1 1938, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). La vraie défense contre l’esprit totalitaire (juillet 1938)
1 vénements l’auront fait voir aux plus naïfs. Mais il n’est pas seulement une menace. Il est aussi, et c’est beaucoup plus
2 us naïfs. Mais il n’est pas seulement une menace. Il est aussi, et c’est beaucoup plus grave, une tentation. Il flatte au
3 ssi, et c’est beaucoup plus grave, une tentation. Il flatte au cœur de notre angoisse morale et matérielle le désir lâche
4 sponsables de la cité et de l’État. D’autre part, il nous tente par la promesse d’une communauté restaurée, d’un coude-à-c
5 r des champs de bataille hypothétiques — que nous devons organiser nos résistances. ⁂ Le totalitarisme a triomphé surtout pour
6 a triomphé surtout pour deux raisons, me semble-t- il  : D’abord il a utilisé le défaut de civisme qui résultait de la destr
7 rtout pour deux raisons, me semble-t-il : D’abord il a utilisé le défaut de civisme qui résultait de la destruction de tou
8 faut total d’éducation, comme en Russie). Ensuite il a donné une réponse à l’exigence religieuse des peuples, déçue par le
9 qu’une très petite minorité. Comment s’imposèrent- ils  ? Par la terreur. Ils arrivaient dans un village, par petits groupes
10 orité. Comment s’imposèrent-ils ? Par la terreur. Ils arrivaient dans un village, par petits groupes montés sur des camions
11 la, des centaines de fois. Comment ces crimes ont- ils pu se produire ? C’est que la police protégeait les fascistes contre
12 ne complicité quasi universelle que le fascisme a de s’emparer de l’État. Un peu de civisme l’eût arrêté. Sa force n’a
13 cistes eux-mêmes. Une seule fois, nous apprennent- ils , la police s’opposa aux bandes armées des chemises noires. Ce fut à S
14 avaient débarqué à la gare de cette petite ville. Ils s’y heurtèrent à 8 gendarmes et 3 soldats, qui pour une fois s’avisèr
15 fit à son sujet le chef fasciste de l’expédition. Il écrit en effet à la Centrale du Parti : « L’expédition de Sarzana n’e
16 xpédition de Sarzana n’est qu’un épisode normal : il devait survenir dès que le fascisme aurait trouvé des gens devant lui
17 dition de Sarzana n’est qu’un épisode normal : il devait survenir dès que le fascisme aurait trouvé des gens devant lui, dispo
18 ort que dans la mesure où le civisme est faible ; il est fort des lâchetés individuelles, répercutées dans le pouvoir étab
19 répercutées dans le pouvoir établi ; et demain, s’ il triomphe chez nous, sa puissance ne sera que la somme exacte de nos l
20 le. Les fascistes ont été arrêtés à Sarzana, mais ils l’ont emporté partout ailleurs, parce qu’ils représentaient une espér
21 mais ils l’ont emporté partout ailleurs, parce qu’ ils représentaient une espérance. Je rejoins ici ma seconde thèse : le to
22 onde thèse : le totalitarisme a triomphé parce qu’ il fut le premier à donner une réponse très grossière, mais enfin une ré
23 duisons maintenant nos principes de conduite : 1° Il nous faut restaurer l’esprit de résistance civique. Et cela suppose q
24 e nos raisons de vivre dans la communauté, et des devoirs qu’impliquent nos libertés actuelles. Je le répète : la puissance du
25 s individuelles, c’est-à-dire de nos égoïsmes. 2° Il nous faut refaire une commune mesure vivante. Si nous ne la faisons p
26 double titre : c’est ma patrie, et d’autre part, il se trouve que sa tradition politique est la plus proche du personnali
27 re. Cette solution est la plus naturelle parce qu’ elle n’est en somme qu’un réflexe. Elle ne suppose aucun effort de l’espri
28 relle parce qu’elle n’est en somme qu’un réflexe. Elle ne suppose aucun effort de l’esprit, aucune espèce d’imagination. Et
29 une espèce d’imagination. Et c’est aussi pourquoi elle est de beaucoup la plus fréquente et la plus populaire. J’ai à cœur c
30 onséquence qui en découle immédiatement, c’est qu’ il faut nous armer jusqu’aux dents. Mais sommes-nous sûrs que le réarmem
31 aux nations pacifiques ? Sommes-nous même sûrs qu’ il soit un avantage certain pour les nations qui glorifient la guerre ?
32 nous propose : faire vivre le peuple avec ce qui doit le faire mourir. C’est la politique de Gribouille : pour éviter la pl
33 au niveau du voisin, à perdre la mesure de ce qu’ il peut dépenser sans s’affaiblir. Les armements deviennent trop lourds
34 . Les armements deviennent trop lourds pour lui : ils le gêneront bientôt plus qu’ils ne le protégeront. Un officier frança
35 lourds pour lui : ils le gêneront bientôt plus qu’ ils ne le protégeront. Un officier français résumait l’autre jour ce proc
36 « Un 75 est plus puissant qu’un revolver, disait- il , c’est entendu. Mais donnez-moi un revolver, vous m’armez ! Donnez-mo
37 olue au mieux de nos possibilités de vie normale. Il s’agira maintenant d’utiliser les armes. Nul n’ignore que la guerre m
38 derne est devenue la guerre totale. C’est dire qu’ il n’y a plus de distinction entre civils et militaires, selon la doctri
39 our faire bloc contre le fascisme, sur le plan où il veut nous mettre, les démocraties seront contraintes d’adopter peu à
40 révolution religieuse que représente le fascisme, elles auront moins de dynamisme. Ainsi, sous prétexte de vivre, elles perdr
41 oins de dynamisme. Ainsi, sous prétexte de vivre, elles perdront leurs raisons de vivre. Voici donc le dilemme que nous pose
42 pas à faire bloc à la manière fasciste, et alors elle est battue dans la « guerre totale » ; ou bien la démocratie réussit
43 nous puissions commettre en tant que Suisses, car elle menace l’existence même de notre État. Réagir à la menace totalitaire
44 ication totalitaire d’un pays. Ou sinon, c’est qu’ elle est très mal préparée. Or ce processus est radicalement contraire à l
45 équivaut pratiquement à faire du nationalisme. Et il est aisé de voir que le nationalisme, en Suisse, signifierait bientôt
46 e ! Si ce pays a succombé, ce n’est point tant qu’ il ait cédé à la menace militaire, d’ailleurs réelle ; c’est surtout, c’
47 e ; c’est surtout, c’est essentiellement parce qu’ il doutait de sa valeur propre et autonome, parce qu’il doutait de sa vo
48 doutait de sa valeur propre et autonome, parce qu’ il doutait de sa vocation, de sa raison d’être comme État ; parce qu’il
49 cation, de sa raison d’être comme État ; parce qu’ il était miné par une intime tentation de suicide totalitaire. Leçon cap
50 lus à sa valeur spirituelle, ou ne prouve plus qu’ il y croit, puisqu’il se met à copier le voisin, un tel État ne peut pas
51 rituelle, ou ne prouve plus qu’il y croit, puisqu’ il se met à copier le voisin, un tel État ne peut pas compter sur l’aide
52 e où nous sommes pour l’Europe quelque chose dont elle a besoin ; cette chose unique, irremplaçable : un État qui n’est pas
53 tre force véritable. Si nous avons le droit et le devoir de rester neutres, ce n’est pas comme on le dit trop souvent en vertu
54 dire, vous êtes contre l’armée ? Je serais contre elle si je croyais que dès maintenant nous sommes assez forts moralement d
55 ous passer d’une armée. Ce n’est pas le cas. Mais il n’en reste pas moins que notre tâche est de tout mettre en œuvre pour
56 ’est d’entraîner les démocrates sur un terrain où ils se renient eux-mêmes. Il est donc vital pour nous de refuser ce défi,
57 rates sur un terrain où ils se renient eux-mêmes. Il est donc vital pour nous de refuser ce défi, de déjouer ce calcul, et
58 ns pas le jeu. Imitons les paysans du Morgarten : ils n’avaient pas d’armures ni de lances : ils trichèrent donc au jeu où
59 rten : ils n’avaient pas d’armures ni de lances : ils trichèrent donc au jeu où l’adversaire devait gagner, et se défendire
60 nces : ils trichèrent donc au jeu où l’adversaire devait gagner, et se défendirent avec leurs moyens propres : des quartiers d
61 roche. Je ne veux pas dire, évidemment, que nous devions nous défendre aujourd’hui encore avec des quartiers de roche ; je veu
62 manque d’opposition physique dans le jiu-jitsu : elle fait perdre son équilibre à l’assaillant. Elle lui fait perdre le sou
63  : elle fait perdre son équilibre à l’assaillant. Elle lui fait perdre le soutien que lui donnerait l’opposition violente à
64 ue lui donnerait l’opposition violente à laquelle il s’attend. Il se trouve comme précipité dans un nouveau monde de valeu
65 ait l’opposition violente à laquelle il s’attend. Il se trouve comme précipité dans un nouveau monde de valeurs, où il ne
66 me précipité dans un nouveau monde de valeurs, où il ne sait comment agir, et il y perd son assurance. Représentons-nous c
67 monde de valeurs, où il ne sait comment agir, et il y perd son assurance. Représentons-nous cela : deux hommes se battent
68 Représentons-nous cela : deux hommes se battent. Ils sont apparemment en divergence absolue ; en réalité, ils se battent s
69 t apparemment en divergence absolue ; en réalité, ils se battent sur la base d’un accord fondamental : la croyance à la val
70 cet accord fondamental et prouve par ses actes qu’ il abandonne la méthode de lutte ancestrale, il n’est pas étonnant que l
71 s qu’il abandonne la méthode de lutte ancestrale, il n’est pas étonnant que l’autre soit déconcerté, parce que ses instinc
72 nimaux ne lui dictent plus de conduite immédiate. Il vacille devant l’inconnu… Pour ma part, je ne suis pas adversaire de
73 nce en soi, mais bien de cette forme mécanique qu’ elle revêt dans la guerre moderne. Aussi bien, la page que je viens de cit
74 bien, la page que je viens de citer ne propose-t- elle pas la non-résistance, mais au contraire une forme de lutte nouvelle.
