1
raie défense contre l’esprit totalitaire (juillet
1938
)a L’esprit totalitaire est pour nous une menace1. De récents événe
2
L’esprit totalitaire est pour nous une menace1.
De
récents événements l’auront fait voir aux plus naïfs. Mais il n’est p
3
coup plus grave, une tentation. Il flatte au cœur
de
notre angoisse morale et matérielle le désir lâche d’un « ordre » imp
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otre angoisse morale et matérielle le désir lâche
d’
un « ordre » imposé par la force, d’une « mise au pas » brutale qui no
5
e désir lâche d’un « ordre » imposé par la force,
d’
une « mise au pas » brutale qui nous dispense de nous sentir les respo
6
, d’une « mise au pas » brutale qui nous dispense
de
nous sentir les responsables de la cité et de l’État. D’autre part, i
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qui nous dispense de nous sentir les responsables
de
la cité et de l’État. D’autre part, il nous tente par la promesse d’u
8
nse de nous sentir les responsables de la cité et
de
l’État. D’autre part, il nous tente par la promesse d’une communauté
9
État. D’autre part, il nous tente par la promesse
d’
une communauté restaurée, d’un coude-à-coude physique, d’une grande ca
10
tente par la promesse d’une communauté restaurée,
d’
un coude-à-coude physique, d’une grande camaraderie. Et ce sont là les
11
ommunauté restaurée, d’un coude-à-coude physique,
d’
une grande camaraderie. Et ce sont là les vraies raisons de sa puissan
12
nde camaraderie. Et ce sont là les vraies raisons
de
sa puissance. C’est sur ce terrain-là — non sur des champs de bataill
13
nce. C’est sur ce terrain-là — non sur des champs
de
bataille hypothétiques — que nous devons organiser nos résistances. ⁂
14
ances. ⁂ Le totalitarisme a triomphé surtout pour
deux
raisons, me semble-t-il : D’abord il a utilisé le défaut de civisme q
15
, me semble-t-il : D’abord il a utilisé le défaut
de
civisme qui résultait de la destruction de toute commune mesure dans
16
d il a utilisé le défaut de civisme qui résultait
de
la destruction de toute commune mesure dans la cité (ou d’un défaut t
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défaut de civisme qui résultait de la destruction
de
toute commune mesure dans la cité (ou d’un défaut total d’éducation,
18
truction de toute commune mesure dans la cité (ou
d’
un défaut total d’éducation, comme en Russie). Ensuite il a donné une
19
commune mesure dans la cité (ou d’un défaut total
d’
éducation, comme en Russie). Ensuite il a donné une réponse à l’exigen
20
euples, déçue par les Églises chrétiennes. Défaut
de
civisme : j’en donnerai un seul exemple mais significatif. En Italie,
21
rai un seul exemple mais significatif. En Italie,
de
1920 à 1922, le parti socialiste était le plus important : 35 % des é
22
un seul exemple mais significatif. En Italie, de
1920
à 1922, le parti socialiste était le plus important : 35 % des électe
23
l exemple mais significatif. En Italie, de 1920 à
1922,
le parti socialiste était le plus important : 35 % des électeurs. Les
24
22, le parti socialiste était le plus important :
35
% des électeurs. Les fascistes n’étaient qu’une très petite minorité.
25
puis rentraient sans être inquiétés. Et cela, des
centaines
de fois. Comment ces crimes ont-ils pu se produire ? C’est que la pol
26
aient sans être inquiétés. Et cela, des centaines
de
fois. Comment ces crimes ont-ils pu se produire ? C’est que la police
27
tions du peuple — réactions aussitôt qualifiées «
d’
odieuses provocations marxistes ». Si le fascisme s’est imposé, c’est
28
imposé, c’est donc d’abord grâce à la protection
de
la police. Mais cela supposait la complicité des ministères libéraux
29
ne rien dire, naturellement, des grands bailleurs
de
fonds bourgeois, banquiers et dirigeants de trusts. C’est donc à une
30
leurs de fonds bourgeois, banquiers et dirigeants
de
trusts. C’est donc à une complicité quasi universelle que le fascisme
31
complicité quasi universelle que le fascisme a dû
de
s’emparer de l’État. Un peu de civisme l’eût arrêté. Sa force n’a été
32
asi universelle que le fascisme a dû de s’emparer
de
l’État. Un peu de civisme l’eût arrêté. Sa force n’a été faite que de
33
civisme l’eût arrêté. Sa force n’a été faite que
de
lâchetés accumulées, et de calculs dits « réalistes » d’une bourgeois
34
orce n’a été faite que de lâchetés accumulées, et
de
calculs dits « réalistes » d’une bourgeoisie qui s’en repent peut-êtr
35
etés accumulées, et de calculs dits « réalistes »
d’
une bourgeoisie qui s’en repent peut-être aujourd’hui…2 Ne croyez pas
36
pas que ce soit là une vue partiale et partisane
de
l’histoire : c’est la version très officielle des historiens fasciste
37
des chemises noires. Ce fut à Sarzana, en juillet
1921.
500 fascistes avaient débarqué à la gare de cette petite ville. Ils s
38
emises noires. Ce fut à Sarzana, en juillet 1921.
500
fascistes avaient débarqué à la gare de cette petite ville. Ils s’y h
39
et 1921. 500 fascistes avaient débarqué à la gare
de
cette petite ville. Ils s’y heurtèrent à 8 gendarmes et 3 soldats, qu
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gare de cette petite ville. Ils s’y heurtèrent à
8
gendarmes et 3 soldats, qui pour une fois s’avisèrent de résister. Au
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petite ville. Ils s’y heurtèrent à 8 gendarmes et
3
soldats, qui pour une fois s’avisèrent de résister. Au premier coup d
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armes et 3 soldats, qui pour une fois s’avisèrent
de
résister. Au premier coup de feu, la petite armée des chemises noires
43
e le rapport que fit à son sujet le chef fasciste
de
l’expédition. Il écrit en effet à la Centrale du Parti : « L’expéditi
44
en effet à la Centrale du Parti : « L’expédition
de
Sarzana n’est qu’un épisode normal : il devait survenir dès que le fa
45
us vrai : le totalitarisme ne saurait triompher «
de
gens disposés à tenir bon » selon l’expression de l’Italien. Or qu’es
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de gens disposés à tenir bon » selon l’expression
de
l’Italien. Or qu’est-ce qu’un homme décidé à tenir bon ? C’est un hom
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idé à tenir bon ? C’est un homme qui a conscience
de
ses raisons de vivre. Ce n’est pas l’homme le mieux armé, mais celui
48
? C’est un homme qui a conscience de ses raisons
de
vivre. Ce n’est pas l’homme le mieux armé, mais celui dont le moral e
49
historiques les plus sérieux sur la naissance des
trois
grandes dictatures, on constate l’existence d’une sorte de loi histor
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trois grandes dictatures, on constate l’existence
d’
une sorte de loi historique : le totalitarisme n’est fort que dans la
51
s dictatures, on constate l’existence d’une sorte
de
loi historique : le totalitarisme n’est fort que dans la mesure où le
52
ez nous, sa puissance ne sera que la somme exacte
de
nos lâchetés particulières. L’exemple de Sarzana nous le prouve forte
53
e exacte de nos lâchetés particulières. L’exemple
de
Sarzana nous le prouve fortement : ce n’est pas le nombre et l’armeme
54
aient plus, que les fascistes n’ont pas rencontré
de
résistance sérieuse. De ces deux causes du succès totalitaire, déduis
55
istes n’ont pas rencontré de résistance sérieuse.
De
ces deux causes du succès totalitaire, déduisons maintenant nos princ
56
’ont pas rencontré de résistance sérieuse. De ces
deux
causes du succès totalitaire, déduisons maintenant nos principes de c
57
s totalitaire, déduisons maintenant nos principes
de
conduite : 1° Il nous faut restaurer l’esprit de résistance civique.
58
déduisons maintenant nos principes de conduite :
1°
Il nous faut restaurer l’esprit de résistance civique. Et cela suppos
59
de conduite : 1° Il nous faut restaurer l’esprit
de
résistance civique. Et cela suppose que nous reprenions conscience de
60
e. Et cela suppose que nous reprenions conscience
de
nos raisons de vivre dans la communauté, et des devoirs qu’impliquent
61
ose que nous reprenions conscience de nos raisons
de
vivre dans la communauté, et des devoirs qu’impliquent nos libertés a
62
totalitarisme ne sera jamais que la somme exacte
de
nos lâchetés individuelles, c’est-à-dire de nos égoïsmes. 2° Il nous
63
xacte de nos lâchetés individuelles, c’est-à-dire
de
nos égoïsmes. 2° Il nous faut refaire une commune mesure vivante. Si
64
etés individuelles, c’est-à-dire de nos égoïsmes.
2°
Il nous faut refaire une commune mesure vivante. Si nous ne la faison
65
ra. Soyons donc les premiers chez nous, répondons
d’
une manière plus humaine que les totalitaires, plus vraie aussi, et pl
66
urs mystiques saura nous indiquer les vraies fins
de
la lutte. Conscience civique et conscience religieuse. J’illustrerai
67
par notre situation comme chrétiens. ⁂ L’exemple
de
la Suisse me tient à cœur à double titre : c’est ma patrie, et d’autr
68
pourrai le mieux faire saisir la portée immédiate
de
ce que j’entends quand je parle de conscience civique. Lorsque l’Alle
69
rtée immédiate de ce que j’entends quand je parle
de
conscience civique. Lorsque l’Allemagne totalitaire envahit l’Autrich
70
totalitaire envahit l’Autriche, nous fûmes saisis
d’
une angoisse soudaine : pour la première fois, depuis des siècles, nou
71
, nous concevions la possibilité, même théorique,
d’
un démembrement de notre État. La première réaction de notre opinion f
72
la possibilité, même théorique, d’un démembrement
de
notre État. La première réaction de notre opinion fut aussi la plus n
73
démembrement de notre État. La première réaction
de
notre opinion fut aussi la plus naturelle et la plus instinctive : «
74
l du danger, armons-nous ! » L’instinct ancestral
de
l’homme, c’est de parer à la violence par une violence du même ordre.
75
s-nous ! » L’instinct ancestral de l’homme, c’est
de
parer à la violence par une violence du même ordre. Cette solution es
76
somme qu’un réflexe. Elle ne suppose aucun effort
de
l’esprit, aucune espèce d’imagination. Et c’est aussi pourquoi elle e
77
e suppose aucun effort de l’esprit, aucune espèce
d’
imagination. Et c’est aussi pourquoi elle est de beaucoup la plus fréq
78
e d’imagination. Et c’est aussi pourquoi elle est
de
beaucoup la plus fréquente et la plus populaire. J’ai à cœur cependan
79
uente et la plus populaire. J’ai à cœur cependant
de
montrer son danger pour nous Suisses. Et je voudrais, à titre personn
80
ations qui glorifient la guerre ? La vraie raison
de
la course aux armements, c’est l’incapacité où se trouvent les États,
81
les États, capitalistes ou soviétique d’ailleurs,
d’
occuper leurs chômeurs autrement qu’en leur faisant fabriquer des obus
82
n curieux, si l’on y réfléchit. Quand il y a trop
de
médecins dans un pays, et donc chômage dans la profession médicale, p
83
rofession médicale, personne n’a jamais eu l’idée
de
proposer qu’on donne la peste à toute la nation. Or c’est à peu près
84
c ce qui doit le faire mourir. C’est la politique
de
Gribouille : pour éviter la pluie, on se jette à l’eau. Autre danger
85
se jette à l’eau. Autre danger : si l’on accepte
de
jouer le jeu des armements, l’effrénée concurrence conduit l’État qui
86
peu près au niveau du voisin, à perdre la mesure
de
ce qu’il peut dépenser sans s’affaiblir. Les armements deviennent tro
87
ar une image un peu grosse, mais frappante : « Un
75
est plus puissant qu’un revolver, disait-il, c’est entendu. Mais donn
88
nez-moi un revolver, vous m’armez ! Donnez-moi un
75,
vous me laissez sans défense : c’est trop lourd pour moi. » Exemple à
89
supposez que cette question soit résolue au mieux
de
nos possibilités de vie normale. Il s’agira maintenant d’utiliser les
90
uestion soit résolue au mieux de nos possibilités
de
vie normale. Il s’agira maintenant d’utiliser les armes. Nul n’ignore
91
ossibilités de vie normale. Il s’agira maintenant
d’
utiliser les armes. Nul n’ignore que la guerre moderne est devenue la
92
nue la guerre totale. C’est dire qu’il n’y a plus
de
distinction entre civils et militaires, selon la doctrine officielle
93
et militaires, selon la doctrine officielle dite
de
la nation armée. Mussolini l’a très bien dit : « La discipline milita
94
t nous mettre, les démocraties seront contraintes
d’
adopter peu à peu un régime politique qui les transformera automatique
95
se que représente le fascisme, elles auront moins
de
dynamisme. Ainsi, sous prétexte de vivre, elles perdront leurs raison
96
s prétexte de vivre, elles perdront leurs raisons
de
vivre. Voici donc le dilemme que nous pose ce mimétisme totalitaire :
97
mais alors la guerre est moralement perdue avant
d’
être livrée, puisque la conception totalitaire s’est déjà installée ch
98
ant que Suisses, car elle menace l’existence même
de
notre État. Réagir à la menace totalitaire sur le plan de la défense
99
État. Réagir à la menace totalitaire sur le plan
de
la défense armée, et tout subordonner à cela, c’est introduire chez n
100
nner à cela, c’est introduire chez nous le cheval
de
Troie. La guerre totale en effet suppose l’unification totalitaire d’
101
totale en effet suppose l’unification totalitaire
d’
un pays. Ou sinon, c’est qu’elle est très mal préparée. Or ce processu
102
ition fédérale, tradition qui est la seule raison
d’
être de notre État. Se placer sur le plan de la guerre totale et de sa
103
édérale, tradition qui est la seule raison d’être
de
notre État. Se placer sur le plan de la guerre totale et de sa prépar
104
aison d’être de notre État. Se placer sur le plan
de
la guerre totale et de sa préparation civile en temps de paix, cela é
105
tat. Se placer sur le plan de la guerre totale et
de
sa préparation civile en temps de paix, cela équivaut pratiquement à
106
uerre totale et de sa préparation civile en temps
de
paix, cela équivaut pratiquement à faire du nationalisme. Et il est a
107
tiquement à faire du nationalisme. Et il est aisé
de
voir que le nationalisme, en Suisse, signifierait bientôt le partage
108
lisme, en Suisse, signifierait bientôt le partage
de
notre État en trois nations. Ce serait la négation la plus radicale d
109
signifierait bientôt le partage de notre État en
trois
nations. Ce serait la négation la plus radicale des bases mêmes de la
110
rait la négation la plus radicale des bases mêmes
de
la Confédération. Souvenons-nous du sort de l’Autriche ! Si ce pays a
111
mêmes de la Confédération. Souvenons-nous du sort
de
l’Autriche ! Si ce pays a succombé, ce n’est point tant qu’il ait céd
112
urtout, c’est essentiellement parce qu’il doutait
de
sa valeur propre et autonome, parce qu’il doutait de sa vocation, de
113
sa valeur propre et autonome, parce qu’il doutait
de
sa vocation, de sa raison d’être comme État ; parce qu’il était miné
114
et autonome, parce qu’il doutait de sa vocation,
de
sa raison d’être comme État ; parce qu’il était miné par une intime t
115
parce qu’il doutait de sa vocation, de sa raison
d’
être comme État ; parce qu’il était miné par une intime tentation de s
116
; parce qu’il était miné par une intime tentation
de
suicide totalitaire. Leçon capitale pour la Suisse ! Un État qui ne
117
oisin, un tel État ne peut pas compter sur l’aide
d’
autrui. Nous ne pouvons compter sur cette aide que dans la mesure où n
118
représente et qui incarne le seul avenir possible
d’
une Europe pacifique. Si nous restons cela, si nous prenons conscience
119
s cela, si nous prenons conscience tout à nouveau
de
la grandeur d’une pareille vocation, on nous laissera tranquilles, pa
120
prenons conscience tout à nouveau de la grandeur
d’
une pareille vocation, on nous laissera tranquilles, parce qu’on saura
121
vile dont je vous parlais, et voilà la conscience
de
notre force véritable. Si nous avons le droit et le devoir de rester
122
ce véritable. Si nous avons le droit et le devoir
de
rester neutres, ce n’est pas comme on le dit trop souvent en vertu de
123
nos yeux, mais dont nos grands voisins n’ont pas
de
raisons de tenir le moindre compte. Si nous avons le droit d’être neu
124
mais dont nos grands voisins n’ont pas de raisons
de
tenir le moindre compte. Si nous avons le droit d’être neutres, ce n’
125
e tenir le moindre compte. Si nous avons le droit
d’
être neutres, ce n’est pas en vertu d’un privilège divin, mais d’une m
126
ce n’est pas en vertu d’un privilège divin, mais
d’
une mission bien définie dont nous sommes responsables devant l’Europe
127
alement devant l’Europe, pour pouvoir nous passer
d’
une armée. Ce n’est pas le cas. Mais il n’en reste pas moins que notre
128
Mais il n’en reste pas moins que notre tâche est
de
tout mettre en œuvre pour échapper au cercle de la guerre totale. Je
129
t de tout mettre en œuvre pour échapper au cercle
de
la guerre totale. Je crois que le seul moyen sérieux de résister à l’
130
guerre totale. Je crois que le seul moyen sérieux
de
résister à l’emprise totalitaire sur le plan de la lutte directe, c’e
131
x de résister à l’emprise totalitaire sur le plan
de
la lutte directe, c’est d’inventer des formes de défense non militair
132
otalitaire sur le plan de la lutte directe, c’est
d’
inventer des formes de défense non militaires, donc non totalitaires.
133
de la lutte directe, c’est d’inventer des formes
de
défense non militaires, donc non totalitaires. Je ne dis pas que je l
134
ue je les ai trouvées. Je dis que le salut serait
de
les trouver. La force des totalitaires c’est d’entraîner les démocrat
135
t de les trouver. La force des totalitaires c’est
d’
entraîner les démocrates sur un terrain où ils se renient eux-mêmes. I
136
se renient eux-mêmes. Il est donc vital pour nous
de
refuser ce défi, de déjouer ce calcul, et de ne pas opposer à la viol
137
. Il est donc vital pour nous de refuser ce défi,
de
déjouer ce calcul, et de ne pas opposer à la violence une violence du
138
nous de refuser ce défi, de déjouer ce calcul, et
de
ne pas opposer à la violence une violence du même ordre, mais forcéme
139
tout simplement une énergie renouvelée. Essayons
d’
inventer autre chose. Ne jouons pas le jeu. Imitons les paysans du Mor
140
tons les paysans du Morgarten : ils n’avaient pas
d’
armures ni de lances : ils trichèrent donc au jeu où l’adversaire deva
141
ans du Morgarten : ils n’avaient pas d’armures ni
de
lances : ils trichèrent donc au jeu où l’adversaire devait gagner, et
142
ndirent avec leurs moyens propres : des quartiers
de
roche. Je ne veux pas dire, évidemment, que nous devions nous défendr
143
us défendre aujourd’hui encore avec des quartiers
de
roche ; je veux dire que la force du faible, c’est de refuser le jeu
144
oche ; je veux dire que la force du faible, c’est
de
refuser le jeu du fort, et de le déconcerter par ce refus. Je lis dan
145
ce du faible, c’est de refuser le jeu du fort, et
de
le déconcerter par ce refus. Je lis dans un ouvrage anglais quelques
146
ter nos recherches à cet égard : La non-violence
de
la victime, écrit l’auteur, agit comme le manque d’opposition physiqu
147
la victime, écrit l’auteur, agit comme le manque
d’
opposition physique dans le jiu-jitsu : elle fait perdre son équilibre
148
l se trouve comme précipité dans un nouveau monde
de
valeurs, où il ne sait comment agir, et il y perd son assurance. Repr
149
il y perd son assurance. Représentons-nous cela :
deux
hommes se battent. Ils sont apparemment en divergence absolue ; en ré
150
absolue ; en réalité, ils se battent sur la base
d’
un accord fondamental : la croyance à la validité de la violence. Si t
151
un accord fondamental : la croyance à la validité
de
la violence. Si tout d’un coup l’un des lutteurs supprime cet accord
152
la croyance à la validité de la violence. Si tout
d’
un coup l’un des lutteurs supprime cet accord fondamental et prouve pa
153
t prouve par ses actes qu’il abandonne la méthode
de
lutte ancestrale, il n’est pas étonnant que l’autre soit déconcerté,
154
rce que ses instincts animaux ne lui dictent plus
de
conduite immédiate. Il vacille devant l’inconnu… Pour ma part, je ne
155
inconnu… Pour ma part, je ne suis pas adversaire
de
la violence en soi, mais bien de cette forme mécanique qu’elle revêt
156
s pas adversaire de la violence en soi, mais bien
de
cette forme mécanique qu’elle revêt dans la guerre moderne. Aussi bie
157
as la non-résistance, mais au contraire une forme
de
lutte nouvelle. C’est à cette sorte de jiu-jitsu moral que nous devri
158
une forme de lutte nouvelle. C’est à cette sorte
de
jiu-jitsu moral que nous devrions nous exercer. Si l’on y déployait l
159
vrions nous exercer. Si l’on y déployait le quart
de
l’énergie et de l’esprit de sacrifice qu’on met ordinairement dans le
160
cer. Si l’on y déployait le quart de l’énergie et
de
l’esprit de sacrifice qu’on met ordinairement dans le métier des arme
161
y déployait le quart de l’énergie et de l’esprit
de
sacrifice qu’on met ordinairement dans le métier des armes, il est ce
162
vous le dis pas seulement comme Suisse, convaincu
de
la mission fédéraliste de son pays ; je vous le dis aussi comme chrét
163
comme Suisse, convaincu de la mission fédéraliste
de
son pays ; je vous le dis aussi comme chrétien. Refuser le jeu de l’a
164
vous le dis aussi comme chrétien. Refuser le jeu
de
l’agresseur violent, c’est le premier devoir du chrétien. Déconcerter
165
us avons tous trahi le grand devoir communautaire
de
l’Église, parce que nous avons transformé le christianisme en quelque
166
vons transformé le christianisme en quelque chose
de
rassurant, de distingué, de commode et même de bourgeois. Alors les p
167
é le christianisme en quelque chose de rassurant,
de
distingué, de commode et même de bourgeois. Alors les païens russes e
168
isme en quelque chose de rassurant, de distingué,
de
commode et même de bourgeois. Alors les païens russes et les païens r
169
se de rassurant, de distingué, de commode et même
de
bourgeois. Alors les païens russes et les païens racistes ont fait ce
170
es païens racistes ont fait ce que nous refusions
de
faire. Ils l’ont fait mal, et contre nous. Ils représentent notre châ
171
s Berdiaev. Ce n’est pas à la méchanceté supposée
d’
un Hitler ou d’un Staline que nous devons attribuer tout le mal, mais
172
n’est pas à la méchanceté supposée d’un Hitler ou
d’
un Staline que nous devons attribuer tout le mal, mais aussi bien à la
173
r. Je ne veux, sous aucun prétexte pieux, exciter
de
la haine contre ceux qui adorent l’idole totalitaire. Je veux démasqu
174
n lui rend. Or je distingue dans ces raisons plus
d’
angoisse que de méchanceté. J’ai reçu cet hiver, d’un jeune nazi, une
175
je distingue dans ces raisons plus d’angoisse que
de
méchanceté. J’ai reçu cet hiver, d’un jeune nazi, une lettre signific
176
’angoisse que de méchanceté. J’ai reçu cet hiver,
d’
un jeune nazi, une lettre significative, et à certains égards, fort ém
177
tains égards, fort émouvante. La raison profonde
d’
un mouvement comme le nôtre — m’écrivait-il — est irrationnelle. Nous
178
satisfaisait plus depuis bien longtemps au besoin
de
croire de la majorité du peuple. Nous voulons croire à la mission du
179
it plus depuis bien longtemps au besoin de croire
de
la majorité du peuple. Nous voulons croire à la mission du peuple all
180
ngoisse dans ce peut-être ? Et dans cette volonté
de
croire à n’importe quoi et à tout prix, fût-ce à quelque chose d’auss
181
porte quoi et à tout prix, fût-ce à quelque chose
d’
aussi peu croyable que l’immortalité d’un peuple ?… Or l’angoisse n’ap
182
lque chose d’aussi peu croyable que l’immortalité
d’
un peuple ?… Or l’angoisse n’appelle pas la haine, mais au contraire l
183
des officielles et sous les vantardises effrénées
de
la propagande totalitaire. Tout cela n’exprime qu’un sentiment d’infé
184
totalitaire. Tout cela n’exprime qu’un sentiment
d’
infériorité collective, un manque de foi réelle qui se déguise en défi
185
’un sentiment d’infériorité collective, un manque
de
foi réelle qui se déguise en défi, par désespoir. Mais là encore, je
186
i, par désespoir. Mais là encore, je ne parle pas
d’
une compassion sentimentale. Je parle d’une attitude virile et décidée
187
parle pas d’une compassion sentimentale. Je parle
d’
une attitude virile et décidée, d’une volonté de libérer ces peuples e
188
ntale. Je parle d’une attitude virile et décidée,
d’
une volonté de libérer ces peuples en leur donnant l’exemple, dans nos
189
e d’une attitude virile et décidée, d’une volonté
de
libérer ces peuples en leur donnant l’exemple, dans nos pays, d’une m
190
peuples en leur donnant l’exemple, dans nos pays,
d’
une meilleure solution de leur problème. Contre les excès agaçants de
191
’exemple, dans nos pays, d’une meilleure solution
de
leur problème. Contre les excès agaçants de la propagande soviétique
192
ution de leur problème. Contre les excès agaçants
de
la propagande soviétique et fasciste, toute espèce de tolérance polie
193
a propagande soviétique et fasciste, toute espèce
de
tolérance polie serait déjà une complicité. Ce n’est pas ainsi que je
194
t leur empereur, les chrétiens ne craignaient pas
de
passer pour athées : ils refusaient le culte de l’idole et s’en moqua
195
s de passer pour athées : ils refusaient le culte
de
l’idole et s’en moquaient. Nous aussi nous devons rire des idoles col
196
es colossales qu’on nous vante. Quand je vois les
trois
dictateurs qui font les gros yeux à l’Europe, se proclament tous les
197
les gros yeux à l’Europe, se proclament tous les
trois
infaillibles, je ne crois pas manquer au devoir de charité en jugeant
198
s infaillibles, je ne crois pas manquer au devoir
de
charité en jugeant parfaitement grotesque leur impossible prétention.
199
impossible prétention. Au fanatisme, il convient
d’
opposer une certaine douceur amusée. Voltaire nous conte là-dessus une
200
grecque lui en sut très mauvais gré et lui en fit
de
vifs reproches à ses derniers moments. Mon oncle en fut affligé, et p
201
gé, et pour mourir en paix, il dit à l’archevêque
d’
Astracan : « Allez, ne vous attristez pas. Ne voyez-vous pas que je vo
202
à cette immense question religieuse des peuples,
d’
où sont issus les trois mouvements totalitaires, c’est la réponse vrai
203
stion religieuse des peuples, d’où sont issus les
trois
mouvements totalitaires, c’est la réponse vraiment totale de notre fo
204
ts totalitaires, c’est la réponse vraiment totale
de
notre foi. La foi chrétienne, pour les mystiques idolâtres, c’est un
205
nes au nom desquelles on veut réglementer le tout
de
l’homme, quand il s’agit en vérité des solutions et des doctrines d’u
206
l s’agit en vérité des solutions et des doctrines
d’
un seul parti, d’une seule tendance, et la plus animale de l’homme. Se
207
é des solutions et des doctrines d’un seul parti,
d’
une seule tendance, et la plus animale de l’homme. Seule a le droit d’
208
l parti, d’une seule tendance, et la plus animale
de
l’homme. Seule a le droit d’être totalitaire la vérité totale, qui n’
209
, et la plus animale de l’homme. Seule a le droit
d’
être totalitaire la vérité totale, qui n’appartient qu’à Dieu. C’est d
210
sse aux vrais besoins du citoyen ou du soldat, ou
de
l’ouvrier, ou de l’aryen blond. C’est par cette seule mesure que nous
211
oins du citoyen ou du soldat, ou de l’ouvrier, ou
de
l’aryen blond. C’est par cette seule mesure que nous pourrons devenir
212
’elles ont accepté pour vocation, et responsables
de
cette vocation devant la cité qui les protège. Je ne vous appellerai
213
iste, mais à une tâche constructive, qui se situe
d’
une manière très précise dans le mouvement de l’Histoire occidentale.
214
itue d’une manière très précise dans le mouvement
de
l’Histoire occidentale. Trois siècles d’individualisme, de divinisati
215
cise dans le mouvement de l’Histoire occidentale.
Trois
siècles d’individualisme, de divinisation de l’homme, nous ont condui
216
ouvement de l’Histoire occidentale. Trois siècles
d’
individualisme, de divinisation de l’homme, nous ont conduits à une di
217
oire occidentale. Trois siècles d’individualisme,
de
divinisation de l’homme, nous ont conduits à une dissolution presque
218
. Trois siècles d’individualisme, de divinisation
de
l’homme, nous ont conduits à une dissolution presque totale de la soc
219
ous ont conduits à une dissolution presque totale
de
la société. Nous ne sommes plus qu’une poussière de petits individus,
220
la société. Nous ne sommes plus qu’une poussière
de
petits individus, impuissants, isolés, anxieux. Allons-nous retomber
221
’Histoire ne l’est pas moins. Il dépend en partie
de
nous que nous trouvions la solution de l’éternel problème individu-co
222
en partie de nous que nous trouvions la solution
de
l’éternel problème individu-communauté. Il dépend en partie de nous d
223
problème individu-communauté. Il dépend en partie
de
nous de refaire une société vivable, une commune mesure vivante sur l
224
individu-communauté. Il dépend en partie de nous
de
refaire une société vivable, une commune mesure vivante sur le fondem
225
able, une commune mesure vivante sur le fondement
de
la personne, c’est-à-dire de l’individu à la fois libre et engagé, au
226
nte sur le fondement de la personne, c’est-à-dire
de
l’individu à la fois libre et engagé, autonome et pourtant solidaire.
227
sirons, mais nous aurons du moins sauvé l’honneur
de
cette génération anxieuse. Et pour tout dire, je ne suis pas sans esp
228
suis pas sans espoir. Les faux dieux ne font pas
de
miracles. Je ne me lasserai jamais de le répéter — c’est mon delenda
229
ne font pas de miracles. Je ne me lasserai jamais
de
le répéter — c’est mon delenda Carthago : Là où l’homme veut être tot
230
être total, l’État ne sera jamais totalitaire.
1.
Conclusions d’une conférence prononcée à Genève au mois de mai 1938,
231
tat ne sera jamais totalitaire. 1. Conclusions
d’
une conférence prononcée à Genève au mois de mai 1938, sous les auspic
232
sions d’une conférence prononcée à Genève au mois
de
mai 1938, sous les auspices de Zofingue et de l’Association chrétienn
233
’une conférence prononcée à Genève au mois de mai
1938,
sous les auspices de Zofingue et de l’Association chrétienne d’étudia
234
e à Genève au mois de mai 1938, sous les auspices
de
Zofingue et de l’Association chrétienne d’étudiants. Le thème général
235
ois de mai 1938, sous les auspices de Zofingue et
de
l’Association chrétienne d’étudiants. Le thème général était celui-ci
236
spices de Zofingue et de l’Association chrétienne
d’
étudiants. Le thème général était celui-ci : les trois mouvements « to
237
’étudiants. Le thème général était celui-ci : les
trois
mouvements « totalitaires » qui nous menacent — communisme, hitlérism
238
munisme, hitlérisme et fascisme — sont en réalité
trois
religions nouvelles, qui sous divers prétextes politiques, apparemmen
239
ont pour but véritable — et souvent inconscient —
de
remplacer le christianisme défaillant par le culte social de l’État e
240
r le christianisme défaillant par le culte social
de
l’État et de son principe « sacral » : Prolétariat, Race, Empire. 2.
241
nisme défaillant par le culte social de l’État et
de
son principe « sacral » : Prolétariat, Race, Empire. 2. Quelques bou
242
principe « sacral » : Prolétariat, Race, Empire.
2.
Quelques bourgeois veulent voir dans le fascisme le « rempart de l’or
243
rgeois veulent voir dans le fascisme le « rempart
de
l’ordre établi ». C’est bien touchant. Voici ce que dit à leur sujet
244
désormais sur nos épaules, et qu’ils feront mieux
d’
avoir peur de nous que du communisme. » a. Rougemont Denis de, « La
245
nos épaules, et qu’ils feront mieux d’avoir peur
de
nous que du communisme. » a. Rougemont Denis de, « La vraie défense
246
de nous que du communisme. » a. Rougemont Denis
de
, « La vraie défense contre l’esprit totalitaire », Les Cahiers protes
247
ire », Les Cahiers protestants, Lausanne, juillet
1938,
p. 411-425.
