter sur
63 ût osé proclamer la nécessité d’une réforme. On l’ avait fait monter sur le bûcher au mépris de la parole donnée. Il semblait
64 taine, puis ce juge, puis ce père de famille — il aura dix enfants — n’est pas un type exceptionnel parmi les vieux confédér
65 sectaire ou un illuminé auquel des ouvrages pieux auraient tourné la tête. (Il ne sait ni lire ni écrire.) Mais sous cet extérie
66 les pratiques d’une extrême dévotion, ses proches ont bien senti le drame intime, longuement couvé et mûri. Sans doute a-t-
67 rame intime, longuement couvé et mûri. Sans doute a-t -il eu des visions, peut-être a-t-il manqué sa vocation de prêtre, — d
68 time, longuement couvé et mûri. Sans doute a-t-il eu des visions, peut-être a-t-il manqué sa vocation de prêtre, — déçu pa
69 mûri. Sans doute a-t-il eu des visions, peut-être a-t -il manqué sa vocation de prêtre, — déçu par les exemples qu’il avait
70 vocation de prêtre, — déçu par les exemples qu’il avait sous les yeux. Peut-être aussi rêve-t-il comme tout son siècle, et sa
71 fort soupçonneuses, ni les envoyés de l’évêque n’ ont jamais pu prendre en défaut le « Frère Claus » — ainsi qu’on l’appell
72 forte, un conseil, une révélation. (Beaucoup nous ont laissé la relation de leur visite : unanimes dans l’admiration devant
73 n conseil est si puissant parmi les Suisses qu’on a coutume de s’adresser d’abord à lui lorsqu’il faut négocier un traité
74 1486, quinze assemblées de la Diète des cantons n’ ont pas suffi pour rétablir l’union. C’est alors que se placent les événe
75 — on ne saura jamais — de quel message Nicolas l’ a chargé. Ce que l’on sait, par ce qu’attestent les documents les plus
76 ison particulièrement « politique » dont l’ermite eût donné l’idée ? Il me paraît probable que l’autorité de Nicolas sur se
77 i qu’il en soit, la Diète proclama que si la paix avait été sauvée, et avec elle le sort de la fédération, on le devait par-d
78 sache de Nicolas, est en réalité la seule qu’il n’ ait pas faite : sa venue en personne à la Diète, et le discours qu’il y a
79 heureux. Toutefois, je ne puis me persuader qu’il ait été décisif dans sa vie. Si l’on considère d’une part la sainteté des
80 sentait croître en lui l’inquiétude du salut. J’ ai été attaché avec zèle aux lois papistes autant que n’importe qui, et
81 lois papistes autant que n’importe qui, et je les ai défendues avec grand sérieux comme saintes et nécessaires au salut. A
82 tiques catholiques modernes reprochent à Luther d’ avoir « manqué de discrétion » dans ses pratiques. Mais ce reproche n’attei
83 er que des catholiques célèbres et indiscutables, avaient avant Jean Huss, avant Wiclef, élevé contre la corruption de Rome et
84 ehors des cadres de l’Église, volonté que Nicolas a toujours affirmée, non seulement en refusant de devenir prêtre, mais
85 tel le curé Matthias Hattinger, le jeune Nicolas avait subi l’influence très profonde du mouvement des « Amis de Dieu ». Ini
86 nvironnement spirituel, et des contacts qu’il dut avoir avec certains Amis de Dieu. Lorsqu’il quitta sa femme et ses enfants
87 des communautés d’Amis de Dieu dont Hattinger lui avait parlé ? Et la première visite qu’il reçut au Ranft ne fut-elle pas pr
88 par le mouvement ? Les plus récents historiens l’ ont admis, après de nombreux tâtonnements. D’autre part, la fameuse « pet
89 e de réaction intérieure au formalisme romain, qu’ ont représenté les Amis de Dieu. Et l’on conçoit que ce mouvement, rectif
90 sobre par la connaissance directe des Écritures, ait pu déboucher, quelque cinquante années plus tard, dans la Réforme lut
91 La contre-épreuve de ces diverses hypothèses m’ a été fournie d’une manière très convaincante par la lecture des deux g
92 e somme critique de tout ce que la tradition nous a livré concernant le pacificateur de la Suisse. On ne saurait en louer
93 Flue par l’Église romaine, la signification qu’il eut , en fait, pour les premières générations de la Réforme. Ce n’est pas
94 un léger mouvement de triomphe, je l’avoue, que j’ ai trouvé ce fait, très généralement ignoré : les premiers drames mettan
95 ré : les premiers drames mettant en scène Nicolas ont été bel et bien des drames protestants, composés par des disciples de
96 les véritables disciples du solitaire, puisqu’ils ont gardé la foi la plus ancienne, celle des Apôtres, et se sont refusés
97 prière que je citais plus haut (Gebetlein), elle avait été connue et publiée d’abord par des protestants, en 1531 et 1546, b
98 e Luther sur la « vision des épées », que Nicolas avait fait peindre au mur de sa cellule. Luther l’interprétait comme une pr
99 é. Les historiens ne sont guère d’accord, et je n’ ai pas qualité pour trancher ce problème d’ailleurs accessoire. ⁂ Ces qu
100 accessoire. ⁂ Ces quelques notes, bien entendu, n’ ont aucunement la prétention d’annexer Nicolas de Flue à je ne sais quel
101 i les chrétiens ! Que de richesses les réformés n’ ont -ils pas laissé perdre de la sorte, et n’ont-ils pas laissé dénaturer 
102 més n’ont-ils pas laissé perdre de la sorte, et n’ ont -ils pas laissé dénaturer ! Mon désir n’est nullement d’enlever le Frè