75 . C’est à cette sorte de jiu-jitsu moral que nous devrions nous exercer. Si l’on y déployait le quart de l’énergie et de l’espri
76 qu’on met ordinairement dans le métier des armes, il est certain qu’on obtiendrait des résultats considérables. Il faut ch
77 in qu’on obtiendrait des résultats considérables. Il faut chercher. Et je ne vous dis pas cela seulement comme personnalis
78 r le jeu de l’agresseur violent, c’est le premier devoir du chrétien. Déconcerter le mal en lui opposant le bien, c’est toute
79 abord. Aucune doctrine ne peut être chrétienne si elle ne se fonde pas sur la repentance, qui est une violence faite à notre
80 esure spirituelle. Nous avons tous trahi le grand devoir communautaire de l’Église, parce que nous avons transformé le christi
81 racistes ont fait ce que nous refusions de faire. Ils l’ont fait mal, et contre nous. Ils représentent notre châtiment, com
82 ons de faire. Ils l’ont fait mal, et contre nous. Ils représentent notre châtiment, comme l’a magnifiquement montré Nicolas
83 eté supposée d’un Hitler ou d’un Staline que nous devons attribuer tout le mal, mais aussi bien à la carence des chrétiens. Ce
84 aussi bien à la carence des chrétiens. Ceci dit, il nous faut agir. Or agir, ce n’est pas haïr. Je ne veux, sous aucun pr
85 ofonde d’un mouvement comme le nôtre — m’écrivait- il — est irrationnelle. Nous voulions croire à quelque chose. Nous vouli
86 a haine, mais au contraire la compassion, bien qu’ elle l’appelle à son insu. Il faut savoir la deviner sous les rodomontades
87 la compassion, bien qu’elle l’appelle à son insu. Il faut savoir la deviner sous les rodomontades officielles et sous les
88 étiens ne craignaient pas de passer pour athées : ils refusaient le culte de l’idole et s’en moquaient. Nous aussi nous dev
89 lte de l’idole et s’en moquaient. Nous aussi nous devons rire des idoles colossales qu’on nous vante. Quand je vois les trois
90 es trois infaillibles, je ne crois pas manquer au devoir de charité en jugeant parfaitement grotesque leur impossible prétenti
91 otesque leur impossible prétention. Au fanatisme, il convient d’opposer une certaine douceur amusée. Voltaire nous conte l
92 us une anecdote dont j’aime assez l’impertinence. Il imagine un certain oncle à lui, qu’il appelle l’abbé Bazin. « Cet abb
93 pertinence. Il imagine un certain oncle à lui, qu’ il appelle l’abbé Bazin. « Cet abbé mourut, nous dit-il, persuadé que to
94 appelle l’abbé Bazin. « Cet abbé mourut, nous dit- il , persuadé que tous les savants peuvent se tromper et reconnaissant qu
95 Mon oncle en fut affligé, et pour mourir en paix, il dit à l’archevêque d’Astracan : « Allez, ne vous attristez pas. Ne vo
96 les on veut réglementer le tout de l’homme, quand il s’agit en vérité des solutions et des doctrines d’un seul parti, d’un
97 où nous ordonnerons nos vies à cette vérité-là, à elle d’abord, que nous pourrons prétendre apporter une réponse qui satisfa
98 libres et responsables. Libres pour obéir à ce qu’ elles ont accepté pour vocation, et responsables de cette vocation devant l
99 otre chance devant l’Histoire ne l’est pas moins. Il dépend en partie de nous que nous trouvions la solution de l’éternel
100 lution de l’éternel problème individu-communauté. Il dépend en partie de nous de refaire une société vivable, une commune
101 e par le propre neveu du Duce : « Ces braves gens devront se convaincre, et nous les convaincrons bientôt, que la charge du pro
102 blème social est désormais sur nos épaules, et qu’ ils feront mieux d’avoir peur de nous que du communisme. » a. Rougemont
2 1939, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Nicolas de Flue et la Réforme (août 1939)
103 atholiques qui ont bien voulu me le faire sentir. Il m’a semblé que je devais aux uns et aux autres une brève explication,
104 en voulu me le faire sentir. Il m’a semblé que je devais aux uns et aux autres une brève explication, dont l’intérêt, je l’esp
105 e l’espère, débordera cette anecdote personnelle. Il m’est apparu, en effet, à mesure que j’avançais dans mon travail, que
106 é ? Et peut-on le comprendre, hors de son temps ? Il naquit à l’époque du concile de Constance, et mourut à la fin du xve
107 nter sur le bûcher au mépris de la parole donnée. Il semblait que la chrétienté se regroupait, non sans résignation, autou
108 mais avec une conscience bizarrement scrupuleuse. Il ne prend aucune nourriture le vendredi, et peu à peu s’exerce à jeûne
109 ur les ordres. Mais non, parvenu à l’âge d’homme, il s’engage dans les bandes armées qui guerroyaient alors contre les sei
110 expéditions auxquelles on lui fait prendre part, il se retire dans son canton natal pour y exercer les fonctions patriarc
111 apitaine, puis ce juge, puis ce père de famille — il aura dix enfants — n’est pas un type exceptionnel parmi les vieux con
112 quel des ouvrages pieux auraient tourné la tête. ( Il ne sait ni lire ni écrire.) Mais sous cet extérieur équilibré, et mal
113 t extérieur équilibré, et malgré l’apaisement que devraient lui donner les pratiques d’une extrême dévotion, ses proches ont bien
114 intime, longuement couvé et mûri. Sans doute a-t- il eu des visions, peut-être a-t-il manqué sa vocation de prêtre, — déçu
115 . Sans doute a-t-il eu des visions, peut-être a-t- il manqué sa vocation de prêtre, — déçu par les exemples qu’il avait sou
116 sa vocation de prêtre, — déçu par les exemples qu’ il avait sous les yeux. Peut-être aussi rêve-t-il comme tout son siècle,
117 qu’il avait sous les yeux. Peut-être aussi rêve-t- il comme tout son siècle, et sans le savoir, d’une piété plus intérieure
118 direct, plus confiant avec Dieu… À cinquante ans, il n’y résiste plus : sa vocation profonde triomphe de tous ses doutes,
119 fonde triomphe de tous ses doutes, et même de ses devoirs et attachements humains. Quelle vocation ? Celle des « frères mendian
120 es, au hasard, abandonnés au souffle de l’Esprit. Il fait part à sa femme de cette terrible décision, et elle l’accepte au
121 it part à sa femme de cette terrible décision, et elle l’accepte au terme d’une lutte héroïque avec elle-même. Alors commenc
122 À une heure de chez lui, dans la gorge du Ranft, il se construit une cellule, auprès d’une minuscule chapelle. Et le mira
123 fance, se réalise : Nicolas s’aperçoit soudain qu’ il peut se passer de manger ! Une fois par semaine il s’en va communier
124 l peut se passer de manger ! Une fois par semaine il s’en va communier dans un des villages voisins, et c’est là toute sa
125 isins, et c’est là toute sa nourriture. Car n’est- il pas écrit, comme il le répétera souvent : « L’homme ne vit pas de pai
126 oute sa nourriture. Car n’est-il pas écrit, comme il le répétera souvent : « L’homme ne vit pas de pain seulement, mais de
127 devant cet « homme de Dieu » fruste et biblique.) Il n’est pas jusqu’aux princes des contrées voisines qui ne délèguent au
128 u’on a coutume de s’adresser d’abord à lui lorsqu’ il faut négocier un traité. C’est ainsi que le solitaire conseille aux S
129 triche et la France complotent de les précipiter. Il voit trop bien à quels dangers leur victoire même les exposera : s’il
130 quels dangers leur victoire même les exposera : s’ ils font la guerre pour s’enrichir, et s’ils apprennent le prix de l’or,
131 sera : s’ils font la guerre pour s’enrichir, et s’ ils apprennent le prix de l’or, c’en sera fait de leur union patriarcale.
132 dant la nuit, le curé de Stans monte au Ranft, et il adjure le solitaire de tenter un dernier effort. On ne sait pas — on
133 nt « politique » dont l’ermite eût donné l’idée ? Il me paraît probable que l’autorité de Nicolas sur ses compatriotes suf
134 oncessions mutuelles parussent possibles. Quoi qu’ il en soit, la Diète proclama que si la paix avait été sauvée, et avec e
135 proclama que si la paix avait été sauvée, et avec elle le sort de la fédération, on le devait par-dessus tout à l’action de
136 vée, et avec elle le sort de la fédération, on le devait par-dessus tout à l’action de l’ermite du Ranft. (Remarquons à ce pro
137 onde sache de Nicolas, est en réalité la seule qu’ il n’ait pas faite : sa venue en personne à la Diète, et le discours qu’
138 nous limitons au savoir historique. J’entends qu’ il est très difficile, sur les documents qui nous restent, de nous faire
139 ienheureux. Toutefois, je ne puis me persuader qu’ il ait été décisif dans sa vie. Si l’on considère d’une part la sainteté
140 on considère d’une part la sainteté des œuvres qu’ il pratique et d’autre part les troubles de conscience qui ne cessent de
141 ther, et à ce drame de Wittemberg dont la Réforme devait sortir ? Rappelez-vous le moine augustin qui multipliait, lui aussi,
142 pratiques les plus scrupuleuses : comme Nicolas, il espérait, de toute son âme, s’acquérir la sainteté par les voies qu’o
143 it l’Église ; mais loin d’y trouver l’apaisement, il sentait croître en lui l’inquiétude du salut. J’ai été attaché avec
144 stifier… J’imposais à mon corps plus d’efforts qu’ il n’en pouvait fournir sans danger pour la santé… Tout ce que je faisai
145 n cœur tremblait et s’agitait en songeant comment il pourrait se rendre Dieu favorable. Sur quoi les critiques catholique
146 ans ses pratiques. Mais ce reproche n’atteindrait- il pas davantage un Nicolas de Flue, jeûnant plus que de raison dès son
147 ement, que je ne puis qu’esquisser, nous mettrait- il en mesure de deviner la raison spirituelle des inquiétudes que nourri
148 cinquantième année ? Toutes proportions gardées, il me paraît licite de voir dans le cas du paysan, illettré et simple fi
149 urs catholiques eux-mêmes indiquent en passant qu’ il se montrait des plus sévères pour les abus et les trahisons du clergé
150 on siècle. On cite les répliques assez dures dont il gratifia plus d’un évêque ou supérieur de couvent venu le voir par cu
151 astiques sont choses si courantes au Moyen Âge qu’ il serait imprudent d’y chercher un trait spécifique de la spiritualité
152 ctivité autant que de contemplation3, je pense qu’ il faut la rattacher surtout à une troisième tendance, la plus important
153 ent influencé par ces mêmes doctrines. Cependant, il serait très abusif de ramener à une forme larvée de protestantisme ce
154 e cet environnement spirituel, et des contacts qu’ il dut avoir avec certains Amis de Dieu. Lorsqu’il quitta sa femme et s
155 et environnement spirituel, et des contacts qu’il dut avoir avec certains Amis de Dieu. Lorsqu’il quitta sa femme et ses e
156 ’il dut avoir avec certains Amis de Dieu. Lorsqu’ il quitta sa femme et ses enfants, son idée n’était-elle pas de se rendr
157 quitta sa femme et ses enfants, son idée n’était- elle pas de se rendre en Alsace, pour y rejoindre des communautés d’Amis d
158 tinger lui avait parlé ? Et la première visite qu’ il reçut au Ranft ne fut-elle pas précisément celle d’un pèlerin « ami d
159 Et la première visite qu’il reçut au Ranft ne fut- elle pas précisément celle d’un pèlerin « ami de Dieu », peut-être délégué
160 à moi-même et donne-moi tout entier à toi seul ! Il n’est pas facile de caractériser en quelques mots cette « piété germa
161 té germanique », de forme proprement mystique. Qu’ il suffise d’indiquer qu’elle représentait, face à l’Église établie, une
162 proprement mystique. Qu’il suffise d’indiquer qu’ elle représentait, face à l’Église établie, une aspiration vers la vie rel
163 personnelle, par-dessous les pratiques ou malgré elles , une intériorisation de la foi, mais aussi une volonté de communion e
164 e préserva des excès de la secte — c’est ainsi qu’ il ne rompit jamais avec l’Église, tout en gardant ses distances — mais
165 out en gardant ses distances — mais d’autre part, il est indéniable que ses propos et son action relèvent directement de c
166 ans aucun doute à cette dernière qualité que nous devons de pouvoir redécouvrir aujourd’hui, malgré certain accaparement de Ni
167 de Flue par l’Église romaine, la signification qu’ il eut, en fait, pour les premières générations de la Réforme. Ce n’est
