1
La
vraie défense contre l’esprit totalitaire (juillet 1938)a L’esprit
2
La vraie défense contre
l’
esprit totalitaire (juillet 1938)a L’esprit totalitaire est pour no
3
se contre l’esprit totalitaire (juillet 1938)a
L’
esprit totalitaire est pour nous une menace1. De récents événements l’
4
est pour nous une menace1. De récents événements
l’
auront fait voir aux plus naïfs. Mais il n’est pas seulement une menac
5
te au cœur de notre angoisse morale et matérielle
le
désir lâche d’un « ordre » imposé par la force, d’une « mise au pas »
6
térielle le désir lâche d’un « ordre » imposé par
la
force, d’une « mise au pas » brutale qui nous dispense de nous sentir
7
au pas » brutale qui nous dispense de nous sentir
les
responsables de la cité et de l’État. D’autre part, il nous tente par
8
nous dispense de nous sentir les responsables de
la
cité et de l’État. D’autre part, il nous tente par la promesse d’une
9
de nous sentir les responsables de la cité et de
l’
État. D’autre part, il nous tente par la promesse d’une communauté res
10
ité et de l’État. D’autre part, il nous tente par
la
promesse d’une communauté restaurée, d’un coude-à-coude physique, d’u
11
physique, d’une grande camaraderie. Et ce sont là
les
vraies raisons de sa puissance. C’est sur ce terrain-là — non sur des
12
es — que nous devons organiser nos résistances. ⁂
Le
totalitarisme a triomphé surtout pour deux raisons, me semble-t-il :
13
ux raisons, me semble-t-il : D’abord il a utilisé
le
défaut de civisme qui résultait de la destruction de toute commune me
14
l a utilisé le défaut de civisme qui résultait de
la
destruction de toute commune mesure dans la cité (ou d’un défaut tota
15
it de la destruction de toute commune mesure dans
la
cité (ou d’un défaut total d’éducation, comme en Russie). Ensuite il
16
omme en Russie). Ensuite il a donné une réponse à
l’
exigence religieuse des peuples, déçue par les Églises chrétiennes. Dé
17
se à l’exigence religieuse des peuples, déçue par
les
Églises chrétiennes. Défaut de civisme : j’en donnerai un seul exempl
18
ple mais significatif. En Italie, de 1920 à 1922,
le
parti socialiste était le plus important : 35 % des électeurs. Les fa
19
Italie, de 1920 à 1922, le parti socialiste était
le
plus important : 35 % des électeurs. Les fascistes n’étaient qu’une t
20
ste était le plus important : 35 % des électeurs.
Les
fascistes n’étaient qu’une très petite minorité. Comment s’imposèrent
21
s petite minorité. Comment s’imposèrent-ils ? Par
la
terreur. Ils arrivaient dans un village, par petits groupes montés su
22
r petits groupes montés sur des camions mettaient
le
feu à la bourse du travail, extorquaient la démission du maire social
23
groupes montés sur des camions mettaient le feu à
la
bourse du travail, extorquaient la démission du maire socialiste ou l
24
aient le feu à la bourse du travail, extorquaient
la
démission du maire socialiste ou le tuaient, puis rentraient sans êtr
25
extorquaient la démission du maire socialiste ou
le
tuaient, puis rentraient sans être inquiétés. Et cela, des centaines
26
ent ces crimes ont-ils pu se produire ? C’est que
la
police protégeait les fascistes contre les moindres réactions du peup
27
s pu se produire ? C’est que la police protégeait
les
fascistes contre les moindres réactions du peuple — réactions aussitô
28
est que la police protégeait les fascistes contre
les
moindres réactions du peuple — réactions aussitôt qualifiées « d’odie
29
lifiées « d’odieuses provocations marxistes ». Si
le
fascisme s’est imposé, c’est donc d’abord grâce à la protection de la
30
fascisme s’est imposé, c’est donc d’abord grâce à
la
protection de la police. Mais cela supposait la complicité des minist
31
posé, c’est donc d’abord grâce à la protection de
la
police. Mais cela supposait la complicité des ministères libéraux qui
32
à la protection de la police. Mais cela supposait
la
complicité des ministères libéraux qui dirigeaient cette police. Pour
33
C’est donc à une complicité quasi universelle que
le
fascisme a dû de s’emparer de l’État. Un peu de civisme l’eût arrêté.
34
universelle que le fascisme a dû de s’emparer de
l’
État. Un peu de civisme l’eût arrêté. Sa force n’a été faite que de lâ
35
me a dû de s’emparer de l’État. Un peu de civisme
l’
eût arrêté. Sa force n’a été faite que de lâchetés accumulées, et de c
36
s que ce soit là une vue partiale et partisane de
l’
histoire : c’est la version très officielle des historiens fascistes e
37
e vue partiale et partisane de l’histoire : c’est
la
version très officielle des historiens fascistes eux-mêmes. Une seule
38
s eux-mêmes. Une seule fois, nous apprennent-ils,
la
police s’opposa aux bandes armées des chemises noires. Ce fut à Sarza
39
en juillet 1921. 500 fascistes avaient débarqué à
la
gare de cette petite ville. Ils s’y heurtèrent à 8 gendarmes et 3 sol
40
s’avisèrent de résister. Au premier coup de feu,
la
petite armée des chemises noires s’enfuit dans les campagnes. Cet épi
41
la petite armée des chemises noires s’enfuit dans
les
campagnes. Cet épisode est symbolique, comme le prouve le rapport que
42
les campagnes. Cet épisode est symbolique, comme
le
prouve le rapport que fit à son sujet le chef fasciste de l’expéditio
43
gnes. Cet épisode est symbolique, comme le prouve
le
rapport que fit à son sujet le chef fasciste de l’expédition. Il écri
44
e, comme le prouve le rapport que fit à son sujet
le
chef fasciste de l’expédition. Il écrit en effet à la Centrale du Par
45
e rapport que fit à son sujet le chef fasciste de
l’
expédition. Il écrit en effet à la Centrale du Parti : « L’expédition
46
hef fasciste de l’expédition. Il écrit en effet à
la
Centrale du Parti : « L’expédition de Sarzana n’est qu’un épisode nor
47
ion. Il écrit en effet à la Centrale du Parti : «
L’
expédition de Sarzana n’est qu’un épisode normal : il devait survenir
48
qu’un épisode normal : il devait survenir dès que
le
fascisme aurait trouvé des gens devant lui, disposés à tenir bon… » R
49
i, disposés à tenir bon… » Rien n’est plus vrai :
le
totalitarisme ne saurait triompher « de gens disposés à tenir bon » s
50
triompher « de gens disposés à tenir bon » selon
l’
expression de l’Italien. Or qu’est-ce qu’un homme décidé à tenir bon ?
51
gens disposés à tenir bon » selon l’expression de
l’
Italien. Or qu’est-ce qu’un homme décidé à tenir bon ? C’est un homme
52
conscience de ses raisons de vivre. Ce n’est pas
l’
homme le mieux armé, mais celui dont le moral est le plus solide. Quan
53
nce de ses raisons de vivre. Ce n’est pas l’homme
le
mieux armé, mais celui dont le moral est le plus solide. Quand on lit
54
n’est pas l’homme le mieux armé, mais celui dont
le
moral est le plus solide. Quand on lit les travaux historiques les pl
55
homme le mieux armé, mais celui dont le moral est
le
plus solide. Quand on lit les travaux historiques les plus sérieux su
56
ui dont le moral est le plus solide. Quand on lit
les
travaux historiques les plus sérieux sur la naissance des trois grand
57
plus solide. Quand on lit les travaux historiques
les
plus sérieux sur la naissance des trois grandes dictatures, on consta
58
lit les travaux historiques les plus sérieux sur
la
naissance des trois grandes dictatures, on constate l’existence d’une
59
issance des trois grandes dictatures, on constate
l’
existence d’une sorte de loi historique : le totalitarisme n’est fort
60
state l’existence d’une sorte de loi historique :
le
totalitarisme n’est fort que dans la mesure où le civisme est faible
61
historique : le totalitarisme n’est fort que dans
la
mesure où le civisme est faible ; il est fort des lâchetés individuel
62
le totalitarisme n’est fort que dans la mesure où
le
civisme est faible ; il est fort des lâchetés individuelles, répercut
63
fort des lâchetés individuelles, répercutées dans
le
pouvoir établi ; et demain, s’il triomphe chez nous, sa puissance ne
64
s’il triomphe chez nous, sa puissance ne sera que
la
somme exacte de nos lâchetés particulières. L’exemple de Sarzana nous
65
ue la somme exacte de nos lâchetés particulières.
L’
exemple de Sarzana nous le prouve fortement : ce n’est pas le nombre e
66
lâchetés particulières. L’exemple de Sarzana nous
le
prouve fortement : ce n’est pas le nombre et l’armement qui ont triom
67
e Sarzana nous le prouve fortement : ce n’est pas
le
nombre et l’armement qui ont triomphé ce jour-là, mais la bonne consc
68
s le prouve fortement : ce n’est pas le nombre et
l’
armement qui ont triomphé ce jour-là, mais la bonne conscience civique
69
e et l’armement qui ont triomphé ce jour-là, mais
la
bonne conscience civique. Or une telle bonne conscience ne saurait ex
70
ne conscience ne saurait exister que là où existe
l’
autorité morale. Les fascistes ont été arrêtés à Sarzana, mais ils l’o
71
urait exister que là où existe l’autorité morale.
Les
fascistes ont été arrêtés à Sarzana, mais ils l’ont emporté partout a
72
Les fascistes ont été arrêtés à Sarzana, mais ils
l’
ont emporté partout ailleurs, parce qu’ils représentaient une espéranc
73
une espérance. Je rejoins ici ma seconde thèse :
le
totalitarisme a triomphé parce qu’il fut le premier à donner une répo
74
réponse très grossière, mais enfin une réponse, à
l’
appel religieux du peuple. C’est parce que les fascistes avaient une m
75
e, à l’appel religieux du peuple. C’est parce que
les
fascistes avaient une mystique, tandis que les autres n’en avaient pl
76
ue les fascistes avaient une mystique, tandis que
les
autres n’en avaient plus, que les fascistes n’ont pas rencontré de ré
77
que, tandis que les autres n’en avaient plus, que
les
fascistes n’ont pas rencontré de résistance sérieuse. De ces deux cau
78
principes de conduite : 1° Il nous faut restaurer
l’
esprit de résistance civique. Et cela suppose que nous reprenions cons
79
eprenions conscience de nos raisons de vivre dans
la
communauté, et des devoirs qu’impliquent nos libertés actuelles. Je l
80
devoirs qu’impliquent nos libertés actuelles. Je
le
répète : la puissance du totalitarisme ne sera jamais que la somme ex
81
impliquent nos libertés actuelles. Je le répète :
la
puissance du totalitarisme ne sera jamais que la somme exacte de nos
82
la puissance du totalitarisme ne sera jamais que
la
somme exacte de nos lâchetés individuelles, c’est-à-dire de nos égoïs
83
ut refaire une commune mesure vivante. Si nous ne
la
faisons pas, d’autres s’en chargeront, l’appel existe, et c’est le pr
84
nous ne la faisons pas, d’autres s’en chargeront,
l’
appel existe, et c’est le premier qui saura lui répondre qui vaincra.
85
ez nous, répondons d’une manière plus humaine que
les
totalitaires, plus vraie aussi, et plus réellement totale. Mais c’est
86
tale. Mais c’est là une question religieuse, nous
l’
avons vu, et seule une religion plus vraie que leurs mystiques saura n
87
lus vraie que leurs mystiques saura nous indiquer
les
vraies fins de la lutte. Conscience civique et conscience religieuse.
88
mystiques saura nous indiquer les vraies fins de
la
lutte. Conscience civique et conscience religieuse. J’illustrerai le
89
le second, par notre situation comme chrétiens. ⁂
L’
exemple de la Suisse me tient à cœur à double titre : c’est ma patrie,
90
r notre situation comme chrétiens. ⁂ L’exemple de
la
Suisse me tient à cœur à double titre : c’est ma patrie, et d’autre p
91
part, il se trouve que sa tradition politique est
la
plus proche du personnalisme. C’est donc à propos de la Suisse que je
92
s proche du personnalisme. C’est donc à propos de
la
Suisse que je pourrai le mieux faire saisir la portée immédiate de ce
93
. C’est donc à propos de la Suisse que je pourrai
le
mieux faire saisir la portée immédiate de ce que j’entends quand je p
94
de la Suisse que je pourrai le mieux faire saisir
la
portée immédiate de ce que j’entends quand je parle de conscience civ
95
nds quand je parle de conscience civique. Lorsque
l’
Allemagne totalitaire envahit l’Autriche, nous fûmes saisis d’une ango
96
civique. Lorsque l’Allemagne totalitaire envahit
l’
Autriche, nous fûmes saisis d’une angoisse soudaine : pour la première
97
remière fois, depuis des siècles, nous concevions
la
possibilité, même théorique, d’un démembrement de notre État. La prem
98
. La première réaction de notre opinion fut aussi
la
plus naturelle et la plus instinctive : « Au signal du danger, armons
99
n de notre opinion fut aussi la plus naturelle et
la
plus instinctive : « Au signal du danger, armons-nous ! » L’instinct
100
tinctive : « Au signal du danger, armons-nous ! »
L’
instinct ancestral de l’homme, c’est de parer à la violence par une vi
101
u danger, armons-nous ! » L’instinct ancestral de
l’
homme, c’est de parer à la violence par une violence du même ordre. Ce
102
L’instinct ancestral de l’homme, c’est de parer à
la
violence par une violence du même ordre. Cette solution est la plus n
103
ar une violence du même ordre. Cette solution est
la
plus naturelle parce qu’elle n’est en somme qu’un réflexe. Elle ne su
104
me qu’un réflexe. Elle ne suppose aucun effort de
l’
esprit, aucune espèce d’imagination. Et c’est aussi pourquoi elle est
105
ion. Et c’est aussi pourquoi elle est de beaucoup
la
plus fréquente et la plus populaire. J’ai à cœur cependant de montrer
106
ourquoi elle est de beaucoup la plus fréquente et
la
plus populaire. J’ai à cœur cependant de montrer son danger pour nous
107
nnel évidemment, présenter quelques remarques sur
la
question des armements. J’y vois le piège le plus dangereux que nous
108
remarques sur la question des armements. J’y vois
le
piège le plus dangereux que nous tendent les totalitaires. Plaçons-no
109
sur la question des armements. J’y vois le piège
le
plus dangereux que nous tendent les totalitaires. Plaçons-nous tout d
110
vois le piège le plus dangereux que nous tendent
les
totalitaires. Plaçons-nous tout d’abord dans l’hypothèse que seule la
111
les totalitaires. Plaçons-nous tout d’abord dans
l’
hypothèse que seule la force matérielle peut résister à une menace tot
112
çons-nous tout d’abord dans l’hypothèse que seule
la
force matérielle peut résister à une menace totalitaire. La conséquen
113
atérielle peut résister à une menace totalitaire.
La
conséquence qui en découle immédiatement, c’est qu’il faut nous armer
114
armer jusqu’aux dents. Mais sommes-nous sûrs que
le
réarmement massif profite aux nations pacifiques ? Sommes-nous même s
115
ous même sûrs qu’il soit un avantage certain pour
les
nations qui glorifient la guerre ? La vraie raison de la course aux a
116
avantage certain pour les nations qui glorifient
la
guerre ? La vraie raison de la course aux armements, c’est l’incapaci
117
rtain pour les nations qui glorifient la guerre ?
La
vraie raison de la course aux armements, c’est l’incapacité où se tro
118
ons qui glorifient la guerre ? La vraie raison de
la
course aux armements, c’est l’incapacité où se trouvent les États, ca
119
La vraie raison de la course aux armements, c’est
l’
incapacité où se trouvent les États, capitalistes ou soviétique d’aill
120
aux armements, c’est l’incapacité où se trouvent
les
États, capitalistes ou soviétique d’ailleurs, d’occuper leurs chômeur
121
er des obus. Beaucoup de personnes prétendent que
le
désarmement créerait un chômage effrayant. Raisonnement bien curieux,
122
chômage effrayant. Raisonnement bien curieux, si
l’
on y réfléchit. Quand il y a trop de médecins dans un pays, et donc ch
123
op de médecins dans un pays, et donc chômage dans
la
profession médicale, personne n’a jamais eu l’idée de proposer qu’on
124
ns la profession médicale, personne n’a jamais eu
l’
idée de proposer qu’on donne la peste à toute la nation. Or c’est à pe
125
onne n’a jamais eu l’idée de proposer qu’on donne
la
peste à toute la nation. Or c’est à peu près cela qu’on nous propose
126
u l’idée de proposer qu’on donne la peste à toute
la
nation. Or c’est à peu près cela qu’on nous propose : faire vivre le
127
à peu près cela qu’on nous propose : faire vivre
le
peuple avec ce qui doit le faire mourir. C’est la politique de Gribou
128
propose : faire vivre le peuple avec ce qui doit
le
faire mourir. C’est la politique de Gribouille : pour éviter la pluie
129
le peuple avec ce qui doit le faire mourir. C’est
la
politique de Gribouille : pour éviter la pluie, on se jette à l’eau.
130
r. C’est la politique de Gribouille : pour éviter
la
pluie, on se jette à l’eau. Autre danger : si l’on accepte de jouer
131
Gribouille : pour éviter la pluie, on se jette à
l’
eau. Autre danger : si l’on accepte de jouer le jeu des armements, l’
132
la pluie, on se jette à l’eau. Autre danger : si
l’
on accepte de jouer le jeu des armements, l’effrénée concurrence condu
133
à l’eau. Autre danger : si l’on accepte de jouer
le
jeu des armements, l’effrénée concurrence conduit l’État qui veut se
134
: si l’on accepte de jouer le jeu des armements,
l’
effrénée concurrence conduit l’État qui veut se maintenir à peu près a
135
jeu des armements, l’effrénée concurrence conduit
l’
État qui veut se maintenir à peu près au niveau du voisin, à perdre la
136
aintenir à peu près au niveau du voisin, à perdre
la
mesure de ce qu’il peut dépenser sans s’affaiblir. Les armements devi
137
esure de ce qu’il peut dépenser sans s’affaiblir.
Les
armements deviennent trop lourds pour lui : ils le gêneront bientôt p
138
s armements deviennent trop lourds pour lui : ils
le
gêneront bientôt plus qu’ils ne le protégeront. Un officier français
139
pour lui : ils le gêneront bientôt plus qu’ils ne
le
protégeront. Un officier français résumait l’autre jour ce processus
140
de vie normale. Il s’agira maintenant d’utiliser
les
armes. Nul n’ignore que la guerre moderne est devenue la guerre total
141
maintenant d’utiliser les armes. Nul n’ignore que
la
guerre moderne est devenue la guerre totale. C’est dire qu’il n’y a p
142
s. Nul n’ignore que la guerre moderne est devenue
la
guerre totale. C’est dire qu’il n’y a plus de distinction entre civil
143
de distinction entre civils et militaires, selon
la
doctrine officielle dite de la nation armée. Mussolini l’a très bien
144
militaires, selon la doctrine officielle dite de
la
nation armée. Mussolini l’a très bien dit : « La discipline militaire
145
ine officielle dite de la nation armée. Mussolini
l’
a très bien dit : « La discipline militaire implique la discipline pol
146
la nation armée. Mussolini l’a très bien dit : «
La
discipline militaire implique la discipline politique ». Qu’est-ce qu
147
rès bien dit : « La discipline militaire implique
la
discipline politique ». Qu’est-ce que cela signifie pratiquement ? Ce
148
uement ? Cela signifie que pour faire bloc contre
le
fascisme, sur le plan où il veut nous mettre, les démocraties seront
149
le fascisme, sur le plan où il veut nous mettre,
les
démocraties seront contraintes d’adopter peu à peu un régime politiqu
150
intes d’adopter peu à peu un régime politique qui
les
transformera automatiquement en puissances totalitaires. Avec cette d
151
aires. Avec cette différence que n’ayant pas vécu
la
révolution religieuse que représente le fascisme, elles auront moins
152
pas vécu la révolution religieuse que représente
le
fascisme, elles auront moins de dynamisme. Ainsi, sous prétexte de vi
153
elles perdront leurs raisons de vivre. Voici donc
le
dilemme que nous pose ce mimétisme totalitaire : ou bien la démocrati
154
que nous pose ce mimétisme totalitaire : ou bien
la
démocratie ne réussit pas à faire bloc à la manière fasciste, et alor
155
bien la démocratie ne réussit pas à faire bloc à
la
manière fasciste, et alors elle est battue dans la « guerre totale »
156
a manière fasciste, et alors elle est battue dans
la
« guerre totale » ; ou bien la démocratie réussit à faire bloc, mais
157
le est battue dans la « guerre totale » ; ou bien
la
démocratie réussit à faire bloc, mais alors la guerre est moralement
158
en la démocratie réussit à faire bloc, mais alors
la
guerre est moralement perdue avant d’être livrée, puisque la concepti
159
st moralement perdue avant d’être livrée, puisque
la
conception totalitaire s’est déjà installée chez nous, sous prétexte
160
us prétexte de défense nationale. Or je crois que
l’
erreur qui aboutit à ce dilemme est la plus grave que nous puissions c
161
e crois que l’erreur qui aboutit à ce dilemme est
la
plus grave que nous puissions commettre en tant que Suisses, car elle
162
ns commettre en tant que Suisses, car elle menace
l’
existence même de notre État. Réagir à la menace totalitaire sur le pl
163
e menace l’existence même de notre État. Réagir à
la
menace totalitaire sur le plan de la défense armée, et tout subordonn
164
at. Réagir à la menace totalitaire sur le plan de
la
défense armée, et tout subordonner à cela, c’est introduire chez nous
165
ut subordonner à cela, c’est introduire chez nous
le
cheval de Troie. La guerre totale en effet suppose l’unification tota
166
a, c’est introduire chez nous le cheval de Troie.
La
guerre totale en effet suppose l’unification totalitaire d’un pays. O
167
heval de Troie. La guerre totale en effet suppose
l’
unification totalitaire d’un pays. Ou sinon, c’est qu’elle est très ma
168
rée. Or ce processus est radicalement contraire à
la
tradition fédérale, tradition qui est la seule raison d’être de notre
169
traire à la tradition fédérale, tradition qui est
la
seule raison d’être de notre État. Se placer sur le plan de la guerre
170
on d’être de notre État. Se placer sur le plan de
la
guerre totale et de sa préparation civile en temps de paix, cela équi
171
faire du nationalisme. Et il est aisé de voir que
le
nationalisme, en Suisse, signifierait bientôt le partage de notre Éta
172
le nationalisme, en Suisse, signifierait bientôt
le
partage de notre État en trois nations. Ce serait la négation la plus
173
partage de notre État en trois nations. Ce serait
la
négation la plus radicale des bases mêmes de la Confédération. Souven
174
otre État en trois nations. Ce serait la négation
la
plus radicale des bases mêmes de la Confédération. Souvenons-nous du
175
t la négation la plus radicale des bases mêmes de
la
Confédération. Souvenons-nous du sort de l’Autriche ! Si ce pays a su
176
es de la Confédération. Souvenons-nous du sort de
l’
Autriche ! Si ce pays a succombé, ce n’est point tant qu’il ait cédé à
177
a succombé, ce n’est point tant qu’il ait cédé à
la
menace militaire, d’ailleurs réelle ; c’est surtout, c’est essentiell
178
ation de suicide totalitaire. Leçon capitale pour
la
Suisse ! Un État qui ne croit plus à sa valeur spirituelle, ou ne pr
179
uve plus qu’il y croit, puisqu’il se met à copier
le
voisin, un tel État ne peut pas compter sur l’aide d’autrui. Nous ne
180
er le voisin, un tel État ne peut pas compter sur
l’
aide d’autrui. Nous ne pouvons compter sur cette aide que dans la mesu
181
. Nous ne pouvons compter sur cette aide que dans
la
mesure où nous sommes pour l’Europe quelque chose dont elle a besoin
182
cette aide que dans la mesure où nous sommes pour
l’
Europe quelque chose dont elle a besoin ; cette chose unique, irrempla
183
, mais qui est au contraire fédéral. Un État dont
les
bases historiques et la tradition ancestrale sont la négation même du
184
re fédéral. Un État dont les bases historiques et
la
tradition ancestrale sont la négation même du totalitarisme. Un État
185
bases historiques et la tradition ancestrale sont
la
négation même du totalitarisme. Un État qui représente et qui incarne
186
alitarisme. Un État qui représente et qui incarne
le
seul avenir possible d’une Europe pacifique. Si nous restons cela, si
187
ela, si nous prenons conscience tout à nouveau de
la
grandeur d’une pareille vocation, on nous laissera tranquilles, parce
188
là-bas que nous ne sommes pas assimilables. Voilà
la
résistance civique et toute civile dont je vous parlais, et voilà la
189
ue et toute civile dont je vous parlais, et voilà
la
conscience de notre force véritable. Si nous avons le droit et le dev
190
onscience de notre force véritable. Si nous avons
le
droit et le devoir de rester neutres, ce n’est pas comme on le dit tr
191
notre force véritable. Si nous avons le droit et
le
devoir de rester neutres, ce n’est pas comme on le dit trop souvent e
192
e devoir de rester neutres, ce n’est pas comme on
le
dit trop souvent en vertu de nos intérêts matériels, certes légitimes
193
nos grands voisins n’ont pas de raisons de tenir
le
moindre compte. Si nous avons le droit d’être neutres, ce n’est pas e
194
raisons de tenir le moindre compte. Si nous avons
le
droit d’être neutres, ce n’est pas en vertu d’un privilège divin, mai
195
bien définie dont nous sommes responsables devant
l’
Europe. ⁂ Et alors, va-t-on dire, vous êtes contre l’armée ? Je serais
196
urope. ⁂ Et alors, va-t-on dire, vous êtes contre
l’
armée ? Je serais contre elle si je croyais que dès maintenant nous so
197
ntenant nous sommes assez forts moralement devant
l’
Europe, pour pouvoir nous passer d’une armée. Ce n’est pas le cas. Mai
198
our pouvoir nous passer d’une armée. Ce n’est pas
le
cas. Mais il n’en reste pas moins que notre tâche est de tout mettre
199
e tout mettre en œuvre pour échapper au cercle de
la
guerre totale. Je crois que le seul moyen sérieux de résister à l’emp
200
apper au cercle de la guerre totale. Je crois que
le
seul moyen sérieux de résister à l’emprise totalitaire sur le plan de
201
Je crois que le seul moyen sérieux de résister à
l’
emprise totalitaire sur le plan de la lutte directe, c’est d’inventer
202
e résister à l’emprise totalitaire sur le plan de
la
lutte directe, c’est d’inventer des formes de défense non militaires,
203
ires, donc non totalitaires. Je ne dis pas que je
les
ai trouvées. Je dis que le salut serait de les trouver. La force des
204
Je ne dis pas que je les ai trouvées. Je dis que
le
salut serait de les trouver. La force des totalitaires c’est d’entraî
205
je les ai trouvées. Je dis que le salut serait de
les
trouver. La force des totalitaires c’est d’entraîner les démocrates s
206
uvées. Je dis que le salut serait de les trouver.
La
force des totalitaires c’est d’entraîner les démocrates sur un terrai
207
uver. La force des totalitaires c’est d’entraîner
les
démocrates sur un terrain où ils se renient eux-mêmes. Il est donc vi
208
éfi, de déjouer ce calcul, et de ne pas opposer à
la
violence une violence du même ordre, mais forcément plus faible, où l
209
nce du même ordre, mais forcément plus faible, où
les
totalitaires puiseraient tout simplement une énergie renouvelée. Essa
210
e. Essayons d’inventer autre chose. Ne jouons pas
le
jeu. Imitons les paysans du Morgarten : ils n’avaient pas d’armures n
211
venter autre chose. Ne jouons pas le jeu. Imitons
les
paysans du Morgarten : ils n’avaient pas d’armures ni de lances : ils
212
ures ni de lances : ils trichèrent donc au jeu où
l’
adversaire devait gagner, et se défendirent avec leurs moyens propres
213
re avec des quartiers de roche ; je veux dire que
la
force du faible, c’est de refuser le jeu du fort, et de le déconcerte
214
eux dire que la force du faible, c’est de refuser
le
jeu du fort, et de le déconcerter par ce refus. Je lis dans un ouvrag
215
du faible, c’est de refuser le jeu du fort, et de
le
déconcerter par ce refus. Je lis dans un ouvrage anglais quelques phr
216
pourraient orienter nos recherches à cet égard :
La
non-violence de la victime, écrit l’auteur, agit comme le manque d’op
217
nos recherches à cet égard : La non-violence de
la
victime, écrit l’auteur, agit comme le manque d’opposition physique d
218
cet égard : La non-violence de la victime, écrit
l’
auteur, agit comme le manque d’opposition physique dans le jiu-jitsu :
219
iolence de la victime, écrit l’auteur, agit comme
le
manque d’opposition physique dans le jiu-jitsu : elle fait perdre son
220
, agit comme le manque d’opposition physique dans
le
jiu-jitsu : elle fait perdre son équilibre à l’assaillant. Elle lui f
221
s le jiu-jitsu : elle fait perdre son équilibre à
l’
assaillant. Elle lui fait perdre le soutien que lui donnerait l’opposi
222
on équilibre à l’assaillant. Elle lui fait perdre
le
soutien que lui donnerait l’opposition violente à laquelle il s’atten
223
Elle lui fait perdre le soutien que lui donnerait
l’
opposition violente à laquelle il s’attend. Il se trouve comme précipi
224
vergence absolue ; en réalité, ils se battent sur
la
base d’un accord fondamental : la croyance à la validité de la violen
225
se battent sur la base d’un accord fondamental :
la
croyance à la validité de la violence. Si tout d’un coup l’un des lut
226
r la base d’un accord fondamental : la croyance à
la
validité de la violence. Si tout d’un coup l’un des lutteurs supprime
227
accord fondamental : la croyance à la validité de
la
violence. Si tout d’un coup l’un des lutteurs supprime cet accord fon
228
ndamental et prouve par ses actes qu’il abandonne
la
méthode de lutte ancestrale, il n’est pas étonnant que l’autre soit d
229
ent plus de conduite immédiate. Il vacille devant
l’
inconnu… Pour ma part, je ne suis pas adversaire de la violence en so
230
onnu… Pour ma part, je ne suis pas adversaire de
la
violence en soi, mais bien de cette forme mécanique qu’elle revêt dan
231
bien de cette forme mécanique qu’elle revêt dans
la
guerre moderne. Aussi bien, la page que je viens de citer ne propose-
232
qu’elle revêt dans la guerre moderne. Aussi bien,
la
page que je viens de citer ne propose-t-elle pas la non-résistance, m
233
page que je viens de citer ne propose-t-elle pas
la
non-résistance, mais au contraire une forme de lutte nouvelle. C’est
234
iu-jitsu moral que nous devrions nous exercer. Si
l’
on y déployait le quart de l’énergie et de l’esprit de sacrifice qu’on
235
e nous devrions nous exercer. Si l’on y déployait
le
quart de l’énergie et de l’esprit de sacrifice qu’on met ordinairemen
236
ons nous exercer. Si l’on y déployait le quart de
l’
énergie et de l’esprit de sacrifice qu’on met ordinairement dans le mé
237
. Si l’on y déployait le quart de l’énergie et de
l’
esprit de sacrifice qu’on met ordinairement dans le métier des armes,
238
’esprit de sacrifice qu’on met ordinairement dans
le
métier des armes, il est certain qu’on obtiendrait des résultats cons
239
ersaire du stalinisme et du fascisme ; je ne vous
le
dis pas seulement comme Suisse, convaincu de la mission fédéraliste d
240
s le dis pas seulement comme Suisse, convaincu de
la
mission fédéraliste de son pays ; je vous le dis aussi comme chrétien
241
u de la mission fédéraliste de son pays ; je vous
le
dis aussi comme chrétien. Refuser le jeu de l’agresseur violent, c’es
242
ys ; je vous le dis aussi comme chrétien. Refuser
le
jeu de l’agresseur violent, c’est le premier devoir du chrétien. Déco
243
us le dis aussi comme chrétien. Refuser le jeu de
l’
agresseur violent, c’est le premier devoir du chrétien. Déconcerter le
244
c’est le premier devoir du chrétien. Déconcerter
le
mal en lui opposant le bien, c’est toute la tactique des apôtres. Et
245
r du chrétien. Déconcerter le mal en lui opposant
le
bien, c’est toute la tactique des apôtres. Et pour qu’on n’aille pas
246
erter le mal en lui opposant le bien, c’est toute
la
tactique des apôtres. Et pour qu’on n’aille pas penser que je préconi
247
mission ou quel défaitisme utopique, je traduirai
la
même idée en d’autres termes : à la brutalité, le chrétien n’oppose p
248
je traduirai la même idée en d’autres termes : à
la
brutalité, le chrétien n’oppose pas la brutalité, mais la violence sp
249
la même idée en d’autres termes : à la brutalité,
le
chrétien n’oppose pas la brutalité, mais la violence spirituelle, qui
250
termes : à la brutalité, le chrétien n’oppose pas
la
brutalité, mais la violence spirituelle, qui est la véritable charité
251
lité, le chrétien n’oppose pas la brutalité, mais
la
violence spirituelle, qui est la véritable charité. Violence contre n
252
brutalité, mais la violence spirituelle, qui est
la
véritable charité. Violence contre nous-mêmes d’abord. Aucune doctrin
253
peut être chrétienne si elle ne se fonde pas sur
la
repentance, qui est une violence faite à notre orgueil. Reconnaissons
254
rgueil. Reconnaissons, Églises et fidèles, que si
la
pseudo-religion totalitaire triomphe aujourd’hui en Europe, c’est que
255
ujourd’hui en Europe, c’est que nous avons laissé
les
peuples sans commune mesure spirituelle. Nous avons tous trahi le gra
256
commune mesure spirituelle. Nous avons tous trahi
le
grand devoir communautaire de l’Église, parce que nous avons transfor
257
avons tous trahi le grand devoir communautaire de
l’
Église, parce que nous avons transformé le christianisme en quelque ch
258
aire de l’Église, parce que nous avons transformé
le
christianisme en quelque chose de rassurant, de distingué, de commode
259
distingué, de commode et même de bourgeois. Alors
les
païens russes et les païens racistes ont fait ce que nous refusions d
260
et même de bourgeois. Alors les païens russes et
les
païens racistes ont fait ce que nous refusions de faire. Ils l’ont fa
261
stes ont fait ce que nous refusions de faire. Ils
l’
ont fait mal, et contre nous. Ils représentent notre châtiment, comme
262
tre nous. Ils représentent notre châtiment, comme
l’
a magnifiquement montré Nicolas Berdiaev. Ce n’est pas à la méchanceté
263
fiquement montré Nicolas Berdiaev. Ce n’est pas à
la
méchanceté supposée d’un Hitler ou d’un Staline que nous devons attri
264
er ou d’un Staline que nous devons attribuer tout
le
mal, mais aussi bien à la carence des chrétiens. Ceci dit, il nous fa
265
s devons attribuer tout le mal, mais aussi bien à
la
carence des chrétiens. Ceci dit, il nous faut agir. Or agir, ce n’est
266
Je ne veux, sous aucun prétexte pieux, exciter de
la
haine contre ceux qui adorent l’idole totalitaire. Je veux démasquer
267
ieux, exciter de la haine contre ceux qui adorent
l’
idole totalitaire. Je veux démasquer cette idole, et les raisons profo
268
le totalitaire. Je veux démasquer cette idole, et
les
raisons profondes du culte qu’on lui rend. Or je distingue dans ces r
269
ificative, et à certains égards, fort émouvante.
La
raison profonde d’un mouvement comme le nôtre — m’écrivait-il — est i
270
nts à celui qui nous apportait cette possibilité.
Le
christianisme, probablement par la faute de ses ministres, ne satisfa
271
e possibilité. Le christianisme, probablement par
la
faute de ses ministres, ne satisfaisait plus depuis bien longtemps au
272
plus depuis bien longtemps au besoin de croire de
la
majorité du peuple. Nous voulons croire à la mission du peuple allema
273
e de la majorité du peuple. Nous voulons croire à
la
mission du peuple allemand, nous voulons croire à son immortalité, […
274
, fût-ce à quelque chose d’aussi peu croyable que
l’
immortalité d’un peuple ?… Or l’angoisse n’appelle pas la haine, mais
275
peu croyable que l’immortalité d’un peuple ?… Or
l’
angoisse n’appelle pas la haine, mais au contraire la compassion, bien
276
talité d’un peuple ?… Or l’angoisse n’appelle pas
la
haine, mais au contraire la compassion, bien qu’elle l’appelle à son
277
ngoisse n’appelle pas la haine, mais au contraire
la
compassion, bien qu’elle l’appelle à son insu. Il faut savoir la devi
278
ne, mais au contraire la compassion, bien qu’elle
l’
appelle à son insu. Il faut savoir la deviner sous les rodomontades of
279
bien qu’elle l’appelle à son insu. Il faut savoir
la
deviner sous les rodomontades officielles et sous les vantardises eff
280
ppelle à son insu. Il faut savoir la deviner sous
les
rodomontades officielles et sous les vantardises effrénées de la prop
281
deviner sous les rodomontades officielles et sous
les
vantardises effrénées de la propagande totalitaire. Tout cela n’expri
282
officielles et sous les vantardises effrénées de
la
propagande totalitaire. Tout cela n’exprime qu’un sentiment d’infério
283
ne volonté de libérer ces peuples en leur donnant
l’
exemple, dans nos pays, d’une meilleure solution de leur problème. Con
284
d’une meilleure solution de leur problème. Contre
les
excès agaçants de la propagande soviétique et fasciste, toute espèce
285
on de leur problème. Contre les excès agaçants de
la
propagande soviétique et fasciste, toute espèce de tolérance polie se
286
une complicité. Ce n’est pas ainsi que je conçois
la
charité. Quand les Romains adoraient leur empereur, les chrétiens ne
287
n’est pas ainsi que je conçois la charité. Quand
les
Romains adoraient leur empereur, les chrétiens ne craignaient pas de
288
arité. Quand les Romains adoraient leur empereur,
les
chrétiens ne craignaient pas de passer pour athées : ils refusaient l
289
naient pas de passer pour athées : ils refusaient
le
culte de l’idole et s’en moquaient. Nous aussi nous devons rire des i
290
e passer pour athées : ils refusaient le culte de
l’
idole et s’en moquaient. Nous aussi nous devons rire des idoles coloss
291
idoles colossales qu’on nous vante. Quand je vois
les
trois dictateurs qui font les gros yeux à l’Europe, se proclament tou
292
ante. Quand je vois les trois dictateurs qui font
les
gros yeux à l’Europe, se proclament tous les trois infaillibles, je n
293
ois les trois dictateurs qui font les gros yeux à
l’
Europe, se proclament tous les trois infaillibles, je ne crois pas man
294
font les gros yeux à l’Europe, se proclament tous
les
trois infaillibles, je ne crois pas manquer au devoir de charité en j
295
us conte là-dessus une anecdote dont j’aime assez
l’
impertinence. Il imagine un certain oncle à lui, qu’il appelle l’abbé
296
Il imagine un certain oncle à lui, qu’il appelle
l’
abbé Bazin. « Cet abbé mourut, nous dit-il, persuadé que tous les sava
297
« Cet abbé mourut, nous dit-il, persuadé que tous
les
savants peuvent se tromper et reconnaissant que l’Église romaine est
298
s savants peuvent se tromper et reconnaissant que
l’
Église romaine est infaillible. L’Église grecque lui en sut très mauva
299
connaissant que l’Église romaine est infaillible.
L’
Église grecque lui en sut très mauvais gré et lui en fit de vifs repro
300
en fut affligé, et pour mourir en paix, il dit à
l’
archevêque d’Astracan : « Allez, ne vous attristez pas. Ne voyez-vous
301
e vous crois infaillible vous aussi ? » Toutefois
le
scepticisme n’est pas toujours, hélas, une réponse suffisante. La seu
302
’est pas toujours, hélas, une réponse suffisante.
La
seule réponse décisive à cette immense question religieuse des peuple
303
question religieuse des peuples, d’où sont issus
les
trois mouvements totalitaires, c’est la réponse vraiment totale de no
304
nt issus les trois mouvements totalitaires, c’est
la
réponse vraiment totale de notre foi. La foi chrétienne, pour les mys
305
s, c’est la réponse vraiment totale de notre foi.
La
foi chrétienne, pour les mystiques idolâtres, c’est un adversaire plu
306
ment totale de notre foi. La foi chrétienne, pour
les
mystiques idolâtres, c’est un adversaire plus sérieux que les canons
307
s idolâtres, c’est un adversaire plus sérieux que
les
canons et que les railleries. C’est le seul adversaire irréductible,
308
un adversaire plus sérieux que les canons et que
les
railleries. C’est le seul adversaire irréductible, — et pourtant char
309
rieux que les canons et que les railleries. C’est
le
seul adversaire irréductible, — et pourtant charitable. Car nous ne c
310
s doctrines au nom desquelles on veut réglementer
le
tout de l’homme, quand il s’agit en vérité des solutions et des doctr
311
au nom desquelles on veut réglementer le tout de
l’
homme, quand il s’agit en vérité des solutions et des doctrines d’un s
312
ctrines d’un seul parti, d’une seule tendance, et
la
plus animale de l’homme. Seule a le droit d’être totalitaire la vérit
313
arti, d’une seule tendance, et la plus animale de
l’
homme. Seule a le droit d’être totalitaire la vérité totale, qui n’app
314
tendance, et la plus animale de l’homme. Seule a
le
droit d’être totalitaire la vérité totale, qui n’appartient qu’à Dieu
315
e de l’homme. Seule a le droit d’être totalitaire
la
vérité totale, qui n’appartient qu’à Dieu. C’est dans la mesure où no
316
té totale, qui n’appartient qu’à Dieu. C’est dans
la
mesure où nous ordonnerons nos vies à cette vérité-là, à elle d’abord
317
aux vrais besoins du citoyen ou du soldat, ou de
l’
ouvrier, ou de l’aryen blond. C’est par cette seule mesure que nous po
318
s du citoyen ou du soldat, ou de l’ouvrier, ou de
l’
aryen blond. C’est par cette seule mesure que nous pourrons devenir de
319
ocation, et responsables de cette vocation devant
la
cité qui les protège. Je ne vous appellerai pas, en terminant, à une
320
responsables de cette vocation devant la cité qui
les
protège. Je ne vous appellerai pas, en terminant, à une croisade anti
321
ive, qui se situe d’une manière très précise dans
le
mouvement de l’Histoire occidentale. Trois siècles d’individualisme,
322
e d’une manière très précise dans le mouvement de
l’
Histoire occidentale. Trois siècles d’individualisme, de divinisation
323
rois siècles d’individualisme, de divinisation de
l’
homme, nous ont conduits à une dissolution presque totale de la sociét
324
ont conduits à une dissolution presque totale de
la
société. Nous ne sommes plus qu’une poussière de petits individus, im
325
tomber dans une folie inverse, encore plus grave,
la
religion collectiviste ? Le péril est immense. Mais notre chance deva
326
e, encore plus grave, la religion collectiviste ?
Le
péril est immense. Mais notre chance devant l’Histoire ne l’est pas m
327
? Le péril est immense. Mais notre chance devant
l’
Histoire ne l’est pas moins. Il dépend en partie de nous que nous trou
328
t immense. Mais notre chance devant l’Histoire ne
l’
est pas moins. Il dépend en partie de nous que nous trouvions la solut
329
s. Il dépend en partie de nous que nous trouvions
la
solution de l’éternel problème individu-communauté. Il dépend en part
330
partie de nous que nous trouvions la solution de
l’
éternel problème individu-communauté. Il dépend en partie de nous de r
331
e société vivable, une commune mesure vivante sur
le
fondement de la personne, c’est-à-dire de l’individu à la fois libre
332
e, une commune mesure vivante sur le fondement de
la
personne, c’est-à-dire de l’individu à la fois libre et engagé, auton
333
sur le fondement de la personne, c’est-à-dire de
l’
individu à la fois libre et engagé, autonome et pourtant solidaire. Ce
334
tonome et pourtant solidaire. Celui que j’appelle
l’
homme total. Je ne sais si nous réussirons, mais nous aurons du moins
335
nous réussirons, mais nous aurons du moins sauvé
l’
honneur de cette génération anxieuse. Et pour tout dire, je ne suis pa
336
e. Et pour tout dire, je ne suis pas sans espoir.
Les
faux dieux ne font pas de miracles. Je ne me lasserai jamais de le ré
337
font pas de miracles. Je ne me lasserai jamais de
le
répéter — c’est mon delenda Carthago : Là où l’homme veut être total,
338
e le répéter — c’est mon delenda Carthago : Là où
l’
homme veut être total, l’État ne sera jamais totalitaire. 1. Conclu
339
delenda Carthago : Là où l’homme veut être total,
l’
État ne sera jamais totalitaire. 1. Conclusions d’une conférence pr
340
ence prononcée à Genève au mois de mai 1938, sous
les
auspices de Zofingue et de l’Association chrétienne d’étudiants. Le t
341
de mai 1938, sous les auspices de Zofingue et de
l’
Association chrétienne d’étudiants. Le thème général était celui-ci :
342
ingue et de l’Association chrétienne d’étudiants.
Le
thème général était celui-ci : les trois mouvements « totalitaires »
343
ne d’étudiants. Le thème général était celui-ci :
les
trois mouvements « totalitaires » qui nous menacent — communisme, hit
344
véritable — et souvent inconscient — de remplacer
le
christianisme défaillant par le culte social de l’État et de son prin
345
nt — de remplacer le christianisme défaillant par
le
culte social de l’État et de son principe « sacral » : Prolétariat, R
346
e christianisme défaillant par le culte social de
l’
État et de son principe « sacral » : Prolétariat, Race, Empire. 2. Qu
347
Empire. 2. Quelques bourgeois veulent voir dans
le
fascisme le « rempart de l’ordre établi ». C’est bien touchant. Voici
348
Quelques bourgeois veulent voir dans le fascisme
le
« rempart de l’ordre établi ». C’est bien touchant. Voici ce que dit
349
ois veulent voir dans le fascisme le « rempart de
l’
ordre établi ». C’est bien touchant. Voici ce que dit à leur sujet la
350
’est bien touchant. Voici ce que dit à leur sujet
la
revue fasciste Gerarchia, dirigée par le propre neveu du Duce : « Ces
351
ur sujet la revue fasciste Gerarchia, dirigée par
le
propre neveu du Duce : « Ces braves gens devront se convaincre, et no
352
« Ces braves gens devront se convaincre, et nous
les
convaincrons bientôt, que la charge du problème social est désormais
353
convaincre, et nous les convaincrons bientôt, que
la
charge du problème social est désormais sur nos épaules, et qu’ils fe
354
s que du communisme. » a. Rougemont Denis de, «
La
vraie défense contre l’esprit totalitaire », Les Cahiers protestants,
355
a. Rougemont Denis de, « La vraie défense contre
l’
esprit totalitaire », Les Cahiers protestants, Lausanne, juillet 1938,
356
« La vraie défense contre l’esprit totalitaire »,
Les
Cahiers protestants, Lausanne, juillet 1938, p. 411-425.
357
Nicolas de Flue et
la
Réforme (août 1939)b Pour la très grande majorité des Suisses d’au
358
icolas de Flue et la Réforme (août 1939)b Pour
la
très grande majorité des Suisses d’aujourd’hui, surtout dans les cant
359
majorité des Suisses d’aujourd’hui, surtout dans
les
cantons protestants, Nicolas de Flue est une figure quasi mythique, é
360
re. Nous n’avons guère retenu de son histoire que
l’
image d’un ermite à longue barbe qui rétablit la paix civile entre les
361
e l’image d’un ermite à longue barbe qui rétablit
la
paix civile entre les vieux Confédérés, en prononçant devant la Diète
362
à longue barbe qui rétablit la paix civile entre
les
vieux Confédérés, en prononçant devant la Diète de Stans un discours
363
entre les vieux Confédérés, en prononçant devant
la
Diète de Stans un discours plein d’élévation. Comment prendre vraimen
364
drame qui se dénoue si facilement, un héros dont
l’
activité se résume dans ses « bonnes paroles » ? Les catholiques, par
365
’activité se résume dans ses « bonnes paroles » ?
Les
catholiques, par contre, cultivent avec amour le souvenir du solitair
366
Les catholiques, par contre, cultivent avec amour
le
souvenir du solitaire du Ranft, que Rome a dès longtemps béatifié, et
367
Ranft, que Rome a dès longtemps béatifié, et que
la
vénération du peuple, surtout dans les petits cantons, a déjà mis au
368
fié, et que la vénération du peuple, surtout dans
les
petits cantons, a déjà mis au rang des saints (bien que la canonisati
369
cantons, a déjà mis au rang des saints (bien que
la
canonisation se fasse attendre). Mais là, c’est l’autre aspect de la
370
fasse attendre). Mais là, c’est l’autre aspect de
la
vie du « Frère Claus » qui est exalté : on parle surtout de ses mirac
371
ême parfois des prophéties qu’on lui attribue sur
la
Réforme et ses « innovations ». Une suite de hasards m’ayant mis entr
372
vations ». Une suite de hasards m’ayant mis entre
les
mains, au cours de l’été dernier, quelques écrits populaires sur le B
373
hasards m’ayant mis entre les mains, au cours de
l’
été dernier, quelques écrits populaires sur le Bienheureux, ce ne fut
374
de l’été dernier, quelques écrits populaires sur
le
Bienheureux, ce ne fut pas sans émerveillement que j’entrevis la réal
375
ce ne fut pas sans émerveillement que j’entrevis
la
réalité historique du personnage. À tel point que je n’hésitai pas à
376
nage. À tel point que je n’hésitai pas à en faire
le
sujet d’un drame, qui sera représenté à Zurich en septembre, et pour
377
egger a composé une importante partition chorale.
