1 1938, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). La vraie défense contre l’esprit totalitaire (juillet 1938)
1 de-à-coude physique, d’une grande camaraderie. Et ce sont là les vraies raisons de sa puissance. C’est sur ce terrain-là —
2 là les vraies raisons de sa puissance. C’est sur ce terrain-là — non sur des champs de bataille hypothétiques — que nous
3 repent peut-être aujourd’hui…2 Ne croyez pas que ce soit là une vue partiale et partisane de l’histoire : c’est la versio
4 e s’opposa aux bandes armées des chemises noires. Ce fut à Sarzana, en juillet 1921. 500 fascistes avaient débarqué à la g
5 bon » selon l’expression de l’Italien. Or qu’est- ce qu’un homme décidé à tenir bon ? C’est un homme qui a conscience de s
6 n homme qui a conscience de ses raisons de vivre. Ce n’est pas l’homme le mieux armé, mais celui dont le moral est le plus
7 . L’exemple de Sarzana nous le prouve fortement : ce n’est pas le nombre et l’armement qui ont triomphé ce jour-là, mais l
8 ’est pas le nombre et l’armement qui ont triomphé ce jour-là, mais la bonne conscience civique. Or une telle bonne conscie
9 rrai le mieux faire saisir la portée immédiate de ce que j’entends quand je parle de conscience civique. Lorsque l’Allemag
10 a qu’on nous propose : faire vivre le peuple avec ce qui doit le faire mourir. C’est la politique de Gribouille : pour évi
11 u près au niveau du voisin, à perdre la mesure de ce qu’il peut dépenser sans s’affaiblir. Les armements deviennent trop l
12 eront. Un officier français résumait l’autre jour ce processus par une image un peu grosse, mais frappante : « Un 75 est p
13 itaire implique la discipline politique ». Qu’est- ce que cela signifie pratiquement ? Cela signifie que pour faire bloc co
14 ons de vivre. Voici donc le dilemme que nous pose ce mimétisme totalitaire : ou bien la démocratie ne réussit pas à faire
15 nationale. Or je crois que l’erreur qui aboutit à ce dilemme est la plus grave que nous puissions commettre en tant que Su
16 Ou sinon, c’est qu’elle est très mal préparée. Or ce processus est radicalement contraire à la tradition fédérale, traditi
17 ientôt le partage de notre État en trois nations. Ce serait la négation la plus radicale des bases mêmes de la Confédérati
18 ration. Souvenons-nous du sort de l’Autriche ! Si ce pays a succombé, ce n’est point tant qu’il ait cédé à la menace milit
19 us du sort de l’Autriche ! Si ce pays a succombé, ce n’est point tant qu’il ait cédé à la menace militaire, d’ailleurs rée
20 us avons le droit et le devoir de rester neutres, ce n’est pas comme on le dit trop souvent en vertu de nos intérêts matér
21 re compte. Si nous avons le droit d’être neutres, ce n’est pas en vertu d’un privilège divin, mais d’une mission bien défi
22 t l’Europe, pour pouvoir nous passer d’une armée. Ce n’est pas le cas. Mais il n’en reste pas moins que notre tâche est de
23 eux-mêmes. Il est donc vital pour nous de refuser ce défi, de déjouer ce calcul, et de ne pas opposer à la violence une vi
24 nc vital pour nous de refuser ce défi, de déjouer ce calcul, et de ne pas opposer à la violence une violence du même ordre
25 refuser le jeu du fort, et de le déconcerter par ce refus. Je lis dans un ouvrage anglais quelques phrases qui pourraient
26 les païens russes et les païens racistes ont fait ce que nous refusions de faire. Ils l’ont fait mal, et contre nous. Ils
27 comme l’a magnifiquement montré Nicolas Berdiaev. Ce n’est pas à la méchanceté supposée d’un Hitler ou d’un Staline que no
28 chrétiens. Ceci dit, il nous faut agir. Or agir, ce n’est pas haïr. Je ne veux, sous aucun prétexte pieux, exciter de la
29 à y croire. Ne sentez-vous pas une angoisse dans ce peut-être ? Et dans cette volonté de croire à n’importe quoi et à tou
30 té de croire à n’importe quoi et à tout prix, fût- ce à quelque chose d’aussi peu croyable que l’immortalité d’un peuple ?…
31 ce de tolérance polie serait déjà une complicité. Ce n’est pas ainsi que je conçois la charité. Quand les Romains adoraien
32 s ne condamnons pas des peuples, encore une fois. Ce que nous condamnons, ce sont des solutions et des doctrines au nom de
33 peuples, encore une fois. Ce que nous condamnons, ce sont des solutions et des doctrines au nom desquelles on veut régleme