248
Nicolas de Flue et la Réforme (août
1939
)b Pour la très grande majorité des Suisses d’aujourd’hui, surtout
249
939)b Pour la très grande majorité des Suisses
d’
aujourd’hui, surtout dans les cantons protestants, Nicolas de Flue est
250
t un souvenir scolaire. Nous n’avons guère retenu
de
son histoire que l’image d’un ermite à longue barbe qui rétablit la p
251
n’avons guère retenu de son histoire que l’image
d’
un ermite à longue barbe qui rétablit la paix civile entre les vieux C
252
s vieux Confédérés, en prononçant devant la Diète
de
Stans un discours plein d’élévation. Comment prendre vraiment au séri
253
onçant devant la Diète de Stans un discours plein
d’
élévation. Comment prendre vraiment au sérieux un drame qui se dénoue
254
se fasse attendre). Mais là, c’est l’autre aspect
de
la vie du « Frère Claus » qui est exalté : on parle surtout de ses mi
255
« Frère Claus » qui est exalté : on parle surtout
de
ses miracles, de son ascèse, de ses visions, et même parfois des prop
256
ui est exalté : on parle surtout de ses miracles,
de
son ascèse, de ses visions, et même parfois des prophéties qu’on lui
257
on parle surtout de ses miracles, de son ascèse,
de
ses visions, et même parfois des prophéties qu’on lui attribue sur la
258
sur la Réforme et ses « innovations ». Une suite
de
hasards m’ayant mis entre les mains, au cours de l’été dernier, quelq
259
el point que je n’hésitai pas à en faire le sujet
d’
un drame, qui sera représenté à Zurich en septembre, et pour lequel Ar
260
omposé une importante partition chorale. Le choix
de
ce sujet n’a pas été sans surprendre certains de mes amis protestants
261
de ce sujet n’a pas été sans surprendre certains
de
mes amis protestants, et — pour d’autres raisons sans doute — certain
262
re que j’avançais dans mon travail, que la figure
de
Nicolas de Flue pouvait revêtir pour les Suisses d’aujourd’hui, et po
263
Nicolas de Flue pouvait revêtir pour les Suisses
d’
aujourd’hui, et pour les protestants précisément, une signification pe
264
signification peut-être toute nouvelle. La vie
de
Nicolas Quel fut cet homme, en vérité ? Et peut-on le comprendre,
265
rs de son temps ? Il naquit à l’époque du concile
de
Constance, et mourut à la fin du xve siècle. Son existence coïncide
266
coïncide donc exactement avec la dernière période
d’
unité de l’Église occidentale. Le concile de Constance venait de mettr
267
donc exactement avec la dernière période d’unité
de
l’Église occidentale. Le concile de Constance venait de mettre fin au
268
riode d’unité de l’Église occidentale. Le concile
de
Constance venait de mettre fin au Grand Schisme de la catholicité. Au
269
e Constance venait de mettre fin au Grand Schisme
de
la catholicité. Au pape d’Avignon, au pape de Rome, à l’antipape qu’o
270
e fin au Grand Schisme de la catholicité. Au pape
d’
Avignon, au pape de Rome, à l’antipape qu’on avait tenté de leur oppos
271
sme de la catholicité. Au pape d’Avignon, au pape
de
Rome, à l’antipape qu’on avait tenté de leur opposer — et tous les tr
272
, au pape de Rome, à l’antipape qu’on avait tenté
de
leur opposer — et tous les trois s’excommuniaient réciproquement, ain
273
e qu’on avait tenté de leur opposer — et tous les
trois
s’excommuniaient réciproquement, ainsi que leurs fidèles, en sorte qu
274
orte que toute la chrétienté se vit alors frappée
d’
anathème ! — le concile avait substitué un pontife unique et romain. O
275
ss, le premier qui eût osé proclamer la nécessité
d’
une réforme. On l’avait fait monter sur le bûcher au mépris de la paro
276
e. On l’avait fait monter sur le bûcher au mépris
de
la parole donnée. Il semblait que la chrétienté se regroupait, non sa
277
regroupait, non sans résignation, autour du siège
de
Saint-Pierre raffermi dans sa Primauté. Mais une discipline extérieur
278
e ne pouvait pas tromper les âmes. Et la vie même
de
Nicolas de Flue nous en donne une preuve édifiante. Dès son enfance,
279
fance, nous le voyons s’astreindre aux « œuvres »
de
la religion qui est alors celle de tous — mais avec une conscience bi
280
aux « œuvres » de la religion qui est alors celle
de
tous — mais avec une conscience bizarrement scrupuleuse. Il ne prend
281
ise ou pour les ordres. Mais non, parvenu à l’âge
d’
homme, il s’engage dans les bandes armées qui guerroyaient alors contr
282
n natal pour y exercer les fonctions patriarcales
de
juge de paix, tout en cultivant son domaine. Un beau jour, certaine i
283
ice flagrante commise par ses collègues, au cours
d’
un procès, le décide à déposer sa charge et à se retirer dans sa famil
284
retirer dans sa famille. C’est le deuxième temps
de
cette espèce de retraite concentrique — vers lui-même — qui est la fo
285
famille. C’est le deuxième temps de cette espèce
de
retraite concentrique — vers lui-même — qui est la forme de sa destin
286
e concentrique — vers lui-même — qui est la forme
de
sa destinée. Notons que ce capitaine, puis ce juge, puis ce père de f
287
tons que ce capitaine, puis ce juge, puis ce père
de
famille — il aura dix enfants — n’est pas un type exceptionnel parmi
288
, puis ce juge, puis ce père de famille — il aura
dix
enfants — n’est pas un type exceptionnel parmi les vieux confédérés,
289
s vieux confédérés, sinon par la rigueur inusitée
de
sa conscience. C’est un citoyen de bon sens et de bon conseil, un sol
290
gueur inusitée de sa conscience. C’est un citoyen
de
bon sens et de bon conseil, un solide paysan, les deux pieds sur la t
291
de sa conscience. C’est un citoyen de bon sens et
de
bon conseil, un solide paysan, les deux pieds sur la terre, et non pa
292
bon sens et de bon conseil, un solide paysan, les
deux
pieds sur la terre, et non pas un sectaire ou un illuminé auquel des
293
apaisement que devraient lui donner les pratiques
d’
une extrême dévotion, ses proches ont bien senti le drame intime, long
294
des visions, peut-être a-t-il manqué sa vocation
de
prêtre, — déçu par les exemples qu’il avait sous les yeux. Peut-être
295
ve-t-il comme tout son siècle, et sans le savoir,
d’
une piété plus intérieure, d’un contact plus direct, plus confiant ave
296
, et sans le savoir, d’une piété plus intérieure,
d’
un contact plus direct, plus confiant avec Dieu… À cinquante ans, il n
297
n contact plus direct, plus confiant avec Dieu… À
cinquante
ans, il n’y résiste plus : sa vocation profonde triomphe de tous ses
298
n’y résiste plus : sa vocation profonde triomphe
de
tous ses doutes, et même de ses devoirs et attachements humains. Quel
299
ion profonde triomphe de tous ses doutes, et même
de
ses devoirs et attachements humains. Quelle vocation ? Celle des « fr
300
sur les routes, au hasard, abandonnés au souffle
de
l’Esprit. Il fait part à sa femme de cette terrible décision, et elle
301
s au souffle de l’Esprit. Il fait part à sa femme
de
cette terrible décision, et elle l’accepte au terme d’une lutte héroï
302
tte terrible décision, et elle l’accepte au terme
d’
une lutte héroïque avec elle-même. Alors commence la vie de solitude e
303
te héroïque avec elle-même. Alors commence la vie
de
solitude et d’oraison que toute l’évolution intérieure de Nicolas sem
304
c elle-même. Alors commence la vie de solitude et
d’
oraison que toute l’évolution intérieure de Nicolas semblait appeler c
305
ude et d’oraison que toute l’évolution intérieure
de
Nicolas semblait appeler comme une fin obscure et pourtant obsédante.
306
une fin obscure et pourtant obsédante. Vie libre
d’
un laïque chrétien, hors de tout ordre monastique, hors du clergé cons
307
monastique, hors du clergé constitué. À une heure
de
chez lui, dans la gorge du Ranft, il se construit une cellule, auprès
308
rge du Ranft, il se construit une cellule, auprès
d’
une minuscule chapelle. Et le miracle, préparé dès son enfance, se réa
309
: Nicolas s’aperçoit soudain qu’il peut se passer
de
manger ! Une fois par semaine il s’en va communier dans un des villag
310
mme il le répétera souvent : « L’homme ne vit pas
de
pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de mon Pèr
311
nt : « L’homme ne vit pas de pain seulement, mais
de
toute parole qui sort de la bouche de mon Père »… Ni les espions plac
312
de pain seulement, mais de toute parole qui sort
de
la bouche de mon Père »… Ni les espions placés autour de l’ermitage p
313
ement, mais de toute parole qui sort de la bouche
de
mon Père »… Ni les espions placés autour de l’ermitage par des autori
314
des autorités fort soupçonneuses, ni les envoyés
de
l’évêque n’ont jamais pu prendre en défaut le « Frère Claus » — ainsi
315
s par la curiosité, les autres par le grand désir
de
recevoir une parole simple et forte, un conseil, une révélation. (Bea
316
révélation. (Beaucoup nous ont laissé la relation
de
leur visite : unanimes dans l’admiration devant cet « homme de Dieu »
317
e : unanimes dans l’admiration devant cet « homme
de
Dieu » fruste et biblique.) Il n’est pas jusqu’aux princes des contré
318
lèguent auprès du Frère Claus des envoyés chargés
d’
obtenir son appui : car son conseil est si puissant parmi les Suisses
319
est si puissant parmi les Suisses qu’on a coutume
de
s’adresser d’abord à lui lorsqu’il faut négocier un traité. C’est ain
320
’est ainsi que le solitaire conseille aux Suisses
de
se montrer prudents dans l’affaire de Bourgogne, où l’Autriche et la
321
aux Suisses de se montrer prudents dans l’affaire
de
Bourgogne, où l’Autriche et la France complotent de les précipiter. I
322
Bourgogne, où l’Autriche et la France complotent
de
les précipiter. Il voit trop bien à quels dangers leur victoire même
323
erre pour s’enrichir, et s’ils apprennent le prix
de
l’or, c’en sera fait de leur union patriarcale. Mais la tentation est
324
s’ils apprennent le prix de l’or, c’en sera fait
de
leur union patriarcale. Mais la tentation est trop forte. Les Suisses
325
st trop forte. Les Suisses passent outre aux avis
de
l’ermite, et toutes ses prédictions se réalisent : victoires, pillage
326
édictions se réalisent : victoires, pillage, flot
d’
or, et disputes sanglantes à propos du partage. Les choses s’envenimen
327
Les choses s’enveniment à tel point qu’en l’année
1486,
quinze assemblées de la Diète des cantons n’ont pas suffi pour rétabl
328
oses s’enveniment à tel point qu’en l’année 1486,
quinze
assemblées de la Diète des cantons n’ont pas suffi pour rétablir l’un
329
à tel point qu’en l’année 1486, quinze assemblées
de
la Diète des cantons n’ont pas suffi pour rétablir l’union. C’est alo
330
ssible, et les députés se séparent sur une menace
de
guerre civile entre cités et petits cantons. Mais voici l’heure de Ni
331
entre cités et petits cantons. Mais voici l’heure
de
Nicolas, l’heure qui donnera son plein sens à sa vie et à ses retrait
332
s retraites successives. Pendant la nuit, le curé
de
Stans monte au Ranft, et il adjure le solitaire de tenter un dernier
333
e Stans monte au Ranft, et il adjure le solitaire
de
tenter un dernier effort. On ne sait pas — on ne saura jamais — de qu
334
ier effort. On ne sait pas — on ne saura jamais —
de
quel message Nicolas l’a chargé. Ce que l’on sait, par ce qu’attesten
335
eur transmit dans une séance secrète les conseils
de
Nicolas. Miracle ? Ou résultat d’une combinaison particulièrement « p
336
te les conseils de Nicolas. Miracle ? Ou résultat
d’
une combinaison particulièrement « politique » dont l’ermite eût donné
337
nné l’idée ? Il me paraît probable que l’autorité
de
Nicolas sur ses compatriotes suffit à calmer les esprits et à permett
338
si la paix avait été sauvée, et avec elle le sort
de
la fédération, on le devait par-dessus tout à l’action de l’ermite du
339
dération, on le devait par-dessus tout à l’action
de
l’ermite du Ranft. (Remarquons à ce propos que la seule chose que tou
340
propos que la seule chose que tout le monde sache
de
Nicolas, est en réalité la seule qu’il n’ait pas faite : sa venue en
341
ononcé !) La piété du Frère Claus Ce résumé
d’
une existence peut suffire à nous étonner, peut-être même à nous faire
342
peut-être même à nous faire partager cette espèce
de
vénération que lui vouèrent les hommes du xve siècle. Mais on peut c
343
ècle. Mais on peut craindre aussi que l’essentiel
de
la personne nous échappe, si nous nous limitons au savoir historique.
344
ès difficile, sur les documents qui nous restent,
de
nous faire une idée, et mieux : un sentiment, de la foi du « pieux ho
345
de nous faire une idée, et mieux : un sentiment,
de
la foi du « pieux homme frère Claus ». Nous en sommes forcément rédui
346
approches tâtonnantes. Pour ma part, je tenterai
de
distinguer dans la vie religieuse de Nicolas trois tendances ou trois
347
je tenterai de distinguer dans la vie religieuse
de
Nicolas trois tendances ou trois courants qui permettront peut-être d
348
i de distinguer dans la vie religieuse de Nicolas
trois
tendances ou trois courants qui permettront peut-être de mieux situer
349
s la vie religieuse de Nicolas trois tendances ou
trois
courants qui permettront peut-être de mieux situer cet homme par rapp
350
ances ou trois courants qui permettront peut-être
de
mieux situer cet homme par rapport à son temps tout d’abord, mais aus
351
lle que les catholiques mettent surtout en valeur
de
nos jours : la dévotion au Saint-Sacrement, à la Vierge et aux saints
352
x saints, l’ascétisme, les visions, les pratiques
de
piété. Beaucoup de documents indiscutables nous obligent à prendre au
353
e au sérieux cet aspect proprement « catholique »
de
la religion du Bienheureux. Toutefois, je ne puis me persuader qu’il
354
uvres qu’il pratique et d’autre part les troubles
de
conscience qui ne cessent de l’assiéger, comment ne point songer à la
355
re part les troubles de conscience qui ne cessent
de
l’assiéger, comment ne point songer à la piété du jeune Luther, et à
356
songer à la piété du jeune Luther, et à ce drame
de
Wittemberg dont la Réforme devait sortir ? Rappelez-vous le moine aug
357
s plus scrupuleuses : comme Nicolas, il espérait,
de
toute son âme, s’acquérir la sainteté par les voies qu’ordonnait l’Ég
358
é par les voies qu’ordonnait l’Église ; mais loin
d’
y trouver l’apaisement, il sentait croître en lui l’inquiétude du salu
359
le soin dont j’étais capable, je me suis efforcé
de
les observer par le jeûne, les veilles, les oraisons et autres exerci
360
e persécutent, parce que je leur enlève la gloire
de
se justifier… J’imposais à mon corps plus d’efforts qu’il n’en pouvai
361
oire de se justifier… J’imposais à mon corps plus
d’
efforts qu’il n’en pouvait fournir sans danger pour la santé… Tout ce
362
toute simplicité, par pur zèle et pour la gloire
de
Dieu. Toute ma vie n’était que jeûnes, veilles, oraisons, sueurs… E
363
ritiques catholiques modernes reprochent à Luther
d’
avoir « manqué de discrétion » dans ses pratiques. Mais ce reproche n’
364
ues modernes reprochent à Luther d’avoir « manqué
de
discrétion » dans ses pratiques. Mais ce reproche n’atteindrait-il pa
365
as davantage un Nicolas de Flue, jeûnant plus que
de
raison dès son enfance, et au-delà de toute « discrétion » imaginable
366
nt plus que de raison dès son enfance, et au-delà
de
toute « discrétion » imaginable pendant ses vingt dernières années ?
367
là de toute « discrétion » imaginable pendant ses
vingt
dernières années ? Ce rapprochement, que je ne puis qu’esquisser, nou
368
ne puis qu’esquisser, nous mettrait-il en mesure
de
deviner la raison spirituelle des inquiétudes que nourrit Nicolas jus
369
? Toutes proportions gardées, il me paraît licite
de
voir dans le cas du paysan, illettré et simple fidèle, une sorte de p
370
s du paysan, illettré et simple fidèle, une sorte
de
préfiguration du drame qui se jouera un peu plus tard dans la conscie
371
nous pourrions précisément saisir, dans la piété
de
Nicolas, les éléments sinon « protestants » du moins pré-réformés qui
372
ent perçus par ses après-venants. On serait tenté
de
chercher ailleurs, à un niveau plus apparent, les manifestations de l
373
rs, à un niveau plus apparent, les manifestations
de
la tendance pré-réformée chez l’ermite. Les auteurs catholiques eux-m
374
sévères pour les abus et les trahisons du clergé
de
son siècle. On cite les répliques assez dures dont il gratifia plus d
375
e les répliques assez dures dont il gratifia plus
d’
un évêque ou supérieur de couvent venu le voir par curiosité. Mais cet
376
es dont il gratifia plus d’un évêque ou supérieur
de
couvent venu le voir par curiosité. Mais cet anticléricalisme et ce d
377
curiosité. Mais cet anticléricalisme et ce désir
de
réformer les mœurs ecclésiastiques sont choses si courantes au Moyen
378
si courantes au Moyen Âge qu’il serait imprudent
d’
y chercher un trait spécifique de la spiritualité de Nicolas. Un Franç
379
serait imprudent d’y chercher un trait spécifique
de
la spiritualité de Nicolas. Un François d’Assise, une Catherine de Si
380
y chercher un trait spécifique de la spiritualité
de
Nicolas. Un François d’Assise, une Catherine de Sienne, un Gerson, un
381
an Huss, avant Wiclef, élevé contre la corruption
de
Rome et du clergé des protestations autrement violentes. Quant à la v
382
estations autrement violentes. Quant à la volonté
de
vivre en dehors des cadres de l’Église, volonté que Nicolas a toujour
383
Quant à la volonté de vivre en dehors des cadres
de
l’Église, volonté que Nicolas a toujours affirmée, non seulement en r
384
as a toujours affirmée, non seulement en refusant
de
devenir prêtre, mais surtout en cherchant son salut dans une solitude
385
ut dans une solitude érémitique d’ailleurs pleine
d’
activité autant que de contemplation3, je pense qu’il faut la rattache
386
rémitique d’ailleurs pleine d’activité autant que
de
contemplation3, je pense qu’il faut la rattacher surtout à une troisi
387
me tendance, la plus importante à mes yeux, celle
de
la mystique germanique. Nous savons que par sa mère et par certains a
388
Nous savons que par sa mère et par certains amis
de
celle-ci, tel le curé Matthias Hattinger, le jeune Nicolas avait subi
389
l’influence très profonde du mouvement des « Amis
de
Dieu ». Initié en Alsace par le marchand Rulman Merswin, au xive siè
390
mouvement plus ou moins hérétique n’est pas sans
d’
intimes relations avec les doctrines mystiques de Suso et de Tauler, e
391
d’intimes relations avec les doctrines mystiques
de
Suso et de Tauler, et par eux, de Maître Eckhart. On sait que Luther,
392
relations avec les doctrines mystiques de Suso et
de
Tauler, et par eux, de Maître Eckhart. On sait que Luther, de son côt
393
rines mystiques de Suso et de Tauler, et par eux,
de
Maître Eckhart. On sait que Luther, de son côté, fut assez fortement
394
t par eux, de Maître Eckhart. On sait que Luther,
de
son côté, fut assez fortement influencé par ces mêmes doctrines. Cepe
395
mêmes doctrines. Cependant, il serait très abusif
de
ramener à une forme larvée de protestantisme cette piété d’un type to
396
serait très abusif de ramener à une forme larvée
de
protestantisme cette piété d’un type tout à fait original, proprement
397
à une forme larvée de protestantisme cette piété
d’
un type tout à fait original, proprement germanique, ou plus préciséme
398
, au sens moderne, et qui se rapprocherait plutôt
de
celle des sectes mystiques qui foisonnèrent en Occident à partir du x
399
u xiie siècle et du mouvement cathare. Plusieurs
de
ses principaux représentants vécurent en Suisse allemande du xiiie a
400
n peut l’expliquer — si l’on ne tenait pas compte
de
cet environnement spirituel, et des contacts qu’il dut avoir avec cer
401
t des contacts qu’il dut avoir avec certains Amis
de
Dieu. Lorsqu’il quitta sa femme et ses enfants, son idée n’était-ell
402
a femme et ses enfants, son idée n’était-elle pas
de
se rendre en Alsace, pour y rejoindre des communautés d’Amis de Dieu
403
endre en Alsace, pour y rejoindre des communautés
d’
Amis de Dieu dont Hattinger lui avait parlé ? Et la première visite qu
404
n Alsace, pour y rejoindre des communautés d’Amis
de
Dieu dont Hattinger lui avait parlé ? Et la première visite qu’il reç
405
reçut au Ranft ne fut-elle pas précisément celle
d’
un pèlerin « ami de Dieu », peut-être délégué par le mouvement ? Les p
406
fut-elle pas précisément celle d’un pèlerin « ami
de
Dieu », peut-être délégué par le mouvement ? Les plus récents histori
407
? Les plus récents historiens l’ont admis, après
de
nombreux tâtonnements. D’autre part, la fameuse « petite prière » de
408
ments. D’autre part, la fameuse « petite prière »
de
Nicolas (das Gebetlein) popularisée par la littérature hagiographique
409
ature hagiographique est en réalité la paraphrase
d’
un texte du mystique Heinrich Suso : Mon Seigneur et mon Dieu, ôte de
410
ue Heinrich Suso : Mon Seigneur et mon Dieu, ôte
de
moi tout ce qui m’éloigne de toi ! Mon Seigneur et mon Dieu, donne-
411
eur et mon Dieu, ôte de moi tout ce qui m’éloigne
de
toi ! Mon Seigneur et mon Dieu, donne-moi tout ce qui me rapproche
412
r et mon Dieu, donne-moi tout ce qui me rapproche
de
toi ! Mon Seigneur et mon Dieu, arrache-moi à moi-même et donne-moi
413
moi tout entier à toi seul ! Il n’est pas facile
de
caractériser en quelques mots cette « piété germanique », de forme pr
414
iser en quelques mots cette « piété germanique »,
de
forme proprement mystique. Qu’il suffise d’indiquer qu’elle représent
415
ue », de forme proprement mystique. Qu’il suffise
d’
indiquer qu’elle représentait, face à l’Église établie, une aspiration
416
es pratiques ou malgré elles, une intériorisation
de
la foi, mais aussi une volonté de communion et presque de communisme
417
intériorisation de la foi, mais aussi une volonté
de
communion et presque de communisme spirituel et matériel ; bref, une
418
i, mais aussi une volonté de communion et presque
de
communisme spirituel et matériel ; bref, une certaine déviation « spi
419
; bref, une certaine déviation « spiritualiste »
de
la foi, mais compensée par un salutaire redressement du sens moral et
420
taire. Le réalisme très paysan et très helvétique
de
Nicolas le préserva des excès de la secte — c’est ainsi qu’il ne romp
421
très helvétique de Nicolas le préserva des excès
de
la secte — c’est ainsi qu’il ne rompit jamais avec l’Église, tout en
422
que ses propos et son action relèvent directement
de
cette espèce de réaction intérieure au formalisme romain, qu’ont repr
423
t son action relèvent directement de cette espèce
de
réaction intérieure au formalisme romain, qu’ont représenté les Amis
424
au formalisme romain, qu’ont représenté les Amis
de
Dieu. Et l’on conçoit que ce mouvement, rectifié et rendu plus sobre
425
directe des Écritures, ait pu déboucher, quelque
cinquante
années plus tard, dans la Réforme luthérienne et zwinglienne. (Tout d
426
le mouvement assez voisin des Vaudois, ou Pauvres
de
Lyon, se confondit sans nulle difficulté avec le calvinisme.) Nico
427
olas de Flue et les réformés La contre-épreuve
de
ces diverses hypothèses m’a été fournie d’une manière très convaincan
428
preuve de ces diverses hypothèses m’a été fournie
d’
une manière très convaincante par la lecture des deux grands recueils
429
’une manière très convaincante par la lecture des
deux
grands recueils de documents sur Nicolas que publiait, au lendemain d
430
vaincante par la lecture des deux grands recueils
de
documents sur Nicolas que publiait, au lendemain de la guerre, Robert
431
documents sur Nicolas que publiait, au lendemain
de
la guerre, Robert Dürrer, historien du canton d’Unterwald. C’est une
432
de la guerre, Robert Dürrer, historien du canton
d’
Unterwald. C’est une véritable somme critique de tout ce que la tradit
433
n d’Unterwald. C’est une véritable somme critique
de
tout ce que la tradition nous a livré concernant le pacificateur de l
434
tradition nous a livré concernant le pacificateur
de
la Suisse. On ne saurait en louer assez la science, et surtout l’honn
435
un doute à cette dernière qualité que nous devons
de
pouvoir redécouvrir aujourd’hui, malgré certain accaparement de Nicol
436
écouvrir aujourd’hui, malgré certain accaparement
de
Nicolas de Flue par l’Église romaine, la signification qu’il eut, en
437
u’il eut, en fait, pour les premières générations
de
la Réforme. Ce n’est pas sans un joyeux étonnement que je suis tombé,
438
peine les gros volumes ouverts, sur une abondance
de
citations de Luther, de Zwingli, de Vadian, de Bullinger, d’Œcolampad
439
s volumes ouverts, sur une abondance de citations
de
Luther, de Zwingli, de Vadian, de Bullinger, d’Œcolampade, unanimes à
440
uverts, sur une abondance de citations de Luther,
de
Zwingli, de Vadian, de Bullinger, d’Œcolampade, unanimes à revendique
441
une abondance de citations de Luther, de Zwingli,
de
Vadian, de Bullinger, d’Œcolampade, unanimes à revendiquer l’exemple
442
ce de citations de Luther, de Zwingli, de Vadian,
de
Bullinger, d’Œcolampade, unanimes à revendiquer l’exemple de Nicolas
443
s de Luther, de Zwingli, de Vadian, de Bullinger,
d’
Œcolampade, unanimes à revendiquer l’exemple de Nicolas de Flue à l’ap
444
r, d’Œcolampade, unanimes à revendiquer l’exemple
de
Nicolas de Flue à l’appui de leur œuvre de réforme de l’Église. Et ce
445
xemple de Nicolas de Flue à l’appui de leur œuvre
de
réforme de l’Église. Et ce n’est pas sans un léger mouvement de triom
446
icolas de Flue à l’appui de leur œuvre de réforme
de
l’Église. Et ce n’est pas sans un léger mouvement de triomphe, je l’a
447
l’Église. Et ce n’est pas sans un léger mouvement
de
triomphe, je l’avoue, que j’ai trouvé ce fait, très généralement igno
448
es drames protestants, composés par des disciples
de
Zwingli, voire dans des intentions de polémique antiromaine (lesquell
449
s disciples de Zwingli, voire dans des intentions
de
polémique antiromaine (lesquelles d’ailleurs sont loin de nous réjoui
450
la Réforme). Il n’est peut-être pas sans intérêt
de
donner ici un aperçu rapide de cette littérature réformée sur Nicolas
451
e pas sans intérêt de donner ici un aperçu rapide
de
cette littérature réformée sur Nicolas. Je la diviserai en trois rubr
452
térature réformée sur Nicolas. Je la diviserai en
trois
rubriques. 1. Chroniques. — La première en date est celle de Heinric
453
sur Nicolas. Je la diviserai en trois rubriques.
1.
Chroniques. — La première en date est celle de Heinrich Glarean, écri
454
. 1. Chroniques. — La première en date est celle
de
Heinrich Glarean, écrite en latin, et commentée par Myconius, Lucerno
455
e par Myconius, Lucernois réformé, sur la demande
de
Zwingli et de Vadian. C’est encore un ami de Vadian, Hermann Miles (o
456
, Lucernois réformé, sur la demande de Zwingli et
de
Vadian. C’est encore un ami de Vadian, Hermann Miles (ou Ritter) de S
457
ande de Zwingli et de Vadian. C’est encore un ami
de
Vadian, Hermann Miles (ou Ritter) de Saint-Gall, qui mentionne le Frè
458
ncore un ami de Vadian, Hermann Miles (ou Ritter)
de
Saint-Gall, qui mentionne le Frère Claus avec de grands éloges dans u
459
de Saint-Gall, qui mentionne le Frère Claus avec
de
grands éloges dans un ouvrage daté de 1522. (Nous sommes donc aux tou
460
Claus avec de grands éloges dans un ouvrage daté
de
1522. (Nous sommes donc aux tout premiers jours de la Réforme.) En 15
461
aus avec de grands éloges dans un ouvrage daté de
1522.
(Nous sommes donc aux tout premiers jours de la Réforme.) En 1529, un
462
e 1522. (Nous sommes donc aux tout premiers jours
de
la Réforme.) En 1529, un protestant bernois, Valerius Anshelm, nous d
463
s donc aux tout premiers jours de la Réforme.) En
1529,
un protestant bernois, Valerius Anshelm, nous donne la première biogr
464
elm, nous donne la première biographie importante
de
Nicolas, sur le ton le plus enthousiaste. Il est suivi en 1546 par St
465
sur le ton le plus enthousiaste. Il est suivi en
1546
par Stumpff, protestant zurichois. En 1556, Matthias Flacius Illyricu
466
ivi en 1546 par Stumpff, protestant zurichois. En
1556,
Matthias Flacius Illyricus, professeur d’hébreu à Wittenberg, et parf
467
. En 1556, Matthias Flacius Illyricus, professeur
d’
hébreu à Wittenberg, et parfois nommé le père de l’histoire des église
468
r d’hébreu à Wittenberg, et parfois nommé le père
de
l’histoire des églises protestantes, mentionne longuement Nicolas dan
469
longuement Nicolas dans son Catalogue des témoins
de
la foi qui se sont dressés avant Martin Luther, par la parole et par
470
e et par l’écrit, contre le pape et ses erreurs.
2.
Sermons et pamphlets des réformateurs. — En 1523 déjà, Zwingli cite l
471
. 2. Sermons et pamphlets des réformateurs. — En
1523
déjà, Zwingli cite l’exemple du Frère Claus dans un sermon sur le Bon
472
sur le Bon berger et les mauvais bergers. Puis en
1524,
il rappelle les conseils politiques de l’ermite, ses mises en garde r
473
Puis en 1524, il rappelle les conseils politiques
de
l’ermite, ses mises en garde répétées contre le service mercenaire à
474
ire à l’étranger. Et comme Johannes Faber tentait
de
lui opposer une parole de Nicolas conjurant les Suisses de garder la
475
Johannes Faber tentait de lui opposer une parole
de
Nicolas conjurant les Suisses de garder la foi de leurs pères, Zwingl
476
poser une parole de Nicolas conjurant les Suisses
de
garder la foi de leurs pères, Zwingli réplique que les réformés sont
477
de Nicolas conjurant les Suisses de garder la foi
de
leurs pères, Zwingli réplique que les réformés sont les véritables di
478
des Apôtres, et se sont refusés à faire commerce
de
leur religion. De 1526 à 1574, nous trouvons de nombreuses mentions d
479
e sont refusés à faire commerce de leur religion.
De
1526 à 1574, nous trouvons de nombreuses mentions du Frère Claus dans
480
ont refusés à faire commerce de leur religion. De
1526
à 1574, nous trouvons de nombreuses mentions du Frère Claus dans les
481
usés à faire commerce de leur religion. De 1526 à
1574,
nous trouvons de nombreuses mentions du Frère Claus dans les sermons
482
e de leur religion. De 1526 à 1574, nous trouvons
de
nombreuses mentions du Frère Claus dans les sermons et traités de Bul
483
ntions du Frère Claus dans les sermons et traités
de
Bullinger (successeur de Zwingli à Zurich) ; de Vadian (Joachim von W
484
s les sermons et traités de Bullinger (successeur
de
Zwingli à Zurich) ; de Vadian (Joachim von Watt, réformateur de Saint
485
s de Bullinger (successeur de Zwingli à Zurich) ;
de
Vadian (Joachim von Watt, réformateur de Saint-Gall et grand humanist
486
urich) ; de Vadian (Joachim von Watt, réformateur
de
Saint-Gall et grand humaniste) ; d’Œcolampade (réformateur de Bâle) ;
487
, réformateur de Saint-Gall et grand humaniste) ;
d’
Œcolampade (réformateur de Bâle) ; d’Ulrich Campell, pasteur de Coire.
488
l et grand humaniste) ; d’Œcolampade (réformateur
de
Bâle) ; d’Ulrich Campell, pasteur de Coire. Ajoutons qu’en 1585, une
489
humaniste) ; d’Œcolampade (réformateur de Bâle) ;
d’
Ulrich Campell, pasteur de Coire. Ajoutons qu’en 1585, une délégation
490
(réformateur de Bâle) ; d’Ulrich Campell, pasteur
de
Coire. Ajoutons qu’en 1585, une délégation des cantons réformés se re
491
’Ulrich Campell, pasteur de Coire. Ajoutons qu’en
1585,
une délégation des cantons réformés se rendit en pèlerinage au Ranft
492
connue et publiée d’abord par des protestants, en
1531
et 1546, bien avant de se voir reprise — et d’ailleurs modifiée — par
493
t publiée d’abord par des protestants, en 1531 et
1546,
bien avant de se voir reprise — et d’ailleurs modifiée — par les cath
494
leurs modifiée — par les catholiques, à partir de
1569.
3. Satires et drames. — La première mention de Nicolas dans une sati
495
odifiée — par les catholiques, à partir de 1569.
3.
Satires et drames. — La première mention de Nicolas dans une satire c
496
569. 3. Satires et drames. — La première mention
de
Nicolas dans une satire catholique date de 1522. Chose curieuse, elle
497
ention de Nicolas dans une satire catholique date
de
1522. Chose curieuse, elle est extrêmement défavorable au Bienheureux
498
ion de Nicolas dans une satire catholique date de
1522.
Chose curieuse, elle est extrêmement défavorable au Bienheureux. On y
499
défavorable au Bienheureux. On y sent l’agacement
de
l’auteur à voir le nom et les conseils du Frère sans cesse revendiqué
500
chacun reste sur son fumier !). Vous feriez mieux
de
le croire et de ne point innover, etc. Par contre, un Narrenspiel zwi
501
son fumier !). Vous feriez mieux de le croire et
de
ne point innover, etc. Par contre, un Narrenspiel zwinglien de 1526 e
502
nnover, etc. Par contre, un Narrenspiel zwinglien
de
1526 et une satire intitulée Etter Heini, de Jakob Ruf (1538), exploi
503
ver, etc. Par contre, un Narrenspiel zwinglien de
1526
et une satire intitulée Etter Heini, de Jakob Ruf (1538), exploitent,
504
lien de 1526 et une satire intitulée Etter Heini,
de
Jakob Ruf (1538), exploitent, avec beaucoup de verve et quelque gross
505
t une satire intitulée Etter Heini, de Jakob Ruf (
1538
), exploitent, avec beaucoup de verve et quelque grossièreté, les fame
506
verve et quelque grossièreté, les fameux conseils
de
Nicolas, qui se trouvent condamner toute la politique des cantons cat
507
rchiduc Ferdinand II d’Autriche fit rechercher en
1570
dans toutes les maisons du Tyrol les livres favorables à la Réforme,
508
à la Réforme, afin de les brûler ; dans la liste
de
ceux qui furent détruits figure un Jeu de Frère Claus et de Frère Tel
509
a liste de ceux qui furent détruits figure un Jeu
de
Frère Claus et de Frère Tell ! Mais la pièce la plus importante de ce
510
i furent détruits figure un Jeu de Frère Claus et
de
Frère Tell ! Mais la pièce la plus importante de cette série est cell
511
de Frère Tell ! Mais la pièce la plus importante
de
cette série est celle que fit jouer à Bâle, en 1550, le protestant Va
512
de cette série est celle que fit jouer à Bâle, en
1550,
le protestant Valentin Boltz. Elle était intitulée Der Weltspiegel (L
513
centrale symbolisant l’idée confédérale créatrice
de
la Suisse. Les cantons personnifiés prenaient la parole tour à tour,
514
tour, comme à la Diète (Uri se contentant parfois
de
sonner sa fameuse corne !), et Moïse ou Élie intervenaient dans les d
515
naturellement du monde. Il y avait, selon Dürrer,
149
rôles parlants, et la représentation demanda « deux jours pleins ». C
516
49 rôles parlants, et la représentation demanda «
deux
jours pleins ». Ce n’est qu’en 1586 que les catholiques se décidèrent
517
ion demanda « deux jours pleins ». Ce n’est qu’en
1586
que les catholiques se décidèrent à aborder eux aussi ce magnifique s
518
fit jouer à Lucerne, cette année-là, une Comoedia
de
vita Nicolai Underwaldii Eremitæ Helvetii, écrite en latin et représe
519
érêt dramatique ni sans verve, mais on est frappé
de
constater une fois de plus que seule la piété d’allure monacale du Fr
520
de constater une fois de plus que seule la piété
d’
allure monacale du Frère Claus y est mise en valeur, tandis que son rô
521
nait l’Église, remarque Dürrer.) Il y aurait lieu
de
citer enfin le libelle de Luther sur la « vision des épées », que Nic
522
rrer.) Il y aurait lieu de citer enfin le libelle
de
Luther sur la « vision des épées », que Nicolas avait fait peindre au
523
es épées », que Nicolas avait fait peindre au mur
de
sa cellule. Luther l’interprétait comme une prophétie contre le pape,
524
tête, dans l’image traditionnelle, est environnée
de
trois glaives, l’un d’eux appuyé contre ses lèvres comme pour l’empêc
525
e, dans l’image traditionnelle, est environnée de
trois
glaives, l’un d’eux appuyé contre ses lèvres comme pour l’empêcher de
526
itionnelle, est environnée de trois glaives, l’un
d’
eux appuyé contre ses lèvres comme pour l’empêcher de dire la Parole.
527
ux appuyé contre ses lèvres comme pour l’empêcher
de
dire la Parole. Mais à partir de 1536, les catholiques à leur tour ut
528
ur l’empêcher de dire la Parole. Mais à partir de
1536,
les catholiques à leur tour utilisent cette image et la transforment
529
non sans supprimer la tiare papale) en une vision
de
la Trinité. Les historiens ne sont guère d’accord, et je n’ai pas qua
530
tes, bien entendu, n’ont aucunement la prétention
d’
annexer Nicolas de Flue à je ne sais quel « parti de la Réforme » ! El
531
annexer Nicolas de Flue à je ne sais quel « parti
de
la Réforme » ! Elles ne visent qu’à faire mieux connaître une grande
532
faire mieux connaître une grande figure que trop
de
protestants ignorent, et qu’ils ignorent le plus souvent du simple fa
533
que les catholiques l’exaltent. Tel est l’esprit
de
parti, même parmi les chrétiens ! Que de richesses les réformés n’ont
534
l’esprit de parti, même parmi les chrétiens ! Que
de
richesses les réformés n’ont-ils pas laissé perdre de la sorte, et n’
535
ichesses les réformés n’ont-ils pas laissé perdre
de
la sorte, et n’ont-ils pas laissé dénaturer ! Mon désir n’est nulleme
536
pas laissé dénaturer ! Mon désir n’est nullement
d’
enlever le Frère Claus aux catholiques — il ne peut leur faire que du
537
liques — il ne peut leur faire que du bien — mais
de
le rendre aussi aux protestants, comme une part de leur héritage. Dan
538
e le rendre aussi aux protestants, comme une part
de
leur héritage. Dans une période où le sens fédéral paraît renaître pa
539
mblé que la vie du Frère Claus prenait une valeur
de
symbole, et non seulement pour l’ordre politique, mais aussi sur le p
540
r le plan religieux. Nicolas pauvre et se privant
de
pain à l’époque même où les Suisses sont tentés par les richesses étr
541
t qu’il rappelle aux « centralistes » que le bien
de
tous suppose le bien de chacun ; Nicolas témoin de la foi dans une ép
542
entralistes » que le bien de tous suppose le bien
de
chacun ; Nicolas témoin de la foi dans une époque où toute la chrétie
543
e tous suppose le bien de chacun ; Nicolas témoin
de
la foi dans une époque où toute la chrétienté était encore extérieure
544
ncêtre commun, et j’ajouterais : comme le parrain
de
cette « défense spirituelle du pays » que nous devons approuver comme
545
si nous ne voulons que d’autres s’en emparent.
