1 1938, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). La vraie défense contre l’esprit totalitaire (juillet 1938)
1 sultait de la destruction de toute commune mesure dans la cité (ou d’un défaut total d’éducation, comme en Russie). Ensuite
2 s’imposèrent-ils ? Par la terreur. Ils arrivaient dans un village, par petits groupes montés sur des camions mettaient le fe
3 feu, la petite armée des chemises noires s’enfuit dans les campagnes. Cet épisode est symbolique, comme le prouve le rapport
4 loi historique : le totalitarisme n’est fort que dans la mesure où le civisme est faible ; il est fort des lâchetés individ
5 est fort des lâchetés individuelles, répercutées dans le pouvoir établi ; et demain, s’il triomphe chez nous, sa puissance
6 ous reprenions conscience de nos raisons de vivre dans la communauté, et des devoirs qu’impliquent nos libertés actuelles. J
7 ndent les totalitaires. Plaçons-nous tout d’abord dans l’hypothèse que seule la force matérielle peut résister à une menace
8 i l’on y réfléchit. Quand il y a trop de médecins dans un pays, et donc chômage dans la profession médicale, personne n’a ja
9 a trop de médecins dans un pays, et donc chômage dans la profession médicale, personne n’a jamais eu l’idée de proposer qu’
10 c à la manière fasciste, et alors elle est battue dans la « guerre totale » ; ou bien la démocratie réussit à faire bloc, ma
11 utrui. Nous ne pouvons compter sur cette aide que dans la mesure où nous sommes pour l’Europe quelque chose dont elle a beso
12 u fort, et de le déconcerter par ce refus. Je lis dans un ouvrage anglais quelques phrases qui pourraient orienter nos reche
13 uteur, agit comme le manque d’opposition physique dans le jiu-jitsu : elle fait perdre son équilibre à l’assaillant. Elle lu
14 aquelle il s’attend. Il se trouve comme précipité dans un nouveau monde de valeurs, où il ne sait comment agir, et il y perd
15 mais bien de cette forme mécanique qu’elle revêt dans la guerre moderne. Aussi bien, la page que je viens de citer ne propo
16 de l’esprit de sacrifice qu’on met ordinairement dans le métier des armes, il est certain qu’on obtiendrait des résultats c
17 rofondes du culte qu’on lui rend. Or je distingue dans ces raisons plus d’angoisse que de méchanceté. J’ai reçu cet hiver, d
18 nous à y croire. Ne sentez-vous pas une angoisse dans ce peut-être ? Et dans cette volonté de croire à n’importe quoi et à
19 ntez-vous pas une angoisse dans ce peut-être ? Et dans cette volonté de croire à n’importe quoi et à tout prix, fût-ce à que
20 de libérer ces peuples en leur donnant l’exemple, dans nos pays, d’une meilleure solution de leur problème. Contre les excès
21 vérité totale, qui n’appartient qu’à Dieu. C’est dans la mesure où nous ordonnerons nos vies à cette vérité-là, à elle d’ab
22 tructive, qui se situe d’une manière très précise dans le mouvement de l’Histoire occidentale. Trois siècles d’individualism
23 mpuissants, isolés, anxieux. Allons-nous retomber dans une folie inverse, encore plus grave, la religion collectiviste ? Le
24 Race, Empire. 2. Quelques bourgeois veulent voir dans le fascisme le « rempart de l’ordre établi ». C’est bien touchant. Vo
2 1939, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Nicolas de Flue et la Réforme (août 1939)
25 rande majorité des Suisses d’aujourd’hui, surtout dans les cantons protestants, Nicolas de Flue est une figure quasi mythiqu
26 si facilement, un héros dont l’activité se résume dans ses « bonnes paroles » ? Les catholiques, par contre, cultivent avec
27 béatifié, et que la vénération du peuple, surtout dans les petits cantons, a déjà mis au rang des saints (bien que la canoni
28 l m’est apparu, en effet, à mesure que j’avançais dans mon travail, que la figure de Nicolas de Flue pouvait revêtir pour le
29 gnation, autour du siège de Saint-Pierre raffermi dans sa Primauté. Mais une discipline extérieure ne pouvait pas tromper le
30 s. Mais non, parvenu à l’âge d’homme, il s’engage dans les bandes armées qui guerroyaient alors contre les seigneurs autrich
31 auxquelles on lui fait prendre part, il se retire dans son canton natal pour y exercer les fonctions patriarcales de juge de
32 ès, le décide à déposer sa charge et à se retirer dans sa famille. C’est le deuxième temps de cette espèce de retraite conce