34 onnes libres et responsables. Libres pour obéir à ce qu’elles ont accepté pour vocation, et responsables de cette vocation
35 t de l’ordre établi ». C’est bien touchant. Voici ce que dit à leur sujet la revue fasciste Gerarchia, dirigée par le prop
2 1939, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Nicolas de Flue et la Réforme (août 1939)
36 r, quelques écrits populaires sur le Bienheureux, ce ne fut pas sans émerveillement que j’entrevis la réalité historique d
37 osé une importante partition chorale. Le choix de ce sujet n’a pas été sans surprendre certains de mes amis protestants, e
38 ême — qui est la forme de sa destinée. Notons que ce capitaine, puis ce juge, puis ce père de famille — il aura dix enfant
39 rme de sa destinée. Notons que ce capitaine, puis ce juge, puis ce père de famille — il aura dix enfants — n’est pas un ty
40 inée. Notons que ce capitaine, puis ce juge, puis ce père de famille — il aura dix enfants — n’est pas un type exceptionne
41 aura jamais — de quel message Nicolas l’a chargé. Ce que l’on sait, par ce qu’attestent les documents les plus formels, c’
42 message Nicolas l’a chargé. Ce que l’on sait, par ce qu’attestent les documents les plus formels, c’est qu’à l’aube, le cu
43 ut à l’action de l’ermite du Ranft. (Remarquons à ce propos que la seule chose que tout le monde sache de Nicolas, est en
44 aurait prononcé !) La piété du Frère Claus Ce résumé d’une existence peut suffire à nous étonner, peut-être même à
45 ne point songer à la piété du jeune Luther, et à ce drame de Wittemberg dont la Réforme devait sortir ? Rappelez-vous le
46 n pouvait fournir sans danger pour la santé… Tout ce que je faisais, je le faisais en toute simplicité, par pur zèle et po
47 « manqué de discrétion » dans ses pratiques. Mais ce reproche n’atteindrait-il pas davantage un Nicolas de Flue, jeûnant p
48 » imaginable pendant ses vingt dernières années ? Ce rapprochement, que je ne puis qu’esquisser, nous mettrait-il en mesur
49 rtie et plus « théologique » du Docteur augustin. Ce serait ainsi par son aspect le plus catholique que nous pourrions pré
50 voir par curiosité. Mais cet anticléricalisme et ce désir de réformer les mœurs ecclésiastiques sont choses si courantes
51 par le marchand Rulman Merswin, au xive siècle, ce mouvement plus ou moins hérétique n’est pas sans d’intimes relations
52 Suso : Mon Seigneur et mon Dieu, ôte de moi tout ce qui m’éloigne de toi ! Mon Seigneur et mon Dieu, donne-moi tout ce
53 toi ! Mon Seigneur et mon Dieu, donne-moi tout ce qui me rapproche de toi ! Mon Seigneur et mon Dieu, arrache-moi à m
54 représenté les Amis de Dieu. Et l’on conçoit que ce mouvement, rectifié et rendu plus sobre par la connaissance directe d
55 rwald. C’est une véritable somme critique de tout ce que la tradition nous a livré concernant le pacificateur de la Suisse
56 it, pour les premières générations de la Réforme. Ce n’est pas sans un joyeux étonnement que je suis tombé, dans Dürrer, à
57 l’appui de leur œuvre de réforme de l’Église. Et ce n’est pas sans un léger mouvement de triomphe, je l’avoue, que j’ai t
58 ouvement de triomphe, je l’avoue, que j’ai trouvé ce fait, très généralement ignoré : les premiers drames mettant en scène
59 la représentation demanda « deux jours pleins ». Ce n’est qu’en 1586 que les catholiques se décidèrent à aborder eux auss
60 les catholiques se décidèrent à aborder eux aussi ce magnifique sujet. Le jésuite Jakob Gretser fit jouer à Lucerne, cette
61 re d’accord, et je n’ai pas qualité pour trancher ce problème d’ailleurs accessoire. ⁂ Ces quelques notes, bien entendu, n
62 nous ne voulons que d’autres s’en emparent. 3. Ce trait sera relevé et souligné plus tard par les réformateurs, en part
3 1940, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). La bataille de la culture (janvier-février 1940)
63 ’opportunité d’une conférence en temps de guerre, ce fait est significatif. Il prouve que nous tenons la culture pour quel
64 la culture en Occident. Je voudrais vous montrer ce soir que cette crise n’est pas théorique ; qu’elle a des conséquences
65 ulture, l’autre étant le parti de l’anti-culture. Ce genre d’opposition est très tentant, je l’avoue, et aujourd’hui plus
66 n fameux général autrichien disait un jour : Tout ce qui n’est pas aussi simple qu’une gifle ne vaut rien pour la guerre.