Le
choix de ce sujet n’a pas été sans surprendre certains de mes amis pr
378
oute — certains catholiques qui ont bien voulu me
le
faire sentir. Il m’a semblé que je devais aux uns et aux autres une b
379
aux uns et aux autres une brève explication, dont
l’
intérêt, je l’espère, débordera cette anecdote personnelle. Il m’est a
380
autres une brève explication, dont l’intérêt, je
l’
espère, débordera cette anecdote personnelle. Il m’est apparu, en effe
381
et, à mesure que j’avançais dans mon travail, que
la
figure de Nicolas de Flue pouvait revêtir pour les Suisses d’aujourd’
382
la figure de Nicolas de Flue pouvait revêtir pour
les
Suisses d’aujourd’hui, et pour les protestants précisément, une signi
383
t revêtir pour les Suisses d’aujourd’hui, et pour
les
protestants précisément, une signification peut-être toute nouvelle.
384
nt, une signification peut-être toute nouvelle.
La
vie de Nicolas Quel fut cet homme, en vérité ? Et peut-on le compr
385
las Quel fut cet homme, en vérité ? Et peut-on
le
comprendre, hors de son temps ? Il naquit à l’époque du concile de Co
386
on le comprendre, hors de son temps ? Il naquit à
l’
époque du concile de Constance, et mourut à la fin du xve siècle. Son
387
t à l’époque du concile de Constance, et mourut à
la
fin du xve siècle. Son existence coïncide donc exactement avec la de
388
nc exactement avec la dernière période d’unité de
l’
Église occidentale. Le concile de Constance venait de mettre fin au Gr
389
dernière période d’unité de l’Église occidentale.
Le
concile de Constance venait de mettre fin au Grand Schisme de la cath
390
onstance venait de mettre fin au Grand Schisme de
la
catholicité. Au pape d’Avignon, au pape de Rome, à l’antipape qu’on a
391
atholicité. Au pape d’Avignon, au pape de Rome, à
l’
antipape qu’on avait tenté de leur opposer — et tous les trois s’excom
392
ipape qu’on avait tenté de leur opposer — et tous
les
trois s’excommuniaient réciproquement, ainsi que leurs fidèles, en so
393
ment, ainsi que leurs fidèles, en sorte que toute
la
chrétienté se vit alors frappée d’anathème ! — le concile avait subst
394
la chrétienté se vit alors frappée d’anathème ! —
le
concile avait substitué un pontife unique et romain. On avait condamn
395
damné Jean Huss, le premier qui eût osé proclamer
la
nécessité d’une réforme. On l’avait fait monter sur le bûcher au mépr
396
eût osé proclamer la nécessité d’une réforme. On
l’
avait fait monter sur le bûcher au mépris de la parole donnée. Il semb
397
cessité d’une réforme. On l’avait fait monter sur
le
bûcher au mépris de la parole donnée. Il semblait que la chrétienté s
398
On l’avait fait monter sur le bûcher au mépris de
la
parole donnée. Il semblait que la chrétienté se regroupait, non sans
399
er au mépris de la parole donnée. Il semblait que
la
chrétienté se regroupait, non sans résignation, autour du siège de Sa
400
une discipline extérieure ne pouvait pas tromper
les
âmes. Et la vie même de Nicolas de Flue nous en donne une preuve édif
401
ne extérieure ne pouvait pas tromper les âmes. Et
la
vie même de Nicolas de Flue nous en donne une preuve édifiante. Dès s
402
donne une preuve édifiante. Dès son enfance, nous
le
voyons s’astreindre aux « œuvres » de la religion qui est alors celle
403
ce, nous le voyons s’astreindre aux « œuvres » de
la
religion qui est alors celle de tous — mais avec une conscience bizar
404
rement scrupuleuse. Il ne prend aucune nourriture
le
vendredi, et peu à peu s’exerce à jeûner également d’autres jours. Sa
405
utres jours. Sa piété précoce et frappante paraît
le
désigner pour la prêtrise ou pour les ordres. Mais non, parvenu à l’â
406
iété précoce et frappante paraît le désigner pour
la
prêtrise ou pour les ordres. Mais non, parvenu à l’âge d’homme, il s’
407
pante paraît le désigner pour la prêtrise ou pour
les
ordres. Mais non, parvenu à l’âge d’homme, il s’engage dans les bande
408
prêtrise ou pour les ordres. Mais non, parvenu à
l’
âge d’homme, il s’engage dans les bandes armées qui guerroyaient alors
409
is non, parvenu à l’âge d’homme, il s’engage dans
les
bandes armées qui guerroyaient alors contre les seigneurs autrichiens
410
s les bandes armées qui guerroyaient alors contre
les
seigneurs autrichiens, et devient bientôt Rottmeister, c’est-à-dire q
411
hose comme capitaine. Puis, sans doute écœuré par
la
brutalité et l’inutilité croissante des expéditions auxquelles on lui
412
aine. Puis, sans doute écœuré par la brutalité et
l’
inutilité croissante des expéditions auxquelles on lui fait prendre pa
413
il se retire dans son canton natal pour y exercer
les
fonctions patriarcales de juge de paix, tout en cultivant son domaine
414
commise par ses collègues, au cours d’un procès,
le
décide à déposer sa charge et à se retirer dans sa famille. C’est le
415
e retraite concentrique — vers lui-même — qui est
la
forme de sa destinée. Notons que ce capitaine, puis ce juge, puis ce
416
ix enfants — n’est pas un type exceptionnel parmi
les
vieux confédérés, sinon par la rigueur inusitée de sa conscience. C’e
417
xceptionnel parmi les vieux confédérés, sinon par
la
rigueur inusitée de sa conscience. C’est un citoyen de bon sens et de
418
de bon sens et de bon conseil, un solide paysan,
les
deux pieds sur la terre, et non pas un sectaire ou un illuminé auquel
419
bon conseil, un solide paysan, les deux pieds sur
la
terre, et non pas un sectaire ou un illuminé auquel des ouvrages pieu
420
lluminé auquel des ouvrages pieux auraient tourné
la
tête. (Il ne sait ni lire ni écrire.) Mais sous cet extérieur équilib
421
re.) Mais sous cet extérieur équilibré, et malgré
l’
apaisement que devraient lui donner les pratiques d’une extrême dévoti
422
, et malgré l’apaisement que devraient lui donner
les
pratiques d’une extrême dévotion, ses proches ont bien senti le drame
423
’une extrême dévotion, ses proches ont bien senti
le
drame intime, longuement couvé et mûri. Sans doute a-t-il eu des visi
424
e a-t-il manqué sa vocation de prêtre, — déçu par
les
exemples qu’il avait sous les yeux. Peut-être aussi rêve-t-il comme t
425
prêtre, — déçu par les exemples qu’il avait sous
les
yeux. Peut-être aussi rêve-t-il comme tout son siècle, et sans le sav
426
re aussi rêve-t-il comme tout son siècle, et sans
le
savoir, d’une piété plus intérieure, d’un contact plus direct, plus c
427
Celle des « frères mendiants » qui s’en vont sur
les
routes, au hasard, abandonnés au souffle de l’Esprit. Il fait part à
428
r les routes, au hasard, abandonnés au souffle de
l’
Esprit. Il fait part à sa femme de cette terrible décision, et elle l’
429
rt à sa femme de cette terrible décision, et elle
l’
accepte au terme d’une lutte héroïque avec elle-même. Alors commence l
430
une lutte héroïque avec elle-même. Alors commence
la
vie de solitude et d’oraison que toute l’évolution intérieure de Nico
431
ommence la vie de solitude et d’oraison que toute
l’
évolution intérieure de Nicolas semblait appeler comme une fin obscure
432
u clergé constitué. À une heure de chez lui, dans
la
gorge du Ranft, il se construit une cellule, auprès d’une minuscule c
433
une cellule, auprès d’une minuscule chapelle. Et
le
miracle, préparé dès son enfance, se réalise : Nicolas s’aperçoit sou
434
e sa nourriture. Car n’est-il pas écrit, comme il
le
répétera souvent : « L’homme ne vit pas de pain seulement, mais de to
435
st-il pas écrit, comme il le répétera souvent : «
L’
homme ne vit pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de l
436
pain seulement, mais de toute parole qui sort de
la
bouche de mon Père »… Ni les espions placés autour de l’ermitage par
437
te parole qui sort de la bouche de mon Père »… Ni
les
espions placés autour de l’ermitage par des autorités fort soupçonneu
438
he de mon Père »… Ni les espions placés autour de
l’
ermitage par des autorités fort soupçonneuses, ni les envoyés de l’évê
439
ermitage par des autorités fort soupçonneuses, ni
les
envoyés de l’évêque n’ont jamais pu prendre en défaut le « Frère Clau
440
s autorités fort soupçonneuses, ni les envoyés de
l’
évêque n’ont jamais pu prendre en défaut le « Frère Claus » — ainsi qu
441
yés de l’évêque n’ont jamais pu prendre en défaut
le
« Frère Claus » — ainsi qu’on l’appelle désormais. Et sa légende se r
442
rendre en défaut le « Frère Claus » — ainsi qu’on
l’
appelle désormais. Et sa légende se répand, en Suisse d’abord, puis bi
443
en Suisse d’abord, puis bien au-delà. Peu à peu,
les
pèlerins deviennent plus fréquents, qui montent au Ranft pour voir l’
444
nt plus fréquents, qui montent au Ranft pour voir
l’
ermite fameux. Les uns poussés par la curiosité, les autres par le gra
445
, qui montent au Ranft pour voir l’ermite fameux.
Les
uns poussés par la curiosité, les autres par le grand désir de recevo
446
ft pour voir l’ermite fameux. Les uns poussés par
la
curiosité, les autres par le grand désir de recevoir une parole simpl
447
’ermite fameux. Les uns poussés par la curiosité,
les
autres par le grand désir de recevoir une parole simple et forte, un
448
Les uns poussés par la curiosité, les autres par
le
grand désir de recevoir une parole simple et forte, un conseil, une r
449
onseil, une révélation. (Beaucoup nous ont laissé
la
relation de leur visite : unanimes dans l’admiration devant cet « hom
450
laissé la relation de leur visite : unanimes dans
l’
admiration devant cet « homme de Dieu » fruste et biblique.) Il n’est
451
son appui : car son conseil est si puissant parmi
les
Suisses qu’on a coutume de s’adresser d’abord à lui lorsqu’il faut né
452
orsqu’il faut négocier un traité. C’est ainsi que
le
solitaire conseille aux Suisses de se montrer prudents dans l’affaire
453
conseille aux Suisses de se montrer prudents dans
l’
affaire de Bourgogne, où l’Autriche et la France complotent de les pré
454
montrer prudents dans l’affaire de Bourgogne, où
l’
Autriche et la France complotent de les précipiter. Il voit trop bien
455
nts dans l’affaire de Bourgogne, où l’Autriche et
la
France complotent de les précipiter. Il voit trop bien à quels danger
456
urgogne, où l’Autriche et la France complotent de
les
précipiter. Il voit trop bien à quels dangers leur victoire même les
457
voit trop bien à quels dangers leur victoire même
les
exposera : s’ils font la guerre pour s’enrichir, et s’ils apprennent
458
gers leur victoire même les exposera : s’ils font
la
guerre pour s’enrichir, et s’ils apprennent le prix de l’or, c’en ser
459
nt la guerre pour s’enrichir, et s’ils apprennent
le
prix de l’or, c’en sera fait de leur union patriarcale. Mais la tenta
460
e pour s’enrichir, et s’ils apprennent le prix de
l’
or, c’en sera fait de leur union patriarcale. Mais la tentation est tr
461
r, c’en sera fait de leur union patriarcale. Mais
la
tentation est trop forte. Les Suisses passent outre aux avis de l’erm
462
on patriarcale. Mais la tentation est trop forte.
Les
Suisses passent outre aux avis de l’ermite, et toutes ses prédictions
463
trop forte. Les Suisses passent outre aux avis de
l’
ermite, et toutes ses prédictions se réalisent : victoires, pillage, f
464
d’or, et disputes sanglantes à propos du partage.
Les
choses s’enveniment à tel point qu’en l’année 1486, quinze assemblées
465
artage. Les choses s’enveniment à tel point qu’en
l’
année 1486, quinze assemblées de la Diète des cantons n’ont pas suffi
466
el point qu’en l’année 1486, quinze assemblées de
la
Diète des cantons n’ont pas suffi pour rétablir l’union. C’est alors
467
a Diète des cantons n’ont pas suffi pour rétablir
l’
union. C’est alors que se placent les événements dont nous parlaient n
468
pour rétablir l’union. C’est alors que se placent
les
événements dont nous parlaient nos manuels. Une dernière Diète se réu
469
nit à Stans. Tout accord se révèle impossible, et
les
députés se séparent sur une menace de guerre civile entre cités et pe
470
civile entre cités et petits cantons. Mais voici
l’
heure de Nicolas, l’heure qui donnera son plein sens à sa vie et à ses
471
et petits cantons. Mais voici l’heure de Nicolas,
l’
heure qui donnera son plein sens à sa vie et à ses retraites successiv
472
à sa vie et à ses retraites successives. Pendant
la
nuit, le curé de Stans monte au Ranft, et il adjure le solitaire de t
473
et à ses retraites successives. Pendant la nuit,
le
curé de Stans monte au Ranft, et il adjure le solitaire de tenter un
474
it, le curé de Stans monte au Ranft, et il adjure
le
solitaire de tenter un dernier effort. On ne sait pas — on ne saura j
475
as — on ne saura jamais — de quel message Nicolas
l’
a chargé. Ce que l’on sait, par ce qu’attestent les documents les plus
476
mais — de quel message Nicolas l’a chargé. Ce que
l’
on sait, par ce qu’attestent les documents les plus formels, c’est qu’
477
l’a chargé. Ce que l’on sait, par ce qu’attestent
les
documents les plus formels, c’est qu’à l’aube, le curé redescendu à S
478
que l’on sait, par ce qu’attestent les documents
les
plus formels, c’est qu’à l’aube, le curé redescendu à Stans parvint à
479
estent les documents les plus formels, c’est qu’à
l’
aube, le curé redescendu à Stans parvint à réunir les députés, et leur
480
es documents les plus formels, c’est qu’à l’aube,
le
curé redescendu à Stans parvint à réunir les députés, et leur transmi
481
aube, le curé redescendu à Stans parvint à réunir
les
députés, et leur transmit dans une séance secrète les conseils de Nic
482
députés, et leur transmit dans une séance secrète
les
conseils de Nicolas. Miracle ? Ou résultat d’une combinaison particul
483
e combinaison particulièrement « politique » dont
l’
ermite eût donné l’idée ? Il me paraît probable que l’autorité de Nico
484
culièrement « politique » dont l’ermite eût donné
l’
idée ? Il me paraît probable que l’autorité de Nicolas sur ses compatr
485
mite eût donné l’idée ? Il me paraît probable que
l’
autorité de Nicolas sur ses compatriotes suffit à calmer les esprits e
486
é de Nicolas sur ses compatriotes suffit à calmer
les
esprits et à permettre une délibération assez sérieuse pour que des c
487
utuelles parussent possibles. Quoi qu’il en soit,
la
Diète proclama que si la paix avait été sauvée, et avec elle le sort
488
les. Quoi qu’il en soit, la Diète proclama que si
la
paix avait été sauvée, et avec elle le sort de la fédération, on le d
489
ama que si la paix avait été sauvée, et avec elle
le
sort de la fédération, on le devait par-dessus tout à l’action de l’e
490
la paix avait été sauvée, et avec elle le sort de
la
fédération, on le devait par-dessus tout à l’action de l’ermite du Ra
491
sauvée, et avec elle le sort de la fédération, on
le
devait par-dessus tout à l’action de l’ermite du Ranft. (Remarquons à
492
de la fédération, on le devait par-dessus tout à
l’
action de l’ermite du Ranft. (Remarquons à ce propos que la seule chos
493
ation, on le devait par-dessus tout à l’action de
l’
ermite du Ranft. (Remarquons à ce propos que la seule chose que tout l
494
de l’ermite du Ranft. (Remarquons à ce propos que
la
seule chose que tout le monde sache de Nicolas, est en réalité la seu
495
ue tout le monde sache de Nicolas, est en réalité
la
seule qu’il n’ait pas faite : sa venue en personne à la Diète, et le
496
le qu’il n’ait pas faite : sa venue en personne à
la
Diète, et le discours qu’il y aurait prononcé !) La piété du Frère
497
t pas faite : sa venue en personne à la Diète, et
le
discours qu’il y aurait prononcé !) La piété du Frère Claus Ce
498
ète, et le discours qu’il y aurait prononcé !)
La
piété du Frère Claus Ce résumé d’une existence peut suffire à nous
499
tager cette espèce de vénération que lui vouèrent
les
hommes du xve siècle. Mais on peut craindre aussi que l’essentiel de
500
s du xve siècle. Mais on peut craindre aussi que
l’
essentiel de la personne nous échappe, si nous nous limitons au savoir
501
e. Mais on peut craindre aussi que l’essentiel de
la
personne nous échappe, si nous nous limitons au savoir historique. J’
502
storique. J’entends qu’il est très difficile, sur
les
documents qui nous restent, de nous faire une idée, et mieux : un sen
503
nous faire une idée, et mieux : un sentiment, de
la
foi du « pieux homme frère Claus ». Nous en sommes forcément réduits
504
tes. Pour ma part, je tenterai de distinguer dans
la
vie religieuse de Nicolas trois tendances ou trois courants qui perme
505
tout d’abord, mais aussi par rapport à notre foi.
La
tendance la plus apparente est celle que les catholiques mettent surt
506
, mais aussi par rapport à notre foi. La tendance
la
plus apparente est celle que les catholiques mettent surtout en valeu
507
foi. La tendance la plus apparente est celle que
les
catholiques mettent surtout en valeur de nos jours : la dévotion au S
508
holiques mettent surtout en valeur de nos jours :
la
dévotion au Saint-Sacrement, à la Vierge et aux saints, l’ascétisme,
509
de nos jours : la dévotion au Saint-Sacrement, à
la
Vierge et aux saints, l’ascétisme, les visions, les pratiques de piét
510
on au Saint-Sacrement, à la Vierge et aux saints,
l’
ascétisme, les visions, les pratiques de piété. Beaucoup de documents
511
acrement, à la Vierge et aux saints, l’ascétisme,
les
visions, les pratiques de piété. Beaucoup de documents indiscutables
512
a Vierge et aux saints, l’ascétisme, les visions,
les
pratiques de piété. Beaucoup de documents indiscutables nous obligent
513
u sérieux cet aspect proprement « catholique » de
la
religion du Bienheureux. Toutefois, je ne puis me persuader qu’il ait
514
e persuader qu’il ait été décisif dans sa vie. Si
l’
on considère d’une part la sainteté des œuvres qu’il pratique et d’aut
515
décisif dans sa vie. Si l’on considère d’une part
la
sainteté des œuvres qu’il pratique et d’autre part les troubles de co
516
ainteté des œuvres qu’il pratique et d’autre part
les
troubles de conscience qui ne cessent de l’assiéger, comment ne point
517
part les troubles de conscience qui ne cessent de
l’
assiéger, comment ne point songer à la piété du jeune Luther, et à ce
518
cessent de l’assiéger, comment ne point songer à
la
piété du jeune Luther, et à ce drame de Wittemberg dont la Réforme de
519
du jeune Luther, et à ce drame de Wittemberg dont
la
Réforme devait sortir ? Rappelez-vous le moine augustin qui multiplia
520
erg dont la Réforme devait sortir ? Rappelez-vous
le
moine augustin qui multipliait, lui aussi, les pratiques les plus scr
521
ous le moine augustin qui multipliait, lui aussi,
les
pratiques les plus scrupuleuses : comme Nicolas, il espérait, de tout
522
ugustin qui multipliait, lui aussi, les pratiques
les
plus scrupuleuses : comme Nicolas, il espérait, de toute son âme, s’a
523
icolas, il espérait, de toute son âme, s’acquérir
la
sainteté par les voies qu’ordonnait l’Église ; mais loin d’y trouver
524
ait, de toute son âme, s’acquérir la sainteté par
les
voies qu’ordonnait l’Église ; mais loin d’y trouver l’apaisement, il
525
s’acquérir la sainteté par les voies qu’ordonnait
l’
Église ; mais loin d’y trouver l’apaisement, il sentait croître en lui
526
ies qu’ordonnait l’Église ; mais loin d’y trouver
l’
apaisement, il sentait croître en lui l’inquiétude du salut. J’ai été
527
y trouver l’apaisement, il sentait croître en lui
l’
inquiétude du salut. J’ai été attaché avec zèle aux lois papistes aut
528
aux lois papistes autant que n’importe qui, et je
les
ai défendues avec grand sérieux comme saintes et nécessaires au salut
529
comme saintes et nécessaires au salut. Avec tout
le
soin dont j’étais capable, je me suis efforcé de les observer par le
530
soin dont j’étais capable, je me suis efforcé de
les
observer par le jeûne, les veilles, les oraisons et autres exercices,
531
s capable, je me suis efforcé de les observer par
le
jeûne, les veilles, les oraisons et autres exercices, en macérant mon
532
je me suis efforcé de les observer par le jeûne,
les
veilles, les oraisons et autres exercices, en macérant mon corps plus
533
fforcé de les observer par le jeûne, les veilles,
les
oraisons et autres exercices, en macérant mon corps plus que tous ceu
534
ourd’hui me persécutent, parce que je leur enlève
la
gloire de se justifier… J’imposais à mon corps plus d’efforts qu’il n
535
forts qu’il n’en pouvait fournir sans danger pour
la
santé… Tout ce que je faisais, je le faisais en toute simplicité, par
536
danger pour la santé… Tout ce que je faisais, je
le
faisais en toute simplicité, par pur zèle et pour la gloire de Dieu.
537
faisais en toute simplicité, par pur zèle et pour
la
gloire de Dieu. Toute ma vie n’était que jeûnes, veilles, oraisons, s
538
t il pourrait se rendre Dieu favorable. Sur quoi
les
critiques catholiques modernes reprochent à Luther d’avoir « manqué d
539
’esquisser, nous mettrait-il en mesure de deviner
la
raison spirituelle des inquiétudes que nourrit Nicolas jusqu’à sa cin
540
ortions gardées, il me paraît licite de voir dans
le
cas du paysan, illettré et simple fidèle, une sorte de préfiguration
541
tion du drame qui se jouera un peu plus tard dans
la
conscience infiniment plus avertie et plus « théologique » du Docteur
542
Docteur augustin. Ce serait ainsi par son aspect
le
plus catholique que nous pourrions précisément saisir, dans la piété
543
lique que nous pourrions précisément saisir, dans
la
piété de Nicolas, les éléments sinon « protestants » du moins pré-réf
544
ons précisément saisir, dans la piété de Nicolas,
les
éléments sinon « protestants » du moins pré-réformés qui, nous le ver
545
n « protestants » du moins pré-réformés qui, nous
le
verrons plus loin, furent si nettement perçus par ses après-venants.
546
de chercher ailleurs, à un niveau plus apparent,
les
manifestations de la tendance pré-réformée chez l’ermite. Les auteurs
547
à un niveau plus apparent, les manifestations de
la
tendance pré-réformée chez l’ermite. Les auteurs catholiques eux-même
548
s manifestations de la tendance pré-réformée chez
l’
ermite. Les auteurs catholiques eux-mêmes indiquent en passant qu’il s
549
ations de la tendance pré-réformée chez l’ermite.
Les
auteurs catholiques eux-mêmes indiquent en passant qu’il se montrait
550
n passant qu’il se montrait des plus sévères pour
les
abus et les trahisons du clergé de son siècle. On cite les répliques
551
’il se montrait des plus sévères pour les abus et
les
trahisons du clergé de son siècle. On cite les répliques assez dures
552
et les trahisons du clergé de son siècle. On cite
les
répliques assez dures dont il gratifia plus d’un évêque ou supérieur
553
fia plus d’un évêque ou supérieur de couvent venu
le
voir par curiosité. Mais cet anticléricalisme et ce désir de réformer
554
Mais cet anticléricalisme et ce désir de réformer
les
mœurs ecclésiastiques sont choses si courantes au Moyen Âge qu’il ser
555
ait imprudent d’y chercher un trait spécifique de
la
spiritualité de Nicolas. Un François d’Assise, une Catherine de Sienn
556
aient avant Jean Huss, avant Wiclef, élevé contre
la
corruption de Rome et du clergé des protestations autrement violentes
557
gé des protestations autrement violentes. Quant à
la
volonté de vivre en dehors des cadres de l’Église, volonté que Nicola
558
ant à la volonté de vivre en dehors des cadres de
l’
Église, volonté que Nicolas a toujours affirmée, non seulement en refu
559
autant que de contemplation3, je pense qu’il faut
la
rattacher surtout à une troisième tendance, la plus importante à mes
560
ut la rattacher surtout à une troisième tendance,
la
plus importante à mes yeux, celle de la mystique germanique. Nous sav
561
tendance, la plus importante à mes yeux, celle de
la
mystique germanique. Nous savons que par sa mère et par certains amis
562
par sa mère et par certains amis de celle-ci, tel
le
curé Matthias Hattinger, le jeune Nicolas avait subi l’influence très
563
amis de celle-ci, tel le curé Matthias Hattinger,
le
jeune Nicolas avait subi l’influence très profonde du mouvement des «
564
é Matthias Hattinger, le jeune Nicolas avait subi
l’
influence très profonde du mouvement des « Amis de Dieu ». Initié en A
565
vement des « Amis de Dieu ». Initié en Alsace par
le
marchand Rulman Merswin, au xive siècle, ce mouvement plus ou moins
566
hérétique n’est pas sans d’intimes relations avec
les
doctrines mystiques de Suso et de Tauler, et par eux, de Maître Eckha
567
et Nicolas de Flue ne saurait s’expliquer — dans
la
mesure où l’on peut l’expliquer — si l’on ne tenait pas compte de cet
568
e Flue ne saurait s’expliquer — dans la mesure où
l’
on peut l’expliquer — si l’on ne tenait pas compte de cet environnemen
569
saurait s’expliquer — dans la mesure où l’on peut
l’
expliquer — si l’on ne tenait pas compte de cet environnement spiritue
570
er — dans la mesure où l’on peut l’expliquer — si
l’
on ne tenait pas compte de cet environnement spirituel, et des contact
571
un pèlerin « ami de Dieu », peut-être délégué par
le
mouvement ? Les plus récents historiens l’ont admis, après de nombreu
572
i de Dieu », peut-être délégué par le mouvement ?
Les
plus récents historiens l’ont admis, après de nombreux tâtonnements.
573
ué par le mouvement ? Les plus récents historiens
l’
ont admis, après de nombreux tâtonnements. D’autre part, la fameuse «
574
is, après de nombreux tâtonnements. D’autre part,
la
fameuse « petite prière » de Nicolas (das Gebetlein) popularisée par
575
ière » de Nicolas (das Gebetlein) popularisée par
la
littérature hagiographique est en réalité la paraphrase d’un texte du
576
par la littérature hagiographique est en réalité
la
paraphrase d’un texte du mystique Heinrich Suso : Mon Seigneur et mo
577
l suffise d’indiquer qu’elle représentait, face à
l’
Église établie, une aspiration vers la vie religieuse intime et person
578
ait, face à l’Église établie, une aspiration vers
la
vie religieuse intime et personnelle, par-dessous les pratiques ou ma
579
vie religieuse intime et personnelle, par-dessous
les
pratiques ou malgré elles, une intériorisation de la foi, mais aussi
580
pratiques ou malgré elles, une intériorisation de
la
foi, mais aussi une volonté de communion et presque de communisme spi
581
bref, une certaine déviation « spiritualiste » de
la
foi, mais compensée par un salutaire redressement du sens moral et co
582
aire redressement du sens moral et communautaire.
Le
réalisme très paysan et très helvétique de Nicolas le préserva des ex
583
éalisme très paysan et très helvétique de Nicolas
le
préserva des excès de la secte — c’est ainsi qu’il ne rompit jamais a
584
ès helvétique de Nicolas le préserva des excès de
la
secte — c’est ainsi qu’il ne rompit jamais avec l’Église, tout en gar
585
a secte — c’est ainsi qu’il ne rompit jamais avec
l’
Église, tout en gardant ses distances — mais d’autre part, il est indé
586
ntérieure au formalisme romain, qu’ont représenté
les
Amis de Dieu. Et l’on conçoit que ce mouvement, rectifié et rendu plu
587
me romain, qu’ont représenté les Amis de Dieu. Et
l’
on conçoit que ce mouvement, rectifié et rendu plus sobre par la conna
588
ue ce mouvement, rectifié et rendu plus sobre par
la
connaissance directe des Écritures, ait pu déboucher, quelque cinquan
589
boucher, quelque cinquante années plus tard, dans
la
Réforme luthérienne et zwinglienne. (Tout de même que le mouvement as
590
rme luthérienne et zwinglienne. (Tout de même que
le
mouvement assez voisin des Vaudois, ou Pauvres de Lyon, se confondit
591
de Lyon, se confondit sans nulle difficulté avec
le
calvinisme.) Nicolas de Flue et les réformés La contre-épreuve
592
iculté avec le calvinisme.) Nicolas de Flue et
les
réformés La contre-épreuve de ces diverses hypothèses m’a été four
593
alvinisme.) Nicolas de Flue et les réformés
La
contre-épreuve de ces diverses hypothèses m’a été fournie d’une maniè
594
a été fournie d’une manière très convaincante par
la
lecture des deux grands recueils de documents sur Nicolas que publiai
595
cuments sur Nicolas que publiait, au lendemain de
la
guerre, Robert Dürrer, historien du canton d’Unterwald. C’est une vér
596
C’est une véritable somme critique de tout ce que
la
tradition nous a livré concernant le pacificateur de la Suisse. On ne
597
tout ce que la tradition nous a livré concernant
le
pacificateur de la Suisse. On ne saurait en louer assez la science, e
598
dition nous a livré concernant le pacificateur de
la
Suisse. On ne saurait en louer assez la science, et surtout l’honnête
599
cateur de la Suisse. On ne saurait en louer assez
la
science, et surtout l’honnêteté. C’est sans aucun doute à cette derni
600
ne saurait en louer assez la science, et surtout
l’
honnêteté. C’est sans aucun doute à cette dernière qualité que nous de
601
algré certain accaparement de Nicolas de Flue par
l’
Église romaine, la signification qu’il eut, en fait, pour les première
602
parement de Nicolas de Flue par l’Église romaine,
la
signification qu’il eut, en fait, pour les premières générations de l
603
l eut, en fait, pour les premières générations de
la
Réforme. Ce n’est pas sans un joyeux étonnement que je suis tombé, da
604
tonnement que je suis tombé, dans Dürrer, à peine
les
gros volumes ouverts, sur une abondance de citations de Luther, de Zw
605
e Bullinger, d’Œcolampade, unanimes à revendiquer
l’
exemple de Nicolas de Flue à l’appui de leur œuvre de réforme de l’Égl
606
las de Flue à l’appui de leur œuvre de réforme de
l’
Église. Et ce n’est pas sans un léger mouvement de triomphe, je l’avou
607
n’est pas sans un léger mouvement de triomphe, je
l’
avoue, que j’ai trouvé ce fait, très généralement ignoré : les premier
608
êmes, mais attestent néanmoins qu’à cette époque,
la
conscience populaire n’hésitait pas à ranger Nicolas du côté de la Ré
609
ulaire n’hésitait pas à ranger Nicolas du côté de
la
Réforme). Il n’est peut-être pas sans intérêt de donner ici un aperçu
610
ide de cette littérature réformée sur Nicolas. Je
la
diviserai en trois rubriques. 1. Chroniques. — La première en date e
611
et commentée par Myconius, Lucernois réformé, sur
la
demande de Zwingli et de Vadian. C’est encore un ami de Vadian, Herma
612
nn Miles (ou Ritter) de Saint-Gall, qui mentionne
le
Frère Claus avec de grands éloges dans un ouvrage daté de 1522. (Nous
613
522. (Nous sommes donc aux tout premiers jours de
la
Réforme.) En 1529, un protestant bernois, Valerius Anshelm, nous donn
614
la première biographie importante de Nicolas, sur
le
ton le plus enthousiaste. Il est suivi en 1546 par Stumpff, protestan
615
ière biographie importante de Nicolas, sur le ton
le
plus enthousiaste. Il est suivi en 1546 par Stumpff, protestant zuric
616
rofesseur d’hébreu à Wittenberg, et parfois nommé
le
père de l’histoire des églises protestantes, mentionne longuement Nic
617
’hébreu à Wittenberg, et parfois nommé le père de
l’
histoire des églises protestantes, mentionne longuement Nicolas dans s
618
guement Nicolas dans son Catalogue des témoins de
la
foi qui se sont dressés avant Martin Luther, par la parole et par l’é
619
foi qui se sont dressés avant Martin Luther, par
la
parole et par l’écrit, contre le pape et ses erreurs. 2. Sermons et
620
dressés avant Martin Luther, par la parole et par
l’
écrit, contre le pape et ses erreurs. 2. Sermons et pamphlets des réf
621
rtin Luther, par la parole et par l’écrit, contre
le
pape et ses erreurs. 2. Sermons et pamphlets des réformateurs. — En
622
ts des réformateurs. — En 1523 déjà, Zwingli cite
l’
exemple du Frère Claus dans un sermon sur le Bon berger et les mauvais
623
cite l’exemple du Frère Claus dans un sermon sur
le
Bon berger et les mauvais bergers. Puis en 1524, il rappelle les cons
624
u Frère Claus dans un sermon sur le Bon berger et
les
mauvais bergers. Puis en 1524, il rappelle les conseils politiques de
625
et les mauvais bergers. Puis en 1524, il rappelle
les
conseils politiques de l’ermite, ses mises en garde répétées contre l
626
s en 1524, il rappelle les conseils politiques de
l’
ermite, ses mises en garde répétées contre le service mercenaire à l’é
627
s de l’ermite, ses mises en garde répétées contre
le
service mercenaire à l’étranger. Et comme Johannes Faber tentait de l
628
en garde répétées contre le service mercenaire à
l’
étranger. Et comme Johannes Faber tentait de lui opposer une parole de
629
it de lui opposer une parole de Nicolas conjurant
les
Suisses de garder la foi de leurs pères, Zwingli réplique que les réf
630
parole de Nicolas conjurant les Suisses de garder
la
foi de leurs pères, Zwingli réplique que les réformés sont les vérita
631
arder la foi de leurs pères, Zwingli réplique que
les
réformés sont les véritables disciples du solitaire, puisqu’ils ont g
632
urs pères, Zwingli réplique que les réformés sont
les
véritables disciples du solitaire, puisqu’ils ont gardé la foi la plu
633
bles disciples du solitaire, puisqu’ils ont gardé
la
foi la plus ancienne, celle des Apôtres, et se sont refusés à faire c
634
sciples du solitaire, puisqu’ils ont gardé la foi
la
plus ancienne, celle des Apôtres, et se sont refusés à faire commerce
635
ouvons de nombreuses mentions du Frère Claus dans
les
sermons et traités de Bullinger (successeur de Zwingli à Zurich) ; de
636
éformés se rendit en pèlerinage au Ranft et « sur
les
lieux consacrés par le souvenir du Frère Claus ». Quant à la petite p
637
erinage au Ranft et « sur les lieux consacrés par
le
souvenir du Frère Claus ». Quant à la petite prière que je citais plu
638
nsacrés par le souvenir du Frère Claus ». Quant à
la
petite prière que je citais plus haut (Gebetlein), elle avait été con
639
de se voir reprise — et d’ailleurs modifiée — par
les
catholiques, à partir de 1569. 3. Satires et drames. — La première m
640
extrêmement défavorable au Bienheureux. On y sent
l’
agacement de l’auteur à voir le nom et les conseils du Frère sans cess
641
avorable au Bienheureux. On y sent l’agacement de
l’
auteur à voir le nom et les conseils du Frère sans cesse revendiqués p
642
heureux. On y sent l’agacement de l’auteur à voir
le
nom et les conseils du Frère sans cesse revendiqués par les protestan
643
n y sent l’agacement de l’auteur à voir le nom et
les
conseils du Frère sans cesse revendiqués par les protestants au cours
644
les conseils du Frère sans cesse revendiqués par
les
protestants au cours des disputes concernant la politique et le régim
645
les protestants au cours des disputes concernant
la
politique et le régime des pensions. — Vous autres réformés, dit en s
646
au cours des disputes concernant la politique et
le
régime des pensions. — Vous autres réformés, dit en substance le text
647
ensions. — Vous autres réformés, dit en substance
le
texte, vous en appelez toujours à cet ermite dont la doctrine se résu
648
texte, vous en appelez toujours à cet ermite dont
la
doctrine se résume à ceci : « Man solle auff unsserm myst bleiben » (
649
cun reste sur son fumier !). Vous feriez mieux de
le
croire et de ne point innover, etc. Par contre, un Narrenspiel zwingl
650
t, avec beaucoup de verve et quelque grossièreté,
les
fameux conseils de Nicolas, qui se trouvent condamner toute la politi
651
seils de Nicolas, qui se trouvent condamner toute
la
politique des cantons catholiques. On sait d’autre part que l’archidu
652
des cantons catholiques. On sait d’autre part que
l’
archiduc Ferdinand II d’Autriche fit rechercher en 1570 dans toutes le
653
II d’Autriche fit rechercher en 1570 dans toutes
les
maisons du Tyrol les livres favorables à la Réforme, afin de les brûl
654
chercher en 1570 dans toutes les maisons du Tyrol
les
livres favorables à la Réforme, afin de les brûler ; dans la liste de
655
utes les maisons du Tyrol les livres favorables à
la
Réforme, afin de les brûler ; dans la liste de ceux qui furent détrui
656
Tyrol les livres favorables à la Réforme, afin de
les
brûler ; dans la liste de ceux qui furent détruits figure un Jeu de F
657
avorables à la Réforme, afin de les brûler ; dans
la
liste de ceux qui furent détruits figure un Jeu de Frère Claus et de
658
ure un Jeu de Frère Claus et de Frère Tell ! Mais
la
pièce la plus importante de cette série est celle que fit jouer à Bâl
659
u de Frère Claus et de Frère Tell ! Mais la pièce
la
plus importante de cette série est celle que fit jouer à Bâle, en 155
660
te série est celle que fit jouer à Bâle, en 1550,
le
protestant Valentin Boltz. Elle était intitulée Der Weltspiegel (Le M
661
ntin Boltz. Elle était intitulée Der Weltspiegel (
Le
Miroir du Monde) et tout y gravitait autour du Frère Claus, figure ce
662
utour du Frère Claus, figure centrale symbolisant
l’
idée confédérale créatrice de la Suisse. Les cantons personnifiés pren
663
trale symbolisant l’idée confédérale créatrice de
la
Suisse. Les cantons personnifiés prenaient la parole tour à tour, com
664
lisant l’idée confédérale créatrice de la Suisse.
Les
cantons personnifiés prenaient la parole tour à tour, comme à la Dièt
665
de la Suisse. Les cantons personnifiés prenaient
la
parole tour à tour, comme à la Diète (Uri se contentant parfois de so
666
onnifiés prenaient la parole tour à tour, comme à
la
Diète (Uri se contentant parfois de sonner sa fameuse corne !), et Mo
667
use corne !), et Moïse ou Élie intervenaient dans
les
débats le plus naturellement du monde. Il y avait, selon Dürrer, 149
668
), et Moïse ou Élie intervenaient dans les débats
le
plus naturellement du monde. Il y avait, selon Dürrer, 149 rôles parl
669
Il y avait, selon Dürrer, 149 rôles parlants, et
la
représentation demanda « deux jours pleins ». Ce n’est qu’en 1586 que
670
da « deux jours pleins ». Ce n’est qu’en 1586 que
les
catholiques se décidèrent à aborder eux aussi ce magnifique sujet. Le
671
cidèrent à aborder eux aussi ce magnifique sujet.
Le
jésuite Jakob Gretser fit jouer à Lucerne, cette année-là, une Comoed
672
st frappé de constater une fois de plus que seule
la
piété d’allure monacale du Frère Claus y est mise en valeur, tandis q
673
politique n’est même pas mentionné. (Cela gênait
l’
Église, remarque Dürrer.) Il y aurait lieu de citer enfin le libelle d
674
remarque Dürrer.) Il y aurait lieu de citer enfin
le
libelle de Luther sur la « vision des épées », que Nicolas avait fait
675
rait lieu de citer enfin le libelle de Luther sur
la
« vision des épées », que Nicolas avait fait peindre au mur de sa cel
676
s avait fait peindre au mur de sa cellule. Luther
l’
interprétait comme une prophétie contre le pape, dont la tête, dans l’
677
Luther l’interprétait comme une prophétie contre
le
pape, dont la tête, dans l’image traditionnelle, est environnée de tr
678
rprétait comme une prophétie contre le pape, dont
la
tête, dans l’image traditionnelle, est environnée de trois glaives, l
679
une prophétie contre le pape, dont la tête, dans
l’
image traditionnelle, est environnée de trois glaives, l’un d’eux appu
680
s, l’un d’eux appuyé contre ses lèvres comme pour
l’
empêcher de dire la Parole. Mais à partir de 1536, les catholiques à l
681
é contre ses lèvres comme pour l’empêcher de dire
la
Parole. Mais à partir de 1536, les catholiques à leur tour utilisent
682
mpêcher de dire la Parole. Mais à partir de 1536,
les
catholiques à leur tour utilisent cette image et la transforment (non
683
catholiques à leur tour utilisent cette image et
la
transforment (non sans supprimer la tiare papale) en une vision de la
684
ette image et la transforment (non sans supprimer
la
tiare papale) en une vision de la Trinité. Les historiens ne sont guè
685
sans supprimer la tiare papale) en une vision de
la
Trinité. Les historiens ne sont guère d’accord, et je n’ai pas qualit
686
mer la tiare papale) en une vision de la Trinité.
Les
historiens ne sont guère d’accord, et je n’ai pas qualité pour tranch
687
es quelques notes, bien entendu, n’ont aucunement
la
prétention d’annexer Nicolas de Flue à je ne sais quel « parti de la
688
exer Nicolas de Flue à je ne sais quel « parti de
la
Réforme » ! Elles ne visent qu’à faire mieux connaître une grande fig
689
trop de protestants ignorent, et qu’ils ignorent
le
plus souvent du simple fait que les catholiques l’exaltent. Tel est l
690
u’ils ignorent le plus souvent du simple fait que
les
catholiques l’exaltent. Tel est l’esprit de parti, même parmi les chr
691
e plus souvent du simple fait que les catholiques
l’
exaltent. Tel est l’esprit de parti, même parmi les chrétiens ! Que de
692
mple fait que les catholiques l’exaltent. Tel est
l’
esprit de parti, même parmi les chrétiens ! Que de richesses les réfor
693
l’exaltent. Tel est l’esprit de parti, même parmi
les
chrétiens ! Que de richesses les réformés n’ont-ils pas laissé perdre
694
arti, même parmi les chrétiens ! Que de richesses
les
réformés n’ont-ils pas laissé perdre de la sorte, et n’ont-ils pas la
695
esses les réformés n’ont-ils pas laissé perdre de
la
sorte, et n’ont-ils pas laissé dénaturer ! Mon désir n’est nullement
696
é dénaturer ! Mon désir n’est nullement d’enlever
le
Frère Claus aux catholiques — il ne peut leur faire que du bien — mai
697
ues — il ne peut leur faire que du bien — mais de
le
rendre aussi aux protestants, comme une part de leur héritage. Dans u
698
me une part de leur héritage. Dans une période où
le
sens fédéral paraît renaître parmi nous, il m’a semblé que la vie du
699
ral paraît renaître parmi nous, il m’a semblé que
la
vie du Frère Claus prenait une valeur de symbole, et non seulement po
700
nait une valeur de symbole, et non seulement pour
l’
ordre politique, mais aussi sur le plan religieux. Nicolas pauvre et s
701
religieux. Nicolas pauvre et se privant de pain à
l’
époque même où les Suisses sont tentés par les richesses étrangères ;
702
s pauvre et se privant de pain à l’époque même où
les
Suisses sont tentés par les richesses étrangères ; Nicolas pacifiant
703
in à l’époque même où les Suisses sont tentés par
les
richesses étrangères ; Nicolas pacifiant les cantons en rappelant aux
704
par les richesses étrangères ; Nicolas pacifiant
les
cantons en rappelant aux « régionalistes » que notre État est d’abord
705
cependant qu’il rappelle aux « centralistes » que
le
bien de tous suppose le bien de chacun ; Nicolas témoin de la foi dan
706
aux « centralistes » que le bien de tous suppose
le
bien de chacun ; Nicolas témoin de la foi dans une époque où toute la
707
ous suppose le bien de chacun ; Nicolas témoin de
la
foi dans une époque où toute la chrétienté était encore extérieuremen
708
Nicolas témoin de la foi dans une époque où toute
la
chrétienté était encore extérieurement unie, — voilà bien l’homme que
709
té était encore extérieurement unie, — voilà bien
l’
homme que tous à leur manière peuvent saluer comme l’ancêtre commun, e
710
omme que tous à leur manière peuvent saluer comme
l’
ancêtre commun, et j’ajouterais : comme le parrain de cette « défense
711
r comme l’ancêtre commun, et j’ajouterais : comme
le
parrain de cette « défense spirituelle du pays » que nous devons appr
712
3. Ce trait sera relevé et souligné plus tard par
les
réformateurs, en particulier par Vadian. b. Rougemont Denis de, « N
713
an. b. Rougemont Denis de, « Nicolas de Flue et
la
Réforme », Les Cahiers protestants, Lausanne, 1939, p. 263-279.
714
mont Denis de, « Nicolas de Flue et la Réforme »,
Les
Cahiers protestants, Lausanne, 1939, p. 263-279.
715
La
bataille de la culture (janvier-février 1940)c d Le fait même que
716
La bataille de
la
culture (janvier-février 1940)c d Le fait même que nous éprouvions
717
taille de la culture (janvier-février 1940)c d
Le
fait même que nous éprouvions tous un doute sur l’opportunité d’une c
718
e fait même que nous éprouvions tous un doute sur
l’
opportunité d’une conférence en temps de guerre, ce fait est significa
719
fait est significatif. Il prouve que nous tenons
la
culture pour quelque chose d’un peu moins sérieux que l’action, ou qu
720
ure pour quelque chose d’un peu moins sérieux que
l’
action, ou que la guerre, par exemple, ou simplement que la défense na
721
chose d’un peu moins sérieux que l’action, ou que
la
guerre, par exemple, ou simplement que la défense nationale. Or je vo
722
ou que la guerre, par exemple, ou simplement que
la
défense nationale. Or je vois là le signe très certain d’une crise, —
723
implement que la défense nationale. Or je vois là
le
signe très certain d’une crise, — et d’une crise qui met en question
724
d’une crise, — et d’une crise qui met en question
les
fondements mêmes de la culture en Occident. Je voudrais vous montrer
725
crise qui met en question les fondements mêmes de
la
culture en Occident. Je voudrais vous montrer ce soir que cette crise
726
ces pratiques ; qu’elle est l’une des origines de
la
présente guerre ; et que cette guerre n’est, en fin de compte, malgré
727
épisode tragique d’une bataille bien plus vaste,
la
millénaire bataille de la culture. L’adversaire est en nous Mais
728
taille bien plus vaste, la millénaire bataille de
la
culture. L’adversaire est en nous Mais d’abord, essayons d’écart
729
us vaste, la millénaire bataille de la culture.
L’
adversaire est en nous Mais d’abord, essayons d’écarter un malenten
730
abord, essayons d’écarter un malentendu menaçant.
La
bataille dont je vais vous parler n’est pas une bataille politique. L
731
ais vous parler n’est pas une bataille politique.
Les
adversaires ne sont nullement les actuels belligérants, et il n’est p
732
ille politique. Les adversaires ne sont nullement
les
actuels belligérants, et il n’est pas question, ici, de confondre l’u
733
question, ici, de confondre l’un des partis avec
la
cause de la culture, l’autre étant le parti de l’anti-culture. Ce gen
734
ci, de confondre l’un des partis avec la cause de
la
culture, l’autre étant le parti de l’anti-culture. Ce genre d’opposit
735
partis avec la cause de la culture, l’autre étant
le
parti de l’anti-culture. Ce genre d’opposition est très tentant, je l
736
la cause de la culture, l’autre étant le parti de
l’
anti-culture. Ce genre d’opposition est très tentant, je l’avoue, et a
737
lture. Ce genre d’opposition est très tentant, je
l’
avoue, et aujourd’hui plus que jamais. C’est malgré tout un procédé de
738
t pas aussi simple qu’une gifle ne vaut rien pour
la
guerre. Grâce à Dieu, nous sommes encore neutres, et nous avons encor
739
nous sommes encore neutres, et nous avons encore
le
droit de ne pas nous livrer à ce genre de simplifications brutales. N
740
otre premier devoir est, aujourd’hui, de défendre
l’
intelligence contre un certain primitivisme qui se réveille toujours e
741
isme qui se réveille toujours en temps de guerre.