33 ors du clergé constitué. À une heure de chez lui, dans la gorge du Ranft, il se construit une cellule, auprès d’une minuscul
34 anger ! Une fois par semaine il s’en va communier dans un des villages voisins, et c’est là toute sa nourriture. Car n’est-i
35 ont laissé la relation de leur visite : unanimes dans l’admiration devant cet « homme de Dieu » fruste et biblique.) Il n’e
36 aire conseille aux Suisses de se montrer prudents dans l’affaire de Bourgogne, où l’Autriche et la France complotent de les
37 ns parvint à réunir les députés, et leur transmit dans une séance secrète les conseils de Nicolas. Miracle ? Ou résultat d’u
38 onnantes. Pour ma part, je tenterai de distinguer dans la vie religieuse de Nicolas trois tendances ou trois courants qui pe
39 is, je ne puis me persuader qu’il ait été décisif dans sa vie. Si l’on considère d’une part la sainteté des œuvres qu’il pra
40 rochent à Luther d’avoir « manqué de discrétion » dans ses pratiques. Mais ce reproche n’atteindrait-il pas davantage un Nic
41 proportions gardées, il me paraît licite de voir dans le cas du paysan, illettré et simple fidèle, une sorte de préfigurati
42 iguration du drame qui se jouera un peu plus tard dans la conscience infiniment plus avertie et plus « théologique » du Doct
43 catholique que nous pourrions précisément saisir, dans la piété de Nicolas, les éléments sinon « protestants » du moins pré-
44 venir prêtre, mais surtout en cherchant son salut dans une solitude érémitique d’ailleurs pleine d’activité autant que de co
45 ècle, et Nicolas de Flue ne saurait s’expliquer — dans la mesure où l’on peut l’expliquer — si l’on ne tenait pas compte de
46 pu déboucher, quelque cinquante années plus tard, dans la Réforme luthérienne et zwinglienne. (Tout de même que le mouvement
47 pas sans un joyeux étonnement que je suis tombé, dans Dürrer, à peine les gros volumes ouverts, sur une abondance de citati
48 nts, composés par des disciples de Zwingli, voire dans des intentions de polémique antiromaine (lesquelles d’ailleurs sont l
49 ui mentionne le Frère Claus avec de grands éloges dans un ouvrage daté de 1522. (Nous sommes donc aux tout premiers jours de
50 glises protestantes, mentionne longuement Nicolas dans son Catalogue des témoins de la foi qui se sont dressés avant Martin
51 1523 déjà, Zwingli cite l’exemple du Frère Claus dans un sermon sur le Bon berger et les mauvais bergers. Puis en 1524, il
52 us trouvons de nombreuses mentions du Frère Claus dans les sermons et traités de Bullinger (successeur de Zwingli à Zurich) 
53 tires et drames. — La première mention de Nicolas dans une satire catholique date de 1522. Chose curieuse, elle est extrêmem
54 uc Ferdinand II d’Autriche fit rechercher en 1570 dans toutes les maisons du Tyrol les livres favorables à la Réforme, afin
55 res favorables à la Réforme, afin de les brûler ; dans la liste de ceux qui furent détruits figure un Jeu de Frère Claus et
56 fameuse corne !), et Moïse ou Élie intervenaient dans les débats le plus naturellement du monde. Il y avait, selon Dürrer,
57 comme une prophétie contre le pape, dont la tête, dans l’image traditionnelle, est environnée de trois glaives, l’un d’eux a
58 aux protestants, comme une part de leur héritage. Dans une période où le sens fédéral paraît renaître parmi nous, il m’a sem
59 pose le bien de chacun ; Nicolas témoin de la foi dans une époque où toute la chrétienté était encore extérieurement unie, —
3 1940, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). La bataille de la culture (janvier-février 1940)
60 ment réussi. Nous persistons tous, plus ou moins, dans la manie des primitifs : nous rendons responsables de nos maux — les
61 ce monde. Tel grand chimiste scandinave invente, dans son laboratoire, un corps nouveau, un puissant explosif, grâce auquel
62 nérale qui se trouve ici mis à nu. Un autre fait, dans ce même ordre. Le but des inventions techniques est double : il est d
63 , qu’on finit par ne plus les voir. Il est admis, dans notre société, que les hommes de la pensée n’ont rien à dire d’utile
64 , je la vois condamnée à glisser, comme la nôtre, dans un désordre dont la guerre sera toujours le seul aboutissement. L’
65 le des débuts du xixe siècle a été, en effet, et dans tous les domaines, l’agrandissement très brusque des possibilités hum