67 ous avons encore le droit de ne pas nous livrer à ce genre de simplifications brutales. Notre premier devoir est, aujourd’
68 t, une angoissante impuissance de l’esprit devant ce monde. Tel grand chimiste scandinave invente, dans son laboratoire, u
69 la poser et ensuite de se lamenter. Il faut voir ce que signifie une si cruelle disharmonie, quelles sont ses causes, et
70 e qui se trouve ici mis à nu. Un autre fait, dans ce même ordre. Le but des inventions techniques est double : il est d’un
71 un massacre ? — Nullement, répondit-il. Car tout ce que j’ai à voir, ce sont deux colonnes de chiffres, dont la balance e
72 lement, répondit-il. Car tout ce que j’ai à voir, ce sont deux colonnes de chiffres, dont la balance est favorable à ma ma
73 ure : c’est une absence totale de vue d’ensemble. Ce qui nous manque absolument, c’est un grand principe d’unité entre not
74 on, entre le cerveau et la main. Les résultats de ce divorce sont infinis. Mais le plus décisif, sans doute, est celui-ci 
75 ec les lois de l’action, une société qui manque à ce point d’harmonie, et où ce manque n’est même plus ressenti comme un s
76 e société qui manque à ce point d’harmonie, et où ce manque n’est même plus ressenti comme un scandale, je la vois condamn
77 once Pilate Mais alors, qui est responsable de ce divorce entre la main et le cerveau ? Nous voyons bien où il nous a m
78 en maîtriser les rouages. On ne sait pas du tout ce que vont produire ces capitaux énormes qu’on accumule à tout hasard.
79 us disons : les intellectuels auraient dû faire à ce moment-là un formidable effort de mise en ordre : ils auraient dû êtr
80 out à la fois d’angoisse et d’enthousiasme devant ce monde démesuré, porteur de tels pouvoirs de vie et de mort. Songez do
81 ensemble, n’ont répondu que par la fuite, et par ce qu’ils appelaient le désintéressement de la pensée. Ils ont renoncé à
82 fond de leur solitude. Kierkegaard qui osa écrire ce blasphème contre les préjugés du siècle : « Le plus grand adversaire
83 cité où la culture n’a plus en fait l’initiative, ce sont les lois de la production et de la guerre qui imposent leurs néc
84 e. Décadence de la communauté Je préciserai ce que j’appelle ici la commune mesure d’une civilisation : c’est le pri
85 car ces sens, justement, sont exactement définis. Ce qui est grave, c’est qu’à ces vingt-neuf sens, nous en avons ajouté d
86 de la pensée et de la foi à toutes les misères de ce monde. La liberté : tout le monde l’invoque, n’est-ce pas ? Mais pour
87 onde. La liberté : tout le monde l’invoque, n’est- ce pas ? Mais pour l’économiste libéral, cela signifie le droit de ruine
88 concurrence ; pour l’individualiste anarchisant, ce sera le refus d’obéir à l’État ; dans tel pays, la liberté consiste à
89 out simplement la permission de dire à haute voix ce que l’on pense. Et quand ces trois pays se feront la guerre, ils la f
90 ncipales de la mésentente des peuples réside dans ce désordre du langage, et dans l’absence de toute autorité morale capab
91 Église et la théologie qui s’en chargeaient. Puis ce furent les écrivains. Mais que peuvent-ils dans notre monde démesuré 
92 ue le mot d’agression avait changé de sens depuis ce printemps, « les événements lui ayant donné un contenu historique nou
93 Dumpty d’un ton méprisant, il signifie exactement ce que je veux qu’il signifie… ni plus ni moins. — La question est de sa
94 . La discipline d’État, ou le sang, ou la classe, ce sont certes des réalités. Mais des réalités partielles. Si la loi qu’
95 sincères, aboutissent au malheur de l’homme. Dans ce monde qui a perdu la mesure, le seul devoir des intellectuels — et j’
96 grandes firmes et des grands partis politiques. À ce moment se produit fatalement ce que j’appellerai un sentiment de vide
97 tis politiques. À ce moment se produit fatalement ce que j’appellerai un sentiment de vide social. C’est une sorte d’angoi
98 tal. N’allons pas dire que c’est une utopie ! Car ce problème a été résolu, cet idéal réalisé, au ier siècle de notre ère
99 alors, cesse d’être toi-même ! Comment sortir de ce cercle vicieux ? Par un changement d’état d’esprit aussi bien chez le