168 tait pas à ranger Nicolas du côté de la Réforme). Il n’est peut-être pas sans intérêt de donner ici un aperçu rapide de ce
169 ante de Nicolas, sur le ton le plus enthousiaste. Il est suivi en 1546 par Stumpff, protestant zurichois. En 1556, Matthia
170 Bon berger et les mauvais bergers. Puis en 1524, il rappelle les conseils politiques de l’ermite, ses mises en garde répé
171 ont les véritables disciples du solitaire, puisqu’ ils ont gardé la foi la plus ancienne, celle des Apôtres, et se sont refu
172 etite prière que je citais plus haut (Gebetlein), elle avait été connue et publiée d’abord par des protestants, en 1531 et 1
173 e satire catholique date de 1522. Chose curieuse, elle est extrêmement défavorable au Bienheureux. On y sent l’agacement de
174 er à Bâle, en 1550, le protestant Valentin Boltz. Elle était intitulée Der Weltspiegel (Le Miroir du Monde) et tout y gravit
175 écrite en latin et représentée par des étudiants. Elle n’est pas sans intérêt dramatique ni sans verve, mais on est frappé d
176 Flue à je ne sais quel « parti de la Réforme » ! Elles ne visent qu’à faire mieux connaître une grande figure que trop de pr
177 de figure que trop de protestants ignorent, et qu’ ils ignorent le plus souvent du simple fait que les catholiques l’exalten
178 s chrétiens ! Que de richesses les réformés n’ont- ils pas laissé perdre de la sorte, et n’ont-ils pas laissé dénaturer ! Mo
179 n’ont-ils pas laissé perdre de la sorte, et n’ont- ils pas laissé dénaturer ! Mon désir n’est nullement d’enlever le Frère C
180 lement d’enlever le Frère Claus aux catholiques — il ne peut leur faire que du bien — mais de le rendre aussi aux protesta
181 de où le sens fédéral paraît renaître parmi nous, il m’a semblé que la vie du Frère Claus prenait une valeur de symbole, e
182 ue notre État est d’abord une union, cependant qu’ il rappelle aux « centralistes » que le bien de tous suppose le bien de
183 de cette « défense spirituelle du pays » que nous devons approuver comme chrétiens, si nous ne voulons que d’autres s’en empar
3 1940, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). La bataille de la culture (janvier-février 1940)
184 nce en temps de guerre, ce fait est significatif. Il prouve que nous tenons la culture pour quelque chose d’un peu moins s
185 ce soir que cette crise n’est pas théorique ; qu’ elle a des conséquences pratiques ; qu’elle est l’une des origines de la p
186 rique ; qu’elle a des conséquences pratiques ; qu’ elle est l’une des origines de la présente guerre ; et que cette guerre n’
187 es ne sont nullement les actuels belligérants, et il n’est pas question, ici, de confondre l’un des partis avec la cause d
188 genre de simplifications brutales. Notre premier devoir est, aujourd’hui, de défendre l’intelligence contre un certain primit
189 onnifier les forces mauvaises qui les menacent. S’ ils sont malades, ils pensent que c’est la faute d’un objet maléfique, ou
190 s mauvaises qui les menacent. S’ils sont malades, ils pensent que c’est la faute d’un objet maléfique, ou d’un sorcier, ou
191 nos malheurs est presque toujours en nous-mêmes. Il faut reconnaître, hélas, que cette éducation n’a pas merveilleusement
192 es petits enfants qui battent la table à laquelle ils se sont heurtés. Il est facile et rassurant de noircir le voisin pour
193 battent la table à laquelle ils se sont heurtés. Il est facile et rassurant de noircir le voisin pour mieux se blanchir s
194 adies imaginables. Et cet ennemi qui nous menace, il ne serait nullement suffisant de l’anéantir pour nous en délivrer. Ca
195 néantir pour nous en délivrer. Car la tendance qu’ il personnifie à nos yeux, elle existe en nous aussi, et elle pourrait f
196 er. Car la tendance qu’il personnifie à nos yeux, elle existe en nous aussi, et elle pourrait fort bien s’y développer un jo
197 onnifie à nos yeux, elle existe en nous aussi, et elle pourrait fort bien s’y développer un jour. Pour la combattre sérieuse
198 érieusement, pour nous défendre, c’est en nous qu’ il s’agit de l’attaquer, et avant tout, de la reconnaître. Disharmoni
199 âce auquel l’industrie pourra faire un grand pas. Il fonde d’autre part, avec l’argent gagné, un prix considérable, destin
200 our détruire cette paix, précisément, que le prix devait couronner. Et le chimiste pacifique verra retomber sur sa tête, sous
201 ise tous les progrès de notre science contribuent- ils à ravager la civilisation qui les produit ? Vous vous êtes tous posé
202 Vous vous êtes tous posé cette question-là. Mais il ne suffit pas de se la poser et ensuite de se lamenter. Il faut voir
203 fit pas de se la poser et ensuite de se lamenter. Il faut voir ce que signifie une si cruelle disharmonie, quelles sont se
204 ruelle disharmonie, quelles sont ses causes, et s’ il existe des remèdes. Car il ne serait pas suffisant de n’accuser que l
205 sont ses causes, et s’il existe des remèdes. Car il ne serait pas suffisant de n’accuser que la méchanceté des hommes : c
206 re. Le but des inventions techniques est double : il est d’une part d’économiser du travail d’hommes par les machines, et
207 jour, devant moi, par un de ses collègues. Était- il vrai, lui demandait-on, que sa banque finançât la guerre des Japonais
208 finançât la guerre des Japonais contre Shanghai ? Il répondit que c’était vrai. — Mais alors, n’êtes-vous pas torturé par
209 e à prolonger un massacre ? — Nullement, répondit- il . Car tout ce que j’ai à voir, ce sont deux colonnes de chiffres, dont
210 atural. Toutefois, je le certifie exact. De plus, il illustre à merveille le vice fondamental de notre société et aussi de
211 qu’on ne la ressent même plus comme un scandale. Elle est devenue toute naturelle. Le banquier dont je viens de vous parler
212 , justifiable en elle-même, pour des raisons dont il ne remarquait pas qu’elles étaient sans commune mesure. Au moraliste
213 me, pour des raisons dont il ne remarquait pas qu’ elles étaient sans commune mesure. Au moraliste qui s’indignait, il aurait
214 ans commune mesure. Au moraliste qui s’indignait, il aurait simplement répondu que les affaires sont les affaires. On ne p
215 t pas additionner des chiffres et des sentiments. Il ne faut pas tout mélanger… Et en effet, nous mélangeons de moins en m
216 si quotidiens, qu’on finit par ne plus les voir. Il est admis, dans notre société, que les hommes de la pensée n’ont rien
217 enue pour nous quelque chose comme une friandise. Elle n’est plus un pain quotidien. Quand on dit de quelqu’un : c’est un in
218 entre la main et le cerveau ? Nous voyons bien où il nous a menés. Essayons de voir d’où il vient. Le phénomène le plus re
219 ns bien où il nous a menés. Essayons de voir d’où il vient. Le phénomène le plus remarquable des débuts du xixe siècle a
220 sés autour de petites entreprises. Les richesses, elles aussi, se sont tant agrandies qu’elles ont échappé aux regards : elle
221 richesses, elles aussi, se sont tant agrandies qu’ elles ont échappé aux regards : elles sont devenues chiffres abstraits, pui
222 tant agrandies qu’elles ont échappé aux regards : elles sont devenues chiffres abstraits, puissances lointaines, dont les éco
223 gurant de l’action ? Et que va faire la culture ? Il semble que la société devienne trop gigantesque pour être dominée d’u
224 re, nous nous disons : les intellectuels auraient faire à ce moment-là un formidable effort de mise en ordre : ils aura
225 moment-là un formidable effort de mise en ordre : ils auraient dû être saisis tout à la fois d’angoisse et d’enthousiasme d
226 formidable effort de mise en ordre : ils auraient être saisis tout à la fois d’angoisse et d’enthousiasme devant ce mon
227 n générale de l’homme et des buts de sa destinée, ils pouvaient créer une belle vie ! Mais si ces mêmes pouvoirs étaient ab
228 mêmes pouvoirs étaient abandonnés à l’anarchie, s’ ils se développaient chacun de son côté sans tenir compte d’aucune harmon
229 pte d’aucune harmonie ni d’aucune mesure humaine, ils ne pouvaient créer qu’une vie fausse, une vie mauvaise, antihumaine.
230 s de la pensée que d’avertir les hommes d’action. Ils avaient là une chance et un devoir vital. Or, ils ont perdu cette cha
231 hommes d’action. Ils avaient là une chance et un devoir vital. Or, ils ont perdu cette chance. Ils n’ont pas vu le danger, il
232 Ils avaient là une chance et un devoir vital. Or, ils ont perdu cette chance. Ils n’ont pas vu le danger, ils ont eu peur d
233 un devoir vital. Or, ils ont perdu cette chance. Ils n’ont pas vu le danger, ils ont eu peur de le prévoir. Et c’est ici q
234 t perdu cette chance. Ils n’ont pas vu le danger, ils ont eu peur de le prévoir. Et c’est ici que nous allons découvrir le
235 e ; c’est chez les philosophes et les penseurs qu’ il s’est d’abord manifesté. Et je le nommerai : l’esprit de démission, d
236 ble, n’ont répondu que par la fuite, et par ce qu’ ils appelaient le désintéressement de la pensée. Ils ont renoncé à leur m
237 ’ils appelaient le désintéressement de la pensée. Ils ont renoncé à leur mission de directeurs spirituels de la cité. Bien
238 on de directeurs spirituels de la cité. Bien sûr, ils n’ont pas dit : notre pensée, à partir d’aujourd’hui, renonce à agir,
239 sée, à partir d’aujourd’hui, renonce à agir, mais ils ont dit : la dignité de la pensée réside dans son détachement de tout
240 e action, dans son désintéressement scientifique. Ils n’ont pas dit : nous ne voulons plus rien faire d’utile, mais ils ont
241 t : nous ne voulons plus rien faire d’utile, mais ils ont dit : on ne peut plus rien faire, car l’histoire et l’économie so
242 développement formidable et angoissant des faits, ils ont opposé des milliers de pages de rhétorique sur le Progrès. Mervei
243 Merveilleuse doctrine que celle-là ! Car en somme elle justifie tout, endort l’esprit et le dispense de toute intervention a
244 croyance au Progrès est l’opium de la culture. S’ il fallait résumer rapidement les caractères généraux par lesquels se tr
245 iques et sérieuses aux penseurs du xixe siècle ! Il n’y eut que Kierkegaard et Nietzsche pour protester du fond de leur s
246 solitaires, personne ne sut ou n’osa voir à quoi devait conduire le Progrès, abandonné à son mouvement fatal. Le développemen
247 utomobiles, de téléphones et de frigidaires, mais il a aussi produit beaucoup de canons et de masques à gaz. Il a produit
248 i produit beaucoup de canons et de masques à gaz. Il a produit beaucoup de confort, mais il a également produit la lutte d
249 ues à gaz. Il a produit beaucoup de confort, mais il a également produit la lutte des classes et le chômage, et la grande
250 e la culture, mais une action qui ne sait plus où elle va ! Et la société à son tour ne tarde pas à se défaire. Dès que la p
251 mesure d’une civilisation : c’est le principe qui doit harmoniser toutes les activités d’une société donnée. Dans la cité gr
252 le monde, échappe aux prises de l’esprit humain, il ne reste qu’un seul principe pour mesurer la valeur de nos actes : c’
253 la valeur de nos actes : c’est l’Argent. Et quand il n’y a plus d’argent, c’est la misère. Et quand la misère est trop gra
254 base de toute la vie sociale du siècle. Que sont- ils devenus parmi nous ? Prenons trois mots parmi les plus fréquents dans
255 nse. Et quand ces trois pays se feront la guerre, ils la feront tous au nom de la liberté… Et l’ordre enfin signifiera tant
256 nifiera tantôt le statu quo social, si absurde qu’ il soit, tantôt l’établissement d’une hiérarchie nouvelle au prix d’une
257 t. Puis ce furent les écrivains. Mais que peuvent- ils dans notre monde démesuré ? Un Valéry, un Gide ou un Claudel ont quel
258 x incontrôlés. Et plus on y échange de mots, plus ils perdent leur force et leur sens, et leur délicatesse d’appel. Alors l
259 qui compte. Or quand la parole se détruit, quand elle n’est plus le don qu’un homme fait à un homme, et qui engage quelque
260 s d’un mot, dit Humpty Dumpty d’un ton méprisant, il signifie exactement ce que je veux qu’il signifie… ni plus ni moins.