66 un demi-siècle, de 25 000 habitants à 4 millions. Dans ces villes, se sont entassées des masses humaines informes et démesur
67 aux proportions de la nation entière. Voici donc, dans tous les domaines, que nos pouvoirs d’agir matériellement grandissent
68 riellement grandissent, par une mutation brusque, dans la proportion de 1 à 100. Que va faire la pensée, en présence de cet
69 es penseurs et les philosophes du dernier siècle, dans leur ensemble, n’ont répondu que par la fuite, et par ce qu’ils appel
70 mais ils ont dit : la dignité de la pensée réside dans son détachement de toute action, dans son désintéressement scientifiq
71 nsée réside dans son détachement de toute action, dans son désintéressement scientifique. Ils n’ont pas dit : nous ne voulon
72 idienne. On ne peut plus prêcher le christianisme dans un monde où règne la presse. » Et Nietzsche, de son côté, dénonçait l
73 é. Et voici où nous rejoignons le temps présent. Dans une cité où la culture n’a plus en fait l’initiative, ce sont les loi
74 s se trouvent séparés les uns des autres. Chacun, dans sa spécialité, suit des voies totalement divergentes, tracées par des
75 oniser toutes les activités d’une société donnée. Dans la cité grecque, par exemple, tout était rapporté à la mesure de l’in
76 t rapporté à la mesure de l’individu raisonnable. Dans l’Empire romain, tout était réglé par le droit d’État. Chez les Juifs
77 t la Loi de Moïse qui ordonnait toute l’existence dans ses plus minutieux détails. Au Moyen Âge, la théologie. Dans toutes c
78 us minutieux détails. Au Moyen Âge, la théologie. Dans toutes ces civilisations, l’action obéissait spontanément aux mêmes l
79 ie sont méprisés ou ignorés, maintenant que tout, dans le monde, échappe aux prises de l’esprit humain, il ne reste qu’un se
80 t et l’État sont des principes qui ne valent rien dans le domaine de l’esprit. Et dès lors, la culture en chômage se corromp
81 ous ? Prenons trois mots parmi les plus fréquents dans les discours et les écrits de notre époque : esprit, liberté et ordre
82 e le mot esprit a déjà vingt-neuf sens différents dans le dictionnaire de Littré. Mais cela n’est pas un mal, car ces sens,
83 ra que je néglige la vie concrète, que je m’évade dans le spiritualisme, alors que je ne vois de salut pour l’esprit que dan
84 , alors que je ne vois de salut pour l’esprit que dans la présence effective de la pensée et de la foi à toutes les misères
85 anarchisant, ce sera le refus d’obéir à l’État ; dans tel pays, la liberté consiste à s’armer jusqu’aux dents au prix de du
86 mer jusqu’aux dents au prix de dures privations ; dans un deuxième pays, la liberté signifiera le droit pour le plus fort de
87 pour le plus fort de s’annexer un voisin faible ; dans un troisième pays, la liberté sera tout simplement la permission de d
88 dre établi, tantôt le fait qu’on n’assassine plus dans la rue mais seulement dans les prisons d’État. Je n’hésite pas à le d
89 qu’on n’assassine plus dans la rue mais seulement dans les prisons d’État. Je n’hésite pas à le dire : l’une des causes prin
90 s principales de la mésentente des peuples réside dans ce désordre du langage, et dans l’absence de toute autorité morale ca
91 es peuples réside dans ce désordre du langage, et dans l’absence de toute autorité morale capable d’y porter remède. Car qui
92 uis ce furent les écrivains. Mais que peuvent-ils dans notre monde démesuré ? Un Valéry, un Gide ou un Claudel ont quelques
93 le sentent aussi bien que les chefs, obscurément, dans les trop grands pays. C’est une angoisse informulée, mais dont les si
94 el des masses vers une communauté humaine rénovée dans son esprit et dans ses signes, l’appel de toute l’Europe du xxe sièc
95 une communauté humaine rénovée dans son esprit et dans ses signes, l’appel de toute l’Europe du xxe siècle vers une commune
96 humaine. Et s’il n’est pas encore aussi tragique dans des pays moins menacés par la misère, comme par exemple nos petits Ét
97 rale ? Il nous faut rapprendre à penser, à penser dans le train de l’action, oui, à penser avec les mains. Il nous faut voir
98 utiles et tournent au malheur. Car le mal qui est dans l’action n’a pas d’autres racines que le mal qui est dans la pensée.