3.
Ce trait sera relevé et souligné plus tard par les réformateurs, en p
546
, en particulier par Vadian. b. Rougemont Denis
de
, « Nicolas de Flue et la Réforme », Les Cahiers protestants, Lausanne
547
la Réforme », Les Cahiers protestants, Lausanne,
1939,
p. 263-279.
548
La bataille
de
la culture (janvier-février 1940)c d Le fait même que nous éprouvi
549
La bataille de la culture (janvier-février
1940
)c d Le fait même que nous éprouvions tous un doute sur l’opportuni
550
e nous éprouvions tous un doute sur l’opportunité
d’
une conférence en temps de guerre, ce fait est significatif. Il prouve
551
doute sur l’opportunité d’une conférence en temps
de
guerre, ce fait est significatif. Il prouve que nous tenons la cultur
552
uve que nous tenons la culture pour quelque chose
d’
un peu moins sérieux que l’action, ou que la guerre, par exemple, ou s
553
se nationale. Or je vois là le signe très certain
d’
une crise, — et d’une crise qui met en question les fondements mêmes d
554
e vois là le signe très certain d’une crise, — et
d’
une crise qui met en question les fondements mêmes de la culture en Oc
555
ne crise qui met en question les fondements mêmes
de
la culture en Occident. Je voudrais vous montrer ce soir que cette cr
556
uences pratiques ; qu’elle est l’une des origines
de
la présente guerre ; et que cette guerre n’est, en fin de compte, mal
557
s ses prétextes matériels, qu’un épisode tragique
d’
une bataille bien plus vaste, la millénaire bataille de la culture.
558
bataille bien plus vaste, la millénaire bataille
de
la culture. L’adversaire est en nous Mais d’abord, essayons d’éc
559
’adversaire est en nous Mais d’abord, essayons
d’
écarter un malentendu menaçant. La bataille dont je vais vous parler n
560
uels belligérants, et il n’est pas question, ici,
de
confondre l’un des partis avec la cause de la culture, l’autre étant
561
, ici, de confondre l’un des partis avec la cause
de
la culture, l’autre étant le parti de l’anti-culture. Ce genre d’oppo
562
ec la cause de la culture, l’autre étant le parti
de
l’anti-culture. Ce genre d’opposition est très tentant, je l’avoue, e
563
’autre étant le parti de l’anti-culture. Ce genre
d’
opposition est très tentant, je l’avoue, et aujourd’hui plus que jamai
564
hui plus que jamais. C’est malgré tout un procédé
de
propagande de guerre. Un fameux général autrichien disait un jour : T
565
amais. C’est malgré tout un procédé de propagande
de
guerre. Un fameux général autrichien disait un jour : Tout ce qui n’e
566
mes encore neutres, et nous avons encore le droit
de
ne pas nous livrer à ce genre de simplifications brutales. Notre prem
567
encore le droit de ne pas nous livrer à ce genre
de
simplifications brutales. Notre premier devoir est, aujourd’hui, de d
568
brutales. Notre premier devoir est, aujourd’hui,
de
défendre l’intelligence contre un certain primitivisme qui se réveill
569
in primitivisme qui se réveille toujours en temps
de
guerre. Les primitifs ont l’habitude de personnifier les forces mauva
570
en temps de guerre. Les primitifs ont l’habitude
de
personnifier les forces mauvaises qui les menacent. S’ils sont malade
571
’ils sont malades, ils pensent que c’est la faute
d’
un objet maléfique, ou d’un sorcier, ou d’un esprit qui rôde autour de
572
nsent que c’est la faute d’un objet maléfique, ou
d’
un sorcier, ou d’un esprit qui rôde autour de leur maison. Toujours, l
573
a faute d’un objet maléfique, ou d’un sorcier, ou
d’
un esprit qui rôde autour de leur maison. Toujours, la cause du mal, c
574
sous l’influence du christianisme, s’est efforcée
de
nous faire comprendre que la vraie cause de nos malheurs est presque
575
orcée de nous faire comprendre que la vraie cause
de
nos malheurs est presque toujours en nous-mêmes. Il faut reconnaître,
576
a manie des primitifs : nous rendons responsables
de
nos maux — les autres, uniquement les autres, ceux d’un autre parti,
577
os maux — les autres, uniquement les autres, ceux
d’
un autre parti, ceux d’une autre nation… Nous faisons tous comme les p
578
niquement les autres, ceux d’un autre parti, ceux
d’
une autre nation… Nous faisons tous comme les petits enfants qui batte
579
e ils se sont heurtés. Il est facile et rassurant
de
noircir le voisin pour mieux se blanchir soi-même. Mais en réalité, n
580
nos adversaires ne diffèrent pas essentiellement
de
nous. Tout homme porte en soi les microbes de toutes les maladies ima
581
ent de nous. Tout homme porte en soi les microbes
de
toutes les maladies imaginables. Et cet ennemi qui nous menace, il ne
582
qui nous menace, il ne serait nullement suffisant
de
l’anéantir pour nous en délivrer. Car la tendance qu’il personnifie à
583
t, pour nous défendre, c’est en nous qu’il s’agit
de
l’attaquer, et avant tout, de la reconnaître. Disharmonies et impu
584
n nous qu’il s’agit de l’attaquer, et avant tout,
de
la reconnaître. Disharmonies et impuissance de l’esprit Songean
585
de la reconnaître. Disharmonies et impuissance
de
l’esprit Songeant à notre civilisation moderne, je suis de plus en
586
n moderne, je suis de plus en plus frappé par ces
deux
traits : d’une part, une étonnante disharmonie entre les divers ordre
587
une étonnante disharmonie entre les divers ordres
de
nos activités, — d’autre part, une angoissante impuissance de l’espri
588
ités, — d’autre part, une angoissante impuissance
de
l’esprit devant ce monde. Tel grand chimiste scandinave invente, dans
589
ceux qui travaillèrent pour la paix. Mais l’état
de
notre culture est tel que l’invention sera utilisée pour détruire cet
590
cifique verra retomber sur sa tête, sous la forme
d’
une bombe de 1000 kg son invention humanitaire. Par quelle fatalité ma
591
a retomber sur sa tête, sous la forme d’une bombe
de
1000 kg son invention humanitaire. Par quelle fatalité mauvaise tous
592
etomber sur sa tête, sous la forme d’une bombe de
1000
kg son invention humanitaire. Par quelle fatalité mauvaise tous les p
593
re. Par quelle fatalité mauvaise tous les progrès
de
notre science contribuent-ils à ravager la civilisation qui les produ
594
ous posé cette question-là. Mais il ne suffit pas
de
se la poser et ensuite de se lamenter. Il faut voir ce que signifie u
595
. Mais il ne suffit pas de se la poser et ensuite
de
se lamenter. Il faut voir ce que signifie une si cruelle disharmonie,
596
xiste des remèdes. Car il ne serait pas suffisant
de
n’accuser que la méchanceté des hommes : c’est l’esprit même de la cu
597
ue la méchanceté des hommes : c’est l’esprit même
de
la culture moderne, et son défaut de sagesse générale qui se trouve i
598
’esprit même de la culture moderne, et son défaut
de
sagesse générale qui se trouve ici mis à nu. Un autre fait, dans ce m
599
entions techniques est double : il est d’une part
d’
économiser du travail d’hommes par les machines, et donc de créer du l
600
ouble : il est d’une part d’économiser du travail
d’
hommes par les machines, et donc de créer du loisir ; d’autre part, d’
601
ser du travail d’hommes par les machines, et donc
de
créer du loisir ; d’autre part, d’élever le niveau général du confort
602
hines, et donc de créer du loisir ; d’autre part,
d’
élever le niveau général du confort. Or chacun sait que les résultats
603
les résultats pratiques du machinisme ne sont pas
d’
augmenter les loisirs, mais bien d’augmenter le chômage, et qu’au lieu
604
me ne sont pas d’augmenter les loisirs, mais bien
d’
augmenter le chômage, et qu’au lieu d’élever le niveau général, l’indu
605
eu d’élever le niveau général, l’industrie a créé
d’
immenses masses misérables, déracinées et démoralisées. Enfin je vous
606
n cas individuel assez typique. Un grand banquier
de
Paris, membre d’un comité de bienfaisance, fut interrogé un jour, dev
607
assez typique. Un grand banquier de Paris, membre
d’
un comité de bienfaisance, fut interrogé un jour, devant moi, par un d
608
e. Un grand banquier de Paris, membre d’un comité
de
bienfaisance, fut interrogé un jour, devant moi, par un de ses collèg
609
isance, fut interrogé un jour, devant moi, par un
de
ses collègues. Était-il vrai, lui demandait-on, que sa banque finançâ
610
répondit-il. Car tout ce que j’ai à voir, ce sont
deux
colonnes de chiffres, dont la balance est favorable à ma maison. — L’
611
ar tout ce que j’ai à voir, ce sont deux colonnes
de
chiffres, dont la balance est favorable à ma maison. — L’exemple peut
612
plus, il illustre à merveille le vice fondamental
de
notre société et aussi de notre culture : c’est une absence totale de
613
lle le vice fondamental de notre société et aussi
de
notre culture : c’est une absence totale de vue d’ensemble. Ce qui no
614
aussi de notre culture : c’est une absence totale
de
vue d’ensemble. Ce qui nous manque absolument, c’est un grand princip
615
e notre culture : c’est une absence totale de vue
d’
ensemble. Ce qui nous manque absolument, c’est un grand principe d’uni
616
i nous manque absolument, c’est un grand principe
d’
unité entre notre pensée et nos actions. Cette absence d’un principe d
617
entre notre pensée et nos actions. Cette absence
d’
un principe d’unité est si totale qu’on ne la ressent même plus comme
618
ensée et nos actions. Cette absence d’un principe
d’
unité est si totale qu’on ne la ressent même plus comme un scandale. E
619
vait disharmonie, contradiction, entre son comité
de
bienfaisance, les intérêts de sa banque, et le massacre des Chinois.
620
n, entre son comité de bienfaisance, les intérêts
de
sa banque, et le massacre des Chinois. Chacune de ces activités lui p
621
de sa banque, et le massacre des Chinois. Chacune
de
ces activités lui paraissait, en somme, justifiable en elle-même, pou
622
t pas tout mélanger… Et en effet, nous mélangeons
de
moins en moins notre pensée à notre action. L’impuissance de la pensé
623
moins notre pensée à notre action. L’impuissance
de
la pensée sur la conduite générale des affaires, tel est le dogme fon
624
nérale des affaires, tel est le dogme fondamental
de
la mentalité moderne. C’est plus qu’un dogme, c’est une croyance spon
625
Il est admis, dans notre société, que les hommes
de
la pensée n’ont rien à dire d’utile aux hommes de l’action, aux capit
626
té, que les hommes de la pensée n’ont rien à dire
d’
utile aux hommes de l’action, aux capitaines de l’industrie ou de la g
627
de la pensée n’ont rien à dire d’utile aux hommes
de
l’action, aux capitaines de l’industrie ou de la guerre. Le divorce a
628
re d’utile aux hommes de l’action, aux capitaines
de
l’industrie ou de la guerre. Le divorce a été prononcé entre la cultu
629
mes de l’action, aux capitaines de l’industrie ou
de
la guerre. Le divorce a été prononcé entre la culture et l’action, en
630
ction, entre le cerveau et la main. Les résultats
de
ce divorce sont infinis. Mais le plus décisif, sans doute, est celui-
631
a culture apparaît aujourd’hui comme une activité
de
luxe, et l’action seule est tenue pour sérieuse. En voici la preuve.
632
e. Quand la situation devient grave, comme en cas
de
guerre par exemple, tout le monde trouve parfaitement naturel que la
633
sée abdique sa liberté et se soumette aux besoins
de
l’action, du haut en bas de l’échelle de nos occupations. Tout le mon
634
soumette aux besoins de l’action, du haut en bas
de
l’échelle de nos occupations. Tout le monde trouve parfaitement natur
635
besoins de l’action, du haut en bas de l’échelle
de
nos occupations. Tout le monde trouve parfaitement naturel de cesser
636
ations. Tout le monde trouve parfaitement naturel
de
cesser d’acheter des livres : c’est la première économie que l’on fer
637
ut le monde trouve parfaitement naturel de cesser
d’
acheter des livres : c’est la première économie que l’on fera. De même
638
mière économie que l’on fera. De même qu’en temps
de
restrictions alimentaires on trouve tout naturel de se priver d’abord
639
restrictions alimentaires on trouve tout naturel
de
se priver d’abord de dessert. Oui, la culture est devenue pour nous q
640
aires on trouve tout naturel de se priver d’abord
de
dessert. Oui, la culture est devenue pour nous quelque chose comme un
641
. Elle n’est plus un pain quotidien. Quand on dit
de
quelqu’un : c’est un intellectuel ! cela signifie : c’est un monsieur
642
i ne vaut rien pour conduire la cité, pour gagner
de
l’argent, pour faire des choses sérieuses… Et cependant, une société
643
rieuses… Et cependant, une société où les valeurs
de
la pensée n’ont plus aucun rapport avec les lois de l’action, une soc
644
la pensée n’ont plus aucun rapport avec les lois
de
l’action, une société qui manque à ce point d’harmonie, et où ce manq
645
is de l’action, une société qui manque à ce point
d’
harmonie, et où ce manque n’est même plus ressenti comme un scandale,
646
sera toujours le seul aboutissement. L’esprit
de
Ponce Pilate Mais alors, qui est responsable de ce divorce entre l
647
e Ponce Pilate Mais alors, qui est responsable
de
ce divorce entre la main et le cerveau ? Nous voyons bien où il nous
648
u ? Nous voyons bien où il nous a menés. Essayons
de
voir d’où il vient. Le phénomène le plus remarquable des débuts du xi
649
voyons bien où il nous a menés. Essayons de voir
d’
où il vient. Le phénomène le plus remarquable des débuts du xixe sièc
650
des machines a brusquement accru nos possibilités
d’
action sur la matière. L’industrie et le commerce ont provoqué la brus
651
e et le commerce ont provoqué la brusque création
de
villes énormes, dix ou cent fois plus grandes que celles qu’on connai
652
t provoqué la brusque création de villes énormes,
dix
ou cent fois plus grandes que celles qu’on connaissait auparavant. Ai
653
qué la brusque création de villes énormes, dix ou
cent
fois plus grandes que celles qu’on connaissait auparavant. Ainsi Berl
654
uparavant. Ainsi Berlin passe, en un demi-siècle,
de
25 000 habitants à 4 millions. Dans ces villes, se sont entassées des
655
ravant. Ainsi Berlin passe, en un demi-siècle, de
25
000 habitants à 4 millions. Dans ces villes, se sont entassées des ma
656
ant. Ainsi Berlin passe, en un demi-siècle, de 25
000
habitants à 4 millions. Dans ces villes, se sont entassées des masses
657
n passe, en un demi-siècle, de 25 000 habitants à
4
millions. Dans ces villes, se sont entassées des masses humaines info
658
passe, en un demi-siècle, de 25 000 habitants à 4
millions
. Dans ces villes, se sont entassées des masses humaines informes et d
659
celles des monstres antédiluviens. La population
de
l’Europe a plus que doublé en cent ans, ses richesses ont été décuplé
660
s. La population de l’Europe a plus que doublé en
cent
ans, ses richesses ont été décuplées, sa production industrielle cent
661
tous ces éléments réunis ont provoqué la création
d’
armées considérables, agrandissant le phénomène de la guerre, brusquem
662
d’armées considérables, agrandissant le phénomène
de
la guerre, brusquement, aux proportions de la nation entière. Voici d
663
nomène de la guerre, brusquement, aux proportions
de
la nation entière. Voici donc, dans tous les domaines, que nos pouvoi
664
ci donc, dans tous les domaines, que nos pouvoirs
d’
agir matériellement grandissent, par une mutation brusque, dans la pro
665
ent, par une mutation brusque, dans la proportion
de
1 à 100. Que va faire la pensée, en présence de cet essor fulgurant d
666
, par une mutation brusque, dans la proportion de
1
à 100. Que va faire la pensée, en présence de cet essor fulgurant de
667
r une mutation brusque, dans la proportion de 1 à
100.
Que va faire la pensée, en présence de cet essor fulgurant de l’actio
668
ire la pensée, en présence de cet essor fulgurant
de
l’action ? Et que va faire la culture ? Il semble que la société devi
669
ciété devienne trop gigantesque pour être dominée
d’
un seul regard. Une seule intelligence ne peut plus en comprendre et e
670
menacent et souffrent. Tout cela échappe aux vues
de
l’esprit rationaliste. Le panorama de la société devient confus. Plus
671
pe aux vues de l’esprit rationaliste. Le panorama
de
la société devient confus. Plus rien n’est à la mesure de l’homme ind
672
ciété devient confus. Plus rien n’est à la mesure
de
l’homme individuel. Quand nous regardons en arrière, nous nous disons
673
ient dû faire à ce moment-là un formidable effort
de
mise en ordre : ils auraient dû être saisis tout à la fois d’angoisse
674
rdre : ils auraient dû être saisis tout à la fois
d’
angoisse et d’enthousiasme devant ce monde démesuré, porteur de tels p
675
aient dû être saisis tout à la fois d’angoisse et
d’
enthousiasme devant ce monde démesuré, porteur de tels pouvoirs de vie
676
d’enthousiasme devant ce monde démesuré, porteur
de
tels pouvoirs de vie et de mort. Songez donc : si tous ces pouvoirs a
677
evant ce monde démesuré, porteur de tels pouvoirs
de
vie et de mort. Songez donc : si tous ces pouvoirs avaient été coordo
678
onde démesuré, porteur de tels pouvoirs de vie et
de
mort. Songez donc : si tous ces pouvoirs avaient été coordonnés, orie
679
tés par une vue générale, par une notion générale
de
l’homme et des buts de sa destinée, ils pouvaient créer une belle vie
680
e, par une notion générale de l’homme et des buts
de
sa destinée, ils pouvaient créer une belle vie ! Mais si ces mêmes po
681
onnés à l’anarchie, s’ils se développaient chacun
de
son côté sans tenir compte d’aucune harmonie ni d’aucune mesure humai
682
éveloppaient chacun de son côté sans tenir compte
d’
aucune harmonie ni d’aucune mesure humaine, ils ne pouvaient créer qu’
683
e son côté sans tenir compte d’aucune harmonie ni
d’
aucune mesure humaine, ils ne pouvaient créer qu’une vie fausse, une v
684
uvaise, antihumaine. C’eût été le rôle des hommes
de
la pensée que d’avertir les hommes d’action. Ils avaient là une chanc
685
ne. C’eût été le rôle des hommes de la pensée que
d’
avertir les hommes d’action. Ils avaient là une chance et un devoir vi
686
des hommes de la pensée que d’avertir les hommes
d’
action. Ils avaient là une chance et un devoir vital. Or, ils ont perd
687
ance. Ils n’ont pas vu le danger, ils ont eu peur
de
le prévoir. Et c’est ici que nous allons découvrir le grand ennemi de
688
est ici que nous allons découvrir le grand ennemi
de
la culture ; c’est chez les philosophes et les penseurs qu’il s’est d
689
t d’abord manifesté. Et je le nommerai : l’esprit
de
démission, de non-intervention, ou la démission de l’esprit. C’est l’
690
festé. Et je le nommerai : l’esprit de démission,
de
non-intervention, ou la démission de l’esprit. C’est l’esprit même d’
691
e démission, de non-intervention, ou la démission
de
l’esprit. C’est l’esprit même d’un Ponce Pilate, le sceptique qui se
692
ou la démission de l’esprit. C’est l’esprit même
d’
un Ponce Pilate, le sceptique qui se lave les mains et laisse les chos
693
, et par ce qu’ils appelaient le désintéressement
de
la pensée. Ils ont renoncé à leur mission de directeurs spirituels de
694
ment de la pensée. Ils ont renoncé à leur mission
de
directeurs spirituels de la cité. Bien sûr, ils n’ont pas dit : notre
695
t renoncé à leur mission de directeurs spirituels
de
la cité. Bien sûr, ils n’ont pas dit : notre pensée, à partir d’aujou
696
n sûr, ils n’ont pas dit : notre pensée, à partir
d’
aujourd’hui, renonce à agir, mais ils ont dit : la dignité de la pensé
697
ui, renonce à agir, mais ils ont dit : la dignité
de
la pensée réside dans son détachement de toute action, dans son désin
698
dignité de la pensée réside dans son détachement
de
toute action, dans son désintéressement scientifique. Ils n’ont pas d
699
s n’ont pas dit : nous ne voulons plus rien faire
d’
utile, mais ils ont dit : on ne peut plus rien faire, car l’histoire e
700
dable et angoissant des faits, ils ont opposé des
milliers
de pages de rhétorique sur le Progrès. Merveilleuse doctrine que cell
701
angoissant des faits, ils ont opposé des milliers
de
pages de rhétorique sur le Progrès. Merveilleuse doctrine que celle-l
702
t des faits, ils ont opposé des milliers de pages
de
rhétorique sur le Progrès. Merveilleuse doctrine que celle-là ! Car e
703
lle justifie tout, endort l’esprit et le dispense
de
toute intervention active. Pourquoi s’inquiéter des effets futurs de
704
on active. Pourquoi s’inquiéter des effets futurs
de
ces capitaux accumulés ou du sort de ces masses humaines rassemblées
705
ffets futurs de ces capitaux accumulés ou du sort
de
ces masses humaines rassemblées ? Primo : notre esprit est trop disti
706
ui réponds que sa croyance au Progrès est l’opium
de
la culture. S’il fallait résumer rapidement les caractères généraux p
707
ères généraux par lesquels se trahit la démission
de
l’esprit, je dirais : goût des automatismes, croyance aux fatalités d
708
s : goût des automatismes, croyance aux fatalités
de
l’Histoire et de l’Économie, manie des organisations trop vastes et u
709
matismes, croyance aux fatalités de l’Histoire et
de
l’Économie, manie des organisations trop vastes et uniformes, optimis
710
formes, optimisme trop confortable, enfin, manque
d’
imagination. Or la plupart de ces choses ont paru magnifiques et série
711
e Kierkegaard et Nietzsche pour protester du fond
de
leur solitude. Kierkegaard qui osa écrire ce blasphème contre les pré
712
s préjugés du siècle : « Le plus grand adversaire
de
l’esprit, c’est la presse quotidienne. On ne peut plus prêcher le chr
713
dans un monde où règne la presse. » Et Nietzsche,
de
son côté, dénonçait la manie d’organiser et de centraliser en écrivan
714
. » Et Nietzsche, de son côté, dénonçait la manie
d’
organiser et de centraliser en écrivant : « L’État est le plus froid p
715
e, de son côté, dénonçait la manie d’organiser et
de
centraliser en écrivant : « L’État est le plus froid parmi les monstr
716
roid parmi les monstres froids. » Mais à part ces
deux
solitaires, personne ne sut ou n’osa voir à quoi devait conduire le P
717
abandonné à son mouvement fatal. Le développement
de
l’industrie a produit évidemment beaucoup d’automobiles, de téléphone
718
ment de l’industrie a produit évidemment beaucoup
d’
automobiles, de téléphones et de frigidaires, mais il a aussi produit
719
trie a produit évidemment beaucoup d’automobiles,
de
téléphones et de frigidaires, mais il a aussi produit beaucoup de can
720
idemment beaucoup d’automobiles, de téléphones et
de
frigidaires, mais il a aussi produit beaucoup de canons et de masques
721
es, mais il a aussi produit beaucoup de canons et
de
masques à gaz. Il a produit beaucoup de confort, mais il a également
722
te catastrophe humaine, l’un des désastres moraux
de
l’Histoire. Tout cela, faute d’harmonie et de mesure humaine, faute d
723
désastres moraux de l’Histoire. Tout cela, faute
d’
harmonie et de mesure humaine, faute d’un grand principe directeur, sp
724
aux de l’Histoire. Tout cela, faute d’harmonie et
de
mesure humaine, faute d’un grand principe directeur, spirituel ou cul
725
ela, faute d’harmonie et de mesure humaine, faute
d’
un grand principe directeur, spirituel ou culturel. Tout cela parce qu
726
infaillible, et que la seule tâche sérieuse était
de
gagner de l’argent en attendant que les choses s’arrangent d’elles-mê
727
e, et que la seule tâche sérieuse était de gagner
de
l’argent en attendant que les choses s’arrangent d’elles-mêmes. Or, e
728
l’argent en attendant que les choses s’arrangent
d’
elles-mêmes. Or, en réalité, rien ne s’est arrangé. Et voici où nous
729
e n’a plus en fait l’initiative, ce sont les lois
de
la production et de la guerre qui imposent leurs nécessités à notre p
730
’initiative, ce sont les lois de la production et
de
la guerre qui imposent leurs nécessités à notre pensée impuissante. Q
731
rde pas à se défaire. Dès que la pensée se sépare
de
l’action, les hommes se trouvent séparés les uns des autres. Chacun,
732
cées par des principes contradictoires et privées
de
commune mesure. Décadence de la communauté Je préciserai ce que
733
toires et privées de commune mesure. Décadence
de
la communauté Je préciserai ce que j’appelle ici la commune mesure
734
préciserai ce que j’appelle ici la commune mesure
d’
une civilisation : c’est le principe qui doit harmoniser toutes les ac
735
principe qui doit harmoniser toutes les activités
d’
une société donnée. Dans la cité grecque, par exemple, tout était rapp
736
que, par exemple, tout était rapporté à la mesure
de
l’individu raisonnable. Dans l’Empire romain, tout était réglé par le
737
ns l’Empire romain, tout était réglé par le droit
d’
État. Chez les Juifs, c’était la Loi de Moïse qui ordonnait toute l’ex
738
r le droit d’État. Chez les Juifs, c’était la Loi
de
Moïse qui ordonnait toute l’existence dans ses plus minutieux détails
739
enant que tout, dans le monde, échappe aux prises
de
l’esprit humain, il ne reste qu’un seul principe pour mesurer la vale
740
reste qu’un seul principe pour mesurer la valeur
de
nos actes : c’est l’Argent. Et quand il n’y a plus d’argent, c’est la
741
os actes : c’est l’Argent. Et quand il n’y a plus
d’
argent, c’est la misère. Et quand la misère est trop grande, alors c’e
742
ande, alors c’est l’État-providence qui se charge
de
tout mettre au pas. Le malheur, c’est que l’Argent et l’État sont des
743
des principes qui ne valent rien dans le domaine
de
l’esprit. Et dès lors, la culture en chômage se corrompt rapidement,
744
servit. Je vous en donnerai un exemple que chacun
de
vous peut vérifier quotidiennement. Le fondement et le symbole de tou
745
ifier quotidiennement. Le fondement et le symbole
de
toute culture, c’est le langage. Or nous assistons aujourd’hui à une
746
pays. Au cours des siècles précédents, les hommes
d’
une même société s’entendaient sur le sens de certains mots fondamenta
747
mmes d’une même société s’entendaient sur le sens
de
certains mots fondamentaux que j’appellerai les lieux communs. C’étai
748
appellerai les lieux communs. C’était sur la base
de
ces mots définis une fois pour toutes que les échanges d’idées pouvai
749
ots définis une fois pour toutes que les échanges
d’
idées pouvaient se produire sans erreur ni malentendu. Les lieux commu
750
entendu. Les lieux communs étaient donc à la base
de
toute la vie sociale du siècle. Que sont-ils devenus parmi nous ? Pre
751
siècle. Que sont-ils devenus parmi nous ? Prenons
trois
mots parmi les plus fréquents dans les discours et les écrits de notr
752
es plus fréquents dans les discours et les écrits
de
notre époque : esprit, liberté et ordre. Je constate que le mot espri
753
té et ordre. Je constate que le mot esprit a déjà
vingt-neuf
sens différents dans le dictionnaire de Littré. Mais cela n’est pas u
754
à vingt-neuf sens différents dans le dictionnaire
de
Littré. Mais cela n’est pas un mal, car ces sens, justement, sont exa
755
ctement définis. Ce qui est grave, c’est qu’à ces
vingt-neuf
sens, nous en avons ajouté d’autres sur lesquels plus personne ne s’e
756
esprit, mais pour certains, c’est le Saint-Esprit
de
la théologie, pour d’autres, c’est la raison humaine ou l’ensemble de
757
r d’autres, c’est la raison humaine ou l’ensemble
de
la culture. Pour celui-ci, l’esprit signifiera le luxe des délicats,
758
naire des créateurs. Si j’affirme que mon but est
de
sauver l’esprit, le marxiste en déduira que je néglige la vie concrèt
759
évade dans le spiritualisme, alors que je ne vois
de
salut pour l’esprit que dans la présence effective de la pensée et de
760
alut pour l’esprit que dans la présence effective
de
la pensée et de la foi à toutes les misères de ce monde. La liberté :
761
it que dans la présence effective de la pensée et
de
la foi à toutes les misères de ce monde. La liberté : tout le monde l
762
ve de la pensée et de la foi à toutes les misères
de
ce monde. La liberté : tout le monde l’invoque, n’est-ce pas ? Mais p
763
pour l’économiste libéral, cela signifie le droit
de
ruiner le voisin par le jeu de la concurrence ; pour l’individualiste
764
signifie le droit de ruiner le voisin par le jeu
de
la concurrence ; pour l’individualiste anarchisant, ce sera le refus
765
ur l’individualiste anarchisant, ce sera le refus
d’
obéir à l’État ; dans tel pays, la liberté consiste à s’armer jusqu’au
766
la liberté signifiera le droit pour le plus fort
de
s’annexer un voisin faible ; dans un troisième pays, la liberté sera
767
ys, la liberté sera tout simplement la permission
de
dire à haute voix ce que l’on pense. Et quand ces trois pays se feron
768
dire à haute voix ce que l’on pense. Et quand ces
trois
pays se feront la guerre, ils la feront tous au nom de la liberté… Et
769
al, si absurde qu’il soit, tantôt l’établissement
d’
une hiérarchie nouvelle au prix d’une révolution, tantôt la suppressio
770
l’établissement d’une hiérarchie nouvelle au prix
d’
une révolution, tantôt la suppression physique de tous ceux qui critiq
771
d’une révolution, tantôt la suppression physique
de
tous ceux qui critiquent le désordre établi, tantôt le fait qu’on n’a
772
plus dans la rue mais seulement dans les prisons
d’
État. Je n’hésite pas à le dire : l’une des causes principales de la m
773
site pas à le dire : l’une des causes principales
de
la mésentente des peuples réside dans ce désordre du langage, et dans
774
de dans ce désordre du langage, et dans l’absence
de
toute autorité morale capable d’y porter remède. Car qui peut fixer a
775
t dans l’absence de toute autorité morale capable
d’
y porter remède. Car qui peut fixer aujourd’hui le véritable sens des
776
é ? Un Valéry, un Gide ou un Claudel ont quelques
milliers
de lecteurs, tandis que la presse du soir et la radio atteignent chaq
777
léry, un Gide ou un Claudel ont quelques milliers
de
lecteurs, tandis que la presse du soir et la radio atteignent chaque
778
se du soir et la radio atteignent chaque jour des
millions
d’hommes, et c’est tout un domaine du langage que l’écrivain ne contr
779
r et la radio atteignent chaque jour des millions
d’
hommes, et c’est tout un domaine du langage que l’écrivain ne contrôle
780
ne forme pas, n’atteint même pas. Ainsi se créent
d’
énormes zones d’échanges verbaux incontrôlés. Et plus on y échange de
781
atteint même pas. Ainsi se créent d’énormes zones
d’
échanges verbaux incontrôlés. Et plus on y échange de mots, plus ils p
782
changes verbaux incontrôlés. Et plus on y échange
de
mots, plus ils perdent leur force et leur sens, et leur délicatesse d
783
dent leur force et leur sens, et leur délicatesse
d’
appel. Alors les écrivains, qui n’ont pas d’autres armes que les mots,
784
pas d’autres armes que les mots, se voient privés
de
tout moyen d’agir. Leurs conseils, leurs appels ne portent plus. Les
785
rmes que les mots, se voient privés de tout moyen
d’
agir. Leurs conseils, leurs appels ne portent plus. Les hommes échange
786
omme fait à un homme, et qui engage quelque chose
de
son être, c’est l’amitié humaine qui se détruit, le fondement même de
787
’amitié humaine qui se détruit, le fondement même
de
toute communauté. Alors paraît le règne de la force ! Si nulle autori
788
t même de toute communauté. Alors paraît le règne
de
la force ! Si nulle autorité spirituelle ne peut fixer le sens des mo
789
gera. À la place des grands lieux communs chargés
de
sens traditionnel, nous aurons des slogans, des mots d’ordre simplist
790
sens des mots sept fois par an, selon les besoins
de
la cause. C’est ainsi que tout récemment le ministre d’une grande pui
791
cause. C’est ainsi que tout récemment le ministre
d’
une grande puissance, le camarade Molotov, déclarait que le mot d’agre
792
ssance, le camarade Molotov, déclarait que le mot
d’
agression avait changé de sens depuis ce printemps, « les événements l
793
ov, déclarait que le mot d’agression avait changé
de
sens depuis ce printemps, « les événements lui ayant donné un contenu
794
contenu historique nouveau », exactement inverse
de
l’ancien… Cela me fit songer irrésistiblement à un dialogue d’Alice a
795
Cela me fit songer irrésistiblement à un dialogue
d’
Alice au pays des Merveilles (qui est un de mes livres préférés), dial