Les
primitifs ont l’habitude de personnifier les forces mauvaises qui les
742
le toujours en temps de guerre. Les primitifs ont
l’
habitude de personnifier les forces mauvaises qui les menacent. S’ils
743
rre. Les primitifs ont l’habitude de personnifier
les
forces mauvaises qui les menacent. S’ils sont malades, ils pensent qu
744
habitude de personnifier les forces mauvaises qui
les
menacent. S’ils sont malades, ils pensent que c’est la faute d’un obj
745
nacent. S’ils sont malades, ils pensent que c’est
la
faute d’un objet maléfique, ou d’un sorcier, ou d’un esprit qui rôde
746
esprit qui rôde autour de leur maison. Toujours,
la
cause du mal, c’est-à-dire l’adversaire, est devant eux, à l’extérieu
747
r maison. Toujours, la cause du mal, c’est-à-dire
l’
adversaire, est devant eux, à l’extérieur. Or, notre civilisation, sou
748
mal, c’est-à-dire l’adversaire, est devant eux, à
l’
extérieur. Or, notre civilisation, sous l’influence du christianisme,
749
eux, à l’extérieur. Or, notre civilisation, sous
l’
influence du christianisme, s’est efforcée de nous faire comprendre qu
750
isme, s’est efforcée de nous faire comprendre que
la
vraie cause de nos malheurs est presque toujours en nous-mêmes. Il fa
751
réussi. Nous persistons tous, plus ou moins, dans
la
manie des primitifs : nous rendons responsables de nos maux — les aut
752
imitifs : nous rendons responsables de nos maux —
les
autres, uniquement les autres, ceux d’un autre parti, ceux d’une autr
753
responsables de nos maux — les autres, uniquement
les
autres, ceux d’un autre parti, ceux d’une autre nation… Nous faisons
754
ceux d’une autre nation… Nous faisons tous comme
les
petits enfants qui battent la table à laquelle ils se sont heurtés. I
755
faisons tous comme les petits enfants qui battent
la
table à laquelle ils se sont heurtés. Il est facile et rassurant de n
756
nt heurtés. Il est facile et rassurant de noircir
le
voisin pour mieux se blanchir soi-même. Mais en réalité, nos adversai
757
essentiellement de nous. Tout homme porte en soi
les
microbes de toutes les maladies imaginables. Et cet ennemi qui nous m
758
s. Tout homme porte en soi les microbes de toutes
les
maladies imaginables. Et cet ennemi qui nous menace, il ne serait nul
759
nous menace, il ne serait nullement suffisant de
l’
anéantir pour nous en délivrer. Car la tendance qu’il personnifie à no
760
uffisant de l’anéantir pour nous en délivrer. Car
la
tendance qu’il personnifie à nos yeux, elle existe en nous aussi, et
761
e pourrait fort bien s’y développer un jour. Pour
la
combattre sérieusement, pour nous défendre, c’est en nous qu’il s’agi
762
pour nous défendre, c’est en nous qu’il s’agit de
l’
attaquer, et avant tout, de la reconnaître. Disharmonies et impuiss
763
ous qu’il s’agit de l’attaquer, et avant tout, de
la
reconnaître. Disharmonies et impuissance de l’esprit Songeant à
764
la reconnaître. Disharmonies et impuissance de
l’
esprit Songeant à notre civilisation moderne, je suis de plus en pl
765
its : d’une part, une étonnante disharmonie entre
les
divers ordres de nos activités, — d’autre part, une angoissante impui
766
s, — d’autre part, une angoissante impuissance de
l’
esprit devant ce monde. Tel grand chimiste scandinave invente, dans so
767
corps nouveau, un puissant explosif, grâce auquel
l’
industrie pourra faire un grand pas. Il fonde d’autre part, avec l’arg
768
a faire un grand pas. Il fonde d’autre part, avec
l’
argent gagné, un prix considérable, destiné à récompenser ceux qui tra
769
destiné à récompenser ceux qui travaillèrent pour
la
paix. Mais l’état de notre culture est tel que l’invention sera utili
770
mpenser ceux qui travaillèrent pour la paix. Mais
l’
état de notre culture est tel que l’invention sera utilisée pour détru
771
la paix. Mais l’état de notre culture est tel que
l’
invention sera utilisée pour détruire cette paix, précisément, que le
772
ilisée pour détruire cette paix, précisément, que
le
prix devait couronner. Et le chimiste pacifique verra retomber sur sa
773
ix, précisément, que le prix devait couronner. Et
le
chimiste pacifique verra retomber sur sa tête, sous la forme d’une bo
774
imiste pacifique verra retomber sur sa tête, sous
la
forme d’une bombe de 1000 kg son invention humanitaire. Par quelle fa
775
on humanitaire. Par quelle fatalité mauvaise tous
les
progrès de notre science contribuent-ils à ravager la civilisation qu
776
rogrès de notre science contribuent-ils à ravager
la
civilisation qui les produit ? Vous vous êtes tous posé cette questio
777
nce contribuent-ils à ravager la civilisation qui
les
produit ? Vous vous êtes tous posé cette question-là. Mais il ne suff
778
sé cette question-là. Mais il ne suffit pas de se
la
poser et ensuite de se lamenter. Il faut voir ce que signifie une si
779
. Car il ne serait pas suffisant de n’accuser que
la
méchanceté des hommes : c’est l’esprit même de la culture moderne, et
780
de n’accuser que la méchanceté des hommes : c’est
l’
esprit même de la culture moderne, et son défaut de sagesse générale q
781
la méchanceté des hommes : c’est l’esprit même de
la
culture moderne, et son défaut de sagesse générale qui se trouve ici
782
ici mis à nu. Un autre fait, dans ce même ordre.
Le
but des inventions techniques est double : il est d’une part d’économ
783
t d’une part d’économiser du travail d’hommes par
les
machines, et donc de créer du loisir ; d’autre part, d’élever le nive
784
donc de créer du loisir ; d’autre part, d’élever
le
niveau général du confort. Or chacun sait que les résultats pratiques
785
le niveau général du confort. Or chacun sait que
les
résultats pratiques du machinisme ne sont pas d’augmenter les loisirs
786
s pratiques du machinisme ne sont pas d’augmenter
les
loisirs, mais bien d’augmenter le chômage, et qu’au lieu d’élever le
787
as d’augmenter les loisirs, mais bien d’augmenter
le
chômage, et qu’au lieu d’élever le niveau général, l’industrie a créé
788
en d’augmenter le chômage, et qu’au lieu d’élever
le
niveau général, l’industrie a créé d’immenses masses misérables, déra
789
hômage, et qu’au lieu d’élever le niveau général,
l’
industrie a créé d’immenses masses misérables, déracinées et démoralis
790
il vrai, lui demandait-on, que sa banque finançât
la
guerre des Japonais contre Shanghai ? Il répondit que c’était vrai. —
791
t vrai. — Mais alors, n’êtes-vous pas torturé par
la
pensée que votre argent contribue à prolonger un massacre ? — Nulleme
792
i à voir, ce sont deux colonnes de chiffres, dont
la
balance est favorable à ma maison. — L’exemple peut paraître caricatu
793
res, dont la balance est favorable à ma maison. —
L’
exemple peut paraître caricatural. Toutefois, je le certifie exact. De
794
’exemple peut paraître caricatural. Toutefois, je
le
certifie exact. De plus, il illustre à merveille le vice fondamental
795
certifie exact. De plus, il illustre à merveille
le
vice fondamental de notre société et aussi de notre culture : c’est u
796
ence d’un principe d’unité est si totale qu’on ne
la
ressent même plus comme un scandale. Elle est devenue toute naturelle
797
me un scandale. Elle est devenue toute naturelle.
Le
banquier dont je viens de vous parler aurait eu beaucoup de peine à c
798
contradiction, entre son comité de bienfaisance,
les
intérêts de sa banque, et le massacre des Chinois. Chacune de ces act
799
té de bienfaisance, les intérêts de sa banque, et
le
massacre des Chinois. Chacune de ces activités lui paraissait, en som
800
qui s’indignait, il aurait simplement répondu que
les
affaires sont les affaires. On ne peut pas additionner des chiffres e
801
l aurait simplement répondu que les affaires sont
les
affaires. On ne peut pas additionner des chiffres et des sentiments.
802
ns de moins en moins notre pensée à notre action.
L’
impuissance de la pensée sur la conduite générale des affaires, tel es
803
ins notre pensée à notre action. L’impuissance de
la
pensée sur la conduite générale des affaires, tel est le dogme fondam
804
ée à notre action. L’impuissance de la pensée sur
la
conduite générale des affaires, tel est le dogme fondamental de la me
805
ée sur la conduite générale des affaires, tel est
le
dogme fondamental de la mentalité moderne. C’est plus qu’un dogme, c’
806
ale des affaires, tel est le dogme fondamental de
la
mentalité moderne. C’est plus qu’un dogme, c’est une croyance spontan
807
nombreux, si quotidiens, qu’on finit par ne plus
les
voir. Il est admis, dans notre société, que les hommes de la pensée n
808
s les voir. Il est admis, dans notre société, que
les
hommes de la pensée n’ont rien à dire d’utile aux hommes de l’action,
809
est admis, dans notre société, que les hommes de
la
pensée n’ont rien à dire d’utile aux hommes de l’action, aux capitain
810
la pensée n’ont rien à dire d’utile aux hommes de
l’
action, aux capitaines de l’industrie ou de la guerre. Le divorce a ét
811
d’utile aux hommes de l’action, aux capitaines de
l’
industrie ou de la guerre. Le divorce a été prononcé entre la culture
812
de l’action, aux capitaines de l’industrie ou de
la
guerre. Le divorce a été prononcé entre la culture et l’action, entre
813
n, aux capitaines de l’industrie ou de la guerre.
Le
divorce a été prononcé entre la culture et l’action, entre le cerveau
814
ou de la guerre. Le divorce a été prononcé entre
la
culture et l’action, entre le cerveau et la main. Les résultats de ce
815
re. Le divorce a été prononcé entre la culture et
l’
action, entre le cerveau et la main. Les résultats de ce divorce sont
816
été prononcé entre la culture et l’action, entre
le
cerveau et la main. Les résultats de ce divorce sont infinis. Mais le
817
entre la culture et l’action, entre le cerveau et
la
main. Les résultats de ce divorce sont infinis. Mais le plus décisif,
818
culture et l’action, entre le cerveau et la main.
Les
résultats de ce divorce sont infinis. Mais le plus décisif, sans dout
819
n. Les résultats de ce divorce sont infinis. Mais
le
plus décisif, sans doute, est celui-ci : la culture apparaît aujourd’
820
Mais le plus décisif, sans doute, est celui-ci :
la
culture apparaît aujourd’hui comme une activité de luxe, et l’action
821
paraît aujourd’hui comme une activité de luxe, et
l’
action seule est tenue pour sérieuse. En voici la preuve. Quand la sit
822
l’action seule est tenue pour sérieuse. En voici
la
preuve. Quand la situation devient grave, comme en cas de guerre par
823
st tenue pour sérieuse. En voici la preuve. Quand
la
situation devient grave, comme en cas de guerre par exemple, tout le
824
le, tout le monde trouve parfaitement naturel que
la
pensée abdique sa liberté et se soumette aux besoins de l’action, du
825
abdique sa liberté et se soumette aux besoins de
l’
action, du haut en bas de l’échelle de nos occupations. Tout le monde
826
umette aux besoins de l’action, du haut en bas de
l’
échelle de nos occupations. Tout le monde trouve parfaitement naturel
827
heter des livres : c’est la première économie que
l’
on fera. De même qu’en temps de restrictions alimentaires on trouve to
828
out naturel de se priver d’abord de dessert. Oui,
la
culture est devenue pour nous quelque chose comme une friandise. Elle
829
eur très compliqué qui ne vaut rien pour conduire
la
cité, pour gagner de l’argent, pour faire des choses sérieuses… Et ce
830
e vaut rien pour conduire la cité, pour gagner de
l’
argent, pour faire des choses sérieuses… Et cependant, une société où
831
es choses sérieuses… Et cependant, une société où
les
valeurs de la pensée n’ont plus aucun rapport avec les lois de l’acti
832
uses… Et cependant, une société où les valeurs de
la
pensée n’ont plus aucun rapport avec les lois de l’action, une sociét
833
aleurs de la pensée n’ont plus aucun rapport avec
les
lois de l’action, une société qui manque à ce point d’harmonie, et où
834
pensée n’ont plus aucun rapport avec les lois de
l’
action, une société qui manque à ce point d’harmonie, et où ce manque
835
ue n’est même plus ressenti comme un scandale, je
la
vois condamnée à glisser, comme la nôtre, dans un désordre dont la gu
836
n scandale, je la vois condamnée à glisser, comme
la
nôtre, dans un désordre dont la guerre sera toujours le seul aboutiss
837
à glisser, comme la nôtre, dans un désordre dont
la
guerre sera toujours le seul aboutissement. L’esprit de Ponce Pila
838
re, dans un désordre dont la guerre sera toujours
le
seul aboutissement. L’esprit de Ponce Pilate Mais alors, qui es
839
la guerre sera toujours le seul aboutissement.
L’
esprit de Ponce Pilate Mais alors, qui est responsable de ce divorc
840
is alors, qui est responsable de ce divorce entre
la
main et le cerveau ? Nous voyons bien où il nous a menés. Essayons de
841
ui est responsable de ce divorce entre la main et
le
cerveau ? Nous voyons bien où il nous a menés. Essayons de voir d’où
842
il nous a menés. Essayons de voir d’où il vient.
Le
phénomène le plus remarquable des débuts du xixe siècle a été, en ef
843
nés. Essayons de voir d’où il vient. Le phénomène
le
plus remarquable des débuts du xixe siècle a été, en effet, et dans
844
uts du xixe siècle a été, en effet, et dans tous
les
domaines, l’agrandissement très brusque des possibilités humaines. L’
845
iècle a été, en effet, et dans tous les domaines,
l’
agrandissement très brusque des possibilités humaines. L’invention des
846
dissement très brusque des possibilités humaines.
L’
invention des machines a brusquement accru nos possibilités d’action s
847
a brusquement accru nos possibilités d’action sur
la
matière. L’industrie et le commerce ont provoqué la brusque création
848
t accru nos possibilités d’action sur la matière.
L’
industrie et le commerce ont provoqué la brusque création de villes én
849
sibilités d’action sur la matière. L’industrie et
le
commerce ont provoqué la brusque création de villes énormes, dix ou c
850
matière. L’industrie et le commerce ont provoqué
la
brusque création de villes énormes, dix ou cent fois plus grandes que
851
des masses humaines informes et démesurées, là où
l’
on ne connaissait auparavant que des groupements organisés autour de p
852
upements organisés autour de petites entreprises.
Les
richesses, elles aussi, se sont tant agrandies qu’elles ont échappé a
853
s chiffres abstraits, puissances lointaines, dont
les
économistes se sont mis à étudier les mœurs étranges, qui paraissaien
854
aines, dont les économistes se sont mis à étudier
les
mœurs étranges, qui paraissaient aussi mystérieuses que celles des mo
855
stérieuses que celles des monstres antédiluviens.
La
population de l’Europe a plus que doublé en cent ans, ses richesses o
856
lles des monstres antédiluviens. La population de
l’
Europe a plus que doublé en cent ans, ses richesses ont été décuplées,
857
e, et enfin tous ces éléments réunis ont provoqué
la
création d’armées considérables, agrandissant le phénomène de la guer
858
la création d’armées considérables, agrandissant
le
phénomène de la guerre, brusquement, aux proportions de la nation ent
859
rmées considérables, agrandissant le phénomène de
la
guerre, brusquement, aux proportions de la nation entière. Voici donc
860
ène de la guerre, brusquement, aux proportions de
la
nation entière. Voici donc, dans tous les domaines, que nos pouvoirs
861
tions de la nation entière. Voici donc, dans tous
les
domaines, que nos pouvoirs d’agir matériellement grandissent, par une
862
ement grandissent, par une mutation brusque, dans
la
proportion de 1 à 100. Que va faire la pensée, en présence de cet ess
863
sque, dans la proportion de 1 à 100. Que va faire
la
pensée, en présence de cet essor fulgurant de l’action ? Et que va fa
864
la pensée, en présence de cet essor fulgurant de
l’
action ? Et que va faire la culture ? Il semble que la société devienn
865
cet essor fulgurant de l’action ? Et que va faire
la
culture ? Il semble que la société devienne trop gigantesque pour êtr
866
tion ? Et que va faire la culture ? Il semble que
la
société devienne trop gigantesque pour être dominée d’un seul regard.
867
igence ne peut plus en comprendre et en maîtriser
les
rouages. On ne sait pas du tout ce que vont produire ces capitaux éno
868
nt vont réagir ces masses humaines déracinées par
l’
industrie, et qui déjà menacent et souffrent. Tout cela échappe aux vu
869
acent et souffrent. Tout cela échappe aux vues de
l’
esprit rationaliste. Le panorama de la société devient confus. Plus ri
870
t cela échappe aux vues de l’esprit rationaliste.
Le
panorama de la société devient confus. Plus rien n’est à la mesure de
871
aux vues de l’esprit rationaliste. Le panorama de
la
société devient confus. Plus rien n’est à la mesure de l’homme indivi
872
a de la société devient confus. Plus rien n’est à
la
mesure de l’homme individuel. Quand nous regardons en arrière, nous n
873
té devient confus. Plus rien n’est à la mesure de
l’
homme individuel. Quand nous regardons en arrière, nous nous disons :
874
and nous regardons en arrière, nous nous disons :
les
intellectuels auraient dû faire à ce moment-là un formidable effort d
875
par une vue générale, par une notion générale de
l’
homme et des buts de sa destinée, ils pouvaient créer une belle vie !
876
! Mais si ces mêmes pouvoirs étaient abandonnés à
l’
anarchie, s’ils se développaient chacun de son côté sans tenir compte
877
fausse, une vie mauvaise, antihumaine. C’eût été
le
rôle des hommes de la pensée que d’avertir les hommes d’action. Ils a
878
ise, antihumaine. C’eût été le rôle des hommes de
la
pensée que d’avertir les hommes d’action. Ils avaient là une chance e
879
été le rôle des hommes de la pensée que d’avertir
les
hommes d’action. Ils avaient là une chance et un devoir vital. Or, il
880
Or, ils ont perdu cette chance. Ils n’ont pas vu
le
danger, ils ont eu peur de le prévoir. Et c’est ici que nous allons d
881
e. Ils n’ont pas vu le danger, ils ont eu peur de
le
prévoir. Et c’est ici que nous allons découvrir le grand ennemi de la
882
e prévoir. Et c’est ici que nous allons découvrir
le
grand ennemi de la culture ; c’est chez les philosophes et les penseu
883
ici que nous allons découvrir le grand ennemi de
la
culture ; c’est chez les philosophes et les penseurs qu’il s’est d’ab
884
ouvrir le grand ennemi de la culture ; c’est chez
les
philosophes et les penseurs qu’il s’est d’abord manifesté. Et je le n
885
emi de la culture ; c’est chez les philosophes et
les
penseurs qu’il s’est d’abord manifesté. Et je le nommerai : l’esprit
886
les penseurs qu’il s’est d’abord manifesté. Et je
le
nommerai : l’esprit de démission, de non-intervention, ou la démissio
887
u’il s’est d’abord manifesté. Et je le nommerai :
l’
esprit de démission, de non-intervention, ou la démission de l’esprit.
888
: l’esprit de démission, de non-intervention, ou
la
démission de l’esprit. C’est l’esprit même d’un Ponce Pilate, le scep
889
émission, de non-intervention, ou la démission de
l’
esprit. C’est l’esprit même d’un Ponce Pilate, le sceptique qui se lav
890
-intervention, ou la démission de l’esprit. C’est
l’
esprit même d’un Ponce Pilate, le sceptique qui se lave les mains et l
891
l’esprit. C’est l’esprit même d’un Ponce Pilate,
le
sceptique qui se lave les mains et laisse les choses suivre leur cour
892
même d’un Ponce Pilate, le sceptique qui se lave
les
mains et laisse les choses suivre leur cours fatal. En présence des m
893
ate, le sceptique qui se lave les mains et laisse
les
choses suivre leur cours fatal. En présence des machines, des capitau
894
rmes questions que posaient ces énormes pouvoirs,
les
penseurs et les philosophes du dernier siècle, dans leur ensemble, n’
895
ue posaient ces énormes pouvoirs, les penseurs et
les
philosophes du dernier siècle, dans leur ensemble, n’ont répondu que
896
siècle, dans leur ensemble, n’ont répondu que par
la
fuite, et par ce qu’ils appelaient le désintéressement de la pensée.
897
ndu que par la fuite, et par ce qu’ils appelaient
le
désintéressement de la pensée. Ils ont renoncé à leur mission de dire
898
t par ce qu’ils appelaient le désintéressement de
la
pensée. Ils ont renoncé à leur mission de directeurs spirituels de la
899
enoncé à leur mission de directeurs spirituels de
la
cité. Bien sûr, ils n’ont pas dit : notre pensée, à partir d’aujourd’
900
d’aujourd’hui, renonce à agir, mais ils ont dit :
la
dignité de la pensée réside dans son détachement de toute action, dan
901
renonce à agir, mais ils ont dit : la dignité de
la
pensée réside dans son détachement de toute action, dans son désintér
902
ais ils ont dit : on ne peut plus rien faire, car
l’
histoire et l’économie sont régies par des lois inflexibles. Et surtou
903
t : on ne peut plus rien faire, car l’histoire et
l’
économie sont régies par des lois inflexibles. Et surtout, au développ
904
nt opposé des milliers de pages de rhétorique sur
le
Progrès. Merveilleuse doctrine que celle-là ! Car en somme elle justi
905
elle-là ! Car en somme elle justifie tout, endort
l’
esprit et le dispense de toute intervention active. Pourquoi s’inquiét
906
r en somme elle justifie tout, endort l’esprit et
le
dispense de toute intervention active. Pourquoi s’inquiéter des effet
907
ué et délicat pour agir sur ces faits ; secundo :
le
Progrès automatique arrangera tout. C’est lui qui, désormais, va remp
908
gera tout. C’est lui qui, désormais, va remplacer
la
bienveillante Providence. La religion est l’opium du peuple, disait M
909
ormais, va remplacer la bienveillante Providence.
La
religion est l’opium du peuple, disait Marx. Je lui réponds que sa cr
910
acer la bienveillante Providence. La religion est
l’
opium du peuple, disait Marx. Je lui réponds que sa croyance au Progrè
911
rx. Je lui réponds que sa croyance au Progrès est
l’
opium de la culture. S’il fallait résumer rapidement les caractères gé
912
réponds que sa croyance au Progrès est l’opium de
la
culture. S’il fallait résumer rapidement les caractères généraux par
913
um de la culture. S’il fallait résumer rapidement
les
caractères généraux par lesquels se trahit la démission de l’esprit,
914
nt les caractères généraux par lesquels se trahit
la
démission de l’esprit, je dirais : goût des automatismes, croyance au
915
s généraux par lesquels se trahit la démission de
l’
esprit, je dirais : goût des automatismes, croyance aux fatalités de l
916
goût des automatismes, croyance aux fatalités de
l’
Histoire et de l’Économie, manie des organisations trop vastes et unif
917
ismes, croyance aux fatalités de l’Histoire et de
l’
Économie, manie des organisations trop vastes et uniformes, optimisme
918
e. Kierkegaard qui osa écrire ce blasphème contre
les
préjugés du siècle : « Le plus grand adversaire de l’esprit, c’est la
919
re ce blasphème contre les préjugés du siècle : «
Le
plus grand adversaire de l’esprit, c’est la presse quotidienne. On ne
920
réjugés du siècle : « Le plus grand adversaire de
l’
esprit, c’est la presse quotidienne. On ne peut plus prêcher le christ
921
e : « Le plus grand adversaire de l’esprit, c’est
la
presse quotidienne. On ne peut plus prêcher le christianisme dans un
922
st la presse quotidienne. On ne peut plus prêcher
le
christianisme dans un monde où règne la presse. » Et Nietzsche, de so
923
s prêcher le christianisme dans un monde où règne
la
presse. » Et Nietzsche, de son côté, dénonçait la manie d’organiser e
924
la presse. » Et Nietzsche, de son côté, dénonçait
la
manie d’organiser et de centraliser en écrivant : « L’État est le plu
925
nie d’organiser et de centraliser en écrivant : «
L’
État est le plus froid parmi les monstres froids. » Mais à part ces de
926
iser et de centraliser en écrivant : « L’État est
le
plus froid parmi les monstres froids. » Mais à part ces deux solitair
927
er en écrivant : « L’État est le plus froid parmi
les
monstres froids. » Mais à part ces deux solitaires, personne ne sut o
928
sonne ne sut ou n’osa voir à quoi devait conduire
le
Progrès, abandonné à son mouvement fatal. Le développement de l’indus
929
uire le Progrès, abandonné à son mouvement fatal.
Le
développement de l’industrie a produit évidemment beaucoup d’automobi
930
ndonné à son mouvement fatal. Le développement de
l’
industrie a produit évidemment beaucoup d’automobiles, de téléphones e
931
beaucoup de confort, mais il a également produit
la
lutte des classes et le chômage, et la grande ville, cette catastroph
932
is il a également produit la lutte des classes et
le
chômage, et la grande ville, cette catastrophe humaine, l’un des désa
933
nt produit la lutte des classes et le chômage, et
la
grande ville, cette catastrophe humaine, l’un des désastres moraux de
934
catastrophe humaine, l’un des désastres moraux de
l’
Histoire. Tout cela, faute d’harmonie et de mesure humaine, faute d’un
935
el ou culturel. Tout cela parce qu’on pensait que
le
Progrès était sain, juste et infaillible, et que la seule tâche série
936
Progrès était sain, juste et infaillible, et que
la
seule tâche sérieuse était de gagner de l’argent en attendant que les
937
et que la seule tâche sérieuse était de gagner de
l’
argent en attendant que les choses s’arrangent d’elles-mêmes. Or, en r
938
euse était de gagner de l’argent en attendant que
les
choses s’arrangent d’elles-mêmes. Or, en réalité, rien ne s’est arran
939
en ne s’est arrangé. Et voici où nous rejoignons
le
temps présent. Dans une cité où la culture n’a plus en fait l’initiat
940
ous rejoignons le temps présent. Dans une cité où
la
culture n’a plus en fait l’initiative, ce sont les lois de la product
941
ent. Dans une cité où la culture n’a plus en fait
l’
initiative, ce sont les lois de la production et de la guerre qui impo
942
la culture n’a plus en fait l’initiative, ce sont
les
lois de la production et de la guerre qui imposent leurs nécessités à
943
’a plus en fait l’initiative, ce sont les lois de
la
production et de la guerre qui imposent leurs nécessités à notre pens
944
itiative, ce sont les lois de la production et de
la
guerre qui imposent leurs nécessités à notre pensée impuissante. Quan
945
eurs nécessités à notre pensée impuissante. Quand
la
culture ne domine plus l’action, c’est l’action qui domine la culture
946
nsée impuissante. Quand la culture ne domine plus
l’
action, c’est l’action qui domine la culture, mais une action qui ne s
947
. Quand la culture ne domine plus l’action, c’est
l’
action qui domine la culture, mais une action qui ne sait plus où elle
948
e domine plus l’action, c’est l’action qui domine
la
culture, mais une action qui ne sait plus où elle va ! Et la société
949
mais une action qui ne sait plus où elle va ! Et
la
société à son tour ne tarde pas à se défaire. Dès que la pensée se sé
950
été à son tour ne tarde pas à se défaire. Dès que
la
pensée se sépare de l’action, les hommes se trouvent séparés les uns
951
pas à se défaire. Dès que la pensée se sépare de
l’
action, les hommes se trouvent séparés les uns des autres. Chacun, dan
952
défaire. Dès que la pensée se sépare de l’action,
les
hommes se trouvent séparés les uns des autres. Chacun, dans sa spécia
953
épare de l’action, les hommes se trouvent séparés
les
uns des autres. Chacun, dans sa spécialité, suit des voies totalement
954
res et privées de commune mesure. Décadence de
la
communauté Je préciserai ce que j’appelle ici la commune mesure d’
955
communauté Je préciserai ce que j’appelle ici
la
commune mesure d’une civilisation : c’est le principe qui doit harmon
956
ici la commune mesure d’une civilisation : c’est
le
principe qui doit harmoniser toutes les activités d’une société donné
957
on : c’est le principe qui doit harmoniser toutes
les
activités d’une société donnée. Dans la cité grecque, par exemple, to
958
r toutes les activités d’une société donnée. Dans
la
cité grecque, par exemple, tout était rapporté à la mesure de l’indiv
959
cité grecque, par exemple, tout était rapporté à
la
mesure de l’individu raisonnable. Dans l’Empire romain, tout était ré
960
, par exemple, tout était rapporté à la mesure de
l’
individu raisonnable. Dans l’Empire romain, tout était réglé par le dr
961
porté à la mesure de l’individu raisonnable. Dans
l’
Empire romain, tout était réglé par le droit d’État. Chez les Juifs, c
962
nable. Dans l’Empire romain, tout était réglé par
le
droit d’État. Chez les Juifs, c’était la Loi de Moïse qui ordonnait t
963
omain, tout était réglé par le droit d’État. Chez
les
Juifs, c’était la Loi de Moïse qui ordonnait toute l’existence dans s
964
églé par le droit d’État. Chez les Juifs, c’était
la
Loi de Moïse qui ordonnait toute l’existence dans ses plus minutieux
965
uifs, c’était la Loi de Moïse qui ordonnait toute
l’
existence dans ses plus minutieux détails. Au Moyen Âge, la théologie.
966
ce dans ses plus minutieux détails. Au Moyen Âge,
la
théologie. Dans toutes ces civilisations, l’action obéissait spontané
967
Âge, la théologie. Dans toutes ces civilisations,
l’
action obéissait spontanément aux mêmes lois que la pensée. Mais aujou
968
’action obéissait spontanément aux mêmes lois que
la
pensée. Mais aujourd’hui que la Loi des Juifs, le droit et la théolog
969
ux mêmes lois que la pensée. Mais aujourd’hui que
la
Loi des Juifs, le droit et la théologie sont méprisés ou ignorés, mai
970
la pensée. Mais aujourd’hui que la Loi des Juifs,
le
droit et la théologie sont méprisés ou ignorés, maintenant que tout,
971
ais aujourd’hui que la Loi des Juifs, le droit et
la
théologie sont méprisés ou ignorés, maintenant que tout, dans le mond
972
nt méprisés ou ignorés, maintenant que tout, dans
le
monde, échappe aux prises de l’esprit humain, il ne reste qu’un seul
973
nt que tout, dans le monde, échappe aux prises de
l’
esprit humain, il ne reste qu’un seul principe pour mesurer la valeur
974
ain, il ne reste qu’un seul principe pour mesurer
la
valeur de nos actes : c’est l’Argent. Et quand il n’y a plus d’argent
975
ncipe pour mesurer la valeur de nos actes : c’est
l’
Argent. Et quand il n’y a plus d’argent, c’est la misère. Et quand la
976
l’Argent. Et quand il n’y a plus d’argent, c’est
la
misère. Et quand la misère est trop grande, alors c’est l’État-provid
977
il n’y a plus d’argent, c’est la misère. Et quand
la
misère est trop grande, alors c’est l’État-providence qui se charge d
978
. Et quand la misère est trop grande, alors c’est
l’
État-providence qui se charge de tout mettre au pas. Le malheur, c’est
979
t-providence qui se charge de tout mettre au pas.
Le
malheur, c’est que l’Argent et l’État sont des principes qui ne valen
980
arge de tout mettre au pas. Le malheur, c’est que
l’
Argent et l’État sont des principes qui ne valent rien dans le domaine
981
mettre au pas. Le malheur, c’est que l’Argent et
l’
État sont des principes qui ne valent rien dans le domaine de l’esprit
982
l’État sont des principes qui ne valent rien dans
le
domaine de l’esprit. Et dès lors, la culture en chômage se corrompt r
983
s principes qui ne valent rien dans le domaine de
l’
esprit. Et dès lors, la culture en chômage se corrompt rapidement, s’a
984
nt rien dans le domaine de l’esprit. Et dès lors,
la
culture en chômage se corrompt rapidement, s’asservit. Je vous en don
985
que chacun de vous peut vérifier quotidiennement.
Le
fondement et le symbole de toute culture, c’est le langage. Or nous a
986
us peut vérifier quotidiennement. Le fondement et
le
symbole de toute culture, c’est le langage. Or nous assistons aujourd
987
e fondement et le symbole de toute culture, c’est
le
langage. Or nous assistons aujourd’hui à une extraordinaire décadence
988
e, en tous pays. Au cours des siècles précédents,
les
hommes d’une même société s’entendaient sur le sens de certains mots
989
, les hommes d’une même société s’entendaient sur
le
sens de certains mots fondamentaux que j’appellerai les lieux communs
990
ns de certains mots fondamentaux que j’appellerai
les
lieux communs. C’était sur la base de ces mots définis une fois pour
991
x que j’appellerai les lieux communs. C’était sur
la
base de ces mots définis une fois pour toutes que les échanges d’idée
992
base de ces mots définis une fois pour toutes que
les
échanges d’idées pouvaient se produire sans erreur ni malentendu. Les
993
pouvaient se produire sans erreur ni malentendu.
Les
lieux communs étaient donc à la base de toute la vie sociale du siècl
994
r ni malentendu. Les lieux communs étaient donc à
la
base de toute la vie sociale du siècle. Que sont-ils devenus parmi no
995
Les lieux communs étaient donc à la base de toute
la
vie sociale du siècle. Que sont-ils devenus parmi nous ? Prenons troi
996
ils devenus parmi nous ? Prenons trois mots parmi
les
plus fréquents dans les discours et les écrits de notre époque : espr
997
Prenons trois mots parmi les plus fréquents dans
les
discours et les écrits de notre époque : esprit, liberté et ordre. Je
998
ots parmi les plus fréquents dans les discours et
les
écrits de notre époque : esprit, liberté et ordre. Je constate que le
999
poque : esprit, liberté et ordre. Je constate que
le
mot esprit a déjà vingt-neuf sens différents dans le dictionnaire de
1000
mot esprit a déjà vingt-neuf sens différents dans
le
dictionnaire de Littré. Mais cela n’est pas un mal, car ces sens, jus
1001
personne ne s’entend. Tout le monde veut défendre
l’
esprit, mais pour certains, c’est le Saint-Esprit de la théologie, pou
1002
veut défendre l’esprit, mais pour certains, c’est
le
Saint-Esprit de la théologie, pour d’autres, c’est la raison humaine
1003
rit, mais pour certains, c’est le Saint-Esprit de
la
théologie, pour d’autres, c’est la raison humaine ou l’ensemble de la
1004
aint-Esprit de la théologie, pour d’autres, c’est
la
raison humaine ou l’ensemble de la culture. Pour celui-ci, l’esprit s
1005
ologie, pour d’autres, c’est la raison humaine ou
l’
ensemble de la culture. Pour celui-ci, l’esprit signifiera le luxe des
1006
’autres, c’est la raison humaine ou l’ensemble de
la
culture. Pour celui-ci, l’esprit signifiera le luxe des délicats, et
1007
maine ou l’ensemble de la culture. Pour celui-ci,
l’
esprit signifiera le luxe des délicats, et pour cet autre, l’activité
1008
de la culture. Pour celui-ci, l’esprit signifiera
le
luxe des délicats, et pour cet autre, l’activité révolutionnaire des
1009
gnifiera le luxe des délicats, et pour cet autre,
l’
activité révolutionnaire des créateurs. Si j’affirme que mon but est d
1010
créateurs. Si j’affirme que mon but est de sauver
l’
esprit, le marxiste en déduira que je néglige la vie concrète, que je
1011
Si j’affirme que mon but est de sauver l’esprit,
le
marxiste en déduira que je néglige la vie concrète, que je m’évade da
1012
r l’esprit, le marxiste en déduira que je néglige
la
vie concrète, que je m’évade dans le spiritualisme, alors que je ne v
1013
e je néglige la vie concrète, que je m’évade dans
le
spiritualisme, alors que je ne vois de salut pour l’esprit que dans l
1014
spiritualisme, alors que je ne vois de salut pour
l’
esprit que dans la présence effective de la pensée et de la foi à tout
1015
rs que je ne vois de salut pour l’esprit que dans
la
présence effective de la pensée et de la foi à toutes les misères de
1016
t pour l’esprit que dans la présence effective de
la
pensée et de la foi à toutes les misères de ce monde. La liberté : to
1017
que dans la présence effective de la pensée et de
la
foi à toutes les misères de ce monde. La liberté : tout le monde l’in
1018
ence effective de la pensée et de la foi à toutes
les
misères de ce monde. La liberté : tout le monde l’invoque, n’est-ce p
1019
ée et de la foi à toutes les misères de ce monde.
La
liberté : tout le monde l’invoque, n’est-ce pas ? Mais pour l’économi
1020
s misères de ce monde. La liberté : tout le monde
l’
invoque, n’est-ce pas ? Mais pour l’économiste libéral, cela signifie
1021
tout le monde l’invoque, n’est-ce pas ? Mais pour
l’
économiste libéral, cela signifie le droit de ruiner le voisin par le
1022
s ? Mais pour l’économiste libéral, cela signifie
le
droit de ruiner le voisin par le jeu de la concurrence ; pour l’indiv
1023
nomiste libéral, cela signifie le droit de ruiner
le
voisin par le jeu de la concurrence ; pour l’individualiste anarchisa
1024
l, cela signifie le droit de ruiner le voisin par
le
jeu de la concurrence ; pour l’individualiste anarchisant, ce sera le
1025
gnifie le droit de ruiner le voisin par le jeu de
la
concurrence ; pour l’individualiste anarchisant, ce sera le refus d’o
1026
ner le voisin par le jeu de la concurrence ; pour
l’
individualiste anarchisant, ce sera le refus d’obéir à l’État ; dans t
1027
ence ; pour l’individualiste anarchisant, ce sera
le
refus d’obéir à l’État ; dans tel pays, la liberté consiste à s’armer
1028
idualiste anarchisant, ce sera le refus d’obéir à
l’
État ; dans tel pays, la liberté consiste à s’armer jusqu’aux dents au
1029
e sera le refus d’obéir à l’État ; dans tel pays,
la
liberté consiste à s’armer jusqu’aux dents au prix de dures privation
1030
prix de dures privations ; dans un deuxième pays,
la
liberté signifiera le droit pour le plus fort de s’annexer un voisin
1031
ns ; dans un deuxième pays, la liberté signifiera
le
droit pour le plus fort de s’annexer un voisin faible ; dans un trois
1032
euxième pays, la liberté signifiera le droit pour
le
plus fort de s’annexer un voisin faible ; dans un troisième pays, la
1033
nnexer un voisin faible ; dans un troisième pays,
la
liberté sera tout simplement la permission de dire à haute voix ce qu
1034
n troisième pays, la liberté sera tout simplement
la
permission de dire à haute voix ce que l’on pense. Et quand ces trois
1035
plement la permission de dire à haute voix ce que
l’
on pense. Et quand ces trois pays se feront la guerre, ils la feront t
1036
que l’on pense. Et quand ces trois pays se feront
la
guerre, ils la feront tous au nom de la liberté… Et l’ordre enfin sig
1037
Et quand ces trois pays se feront la guerre, ils
la
feront tous au nom de la liberté… Et l’ordre enfin signifiera tantôt
1038
se feront la guerre, ils la feront tous au nom de
la
liberté… Et l’ordre enfin signifiera tantôt le statu quo social, si a
1039
erre, ils la feront tous au nom de la liberté… Et
l’
ordre enfin signifiera tantôt le statu quo social, si absurde qu’il so
1040
de la liberté… Et l’ordre enfin signifiera tantôt
le
statu quo social, si absurde qu’il soit, tantôt l’établissement d’une
1041
e statu quo social, si absurde qu’il soit, tantôt
l’
établissement d’une hiérarchie nouvelle au prix d’une révolution, tant
1042
rarchie nouvelle au prix d’une révolution, tantôt
la
suppression physique de tous ceux qui critiquent le désordre établi,
1043
suppression physique de tous ceux qui critiquent
le
désordre établi, tantôt le fait qu’on n’assassine plus dans la rue ma
1044
us ceux qui critiquent le désordre établi, tantôt
le
fait qu’on n’assassine plus dans la rue mais seulement dans les priso
1045
tabli, tantôt le fait qu’on n’assassine plus dans
la
rue mais seulement dans les prisons d’État. Je n’hésite pas à le dire
1046
n’assassine plus dans la rue mais seulement dans
les
prisons d’État. Je n’hésite pas à le dire : l’une des causes principa
1047
lement dans les prisons d’État. Je n’hésite pas à
le
dire : l’une des causes principales de la mésentente des peuples rési
1048
e pas à le dire : l’une des causes principales de
la
mésentente des peuples réside dans ce désordre du langage, et dans l’
1049
uples réside dans ce désordre du langage, et dans
l’
absence de toute autorité morale capable d’y porter remède. Car qui pe
1050
d’y porter remède. Car qui peut fixer aujourd’hui
le
véritable sens des mots ? En d’autres temps, c’étaient l’Église et la
1051
able sens des mots ? En d’autres temps, c’étaient
l’
Église et la théologie qui s’en chargeaient. Puis ce furent les écriva
1052
s mots ? En d’autres temps, c’étaient l’Église et
la
théologie qui s’en chargeaient. Puis ce furent les écrivains. Mais qu
1053
la théologie qui s’en chargeaient. Puis ce furent
les
écrivains. Mais que peuvent-ils dans notre monde démesuré ? Un Valéry
1054
del ont quelques milliers de lecteurs, tandis que
la
presse du soir et la radio atteignent chaque jour des millions d’homm
1055
iers de lecteurs, tandis que la presse du soir et
la
radio atteignent chaque jour des millions d’hommes, et c’est tout un
1056
d’hommes, et c’est tout un domaine du langage que
l’
écrivain ne contrôle pas, ne forme pas, n’atteint même pas. Ainsi se c
1057
et leur sens, et leur délicatesse d’appel. Alors
les
écrivains, qui n’ont pas d’autres armes que les mots, se voient privé
1058
s les écrivains, qui n’ont pas d’autres armes que
les
mots, se voient privés de tout moyen d’agir. Leurs conseils, leurs ap
1059
ir. Leurs conseils, leurs appels ne portent plus.
Les
hommes échangent des paroles en plus grand nombre que jamais, et ne s
1060
jamais, et ne se disent rien qui compte. Or quand
la
parole se détruit, quand elle n’est plus le don qu’un homme fait à un
1061
quand la parole se détruit, quand elle n’est plus
le
don qu’un homme fait à un homme, et qui engage quelque chose de son ê
1062
e, et qui engage quelque chose de son être, c’est
l’
amitié humaine qui se détruit, le fondement même de toute communauté.
1063
son être, c’est l’amitié humaine qui se détruit,
le
fondement même de toute communauté. Alors paraît le règne de la force
1064
fondement même de toute communauté. Alors paraît
le
règne de la force ! Si nulle autorité spirituelle ne peut fixer le se
1065
ême de toute communauté. Alors paraît le règne de
la
force ! Si nulle autorité spirituelle ne peut fixer le sens des mots,
1066
rce ! Si nulle autorité spirituelle ne peut fixer
le
sens des mots, la propagande brutale s’en chargera. À la place des gr
1067
orité spirituelle ne peut fixer le sens des mots,
la
propagande brutale s’en chargera. À la place des grands lieux communs
1068
des mots, la propagande brutale s’en chargera. À
la
place des grands lieux communs chargés de sens traditionnel, nous aur
1069
rons des slogans, des mots d’ordre simplistes. Et
l’
on pourra changer le sens des mots sept fois par an, selon les besoins
1070
s mots d’ordre simplistes. Et l’on pourra changer
le
sens des mots sept fois par an, selon les besoins de la cause. C’est
1071
changer le sens des mots sept fois par an, selon
les
besoins de la cause. C’est ainsi que tout récemment le ministre d’une
1072
s des mots sept fois par an, selon les besoins de
la
cause. C’est ainsi que tout récemment le ministre d’une grande puissa
1073
soins de la cause. C’est ainsi que tout récemment
le
ministre d’une grande puissance, le camarade Molotov, déclarait que l
1074
out récemment le ministre d’une grande puissance,
le
camarade Molotov, déclarait que le mot d’agression avait changé de se
1075
nde puissance, le camarade Molotov, déclarait que
le
mot d’agression avait changé de sens depuis ce printemps, « les événe
1076
ssion avait changé de sens depuis ce printemps, «
les
événements lui ayant donné un contenu historique nouveau », exactemen
1077
ntenu historique nouveau », exactement inverse de
l’
ancien… Cela me fit songer irrésistiblement à un dialogue d’Alice au p
1078
e que je veux qu’il signifie… ni plus ni moins. —
La
question est de savoir, dit Alice, si vous pouvez faire que les mêmes
1079
st de savoir, dit Alice, si vous pouvez faire que
les
mêmes mots signifient des choses différentes ? — La question est de s
1080
mêmes mots signifient des choses différentes ? —
La
question est de savoir, dit Humpty Dumpty, qui est le plus fort… et c
1081
uestion est de savoir, dit Humpty Dumpty, qui est
le
plus fort… et c’est tout. » Nous en sommes exactement là : c’est le p
1082
’est tout. » Nous en sommes exactement là : c’est
le
plus fort qui définit le sens des mots et qui l’impose à son caprice.
1083
es exactement là : c’est le plus fort qui définit
le
sens des mots et qui l’impose à son caprice. Eh ! bien, je dis que lo
1084
le plus fort qui définit le sens des mots et qui
l’
impose à son caprice. Eh ! bien, je dis que lorsqu’on en arrive à une
1085
rrive à une pareille décadence des lieux communs,
la
culture est à l’agonie. Mais en même temps, la vie sociale et politiq
1086
lle décadence des lieux communs, la culture est à
l’
agonie. Mais en même temps, la vie sociale et politique devient pratiq
1087
s, la culture est à l’agonie. Mais en même temps,
la
vie sociale et politique devient pratiquement impossible. Les masses
1088
ale et politique devient pratiquement impossible.
Les
masses le sentent aussi bien que les chefs, obscurément, dans les tro
1089
tique devient pratiquement impossible. Les masses
le
sentent aussi bien que les chefs, obscurément, dans les trop grands p
1090
impossible. Les masses le sentent aussi bien que
les
chefs, obscurément, dans les trop grands pays. C’est une angoisse inf
1091
ntent aussi bien que les chefs, obscurément, dans
les
trop grands pays. C’est une angoisse informulée, mais dont les signes
1092
ds pays. C’est une angoisse informulée, mais dont
les
signes sont partout. L’appel au dictateur Or maintenant, de cet
1093
informulée, mais dont les signes sont partout.
L’
appel au dictateur Or maintenant, de cette angoisse monte un appel,
1094
Or maintenant, de cette angoisse monte un appel,
le
formidable et inconscient appel des masses vers une communauté humain
1095
maine rénovée dans son esprit et dans ses signes,
l’
appel de toute l’Europe du xxe siècle vers une commune mesure restaur
1096
s son esprit et dans ses signes, l’appel de toute
l’
Europe du xxe siècle vers une commune mesure restaurée et vivante. Et
1097
e et vivante. Et c’est à cet appel qu’ont répondu
les
chefs des grands mouvements collectivistes. Tout leur génie, s’il fau
1098
leur en reconnaître, a consisté à deviner — avant
les
intellectuels ! — la vraie nature de l’angoisse des foules, pour lui
1099
consisté à deviner — avant les intellectuels ! —
la
vraie nature de l’angoisse des foules, pour lui donner une réponse à
1100
— avant les intellectuels ! — la vraie nature de
l’
angoisse des foules, pour lui donner une réponse à la fois frappante e
1101
dit. C’est bien simple. Nous allons proclamer que
l’
intérêt de l’État dont nous sommes devenus les maîtres est la seule rè
1102
en simple. Nous allons proclamer que l’intérêt de
l’
État dont nous sommes devenus les maîtres est la seule règle de toute
1103
que l’intérêt de l’État dont nous sommes devenus
les
maîtres est la seule règle de toute activité, culturelle, politique,
1104
e l’État dont nous sommes devenus les maîtres est
la
seule règle de toute activité, culturelle, politique, ou même religie
1105
u même religieuse. » C’était un coup de génie, si
le
génie consiste à deviner et à prévenir les inconscients désirs d’une
1106
nie, si le génie consiste à deviner et à prévenir
les
inconscients désirs d’une nation. Mais on peut avoir du génie et fair
1107
es chefs étaient horriblement pressés, à cause de
la
misère que subissaient leurs peuples. Et voici la faute de calcul qu’
1108
la misère que subissaient leurs peuples. Et voici
la
faute de calcul qu’ils me paraissent avoir commise : ils ont voulu im
1109
araissent avoir commise : ils ont voulu imposer à
l’
ensemble des principes qui étaient partiels. La discipline d’État, ou
1110
à l’ensemble des principes qui étaient partiels.
La
discipline d’État, ou le sang, ou la classe, ce sont certes des réali
1111
es qui étaient partiels. La discipline d’État, ou
le
sang, ou la classe, ce sont certes des réalités. Mais des réalités pa
1112
nt partiels. La discipline d’État, ou le sang, ou
la
classe, ce sont certes des réalités. Mais des réalités partielles. Si
1113
es des réalités. Mais des réalités partielles. Si
la
loi qu’on impose à tous est calculée seulement pour certains types, s
1114
une odieuse tyrannie pour tous ceux qui débordent
le
cadre, c’est autant dire pour tous les hommes vraiment humains. L’app
1115
i débordent le cadre, c’est autant dire pour tous
les
hommes vraiment humains. L’appel des peuples reste insatisfait. Il co
1116
utant dire pour tous les hommes vraiment humains.