99 ction n’a pas d’autres racines que le mal qui est dans la pensée. Et voici sa racine profonde : politiciens ou intellectuels
100 ticiens ou intellectuels, tous ont oublié l’homme dans leurs calculs, ou bien se sont trompés sur sa nature. Ils ont perdu d
101 plus sincères, aboutissent au malheur de l’homme. Dans ce monde qui a perdu la mesure, le seul devoir des intellectuels — et
102 sté depuis une trentaine d’années. L’homme isolé, dans un monde trop vaste, ne se sent plus porté au sein d’un groupe. Dérac
103 le met en relation avec des frères et l’introduit dans une communauté nouvelle. Voilà l’homme que j’appelle une personne : i
104 qui a le plus de peine à subsister ou à se former dans le monde moderne. Car supposez qu’un homme se sente une vocation et d
105 donc, s’il veut faire quelque chose, qu’il entre dans un grand parti, dans une grande organisation. Mais alors, il subit un
106 e quelque chose, qu’il entre dans un grand parti, dans une grande organisation. Mais alors, il subit une discipline qui ne s
107 rais vous énumérer les premiers succès remportés, dans la bataille de la culture moderne, par l’esprit créateur sur l’esprit
108 de, car elle justifiait l’inaction ou la retraite dans les bibliothèques. Or cette idée de lois fatales avait été empruntée
109 mpruntée à la science, et transportée abusivement dans les domaines plus humains de l’histoire, de la sociologie, et même de
110 si la science elle-même vient nous dire que même dans l’ordre matériel, il n’est plus permis de concevoir une observation i
111 insi les lois de la publicité ne sont exactes que dans la mesure où l’homme n’est qu’un mouton ; elles sont fausses et inexi
112 bérateur pour la pensée et la culture en général, dans notre époque totalitaire. Nul n’ignore, en effet, que les États total
113 vertu d’une immense démission de l’esprit civique dans les trop grands pays. Elles ne traduisent en fait qu’un immense affai
114 fait qu’un immense affaissement du sens personnel dans les parties de l’humanité contemporaine exténuées par la misère. Les
115 evenue possible ? Je ne voudrais pas, ici, partir dans l’utopie. Je ne pense pas que les principes fondamentaux d’une sociét
116 on, l’Institution chrétienne de Jean Calvin. Mais dans l’époque moderne les Églises ont paru, elles aussi, se détourner de t
117 fin les Églises retrouvent leur rôle de direction dans tous les ordres de la pensée et de l’action. J’ai insisté sur le rôle
118 tout en prévenant la maladie collectiviste. C’est dans cette volonté de recréer des groupes à la mesure de la personne, maté
119 ensée de l’autre, qu’on tolère, ne passera jamais dans les actes. Je n’aime pas non plus l’intolérance qui veut tout uniform
120 rale, mais non pas ses inconvénients : car chacun dans le groupe où il est né, ou dans le groupe qu’il a choisi, peut donner
121 ents : car chacun dans le groupe où il est né, ou dans le groupe qu’il a choisi, peut donner le meilleur de soi-même, aller
122 défendre : la réalité fédéraliste en politique et dans tous les domaines de la culture, le seul avenir possible de l’Europe.
123 ines fiévreuses d’un congrès de la paix improvisé dans l’épuisement général. Cela ne se fera que si des hommes solides, info
124 hommes ne peuvent guère exister et travailler que dans les pays neutres. Et chez nous tout d’abord, puisqu’il s’agit en somm
125 de notre histoire, la mesure de l’individu engagé dans la communauté. Cette œuvre n’est pas utopique. Car je me refuse à nom
126 erre. Non, l’heure n’est pas au facile optimisme, dans une Europe tout obscurcie par la menace des avions. L’heure est plutô
4 1940, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). L’heure sévère (juin 1940)
127 rs propos ne renseignent pas sur l’état des faits dans le monde, mais seulement sur l’état de leurs nerfs. Sans intérêt. Ce
128 érer. » Or cette espèce est rare en Suisse, comme dans tous les petits pays où l’ère bourgeoise, ère du « confort moderne »
129 par cette guerre. Nous avons trop longtemps vécu dans l’atmosphère rassurante créée par le matérialisme modéré du dernier s
130 re fallait-il y croire. Or le matérialisme modéré dans lequel nous étions installés nous mettait hors d’état d’imaginer à la
131 onvergents des esprits les plus opposés, unanimes dans la critique du « réalisme » de leur temps, et dans la prédiction des
132 ans la critique du « réalisme » de leur temps, et dans la prédiction des maux à venir — ceux qui fondent sur nous aujourd’hu
133 ntraire parce que Dieu existe, et qu’il est juste dans son châtiment. Il faut payer. Nous adorions l’idole de la prospérité,