796
alogue d’Alice au pays des Merveilles (qui est un
de
mes livres préférés), dialogue dont voici trois répliques : « Quand j
797
t un de mes livres préférés), dialogue dont voici
trois
répliques : « Quand je me sers d’un mot, dit Humpty Dumpty d’un ton m
798
e dont voici trois répliques : « Quand je me sers
d’
un mot, dit Humpty Dumpty d’un ton méprisant, il signifie exactement c
799
: « Quand je me sers d’un mot, dit Humpty Dumpty
d’
un ton méprisant, il signifie exactement ce que je veux qu’il signifie
800
’il signifie… ni plus ni moins. — La question est
de
savoir, dit Alice, si vous pouvez faire que les mêmes mots signifient
801
ifient des choses différentes ? — La question est
de
savoir, dit Humpty Dumpty, qui est le plus fort… et c’est tout. » Nou
802
artout. L’appel au dictateur Or maintenant,
de
cette angoisse monte un appel, le formidable et inconscient appel des
803
novée dans son esprit et dans ses signes, l’appel
de
toute l’Europe du xxe siècle vers une commune mesure restaurée et vi
804
ner — avant les intellectuels ! — la vraie nature
de
l’angoisse des foules, pour lui donner une réponse à la fois frappant
805
bien simple. Nous allons proclamer que l’intérêt
de
l’État dont nous sommes devenus les maîtres est la seule règle de tou
806
ous sommes devenus les maîtres est la seule règle
de
toute activité, culturelle, politique, ou même religieuse. » C’était
807
politique, ou même religieuse. » C’était un coup
de
génie, si le génie consiste à deviner et à prévenir les inconscients
808
e à deviner et à prévenir les inconscients désirs
d’
une nation. Mais on peut avoir du génie et faire de grosses fautes de
809
’une nation. Mais on peut avoir du génie et faire
de
grosses fautes de calcul. Surtout quand on est très pressé. Or il est
810
on peut avoir du génie et faire de grosses fautes
de
calcul. Surtout quand on est très pressé. Or il est certain que ces c
811
des principes qui étaient partiels. La discipline
d’
État, ou le sang, ou la classe, ce sont certes des réalités. Mais des
812
ple nos petits États neutres, ne nous faisons pas
d’
illusions : tôt ou tard, là aussi, cet appel exigera une réponse. Rest
813
r les essayer sur nous d’abord. À la recherche
de
l’homme réel … Sur quel principe pourrions-nous rebâtir un monde q
814
nous rebâtir un monde qui soit vraiment à hauteur
d’
homme ? Un monde où la pensée, la culture et l’esprit soient de nouvea
815
la culture et l’esprit soient de nouveau capables
d’
agir ? Et quelle est l’attitude de pensée qui peut nous orienter dès à
816
ouveau capables d’agir ? Et quelle est l’attitude
de
pensée qui peut nous orienter dès à présent vers une communauté solid
817
faut rapprendre à penser, à penser dans le train
de
l’action, oui, à penser avec les mains. Il nous faut voir que tout dé
818
Il nous faut voir que tout dépend en premier lieu
de
notre état d’esprit. S’il change, tout commence à changer. S’il ne ch
819
bien se sont trompés sur sa nature. Ils ont perdu
de
vue sa définition même. Leur point de départ est faux, et c’est pourq
820
s ont perdu de vue sa définition même. Leur point
de
départ est faux, et c’est pourquoi leurs efforts, même les plus sincè
821
s, même les plus sincères, aboutissent au malheur
de
l’homme. Dans ce monde qui a perdu la mesure, le seul devoir des inte
822
— et j’ajouterai : leur seul pouvoir — c’est donc
de
rechercher l’homme perdu. Or l’histoire nous apprend que l’homme ne t
823
supposait que l’humanité n’était qu’un assemblage
d’
individus, d’hommes qui avaient surtout des droits légaux, et très peu
824
l’humanité n’était qu’un assemblage d’individus,
d’
hommes qui avaient surtout des droits légaux, et très peu de devoirs n
825
ationaliste, c’était un homme in abstracto, privé
d’
attaches avec le sol, la patrie et l’hérédité. C’était un homme libéré
826
tait un homme libéré des servitudes et des tabous
de
la tribu, mais en même temps privé de relations concrètes. Or la comm
827
des tabous de la tribu, mais en même temps privé
de
relations concrètes. Or la communauté des hommes se fonde d’abord sur
828
doctrine antisociale. Elle a pour effet mécanique
de
dissocier toute communauté naturelle. Et alors se produit le phénomèn
829
ne auquel nous avons assisté depuis une trentaine
d’
années. L’homme isolé, dans un monde trop vaste, ne se sent plus porté
830
pe. Déraciné, il flotte, il erre, il n’offre plus
de
résistance aux courants d’opinion, aux modes, à la publicité des gran
831
erre, il n’offre plus de résistance aux courants
d’
opinion, aux modes, à la publicité des grandes firmes et des grands pa
832
oduit fatalement ce que j’appellerai un sentiment
de
vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse, d’où naît le besoin
833
erai un sentiment de vide social. C’est une sorte
d’
angoisse diffuse, d’où naît le besoin d’un coude à coude où l’individu
834
vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse,
d’
où naît le besoin d’un coude à coude où l’individu isolé retrouve des
835
une sorte d’angoisse diffuse, d’où naît le besoin
d’
un coude à coude où l’individu isolé retrouve des contraintes qui le r
836
ssurent. Appel à une communauté : c’est le secret
de
toute révolution. Alors, d’un coup de balancier, nous nous trouvons p
837
uté : c’est le secret de toute révolution. Alors,
d’
un coup de balancier, nous nous trouvons portés à l’autre pôle, qui es
838
t le secret de toute révolution. Alors, d’un coup
de
balancier, nous nous trouvons portés à l’autre pôle, qui est le pôle
839
, qui est le pôle collectiviste. Toute l’histoire
de
l’Europe peut être ramenée à ces grands balancements d’un pôle à l’au
840
urope peut être ramenée à ces grands balancements
d’
un pôle à l’autre. À l’anarchie individualiste de la Grèce répond l’ét
841
d’un pôle à l’autre. À l’anarchie individualiste
de
la Grèce répond l’étatisme romain. Au collectivisme sacral du Moyen Â
842
ral du Moyen Âge répond la révolte individualiste
de
la Renaissance. Et aujourd’hui, nouvelle oscillation du balancier : l
843
ssante réaction collective. Sortirons-nous jamais
de
cette dialectique, dont les phases et les renversements menacent aujo
844
phases et les renversements menacent aujourd’hui
d’
anéantir l’Europe ? Il s’agit de résoudre enfin l’éternel problème que
845
acent aujourd’hui d’anéantir l’Europe ? Il s’agit
de
résoudre enfin l’éternel problème que nous posent les relations de l’
846
l’éternel problème que nous posent les relations
de
l’individu et de la collectivité. Il s’agit de voir que l’homme concr
847
me que nous posent les relations de l’individu et
de
la collectivité. Il s’agit de voir que l’homme concret n’est pas le R
848
ns de l’individu et de la collectivité. Il s’agit
de
voir que l’homme concret n’est pas le Robinson d’une île déserte, ni
849
de voir que l’homme concret n’est pas le Robinson
d’
une île déserte, ni l’anonyme numéro d’un rang, mais qu’il est à la fo
850
e Robinson d’une île déserte, ni l’anonyme numéro
d’
un rang, mais qu’il est à la fois un être unique et un être qui a des
851
e un homme libre et pourtant relié, c’est l’idéal
de
l’homme occidental. N’allons pas dire que c’est une utopie ! Car ce p
852
e a été résolu, cet idéal réalisé, au ier siècle
de
notre ère, par les communautés de l’Église primitive. Le chrétien pri
853
au ier siècle de notre ère, par les communautés
de
l’Église primitive. Le chrétien primitif est un homme qui, du fait de
854
e. Le chrétien primitif est un homme qui, du fait
de
sa conversion, se trouve chargé d’une vocation particulière qui le di
855
e qui, du fait de sa conversion, se trouve chargé
d’
une vocation particulière qui le distingue de tous ses voisins ; mais
856
argé d’une vocation particulière qui le distingue
de
tous ses voisins ; mais d’autre part, cette vocation unique le met en
857
dont nous souffrons sont avant tout des maladies
de
la personne. Quand l’homme oublie qu’il est responsable de sa vocatio
858
sonne. Quand l’homme oublie qu’il est responsable
de
sa vocation envers ses prochains, il devient individualiste. Et quand
859
ualiste. Et quand il oublie qu’il est responsable
de
sa vocation envers lui-même, il devient collectiviste. L’homme comple
860
et réel, c’est celui qui se sait à la fois libre
d’
être soi-même vis-à-vis de l’ensemble, et engagé vis-à-vis de cet ense
861
t engagé vis-à-vis de cet ensemble par l’exercice
d’
une vocation qui le relie à ses prochains. C’est pour cet homme réel q
862
ré que c’est justement cet homme-là qui a le plus
de
peine à subsister ou à se former dans le monde moderne. Car supposez
863
posez qu’un homme se sente une vocation et décide
de
la réaliser. Il se trouve en présence d’un monde que l’histoire et la
864
onde que l’histoire et la sociologie ont encombré
de
lois fatales. Que peut-il seul, contre ces lois ? Il faut donc, s’il
865
bit une discipline qui ne s’accommode pas du tout
de
sa vocation personnelle. Voici donc le dilemme où nous placent la cul
866
en tu veux faire quelque chose, mais alors, cesse
d’
être toi-même ! Comment sortir de ce cercle vicieux ? Par un changemen
867
ais alors, cesse d’être toi-même ! Comment sortir
de
ce cercle vicieux ? Par un changement d’état d’esprit aussi bien chez
868
t sortir de ce cercle vicieux ? Par un changement
d’
état d’esprit aussi bien chez les intellectuels créateurs que chez les
869
les intellectuels créateurs que chez les amateurs
de
vraie culture, les lecteurs, le public cultivé. Car c’est de ce chang
870
lture, les lecteurs, le public cultivé. Car c’est
de
ce changement d’état d’esprit que sortira la possibilité de repenser
871
rs, le public cultivé. Car c’est de ce changement
d’
état d’esprit que sortira la possibilité de repenser une société. R
872
gement d’état d’esprit que sortira la possibilité
de
repenser une société. Raisons d’espérer : la culture et les groupe
873
a possibilité de repenser une société. Raisons
d’
espérer : la culture et les groupes Je voudrais vous dire, maintena
874
drais vous dire, maintenant, les raisons que j’ai
d’
espérer, après avoir tant critiqué. Je voudrais vous énumérer les prem
875
r les premiers succès remportés, dans la bataille
de
la culture moderne, par l’esprit créateur sur l’esprit fataliste. Ce
876
alysait les intellectuels qui sentaient le besoin
d’
agir sur les destins de la cité, c’était, depuis Hegel, Auguste Comte,
877
ls qui sentaient le besoin d’agir sur les destins
de
la cité, c’était, depuis Hegel, Auguste Comte, et Marx, l’idée que l’
878
la retraite dans les bibliothèques. Or cette idée
de
lois fatales avait été empruntée à la science, et transportée abusive
879
portée abusivement dans les domaines plus humains
de
l’histoire, de la sociologie, et même de la psychologie. Et voici que
880
ent dans les domaines plus humains de l’histoire,
de
la sociologie, et même de la psychologie. Et voici que cette idée par
881
humains de l’histoire, de la sociologie, et même
de
la psychologie. Et voici que cette idée paralysante est en train de s
882
s coups décisifs : ce sont précisément les hommes
de
science qui, les premiers, cessent d’y croire. Ils ont reconnu, depui
883
les hommes de science qui, les premiers, cessent
d’
y croire. Ils ont reconnu, depuis quelques années, que la notion de lo
884
nt reconnu, depuis quelques années, que la notion
de
lois tout objectives, de lois absolument indépendantes de l’homme, n’
885
es années, que la notion de lois tout objectives,
de
lois absolument indépendantes de l’homme, n’était qu’une illusion rat
886
tout objectives, de lois absolument indépendantes
de
l’homme, n’était qu’une illusion rationaliste. Qu’il me suffise de ra
887
it qu’une illusion rationaliste. Qu’il me suffise
de
rappeler ici les découvertes de la physique des quanta : elle a prouv
888
Qu’il me suffise de rappeler ici les découvertes
de
la physique des quanta : elle a prouvé que l’observation microscopiqu
889
s fameuses lois scientifiques ne sont en fait que
de
commodes conventions, dépendant des systèmes de mesures inventés par
890
e de commodes conventions, dépendant des systèmes
de
mesures inventés par l’esprit humain. Or si la science elle-même vien
891
même dans l’ordre matériel, il n’est plus permis
de
concevoir une observation impartiale, à combien plus forte raison pou
892
étendaient décrire objectivement les lois rigides
de
notre société. En vérité, il n’est de lois fatales que là où l’espri
893
is rigides de notre société. En vérité, il n’est
de
lois fatales que là où l’esprit démissionne. Toute action créatrice d
894
à où l’esprit démissionne. Toute action créatrice
de
l’homme normal inflige un démenti aux lois et fait mentir les statist
895
s et fait mentir les statistiques. Ainsi les lois
de
la publicité ne sont exactes que dans la mesure où l’homme n’est qu’u
896
qu’un homme redevient conscient des vrais besoins
de
sa personne. Il n’y a de loi, répétons-le, que là où l’homme renonce
897
scient des vrais besoins de sa personne. Il n’y a
de
loi, répétons-le, que là où l’homme renonce à se manifester selon sa
898
ue les États totalitaires justifient les rigueurs
de
leur régime au nom de lois économiques, ou historiques, ou biologique
899
nnent vraies, qu’en vertu d’une immense démission
de
l’esprit civique dans les trop grands pays. Elles ne traduisent en fa
900
e affaissement du sens personnel dans les parties
de
l’humanité contemporaine exténuées par la misère. Les solutions total
901
l on les prône, ne sont en fait que des solutions
de
paresse intellectuelle, des solutions de misère, fardées de rhétoriqu
902
olutions de paresse intellectuelle, des solutions
de
misère, fardées de rhétorique héroïque. Le seul moyen de prévenir ces
903
intellectuelle, des solutions de misère, fardées
de
rhétorique héroïque. Le seul moyen de prévenir ces simplifications vi
904
re, fardées de rhétorique héroïque. Le seul moyen
de
prévenir ces simplifications violentes qui jouent la comédie de l’éne
905
s simplifications violentes qui jouent la comédie
de
l’énergie, c’est de développer soi-même une énergie normale et souple
906
olentes qui jouent la comédie de l’énergie, c’est
de
développer soi-même une énergie normale et souple. Or nous savons mai
907
ore et de nouveau possible. Notre culture libérée
de
la superstition des lois fatales peut envisager de nouveau d’influenc
908
tition des lois fatales peut envisager de nouveau
d’
influencer le monde réel, ramené en droit, — sinon déjà en fait — aux
909
en droit, — sinon déjà en fait — aux proportions
de
l’esprit humain et de ses prises. Mais quelles seront alors les direc
910
à en fait — aux proportions de l’esprit humain et
de
ses prises. Mais quelles seront alors les directives de cette action
911
prises. Mais quelles seront alors les directives
de
cette action redevenue possible ? Je ne voudrais pas, ici, partir dan
912
e. Je ne pense pas que les principes fondamentaux
d’
une société plus harmonieuse puissent être formulés dès maintenant com
913
t être formulés dès maintenant comme un programme
de
parti politique. Ils doivent mûrir, et lentement se dégager de l’ense
914
tique. Ils doivent mûrir, et lentement se dégager
de
l’ensemble de mille efforts orientés par une même espérance. L’effort
915
vent mûrir, et lentement se dégager de l’ensemble
de
mille efforts orientés par une même espérance. L’effort des Églises,
916
t mûrir, et lentement se dégager de l’ensemble de
mille
efforts orientés par une même espérance. L’effort des Églises, tout d
917
sme, les Églises ont été les grandes pourvoyeuses
de
lieux communs pour la cité. La théologie médiévale, par les Sommes de
918
r la cité. La théologie médiévale, par les Sommes
de
Thomas d’Aquin, fixait à la pensée et à l’action des règles véritable
919
temps de la Réformation, l’Institution chrétienne
de
Jean Calvin. Mais dans l’époque moderne les Églises ont paru, elles a
920
e les Églises ont paru, elles aussi, se détourner
de
toute action régulatrice sur la cité. Elles ont assisté sans mot dire
921
masses ouvrières, c’est parce qu’il s’est chargé
de
la mission sociale qu’avaient trahie toutes les Églises. Nicolas Berd
922
aev l’a bien vu : le bolchévisme fut le châtiment
d’
un christianisme devenu passif devant le monde. Or il me semble que, l
923
Églises. Elles ont compris qu’il ne suffisait pas
de
dénoncer les doctrines païennes mais qu’il fallait répondre mieux que
924
es à la question posée par l’angoisse des foules.
D’
où les encycliques sociales données par les deux derniers papes. Et le
925
es. D’où les encycliques sociales données par les
deux
derniers papes. Et les congrès de Stockholm et d’Oxford ont montré qu
926
nnées par les deux derniers papes. Et les congrès
de
Stockholm et d’Oxford ont montré que les autres Églises n’entendaient
927
ux derniers papes. Et les congrès de Stockholm et
d’
Oxford ont montré que les autres Églises n’entendaient pas demeurer en
928
, c’est qu’enfin les Églises retrouvent leur rôle
de
direction dans tous les ordres de la pensée et de l’action. J’ai insi
929
uvent leur rôle de direction dans tous les ordres
de
la pensée et de l’action. J’ai insisté sur le rôle des Églises parce
930
de direction dans tous les ordres de la pensée et
de
l’action. J’ai insisté sur le rôle des Églises parce qu’elles sont le
931
type même des groupes au sein desquels la culture
d’
Occident a toujours trouvé ses mesures. Bien d’autres groupes, je le s
932
je le sais, sont à l’œuvre, Mouvement des groupes
d’
Oxford, mouvement des groupes personnalistes, répandus en France et en
933
rsonnalistes, répandus en France et en Suisse, et
vingt
autres mouvements analogues, tous animés de cet esprit d’équipe qui s
934
et vingt autres mouvements analogues, tous animés
de
cet esprit d’équipe qui seul peut nous guérir de l’individualisme, to
935
s mouvements analogues, tous animés de cet esprit
d’
équipe qui seul peut nous guérir de l’individualisme, tout en prévenan
936
de cet esprit d’équipe qui seul peut nous guérir
de
l’individualisme, tout en prévenant la maladie collectiviste. C’est d
937
a maladie collectiviste. C’est dans cette volonté
de
recréer des groupes à la mesure de la personne, matériellement et mor
938
cette volonté de recréer des groupes à la mesure
de
la personne, matériellement et moralement, que je vois la commune mes
939
ment et moralement, que je vois la commune mesure
de
la cité qu’il nous faut rebâtir. Cité solide et pourtant libérale : c
940
as beaucoup la tolérance, vertu qui naît en somme
d’
un scepticisme, car elle suppose que la pensée de l’autre, qu’on tolèr
941
d’un scepticisme, car elle suppose que la pensée
de
l’autre, qu’on tolère, ne passera jamais dans les actes. Je n’aime pa
942
i veut tout uniformiser, et qui est donc une mort
de
l’esprit. La tolérance était la pâle vertu des libéraux individualist
943
est la sombre vertu des partisans collectivistes.
De
leur lutte est sortie la guerre. Le seul moyen de dépasser cette mauv
944
De leur lutte est sortie la guerre. Le seul moyen
de
dépasser cette mauvaise position du problème, c’est de prévoir pour l
945
passer cette mauvaise position du problème, c’est
de
prévoir pour la cité et la culture une structure fédéraliste. Le fédé
946
ifiés, et par là même il offre tous les avantages
de
la tolérance libérale, mais non pas ses inconvénients : car chacun da
947
le groupe qu’il a choisi, peut donner le meilleur
de
soi-même, aller au terme de sa pensée, jusqu’à l’acte qui la rend sér
948
ut donner le meilleur de soi-même, aller au terme
de
sa pensée, jusqu’à l’acte qui la rend sérieuse. Refaire un monde et u
949
euse. Refaire un monde et une culture sur la base
de
la diversité des personnes et des vocations, — c’est aujourd’hui le s
950
des vocations, — c’est aujourd’hui le seul moyen
de
préparer une paix solide. Car, après tout, qu’est-ce que la guerre ac
951
ctuelle ? C’est la rançon fatale du gigantisme et
de
la démission de la culture. C’est la faillite des systèmes centralist
952
la rançon fatale du gigantisme et de la démission
de
la culture. C’est la faillite des systèmes centralistes et de l’espri
953
e. C’est la faillite des systèmes centralistes et
de
l’esprit d’uniformisation. Or le contraire exact de cet esprit, c’est
954
faillite des systèmes centralistes et de l’esprit
d’
uniformisation. Or le contraire exact de cet esprit, c’est justement l
955
l’esprit d’uniformisation. Or le contraire exact
de
cet esprit, c’est justement l’esprit fédéraliste, avec sa devise para
956
gigantesques. C’est la guerre la plus antisuisse
de
toute l’histoire. C’est donc pour nous la pire menace. Mais en même t
957
la solution suisse et fédérale est seule capable
de
fonder la paix, puisque l’autre aboutit à la guerre. Ce n’est pas not
958
édéraliste en politique et dans tous les domaines
de
la culture, le seul avenir possible de l’Europe. Le seul lieu où cet
959
s domaines de la culture, le seul avenir possible
de
l’Europe. Le seul lieu où cet avenir soit, d’ores et déjà, un présent
960
oit, d’ores et déjà, un présent. Il ne s’agit pas
de
grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait,
961
éjà, un présent. Il ne s’agit pas de grands mots,
de
lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes
962
t. Il ne s’agit pas de grands mots, de lyrisme ou
d’
idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes là, au service
963
grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit
de
voir qu’en fait, si nous sommes là, au service du pays, ce n’est pas
964
’est pas pour défendre des fromages, des conseils
d’
administration, notre confort et nos hôtels. (D’autres — on sait qui —
965
it fort bien Karl Barth, pour protéger nos « lacs
d’
azur » et nos « glaciers sublimes ». (Certain ministre de la propagand
966
» et nos « glaciers sublimes ». (Certain ministre
de
la propagande se chargerait très volontiers de ce travail de Heimatsc
967
re de la propagande se chargerait très volontiers
de
ce travail de Heimatschutz.) Si nous sommes là, c’est pour exécuter l
968
gande se chargerait très volontiers de ce travail
de
Heimatschutz.) Si nous sommes là, c’est pour exécuter la mission dont
969
des siècles, devant l’Europe. Nous sommes chargés
de
la défendre contre elle-même, de garder son trésor, d’affirmer sa san
970
s sommes chargés de la défendre contre elle-même,
de
garder son trésor, d’affirmer sa santé, et de sauver son avenir. Si n
971
défendre contre elle-même, de garder son trésor,
d’
affirmer sa santé, et de sauver son avenir. Si nous trahissons cette m
972
me, de garder son trésor, d’affirmer sa santé, et
de
sauver son avenir. Si nous trahissons cette mission, si nous n’en pre
973
ivique et culturelle nous a dressés pour ce genre
de
mission. On parle un peu partout de fédérer l’Europe. Cela ne se fera
974
pour ce genre de mission. On parle un peu partout
de
fédérer l’Europe. Cela ne se fera pas en un jour, ni même pendant les
975
ni même pendant les quelques semaines fiévreuses
d’
un congrès de la paix improvisé dans l’épuisement général. Cela ne se
976
ant les quelques semaines fiévreuses d’un congrès
de
la paix improvisé dans l’épuisement général. Cela ne se fera que si d
977
re entreprennent, dès maintenant, un gros travail
de
déblaiement, d’études précises, de calculs réalistes. Ces hommes ne p
978
, dès maintenant, un gros travail de déblaiement,
d’
études précises, de calculs réalistes. Ces hommes ne peuvent guère exi
979
n gros travail de déblaiement, d’études précises,
de
calculs réalistes. Ces hommes ne peuvent guère exister et travailler
980
chez nous tout d’abord, puisqu’il s’agit en somme
d’
utiliser notre expérience, et de tirer des leçons non pas seulement de
981
l s’agit en somme d’utiliser notre expérience, et
de
tirer des leçons non pas seulement de ses succès mais aussi de ses éc
982
érience, et de tirer des leçons non pas seulement
de
ses succès mais aussi de ses échecs, que nous connaissons mieux que p
983
leçons non pas seulement de ses succès mais aussi
de
ses échecs, que nous connaissons mieux que personne. Tout mon espoir
984
out mon espoir est qu’il se forme ici des équipes
de
fédérateurs, d’hommes qui comprennent enfin que l’heure est venue pou
985
st qu’il se forme ici des équipes de fédérateurs,
d’
hommes qui comprennent enfin que l’heure est venue pour nous autres Su
986
n que l’heure est venue pour nous autres Suisses,
de
voir grand, de voir aux proportions de l’Europe moderne, tout en gard
987
st venue pour nous autres Suisses, de voir grand,
de
voir aux proportions de l’Europe moderne, tout en gardant la mesure d
988
s Suisses, de voir grand, de voir aux proportions
de
l’Europe moderne, tout en gardant la mesure de notre histoire, la mes
989
ns de l’Europe moderne, tout en gardant la mesure
de
notre histoire, la mesure de l’individu engagé dans la communauté. Ce
990
en gardant la mesure de notre histoire, la mesure
de
l’individu engagé dans la communauté. Cette œuvre n’est pas utopique.
991
sceptiques professionnels, par tous les paresseux
d’
esprit qui se prétendent réalistes. Encore faut-il — et je termine là-
992
se pas sur une erreur profonde quant aux pouvoirs
de
l’homme et à ses fins terrestres. En appelant et préparant de toutes
993
t à ses fins terrestres. En appelant et préparant
de
toutes nos forces une Europe fédéralisée, nous ne demanderons pas un
994
rons simplement un monde humain. Non pas un monde
d’
utopie où toutes les luttes s’apaiseraient par miracle, mais un monde
995
t fatalement à des catastrophes cosmiques. La vie
de
la cité et de la culture, ce sera toujours une bataille. Entre l’espr
996
des catastrophes cosmiques. La vie de la cité et
de
la culture, ce sera toujours une bataille. Entre l’esprit de lourdeur
997
re, ce sera toujours une bataille. Entre l’esprit
de
lourdeur, comme disait Nietzsche, et les forces de création, la lutte
998
e lourdeur, comme disait Nietzsche, et les forces
de
création, la lutte sera toujours ouverte, tant qu’il y aura du péché
999
tion du prophète Isaïe : « Sentinelle, que dis-tu
de
la nuit ? » La sentinelle a répondu : « Le matin vient, et la nuit au
1000
vons invoquer ne peut pas être une simple absence
de
guerre. Spirituellement, une vraie paix sera toujours plus difficile
1001
. Mais qu’elle nous donne au moins la possibilité
de
rendre un sens aux conflits éternels, — un sens, et s’il se peut, une
1002
les autres font la guerre, ils n’ont pas le temps
de
préparer un monde humain. Mais nous qui avons encore su conserver une
1003
ui avons encore su conserver une cité à la mesure
de
la personne, nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pas notre dé
1004
ommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai
de
grâce : c’est à nous de gagner la vraie paix, c’est à nous d’engager
1005
e perdons pas notre délai de grâce : c’est à nous
de
gagner la vraie paix, c’est à nous d’engager sans illusion le vrai co
1006
’est à nous de gagner la vraie paix, c’est à nous
d’
engager sans illusion le vrai combat qui nous maintienne humains. Tout
1007
ous maintienne humains. Tout cela, un jeune poète
de
génie, Arthur Rimbaud, l’a dit d’un seul trait prophétique : « Le com
1008
un jeune poète de génie, Arthur Rimbaud, l’a dit
d’
un seul trait prophétique : « Le combat spirituel est aussi brutal que
1009
combat spirituel est aussi brutal que la bataille
d’
hommes, mais la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul. »
1010
i brutal que la bataille d’hommes, mais la vision
de
la justice est le plaisir de Dieu seul. » c. Rougemont Denis de,
1011
mmes, mais la vision de la justice est le plaisir
de
Dieu seul. » c. Rougemont Denis de, « La bataille de la culture »
1012
le plaisir de Dieu seul. » c. Rougemont Denis
de
, « La bataille de la culture », Les Cahiers protestants, Lausanne, ja
1013
seul. » c. Rougemont Denis de, « La bataille
de
la culture », Les Cahiers protestants, Lausanne, janvier–février 1940
1014
es Cahiers protestants, Lausanne, janvier–février
1940,
p. 9-36. d. Une note précise : « Conférence prononcée au Rathaus de
1015
: « Conférence prononcée au Rathaus de Zurich, le
15
janvier 1940. — Le manque de place nous a contraint d’abréger. »
1016
nce prononcée au Rathaus de Zurich, le 15 janvier
1940.
— Le manque de place nous a contraint d’abréger. »
1017
athaus de Zurich, le 15 janvier 1940. — Le manque
de
place nous a contraint d’abréger. »
1018
nvier 1940. — Le manque de place nous a contraint
d’
abréger. »
1019
L’heure sévère (juin
1940
)e f Il est des pessimistes par tempérament. Leurs propos ne rensei
1020
es faits dans le monde, mais seulement sur l’état
de
leurs nerfs. Sans intérêt. Ce qu’il nous faut à l’heure que nous vivo
1021
ivons, ce sont des pessimistes réfléchis, maîtres
d’
eux-mêmes et objectifs. Je dirai plus : ce qu’il nous faut, ce sont de
1022
ent à la maxime du Taciturne : « Pas n’est besoin
d’
espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. » Or cette e
1023
Pas n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni
de
réussir pour persévérer. » Or cette espèce est rare en Suisse, comme
1024
ù l’ère bourgeoise, ère du « confort moderne » et
de
l’absence d’imagination, prolonge encore une existence brutalement co
1025
eoise, ère du « confort moderne » et de l’absence
d’
imagination, prolonge encore une existence brutalement condamnée par c
1026
ns lequel nous étions installés nous mettait hors
d’
état d’imaginer à la fois le sublime et le pire. « Trop beau pour être
1027
el nous étions installés nous mettait hors d’état
d’
imaginer à la fois le sublime et le pire. « Trop beau pour être vrai »
1028
le pire. « Trop beau pour être vrai », c’était un
de
nos proverbes. Et lorsqu’on nous avertissait de certains dangers form
1029
n de nos proverbes. Et lorsqu’on nous avertissait
de
certains dangers formidables qui menaçaient l’existence même de l’hér
1030
ngers formidables qui menaçaient l’existence même
de
l’héritage européen, nous répondions : « C’est trop affreux pour être
1031
« réalistes ». Nous étions simplement incapables
d’
imaginer quelque chose d’excessif par rapport à nos sécurités. Cette i
1032
ns simplement incapables d’imaginer quelque chose
d’
excessif par rapport à nos sécurités. Cette inconscience j’en dirai la
1033
iable, et ne sait pas le reconnaître. À l’origine
de
notre aveuglement, il y a incrédulité. Si Dieu existait, pleurons-nou
1034
Si nous avions su croire en lui pendant le temps
de
sa patience, nous aurions eu « des yeux pour voir », et pour connaîtr
1035
et pour connaître les démons. Voici venu le temps
de
la colère, le temps des plaies d’Égypte, où les cœurs s’endurcissent.
1036
i venu le temps de la colère, le temps des plaies
d’
Égypte, où les cœurs s’endurcissent. Voici venue l’heure sévère. Ouvro
1037
re. Ouvrons les yeux et apprenons ce qu’il en est
de
notre châtiment. ⁂ L’Europe est en train de payer le prix d’un siècle
1038
âtiment. ⁂ L’Europe est en train de payer le prix
d’
un siècle d’abandon à l’optimisme du Progrès. Pendant un siècle, elle
1039
’Europe est en train de payer le prix d’un siècle
d’
abandon à l’optimisme du Progrès. Pendant un siècle, elle fit la sourd
1040
t irritante, n’est-ce pas, aux yeux de qui refuse
d’
envisager la vie comme une totalité orientée par l’esprit. L’esprit pr
1041
’aviation n’a nullement transformé les conditions
de
notre bonheur, mais bien celles de notre malheur. Mais l’optimisme du
1042
les conditions de notre bonheur, mais bien celles
de
notre malheur. Mais l’optimisme du matérialiste modéré ne veut prévoi
1043
matérialiste modéré ne veut prévoir que le profit
d’
argent et l’augmentation du confort. Il refuse de se demander à quoi s
1044
d’argent et l’augmentation du confort. Il refuse
de
se demander à quoi servira cet argent ou si le confort matériel favor
1045
atériel favorise un bien spirituel. À la première
de
ces questions, il n’oserait pas répondre en toute franchise ; et à la
1046
pressent bien qu’on ne pourrait que répondre non.