103 le sens fédéral paraît renaître parmi nous, il m’ a semblé que la vie du Frère Claus prenait une valeur de symbole, et no
3 1940, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). La bataille de la culture (janvier-février 1940)
104 oir que cette crise n’est pas théorique ; qu’elle a des conséquences pratiques ; qu’elle est l’une des origines de la pré
105 Grâce à Dieu, nous sommes encore neutres, et nous avons encore le droit de ne pas nous livrer à ce genre de simplifications b
106 veille toujours en temps de guerre. Les primitifs ont l’habitude de personnifier les forces mauvaises qui les menacent. S’i
107 Il faut reconnaître, hélas, que cette éducation n’ a pas merveilleusement réussi. Nous persistons tous, plus ou moins, dan
108 u’au lieu d’élever le niveau général, l’industrie a créé d’immenses masses misérables, déracinées et démoralisées. Enfin
109 cre ? — Nullement, répondit-il. Car tout ce que j’ ai à voir, ce sont deux colonnes de chiffres, dont la balance est favora
110 turelle. Le banquier dont je viens de vous parler aurait eu beaucoup de peine à concevoir qu’il y avait disharmonie, contradic
111 . Le banquier dont je viens de vous parler aurait eu beaucoup de peine à concevoir qu’il y avait disharmonie, contradictio
112 commune mesure. Au moraliste qui s’indignait, il aurait simplement répondu que les affaires sont les affaires. On ne peut pas
113 dans notre société, que les hommes de la pensée n’ ont rien à dire d’utile aux hommes de l’action, aux capitaines de l’indus
114 taines de l’industrie ou de la guerre. Le divorce a été prononcé entre la culture et l’action, entre le cerveau et la mai
115 endant, une société où les valeurs de la pensée n’ ont plus aucun rapport avec les lois de l’action, une société qui manque
116 main et le cerveau ? Nous voyons bien où il nous a menés. Essayons de voir d’où il vient. Le phénomène le plus remarquab
117 ne le plus remarquable des débuts du xixe siècle a été, en effet, et dans tous les domaines, l’agrandissement très brusq
118 s possibilités humaines. L’invention des machines a brusquement accru nos possibilités d’action sur la matière. L’industr
119 action sur la matière. L’industrie et le commerce ont provoqué la brusque création de villes énormes, dix ou cent fois plus
120 ses, elles aussi, se sont tant agrandies qu’elles ont échappé aux regards : elles sont devenues chiffres abstraits, puissan
121 monstres antédiluviens. La population de l’Europe a plus que doublé en cent ans, ses richesses ont été décuplées, sa prod
122 rope a plus que doublé en cent ans, ses richesses ont été décuplées, sa production industrielle centuplée, et enfin tous ce
123 elle centuplée, et enfin tous ces éléments réunis ont provoqué la création d’armées considérables, agrandissant le phénomèn
124 en arrière, nous nous disons : les intellectuels auraient dû faire à ce moment-là un formidable effort de mise en ordre : ils a
125 nt-là un formidable effort de mise en ordre : ils auraient dû être saisis tout à la fois d’angoisse et d’enthousiasme devant ce
126 ie et de mort. Songez donc : si tous ces pouvoirs avaient été coordonnés, orientés par une vue générale, par une notion général
127 la pensée que d’avertir les hommes d’action. Ils avaient là une chance et un devoir vital. Or, ils ont perdu cette chance. Ils
128 avaient là une chance et un devoir vital. Or, ils ont perdu cette chance. Ils n’ont pas vu le danger, ils ont eu peur de le
129 voir vital. Or, ils ont perdu cette chance. Ils n’ ont pas vu le danger, ils ont eu peur de le prévoir. Et c’est ici que nou
130 rdu cette chance. Ils n’ont pas vu le danger, ils ont eu peur de le prévoir. Et c’est ici que nous allons découvrir le gran
131 cette chance. Ils n’ont pas vu le danger, ils ont eu peur de le prévoir. Et c’est ici que nous allons découvrir le grand e
132 losophes du dernier siècle, dans leur ensemble, n’ ont répondu que par la fuite, et par ce qu’ils appelaient le désintéresse
133 appelaient le désintéressement de la pensée. Ils ont renoncé à leur mission de directeurs spirituels de la cité. Bien sûr,
134 directeurs spirituels de la cité. Bien sûr, ils n’ ont pas dit : notre pensée, à partir d’aujourd’hui, renonce à agir, mais
135 à partir d’aujourd’hui, renonce à agir, mais ils ont dit : la dignité de la pensée réside dans son détachement de toute ac
136 on, dans son désintéressement scientifique. Ils n’ ont pas dit : nous ne voulons plus rien faire d’utile, mais ils ont dit :
137 nous ne voulons plus rien faire d’utile, mais ils ont dit : on ne peut plus rien faire, car l’histoire et l’économie sont r
138 loppement formidable et angoissant des faits, ils ont opposé des milliers de pages de rhétorique sur le Progrès. Merveilleu
139 manque d’imagination. Or la plupart de ces choses ont paru magnifiques et sérieuses aux penseurs du xixe siècle ! Il n’y e
140 t sérieuses aux penseurs du xixe siècle ! Il n’y eut que Kierkegaard et Nietzsche pour protester du fond de leur solitude.