134 ciales. Et cela non pas seulement en Suisse, mais dans tous les pays de l’Europe ; non seulement sur le plan social, mais su
135 fense toute matérielle d’un ordre de choses vicié dans son principe ; ou la conquête, mais qui tue ce qu’elle conquiert. « M
136 nent aujourd’hui de devoir payer leur part minime dans la banqueroute européenne. « Mea culpa » des clairvoyants, qui dénonc
137 culpa » des clairvoyants, qui dénoncèrent le mal dans leurs écrits, mais qui se tinrent apparemment pour satisfaits de leur
138 s en guerre n’ont plus le pouvoir de reconnaître, dans le fracas des chars, sous les bombardements, quand on ne sait même pl
139 afoué, au-delà du pessimisme lâche, il y a la foi dans l’éternel, il y a l’amour et l’espérance de l’éternel. À quoi se racc
140 qui nous a autorisé à reproduire cet article paru dans son numéro de juin 1940. L’auteur — qui est un de nos collaborateurs
5 1940, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). L’Église et la Suisse (août 1940)
141 ucoup croient, cette situation n’est pas nouvelle dans notre histoire. Elle fut celle de nos grandes victoires et de nos gra
142 les examens de conscience, pour les réformes, et dans le cas présent, pour une nouvelle Réformation communautaire. Car c’es
143 r et une grande fierté, parce qu’elle saurait que dans cette forteresse du Gothard, que n’atteignent ni chars ni avions, dan
144 du Gothard, que n’atteignent ni chars ni avions, dans cet Alcazar de l’Europe, quelques dizaines de milliers d’hommes tienn
145 ’espérer. Maintenant, je poserai cette question : dans la situation extrême que je viens de décrire, à supposer que la Suiss
146 l’initiative des laïques, comme elles l’ont fait dans un pays voisin ? Je n’oserais pas répondre ce matin. Ni oui ni non. M
147 ue la pièce de monnaie qu’ils viennent de déposer dans le « sachet », avec l’air de ne pas y toucher ? Sont-ils prêts à « pa
148 ts ? Sont-ils vraiment des frères — et des frères dans l’Église ? Oh ! je ne demande pas que nos paroisses décrètent du jour
149 tent, au moins en théorie, de faire quelque chose dans ce sens, à supposer que les circonstances l’exigent un jour prochain.
150 dément indécent que ces affaires soient débattues dans nos Grands Conseils, par des hommes qui parfois ignorent tout de la r
151 redeviennent missionnaires à l’intérieur du pays, dans toutes les couches de notre peuple suisse. Pour mille raisons qui tie
152 nos Églises sont devenues des milieux bourgeois, dans la plupart des villes, et dans beaucoup de villages. Même si de nombr
153 milieux bourgeois, dans la plupart des villes, et dans beaucoup de villages. Même si de nombreuses familles d’ouvriers en fo
154 à nous laïques. Nous n’aimons pas à être dérangés dans nos petites habitudes du dimanche matin, et il arrive que nous soyons
155 endre sans éprouver le sentiment de s’être égarés dans un milieu où ils sont déplacés. Que nos Églises se préoccupent donc d
156 se fera plus accueillante. L’étranger qui entrera dans nos temples ne se sentira plus perdu chez les braves gens, mais accue
157 a plus perdu chez les braves gens, mais accueilli dans une maison de Dieu. Ce que je voudrais dire encore sur ce sujet est p
158 aïques de cet auditoire l’appuieront pratiquement dans leurs paroisses. Je voudrais dire à nos pasteurs : soyez simples dans
159 . Je voudrais dire à nos pasteurs : soyez simples dans vos sermons, soyez plus simplement bibliques ! Ne vous fatiguez pas à
160 une parole qui m’a fait de l’impression. C’était dans un sermon, et le pasteur disait : « Laissons parler la Bible seule, c
161 u pour montrer à notre peuple sa mission positive dans l’Europe d’aujourd’hui. Toutes ces choses peuvent et doivent être dit
162 appartient à tous, qui est frappant pour tous, et dans lequel tous peuvent communier. III La troisième condition d’une
163 . Je ne parlerai pas non plus du rôle des laïques dans la paroisse, qui pourrait être développé encore, afin de décharger le
164 té l’absence de toute espèce de liturgie sérieuse dans nos cultes, à quelques rares exceptions près10. Et ce n’est pas seule
165 chargé de sens dogmatique, mais font se succéder, dans un ordre plus ou moins arbitraire, des textes souvent inconnus, et de
166 justement, la valeur liturgique d’un texte réside dans son invariabilité. C’est grâce à cette invariabilité que le fidèle pe
167 cette invariabilité, enfin, que la liturgie crée dans l’auditoire un sentiment de communion, ou de communauté spirituelle.