D’
où sa myopie et son imprévision systématique des maux prochains. J’écr
1047
maux prochains. J’écris ceci pendant la bataille
de
France. Est-il trop tard pour répéter ces vérités élémentaires, que l
1048
aires, que le sérieux des gouvernants, des hommes
d’
affaires, des penseurs officiels et des bourgeois moyens, a refusé pen
1049
ficiels et des bourgeois moyens, a refusé pendant
cent
ans d’envisager ? Pourtant, les plus grands hommes du dernier siècle
1050
t des bourgeois moyens, a refusé pendant cent ans
d’
envisager ? Pourtant, les plus grands hommes du dernier siècle furent
1051
aintenant nous surprend. Nous avons eu bien assez
de
prophètes. Nous n’avons pas le droit de gémir que les avertissements
1052
ien assez de prophètes. Nous n’avons pas le droit
de
gémir que les avertissements nous ont manqué. Le dossier de ces avert
1053
ue les avertissements nous ont manqué. Le dossier
de
ces avertissements est écrasant pour la conscience européenne : vous
1054
uropéenne : vous y trouverez les plus grands noms
de
la pensée, qui furent aussi les plus cyniquement méconnus. Vous y tro
1055
pposés, unanimes dans la critique du « réalisme »
de
leur temps, et dans la prédiction des maux à venir — ceux qui fondent
1056
nir — ceux qui fondent sur nous aujourd’hui. Quoi
de
commun entre un Burckhardt, un Kierkegaard, un Vinet ou un Nietzsche
1057
persiste à ne prendre au sérieux que les valeurs
de
bourse et la « prosperity ». Kierkegaard nous décrit le règne de la m
1058
« prosperity ». Kierkegaard nous décrit le règne
de
la masse comme celui des lâchetés individuelles additionnées, créant
1059
monde moderne est en train d’adopter « une morale
de
commerçants », et qu’il sera vaincu par des ascètes féroces. Vinet pr
1060
pirituel ne les oriente, aboutiront au despotisme
de
l’État. Et contre tout l’« économisme » de son temps, il ose écrire :
1061
otisme de l’État. Et contre tout l’« économisme »
de
son temps, il ose écrire : « Si quelque chose aujourd’hui menace la l
1062
du côté de la tyrannie. » Et qu’il suffise enfin
d’
une allusion aux prophéties de Burckhardt sur les « terribles simplifi
1063
qu’il suffise enfin d’une allusion aux prophéties
de
Burckhardt sur les « terribles simplificateurs », qui viendront impos
1064
mplificateurs », qui viendront imposer à l’Europe
d’
impitoyables dictatures militaires au nom de la liberté et du bonheur
1065
liberté et du bonheur des masses. Cette unanimité
d’
esprits partout ailleurs irréductiblement divers, je répète qu’elle es
1066
xcuses. Nous avons été avertis. Nous avons refusé
d’
écouter. Et maintenant il faut payer. Non point parce que l’injustice
1067
n châtiment. Il faut payer. Nous adorions l’idole
de
la prospérité, et l’idole du confort, et l’idole du progrès — ce prog
1068
« sauver » nos vies mêmes, nous voilà condamnés,
de
la manière la plus tragi-comique, à sacrifier notre prospérité, notre
1069
confort et nos progrès aux nécessités impérieuses
de
la défense nationale. Pour avoir refusé les sacrifices qu’eût entraîn
1070
ce soit notre confort, notre profit, nos égoïsmes
de
nations, nous voici contraints brutalement à des sacrifices mille foi
1071
ous voici contraints brutalement à des sacrifices
mille
fois pires, inévitables et stériles. Le plus étrange est que ces sacr
1072
lent parfaitement « possibles ». Dès qu’il s’agit
de
sauver notre peau, dès qu’il s’agit de défense nationale, nous accept
1073
’il s’agit de sauver notre peau, dès qu’il s’agit
de
défense nationale, nous acceptons des mesures qui, hier encore, passa
1074
ables et impraticables aux yeux des « réalistes »
de
l’économie : prélèvement sur le capital ou caisse de compensation, —
1075
l’économie : prélèvement sur le capital ou caisse
de
compensation, — et je ne prends là que de petits exemples…4 Nous avo
1076
caisse de compensation, — et je ne prends là que
de
petits exemples…4 Nous avons critiqué sans merci comme des « utopies
1077
ves » certaines réformes sociales qui eussent été
dix
fois ou vingt fois moins coûteuses que celles qu’entraîne la guerre a
1078
nes réformes sociales qui eussent été dix fois ou
vingt
fois moins coûteuses que celles qu’entraîne la guerre actuelle. Nous
1079
pas seulement en Suisse, mais dans tous les pays
de
l’Europe ; non seulement sur le plan social, mais sur le plan des rel
1080
ur le plan social, mais sur le plan des relations
de
peuple à peuple. Tout ce que nous jugions impossible quand il s’agiss
1081
bien si la peur et la guerre sont seules capables
d’
obtenir de nous un dépassement de nos égoïsmes que nous refusions à l’
1082
peur et la guerre sont seules capables d’obtenir
de
nous un dépassement de nos égoïsmes que nous refusions à l’amour, pou
1083
seules capables d’obtenir de nous un dépassement
de
nos égoïsmes que nous refusions à l’amour, pourquoi donc voulez-vous
1084
portunes, à l’heure où nous cherchons des raisons
d’
espérer ! Mais nul espoir n’est plus possible, sachons-le, si nous ref
1085
e, sachons-le, si nous refusons maintenant encore
d’
envisager les causes du désastre. Envisager, c’est regarder en plein v
1086
et le dernier possible — quelle que soit l’issue
de
la guerre — dépend de notre capacité d’accepter des vérités dures. Ca
1087
e — quelle que soit l’issue de la guerre — dépend
de
notre capacité d’accepter des vérités dures. Car tout le mal est venu
1088
t l’issue de la guerre — dépend de notre capacité
d’
accepter des vérités dures. Car tout le mal est venu de les avoir refu
1089
aginer le mal parce qu’ils croyaient au bien fait
de
main d’homme. « Mea culpa » des militaristes, qui n’ont pas su imagin
1090
e mal parce qu’ils croyaient au bien fait de main
d’
homme. « Mea culpa » des militaristes, qui n’ont pas su imaginer un au
1091
ner un autre bien que la défense toute matérielle
d’
un ordre de choses vicié dans son principe ; ou la conquête, mais qui
1092
e bien que la défense toute matérielle d’un ordre
de
choses vicié dans son principe ; ou la conquête, mais qui tue ce qu’e
1093
tue ce qu’elle conquiert. « Mea culpa » des gens
de
droite, qui croyaient pouvoir conserver des privilèges hérités, tout
1094
rousser au bout du compte. « Mea culpa » des gens
de
gauche, dont le programme de bonheur obligatoire était le même — avec
1095
Mea culpa » des gens de gauche, dont le programme
de
bonheur obligatoire était le même — avec moins de franchise — que cel
1096
de bonheur obligatoire était le même — avec moins
de
franchise — que celui de l’ennemi fasciste contre lequel ils excitaie
1097
ait le même — avec moins de franchise — que celui
de
l’ennemi fasciste contre lequel ils excitaient les masses. « Mea culp
1098
des Suisses, qui voulaient profiter des avantages
de
la folie moderne, et qui se plaignent aujourd’hui de devoir payer leu
1099
la folie moderne, et qui se plaignent aujourd’hui
de
devoir payer leur part minime dans la banqueroute européenne. « Mea c
1100
, mais qui se tinrent apparemment pour satisfaits
de
leur succès de librairie : « mea culpa ». Mais quelles fautes avaient
1101
inrent apparemment pour satisfaits de leur succès
de
librairie : « mea culpa ». Mais quelles fautes avaient donc commises
1102
». Mais quelles fautes avaient donc commises ces
millions
de femmes et d’enfants en fuite sur les routes de France ? Nous n’avo
1103
quelles fautes avaient donc commises ces millions
de
femmes et d’enfants en fuite sur les routes de France ? Nous n’avons
1104
s avaient donc commises ces millions de femmes et
d’
enfants en fuite sur les routes de France ? Nous n’avons plus qu’un se
1105
ns de femmes et d’enfants en fuite sur les routes
de
France ? Nous n’avons plus qu’un seul espoir — quelle que soit l’issu
1106
plus qu’un seul espoir — quelle que soit l’issue
de
la guerre : obtenir pour l’Europe un statut sursitaire, une espèce de
1107
ir pour l’Europe un statut sursitaire, une espèce
de
concordat qui nous laisserait la possibilité de rebâtir. Mais on n’ac
1108
e de concordat qui nous laisserait la possibilité
de
rebâtir. Mais on n’accorde un concordat qu’à celui qui se déclare en
1109
Suisses ont quelque chose à faire, quelque chose
de
précis, que je veux dire à temps. Ils sont encore à l’écart de la gue
1110
e je veux dire à temps. Ils sont encore à l’écart
de
la guerre, et peut-être y resteront-ils. Ils ont encore ce bref délai
1111
tre y resteront-ils. Ils ont encore ce bref délai
de
grâce dont je parlais aux Hollandais, en novembre de l’an dernier — e
1112
grâce dont je parlais aux Hollandais, en novembre
de
l’an dernier — et c’est fini —, dont je parlais aux Suisses en janvie
1113
st fini —, dont je parlais aux Suisses en janvier
de
cette année, et cela fait déjà cinq mois passés. Ce délai nous permet
1114
sses en janvier de cette année, et cela fait déjà
cinq
mois passés. Ce délai nous permet de comprendre, d’avouer nos fautes
1115
fait déjà cinq mois passés. Ce délai nous permet
de
comprendre, d’avouer nos fautes et celles de notre monde, de dire la
1116
mois passés. Ce délai nous permet de comprendre,
d’
avouer nos fautes et celles de notre monde, de dire la vérité que les
1117
rmet de comprendre, d’avouer nos fautes et celles
de
notre monde, de dire la vérité que les peuples en guerre n’ont plus l
1118
re, d’avouer nos fautes et celles de notre monde,
de
dire la vérité que les peuples en guerre n’ont plus le pouvoir de rec
1119
é que les peuples en guerre n’ont plus le pouvoir
de
reconnaître, dans le fracas des chars, sous les bombardements, quand
1120
l’homme sort toujours retrempé. Avouer les fautes
de
ceux qu’on aime et dont on attend la victoire comme la permission de
1121
et dont on attend la victoire comme la permission
de
revivre, c’est une épreuve encore, on ose à peine le dire, une épreuv
1122
si nous en triomphons, elle nous donnera la force
de
préparer l’avenir. Il est dur de reconnaître ces fautes, parce que no
1123
donnera la force de préparer l’avenir. Il est dur
de
reconnaître ces fautes, parce que nous en sommes les complices, et qu
1124
lices, et que nous aimons les fautifs. Il est dur
de
les avouer, parce que les fautes contraires des autres, en face, nous
1125
tout de même, ou à cause de cela même. Il est dur
de
reconnaître que ce châtiment, qui nous atteint aussi, est mérité ; et
1126
s qui auront su répudier les illusions flatteuses
de
l’ère bourgeoise. Car ceux-là seuls sauront alors ce qui mérite d’êtr
1127
se. Car ceux-là seuls sauront alors ce qui mérite
d’
être sauvé ou recréé. Non pas le droit et la justice dont se réclamaie
1128
ocraties ont la victoire. Non pas le bonheur fait
de
laisser-aller et d’insouciance du prochain, car nous le payons mainte
1129
oire. Non pas le bonheur fait de laisser-aller et
d’
insouciance du prochain, car nous le payons maintenant, une fois pour
1130
lités, est pulvérisé par les bombes. Au plus fort
de
la persécution entreprise par Julien l’Apostat contre la chrétienté n
1131
c’est un petit nuage, il passera. Ce n’était pas
de
l’optimisme. Athanase prévoyait qu’avec le « petit nuage » passerait
1132
» passerait aussi, probablement, sa vie et celle
de
tant de frères. Mais au-delà de l’optimisme humain toujours bafoué, a
1133
, sa vie et celle de tant de frères. Mais au-delà
de
l’optimisme humain toujours bafoué, au-delà du pessimisme lâche, il y
1134
foi dans l’éternel, il y a l’amour et l’espérance
de
l’éternel. À quoi se raccrocher, que faire encore ? Quelle était l’as
1135
cher, que faire encore ? Quelle était l’assurance
d’
éternité qui permettait à Athanase de dire : c’est un petit nuage, il
1136
l’assurance d’éternité qui permettait à Athanase
de
dire : c’est un petit nuage, il passera ? La grandeur de cette heure
1137
: c’est un petit nuage, il passera ? La grandeur
de
cette heure sévère, c’est que par la force des choses, par la brutali
1138
parfait bannit la crainte. » Quoi qu’il arrive.
4.
Le budget annuel de la « défense spirituelle » de la Suisse représent
1139
ainte. » Quoi qu’il arrive. 4. Le budget annuel
de
la « défense spirituelle » de la Suisse représente à peu près le prix
1140
4. Le budget annuel de la « défense spirituelle »
de
la Suisse représente à peu près le prix de deux chars d’assaut. On tr
1141
elle » de la Suisse représente à peu près le prix
de
deux chars d’assaut. On trouvera de l’argent pour 40 chars, mais si j
1142
e » de la Suisse représente à peu près le prix de
deux
chars d’assaut. On trouvera de l’argent pour 40 chars, mais si je dem
1143
uisse représente à peu près le prix de deux chars
d’
assaut. On trouvera de l’argent pour 40 chars, mais si je demande qu’o
1144
près le prix de deux chars d’assaut. On trouvera
de
l’argent pour 40 chars, mais si je demande qu’on double un budget cul
1145
deux chars d’assaut. On trouvera de l’argent pour
40
chars, mais si je demande qu’on double un budget culturel, on me répo
1146
urel, on me répondra que je veux ruiner le pays.
5.
Comme le fait Paul Reynaud devant le Sénat à l’instant où j’écris cec
1147
à l’instant où j’écris ceci. e. Rougemont Denis
de
, « L’heure sévère », Les Cahiers protestants, Lausanne, juin 1940, p.
1148
sévère », Les Cahiers protestants, Lausanne, juin
1940,
p. 193-202. f. Une note précise : « Nous remercions ici la Neue Schw
1149
isé à reproduire cet article paru dans son numéro
de
juin 1940. L’auteur — qui est un de nos collaborateurs — se voit cont
1150
produire cet article paru dans son numéro de juin
1940.
L’auteur — qui est un de nos collaborateurs — se voit contraint par l
1151
ns son numéro de juin 1940. L’auteur — qui est un
de
nos collaborateurs — se voit contraint par les circonstances à ne pas
1152
L’Église et la Suisse (août
1940
)g h Je vous parlerai ce matin de l’Église visible et non pas de l’
1153
uisse (août 1940)g h Je vous parlerai ce matin
de
l’Église visible et non pas de l’Église en général. Je vous parlerai
1154
parlerai ce matin de l’Église visible et non pas
de
l’Église en général. Je vous parlerai des Églises telles que nous les
1155
Églises telles que nous les voyons en Suisse ; et
de
la Suisse, telle que nous la voyons en ce mois de juillet de 1940. Ce
1156
de la Suisse, telle que nous la voyons en ce mois
de
juillet de 1940. Ce ne sera pas une conférence bien bâtie, je tiens à
1157
e, telle que nous la voyons en ce mois de juillet
de
1940. Ce ne sera pas une conférence bien bâtie, je tiens à vous le di
1158
telle que nous la voyons en ce mois de juillet de
1940.
Ce ne sera pas une conférence bien bâtie, je tiens à vous le dire tou
1159
t de suite, mais une simple introduction, un plan
de
travail, une invite à la discussion. Je vous ferai part de certaines
1160
l, une invite à la discussion. Je vous ferai part
de
certaines critiques et de certaines suggestions, critiques peut-être
1161
ion. Je vous ferai part de certaines critiques et
de
certaines suggestions, critiques peut-être dures, mais qu’il est temp
1162
, critiques peut-être dures, mais qu’il est temps
de
formuler pour préparer la voie d’un renouveau, ou les moyens d’une ré
1163
qu’il est temps de formuler pour préparer la voie
d’
un renouveau, ou les moyens d’une résistance efficace. Et d’abord, une
1164
ur préparer la voie d’un renouveau, ou les moyens
d’
une résistance efficace. Et d’abord, une parole de confiance. Tout cra
1165
d’une résistance efficace. Et d’abord, une parole
de
confiance. Tout craque autour de nous, mais ce n’est pas une raison d
1166
aque autour de nous, mais ce n’est pas une raison
de
se lamenter ou de se décourager, bien au contraire. C’est une grande
1167
s, mais ce n’est pas une raison de se lamenter ou
de
se décourager, bien au contraire. C’est une grande occasion de travai
1168
ger, bien au contraire. C’est une grande occasion
de
travailler. Voyons d’abord la situation de notre pays. « Au cœur de
1169
casion de travailler. Voyons d’abord la situation
de
notre pays. « Au cœur de la révolution européenne, la Suisse est réd
1170
ns d’abord la situation de notre pays. « Au cœur
de
la révolution européenne, la Suisse est réduite à elle-même. Elle n’a
1171
la Suisse est réduite à elle-même. Elle n’a plus
d’
autre garantie humaine que son armée, plus d’autre allié que son terra
1172
plus d’autre garantie humaine que son armée, plus
d’
autre allié que son terrain, plus d’autre espoir que son travail. Cont
1173
n armée, plus d’autre allié que son terrain, plus
d’
autre espoir que son travail. Contrairement à ce que beaucoup croient,
1174
pas nouvelle dans notre histoire. Elle fut celle
de
nos grandes victoires et de nos grands renouvellements.6 » Aujourd’hu
1175
toire. Elle fut celle de nos grandes victoires et
de
nos grands renouvellements.6 » Aujourd’hui, comme aux heures héroïque
1176
ments.6 » Aujourd’hui, comme aux heures héroïques
de
l’ancienne Confédération, sachons voir et saisir notre chance et les
1177
r et saisir notre chance et les chances nouvelles
de
l’Esprit ! Quand toutes les positions morales et matérielles sont ébr
1178
alors sonne une heure favorable pour les examens
de
conscience, pour les réformes, et dans le cas présent, pour une nouve
1179
ouvelle Réformation communautaire. Car c’est bien
de
cela qu’il s’agit : fonder à nouveau la cité, pour qu’elle résiste et
1180
ive, oui même si le pire arrive. Au cœur physique
de
notre Confédération se dresse le massif du Gothard, mystérieux et ine
1181
hard, mystérieux et inexpugnable. Bastion naturel
de
la Suisse, cœur de l’Europe et rendez-vous des races, le Gothard est
1182
inexpugnable. Bastion naturel de la Suisse, cœur
de
l’Europe et rendez-vous des races, le Gothard est le grand symbole de
1183
z-vous des races, le Gothard est le grand symbole
de
notre mission politique et de notre sécurité. Et s’il fallait qu’un j
1184
st le grand symbole de notre mission politique et
de
notre sécurité. Et s’il fallait qu’un jour la Suisse fût envahie, j’i
1185
n’atteignent ni chars ni avions, dans cet Alcazar
de
l’Europe, quelques dizaines de milliers d’hommes tiennent encore, mon
1186
ni avions, dans cet Alcazar de l’Europe, quelques
dizaines
de milliers d’hommes tiennent encore, montant la garde aux derniers s
1187
, dans cet Alcazar de l’Europe, quelques dizaines
de
milliers d’hommes tiennent encore, montant la garde aux derniers somm
1188
ans cet Alcazar de l’Europe, quelques dizaines de
milliers
d’hommes tiennent encore, montant la garde aux derniers sommets libre
1189
lcazar de l’Europe, quelques dizaines de milliers
d’
hommes tiennent encore, montant la garde aux derniers sommets libres,
1190
rde aux derniers sommets libres, autour du trésor
de
la Suisse. Oui, nous serions courbés, mais le grondement lointain des
1191
dement lointain des canons du Gothard nous dirait
d’
espérer. Maintenant, je poserai cette question : dans la situation ext
1192
xistence permanente — même secrète — et la parole
de
nos Églises aux catacombes suffiraient-elles à ranimer notre espéranc
1193
ourages ? Nos Églises trouveraient-elles le moyen
de
subsister et de s’organiser par l’initiative des laïques, comme elles
1194
lises trouveraient-elles le moyen de subsister et
de
s’organiser par l’initiative des laïques, comme elles l’ont fait dans
1195
qu’on voit ce qui était vraiment solide. L’Église
de
Suisse est-elle vraiment solide ? Saura-t-elle résister comme un roc
1196
Dieu le sait, et l’événement seul fera la preuve
de
notre force ou de nos faiblesses. En attendant, mettons-nous au trava
1197
l’événement seul fera la preuve de notre force ou
de
nos faiblesses. En attendant, mettons-nous au travail pour qu’au jour
1198
spectons avec soin nos défenses, ayons le courage
de
dire franchement : ici ou là, nous sommes encore faibles. C’est ici e
1199
ort. Aujourd’hui ou jamais, notre Église a besoin
d’
une rigoureuse critique, d’une critique utile et positive, qui prépare
1200
notre Église a besoin d’une rigoureuse critique,
d’
une critique utile et positive, qui prépare et qui définisse les recon
1201
econstructions nécessaires. ⁂ La grande faiblesse
de
notre Église visible, de nos diverses Églises suisses, c’est qu’elles
1202
s. ⁂ La grande faiblesse de notre Église visible,
de
nos diverses Églises suisses, c’est qu’elles ont cessé d’être ou n’on
1203
iverses Églises suisses, c’est qu’elles ont cessé
d’
être ou n’ont jamais été de véritables communautés. Voilà le fait qui
1204
est qu’elles ont cessé d’être ou n’ont jamais été
de
véritables communautés. Voilà le fait qui me paraît le plus grave, ét
1205
ons prévoir. Une Église devrait être le type même
de
la communauté vivante. Posons tout de suite un repère : les paroisses
1206
e. Posons tout de suite un repère : les paroisses
de
l’Église primitive étaient de vraies communautés. On y mettait tout e
1207
ère : les paroisses de l’Église primitive étaient
de
vraies communautés. On y mettait tout en commun, même les richesses,
1208
turel, parce que le but et le fondement spirituel
d’
une paroisse étaient alors plus importants que tout. La ferveur de la
1209
taient alors plus importants que tout. La ferveur
de
la foi nouvelle liait les esprits et les cœurs avec une telle puissan
1210
ices matériels devenaient simplement des services
d’
amitié, de ces services qui vont de soi entre les membres d’une famill
1211
iels devenaient simplement des services d’amitié,
de
ces services qui vont de soi entre les membres d’une famille. Et je n
1212
de ces services qui vont de soi entre les membres
d’
une famille. Et je ne parle même pas du « partage » spirituel, qui dev
1213
ge » spirituel, qui devait être le pain quotidien
de
ces communautés souvent persécutées. Certes, il ne faudrait pas s’ima
1214
familles qu’ils formaient ne connaissaient jamais
de
querelles de familles ! Les épîtres de Paul suffiraient à dissiper ce
1215
ls formaient ne connaissaient jamais de querelles
de
familles ! Les épîtres de Paul suffiraient à dissiper cette illusion.
1216
ent jamais de querelles de familles ! Les épîtres
de
Paul suffiraient à dissiper cette illusion. Il n’en reste pas moins q
1217
monté toutes les persécutions grâce à la cohésion
de
leurs paroisses, grâce à l’esprit communautaire qui les soutenait. Pe
1218
unautaire qui les soutenait. Pendant la décadence
de
l’Empire romain, ces paroisses ont constitué les cellules de base d’u
1219
romain, ces paroisses ont constitué les cellules
de
base d’une nouvelle société7, les noyaux des cités futures, les refug
1220
ces paroisses ont constitué les cellules de base
d’
une nouvelle société7, les noyaux des cités futures, les refuges de la
1221
ciété7, les noyaux des cités futures, les refuges
de
la vraie liberté. Nos paroisses actuelles, nos paroisses de Suisse, s
1222
e liberté. Nos paroisses actuelles, nos paroisses
de
Suisse, seraient-elles capables de jouer pareil rôle, de nos jours ?
1223
nos paroisses de Suisse, seraient-elles capables
de
jouer pareil rôle, de nos jours ? Souvent, en sortant d’un de nos cul
1224
se, seraient-elles capables de jouer pareil rôle,
de
nos jours ? Souvent, en sortant d’un de nos cultes, je regarde les ge
1225
r pareil rôle, de nos jours ? Souvent, en sortant
d’
un de nos cultes, je regarde les gens qui se dispersent, et je me pose
1226
eil rôle, de nos jours ? Souvent, en sortant d’un
de
nos cultes, je regarde les gens qui se dispersent, et je me pose cett
1227
prêts à mettre en commun autre chose que la pièce
de
monnaie qu’ils viennent de déposer dans le « sachet », avec l’air de
1228
iennent de déposer dans le « sachet », avec l’air
de
ne pas y toucher ? Sont-ils prêts à « partager » autre chose que des
1229
roisses décrètent du jour au lendemain le partage
de
tous les biens et décident d’établir un régime communiste, au sens li
1230
endemain le partage de tous les biens et décident
d’
établir un régime communiste, au sens littéral de ce mot. Mais je me d
1231
d’établir un régime communiste, au sens littéral
de
ce mot. Mais je me demande seulement si elles sont prêtes à envisager
1232
t si elles sont prêtes à envisager certains actes
de
solidarité pratique ; si elles acceptent, au moins en théorie, de fai
1233
atique ; si elles acceptent, au moins en théorie,
de
faire quelque chose dans ce sens, à supposer que les circonstances l’
1234
nt un jour prochain. Je me demande si les fidèles
de
nos cultes se sentent plus fortement liés aux autres membres de l’Égl
1235
se sentent plus fortement liés aux autres membres
de
l’Église qu’ils ne sont liés à leur parti, ou à leur classe, ou à leu
1236
nombreux, qu’il y a parmi leurs membres beaucoup
d’
individus vraiment croyants, capables de faire pour leur part des acte
1237
beaucoup d’individus vraiment croyants, capables
de
faire pour leur part des actes quotidiens de charité chrétienne. Mais
1238
bles de faire pour leur part des actes quotidiens
de
charité chrétienne. Mais une administration, des auditoires et un cer
1239
ministration, des auditoires et un certain nombre
d’
individualités chrétiennes, agissant pour leur compte — plus qu’au nom
1240
, si beaux soient-ils, cela ne fait pas un esprit
de
corps, — et l’expression « esprit de corps » devrait pouvoir s’appliq
1241
as un esprit de corps, — et l’expression « esprit
de
corps » devrait pouvoir s’appliquer à l’Église plus qu’à nulle autre
1242
se une fois reconnue et confessée, ne perdons pas
de
temps à nous lamenter ou à critiquer vainement. Mettons-nous au trava
1243
r vainement. Mettons-nous au travail pour essayer
de
refaire, avec ce dont nous disposons, quelque chose de plus solide, d
1244
eviennent des communautés véritables. Mais il est
trois
de ces conditions, entre vingt autres8, qui me paraissent à la fois i
1245
ent des communautés véritables. Mais il est trois
de
ces conditions, entre vingt autres8, qui me paraissent à la fois indi
1246
ables. Mais il est trois de ces conditions, entre
vingt
autres8, qui me paraissent à la fois indispensables et pratiquement r
1247
vent le sens et la vertu communautaire, il faut :
1°
qu’elles reprennent conscience de la nature éternelle et du but trans
1248
aire, il faut : 1° qu’elles reprennent conscience
de
la nature éternelle et du but transcendant de l’Église ; 2° qu’elles
1249
nce de la nature éternelle et du but transcendant
de
l’Église ; 2° qu’elles développent ou réveillent en elles le sens mis
1250
re éternelle et du but transcendant de l’Église ;
2°
qu’elles développent ou réveillent en elles le sens missionnaire, à l
1251
les le sens missionnaire, à l’intérieur du pays ;
3°
qu’elles aient le courage d’être franchement des Églises visibles, or
1252
’intérieur du pays ; 3° qu’elles aient le courage
d’
être franchement des Églises visibles, organisées, douées d’une discip
1253
nchement des Églises visibles, organisées, douées
d’
une discipline et de formes cultuelles fixes. I Le premier de ces
1254
visibles, organisées, douées d’une discipline et
de
formes cultuelles fixes. I Le premier de ces trois points est av
1255
d’une discipline et de formes cultuelles fixes.
I
Le premier de ces trois points est avant tout théologique. Je n’in
1256
et de formes cultuelles fixes. I Le premier
de
ces trois points est avant tout théologique. Je n’insisterai donc pas
1257
formes cultuelles fixes. I Le premier de ces
trois
points est avant tout théologique. Je n’insisterai donc pas : vous av
1258
ualifiés que moi pour définir l’essence et le but
de
l’Église. Je me contenterai de quelques remarques sur les rapports de
1259
’essence et le but de l’Église. Je me contenterai
de
quelques remarques sur les rapports de l’Église et de la Suisse, en t
1260
ontenterai de quelques remarques sur les rapports
de
l’Église et de la Suisse, en tant qu’État. D’abord ceci : notre Églis
1261
uelques remarques sur les rapports de l’Église et
de
la Suisse, en tant qu’État. D’abord ceci : notre Église suisse doit ê
1262
Église suisse doit être, ou redevenir une Église
de
Dieu, et non pas la société des braves gens. Par exemple, on ne doit
1263
raves gens. Par exemple, on ne doit plus discuter
de
son administration et de ses rapports avec l’État comme s’il s’agissa
1264
on ne doit plus discuter de son administration et
de
ses rapports avec l’État comme s’il s’agissait d’un parti ou d’une fo
1265
de ses rapports avec l’État comme s’il s’agissait
d’
un parti ou d’une fondation de bienfaisance avec des traditions de fam
1266
s avec l’État comme s’il s’agissait d’un parti ou
d’
une fondation de bienfaisance avec des traditions de famille et des do
1267
mme s’il s’agissait d’un parti ou d’une fondation
de
bienfaisance avec des traditions de famille et des donateurs attachés
1268
une fondation de bienfaisance avec des traditions
de
famille et des donateurs attachés à leurs souvenirs. L’Église n’est p
1269
os affaires d’abord, mais les affaires du Royaume
de
Dieu. Il me paraît profondément indécent que ces affaires soient déba
1270
onseils, par des hommes qui parfois ignorent tout
de
la réalité de l’Église, corps du Christ. Ensuite, sur les rapports de
1271
es hommes qui parfois ignorent tout de la réalité
de
l’Église, corps du Christ. Ensuite, sur les rapports de l’Église et d
1272
glise, corps du Christ. Ensuite, sur les rapports
de
l’Église et de l’État, je vous proposerai deux formules : 1° Le servi
1273
Christ. Ensuite, sur les rapports de l’Église et
de
l’État, je vous proposerai deux formules : 1° Le service unique et su
1274
orts de l’Église et de l’État, je vous proposerai
deux
formules : 1° Le service unique et suffisant que l’Église doit rendre
1275
et de l’État, je vous proposerai deux formules :
1°
Le service unique et suffisant que l’Église doit rendre à la Suisse,
1276
isant que l’Église doit rendre à la Suisse, c’est
de
rester ou de devenir une vraie Église, une Église de Dieu et non pas
1277
glise doit rendre à la Suisse, c’est de rester ou
de
devenir une vraie Église, une Église de Dieu et non pas une Église pa
1278
rester ou de devenir une vraie Église, une Église
de
Dieu et non pas une Église patriotique ou une puissance d’ordre polit
1279
t non pas une Église patriotique ou une puissance
d’
ordre politique. 2° Le service que l’État suisse doit en retour, à l’É
1280
e patriotique ou une puissance d’ordre politique.
2°
Le service que l’État suisse doit en retour, à l’Église, c’est de la
1281
e l’État suisse doit en retour, à l’Église, c’est
de
la laisser être une vraie Église de Dieu et non pas une Église de l’É
1282
Église, c’est de la laisser être une vraie Église
de
Dieu et non pas une Église de l’État suisse. Il est bien vrai que not
1283
re une vraie Église de Dieu et non pas une Église
de
l’État suisse. Il est bien vrai que notre État fédéral ne saurait se
1284
fonder concrètement que sur des bases chrétiennes
de
tolérance et d’amour du prochain. Mais je tiens à redire ici ce que j
1285
ent que sur des bases chrétiennes de tolérance et
d’
amour du prochain. Mais je tiens à redire ici ce que je disais cet hiv
1286
ce que nous sommes Suisses, mais nous devons être
de
bons Suisses parce que nous sommes chrétiens d’abord. Gardons-nous du
1287
parler j’opposerai cette déclaration prophétique
d’
un homme dont la pensée me paraît plus actuelle que jamais, Alexandre
1288
eulement pour tout le monde, faites-nous la grâce
de
n’en point vouloir ». Car « la société qui veut m’ôter ma religion, m
1289
communauté, c’est que l’Église soit indépendante
de
l’État, je veux dire par là : constituée face à l’État comme une auto
1290
ituée face à l’État comme une autorité souveraine
9.
Alors, si l’État change, l’Église ne changera pas. Et si l’État devie
1291
remémore les événements qui ont amené la création
de
l’Église confessionnelle en Allemagne, on comprendra ce que je veux d
1292
e veux dire, — et que le problème est urgent !
II
La seconde condition, c’est que nos Églises redeviennent missionna
1293
es à l’intérieur du pays, dans toutes les couches
de
notre peuple suisse. Pour mille raisons qui tiennent à l’évolution so
1294
s toutes les couches de notre peuple suisse. Pour
mille
raisons qui tiennent à l’évolution sociale du xixe siècle, nos Églis
1295
des villes, et dans beaucoup de villages. Même si
de
nombreuses familles d’ouvriers en font encore partie, c’est un fait q
1296
ucoup de villages. Même si de nombreuses familles
d’
ouvriers en font encore partie, c’est un fait que le ton des sermons,
1297
ue populaires. C’est sans doute l’une des raisons
de
la désaffection de la classe ouvrière vis-à-vis de l’Église depuis pl
1298
t sans doute l’une des raisons de la désaffection
de
la classe ouvrière vis-à-vis de l’Église depuis plus d’un siècle : el
1299
classe ouvrière vis-à-vis de l’Église depuis plus
d’
un siècle : elle ne s’y sent pas tout à fait chez elle ; elle n’y reco
1300
son langage. Il y a là certainement quelque chose
d’
anormal. L’Église n’aurait jamais dû prendre le ton et l’accent d’un m
1301
ise n’aurait jamais dû prendre le ton et l’accent
d’
un milieu social plutôt que d’un autre. Elle devrait aujourd’hui aband
1302
le ton et l’accent d’un milieu social plutôt que
d’
un autre. Elle devrait aujourd’hui abandonner résolument cette espèce
1303
it aujourd’hui abandonner résolument cette espèce
d’
éloquence conventionnelle qu’on appelle le ton de la chaire et qui pro
1304
d’éloquence conventionnelle qu’on appelle le ton
de
la chaire et qui produit sur l’auditeur occasionnel de nos sermons un
1305
chaire et qui produit sur l’auditeur occasionnel
de
nos sermons une impression fâcheuse de démodé, d’inactuel, d’irréalis
1306
ccasionnel de nos sermons une impression fâcheuse
de
démodé, d’inactuel, d’irréaliste. Il n’y a vraiment aucune raison val
1307
de nos sermons une impression fâcheuse de démodé,
d’
inactuel, d’irréaliste. Il n’y a vraiment aucune raison valable pour q
1308
ns une impression fâcheuse de démodé, d’inactuel,
d’
irréaliste. Il n’y a vraiment aucune raison valable pour que notre pré
1309
nne abandonne aux tribuns politiques le privilège
de
savoir parler à la foule, de savoir la toucher par des paroles direct
1310
itiques le privilège de savoir parler à la foule,
de
savoir la toucher par des paroles directes. Vous me direz peut-être q
1311
asteurs. Je n’en suis pas sûr. C’est une question
d’
atmosphère spirituelle, de disposition des esprits. C’est aussi notre
1312
sûr. C’est une question d’atmosphère spirituelle,
de
disposition des esprits. C’est aussi notre affaire à nous laïques. No
1313
able. Nous oublions trop facilement que la Parole
de
l’Église n’est pas réservée seulement à nos « milieux ecclésiastiques
1314
milieux ecclésiastiques », mais à tous les hommes
d’
où qu’ils viennent, qui ont faim et soif de vérité, sans le savoir le
1315
hommes d’où qu’ils viennent, qui ont faim et soif
de
vérité, sans le savoir le plus souvent. Il est grand temps que nous f
1316
r et puissent entendre sans éprouver le sentiment
de
s’être égarés dans un milieu où ils sont déplacés. Que nos Églises se
1317
és. Que nos Églises se préoccupent donc davantage
d’
être vraiment ouvertes à tous ! C’est une question de foi et de mainti
1318
tre vraiment ouvertes à tous ! C’est une question
de
foi et de maintien, de tact humain, de charité. C’est aussi, et c’est
1319
nt ouvertes à tous ! C’est une question de foi et
de
maintien, de tact humain, de charité. C’est aussi, et c’est avant tou
1320
tous ! C’est une question de foi et de maintien,
de
tact humain, de charité. C’est aussi, et c’est avant tout, une questi
1321
e question de foi et de maintien, de tact humain,
de
charité. C’est aussi, et c’est avant tout, une question de zèle missi
1322
é. C’est aussi, et c’est avant tout, une question
de
zèle missionnaire, d’amour des âmes. Si nous avons ce zèle et ce souc
1323
st avant tout, une question de zèle missionnaire,
d’
amour des âmes. Si nous avons ce zèle et ce souci, l’atmosphère un peu
1324
e zèle et ce souci, l’atmosphère un peu renfermée
de
certaines de nos paroisses se dissipera d’elle-même, se fera plus acc
1325
souci, l’atmosphère un peu renfermée de certaines
de
nos paroisses se dissipera d’elle-même, se fera plus accueillante. L’
1326
fermée de certaines de nos paroisses se dissipera
d’
elle-même, se fera plus accueillante. L’étranger qui entrera dans nos
1327
z les braves gens, mais accueilli dans une maison
de
Dieu. Ce que je voudrais dire encore sur ce sujet est peut-être un pe
1328
que à nos pasteurs, avec l’espoir que les laïques
de
cet auditoire l’appuieront pratiquement dans leurs paroisses. Je voud
1329
ales. Elle demande des vérités sûres, les vérités
de
la Bible, qui sont toujours les plus actuelles, et qui sont seules à
1330
s plus actuelles, et qui sont seules à la hauteur
de
la situation présente. Ce ne sont jamais nos idées personnelles, nos
1331
il y a quelques semaines, une parole qui m’a fait
de
l’impression. C’était dans un sermon, et le pasteur disait : « Laisso
1332
Parole profonde, parole qui devrait libérer plus
d’
un pasteur de ses soucis, et résoudre en partie le problème du samedi
1333
nde, parole qui devrait libérer plus d’un pasteur
de
ses soucis, et résoudre en partie le problème du samedi soir… Encore
1334
simple ! Jamais il ne pourra se rapprocher assez
de
la simplicité des paroles de la Bible. « Nous ne sommes pas convainca
1335
se rapprocher assez de la simplicité des paroles
de
la Bible. « Nous ne sommes pas convaincants », disait le pasteur que
1336
la plupart des auditeurs n’auraient pas eu l’idée
de
faire. Comme laïque, je ne demande pas qu’on me persuade de croire, m
1337
Comme laïque, je ne demande pas qu’on me persuade
de
croire, mais simplement qu’on nourrisse ma foi. J’attends qu’on me pa
1338
entuels. Notre génération n’est pas si tourmentée
de
doutes. Elle n’a guère la manie de discuter. Elle attend des directio
1339
si tourmentée de doutes. Elle n’a guère la manie
de
discuter. Elle attend des directions positives. Elle est prête à croi
1340
prête à croire, et elle demande à la prédication
de
parler à sa foi, non à son doute, avec la tranquille et familière ass
1341
doute, avec la tranquille et familière assurance
de
la foi. Car la conviction seule est convaincante. Tout ceci ne veut p
1342
re d’ailleurs que notre Église n’ait pas le droit
d’
aborder l’actualité sociale ou politique. Pour être missionnaire, l’Ég
1343
ssionnaire, l’Église doit d’abord être convaincue
de
la valeur et de la nouveauté perpétuelle d’un message purement bibliq
1344
lise doit d’abord être convaincue de la valeur et
de
la nouveauté perpétuelle d’un message purement biblique. C’est le pre
1345
incue de la valeur et de la nouveauté perpétuelle
d’
un message purement biblique. C’est le premier point. Mais cela étant
1346
étant acquis, pourquoi l’Église se priverait-elle
de
souligner l’actualité de son enseignement ? Pourquoi ne parlerait-ell
1347
Église se priverait-elle de souligner l’actualité
de
son enseignement ? Pourquoi ne parlerait-elle pas de politique, si el
1348
son enseignement ? Pourquoi ne parlerait-elle pas
de
politique, si elle le fait sur la seule base de la Bible ? On ne lui
1349
s de politique, si elle le fait sur la seule base
de
la Bible ? On ne lui demande pas une théorie originale, surtout pas !