141 mouvement fatal. Le développement de l’industrie a produit évidemment beaucoup d’automobiles, de téléphones et de frigid
142 mobiles, de téléphones et de frigidaires, mais il a aussi produit beaucoup de canons et de masques à gaz. Il a produit be
143 roduit beaucoup de canons et de masques à gaz. Il a produit beaucoup de confort, mais il a également produit la lutte des
144 à gaz. Il a produit beaucoup de confort, mais il a également produit la lutte des classes et le chômage, et la grande vi
145 s le temps présent. Dans une cité où la culture n’ a plus en fait l’initiative, ce sont les lois de la production et de la
146 ur de nos actes : c’est l’Argent. Et quand il n’y a plus d’argent, c’est la misère. Et quand la misère est trop grande, a
147 , liberté et ordre. Je constate que le mot esprit a déjà vingt-neuf sens différents dans le dictionnaire de Littré. Mais
148 st grave, c’est qu’à ces vingt-neuf sens, nous en avons ajouté d’autres sur lesquels plus personne ne s’entend. Tout le monde
149 monde démesuré ? Un Valéry, un Gide ou un Claudel ont quelques milliers de lecteurs, tandis que la presse du soir et la rad
150 r délicatesse d’appel. Alors les écrivains, qui n’ ont pas d’autres armes que les mots, se voient privés de tout moyen d’agi
151 lieux communs chargés de sens traditionnel, nous aurons des slogans, des mots d’ordre simplistes. Et l’on pourra changer le s
152 amarade Molotov, déclarait que le mot d’agression avait changé de sens depuis ce printemps, « les événements lui ayant donné
153 de sens depuis ce printemps, « les événements lui ayant donné un contenu historique nouveau », exactement inverse de l’ancien
154 ure restaurée et vivante. Et c’est à cet appel qu’ ont répondu les chefs des grands mouvements collectivistes. Tout leur gén
155 . Tout leur génie, s’il faut leur en reconnaître, a consisté à deviner — avant les intellectuels ! — la vraie nature de l
156 s frappante et concrète. « Tout est en désordre ? ont -ils dit. C’est bien simple. Nous allons proclamer que l’intérêt de l’
157 es inconscients désirs d’une nation. Mais on peut avoir du génie et faire de grosses fautes de calcul. Surtout quand on est t
158 Et voici la faute de calcul qu’ils me paraissent avoir commise : ils ont voulu imposer à l’ensemble des principes qui étaien
159 e calcul qu’ils me paraissent avoir commise : ils ont voulu imposer à l’ensemble des principes qui étaient partiels. La dis
160 nt au malheur. Car le mal qui est dans l’action n’ a pas d’autres racines que le mal qui est dans la pensée. Et voici sa r
161 ine profonde : politiciens ou intellectuels, tous ont oublié l’homme dans leurs calculs, ou bien se sont trompés sur sa nat
162 lculs, ou bien se sont trompés sur sa nature. Ils ont perdu de vue sa définition même. Leur point de départ est faux, et c’
163 utissent au malheur de l’homme. Dans ce monde qui a perdu la mesure, le seul devoir des intellectuels — et j’ajouterai :
164 ’était qu’un assemblage d’individus, d’hommes qui avaient surtout des droits légaux, et très peu de devoirs naturels. L’individ
165 ui les néglige est une doctrine antisociale. Elle a pour effet mécanique de dissocier toute communauté naturelle. Et alor
166 lle. Et alors se produit le phénomène auquel nous avons assisté depuis une trentaine d’années. L’homme isolé, dans un monde t
167 qu’il est à la fois un être unique et un être qui a des semblables. Rester soi-même au sein d’un groupe, être un homme li
168 s pas dire que c’est une utopie ! Car ce problème a été résolu, cet idéal réalisé, au ier siècle de notre ère, par les c
169 mme réel qu’il faut tout rebâtir. Cependant, nous avons montré que c’est justement cet homme-là qui a le plus de peine à subs
170 avons montré que c’est justement cet homme-là qui a le plus de peine à subsister ou à se former dans le monde moderne. Ca
171 ésence d’un monde que l’histoire et la sociologie ont encombré de lois fatales. Que peut-il seul, contre ces lois ? Il faut
172 voudrais vous dire, maintenant, les raisons que j’ ai d’espérer, après avoir tant critiqué. Je voudrais vous énumérer les p
173 maintenant, les raisons que j’ai d’espérer, après avoir tant critiqué. Je voudrais vous énumérer les premiers succès remporté
174 les bibliothèques. Or cette idée de lois fatales avait été empruntée à la science, et transportée abusivement dans les domai
175 cience qui, les premiers, cessent d’y croire. Ils ont reconnu, depuis quelques années, que la notion de lois tout objective
176 les découvertes de la physique des quanta : elle a prouvé que l’observation microscopique modifie en réalité les phénomè
177 onscient des vrais besoins de sa personne. Il n’y a de loi, répétons-le, que là où l’homme renonce à se manifester selon
178 abord. Jusqu’à l’ère du rationalisme, les Églises ont été les grandes pourvoyeuses de lieux communs pour la cité. La théolo
179 an Calvin. Mais dans l’époque moderne les Églises ont paru, elles aussi, se détourner de toute action régulatrice sur la ci
180 er de toute action régulatrice sur la cité. Elles ont assisté sans mot dire à l’essor du capitalisme et aux transformations
181 sociales qu’il provoquait. Comme la culture elles ont renoncé à diriger, à avertir, à orienter. Et c’est là le secret du tr
182 ents collectivistes. Si le marxisme, par exemple, a fasciné les masses ouvrières, c’est parce qu’il s’est chargé de la mi
183 parce qu’il s’est chargé de la mission sociale qu’ avaient trahie toutes les Églises. Nicolas Berdiaev l’a bien vu : le bolchévi
184 ent trahie toutes les Églises. Nicolas Berdiaev l’ a bien vu : le bolchévisme fut le châtiment d’un christianisme devenu p
185 , là encore, un réveil soulève les Églises. Elles ont compris qu’il ne suffisait pas de dénoncer les doctrines païennes mai
186 rs papes. Et les congrès de Stockholm et d’Oxford ont montré que les autres Églises n’entendaient pas demeurer en arrière.