168 ises réformées de France. Je vais vous la décrire dans ses principaux traits. I. Invocation (l’assemblée debout). Psaume. II
169 de la foi réformée, mais aussi du drame chrétien dans son déroulement biblique : la Loi d’abord, qui nous condamne, puis la
170 mon sens, cette liturgie est une des plus belles, dans sa simplicité, et des plus justes aussi, de toutes celles qu’utilisen
171 maginez une personne qui n’a jamais mis les pieds dans un de nos temples, qui ne sait rien du protestantisme, ou qui est inc
172 résumer. Cette liturgie, en effet, décrit d’abord dans une langue frappante les différents moments du drame du salut. Elle c
173 lle introduit le sermon du pasteur, elle le situe dans l’ensemble de nos dogmes, et elle rappelle notre Credo. Bref, quand l
174 hant ou la récitation, à ce témoignage collectif, dans la communauté de mes frères, connus ou inconnus. Après cela, même si
175 ilement du Bon Dieu, chez nous, et qu’il subsiste dans nos Églises pas mal de traces d’un piétisme affadi. Je n’oserais pas
176 s tenons à rester démocrates et sans façon jusque dans nos relations avec le Tout-Puissant, qui est pourtant nommé Monarque,
177 ssion des péchés, par exemple, comme cela se fait dans les Églises réformées de Paris ? Aurions-nous trop de dignité pour co
178 tte marque publique d’humiliation ? Nous chantons dans un chant patriotique : « Devant Dieu seul, fléchissons le genou. » Ma
179 rable à notre rapprochement avec d’autres Églises dans le mouvement œcuménique. (Je pense à l’Église anglicane, qui attache
180 Ce sera peut-être une question de vie ou de mort, dans le monde qui se prépare. Je vous ai suggéré trois directions d’effort
181 , afin de rendre possible une action missionnaire dans toutes les couches de notre peuple. Poser enfin très sérieusement le
6 1941, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Autocritique de la Suisse (février 1941)
182 s de droits à revendiquer le nom de fédéralistes, dans son sens étymologique. (fœdus = traité, serment, union.) Par une inco
7 1950, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Europe unie et neutralité suisse (novembre-décembre 1950)
183 de soi — chaque fois qu’on nous propose d’entrer dans une forme quelconque d’union européenne ? Le fait est que nos voisins
184 les Suisses, si jalousement ennemis de privilèges dans leur pays, peuvent-ils prétendre avoir en bloc ce privilège exorbitan
185 emier noyau de la Suisse a reçu un statut spécial dans l’intérêt de l’Europe entière, au moins autant que pour lui-même. La
186 utralité et l’inviolabilité de la Suisse […] sont dans les vrais intérêts de l’Europe entière ». En 1914, on retrouve ce mêm
187 me mélange d’intérêt propre et d’intérêt européen dans notre abstention du conflit. Si la Suisse avait pris parti, à ce mome
188 ssayer de maintenir sa place centrale et réservée dans le jeu des puissances voisines. Il n’y a plus d’équilibre européen. I
189 s’unir contre un danger commun. Nous sommes tous dans le même sac, si j’ose dire. La seule question réelle qui se pose déso
190 avoir si la neutralité de notre pays est encore «  dans les vrais intérêts de l’Europe entière ». Apporte-t-elle, ou non, une
191 blème ne peut pas être posé, encore moins résolu, dans l’abstrait. Ce qu’il faut savoir tout d’abord, c’est pour quelle rais
192 faut pas que l’histoire nous surprenne, endormis dans la fausse sécurité d’une tradition qui a peut-être fait son temps, en
193 re neutralité a été reconnue par les puissances «  dans l’intérêt de l’Europe entière », et non pas comme un privilège qu’il
194 fédération européenne se réalisât prochainement, dans quelle mesure la neutralité helvétique serait-elle un obstacle majeur
195 que serait-elle un obstacle majeur à notre entrée dans ladite fédération ? Une conception trop restrictive de cette neutrali
196 à Radio-Genève les 30 octobre et 6 novembre 1950, dans le cadre de l’émission ‟Destins du monde : Demain l’Europe !” ».