1350
riginale, surtout pas ! On lui demande simplement
d’
appliquer à telle ou telle situation les paroles éternelles de l’Évang
1351
à telle ou telle situation les paroles éternelles
de
l’Évangile et des prophètes : par exemple, pour exhorter les fidèles
1352
exhorter les fidèles à renoncer à leurs préjugés
de
partis, ou à leurs intérêts de classe ; ou pour montrer à notre peupl
1353
r à leurs préjugés de partis, ou à leurs intérêts
de
classe ; ou pour montrer à notre peuple sa mission positive dans l’Eu
1354
à notre peuple sa mission positive dans l’Europe
d’
aujourd’hui. Toutes ces choses peuvent et doivent être dites du haut d
1355
ces choses peuvent et doivent être dites du haut
de
la chaire, à condition, je le répète et j’y insiste, qu’il ne s’agiss
1356
gisse jamais des idées personnelles du pasteur ou
de
quelque écrivain qu’il cite, mais du seul et unique point de vue de l
1357
n qu’il cite, mais du seul et unique point de vue
de
la Bible. En résumé, la deuxième condition indispensable pour que l’É
1358
nauté, c’est que l’Église ne parle pas le langage
d’
un seul groupe social, ou d’une seule classe ; ou le langage d’une que
1359
parle pas le langage d’un seul groupe social, ou
d’
une seule classe ; ou le langage d’une quelconque philosophie à la mod
1360
upe social, ou d’une seule classe ; ou le langage
d’
une quelconque philosophie à la mode ou déjà démodée ; ou le langage p
1361
la mode ou déjà démodée ; ou le langage personnel
de
Monsieur X, pasteur ou même théologien célèbre, — mais qu’elle parle
1362
qu’elle parle uniquement et simplement le langage
de
la Bible, qui appartient à tous, qui est frappant pour tous, et dans
1363
r tous, et dans lequel tous peuvent communier.
III
La troisième condition d’une vraie communauté, je la définissais t
1364
uvent communier. III La troisième condition
d’
une vraie communauté, je la définissais tout à l’heure comme suit : qu
1365
ure comme suit : que nos Églises aient le courage
d’
être franchement des Églises visibles — solidement organisées, — douée
1366
glises visibles — solidement organisées, — douées
d’
une discipline et de formes de culte fixes. Je ne soulèverai pas ici l
1367
lidement organisées, — douées d’une discipline et
de
formes de culte fixes. Je ne soulèverai pas ici le problème de l’épis
1368
rganisées, — douées d’une discipline et de formes
de
culte fixes. Je ne soulèverai pas ici le problème de l’épiscopat, enc
1369
culte fixes. Je ne soulèverai pas ici le problème
de
l’épiscopat, encore que je sois persuadé qu’il se posera pour nous au
1370
re développé encore, afin de décharger le pasteur
d’
un lourd travail de bienfaisance. Je me bornerai au seul problème des
1371
, afin de décharger le pasteur d’un lourd travail
de
bienfaisance. Je me bornerai au seul problème des formes du culte, au
1372
au seul problème des formes du culte, au problème
de
la liturgie protestante. C’est un laïque qui parle ici, je le répète.
1373
de l’Église ! Les théologiens élèveront peut-être
de
fortes objections contre ce que je vais dire. Je suis prêt à les écou
1374
ce. Mais je cherchais depuis longtemps l’occasion
de
formuler certaines propositions qui trouveront aujourd’hui, peut-être
1375
opositions qui trouveront aujourd’hui, peut-être,
de
l’écho. J’ai passé plusieurs années en France, et je me suis fortemen
1376
ement attaché à la liturgie des Églises réformées
de
ce pays. J’entends ici par liturgie : la partie du culte qui n’est pa
1377
tour en Suisse j’éprouve avec intensité l’absence
de
toute espèce de liturgie sérieuse dans nos cultes, à quelques rares e
1378
’éprouve avec intensité l’absence de toute espèce
de
liturgie sérieuse dans nos cultes, à quelques rares exceptions près10
1379
tions près10. Et ce n’est pas seulement le défaut
de
liturgie qui me choque, mais le manque de sens liturgique que manifes
1380
défaut de liturgie qui me choque, mais le manque
de
sens liturgique que manifestent les essais tentés ici ou là, pour rem
1381
, pour remédier à cette absence. Nous avons bien,
de
temps à autre, des cultes que nous appelons « liturgiques » et qui co
1382
n lectures bibliques ou littéraires, entrecoupées
de
chants et de jeux d’orgue. Eh bien, le seul fait de qualifier de « li
1383
bliques ou littéraires, entrecoupées de chants et
de
jeux d’orgue. Eh bien, le seul fait de qualifier de « liturgiques » c
1384
ou littéraires, entrecoupées de chants et de jeux
d’
orgue. Eh bien, le seul fait de qualifier de « liturgiques » ces manif
1385
chants et de jeux d’orgue. Eh bien, le seul fait
de
qualifier de « liturgiques » ces manifestations — peut-être parce qu’
1386
jeux d’orgue. Eh bien, le seul fait de qualifier
de
« liturgiques » ces manifestations — peut-être parce qu’on ne saurait
1387
l’évidence que nous ignorons le sens et la portée
de
la liturgie véritable. Celle-ci suppose des formes fixes et invariabl
1388
suppose des formes fixes et invariables, connues
de
tous, et auxquelles tout l’auditoire participe d’une manière à la foi
1389
de tous, et auxquelles tout l’auditoire participe
d’
une manière à la fois spontanée et réglée d’avance. Or nos cultes soi-
1390
icipe d’une manière à la fois spontanée et réglée
d’
avance. Or nos cultes soi-disant liturgiques sont exactement le contra
1391
oulent pas d’après un plan traditionnel et chargé
de
sens dogmatique, mais font se succéder, dans un ordre plus ou moins a
1392
ire, des textes souvent inconnus, et des morceaux
de
musique dont la signification reste imprécise… Voici un détail signif
1393
récise… Voici un détail significatif, à mes yeux,
de
ce même défaut de sens liturgique : lorsqu’il arrive qu’on lise, au d
1394
étail significatif, à mes yeux, de ce même défaut
de
sens liturgique : lorsqu’il arrive qu’on lise, au début d’un de nos c
1395
iturgique : lorsqu’il arrive qu’on lise, au début
d’
un de nos cultes, une prière liturgique isolée, comme la confession de
1396
ique : lorsqu’il arrive qu’on lise, au début d’un
de
nos cultes, une prière liturgique isolée, comme la confession des péc
1397
ertains pasteurs paraissent craindre la monotonie
de
ce vieux texte, et croient bien faire en y apportant quelques variant
1398
apportant quelques variantes personnelles, au gré
de
leur théologie ou de leur conception du style. Or justement, la valeu
1399
riantes personnelles, au gré de leur théologie ou
de
leur conception du style. Or justement, la valeur liturgique d’un tex
1400
tion du style. Or justement, la valeur liturgique
d’
un texte réside dans son invariabilité. C’est grâce à cette invariabil
1401
ue la liturgie crée dans l’auditoire un sentiment
de
communion, ou de communauté spirituelle. Une vraie liturgie doit être
1402
ée dans l’auditoire un sentiment de communion, ou
de
communauté spirituelle. Une vraie liturgie doit être invariable ; de
1403
auditeurs, et pleinement significative en chacune
de
ses parties. Elle doit former un ensemble, un tout cohérent et indivi
1404
n tout cohérent et indivisible. Prenons l’exemple
de
la liturgie des Églises réformées de France. Je vais vous la décrire
1405
ns l’exemple de la liturgie des Églises réformées
de
France. Je vais vous la décrire dans ses principaux traits. I. Invoca
1406
vais vous la décrire dans ses principaux traits.
I
. Invocation (l’assemblée debout). Psaume. II. La Loi ou son sommaire
1407
aits. I. Invocation (l’assemblée debout). Psaume.
II
. La Loi ou son sommaire (l’assemblée assise) (après la lecture, chant
1408
iniquités, qui pourra subsister devant toi ! »).
III
. Confession des péchés (l’assemblée s’agenouille). IV. Kyrie (un peti
1409
Confession des péchés (l’assemblée s’agenouille).
IV
. Kyrie (un petit chœur ou l’assemblée chante : « Seigneur, aie pitié
1410
œur ou l’assemblée chante : « Seigneur, aie pitié
de
nous ! Christ, aie pitié de nous !… »). V. Promesses de grâce et abso
1411
« Seigneur, aie pitié de nous ! Christ, aie pitié
de
nous !… »). V. Promesses de grâce et absolution collective (l’assembl
1412
pitié de nous ! Christ, aie pitié de nous !… »).
V.
Promesses de grâce et absolution collective (l’assemblée debout chant
1413
s ! Christ, aie pitié de nous !… »). V. Promesses
de
grâce et absolution collective (l’assemblée debout chante : « Ô qu’he
1414
ression est remise… Mon âme, bénis l’Éternel… »).
VI
. Credo (lecture du Symbole des apôtres. L’assemblée reste debout). VI
1415
u Symbole des apôtres. L’assemblée reste debout).
VII
. Alléluia (chant spontané). (À la fin du culte, après l’Oraison domin
1416
culte, après l’Oraison dominicale, chant spontané
d’
une strophe du Te Deum : « Gloire soit au Saint-Esprit… » Puis bénédic
1417
e collectif non seulement des dogmes fondamentaux
de
la foi réformée, mais aussi du drame chrétien dans son déroulement bi
1418
ntance, la grâce accordée, et enfin le témoignage
de
la foi. À mon sens, cette liturgie est une des plus belles, dans sa s
1419
es, dans sa simplicité, et des plus justes aussi,
de
toutes celles qu’utilisent les différentes confessions chrétiennes. J
1420
maine. Comme toute société humaine, elle a besoin
de
signes extérieurs et de symboles collectifs qui manifestent publiquem
1421
té humaine, elle a besoin de signes extérieurs et
de
symboles collectifs qui manifestent publiquement sa cohésion spiritue
1422
négliger sans risques graves. Tous les fondateurs
de
régimes savent que pour créer une communauté nouvelle, il faut créer
1423
té à des cérémonies hitlériennes qui étaient déjà
de
véritables liturgies païennes. Ces abus manifestes ne doivent pas nou
1424
ous faire négliger le bon usage, l’usage chrétien
d’
une liturgie chrétienne. La science consommée des chefs totalitaires d
1425
otalitaires doit nous rendre attentifs à certains
de
nos défauts, afin que nous puissions les corriger à temps. Un peuple
1426
es corriger à temps. Un peuple complètement privé
de
toute manifestation de ce genre risque d’être une proie facile pour l
1427
peuple complètement privé de toute manifestation
de
ce genre risque d’être une proie facile pour les caricatures de litur
1428
t privé de toute manifestation de ce genre risque
d’
être une proie facile pour les caricatures de liturgie que les païens
1429
sque d’être une proie facile pour les caricatures
de
liturgie que les païens viendront lui offrir un jour, et qui seront a
1430
spécifiquement chrétien. Je dirais même qu’il est
d’
ordre sermonnaire. Je m’explique. Imaginez une personne qui n’a jamais
1431
une personne qui n’a jamais mis les pieds dans un
de
nos temples, qui ne sait rien du protestantisme, ou qui est incroyant
1432
réussissez à l’amener, un beau dimanche, au culte
d’
une de nos paroisses suisses. Elle sera d’abord, probablement, dépaysé
1433
ssez à l’amener, un beau dimanche, au culte d’une
de
nos paroisses suisses. Elle sera d’abord, probablement, dépaysée, com
1434
le ton du pasteur et le maintien un peu compassé
de
l’auditoire. Mais cela n’est rien encore : si elle est de bonne volon
1435
itoire. Mais cela n’est rien encore : si elle est
de
bonne volonté et avide de vérité, elle ne se laissera pas arrêter par
1436
en encore : si elle est de bonne volonté et avide
de
vérité, elle ne se laissera pas arrêter par ces détails. Ce qui est p
1437
’il n’est pas exceptionnellement bon, risque bien
de
la laisser sur sa faim. En sortant de là, elle ne saura pas exactemen
1438
risque bien de la laisser sur sa faim. En sortant
de
là, elle ne saura pas exactement ce que nous croyons, elle pourra s’i
1439
s fausses. Ou bien encore, elle aura l’impression
d’
avoir surpris une réunion d’initiés, habitués à un certain langage, do
1440
lle aura l’impression d’avoir surpris une réunion
d’
initiés, habitués à un certain langage, dont personne ne lui aura donn
1441
sermon du pasteur, elle le situe dans l’ensemble
de
nos dogmes, et elle rappelle notre Credo. Bref, quand le sermon comme
1442
, tout le monde, et même un étranger, peut savoir
de
quoi il s’agit. J’avoue que pour ma part, et je ne pense pas être le
1443
que pour ma part, et je ne pense pas être le seul
de
mon espèce, j’éprouve le besoin d’entendre répéter chaque dimanche le
1444
s être le seul de mon espèce, j’éprouve le besoin
d’
entendre répéter chaque dimanche les grandes vérités de la foi, j’épro
1445
endre répéter chaque dimanche les grandes vérités
de
la foi, j’éprouve le besoin de participer, par le chant ou la récitat
1446
es grandes vérités de la foi, j’éprouve le besoin
de
participer, par le chant ou la récitation, à ce témoignage collectif,
1447
on, à ce témoignage collectif, dans la communauté
de
mes frères, connus ou inconnus. Après cela, même si le sermon n’est p
1448
pas des meilleurs, j’ai tout de même le sentiment
d’
avoir approuvé mon Église, et d’en avoir reçu le message essentiel. En
1449
même le sentiment d’avoir approuvé mon Église, et
d’
en avoir reçu le message essentiel. Enfin, ma troisième raison se rapp
1450
s surprendra peut-être : le peuple suisse souffre
d’
un défaut qu’il me faut bien nommer le sans-gêne spirituel. Je ne sais
1451
nous, et qu’il subsiste dans nos Églises pas mal
de
traces d’un piétisme affadi. Je n’oserais pas suggérer que nous tenon
1452
qu’il subsiste dans nos Églises pas mal de traces
d’
un piétisme affadi. Je n’oserais pas suggérer que nous tenons à rester
1453
que, Seigneur et Roi des rois, à toutes les pages
de
notre Bible. Le fait est que nous manquons d’un certain respect relig
1454
ges de notre Bible. Le fait est que nous manquons
d’
un certain respect religieux, de même que nous passons, à l’étranger,
1455
qui frise peut-être la caricature. J’ai entendu,
de
mes oreilles, un jeune pasteur remercier Dieu, du haut de la chaire,
1456
reilles, un jeune pasteur remercier Dieu, du haut
de
la chaire, de ce que Dieu « nous a permis de lui parler tout simpleme
1457
une pasteur remercier Dieu, du haut de la chaire,
de
ce que Dieu « nous a permis de lui parler tout simplement, d’homme à
1458
haut de la chaire, de ce que Dieu « nous a permis
de
lui parler tout simplement, d’homme à homme »… Je reste persuadé, po
1459
eu « nous a permis de lui parler tout simplement,
d’
homme à homme »… Je reste persuadé, pour ma part, que nous devons plu
1460
uadé, pour ma part, que nous devons plutôt parler
d’
homme à Dieu, et que nous ferions bien de nous pénétrer de cette vérit
1461
t parler d’homme à Dieu, et que nous ferions bien
de
nous pénétrer de cette vérité fondamentale et même d’y conformer notr
1462
à Dieu, et que nous ferions bien de nous pénétrer
de
cette vérité fondamentale et même d’y conformer notre maintien. Sans
1463
ous pénétrer de cette vérité fondamentale et même
d’
y conformer notre maintien. Sans aller jusqu’à imiter les génuflexions
1464
russes, qui se prosternent jusqu’à toucher le sol
de
leur front, pourquoi refuserions-nous de nous agenouiller pour la pri
1465
r le sol de leur front, pourquoi refuserions-nous
de
nous agenouiller pour la prière publique, ou pendant la lecture de la
1466
er pour la prière publique, ou pendant la lecture
de
la confession des péchés, par exemple, comme cela se fait dans les Ég
1467
le, comme cela se fait dans les Églises réformées
de
Paris ? Aurions-nous trop de dignité pour consentir à cette marque pu
1468
es Églises réformées de Paris ? Aurions-nous trop
de
dignité pour consentir à cette marque publique d’humiliation ? Nous c
1469
de dignité pour consentir à cette marque publique
d’
humiliation ? Nous chantons dans un chant patriotique : « Devant Dieu
1470
assis… Ne pensez pas, surtout, que ces questions
d’
attitude soient futiles, ou trahissent je ne sais quelle déviation cat
1471
tholique. Toutes les Églises ont toujours attaché
de
l’importance à ces choses-là, et je pense qu’elles avaient de bonnes
1472
nce à ces choses-là, et je pense qu’elles avaient
de
bonnes raisons de le faire. Elles savaient qu’une certaine participat
1473
à, et je pense qu’elles avaient de bonnes raisons
de
le faire. Elles savaient qu’une certaine participation personnelle, p
1474
estes qui manifestent, visiblement, la communauté
de
la foi, de l’humiliation, ou de la joie chrétienne. Ce sont des geste
1475
anifestent, visiblement, la communauté de la foi,
de
l’humiliation, ou de la joie chrétienne. Ce sont des gestes, enfin, q
1476
nt, la communauté de la foi, de l’humiliation, ou
de
la joie chrétienne. Ce sont des gestes, enfin, qui favorisent l’oubli
1477
Ce sont des gestes, enfin, qui favorisent l’oubli
de
soi et qui libèrent des fausses pudeurs. Pour en finir sur ce sujet,
1478
s. Pour en finir sur ce sujet, je vous demanderai
de
vous poser à vous-même cette seule question : alors que les orthodoxe
1479
les calvinistes français jugent nécessaire et bon
d’
avoir une liturgie, comment se fait-il que nos Églises suisses soient
1480
ent pouvoir s’en passer, sans dommage ? L’absence
de
liturgie, remarquez-le, est un obstacle assez considérable à notre ra
1481
sans cesse croissante.) Et pourtant, les Églises
de
Suisse devraient avoir à cœur ce rapprochement, plus qu’aucune autre
1482
t nous préparer tout spécialement à cette mission
de
compréhension d’autrui, de rapprochement, de mutuelle instruction, qu
1483
out spécialement à cette mission de compréhension
d’
autrui, de rapprochement, de mutuelle instruction, qui est la mission
1484
lement à cette mission de compréhension d’autrui,
de
rapprochement, de mutuelle instruction, qui est la mission du jeune m
1485
sion de compréhension d’autrui, de rapprochement,
de
mutuelle instruction, qui est la mission du jeune mouvement œcuméniqu
1486
thèses — critiques et suggestions — que je viens
d’
esquisser devant vous. Je vous ai indiqué tout d’abord que la situatio
1487
iqué tout d’abord que la situation actuelle exige
de
nos Églises un grand effort vers la communauté vivante. Ce sera peut-
1488
ommunauté vivante. Ce sera peut-être une question
de
vie ou de mort, dans le monde qui se prépare. Je vous ai suggéré troi
1489
vivante. Ce sera peut-être une question de vie ou
de
mort, dans le monde qui se prépare. Je vous ai suggéré trois directio
1490
dans le monde qui se prépare. Je vous ai suggéré
trois
directions d’effort à la fois nécessaires et possibles : revenir d’ab
1491
i se prépare. Je vous ai suggéré trois directions
d’
effort à la fois nécessaires et possibles : revenir d’abord à une comp
1492
r d’abord à une compréhension moins superficielle
de
la nature de nos Églises, qui sont les membres du Corps de Christ, et
1493
ne compréhension moins superficielle de la nature
de
nos Églises, qui sont les membres du Corps de Christ, et non pas des
1494
ure de nos Églises, qui sont les membres du Corps
de
Christ, et non pas des associations comme les autres. Avoir ensuite l
1495
ciations comme les autres. Avoir ensuite le souci
de
« désembourgeoiser » notre atmosphère, notre ton, nos manières de prê
1496
oiser » notre atmosphère, notre ton, nos manières
de
prêcher ou d’écouter, afin de rendre possible une action missionnaire
1497
atmosphère, notre ton, nos manières de prêcher ou
d’
écouter, afin de rendre possible une action missionnaire dans toutes l
1498
e une action missionnaire dans toutes les couches
de
notre peuple. Poser enfin très sérieusement le problème de la liturgi
1499
peuple. Poser enfin très sérieusement le problème
de
la liturgie, tant à nos bons théologiens qu’aux laïques, généralement
1500
héologiens qu’aux laïques, généralement ignorants
de
cette question, ou retenus par des préjugés à son égard. Je me suis b
1501
ous invite au travail plutôt qu’à l’éloquence.
6.
Manifeste de la Ligue du Gothard, juillet 1940. 7. On sait que l’or
1502
travail plutôt qu’à l’éloquence. 6. Manifeste
de
la Ligue du Gothard, juillet 1940. 7. On sait que l’organisation des
1503
6. Manifeste de la Ligue du Gothard, juillet
1940.
7. On sait que l’organisation des premières Églises était telle que
1504
Manifeste de la Ligue du Gothard, juillet 1940.
7.
On sait que l’organisation des premières Églises était telle que les
1505
peu pour leur compte les charges des gouverneurs
de
provinces ou comes, lors de la décadence des ive et ve siècles. 8.
1506
s, lors de la décadence des ive et ve siècles.
8.
Parmi ces autres conditions dont je ne puis traiter ici : restauratio
1507
héologique (elle est en plein essor) ; confession
de
foi (on en parle beaucoup) ; doctrine des sacrements… 9. Je n’entend
1508
on en parle beaucoup) ; doctrine des sacrements…
9.
Je n’entends pas prendre position ici sur des problèmes tels que les
1509
es problèmes tels que les prestations financières
de
l’État à l’Église, qui sont pour le moins secondaires. « Indépendante
1510
s secondaires. « Indépendante » veux dire : libre
de
se gouverner elle-même, comme lorsqu’on parle de « l’indépendance » d
1511
de se gouverner elle-même, comme lorsqu’on parle
de
« l’indépendance » de la Suisse. 10. Canton de Genève. g. Rougemon
1512
même, comme lorsqu’on parle de « l’indépendance »
de
la Suisse. 10. Canton de Genève. g. Rougemont Denis de, « L’Église
1513
squ’on parle de « l’indépendance » de la Suisse.
10.
Canton de Genève. g. Rougemont Denis de, « L’Église et la Suisse »,
1514
e de « l’indépendance » de la Suisse. 10. Canton
de
Genève. g. Rougemont Denis de, « L’Église et la Suisse », Les Cahie
1515
isse. 10. Canton de Genève. g. Rougemont Denis
de
, « L’Église et la Suisse », Les Cahiers protestants, Lausanne, août 1
1516
Suisse », Les Cahiers protestants, Lausanne, août
1940,
p. 321-342. h. Une note de la rédaction précise : « Deuxième confére
1517
ts, Lausanne, août 1940, p. 321-342. h. Une note
de
la rédaction précise : « Deuxième conférence du Camp aîné de Vaumarcu
1518
tion précise : « Deuxième conférence du Camp aîné
de
Vaumarcus. Les suivantes : L’Église et l’Europe, l’Église et le Royau
1519
es : L’Église et l’Europe, l’Église et le Royaume
de
Dieu, l’Église, c’est nous, paraîtront successivement au cours des pr
1520
Autocritique
de
la Suisse (février 1941)i j Nul pays à ma connaissance, n’a été pl
1521
Autocritique de la Suisse (février
1941
)i j Nul pays à ma connaissance, n’a été plus souvent expliqué à lu
1522
aire et suppose donc la connaissance très vivante
d’
une autre espèce d’union, sans cesse à recréer. Or l’inertie des masse
1523
c la connaissance très vivante d’une autre espèce
d’
union, sans cesse à recréer. Or l’inertie des masses et l’à-peu-près i
1524
ntellectuel s’opposent sans cesse à cette reprise
de
conscience. D’où la nécessité d’une vigilante autocritique, si l’on n
1525
pposent sans cesse à cette reprise de conscience.
D’
où la nécessité d’une vigilante autocritique, si l’on ne veut pas déch
1526
à cette reprise de conscience. D’où la nécessité
d’
une vigilante autocritique, si l’on ne veut pas déchoir ou se laisser
1527
e qui suppose l’équilibre vivant entre les droits
de
chaque région et ses devoirs envers l’ensemble, il n’est pas absurde
1528
s devoirs envers l’ensemble, il n’est pas absurde
de
nommer « fédéraliste » un parti qui n’a d’autre programme que la défe
1529
bsurde de nommer « fédéraliste » un parti qui n’a
d’
autre programme que la défense des intérêts locaux contre le centre. C
1530
es cantonaux. Ceux qui insistent sur la nécessité
de
l’union centrale auraient peut-être plus de droits à revendiquer le n
1531
ssité de l’union centrale auraient peut-être plus
de
droits à revendiquer le nom de fédéralistes, dans son sens étymologiq
1532
ent peut-être plus de droits à revendiquer le nom
de
fédéralistes, dans son sens étymologique. (fœdus = traité, serment, u
1533
régionalistes, nomment « fédéral » ce qui procède
de
Berne. Il en résulte que leur fédéralisme se résume à combattre tout
1534
qui pourra ! Cette confusion verbale, symbolique
de
tant d’autres, est à la base de la plupart de nos conflits politiques
1535
rbale, symbolique de tant d’autres, est à la base
de
la plupart de nos conflits politiques, économiques, parlementaires.
1536
conomiques, parlementaires. i. Rougemont Denis
de
, « Autocritique de la Suisse », Les Cahiers protestants, Lausanne, fé
1537
ntaires. i. Rougemont Denis de, « Autocritique
de
la Suisse », Les Cahiers protestants, Lausanne, février 1941, p. 127-
1538
sse », Les Cahiers protestants, Lausanne, février
1941,
p. 127-128. j. Une note précise : « Tiré de Mission ou démission de
1539
r 1941, p. 127-128. j. Une note précise : « Tiré
de
Mission ou démission de la Suisse . »
1540
ne note précise : « Tiré de Mission ou démission
de
la Suisse . »
1541
rope unie et neutralité suisse (novembre-décembre
1950
)k l I Comment allons-nous justifier, aux yeux de l’Europe qui
1542
eutralité suisse (novembre-décembre 1950)k l
I
Comment allons-nous justifier, aux yeux de l’Europe qui essaie de
1543
s-nous justifier, aux yeux de l’Europe qui essaie
de
se fédérer, cette raison de nous tenir à l’écart ou de bénéficier d’u
1544
e l’Europe qui essaie de se fédérer, cette raison
de
nous tenir à l’écart ou de bénéficier d’un traitement tout spécial, q
1545
fédérer, cette raison de nous tenir à l’écart ou
de
bénéficier d’un traitement tout spécial, que nos autorités et nos jou
1546
e raison de nous tenir à l’écart ou de bénéficier
d’
un traitement tout spécial, que nos autorités et nos journaux ne se la
1547
e nos autorités et nos journaux ne se lassent pas
d’
invoquer — comme si cela allait de soi — chaque fois qu’on nous propos
1548
la allait de soi — chaque fois qu’on nous propose
d’
entrer dans une forme quelconque d’union européenne ? Le fait est que
1549
n nous propose d’entrer dans une forme quelconque
d’
union européenne ? Le fait est que nos voisins d’Europe comprennent de
1550
d’union européenne ? Le fait est que nos voisins
d’
Europe comprennent de moins en moins notre neutralité. Le fait est que
1551
Le fait est que nos voisins d’Europe comprennent
de
moins en moins notre neutralité. Le fait est que les Américains ne la
1552
ait donc temps qu’en Suisse au moins, l’on essaie
de
comprendre un peu mieux les raisons véritables de ce statut spécial,
1553
de comprendre un peu mieux les raisons véritables
de
ce statut spécial, qui ne résulte pas d’une loi éternelle de la natur
1554
ritables de ce statut spécial, qui ne résulte pas
d’
une loi éternelle de la nature, ni d’un commandement de Moïse, ni d’un
1555
t spécial, qui ne résulte pas d’une loi éternelle
de
la nature, ni d’un commandement de Moïse, ni d’un droit divin des Hel
1556
résulte pas d’une loi éternelle de la nature, ni
d’
un commandement de Moïse, ni d’un droit divin des Helvètes, bref, qui
1557
loi éternelle de la nature, ni d’un commandement
de
Moïse, ni d’un droit divin des Helvètes, bref, qui n’est pas tombé du
1558
e de la nature, ni d’un commandement de Moïse, ni
d’
un droit divin des Helvètes, bref, qui n’est pas tombé du ciel et qui
1559
n’est pas tombé du ciel et qui ne va pas du tout
de
soi. Je suis bien obligé de l’avouer publiquement : pour beaucoup de
1560
qui ne va pas du tout de soi. Je suis bien obligé
de
l’avouer publiquement : pour beaucoup de mes compatriotes, la neutral
1561
ue un tabou, aussi sacré que l’égoïsme. On refuse
de
la discuter, parce qu’on craint que cette discussion n’aboutisse à de
1562
des conclusions gênantes et n’oblige à des prises
de
position. On n’aime pas cela… Ce qu’on veut, c’est la paix chez soi e
1563
ttre avec personne, tout en échappant au reproche
d’
égoïsme par des œuvres philanthropiques. Il faut bien le reconnaître,
1564
ment intéressé, qui tient parfois du raisonnement
de
l’autruche, et parfois d’une sagesse rusée, a parfaitement réussi jus
1565
parfois du raisonnement de l’autruche, et parfois
d’
une sagesse rusée, a parfaitement réussi jusqu’ici, matériellement par
1566
rlant. Quant aux effets moraux, sur notre peuple,
de
ce tour de force prolongé, ils sont hélas plus discutables. Et si vra
1567
t aux effets moraux, sur notre peuple, de ce tour
de
force prolongé, ils sont hélas plus discutables. Et si vraiment notre
1568
les. Et si vraiment notre neutralité n’était rien
d’
autre que ce que le Suisse moyen semble croire aujourd’hui, il ne faud
1569
onde. Comment les Suisses, si jalousement ennemis
de
privilèges dans leur pays, peuvent-ils prétendre avoir en bloc ce pri
1570
en bloc ce privilège exorbitant ? Pour commencer
de
répondre à cette question, je me contenterai ce soir d’un rapide aper
1571
ondre à cette question, je me contenterai ce soir
d’
un rapide aperçu sur l’histoire de notre neutralité, car je soupçonne
1572
enterai ce soir d’un rapide aperçu sur l’histoire
de
notre neutralité, car je soupçonne qu’elle n’est pas bien connue de l
1573
é, car je soupçonne qu’elle n’est pas bien connue
de
la plupart de nos contemporains. Aux origines lointaines de notre Éta
1574
art de nos contemporains. Aux origines lointaines
de
notre État, il y a le Pacte de 1291. Ce pacte fut juré par les représ
1575
rigines lointaines de notre État, il y a le Pacte
de
1291. Ce pacte fut juré par les représentants des trois communautés d
1576
ines lointaines de notre État, il y a le Pacte de
1291.
Ce pacte fut juré par les représentants des trois communautés des Wal
1577
1291. Ce pacte fut juré par les représentants des
trois
communautés des Waldstätten, qui étaient en somme des corporations ou
1578
coopératives forestières. Le pacte avait pour but
de
maintenir les libertés impériales acquises par ces communautés. Et ce
1579
mpire. Ainsi donc, dès le début, ce premier noyau
de
la Suisse a reçu un statut spécial dans l’intérêt de l’Europe entière
1580
la Suisse a reçu un statut spécial dans l’intérêt
de
l’Europe entière, au moins autant que pour lui-même. La première idée
1581
moins autant que pour lui-même. La première idée
d’
une neutralité négative des Confédérés apparaît vers 1648, lorsque la
1582
neutralité négative des Confédérés apparaît vers
1648,
lorsque la Suisse se sépare de l’Empire par le traité de Westphalie.
1583
s apparaît vers 1648, lorsque la Suisse se sépare
de
l’Empire par le traité de Westphalie. L’expérience de la guerre de Tr
1584
que la Suisse se sépare de l’Empire par le traité
de
Westphalie. L’expérience de la guerre de Trente Ans a montré que les
1585
’Empire par le traité de Westphalie. L’expérience
de
la guerre de Trente Ans a montré que les cantons ne peuvent rester un
1586
e traité de Westphalie. L’expérience de la guerre
de
Trente Ans a montré que les cantons ne peuvent rester unis que s’ils
1587
raité de Westphalie. L’expérience de la guerre de
Trente
Ans a montré que les cantons ne peuvent rester unis que s’ils s’absti
1588
ns ne peuvent rester unis que s’ils s’abstiennent
de
prendre part aux guerres entre rois catholiques et protestants — puis
1589
nts — puisqu’ils sont eux-mêmes divisés entre les
deux
confessions. Mais ce n’est qu’en 1815 que la neutralité de la Suisse
1590
s entre les deux confessions. Mais ce n’est qu’en
1815
que la neutralité de la Suisse se voit proclamée, sanctionnée par les
1591
sions. Mais ce n’est qu’en 1815 que la neutralité
de
la Suisse se voit proclamée, sanctionnée par les Puissances et déclar
1592
un aspect positif. On sait en effet que le traité
de
Vienne dit en tous termes que « la neutralité et l’inviolabilité de l
1593
ous termes que « la neutralité et l’inviolabilité
de
la Suisse […] sont dans les vrais intérêts de l’Europe entière ». En
1594
ité de la Suisse […] sont dans les vrais intérêts
de
l’Europe entière ». En 1914, on retrouve ce même mélange d’intérêt pr
1595
dans les vrais intérêts de l’Europe entière ». En
1914,
on retrouve ce même mélange d’intérêt propre et d’intérêt européen da
1596
e entière ». En 1914, on retrouve ce même mélange
d’
intérêt propre et d’intérêt européen dans notre abstention du conflit.
1597
, on retrouve ce même mélange d’intérêt propre et
d’
intérêt européen dans notre abstention du conflit. Si la Suisse avait
1598
is parti, à ce moment-là, elle se fût déchirée en
deux
: une partie tenant pour la France, l’autre pour l’Allemagne. Il étai
1599
ent que notre neutralité dépendait donc, au début
de
ce siècle, du fameux « équilibre européen ». Mais déjà en 1939, la q
1600
, du fameux « équilibre européen ». Mais déjà en
1939,
la question se posa différemment. L’équilibre étant rompu au profit d
1601
’hui ? Tout est changé. Les conflits qui menacent
d’
éclater n’opposeront plus les catholiques aux protestants, comme penda
1602
holiques aux protestants, comme pendant la guerre
de
Trente Ans ; ni la France à l’Allemagne, ou l’Autriche à l’Italie, co
1603
iques aux protestants, comme pendant la guerre de
Trente
Ans ; ni la France à l’Allemagne, ou l’Autriche à l’Italie, comme en
1604
à l’Allemagne, ou l’Autriche à l’Italie, comme en
1914
; ni même des Européens à d’autres Européens comme de 1939 à 1945. Il
1605
ni même des Européens à d’autres Européens comme
de
1939 à 1945. Il n’est donc plus question pour la Suisse d’essayer de
1606
même des Européens à d’autres Européens comme de
1939
à 1945. Il n’est donc plus question pour la Suisse d’essayer de maint
1607
es Européens à d’autres Européens comme de 1939 à
1945.
Il n’est donc plus question pour la Suisse d’essayer de maintenir sa
1608
1945. Il n’est donc plus question pour la Suisse
d’
essayer de maintenir sa place centrale et réservée dans le jeu des pui
1609
n’est donc plus question pour la Suisse d’essayer
de
maintenir sa place centrale et réservée dans le jeu des puissances vo
1610
ans le jeu des puissances voisines. Il n’y a plus
d’
équilibre européen. Il y a l’Europe entière qui essaie de survivre et
1611
ibre européen. Il y a l’Europe entière qui essaie
de
survivre et de s’unir contre un danger commun. Nous sommes tous dans
1612
Il y a l’Europe entière qui essaie de survivre et
de
s’unir contre un danger commun. Nous sommes tous dans le même sac, si
1613
eule question réelle qui se pose désormais, c’est
de
savoir si la neutralité de notre pays est encore « dans les vrais int
1614
pose désormais, c’est de savoir si la neutralité
de
notre pays est encore « dans les vrais intérêts de l’Europe entière »
1615
e notre pays est encore « dans les vrais intérêts
de
l’Europe entière ». Apporte-t-elle, ou non, une contribution effectiv
1616
, une contribution effective à la défense commune
de
l’Europe ? II Avant tout essai de réponse, on fera bien de se d
1617
n effective à la défense commune de l’Europe ?