187 ns tous les ordres de la pensée et de l’action. J’ ai insisté sur le rôle des Églises parce qu’elles sont le type même des
188 es groupes au sein desquels la culture d’Occident a toujours trouvé ses mesures. Bien d’autres groupes, je le sais, sont
189 s le groupe où il est né, ou dans le groupe qu’il a choisi, peut donner le meilleur de soi-même, aller au terme de sa pen
190 vec une tragique évidence. Et c’est cela que nous avons à défendre : la réalité fédéraliste en politique et dans tous les dom
191 us n’en prenons pas conscience, alors seulement j’ aurai des craintes sérieuses pour notre indépendance. Mais pourquoi la trah
192 Toute notre tradition civique et culturelle nous a dressés pour ce genre de mission. On parle un peu partout de fédérer
193 dans une Europe tout obscurcie par la menace des avions . L’heure est plutôt venue de répéter la question du prophète Isaïe :
194 ntinelle, que dis-tu de la nuit ? » La sentinelle a répondu : « Le matin vient, et la nuit aussi ! » La paix que nous dev
195 ité… Pendant que les autres font la guerre, ils n’ ont pas le temps de préparer un monde humain. Mais nous qui avons encore
196 temps de préparer un monde humain. Mais nous qui avons encore su conserver une cité à la mesure de la personne, nous qui som
197 cela, un jeune poète de génie, Arthur Rimbaud, l’ a dit d’un seul trait prophétique : « Le combat spirituel est aussi bru
198 ch, le 15 janvier 1940. — Le manque de place nous a contraint d’abréger. »
4 1940, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). L’heure sévère (juin 1940)
199 ence brutalement condamnée par cette guerre. Nous avons trop longtemps vécu dans l’atmosphère rassurante créée par le matéria
200 haut que par en bas. La croyance au Progrès nous a mis des œillères. Et quand soudain la route normale se trouve barrée
201 aussi, et que Dieu malgré tout nous aime. Si nous avions su croire en lui pendant le temps de sa patience, nous aurions eu « d
202 oire en lui pendant le temps de sa patience, nous aurions eu « des yeux pour voir », et pour connaître les démons. Voici venu l
203 lui pendant le temps de sa patience, nous aurions eu « des yeux pour voir », et pour connaître les démons. Voici venu le t
204 être employées contre l’homme ; que l’aviation n’ a nullement transformé les conditions de notre bonheur, mais bien celle
205 , des penseurs officiels et des bourgeois moyens, a refusé pendant cent ans d’envisager ? Pourtant, les plus grands homme
206 voir le destin qui maintenant nous surprend. Nous avons eu bien assez de prophètes. Nous n’avons pas le droit de gémir que le
207 e destin qui maintenant nous surprend. Nous avons eu bien assez de prophètes. Nous n’avons pas le droit de gémir que les a
208 nd. Nous avons eu bien assez de prophètes. Nous n’ avons pas le droit de gémir que les avertissements nous ont manqué. Le doss
209 pas le droit de gémir que les avertissements nous ont manqué. Le dossier de ces avertissements est écrasant pour la conscie
210 asante. Elle supprime nos dernières excuses. Nous avons été avertis. Nous avons refusé d’écouter. Et maintenant il faut payer
211 s dernières excuses. Nous avons été avertis. Nous avons refusé d’écouter. Et maintenant il faut payer. Non point parce que l
212 essités impérieuses de la défense nationale. Pour avoir refusé les sacrifices qu’eût entraînés un règlement plus juste des re
213 se nationale. Pour avoir refusé les sacrifices qu’ eût entraînés un règlement plus juste des relations sociales et internati
214 e des relations sociales et internationales, pour avoir refusé obstinément tout ce qui lésait si peu que ce soit notre confor
215 et je ne prends là que de petits exemples…4 Nous avons critiqué sans merci comme des « utopies subversives » certaines réfor
216 ies subversives » certaines réformes sociales qui eussent été dix fois ou vingt fois moins coûteuses que celles qu’entraîne la
217 s « efforts financiers » dont une fraction minime aurait suffi, en d’autres temps, à supprimer toutes les questions sociales.
218 ons à l’amour, pourquoi donc voulez-vous que nous ayons l’amour, et la paix et la sécurité ? Nous avons la peur et la guerre.