L’
appel des peuples reste insatisfait. Il continue à nous poser la plus
1117
uples reste insatisfait. Il continue à nous poser
la
plus sérieuse question humaine. Et s’il n’est pas encore aussi tragiq
1118
re aussi tragique dans des pays moins menacés par
la
misère, comme par exemple nos petits États neutres, ne nous faisons p
1119
igera une réponse. Reste à savoir si nous saurons
la
lui donner, si nous saurons utiliser le délai qui nous est accordé, à
1120
s saurons la lui donner, si nous saurons utiliser
le
délai qui nous est accordé, à nous les neutres, pour découvrir les vr
1121
ns utiliser le délai qui nous est accordé, à nous
les
neutres, pour découvrir les vraies causes du mal, et non seulement po
1122
s est accordé, à nous les neutres, pour découvrir
les
vraies causes du mal, et non seulement pour décrire ses remèdes, mais
1123
ement pour décrire ses remèdes, mais surtout pour
les
essayer sur nous d’abord. À la recherche de l’homme réel … Sur
1124
s surtout pour les essayer sur nous d’abord. À
la
recherche de l’homme réel … Sur quel principe pourrions-nous rebât
1125
es essayer sur nous d’abord. À la recherche de
l’
homme réel … Sur quel principe pourrions-nous rebâtir un monde qui
1126
qui soit vraiment à hauteur d’homme ? Un monde où
la
pensée, la culture et l’esprit soient de nouveau capables d’agir ? Et
1127
aiment à hauteur d’homme ? Un monde où la pensée,
la
culture et l’esprit soient de nouveau capables d’agir ? Et quelle est
1128
ur d’homme ? Un monde où la pensée, la culture et
l’
esprit soient de nouveau capables d’agir ? Et quelle est l’attitude de
1129
soient de nouveau capables d’agir ? Et quelle est
l’
attitude de pensée qui peut nous orienter dès à présent vers une commu
1130
? Il nous faut rapprendre à penser, à penser dans
le
train de l’action, oui, à penser avec les mains. Il nous faut voir qu
1131
ut rapprendre à penser, à penser dans le train de
l’
action, oui, à penser avec les mains. Il nous faut voir que tout dépen
1132
ut commence à changer. S’il ne change pas, toutes
les
réformes matérielles sont inutiles et tournent au malheur. Car le mal
1133
rielles sont inutiles et tournent au malheur. Car
le
mal qui est dans l’action n’a pas d’autres racines que le mal qui est
1134
s et tournent au malheur. Car le mal qui est dans
l’
action n’a pas d’autres racines que le mal qui est dans la pensée. Et
1135
ui est dans l’action n’a pas d’autres racines que
le
mal qui est dans la pensée. Et voici sa racine profonde : politiciens
1136
n’a pas d’autres racines que le mal qui est dans
la
pensée. Et voici sa racine profonde : politiciens ou intellectuels, t
1137
e : politiciens ou intellectuels, tous ont oublié
l’
homme dans leurs calculs, ou bien se sont trompés sur sa nature. Ils o
1138
t est faux, et c’est pourquoi leurs efforts, même
les
plus sincères, aboutissent au malheur de l’homme. Dans ce monde qui a
1139
même les plus sincères, aboutissent au malheur de
l’
homme. Dans ce monde qui a perdu la mesure, le seul devoir des intelle
1140
au malheur de l’homme. Dans ce monde qui a perdu
la
mesure, le seul devoir des intellectuels — et j’ajouterai : leur seul
1141
de l’homme. Dans ce monde qui a perdu la mesure,
le
seul devoir des intellectuels — et j’ajouterai : leur seul pouvoir —
1142
ai : leur seul pouvoir — c’est donc de rechercher
l’
homme perdu. Or l’histoire nous apprend que l’homme ne trouve sa plein
1143
voir — c’est donc de rechercher l’homme perdu. Or
l’
histoire nous apprend que l’homme ne trouve sa pleine réalité et sa me
1144
her l’homme perdu. Or l’histoire nous apprend que
l’
homme ne trouve sa pleine réalité et sa mesure qu’au sein d’un groupe
1145
i trop vaste ni trop étroit. Il n’est pas bon que
l’
homme soit seul ; il n’est pas bon non plus que l’homme soit foule. Le
1146
l’homme soit seul ; il n’est pas bon non plus que
l’
homme soit foule. Le monde rationaliste et libéral supposait que l’hum
1147
il n’est pas bon non plus que l’homme soit foule.
Le
monde rationaliste et libéral supposait que l’humanité n’était qu’un
1148
e. Le monde rationaliste et libéral supposait que
l’
humanité n’était qu’un assemblage d’individus, d’hommes qui avaient su
1149
s droits légaux, et très peu de devoirs naturels.
L’
individu rationaliste, c’était un homme in abstracto, privé d’attaches
1150
tait un homme in abstracto, privé d’attaches avec
le
sol, la patrie et l’hérédité. C’était un homme libéré des servitudes
1151
homme in abstracto, privé d’attaches avec le sol,
la
patrie et l’hérédité. C’était un homme libéré des servitudes et des t
1152
racto, privé d’attaches avec le sol, la patrie et
l’
hérédité. C’était un homme libéré des servitudes et des tabous de la t
1153
t un homme libéré des servitudes et des tabous de
la
tribu, mais en même temps privé de relations concrètes. Or la communa
1154
is en même temps privé de relations concrètes. Or
la
communauté des hommes se fonde d’abord sur des relations charnelles e
1155
relations charnelles et concrètes. C’est pourquoi
l’
individualisme qui les néglige est une doctrine antisociale. Elle a po
1156
et concrètes. C’est pourquoi l’individualisme qui
les
néglige est une doctrine antisociale. Elle a pour effet mécanique de
1157
r toute communauté naturelle. Et alors se produit
le
phénomène auquel nous avons assisté depuis une trentaine d’années. L’
1158
nous avons assisté depuis une trentaine d’années.
L’
homme isolé, dans un monde trop vaste, ne se sent plus porté au sein d
1159
e résistance aux courants d’opinion, aux modes, à
la
publicité des grandes firmes et des grands partis politiques. À ce mo
1160
al. C’est une sorte d’angoisse diffuse, d’où naît
le
besoin d’un coude à coude où l’individu isolé retrouve des contrainte
1161
iffuse, d’où naît le besoin d’un coude à coude où
l’
individu isolé retrouve des contraintes qui le rassurent. Appel à une
1162
où l’individu isolé retrouve des contraintes qui
le
rassurent. Appel à une communauté : c’est le secret de toute révoluti
1163
qui le rassurent. Appel à une communauté : c’est
le
secret de toute révolution. Alors, d’un coup de balancier, nous nous
1164
nous nous trouvons portés à l’autre pôle, qui est
le
pôle collectiviste. Toute l’histoire de l’Europe peut être ramenée à
1165
’autre pôle, qui est le pôle collectiviste. Toute
l’
histoire de l’Europe peut être ramenée à ces grands balancements d’un
1166
ui est le pôle collectiviste. Toute l’histoire de
l’
Europe peut être ramenée à ces grands balancements d’un pôle à l’autre
1167
à ces grands balancements d’un pôle à l’autre. À
l’
anarchie individualiste de la Grèce répond l’étatisme romain. Au colle
1168
un pôle à l’autre. À l’anarchie individualiste de
la
Grèce répond l’étatisme romain. Au collectivisme sacral du Moyen Âge
1169
e. À l’anarchie individualiste de la Grèce répond
l’
étatisme romain. Au collectivisme sacral du Moyen Âge répond la révolt
1170
main. Au collectivisme sacral du Moyen Âge répond
la
révolte individualiste de la Renaissance. Et aujourd’hui, nouvelle os
1171
du Moyen Âge répond la révolte individualiste de
la
Renaissance. Et aujourd’hui, nouvelle oscillation du balancier : le v
1172
aujourd’hui, nouvelle oscillation du balancier :
le
vide social créé par l’individualisme du siècle passé appelle une pui
1173
scillation du balancier : le vide social créé par
l’
individualisme du siècle passé appelle une puissante réaction collecti
1174
Sortirons-nous jamais de cette dialectique, dont
les
phases et les renversements menacent aujourd’hui d’anéantir l’Europe
1175
s jamais de cette dialectique, dont les phases et
les
renversements menacent aujourd’hui d’anéantir l’Europe ? Il s’agit de
1176
les renversements menacent aujourd’hui d’anéantir
l’
Europe ? Il s’agit de résoudre enfin l’éternel problème que nous posen
1177
d’anéantir l’Europe ? Il s’agit de résoudre enfin
l’
éternel problème que nous posent les relations de l’individu et de la
1178
résoudre enfin l’éternel problème que nous posent
les
relations de l’individu et de la collectivité. Il s’agit de voir que
1179
éternel problème que nous posent les relations de
l’
individu et de la collectivité. Il s’agit de voir que l’homme concret
1180
que nous posent les relations de l’individu et de
la
collectivité. Il s’agit de voir que l’homme concret n’est pas le Robi
1181
vidu et de la collectivité. Il s’agit de voir que
l’
homme concret n’est pas le Robinson d’une île déserte, ni l’anonyme nu
1182
. Il s’agit de voir que l’homme concret n’est pas
le
Robinson d’une île déserte, ni l’anonyme numéro d’un rang, mais qu’il
1183
ncret n’est pas le Robinson d’une île déserte, ni
l’
anonyme numéro d’un rang, mais qu’il est à la fois un être unique et u
1184
upe, être un homme libre et pourtant relié, c’est
l’
idéal de l’homme occidental. N’allons pas dire que c’est une utopie !
1185
n homme libre et pourtant relié, c’est l’idéal de
l’
homme occidental. N’allons pas dire que c’est une utopie ! Car ce prob
1186
t idéal réalisé, au ier siècle de notre ère, par
les
communautés de l’Église primitive. Le chrétien primitif est un homme
1187
ier siècle de notre ère, par les communautés de
l’
Église primitive. Le chrétien primitif est un homme qui, du fait de sa
1188
e ère, par les communautés de l’Église primitive.
Le
chrétien primitif est un homme qui, du fait de sa conversion, se trou
1189
se trouve chargé d’une vocation particulière qui
le
distingue de tous ses voisins ; mais d’autre part, cette vocation uni
1190
oisins ; mais d’autre part, cette vocation unique
le
met en relation avec des frères et l’introduit dans une communauté no
1191
tion unique le met en relation avec des frères et
l’
introduit dans une communauté nouvelle. Voilà l’homme que j’appelle un
1192
t l’introduit dans une communauté nouvelle. Voilà
l’
homme que j’appelle une personne : il est à la fois libre et engagé, e
1193
bre et engagé, et il est libéré par cela même qui
l’
engage envers son prochain, je veux dire par sa vocation. Eh bien, je
1194
je veux dire par sa vocation. Eh bien, je dis que
les
maux dont nous souffrons sont avant tout des maladies de la personne.
1195
nt nous souffrons sont avant tout des maladies de
la
personne. Quand l’homme oublie qu’il est responsable de sa vocation e
1196
ont avant tout des maladies de la personne. Quand
l’
homme oublie qu’il est responsable de sa vocation envers ses prochains
1197
cation envers lui-même, il devient collectiviste.
L’
homme complet et réel, c’est celui qui se sait à la fois libre d’être
1198
sait à la fois libre d’être soi-même vis-à-vis de
l’
ensemble, et engagé vis-à-vis de cet ensemble par l’exercice d’une voc
1199
ensemble, et engagé vis-à-vis de cet ensemble par
l’
exercice d’une vocation qui le relie à ses prochains. C’est pour cet h
1200
de cet ensemble par l’exercice d’une vocation qui
le
relie à ses prochains. C’est pour cet homme réel qu’il faut tout rebâ
1201
ons montré que c’est justement cet homme-là qui a
le
plus de peine à subsister ou à se former dans le monde moderne. Car s
1202
le plus de peine à subsister ou à se former dans
le
monde moderne. Car supposez qu’un homme se sente une vocation et déci
1203
ez qu’un homme se sente une vocation et décide de
la
réaliser. Il se trouve en présence d’un monde que l’histoire et la so
1204
réaliser. Il se trouve en présence d’un monde que
l’
histoire et la sociologie ont encombré de lois fatales. Que peut-il se
1205
e trouve en présence d’un monde que l’histoire et
la
sociologie ont encombré de lois fatales. Que peut-il seul, contre ces
1206
as du tout de sa vocation personnelle. Voici donc
le
dilemme où nous placent la culture actuelle et le monde actuel : ou b
1207
ersonnelle. Voici donc le dilemme où nous placent
la
culture actuelle et le monde actuel : ou bien tu veux rester toi-même
1208
le dilemme où nous placent la culture actuelle et
le
monde actuel : ou bien tu veux rester toi-même, mais alors tu ne pour
1209
Par un changement d’état d’esprit aussi bien chez
les
intellectuels créateurs que chez les amateurs de vraie culture, les l
1210
si bien chez les intellectuels créateurs que chez
les
amateurs de vraie culture, les lecteurs, le public cultivé. Car c’est
1211
créateurs que chez les amateurs de vraie culture,
les
lecteurs, le public cultivé. Car c’est de ce changement d’état d’espr
1212
chez les amateurs de vraie culture, les lecteurs,
le
public cultivé. Car c’est de ce changement d’état d’esprit que sortir
1213
’est de ce changement d’état d’esprit que sortira
la
possibilité de repenser une société. Raisons d’espérer : la cultur
1214
é de repenser une société. Raisons d’espérer :
la
culture et les groupes Je voudrais vous dire, maintenant, les rais
1215
une société. Raisons d’espérer : la culture et
les
groupes Je voudrais vous dire, maintenant, les raisons que j’ai d’
1216
les groupes Je voudrais vous dire, maintenant,
les
raisons que j’ai d’espérer, après avoir tant critiqué. Je voudrais vo
1217
vous énumérer les premiers succès remportés, dans
la
bataille de la culture moderne, par l’esprit créateur sur l’esprit fa
1218
es premiers succès remportés, dans la bataille de
la
culture moderne, par l’esprit créateur sur l’esprit fataliste. Ce qui
1219
rtés, dans la bataille de la culture moderne, par
l’
esprit créateur sur l’esprit fataliste. Ce qui paralysait les intellec
1220
de la culture moderne, par l’esprit créateur sur
l’
esprit fataliste. Ce qui paralysait les intellectuels qui sentaient le
1221
réateur sur l’esprit fataliste. Ce qui paralysait
les
intellectuels qui sentaient le besoin d’agir sur les destins de la ci
1222
Ce qui paralysait les intellectuels qui sentaient
le
besoin d’agir sur les destins de la cité, c’était, depuis Hegel, Augu
1223
intellectuels qui sentaient le besoin d’agir sur
les
destins de la cité, c’était, depuis Hegel, Auguste Comte, et Marx, l’
1224
qui sentaient le besoin d’agir sur les destins de
la
cité, c’était, depuis Hegel, Auguste Comte, et Marx, l’idée que l’His
1225
é, c’était, depuis Hegel, Auguste Comte, et Marx,
l’
idée que l’Histoire obéit à des lois contre lesquelles l’homme ne peut
1226
depuis Hegel, Auguste Comte, et Marx, l’idée que
l’
Histoire obéit à des lois contre lesquelles l’homme ne peut rien. Conc
1227
que l’Histoire obéit à des lois contre lesquelles
l’
homme ne peut rien. Conception très lugubre, mais commode, car elle ju
1228
n très lugubre, mais commode, car elle justifiait
l’
inaction ou la retraite dans les bibliothèques. Or cette idée de lois
1229
, mais commode, car elle justifiait l’inaction ou
la
retraite dans les bibliothèques. Or cette idée de lois fatales avait
1230
ar elle justifiait l’inaction ou la retraite dans
les
bibliothèques. Or cette idée de lois fatales avait été empruntée à la
1231
cette idée de lois fatales avait été empruntée à
la
science, et transportée abusivement dans les domaines plus humains de
1232
tée à la science, et transportée abusivement dans
les
domaines plus humains de l’histoire, de la sociologie, et même de la
1233
tée abusivement dans les domaines plus humains de
l’
histoire, de la sociologie, et même de la psychologie. Et voici que ce
1234
dans les domaines plus humains de l’histoire, de
la
sociologie, et même de la psychologie. Et voici que cette idée paraly
1235
mains de l’histoire, de la sociologie, et même de
la
psychologie. Et voici que cette idée paralysante est en train de subi
1236
bir certains coups décisifs : ce sont précisément
les
hommes de science qui, les premiers, cessent d’y croire. Ils ont reco
1237
ire. Ils ont reconnu, depuis quelques années, que
la
notion de lois tout objectives, de lois absolument indépendantes de l
1238
t objectives, de lois absolument indépendantes de
l’
homme, n’était qu’une illusion rationaliste. Qu’il me suffise de rappe
1239
on rationaliste. Qu’il me suffise de rappeler ici
les
découvertes de la physique des quanta : elle a prouvé que l’observati
1240
’il me suffise de rappeler ici les découvertes de
la
physique des quanta : elle a prouvé que l’observation microscopique m
1241
tes de la physique des quanta : elle a prouvé que
l’
observation microscopique modifie en réalité les phénomènes que l’on o
1242
ue l’observation microscopique modifie en réalité
les
phénomènes que l’on observe. Et les savants nous disent aujourd’hui q
1243
croscopique modifie en réalité les phénomènes que
l’
on observe. Et les savants nous disent aujourd’hui que les fameuses lo
1244
ie en réalité les phénomènes que l’on observe. Et
les
savants nous disent aujourd’hui que les fameuses lois scientifiques n
1245
serve. Et les savants nous disent aujourd’hui que
les
fameuses lois scientifiques ne sont en fait que de commodes conventio
1246
s, dépendant des systèmes de mesures inventés par
l’
esprit humain. Or si la science elle-même vient nous dire que même dan
1247
es de mesures inventés par l’esprit humain. Or si
la
science elle-même vient nous dire que même dans l’ordre matériel, il
1248
a science elle-même vient nous dire que même dans
l’
ordre matériel, il n’est plus permis de concevoir une observation impa
1249
combien plus forte raison pourrons-nous dénoncer
l’
illusion des historiens et sociologues qui prétendaient décrire object
1250
ociologues qui prétendaient décrire objectivement
les
lois rigides de notre société. En vérité, il n’est de lois fatales q
1251
é. En vérité, il n’est de lois fatales que là où
l’
esprit démissionne. Toute action créatrice de l’homme normal inflige u
1252
ù l’esprit démissionne. Toute action créatrice de
l’
homme normal inflige un démenti aux lois et fait mentir les statistiqu
1253
normal inflige un démenti aux lois et fait mentir
les
statistiques. Ainsi les lois de la publicité ne sont exactes que dans
1254
i aux lois et fait mentir les statistiques. Ainsi
les
lois de la publicité ne sont exactes que dans la mesure où l’homme n’
1255
t fait mentir les statistiques. Ainsi les lois de
la
publicité ne sont exactes que dans la mesure où l’homme n’est qu’un m
1256
les lois de la publicité ne sont exactes que dans
la
mesure où l’homme n’est qu’un mouton ; elles sont fausses et inexista
1257
a publicité ne sont exactes que dans la mesure où
l’
homme n’est qu’un mouton ; elles sont fausses et inexistantes dès qu’u
1258
besoins de sa personne. Il n’y a de loi, répétons-
le
, que là où l’homme renonce à se manifester selon sa vocation particul
1259
personne. Il n’y a de loi, répétons-le, que là où
l’
homme renonce à se manifester selon sa vocation particulière. Si j’ins
1260
c’est qu’il est particulièrement libérateur pour
la
pensée et la culture en général, dans notre époque totalitaire. Nul n
1261
est particulièrement libérateur pour la pensée et
la
culture en général, dans notre époque totalitaire. Nul n’ignore, en e
1262
e époque totalitaire. Nul n’ignore, en effet, que
les
États totalitaires justifient les rigueurs de leur régime au nom de l
1263
, en effet, que les États totalitaires justifient
les
rigueurs de leur régime au nom de lois économiques, ou historiques, o
1264
nt vraies, qu’en vertu d’une immense démission de
l’
esprit civique dans les trop grands pays. Elles ne traduisent en fait
1265
d’une immense démission de l’esprit civique dans
les
trop grands pays. Elles ne traduisent en fait qu’un immense affaissem
1266
qu’un immense affaissement du sens personnel dans
les
parties de l’humanité contemporaine exténuées par la misère. Les solu
1267
ffaissement du sens personnel dans les parties de
l’
humanité contemporaine exténuées par la misère. Les solutions totalita
1268
parties de l’humanité contemporaine exténuées par
la
misère. Les solutions totalitaires, malgré leurs manifestations bruta
1269
l’humanité contemporaine exténuées par la misère.
Les
solutions totalitaires, malgré leurs manifestations brutales et le to
1270
litaires, malgré leurs manifestations brutales et
le
ton sur lequel on les prône, ne sont en fait que des solutions de par
1271
s manifestations brutales et le ton sur lequel on
les
prône, ne sont en fait que des solutions de paresse intellectuelle, d
1272
utions de misère, fardées de rhétorique héroïque.
Le
seul moyen de prévenir ces simplifications violentes qui jouent la co
1273
prévenir ces simplifications violentes qui jouent
la
comédie de l’énergie, c’est de développer soi-même une énergie normal
1274
implifications violentes qui jouent la comédie de
l’
énergie, c’est de développer soi-même une énergie normale et souple. O
1275
et de nouveau possible. Notre culture libérée de
la
superstition des lois fatales peut envisager de nouveau d’influencer
1276
is fatales peut envisager de nouveau d’influencer
le
monde réel, ramené en droit, — sinon déjà en fait — aux proportions d
1277
droit, — sinon déjà en fait — aux proportions de
l’
esprit humain et de ses prises. Mais quelles seront alors les directiv
1278
umain et de ses prises. Mais quelles seront alors
les
directives de cette action redevenue possible ? Je ne voudrais pas, i
1279
e possible ? Je ne voudrais pas, ici, partir dans
l’
utopie. Je ne pense pas que les principes fondamentaux d’une société p
1280
s, ici, partir dans l’utopie. Je ne pense pas que
les
principes fondamentaux d’une société plus harmonieuse puissent être f
1281
ue. Ils doivent mûrir, et lentement se dégager de
l’
ensemble de mille efforts orientés par une même espérance. L’effort de
1282
de mille efforts orientés par une même espérance.
L’
effort des Églises, tout d’abord. Jusqu’à l’ère du rationalisme, les É
1283
ance. L’effort des Églises, tout d’abord. Jusqu’à
l’
ère du rationalisme, les Églises ont été les grandes pourvoyeuses de l
1284
ses, tout d’abord. Jusqu’à l’ère du rationalisme,
les
Églises ont été les grandes pourvoyeuses de lieux communs pour la cit
1285
usqu’à l’ère du rationalisme, les Églises ont été
les
grandes pourvoyeuses de lieux communs pour la cité. La théologie médi
1286
té les grandes pourvoyeuses de lieux communs pour
la
cité. La théologie médiévale, par les Sommes de Thomas d’Aquin, fixai
1287
andes pourvoyeuses de lieux communs pour la cité.
La
théologie médiévale, par les Sommes de Thomas d’Aquin, fixait à la pe
1288
communs pour la cité. La théologie médiévale, par
les
Sommes de Thomas d’Aquin, fixait à la pensée et à l’action des règles
1289
évale, par les Sommes de Thomas d’Aquin, fixait à
la
pensée et à l’action des règles véritablement communes, ordonnées à u
1290
Sommes de Thomas d’Aquin, fixait à la pensée et à
l’
action des règles véritablement communes, ordonnées à une même foi, à
1291
, à une même espérance. Ainsi encore, au temps de
la
Réformation, l’Institution chrétienne de Jean Calvin. Mais dans l’épo
1292
érance. Ainsi encore, au temps de la Réformation,
l’
Institution chrétienne de Jean Calvin. Mais dans l’époque moderne les
1293
’Institution chrétienne de Jean Calvin. Mais dans
l’
époque moderne les Églises ont paru, elles aussi, se détourner de tout
1294
tienne de Jean Calvin. Mais dans l’époque moderne
les
Églises ont paru, elles aussi, se détourner de toute action régulatri
1295
ssi, se détourner de toute action régulatrice sur
la
cité. Elles ont assisté sans mot dire à l’essor du capitalisme et aux
1296
ce sur la cité. Elles ont assisté sans mot dire à
l’
essor du capitalisme et aux transformations sociales qu’il provoquait.
1297
transformations sociales qu’il provoquait. Comme
la
culture elles ont renoncé à diriger, à avertir, à orienter. Et c’est
1298
ncé à diriger, à avertir, à orienter. Et c’est là
le
secret du triomphe des grands mouvements collectivistes. Si le marxis
1299
triomphe des grands mouvements collectivistes. Si
le
marxisme, par exemple, a fasciné les masses ouvrières, c’est parce qu
1300
ctivistes. Si le marxisme, par exemple, a fasciné
les
masses ouvrières, c’est parce qu’il s’est chargé de la mission social
1301
sses ouvrières, c’est parce qu’il s’est chargé de
la
mission sociale qu’avaient trahie toutes les Églises. Nicolas Berdiae
1302
gé de la mission sociale qu’avaient trahie toutes
les
Églises. Nicolas Berdiaev l’a bien vu : le bolchévisme fut le châtime
1303
aient trahie toutes les Églises. Nicolas Berdiaev
l’
a bien vu : le bolchévisme fut le châtiment d’un christianisme devenu
1304
outes les Églises. Nicolas Berdiaev l’a bien vu :
le
bolchévisme fut le châtiment d’un christianisme devenu passif devant
1305
Nicolas Berdiaev l’a bien vu : le bolchévisme fut
le
châtiment d’un christianisme devenu passif devant le monde. Or il me
1306
châtiment d’un christianisme devenu passif devant
le
monde. Or il me semble que, là encore, un réveil soulève les Églises.
1307
Or il me semble que, là encore, un réveil soulève
les
Églises. Elles ont compris qu’il ne suffisait pas de dénoncer les doc
1308
es ont compris qu’il ne suffisait pas de dénoncer
les
doctrines païennes mais qu’il fallait répondre mieux que ces doctrine
1309
qu’il fallait répondre mieux que ces doctrines à
la
question posée par l’angoisse des foules. D’où les encycliques social
1310
e mieux que ces doctrines à la question posée par
l’
angoisse des foules. D’où les encycliques sociales données par les deu
1311
la question posée par l’angoisse des foules. D’où
les
encycliques sociales données par les deux derniers papes. Et les cong
1312
foules. D’où les encycliques sociales données par
les
deux derniers papes. Et les congrès de Stockholm et d’Oxford ont mont
1313
sociales données par les deux derniers papes. Et
les
congrès de Stockholm et d’Oxford ont montré que les autres Églises n’
1314
s congrès de Stockholm et d’Oxford ont montré que
les
autres Églises n’entendaient pas demeurer en arrière. Presque tout re
1315
. Presque tout reste à faire, c’est certain. Mais
l’
important, c’est qu’enfin les Églises retrouvent leur rôle de directio
1316
, c’est certain. Mais l’important, c’est qu’enfin
les
Églises retrouvent leur rôle de direction dans tous les ordres de la
1317
lises retrouvent leur rôle de direction dans tous
les
ordres de la pensée et de l’action. J’ai insisté sur le rôle des Égli
1318
nt leur rôle de direction dans tous les ordres de
la
pensée et de l’action. J’ai insisté sur le rôle des Églises parce qu’
1319
direction dans tous les ordres de la pensée et de
l’
action. J’ai insisté sur le rôle des Églises parce qu’elles sont le ty
1320
res de la pensée et de l’action. J’ai insisté sur
le
rôle des Églises parce qu’elles sont le type même des groupes au sein
1321
sisté sur le rôle des Églises parce qu’elles sont
le
type même des groupes au sein desquels la culture d’Occident a toujou
1322
es sont le type même des groupes au sein desquels
la
culture d’Occident a toujours trouvé ses mesures. Bien d’autres group
1323
urs trouvé ses mesures. Bien d’autres groupes, je
le
sais, sont à l’œuvre, Mouvement des groupes d’Oxford, mouvement des g
1324
esures. Bien d’autres groupes, je le sais, sont à
l’
œuvre, Mouvement des groupes d’Oxford, mouvement des groupes personnal
1325
cet esprit d’équipe qui seul peut nous guérir de
l’
individualisme, tout en prévenant la maladie collectiviste. C’est dans
1326
ous guérir de l’individualisme, tout en prévenant
la
maladie collectiviste. C’est dans cette volonté de recréer des groupe
1327
C’est dans cette volonté de recréer des groupes à
la
mesure de la personne, matériellement et moralement, que je vois la c
1328
tte volonté de recréer des groupes à la mesure de
la
personne, matériellement et moralement, que je vois la commune mesure
1329
rsonne, matériellement et moralement, que je vois
la
commune mesure de la cité qu’il nous faut rebâtir. Cité solide et pou
1330
t et moralement, que je vois la commune mesure de
la
cité qu’il nous faut rebâtir. Cité solide et pourtant libérale : c’es
1331
ir. Cité solide et pourtant libérale : c’est tout
le
problème à résoudre. La solution fédéraliste Par quelle voie ?
1332
libérale : c’est tout le problème à résoudre.
La
solution fédéraliste Par quelle voie ? Je n’aime pas beaucoup la t
1333
liste Par quelle voie ? Je n’aime pas beaucoup
la
tolérance, vertu qui naît en somme d’un scepticisme, car elle suppose
1334
t en somme d’un scepticisme, car elle suppose que
la
pensée de l’autre, qu’on tolère, ne passera jamais dans les actes. Je
1335
de l’autre, qu’on tolère, ne passera jamais dans
les
actes. Je n’aime pas non plus l’intolérance qui veut tout uniformiser
1336
era jamais dans les actes. Je n’aime pas non plus
l’
intolérance qui veut tout uniformiser, et qui est donc une mort de l’e
1337
eut tout uniformiser, et qui est donc une mort de
l’
esprit. La tolérance était la pâle vertu des libéraux individualistes.
1338
niformiser, et qui est donc une mort de l’esprit.
La
tolérance était la pâle vertu des libéraux individualistes. L’intolér
1339
est donc une mort de l’esprit. La tolérance était
la
pâle vertu des libéraux individualistes. L’intolérance est la sombre
1340
était la pâle vertu des libéraux individualistes.
L’
intolérance est la sombre vertu des partisans collectivistes. De leur
1341
u des libéraux individualistes. L’intolérance est
la
sombre vertu des partisans collectivistes. De leur lutte est sortie l
1342
artisans collectivistes. De leur lutte est sortie
la
guerre. Le seul moyen de dépasser cette mauvaise position du problème
1343
llectivistes. De leur lutte est sortie la guerre.
Le
seul moyen de dépasser cette mauvaise position du problème, c’est de
1344
vaise position du problème, c’est de prévoir pour
la
cité et la culture une structure fédéraliste. Le fédéralisme, en effe
1345
ion du problème, c’est de prévoir pour la cité et
la
culture une structure fédéraliste. Le fédéralisme, en effet, suppose
1346
la cité et la culture une structure fédéraliste.
Le
fédéralisme, en effet, suppose des petits groupes et non des masses,
1347
upe qu’une vocation peut s’exercer. D’autre part,
le
fédéralisme suppose des groupes diversifiés, et par là même il offre
1348
groupes diversifiés, et par là même il offre tous
les
avantages de la tolérance libérale, mais non pas ses inconvénients :
1349
és, et par là même il offre tous les avantages de
la
tolérance libérale, mais non pas ses inconvénients : car chacun dans
1350
mais non pas ses inconvénients : car chacun dans
le
groupe où il est né, ou dans le groupe qu’il a choisi, peut donner le
1351
: car chacun dans le groupe où il est né, ou dans
le
groupe qu’il a choisi, peut donner le meilleur de soi-même, aller au
1352
né, ou dans le groupe qu’il a choisi, peut donner
le
meilleur de soi-même, aller au terme de sa pensée, jusqu’à l’acte qui
1353
de soi-même, aller au terme de sa pensée, jusqu’à
l’
acte qui la rend sérieuse. Refaire un monde et une culture sur la base
1354
, aller au terme de sa pensée, jusqu’à l’acte qui
la
rend sérieuse. Refaire un monde et une culture sur la base de la dive
1355
end sérieuse. Refaire un monde et une culture sur
la
base de la diversité des personnes et des vocations, — c’est aujourd’
1356
e. Refaire un monde et une culture sur la base de
la
diversité des personnes et des vocations, — c’est aujourd’hui le seul
1357
s personnes et des vocations, — c’est aujourd’hui
le
seul moyen de préparer une paix solide. Car, après tout, qu’est-ce qu
1358
r une paix solide. Car, après tout, qu’est-ce que
la
guerre actuelle ? C’est la rançon fatale du gigantisme et de la démis
1359
ès tout, qu’est-ce que la guerre actuelle ? C’est
la
rançon fatale du gigantisme et de la démission de la culture. C’est l
1360
elle ? C’est la rançon fatale du gigantisme et de
la
démission de la culture. C’est la faillite des systèmes centralistes
1361
rançon fatale du gigantisme et de la démission de
la
culture. C’est la faillite des systèmes centralistes et de l’esprit d
1362
igantisme et de la démission de la culture. C’est
la
faillite des systèmes centralistes et de l’esprit d’uniformisation. O
1363
C’est la faillite des systèmes centralistes et de
l’
esprit d’uniformisation. Or le contraire exact de cet esprit, c’est ju
1364
centralistes et de l’esprit d’uniformisation. Or
le
contraire exact de cet esprit, c’est justement l’esprit fédéraliste,
1365
le contraire exact de cet esprit, c’est justement
l’
esprit fédéraliste, avec sa devise paradoxale : Un pour tous, tous pou
1366
riotiques ? — ou plutôt à des conclusions qui par
la
plus extraordinaire des rencontres, se trouvent être également valabl
1367
également valables pour ceux qui veulent défendre
la
culture, et pour ceux qui veulent rester Suisses. La guerre actuelle
1368
culture, et pour ceux qui veulent rester Suisses.
La
guerre actuelle manifeste avant tout la faillite retentissante des sy
1369
Suisses. La guerre actuelle manifeste avant tout
la
faillite retentissante des systèmes centralisateurs et gigantesques.
1370
s systèmes centralisateurs et gigantesques. C’est
la
guerre la plus antisuisse de toute l’histoire. C’est donc pour nous l
1371
centralisateurs et gigantesques. C’est la guerre
la
plus antisuisse de toute l’histoire. C’est donc pour nous la pire men
1372
ques. C’est la guerre la plus antisuisse de toute
l’
histoire. C’est donc pour nous la pire menace. Mais en même temps, la
1373
isuisse de toute l’histoire. C’est donc pour nous
la
pire menace. Mais en même temps, la plus belle promesse ! Maintenant,
1374
onc pour nous la pire menace. Mais en même temps,
la
plus belle promesse ! Maintenant, la preuve est faite, attestée par l
1375
même temps, la plus belle promesse ! Maintenant,
la
preuve est faite, attestée par le sang, que la solution suisse et féd
1376
e ! Maintenant, la preuve est faite, attestée par
le
sang, que la solution suisse et fédérale est seule capable de fonder
1377
t, la preuve est faite, attestée par le sang, que
la
solution suisse et fédérale est seule capable de fonder la paix, puis
1378
on suisse et fédérale est seule capable de fonder
la
paix, puisque l’autre aboutit à la guerre. Ce n’est pas notre orgueil
1379
able de fonder la paix, puisque l’autre aboutit à
la
guerre. Ce n’est pas notre orgueil qui l’imagine, ce sont les faits q
1380
outit à la guerre. Ce n’est pas notre orgueil qui
l’
imagine, ce sont les faits qui nous obligent à le reconnaître avec une
1381
Ce n’est pas notre orgueil qui l’imagine, ce sont
les
faits qui nous obligent à le reconnaître avec une tragique évidence.
1382
l’imagine, ce sont les faits qui nous obligent à
le
reconnaître avec une tragique évidence. Et c’est cela que nous avons
1383
idence. Et c’est cela que nous avons à défendre :
la
réalité fédéraliste en politique et dans tous les domaines de la cult
1384
la réalité fédéraliste en politique et dans tous
les
domaines de la culture, le seul avenir possible de l’Europe. Le seul
1385
raliste en politique et dans tous les domaines de
la
culture, le seul avenir possible de l’Europe. Le seul lieu où cet ave
1386
olitique et dans tous les domaines de la culture,
le
seul avenir possible de l’Europe. Le seul lieu où cet avenir soit, d’
1387
omaines de la culture, le seul avenir possible de
l’
Europe. Le seul lieu où cet avenir soit, d’ores et déjà, un présent. I
1388
la culture, le seul avenir possible de l’Europe.
Le
seul lieu où cet avenir soit, d’ores et déjà, un présent. Il ne s’agi
1389
, peut-être mieux !) Ce n’est pas non plus, comme
le
disait fort bien Karl Barth, pour protéger nos « lacs d’azur » et nos
1390
t nos « glaciers sublimes ». (Certain ministre de
la
propagande se chargerait très volontiers de ce travail de Heimatschut
1391
atschutz.) Si nous sommes là, c’est pour exécuter
la
mission dont nous sommes responsables, depuis des siècles, devant l’E
1392
s sommes responsables, depuis des siècles, devant
l’
Europe. Nous sommes chargés de la défendre contre elle-même, de garder
1393
siècles, devant l’Europe. Nous sommes chargés de
la
défendre contre elle-même, de garder son trésor, d’affirmer sa santé,
1394
sérieuses pour notre indépendance. Mais pourquoi
la
trahirions-nous ? Toute notre tradition civique et culturelle nous a
1395
re de mission. On parle un peu partout de fédérer
l’
Europe. Cela ne se fera pas en un jour, ni même pendant les quelques s
1396
. Cela ne se fera pas en un jour, ni même pendant
les
quelques semaines fiévreuses d’un congrès de la paix improvisé dans l
1397
les quelques semaines fiévreuses d’un congrès de
la
paix improvisé dans l’épuisement général. Cela ne se fera que si des
1398
fiévreuses d’un congrès de la paix improvisé dans
l’
épuisement général. Cela ne se fera que si des hommes solides, informé
1399
s ne peuvent guère exister et travailler que dans
les
pays neutres. Et chez nous tout d’abord, puisqu’il s’agit en somme d’
1400
e fédérateurs, d’hommes qui comprennent enfin que
l’
heure est venue pour nous autres Suisses, de voir grand, de voir aux p
1401
uisses, de voir grand, de voir aux proportions de
l’
Europe moderne, tout en gardant la mesure de notre histoire, la mesure
1402
proportions de l’Europe moderne, tout en gardant
la
mesure de notre histoire, la mesure de l’individu engagé dans la comm
1403
rne, tout en gardant la mesure de notre histoire,
la
mesure de l’individu engagé dans la communauté. Cette œuvre n’est pas
1404
gardant la mesure de notre histoire, la mesure de
l’
individu engagé dans la communauté. Cette œuvre n’est pas utopique. Ca
1405
tre histoire, la mesure de l’individu engagé dans
la
communauté. Cette œuvre n’est pas utopique. Car je me refuse à nommer
1406
st pas utopique. Car je me refuse à nommer utopie
le
seul espoir qui nous soit accordé. Encore faut-il que cet espoir soit
1407
peuple, et qu’il ne se laisse pas décourager par
les
sceptiques professionnels, par tous les paresseux d’esprit qui se pré
1408
rager par les sceptiques professionnels, par tous
les
paresseux d’esprit qui se prétendent réalistes. Encore faut-il — et j
1409
pas sur une erreur profonde quant aux pouvoirs de
l’
homme et à ses fins terrestres. En appelant et préparant de toutes nos
1410
monde humain. Non pas un monde d’utopie où toutes
les
luttes s’apaiseraient par miracle, mais un monde où les luttes nécess
1411
ttes s’apaiseraient par miracle, mais un monde où
les
luttes nécessaires n’aboutissent pas mécaniquement et fatalement à de
1412
ement et fatalement à des catastrophes cosmiques.
La
vie de la cité et de la culture, ce sera toujours une bataille. Entre
1413
atalement à des catastrophes cosmiques. La vie de
la
cité et de la culture, ce sera toujours une bataille. Entre l’esprit
1414
s catastrophes cosmiques. La vie de la cité et de
la
culture, ce sera toujours une bataille. Entre l’esprit de lourdeur, c
1415
la culture, ce sera toujours une bataille. Entre
l’
esprit de lourdeur, comme disait Nietzsche, et les forces de création,
1416
l’esprit de lourdeur, comme disait Nietzsche, et
les
forces de création, la lutte sera toujours ouverte, tant qu’il y aura
1417
omme disait Nietzsche, et les forces de création,
la
lutte sera toujours ouverte, tant qu’il y aura du péché sur la terre.
1418
toujours ouverte, tant qu’il y aura du péché sur
la
terre. Non, l’heure n’est pas au facile optimisme, dans une Europe to
1419
te, tant qu’il y aura du péché sur la terre. Non,
l’
heure n’est pas au facile optimisme, dans une Europe tout obscurcie pa
1420
ile optimisme, dans une Europe tout obscurcie par
la
menace des avions. L’heure est plutôt venue de répéter la question du
1421
e Europe tout obscurcie par la menace des avions.
L’
heure est plutôt venue de répéter la question du prophète Isaïe : « Se
1422
e des avions. L’heure est plutôt venue de répéter
la
question du prophète Isaïe : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? »
1423
n du prophète Isaïe : « Sentinelle, que dis-tu de
la
nuit ? » La sentinelle a répondu : « Le matin vient, et la nuit aussi
1424
e Isaïe : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? »
La
sentinelle a répondu : « Le matin vient, et la nuit aussi ! » La paix
1425
dis-tu de la nuit ? » La sentinelle a répondu : «
Le
matin vient, et la nuit aussi ! » La paix que nous devons invoquer ne
1426
» La sentinelle a répondu : « Le matin vient, et
la
nuit aussi ! » La paix que nous devons invoquer ne peut pas être une
1427
répondu : « Le matin vient, et la nuit aussi ! »
La
paix que nous devons invoquer ne peut pas être une simple absence de
1428
et s’obscurcit. Mais qu’elle nous donne au moins
la
possibilité de rendre un sens aux conflits éternels, — un sens, et s’
1429
sens, et s’il se peut, une fécondité… Pendant que
les
autres font la guerre, ils n’ont pas le temps de préparer un monde hu
1430
peut, une fécondité… Pendant que les autres font
la
guerre, ils n’ont pas le temps de préparer un monde humain. Mais nous
1431
dant que les autres font la guerre, ils n’ont pas
le
temps de préparer un monde humain. Mais nous qui avons encore su cons
1432
ais nous qui avons encore su conserver une cité à
la
mesure de la personne, nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pa
1433
avons encore su conserver une cité à la mesure de
la
personne, nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai
1434
pas notre délai de grâce : c’est à nous de gagner
la
vraie paix, c’est à nous d’engager sans illusion le vrai combat qui n
1435
vraie paix, c’est à nous d’engager sans illusion
le
vrai combat qui nous maintienne humains. Tout cela, un jeune poète de
1436
ut cela, un jeune poète de génie, Arthur Rimbaud,
l’
a dit d’un seul trait prophétique : « Le combat spirituel est aussi br
1437
Rimbaud, l’a dit d’un seul trait prophétique : «
Le
combat spirituel est aussi brutal que la bataille d’hommes, mais la v
1438
ique : « Le combat spirituel est aussi brutal que
la
bataille d’hommes, mais la vision de la justice est le plaisir de Die
1439
l est aussi brutal que la bataille d’hommes, mais
la
vision de la justice est le plaisir de Dieu seul. » c. Rougemont
1440
rutal que la bataille d’hommes, mais la vision de
la
justice est le plaisir de Dieu seul. » c. Rougemont Denis de, « L
1441
taille d’hommes, mais la vision de la justice est
le
plaisir de Dieu seul. » c. Rougemont Denis de, « La bataille de l
1442
isir de Dieu seul. » c. Rougemont Denis de, «
La
bataille de la culture », Les Cahiers protestants, Lausanne, janvier–
1443
ul. » c. Rougemont Denis de, « La bataille de
la
culture », Les Cahiers protestants, Lausanne, janvier–février 1940, p
1444
ougemont Denis de, « La bataille de la culture »,
Les
Cahiers protestants, Lausanne, janvier–février 1940, p. 9-36. d. Une
1445
se : « Conférence prononcée au Rathaus de Zurich,
le
15 janvier 1940. — Le manque de place nous a contraint d’abréger. »
1446
oncée au Rathaus de Zurich, le 15 janvier 1940. —
Le
manque de place nous a contraint d’abréger. »
1447
L’
heure sévère (juin 1940)e f Il est des pessimistes par tempérament.
1448
tempérament. Leurs propos ne renseignent pas sur
l’
état des faits dans le monde, mais seulement sur l’état de leurs nerfs
1449
opos ne renseignent pas sur l’état des faits dans
le
monde, mais seulement sur l’état de leurs nerfs. Sans intérêt. Ce qu’
1450
’état des faits dans le monde, mais seulement sur
l’
état de leurs nerfs. Sans intérêt. Ce qu’il nous faut à l’heure que no
1451
e leurs nerfs. Sans intérêt. Ce qu’il nous faut à
l’
heure que nous vivons, ce sont des pessimistes réfléchis, maîtres d’eu
1452
hommes qui pensent et qui agissent conformément à
la
maxime du Taciturne : « Pas n’est besoin d’espérer pour entreprendre,
1453
cette espèce est rare en Suisse, comme dans tous
les
petits pays où l’ère bourgeoise, ère du « confort moderne » et de l’a
1454
are en Suisse, comme dans tous les petits pays où
l’
ère bourgeoise, ère du « confort moderne » et de l’absence d’imaginati
1455
’ère bourgeoise, ère du « confort moderne » et de
l’
absence d’imagination, prolonge encore une existence brutalement conda
1456
cette guerre. Nous avons trop longtemps vécu dans
l’
atmosphère rassurante créée par le matérialisme modéré du dernier sièc
1457
temps vécu dans l’atmosphère rassurante créée par
le
matérialisme modéré du dernier siècle. Nous ne savons plus prendre au
1458
nous dépasse », tant par en haut que par en bas.
La
croyance au Progrès nous a mis des œillères. Et quand soudain la rout
1459
Progrès nous a mis des œillères. Et quand soudain
la
route normale se trouve barrée ou coupée par un précipice, nous voici
1460
cipice, nous voici piteusement indignés. Pourtant
le
précipice était prévu. Mais encore fallait-il y croire. Or le matéria
1461
était prévu. Mais encore fallait-il y croire. Or
le
matérialisme modéré dans lequel nous étions installés nous mettait ho
1462
lés nous mettait hors d’état d’imaginer à la fois
le
sublime et le pire. « Trop beau pour être vrai », c’était un de nos p
1463
it hors d’état d’imaginer à la fois le sublime et
le
pire. « Trop beau pour être vrai », c’était un de nos proverbes. Et l
1464
it de certains dangers formidables qui menaçaient
l’
existence même de l’héritage européen, nous répondions : « C’est trop
1465
rs formidables qui menaçaient l’existence même de
l’
héritage européen, nous répondions : « C’est trop affreux pour être vr
1466
rt à nos sécurités. Cette inconscience j’en dirai
la
cause : celui qui ne croit pas en Dieu ne sait pas non plus croire au
1467
ait pas non plus croire au diable, et ne sait pas
le
reconnaître. À l’origine de notre aveuglement, il y a incrédulité. Si
1468
roire au diable, et ne sait pas le reconnaître. À
l’
origine de notre aveuglement, il y a incrédulité. Si Dieu existait, pl
1469
ous aime. Si nous avions su croire en lui pendant
le
temps de sa patience, nous aurions eu « des yeux pour voir », et pour
1470
ions eu « des yeux pour voir », et pour connaître
les
démons. Voici venu le temps de la colère, le temps des plaies d’Égypt
1471
voir », et pour connaître les démons. Voici venu
le
temps de la colère, le temps des plaies d’Égypte, où les cœurs s’endu
1472
pour connaître les démons. Voici venu le temps de
la
colère, le temps des plaies d’Égypte, où les cœurs s’endurcissent. Vo
1473
tre les démons. Voici venu le temps de la colère,
le
temps des plaies d’Égypte, où les cœurs s’endurcissent. Voici venue l
1474
ps de la colère, le temps des plaies d’Égypte, où
les
cœurs s’endurcissent. Voici venue l’heure sévère. Ouvrons les yeux et
1475
’Égypte, où les cœurs s’endurcissent. Voici venue
l’
heure sévère. Ouvrons les yeux et apprenons ce qu’il en est de notre c
1476
endurcissent. Voici venue l’heure sévère. Ouvrons
les
yeux et apprenons ce qu’il en est de notre châtiment. ⁂ L’Europe est
1477
t apprenons ce qu’il en est de notre châtiment. ⁂
L’
Europe est en train de payer le prix d’un siècle d’abandon à l’optimis
1478
notre châtiment. ⁂ L’Europe est en train de payer
le
prix d’un siècle d’abandon à l’optimisme du Progrès. Pendant un siècl
1479
en train de payer le prix d’un siècle d’abandon à
l’
optimisme du Progrès. Pendant un siècle, elle fit la sourde oreille, a
1480
optimisme du Progrès. Pendant un siècle, elle fit
la
sourde oreille, avec un petit air entendu, quand certains lui posaien
1481
ertains lui posaient cette question : à quoi tend
le
progrès matériel ? Question stupide et irritante, n’est-ce pas, aux y
1482
n’est-ce pas, aux yeux de qui refuse d’envisager
la
vie comme une totalité orientée par l’esprit. L’esprit prévoit le mal
1483
’envisager la vie comme une totalité orientée par
l’
esprit. L’esprit prévoit le mal et tient compte du péché. Il sait que
1484
la vie comme une totalité orientée par l’esprit.