261 prisant, il signifie exactement ce que je veux qu’ il signifie… ni plus ni moins. — La question est de savoir, dit Alice, s
262 nds mouvements collectivistes. Tout leur génie, s’ il faut leur en reconnaître, a consisté à deviner — avant les intellectu
263 appante et concrète. « Tout est en désordre ? ont- ils dit. C’est bien simple. Nous allons proclamer que l’intérêt de l’État
264 s de calcul. Surtout quand on est très pressé. Or il est certain que ces chefs étaient horriblement pressés, à cause de la
265 ent leurs peuples. Et voici la faute de calcul qu’ ils me paraissent avoir commise : ils ont voulu imposer à l’ensemble des
266 te de calcul qu’ils me paraissent avoir commise : ils ont voulu imposer à l’ensemble des principes qui étaient partiels. La
267 t humains. L’appel des peuples reste insatisfait. Il continue à nous poser la plus sérieuse question humaine. Et s’il n’es
268 ous poser la plus sérieuse question humaine. Et s’ il n’est pas encore aussi tragique dans des pays moins menacés par la mi
269 vers une communauté solide et pourtant libérale ? Il nous faut rapprendre à penser, à penser dans le train de l’action, ou
270 train de l’action, oui, à penser avec les mains. Il nous faut voir que tout dépend en premier lieu de notre état d’esprit
271 dépend en premier lieu de notre état d’esprit. S’ il change, tout commence à changer. S’il ne change pas, toutes les réfor
272 d’esprit. S’il change, tout commence à changer. S’ il ne change pas, toutes les réformes matérielles sont inutiles et tourn
273 s calculs, ou bien se sont trompés sur sa nature. Ils ont perdu de vue sa définition même. Leur point de départ est faux, e
274 mme. Dans ce monde qui a perdu la mesure, le seul devoir des intellectuels — et j’ajouterai : leur seul pouvoir — c’est donc d
275 d’un groupe humain, ni trop vaste ni trop étroit. Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; il n’est pas bon non plus que l
276 étroit. Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; il n’est pas bon non plus que l’homme soit foule. Le monde rationaliste
277 avaient surtout des droits légaux, et très peu de devoirs naturels. L’individu rationaliste, c’était un homme in abstracto, pri
278 sme qui les néglige est une doctrine antisociale. Elle a pour effet mécanique de dissocier toute communauté naturelle. Et al
279 se sent plus porté au sein d’un groupe. Déraciné, il flotte, il erre, il n’offre plus de résistance aux courants d’opinion
280 s porté au sein d’un groupe. Déraciné, il flotte, il erre, il n’offre plus de résistance aux courants d’opinion, aux modes
281 u sein d’un groupe. Déraciné, il flotte, il erre, il n’offre plus de résistance aux courants d’opinion, aux modes, à la pu
282 ements menacent aujourd’hui d’anéantir l’Europe ? Il s’agit de résoudre enfin l’éternel problème que nous posent les relat
283 es relations de l’individu et de la collectivité. Il s’agit de voir que l’homme concret n’est pas le Robinson d’une île dé
284 e déserte, ni l’anonyme numéro d’un rang, mais qu’ il est à la fois un être unique et un être qui a des semblables. Rester
285 velle. Voilà l’homme que j’appelle une personne : il est à la fois libre et engagé, et il est libéré par cela même qui l’e
286 e personne : il est à la fois libre et engagé, et il est libéré par cela même qui l’engage envers son prochain, je veux di
287 maladies de la personne. Quand l’homme oublie qu’ il est responsable de sa vocation envers ses prochains, il devient indiv
288 responsable de sa vocation envers ses prochains, il devient individualiste. Et quand il oublie qu’il est responsable de s
289 es prochains, il devient individualiste. Et quand il oublie qu’il est responsable de sa vocation envers lui-même, il devie
290 il devient individualiste. Et quand il oublie qu’ il est responsable de sa vocation envers lui-même, il devient collectivi
291 l est responsable de sa vocation envers lui-même, il devient collectiviste. L’homme complet et réel, c’est celui qui se sa
292 lie à ses prochains. C’est pour cet homme réel qu’ il faut tout rebâtir. Cependant, nous avons montré que c’est justement c
293 e se sente une vocation et décide de la réaliser. Il se trouve en présence d’un monde que l’histoire et la sociologie ont
294 sociologie ont encombré de lois fatales. Que peut- il seul, contre ces lois ? Il faut donc, s’il veut faire quelque chose,
295 lois fatales. Que peut-il seul, contre ces lois ? Il faut donc, s’il veut faire quelque chose, qu’il entre dans un grand p
296 e peut-il seul, contre ces lois ? Il faut donc, s’ il veut faire quelque chose, qu’il entre dans un grand parti, dans une g
297 ? Il faut donc, s’il veut faire quelque chose, qu’ il entre dans un grand parti, dans une grande organisation. Mais alors,
298 parti, dans une grande organisation. Mais alors, il subit une discipline qui ne s’accommode pas du tout de sa vocation pe
299 rien. Conception très lugubre, mais commode, car elle justifiait l’inaction ou la retraite dans les bibliothèques. Or cette
300 de science qui, les premiers, cessent d’y croire. Ils ont reconnu, depuis quelques années, que la notion de lois tout objec
301 l’homme, n’était qu’une illusion rationaliste. Qu’ il me suffise de rappeler ici les découvertes de la physique des quanta 
302 r ici les découvertes de la physique des quanta : elle a prouvé que l’observation microscopique modifie en réalité les phéno
303 e vient nous dire que même dans l’ordre matériel, il n’est plus permis de concevoir une observation impartiale, à combien
304 nt les lois rigides de notre société. En vérité, il n’est de lois fatales que là où l’esprit démissionne. Toute action cr
305 ue dans la mesure où l’homme n’est qu’un mouton ; elles sont fausses et inexistantes dès qu’un homme redevient conscient des
306 vient conscient des vrais besoins de sa personne. Il n’y a de loi, répétons-le, que là où l’homme renonce à se manifester
307 rticulière. Si j’insiste sur cet axiome, c’est qu’ il est particulièrement libérateur pour la pensée et la culture en génér
308 s économiques, ou historiques, ou biologiques. Or il est clair que ces lois ne sont vraies, ou plutôt ne deviennent vraies
309 on de l’esprit civique dans les trop grands pays. Elles ne traduisent en fait qu’un immense affaissement du sens personnel da
310 maintenant comme un programme de parti politique. Ils doivent mûrir, et lentement se dégager de l’ensemble de mille efforts
311 tenant comme un programme de parti politique. Ils doivent mûrir, et lentement se dégager de l’ensemble de mille efforts orienté
312 Mais dans l’époque moderne les Églises ont paru, elles aussi, se détourner de toute action régulatrice sur la cité. Elles on
313 étourner de toute action régulatrice sur la cité. Elles ont assisté sans mot dire à l’essor du capitalisme et aux transformat
314 du capitalisme et aux transformations sociales qu’ il provoquait. Comme la culture elles ont renoncé à diriger, à avertir,
315 tions sociales qu’il provoquait. Comme la culture elles ont renoncé à diriger, à avertir, à orienter. Et c’est là le secret d
316 e, a fasciné les masses ouvrières, c’est parce qu’ il s’est chargé de la mission sociale qu’avaient trahie toutes les Églis
317 n christianisme devenu passif devant le monde. Or il me semble que, là encore, un réveil soulève les Églises. Elles ont co
318 le que, là encore, un réveil soulève les Églises. Elles ont compris qu’il ne suffisait pas de dénoncer les doctrines païennes
319 réveil soulève les Églises. Elles ont compris qu’ il ne suffisait pas de dénoncer les doctrines païennes mais qu’il fallai
320 it pas de dénoncer les doctrines païennes mais qu’ il fallait répondre mieux que ces doctrines à la question posée par l’an
321 on. J’ai insisté sur le rôle des Églises parce qu’ elles sont le type même des groupes au sein desquels la culture d’Occident
322 ment, que je vois la commune mesure de la cité qu’ il nous faut rebâtir. Cité solide et pourtant libérale : c’est tout le p
323 ce, vertu qui naît en somme d’un scepticisme, car elle suppose que la pensée de l’autre, qu’on tolère, ne passera jamais dan
324 e suppose des groupes diversifiés, et par là même il offre tous les avantages de la tolérance libérale, mais non pas ses i
325 ses inconvénients : car chacun dans le groupe où il est né, ou dans le groupe qu’il a choisi, peut donner le meilleur de
326 dans le groupe où il est né, ou dans le groupe qu’ il a choisi, peut donner le meilleur de soi-même, aller au terme de sa p
327 u où cet avenir soit, d’ores et déjà, un présent. Il ne s’agit pas de grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de
328 it pas de grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’en fait, si nous sommes là, au service du pays, ce
329 s pays neutres. Et chez nous tout d’abord, puisqu’ il s’agit en somme d’utiliser notre expérience, et de tirer des leçons n
330 issons mieux que personne. Tout mon espoir est qu’ il se forme ici des équipes de fédérateurs, d’hommes qui comprennent enf
331 le seul espoir qui nous soit accordé. Encore faut- il que cet espoir soit soutenu par tout un peuple, et qu’il ne se laisse
332 cet espoir soit soutenu par tout un peuple, et qu’ il ne se laisse pas décourager par les sceptiques professionnels, par to
333 d’esprit qui se prétendent réalistes. Encore faut- il — et je termine là-dessus — qu’elle ne repose pas sur une erreur prof
334 es. Encore faut-il — et je termine là-dessus — qu’ elle ne repose pas sur une erreur profonde quant aux pouvoirs de l’homme e
335 atin vient, et la nuit aussi ! » La paix que nous devons invoquer ne peut pas être une simple absence de guerre. Spirituelleme
336 guerre où tout s’abaisse et s’obscurcit. Mais qu’ elle nous donne au moins la possibilité de rendre un sens aux conflits éte
337 re un sens aux conflits éternels, — un sens, et s’ il se peut, une fécondité… Pendant que les autres font la guerre, ils n’
338 fécondité… Pendant que les autres font la guerre, ils n’ont pas le temps de préparer un monde humain. Mais nous qui avons e
4 1940, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). L’heure sévère (juin 1940)
339 L’heure sévère (juin 1940)e f Il est des pessimistes par tempérament. Leurs propos ne renseignent pas
340 nt sur l’état de leurs nerfs. Sans intérêt. Ce qu’ il nous faut à l’heure que nous vivons, ce sont des pessimistes réfléchi
341 s d’eux-mêmes et objectifs. Je dirai plus : ce qu’ il nous faut, ce sont des pessimistes actifs. Des hommes qui pensent et
342 ant le précipice était prévu. Mais encore fallait- il y croire. Or le matérialisme modéré dans lequel nous étions installés
343 y a incrédulité. Si Dieu existait, pleurons-nous, il ne permettrait pas cela ! Nous oublions que « cela », c’est nous auss
344 heure sévère. Ouvrons les yeux et apprenons ce qu’ il en est de notre châtiment. ⁂ L’Europe est en train de payer le prix d
345 ndon à l’optimisme du Progrès. Pendant un siècle, elle fit la sourde oreille, avec un petit air entendu, quand certains lui
346 L’esprit prévoit le mal et tient compte du péché. Il sait que les inventions humaines peuvent être employées contre l’homm
347 le profit d’argent et l’augmentation du confort. Il refuse de se demander à quoi servira cet argent ou si le confort maté
348 n bien spirituel. À la première de ces questions, il n’oserait pas répondre en toute franchise ; et à la seconde, il press
349 as répondre en toute franchise ; et à la seconde, il pressent bien qu’on ne pourrait que répondre non. D’où sa myopie et s
350 . J’écris ceci pendant la bataille de France. Est- il trop tard pour répéter ces vérités élémentaires, que le sérieux des g
351 in d’adopter « une morale de commerçants », et qu’ il sera vaincu par des ascètes féroces. Vinet prévoit que les libertés s