II
Avant tout essai de réponse, on fera bien de se demander d’abord :
1618
e commune de l’Europe ? II Avant tout essai
de
réponse, on fera bien de se demander d’abord : Quels sont, en somme,
1619
II Avant tout essai de réponse, on fera bien
de
se demander d’abord : Quels sont, en somme, les vrais intérêts de l’E
1620
’abord : Quels sont, en somme, les vrais intérêts
de
l’Europe entière ? Sont-ils les mêmes aujourd’hui qu’il y a cent-cinq
1621
i qu’il y a cent-cinquante ans, ou même qu’il y a
dix
ans ? Je ne le pense pas. Ce que les auteurs des traités de 1815 ente
1622
e ne le pense pas. Ce que les auteurs des traités
de
1815 entendaient par l’intérêt de l’Europe, c’était un certain degré
1623
e le pense pas. Ce que les auteurs des traités de
1815
entendaient par l’intérêt de l’Europe, c’était un certain degré de co
1624
urs des traités de 1815 entendaient par l’intérêt
de
l’Europe, c’était un certain degré de concorde entre nos pays et leur
1625
r l’intérêt de l’Europe, c’était un certain degré
de
concorde entre nos pays et leurs régimes, concorde qui ne semblait po
1626
es puissances du continent. Il s’agit aujourd’hui
d’
autre chose. L’idée d’une guerre prochaine entre pays européens n’empê
1627
nent. Il s’agit aujourd’hui d’autre chose. L’idée
d’
une guerre prochaine entre pays européens n’empêche personne de dormir
1628
prochaine entre pays européens n’empêche personne
de
dormir. Mais tout le monde pense à deux dangers communs : l’un idéolo
1629
he personne de dormir. Mais tout le monde pense à
deux
dangers communs : l’un idéologique et militaire, à l’Est ; l’autre éc
1630
lleure solution que l’union. « Les vrais intérêts
de
l’Europe entière », c’est donc tout simplement que l’Europe devienne
1631
Or, peut-on dire que l’attitude plus que réservée
de
la Suisse contribue sérieusement à promouvoir l’union ? Peut-on dire
1632
l’union ? Peut-on dire que la Suisse, en refusant
de
se risquer à Strasbourg, contribue à renforcer le Conseil de l’Europe
1633
Europe ? Certes, nous avons fini par adhérer avec
d’
infinies précautions, à quelques entreprises internationales, telles q
1634
érêt bien compris. Il serait donc un peu excessif
de
citer nos adhésions tardives et réticentes comme autant de contributi
1635
nos adhésions tardives et réticentes comme autant
de
contributions à l’unité. Sur ce plan général, il semble difficile de
1636
l’unité. Sur ce plan général, il semble difficile
de
soutenir que la neutralité représente un apport positif à la fédérati
1637
ire à ses vrais intérêts. Mais sur le plan précis
de
la défense de l’Europe, la situation est différente. M. Churchill a p
1638
est différente. M. Churchill a parlé à Strasbourg
de
créer une armée européenne. M. Pleven a fait voter un projet similair
1639
mbre française. Et déjà, l’on commence à regarder
de
travers cette petite Suisse qui prétend rester neutre quand tout le m
1640
rité, c’est que la Suisse neutre est le seul pays
d’
Europe qui soit matériellement et moralement prêt à se défendre en cas
1641
iellement et moralement prêt à se défendre en cas
d’
attaque, demain. Je sais très bien que la seule mention de l’armée sui
1642
e, demain. Je sais très bien que la seule mention
de
l’armée suisse a le don de provoquer des sourires légèrement ironique
1643
n que la seule mention de l’armée suisse a le don
de
provoquer des sourires légèrement ironiques ou incrédules chez certai
1644
légèrement ironiques ou incrédules chez certains
de
nos voisins. Qu’ils comptent plutôt leurs divisions ! Nous en avons,
1645
plus qu’eux tous réunis. Il n’y a qu’un seul coin
de
l’Europe qui soit sérieusement défendu, et le fait est, paradoxal mai
1646
petit coin, c’est la Suisse neutre. Quand l’armée
de
l’Europe commencera d’exister, il sera temps d’aborder la question d’
1647
isse neutre. Quand l’armée de l’Europe commencera
d’
exister, il sera temps d’aborder la question d’un plan de défense unif
1648
e de l’Europe commencera d’exister, il sera temps
d’
aborder la question d’un plan de défense unifié. Vous le voyez, la rép
1649
ra d’exister, il sera temps d’aborder la question
d’
un plan de défense unifié. Vous le voyez, la réponse que j’essaie de t
1650
er, il sera temps d’aborder la question d’un plan
de
défense unifié. Vous le voyez, la réponse que j’essaie de trouver n’e
1651
se unifié. Vous le voyez, la réponse que j’essaie
de
trouver n’est pas simple. Si l’effort militaire considérable que nous
1652
litaire considérable que nous impose notre statut
de
neutralité est une contribution réelle à la défense du continent, on
1653
continent, on ne saurait vraiment en dire autant
de
notre attitude méfiante et presque négative à l’égard de l’union néce
1654
e l’union nécessaire. À la question qu’on me pose
de
tous côtés : Êtes-vous pour l’abandon de notre neutralité ? je ne pui
1655
me pose de tous côtés : Êtes-vous pour l’abandon
de
notre neutralité ? je ne puis donc répondre oui ou non. Le problème n
1656
raison grande et forte, c’est en somme au profit
de
quoi la Suisse devrait éventuellement renoncer à sa neutralité. Je ré
1657
ur ma part que cela ne pourrait être qu’au profit
de
l’Europe entière, c’est-à-dire au profit de son union fédérale, et de
1658
rofit de l’Europe entière, c’est-à-dire au profit
de
son union fédérale, et de cela seul. Encore faut-il que cette union p
1659
c’est-à-dire au profit de son union fédérale, et
de
cela seul. Encore faut-il que cette union prenne forme, et qu’en son
1660
États-Unis, soit le Conseil de l’Europe s’il sort
de
son impasse, soit encore une menace de guerre contre le continent tou
1661
s’il sort de son impasse, soit encore une menace
de
guerre contre le continent tout entier, nous poseront ces questions p
1662
evant des options graves qu’il lui sera difficile
de
trancher, ne sachant pas ce que pense le peuple suisse. Il ne faut pa
1663
nous surprenne, endormis dans la fausse sécurité
d’
une tradition qui a peut-être fait son temps, endormis derrière la neu
1664
dormis derrière la neutralité, comme la France en
1940
derrière la ligne Maginot, comme l’Amérique l’été dernier derrière sa
1665
rne à proposer, pour l’orienter, un seul principe
de
jugement politique. Le voici : Tant que la neutralité de la Suisse se
1666
ment politique. Le voici : Tant que la neutralité
de
la Suisse se révèle utile à l’Europe — comme aujourd’hui sur le plan
1667
traire elle devient un prétexte à freiner l’union
de
l’Europe et à ne pas y prendre notre part, elle est contraire à l’esp
1668
re notre part, elle est contraire à l’esprit même
de
son statut, et elle peut donc demain devenir une trahison. Car je le
1669
été reconnue par les puissances « dans l’intérêt
de
l’Europe entière », et non pas comme un privilège qu’il n’y aurait pl
1670
ons : en neutralité entre l’Europe et les ennemis
de
l’Europe — entre l’Europe unie et l’URSS par exemple — ceux-là sont i
1671
Ils violent notre statut légal, et l’esprit même
de
nos institutions. Je me promets de revenir sur ce point capital, que
1672
l’esprit même de nos institutions. Je me promets
de
revenir sur ce point capital, que personne encore n’a touché, tout au
1673
u moins à ma connaissance. k. Rougemont Denis
de
, « Europe unie et neutralité suisse », Les Cahiers protestants, Lausa
1674
Cahiers protestants, Lausanne, novembre–décembre
1950,
p. 309-316. l. Précédé de la note suivante : « L’Europe est en dange
1675
, novembre–décembre 1950, p. 309-316. l. Précédé
de
la note suivante : « L’Europe est en danger. Les efforts pour unir l’
1676
é un questionnaire qui sera envoyé à quelques-uns
de
ceux que le problème préoccupe et nous ouvrons ainsi une rubrique où
1677
nses reçues. Voici le questionnaire. Il est suivi
d’
une première réponse de M. Denis de Rougemont aux questions IV et V :
1678
uestionnaire. Il est suivi d’une première réponse
de
M. Denis de Rougemont aux questions IV et V : […] — Quelle attitude,
1679
re réponse de M. Denis de Rougemont aux questions
IV
et V : […] — Quelle attitude, selon vous, la Suisse devrait-elle adop
1680
onse de M. Denis de Rougemont aux questions IV et
V
: […] — Quelle attitude, selon vous, la Suisse devrait-elle adopter e
1681
dite fédération ? Une conception trop restrictive
de
cette neutralité n’empêche-t-elle pas notre pays d’assumer actuelleme
1682
cette neutralité n’empêche-t-elle pas notre pays
d’
assumer actuellement la tâche de conciliation qui serait conforme à so
1683
le pas notre pays d’assumer actuellement la tâche
de
conciliation qui serait conforme à son génie ? — En faveur du maintie
1684
t conforme à son génie ? — En faveur du maintien,
de
l’assouplissement ou de l’abandon de cette neutralité, tenez-vous cer
1685
— En faveur du maintien, de l’assouplissement ou
de
l’abandon de cette neutralité, tenez-vous certains arguments comme pa
1686
du maintien, de l’assouplissement ou de l’abandon
de
cette neutralité, tenez-vous certains arguments comme particulièremen
1687
est issu « des chroniques lues à Radio-Genève les
30
octobre et 6 novembre 1950, dans le cadre de l’émission ‟Destins du m
1688
chroniques lues à Radio-Genève les 30 octobre et
6
novembre 1950, dans le cadre de l’émission ‟Destins du monde : Demain
1689
lues à Radio-Genève les 30 octobre et 6 novembre
1950,
dans le cadre de l’émission ‟Destins du monde : Demain l’Europe !” ».
1690
les 30 octobre et 6 novembre 1950, dans le cadre
de
l’émission ‟Destins du monde : Demain l’Europe !” ».
1691
Réplique à M. Lasserre (mars-avril
1951
)m n Je regrette que M. Lasserre ait simplifié ma thèse jusqu’à la
1692
ormer, et qu’il ait apporté à sa réfutation moins
de
scrupule que d’humeur. J’avais pourtant pris soin de souligner la com
1693
ait apporté à sa réfutation moins de scrupule que
d’
humeur. J’avais pourtant pris soin de souligner la complexité du probl
1694
scrupule que d’humeur. J’avais pourtant pris soin
de
souligner la complexité du problème. Je parlais de « ce mélange d’int
1695
e souligner la complexité du problème. Je parlais
de
« ce mélange d’intérêt propre et d’intérêt européen » qui a toujours
1696
omplexité du problème. Je parlais de « ce mélange
d’
intérêt propre et d’intérêt européen » qui a toujours caractérisé notr
1697
e. Je parlais de « ce mélange d’intérêt propre et
d’
intérêt européen » qui a toujours caractérisé notre neutralité et qui
1698
ire ». J’ai naturellement insisté sur « l’intérêt
de
l’Europe entière » parce que c’était par ce biais-là que je pouvais a
1699
aborder le problème suisse, dans le cadre général
de
ma chronique intitulée « Demain l’Europe ». Je n’ai nullement nié ou
1700
Je n’ai nullement nié ou méconnu l’intérêt propre
de
la Suisse. Il serait toutefois bien léger de penser, ou de laisser cr
1701
opre de la Suisse. Il serait toutefois bien léger
de
penser, ou de laisser croire, que ce propre intérêt soit seul en caus
1702
sse. Il serait toutefois bien léger de penser, ou
de
laisser croire, que ce propre intérêt soit seul en cause dans le jeu
1703
t seul en cause dans le jeu des forces politiques
de
notre temps ! Où donc ai-je soutenu « sans réserve » que la Suisse de
1704
i dit seulement que si la Suisse un jour décidait
de
renoncer à sa neutralité, ce ne pourrait être qu’au profit de l’Europ
1705
à sa neutralité, ce ne pourrait être qu’au profit
de
l’Europe entière et de son union fédérale ; et j’ai ajouté : « Encore
1706
pourrait être qu’au profit de l’Europe entière et
de
son union fédérale ; et j’ai ajouté : « Encore faut-il que cette unio
1707
la Suisse, les circonstances ayant changé depuis
dix
ans. Demander qu’on discute un budget, ce n’est pas demander sa suppr
1708
un tabou.) Je m’étonne davantage qu’un professeur
d’
histoire puisse paraître assimiler la Russie de 1815 et l’URSS de Stal
1709
ur d’histoire puisse paraître assimiler la Russie
de
1815 et l’URSS de Staline, lorsqu’il s’agit de leurs relations avec l
1710
d’histoire puisse paraître assimiler la Russie de
1815
et l’URSS de Staline, lorsqu’il s’agit de leurs relations avec l’Euro
1711
ie de 1815 et l’URSS de Staline, lorsqu’il s’agit
de
leurs relations avec l’Europe ; qu’il tienne l’URSS — malgré elle ! —
1712
européenne ; qu’il fasse état, très sérieusement,
de
ce que l’OECE « reste ouverte » aux pays de l’Est ; et qu’enfin tous
1713
ment, de ce que l’OECE « reste ouverte » aux pays
de
l’Est ; et qu’enfin tous les chiffres et proportions qu’il cite vers
1714
es chiffres et proportions qu’il cite vers la fin
de
son article soient erronés, — ceci pour deux motifs, l’un d’interprét
1715
la fin de son article soient erronés, — ceci pour
deux
motifs, l’un d’interprétation, l’autre de fait. Tout d’abord, il est
1716
cle soient erronés, — ceci pour deux motifs, l’un
d’
interprétation, l’autre de fait. Tout d’abord, il est clair que je n’a
1717
pour deux motifs, l’un d’interprétation, l’autre
de
fait. Tout d’abord, il est clair que je n’ai pas pu « confondre systé
1718
econde. Ensuite : le Conseil de l’Europe comprend
quinze
États, et non dix comme le répète mon censeur, ce qui fausse ses calc
1719
Conseil de l’Europe comprend quinze États, et non
dix
comme le répète mon censeur, ce qui fausse ses calculs à la base. Fin
1720
uls à la base. Finalement, quelle est la position
de
M. Lasserre sur le fond du problème, tel qu’il est défini par les poi
1721
du problème, tel qu’il est défini par les points
IV
et V de votre questionnaire ?o On voit que mes thèses l’irritent. Et
1722
oblème, tel qu’il est défini par les points IV et
V
de votre questionnaire ?o On voit que mes thèses l’irritent. Et puis
1723
lème, tel qu’il est défini par les points IV et V
de
votre questionnaire ?o On voit que mes thèses l’irritent. Et puis apr
1724
que mes thèses l’irritent. Et puis après ? Tenter
de
me réfuter ne supprime pas le problème du rôle actuel et futur de la
1725
supprime pas le problème du rôle actuel et futur
de
la Suisse dans la construction de l’Europe. C’est sur ce point qu’il
1726
actuel et futur de la Suisse dans la construction
de
l’Europe. C’est sur ce point qu’il eût été intéressant d’entendre l’h
1727
ope. C’est sur ce point qu’il eût été intéressant
d’
entendre l’historien respecté de Lausanne. m. Rougemont Denis de, «
1728
t été intéressant d’entendre l’historien respecté
de
Lausanne. m. Rougemont Denis de, « Réplique à M. Lasserre », Les C
1729
orien respecté de Lausanne. m. Rougemont Denis
de
, « Réplique à M. Lasserre », Les Cahiers protestants, Lausanne, mars–
1730
», Les Cahiers protestants, Lausanne, mars–avril
1951,
p. 117-118. n. À propos de la réponse de David Lasserre publiée comm
1731
vril 1951, p. 117-118. n. À propos de la réponse
de
David Lasserre publiée comme réponse à l’enquête des Cahiers sur « La
1732
Pour une morale
de
la vocation (1968)p q On a parfois décrit la situation présente du
1733
Pour une morale de la vocation (
1968
)p q On a parfois décrit la situation présente du christianisme (pr
1734
hristianisme (protestant surtout) comme l’inverse
de
celle du xixe siècle. Alors, dit-on, c’était la théologie qui faisai
1735
stion, la morale était évidente. Le principe même
de
la dogmatique paraissait difficile à justifier, mais non pas les prin
1736
ésormais et au surplus indispensables au maintien
de
l’ordre social. Aujourd’hui, poursuit-on, la théologie a été solideme
1737
logie a été solidement reconstruite sur les bases
de
la dogmatique des Pères et des réformateurs ou de Thomas d’Aquin. Ses
1738
de la dogmatique des Pères et des réformateurs ou
de
Thomas d’Aquin. Ses problèmes centraux peuvent être tenus pour résolu
1739
it dire encore, et au nom de quoi. Le « moralisme
de
grand-papa » est encore plus mal vu chez les théologiens rigoureux qu
1740
ens rigoureux que chez les jeunes gens en colère.
De
cette morale que l’on disait chrétienne et qui se confondait, du moin
1741
ue reste-t-il après la triple attaque convergente
de
la sociologie (surtout marxiste), de la psychologie (surtout freudien
1742
convergente de la sociologie (surtout marxiste),
de
la psychologie (surtout freudienne) et de l’ethnologie comparée (de L
1743
xiste), de la psychologie (surtout freudienne) et
de
l’ethnologie comparée (de Lévy-Bruhl à Lévi-Strauss) ? Théoriquement
1744
(surtout freudienne) et de l’ethnologie comparée (
de
Lévy-Bruhl à Lévi-Strauss) ? Théoriquement et théologiquement, nous s
1745
mmes et à quels dogmes nous croyons. Mais au plan
de
la morale, nous vivons dans la plus incroyable confusion de systèmes
1746
le, nous vivons dans la plus incroyable confusion
de
systèmes hétéroclites, d’époques, de styles, de visées différentes ;
1747
us incroyable confusion de systèmes hétéroclites,
d’
époques, de styles, de visées différentes ; nous pataugeons dans l’imp
1748
le confusion de systèmes hétéroclites, d’époques,
de
styles, de visées différentes ; nous pataugeons dans l’impur, dans l’
1749
n de systèmes hétéroclites, d’époques, de styles,
de
visées différentes ; nous pataugeons dans l’impur, dans l’hybride, da
1750
des religions, des préjugés sociaux et nationaux,
de
l’obscurantisme et du rationalisme, du piétisme et de l’existentialis
1751
’obscurantisme et du rationalisme, du piétisme et
de
l’existentialisme, etc. Y a-t-il encore une morale chrétienne ? Osera
1752
de, morale problématique ; est-ce bien la réalité
de
notre temps ? Oui sans doute, si nous bornons l’enquête aux élites de
1753
sans doute, si nous bornons l’enquête aux élites
de
nos églises en Europe. Mais dans le reste du monde, déjà — et ce sera
1754
héma, comme un nouveau renversement, annonciateur
d’
une situation de nouveau comparable à celle du siècle passé, mais radi
1755
x États-Unis et en Grande-Bretagne la « théologie
de
la mort de Dieu » (ses échos remplissent depuis un an la presse intel
1756
s et en Grande-Bretagne la « théologie de la mort
de
Dieu » (ses échos remplissent depuis un an la presse intellectuelle a
1757
presse intellectuelle anglo-saxonne, en attendant
de
se répandre dans nos pays), cette théologie-là bouleverse le fondemen
1758
cette théologie-là bouleverse le fondement commun
de
toutes nos orthodoxies, qu’elles soient d’empreinte barthienne ou tho
1759
commun de toutes nos orthodoxies, qu’elles soient
d’
empreinte barthienne ou thomiste, et les notions mêmes d’orthodoxie et
1760
inte barthienne ou thomiste, et les notions mêmes
d’
orthodoxie et de révélation ; néanmoins, cette école (ou ce mouvement)
1761
ou thomiste, et les notions mêmes d’orthodoxie et
de
révélation ; néanmoins, cette école (ou ce mouvement) veut conserver
1762
onserver l’amour du Christ, c’est-à-dire la forme
d’
existence personnelle et sociale la plus conforme aux évangiles, l’ins
1763
conforme aux évangiles, l’inspiration évangélique
d’
une éthique. D’autre part, les prétentions de la science occidentale
1764
que d’une éthique. D’autre part, les prétentions
de
la science occidentale deviennent universelles, pour ne pas dire tota
1765
ue depuis peu — se mettent en devoir et en mesure
de
remplacer les préceptes et coutumes de la morale traditionnelle, dite
1766
en mesure de remplacer les préceptes et coutumes
de
la morale traditionnelle, dite « chrétienne », et sont déjà en bon tr
1767
e, dite « chrétienne », et sont déjà en bon train
d’
y parvenir dans plusieurs domaines importants. Au lieu de sermons cont
1768
impureté », on donne à nos adolescents des leçons
d’
initiation sexuelle ; au lieu de menaces d’aller en enfer et d’exorcis
1769
leçons d’initiation sexuelle ; au lieu de menaces
d’
aller en enfer et d’exorcismes, on prescrit une psychanalyse, certains
1770
sexuelle ; au lieu de menaces d’aller en enfer et
d’
exorcismes, on prescrit une psychanalyse, certains médicaments, ou div
1771
nalyse, certains médicaments, ou divers processus
d’
adaptation, d’ajustement social, voire politique, selon les pays. Rece
1772
ns médicaments, ou divers processus d’adaptation,
d’
ajustement social, voire politique, selon les pays. Recettes, régimes,
1773
, les feux rouges, le chef de l’État, les rythmes
de
la consommation ou de la productivité — c’est cela qui fonctionne auj
1774
chef de l’État, les rythmes de la consommation ou
de
la productivité — c’est cela qui fonctionne aujourd’hui, de mieux en
1775
uctivité — c’est cela qui fonctionne aujourd’hui,
de
mieux en mieux, qui persuade, qui agit, et qui contraint. En regard d
1776
i agit, et qui contraint. En regard de ce progrès
de
la Science sur tous les fronts, moralisme et immoralisme, vertus et v
1777
qui est sérieux, ce qui intéresse, c’est le mode
d’
emploi de notre univers actuel et le rendement des procédés et des con
1778
sérieux, ce qui intéresse, c’est le mode d’emploi
de
notre univers actuel et le rendement des procédés et des conduites, —
1779
t des procédés et des conduites, — qu’il s’agisse
de
s’assurer contre l’imprévu ou au contraire de mieux courir son risque
1780
u contraire de mieux courir son risque personnel,
de
guérir, ou d’améliorer son statut social, ses possibilités de travail
1781
mieux courir son risque personnel, de guérir, ou
d’
améliorer son statut social, ses possibilités de travail et de loisirs
1782
u d’améliorer son statut social, ses possibilités
de
travail et de loisirs, donc aussi sa culture et sa liberté. Nous tend
1783
son statut social, ses possibilités de travail et
de
loisirs, donc aussi sa culture et sa liberté. Nous tendons de la sort
1784
donc aussi sa culture et sa liberté. Nous tendons
de
la sorte, dans les pays techniquement avancés, vers une société qui s
1785
inée, normalisée et préconditionnée dès le secret
de
la cellule, dès le programme chromosomique, immunisée et psychanalysé
1786
évisé, testé et remis au point à l’aide de pièces
de
rechange, comme une voiture. Pour la première fois dans l’Histoire de
1787
ne voiture. Pour la première fois dans l’Histoire
de
nos civilisations, ce n’est pas l’anarchie croissante des mœurs que n
1788
traire l’universelle et rigoureuse réglementation
de
nos conduites par les ordinateurs électroniques. (On les verra peut-ê
1789
uite du bon vieux temps qu’auront été les siècles
de
luttes passionnantes entre le « péché » et la « grâce », c’est-à-dire
1790
t la « grâce », c’est-à-dire entre les tentations
de
la « chair » et les refus déchirants d’y céder — sujet privilégié et
1791
entations de la « chair » et les refus déchirants
d’
y céder — sujet privilégié et presque unique des romans de François Ma
1792
r — sujet privilégié et presque unique des romans
de
François Mauriac, par exemple.) Les conséquences de cette situation —
1793
François Mauriac, par exemple.) Les conséquences
de
cette situation — qu’il faut imaginer réalisées dans un avenir pas tr
1794
: à supposer que demain, ce soit un collège formé
de
généticiens, de psychologues, de démographes et d’économistes ou de p
1795
demain, ce soit un collège formé de généticiens,
de
psychologues, de démographes et d’économistes ou de politologues qui
1796
un collège formé de généticiens, de psychologues,
de
démographes et d’économistes ou de politologues qui décide de certain
1797
e généticiens, de psychologues, de démographes et
d’
économistes ou de politologues qui décide de certaines conduites sexue
1798
psychologues, de démographes et d’économistes ou
de
politologues qui décide de certaines conduites sexuelles (comme la co
1799
es et d’économistes ou de politologues qui décide
de
certaines conduites sexuelles (comme la contraception) dans une socié
1800
nnelle du prêtre ou du pasteur — alors les crises
de
conscience, les débats intérieurs ou conjugaux, les remords lancinant
1801
décisions farouches, tout ce pathos traditionnel
de
l’existence morale va s’évaporer ! Exécuter une prescription médicale
1802
cuter une prescription médicale, même s’il s’agit
d’
une intervention douloureuse comme peut l’être une extraction dentaire
1803
use comme peut l’être une extraction dentaire, ou
d’
une privation pénible comme de cesser de fumer, cela ne pose pas de pr
1804
action dentaire, ou d’une privation pénible comme
de
cesser de fumer, cela ne pose pas de problème, on le fait sans bargui
1805
taire, ou d’une privation pénible comme de cesser
de
fumer, cela ne pose pas de problème, on le fait sans barguigner, sans
1806
énible comme de cesser de fumer, cela ne pose pas
de
problème, on le fait sans barguigner, sans avoir à résoudre de confli
1807
on le fait sans barguigner, sans avoir à résoudre
de
conflits intérieurs dramatiques, on ne parle pas de « sacrifices » pl
1808
conflits intérieurs dramatiques, on ne parle pas
de
« sacrifices » plus ou moins « joyeusement consentis », de « tortures
1809
ifices » plus ou moins « joyeusement consentis »,
de
« tortures morales », de « tentation surmontée », etc. Sans délai, sa
1810
joyeusement consentis », de « tortures morales »,
de
« tentation surmontée », etc. Sans délai, sans débat, sans le moindre
1811
lieu de se débattre interminablement avec la voix
de
sa conscience, les conseils du prêtre, ou simplement l’opinion des pr
1812
malheur, voire une catastrophe, cette probabilité
d’
une sécularisation croissante des normes de nos conduites, sociales d’
1813
bilité d’une sécularisation croissante des normes
de
nos conduites, sociales d’abord, individuelles finalement. Pense-t-on
1814
on, peut-être, que la morale tomberait alors dans
de
très mauvaises mains, serait en quelque sorte livrée au « monde » ? C
1815
ité et dans la famille. Des spécialistes, revêtus
de
l’autorité incontestée de la Science, et sans doute de l’État, s’en v
1816
s spécialistes, revêtus de l’autorité incontestée
de
la Science, et sans doute de l’État, s’en voyant chargés à la satisfa
1817
autorité incontestée de la Science, et sans doute
de
l’État, s’en voyant chargés à la satisfaction des masses (pour ne pas
1818
e ne les partage nullement quant à l’appréciation
de
ces faits. La prise en charge progressive par la Science socialisée d
1819
e en charge progressive par la Science socialisée
de
l’ensemble des règles, prescriptions et conseils intéressant les cond
1820
umaines et naguère désignées par le terme général
de
morale, me paraît comporter à presque tous les égards, plus d’avantag
1821
paraît comporter à presque tous les égards, plus
d’
avantages que d’inconvénients, tant pour la Société que pour l’Église
1822
r à presque tous les égards, plus d’avantages que
d’
inconvénients, tant pour la Société que pour l’Église elle-même. Au li
1823
ivrer une longue bataille en retraite pour tenter
de
sauver ce qui pourrait l’être de ce qu’on appelait « morale chrétienn
1824
aite pour tenter de sauver ce qui pourrait l’être
de
ce qu’on appelait « morale chrétienne », au lieu de se cramponner à u
1825
ésuétude, les Églises ne feraient-elles pas mieux
d’
admettre que la compétence des savants et des praticiens en matière de
1826
ants et des praticiens en matière de psychologie,
d’
hygiène mentale, de démographie, de mécanismes sociaux ou économiques,
1827
ens en matière de psychologie, d’hygiène mentale,
de
démographie, de mécanismes sociaux ou économiques, de prévention de l
1828
e psychologie, d’hygiène mentale, de démographie,
de
mécanismes sociaux ou économiques, de prévention de la criminalité et
1829
émographie, de mécanismes sociaux ou économiques,
de
prévention de la criminalité et des maladies dites « sociales », etc.
1830
mécanismes sociaux ou économiques, de prévention
de
la criminalité et des maladies dites « sociales », etc. — que cette c
1831
e rôle que l’on sait dans la prédication, la cure
d’
âme et la littérature morale des pays protestants, depuis la fin du xv
1832
a, en Suisse romande, si j’en crois mes souvenirs
de
jeunesse. Si les Églises (et pas seulement celle de Rome, dans la lan
1833
jeunesse. Si les Églises (et pas seulement celle
de
Rome, dans la lancée de Vatican II) se décident à rendre à César, c’e
1834
s (et pas seulement celle de Rome, dans la lancée
de
Vatican II) se décident à rendre à César, c’est-à-dire au « siècle »,
1835
ndre à César, c’est-à-dire au « siècle », le soin
de
la réglementation et de la régulation de la conduite quotidienne des
1836
re au « siècle », le soin de la réglementation et
de
la régulation de la conduite quotidienne des membres d’une société, e
1837
le soin de la réglementation et de la régulation
de
la conduite quotidienne des membres d’une société, elles pourront se
1838
régulation de la conduite quotidienne des membres
d’
une société, elles pourront se consacrer d’autant mieux à leur mission
1839
embres d’une société, elles pourront se consacrer
d’
autant mieux à leur mission proprement spirituelle, qui est à mon sens
1840
sion proprement spirituelle, qui est à mon sens :
de
rappeler à l’homme son but final, sa destination ultime, sa vocation.
1841
ultime, sa vocation. Car les règles et les moyens
de
la vie sociale sont séculiers, par nature et destination, et dans ce
1842
n, et dans ce sens sont à César, mais la vocation
de
la personne est à Dieu, vient de Dieu et conduit à Lui, ce qu’aucune
1843
es. Je disais tout à l’heure que laisser le soin
de
la « morale » à César, c’est-à-dire aux sciences séculières plus ou m
1844
l est capital. Supposez, dans x années, une forme
d’
existence humaine suffisamment adaptée aux fonctions sociales (dans le
1845
s la société envisagée, serait alors mise en état
de
pilotage automatique, comme disent les aviateurs et les cybernéticien
1846
nsemble purement empirique et traditionnel, plein
de
contradictions intenables, que forment les préceptes du Décalogue et
1847
les préceptes du Décalogue et des sédimentations
millénaires
de nos coutumes serait avantageusement remplacé par un jeu complexe e
1848
es du Décalogue et des sédimentations millénaires
de
nos coutumes serait avantageusement remplacé par un jeu complexe et p
1849
ageusement remplacé par un jeu complexe et précis
d’
informations constamment vérifiées et mises à jour, toute question tro
1850
sa réponse quasi instantanée par la consultation
d’
un ordinateur, les recours ultimes pouvant être présentés à la « Machi
1851
ant être présentés à la « Machine » avec un grand
M
que nous supposerons directrice ou correctrice de tous les « cerveaux
1852
M que nous supposerons directrice ou correctrice
de
tous les « cerveaux automatiques » d’une nation, ou d’un continent, o
1853
correctrice de tous les « cerveaux automatiques »
d’
une nation, ou d’un continent, ou d’une culture. Une question et une s
1854
us les « cerveaux automatiques » d’une nation, ou
d’
un continent, ou d’une culture. Une question et une seule demeure alor
1855
utomatiques » d’une nation, ou d’un continent, ou
d’
une culture. Une question et une seule demeure alors sans réponse : la
1856
demeure alors sans réponse : la question du sens
de
ma vie sur cette terre et après ma mort ; la question de ma relation
1857
ie sur cette terre et après ma mort ; la question
de
ma relation à la transcendance. Elle demeure sans réponse, non point
1858
ponse, non point par accident, mais par nécessité
de
méthode. Car la grande Machine directrice la déclare sans objet, mal
1859
le et vide quant à l’information, non susceptible
d’
un traitement logique, et ne pouvant aboutir qu’à une série infinie de
1860
que, et ne pouvant aboutir qu’à une série infinie
de
zéros à la sortie des circuits. Dans cette société que je suppose en
1861
ans cette société que je suppose en parfait ordre
de
marche, il devient à peu près impossible, parce qu’impensable dans le
1862
s admis et inexprimable par les codes en vigueur,
de
justifier encore la singularité, la vocation d’une personne unique. S
1863
, de justifier encore la singularité, la vocation
d’
une personne unique. Si les ordinateurs disent les règles et les norme
1864
isantes, uniformes ou uniformisantes, réductrices
de
l’imprévu, du non conforme, de l’original et du « libre » (alors que
1865
antes, réductrices de l’imprévu, du non conforme,
de
l’original et du « libre » (alors que d’autre part ces notions d’orig
1866
du « libre » (alors que d’autre part ces notions
d’
originalité de vocation, etc., ont déjà été minées par la psychologie
1867
(alors que d’autre part ces notions d’originalité
de
vocation, etc., ont déjà été minées par la psychologie de l’inconscie
1868
ion, etc., ont déjà été minées par la psychologie
de
l’inconscient réduisant les « voix intérieures », naguère tenues pour
1869
es pour « divines », à des structures ou pulsions
de
l’instinct) — comment valoriser encore la personne ? Le vieux conflit
1870
ve ici radicalisé à la limite. Mais alors le rôle
de
l’Église apparaît subitement précisé à l’extrême par toute cette néga
1871
par toute cette négativité. Alors qu’aux origines
de
l’Europe et au Moyen Âge encore, l’Église formait les mœurs, édictait
1872
, l’Église formait les mœurs, édictait les canons
de
la morale, éduquait l’homme pour les y ajuster, tandis que les cherch
1873
spirituelles. Elle est là pour défendre le droit
de
la personne à différer, le droit à l’hérésie, si c’en est une de croi
1874
à différer, le droit à l’hérésie, si c’en est une
de
croire que le but de l’homme transcende tout conditionnement et tout
1875
à l’hérésie, si c’en est une de croire que le but
de
l’homme transcende tout conditionnement et tout asservissement automa
1876
devenir chrétien, devra-t-il s’exiler moralement
de
cette société trop bien ajustée, se désadapter exprès, ou saboter la
1877
Machine directrice, ou simplement faire la grève
de
la « créativité des loisirs » ? Ces gestes et attitudes romantiques s
1878
sitôt comment corriger le fonctionnement aberrant
de
cet individu. Je le vois plutôt, ce candidat chrétien, comme celui qu
1879
cieusement la Loi prescrite, ne pourra s’empêcher
de
se poser la Question, celle qui est réputée nulle et vide. Chrétien e
1880
en en cela qu’il cherchera ce sens dans les voies
de
l’amour, qui implique l’existence des autres, plutôt que dans l’avent
1881
t que dans l’aventure solitaire du mysticisme, ou
de
la connaissance au sens hindou. Amour et recherche du sens seront à l
1882
ens seront à la fois le contenu et les conditions
de
ce qu’il nommera sa « liberté ». Cela sera vu et ressenti comme un re
1883
iberté ». Cela sera vu et ressenti comme un refus
de
la « solution définitive et universelle » proposée par la Science et
1884
ar la Science et imposée par la Machine. Cet acte
d’
hérésie objective, de résistance, ne se manifestera pas nécessairement
1885
sée par la Machine. Cet acte d’hérésie objective,
de
résistance, ne se manifestera pas nécessairement sous une forme agres
1886
manent (et qui pourra rester souriant d’ailleurs)
d’
une non-satisfaction dernière, d’un non-contentement essentiel. Ce ne
1887
iant d’ailleurs) d’une non-satisfaction dernière,
d’
un non-contentement essentiel. Ce ne sera pas une attitude de révolté
1888
ntentement essentiel. Ce ne sera pas une attitude
de
révolté à gilet rouge, mais le droit qu’on demande et qu’on prend de
1889
rouge, mais le droit qu’on demande et qu’on prend
de
poser toujours et encore une question au-delà de toute réponse et de
1890
de poser toujours et encore une question au-delà
de
toute réponse et de toute permission d’interroger. Ce droit de demand
1891
t encore une question au-delà de toute réponse et
de
toute permission d’interroger. Ce droit de demander que ma vie ait un
1892
n au-delà de toute réponse et de toute permission
d’
interroger. Ce droit de demander que ma vie ait un sens, même si je ne
1893
nse et de toute permission d’interroger. Ce droit
de
demander que ma vie ait un sens, même si je ne trouve ou ne reçois ja
1894
un sens, même si je ne trouve ou ne reçois jamais
de
réponse certaine, cette demande, cette recherche en elle-même est mon
1895
en moralisé que nous préparent avec tant de zèle,
de
compétence, d’astuce technique les savants, les gouvernements et les
1896
nous préparent avec tant de zèle, de compétence,
d’
astuce technique les savants, les gouvernements et les nécessités touj
1897
vernements et les nécessités toujours croissantes
de
la production pour une humanité qui double tous les quarante ans. ⁂ A
1898
production pour une humanité qui double tous les
quarante
ans. ⁂ Anticipant assez largement sur la situation que je viens de ca
1899
e caractériser à grands traits, j’avais écrit dès
1945
— l’été d’Hiroshima — un manuscrit de quelque deux-cents pages intitu
1900
r à grands traits, j’avais écrit dès 1945 — l’été
d’
Hiroshima — un manuscrit de quelque deux-cents pages intitulé La Mora
1901
écrit dès 1945 — l’été d’Hiroshima — un manuscrit
de
quelque deux-cents pages intitulé La Morale du But , que je n’ai pas
1902
ncore publié, fort heureusement. En effet, depuis
vingt
ans, je n’ai cessé d’accumuler des notes (en vue d’ajouts indispensab
1903
sement. En effet, depuis vingt ans, je n’ai cessé
d’
accumuler des notes (en vue d’ajouts indispensables), des objections t
1904
ans, je n’ai cessé d’accumuler des notes (en vue
d’
ajouts indispensables), des objections très graves à mes propres thèse
1905
ons très graves à mes propres thèses, des raisons
de
désespérer de mon entreprise, et d’autres raisons (pour l’instant lég
1906
s à mes propres thèses, des raisons de désespérer
de
mon entreprise, et d’autres raisons (pour l’instant légèrement majori
1907
raisons (pour l’instant légèrement majoritaires)
de
penser au contraire qu’elle peut contribuer à débrouiller un peu nos
1908
t primitif, mon ouvrage s’ouvre par le bref récit
d’
une modeste expérience, pour moi très importante, que j’ai faite au se
1909
faite au service militaire. Je vais vous lire ces
deux
pages inédites, et que je ne compte pas modifier dans la version fina
1910
ersion finale du livre. Elles sont intitulées : «
De
la Visée » : J’ai appris le tir au fusil dans un pays qui, traditio
1911
tionnellement, fournissait au monde les champions
de
cet art ; et comme j’étais alors une jeune recrue animée d’un extrême
1912
; et comme j’étais alors une jeune recrue animée
d’
un extrême désir d’être promu au grade de lieutenant, et d’acquérir de
1913
alors une jeune recrue animée d’un extrême désir
d’
être promu au grade de lieutenant, et d’acquérir de la sorte au plus t
1914
e animée d’un extrême désir d’être promu au grade
de
lieutenant, et d’acquérir de la sorte au plus tôt le droit de faire t
1915
ême désir d’être promu au grade de lieutenant, et
d’
acquérir de la sorte au plus tôt le droit de faire taire les sergents
1916
’être promu au grade de lieutenant, et d’acquérir
de
la sorte au plus tôt le droit de faire taire les sergents harcelants,
1917
t, et d’acquérir de la sorte au plus tôt le droit
de
faire taire les sergents harcelants, je m’appliquais de toutes mes fo
1918
re taire les sergents harcelants, je m’appliquais
de
toutes mes forces à bien tirer. Mais je suivais les conseils d’ordonn
1919
forces à bien tirer. Mais je suivais les conseils
d’
ordonnance, et tirais aussi mal que possible. Car je me trouvais embar
1920
i mal que possible. Car je me trouvais embarrassé
de
tant de recettes et d’ordres assénés qu’il me semblait, d’un exercice
1921
je me trouvais embarrassé de tant de recettes et
d’
ordres assénés qu’il me semblait, d’un exercice à l’autre, n’avoir fai
1922
e recettes et d’ordres assénés qu’il me semblait,
d’
un exercice à l’autre, n’avoir fait de progrès que dans la découverte
1923
e semblait, d’un exercice à l’autre, n’avoir fait
de
progrès que dans la découverte d’une maladresse naguère insoupçonnée.