L’
esprit prévoit le mal et tient compte du péché. Il sait que les invent
1485
totalité orientée par l’esprit. L’esprit prévoit
le
mal et tient compte du péché. Il sait que les inventions humaines peu
1486
voit le mal et tient compte du péché. Il sait que
les
inventions humaines peuvent être employées contre l’homme ; que l’avi
1487
inventions humaines peuvent être employées contre
l’
homme ; que l’aviation n’a nullement transformé les conditions de notr
1488
aines peuvent être employées contre l’homme ; que
l’
aviation n’a nullement transformé les conditions de notre bonheur, mai
1489
l’homme ; que l’aviation n’a nullement transformé
les
conditions de notre bonheur, mais bien celles de notre malheur. Mais
1490
bonheur, mais bien celles de notre malheur. Mais
l’
optimisme du matérialiste modéré ne veut prévoir que le profit d’argen
1491
imisme du matérialiste modéré ne veut prévoir que
le
profit d’argent et l’augmentation du confort. Il refuse de se demande
1492
modéré ne veut prévoir que le profit d’argent et
l’
augmentation du confort. Il refuse de se demander à quoi servira cet a
1493
se de se demander à quoi servira cet argent ou si
le
confort matériel favorise un bien spirituel. À la première de ces que
1494
ématique des maux prochains. J’écris ceci pendant
la
bataille de France. Est-il trop tard pour répéter ces vérités élément
1495
p tard pour répéter ces vérités élémentaires, que
le
sérieux des gouvernants, des hommes d’affaires, des penseurs officiel
1496
a refusé pendant cent ans d’envisager ? Pourtant,
les
plus grands hommes du dernier siècle furent unanimes à prévoir le des
1497
ommes du dernier siècle furent unanimes à prévoir
le
destin qui maintenant nous surprend. Nous avons eu bien assez de prop
1498
vons eu bien assez de prophètes. Nous n’avons pas
le
droit de gémir que les avertissements nous ont manqué. Le dossier de
1499
prophètes. Nous n’avons pas le droit de gémir que
les
avertissements nous ont manqué. Le dossier de ces avertissements est
1500
de gémir que les avertissements nous ont manqué.
Le
dossier de ces avertissements est écrasant pour la conscience europée
1501
e dossier de ces avertissements est écrasant pour
la
conscience européenne : vous y trouverez les plus grands noms de la p
1502
pour la conscience européenne : vous y trouverez
les
plus grands noms de la pensée, qui furent aussi les plus cyniquement
1503
péenne : vous y trouverez les plus grands noms de
la
pensée, qui furent aussi les plus cyniquement méconnus. Vous y trouve
1504
s plus grands noms de la pensée, qui furent aussi
les
plus cyniquement méconnus. Vous y trouverez les témoignages convergen
1505
i les plus cyniquement méconnus. Vous y trouverez
les
témoignages convergents des esprits les plus opposés, unanimes dans l
1506
trouverez les témoignages convergents des esprits
les
plus opposés, unanimes dans la critique du « réalisme » de leur temps
1507
gents des esprits les plus opposés, unanimes dans
la
critique du « réalisme » de leur temps, et dans la prédiction des mau
1508
a critique du « réalisme » de leur temps, et dans
la
prédiction des maux à venir — ceux qui fondent sur nous aujourd’hui.
1509
et ou un Nietzsche ? Rien, sinon leur mépris pour
les
idoles bourgeoises, et leur vision précise du châtiment qui s’abattra
1510
ise du châtiment qui s’abattra nécessairement sur
l’
Occident, si celui-ci persiste à ne prendre au sérieux que les valeurs
1511
si celui-ci persiste à ne prendre au sérieux que
les
valeurs de bourse et la « prosperity ». Kierkegaard nous décrit le rè
1512
e prendre au sérieux que les valeurs de bourse et
la
« prosperity ». Kierkegaard nous décrit le règne de la masse comme ce
1513
rse et la « prosperity ». Kierkegaard nous décrit
le
règne de la masse comme celui des lâchetés individuelles additionnées
1514
prosperity ». Kierkegaard nous décrit le règne de
la
masse comme celui des lâchetés individuelles additionnées, créant un
1515
x dictatures collectivistes. Nietzsche ricane que
le
monde moderne est en train d’adopter « une morale de commerçants », e
1516
vaincu par des ascètes féroces. Vinet prévoit que
les
libertés sociales, si nul effort spirituel ne les oriente, aboutiront
1517
les libertés sociales, si nul effort spirituel ne
les
oriente, aboutiront au despotisme de l’État. Et contre tout l’« écono
1518
ituel ne les oriente, aboutiront au despotisme de
l’
État. Et contre tout l’« économisme » de son temps, il ose écrire : «
1519
boutiront au despotisme de l’État. Et contre tout
l’
« économisme » de son temps, il ose écrire : « Si quelque chose aujour
1520
se écrire : « Si quelque chose aujourd’hui menace
la
liberté, ce n’est pas comme jadis la superstition, […] c’est la préoc
1521
d’hui menace la liberté, ce n’est pas comme jadis
la
superstition, […] c’est la préoccupation, la passion du bien-être mat
1522
n’est pas comme jadis la superstition, […] c’est
la
préoccupation, la passion du bien-être matériel. Sa pente, n’en douto
1523
adis la superstition, […] c’est la préoccupation,
la
passion du bien-être matériel. Sa pente, n’en doutons pas, est du côt
1524
ériel. Sa pente, n’en doutons pas, est du côté de
la
tyrannie. » Et qu’il suffise enfin d’une allusion aux prophéties de B
1525
n d’une allusion aux prophéties de Burckhardt sur
les
« terribles simplificateurs », qui viendront imposer à l’Europe d’imp
1526
ribles simplificateurs », qui viendront imposer à
l’
Europe d’impitoyables dictatures militaires au nom de la liberté et du
1527
pe d’impitoyables dictatures militaires au nom de
la
liberté et du bonheur des masses. Cette unanimité d’esprits partout a
1528
Et maintenant il faut payer. Non point parce que
l’
injustice triomphe, non point parce que Dieu n’existe pas, mais au con
1529
dans son châtiment. Il faut payer. Nous adorions
l’
idole de la prospérité, et l’idole du confort, et l’idole du progrès —
1530
hâtiment. Il faut payer. Nous adorions l’idole de
la
prospérité, et l’idole du confort, et l’idole du progrès — ce progrès
1531
payer. Nous adorions l’idole de la prospérité, et
l’
idole du confort, et l’idole du progrès — ce progrès qui ne sait rien
1532
idole de la prospérité, et l’idole du confort, et
l’
idole du progrès — ce progrès qui ne sait rien que répéter comme une h
1533
sauver » nos vies mêmes, nous voilà condamnés, de
la
manière la plus tragi-comique, à sacrifier notre prospérité, notre co
1534
s vies mêmes, nous voilà condamnés, de la manière
la
plus tragi-comique, à sacrifier notre prospérité, notre confort et no
1535
fort et nos progrès aux nécessités impérieuses de
la
défense nationale. Pour avoir refusé les sacrifices qu’eût entraînés
1536
ieuses de la défense nationale. Pour avoir refusé
les
sacrifices qu’eût entraînés un règlement plus juste des relations soc
1537
ifices mille fois pires, inévitables et stériles.
Le
plus étrange est que ces sacrifices se révèlent parfaitement « possib
1538
es et impraticables aux yeux des « réalistes » de
l’
économie : prélèvement sur le capital ou caisse de compensation, — et
1539
des « réalistes » de l’économie : prélèvement sur
le
capital ou caisse de compensation, — et je ne prends là que de petits
1540
vingt fois moins coûteuses que celles qu’entraîne
la
guerre actuelle. Nous acceptons avec une belle discipline des « effor
1541
rait suffi, en d’autres temps, à supprimer toutes
les
questions sociales. Et cela non pas seulement en Suisse, mais dans to
1542
cela non pas seulement en Suisse, mais dans tous
les
pays de l’Europe ; non seulement sur le plan social, mais sur le plan
1543
s seulement en Suisse, mais dans tous les pays de
l’
Europe ; non seulement sur le plan social, mais sur le plan des relati
1544
ons impossible quand il s’agissait du vivre, nous
le
trouvons parfaitement possible quand il s’agit du mieux mourir ou du
1545
agit du mieux mourir ou du mieux tuer. Eh bien si
la
peur et la guerre sont seules capables d’obtenir de nous un dépasseme
1546
ux mourir ou du mieux tuer. Eh bien si la peur et
la
guerre sont seules capables d’obtenir de nous un dépassement de nos é
1547
dépassement de nos égoïsmes que nous refusions à
l’
amour, pourquoi donc voulez-vous que nous ayons l’amour, et la paix et
1548
l’amour, pourquoi donc voulez-vous que nous ayons
l’
amour, et la paix et la sécurité ? Nous avons la peur et la guerre. No
1549
rquoi donc voulez-vous que nous ayons l’amour, et
la
paix et la sécurité ? Nous avons la peur et la guerre. Nous avons ce
1550
voulez-vous que nous ayons l’amour, et la paix et
la
sécurité ? Nous avons la peur et la guerre. Nous avons ce que mériton
1551
s l’amour, et la paix et la sécurité ? Nous avons
la
peur et la guerre. Nous avons ce que méritons. Nous sommes payés et n
1552
et la paix et la sécurité ? Nous avons la peur et
la
guerre. Nous avons ce que méritons. Nous sommes payés et nous payons
1553
justice à nous. C’est aujourd’hui qu’on en mesure
l’
aune. Ces vérités élémentaires sont dures. Elles ne sont pas originale
1554
tains diront encore qu’elles sont inopportunes, à
l’
heure où nous cherchons des raisons d’espérer ! Mais nul espoir n’est
1555
er ! Mais nul espoir n’est plus possible, sachons-
le
, si nous refusons maintenant encore d’envisager les causes du désastr
1556
e, si nous refusons maintenant encore d’envisager
les
causes du désastre. Envisager, c’est regarder en plein visage. Notre
1557
ger, c’est regarder en plein visage. Notre salut,
le
seul et le dernier possible — quelle que soit l’issue de la guerre —
1558
le seul et le dernier possible — quelle que soit
l’
issue de la guerre — dépend de notre capacité d’accepter des vérités d
1559
le dernier possible — quelle que soit l’issue de
la
guerre — dépend de notre capacité d’accepter des vérités dures. Car t
1560
e capacité d’accepter des vérités dures. Car tout
le
mal est venu de les avoir refusées, avant qu’elles montrent leurs eff
1561
er des vérités dures. Car tout le mal est venu de
les
avoir refusées, avant qu’elles montrent leurs effets aux yeux de tous
1562
culpa » des pacifistes, qui n’ont pas su imaginer
le
mal parce qu’ils croyaient au bien fait de main d’homme. « Mea culpa
1563
stes, qui n’ont pas su imaginer un autre bien que
la
défense toute matérielle d’un ordre de choses vicié dans son principe
1564
d’un ordre de choses vicié dans son principe ; ou
la
conquête, mais qui tue ce qu’elle conquiert. « Mea culpa » des gens d
1565
ut en admirant et soutenant des chefs brutaux qui
les
bernaient pour mieux les détrousser au bout du compte. « Mea culpa »
1566
nt des chefs brutaux qui les bernaient pour mieux
les
détrousser au bout du compte. « Mea culpa » des gens de gauche, dont
1567
du compte. « Mea culpa » des gens de gauche, dont
le
programme de bonheur obligatoire était le même — avec moins de franch
1568
e, dont le programme de bonheur obligatoire était
le
même — avec moins de franchise — que celui de l’ennemi fasciste contr
1569
le même — avec moins de franchise — que celui de
l’
ennemi fasciste contre lequel ils excitaient les masses. « Mea culpa »
1570
de l’ennemi fasciste contre lequel ils excitaient
les
masses. « Mea culpa » des Suisses, qui voulaient profiter des avantag
1571
Suisses, qui voulaient profiter des avantages de
la
folie moderne, et qui se plaignent aujourd’hui de devoir payer leur p
1572
aujourd’hui de devoir payer leur part minime dans
la
banqueroute européenne. « Mea culpa » des clairvoyants, qui dénoncère
1573
. « Mea culpa » des clairvoyants, qui dénoncèrent
le
mal dans leurs écrits, mais qui se tinrent apparemment pour satisfait
1574
ces millions de femmes et d’enfants en fuite sur
les
routes de France ? Nous n’avons plus qu’un seul espoir — quelle que s
1575
n’avons plus qu’un seul espoir — quelle que soit
l’
issue de la guerre : obtenir pour l’Europe un statut sursitaire, une e
1576
us qu’un seul espoir — quelle que soit l’issue de
la
guerre : obtenir pour l’Europe un statut sursitaire, une espèce de co
1577
elle que soit l’issue de la guerre : obtenir pour
l’
Europe un statut sursitaire, une espèce de concordat qui nous laissera
1578
aire, une espèce de concordat qui nous laisserait
la
possibilité de rebâtir. Mais on n’accorde un concordat qu’à celui qui
1579
concordat qu’à celui qui se déclare en faillite.
L’
aveu suppose un sens des valeurs spirituelles aussi précis que notre s
1580
s chiffres, des quantités et des vitesses. Avis à
la
génération sportive, aux réalistes qui l’engendrèrent, aux libéraux q
1581
Avis à la génération sportive, aux réalistes qui
l’
engendrèrent, aux libéraux qui ne peuvent en croire leurs yeux. Avis a
1582
e peuvent en croire leurs yeux. Avis aux Suisses.
Les
Suisses ont quelque chose à faire, quelque chose de précis, que je ve
1583
écis, que je veux dire à temps. Ils sont encore à
l’
écart de la guerre, et peut-être y resteront-ils. Ils ont encore ce br
1584
e veux dire à temps. Ils sont encore à l’écart de
la
guerre, et peut-être y resteront-ils. Ils ont encore ce bref délai de
1585
ce dont je parlais aux Hollandais, en novembre de
l’
an dernier — et c’est fini —, dont je parlais aux Suisses en janvier d
1586
ouer nos fautes et celles de notre monde, de dire
la
vérité que les peuples en guerre n’ont plus le pouvoir de reconnaître
1587
s et celles de notre monde, de dire la vérité que
les
peuples en guerre n’ont plus le pouvoir de reconnaître, dans le fraca
1588
re la vérité que les peuples en guerre n’ont plus
le
pouvoir de reconnaître, dans le fracas des chars, sous les bombardeme
1589
guerre n’ont plus le pouvoir de reconnaître, dans
le
fracas des chars, sous les bombardements, quand on ne sait même plus
1590
ir de reconnaître, dans le fracas des chars, sous
les
bombardements, quand on ne sait même plus qui a été tué. Un peuple en
1591
n guerre sauve son moral en se dopant, en forçant
l’
illusion ; un peuple neutre, en avouant le réel. Avouer ses fautes est
1592
forçant l’illusion ; un peuple neutre, en avouant
le
réel. Avouer ses fautes est une libération dont l’homme sort toujours
1593
e réel. Avouer ses fautes est une libération dont
l’
homme sort toujours retrempé. Avouer les fautes de ceux qu’on aime et
1594
ation dont l’homme sort toujours retrempé. Avouer
les
fautes de ceux qu’on aime et dont on attend la victoire comme la perm
1595
r les fautes de ceux qu’on aime et dont on attend
la
victoire comme la permission de revivre, c’est une épreuve encore, on
1596
ux qu’on aime et dont on attend la victoire comme
la
permission de revivre, c’est une épreuve encore, on ose à peine le di
1597
revivre, c’est une épreuve encore, on ose à peine
le
dire, une épreuve dérisoire, bonne pour des spectateurs… Pourtant, si
1598
ourtant, si nous en triomphons, elle nous donnera
la
force de préparer l’avenir. Il est dur de reconnaître ces fautes, par
1599
riomphons, elle nous donnera la force de préparer
l’
avenir. Il est dur de reconnaître ces fautes, parce que nous en sommes
1600
reconnaître ces fautes, parce que nous en sommes
les
complices, et que nous aimons les fautifs. Il est dur de les avouer,
1601
nous en sommes les complices, et que nous aimons
les
fautifs. Il est dur de les avouer, parce que les fautes contraires de
1602
es, et que nous aimons les fautifs. Il est dur de
les
avouer, parce que les fautes contraires des autres, en face, nous par
1603
les fautifs. Il est dur de les avouer, parce que
les
fautes contraires des autres, en face, nous paraissent bien plus effr
1604
ue, inévitable, et qu’il n’y a plus qu’à en tirer
les
conclusions5. Mais nous ne sommes pas neutres pour rien, pour le conf
1605
. Mais nous ne sommes pas neutres pour rien, pour
le
confort. Nous ne sommes pas neutres comme on est rentier. Nous sommes
1606
mme on est rentier. Nous sommes neutres en vue de
l’
avenir. C’est là notre mission spéciale, notre responsabilité devant l
1607
tre mission spéciale, notre responsabilité devant
l’
Europe. Et cela suppose un dur effort contre nos goûts, nos sympathies
1608
sympathies et nos passions. Je ne sais pas ce que
l’
avenir vaudra, mais je sais que s’il vaut quelque chose, ce sera grâce
1609
sais que s’il vaut quelque chose, ce sera grâce à
l’
action personnelle des hommes qui auront su répudier les illusions fla
1610
ion personnelle des hommes qui auront su répudier
les
illusions flatteuses de l’ère bourgeoise. Car ceux-là seuls sauront a
1611
ui auront su répudier les illusions flatteuses de
l’
ère bourgeoise. Car ceux-là seuls sauront alors ce qui mérite d’être s
1612
ors ce qui mérite d’être sauvé ou recréé. Non pas
le
droit et la justice dont se réclamaient nos égoïsmes et celui des gou
1613
érite d’être sauvé ou recréé. Non pas le droit et
la
justice dont se réclamaient nos égoïsmes et celui des gouvernements :
1614
e sera que ruines et détritus à déblayer, même si
les
grandes démocraties ont la victoire. Non pas le bonheur fait de laiss
1615
s à déblayer, même si les grandes démocraties ont
la
victoire. Non pas le bonheur fait de laisser-aller et d’insouciance d
1616
les grandes démocraties ont la victoire. Non pas
le
bonheur fait de laisser-aller et d’insouciance du prochain, car nous
1617
sser-aller et d’insouciance du prochain, car nous
le
payons maintenant, une fois pour toutes. Ce qui comptera, ce qui vaud
1618
toutes. Ce qui comptera, ce qui vaudra toujours,
l’
Écriture nous l’apprend lorsqu’elle dit : « Le ciel et la terre passer
1619
comptera, ce qui vaudra toujours, l’Écriture nous
l’
apprend lorsqu’elle dit : « Le ciel et la terre passeront, mais ma Par
1620
rs, l’Écriture nous l’apprend lorsqu’elle dit : «
Le
ciel et la terre passeront, mais ma Parole ne passera point. » Voilà
1621
ure nous l’apprend lorsqu’elle dit : « Le ciel et
la
terre passeront, mais ma Parole ne passera point. » Voilà la base et
1622
sseront, mais ma Parole ne passera point. » Voilà
la
base et le point fixe que nulle puissance humaine ne saurait ébranler
1623
is ma Parole ne passera point. » Voilà la base et
le
point fixe que nulle puissance humaine ne saurait ébranler, quand tou
1624
puissance humaine ne saurait ébranler, quand tout
le
reste, ciel et terre, idéaux et réalités, est pulvérisé par les bombe
1625
l et terre, idéaux et réalités, est pulvérisé par
les
bombes. Au plus fort de la persécution entreprise par Julien l’Aposta
1626
és, est pulvérisé par les bombes. Au plus fort de
la
persécution entreprise par Julien l’Apostat contre la chrétienté nais
1627
ersécution entreprise par Julien l’Apostat contre
la
chrétienté naissante, quand tout, comme aujourd’hui semblait perdu, A
1628
est un petit nuage, il passera. Ce n’était pas de
l’
optimisme. Athanase prévoyait qu’avec le « petit nuage » passerait aus
1629
it pas de l’optimisme. Athanase prévoyait qu’avec
le
« petit nuage » passerait aussi, probablement, sa vie et celle de tan
1630
a vie et celle de tant de frères. Mais au-delà de
l’
optimisme humain toujours bafoué, au-delà du pessimisme lâche, il y a
1631
jours bafoué, au-delà du pessimisme lâche, il y a
la
foi dans l’éternel, il y a l’amour et l’espérance de l’éternel. À quo
1632
, au-delà du pessimisme lâche, il y a la foi dans
l’
éternel, il y a l’amour et l’espérance de l’éternel. À quoi se raccroc
1633
misme lâche, il y a la foi dans l’éternel, il y a
l’
amour et l’espérance de l’éternel. À quoi se raccrocher, que faire enc
1634
, il y a la foi dans l’éternel, il y a l’amour et
l’
espérance de l’éternel. À quoi se raccrocher, que faire encore ? Quell
1635
dans l’éternel, il y a l’amour et l’espérance de
l’
éternel. À quoi se raccrocher, que faire encore ? Quelle était l’assur
1636
oi se raccrocher, que faire encore ? Quelle était
l’
assurance d’éternité qui permettait à Athanase de dire : c’est un peti
1637
nase de dire : c’est un petit nuage, il passera ?
La
grandeur de cette heure sévère, c’est que par la force des choses, pa
1638
La grandeur de cette heure sévère, c’est que par
la
force des choses, par la brutalité démesurée des choses, nous sommes
1639
re sévère, c’est que par la force des choses, par
la
brutalité démesurée des choses, nous sommes réduits à ne plus espérer
1640
ous sommes réduits à ne plus espérer qu’au nom de
l’
unique nécessaire : « L’amour parfait bannit la crainte. » Quoi qu’il
1641
plus espérer qu’au nom de l’unique nécessaire : «
L’
amour parfait bannit la crainte. » Quoi qu’il arrive. 4. Le budget a
1642
de l’unique nécessaire : « L’amour parfait bannit
la
crainte. » Quoi qu’il arrive. 4. Le budget annuel de la « défense s
1643
fait bannit la crainte. » Quoi qu’il arrive. 4.
Le
budget annuel de la « défense spirituelle » de la Suisse représente à
1644
te. » Quoi qu’il arrive. 4. Le budget annuel de
la
« défense spirituelle » de la Suisse représente à peu près le prix de
1645
Le budget annuel de la « défense spirituelle » de
la
Suisse représente à peu près le prix de deux chars d’assaut. On trouv
1646
spirituelle » de la Suisse représente à peu près
le
prix de deux chars d’assaut. On trouvera de l’argent pour 40 chars, m
1647
ès le prix de deux chars d’assaut. On trouvera de
l’
argent pour 40 chars, mais si je demande qu’on double un budget cultur
1648
udget culturel, on me répondra que je veux ruiner
le
pays. 5. Comme le fait Paul Reynaud devant le Sénat à l’instant où j
1649
me répondra que je veux ruiner le pays. 5. Comme
le
fait Paul Reynaud devant le Sénat à l’instant où j’écris ceci. e. R
1650
er le pays. 5. Comme le fait Paul Reynaud devant
le
Sénat à l’instant où j’écris ceci. e. Rougemont Denis de, « L’heure
1651
stant où j’écris ceci. e. Rougemont Denis de, «
L’
heure sévère », Les Cahiers protestants, Lausanne, juin 1940, p. 193-2
1652
eci. e. Rougemont Denis de, « L’heure sévère »,
Les
Cahiers protestants, Lausanne, juin 1940, p. 193-202. f. Une note pr
1653
202. f. Une note précise : « Nous remercions ici
la
Neue Schweizer Rundschau, qui nous a autorisé à reproduire cet articl
1654
re cet article paru dans son numéro de juin 1940.
L’
auteur — qui est un de nos collaborateurs — se voit contraint par les
1655
un de nos collaborateurs — se voit contraint par
les
circonstances à ne pas signer ces pages. »
1656
L’
Église et la Suisse (août 1940)g h Je vous parlerai ce matin de l’É
1657
L’Église et
la
Suisse (août 1940)g h Je vous parlerai ce matin de l’Église visibl
1658
se (août 1940)g h Je vous parlerai ce matin de
l’
Église visible et non pas de l’Église en général. Je vous parlerai des
1659
rlerai ce matin de l’Église visible et non pas de
l’
Église en général. Je vous parlerai des Églises telles que nous les vo
1660
ral. Je vous parlerai des Églises telles que nous
les
voyons en Suisse ; et de la Suisse, telle que nous la voyons en ce mo
1661
ises telles que nous les voyons en Suisse ; et de
la
Suisse, telle que nous la voyons en ce mois de juillet de 1940. Ce ne
1662
oyons en Suisse ; et de la Suisse, telle que nous
la
voyons en ce mois de juillet de 1940. Ce ne sera pas une conférence b
1663
ra pas une conférence bien bâtie, je tiens à vous
le
dire tout de suite, mais une simple introduction, un plan de travail,
1664
le introduction, un plan de travail, une invite à
la
discussion. Je vous ferai part de certaines critiques et de certaines
1665
s, mais qu’il est temps de formuler pour préparer
la
voie d’un renouveau, ou les moyens d’une résistance efficace. Et d’ab
1666
formuler pour préparer la voie d’un renouveau, ou
les
moyens d’une résistance efficace. Et d’abord, une parole de confiance
1667
une grande occasion de travailler. Voyons d’abord
la
situation de notre pays. « Au cœur de la révolution européenne, la S
1668
d’abord la situation de notre pays. « Au cœur de
la
révolution européenne, la Suisse est réduite à elle-même. Elle n’a pl
1669
tre pays. « Au cœur de la révolution européenne,
la
Suisse est réduite à elle-même. Elle n’a plus d’autre garantie humain
1670
ts.6 » Aujourd’hui, comme aux heures héroïques de
l’
ancienne Confédération, sachons voir et saisir notre chance et les cha
1671
édération, sachons voir et saisir notre chance et
les
chances nouvelles de l’Esprit ! Quand toutes les positions morales et
1672
t saisir notre chance et les chances nouvelles de
l’
Esprit ! Quand toutes les positions morales et matérielles sont ébranl
1673
les chances nouvelles de l’Esprit ! Quand toutes
les
positions morales et matérielles sont ébranlées, comme elles le sont
1674
orales et matérielles sont ébranlées, comme elles
le
sont depuis quelques semaines, alors sonne une heure favorable pour l
1675
es semaines, alors sonne une heure favorable pour
les
examens de conscience, pour les réformes, et dans le cas présent, pou
1676
re favorable pour les examens de conscience, pour
les
réformes, et dans le cas présent, pour une nouvelle Réformation commu
1677
examens de conscience, pour les réformes, et dans
le
cas présent, pour une nouvelle Réformation communautaire. Car c’est b
1678
’est bien de cela qu’il s’agit : fonder à nouveau
la
cité, pour qu’elle résiste et qu’elle rayonne encore, quoi qu’il arri
1679
le rayonne encore, quoi qu’il arrive, oui même si
le
pire arrive. Au cœur physique de notre Confédération se dresse le mas
1680
Au cœur physique de notre Confédération se dresse
le
massif du Gothard, mystérieux et inexpugnable. Bastion naturel de la
1681
d, mystérieux et inexpugnable. Bastion naturel de
la
Suisse, cœur de l’Europe et rendez-vous des races, le Gothard est le
1682
expugnable. Bastion naturel de la Suisse, cœur de
l’
Europe et rendez-vous des races, le Gothard est le grand symbole de no
1683
uisse, cœur de l’Europe et rendez-vous des races,
le
Gothard est le grand symbole de notre mission politique et de notre s
1684
l’Europe et rendez-vous des races, le Gothard est
le
grand symbole de notre mission politique et de notre sécurité. Et s’i
1685
et de notre sécurité. Et s’il fallait qu’un jour
la
Suisse fût envahie, j’imagine qu’elle pourrait garder pendant des moi
1686
tteignent ni chars ni avions, dans cet Alcazar de
l’
Europe, quelques dizaines de milliers d’hommes tiennent encore, montan
1687
nes de milliers d’hommes tiennent encore, montant
la
garde aux derniers sommets libres, autour du trésor de la Suisse. Oui
1688
aux derniers sommets libres, autour du trésor de
la
Suisse. Oui, nous serions courbés, mais le grondement lointain des ca
1689
sor de la Suisse. Oui, nous serions courbés, mais
le
grondement lointain des canons du Gothard nous dirait d’espérer. Main
1690
rer. Maintenant, je poserai cette question : dans
la
situation extrême que je viens de décrire, à supposer que la Suisse s
1691
n extrême que je viens de décrire, à supposer que
la
Suisse soit envahie, pourrions-nous penser à l’Église comme à notre G
1692
e la Suisse soit envahie, pourrions-nous penser à
l’
Église comme à notre Gothard spirituel ? L’existence permanente — même
1693
nser à l’Église comme à notre Gothard spirituel ?
L’
existence permanente — même secrète — et la parole de nos Églises aux
1694
tuel ? L’existence permanente — même secrète — et
la
parole de nos Églises aux catacombes suffiraient-elles à ranimer notr
1695
notre espérance, notre amour et notre foi, comme
le
canon lointain ranimerait nos courages ? Nos Églises trouveraient-ell
1696
ait nos courages ? Nos Églises trouveraient-elles
le
moyen de subsister et de s’organiser par l’initiative des laïques, co
1697
elles le moyen de subsister et de s’organiser par
l’
initiative des laïques, comme elles l’ont fait dans un pays voisin ? J
1698
ganiser par l’initiative des laïques, comme elles
l’
ont fait dans un pays voisin ? Je n’oserais pas répondre ce matin. Ni
1699
ésespéré qu’on voit ce qui était vraiment solide.
L’
Église de Suisse est-elle vraiment solide ? Saura-t-elle résister comm
1700
? Encore une fois, je ne puis pas répondre. Dieu
le
sait, et l’événement seul fera la preuve de notre force ou de nos fai
1701
e fois, je ne puis pas répondre. Dieu le sait, et
l’
événement seul fera la preuve de notre force ou de nos faiblesses. En
1702
répondre. Dieu le sait, et l’événement seul fera
la
preuve de notre force ou de nos faiblesses. En attendant, mettons-nou
1703
ossible. Inspectons avec soin nos défenses, ayons
le
courage de dire franchement : ici ou là, nous sommes encore faibles.
1704
faibles. C’est ici et c’est là, qu’il faut porter
l’
effort. Aujourd’hui ou jamais, notre Église a besoin d’une rigoureuse
1705
e utile et positive, qui prépare et qui définisse
les
reconstructions nécessaires. ⁂ La grande faiblesse de notre Église vi
1706
qui définisse les reconstructions nécessaires. ⁂
La
grande faiblesse de notre Église visible, de nos diverses Églises sui
1707
n’ont jamais été de véritables communautés. Voilà
le
fait qui me paraît le plus grave, étant donné les événements actuels
1708
ritables communautés. Voilà le fait qui me paraît
le
plus grave, étant donné les événements actuels et ceux que nous devon
1709
le fait qui me paraît le plus grave, étant donné
les
événements actuels et ceux que nous devons prévoir. Une Église devrai
1710
que nous devons prévoir. Une Église devrait être
le
type même de la communauté vivante. Posons tout de suite un repère :
1711
prévoir. Une Église devrait être le type même de
la
communauté vivante. Posons tout de suite un repère : les paroisses de
1712
munauté vivante. Posons tout de suite un repère :
les
paroisses de l’Église primitive étaient de vraies communautés. On y m
1713
Posons tout de suite un repère : les paroisses de
l’
Église primitive étaient de vraies communautés. On y mettait tout en c
1714
es communautés. On y mettait tout en commun, même
les
richesses, et cela paraissait naturel, parce que le but et le fondeme
1715
richesses, et cela paraissait naturel, parce que
le
but et le fondement spirituel d’une paroisse étaient alors plus impor
1716
, et cela paraissait naturel, parce que le but et
le
fondement spirituel d’une paroisse étaient alors plus importants que
1717
paroisse étaient alors plus importants que tout.
La
ferveur de la foi nouvelle liait les esprits et les cœurs avec une te
1718
ent alors plus importants que tout. La ferveur de
la
foi nouvelle liait les esprits et les cœurs avec une telle puissance
1719
nts que tout. La ferveur de la foi nouvelle liait
les
esprits et les cœurs avec une telle puissance que les sacrifices maté
1720
a ferveur de la foi nouvelle liait les esprits et
les
cœurs avec une telle puissance que les sacrifices matériels devenaien
1721
esprits et les cœurs avec une telle puissance que
les
sacrifices matériels devenaient simplement des services d’amitié, de
1722
s d’amitié, de ces services qui vont de soi entre
les
membres d’une famille. Et je ne parle même pas du « partage » spiritu
1723
ême pas du « partage » spirituel, qui devait être
le
pain quotidien de ces communautés souvent persécutées. Certes, il ne
1724
ers chrétiens étaient toujours des saints, et que
les
familles qu’ils formaient ne connaissaient jamais de querelles de fam
1725
e connaissaient jamais de querelles de familles !
Les
épîtres de Paul suffiraient à dissiper cette illusion. Il n’en reste
1726
ins que ces premières Églises ont surmonté toutes
les
persécutions grâce à la cohésion de leurs paroisses, grâce à l’esprit
1727
ises ont surmonté toutes les persécutions grâce à
la
cohésion de leurs paroisses, grâce à l’esprit communautaire qui les s
1728
s grâce à la cohésion de leurs paroisses, grâce à
l’
esprit communautaire qui les soutenait. Pendant la décadence de l’Empi
1729
urs paroisses, grâce à l’esprit communautaire qui
les
soutenait. Pendant la décadence de l’Empire romain, ces paroisses ont
1730
l’esprit communautaire qui les soutenait. Pendant
la
décadence de l’Empire romain, ces paroisses ont constitué les cellule
1731
utaire qui les soutenait. Pendant la décadence de
l’
Empire romain, ces paroisses ont constitué les cellules de base d’une
1732
e de l’Empire romain, ces paroisses ont constitué
les
cellules de base d’une nouvelle société7, les noyaux des cités future
1733
tué les cellules de base d’une nouvelle société7,
les
noyaux des cités futures, les refuges de la vraie liberté. Nos parois
1734
nouvelle société7, les noyaux des cités futures,
les
refuges de la vraie liberté. Nos paroisses actuelles, nos paroisses d
1735
té7, les noyaux des cités futures, les refuges de
la
vraie liberté. Nos paroisses actuelles, nos paroisses de Suisse, sera
1736
ouvent, en sortant d’un de nos cultes, je regarde
les
gens qui se dispersent, et je me pose cette question : sont-ils prêts
1737
sont-ils prêts à mettre en commun autre chose que
la
pièce de monnaie qu’ils viennent de déposer dans le « sachet », avec
1738
pièce de monnaie qu’ils viennent de déposer dans
le
« sachet », avec l’air de ne pas y toucher ? Sont-ils prêts à « parta
1739
’ils viennent de déposer dans le « sachet », avec
l’
air de ne pas y toucher ? Sont-ils prêts à « partager » autre chose qu
1740
r » autre chose que des impressions générales sur
le
temps et les tristes événements ? Sont-ils vraiment des frères — et d
1741
ose que des impressions générales sur le temps et
les
tristes événements ? Sont-ils vraiment des frères — et des frères dan
1742
Sont-ils vraiment des frères — et des frères dans
l’
Église ? Oh ! je ne demande pas que nos paroisses décrètent du jour au
1743
que nos paroisses décrètent du jour au lendemain
le
partage de tous les biens et décident d’établir un régime communiste,
1744
décrètent du jour au lendemain le partage de tous
les
biens et décident d’établir un régime communiste, au sens littéral de
1745
faire quelque chose dans ce sens, à supposer que
les
circonstances l’exigent un jour prochain. Je me demande si les fidèle
1746
se dans ce sens, à supposer que les circonstances
l’
exigent un jour prochain. Je me demande si les fidèles de nos cultes s
1747
nces l’exigent un jour prochain. Je me demande si
les
fidèles de nos cultes se sentent plus fortement liés aux autres membr
1748
sentent plus fortement liés aux autres membres de
l’
Église qu’ils ne sont liés à leur parti, ou à leur classe, ou à leurs
1749
ent — songeant au jour où il faudra choisir entre
l’
Église et nos sécurités. Je vois bien que nos Églises constituent des
1750
es, agissant pour leur compte — plus qu’au nom de
l’
Église — cela ne fait pas encore une vraie communauté. Des actes isolé
1751
nt-ils, cela ne fait pas un esprit de corps, — et
l’
expression « esprit de corps » devrait pouvoir s’appliquer à l’Église
1752
« esprit de corps » devrait pouvoir s’appliquer à
l’
Église plus qu’à nulle autre communauté au monde, puisque l’Église est
1753
lus qu’à nulle autre communauté au monde, puisque
l’
Église est rassemblée par l’Esprit saint, et puisqu’elle est le Corps
1754
uté au monde, puisque l’Église est rassemblée par
l’
Esprit saint, et puisqu’elle est le Corps même du Seigneur. Ceci dit,
1755
rassemblée par l’Esprit saint, et puisqu’elle est
le
Corps même du Seigneur. Ceci dit, et notre faiblesse une fois reconnu
1756
s’organiser. Je ne puis pas vous énumérer toutes
les
conditions nécessaires pour que nos paroisses redeviennent des commun
1757
ratiquement réalisables à bref délai, j’entends à
la
faveur du choc des événements récents et avant les crises plus graves
1758
la faveur du choc des événements récents et avant
les
crises plus graves qui se préparent. Pour que nos Églises retrouvent
1759
qui se préparent. Pour que nos Églises retrouvent
le
sens et la vertu communautaire, il faut : 1° qu’elles reprennent cons
1760
arent. Pour que nos Églises retrouvent le sens et
la
vertu communautaire, il faut : 1° qu’elles reprennent conscience de l
1761
e, il faut : 1° qu’elles reprennent conscience de
la
nature éternelle et du but transcendant de l’Église ; 2° qu’elles dév
1762
de la nature éternelle et du but transcendant de
l’
Église ; 2° qu’elles développent ou réveillent en elles le sens missio
1763
; 2° qu’elles développent ou réveillent en elles
le
sens missionnaire, à l’intérieur du pays ; 3° qu’elles aient le coura
1764
nt ou réveillent en elles le sens missionnaire, à
l’
intérieur du pays ; 3° qu’elles aient le courage d’être franchement de
1765
nnaire, à l’intérieur du pays ; 3° qu’elles aient
le
courage d’être franchement des Églises visibles, organisées, douées d
1766
eurs beaucoup plus qualifiés que moi pour définir
l’
essence et le but de l’Église. Je me contenterai de quelques remarques
1767
plus qualifiés que moi pour définir l’essence et
le
but de l’Église. Je me contenterai de quelques remarques sur les rapp
1768
ifiés que moi pour définir l’essence et le but de
l’
Église. Je me contenterai de quelques remarques sur les rapports de l’
1769
lise. Je me contenterai de quelques remarques sur
les
rapports de l’Église et de la Suisse, en tant qu’État. D’abord ceci :
1770
enterai de quelques remarques sur les rapports de
l’
Église et de la Suisse, en tant qu’État. D’abord ceci : notre Église s
1771
ques remarques sur les rapports de l’Église et de
la
Suisse, en tant qu’État. D’abord ceci : notre Église suisse doit être
1772
être, ou redevenir une Église de Dieu, et non pas
la
société des braves gens. Par exemple, on ne doit plus discuter de son
1773
ter de son administration et de ses rapports avec
l’
État comme s’il s’agissait d’un parti ou d’une fondation de bienfaisan
1774
ille et des donateurs attachés à leurs souvenirs.
L’
Église n’est pas à nous, n’est pas notre œuvre, et ses affaires ne son
1775
s affaires ne sont pas nos affaires d’abord, mais
les
affaires du Royaume de Dieu. Il me paraît profondément indécent que c
1776
eils, par des hommes qui parfois ignorent tout de
la
réalité de l’Église, corps du Christ. Ensuite, sur les rapports de l’
1777
hommes qui parfois ignorent tout de la réalité de
l’
Église, corps du Christ. Ensuite, sur les rapports de l’Église et de l
1778
éalité de l’Église, corps du Christ. Ensuite, sur
les
rapports de l’Église et de l’État, je vous proposerai deux formules :
1779
se, corps du Christ. Ensuite, sur les rapports de
l’
Église et de l’État, je vous proposerai deux formules : 1° Le service
1780
rist. Ensuite, sur les rapports de l’Église et de
l’
État, je vous proposerai deux formules : 1° Le service unique et suffi
1781
de l’État, je vous proposerai deux formules : 1°
Le
service unique et suffisant que l’Église doit rendre à la Suisse, c’e
1782
formules : 1° Le service unique et suffisant que
l’
Église doit rendre à la Suisse, c’est de rester ou de devenir une vrai
1783
ce unique et suffisant que l’Église doit rendre à
la
Suisse, c’est de rester ou de devenir une vraie Église, une Église de
1784
atriotique ou une puissance d’ordre politique. 2°
Le
service que l’État suisse doit en retour, à l’Église, c’est de la lai
1785
ne puissance d’ordre politique. 2° Le service que
l’
État suisse doit en retour, à l’Église, c’est de la laisser être une v
1786
2° Le service que l’État suisse doit en retour, à
l’
Église, c’est de la laisser être une vraie Église de Dieu et non pas u
1787
’État suisse doit en retour, à l’Église, c’est de
la
laisser être une vraie Église de Dieu et non pas une Église de l’État
1788
une vraie Église de Dieu et non pas une Église de
l’
État suisse. Il est bien vrai que notre État fédéral ne saurait se fon
1789
rai cette déclaration prophétique d’un homme dont
la
pensée me paraît plus actuelle que jamais, Alexandre Vinet. « Veuille
1790
en voulez pas pour vous, mais seulement pour tout
le
monde, faites-nous la grâce de n’en point vouloir ». Car « la société
1791
s, mais seulement pour tout le monde, faites-nous
la
grâce de n’en point vouloir ». Car « la société qui veut m’ôter ma re
1792
ites-nous la grâce de n’en point vouloir ». Car «
la
société qui veut m’ôter ma religion, m’effraie bien moins que celle q
1793
umé, la première condition indispensable pour que
l’
Église devienne une vraie communauté, c’est que l’Église soit indépend
1794
l’Église devienne une vraie communauté, c’est que
l’
Église soit indépendante de l’État, je veux dire par là : constituée f
1795
mmunauté, c’est que l’Église soit indépendante de
l’
État, je veux dire par là : constituée face à l’État comme une autorit
1796
e l’État, je veux dire par là : constituée face à
l’
État comme une autorité souveraine 9. Alors, si l’État change, l’Églis
1797
l’État comme une autorité souveraine 9. Alors, si
l’
État change, l’Église ne changera pas. Et si l’État devient païen, l’É
1798
e autorité souveraine 9. Alors, si l’État change,
l’
Église ne changera pas. Et si l’État devient païen, l’Église pourra re
1799
si l’État change, l’Église ne changera pas. Et si
l’
État devient païen, l’Église pourra rester le lieu où les justes rappo
1800
lise ne changera pas. Et si l’État devient païen,
l’
Église pourra rester le lieu où les justes rapports entre les hommes s
1801
t si l’État devient païen, l’Église pourra rester
le
lieu où les justes rapports entre les hommes sont ordonnés par la Par
1802
devient païen, l’Église pourra rester le lieu où
les
justes rapports entre les hommes sont ordonnés par la Parole et par l
1803
ourra rester le lieu où les justes rapports entre
les
hommes sont ordonnés par la Parole et par l’Esprit. Si l’on se remémo
1804
ustes rapports entre les hommes sont ordonnés par
la
Parole et par l’Esprit. Si l’on se remémore les événements qui ont am
1805
tre les hommes sont ordonnés par la Parole et par
l’
Esprit. Si l’on se remémore les événements qui ont amené la création d
1806
s sont ordonnés par la Parole et par l’Esprit. Si
l’
on se remémore les événements qui ont amené la création de l’Église co
1807
ar la Parole et par l’Esprit. Si l’on se remémore
les
événements qui ont amené la création de l’Église confessionnelle en A
1808
Si l’on se remémore les événements qui ont amené
la
création de l’Église confessionnelle en Allemagne, on comprendra ce q
1809
émore les événements qui ont amené la création de
l’
Église confessionnelle en Allemagne, on comprendra ce que je veux dire
1810
agne, on comprendra ce que je veux dire, — et que
le
problème est urgent ! II La seconde condition, c’est que nos Ég
1811
’est que nos Églises redeviennent missionnaires à
l’
intérieur du pays, dans toutes les couches de notre peuple suisse. Pou
1812
missionnaires à l’intérieur du pays, dans toutes
les
couches de notre peuple suisse. Pour mille raisons qui tiennent à l’é
1813
peuple suisse. Pour mille raisons qui tiennent à
l’
évolution sociale du xixe siècle, nos Églises sont devenues des milie
1814
ouvriers en font encore partie, c’est un fait que
le
ton des sermons, le maintien des auditeurs et l’atmosphère en général
1815
ore partie, c’est un fait que le ton des sermons,
le
maintien des auditeurs et l’atmosphère en général y sont bien plus bo
1816
le ton des sermons, le maintien des auditeurs et
l’
atmosphère en général y sont bien plus bourgeois que populaires. C’est
1817
populaires. C’est sans doute l’une des raisons de
la
désaffection de la classe ouvrière vis-à-vis de l’Église depuis plus
1818
ans doute l’une des raisons de la désaffection de
la
classe ouvrière vis-à-vis de l’Église depuis plus d’un siècle : elle
1819
a désaffection de la classe ouvrière vis-à-vis de
l’
Église depuis plus d’un siècle : elle ne s’y sent pas tout à fait chez
1820
. Il y a là certainement quelque chose d’anormal.
L’
Église n’aurait jamais dû prendre le ton et l’accent d’un milieu socia
1821
se d’anormal. L’Église n’aurait jamais dû prendre
le
ton et l’accent d’un milieu social plutôt que d’un autre. Elle devrai
1822
al. L’Église n’aurait jamais dû prendre le ton et
l’
accent d’un milieu social plutôt que d’un autre. Elle devrait aujourd’
1823
espèce d’éloquence conventionnelle qu’on appelle
le
ton de la chaire et qui produit sur l’auditeur occasionnel de nos ser
1824
éloquence conventionnelle qu’on appelle le ton de
la
chaire et qui produit sur l’auditeur occasionnel de nos sermons une i
1825
on appelle le ton de la chaire et qui produit sur
l’
auditeur occasionnel de nos sermons une impression fâcheuse de démodé,
1826
ation chrétienne abandonne aux tribuns politiques
le
privilège de savoir parler à la foule, de savoir la toucher par des p
1827
ribuns politiques le privilège de savoir parler à
la
foule, de savoir la toucher par des paroles directes. Vous me direz p
1828
privilège de savoir parler à la foule, de savoir
la
toucher par des paroles directes. Vous me direz peut-être que cette q
1829
nous soyons choqués quand un pasteur ne garde pas
le
ton convenu, le ton convenable. Nous oublions trop facilement que la
1830
ués quand un pasteur ne garde pas le ton convenu,
le
ton convenable. Nous oublions trop facilement que la Parole de l’Égli
1831
ton convenable. Nous oublions trop facilement que
la
Parole de l’Église n’est pas réservée seulement à nos « milieux ecclé
1832
e. Nous oublions trop facilement que la Parole de
l’
Église n’est pas réservée seulement à nos « milieux ecclésiastiques »,
1833
nt à nos « milieux ecclésiastiques », mais à tous
les
hommes d’où qu’ils viennent, qui ont faim et soif de vérité, sans le
1834
ls viennent, qui ont faim et soif de vérité, sans
le
savoir le plus souvent. Il est grand temps que nous fassions en sorte
1835
t, qui ont faim et soif de vérité, sans le savoir
le
plus souvent. Il est grand temps que nous fassions en sorte que tous
1836
issent écouter et puissent entendre sans éprouver
le
sentiment de s’être égarés dans un milieu où ils sont déplacés. Que n
1837
mour des âmes. Si nous avons ce zèle et ce souci,
l’
atmosphère un peu renfermée de certaines de nos paroisses se dissipera
1838
dissipera d’elle-même, se fera plus accueillante.