352 at. Et contre tout l’« économisme » de son temps, il ose écrire : « Si quelque chose aujourd’hui menace la liberté, ce n’e
353 doutons pas, est du côté de la tyrannie. » Et qu’ il suffise enfin d’une allusion aux prophéties de Burckhardt sur les « t
354 ut ailleurs irréductiblement divers, je répète qu’ elle est écrasante. Elle supprime nos dernières excuses. Nous avons été av
355 iblement divers, je répète qu’elle est écrasante. Elle supprime nos dernières excuses. Nous avons été avertis. Nous avons re
356 ertis. Nous avons refusé d’écouter. Et maintenant il faut payer. Non point parce que l’injustice triomphe, non point parc
357 s, mais au contraire parce que Dieu existe, et qu’ il est juste dans son châtiment. Il faut payer. Nous adorions l’idole de
358 eu existe, et qu’il est juste dans son châtiment. Il faut payer. Nous adorions l’idole de la prospérité, et l’idole du con
359 es se révèlent parfaitement « possibles ». Dès qu’ il s’agit de sauver notre peau, dès qu’il s’agit de défense nationale, n
360  ». Dès qu’il s’agit de sauver notre peau, dès qu’ il s’agit de défense nationale, nous acceptons des mesures qui, hier enc
361 peuple. Tout ce que nous jugions impossible quand il s’agissait du vivre, nous le trouvons parfaitement possible quand il
362 vre, nous le trouvons parfaitement possible quand il s’agit du mieux mourir ou du mieux tuer. Eh bien si la peur et la gue
363 sure l’aune. Ces vérités élémentaires sont dures. Elles ne sont pas originales. Elles sont même grossières, et gênantes. Cert
364 ntaires sont dures. Elles ne sont pas originales. Elles sont même grossières, et gênantes. Certains diront encore qu’elles so
365 rossières, et gênantes. Certains diront encore qu’ elles sont inopportunes, à l’heure où nous cherchons des raisons d’espérer 
366 t le mal est venu de les avoir refusées, avant qu’ elles montrent leurs effets aux yeux de tous. « Mea culpa » des pacifistes
367 fistes, qui n’ont pas su imaginer le mal parce qu’ ils croyaient au bien fait de main d’homme. « Mea culpa » des militariste
368 son principe ; ou la conquête, mais qui tue ce qu’ elle conquiert. « Mea culpa » des gens de droite, qui croyaient pouvoir co
369 se — que celui de l’ennemi fasciste contre lequel ils excitaient les masses. « Mea culpa » des Suisses, qui voulaient profi
370 folie moderne, et qui se plaignent aujourd’hui de devoir payer leur part minime dans la banqueroute européenne. « Mea culpa »
371 uelque chose de précis, que je veux dire à temps. Ils sont encore à l’écart de la guerre, et peut-être y resteront-ils. Ils
372 à l’écart de la guerre, et peut-être y resteront- ils . Ils ont encore ce bref délai de grâce dont je parlais aux Hollandais
373 écart de la guerre, et peut-être y resteront-ils. Ils ont encore ce bref délai de grâce dont je parlais aux Hollandais, en
374 des spectateurs… Pourtant, si nous en triomphons, elle nous donnera la force de préparer l’avenir. Il est dur de reconnaître
375 elle nous donnera la force de préparer l’avenir. Il est dur de reconnaître ces fautes, parce que nous en sommes les compl
376 es les complices, et que nous aimons les fautifs. Il est dur de les avouer, parce que les fautes contraires des autres, en
377 ace, nous paraissent bien plus effrayantes, et qu’ ils triomphent tout de même, ou à cause de cela même. Il est dur de recon
378 triomphent tout de même, ou à cause de cela même. Il est dur de reconnaître que ce châtiment, qui nous atteint aussi, est
379 iment, qui nous atteint aussi, est mérité ; et qu’ il était logique, inévitable, et qu’il n’y a plus qu’à en tirer les conc
380 érité ; et qu’il était logique, inévitable, et qu’ il n’y a plus qu’à en tirer les conclusions5. Mais nous ne sommes pas ne
381 is pas ce que l’avenir vaudra, mais je sais que s’ il vaut quelque chose, ce sera grâce à l’action personnelle des hommes q
382 vaudra toujours, l’Écriture nous l’apprend lorsqu’ elle dit : « Le ciel et la terre passeront, mais ma Parole ne passera poin
383 : Nubicula est, transibit — c’est un petit nuage, il passera. Ce n’était pas de l’optimisme. Athanase prévoyait qu’avec le
384 ettait à Athanase de dire : c’est un petit nuage, il passera ? La grandeur de cette heure sévère, c’est que par la force d
385  : « L’amour parfait bannit la crainte. » Quoi qu’ il arrive. 4. Le budget annuel de la « défense spirituelle » de la Sui
5 1940, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). L’Église et la Suisse (août 1940)
386 s suggestions, critiques peut-être dures, mais qu’ il est temps de formuler pour préparer la voie d’un renouveau, ou les mo
387 on européenne, la Suisse est réduite à elle-même. Elle n’a plus d’autre garantie humaine que son armée, plus d’autre allié q
388 situation n’est pas nouvelle dans notre histoire. Elle fut celle de nos grandes victoires et de nos grands renouvellements.6
389 ions morales et matérielles sont ébranlées, comme elles le sont depuis quelques semaines, alors sonne une heure favorable pou
390 ormation communautaire. Car c’est bien de cela qu’ il s’agit : fonder à nouveau la cité, pour qu’elle résiste et qu’elle ra
391 qu’il s’agit : fonder à nouveau la cité, pour qu’ elle résiste et qu’elle rayonne encore, quoi qu’il arrive, oui même si le
392 der à nouveau la cité, pour qu’elle résiste et qu’ elle rayonne encore, quoi qu’il arrive, oui même si le pire arrive. Au cœu
393 u’elle résiste et qu’elle rayonne encore, quoi qu’ il arrive, oui même si le pire arrive. Au cœur physique de notre Confédé
394 otre mission politique et de notre sécurité. Et s’ il fallait qu’un jour la Suisse fût envahie, j’imagine qu’elle pourrait
395 it qu’un jour la Suisse fût envahie, j’imagine qu’ elle pourrait garder pendant des mois, peut-être des années, un grand espo
396 s, un grand espoir et une grande fierté, parce qu’ elle saurait que dans cette forteresse du Gothard, que n’atteignent ni cha
397 parole de nos Églises aux catacombes suffiraient- elles à ranimer notre espérance, notre amour et notre foi, comme le canon l
398 animerait nos courages ? Nos Églises trouveraient- elles le moyen de subsister et de s’organiser par l’initiative des laïques,
399 e s’organiser par l’initiative des laïques, comme elles l’ont fait dans un pays voisin ? Je n’oserais pas répondre ce matin.
400 qui était vraiment solide. L’Église de Suisse est- elle vraiment solide ? Saura-t-elle résister comme un roc ? comme une mont
401 lise de Suisse est-elle vraiment solide ? Saura-t- elle résister comme un roc ? comme une montagne vers laquelle nous pourron
402 e ! —, nous nous trouvions aussi bien préparés qu’ il est possible. Inspectons avec soin nos défenses, ayons le courage de
403 sommes encore faibles. C’est ici et c’est là, qu’ il faut porter l’effort. Aujourd’hui ou jamais, notre Église a besoin d’
404 isible, de nos diverses Églises suisses, c’est qu’ elles ont cessé d’être ou n’ont jamais été de véritables communautés. Voilà
405 ant donné les événements actuels et ceux que nous devons prévoir. Une Église devrait être le type même de la communauté vivant
406 tuels et ceux que nous devons prévoir. Une Église devrait être le type même de la communauté vivante. Posons tout de suite un r
407 e ne parle même pas du « partage » spirituel, qui devait être le pain quotidien de ces communautés souvent persécutées. Certes
408 n de ces communautés souvent persécutées. Certes, il ne faudrait pas s’imaginer que les premiers chrétiens étaient toujour
409 aient toujours des saints, et que les familles qu’ ils formaient ne connaissaient jamais de querelles de familles ! Les épît
410 es de Paul suffiraient à dissiper cette illusion. Il n’en reste pas moins que ces premières Églises ont surmonté toutes le
411 sses actuelles, nos paroisses de Suisse, seraient- elles capables de jouer pareil rôle, de nos jours ? Souvent, en sortant d’u
412 e dispersent, et je me pose cette question : sont- ils prêts à mettre en commun autre chose que la pièce de monnaie qu’ils v
413 en commun autre chose que la pièce de monnaie qu’ ils viennent de déposer dans le « sachet », avec l’air de ne pas y touche
414 « sachet », avec l’air de ne pas y toucher ? Sont- ils prêts à « partager » autre chose que des impressions générales sur le
415 les sur le temps et les tristes événements ? Sont- ils vraiment des frères — et des frères dans l’Église ? Oh ! je ne demand
416 ttéral de ce mot. Mais je me demande seulement si elles sont prêtes à envisager certains actes de solidarité pratique ; si el
417 isager certains actes de solidarité pratique ; si elles acceptent, au moins en théorie, de faire quelque chose dans ce sens,
418 fortement liés aux autres membres de l’Église qu’ ils ne sont liés à leur parti, ou à leur classe, ou à leurs intérêts prof
419 avant tout et pratiquement — songeant au jour où il faudra choisir entre l’Église et nos sécurités. Je vois bien que nos
420 glises constituent des unités administratives, qu’ elles réunissent régulièrement des auditoires assez nombreux, qu’il y a par
421 aie communauté. Des actes isolés, si beaux soient- ils , cela ne fait pas un esprit de corps, — et l’expression « esprit de c
422 t de corps, — et l’expression « esprit de corps » devrait pouvoir s’appliquer à l’Église plus qu’à nulle autre communauté au mo
423 lise est rassemblée par l’Esprit saint, et puisqu’ elle est le Corps même du Seigneur. Ceci dit, et notre faiblesse une fois
424 ses redeviennent des communautés véritables. Mais il est trois de ces conditions, entre vingt autres8, qui me paraissent à
425 ses retrouvent le sens et la vertu communautaire, il faut : 1° qu’elles reprennent conscience de la nature éternelle et du
426 e sens et la vertu communautaire, il faut : 1° qu’ elles reprennent conscience de la nature éternelle et du but transcendant d
427 rnelle et du but transcendant de l’Église ; 2° qu’ elles développent ou réveillent en elles le sens missionnaire, à l’intérieu
428 Église ; 2° qu’elles développent ou réveillent en elles le sens missionnaire, à l’intérieur du pays ; 3° qu’elles aient le co
429 sens missionnaire, à l’intérieur du pays ; 3° qu’ elles aient le courage d’être franchement des Églises visibles, organisées,
430 tant qu’État. D’abord ceci : notre Église suisse doit être, ou redevenir une Église de Dieu, et non pas la société des brav
431 as la société des braves gens. Par exemple, on ne doit plus discuter de son administration et de ses rapports avec l’État co
432 nistration et de ses rapports avec l’État comme s’ il s’agissait d’un parti ou d’une fondation de bienfaisance avec des tra
433 es d’abord, mais les affaires du Royaume de Dieu. Il me paraît profondément indécent que ces affaires soient débattues dan
434  : 1° Le service unique et suffisant que l’Église doit rendre à la Suisse, c’est de rester ou de devenir une vraie Église, u
435 ’ordre politique. 2° Le service que l’État suisse doit en retour, à l’Église, c’est de la laisser être une vraie Église de D
436 e de Dieu et non pas une Église de l’État suisse. Il est bien vrai que notre État fédéral ne saurait se fonder concrètemen
437 ce que je disais cet hiver à Tavannes : Nous ne devons pas être chrétiens parce que nous sommes Suisses, mais nous devons êt
438 hrétiens parce que nous sommes Suisses, mais nous devons être de bons Suisses parce que nous sommes chrétiens d’abord. Gardons
439 e vis-à-vis de l’Église depuis plus d’un siècle : elle ne s’y sent pas tout à fait chez elle ; elle n’y reconnaît pas son la
440 un siècle : elle ne s’y sent pas tout à fait chez elle  ; elle n’y reconnaît pas son langage. Il y a là certainement quelque
441 le : elle ne s’y sent pas tout à fait chez elle ; elle n’y reconnaît pas son langage. Il y a là certainement quelque chose d
442 quelque chose d’anormal. L’Église n’aurait jamais prendre le ton et l’accent d’un milieu social plutôt que d’un autre.