219 s ayons l’amour, et la paix et la sécurité ? Nous avons la peur et la guerre. Nous avons ce que méritons. Nous sommes payés e
220 sécurité ? Nous avons la peur et la guerre. Nous avons ce que méritons. Nous sommes payés et nous payons selon notre justice
221 es vérités dures. Car tout le mal est venu de les avoir refusées, avant qu’elles montrent leurs effets aux yeux de tous. « M
222 eux de tous. « Mea culpa » des pacifistes, qui n’ ont pas su imaginer le mal parce qu’ils croyaient au bien fait de main d’
223 in d’homme. « Mea culpa » des militaristes, qui n’ ont pas su imaginer un autre bien que la défense toute matérielle d’un or
224 de librairie : « mea culpa ». Mais quelles fautes avaient donc commises ces millions de femmes et d’enfants en fuite sur les ro
225 nfants en fuite sur les routes de France ? Nous n’ avons plus qu’un seul espoir — quelle que soit l’issue de la guerre : obten
226 croire leurs yeux. Avis aux Suisses. Les Suisses ont quelque chose à faire, quelque chose de précis, que je veux dire à te
227 t de la guerre, et peut-être y resteront-ils. Ils ont encore ce bref délai de grâce dont je parlais aux Hollandais, en nove
228 de, de dire la vérité que les peuples en guerre n’ ont plus le pouvoir de reconnaître, dans le fracas des chars, sous les bo
229 les bombardements, quand on ne sait même plus qui a été tué. Un peuple en guerre sauve son moral en se dopant, en forçant
230 et qu’il était logique, inévitable, et qu’il n’y a plus qu’à en tirer les conclusions5. Mais nous ne sommes pas neutres
231 sera grâce à l’action personnelle des hommes qui auront su répudier les illusions flatteuses de l’ère bourgeoise. Car ceux-là
232 ritus à déblayer, même si les grandes démocraties ont la victoire. Non pas le bonheur fait de laisser-aller et d’insoucianc
233 ercions ici la Neue Schweizer Rundschau, qui nous a autorisé à reproduire cet article paru dans son numéro de juin 1940.
5 1940, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). L’Église et la Suisse (août 1940)
234 péenne, la Suisse est réduite à elle-même. Elle n’ a plus d’autre garantie humaine que son armée, plus d’autre allié que s
235 rteresse du Gothard, que n’atteignent ni chars ni avions , dans cet Alcazar de l’Europe, quelques dizaines de milliers d’hommes
236 niser par l’initiative des laïques, comme elles l’ ont fait dans un pays voisin ? Je n’oserais pas répondre ce matin. Ni oui
237 est possible. Inspectons avec soin nos défenses, ayons le courage de dire franchement : ici ou là, nous sommes encore faible
238 ter l’effort. Aujourd’hui ou jamais, notre Église a besoin d’une rigoureuse critique, d’une critique utile et positive, q
239 , de nos diverses Églises suisses, c’est qu’elles ont cessé d’être ou n’ont jamais été de véritables communautés. Voilà le
240 ses suisses, c’est qu’elles ont cessé d’être ou n’ ont jamais été de véritables communautés. Voilà le fait qui me paraît le
241 Il n’en reste pas moins que ces premières Églises ont surmonté toutes les persécutions grâce à la cohésion de leurs paroiss
242 nt la décadence de l’Empire romain, ces paroisses ont constitué les cellules de base d’une nouvelle société7, les noyaux de
243 missionnaire, à l’intérieur du pays ; 3° qu’elles aient le courage d’être franchement des Églises visibles, organisées, douée
244 tout théologique. Je n’insisterai donc pas : vous avez entendu et entendrez encore des orateurs beaucoup plus qualifiés que
245 e que jamais, Alexandre Vinet. « Veuillez d’abord avoir une religion pour vous et si vous n’en voulez pas pour vous, mais seu
246 igion, m’effraie bien moins que celle qui veut en avoir une ». En résumé, la première condition indispensable pour que l’Égl
247 l’Esprit. Si l’on se remémore les événements qui ont amené la création de l’Église confessionnelle en Allemagne, on compre
248 certainement quelque chose d’anormal. L’Église n’ aurait jamais dû prendre le ton et l’accent d’un milieu social plutôt que d’
249 heuse de démodé, d’inactuel, d’irréaliste. Il n’y a vraiment aucune raison valable pour que notre prédication chrétienne
250 mais à tous les hommes d’où qu’ils viennent, qui ont faim et soif de vérité, sans le savoir le plus souvent. Il est grand
251 n de zèle missionnaire, d’amour des âmes. Si nous avons ce zèle et ce souci, l’atmosphère un peu renfermée de certaines de no
252 mmentaires et notre éloquence qui convainquent. J’ ai entendu, il y a quelques semaines, une parole qui m’a fait de l’impre
253 tendu, il y a quelques semaines, une parole qui m’ a fait de l’impression. C’était dans un sermon, et le pasteur disait :
254 nir des objections que la plupart des auditeurs n’ auraient pas eu l’idée de faire. Comme laïque, je ne demande pas qu’on me pers
255 tions que la plupart des auditeurs n’auraient pas eu l’idée de faire. Comme laïque, je ne demande pas qu’on me persuade de
256 ération n’est pas si tourmentée de doutes. Elle n’ a guère la manie de discuter. Elle attend des directions positives. Ell
257 ci ne veut pas dire d’ailleurs que notre Église n’ ait pas le droit d’aborder l’actualité sociale ou politique. Pour être mi
258 ssais tout à l’heure comme suit : que nos Églises aient le courage d’être franchement des Églises visibles — solidement organ
259 i trouveront aujourd’hui, peut-être, de l’écho. J’ ai passé plusieurs années en France, et je me suis fortement attaché à l