1924
e, n’avoir fait de progrès que dans la découverte
d’
une maladresse naguère insoupçonnée. Je faisais tout ce que l’on me pr
1925
is faire aux autres. Je prenais avec soin le cran
d’
arrêt, bloquais mon souffle, visais d’un œil, reposant l’arme de temps
1926
oin le cran d’arrêt, bloquais mon souffle, visais
d’
un œil, reposant l’arme de temps à autre pour respirer et calmer ma ne
1927
ais mon souffle, visais d’un œil, reposant l’arme
de
temps à autre pour respirer et calmer ma nervosité, et lorsque enfin
1928
égligeait les autres, et je me résolus à profiter
de
ce répit pour trouver par moi-même le secret de mes erreurs et le moy
1929
r de ce répit pour trouver par moi-même le secret
de
mes erreurs et le moyen de les corriger, sans plus tenir compte des p
1930
par moi-même le secret de mes erreurs et le moyen
de
les corriger, sans plus tenir compte des préceptes reçus. Je ne tarda
1931
quelques points, sauvant l’honneur sinon l’espoir
de
me réhabiliter aux yeux de mes supérieurs. L’un d’entre eux cependant
1932
ouceur froide, au moment même où je me félicitais
d’
avoir encore marqué un point, loin du noir, mais enfin dans la cible.
1933
« C’est très simple et toute la méthode tient en
trois
mots : pensez au noir. Ne pensez pas à votre main, ni à ce que fait l
1934
main, ni à ce que fait l’index qui a pris le cran
d’
arrêt. Laissez-vous simplement hypnotiser par ce petit disque noir à t
1935
noir à trois-cents mètres qui danse sur la ligne
de
mire. Quand vous serez assez concentré, sans que vous l’ayez voulu, l
1936
rêtait, dansait de nouveau, s’embuait. J’essayais
de
le rejoindre du regard, de l’aspirer, de le fasciner vers moi tandis
1937
s’embuait. J’essayais de le rejoindre du regard,
de
l’aspirer, de le fasciner vers moi tandis que je gonflais mes poumons
1938
essayais de le rejoindre du regard, de l’aspirer,
de
le fasciner vers moi tandis que je gonflais mes poumons. Soudain il m
1939
Et quand je levai les yeux, un petit disque blanc
d’
où pendait un mince fanion rouge surgit du bas de la cible, hésita une
1940
d’où pendait un mince fanion rouge surgit du bas
de
la cible, hésita une seconde, et marqua le centre du noir. Trois jour
1941
hésita une seconde, et marqua le centre du noir.
Trois
jours plus tard, au scandale du sergent, je gagnais le fameux galon,
1942
je gagnais le fameux galon, insigne des champions
de
l’école de tir, et l’arborais sur la manche droite de ma tunique. Qua
1943
le fameux galon, insigne des champions de l’école
de
tir, et l’arborais sur la manche droite de ma tunique. Quant aux cons
1944
’école de tir, et l’arborais sur la manche droite
de
ma tunique. Quant aux conséquences plus lointaines et aux implication
1945
implications, décisives à mon sens, du conseil en
trois
mots de ce jeune officier — « pensez au noir » —, elles ne devaient m
1946
s, décisives à mon sens, du conseil en trois mots
de
ce jeune officier — « pensez au noir » —, elles ne devaient m’apparaî
1947
ait, en un instant, posé et vérifié pour le reste
de
mes jours, sous une forme ultracondensée, la juste relation des moyen
1948
entrer saurait les illustrer dans maints domaines
de
ma conduite ou de ma réflexion. Je les consigne ici, fort brièvement,
1949
illustrer dans maints domaines de ma conduite ou
de
ma réflexion. Je les consigne ici, fort brièvement, réservant pour la
1950
fort brièvement, réservant pour la suite le soin
d’
en formuler les fondements théoriques et le mode d’emploi. 1. La consi
1951
’en formuler les fondements théoriques et le mode
d’
emploi. 1. La considération minutieuse des moyens, la stricte applicat
1952
er les fondements théoriques et le mode d’emploi.
1.
La considération minutieuse des moyens, la stricte application d’une
1953
ion minutieuse des moyens, la stricte application
d’
une méthode réglant l’ordre et l’usage de ces moyens, la maîtrise d’un
1954
lication d’une méthode réglant l’ordre et l’usage
de
ces moyens, la maîtrise d’une technique éprouvée, l’obéissance aux pr
1955
ant l’ordre et l’usage de ces moyens, la maîtrise
d’
une technique éprouvée, l’obéissance aux préceptes légaux et coutumier
1956
ention, la détournent du but, ou le font oublier.
2.
L’appel du but doit nous rejoindre et nous mouvoir. C’est du but que
1957
dération envoûtante du but dicte ainsi les moyens
de
l’atteindre et les oriente plus strictement qu’aucune méthode ou aucu
1958
ctement qu’aucune méthode ou aucun précepte reçu.
3.
Toute action efficace commence donc par la fin. Avant toute chose, il
1959
in. Avant toute chose, il faut considérer la fin.
4.
La fin seule justifie les moyens, dans la mesure où elle est juste, e
1960
ecte bouddhiste du zen fait grand usage du Tir et
de
la méditation sur cet art. Il s’agit du tir à l’arc. Le tireur zen do
1961
ifier au but (à la cible), à avoir ce but en soi,
de
telle sorte qu’il arrive un jour à mettre une flèche dans le noir les
1962
es yeux fermés, et une deuxième dans la tige même
de
la première. À ce moment, l’initiation a réussi). Partant de cette ex
1963
ère. À ce moment, l’initiation a réussi). Partant
de
cette expérience, et des maximes que j’en déduis, je propose dans la
1964
et l’évaluation des conduites humaines. Je pose
d’
un côté ce que j’appelle les Règles du Jeu, l’ensemble des moyens de v
1965
’appelle les Règles du Jeu, l’ensemble des moyens
de
vivre. Et je pose de l’autre côté la Vocation, le Sérieux final, le B
1966
u Jeu, l’ensemble des moyens de vivre. Et je pose
de
l’autre côté la Vocation, le Sérieux final, le But ultime de notre vi
1967
côté la Vocation, le Sérieux final, le But ultime
de
notre vie personnelle. Les Règles du Jeu comprennent, dans ma définit
1968
s méthodes et des rites, des codes et conventions
de
toute espèce qu’une société se donne pour guider les conduites de ses
1969
qu’une société se donne pour guider les conduites
de
ses membres. Cela va des règles du jeu d’échecs à la prohibition de l
1970
nduites de ses membres. Cela va des règles du jeu
d’
échecs à la prohibition de l’inceste chez les tribus sauvages, des rit
1971
la va des règles du jeu d’échecs à la prohibition
de
l’inceste chez les tribus sauvages, des rituels liturgiques aux lois
1972
distinguer d’une part ce qui relève expressément
de
l’artifice et de la convention donnée pour telle, et d’autre part ce
1973
part ce qui relève expressément de l’artifice et
de
la convention donnée pour telle, et d’autre part ce qui répond à des
1974
ologiques profondes, correspondant aux archétypes
de
l’inconscient collectif selon Jung, notamment, et c’est pourquoi il e
1975
notamment, et c’est pourquoi il est si difficile
de
les modifier ; en revanche, quantité de préceptes moraux que tel peup
1976
difficile de les modifier ; en revanche, quantité
de
préceptes moraux que tel peuple tient pour la traduction directe des
1977
la traduction directe des réalités fondamentales
de
la Nature ont pour origine des nécessités commerciales, par exemple,
1978
iales, économiques, climatériques ou religieuses,
de
peuples que la Nature a fait semblables physiquement. Je me borne à m
1979
quement. Je me borne à mentionner ici le principe
de
cette analyse, parce qu’il autorise quelques conclusions intéressante
1980
artir de Rousseau et du romantisme, on a dit trop
de
mal des conventions, en ce sens qu’on en a dit seulement du mal, oubl
1981
est-à-dire à toute vie humaine. Les règles du jeu
d’
échecs sont des conventions, c’est clair, mais elles font tout l’intér
1982
ions, c’est clair, mais elles font tout l’intérêt
de
cette activité. En effet, déplacer un bout de bois d’un carré blanc s
1983
rêt de cette activité. En effet, déplacer un bout
de
bois d’un carré blanc sur un carré noir est le type même du geste ins
1984
ette activité. En effet, déplacer un bout de bois
d’
un carré blanc sur un carré noir est le type même du geste insignifian
1985
avec passion pendant une heure, car il est chargé
de
sens par les règles du jeu. Quant aux feux verts et aux feux rouges,
1986
eux, c’est l’embouteillage. Ceux donc qui, depuis
deux
siècles, reprennent inlassablement l’attaque contre nos morales relig
1987
es ou profanes sous prétexte qu’elles ne sont que
de
« simples conventions », se trompent doublement : car premièrement, o
1988
nt, on peut démontrer que les règles et préceptes
de
toutes les morales humaines sont conventionnels, et non pas « naturel
1989
ans les relations entre les hommes, ou même entre
deux
êtres, si frustes qu’ils soient. Reconnaître que les normes et prescr
1990
on des normes et prescriptions morales aux règles
d’
un jeu ne signifie nullement qu’il faille les prendre à la légère, ni
1991
les prendre à la légère, ni qu’on montre beaucoup
d’
intelligence en trichant avec elles : aux échecs, par exemple, la moin
1992
u, puisque cet intérêt tient aux règles et à rien
d’
autre. S’il est admis que les normes de la morale sont des règles d’un
1993
et à rien d’autre. S’il est admis que les normes
de
la morale sont des règles d’un jeu, toute espèce de laxisme est exclu
1994
admis que les normes de la morale sont des règles
d’
un jeu, toute espèce de laxisme est exclu, toute faute doit être exact
1995
la morale sont des règles d’un jeu, toute espèce
de
laxisme est exclu, toute faute doit être exactement pénalisée, par un
1996
aute doit être exactement pénalisée, par un recul
de
pions, une perte de points, une pièce soufflée, un coup franc contre
1997
ement pénalisée, par un recul de pions, une perte
de
points, une pièce soufflée, un coup franc contre le camp fautif (qui
1998
c contre le camp fautif (qui sont diverses formes
d’
amende), voire par la disqualification (qui correspond au bannissement
1999
au bannissement, à la prison à vie ou à la peine
de
mort). Mais si la morale est considérée comme un système de normes co
2000
Mais si la morale est considérée comme un système
de
normes conventionnelles adoptées par une société, et que l’on convien
2001
tées par une société, et que l’on conviendra donc
d’
observer rigoureusement, comme on le fait des règles d’un jeu, il faut
2002
erver rigoureusement, comme on le fait des règles
d’
un jeu, il faut souligner aussitôt que ces conventions ne sauraient êt
2003
rbitraires. (Beaucoup de gens s’imaginent que les
deux
termes « convention » et « arbitraire » sont à peu près synonymes.) P
2004
les, ni évidemment néfastes soit pour l’intégrité
de
l’individu, soit pour la santé et l’équilibre d’une communauté. Or en
2005
de l’individu, soit pour la santé et l’équilibre
d’
une communauté. Or en fait notre société occidentale christianisée est
2006
iété occidentale christianisée est tout encombrée
de
règles contradictoires entre elles, ou impraticables, ou néfastes, et
2007
u impraticables, ou néfastes, et il est important
de
les soumettre à une critique systématique et scientifique. Ce qui ren
2008
a plupart des cas, c’est la confusion déplorable (
de
laquelle nos Églises sont largement responsables) qui fait que l’on a
2009
es âges et finalement considéré comme des vérités
de
foi, révélées et indiscutables, des coutumes qui nous venaient d’un p
2010
et indiscutables, des coutumes qui nous venaient
d’
un peu partout, aux hasards de l’histoire, et qui avaient été les conv
2011
s qui nous venaient d’un peu partout, aux hasards
de
l’histoire, et qui avaient été les conventions utiles d’autres sociét
2012
t la seule grande religion qui n’ait pas institué
de
morale codifiée, devait fournir un terrain de choix pour cette confus
2013
tué de morale codifiée, devait fournir un terrain
de
choix pour cette confusion : il ne disposait que de la loi mosaïque e
2014
choix pour cette confusion : il ne disposait que
de
la loi mosaïque et de son sommaire, le commandement sur l’amour de Di
2015
usion : il ne disposait que de la loi mosaïque et
de
son sommaire, le commandement sur l’amour de Dieu et du prochain comm
2016
e et de son sommaire, le commandement sur l’amour
de
Dieu et du prochain comme de soi-même. Or l’amour est une attitude fo
2017
andement sur l’amour de Dieu et du prochain comme
de
soi-même. Or l’amour est une attitude fondamentale, de valeur univers
2018
i-même. Or l’amour est une attitude fondamentale,
de
valeur universelle et instigatrice d’action, certes ; c’est l’inspira
2019
ndamentale, de valeur universelle et instigatrice
d’
action, certes ; c’est l’inspiration morale au degré suprême ; mais ce
2020
; mais ce n’est pas un code, une loi, un recueil
de
règles, et c’est même ce qui devrait permettre de se passer de code,
2021
de règles, et c’est même ce qui devrait permettre
de
se passer de code, de lois, de règles… « Ama et fac quod vis » est sa
2022
c’est même ce qui devrait permettre de se passer
de
code, de lois, de règles… « Ama et fac quod vis » est sans doute le s
2023
me ce qui devrait permettre de se passer de code,
de
lois, de règles… « Ama et fac quod vis » est sans doute le summum de
2024
devrait permettre de se passer de code, de lois,
de
règles… « Ama et fac quod vis » est sans doute le summum de la morale
2025
« Ama et fac quod vis » est sans doute le summum
de
la morale mais c’est aussi sa négation. Quant au Décalogue, c’est bie
2026
n code, mais rudimentaire et lacunaire, à l’usage
de
propriétaires du type patriarcal, et qui met notamment sur le même pl
2027
patriarcal, et qui met notamment sur le même plan
d’
objets (dont il faut préserver la possession) esclaves, femmes et béta
2028
et civique, ni une morale sexuelle, ni un système
de
valeurs, ni une méthode pour bien conduire la pensée et l’action dans
2029
bien conduire la pensée et l’action dans la cité.
De
là l’obligation de recourir à d’autres sources, — presque toutes vena
2030
nsée et l’action dans la cité. De là l’obligation
de
recourir à d’autres sources, — presque toutes venant d’autres religio
2031
rces, — presque toutes venant d’autres religions.
De
là aussi la confusion inévitable que j’ai dite, l’attribution à la «
2032
table que j’ai dite, l’attribution à la « volonté
de
Dieu » ou à la Nature des choses de tout ce que la société juge indis
2033
la « volonté de Dieu » ou à la Nature des choses
de
tout ce que la société juge indispensable à son bien : tantôt l’escla
2034
rgé bénissant des canons et priant pour le succès
de
telle équipe nationale de tueurs sur telle autre. Je ne rappelle pas
2035
t priant pour le succès de telle équipe nationale
de
tueurs sur telle autre. Je ne rappelle pas ces choses par masochisme
2036
le pas ces choses par masochisme ou par une sorte
de
démagogie, mais il faut bien le reconnaître : ces scandales trop conn
2037
que les Églises ont cru devoir édicter la morale
de
leur siècle, généralement au nom des intérêts (traduits en vertus) de
2038
ralement au nom des intérêts (traduits en vertus)
de
la société du siècle précédent, confondue par la masse des fidèles av
2039
c la tradition chrétienne. Je résume cette partie
de
mon argument : 1. j’estime qu’il y a tout avantage à considérer les p
2040
étienne. Je résume cette partie de mon argument :
1.
j’estime qu’il y a tout avantage à considérer les préceptes et codes
2041
tout avantage à considérer les préceptes et codes
de
la morale comme les règles du jeu d’une société ; 2. ceci implique —
2042
tes et codes de la morale comme les règles du jeu
d’
une société ; 2. ceci implique — et facilite d’ailleurs — une stricte
2043
la morale comme les règles du jeu d’une société ;
2.
ceci implique — et facilite d’ailleurs — une stricte obéissance à ces
2044
, comme il va de soi dans tous les jeux et sports
d’
équipe ; 3. ceci exclut, du même mouvement, la sacralisation de ces pr
2045
va de soi dans tous les jeux et sports d’équipe ;
3.
ceci exclut, du même mouvement, la sacralisation de ces préceptes et
2046
ceci exclut, du même mouvement, la sacralisation
de
ces préceptes et recettes, et la prétention tout à fait abusive à les
2047
ou la loi naturelle, à les assimiler aux « voies
de
la providence » ou à la « volonté de Dieu lui-même » ; 4. enfin, et j
2048
aux « voies de la providence » ou à la « volonté
de
Dieu lui-même » ; 4. enfin, et j’introduis ici une remarque nouvelle,
2049
ovidence » ou à la « volonté de Dieu lui-même » ;
4.
enfin, et j’introduis ici une remarque nouvelle, mais qui résulte log
2050
marque nouvelle, mais qui résulte logiquement des
trois
premiers points : l’observation des règles ou au contraire les infrac
2051
fractions commises par un joueur n’entraînent pas
de
jugement sur sa valeur en tant que personne. Il est entendu que si l’
2052
u mauvais : simplement on joue bien ou mal. Point
de
« péché » dans le monde des règles du jeu, mais seulement des erreurs
2053
, mais seulement des erreurs, maladresses, fautes
de
calcul, déficiences physiques ou psychiques, un style défectueux, ou
2054
n style défectueux, ou une mauvaise tenue (manque
de
fair play ou d’objectivité, coups bas, etc.). La notion de péché n’ap
2055
ux, ou une mauvaise tenue (manque de fair play ou
d’
objectivité, coups bas, etc.). La notion de péché n’apparaît qu’à part
2056
lay ou d’objectivité, coups bas, etc.). La notion
de
péché n’apparaît qu’à partir du moment où se trouve posée la question
2057
à partir du moment où se trouve posée la question
de
nos fins dernières. Elle est liée à la vocation. ⁂ On pourrait défini
2058
ée à la vocation. ⁂ On pourrait définir une sorte
de
vocation générale du genre humain, de vocation de tout homme en tant
2059
r une sorte de vocation générale du genre humain,
de
vocation de tout homme en tant qu’homme, et qui serait, selon l’Évang
2060
de vocation générale du genre humain, de vocation
de
tout homme en tant qu’homme, et qui serait, selon l’Évangile, l’appel
2061
serait, selon l’Évangile, l’appel et la puissance
de
l’amour. À travers l’action dans la communauté, c’est-à-dire à traver
2062
chain, l’amour au sens chrétien est l’orientation
de
tout être, et de tout mon être vers Dieu, source et sujet de tout amo
2063
sens chrétien est l’orientation de tout être, et
de
tout mon être vers Dieu, source et sujet de tout amour. Mais la vocat
2064
e, et de tout mon être vers Dieu, source et sujet
de
tout amour. Mais la vocation dont je voudrais vous parler, c’est la v
2065
particulière qui s’adresse à un individu et fait
de
lui une personne distincte et unique. Obéir à ma vocation, c’est suiv
2066
t suivre le chemin qui va me conduire à la source
de
l’appel que j’ai cru percevoir, que je cherche à entendre, à capter d
2067
. Mais ce chemin sans précédent, — puisqu’il part
de
moi seul pour me conduire là où convergent tous les chemins de l’espr
2068
our me conduire là où convergent tous les chemins
de
l’esprit, — oui, tous convergent et se rejoindront en Dieu, mais il y
2069
’y engage, répondant à l’appel sans penser à rien
d’
autre. Il n’est pas jalonné, comme les grandes voies publiques, de sig
2070
t pas jalonné, comme les grandes voies publiques,
de
signes bien lisibles pour n’importe qui, puisque personne encore n’a
2071
r moi seul ! Cette unicité et singularité absolue
de
mon sentier personnel, qui le rend à peine discernable pour ma foi se
2072
ma foi seule, va permettre à mes voisins soucieux
de
mon sort de mettre en doute ou de nier son existence — sauf s’ils ont
2073
, va permettre à mes voisins soucieux de mon sort
de
mettre en doute ou de nier son existence — sauf s’ils ont fait, eux a
2074
oisins soucieux de mon sort de mettre en doute ou
de
nier son existence — sauf s’ils ont fait, eux aussi, l’expérience de
2075
ce — sauf s’ils ont fait, eux aussi, l’expérience
de
cet appel invraisemblable — et ils vont me conseiller « pour mon bien
2076
le — et ils vont me conseiller « pour mon bien »,
de
m’en tenir aux chemins communs, bien fréquentés, bien surveillés par
2077
ien surveillés par la police, là où règne le Code
de
la route, qui est aussi fait pour moi, ajouteront-ils, sévères. Oui,
2078
ela. Seul pourrait me relier à mon but le sentier
de
ma vocation, qui est au sens littéral improbable. Les grandes voies p
2079
iques, bien que réglées par la Loi, ne me servent
de
rien pour « faire mon salut » comme disait la piété classique. Il me
2080
institué pour moi seul. Et dans tout cela je n’ai
d’
autre soutien que ma croyance par éclairs, ma « foi » dans l’existence
2081
croyance par éclairs, ma « foi » dans l’existence
de
ce But qu’on ne peut voir et que personne n’a jamais vu. N’ayant d’au
2082
e personne n’a jamais vu. N’ayant d’autres moyens
de
répondre à son appel, de le rejoindre, que ceux que me suggère, inexp
2083
N’ayant d’autres moyens de répondre à son appel,
de
le rejoindre, que ceux que me suggère, inexplicablement, ma foi en lu
2084
st donc le But qui me communique les seuls moyens
d’
aller vers lui, dans la seule mesure où j’y crois, et où j’arrive par
2085
ts à oublier tout ce qui me fait douter du But et
de
l’appel et du chemin, quand je m’abandonne à l’élan, à l’attrait advi
2086
a donnés. Je disais tout à l’heure que la notion
de
péché n’a pas sa place dans le monde des règles du jeu, mais prend so
2087
règles du jeu, mais prend son sens dans le monde
de
la vocation. Voici comment je crois qu’il faut l’entendre. Par rappor
2088
re. Par rapport à la vocation humaine et générale
de
l’amour (sommaire de toute la Loi), il est clair que le péché en géné
2089
vocation humaine et générale de l’amour (sommaire
de
toute la Loi), il est clair que le péché en général est de faillir à
2090
la Loi), il est clair que le péché en général est
de
faillir à l’amour, de le blesser, ou de le dénaturer — par exemple de
2091
que le péché en général est de faillir à l’amour,
de
le blesser, ou de le dénaturer — par exemple de le réduire à un pur s
2092
néral est de faillir à l’amour, de le blesser, ou
de
le dénaturer — par exemple de le réduire à un pur sentiment ou désir,
2093
, de le blesser, ou de le dénaturer — par exemple
de
le réduire à un pur sentiment ou désir, alors qu’il est action. Mais
2094
désir, alors qu’il est action. Mais dans le monde
de
la vocation, mon péché particulier, c’est ce qui m’empêche de répondr
2095
on, mon péché particulier, c’est ce qui m’empêche
de
répondre à l’appel que j’ai cru entendre, c’est le refus d’y croire s
2096
e à l’appel que j’ai cru entendre, c’est le refus
d’
y croire sans preuve dont je puisse faire état « objectivement ». Mon
2097
se faire état « objectivement ». Mon péché, c’est
de
me mettre par ma conduite, par ma pensée, ou par quelque attitude int
2098
, c’est ce qui obscurcit ma visée, me fait perdre
de
vue le but, m’en fait douter quand il est invisible, bref, me détourn
2099
douter quand il est invisible, bref, me détourne
d’
agir ma vocation. Et je découvre, à ce propos, que le mot désignant le
2100
le but » ; et en grec : « ce qui passe au-dessus
de
la ligne normale », ou : « ce qui tombe à côté ». Voilà qui correspon
2101
mbe à côté ». Voilà qui correspond, n’est-ce pas,
d’
une manière assez frappante, à mes images initiales du tireur au fusil
2102
si l’esprit des réponses que l’on pourrait tenter
d’
y faire. La dichotomie proposée entre les règles du jeu d’une part, et
2103
tique — il est évident qu’elle provoque une série
de
questions, de doutes et de reproches hélas bien faciles à prévoir. Le
2104
évident qu’elle provoque une série de questions,
de
doutes et de reproches hélas bien faciles à prévoir. Le psychologue m
2105
lle provoque une série de questions, de doutes et
de
reproches hélas bien faciles à prévoir. Le psychologue me dira (et il
2106
n’est pas tout simplement l’expression symbolique
d’
une pulsion de l’inconscient ? — Eh bien non, je n’en suis jamais sûr
2107
simplement l’expression symbolique d’une pulsion
de
l’inconscient ? — Eh bien non, je n’en suis jamais sûr ! La foi sans
2108
dis aussi) : Si vous abandonnez la responsabilité
d’
établir le code moral au « monde », c’est-à-dire aujourd’hui et en fai
2109
et en fait aux savants et à l’État, vous risquez
de
laisser s’établir une société totalitaire. Et vous privez le monde de
2110
té totalitaire. Et vous privez le monde des aides
de
la Révélation. — À quoi je réponds que le risque est très grand, je l
2111
ui croyaient dur comme fer que leur mission était
de
régler la conduite morale de nos peuples n’ont pas réussi à empêcher
2112
e leur mission était de régler la conduite morale
de
nos peuples n’ont pas réussi à empêcher ni même à retarder sérieuseme
2113
patauger dans des domaines aussi vitaux que ceux
de
la contraception ou de la guerre, je me demande de quoi elles privera
2114
ines aussi vitaux que ceux de la contraception ou
de
la guerre, je me demande de quoi elles priveraient le monde si elles
2115
e la contraception ou de la guerre, je me demande
de
quoi elles priveraient le monde si elles cessaient de lui prodiguer d
2116
uoi elles priveraient le monde si elles cessaient
de
lui prodiguer des conseils ou des ordres au moins aussi contradictoir
2117
ra (et je ne suis pas du tout sûr qu’il ait tort)
d’
ouvrir les portes toutes grandes au subjectivisme intégral, à l’illumi
2118
tous les malades dont la psychose prend la forme
d’
une mission qu’ils affirment reçue de Dieu. — À quoi je pense qu’on do
2119
end la forme d’une mission qu’ils affirment reçue
de
Dieu. — À quoi je pense qu’on doit répondre par une vigilance redoubl
2120
oublée dans l’examen des marques ou des « notes »
de
l’authenticité d’une vocation, selon l’expérience des Pères, des réfo
2121
en des marques ou des « notes » de l’authenticité
d’
une vocation, selon l’expérience des Pères, des réformateurs, et aussi
2122
réformateurs, et aussi des meilleurs psychologues
de
ce temps, qui peuvent au moins déceler les fausses vocations… Mais le
2123
ent, je ne les minimise pas : ce sont les risques
de
la Foi et de la confiance dans le Saint-Esprit. Je souligne seulement
2124
s minimise pas : ce sont les risques de la Foi et
de
la confiance dans le Saint-Esprit. Je souligne seulement que les risq
2125
souligne seulement que les risques inverses, nés
de
l’exigence exclusive de ce que l’on nomme « objectivité scientifique
2126
les risques inverses, nés de l’exigence exclusive
de
ce que l’on nomme « objectivité scientifique », et qui évacue de la r
2127
nomme « objectivité scientifique », et qui évacue
de
la réalité tout ce qui ne peut être enregistré par la mémoire d’une m
2128
out ce qui ne peut être enregistré par la mémoire
d’
une machine électronique, que cet objectivisme-là est au moins aussi o
2129
ntique ne s’est-elle pas toujours jouée entre les
deux
extrêmes du désert et du déluge, du doute aride et de l’émotivité pro
2130
xtrêmes du désert et du déluge, du doute aride et
de
l’émotivité prompte aux larmes, du positivisme et de l’illuminisme ?
2131
l’émotivité prompte aux larmes, du positivisme et
de
l’illuminisme ? Un troisième théologien, prenant acte de ce que je ne
2132
luminisme ? Un troisième théologien, prenant acte
de
ce que je ne crois pas du tout à une morale révélée, ni directement n
2133
e révélée, ni directement ni au travers des tours
de
passe-passe théologiques, regrettera peut-être au secret de son cœur,
2134
asse théologiques, regrettera peut-être au secret
de
son cœur, l’époque où l’on pouvait brûler des gens comme moi. Je lui
2135
selon vos meilleurs docteurs, le critère externe
de
la Révélation ; elle dit ceci : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu
2136
n ; elle dit ceci : « Cherchez d’abord le Royaume
de
Dieu, et le reste vous sera donné par-dessus. » Or chercher le Royaum
2137
ai moi. » Au sociologue, alors, qui me reprochera
de
verser dans un individualisme anarchisant, je répondrai qu’il a bien
2138
répondrai qu’il a bien mal compris la définition
de
la personne : l’homme chargé par la vocation même qui le distingue de
2139
omme chargé par la vocation même qui le distingue
de
la communauté, d’une action qui le relie à cette communauté et qui l’
2140
vocation même qui le distingue de la communauté,
d’
une action qui le relie à cette communauté et qui l’insère dans ses ré
2141
tes. Aux démocrates ombrageux qui m’accuseraient
de
proposer une éthique à l’usage exclusif d’une petite élite spirituell
2142
raient de proposer une éthique à l’usage exclusif
d’
une petite élite spirituelle, d’un groupe d’élus, je rappellerais les
2143
l’usage exclusif d’une petite élite spirituelle,
d’
un groupe d’élus, je rappellerais les paroles de Jésus sur le sel de l
2144
lusif d’une petite élite spirituelle, d’un groupe
d’
élus, je rappellerais les paroles de Jésus sur le sel de la Terre et s
2145
, d’un groupe d’élus, je rappellerais les paroles
de
Jésus sur le sel de la Terre et sa saveur. Mais j’ajouterais, paraphr
2146
, je rappellerais les paroles de Jésus sur le sel
de
la Terre et sa saveur. Mais j’ajouterais, paraphrasant Teilhard de Ch
2147
e Chardin : chaque homme n’est pas appelé à faire
de
grandes choses, c’est vrai, mais, par sa solidarité avec une grandeur
2148
nt déceler ma vocation, puisque selon vous le But
d’
où elle m’est adressée reste invisible, inouï, incalculable, et c’est
2149
nous meut à prier. Les « soupirs inexprimables »
de
la prière en nous répondent seuls à la réalité de l’indicible ; or to
2150
de la prière en nous répondent seuls à la réalité
de
l’indicible ; or toute vocation est d’abord indicible, parce qu’elle
2151
indicible, parce qu’elle n’a pas et ne peut avoir
de
précédent, parce qu’il n’y a pas deux hommes pareils, donc pas deux c
2152
ne peut avoir de précédent, parce qu’il n’y a pas
deux
hommes pareils, donc pas deux chemins pareils allant d’un homme à Die
2153
rce qu’il n’y a pas deux hommes pareils, donc pas
deux
chemins pareils allant d’un homme à Dieu. Mais je pressens que les ob
2154
mes pareils, donc pas deux chemins pareils allant
d’
un homme à Dieu. Mais je pressens que les objections les plus gênantes
2155
nt celles que je n’ai pas prévues… Je les attends
de
votre part et vous en dis d’avance ma gratitude. Ma recherche est enc
2156
vues… Je les attends de votre part et vous en dis
d’
avance ma gratitude. Ma recherche est encore bien loin des conclusions
2157
es et impératives. Quant aux laïques et au clergé
de
l’Église chrétienne, je pense que leur rôle spécifique et leur vocati
2158
isteront plutôt à poser des questions qu’à tenter
d’
imposer des réponses ; à poser avant tout, en temps et hors de temps,
2159
us faire entendre ce matin. p. Rougemont Denis
de
, « Pour une morale de la vocation », Les Cahiers protestants, Lausann
2160
atin. p. Rougemont Denis de, « Pour une morale
de
la vocation », Les Cahiers protestants, Lausanne, 1968, p. 5-29. q.
2161
la vocation », Les Cahiers protestants, Lausanne,
1968,
p. 5-29. q. Une note de la rédaction précise : « Ce texte est celui
2162
rotestants, Lausanne, 1968, p. 5-29. q. Une note
de
la rédaction précise : « Ce texte est celui d’une conférence, prononc
2163
te de la rédaction précise : « Ce texte est celui
d’
une conférence, prononcée à Neuchâtel en septembre 1966, devant la Soc
2164
ne conférence, prononcée à Neuchâtel en septembre
1966,
devant la Société pastorale suisse, qui nous a obligeamment autorisés