443 ’accent d’un milieu social plutôt que d’un autre. Elle devrait aujourd’hui abandonner résolument cette espèce d’éloquence co
444 nt d’un milieu social plutôt que d’un autre. Elle devrait aujourd’hui abandonner résolument cette espèce d’éloquence convention
445 ion fâcheuse de démodé, d’inactuel, d’irréaliste. Il n’y a vraiment aucune raison valable pour que notre prédication chrét
446 dans nos petites habitudes du dimanche matin, et il arrive que nous soyons choqués quand un pasteur ne garde pas le ton c
447 ecclésiastiques », mais à tous les hommes d’où qu’ ils viennent, qui ont faim et soif de vérité, sans le savoir le plus souv
448 t soif de vérité, sans le savoir le plus souvent. Il est grand temps que nous fassions en sorte que tous « ceux du dehors 
449 r le sentiment de s’être égarés dans un milieu où ils sont déplacés. Que nos Églises se préoccupent donc davantage d’être v
450 s des idées, des images plus ou moins originales. Elle demande des vérités sûres, les vérités de la Bible, qui sont toujours
451 s pas convaincants. » Parole profonde, parole qui devrait libérer plus d’un pasteur de ses soucis, et résoudre en partie le pro
452 en partie le problème du samedi soir… Encore faut- il que les paroissiens, à leur tour, acceptent que leur pasteur soit « s
453 d jamais, un pasteur ne sera trop simple ! Jamais il ne pourra se rapprocher assez de la simplicité des paroles de la Bibl
454 tre génération n’est pas si tourmentée de doutes. Elle n’a guère la manie de discuter. Elle attend des directions positives.
455 e de doutes. Elle n’a guère la manie de discuter. Elle attend des directions positives. Elle est prête à croire, et elle dem
456 e discuter. Elle attend des directions positives. Elle est prête à croire, et elle demande à la prédication de parler à sa f
457 directions positives. Elle est prête à croire, et elle demande à la prédication de parler à sa foi, non à son doute, avec la
458 le ou politique. Pour être missionnaire, l’Église doit d’abord être convaincue de la valeur et de la nouveauté perpétuelle d
459 cela étant acquis, pourquoi l’Église se priverait- elle de souligner l’actualité de son enseignement ? Pourquoi ne parlerait-
460 alité de son enseignement ? Pourquoi ne parlerait- elle pas de politique, si elle le fait sur la seule base de la Bible ? On
461 ? Pourquoi ne parlerait-elle pas de politique, si elle le fait sur la seule base de la Bible ? On ne lui demande pas une thé
462 urope d’aujourd’hui. Toutes ces choses peuvent et doivent être dites du haut de la chaire, à condition, je le répète et j’y ins
463 ire, à condition, je le répète et j’y insiste, qu’ il ne s’agisse jamais des idées personnelles du pasteur ou de quelque éc
464 personnelles du pasteur ou de quelque écrivain qu’ il cite, mais du seul et unique point de vue de la Bible. En résumé, la
465 X, pasteur ou même théologien célèbre, — mais qu’ elle parle uniquement et simplement le langage de la Bible, qui appartient
466 me de l’épiscopat, encore que je sois persuadé qu’ il se posera pour nous aussi un jour ou l’autre. Je ne parlerai pas non
467 disant liturgiques sont exactement le contraire : ils sont composés selon les goûts et les idées du pasteur ; ils ne se dér
468 omposés selon les goûts et les idées du pasteur ; ils ne se déroulent pas d’après un plan traditionnel et chargé de sens do
469 ux, de ce même défaut de sens liturgique : lorsqu’ il arrive qu’on lise, au début d’un de nos cultes, une prière liturgique
470 ou de communauté spirituelle. Une vraie liturgie doit être invariable ; de plus, elle doit être prévue par les auditeurs, e
471 ne vraie liturgie doit être invariable ; de plus, elle doit être prévue par les auditeurs, et pleinement significative en ch
472 aie liturgie doit être invariable ; de plus, elle doit être prévue par les auditeurs, et pleinement significative en chacune
473 einement significative en chacune de ses parties. Elle doit former un ensemble, un tout cohérent et indivisible. Prenons l’e
474 ent significative en chacune de ses parties. Elle doit former un ensemble, un tout cohérent et indivisible. Prenons l’exempl
475 quelles raisons je pense que nos Églises suisses devraient se préparer à l’adopter, telle qu’elle est. Il y a d’abord une raison
476 isses devraient se préparer à l’adopter, telle qu’ elle est. Il y a d’abord une raison générale. L’Église visible est aussi u
477 une société humaine. Comme toute société humaine, elle a besoin de signes extérieurs et de symboles collectifs qui manifeste
478 es savent que pour créer une communauté nouvelle, il faut créer des signes et des rites : voyez les régimes totalitaires,
479 tables liturgies païennes. Ces abus manifestes ne doivent pas nous faire négliger le bon usage, l’usage chrétien d’une liturgie
480 enne. La science consommée des chefs totalitaires doit nous rendre attentifs à certains de nos défauts, afin que nous puissi
481 jour, et qui seront alors une tentation, parce qu’ elles répondront tant bien que mal à un désir, à un besoin normal, trop lon
482 t plus spécifiquement chrétien. Je dirais même qu’ il est d’ordre sermonnaire. Je m’explique. Imaginez une personne qui n’a
483 imanche, au culte d’une de nos paroisses suisses. Elle sera d’abord, probablement, dépaysée, comme je vous le disais tout à
484 de l’auditoire. Mais cela n’est rien encore : si elle est de bonne volonté et avide de vérité, elle ne se laissera pas arrê
485 si elle est de bonne volonté et avide de vérité, elle ne se laissera pas arrêter par ces détails. Ce qui est plus grave, c’
486 ls. Ce qui est plus grave, c’est que le sermon, s’ il n’est pas exceptionnellement bon, risque bien de la laisser sur sa fa
487 bien de la laisser sur sa faim. En sortant de là, elle ne saura pas exactement ce que nous croyons, elle pourra s’imaginer l
488 elle ne saura pas exactement ce que nous croyons, elle pourra s’imaginer les choses les plus fausses. Ou bien encore, elle a
489 iner les choses les plus fausses. Ou bien encore, elle aura l’impression d’avoir surpris une réunion d’initiés, habitués à u
490 langage, dont personne ne lui aura donné la clef. Il en ira tout autrement, si le culte débute par la liturgie que je vien
491 appante les différents moments du drame du salut. Elle crée le cadre et l’atmosphère spirituelle, elle introduit le sermon d
492 . Elle crée le cadre et l’atmosphère spirituelle, elle introduit le sermon du pasteur, elle le situe dans l’ensemble de nos
493 spirituelle, elle introduit le sermon du pasteur, elle le situe dans l’ensemble de nos dogmes, et elle rappelle notre Credo.
494 , elle le situe dans l’ensemble de nos dogmes, et elle rappelle notre Credo. Bref, quand le sermon commence, tout le monde,
495 e monde, et même un étranger, peut savoir de quoi il s’agit. J’avoue que pour ma part, et je ne pense pas être le seul de
496 ut-être : le peuple suisse souffre d’un défaut qu’ il me faut bien nommer le sans-gêne spirituel. Je ne sais pas si cela pr
497 peu trop facilement du Bon Dieu, chez nous, et qu’ il subsiste dans nos Églises pas mal de traces d’un piétisme affadi. Je
498 mme »… Je reste persuadé, pour ma part, que nous devons plutôt parler d’homme à Dieu, et que nous ferions bien de nous pénétr
499 é de l’importance à ces choses-là, et je pense qu’ elles avaient de bonnes raisons de le faire. Elles savaient qu’une certaine
500 e qu’elles avaient de bonnes raisons de le faire. Elles savaient qu’une certaine participation personnelle, physique même, au
501 aire et bon d’avoir une liturgie, comment se fait- il que nos Églises suisses soient les seules sur le continent qui croien
502 e croissante.) Et pourtant, les Églises de Suisse devraient avoir à cœur ce rapprochement, plus qu’aucune autre Église au monde.