260 és ici ou là, pour remédier à cette absence. Nous avons bien, de temps à autre, des cultes que nous appelons « liturgiques »
261 n petit chœur ou l’assemblée chante : « Seigneur, aie pitié de nous ! Christ, aie pitié de nous !… »). V. Promesses de grâc
262 chante : « Seigneur, aie pitié de nous ! Christ, aie pitié de nous !… »). V. Promesses de grâce et absolution collective (
263 ociété humaine. Comme toute société humaine, elle a besoin de signes extérieurs et de symboles collectifs qui manifestent
264 rs fêtes, leurs insignes, leurs saluts rituels. J’ ai assisté à des cérémonies hitlériennes qui étaient déjà de véritables
265 naire. Je m’explique. Imaginez une personne qui n’ a jamais mis les pieds dans un de nos temples, qui ne sait rien du prot
266 les choses les plus fausses. Ou bien encore, elle aura l’impression d’avoir surpris une réunion d’initiés, habitués à un cer
267 fausses. Ou bien encore, elle aura l’impression d’ avoir surpris une réunion d’initiés, habitués à un certain langage, dont pe
268 bitués à un certain langage, dont personne ne lui aura donné la clef. Il en ira tout autrement, si le culte débute par la li
269 ela, même si le sermon n’est pas des meilleurs, j’ ai tout de même le sentiment d’avoir approuvé mon Église, et d’en avoir
270 s des meilleurs, j’ai tout de même le sentiment d’ avoir approuvé mon Église, et d’en avoir reçu le message essentiel. Enfin,
271 le sentiment d’avoir approuvé mon Église, et d’en avoir reçu le message essentiel. Enfin, ma troisième raison se rapporte étr
272 ous, les Suisses. Le peuple suisse, en général, n’ a pas un sens des formes très raffiné. Je vous dirai même une chose ass
273 une anecdote qui frise peut-être la caricature. J’ ai entendu, de mes oreilles, un jeune pasteur remercier Dieu, du haut de
274 Dieu, du haut de la chaire, de ce que Dieu « nous a permis de lui parler tout simplement, d’homme à homme »… Je reste pe
275 ela se fait dans les Églises réformées de Paris ? Aurions -nous trop de dignité pour consentir à cette marque publique d’humilia
276 s quelle déviation catholique. Toutes les Églises ont toujours attaché de l’importance à ces choses-là, et je pense qu’elle
277 ’importance à ces choses-là, et je pense qu’elles avaient de bonnes raisons de le faire. Elles savaient qu’une certaine partici
278 s calvinistes français jugent nécessaire et bon d’ avoir une liturgie, comment se fait-il que nos Églises suisses soient les s
279 te.) Et pourtant, les Églises de Suisse devraient avoir à cœur ce rapprochement, plus qu’aucune autre Église au monde. Nos tr
280 s — que je viens d’esquisser devant vous. Je vous ai indiqué tout d’abord que la situation actuelle exige de nos Églises u
281 ou de mort, dans le monde qui se prépare. Je vous ai suggéré trois directions d’effort à la fois nécessaires et possibles 
282 st, et non pas des associations comme les autres. Avoir ensuite le souci de « désembourgeoiser » notre atmosphère, notre ton,
6 1941, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Autocritique de la Suisse (février 1941)
283 février 1941)i j Nul pays à ma connaissance, n’ a été plus souvent expliqué à lui-même et au monde que la Suisse. C’est
284 ui-même et au monde que la Suisse. C’est qu’il en a besoin plus que nul autre. Sa devise est un paradoxe qu’il n’a pas to
285 que nul autre. Sa devise est un paradoxe qu’il n’ a pas toujours bien compris. Elle exclut en principe toute doctrine uni
286 absurde de nommer « fédéraliste » un parti qui n’ a d’autre programme que la défense des intérêts locaux contre le centre
287 ui insistent sur la nécessité de l’union centrale auraient peut-être plus de droits à revendiquer le nom de fédéralistes, dans s
7 1950, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Europe unie et neutralité suisse (novembre-décembre 1950)
288 nt de l’autruche, et parfois d’une sagesse rusée, a parfaitement réussi jusqu’ici, matériellement parlant. Quant aux effe
289 privilèges dans leur pays, peuvent-ils prétendre avoir en bloc ce privilège exorbitant ? Pour commencer de répondre à cette
290 orporations ou coopératives forestières. Le pacte avait pour but de maintenir les libertés impériales acquises par ces commun
291 s acquises par ces communautés. Et ces privilèges avaient été accordés par l’empereur afin que le passage du Gothard fût gardé
292 donc, dès le début, ce premier noyau de la Suisse a reçu un statut spécial dans l’intérêt de l’Europe entière, au moins a
293 stphalie. L’expérience de la guerre de Trente Ans a montré que les cantons ne peuvent rester unis que s’ils s’abstiennent
294 en dans notre abstention du conflit. Si la Suisse avait pris parti, à ce moment-là, elle se fût déchirée en deux : une partie
295 ervée dans le jeu des puissances voisines. Il n’y a plus d’équilibre européen. Il y a l’Europe entière qui essaie de surv
296 social, parmi nous. Pour y faire face, personne n’ a proposé une meilleure solution que l’union. « Les vrais intérêts de l
297 à renforcer le Conseil de l’Europe ? Certes, nous avons fini par adhérer avec d’infinies précautions, à quelques entreprises
298 Europe, la situation est différente. M. Churchill a parlé à Strasbourg de créer une armée européenne. M. Pleven a fait vo
299 rasbourg de créer une armée européenne. M. Pleven a fait voter un projet similaire par la Chambre française. Et déjà, l’o