100 re, les lecteurs, le public cultivé. Car c’est de ce changement d’état d’esprit que sortira la possibilité de repenser une
101 ne, par l’esprit créateur sur l’esprit fataliste. Ce qui paralysait les intellectuels qui sentaient le besoin d’agir sur l
102 e est en train de subir certains coups décisifs : ce sont précisément les hommes de science qui, les premiers, cessent d’y
103 préparer une paix solide. Car, après tout, qu’est- ce que la guerre actuelle ? C’est la rançon fatale du gigantisme et de l
104 der la paix, puisque l’autre aboutit à la guerre. Ce n’est pas notre orgueil qui l’imagine, ce sont les faits qui nous obl
105 guerre. Ce n’est pas notre orgueil qui l’imagine, ce sont les faits qui nous obligent à le reconnaître avec une tragique é
106 u’en fait, si nous sommes là, au service du pays, ce n’est pas pour défendre des fromages, des conseils d’administration,
107 tout cela aussi bien que nous, peut-être mieux !) Ce n’est pas non plus, comme le disait fort bien Karl Barth, pour protég
108 de la propagande se chargerait très volontiers de ce travail de Heimatschutz.) Si nous sommes là, c’est pour exécuter la m
109 adition civique et culturelle nous a dressés pour ce genre de mission. On parle un peu partout de fédérer l’Europe. Cela n
110 es cosmiques. La vie de la cité et de la culture, ce sera toujours une bataille. Entre l’esprit de lourdeur, comme disait
4 1940, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). L’heure sévère (juin 1940)
111 eulement sur l’état de leurs nerfs. Sans intérêt. Ce qu’il nous faut à l’heure que nous vivons, ce sont des pessimistes ré
112 êt. Ce qu’il nous faut à l’heure que nous vivons, ce sont des pessimistes réfléchis, maîtres d’eux-mêmes et objectifs. Je
113 maîtres d’eux-mêmes et objectifs. Je dirai plus : ce qu’il nous faut, ce sont des pessimistes actifs. Des hommes qui pense
114 et objectifs. Je dirai plus : ce qu’il nous faut, ce sont des pessimistes actifs. Des hommes qui pensent et qui agissent c
115 siècle. Nous ne savons plus prendre au sérieux «  ce qui nous dépasse », tant par en haut que par en bas. La croyance au P
116 nue l’heure sévère. Ouvrons les yeux et apprenons ce qu’il en est de notre châtiment. ⁂ L’Europe est en train de payer le
117 s matériel ? Question stupide et irritante, n’est- ce pas, aux yeux de qui refuse d’envisager la vie comme une totalité ori
118 « Si quelque chose aujourd’hui menace la liberté, ce n’est pas comme jadis la superstition, […] c’est la préoccupation, la
119 é, et l’idole du confort, et l’idole du progrès — ce progrès qui ne sait rien que répéter comme une horloge parlante : « T
120 ternationales, pour avoir refusé obstinément tout ce qui lésait si peu que ce soit notre confort, notre profit, nos égoïsm
121 refusé obstinément tout ce qui lésait si peu que ce soit notre confort, notre profit, nos égoïsmes de nations, nous voici
122 ur le plan des relations de peuple à peuple. Tout ce que nous jugions impossible quand il s’agissait du vivre, nous le tro
123 ité ? Nous avons la peur et la guerre. Nous avons ce que méritons. Nous sommes payés et nous payons selon notre justice à
124 dans son principe ; ou la conquête, mais qui tue ce qu’elle conquiert. « Mea culpa » des gens de droite, qui croyaient po
125 rre, et peut-être y resteront-ils. Ils ont encore ce bref délai de grâce dont je parlais aux Hollandais, en novembre de l’
126 cette année, et cela fait déjà cinq mois passés. Ce délai nous permet de comprendre, d’avouer nos fautes et celles de not
127 cause de cela même. Il est dur de reconnaître que ce châtiment, qui nous atteint aussi, est mérité ; et qu’il était logiqu
128 s, nos sympathies et nos passions. Je ne sais pas ce que l’avenir vaudra, mais je sais que s’il vaut quelque chose, ce ser
129 vaudra, mais je sais que s’il vaut quelque chose, ce sera grâce à l’action personnelle des hommes qui auront su répudier l
130 l’ère bourgeoise. Car ceux-là seuls sauront alors ce qui mérite d’être sauvé ou recréé. Non pas le droit et la justice don