L’
étranger qui entrera dans nos temples ne se sentira plus perdu chez le
1839
ra dans nos temples ne se sentira plus perdu chez
les
braves gens, mais accueilli dans une maison de Dieu. Ce que je voudra
1840
que je présente comme laïque à nos pasteurs, avec
l’
espoir que les laïques de cet auditoire l’appuieront pratiquement dans
1841
te comme laïque à nos pasteurs, avec l’espoir que
les
laïques de cet auditoire l’appuieront pratiquement dans leurs paroiss
1842
s, avec l’espoir que les laïques de cet auditoire
l’
appuieront pratiquement dans leurs paroisses. Je voudrais dire à nos p
1843
moins originales. Elle demande des vérités sûres,
les
vérités de la Bible, qui sont toujours les plus actuelles, et qui son
1844
s. Elle demande des vérités sûres, les vérités de
la
Bible, qui sont toujours les plus actuelles, et qui sont seules à la
1845
sûres, les vérités de la Bible, qui sont toujours
les
plus actuelles, et qui sont seules à la hauteur de la situation prése
1846
toujours les plus actuelles, et qui sont seules à
la
hauteur de la situation présente. Ce ne sont jamais nos idées personn
1847
lus actuelles, et qui sont seules à la hauteur de
la
situation présente. Ce ne sont jamais nos idées personnelles, nos com
1848
y a quelques semaines, une parole qui m’a fait de
l’
impression. C’était dans un sermon, et le pasteur disait : « Laissons
1849
fait de l’impression. C’était dans un sermon, et
le
pasteur disait : « Laissons parler la Bible seule, car nous, nous ne
1850
sermon, et le pasteur disait : « Laissons parler
la
Bible seule, car nous, nous ne sommes pas convaincants. » Parole prof
1851
d’un pasteur de ses soucis, et résoudre en partie
le
problème du samedi soir… Encore faut-il que les paroissiens, à leur t
1852
ie le problème du samedi soir… Encore faut-il que
les
paroissiens, à leur tour, acceptent que leur pasteur soit « simplemen
1853
mple ! Jamais il ne pourra se rapprocher assez de
la
simplicité des paroles de la Bible. « Nous ne sommes pas convaincants
1854
rapprocher assez de la simplicité des paroles de
la
Bible. « Nous ne sommes pas convaincants », disait le pasteur que je
1855
ible. « Nous ne sommes pas convaincants », disait
le
pasteur que je viens de citer. Nous ne sommes pas convaincants, ajout
1856
ns que la plupart des auditeurs n’auraient pas eu
l’
idée de faire. Comme laïque, je ne demande pas qu’on me persuade de cr
1857
me parle avec une calme autorité, et non pas que
l’
on prenne au sérieux mes doutes éventuels. Notre génération n’est pas
1858
n’est pas si tourmentée de doutes. Elle n’a guère
la
manie de discuter. Elle attend des directions positives. Elle est prê
1859
tives. Elle est prête à croire, et elle demande à
la
prédication de parler à sa foi, non à son doute, avec la tranquille e
1860
ication de parler à sa foi, non à son doute, avec
la
tranquille et familière assurance de la foi. Car la conviction seule
1861
ute, avec la tranquille et familière assurance de
la
foi. Car la conviction seule est convaincante. Tout ceci ne veut pas
1862
tranquille et familière assurance de la foi. Car
la
conviction seule est convaincante. Tout ceci ne veut pas dire d’aille
1863
ut pas dire d’ailleurs que notre Église n’ait pas
le
droit d’aborder l’actualité sociale ou politique. Pour être missionna
1864
urs que notre Église n’ait pas le droit d’aborder
l’
actualité sociale ou politique. Pour être missionnaire, l’Église doit
1865
ité sociale ou politique. Pour être missionnaire,
l’
Église doit d’abord être convaincue de la valeur et de la nouveauté pe
1866
onnaire, l’Église doit d’abord être convaincue de
la
valeur et de la nouveauté perpétuelle d’un message purement biblique.
1867
e doit d’abord être convaincue de la valeur et de
la
nouveauté perpétuelle d’un message purement biblique. C’est le premie
1868
e premier point. Mais cela étant acquis, pourquoi
l’
Église se priverait-elle de souligner l’actualité de son enseignement
1869
pourquoi l’Église se priverait-elle de souligner
l’
actualité de son enseignement ? Pourquoi ne parlerait-elle pas de poli
1870
rquoi ne parlerait-elle pas de politique, si elle
le
fait sur la seule base de la Bible ? On ne lui demande pas une théori
1871
lerait-elle pas de politique, si elle le fait sur
la
seule base de la Bible ? On ne lui demande pas une théorie originale,
1872
e politique, si elle le fait sur la seule base de
la
Bible ? On ne lui demande pas une théorie originale, surtout pas ! On
1873
simplement d’appliquer à telle ou telle situation
les
paroles éternelles de l’Évangile et des prophètes : par exemple, pour
1874
elle ou telle situation les paroles éternelles de
l’
Évangile et des prophètes : par exemple, pour exhorter les fidèles à r
1875
ile et des prophètes : par exemple, pour exhorter
les
fidèles à renoncer à leurs préjugés de partis, ou à leurs intérêts de
1876
r montrer à notre peuple sa mission positive dans
l’
Europe d’aujourd’hui. Toutes ces choses peuvent et doivent être dites
1877
s choses peuvent et doivent être dites du haut de
la
chaire, à condition, je le répète et j’y insiste, qu’il ne s’agisse j
1878
être dites du haut de la chaire, à condition, je
le
répète et j’y insiste, qu’il ne s’agisse jamais des idées personnelle
1879
u’il cite, mais du seul et unique point de vue de
la
Bible. En résumé, la deuxième condition indispensable pour que l’Égli
1880
umé, la deuxième condition indispensable pour que
l’
Église reste ou devienne une vraie communauté, c’est que l’Église ne p
1881
reste ou devienne une vraie communauté, c’est que
l’
Église ne parle pas le langage d’un seul groupe social, ou d’une seule
1882
vraie communauté, c’est que l’Église ne parle pas
le
langage d’un seul groupe social, ou d’une seule classe ; ou le langag
1883
un seul groupe social, ou d’une seule classe ; ou
le
langage d’une quelconque philosophie à la mode ou déjà démodée ; ou l
1884
se ; ou le langage d’une quelconque philosophie à
la
mode ou déjà démodée ; ou le langage personnel de Monsieur X, pasteur
1885
conque philosophie à la mode ou déjà démodée ; ou
le
langage personnel de Monsieur X, pasteur ou même théologien célèbre,
1886
re, — mais qu’elle parle uniquement et simplement
le
langage de la Bible, qui appartient à tous, qui est frappant pour tou
1887
elle parle uniquement et simplement le langage de
la
Bible, qui appartient à tous, qui est frappant pour tous, et dans leq
1888
La troisième condition d’une vraie communauté, je
la
définissais tout à l’heure comme suit : que nos Églises aient le cour
1889
d’une vraie communauté, je la définissais tout à
l’
heure comme suit : que nos Églises aient le courage d’être franchement
1890
tout à l’heure comme suit : que nos Églises aient
le
courage d’être franchement des Églises visibles — solidement organisé
1891
e formes de culte fixes. Je ne soulèverai pas ici
le
problème de l’épiscopat, encore que je sois persuadé qu’il se posera
1892
te fixes. Je ne soulèverai pas ici le problème de
l’
épiscopat, encore que je sois persuadé qu’il se posera pour nous aussi
1893
ne parlerai pas non plus du rôle des laïques dans
la
paroisse, qui pourrait être développé encore, afin de décharger le pa
1894
pourrait être développé encore, afin de décharger
le
pasteur d’un lourd travail de bienfaisance. Je me bornerai au seul pr
1895
seul problème des formes du culte, au problème de
la
liturgie protestante. C’est un laïque qui parle ici, je le répète. Ce
1896
ie protestante. C’est un laïque qui parle ici, je
le
répète. Ce n’est pas un docteur de l’Église ! Les théologiens élèvero
1897
le répète. Ce n’est pas un docteur de l’Église !
Les
théologiens élèveront peut-être de fortes objections contre ce que je
1898
ctions contre ce que je vais dire. Je suis prêt à
les
écouter avec déférence. Mais je cherchais depuis longtemps l’occasion
1899
vec déférence. Mais je cherchais depuis longtemps
l’
occasion de formuler certaines propositions qui trouveront aujourd’hui
1900
sitions qui trouveront aujourd’hui, peut-être, de
l’
écho. J’ai passé plusieurs années en France, et je me suis fortement a
1901
nées en France, et je me suis fortement attaché à
la
liturgie des Églises réformées de ce pays. J’entends ici par liturgie
1902
éformées de ce pays. J’entends ici par liturgie :
la
partie du culte qui n’est pas le sermon, les lectures, prières et cha
1903
i par liturgie : la partie du culte qui n’est pas
le
sermon, les lectures, prières et chants réglés et réguliers. Depuis m
1904
gie : la partie du culte qui n’est pas le sermon,
les
lectures, prières et chants réglés et réguliers. Depuis mon retour en
1905
uis mon retour en Suisse j’éprouve avec intensité
l’
absence de toute espèce de liturgie sérieuse dans nos cultes, à quelqu
1906
ares exceptions près10. Et ce n’est pas seulement
le
défaut de liturgie qui me choque, mais le manque de sens liturgique q
1907
ulement le défaut de liturgie qui me choque, mais
le
manque de sens liturgique que manifestent les essais tentés ici ou là
1908
mais le manque de sens liturgique que manifestent
les
essais tentés ici ou là, pour remédier à cette absence. Nous avons bi
1909
trecoupées de chants et de jeux d’orgue. Eh bien,
le
seul fait de qualifier de « liturgiques » ces manifestations — peut-ê
1910
ns — peut-être parce qu’on ne saurait pas comment
les
définir autrement… ce seul fait démontre à l’évidence que nous ignoro
1911
nt les définir autrement… ce seul fait démontre à
l’
évidence que nous ignorons le sens et la portée de la liturgie véritab
1912
seul fait démontre à l’évidence que nous ignorons
le
sens et la portée de la liturgie véritable. Celle-ci suppose des form
1913
émontre à l’évidence que nous ignorons le sens et
la
portée de la liturgie véritable. Celle-ci suppose des formes fixes et
1914
vidence que nous ignorons le sens et la portée de
la
liturgie véritable. Celle-ci suppose des formes fixes et invariables,
1915
invariables, connues de tous, et auxquelles tout
l’
auditoire participe d’une manière à la fois spontanée et réglée d’avan
1916
nos cultes soi-disant liturgiques sont exactement
le
contraire : ils sont composés selon les goûts et les idées du pasteur
1917
exactement le contraire : ils sont composés selon
les
goûts et les idées du pasteur ; ils ne se déroulent pas d’après un pl
1918
contraire : ils sont composés selon les goûts et
les
idées du pasteur ; ils ne se déroulent pas d’après un plan traditionn
1919
souvent inconnus, et des morceaux de musique dont
la
signification reste imprécise… Voici un détail significatif, à mes ye
1920
e nos cultes, une prière liturgique isolée, comme
la
confession des péchés, certains pasteurs paraissent craindre la monot
1921
des péchés, certains pasteurs paraissent craindre
la
monotonie de ce vieux texte, et croient bien faire en y apportant que
1922
gie ou de leur conception du style. Or justement,
la
valeur liturgique d’un texte réside dans son invariabilité. C’est grâ
1923
ariabilité. C’est grâce à cette invariabilité que
le
fidèle peut vraiment suivre le texte, dire en lui-même ses paroles, r
1924
invariabilité que le fidèle peut vraiment suivre
le
texte, dire en lui-même ses paroles, redécouvrir chaque fois leur sen
1925
au. C’est grâce à cette invariabilité, enfin, que
la
liturgie crée dans l’auditoire un sentiment de communion, ou de commu
1926
e invariabilité, enfin, que la liturgie crée dans
l’
auditoire un sentiment de communion, ou de communauté spirituelle. Une
1927
e invariable ; de plus, elle doit être prévue par
les
auditeurs, et pleinement significative en chacune de ses parties. Ell
1928
nsemble, un tout cohérent et indivisible. Prenons
l’
exemple de la liturgie des Églises réformées de France. Je vais vous l
1929
out cohérent et indivisible. Prenons l’exemple de
la
liturgie des Églises réformées de France. Je vais vous la décrire dan
1930
gie des Églises réformées de France. Je vais vous
la
décrire dans ses principaux traits. I. Invocation (l’assemblée debout
1931
écrire dans ses principaux traits. I. Invocation (
l’
assemblée debout). Psaume. II. La Loi ou son sommaire (l’assemblée ass
1932
. I. Invocation (l’assemblée debout). Psaume. II.
La
Loi ou son sommaire (l’assemblée assise) (après la lecture, chant spo
1933
blée debout). Psaume. II. La Loi ou son sommaire (
l’
assemblée assise) (après la lecture, chant spontané : « Mon Dieu, ta l
1934
a Loi ou son sommaire (l’assemblée assise) (après
la
lecture, chant spontané : « Mon Dieu, ta loi est sainte… mais si tu c
1935
ster devant toi ! »). III. Confession des péchés (
l’
assemblée s’agenouille). IV. Kyrie (un petit chœur ou l’assemblée chan
1936
mblée s’agenouille). IV. Kyrie (un petit chœur ou
l’
assemblée chante : « Seigneur, aie pitié de nous ! Christ, aie pitié d
1937
. V. Promesses de grâce et absolution collective (
l’
assemblée debout chante : « Ô qu’heureux est celui dont la transgressi
1938
lée debout chante : « Ô qu’heureux est celui dont
la
transgression est remise… Mon âme, bénis l’Éternel… »). VI. Credo (le
1939
dont la transgression est remise… Mon âme, bénis
l’
Éternel… »). VI. Credo (lecture du Symbole des apôtres. L’assemblée re
1940
l… »). VI. Credo (lecture du Symbole des apôtres.
L’
assemblée reste debout). VII. Alléluia (chant spontané). (À la fin du
1941
reste debout). VII. Alléluia (chant spontané). (À
la
fin du culte, après l’Oraison dominicale, chant spontané d’une stroph
1942
éluia (chant spontané). (À la fin du culte, après
l’
Oraison dominicale, chant spontané d’une strophe du Te Deum : « Gloire
1943
ollectif non seulement des dogmes fondamentaux de
la
foi réformée, mais aussi du drame chrétien dans son déroulement bibli
1944
du drame chrétien dans son déroulement biblique :
la
Loi d’abord, qui nous condamne, puis la conscience, le péché, la repe
1945
iblique : la Loi d’abord, qui nous condamne, puis
la
conscience, le péché, la repentance, la grâce accordée, et enfin le t
1946
i d’abord, qui nous condamne, puis la conscience,
le
péché, la repentance, la grâce accordée, et enfin le témoignage de la
1947
qui nous condamne, puis la conscience, le péché,
la
repentance, la grâce accordée, et enfin le témoignage de la foi. À mo
1948
mne, puis la conscience, le péché, la repentance,
la
grâce accordée, et enfin le témoignage de la foi. À mon sens, cette l
1949
péché, la repentance, la grâce accordée, et enfin
le
témoignage de la foi. À mon sens, cette liturgie est une des plus bel
1950
nce, la grâce accordée, et enfin le témoignage de
la
foi. À mon sens, cette liturgie est une des plus belles, dans sa simp
1951
plus justes aussi, de toutes celles qu’utilisent
les
différentes confessions chrétiennes. Je voudrais vous dire maintenant
1952
e que nos Églises suisses devraient se préparer à
l’
adopter, telle qu’elle est. Il y a d’abord une raison générale. L’Égli
1953
qu’elle est. Il y a d’abord une raison générale.
L’
Église visible est aussi une société humaine. Comme toute société huma
1954
on ne peut pas négliger sans risques graves. Tous
les
fondateurs de régimes savent que pour créer une communauté nouvelle,
1955
le, il faut créer des signes et des rites : voyez
les
régimes totalitaires, communistes ou fascistes, avec leurs fêtes, leu
1956
bus manifestes ne doivent pas nous faire négliger
le
bon usage, l’usage chrétien d’une liturgie chrétienne. La science con
1957
ne doivent pas nous faire négliger le bon usage,
l’
usage chrétien d’une liturgie chrétienne. La science consommée des che
1958
sage, l’usage chrétien d’une liturgie chrétienne.
La
science consommée des chefs totalitaires doit nous rendre attentifs à
1959
certains de nos défauts, afin que nous puissions
les
corriger à temps. Un peuple complètement privé de toute manifestation
1960
n de ce genre risque d’être une proie facile pour
les
caricatures de liturgie que les païens viendront lui offrir un jour,
1961
proie facile pour les caricatures de liturgie que
les
païens viendront lui offrir un jour, et qui seront alors une tentatio
1962
longtemps déçu. Mon second argument en faveur de
la
liturgie est plus spécifiquement chrétien. Je dirais même qu’il est d
1963
xplique. Imaginez une personne qui n’a jamais mis
les
pieds dans un de nos temples, qui ne sait rien du protestantisme, ou
1964
antisme, ou qui est incroyante. Vous réussissez à
l’
amener, un beau dimanche, au culte d’une de nos paroisses suisses. Ell
1965
ra d’abord, probablement, dépaysée, comme je vous
le
disais tout à l’heure, par le ton du pasteur et le maintien un peu co
1966
blement, dépaysée, comme je vous le disais tout à
l’
heure, par le ton du pasteur et le maintien un peu compassé de l’audit
1967
ysée, comme je vous le disais tout à l’heure, par
le
ton du pasteur et le maintien un peu compassé de l’auditoire. Mais ce
1968
e disais tout à l’heure, par le ton du pasteur et
le
maintien un peu compassé de l’auditoire. Mais cela n’est rien encore
1969
ton du pasteur et le maintien un peu compassé de
l’
auditoire. Mais cela n’est rien encore : si elle est de bonne volonté
1970
par ces détails. Ce qui est plus grave, c’est que
le
sermon, s’il n’est pas exceptionnellement bon, risque bien de la lais
1971
n’est pas exceptionnellement bon, risque bien de
la
laisser sur sa faim. En sortant de là, elle ne saura pas exactement c
1972
ement ce que nous croyons, elle pourra s’imaginer
les
choses les plus fausses. Ou bien encore, elle aura l’impression d’avo
1973
e nous croyons, elle pourra s’imaginer les choses
les
plus fausses. Ou bien encore, elle aura l’impression d’avoir surpris
1974
hoses les plus fausses. Ou bien encore, elle aura
l’
impression d’avoir surpris une réunion d’initiés, habitués à un certai
1975
certain langage, dont personne ne lui aura donné
la
clef. Il en ira tout autrement, si le culte débute par la liturgie qu
1976
aura donné la clef. Il en ira tout autrement, si
le
culte débute par la liturgie que je viens de vous résumer. Cette litu
1977
Il en ira tout autrement, si le culte débute par
la
liturgie que je viens de vous résumer. Cette liturgie, en effet, décr
1978
n effet, décrit d’abord dans une langue frappante
les
différents moments du drame du salut. Elle crée le cadre et l’atmosph
1979
s différents moments du drame du salut. Elle crée
le
cadre et l’atmosphère spirituelle, elle introduit le sermon du pasteu
1980
moments du drame du salut. Elle crée le cadre et
l’
atmosphère spirituelle, elle introduit le sermon du pasteur, elle le s
1981
cadre et l’atmosphère spirituelle, elle introduit
le
sermon du pasteur, elle le situe dans l’ensemble de nos dogmes, et el
1982
tuelle, elle introduit le sermon du pasteur, elle
le
situe dans l’ensemble de nos dogmes, et elle rappelle notre Credo. Br
1983
ntroduit le sermon du pasteur, elle le situe dans
l’
ensemble de nos dogmes, et elle rappelle notre Credo. Bref, quand le s
1984
dogmes, et elle rappelle notre Credo. Bref, quand
le
sermon commence, tout le monde, et même un étranger, peut savoir de q
1985
J’avoue que pour ma part, et je ne pense pas être
le
seul de mon espèce, j’éprouve le besoin d’entendre répéter chaque dim
1986
e pense pas être le seul de mon espèce, j’éprouve
le
besoin d’entendre répéter chaque dimanche les grandes vérités de la f
1987
ouve le besoin d’entendre répéter chaque dimanche
les
grandes vérités de la foi, j’éprouve le besoin de participer, par le
1988
re répéter chaque dimanche les grandes vérités de
la
foi, j’éprouve le besoin de participer, par le chant ou la récitation
1989
dimanche les grandes vérités de la foi, j’éprouve
le
besoin de participer, par le chant ou la récitation, à ce témoignage
1990
de la foi, j’éprouve le besoin de participer, par
le
chant ou la récitation, à ce témoignage collectif, dans la communauté
1991
’éprouve le besoin de participer, par le chant ou
la
récitation, à ce témoignage collectif, dans la communauté de mes frèr
1992
ou la récitation, à ce témoignage collectif, dans
la
communauté de mes frères, connus ou inconnus. Après cela, même si le
1993
s frères, connus ou inconnus. Après cela, même si
le
sermon n’est pas des meilleurs, j’ai tout de même le sentiment d’avoi
1994
sermon n’est pas des meilleurs, j’ai tout de même
le
sentiment d’avoir approuvé mon Église, et d’en avoir reçu le message
1995
t d’avoir approuvé mon Église, et d’en avoir reçu
le
message essentiel. Enfin, ma troisième raison se rapporte étroitement
1996
orte étroitement à mon sujet, aux relations entre
l’
Église et la Suisse, ou pour être concret : aux relations entre nos Ég
1997
ment à mon sujet, aux relations entre l’Église et
la
Suisse, ou pour être concret : aux relations entre nos Églises et nou
1998
oncret : aux relations entre nos Églises et nous,
les
Suisses. Le peuple suisse, en général, n’a pas un sens des formes trè
1999
relations entre nos Églises et nous, les Suisses.
Le
peuple suisse, en général, n’a pas un sens des formes très raffiné. J
2000
désobligeante, et qui vous surprendra peut-être :
le
peuple suisse souffre d’un défaut qu’il me faut bien nommer le sans-g
2001
sse souffre d’un défaut qu’il me faut bien nommer
le
sans-gêne spirituel. Je ne sais pas si cela provient du fait qu’on pa
2002
ates et sans façon jusque dans nos relations avec
le
Tout-Puissant, qui est pourtant nommé Monarque, Seigneur et Roi des r
2003
ommé Monarque, Seigneur et Roi des rois, à toutes
les
pages de notre Bible. Le fait est que nous manquons d’un certain resp
2004
Roi des rois, à toutes les pages de notre Bible.
Le
fait est que nous manquons d’un certain respect religieux, de même qu
2005
in respect religieux, de même que nous passons, à
l’
étranger, pour être un peu trop familiers et manquer du sens des dista
2006
d’illustration, une anecdote qui frise peut-être
la
caricature. J’ai entendu, de mes oreilles, un jeune pasteur remercier
2007
lles, un jeune pasteur remercier Dieu, du haut de
la
chaire, de ce que Dieu « nous a permis de lui parler tout simplement,
2008
nformer notre maintien. Sans aller jusqu’à imiter
les
génuflexions multipliées des orthodoxes russes, qui se prosternent ju
2009
odoxes russes, qui se prosternent jusqu’à toucher
le
sol de leur front, pourquoi refuserions-nous de nous agenouiller pour
2010
ourquoi refuserions-nous de nous agenouiller pour
la
prière publique, ou pendant la lecture de la confession des péchés, p
2011
s agenouiller pour la prière publique, ou pendant
la
lecture de la confession des péchés, par exemple, comme cela se fait
2012
pour la prière publique, ou pendant la lecture de
la
confession des péchés, par exemple, comme cela se fait dans les Églis
2013
des péchés, par exemple, comme cela se fait dans
les
Églises réformées de Paris ? Aurions-nous trop de dignité pour consen
2014
ant patriotique : « Devant Dieu seul, fléchissons
le
genou. » Mais pratiquement, nous restons assis, bourgeoisement et con
2015
nt je ne sais quelle déviation catholique. Toutes
les
Églises ont toujours attaché de l’importance à ces choses-là, et je p
2016
lique. Toutes les Églises ont toujours attaché de
l’
importance à ces choses-là, et je pense qu’elles avaient de bonnes rai
2017
et je pense qu’elles avaient de bonnes raisons de
le
faire. Elles savaient qu’une certaine participation personnelle, phys
2018
Ce sont des gestes qui manifestent, visiblement,
la
communauté de la foi, de l’humiliation, ou de la joie chrétienne. Ce
2019
es qui manifestent, visiblement, la communauté de
la
foi, de l’humiliation, ou de la joie chrétienne. Ce sont des gestes,
2020
festent, visiblement, la communauté de la foi, de
l’
humiliation, ou de la joie chrétienne. Ce sont des gestes, enfin, qui
2021
la communauté de la foi, de l’humiliation, ou de
la
joie chrétienne. Ce sont des gestes, enfin, qui favorisent l’oubli de
2022
tienne. Ce sont des gestes, enfin, qui favorisent
l’
oubli de soi et qui libèrent des fausses pudeurs. Pour en finir sur ce
2023
oser à vous-même cette seule question : alors que
les
orthodoxes, les anglicans, les catholiques, les luthériens et les cal
2024
cette seule question : alors que les orthodoxes,
les
anglicans, les catholiques, les luthériens et les calvinistes françai
2025
estion : alors que les orthodoxes, les anglicans,
les
catholiques, les luthériens et les calvinistes français jugent nécess
2026
e les orthodoxes, les anglicans, les catholiques,
les
luthériens et les calvinistes français jugent nécessaire et bon d’avo
2027
les anglicans, les catholiques, les luthériens et
les
calvinistes français jugent nécessaire et bon d’avoir une liturgie, c
2028
comment se fait-il que nos Églises suisses soient
les
seules sur le continent qui croient pouvoir s’en passer, sans dommage
2029
-il que nos Églises suisses soient les seules sur
le
continent qui croient pouvoir s’en passer, sans dommage ? L’absence d
2030
t qui croient pouvoir s’en passer, sans dommage ?
L’
absence de liturgie, remarquez-le, est un obstacle assez considérable
2031
, sans dommage ? L’absence de liturgie, remarquez-
le
, est un obstacle assez considérable à notre rapprochement avec d’autr
2032
à notre rapprochement avec d’autres Églises dans
le
mouvement œcuménique. (Je pense à l’Église anglicane, qui attache à l
2033
Églises dans le mouvement œcuménique. (Je pense à
l’
Église anglicane, qui attache à la liturgie une importance sans cesse
2034
ue. (Je pense à l’Église anglicane, qui attache à
la
liturgie une importance sans cesse croissante.) Et pourtant, les Égli
2035
e importance sans cesse croissante.) Et pourtant,
les
Églises de Suisse devraient avoir à cœur ce rapprochement, plus qu’au
2036
e rapprochement, de mutuelle instruction, qui est
la
mission du jeune mouvement œcuménique. ⁂ Je me bornerai, en terminant
2037
. ⁂ Je me bornerai, en terminant, à vous rappeler
les
quelques thèses — critiques et suggestions — que je viens d’esquisser
2038
devant vous. Je vous ai indiqué tout d’abord que
la
situation actuelle exige de nos Églises un grand effort vers la commu
2039
ctuelle exige de nos Églises un grand effort vers
la
communauté vivante. Ce sera peut-être une question de vie ou de mort,
2040
ra peut-être une question de vie ou de mort, dans
le
monde qui se prépare. Je vous ai suggéré trois directions d’effort à
2041
’abord à une compréhension moins superficielle de
la
nature de nos Églises, qui sont les membres du Corps de Christ, et no
2042
perficielle de la nature de nos Églises, qui sont
les
membres du Corps de Christ, et non pas des associations comme les aut
2043
orps de Christ, et non pas des associations comme
les
autres. Avoir ensuite le souci de « désembourgeoiser » notre atmosphè
2044
des associations comme les autres. Avoir ensuite
le
souci de « désembourgeoiser » notre atmosphère, notre ton, nos manièr
2045
ndre possible une action missionnaire dans toutes
les
couches de notre peuple. Poser enfin très sérieusement le problème de
2046
es de notre peuple. Poser enfin très sérieusement
le
problème de la liturgie, tant à nos bons théologiens qu’aux laïques,
2047
ple. Poser enfin très sérieusement le problème de
la
liturgie, tant à nos bons théologiens qu’aux laïques, généralement ig
2048
èmes urgents et tout pratiques, — considérant que
la
malice des temps nous invite au travail plutôt qu’à l’éloquence. 6
2049
lice des temps nous invite au travail plutôt qu’à
l’
éloquence. 6. Manifeste de la Ligue du Gothard, juillet 1940. 7.
2050
vail plutôt qu’à l’éloquence. 6. Manifeste de
la
Ligue du Gothard, juillet 1940. 7. On sait que l’organisation des pr
2051
a Ligue du Gothard, juillet 1940. 7. On sait que
l’
organisation des premières Églises était telle que les évêques reprire
2052
rganisation des premières Églises était telle que
les
évêques reprirent peu à peu pour leur compte les charges des gouverne
2053
les évêques reprirent peu à peu pour leur compte
les
charges des gouverneurs de provinces ou comes, lors de la décadence d
2054
es des gouverneurs de provinces ou comes, lors de
la
décadence des ive et ve siècles. 8. Parmi ces autres conditions do
2055
s prendre position ici sur des problèmes tels que
les
prestations financières de l’État à l’Église, qui sont pour le moins
2056
problèmes tels que les prestations financières de
l’
État à l’Église, qui sont pour le moins secondaires. « Indépendante »
2057
tels que les prestations financières de l’État à
l’
Église, qui sont pour le moins secondaires. « Indépendante » veux dire
2058
s financières de l’État à l’Église, qui sont pour
le
moins secondaires. « Indépendante » veux dire : libre de se gouverner
2059
e gouverner elle-même, comme lorsqu’on parle de «
l’
indépendance » de la Suisse. 10. Canton de Genève. g. Rougemont Den
2060
e, comme lorsqu’on parle de « l’indépendance » de
la
Suisse. 10. Canton de Genève. g. Rougemont Denis de, « L’Église et
2061
10. Canton de Genève. g. Rougemont Denis de, «
L’
Église et la Suisse », Les Cahiers protestants, Lausanne, août 1940, p
2062
de Genève. g. Rougemont Denis de, « L’Église et
la
Suisse », Les Cahiers protestants, Lausanne, août 1940, p. 321-342.
2063
. Rougemont Denis de, « L’Église et la Suisse »,
Les
Cahiers protestants, Lausanne, août 1940, p. 321-342. h. Une note de
2064
Lausanne, août 1940, p. 321-342. h. Une note de
la
rédaction précise : « Deuxième conférence du Camp aîné de Vaumarcus.
2065
« Deuxième conférence du Camp aîné de Vaumarcus.
Les
suivantes : L’Église et l’Europe, l’Église et le Royaume de Dieu, l’É
2066
érence du Camp aîné de Vaumarcus. Les suivantes :
L’
Église et l’Europe, l’Église et le Royaume de Dieu, l’Église, c’est no
2067
mp aîné de Vaumarcus. Les suivantes : L’Église et
l’
Europe, l’Église et le Royaume de Dieu, l’Église, c’est nous, paraîtro
2068
Vaumarcus. Les suivantes : L’Église et l’Europe,
l’
Église et le Royaume de Dieu, l’Église, c’est nous, paraîtront success
2069
Les suivantes : L’Église et l’Europe, l’Église et
le
Royaume de Dieu, l’Église, c’est nous, paraîtront successivement au c
2070
lise et l’Europe, l’Église et le Royaume de Dieu,
l’
Église, c’est nous, paraîtront successivement au cours des prochains f
2071
Autocritique de
la
Suisse (février 1941)i j Nul pays à ma connaissance, n’a été plus
2072
plus souvent expliqué à lui-même et au monde que
la
Suisse. C’est qu’il en a besoin plus que nul autre. Sa devise est un
2073
principe toute doctrine unitaire et suppose donc
la
connaissance très vivante d’une autre espèce d’union, sans cesse à re
2074
ne autre espèce d’union, sans cesse à recréer. Or
l’
inertie des masses et l’à-peu-près intellectuel s’opposent sans cesse
2075
sans cesse à recréer. Or l’inertie des masses et
l’
à-peu-près intellectuel s’opposent sans cesse à cette reprise de consc
2076
nt sans cesse à cette reprise de conscience. D’où
la
nécessité d’une vigilante autocritique, si l’on ne veut pas déchoir o
2077
’où la nécessité d’une vigilante autocritique, si
l’
on ne veut pas déchoir ou se laisser dissoudre, si l’on veut durer et
2078
n ne veut pas déchoir ou se laisser dissoudre, si
l’
on veut durer et surtout, si l’on prétend se donner en exemple. Clar
2079
sser dissoudre, si l’on veut durer et surtout, si
l’
on prétend se donner en exemple. Clarifions notre langage ! — Puisqu
2080
n exemple. Clarifions notre langage ! — Puisque
le
fédéralisme est une forme politique qui suppose l’équilibre vivant en
2081
e fédéralisme est une forme politique qui suppose
l’
équilibre vivant entre les droits de chaque région et ses devoirs enve
2082
me politique qui suppose l’équilibre vivant entre
les
droits de chaque région et ses devoirs envers l’ensemble, il n’est pa
2083
les droits de chaque région et ses devoirs envers
l’
ensemble, il n’est pas absurde de nommer « fédéraliste » un parti qui
2084
éraliste » un parti qui n’a d’autre programme que
la
défense des intérêts locaux contre le centre. Ceux qui se disent, che
2085
ogramme que la défense des intérêts locaux contre
le
centre. Ceux qui se disent, chez nous, « fédéralistes » ne sont souve
2086
, chez nous, « fédéralistes » ne sont souvent, je
le
crains, que des nationalistes cantonaux. Ceux qui insistent sur la né
2087
s nationalistes cantonaux. Ceux qui insistent sur
la
nécessité de l’union centrale auraient peut-être plus de droits à rev
2088
cantonaux. Ceux qui insistent sur la nécessité de
l’
union centrale auraient peut-être plus de droits à revendiquer le nom
2089
e auraient peut-être plus de droits à revendiquer
le
nom de fédéralistes, dans son sens étymologique. (fœdus = traité, ser
2090
usion verbale, symbolique de tant d’autres, est à
la
base de la plupart de nos conflits politiques, économiques, parlement
2091
ires. i. Rougemont Denis de, « Autocritique de
la
Suisse », Les Cahiers protestants, Lausanne, février 1941, p. 127-128
2092
ougemont Denis de, « Autocritique de la Suisse »,
Les
Cahiers protestants, Lausanne, février 1941, p. 127-128. j. Une note
2093
note précise : « Tiré de Mission ou démission de
la
Suisse . »
2094
I Comment allons-nous justifier, aux yeux de
l’
Europe qui essaie de se fédérer, cette raison de nous tenir à l’écart
2095
ssaie de se fédérer, cette raison de nous tenir à
l’
écart ou de bénéficier d’un traitement tout spécial, que nos autorités
2096
er dans une forme quelconque d’union européenne ?
Le
fait est que nos voisins d’Europe comprennent de moins en moins notre
2097
e comprennent de moins en moins notre neutralité.
Le
fait est que les Américains ne la comprennent absolument pas, et que
2098
moins en moins notre neutralité. Le fait est que
les
Américains ne la comprennent absolument pas, et que les Russes n’y cr
2099
tre neutralité. Le fait est que les Américains ne
la
comprennent absolument pas, et que les Russes n’y croient pas plus qu
2100
éricains ne la comprennent absolument pas, et que
les
Russes n’y croient pas plus qu’ils ne croient à nos libertés, et vrai
2101
dire. Il serait donc temps qu’en Suisse au moins,
l’
on essaie de comprendre un peu mieux les raisons véritables de ce stat
2102
au moins, l’on essaie de comprendre un peu mieux
les
raisons véritables de ce statut spécial, qui ne résulte pas d’une loi
2103
pécial, qui ne résulte pas d’une loi éternelle de
la
nature, ni d’un commandement de Moïse, ni d’un droit divin des Helvèt
2104
ne va pas du tout de soi. Je suis bien obligé de
l’
avouer publiquement : pour beaucoup de mes compatriotes, la neutralité
2105
publiquement : pour beaucoup de mes compatriotes,
la
neutralité suisse est devenue un tabou, aussi sacré que l’égoïsme. On
2106
lité suisse est devenue un tabou, aussi sacré que
l’
égoïsme. On refuse de la discuter, parce qu’on craint que cette discus
2107
un tabou, aussi sacré que l’égoïsme. On refuse de
la
discuter, parce qu’on craint que cette discussion n’aboutisse à des c
2108
osition. On n’aime pas cela… Ce qu’on veut, c’est
la
paix chez soi et tant pis pour les voisins. Ce qu’on veut, c’est fair
2109
’on veut, c’est la paix chez soi et tant pis pour
les
voisins. Ce qu’on veut, c’est faire du commerce avec tout le monde, s
2110
sme par des œuvres philanthropiques. Il faut bien
le
reconnaître, ce repliement intéressé, qui tient parfois du raisonneme
2111
t intéressé, qui tient parfois du raisonnement de
l’
autruche, et parfois d’une sagesse rusée, a parfaitement réussi jusqu’
2112
notre neutralité n’était rien d’autre que ce que
le
Suisse moyen semble croire aujourd’hui, il ne faudrait pas s’étonner
2113
pas s’étonner qu’elle impatiente de plus en plus
le
reste du monde. Comment les Suisses, si jalousement ennemis de privil
2114
tiente de plus en plus le reste du monde. Comment
les
Suisses, si jalousement ennemis de privilèges dans leur pays, peuvent
2115
je me contenterai ce soir d’un rapide aperçu sur
l’
histoire de notre neutralité, car je soupçonne qu’elle n’est pas bien
2116
ns. Aux origines lointaines de notre État, il y a
le
Pacte de 1291. Ce pacte fut juré par les représentants des trois comm
2117
t, il y a le Pacte de 1291. Ce pacte fut juré par
les
représentants des trois communautés des Waldstätten, qui étaient en s
2118
mme des corporations ou coopératives forestières.
Le
pacte avait pour but de maintenir les libertés impériales acquises pa
2119
forestières. Le pacte avait pour but de maintenir
les
libertés impériales acquises par ces communautés. Et ces privilèges a
2120
autés. Et ces privilèges avaient été accordés par
l’
empereur afin que le passage du Gothard fût gardé libre pour tout le S
2121
èges avaient été accordés par l’empereur afin que
le
passage du Gothard fût gardé libre pour tout le Saint-Empire. Ainsi d
2122
e le passage du Gothard fût gardé libre pour tout
le
Saint-Empire. Ainsi donc, dès le début, ce premier noyau de la Suisse
2123
libre pour tout le Saint-Empire. Ainsi donc, dès
le
début, ce premier noyau de la Suisse a reçu un statut spécial dans l’
2124
re. Ainsi donc, dès le début, ce premier noyau de
la
Suisse a reçu un statut spécial dans l’intérêt de l’Europe entière, a
2125
noyau de la Suisse a reçu un statut spécial dans
l’
intérêt de l’Europe entière, au moins autant que pour lui-même. La pre
2126
Suisse a reçu un statut spécial dans l’intérêt de
l’
Europe entière, au moins autant que pour lui-même. La première idée d’
2127
gative des Confédérés apparaît vers 1648, lorsque
la
Suisse se sépare de l’Empire par le traité de Westphalie. L’expérienc
2128
pparaît vers 1648, lorsque la Suisse se sépare de
l’
Empire par le traité de Westphalie. L’expérience de la guerre de Trent
2129
1648, lorsque la Suisse se sépare de l’Empire par
le
traité de Westphalie. L’expérience de la guerre de Trente Ans a montr
2130
e sépare de l’Empire par le traité de Westphalie.
L’
expérience de la guerre de Trente Ans a montré que les cantons ne peuv
2131
pire par le traité de Westphalie. L’expérience de
la
guerre de Trente Ans a montré que les cantons ne peuvent rester unis
2132
xpérience de la guerre de Trente Ans a montré que
les
cantons ne peuvent rester unis que s’ils s’abstiennent de prendre par
2133
estants — puisqu’ils sont eux-mêmes divisés entre
les
deux confessions. Mais ce n’est qu’en 1815 que la neutralité de la Su
2134
es deux confessions. Mais ce n’est qu’en 1815 que
la
neutralité de la Suisse se voit proclamée, sanctionnée par les Puissa
2135
ns. Mais ce n’est qu’en 1815 que la neutralité de
la
Suisse se voit proclamée, sanctionnée par les Puissances et déclarée
2136
é de la Suisse se voit proclamée, sanctionnée par
les
Puissances et déclarée perpétuelle. En même temps, elle prend un aspe
2137
lle prend un aspect positif. On sait en effet que
le
traité de Vienne dit en tous termes que « la neutralité et l’inviolab
2138
que le traité de Vienne dit en tous termes que «
la
neutralité et l’inviolabilité de la Suisse […] sont dans les vrais in
2139
Vienne dit en tous termes que « la neutralité et
l’
inviolabilité de la Suisse […] sont dans les vrais intérêts de l’Europ
2140
termes que « la neutralité et l’inviolabilité de
la
Suisse […] sont dans les vrais intérêts de l’Europe entière ». En 191
2141
ité et l’inviolabilité de la Suisse […] sont dans
les
vrais intérêts de l’Europe entière ». En 1914, on retrouve ce même mé
2142
de la Suisse […] sont dans les vrais intérêts de
l’
Europe entière ». En 1914, on retrouve ce même mélange d’intérêt propr
2143
rêt européen dans notre abstention du conflit. Si
la
Suisse avait pris parti, à ce moment-là, elle se fût déchirée en deux
2144
se fût déchirée en deux : une partie tenant pour
la
France, l’autre pour l’Allemagne. Il était évident que notre neutrali
2145
: une partie tenant pour la France, l’autre pour
l’
Allemagne. Il était évident que notre neutralité dépendait donc, au dé
2146
ameux « équilibre européen ». Mais déjà en 1939,
la
question se posa différemment. L’équilibre étant rompu au profit des
2147
s déjà en 1939, la question se posa différemment.
L’
équilibre étant rompu au profit des puissances fascistes, la Suisse ne
2148
e étant rompu au profit des puissances fascistes,
la
Suisse ne dut son salut qu’à une chance extraordinaire, aidée par une
2149
dées. Qu’en est-il aujourd’hui ? Tout est changé.
Les
conflits qui menacent d’éclater n’opposeront plus les catholiques aux
2150
conflits qui menacent d’éclater n’opposeront plus
les
catholiques aux protestants, comme pendant la guerre de Trente Ans ;
2151
us les catholiques aux protestants, comme pendant
la
guerre de Trente Ans ; ni la France à l’Allemagne, ou l’Autriche à l’
2152
tants, comme pendant la guerre de Trente Ans ; ni
la
France à l’Allemagne, ou l’Autriche à l’Italie, comme en 1914 ; ni mê
2153
pendant la guerre de Trente Ans ; ni la France à
l’
Allemagne, ou l’Autriche à l’Italie, comme en 1914 ; ni même des Europ
2154
re de Trente Ans ; ni la France à l’Allemagne, ou
l’
Autriche à l’Italie, comme en 1914 ; ni même des Européens à d’autres
2155
Ans ; ni la France à l’Allemagne, ou l’Autriche à
l’
Italie, comme en 1914 ; ni même des Européens à d’autres Européens com
2156
de 1939 à 1945. Il n’est donc plus question pour
la
Suisse d’essayer de maintenir sa place centrale et réservée dans le j
2157
r de maintenir sa place centrale et réservée dans
le
jeu des puissances voisines. Il n’y a plus d’équilibre européen. Il y
2158
sines. Il n’y a plus d’équilibre européen. Il y a
l’
Europe entière qui essaie de survivre et de s’unir contre un danger co
2159
ir contre un danger commun. Nous sommes tous dans
le
même sac, si j’ose dire. La seule question réelle qui se pose désorma
2160
Nous sommes tous dans le même sac, si j’ose dire.
La
seule question réelle qui se pose désormais, c’est de savoir si la ne
2161
réelle qui se pose désormais, c’est de savoir si
la
neutralité de notre pays est encore « dans les vrais intérêts de l’Eu
2162
si la neutralité de notre pays est encore « dans
les
vrais intérêts de l’Europe entière ». Apporte-t-elle, ou non, une con
2163
otre pays est encore « dans les vrais intérêts de
l’
Europe entière ». Apporte-t-elle, ou non, une contribution effective à
2164
orte-t-elle, ou non, une contribution effective à
la
défense commune de l’Europe ? II Avant tout essai de réponse, o
2165
ne contribution effective à la défense commune de
l’
Europe ? II Avant tout essai de réponse, on fera bien de se dema
2166
en de se demander d’abord : Quels sont, en somme,
les
vrais intérêts de l’Europe entière ? Sont-ils les mêmes aujourd’hui q
2167
ord : Quels sont, en somme, les vrais intérêts de
l’
Europe entière ? Sont-ils les mêmes aujourd’hui qu’il y a cent-cinquan
2168
les vrais intérêts de l’Europe entière ? Sont-ils
les
mêmes aujourd’hui qu’il y a cent-cinquante ans, ou même qu’il y a dix
2169
-cinquante ans, ou même qu’il y a dix ans ? Je ne
le
pense pas. Ce que les auteurs des traités de 1815 entendaient par l’i
2170
me qu’il y a dix ans ? Je ne le pense pas. Ce que
les
auteurs des traités de 1815 entendaient par l’intérêt de l’Europe, c’
2171
e les auteurs des traités de 1815 entendaient par
l’
intérêt de l’Europe, c’était un certain degré de concorde entre nos pa
2172
des traités de 1815 entendaient par l’intérêt de
l’
Europe, c’était un certain degré de concorde entre nos pays et leurs r
2173
orde qui ne semblait pouvoir être assurée que par
l’
équilibre entre les grandes puissances du continent. Il s’agit aujourd
2174
it pouvoir être assurée que par l’équilibre entre
les
grandes puissances du continent. Il s’agit aujourd’hui d’autre chose.
2175
u continent. Il s’agit aujourd’hui d’autre chose.
L’
idée d’une guerre prochaine entre pays européens n’empêche personne de
2176
angers communs : l’un idéologique et militaire, à
l’
Est ; l’autre économique et social, parmi nous. Pour y faire face, per
2177
, personne n’a proposé une meilleure solution que
l’
union. « Les vrais intérêts de l’Europe entière », c’est donc tout sim
2178
n’a proposé une meilleure solution que l’union. «
Les
vrais intérêts de l’Europe entière », c’est donc tout simplement que
2179
ure solution que l’union. « Les vrais intérêts de
l’
Europe entière », c’est donc tout simplement que l’Europe devienne ent
2180
’Europe entière », c’est donc tout simplement que
l’
Europe devienne entière, qu’elle mette en commun toutes ses forces pou
2181
et pour assurer sa défense. Or, peut-on dire que
l’
attitude plus que réservée de la Suisse contribue sérieusement à promo
2182
peut-on dire que l’attitude plus que réservée de
la
Suisse contribue sérieusement à promouvoir l’union ? Peut-on dire que
2183
de la Suisse contribue sérieusement à promouvoir
l’
union ? Peut-on dire que la Suisse, en refusant de se risquer à Strasb
2184
ieusement à promouvoir l’union ? Peut-on dire que
la
Suisse, en refusant de se risquer à Strasbourg, contribue à renforcer
2185
de se risquer à Strasbourg, contribue à renforcer
le
Conseil de l’Europe ? Certes, nous avons fini par adhérer avec d’infi
2186
quelques entreprises internationales, telles que
l’
OECE et l’Union des paiements. Mais c’était en réalité parce que nous
2187
entreprises internationales, telles que l’OECE et
l’
Union des paiements. Mais c’était en réalité parce que nous ne pouvion
2188
s plus faire autrement. Ce n’était pas pour hâter
l’
union, mais par intérêt bien compris. Il serait donc un peu excessif d
2189
ves et réticentes comme autant de contributions à
l’
unité. Sur ce plan général, il semble difficile de soutenir que la neu
2190
plan général, il semble difficile de soutenir que
la
neutralité représente un apport positif à la fédération du continent,
2191
que la neutralité représente un apport positif à
la
fédération du continent, c’est-à-dire à ses vrais intérêts. Mais sur
2192
à ses vrais intérêts. Mais sur le plan précis de
la
défense de l’Europe, la situation est différente. M. Churchill a parl
2193
ntérêts. Mais sur le plan précis de la défense de
l’
Europe, la situation est différente. M. Churchill a parlé à Strasbourg
2194
ais sur le plan précis de la défense de l’Europe,
la
situation est différente. M. Churchill a parlé à Strasbourg de créer
2195
e. M. Pleven a fait voter un projet similaire par
la
Chambre française. Et déjà, l’on commence à regarder de travers cette
2196
ojet similaire par la Chambre française. Et déjà,
l’
on commence à regarder de travers cette petite Suisse qui prétend rest
2197
t le monde réarme à grands cris. Mais attention :
les
cris ne sont pas des armes ! La vérité, c’est que la Suisse neutre es
2198
Mais attention : les cris ne sont pas des armes !
La
vérité, c’est que la Suisse neutre est le seul pays d’Europe qui soit
2199
cris ne sont pas des armes ! La vérité, c’est que
la
Suisse neutre est le seul pays d’Europe qui soit matériellement et mo
2200
armes ! La vérité, c’est que la Suisse neutre est
le
seul pays d’Europe qui soit matériellement et moralement prêt à se dé
2201
e en cas d’attaque, demain. Je sais très bien que
la
seule mention de l’armée suisse a le don de provoquer des sourires lé
2202
demain. Je sais très bien que la seule mention de
l’
armée suisse a le don de provoquer des sourires légèrement ironiques o
2203
rès bien que la seule mention de l’armée suisse a
le
don de provoquer des sourires légèrement ironiques ou incrédules chez
2204
mptent plutôt leurs divisions ! Nous en avons, je
le
crains, plus qu’eux tous réunis. Il n’y a qu’un seul coin de l’Europe
2205
s qu’eux tous réunis. Il n’y a qu’un seul coin de
l’
Europe qui soit sérieusement défendu, et le fait est, paradoxal mais é
2206
oin de l’Europe qui soit sérieusement défendu, et
le
fait est, paradoxal mais évident, que ce petit coin, c’est la Suisse
2207
paradoxal mais évident, que ce petit coin, c’est
la
Suisse neutre. Quand l’armée de l’Europe commencera d’exister, il ser
2208
que ce petit coin, c’est la Suisse neutre. Quand
l’
armée de l’Europe commencera d’exister, il sera temps d’aborder la que
2209
it coin, c’est la Suisse neutre. Quand l’armée de
l’
Europe commencera d’exister, il sera temps d’aborder la question d’un
2210
ope commencera d’exister, il sera temps d’aborder
la
question d’un plan de défense unifié. Vous le voyez, la réponse que j
2211
der la question d’un plan de défense unifié. Vous
le
voyez, la réponse que j’essaie de trouver n’est pas simple. Si l’effo
2212
stion d’un plan de défense unifié. Vous le voyez,
la
réponse que j’essaie de trouver n’est pas simple. Si l’effort militai
2213
onse que j’essaie de trouver n’est pas simple. Si
l’
effort militaire considérable que nous impose notre statut de neutrali
2214
tatut de neutralité est une contribution réelle à
la
défense du continent, on ne saurait vraiment en dire autant de notre
2215
ttitude méfiante et presque négative à l’égard de
l’
union nécessaire. À la question qu’on me pose de tous côtés : Êtes-vou
2216
esque négative à l’égard de l’union nécessaire. À
la
question qu’on me pose de tous côtés : Êtes-vous pour l’abandon de no
2217
tion qu’on me pose de tous côtés : Êtes-vous pour
l’
abandon de notre neutralité ? je ne puis donc répondre oui ou non. Le
2218
neutralité ? je ne puis donc répondre oui ou non.