503 utre Église au monde. Nos traditions fédéralistes devraient nous préparer tout spécialement à cette mission de compréhension d’au
504 e ne puis traiter ici : restauration théologique ( elle est en plein essor) ; confession de foi (on en parle beaucoup) ; doct
6 1941, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Autocritique de la Suisse (février 1941)
505 ué à lui-même et au monde que la Suisse. C’est qu’ il en a besoin plus que nul autre. Sa devise est un paradoxe qu’il n’a p
506 plus que nul autre. Sa devise est un paradoxe qu’ il n’a pas toujours bien compris. Elle exclut en principe toute doctrine
507 un paradoxe qu’il n’a pas toujours bien compris. Elle exclut en principe toute doctrine unitaire et suppose donc la connais
508 e vivant entre les droits de chaque région et ses devoirs envers l’ensemble, il n’est pas absurde de nommer « fédéraliste » un
509 e chaque région et ses devoirs envers l’ensemble, il n’est pas absurde de nommer « fédéraliste » un parti qui n’a d’autre
510 tes, nomment « fédéral » ce qui procède de Berne. Il en résulte que leur fédéralisme se résume à combattre tout ce qui est
7 1950, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Europe unie et neutralité suisse (novembre-décembre 1950)
511 nt pas, et que les Russes n’y croient pas plus qu’ ils ne croient à nos libertés, et vraiment, ce n’est pas beaucoup dire. I
512 ibertés, et vraiment, ce n’est pas beaucoup dire. Il serait donc temps qu’en Suisse au moins, l’on essaie de comprendre un
513 proche d’égoïsme par des œuvres philanthropiques. Il faut bien le reconnaître, ce repliement intéressé, qui tient parfois
514 , sur notre peuple, de ce tour de force prolongé, ils sont hélas plus discutables. Et si vraiment notre neutralité n’était
515 ce que le Suisse moyen semble croire aujourd’hui, il ne faudrait pas s’étonner qu’elle impatiente de plus en plus le reste
516 oire aujourd’hui, il ne faudrait pas s’étonner qu’ elle impatiente de plus en plus le reste du monde. Comment les Suisses, si
517 ent ennemis de privilèges dans leur pays, peuvent- ils prétendre avoir en bloc ce privilège exorbitant ? Pour commencer de r
518 histoire de notre neutralité, car je soupçonne qu’ elle n’est pas bien connue de la plupart de nos contemporains. Aux origine
519 ntré que les cantons ne peuvent rester unis que s’ ils s’abstiennent de prendre part aux guerres entre rois catholiques et p
520 es entre rois catholiques et protestants — puisqu’ ils sont eux-mêmes divisés entre les deux confessions. Mais ce n’est qu’e
521 uissances et déclarée perpétuelle. En même temps, elle prend un aspect positif. On sait en effet que le traité de Vienne dit
522 t. Si la Suisse avait pris parti, à ce moment-là, elle se fût déchirée en deux : une partie tenant pour la France, l’autre p
523 tenant pour la France, l’autre pour l’Allemagne. Il était évident que notre neutralité dépendait donc, au début de ce siè
524 au profit des puissances fascistes, la Suisse ne dut son salut qu’à une chance extraordinaire, aidée par une armée solide
525 rain redoutable aux divisions blindées. Qu’en est- il aujourd’hui ? Tout est changé. Les conflits qui menacent d’éclater n’
526 opéens à d’autres Européens comme de 1939 à 1945. Il n’est donc plus question pour la Suisse d’essayer de maintenir sa pla
527 et réservée dans le jeu des puissances voisines. Il n’y a plus d’équilibre européen. Il y a l’Europe entière qui essaie d
528 s vrais intérêts de l’Europe entière ». Apporte-t- elle , ou non, une contribution effective à la défense commune de l’Europe 
529 me, les vrais intérêts de l’Europe entière ? Sont- ils les mêmes aujourd’hui qu’il y a cent-cinquante ans, ou même qu’il y a
530 ilibre entre les grandes puissances du continent. Il s’agit aujourd’hui d’autre chose. L’idée d’une guerre prochaine entre
531 tout simplement que l’Europe devienne entière, qu’ elle mette en commun toutes ses forces pour relever son économie, son nive
532 our hâter l’union, mais par intérêt bien compris. Il serait donc un peu excessif de citer nos adhésions tardives et rétice
533 de contributions à l’unité. Sur ce plan général, il semble difficile de soutenir que la neutralité représente un apport p
534 es ou incrédules chez certains de nos voisins. Qu’ ils comptent plutôt leurs divisions ! Nous en avons, je le crains, plus q
535 en avons, je le crains, plus qu’eux tous réunis. Il n’y a qu’un seul coin de l’Europe qui soit sérieusement défendu, et l
536 . Quand l’armée de l’Europe commencera d’exister, il sera temps d’aborder la question d’un plan de défense unifié. Vous le
537 posé, encore moins résolu, dans l’abstrait. Ce qu’ il faut savoir tout d’abord, c’est pour quelle raison grande et forte, c
538 forte, c’est en somme au profit de quoi la Suisse devrait éventuellement renoncer à sa neutralité. Je réponds pour ma part que
539 son union fédérale, et de cela seul. Encore faut- il que cette union prenne forme, et qu’en son nom des questions très pré
540 oit les États-Unis, soit le Conseil de l’Europe s’ il sort de son impasse, soit encore une menace de guerre contre le conti
541 out entier, nous poseront ces questions précises. Il faut que notre opinion soit prête à y répondre. Il ne faut pas que no
542 l faut que notre opinion soit prête à y répondre. Il ne faut pas que notre gouvernement se trouve placé devant des options
543 ment se trouve placé devant des options graves qu’ il lui sera difficile de trancher, ne sachant pas ce que pense le peuple
544 er, ne sachant pas ce que pense le peuple suisse. Il ne faut pas que l’histoire nous surprenne, endormis dans la fausse sé
545 urope — comme aujourd’hui sur le plan militaire — il faut la maintenir. Si au contraire elle devient un prétexte à freiner
546 militaire — il faut la maintenir. Si au contraire elle devient un prétexte à freiner l’union de l’Europe et à ne pas y prend
547 ion de l’Europe et à ne pas y prendre notre part, elle est contraire à l’esprit même de son statut, et elle peut donc demain
548 e est contraire à l’esprit même de son statut, et elle peut donc demain devenir une trahison. Car je le répète : notre neutr
549 urope entière », et non pas comme un privilège qu’ il n’y aurait plus à mériter. Elle est relative à l’Europe. Et ceux qui,
550 mme un privilège qu’il n’y aurait plus à mériter. Elle est relative à l’Europe. Et ceux qui, par erreur ou par malice, veule
551 emple — ceux-là sont infidèles à notre tradition. Ils violent notre statut légal, et l’esprit même de nos institutions. Je
552 r. Les efforts pour unir l’Europe se multiplient. Il semble que les obstacles qui s’opposent à une fédération européenne s
553 ont plus difficiles et plus nombreux. Les Suisses doivent d’abord connaître objectivement la question. Nous avons rédigé un que
554 les, les réponses reçues. Voici le questionnaire. Il est suivi d’une première réponse de M. Denis de Rougemont aux questio
555 V : […] — Quelle attitude, selon vous, la Suisse devrait -elle adopter en face de l’Europe unie ? À supposer qu’une fédération
556 — Quelle attitude, selon vous, la Suisse devrait- elle adopter en face de l’Europe unie ? À supposer qu’une fédération europ
557 ans quelle mesure la neutralité helvétique serait- elle un obstacle majeur à notre entrée dans ladite fédération ? Une concep
558 trop restrictive de cette neutralité n’empêche-t- elle pas notre pays d’assumer actuellement la tâche de conciliation qui se
8 1951, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Réplique à M. Lasserre (mars-avril 1951)
559 ait simplifié ma thèse jusqu’à la déformer, et qu’ il ait apporté à sa réfutation moins de scrupule que d’humeur. J’avais p
560 ent nié ou méconnu l’intérêt propre de la Suisse. Il serait toutefois bien léger de penser, ou de laisser croire, que ce p
561 donc ai-je soutenu « sans réserve » que la Suisse devrait subordonner sa politique à « l’intérêt des principaux États de l’Euro
562 n union fédérale ; et j’ai ajouté : « Encore faut- il que cette union prenne forme. » Telle est ma thèse principale. Au sur
563 er la Russie de 1815 et l’URSS de Staline, lorsqu’ il s’agit de leurs relations avec l’Europe ; qu’il tienne l’URSS — malgr
564 u’il s’agit de leurs relations avec l’Europe ; qu’ il tienne l’URSS — malgré elle ! — pour une puissance européenne ; qu’il
565 ions avec l’Europe ; qu’il tienne l’URSS — malgré elle  ! — pour une puissance européenne ; qu’il fasse état, très sérieuseme
566 algré elle ! — pour une puissance européenne ; qu’ il fasse état, très sérieusement, de ce que l’OECE « reste ouverte » aux
567 ; et qu’enfin tous les chiffres et proportions qu’ il cite vers la fin de son article soient erronés, — ceci pour deux moti
568 d’interprétation, l’autre de fait. Tout d’abord, il est clair que je n’ai pas pu « confondre systématiquement » le Consei
569 on de M. Lasserre sur le fond du problème, tel qu’ il est défini par les points IV et V de votre questionnaire ?o On voit q
570 a construction de l’Europe. C’est sur ce point qu’ il eût été intéressant d’entendre l’historien respecté de Lausanne. m.
9 1968, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Pour une morale de la vocation (1968)
571 ficile à justifier, mais non pas les principes du devoir moral, considérés comme révélés, invariables désormais et au surplus
572 finies. Mais la morale ! Ce serait peu de dire qu’ elle est en crise : on ne sait même plus très bien ce qu’elle est, ni où e
573 t en crise : on ne sait même plus très bien ce qu’ elle est, ni où elle est, ce qu’elle peut ou doit dire encore, et au nom d
574 ne sait même plus très bien ce qu’elle est, ni où elle est, ce qu’elle peut ou doit dire encore, et au nom de quoi. Le « mor
575 s très bien ce qu’elle est, ni où elle est, ce qu’ elle peut ou doit dire encore, et au nom de quoi. Le « moralisme de grand-
576 généralement bourgeoise-occidentale, que reste-t- il après la triple attaque convergente de la sociologie (surtout marxist
577 , du piétisme et de l’existentialisme, etc. Y a-t- il encore une morale chrétienne ? Osera-t-on encore la prêcher ? Théolog
578 le fondement commun de toutes nos orthodoxies, qu’ elles soient d’empreinte barthienne ou thomiste, et les notions mêmes d’ort
579 , et même linguistique depuis peu — se mettent en devoir et en mesure de remplacer les préceptes et coutumes de la morale trad
580 le rendement des procédés et des conduites, — qu’ il s’agisse de s’assurer contre l’imprévu ou au contraire de mieux couri
581 xemple.) Les conséquences de cette situation — qu’ il faut imaginer réalisées dans un avenir pas trop lointain (beaucoup so
582 euses et diverses pour que l’on puisse porter sur elles un jugement global. Je me borne à relever ceci : à supposer que demai
583 orer ! Exécuter une prescription médicale, même s’ il s’agit d’une intervention douloureuse comme peut l’être une extractio
584 beaucoup de ces observateurs, c’est l’idée que s’ il devait en aller ainsi demain, les Églises et leurs clergés n’auraient
585 aucoup de ces observateurs, c’est l’idée que s’il devait en aller ainsi demain, les Églises et leurs clergés n’auraient en som
586 stère tombé en désuétude, les Églises ne feraient- elles pas mieux d’admettre que la compétence des savants et des praticiens
587 a conduite quotidienne des membres d’une société, elles pourront se consacrer d’autant mieux à leur mission proprement spirit
588 e paraît avantageux à presque tous les égards. Je dois m’expliquer maintenant sur ce presque, car il est capital. Supposez,
589 e dois m’expliquer maintenant sur ce presque, car il est capital. Supposez, dans x années, une forme d’existence humaine s
590  ; la question de ma relation à la transcendance. Elle demeure sans réponse, non point par accident, mais par nécessité de m
591 ociété que je suppose en parfait ordre de marche, il devient à peu près impossible, parce qu’impensable dans les termes ad
592 hommes leur mode de vie, d’autres s’en chargent. Elle est là pour mettre en question cet ajustement trop parfait, pour l’ex