131 nous le payons maintenant, une fois pour toutes. Ce qui comptera, ce qui vaudra toujours, l’Écriture nous l’apprend lorsq
132 aintenant, une fois pour toutes. Ce qui comptera, ce qui vaudra toujours, l’Écriture nous l’apprend lorsqu’elle dit : « Le
133 st, transibit — c’est un petit nuage, il passera. Ce n’était pas de l’optimisme. Athanase prévoyait qu’avec le « petit nua
5 1940, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). L’Église et la Suisse (août 1940)
134 e et la Suisse (août 1940)g h Je vous parlerai ce matin de l’Église visible et non pas de l’Église en général. Je vous
135 se ; et de la Suisse, telle que nous la voyons en ce mois de juillet de 1940. Ce ne sera pas une conférence bien bâtie, je
136 que nous la voyons en ce mois de juillet de 1940. Ce ne sera pas une conférence bien bâtie, je tiens à vous le dire tout d
137 le de confiance. Tout craque autour de nous, mais ce n’est pas une raison de se lamenter ou de se décourager, bien au cont
138 s d’autre espoir que son travail. Contrairement à ce que beaucoup croient, cette situation n’est pas nouvelle dans notre h
139 t dans un pays voisin ? Je n’oserais pas répondre ce matin. Ni oui ni non. Mais je voudrais que cette question reste posée
140 e. C’est lorsque tout paraît désespéré qu’on voit ce qui était vraiment solide. L’Église de Suisse est-elle vraiment solid
141 établir un régime communiste, au sens littéral de ce mot. Mais je me demande seulement si elles sont prêtes à envisager ce
142 au moins en théorie, de faire quelque chose dans ce sens, à supposer que les circonstances l’exigent un jour prochain. Je
143 ou à leurs intérêts professionnels. Je me demande ce qui compte à leurs yeux, ce qui compte avant tout et pratiquement — s
144 onnels. Je me demande ce qui compte à leurs yeux, ce qui compte avant tout et pratiquement — songeant au jour où il faudra
145 ons-nous au travail pour essayer de refaire, avec ce dont nous disposons, quelque chose de plus solide, de plus vivant, qu
146 t d’amour du prochain. Mais je tiens à redire ici ce que je disais cet hiver à Tavannes : Nous ne devons pas être chrétie
147 glise confessionnelle en Allemagne, on comprendra ce que je veux dire, — et que le problème est urgent ! II La secon
148 èle missionnaire, d’amour des âmes. Si nous avons ce zèle et ce souci, l’atmosphère un peu renfermée de certaines de nos p
149 naire, d’amour des âmes. Si nous avons ce zèle et ce souci, l’atmosphère un peu renfermée de certaines de nos paroisses se
150 ves gens, mais accueilli dans une maison de Dieu. Ce que je voudrais dire encore sur ce sujet est peut-être un peu délicat
151 aison de Dieu. Ce que je voudrais dire encore sur ce sujet est peut-être un peu délicat. C’est une requête que je présente
152 ont seules à la hauteur de la situation présente. Ce ne sont jamais nos idées personnelles, nos commentaires et notre éloq
153 nte. C’est un laïque qui parle ici, je le répète. Ce n’est pas un docteur de l’Église ! Les théologiens élèveront peut-êtr
154 s élèveront peut-être de fortes objections contre ce que je vais dire. Je suis prêt à les écouter avec déférence. Mais je
155 nt attaché à la liturgie des Églises réformées de ce pays. J’entends ici par liturgie : la partie du culte qui n’est pas l
156 os cultes, à quelques rares exceptions près10. Et ce n’est pas seulement le défaut de liturgie qui me choque, mais le manq
157 ’on ne saurait pas comment les définir autrement… ce seul fait démontre à l’évidence que nous ignorons le sens et la porté
158 ise… Voici un détail significatif, à mes yeux, de ce même défaut de sens liturgique : lorsqu’il arrive qu’on lise, au débu
159 ains pasteurs paraissent craindre la monotonie de ce vieux texte, et croient bien faire en y apportant quelques variantes
160 uple complètement privé de toute manifestation de ce genre risque d’être une proie facile pour les caricatures de liturgie
161 elle ne se laissera pas arrêter par ces détails. Ce qui est plus grave, c’est que le sermon, s’il n’est pas exceptionnell
162 m. En sortant de là, elle ne saura pas exactement ce que nous croyons, elle pourra s’imaginer les choses les plus fausses.