Le
problème ne peut pas être posé, encore moins résolu, dans l’abstrait.
2219
ne peut pas être posé, encore moins résolu, dans
l’
abstrait. Ce qu’il faut savoir tout d’abord, c’est pour quelle raison
2220
grande et forte, c’est en somme au profit de quoi
la
Suisse devrait éventuellement renoncer à sa neutralité. Je réponds po
2221
ma part que cela ne pourrait être qu’au profit de
l’
Europe entière, c’est-à-dire au profit de son union fédérale, et de ce
2222
ées. Cela viendra, n’en doutez pas ! Demain, soit
les
États-Unis, soit le Conseil de l’Europe s’il sort de son impasse, soi
2223
en doutez pas ! Demain, soit les États-Unis, soit
le
Conseil de l’Europe s’il sort de son impasse, soit encore une menace
2224
impasse, soit encore une menace de guerre contre
le
continent tout entier, nous poseront ces questions précises. Il faut
2225
ifficile de trancher, ne sachant pas ce que pense
le
peuple suisse. Il ne faut pas que l’histoire nous surprenne, endormis
2226
ce que pense le peuple suisse. Il ne faut pas que
l’
histoire nous surprenne, endormis dans la fausse sécurité d’une tradit
2227
pas que l’histoire nous surprenne, endormis dans
la
fausse sécurité d’une tradition qui a peut-être fait son temps, endor
2228
qui a peut-être fait son temps, endormis derrière
la
neutralité, comme la France en 1940 derrière la ligne Maginot, comme
2229
son temps, endormis derrière la neutralité, comme
la
France en 1940 derrière la ligne Maginot, comme l’Amérique l’été dern
2230
e la neutralité, comme la France en 1940 derrière
la
ligne Maginot, comme l’Amérique l’été dernier derrière sa Bombe. Je
2231
a France en 1940 derrière la ligne Maginot, comme
l’
Amérique l’été dernier derrière sa Bombe. Je voulais introduire, ce s
2232
1940 derrière la ligne Maginot, comme l’Amérique
l’
été dernier derrière sa Bombe. Je voulais introduire, ce soir, une di
2233
ulais introduire, ce soir, une discussion qui, je
l’
espère, deviendra générale, et qui me paraît vitale pour notre avenir.
2234
e pour notre avenir. Je me borne à proposer, pour
l’
orienter, un seul principe de jugement politique. Le voici : Tant que
2235
orienter, un seul principe de jugement politique.
Le
voici : Tant que la neutralité de la Suisse se révèle utile à l’Europ
2236
incipe de jugement politique. Le voici : Tant que
la
neutralité de la Suisse se révèle utile à l’Europe — comme aujourd’hu
2237
t politique. Le voici : Tant que la neutralité de
la
Suisse se révèle utile à l’Europe — comme aujourd’hui sur le plan mil
2238
que la neutralité de la Suisse se révèle utile à
l’
Europe — comme aujourd’hui sur le plan militaire — il faut la mainteni
2239
comme aujourd’hui sur le plan militaire — il faut
la
maintenir. Si au contraire elle devient un prétexte à freiner l’union
2240
i au contraire elle devient un prétexte à freiner
l’
union de l’Europe et à ne pas y prendre notre part, elle est contraire
2241
ire elle devient un prétexte à freiner l’union de
l’
Europe et à ne pas y prendre notre part, elle est contraire à l’esprit
2242
ne pas y prendre notre part, elle est contraire à
l’
esprit même de son statut, et elle peut donc demain devenir une trahis
2243
lle peut donc demain devenir une trahison. Car je
le
répète : notre neutralité a été reconnue par les puissances « dans l’
2244
e le répète : notre neutralité a été reconnue par
les
puissances « dans l’intérêt de l’Europe entière », et non pas comme u
2245
utralité a été reconnue par les puissances « dans
l’
intérêt de l’Europe entière », et non pas comme un privilège qu’il n’y
2246
é reconnue par les puissances « dans l’intérêt de
l’
Europe entière », et non pas comme un privilège qu’il n’y aurait plus
2247
il n’y aurait plus à mériter. Elle est relative à
l’
Europe. Et ceux qui, par erreur ou par malice, veulent aujourd’hui la
2248
ui, par erreur ou par malice, veulent aujourd’hui
la
transformer en neutralité absolue, précisons : en neutralité entre l’
2249
utralité absolue, précisons : en neutralité entre
l’
Europe et les ennemis de l’Europe — entre l’Europe unie et l’URSS par
2250
olue, précisons : en neutralité entre l’Europe et
les
ennemis de l’Europe — entre l’Europe unie et l’URSS par exemple — ceu
2251
: en neutralité entre l’Europe et les ennemis de
l’
Europe — entre l’Europe unie et l’URSS par exemple — ceux-là sont infi
2252
entre l’Europe et les ennemis de l’Europe — entre
l’
Europe unie et l’URSS par exemple — ceux-là sont infidèles à notre tra
2253
les ennemis de l’Europe — entre l’Europe unie et
l’
URSS par exemple — ceux-là sont infidèles à notre tradition. Ils viole
2254
tre tradition. Ils violent notre statut légal, et
l’
esprit même de nos institutions. Je me promets de revenir sur ce point
2255
t Denis de, « Europe unie et neutralité suisse »,
Les
Cahiers protestants, Lausanne, novembre–décembre 1950, p. 309-316. l
2256
ovembre–décembre 1950, p. 309-316. l. Précédé de
la
note suivante : « L’Europe est en danger. Les efforts pour unir l’Eur
2257
, p. 309-316. l. Précédé de la note suivante : «
L’
Europe est en danger. Les efforts pour unir l’Europe se multiplient. I
2258
é de la note suivante : « L’Europe est en danger.
Les
efforts pour unir l’Europe se multiplient. Il semble que les obstacle
2259
: « L’Europe est en danger. Les efforts pour unir
l’
Europe se multiplient. Il semble que les obstacles qui s’opposent à un
2260
pour unir l’Europe se multiplient. Il semble que
les
obstacles qui s’opposent à une fédération européenne se font plus dif
2261
opéenne se font plus difficiles et plus nombreux.
Les
Suisses doivent d’abord connaître objectivement la question. Nous avo
2262
s Suisses doivent d’abord connaître objectivement
la
question. Nous avons rédigé un questionnaire qui sera envoyé à quelqu
2263
nnaire qui sera envoyé à quelques-uns de ceux que
le
problème préoccupe et nous ouvrons ainsi une rubrique où paraîtront,
2264
où paraîtront, au cours des prochains fascicules,
les
réponses reçues. Voici le questionnaire. Il est suivi d’une première
2265
prochains fascicules, les réponses reçues. Voici
le
questionnaire. Il est suivi d’une première réponse de M. Denis de Rou
2266
ions IV et V : […] — Quelle attitude, selon vous,
la
Suisse devrait-elle adopter en face de l’Europe unie ? À supposer qu’
2267
n vous, la Suisse devrait-elle adopter en face de
l’
Europe unie ? À supposer qu’une fédération européenne se réalisât proc
2268
nne se réalisât prochainement, dans quelle mesure
la
neutralité helvétique serait-elle un obstacle majeur à notre entrée d
2269
êche-t-elle pas notre pays d’assumer actuellement
la
tâche de conciliation qui serait conforme à son génie ? — En faveur d
2270
onforme à son génie ? — En faveur du maintien, de
l’
assouplissement ou de l’abandon de cette neutralité, tenez-vous certai
2271
En faveur du maintien, de l’assouplissement ou de
l’
abandon de cette neutralité, tenez-vous certains arguments comme parti
2272
tains arguments comme particulièrement décisifs à
l’
heure où nous sommes ? » Comme le précise une note finale, ce texte es
2273
ement décisifs à l’heure où nous sommes ? » Comme
le
précise une note finale, ce texte est issu « des chroniques lues à Ra
2274
xte est issu « des chroniques lues à Radio-Genève
les
30 octobre et 6 novembre 1950, dans le cadre de l’émission ‟Destins d
2275
io-Genève les 30 octobre et 6 novembre 1950, dans
le
cadre de l’émission ‟Destins du monde : Demain l’Europe !” ».
2276
s 30 octobre et 6 novembre 1950, dans le cadre de
l’
émission ‟Destins du monde : Demain l’Europe !” ».
2277
le cadre de l’émission ‟Destins du monde : Demain
l’
Europe !” ».
2278
te que M. Lasserre ait simplifié ma thèse jusqu’à
la
déformer, et qu’il ait apporté à sa réfutation moins de scrupule que
2279
d’humeur. J’avais pourtant pris soin de souligner
la
complexité du problème. Je parlais de « ce mélange d’intérêt propre e
2280
ui a toujours caractérisé notre neutralité et qui
l’
a pratiquement permise. M. Lasserre veut croire que je n’ai considéré
2281
M. Lasserre veut croire que je n’ai considéré que
l’
intérêt européen : c’est sa « grave erreur liminaire ». J’ai naturelle
2282
eur liminaire ». J’ai naturellement insisté sur «
l’
intérêt de l’Europe entière » parce que c’était par ce biais-là que je
2283
». J’ai naturellement insisté sur « l’intérêt de
l’
Europe entière » parce que c’était par ce biais-là que je pouvais abor
2284
ue c’était par ce biais-là que je pouvais aborder
le
problème suisse, dans le cadre général de ma chronique intitulée « De
2285
à que je pouvais aborder le problème suisse, dans
le
cadre général de ma chronique intitulée « Demain l’Europe ». Je n’ai
2286
cadre général de ma chronique intitulée « Demain
l’
Europe ». Je n’ai nullement nié ou méconnu l’intérêt propre de la Suis
2287
main l’Europe ». Je n’ai nullement nié ou méconnu
l’
intérêt propre de la Suisse. Il serait toutefois bien léger de penser,
2288
n’ai nullement nié ou méconnu l’intérêt propre de
la
Suisse. Il serait toutefois bien léger de penser, ou de laisser croir
2289
re, que ce propre intérêt soit seul en cause dans
le
jeu des forces politiques de notre temps ! Où donc ai-je soutenu « sa
2290
emps ! Où donc ai-je soutenu « sans réserve » que
la
Suisse devrait subordonner sa politique à « l’intérêt des principaux
2291
ue la Suisse devrait subordonner sa politique à «
l’
intérêt des principaux États de l’Europe » ? J’ai dit seulement que si
2292
x États de l’Europe » ? J’ai dit seulement que si
la
Suisse un jour décidait de renoncer à sa neutralité, ce ne pourrait ê
2293
a neutralité, ce ne pourrait être qu’au profit de
l’
Europe entière et de son union fédérale ; et j’ai ajouté : « Encore fa
2294
ale. Au surplus, je souhaitais une discussion sur
la
neutralité présente et à venir de la Suisse, les circonstances ayant
2295
scussion sur la neutralité présente et à venir de
la
Suisse, les circonstances ayant changé depuis dix ans. Demander qu’on
2296
r la neutralité présente et à venir de la Suisse,
les
circonstances ayant changé depuis dix ans. Demander qu’on discute un
2297
n professeur d’histoire puisse paraître assimiler
la
Russie de 1815 et l’URSS de Staline, lorsqu’il s’agit de leurs relati
2298
re puisse paraître assimiler la Russie de 1815 et
l’
URSS de Staline, lorsqu’il s’agit de leurs relations avec l’Europe ; q
2299
Staline, lorsqu’il s’agit de leurs relations avec
l’
Europe ; qu’il tienne l’URSS — malgré elle ! — pour une puissance euro
2300
t de leurs relations avec l’Europe ; qu’il tienne
l’
URSS — malgré elle ! — pour une puissance européenne ; qu’il fasse éta
2301
; qu’il fasse état, très sérieusement, de ce que
l’
OECE « reste ouverte » aux pays de l’Est ; et qu’enfin tous les chiffr
2302
t, de ce que l’OECE « reste ouverte » aux pays de
l’
Est ; et qu’enfin tous les chiffres et proportions qu’il cite vers la
2303
te ouverte » aux pays de l’Est ; et qu’enfin tous
les
chiffres et proportions qu’il cite vers la fin de son article soient
2304
tous les chiffres et proportions qu’il cite vers
la
fin de son article soient erronés, — ceci pour deux motifs, l’un d’in
2305
que je n’ai pas pu « confondre systématiquement »
le
Conseil de l’Europe avec la fédération du continent : le premier n’ét
2306
re systématiquement » le Conseil de l’Europe avec
la
fédération du continent : le premier n’étant, comme chacun sait, qu’u
2307
effort encore hésitant vers la seconde. Ensuite :
le
Conseil de l’Europe comprend quinze États, et non dix comme le répète
2308
l’Europe comprend quinze États, et non dix comme
le
répète mon censeur, ce qui fausse ses calculs à la base. Finalement,
2309
e répète mon censeur, ce qui fausse ses calculs à
la
base. Finalement, quelle est la position de M. Lasserre sur le fond d
2310
sse ses calculs à la base. Finalement, quelle est
la
position de M. Lasserre sur le fond du problème, tel qu’il est défini
2311
lement, quelle est la position de M. Lasserre sur
le
fond du problème, tel qu’il est défini par les points IV et V de votr
2312
sur le fond du problème, tel qu’il est défini par
les
points IV et V de votre questionnaire ?o On voit que mes thèses l’irr
2313
de votre questionnaire ?o On voit que mes thèses
l’
irritent. Et puis après ? Tenter de me réfuter ne supprime pas le prob
2314
puis après ? Tenter de me réfuter ne supprime pas
le
problème du rôle actuel et futur de la Suisse dans la construction de
2315
pprime pas le problème du rôle actuel et futur de
la
Suisse dans la construction de l’Europe. C’est sur ce point qu’il eût
2316
roblème du rôle actuel et futur de la Suisse dans
la
construction de l’Europe. C’est sur ce point qu’il eût été intéressan
2317
uel et futur de la Suisse dans la construction de
l’
Europe. C’est sur ce point qu’il eût été intéressant d’entendre l’hist
2318
sur ce point qu’il eût été intéressant d’entendre
l’
historien respecté de Lausanne. m. Rougemont Denis de, « Réplique à
2319
Rougemont Denis de, « Réplique à M. Lasserre »,
Les
Cahiers protestants, Lausanne, mars–avril 1951, p. 117-118. n. À pro
2320
nne, mars–avril 1951, p. 117-118. n. À propos de
la
réponse de David Lasserre publiée comme réponse à l’enquête des Cahie
2321
réponse de David Lasserre publiée comme réponse à
l’
enquête des Cahiers sur « La Suisse et l’Europe ». o. Voir la premièr
2322
bliée comme réponse à l’enquête des Cahiers sur «
La
Suisse et l’Europe ». o. Voir la première note du texte « Europe uni
2323
éponse à l’enquête des Cahiers sur « La Suisse et
l’
Europe ». o. Voir la première note du texte « Europe unie et neutrali
2324
Pour une morale de
la
vocation (1968)p q On a parfois décrit la situation présente du ch
2325
e de la vocation (1968)p q On a parfois décrit
la
situation présente du christianisme (protestant surtout) comme l’inve
2326
sente du christianisme (protestant surtout) comme
l’
inverse de celle du xixe siècle. Alors, dit-on, c’était la théologie
2327
de celle du xixe siècle. Alors, dit-on, c’était
la
théologie qui faisait question, la morale était évidente. Le principe
2328
it-on, c’était la théologie qui faisait question,
la
morale était évidente. Le principe même de la dogmatique paraissait d
2329
e qui faisait question, la morale était évidente.
Le
principe même de la dogmatique paraissait difficile à justifier, mais
2330
on, la morale était évidente. Le principe même de
la
dogmatique paraissait difficile à justifier, mais non pas les princip
2331
ue paraissait difficile à justifier, mais non pas
les
principes du devoir moral, considérés comme révélés, invariables déso
2332
rmais et au surplus indispensables au maintien de
l’
ordre social. Aujourd’hui, poursuit-on, la théologie a été solidement
2333
tien de l’ordre social. Aujourd’hui, poursuit-on,
la
théologie a été solidement reconstruite sur les bases de la dogmatiqu
2334
n, la théologie a été solidement reconstruite sur
les
bases de la dogmatique des Pères et des réformateurs ou de Thomas d’A
2335
ie a été solidement reconstruite sur les bases de
la
dogmatique des Pères et des réformateurs ou de Thomas d’Aquin. Ses pr
2336
sives, en tout cas, sont nettement définies. Mais
la
morale ! Ce serait peu de dire qu’elle est en crise : on ne sait même
2337
elle peut ou doit dire encore, et au nom de quoi.
Le
« moralisme de grand-papa » est encore plus mal vu chez les théologie
2338
lisme de grand-papa » est encore plus mal vu chez
les
théologiens rigoureux que chez les jeunes gens en colère. De cette mo
2339
us mal vu chez les théologiens rigoureux que chez
les
jeunes gens en colère. De cette morale que l’on disait chrétienne et
2340
ez les jeunes gens en colère. De cette morale que
l’
on disait chrétienne et qui se confondait, du moins par ses tabous, av
2341
qui se confondait, du moins par ses tabous, avec
la
morale victorienne et plus généralement bourgeoise-occidentale, que r
2342
ment bourgeoise-occidentale, que reste-t-il après
la
triple attaque convergente de la sociologie (surtout marxiste), de la
2343
reste-t-il après la triple attaque convergente de
la
sociologie (surtout marxiste), de la psychologie (surtout freudienne)
2344
nvergente de la sociologie (surtout marxiste), de
la
psychologie (surtout freudienne) et de l’ethnologie comparée (de Lévy
2345
te), de la psychologie (surtout freudienne) et de
l’
ethnologie comparée (de Lévy-Bruhl à Lévi-Strauss) ? Théoriquement et
2346
s et à quels dogmes nous croyons. Mais au plan de
la
morale, nous vivons dans la plus incroyable confusion de systèmes hét
2347
yons. Mais au plan de la morale, nous vivons dans
la
plus incroyable confusion de systèmes hétéroclites, d’époques, de sty
2348
les, de visées différentes ; nous pataugeons dans
l’
impur, dans l’hybride, dans les alluvions, les dépôts sédimentés des â
2349
différentes ; nous pataugeons dans l’impur, dans
l’
hybride, dans les alluvions, les dépôts sédimentés des âges, des cultu
2350
ous pataugeons dans l’impur, dans l’hybride, dans
les
alluvions, les dépôts sédimentés des âges, des cultures, des religion
2351
dans l’impur, dans l’hybride, dans les alluvions,
les
dépôts sédimentés des âges, des cultures, des religions, des préjugés
2352
religions, des préjugés sociaux et nationaux, de
l’
obscurantisme et du rationalisme, du piétisme et de l’existentialisme,
2353
scurantisme et du rationalisme, du piétisme et de
l’
existentialisme, etc. Y a-t-il encore une morale chrétienne ? Osera-t-
2354
encore une morale chrétienne ? Osera-t-on encore
la
prêcher ? Théologie solide, morale problématique ; est-ce bien la réa
2355
ologie solide, morale problématique ; est-ce bien
la
réalité de notre temps ? Oui sans doute, si nous bornons l’enquête au
2356
de notre temps ? Oui sans doute, si nous bornons
l’
enquête aux élites de nos églises en Europe. Mais dans le reste du mon
2357
te aux élites de nos églises en Europe. Mais dans
le
reste du monde, déjà — et ce sera vrai pour nous aussi bientôt —, je
2358
iècle passé, mais radicalisée. D’une part, ce que
l’
on nomme aux États-Unis et en Grande-Bretagne la « théologie de la mor
2359
e l’on nomme aux États-Unis et en Grande-Bretagne
la
« théologie de la mort de Dieu » (ses échos remplissent depuis un an
2360
tats-Unis et en Grande-Bretagne la « théologie de
la
mort de Dieu » (ses échos remplissent depuis un an la presse intellec
2361
ort de Dieu » (ses échos remplissent depuis un an
la
presse intellectuelle anglo-saxonne, en attendant de se répandre dans
2362
dre dans nos pays), cette théologie-là bouleverse
le
fondement commun de toutes nos orthodoxies, qu’elles soient d’emprein
2363
les soient d’empreinte barthienne ou thomiste, et
les
notions mêmes d’orthodoxie et de révélation ; néanmoins, cette école
2364
ins, cette école (ou ce mouvement) veut conserver
l’
amour du Christ, c’est-à-dire la forme d’existence personnelle et soci
2365
t) veut conserver l’amour du Christ, c’est-à-dire
la
forme d’existence personnelle et sociale la plus conforme aux évangil
2366
-dire la forme d’existence personnelle et sociale
la
plus conforme aux évangiles, l’inspiration évangélique d’une éthique.
2367
nnelle et sociale la plus conforme aux évangiles,
l’
inspiration évangélique d’une éthique. D’autre part, les prétentions
2368
iration évangélique d’une éthique. D’autre part,
les
prétentions de la science occidentale deviennent universelles, pour n
2369
d’une éthique. D’autre part, les prétentions de
la
science occidentale deviennent universelles, pour ne pas dire totalit
2370
— se mettent en devoir et en mesure de remplacer
les
préceptes et coutumes de la morale traditionnelle, dite « chrétienne
2371
mesure de remplacer les préceptes et coutumes de
la
morale traditionnelle, dite « chrétienne », et sont déjà en bon train
2372
domaines importants. Au lieu de sermons contre «
l’
impureté », on donne à nos adolescents des leçons d’initiation sexuell
2373
tion, d’ajustement social, voire politique, selon
les
pays. Recettes, régimes, remèdes, relaxation, action sur l’équilibre
2374
ecettes, régimes, remèdes, relaxation, action sur
l’
équilibre hormonal, conditionnement des réflexes devant la machine, le
2375
bre hormonal, conditionnement des réflexes devant
la
machine, les feux rouges, le chef de l’État, les rythmes de la consom
2376
, conditionnement des réflexes devant la machine,
les
feux rouges, le chef de l’État, les rythmes de la consommation ou de
2377
des réflexes devant la machine, les feux rouges,
le
chef de l’État, les rythmes de la consommation ou de la productivité
2378
t la machine, les feux rouges, le chef de l’État,
les
rythmes de la consommation ou de la productivité — c’est cela qui fon
2379
es feux rouges, le chef de l’État, les rythmes de
la
consommation ou de la productivité — c’est cela qui fonctionne aujour
2380
f de l’État, les rythmes de la consommation ou de
la
productivité — c’est cela qui fonctionne aujourd’hui, de mieux en mie
2381
git, et qui contraint. En regard de ce progrès de
la
Science sur tous les fronts, moralisme et immoralisme, vertus et vice
2382
t. En regard de ce progrès de la Science sur tous
les
fronts, moralisme et immoralisme, vertus et vices apparaissent égalem
2383
odés. Ce qui est sérieux, ce qui intéresse, c’est
le
mode d’emploi de notre univers actuel et le rendement des procédés et
2384
c’est le mode d’emploi de notre univers actuel et
le
rendement des procédés et des conduites, — qu’il s’agisse de s’assure
2385
s conduites, — qu’il s’agisse de s’assurer contre
l’
imprévu ou au contraire de mieux courir son risque personnel, de guéri
2386
c aussi sa culture et sa liberté. Nous tendons de
la
sorte, dans les pays techniquement avancés, vers une société qui sera
2387
ure et sa liberté. Nous tendons de la sorte, dans
les
pays techniquement avancés, vers une société qui serait, à la limite,
2388
niquement avancés, vers une société qui serait, à
la
limite, sans surprises ni drames, sans vrais débats (j’entends : sans
2389
; disciplinée, normalisée et préconditionnée dès
le
secret de la cellule, dès le programme chromosomique, immunisée et ps
2390
e, normalisée et préconditionnée dès le secret de
la
cellule, dès le programme chromosomique, immunisée et psychanalysée,
2391
préconditionnée dès le secret de la cellule, dès
le
programme chromosomique, immunisée et psychanalysée, chaque homme éta
2392
ge, comme une voiture. Pour la première fois dans
l’
Histoire de nos civilisations, ce n’est pas l’anarchie croissante des
2393
ans l’Histoire de nos civilisations, ce n’est pas
l’
anarchie croissante des mœurs que nos vieux sages auront à déplorer, m
2394
vieux sages auront à déplorer, mais au contraire
l’
universelle et rigoureuse réglementation de nos conduites par les ordi
2395
et rigoureuse réglementation de nos conduites par
les
ordinateurs électroniques. (On les verra peut-être alors, ces sages,
2396
conduites par les ordinateurs électroniques. (On
les
verra peut-être alors, ces sages, se lamenter sur la fuite du bon vie
2397
verra peut-être alors, ces sages, se lamenter sur
la
fuite du bon vieux temps qu’auront été les siècles de luttes passionn
2398
ter sur la fuite du bon vieux temps qu’auront été
les
siècles de luttes passionnantes entre le « péché » et la « grâce », c
2399
ont été les siècles de luttes passionnantes entre
le
« péché » et la « grâce », c’est-à-dire entre les tentations de la «
2400
les de luttes passionnantes entre le « péché » et
la
« grâce », c’est-à-dire entre les tentations de la « chair » et les r
2401
le « péché » et la « grâce », c’est-à-dire entre
les
tentations de la « chair » et les refus déchirants d’y céder — sujet
2402
a « grâce », c’est-à-dire entre les tentations de
la
« chair » et les refus déchirants d’y céder — sujet privilégié et pre
2403
st-à-dire entre les tentations de la « chair » et
les
refus déchirants d’y céder — sujet privilégié et presque unique des r
2404
que des romans de François Mauriac, par exemple.)
Les
conséquences de cette situation — qu’il faut imaginer réalisées dans
2405
ociété) sont trop nombreuses et diverses pour que
l’
on puisse porter sur elles un jugement global. Je me borne à relever c
2406
ui décide de certaines conduites sexuelles (comme
la
contraception) dans une société donnée, et non plus l’Église par ses
2407
ntraception) dans une société donnée, et non plus
l’
Église par ses décrets généraux et par l’intervention personnelle du p
2408
non plus l’Église par ses décrets généraux et par
l’
intervention personnelle du prêtre ou du pasteur — alors les crises de
2409
ntion personnelle du prêtre ou du pasteur — alors
les
crises de conscience, les débats intérieurs ou conjugaux, les remords
2410
e ou du pasteur — alors les crises de conscience,
les
débats intérieurs ou conjugaux, les remords lancinants, les tentation
2411
e conscience, les débats intérieurs ou conjugaux,
les
remords lancinants, les tentations obsédantes, les décisions farouche
2412
intérieurs ou conjugaux, les remords lancinants,
les
tentations obsédantes, les décisions farouches, tout ce pathos tradit
2413
es remords lancinants, les tentations obsédantes,
les
décisions farouches, tout ce pathos traditionnel de l’existence moral
2414
cisions farouches, tout ce pathos traditionnel de
l’
existence morale va s’évaporer ! Exécuter une prescription médicale, m
2415
s’agit d’une intervention douloureuse comme peut
l’
être une extraction dentaire, ou d’une privation pénible comme de cess
2416
cesser de fumer, cela ne pose pas de problème, on
le
fait sans barguigner, sans avoir à résoudre de conflits intérieurs dr
2417
on surmontée », etc. Sans délai, sans débat, sans
le
moindre doute, on fait ce qu’a ordonné le médecin, au lieu de se déba
2418
t, sans le moindre doute, on fait ce qu’a ordonné
le
médecin, au lieu de se débattre interminablement avec la voix de sa c
2419
cin, au lieu de se débattre interminablement avec
la
voix de sa conscience, les conseils du prêtre, ou simplement l’opinio
2420
e interminablement avec la voix de sa conscience,
les
conseils du prêtre, ou simplement l’opinion des proches. La plupart d
2421
conscience, les conseils du prêtre, ou simplement
l’
opinion des proches. La plupart de ceux qui ont réfléchi à ces perspec
2422
ividuelles finalement. Pense-t-on, peut-être, que
la
morale tomberait alors dans de très mauvaises mains, serait en quelqu
2423
mble effrayer beaucoup de ces observateurs, c’est
l’
idée que s’il devait en aller ainsi demain, les Églises et leurs clerg
2424
est l’idée que s’il devait en aller ainsi demain,
les
Églises et leurs clergés n’auraient en somme plus rien à dire aux hom
2425
x enfants quant à leur existence quotidienne dans
la
cité et dans la famille. Des spécialistes, revêtus de l’autorité inco
2426
à leur existence quotidienne dans la cité et dans
la
famille. Des spécialistes, revêtus de l’autorité incontestée de la Sc
2427
et dans la famille. Des spécialistes, revêtus de
l’
autorité incontestée de la Science, et sans doute de l’État, s’en voya
2428
pécialistes, revêtus de l’autorité incontestée de
la
Science, et sans doute de l’État, s’en voyant chargés à la satisfacti
2429
orité incontestée de la Science, et sans doute de
l’
État, s’en voyant chargés à la satisfaction des masses (pour ne pas di
2430
e, et sans doute de l’État, s’en voyant chargés à
la
satisfaction des masses (pour ne pas dire : au soulagement général).
2431
s craintes pour justifiées quant aux faits, je ne
les
partage nullement quant à l’appréciation de ces faits. La prise en ch
2432
nt aux faits, je ne les partage nullement quant à
l’
appréciation de ces faits. La prise en charge progressive par la Scien
2433
ge nullement quant à l’appréciation de ces faits.
La
prise en charge progressive par la Science socialisée de l’ensemble d
2434
de ces faits. La prise en charge progressive par
la
Science socialisée de l’ensemble des règles, prescriptions et conseil
2435
n charge progressive par la Science socialisée de
l’
ensemble des règles, prescriptions et conseils intéressant les conduit
2436
des règles, prescriptions et conseils intéressant
les
conduites humaines et naguère désignées par le terme général de moral
2437
t les conduites humaines et naguère désignées par
le
terme général de morale, me paraît comporter à presque tous les égard
2438
ral de morale, me paraît comporter à presque tous
les
égards, plus d’avantages que d’inconvénients, tant pour la Société qu
2439
, plus d’avantages que d’inconvénients, tant pour
la
Société que pour l’Église elle-même. Au lieu de livrer une longue bat
2440
ue d’inconvénients, tant pour la Société que pour
l’
Église elle-même. Au lieu de livrer une longue bataille en retraite po
2441
en retraite pour tenter de sauver ce qui pourrait
l’
être de ce qu’on appelait « morale chrétienne », au lieu de se crampon
2442
se cramponner à un magistère tombé en désuétude,
les
Églises ne feraient-elles pas mieux d’admettre que la compétence des
2443
glises ne feraient-elles pas mieux d’admettre que
la
compétence des savants et des praticiens en matière de psychologie, d
2444
canismes sociaux ou économiques, de prévention de
la
criminalité et des maladies dites « sociales », etc. — que cette comp
2445
», etc. — que cette compétence dépasse largement
la
leur, et de plus en plus ; et que les excès que l’on peut reprocher à
2446
se largement la leur, et de plus en plus ; et que
les
excès que l’on peut reprocher à certaines modes scientifiques (certai
2447
a leur, et de plus en plus ; et que les excès que
l’
on peut reprocher à certaines modes scientifiques (certains dogmatisme
2448
nocivité aux théories imbéciles et navrantes sur
la
sexualité (comme celle du trop fameux Dr Tissot) qui ont joué le rôle
2449
omme celle du trop fameux Dr Tissot) qui ont joué
le
rôle que l’on sait dans la prédication, la cure d’âme et la littératu
2450
u trop fameux Dr Tissot) qui ont joué le rôle que
l’
on sait dans la prédication, la cure d’âme et la littérature morale de
2451
r Tissot) qui ont joué le rôle que l’on sait dans
la
prédication, la cure d’âme et la littérature morale des pays protesta
2452
t joué le rôle que l’on sait dans la prédication,
la
cure d’âme et la littérature morale des pays protestants, depuis la f
2453
e l’on sait dans la prédication, la cure d’âme et
la
littérature morale des pays protestants, depuis la fin du xviiie siè
2454
a littérature morale des pays protestants, depuis
la
fin du xviiie siècle et jusqu’à pas si longtemps que cela, en Suisse
2455
ande, si j’en crois mes souvenirs de jeunesse. Si
les
Églises (et pas seulement celle de Rome, dans la lancée de Vatican II
2456
les Églises (et pas seulement celle de Rome, dans
la
lancée de Vatican II) se décident à rendre à César, c’est-à-dire au «
2457
ent à rendre à César, c’est-à-dire au « siècle »,
le
soin de la réglementation et de la régulation de la conduite quotidie
2458
e à César, c’est-à-dire au « siècle », le soin de
la
réglementation et de la régulation de la conduite quotidienne des mem
2459
au « siècle », le soin de la réglementation et de
la
régulation de la conduite quotidienne des membres d’une société, elle
2460
soin de la réglementation et de la régulation de
la
conduite quotidienne des membres d’une société, elles pourront se con
2461
t spirituelle, qui est à mon sens : de rappeler à
l’
homme son but final, sa destination ultime, sa vocation. Car les règle
2462
ut final, sa destination ultime, sa vocation. Car
les
règles et les moyens de la vie sociale sont séculiers, par nature et
2463
estination ultime, sa vocation. Car les règles et
les
moyens de la vie sociale sont séculiers, par nature et destination, e
2464
ime, sa vocation. Car les règles et les moyens de
la
vie sociale sont séculiers, par nature et destination, et dans ce sen
2465
t destination, et dans ce sens sont à César, mais
la
vocation de la personne est à Dieu, vient de Dieu et conduit à Lui, c
2466
et dans ce sens sont à César, mais la vocation de
la
personne est à Dieu, vient de Dieu et conduit à Lui, ce qu’aucune mor
2467
’aucune morale ne pourra jamais faire, même si on
la
baptise « chrétienne » en toute naïveté, même si on la déclare « révé
2468
ptise « chrétienne » en toute naïveté, même si on
la
déclare « révélée », voire « éternelle » contre toute évidence histor
2469
nantes acrobaties théologiques. Je disais tout à
l’
heure que laisser le soin de la « morale » à César, c’est-à-dire aux s
2470
éologiques. Je disais tout à l’heure que laisser
le
soin de la « morale » à César, c’est-à-dire aux sciences séculières p
2471
Je disais tout à l’heure que laisser le soin de
la
« morale » à César, c’est-à-dire aux sciences séculières plus ou moin
2472
socialisées, me paraît avantageux à presque tous
les
égards. Je dois m’expliquer maintenant sur ce presque, car il est cap
2473
suffisamment adaptée aux fonctions sociales (dans
les
rapports avec l’État et avec le milieu), suffisamment docile aux pres
2474
ée aux fonctions sociales (dans les rapports avec
l’
État et avec le milieu), suffisamment docile aux prescriptions ou régi
2475
s sociales (dans les rapports avec l’État et avec
le
milieu), suffisamment docile aux prescriptions ou régimes psychosomat
2476
x prescriptions ou régimes psychosomatiques (dans
les
rapports avec le corps) et aux indications écologiques (dans les rapp
2477
régimes psychosomatiques (dans les rapports avec
le
corps) et aux indications écologiques (dans les rapports avec la Natu
2478
ec le corps) et aux indications écologiques (dans
les
rapports avec la Nature), suffisamment ajustée, enfin, à la productiv
2479
x indications écologiques (dans les rapports avec
la
Nature), suffisamment ajustée, enfin, à la productivité du travail, e
2480
s avec la Nature), suffisamment ajustée, enfin, à
la
productivité du travail, et même, qui sait ? à la « créativité des lo
2481
la productivité du travail, et même, qui sait ? à
la
« créativité des loisirs » (dans les rapports avec l’économie) : on n
2482
qui sait ? à la « créativité des loisirs » (dans
les
rapports avec l’économie) : on ne voit pas très bien, dans ces condit
2483
créativité des loisirs » (dans les rapports avec
l’
économie) : on ne voit pas très bien, dans ces conditions, où, quand e
2484
serait encore nécessaire, voire simplement utile.
Le
genre humain, ou tout au moins la société envisagée, serait alors mis
2485
mplement utile. Le genre humain, ou tout au moins
la
société envisagée, serait alors mise en état de pilotage automatique,
2486
ise en état de pilotage automatique, comme disent
les
aviateurs et les cybernéticiens. L’ensemble purement empirique et tra
2487
lotage automatique, comme disent les aviateurs et
les
cybernéticiens. L’ensemble purement empirique et traditionnel, plein
2488
comme disent les aviateurs et les cybernéticiens.
L’
ensemble purement empirique et traditionnel, plein de contradictions i
2489
, plein de contradictions intenables, que forment
les
préceptes du Décalogue et des sédimentations millénaires de nos coutu
2490
uestion trouvant sa réponse quasi instantanée par
la
consultation d’un ordinateur, les recours ultimes pouvant être présen
2491
instantanée par la consultation d’un ordinateur,
les
recours ultimes pouvant être présentés à la « Machine » avec un grand
2492
eur, les recours ultimes pouvant être présentés à
la
« Machine » avec un grand M que nous supposerons directrice ou correc
2493
ous supposerons directrice ou correctrice de tous
les
« cerveaux automatiques » d’une nation, ou d’un continent, ou d’une c
2494
uestion et une seule demeure alors sans réponse :
la
question du sens de ma vie sur cette terre et après ma mort ; la ques
2495
sens de ma vie sur cette terre et après ma mort ;
la
question de ma relation à la transcendance. Elle demeure sans réponse
2496
e et après ma mort ; la question de ma relation à
la
transcendance. Elle demeure sans réponse, non point par accident, mai
2497
par accident, mais par nécessité de méthode. Car
la
grande Machine directrice la déclare sans objet, mal posée, fausse qu
2498
sité de méthode. Car la grande Machine directrice
la
déclare sans objet, mal posée, fausse question par excellence, nulle
2499
se question par excellence, nulle et vide quant à
l’
information, non susceptible d’un traitement logique, et ne pouvant ab
2500
pouvant aboutir qu’à une série infinie de zéros à
la
sortie des circuits. Dans cette société que je suppose en parfait ord
2501
t à peu près impossible, parce qu’impensable dans
les
termes admis et inexprimable par les codes en vigueur, de justifier e
2502
ensable dans les termes admis et inexprimable par
les
codes en vigueur, de justifier encore la singularité, la vocation d’u
2503
ble par les codes en vigueur, de justifier encore
la
singularité, la vocation d’une personne unique. Si les ordinateurs di
2504
s en vigueur, de justifier encore la singularité,
la
vocation d’une personne unique. Si les ordinateurs disent les règles
2505
ingularité, la vocation d’une personne unique. Si
les
ordinateurs disent les règles et les normes, et si ces règles et ces
2506
d’une personne unique. Si les ordinateurs disent
les
règles et les normes, et si ces règles et ces normes sont toutes, par
2507
e unique. Si les ordinateurs disent les règles et
les
normes, et si ces règles et ces normes sont toutes, par définition, g
2508
ntes, uniformes ou uniformisantes, réductrices de
l’
imprévu, du non conforme, de l’original et du « libre » (alors que d’a
2509
es, réductrices de l’imprévu, du non conforme, de
l’
original et du « libre » (alors que d’autre part ces notions d’origina
2510
nalité de vocation, etc., ont déjà été minées par
la
psychologie de l’inconscient réduisant les « voix intérieures », nagu
2511
, etc., ont déjà été minées par la psychologie de
l’
inconscient réduisant les « voix intérieures », naguère tenues pour «
2512
ées par la psychologie de l’inconscient réduisant
les
« voix intérieures », naguère tenues pour « divines », à des structur
2513
pour « divines », à des structures ou pulsions de
l’
instinct) — comment valoriser encore la personne ? Le vieux conflit in
2514
ulsions de l’instinct) — comment valoriser encore
la
personne ? Le vieux conflit individu-collectivité se trouve ici radic
2515
nstinct) — comment valoriser encore la personne ?
Le
vieux conflit individu-collectivité se trouve ici radicalisé à la lim
2516
individu-collectivité se trouve ici radicalisé à
la
limite. Mais alors le rôle de l’Église apparaît subitement précisé à
2517
se trouve ici radicalisé à la limite. Mais alors
le
rôle de l’Église apparaît subitement précisé à l’extrême par toute ce
2518
ici radicalisé à la limite. Mais alors le rôle de
l’
Église apparaît subitement précisé à l’extrême par toute cette négativ
2519
le rôle de l’Église apparaît subitement précisé à
l’
extrême par toute cette négativité. Alors qu’aux origines de l’Europe
2520
toute cette négativité. Alors qu’aux origines de
l’
Europe et au Moyen Âge encore, l’Église formait les mœurs, édictait le
2521
’aux origines de l’Europe et au Moyen Âge encore,
l’
Église formait les mœurs, édictait les canons de la morale, éduquait l
2522
l’Europe et au Moyen Âge encore, l’Église formait
les
mœurs, édictait les canons de la morale, éduquait l’homme pour les y
2523
Âge encore, l’Église formait les mœurs, édictait
les
canons de la morale, éduquait l’homme pour les y ajuster, tandis que
2524
’Église formait les mœurs, édictait les canons de
la
morale, éduquait l’homme pour les y ajuster, tandis que les chercheur
2525
mœurs, édictait les canons de la morale, éduquait
l’
homme pour les y ajuster, tandis que les chercheurs libres, les héréti
2526
it les canons de la morale, éduquait l’homme pour
les
y ajuster, tandis que les chercheurs libres, les hérétiques et les ma
2527
, éduquait l’homme pour les y ajuster, tandis que
les
chercheurs libres, les hérétiques et les mauvaises têtes mettaient en
2528
les y ajuster, tandis que les chercheurs libres,
les
hérétiques et les mauvaises têtes mettaient en doute ces jugements —
2529
ndis que les chercheurs libres, les hérétiques et
les
mauvaises têtes mettaient en doute ces jugements — désormais la situa
2530
êtes mettaient en doute ces jugements — désormais
la
situation est inversée : l’Église n’est plus là pour prescrire aux ho
2531
jugements — désormais la situation est inversée :
l’
Église n’est plus là pour prescrire aux hommes leur mode de vie, d’aut
2532
tre en question cet ajustement trop parfait, pour
l’
exposer sans cesse à la question des fins dernières, métaphysiques et
2533
stement trop parfait, pour l’exposer sans cesse à
la
question des fins dernières, métaphysiques et spirituelles. Elle est
2534
siques et spirituelles. Elle est là pour défendre
le
droit de la personne à différer, le droit à l’hérésie, si c’en est un
2535
irituelles. Elle est là pour défendre le droit de
la
personne à différer, le droit à l’hérésie, si c’en est une de croire
2536
pour défendre le droit de la personne à différer,
le
droit à l’hérésie, si c’en est une de croire que le but de l’homme tr
2537
re le droit de la personne à différer, le droit à
l’
hérésie, si c’en est une de croire que le but de l’homme transcende to
2538
droit à l’hérésie, si c’en est une de croire que
le
but de l’homme transcende tout conditionnement et tout asservissement
2539
’hérésie, si c’en est une de croire que le but de
l’
homme transcende tout conditionnement et tout asservissement automatiq
2540
purement sociales, fussent-elles déterminées par
la
plus sûre des sciences. Quant à celui qui veut devenir chrétien, devr
2541
op bien ajustée, se désadapter exprès, ou saboter
la
Machine directrice, ou simplement faire la grève de la « créativité d
2542
aboter la Machine directrice, ou simplement faire
la
grève de la « créativité des loisirs » ? Ces gestes et attitudes roma
2543
chine directrice, ou simplement faire la grève de
la
« créativité des loisirs » ? Ces gestes et attitudes romantiques sera
2544
inateur qui indiquerait aussitôt comment corriger
le
fonctionnement aberrant de cet individu. Je le vois plutôt, ce candid
2545
er le fonctionnement aberrant de cet individu. Je
le
vois plutôt, ce candidat chrétien, comme celui qui, tout en accomplis
2546
e celui qui, tout en accomplissant judicieusement
la
Loi prescrite, ne pourra s’empêcher de se poser la Question, celle qu
2547
a Loi prescrite, ne pourra s’empêcher de se poser
la
Question, celle qui est réputée nulle et vide. Chrétien en cela qu’il
2548
de. Chrétien en cela qu’il cherchera ce sens dans
les
voies de l’amour, qui implique l’existence des autres, plutôt que dan
2549
en cela qu’il cherchera ce sens dans les voies de
l’
amour, qui implique l’existence des autres, plutôt que dans l’aventure
2550
a ce sens dans les voies de l’amour, qui implique
l’
existence des autres, plutôt que dans l’aventure solitaire du mysticis
2551
implique l’existence des autres, plutôt que dans
l’
aventure solitaire du mysticisme, ou de la connaissance au sens hindou
2552
ue dans l’aventure solitaire du mysticisme, ou de
la
connaissance au sens hindou. Amour et recherche du sens seront à la f
2553
ndou. Amour et recherche du sens seront à la fois
le
contenu et les conditions de ce qu’il nommera sa « liberté ». Cela se
2554
recherche du sens seront à la fois le contenu et
les
conditions de ce qu’il nommera sa « liberté ». Cela sera vu et ressen
2555
rté ». Cela sera vu et ressenti comme un refus de
la
« solution définitive et universelle » proposée par la Science et imp
2556
solution définitive et universelle » proposée par
la
Science et imposée par la Machine. Cet acte d’hérésie objective, de r
2557
verselle » proposée par la Science et imposée par
la
Machine. Cet acte d’hérésie objective, de résistance, ne se manifeste
2558
e forme agressive et violente. Il sera simplement
le
témoignage permanent (et qui pourra rester souriant d’ailleurs) d’une
2559
a pas une attitude de révolté à gilet rouge, mais
le
droit qu’on demande et qu’on prend de poser toujours et encore une qu
2560
j’invente, que je crée à chaque pas à tâtons dans
le
noir et qui ne s’éclaire que sous mes pas. C’est ainsi que je compren
2561
re que sous mes pas. C’est ainsi que je comprends
le
verset du psalmiste : « Ta parole est une lampe à mes pieds, une lumi
2562
sume mon diagnostic, qui est aussi un pronostic :
l’
Église peut-être (je n’en suis pas sûr), mais en tout cas les hommes q
2563
eut-être (je n’en suis pas sûr), mais en tout cas
les
hommes qui « croient », au sens chrétien du mot, vont entrer en dissi
2564
entrer en dissidence dynamique et créatrice, dans
le
monde trop bien moralisé que nous préparent avec tant de zèle, de com
2565
c tant de zèle, de compétence, d’astuce technique
les
savants, les gouvernements et les nécessités toujours croissantes de
2566
e, de compétence, d’astuce technique les savants,
les
gouvernements et les nécessités toujours croissantes de la production
2567
stuce technique les savants, les gouvernements et
les
nécessités toujours croissantes de la production pour une humanité qu
2568
nements et les nécessités toujours croissantes de
la
production pour une humanité qui double tous les quarante ans. ⁂ Anti
2569
e la production pour une humanité qui double tous
les
quarante ans. ⁂ Anticipant assez largement sur la situation que je vi
2570
es quarante ans. ⁂ Anticipant assez largement sur
la
situation que je viens de caractériser à grands traits, j’avais écrit
2571
tériser à grands traits, j’avais écrit dès 1945 —
l’
été d’Hiroshima — un manuscrit de quelque deux-cents pages intitulé L
2572
n manuscrit de quelque deux-cents pages intitulé
La
Morale du But , que je n’ai pas encore publié, fort heureusement. En
2573
érer de mon entreprise, et d’autres raisons (pour
l’
instant légèrement majoritaires) de penser au contraire qu’elle peut c
2574
rouiller un peu nos problèmes éthiques, en vue de
l’
avenir. Dans son état primitif, mon ouvrage s’ouvre par le bref récit
2575
. Dans son état primitif, mon ouvrage s’ouvre par
le
bref récit d’une modeste expérience, pour moi très importante, que j’
2576
s inédites, et que je ne compte pas modifier dans
la
version finale du livre. Elles sont intitulées : « De la Visée » :
2577
ion finale du livre. Elles sont intitulées : « De
la
Visée » : J’ai appris le tir au fusil dans un pays qui, traditionne
2578
sont intitulées : « De la Visée » : J’ai appris
le
tir au fusil dans un pays qui, traditionnellement, fournissait au mon
2579
ays qui, traditionnellement, fournissait au monde
les
champions de cet art ; et comme j’étais alors une jeune recrue animée
2580
re promu au grade de lieutenant, et d’acquérir de
la
sorte au plus tôt le droit de faire taire les sergents harcelants, je
2581
lieutenant, et d’acquérir de la sorte au plus tôt
le
droit de faire taire les sergents harcelants, je m’appliquais de tout
2582
r de la sorte au plus tôt le droit de faire taire
les
sergents harcelants, je m’appliquais de toutes mes forces à bien tire
2583
e toutes mes forces à bien tirer. Mais je suivais
les
conseils d’ordonnance, et tirais aussi mal que possible. Car je me tr
2584
rcice à l’autre, n’avoir fait de progrès que dans
la
découverte d’une maladresse naguère insoupçonnée. Je faisais tout ce
2585
esse naguère insoupçonnée. Je faisais tout ce que
l’
on me prescrivait, et que je voyais faire aux autres. Je prenais avec
2586
je voyais faire aux autres. Je prenais avec soin
le
cran d’arrêt, bloquais mon souffle, visais d’un œil, reposant l’arme
2587
, bloquais mon souffle, visais d’un œil, reposant
l’
arme de temps à autre pour respirer et calmer ma nervosité, et lorsque
2588
vosité, et lorsque enfin je me croyais prêt selon
la
méthode des sergents, je me décidais à lâcher le coup, qui s’en allai
2589
la méthode des sergents, je me décidais à lâcher
le
coup, qui s’en allait régulièrement dans le parapet, au-dessous de la
2590
âcher le coup, qui s’en allait régulièrement dans
le
parapet, au-dessous de la cible. Cependant la date approchait du gran
2591
lait régulièrement dans le parapet, au-dessous de
la
cible. Cependant la date approchait du grand concours que l’on nommai
2592
ans le parapet, au-dessous de la cible. Cependant
la
date approchait du grand concours que l’on nommait « tir au galon ».