8 1951, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Réplique à M. Lasserre (mars-avril 1951)
197 ais-là que je pouvais aborder le problème suisse, dans le cadre général de ma chronique intitulée « Demain l’Europe ». Je n’
198 croire, que ce propre intérêt soit seul en cause dans le jeu des forces politiques de notre temps ! Où donc ai-je soutenu «
199 le problème du rôle actuel et futur de la Suisse dans la construction de l’Europe. C’est sur ce point qu’il eût été intéres
9 1968, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Pour une morale de la vocation (1968)
200 s croyons. Mais au plan de la morale, nous vivons dans la plus incroyable confusion de systèmes hétéroclites, d’époques, de
201 e styles, de visées différentes ; nous pataugeons dans l’impur, dans l’hybride, dans les alluvions, les dépôts sédimentés de
202 isées différentes ; nous pataugeons dans l’impur, dans l’hybride, dans les alluvions, les dépôts sédimentés des âges, des cu
203 s ; nous pataugeons dans l’impur, dans l’hybride, dans les alluvions, les dépôts sédimentés des âges, des cultures, des reli
204 enquête aux élites de nos églises en Europe. Mais dans le reste du monde, déjà — et ce sera vrai pour nous aussi bientôt —,
205 tuelle anglo-saxonne, en attendant de se répandre dans nos pays), cette théologie-là bouleverse le fondement commun de toute
206 étienne », et sont déjà en bon train d’y parvenir dans plusieurs domaines importants. Au lieu de sermons contre « l’impureté
207 culture et sa liberté. Nous tendons de la sorte, dans les pays techniquement avancés, vers une société qui serait, à la lim
208 echange, comme une voiture. Pour la première fois dans l’Histoire de nos civilisations, ce n’est pas l’anarchie croissante d
209 e cette situation — qu’il faut imaginer réalisées dans un avenir pas trop lointain (beaucoup sont là déjà, dans notre sociét
210 avenir pas trop lointain (beaucoup sont là déjà, dans notre société) sont trop nombreuses et diverses pour que l’on puisse
211 ines conduites sexuelles (comme la contraception) dans une société donnée, et non plus l’Église par ses décrets généraux et
212 se-t-on, peut-être, que la morale tomberait alors dans de très mauvaises mains, serait en quelque sorte livrée au « monde » 
213 et aux enfants quant à leur existence quotidienne dans la cité et dans la famille. Des spécialistes, revêtus de l’autorité i
214 uant à leur existence quotidienne dans la cité et dans la famille. Des spécialistes, revêtus de l’autorité incontestée de la
215 eux Dr Tissot) qui ont joué le rôle que l’on sait dans la prédication, la cure d’âme et la littérature morale des pays prote
216 . Si les Églises (et pas seulement celle de Rome, dans la lancée de Vatican II) se décident à rendre à César, c’est-à-dire a
217 ale sont séculiers, par nature et destination, et dans ce sens sont à César, mais la vocation de la personne est à Dieu, vie
218 ant sur ce presque, car il est capital. Supposez, dans x années, une forme d’existence humaine suffisamment adaptée aux fonc
219 aine suffisamment adaptée aux fonctions sociales ( dans les rapports avec l’État et avec le milieu), suffisamment docile aux
220 le aux prescriptions ou régimes psychosomatiques ( dans les rapports avec le corps) et aux indications écologiques (dans les
221 ts avec le corps) et aux indications écologiques ( dans les rapports avec la Nature), suffisamment ajustée, enfin, à la produ
222 même, qui sait ? à la « créativité des loisirs » ( dans les rapports avec l’économie) : on ne voit pas très bien, dans ces co
223 orts avec l’économie) : on ne voit pas très bien, dans ces conditions, où, quand et en quoi une « morale » au sens tradition
224 série infinie de zéros à la sortie des circuits. Dans cette société que je suppose en parfait ordre de marche, il devient à
225 evient à peu près impossible, parce qu’impensable dans les termes admis et inexprimable par les codes en vigueur, de justifi
226 et vide. Chrétien en cela qu’il cherchera ce sens dans les voies de l’amour, qui implique l’existence des autres, plutôt que
227 , qui implique l’existence des autres, plutôt que dans l’aventure solitaire du mysticisme, ou de la connaissance au sens hin
228 que j’invente, que je crée à chaque pas à tâtons dans le noir et qui ne s’éclaire que sous mes pas. C’est ainsi que je comp
229 vont entrer en dissidence dynamique et créatrice, dans le monde trop bien moralisé que nous préparent avec tant de zèle, de
230 n peu nos problèmes éthiques, en vue de l’avenir. Dans son état primitif, mon ouvrage s’ouvre par le bref récit d’une modest
231 pages inédites, et que je ne compte pas modifier dans la version finale du livre. Elles sont intitulées : « De la Visée » :
232 : « De la Visée » : J’ai appris le tir au fusil dans un pays qui, traditionnellement, fournissait au monde les champions d
233 n exercice à l’autre, n’avoir fait de progrès que dans la découverte d’une maladresse naguère insoupçonnée. Je faisais tout
234 s à lâcher le coup, qui s’en allait régulièrement dans le parapet, au-dessous de la cible. Cependant la date approchait du g
235 grand concours que l’on nommait « tir au galon ». Dans chaque unité, on poussait l’entraînement des meilleurs tireurs. On né
236 encore marqué un point, loin du noir, mais enfin dans la cible. « Voulez-vous apprendre à tirer ? » Il me regarda, et voyan
237 us apprendre à tirer ? » Il me regarda, et voyant dans mes yeux une bonne volonté en détresse : « C’est très simple et tout
238 la vie où j’allais rentrer saurait les illustrer dans maints domaines de ma conduite ou de ma réflexion. Je les consigne ic
239 pour atteindre le but, et peuvent être nuisibles dans la mesure exacte où ils absorbent l’attention, la détournent du but,
240 érer la fin. 4. La fin seule justifie les moyens, dans la mesure où elle est juste, et où ils sont vraiment dictés par elle.