163 n de participer, par le chant ou la récitation, à ce témoignage collectif, dans la communauté de mes frères, connus ou inc
164 pasteur remercier Dieu, du haut de la chaire, de ce que Dieu « nous a permis de lui parler tout simplement, d’homme à hom
165 x, s’agenouiller, chanter spontanément un répons, ce sont des gestes qui engagent, et par lesquels on témoigne. Ce sont de
166 gestes qui engagent, et par lesquels on témoigne. Ce sont des gestes qui manifestent, visiblement, la communauté de la foi
167 foi, de l’humiliation, ou de la joie chrétienne. Ce sont des gestes, enfin, qui favorisent l’oubli de soi et qui libèrent
168 i libèrent des fausses pudeurs. Pour en finir sur ce sujet, je vous demanderai de vous poser à vous-même cette seule quest
169 ant, les Églises de Suisse devraient avoir à cœur ce rapprochement, plus qu’aucune autre Église au monde. Nos traditions f
170 lises un grand effort vers la communauté vivante. Ce sera peut-être une question de vie ou de mort, dans le monde qui se p
6 1941, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Autocritique de la Suisse (février 1941)
171 déralistes, ou régionalistes, nomment « fédéral » ce qui procède de Berne. Il en résulte que leur fédéralisme se résume à
172 e que leur fédéralisme se résume à combattre tout ce qui est dit fédéral. Comprenne qui pourra ! Cette confusion verbale,
7 1950, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Europe unie et neutralité suisse (novembre-décembre 1950)
173 us qu’ils ne croient à nos libertés, et vraiment, ce n’est pas beaucoup dire. Il serait donc temps qu’en Suisse au moins,
174 comprendre un peu mieux les raisons véritables de ce statut spécial, qui ne résulte pas d’une loi éternelle de la nature,
175 ige à des prises de position. On n’aime pas cela… Ce qu’on veut, c’est la paix chez soi et tant pis pour les voisins. Ce q
176 st la paix chez soi et tant pis pour les voisins. Ce qu’on veut, c’est faire du commerce avec tout le monde, sans se compr
177 es philanthropiques. Il faut bien le reconnaître, ce repliement intéressé, qui tient parfois du raisonnement de l’autruche
178 nt. Quant aux effets moraux, sur notre peuple, de ce tour de force prolongé, ils sont hélas plus discutables. Et si vraime
179 raiment notre neutralité n’était rien d’autre que ce que le Suisse moyen semble croire aujourd’hui, il ne faudrait pas s’é
180 ns leur pays, peuvent-ils prétendre avoir en bloc ce privilège exorbitant ? Pour commencer de répondre à cette question, j
181 r de répondre à cette question, je me contenterai ce soir d’un rapide aperçu sur l’histoire de notre neutralité, car je so
182 ointaines de notre État, il y a le Pacte de 1291. Ce pacte fut juré par les représentants des trois communautés des Waldst
183 r tout le Saint-Empire. Ainsi donc, dès le début, ce premier noyau de la Suisse a reçu un statut spécial dans l’intérêt de
184 ux-mêmes divisés entre les deux confessions. Mais ce n’est qu’en 1815 que la neutralité de la Suisse se voit proclamée, sa
185 érêts de l’Europe entière ». En 1914, on retrouve ce même mélange d’intérêt propre et d’intérêt européen dans notre absten
186 tion du conflit. Si la Suisse avait pris parti, à ce moment-là, elle se fût déchirée en deux : une partie tenant pour la F
187 que notre neutralité dépendait donc, au début de ce siècle, du fameux « équilibre européen ». Mais déjà en 1939, la ques
188 , ou même qu’il y a dix ans ? Je ne le pense pas. Ce que les auteurs des traités de 1815 entendaient par l’intérêt de l’Eu
189 parce que nous ne pouvions plus faire autrement. Ce n’était pas pour hâter l’union, mais par intérêt bien compris. Il ser
190 ntes comme autant de contributions à l’unité. Sur ce plan général, il semble difficile de soutenir que la neutralité repré
191 endu, et le fait est, paradoxal mais évident, que ce petit coin, c’est la Suisse neutre. Quand l’armée de l’Europe commenc
192 être posé, encore moins résolu, dans l’abstrait. Ce qu’il faut savoir tout d’abord, c’est pour quelle raison grande et fo
193 il lui sera difficile de trancher, ne sachant pas ce que pense le peuple suisse. Il ne faut pas que l’histoire nous surpre
194 ernier derrière sa Bombe. Je voulais introduire, ce soir, une discussion qui, je l’espère, deviendra générale, et qui me
195 de nos institutions. Je me promets de revenir sur ce point capital, que personne encore n’a touché, tout au moins à ma con
196 nous sommes ? » Comme le précise une note finale, ce texte est issu « des chroniques lues à Radio-Genève les 30 octobre et
8 1951, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Réplique à M. Lasserre (mars-avril 1951)