300 très bien que la seule mention de l’armée suisse a le don de provoquer des sourires légèrement ironiques ou incrédules c
301 Qu’ils comptent plutôt leurs divisions ! Nous en avons , je le crains, plus qu’eux tous réunis. Il n’y a qu’un seul coin de l
302 ns, je le crains, plus qu’eux tous réunis. Il n’y a qu’un seul coin de l’Europe qui soit sérieusement défendu, et le fait
303 ormis dans la fausse sécurité d’une tradition qui a peut-être fait son temps, endormis derrière la neutralité, comme la F
304 une trahison. Car je le répète : notre neutralité a été reconnue par les puissances « dans l’intérêt de l’Europe entière 
305 ntière », et non pas comme un privilège qu’il n’y aurait plus à mériter. Elle est relative à l’Europe. Et ceux qui, par erreur
306 venir sur ce point capital, que personne encore n’ a touché, tout au moins à ma connaissance. k. Rougemont Denis de, «
307 d’abord connaître objectivement la question. Nous avons rédigé un questionnaire qui sera envoyé à quelques-uns de ceux que le
8 1951, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Réplique à M. Lasserre (mars-avril 1951)
308 ars-avril 1951)m n Je regrette que M. Lasserre ait simplifié ma thèse jusqu’à la déformer, et qu’il ait apporté à sa réf
309 simplifié ma thèse jusqu’à la déformer, et qu’il ait apporté à sa réfutation moins de scrupule que d’humeur. J’avais pourt
310 à sa réfutation moins de scrupule que d’humeur. J’ avais pourtant pris soin de souligner la complexité du problème. Je parlais
311 ange d’intérêt propre et d’intérêt européen » qui a toujours caractérisé notre neutralité et qui l’a pratiquement permise
312 a toujours caractérisé notre neutralité et qui l’ a pratiquement permise. M. Lasserre veut croire que je n’ai considéré q
313 quement permise. M. Lasserre veut croire que je n’ ai considéré que l’intérêt européen : c’est sa « grave erreur liminaire 
314 européen : c’est sa « grave erreur liminaire ». J’ ai naturellement insisté sur « l’intérêt de l’Europe entière » parce que
315 ma chronique intitulée « Demain l’Europe ». Je n’ ai nullement nié ou méconnu l’intérêt propre de la Suisse. Il serait tou
316 eu des forces politiques de notre temps ! Où donc ai -je soutenu « sans réserve » que la Suisse devrait subordonner sa poli
317  l’intérêt des principaux États de l’Europe » ? J’ ai dit seulement que si la Suisse un jour décidait de renoncer à sa neut
318 l’Europe entière et de son union fédérale ; et j’ ai ajouté : « Encore faut-il que cette union prenne forme. » Telle est m
319 ésente et à venir de la Suisse, les circonstances ayant changé depuis dix ans. Demander qu’on discute un budget, ce n’est pas
320 dget, ce n’est pas demander sa suppression. (On m’ a fort mal compris, mais je ne m’en étonne guère : on comprend toujours
321 utre de fait. Tout d’abord, il est clair que je n’ ai pas pu « confondre systématiquement » le Conseil de l’Europe avec la
322 onstruction de l’Europe. C’est sur ce point qu’il eût été intéressant d’entendre l’historien respecté de Lausanne. m. Ro
9 1968, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Pour une morale de la vocation (1968)
323 Pour une morale de la vocation (1968)p q On a parfois décrit la situation présente du christianisme (protestant sur
324 re social. Aujourd’hui, poursuit-on, la théologie a été solidement reconstruite sur les bases de la dogmatique des Pères
325 isme, du piétisme et de l’existentialisme, etc. Y a-t -il encore une morale chrétienne ? Osera-t-on encore la prêcher ? Théo
326 anarchie croissante des mœurs que nos vieux sages auront à déplorer, mais au contraire l’universelle et rigoureuse réglementat
327 s, se lamenter sur la fuite du bon vieux temps qu’ auront été les siècles de luttes passionnantes entre le « péché » et la « gr
328 pas de problème, on le fait sans barguigner, sans avoir à résoudre de conflits intérieurs dramatiques, on ne parle pas de « s
329 sans débat, sans le moindre doute, on fait ce qu’ a ordonné le médecin, au lieu de se débattre interminablement avec la v
330 ent l’opinion des proches. La plupart de ceux qui ont réfléchi à ces perspectives, du côté chrétien, me semblent enclins à
331 ller ainsi demain, les Églises et leurs clergés n’ auraient en somme plus rien à dire aux hommes, aux femmes et aux enfants quant
332 ualité (comme celle du trop fameux Dr Tissot) qui ont joué le rôle que l’on sait dans la prédication, la cure d’âme et la l
333 part ces notions d’originalité de vocation, etc., ont déjà été minées par la psychologie de l’inconscient réduisant les « v
334 ion d’interroger. Ce droit de demander que ma vie ait un sens, même si je ne trouve ou ne reçois jamais de réponse certaine
335 n que je viens de caractériser à grands traits, j’ avais écrit dès 1945 — l’été d’Hiroshima — un manuscrit de quelque deux-cen
336 cents pages intitulé La Morale du But , que je n’ ai pas encore publié, fort heureusement. En effet, depuis vingt ans, je
337 rt heureusement. En effet, depuis vingt ans, je n’ ai cessé d’accumuler des notes (en vue d’ajouts indispensables), des obj
338 deste expérience, pour moi très importante, que j’ ai faite au service militaire. Je vais vous lire ces deux pages inédites
339 re. Elles sont intitulées : « De la Visée » : J’ ai appris le tir au fusil dans un pays qui, traditionnellement, fourniss
340 nés qu’il me semblait, d’un exercice à l’autre, n’ avoir fait de progrès que dans la découverte d’une maladresse naguère insou