241 le sorte qu’il arrive un jour à mettre une flèche dans le noir les yeux fermés, et une deuxième dans la tige même de la prem
242 che dans le noir les yeux fermés, et une deuxième dans la tige même de la première. À ce moment, l’initiation a réussi). Par
243 ience, et des maximes que j’en déduis, je propose dans la suite du livre une distinction fondamentale à opérer dans l’analys
244 te du livre une distinction fondamentale à opérer dans l’analyse et l’évaluation des conduites humaines. Je pose d’un côté
245 e vie personnelle. Les Règles du Jeu comprennent, dans ma définition, l’ensemble des méthodes et des rites, des codes et con
246 es, des techniques destinées à assurer le bonheur dans le mariage, jusqu’au code des feux verts et rouges réglant la circula
247 des feux verts et rouges réglant la circulation. Dans cet ensemble, on peut à première vue distinguer d’une part ce qui rel
248 n’y a rien de plus important que les conventions dans une culture, une civilisation, dans les relations entre les hommes, o
249 s conventions dans une culture, une civilisation, dans les relations entre les hommes, ou même entre deux êtres, si frustes
250 méthode pour bien conduire la pensée et l’action dans la cité. De là l’obligation de recourir à d’autres sources, — presque
251 ricte obéissance à ces règles, comme il va de soi dans tous les jeux et sports d’équipe ; 3. ceci exclut, du même mouvement,
252 et la prétention tout à fait abusive à les fonder dans la nature des choses ou la loi naturelle, à les assimiler aux « voies
253 implement on joue bien ou mal. Point de « péché » dans le monde des règles du jeu, mais seulement des erreurs, maladresses,
254 el et la puissance de l’amour. À travers l’action dans la communauté, c’est-à-dire à travers le prochain, l’amour au sens ch
255 ntendre, à capter de nouveau, pour qu’il me guide dans l’inconnu, comme ces avions qui dans la nuit suivent la route créée p
256 ’il me guide dans l’inconnu, comme ces avions qui dans la nuit suivent la route créée par un faisceau sonore. Mais ce chemin
257 disait la piété classique. Il me faut me risquer dans un monde spirituel qui est peut-être une illusion, ou le néant. Il me
258 récédent puisqu’il est institué pour moi seul. Et dans tout cela je n’ai d’autre soutien que ma croyance par éclairs, ma « f
259 e soutien que ma croyance par éclairs, ma « foi » dans l’existence de ce But qu’on ne peut voir et que personne n’a jamais v
260 me communique les seuls moyens d’aller vers lui, dans la seule mesure où j’y crois, et où j’arrive par instants à oublier t
261 à l’élan, à l’attrait advienne que pourra, comme dans un saut… Dans ces moments, le But a dicté ses moyens. Il ne les a pas
262 ’attrait advienne que pourra, comme dans un saut… Dans ces moments, le But a dicté ses moyens. Il ne les a pas seulement jus
263 à l’heure que la notion de péché n’a pas sa place dans le monde des règles du jeu, mais prend son sens dans le monde de la v
264 s le monde des règles du jeu, mais prend son sens dans le monde de la vocation. Voici comment je crois qu’il faut l’entendre
265 sentiment ou désir, alors qu’il est action. Mais dans le monde de la vocation, mon péché particulier, c’est ce qui m’empêch
266 ttitude intime, en travers du chemin que l’Appel, dans la nuit, crée ou jalonne pour moi seul. Mon péché, c’est ce qui obscu
267 ontre mes thèses — et que j’examinerai sans pitié dans mon livre — mais j’aimerais indiquer aussi l’esprit des réponses que
268 res du xxe siècle. Et quand je les vois patauger dans des domaines aussi vitaux que ceux de la contraception ou de la guerr
269 e qu’on doit répondre par une vigilance redoublée dans l’examen des marques ou des « notes » de l’authenticité d’une vocatio
270 ce sont les risques de la Foi et de la confiance dans le Saint-Esprit. Je souligne seulement que les risques inverses, nés
271 Au sociologue, alors, qui me reprochera de verser dans un individualisme anarchisant, je répondrai qu’il a bien mal compris
272 n qui le relie à cette communauté et qui l’insère dans ses réalités concrètes. Aux démocrates ombrageux qui m’accuseraient
273 es donner. Les « païens » et l’Antiquité vivaient dans la certitude éthique — règles et rites invariables, jamais mis en que
274 ion. Les scientifiques, demain, vivront eux aussi dans la certitude quant à la conduite humaine — statistiques, médications,