197 ligner la complexité du problème. Je parlais de «  ce mélange d’intérêt propre et d’intérêt européen » qui a toujours carac
198 térêt de l’Europe entière » parce que c’était par ce biais-là que je pouvais aborder le problème suisse, dans le cadre gén
199 s bien léger de penser, ou de laisser croire, que ce propre intérêt soit seul en cause dans le jeu des forces politiques d
200 sse un jour décidait de renoncer à sa neutralité, ce ne pourrait être qu’au profit de l’Europe entière et de son union féd
201 depuis dix ans. Demander qu’on discute un budget, ce n’est pas demander sa suppression. (On m’a fort mal compris, mais je
202 opéenne ; qu’il fasse état, très sérieusement, de ce que l’OECE « reste ouverte » aux pays de l’Est ; et qu’enfin tous les
203 ze États, et non dix comme le répète mon censeur, ce qui fausse ses calculs à la base. Finalement, quelle est la position
204 uisse dans la construction de l’Europe. C’est sur ce point qu’il eût été intéressant d’entendre l’historien respecté de La
9 1968, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Pour une morale de la vocation (1968)
205 ut cas, sont nettement définies. Mais la morale ! Ce serait peu de dire qu’elle est en crise : on ne sait même plus très b
206 lle est en crise : on ne sait même plus très bien ce qu’elle est, ni où elle est, ce qu’elle peut ou doit dire encore, et
207 me plus très bien ce qu’elle est, ni où elle est, ce qu’elle peut ou doit dire encore, et au nom de quoi. Le « moralisme d
208 er ? Théologie solide, morale problématique ; est- ce bien la réalité de notre temps ? Oui sans doute, si nous bornons l’en
209 en Europe. Mais dans le reste du monde, déjà — et ce sera vrai pour nous aussi bientôt —, je vois se dessiner un tout autr
210 le du siècle passé, mais radicalisée. D’une part, ce que l’on nomme aux États-Unis et en Grande-Bretagne la « théologie de
211 xie et de révélation ; néanmoins, cette école (ou ce mouvement) veut conserver l’amour du Christ, c’est-à-dire la forme d’
212 ersuade, qui agit, et qui contraint. En regard de ce progrès de la Science sur tous les fronts, moralisme et immoralisme,
213 , vertus et vices apparaissent également démodés. Ce qui est sérieux, ce qui intéresse, c’est le mode d’emploi de notre un
214 paraissent également démodés. Ce qui est sérieux, ce qui intéresse, c’est le mode d’emploi de notre univers actuel et le r
215 emière fois dans l’Histoire de nos civilisations, ce n’est pas l’anarchie croissante des mœurs que nos vieux sages auront
216 me borne à relever ceci : à supposer que demain, ce soit un collège formé de généticiens, de psychologues, de démographes
217 tations obsédantes, les décisions farouches, tout ce pathos traditionnel de l’existence morale va s’évaporer ! Exécuter un
218 délai, sans débat, sans le moindre doute, on fait ce qu’a ordonné le médecin, au lieu de se débattre interminablement avec
219 ns, serait en quelque sorte livrée au « monde » ? Ce qui semble effrayer beaucoup de ces observateurs, c’est l’idée que s’
220 longue bataille en retraite pour tenter de sauver ce qui pourrait l’être de ce qu’on appelait « morale chrétienne », au li
221 e pour tenter de sauver ce qui pourrait l’être de ce qu’on appelait « morale chrétienne », au lieu de se cramponner à un m
222 ont séculiers, par nature et destination, et dans ce sens sont à César, mais la vocation de la personne est à Dieu, vient
223 sonne est à Dieu, vient de Dieu et conduit à Lui, ce qu’aucune morale ne pourra jamais faire, même si on la baptise « chré
224 us les égards. Je dois m’expliquer maintenant sur ce presque, car il est capital. Supposez, dans x années, une forme d’exi
225 ment aberrant de cet individu. Je le vois plutôt, ce candidat chrétien, comme celui qui, tout en accomplissant judicieusem
226 e nulle et vide. Chrétien en cela qu’il cherchera ce sens dans les voies de l’amour, qui implique l’existence des autres,
227 seront à la fois le contenu et les conditions de ce qu’il nommera sa « liberté ». Cela sera vu et ressenti comme un refus
228 action dernière, d’un non-contentement essentiel. Ce ne sera pas une attitude de révolté à gilet rouge, mais le droit qu’o
229 oute réponse et de toute permission d’interroger. Ce droit de demander que ma vie ait un sens, même si je ne trouve ou ne
230 maladresse naguère insoupçonnée. Je faisais tout ce que l’on me prescrivait, et que je voyais faire aux autres. Je prenai
231 igeait les autres, et je me résolus à profiter de ce répit pour trouver par moi-même le secret de mes erreurs et le moyen
232 pensez au noir. Ne pensez pas à votre main, ni à ce que fait l’index qui a pris le cran d’arrêt. Laissez-vous simplement