341 ceur froide, au moment même où je me félicitais d’ avoir encore marqué un point, loin du noir, mais enfin dans la cible. « Vou
342 ez pas à votre main, ni à ce que fait l’index qui a pris le cran d’arrêt. Laissez-vous simplement hypnotiser par ce petit
343 Quand vous serez assez concentré, sans que vous l’ ayez voulu, le coup partira. Je vous le répète : pensez au but, oubliez le
344 le reste. Et maintenant vous allez essayer. Vous avez le noir ?… Vous ne voyez plus que le noir ?… » Je n’entendais plus ri
345 en d’autres anxiétés. Mais ce premier coup au but avait , en un instant, posé et vérifié pour le reste de mes jours, sous une
346 nlève pas son intrinsèque vérité.) (Plus tard, j’ ai découvert que la secte bouddhiste du zen fait grand usage du Tir et d
347 oit arriver à s’identifier au but (à la cible), à avoir ce but en soi, de telle sorte qu’il arrive un jour à mettre une flèch
348 ge même de la première. À ce moment, l’initiation a réussi). Partant de cette expérience, et des maximes que j’en déduis,
349 n directe des réalités fondamentales de la Nature ont pour origine des nécessités commerciales, par exemple, et d’ailleurs
350 tériques ou religieuses, de peuples que la Nature a fait semblables physiquement. Je me borne à mentionner ici le princip
351 sujet. À partir de Rousseau et du romantisme, on a dit trop de mal des conventions, en ce sens qu’on en a dit seulement
352 trop de mal des conventions, en ce sens qu’on en a dit seulement du mal, oubliant qu’elles sont réellement indispensable
353 ysico-chimique du terme ; et deuxièmement, il n’y a rien de plus important que les conventions dans une culture, une civi
354 es sont largement responsables) qui fait que l’on a peu à peu sacralisé au cours des âges et finalement considéré comme d
355 un peu partout, aux hasards de l’histoire, et qui avaient été les conventions utiles d’autres sociétés, notamment la cité grecq
356 ristianisme, étant la seule grande religion qui n’ ait pas institué de morale codifiée, devait fournir un terrain de choix p
357 igions. De là aussi la confusion inévitable que j’ ai dite, l’attribution à la « volonté de Dieu » ou à la Nature des chose
358 ales trop connus tiennent au fait que les Églises ont cru devoir édicter la morale de leur siècle, généralement au nom des
359 n qui va me conduire à la source de l’appel que j’ ai cru percevoir, que je cherche à entendre, à capter de nouveau, pour q
360 au, pour qu’il me guide dans l’inconnu, comme ces avions qui dans la nuit suivent la route créée par un faisceau sonore. Mais
361 les pour n’importe qui, puisque personne encore n’ a pu le suivre, puisqu’il n’existe qu’à partir de moi, et pour moi seul
362 re en doute ou de nier son existence — sauf s’ils ont fait, eux aussi, l’expérience de cet appel invraisemblable — et ils v
363 st institué pour moi seul. Et dans tout cela je n’ ai d’autre soutien que ma croyance par éclairs, ma « foi » dans l’existe
364 ce de ce But qu’on ne peut voir et que personne n’ a jamais vu. N’ayant d’autres moyens de répondre à son appel, de le rej
365 ’on ne peut voir et que personne n’a jamais vu. N’ ayant d’autres moyens de répondre à son appel, de le rejoindre, que ceux qu
366 rra, comme dans un saut… Dans ces moments, le But a dicté ses moyens. Il ne les a pas seulement justifiés, il les a faits
367 ces moments, le But a dicté ses moyens. Il ne les a pas seulement justifiés, il les a faits et me les a donnés. Je disais
368 yens. Il ne les a pas seulement justifiés, il les a faits et me les a donnés. Je disais tout à l’heure que la notion de p
369 pas seulement justifiés, il les a faits et me les a donnés. Je disais tout à l’heure que la notion de péché n’a pas sa pl
370 Je disais tout à l’heure que la notion de péché n’ a pas sa place dans le monde des règles du jeu, mais prend son sens dan
371 ’est ce qui m’empêche de répondre à l’appel que j’ ai cru entendre, c’est le refus d’y croire sans preuve dont je puisse fa
372 rop court pour tout ce qu’il prétend remuer, sans avoir indiqué au moins les principales objections que je suis le premier à
373 mais sûr ! La foi sans le doute n’est pas la foi, ont répété bien avant moi Luther et Kierkegaard. Un théologien dira (et j
374 ait de régler la conduite morale de nos peuples n’ ont pas réussi à empêcher ni même à retarder sérieusement un seul des mou
375 e reprochera (et je ne suis pas du tout sûr qu’il ait tort) d’ouvrir les portes toutes grandes au subjectivisme intégral, à
376 un individualisme anarchisant, je répondrai qu’il a bien mal compris la définition de la personne : l’homme chargé par la
377 e vocation est d’abord indicible, parce qu’elle n’ a pas et ne peut avoir de précédent, parce qu’il n’y a pas deux hommes
378 abord indicible, parce qu’elle n’a pas et ne peut avoir de précédent, parce qu’il n’y a pas deux hommes pareils, donc pas deu
379 as et ne peut avoir de précédent, parce qu’il n’y a pas deux hommes pareils, donc pas deux chemins pareils allant d’un ho
380 ntes qu’on pourra me faire seront celles que je n’ ai pas prévues… Je les attends de votre part et vous en dis d’avance ma
381 tout ce que, pour ma part et selon mes moyens, j’ aurais voulu vous faire entendre ce matin. p. Rougemont Denis de, « Pour
382 966, devant la Société pastorale suisse, qui nous a obligeamment autorisés à la publier. »