593 es fins dernières, métaphysiques et spirituelles. Elle est là pour défendre le droit de la personne à différer, le droit à l
594 automatique à des fins purement sociales, fussent- elles déterminées par la plus sûre des sciences. Quant à celui qui veut dev
595 ciences. Quant à celui qui veut devenir chrétien, devra-t -il s’exiler moralement de cette société trop bien ajustée, se désadap
596 Quant à celui qui veut devenir chrétien, devra-t- il s’exiler moralement de cette société trop bien ajustée, se désadapter
597 ui est réputée nulle et vide. Chrétien en cela qu’ il cherchera ce sens dans les voies de l’amour, qui implique l’existence
598 t à la fois le contenu et les conditions de ce qu’ il nommera sa « liberté ». Cela sera vu et ressenti comme un refus de la
599 essairement sous une forme agressive et violente. Il sera simplement le témoignage permanent (et qui pourra rester sourian
600 égèrement majoritaires) de penser au contraire qu’ elle peut contribuer à débrouiller un peu nos problèmes éthiques, en vue d
601 pte pas modifier dans la version finale du livre. Elles sont intitulées : « De la Visée » : J’ai appris le tir au fusil dan
602 rrassé de tant de recettes et d’ordres assénés qu’ il me semblait, d’un exercice à l’autre, n’avoir fait de progrès que dan
603 un tout jeune lieutenant. « Vous tirez mal », dit- il avec une douceur froide, au moment même où je me félicitais d’avoir e
604 ans la cible. « Voulez-vous apprendre à tirer ? » Il me regarda, et voyant dans mes yeux une bonne volonté en détresse :
605 s moi tandis que je gonflais mes poumons. Soudain il me parut plus large, plus proche, bien mat, et immobile… La détonatio
606 mots de ce jeune officier — « pensez au noir » —, elles ne devaient m’apparaître qu’après bien des années, à l’épreuve de bie
607 e jeune officier — « pensez au noir » —, elles ne devaient m’apparaître qu’après bien des années, à l’épreuve de bien d’autres a
608 t peuvent être nuisibles dans la mesure exacte où ils absorbent l’attention, la détournent du but, ou le font oublier. 2. L
609 ent du but, ou le font oublier. 2. L’appel du but doit nous rejoindre et nous mouvoir. C’est du but que d’abord la force vie
610 cace commence donc par la fin. Avant toute chose, il faut considérer la fin. 4. La fin seule justifie les moyens, dans la
611 fin seule justifie les moyens, dans la mesure où elle est juste, et où ils sont vraiment dictés par elle. (Le fait que l’on
612 s moyens, dans la mesure où elle est juste, et où ils sont vraiment dictés par elle. (Le fait que l’on invoque ce proverbe
613 lle est juste, et où ils sont vraiment dictés par elle . (Le fait que l’on invoque ce proverbe pour couvrir des tricheries év
614 and usage du Tir et de la méditation sur cet art. Il s’agit du tir à l’arc. Le tireur zen doit arriver à s’identifier au b
615 cet art. Il s’agit du tir à l’arc. Le tireur zen doit arriver à s’identifier au but (à la cible), à avoir ce but en soi, de
616 cible), à avoir ce but en soi, de telle sorte qu’ il arrive un jour à mettre une flèche dans le noir les yeux fermés, et u
617 ollectif selon Jung, notamment, et c’est pourquoi il est si difficile de les modifier ; en revanche, quantité de préceptes
618 ionner ici le principe de cette analyse, parce qu’ il autorise quelques conclusions intéressantes pour notre sujet. À parti
619 sens qu’on en a dit seulement du mal, oubliant qu’ elles sont réellement indispensables à toute vie sociale, c’est-à-dire à to
620 d’échecs sont des conventions, c’est clair, mais elles font tout l’intérêt de cette activité. En effet, déplacer un bout de
621 se concentrer avec passion pendant une heure, car il est chargé de sens par les règles du jeu. Quant aux feux verts et aux
622 du jeu. Quant aux feux verts et aux feux rouges, ils sont conventionnels aussi, mais sans eux, c’est l’embouteillage. Ceux
623 morales religieuses ou profanes sous prétexte qu’ elles ne sont que de « simples conventions », se trompent doublement : car
624 sens physico-chimique du terme ; et deuxièmement, il n’y a rien de plus important que les conventions dans une culture, un
625 s hommes, ou même entre deux êtres, si frustes qu’ ils soient. Reconnaître que les normes et prescriptions morales sont des
626 ales sont des conventions ne signifie donc pas qu’ elles soient méprisables ou vaines, bien au contraire. De plus, l’assimilat
627 ales aux règles d’un jeu ne signifie nullement qu’ il faille les prendre à la légère, ni qu’on montre beaucoup d’intelligen
628 n montre beaucoup d’intelligence en trichant avec elles  : aux échecs, par exemple, la moindre tricherie détruit tout l’intérê
629 cet intérêt tient aux règles et à rien d’autre. S’ il est admis que les normes de la morale sont des règles d’un jeu, toute
630 u, toute espèce de laxisme est exclu, toute faute doit être exactement pénalisée, par un recul de pions, une perte de points
631 ureusement, comme on le fait des règles d’un jeu, il faut souligner aussitôt que ces conventions ne sauraient être arbitra
632 traire » sont à peu près synonymes.) Par exemple, elles ne doivent être ni contradictoires, ni manifestement impraticables, n
633 sont à peu près synonymes.) Par exemple, elles ne doivent être ni contradictoires, ni manifestement impraticables, ni évidemmen
634 st tout encombrée de règles contradictoires entre elles , ou impraticables, ou néfastes, et il est important de les soumettre
635 es entre elles, ou impraticables, ou néfastes, et il est important de les soumettre à une critique systématique et scienti
636 romain, la Sippe germanique, ou les interdits et devoirs sacrés d’autres religions, notamment celles du Proche-Orient antique
637 ligion qui n’ait pas institué de morale codifiée, devait fournir un terrain de choix pour cette confusion : il ne disposait qu
638 ournir un terrain de choix pour cette confusion : il ne disposait que de la loi mosaïque et de son sommaire, le commandeme
639 e loi, un recueil de règles, et c’est même ce qui devrait permettre de se passer de code, de lois, de règles… « Ama et fac quod
640 qui met notamment sur le même plan d’objets (dont il faut préserver la possession) esclaves, femmes et bétail : on ne pouv
641 ar masochisme ou par une sorte de démagogie, mais il faut bien le reconnaître : ces scandales trop connus tiennent au fait
642 p connus tiennent au fait que les Églises ont cru devoir édicter la morale de leur siècle, généralement au nom des intérêts (t
643 eurs — une stricte obéissance à ces règles, comme il va de soi dans tous les jeux et sports d’équipe ; 3. ceci exclut, du
644 s de jugement sur sa valeur en tant que personne. Il est entendu que si l’on fait une faute, si on touche la balle avec la
645 la balle avec la main au football par exemple, on doit être pénalisé ou même disqualifié, mais si l’on suit les règles norma
646 e trouve posée la question de nos fins dernières. Elle est liée à la vocation. ⁂ On pourrait définir une sorte de vocation g
647 cherche à entendre, à capter de nouveau, pour qu’ il me guide dans l’inconnu, comme ces avions qui dans la nuit suivent la
648 u sonore. Mais ce chemin sans précédent, — puisqu’ il part de moi seul pour me conduire là où convergent tous les chemins d
649 je le découvre ou si je l’invente en le suivant ? Il n’est créé que par l’appel, et n’existe que si je m’y engage, réponda
650 , répondant à l’appel sans penser à rien d’autre. Il n’est pas jalonné, comme les grandes voies publiques, de signes bien
651 puisque personne encore n’a pu le suivre, puisqu’ il n’existe qu’à partir de moi, et pour moi seul ! Cette unicité et sing
652 mettre en doute ou de nier son existence — sauf s’ ils ont fait, eux aussi, l’expérience de cet appel invraisemblable — et i
653 i, l’expérience de cet appel invraisemblable — et ils vont me conseiller « pour mon bien », de m’en tenir aux chemins commu
654 la route, qui est aussi fait pour moi, ajouteront- ils , sévères. Oui, bien sûr, mais ces voies publiques, faites pour tout l
655 es pour tout le monde et personne en particulier, elles me mèneront sans doute aussi loin qu’on voudra et en toute sécurité,
656 c’est bien utile et agréable, — mais jamais où je dois aller, qui est absolument ailleurs. Elles ne sont pas faites pour cel
657 is où je dois aller, qui est absolument ailleurs. Elles ne sont pas faites pour cela. Seul pourrait me relier à mon but le se
658 aire mon salut » comme disait la piété classique. Il me faut me risquer dans un monde spirituel qui est peut-être une illu
659 tuel qui est peut-être une illusion, ou le néant. Il me faut affronter l’invraisemblable (dont parlait Kierkegaard), un ri
660 aard), un risque absolument sans précédent puisqu’ il est institué pour moi seul. Et dans tout cela je n’ai d’autre soutien
661 aut… Dans ces moments, le But a dicté ses moyens. Il ne les a pas seulement justifiés, il les a faits et me les a donnés.
662 ses moyens. Il ne les a pas seulement justifiés, il les a faits et me les a donnés. Je disais tout à l’heure que la notio
663 e monde de la vocation. Voici comment je crois qu’ il faut l’entendre. Par rapport à la vocation humaine et générale de l’a
664 t générale de l’amour (sommaire de toute la Loi), il est clair que le péché en général est de faillir à l’amour, de le ble
665 le réduire à un pur sentiment ou désir, alors qu’ il est action. Mais dans le monde de la vocation, mon péché particulier,
666 fait perdre de vue le but, m’en fait douter quand il est invisible, bref, me détourne d’agir ma vocation. Et je découvre,
667 op simplifié, beaucoup trop court pour tout ce qu’ il prétend remuer, sans avoir indiqué au moins les principales objection
668 ion fondamentale et radicale, pour paulinienne qu’ elle soit sans doute — au moins par sa structure dialectique — il est évid
669 s doute — au moins par sa structure dialectique — il est évident qu’elle provoque une série de questions, de doutes et de
670 par sa structure dialectique — il est évident qu’ elle provoque une série de questions, de doutes et de reproches hélas bien
671 ien faciles à prévoir. Le psychologue me dira (et il le dit en moi) : — Êtes-vous sûr que l’appel que vous croyez venu du
672 traception ou de la guerre, je me demande de quoi elles priveraient le monde si elles cessaient de lui prodiguer des conseils
673 me demande de quoi elles priveraient le monde si elles cessaient de lui prodiguer des conseils ou des ordres au moins aussi
674 n me reprochera (et je ne suis pas du tout sûr qu’ il ait tort) d’ouvrir les portes toutes grandes au subjectivisme intégra
675 dont la psychose prend la forme d’une mission qu’ ils affirment reçue de Dieu. — À quoi je pense qu’on doit répondre par un
676 affirment reçue de Dieu. — À quoi je pense qu’on doit répondre par une vigilance redoublée dans l’examen des marques ou des
677 liste. Toute vie spirituelle authentique ne s’est- elle pas toujours jouée entre les deux extrêmes du désert et du déluge, du
678 s docteurs, le critère externe de la Révélation ; elle dit ceci : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu, et le reste vous se
679 vangile ne dit pas : « Voici le code, obéissez. » Il dit : « Cherchez, et osez croire l’invraisemblable. Et c’est ainsi qu
680 ns un individualisme anarchisant, je répondrai qu’ il a bien mal compris la définition de la personne : l’homme chargé par
681 , à faire grandement la moindre des choses, ce qu’ il doit faire lui seul. (Et d’abord, à se faire lui-même, ajouterais-je.
682 faire grandement la moindre des choses, ce qu’il doit faire lui seul. (Et d’abord, à se faire lui-même, ajouterais-je.) Aux
683 celer ma vocation, puisque selon vous le But d’où elle m’est adressée reste invisible, inouï, incalculable, et c’est lui cep
684 , inouï, incalculable, et c’est lui cependant qui devrait nous guider… » — je voudrais dire ici que la prière est le seul moyen
685 or toute vocation est d’abord indicible, parce qu’ elle n’a pas et ne peut avoir de précédent, parce qu’il n’y a pas deux hom
686 e n’a pas et ne peut avoir de précédent, parce qu’ il n’y a pas deux hommes pareils, donc pas deux chemins pareils allant d