233 n d’arrêt. Laissez-vous simplement hypnotiser par ce petit disque noir à trois-cents mètres qui danse sur la ligne de mire
234 décisives à mon sens, du conseil en trois mots de ce jeune officier — « pensez au noir » —, elles ne devaient m’apparaître
235 nées, à l’épreuve de bien d’autres anxiétés. Mais ce premier coup au but avait, en un instant, posé et vérifié pour le res
236 aiment dictés par elle. (Le fait que l’on invoque ce proverbe pour couvrir des tricheries évidentes ne lui enlève pas son
237 river à s’identifier au but (à la cible), à avoir ce but en soi, de telle sorte qu’il arrive un jour à mettre une flèche d
238 une deuxième dans la tige même de la première. À ce moment, l’initiation a réussi). Partant de cette expérience, et des m
239 uation des conduites humaines. Je pose d’un côté ce que j’appelle les Règles du Jeu, l’ensemble des moyens de vivre. Et j
240 ble, on peut à première vue distinguer d’une part ce qui relève expressément de l’artifice et de la convention donnée pour
241 la convention donnée pour telle, et d’autre part ce qui répond à des nécessités naturelles et pratiques. Mais une analyse
242 antisme, on a dit trop de mal des conventions, en ce sens qu’on en a dit seulement du mal, oubliant qu’elles sont réelleme
243 le type même du geste insignifiant en soi ; mais ce même petit déplacement devient un acte sur lequel les meilleurs cerve
244 ttre à une critique systématique et scientifique. Ce qui rend cette tâche si difficile et ingrate, dans la plupart des cas
245 ’est l’inspiration morale au degré suprême ; mais ce n’est pas un code, une loi, un recueil de règles, et c’est même ce qu
246 ode, une loi, un recueil de règles, et c’est même ce qui devrait permettre de se passer de code, de lois, de règles… « Ama
247 lonté de Dieu » ou à la Nature des choses de tout ce que la société juge indispensable à son bien : tantôt l’esclavage et
248 ivent la route créée par un faisceau sonore. Mais ce chemin sans précédent, — puisqu’il part de moi seul pour me conduire
249 yance par éclairs, ma « foi » dans l’existence de ce But qu’on ne peut voir et que personne n’a jamais vu. N’ayant d’autre
250 crois, et où j’arrive par instants à oublier tout ce qui me fait douter du But et de l’appel et du chemin, quand je m’aban
251 onde de la vocation, mon péché particulier, c’est ce qui m’empêche de répondre à l’appel que j’ai cru entendre, c’est le r
252 , crée ou jalonne pour moi seul. Mon péché, c’est ce qui obscurcit ma visée, me fait perdre de vue le but, m’en fait doute
253 me détourne d’agir ma vocation. Et je découvre, à ce propos, que le mot désignant le péché en hébreu signifie littéralemen
254 gnant le péché en hébreu signifie littéralement «  ce qui manque le but » ; et en grec : « ce qui passe au-dessus de la lig
255 alement « ce qui manque le but » ; et en grec : «  ce qui passe au-dessus de la ligne normale », ou : « ce qui tombe à côté
256 qui passe au-dessus de la ligne normale », ou : «  ce qui tombe à côté ». Voilà qui correspond, n’est-ce pas, d’une manière
257 e qui tombe à côté ». Voilà qui correspond, n’est- ce pas, d’une manière assez frappante, à mes images initiales du tireur
258 oup trop simplifié, beaucoup trop court pour tout ce qu’il prétend remuer, sans avoir indiqué au moins les principales obj
259 ormateurs, et aussi des meilleurs psychologues de ce temps, qui peuvent au moins déceler les fausses vocations… Mais les r
260 les risques subsistent, je ne les minimise pas : ce sont les risques de la Foi et de la confiance dans le Saint-Esprit. J
261 risques inverses, nés de l’exigence exclusive de ce que l’on nomme « objectivité scientifique », et qui évacue de la réal
262 scientifique », et qui évacue de la réalité tout ce qui ne peut être enregistré par la mémoire d’une machine électronique
263 inisme ? Un troisième théologien, prenant acte de ce que je ne crois pas du tout à une morale révélée, ni directement ni a
264 mprendre le message ou l’appel qui nous en vient. Ce n’est pas appliquer une règle connue, la même pour tous, en tous les
265 épasse, à faire grandement la moindre des choses, ce qu’il doit faire lui seul. (Et d’abord, à se faire lui-même, ajoutera
266 Question, celle du Sens, celle du But. C’est tout ce que, pour ma part et selon mes moyens, j’aurais voulu vous faire ente
267 on mes moyens, j’aurais voulu vous faire entendre ce matin. p. Rougemont Denis de, « Pour une morale de la vocation »,
268 p. 5-29. q. Une note de la rédaction précise : «  Ce texte est celui d’une conférence, prononcée à Neuchâtel en septembre