2593
ependant la date approchait du grand concours que
l’
on nommait « tir au galon ». Dans chaque unité, on poussait l’entraîne
2594
« tir au galon ». Dans chaque unité, on poussait
l’
entraînement des meilleurs tireurs. On négligeait les autres, et je me
2595
entraînement des meilleurs tireurs. On négligeait
les
autres, et je me résolus à profiter de ce répit pour trouver par moi-
2596
à profiter de ce répit pour trouver par moi-même
le
secret de mes erreurs et le moyen de les corriger, sans plus tenir co
2597
trouver par moi-même le secret de mes erreurs et
le
moyen de les corriger, sans plus tenir compte des préceptes reçus. Je
2598
moi-même le secret de mes erreurs et le moyen de
les
corriger, sans plus tenir compte des préceptes reçus. Je ne tardai pa
2599
ne tardai pas à marquer quelques points, sauvant
l’
honneur sinon l’espoir de me réhabiliter aux yeux de mes supérieurs. L
2600
marquer quelques points, sauvant l’honneur sinon
l’
espoir de me réhabiliter aux yeux de mes supérieurs. L’un d’entre eux
2601
re marqué un point, loin du noir, mais enfin dans
la
cible. « Voulez-vous apprendre à tirer ? » Il me regarda, et voyant d
2602
lonté en détresse : « C’est très simple et toute
la
méthode tient en trois mots : pensez au noir. Ne pensez pas à votre m
2603
oir. Ne pensez pas à votre main, ni à ce que fait
l’
index qui a pris le cran d’arrêt. Laissez-vous simplement hypnotiser p
2604
à votre main, ni à ce que fait l’index qui a pris
le
cran d’arrêt. Laissez-vous simplement hypnotiser par ce petit disque
2605
it disque noir à trois-cents mètres qui danse sur
la
ligne de mire. Quand vous serez assez concentré, sans que vous l’ayez
2606
. Quand vous serez assez concentré, sans que vous
l’
ayez voulu, le coup partira. Je vous le répète : pensez au but, oublie
2607
erez assez concentré, sans que vous l’ayez voulu,
le
coup partira. Je vous le répète : pensez au but, oubliez le reste. Et
2608
s que vous l’ayez voulu, le coup partira. Je vous
le
répète : pensez au but, oubliez le reste. Et maintenant vous allez es
2609
rtira. Je vous le répète : pensez au but, oubliez
le
reste. Et maintenant vous allez essayer. Vous avez le noir ?… Vous ne
2610
este. Et maintenant vous allez essayer. Vous avez
le
noir ?… Vous ne voyez plus que le noir ?… » Je n’entendais plus rien.
2611
ayer. Vous avez le noir ?… Vous ne voyez plus que
le
noir ?… » Je n’entendais plus rien. Le disque noir dansait, puis s’ar
2612
z plus que le noir ?… » Je n’entendais plus rien.
Le
disque noir dansait, puis s’arrêtait, dansait de nouveau, s’embuait.
2613
ait, dansait de nouveau, s’embuait. J’essayais de
le
rejoindre du regard, de l’aspirer, de le fasciner vers moi tandis que
2614
embuait. J’essayais de le rejoindre du regard, de
l’
aspirer, de le fasciner vers moi tandis que je gonflais mes poumons. S
2615
ayais de le rejoindre du regard, de l’aspirer, de
le
fasciner vers moi tandis que je gonflais mes poumons. Soudain il me p
2616
t plus large, plus proche, bien mat, et immobile…
La
détonation me surprit. Je reposai mon arme en faisant sauter la douil
2617
me surprit. Je reposai mon arme en faisant sauter
la
douille et rechargeai machinalement. Et quand je levai les yeux, un p
2618
le et rechargeai machinalement. Et quand je levai
les
yeux, un petit disque blanc d’où pendait un mince fanion rouge surgit
2619
où pendait un mince fanion rouge surgit du bas de
la
cible, hésita une seconde, et marqua le centre du noir. Trois jours p
2620
du bas de la cible, hésita une seconde, et marqua
le
centre du noir. Trois jours plus tard, au scandale du sergent, je gag
2621
urs plus tard, au scandale du sergent, je gagnais
le
fameux galon, insigne des champions de l’école de tir, et l’arborais
2622
gagnais le fameux galon, insigne des champions de
l’
école de tir, et l’arborais sur la manche droite de ma tunique. Quant
2623
alon, insigne des champions de l’école de tir, et
l’
arborais sur la manche droite de ma tunique. Quant aux conséquences pl
2624
es champions de l’école de tir, et l’arborais sur
la
manche droite de ma tunique. Quant aux conséquences plus lointaines e
2625
au but avait, en un instant, posé et vérifié pour
le
reste de mes jours, sous une forme ultracondensée, la juste relation
2626
este de mes jours, sous une forme ultracondensée,
la
juste relation des moyens et des fins. Je n’en tirai d’abord que des
2627
mais dont je pressentais en toute confiance, que
la
vie où j’allais rentrer saurait les illustrer dans maints domaines de
2628
confiance, que la vie où j’allais rentrer saurait
les
illustrer dans maints domaines de ma conduite ou de ma réflexion. Je
2629
ts domaines de ma conduite ou de ma réflexion. Je
les
consigne ici, fort brièvement, réservant pour la suite le soin d’en f
2630
les consigne ici, fort brièvement, réservant pour
la
suite le soin d’en formuler les fondements théoriques et le mode d’em
2631
gne ici, fort brièvement, réservant pour la suite
le
soin d’en formuler les fondements théoriques et le mode d’emploi. 1.
2632
nt, réservant pour la suite le soin d’en formuler
les
fondements théoriques et le mode d’emploi. 1. La considération minuti
2633
e soin d’en formuler les fondements théoriques et
le
mode d’emploi. 1. La considération minutieuse des moyens, la stricte
2634
les fondements théoriques et le mode d’emploi. 1.
La
considération minutieuse des moyens, la stricte application d’une mét
2635
mploi. 1. La considération minutieuse des moyens,
la
stricte application d’une méthode réglant l’ordre et l’usage de ces m
2636
ens, la stricte application d’une méthode réglant
l’
ordre et l’usage de ces moyens, la maîtrise d’une technique éprouvée,
2637
icte application d’une méthode réglant l’ordre et
l’
usage de ces moyens, la maîtrise d’une technique éprouvée, l’obéissanc
2638
méthode réglant l’ordre et l’usage de ces moyens,
la
maîtrise d’une technique éprouvée, l’obéissance aux préceptes légaux
2639
ces moyens, la maîtrise d’une technique éprouvée,
l’
obéissance aux préceptes légaux et coutumiers, ne suffisent pas pour a
2640
ux et coutumiers, ne suffisent pas pour atteindre
le
but, et peuvent être nuisibles dans la mesure exacte où ils absorbent
2641
atteindre le but, et peuvent être nuisibles dans
la
mesure exacte où ils absorbent l’attention, la détournent du but, ou
2642
nuisibles dans la mesure exacte où ils absorbent
l’
attention, la détournent du but, ou le font oublier. 2. L’appel du but
2643
ns la mesure exacte où ils absorbent l’attention,
la
détournent du but, ou le font oublier. 2. L’appel du but doit nous re
2644
s absorbent l’attention, la détournent du but, ou
le
font oublier. 2. L’appel du but doit nous rejoindre et nous mouvoir.
2645
ion, la détournent du but, ou le font oublier. 2.
L’
appel du but doit nous rejoindre et nous mouvoir. C’est du but que d’a
2646
joindre et nous mouvoir. C’est du but que d’abord
la
force vient à nous, déclenchant le mouvement inverse, par attrait. La
2647
ut que d’abord la force vient à nous, déclenchant
le
mouvement inverse, par attrait. La considération envoûtante du but di
2648
s, déclenchant le mouvement inverse, par attrait.
La
considération envoûtante du but dicte ainsi les moyens de l’atteindre
2649
t. La considération envoûtante du but dicte ainsi
les
moyens de l’atteindre et les oriente plus strictement qu’aucune métho
2650
ation envoûtante du but dicte ainsi les moyens de
l’
atteindre et les oriente plus strictement qu’aucune méthode ou aucun p
2651
e du but dicte ainsi les moyens de l’atteindre et
les
oriente plus strictement qu’aucune méthode ou aucun précepte reçu. 3.
2652
reçu. 3. Toute action efficace commence donc par
la
fin. Avant toute chose, il faut considérer la fin. 4. La fin seule ju
2653
par la fin. Avant toute chose, il faut considérer
la
fin. 4. La fin seule justifie les moyens, dans la mesure où elle est
2654
Avant toute chose, il faut considérer la fin. 4.
La
fin seule justifie les moyens, dans la mesure où elle est juste, et o
2655
faut considérer la fin. 4. La fin seule justifie
les
moyens, dans la mesure où elle est juste, et où ils sont vraiment dic
2656
la fin. 4. La fin seule justifie les moyens, dans
la
mesure où elle est juste, et où ils sont vraiment dictés par elle. (L
2657
juste, et où ils sont vraiment dictés par elle. (
Le
fait que l’on invoque ce proverbe pour couvrir des tricheries évident
2658
ù ils sont vraiment dictés par elle. (Le fait que
l’
on invoque ce proverbe pour couvrir des tricheries évidentes ne lui en
2659
rinsèque vérité.) (Plus tard, j’ai découvert que
la
secte bouddhiste du zen fait grand usage du Tir et de la méditation s
2660
e bouddhiste du zen fait grand usage du Tir et de
la
méditation sur cet art. Il s’agit du tir à l’arc. Le tireur zen doit
2661
de la méditation sur cet art. Il s’agit du tir à
l’
arc. Le tireur zen doit arriver à s’identifier au but (à la cible), à
2662
méditation sur cet art. Il s’agit du tir à l’arc.
Le
tireur zen doit arriver à s’identifier au but (à la cible), à avoir c
2663
tireur zen doit arriver à s’identifier au but (à
la
cible), à avoir ce but en soi, de telle sorte qu’il arrive un jour à
2664
rte qu’il arrive un jour à mettre une flèche dans
le
noir les yeux fermés, et une deuxième dans la tige même de la premièr
2665
l arrive un jour à mettre une flèche dans le noir
les
yeux fermés, et une deuxième dans la tige même de la première. À ce m
2666
ans le noir les yeux fermés, et une deuxième dans
la
tige même de la première. À ce moment, l’initiation a réussi). Partan
2667
me dans la tige même de la première. À ce moment,
l’
initiation a réussi). Partant de cette expérience, et des maximes que
2668
, et des maximes que j’en déduis, je propose dans
la
suite du livre une distinction fondamentale à opérer dans l’analyse e
2669
livre une distinction fondamentale à opérer dans
l’
analyse et l’évaluation des conduites humaines. Je pose d’un côté ce
2670
stinction fondamentale à opérer dans l’analyse et
l’
évaluation des conduites humaines. Je pose d’un côté ce que j’appelle
2671
tes humaines. Je pose d’un côté ce que j’appelle
les
Règles du Jeu, l’ensemble des moyens de vivre. Et je pose de l’autre
2672
ose d’un côté ce que j’appelle les Règles du Jeu,
l’
ensemble des moyens de vivre. Et je pose de l’autre côté la Vocation,
2673
e des moyens de vivre. Et je pose de l’autre côté
la
Vocation, le Sérieux final, le But ultime de notre vie personnelle. L
2674
de vivre. Et je pose de l’autre côté la Vocation,
le
Sérieux final, le But ultime de notre vie personnelle. Les Règles du
2675
se de l’autre côté la Vocation, le Sérieux final,
le
But ultime de notre vie personnelle. Les Règles du Jeu comprennent, d
2676
ux final, le But ultime de notre vie personnelle.
Les
Règles du Jeu comprennent, dans ma définition, l’ensemble des méthode
2677
es Règles du Jeu comprennent, dans ma définition,
l’
ensemble des méthodes et des rites, des codes et conventions de toute
2678
toute espèce qu’une société se donne pour guider
les
conduites de ses membres. Cela va des règles du jeu d’échecs à la pro
2679
ses membres. Cela va des règles du jeu d’échecs à
la
prohibition de l’inceste chez les tribus sauvages, des rituels liturg
2680
va des règles du jeu d’échecs à la prohibition de
l’
inceste chez les tribus sauvages, des rituels liturgiques aux lois fis
2681
u jeu d’échecs à la prohibition de l’inceste chez
les
tribus sauvages, des rituels liturgiques aux lois fiscales, des techn
2682
lois fiscales, des techniques destinées à assurer
le
bonheur dans le mariage, jusqu’au code des feux verts et rouges régla
2683
es techniques destinées à assurer le bonheur dans
le
mariage, jusqu’au code des feux verts et rouges réglant la circulatio
2684
e, jusqu’au code des feux verts et rouges réglant
la
circulation. Dans cet ensemble, on peut à première vue distinguer d’u
2685
stinguer d’une part ce qui relève expressément de
l’
artifice et de la convention donnée pour telle, et d’autre part ce qui
2686
rt ce qui relève expressément de l’artifice et de
la
convention donnée pour telle, et d’autre part ce qui répond à des néc
2687
giques profondes, correspondant aux archétypes de
l’
inconscient collectif selon Jung, notamment, et c’est pourquoi il est
2688
tamment, et c’est pourquoi il est si difficile de
les
modifier ; en revanche, quantité de préceptes moraux que tel peuple t
2689
ité de préceptes moraux que tel peuple tient pour
la
traduction directe des réalités fondamentales de la Nature ont pour o
2690
traduction directe des réalités fondamentales de
la
Nature ont pour origine des nécessités commerciales, par exemple, et
2691
mple, et d’ailleurs varient du tout au tout selon
les
conditions sociales, économiques, climatériques ou religieuses, de pe
2692
ues, climatériques ou religieuses, de peuples que
la
Nature a fait semblables physiquement. Je me borne à mentionner ici l
2693
lables physiquement. Je me borne à mentionner ici
le
principe de cette analyse, parce qu’il autorise quelques conclusions
2694
te vie sociale, c’est-à-dire à toute vie humaine.
Les
règles du jeu d’échecs sont des conventions, c’est clair, mais elles
2695
es conventions, c’est clair, mais elles font tout
l’
intérêt de cette activité. En effet, déplacer un bout de bois d’un car
2696
ut de bois d’un carré blanc sur un carré noir est
le
type même du geste insignifiant en soi ; mais ce même petit déplaceme
2697
même petit déplacement devient un acte sur lequel
les
meilleurs cerveaux peuvent se concentrer avec passion pendant une heu
2698
pendant une heure, car il est chargé de sens par
les
règles du jeu. Quant aux feux verts et aux feux rouges, ils sont conv
2699
s sont conventionnels aussi, mais sans eux, c’est
l’
embouteillage. Ceux donc qui, depuis deux siècles, reprennent inlassab
2700
i, depuis deux siècles, reprennent inlassablement
l’
attaque contre nos morales religieuses ou profanes sous prétexte qu’el
2701
blement : car premièrement, on peut démontrer que
les
règles et préceptes de toutes les morales humaines sont conventionnel
2702
t démontrer que les règles et préceptes de toutes
les
morales humaines sont conventionnels, et non pas « naturels », sont d
2703
deuxièmement, il n’y a rien de plus important que
les
conventions dans une culture, une civilisation, dans les relations en
2704
ventions dans une culture, une civilisation, dans
les
relations entre les hommes, ou même entre deux êtres, si frustes qu’i
2705
lture, une civilisation, dans les relations entre
les
hommes, ou même entre deux êtres, si frustes qu’ils soient. Reconnaît
2706
êtres, si frustes qu’ils soient. Reconnaître que
les
normes et prescriptions morales sont des conventions ne signifie donc
2707
éprisables ou vaines, bien au contraire. De plus,
l’
assimilation des normes et prescriptions morales aux règles d’un jeu n
2708
ègles d’un jeu ne signifie nullement qu’il faille
les
prendre à la légère, ni qu’on montre beaucoup d’intelligence en trich
2709
ne signifie nullement qu’il faille les prendre à
la
légère, ni qu’on montre beaucoup d’intelligence en trichant avec elle
2710
en trichant avec elles : aux échecs, par exemple,
la
moindre tricherie détruit tout l’intérêt du jeu, puisque cet intérêt
2711
s, par exemple, la moindre tricherie détruit tout
l’
intérêt du jeu, puisque cet intérêt tient aux règles et à rien d’autre
2712
aux règles et à rien d’autre. S’il est admis que
les
normes de la morale sont des règles d’un jeu, toute espèce de laxisme
2713
à rien d’autre. S’il est admis que les normes de
la
morale sont des règles d’un jeu, toute espèce de laxisme est exclu, t
2714
points, une pièce soufflée, un coup franc contre
le
camp fautif (qui sont diverses formes d’amende), voire par la disqual
2715
if (qui sont diverses formes d’amende), voire par
la
disqualification (qui correspond au bannissement, à la prison à vie o
2716
squalification (qui correspond au bannissement, à
la
prison à vie ou à la peine de mort). Mais si la morale est considérée
2717
orrespond au bannissement, à la prison à vie ou à
la
peine de mort). Mais si la morale est considérée comme un système de
2718
à la prison à vie ou à la peine de mort). Mais si
la
morale est considérée comme un système de normes conventionnelles ado
2719
conventionnelles adoptées par une société, et que
l’
on conviendra donc d’observer rigoureusement, comme on le fait des règ
2720
nviendra donc d’observer rigoureusement, comme on
le
fait des règles d’un jeu, il faut souligner aussitôt que ces conventi
2721
re arbitraires. (Beaucoup de gens s’imaginent que
les
deux termes « convention » et « arbitraire » sont à peu près synonyme
2722
t impraticables, ni évidemment néfastes soit pour
l’
intégrité de l’individu, soit pour la santé et l’équilibre d’une commu
2723
, ni évidemment néfastes soit pour l’intégrité de
l’
individu, soit pour la santé et l’équilibre d’une communauté. Or en fa
2724
es soit pour l’intégrité de l’individu, soit pour
la
santé et l’équilibre d’une communauté. Or en fait notre société occid
2725
l’intégrité de l’individu, soit pour la santé et
l’
équilibre d’une communauté. Or en fait notre société occidentale chris
2726
mpraticables, ou néfastes, et il est important de
les
soumettre à une critique systématique et scientifique. Ce qui rend ce
2727
ficile et ingrate, dans la plupart des cas, c’est
la
confusion déplorable (de laquelle nos Églises sont largement responsa
2728
Églises sont largement responsables) qui fait que
l’
on a peu à peu sacralisé au cours des âges et finalement considéré com
2729
ui nous venaient d’un peu partout, aux hasards de
l’
histoire, et qui avaient été les conventions utiles d’autres sociétés,
2730
ut, aux hasards de l’histoire, et qui avaient été
les
conventions utiles d’autres sociétés, notamment la cité grecque, l’Em
2731
s conventions utiles d’autres sociétés, notamment
la
cité grecque, l’Empire romain, la Sippe germanique, ou les interdits
2732
les d’autres sociétés, notamment la cité grecque,
l’
Empire romain, la Sippe germanique, ou les interdits et devoirs sacrés
2733
étés, notamment la cité grecque, l’Empire romain,
la
Sippe germanique, ou les interdits et devoirs sacrés d’autres religio
2734
grecque, l’Empire romain, la Sippe germanique, ou
les
interdits et devoirs sacrés d’autres religions, notamment celles du P
2735
tes gnostiques, puis des Celtes, et des Germains.
Le
christianisme, étant la seule grande religion qui n’ait pas institué
2736
Celtes, et des Germains. Le christianisme, étant
la
seule grande religion qui n’ait pas institué de morale codifiée, deva
2737
oix pour cette confusion : il ne disposait que de
la
loi mosaïque et de son sommaire, le commandement sur l’amour de Dieu
2738
posait que de la loi mosaïque et de son sommaire,
le
commandement sur l’amour de Dieu et du prochain comme de soi-même. Or
2739
mosaïque et de son sommaire, le commandement sur
l’
amour de Dieu et du prochain comme de soi-même. Or l’amour est une att
2740
mour de Dieu et du prochain comme de soi-même. Or
l’
amour est une attitude fondamentale, de valeur universelle et instigat
2741
verselle et instigatrice d’action, certes ; c’est
l’
inspiration morale au degré suprême ; mais ce n’est pas un code, une l
2742
de règles… « Ama et fac quod vis » est sans doute
le
summum de la morale mais c’est aussi sa négation. Quant au Décalogue,
2743
Ama et fac quod vis » est sans doute le summum de
la
morale mais c’est aussi sa négation. Quant au Décalogue, c’est bien u
2744
t bien un code, mais rudimentaire et lacunaire, à
l’
usage de propriétaires du type patriarcal, et qui met notamment sur le
2745
ires du type patriarcal, et qui met notamment sur
le
même plan d’objets (dont il faut préserver la possession) esclaves, f
2746
sur le même plan d’objets (dont il faut préserver
la
possession) esclaves, femmes et bétail : on ne pouvait en tirer honnê
2747
ème de valeurs, ni une méthode pour bien conduire
la
pensée et l’action dans la cité. De là l’obligation de recourir à d’a
2748
s, ni une méthode pour bien conduire la pensée et
l’
action dans la cité. De là l’obligation de recourir à d’autres sources
2749
ode pour bien conduire la pensée et l’action dans
la
cité. De là l’obligation de recourir à d’autres sources, — presque to
2750
onduire la pensée et l’action dans la cité. De là
l’
obligation de recourir à d’autres sources, — presque toutes venant d’a
2751
que toutes venant d’autres religions. De là aussi
la
confusion inévitable que j’ai dite, l’attribution à la « volonté de D
2752
e là aussi la confusion inévitable que j’ai dite,
l’
attribution à la « volonté de Dieu » ou à la Nature des choses de tout
2753
nfusion inévitable que j’ai dite, l’attribution à
la
« volonté de Dieu » ou à la Nature des choses de tout ce que la socié
2754
dite, l’attribution à la « volonté de Dieu » ou à
la
Nature des choses de tout ce que la société juge indispensable à son
2755
e Dieu » ou à la Nature des choses de tout ce que
la
société juge indispensable à son bien : tantôt l’esclavage et tantôt
2756
la société juge indispensable à son bien : tantôt
l’
esclavage et tantôt la liberté, tantôt le droit divin des rois, tantôt
2757
ensable à son bien : tantôt l’esclavage et tantôt
la
liberté, tantôt le droit divin des rois, tantôt les droits civiques e
2758
: tantôt l’esclavage et tantôt la liberté, tantôt
le
droit divin des rois, tantôt les droits civiques et populaires, tantô
2759
a liberté, tantôt le droit divin des rois, tantôt
les
droits civiques et populaires, tantôt le clergé des différentes confe
2760
tantôt les droits civiques et populaires, tantôt
le
clergé des différentes confessions répétant devant les fidèles réunis
2761
lergé des différentes confessions répétant devant
les
fidèles réunis « Tu ne tueras point », tantôt le même clergé bénissan
2762
les fidèles réunis « Tu ne tueras point », tantôt
le
même clergé bénissant des canons et priant pour le succès de telle éq
2763
e même clergé bénissant des canons et priant pour
le
succès de telle équipe nationale de tueurs sur telle autre. Je ne rap
2764
ou par une sorte de démagogie, mais il faut bien
le
reconnaître : ces scandales trop connus tiennent au fait que les Égli
2765
: ces scandales trop connus tiennent au fait que
les
Églises ont cru devoir édicter la morale de leur siècle, généralement
2766
nt au fait que les Églises ont cru devoir édicter
la
morale de leur siècle, généralement au nom des intérêts (traduits en
2767
ement au nom des intérêts (traduits en vertus) de
la
société du siècle précédent, confondue par la masse des fidèles avec
2768
de la société du siècle précédent, confondue par
la
masse des fidèles avec la tradition chrétienne. Je résume cette parti
2769
récédent, confondue par la masse des fidèles avec
la
tradition chrétienne. Je résume cette partie de mon argument : 1. j’e
2770
1. j’estime qu’il y a tout avantage à considérer
les
préceptes et codes de la morale comme les règles du jeu d’une société
2771
t avantage à considérer les préceptes et codes de
la
morale comme les règles du jeu d’une société ; 2. ceci implique — et
2772
sidérer les préceptes et codes de la morale comme
les
règles du jeu d’une société ; 2. ceci implique — et facilite d’ailleu
2773
ssance à ces règles, comme il va de soi dans tous
les
jeux et sports d’équipe ; 3. ceci exclut, du même mouvement, la sacra
2774
rts d’équipe ; 3. ceci exclut, du même mouvement,
la
sacralisation de ces préceptes et recettes, et la prétention tout à f
2775
la sacralisation de ces préceptes et recettes, et
la
prétention tout à fait abusive à les fonder dans la nature des choses
2776
recettes, et la prétention tout à fait abusive à
les
fonder dans la nature des choses ou la loi naturelle, à les assimiler
2777
prétention tout à fait abusive à les fonder dans
la
nature des choses ou la loi naturelle, à les assimiler aux « voies de
2778
abusive à les fonder dans la nature des choses ou
la
loi naturelle, à les assimiler aux « voies de la providence » ou à la
2779
dans la nature des choses ou la loi naturelle, à
les
assimiler aux « voies de la providence » ou à la « volonté de Dieu lu
2780
la loi naturelle, à les assimiler aux « voies de
la
providence » ou à la « volonté de Dieu lui-même » ; 4. enfin, et j’in
2781
les assimiler aux « voies de la providence » ou à
la
« volonté de Dieu lui-même » ; 4. enfin, et j’introduis ici une remar
2782
i résulte logiquement des trois premiers points :
l’
observation des règles ou au contraire les infractions commises par un
2783
points : l’observation des règles ou au contraire
les
infractions commises par un joueur n’entraînent pas de jugement sur s
2784
aleur en tant que personne. Il est entendu que si
l’
on fait une faute, si on touche la balle avec la main au football par
2785
entendu que si l’on fait une faute, si on touche
la
balle avec la main au football par exemple, on doit être pénalisé ou
2786
i l’on fait une faute, si on touche la balle avec
la
main au football par exemple, on doit être pénalisé ou même disqualif
2787
n doit être pénalisé ou même disqualifié, mais si
l’
on suit les règles normalement, on n’est pas pour autant bon ou mauvai
2788
e pénalisé ou même disqualifié, mais si l’on suit
les
règles normalement, on n’est pas pour autant bon ou mauvais : simplem
2789
ment on joue bien ou mal. Point de « péché » dans
le
monde des règles du jeu, mais seulement des erreurs, maladresses, fau
2790
de fair play ou d’objectivité, coups bas, etc.).
La
notion de péché n’apparaît qu’à partir du moment où se trouve posée l
2791
a question de nos fins dernières. Elle est liée à
la
vocation. ⁂ On pourrait définir une sorte de vocation générale du gen
2792
tout homme en tant qu’homme, et qui serait, selon
l’
Évangile, l’appel et la puissance de l’amour. À travers l’action dans
2793
n tant qu’homme, et qui serait, selon l’Évangile,
l’
appel et la puissance de l’amour. À travers l’action dans la communaut
2794
omme, et qui serait, selon l’Évangile, l’appel et
la
puissance de l’amour. À travers l’action dans la communauté, c’est-à-
2795
ait, selon l’Évangile, l’appel et la puissance de
l’
amour. À travers l’action dans la communauté, c’est-à-dire à travers l
2796
le, l’appel et la puissance de l’amour. À travers
l’
action dans la communauté, c’est-à-dire à travers le prochain, l’amour
2797
la puissance de l’amour. À travers l’action dans
la
communauté, c’est-à-dire à travers le prochain, l’amour au sens chrét
2798
action dans la communauté, c’est-à-dire à travers
le
prochain, l’amour au sens chrétien est l’orientation de tout être, et
2799
a communauté, c’est-à-dire à travers le prochain,
l’
amour au sens chrétien est l’orientation de tout être, et de tout mon
2800
travers le prochain, l’amour au sens chrétien est
l’
orientation de tout être, et de tout mon être vers Dieu, source et suj
2801
re vers Dieu, source et sujet de tout amour. Mais
la
vocation dont je voudrais vous parler, c’est la vocation particulière
2802
s la vocation dont je voudrais vous parler, c’est
la
vocation particulière qui s’adresse à un individu et fait de lui une
2803
ncte et unique. Obéir à ma vocation, c’est suivre
le
chemin qui va me conduire à la source de l’appel que j’ai cru percevo
2804
tion, c’est suivre le chemin qui va me conduire à
la
source de l’appel que j’ai cru percevoir, que je cherche à entendre,
2805
uivre le chemin qui va me conduire à la source de
l’
appel que j’ai cru percevoir, que je cherche à entendre, à capter de n
2806
re, à capter de nouveau, pour qu’il me guide dans
l’
inconnu, comme ces avions qui dans la nuit suivent la route créée par
2807
e guide dans l’inconnu, comme ces avions qui dans
la
nuit suivent la route créée par un faisceau sonore. Mais ce chemin sa
2808
nconnu, comme ces avions qui dans la nuit suivent
la
route créée par un faisceau sonore. Mais ce chemin sans précédent, —
2809
e moi seul pour me conduire là où convergent tous
les
chemins de l’esprit, — oui, tous convergent et se rejoindront en Dieu
2810
me conduire là où convergent tous les chemins de
l’
esprit, — oui, tous convergent et se rejoindront en Dieu, mais il y a
2811
y a un chemin par homme ! — comment savoir si je
le
découvre ou si je l’invente en le suivant ? Il n’est créé que par l’a
2812
mme ! — comment savoir si je le découvre ou si je
l’
invente en le suivant ? Il n’est créé que par l’appel, et n’existe que
2813
nt savoir si je le découvre ou si je l’invente en
le
suivant ? Il n’est créé que par l’appel, et n’existe que si je m’y en
2814
e l’invente en le suivant ? Il n’est créé que par
l’
appel, et n’existe que si je m’y engage, répondant à l’appel sans pens
2815
el, et n’existe que si je m’y engage, répondant à
l’
appel sans penser à rien d’autre. Il n’est pas jalonné, comme les gran
2816
enser à rien d’autre. Il n’est pas jalonné, comme
les
grandes voies publiques, de signes bien lisibles pour n’importe qui,
2817
our n’importe qui, puisque personne encore n’a pu
le
suivre, puisqu’il n’existe qu’à partir de moi, et pour moi seul ! Cet
2818
singularité absolue de mon sentier personnel, qui
le
rend à peine discernable pour ma foi seule, va permettre à mes voisin
2819
r son existence — sauf s’ils ont fait, eux aussi,
l’
expérience de cet appel invraisemblable — et ils vont me conseiller «
2820
ins communs, bien fréquentés, bien surveillés par
la
police, là où règne le Code de la route, qui est aussi fait pour moi,
2821
entés, bien surveillés par la police, là où règne
le
Code de la route, qui est aussi fait pour moi, ajouteront-ils, sévère
2822
surveillés par la police, là où règne le Code de
la
route, qui est aussi fait pour moi, ajouteront-ils, sévères. Oui, bie
2823
n sûr, mais ces voies publiques, faites pour tout
le
monde et personne en particulier, elles me mèneront sans doute aussi
2824
ites pour cela. Seul pourrait me relier à mon but
le
sentier de ma vocation, qui est au sens littéral improbable. Les gran
2825
ma vocation, qui est au sens littéral improbable.
Les
grandes voies publiques, bien que réglées par la Loi, ne me servent d
2826
Les grandes voies publiques, bien que réglées par
la
Loi, ne me servent de rien pour « faire mon salut » comme disait la p
2827
ent de rien pour « faire mon salut » comme disait
la
piété classique. Il me faut me risquer dans un monde spirituel qui es
2828
onde spirituel qui est peut-être une illusion, ou
le
néant. Il me faut affronter l’invraisemblable (dont parlait Kierkegaa
2829
e une illusion, ou le néant. Il me faut affronter
l’
invraisemblable (dont parlait Kierkegaard), un risque absolument sans
2830
tien que ma croyance par éclairs, ma « foi » dans
l’
existence de ce But qu’on ne peut voir et que personne n’a jamais vu.
2831
ayant d’autres moyens de répondre à son appel, de
le
rejoindre, que ceux que me suggère, inexplicablement, ma foi en lui.
2832
gère, inexplicablement, ma foi en lui. C’est donc
le
But qui me communique les seuls moyens d’aller vers lui, dans la seul
2833
a foi en lui. C’est donc le But qui me communique
les
seuls moyens d’aller vers lui, dans la seule mesure où j’y crois, et
2834
ommunique les seuls moyens d’aller vers lui, dans
la
seule mesure où j’y crois, et où j’arrive par instants à oublier tout
2835
à oublier tout ce qui me fait douter du But et de
l’
appel et du chemin, quand je m’abandonne à l’élan, à l’attrait advienn
2836
t de l’appel et du chemin, quand je m’abandonne à
l’
élan, à l’attrait advienne que pourra, comme dans un saut… Dans ces mo
2837
el et du chemin, quand je m’abandonne à l’élan, à
l’
attrait advienne que pourra, comme dans un saut… Dans ces moments, le
2838
que pourra, comme dans un saut… Dans ces moments,
le
But a dicté ses moyens. Il ne les a pas seulement justifiés, il les a
2839
ans ces moments, le But a dicté ses moyens. Il ne
les
a pas seulement justifiés, il les a faits et me les a donnés. Je disa
2840
s moyens. Il ne les a pas seulement justifiés, il
les
a faits et me les a donnés. Je disais tout à l’heure que la notion de
2841
s a pas seulement justifiés, il les a faits et me
les
a donnés. Je disais tout à l’heure que la notion de péché n’a pas sa
2842
les a faits et me les a donnés. Je disais tout à
l’
heure que la notion de péché n’a pas sa place dans le monde des règles
2843
et me les a donnés. Je disais tout à l’heure que
la
notion de péché n’a pas sa place dans le monde des règles du jeu, mai
2844
eure que la notion de péché n’a pas sa place dans
le
monde des règles du jeu, mais prend son sens dans le monde de la voca
2845
monde des règles du jeu, mais prend son sens dans
le
monde de la vocation. Voici comment je crois qu’il faut l’entendre. P
2846
gles du jeu, mais prend son sens dans le monde de
la
vocation. Voici comment je crois qu’il faut l’entendre. Par rapport à
2847
de la vocation. Voici comment je crois qu’il faut
l’
entendre. Par rapport à la vocation humaine et générale de l’amour (so
2848
ent je crois qu’il faut l’entendre. Par rapport à
la
vocation humaine et générale de l’amour (sommaire de toute la Loi), i
2849
Par rapport à la vocation humaine et générale de
l’
amour (sommaire de toute la Loi), il est clair que le péché en général
2850
humaine et générale de l’amour (sommaire de toute
la
Loi), il est clair que le péché en général est de faillir à l’amour,
2851
mour (sommaire de toute la Loi), il est clair que
le
péché en général est de faillir à l’amour, de le blesser, ou de le dé
2852
st clair que le péché en général est de faillir à
l’
amour, de le blesser, ou de le dénaturer — par exemple de le réduire à
2853
le péché en général est de faillir à l’amour, de
le
blesser, ou de le dénaturer — par exemple de le réduire à un pur sent
2854
al est de faillir à l’amour, de le blesser, ou de
le
dénaturer — par exemple de le réduire à un pur sentiment ou désir, al
2855
e le blesser, ou de le dénaturer — par exemple de
le
réduire à un pur sentiment ou désir, alors qu’il est action. Mais dan
2856
iment ou désir, alors qu’il est action. Mais dans
le
monde de la vocation, mon péché particulier, c’est ce qui m’empêche d
2857
ir, alors qu’il est action. Mais dans le monde de
la
vocation, mon péché particulier, c’est ce qui m’empêche de répondre à
2858
particulier, c’est ce qui m’empêche de répondre à
l’
appel que j’ai cru entendre, c’est le refus d’y croire sans preuve don
2859
e répondre à l’appel que j’ai cru entendre, c’est
le
refus d’y croire sans preuve dont je puisse faire état « objectivemen
2860
quelque attitude intime, en travers du chemin que
l’
Appel, dans la nuit, crée ou jalonne pour moi seul. Mon péché, c’est c
2861
de intime, en travers du chemin que l’Appel, dans
la
nuit, crée ou jalonne pour moi seul. Mon péché, c’est ce qui obscurci
2862
ce qui obscurcit ma visée, me fait perdre de vue
le
but, m’en fait douter quand il est invisible, bref, me détourne d’agi
2863
gir ma vocation. Et je découvre, à ce propos, que
le
mot désignant le péché en hébreu signifie littéralement « ce qui manq
2864
Et je découvre, à ce propos, que le mot désignant
le
péché en hébreu signifie littéralement « ce qui manque le but » ; et
2865
en hébreu signifie littéralement « ce qui manque
le
but » ; et en grec : « ce qui passe au-dessus de la ligne normale »,
2866
but » ; et en grec : « ce qui passe au-dessus de
la
ligne normale », ou : « ce qui tombe à côté ». Voilà qui correspond,
2867
e, à mes images initiales du tireur au fusil ou à
l’
arc. ⁂ Je ne voudrais pas terminer cet exposé… téméraire, beaucoup tro
2868
qu’il prétend remuer, sans avoir indiqué au moins
les
principales objections que je suis le premier à formuler contre mes t
2869
é dans mon livre — mais j’aimerais indiquer aussi
l’
esprit des réponses que l’on pourrait tenter d’y faire. La dichotomie
2870
aimerais indiquer aussi l’esprit des réponses que
l’
on pourrait tenter d’y faire. La dichotomie proposée entre les règles
2871
des réponses que l’on pourrait tenter d’y faire.
La
dichotomie proposée entre les règles du jeu d’une part, et la vocatio
2872
it tenter d’y faire. La dichotomie proposée entre
les
règles du jeu d’une part, et la vocation d’autre part ; entre la régu
2873
e proposée entre les règles du jeu d’une part, et
la
vocation d’autre part ; entre la régulation scientifique et séculière
2874
u d’une part, et la vocation d’autre part ; entre
la
régulation scientifique et séculière des moyens d’une part, et la foi
2875
ientifique et séculière des moyens d’une part, et
la
foi aux fins transcendantes d’autre part, cette distinction fondament
2876
tes et de reproches hélas bien faciles à prévoir.
Le
psychologue me dira (et il le dit en moi) : — Êtes-vous sûr que l’app
2877
faciles à prévoir. Le psychologue me dira (et il
le
dit en moi) : — Êtes-vous sûr que l’appel que vous croyez venu du Tra
2878
dira (et il le dit en moi) : — Êtes-vous sûr que
l’
appel que vous croyez venu du Transcendant n’est pas tout simplement l
2879
ez venu du Transcendant n’est pas tout simplement
l’
expression symbolique d’une pulsion de l’inconscient ? — Eh bien non,
2880
mplement l’expression symbolique d’une pulsion de
l’
inconscient ? — Eh bien non, je n’en suis jamais sûr ! La foi sans le
2881
scient ? — Eh bien non, je n’en suis jamais sûr !
La
foi sans le doute n’est pas la foi, ont répété bien avant moi Luther
2882
h bien non, je n’en suis jamais sûr ! La foi sans
le
doute n’est pas la foi, ont répété bien avant moi Luther et Kierkegaa
2883
suis jamais sûr ! La foi sans le doute n’est pas
la
foi, ont répété bien avant moi Luther et Kierkegaard. Un théologien d
2884
ther et Kierkegaard. Un théologien dira (et je me
le
dis aussi) : Si vous abandonnez la responsabilité d’établir le code m
2885
dira (et je me le dis aussi) : Si vous abandonnez
la
responsabilité d’établir le code moral au « monde », c’est-à-dire auj
2886
: Si vous abandonnez la responsabilité d’établir
le
code moral au « monde », c’est-à-dire aujourd’hui et en fait aux sava
2887
st-à-dire aujourd’hui et en fait aux savants et à
l’
État, vous risquez de laisser s’établir une société totalitaire. Et vo
2888
s’établir une société totalitaire. Et vous privez
le
monde des aides de la Révélation. — À quoi je réponds que le risque e
2889
totalitaire. Et vous privez le monde des aides de
la
Révélation. — À quoi je réponds que le risque est très grand, je l’av
2890
s aides de la Révélation. — À quoi je réponds que
le
risque est très grand, je l’avoue, mais que les Églises qui croyaient
2891
quoi je réponds que le risque est très grand, je
l’
avoue, mais que les Églises qui croyaient dur comme fer que leur missi
2892
ue le risque est très grand, je l’avoue, mais que
les
Églises qui croyaient dur comme fer que leur mission était de régler
2893
nt dur comme fer que leur mission était de régler
la
conduite morale de nos peuples n’ont pas réussi à empêcher ni même à
2894
uvements totalitaires du xxe siècle. Et quand je
les
vois patauger dans des domaines aussi vitaux que ceux de la contracep
2895
tauger dans des domaines aussi vitaux que ceux de
la
contraception ou de la guerre, je me demande de quoi elles priveraien
2896
s aussi vitaux que ceux de la contraception ou de
la
guerre, je me demande de quoi elles priveraient le monde si elles ces
2897
a guerre, je me demande de quoi elles priveraient
le
monde si elles cessaient de lui prodiguer des conseils ou des ordres
2898
moins aussi contradictoires que ceux qu’édictent
les
États, les Sciences, leurs branches spécialisées, et les écoles qui l
2899
i contradictoires que ceux qu’édictent les États,
les
Sciences, leurs branches spécialisées, et les écoles qui les divisent
2900
ts, les Sciences, leurs branches spécialisées, et
les
écoles qui les divisent. Un autre théologien me reprochera (et je ne
2901
s, leurs branches spécialisées, et les écoles qui
les
divisent. Un autre théologien me reprochera (et je ne suis pas du tou
2902
ne suis pas du tout sûr qu’il ait tort) d’ouvrir
les
portes toutes grandes au subjectivisme intégral, à l’illuminisme, au
2903
ortes toutes grandes au subjectivisme intégral, à
l’
illuminisme, au quiétisme, et simplement à tous les malades dont la ps
2904
l’illuminisme, au quiétisme, et simplement à tous
les
malades dont la psychose prend la forme d’une mission qu’ils affirmen
2905
quiétisme, et simplement à tous les malades dont
la
psychose prend la forme d’une mission qu’ils affirment reçue de Dieu.
2906
plement à tous les malades dont la psychose prend
la
forme d’une mission qu’ils affirment reçue de Dieu. — À quoi je pense
2907
on doit répondre par une vigilance redoublée dans
l’
examen des marques ou des « notes » de l’authenticité d’une vocation,
2908
lée dans l’examen des marques ou des « notes » de
l’
authenticité d’une vocation, selon l’expérience des Pères, des réforma
2909
« notes » de l’authenticité d’une vocation, selon
l’
expérience des Pères, des réformateurs, et aussi des meilleurs psychol
2910
ologues de ce temps, qui peuvent au moins déceler
les
fausses vocations… Mais les risques subsistent, je ne les minimise pa
2911
vent au moins déceler les fausses vocations… Mais
les
risques subsistent, je ne les minimise pas : ce sont les risques de l
2912
ses vocations… Mais les risques subsistent, je ne
les
minimise pas : ce sont les risques de la Foi et de la confiance dans
2913
ques subsistent, je ne les minimise pas : ce sont
les
risques de la Foi et de la confiance dans le Saint-Esprit. Je soulign
2914
, je ne les minimise pas : ce sont les risques de
la
Foi et de la confiance dans le Saint-Esprit. Je souligne seulement qu
2915
inimise pas : ce sont les risques de la Foi et de
la
confiance dans le Saint-Esprit. Je souligne seulement que les risques
2916
ont les risques de la Foi et de la confiance dans
le
Saint-Esprit. Je souligne seulement que les risques inverses, nés de
2917
e dans le Saint-Esprit. Je souligne seulement que
les
risques inverses, nés de l’exigence exclusive de ce que l’on nomme «
2918
uligne seulement que les risques inverses, nés de
l’
exigence exclusive de ce que l’on nomme « objectivité scientifique »,
2919
s inverses, nés de l’exigence exclusive de ce que
l’
on nomme « objectivité scientifique », et qui évacue de la réalité tou
2920
me « objectivité scientifique », et qui évacue de
la
réalité tout ce qui ne peut être enregistré par la mémoire d’une mach
2921
a réalité tout ce qui ne peut être enregistré par
la
mémoire d’une machine électronique, que cet objectivisme-là est au mo
2922
t objectivisme-là est au moins aussi onéreux pour
l’
équilibre humain que l’anarchie spiritualiste. Toute vie spirituelle a
2923
u moins aussi onéreux pour l’équilibre humain que
l’
anarchie spiritualiste. Toute vie spirituelle authentique ne s’est-ell
2924
uthentique ne s’est-elle pas toujours jouée entre
les
deux extrêmes du désert et du déluge, du doute aride et de l’émotivit
2925
êmes du désert et du déluge, du doute aride et de
l’
émotivité prompte aux larmes, du positivisme et de l’illuminisme ? Un
2926
motivité prompte aux larmes, du positivisme et de
l’
illuminisme ? Un troisième théologien, prenant acte de ce que je ne cr
2927
ques, regrettera peut-être au secret de son cœur,
l’
époque où l’on pouvait brûler des gens comme moi. Je lui dirai : faite
2928
tera peut-être au secret de son cœur, l’époque où
l’
on pouvait brûler des gens comme moi. Je lui dirai : faites attention
2929
gens comme moi. Je lui dirai : faites attention à
l’
Écriture, qui est, selon vos meilleurs docteurs, le critère externe de
2930
’Écriture, qui est, selon vos meilleurs docteurs,
le
critère externe de la Révélation ; elle dit ceci : « Cherchez d’abord
2931
lon vos meilleurs docteurs, le critère externe de
la
Révélation ; elle dit ceci : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu, e
2932
a Révélation ; elle dit ceci : « Cherchez d’abord
le
Royaume de Dieu, et le reste vous sera donné par-dessus. » Or cherche
2933
ceci : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu, et
le
reste vous sera donné par-dessus. » Or chercher le Royaume, c’est che
2934
e reste vous sera donné par-dessus. » Or chercher
le
Royaume, c’est chercher à saisir et à comprendre le message ou l’appe
2935
Royaume, c’est chercher à saisir et à comprendre
le
message ou l’appel qui nous en vient. Ce n’est pas appliquer une règl
2936
t chercher à saisir et à comprendre le message ou
l’
appel qui nous en vient. Ce n’est pas appliquer une règle connue, la m
2937
n vient. Ce n’est pas appliquer une règle connue,
la
même pour tous, en tous les temps, et révélée une fois pour toutes. L
2938
quer une règle connue, la même pour tous, en tous
les
temps, et révélée une fois pour toutes. L’Évangile ne dit pas : « Voi
2939
tous les temps, et révélée une fois pour toutes.
L’
Évangile ne dit pas : « Voici le code, obéissez. » Il dit : « Cherchez
2940
fois pour toutes. L’Évangile ne dit pas : « Voici
le
code, obéissez. » Il dit : « Cherchez, et osez croire l’invraisemblab
2941
, obéissez. » Il dit : « Cherchez, et osez croire
l’
invraisemblable. Et c’est ainsi que vous trouverez aussi, chemin faisa
2942
narchisant, je répondrai qu’il a bien mal compris
la
définition de la personne : l’homme chargé par la vocation même qui l
2943
pondrai qu’il a bien mal compris la définition de
la
personne : l’homme chargé par la vocation même qui le distingue de la
2944
a bien mal compris la définition de la personne :
l’
homme chargé par la vocation même qui le distingue de la communauté, d
2945
la définition de la personne : l’homme chargé par
la
vocation même qui le distingue de la communauté, d’une action qui le
2946
ersonne : l’homme chargé par la vocation même qui
le
distingue de la communauté, d’une action qui le relie à cette communa
2947
e chargé par la vocation même qui le distingue de
la
communauté, d’une action qui le relie à cette communauté et qui l’ins
2948
i le distingue de la communauté, d’une action qui
le
relie à cette communauté et qui l’insère dans ses réalités concrètes.
2949
une action qui le relie à cette communauté et qui
l’
insère dans ses réalités concrètes. Aux démocrates ombrageux qui m’ac
2950
geux qui m’accuseraient de proposer une éthique à
l’
usage exclusif d’une petite élite spirituelle, d’un groupe d’élus, je
2951
spirituelle, d’un groupe d’élus, je rappellerais
les
paroles de Jésus sur le sel de la Terre et sa saveur. Mais j’ajoutera
2952
d’élus, je rappellerais les paroles de Jésus sur
le
sel de la Terre et sa saveur. Mais j’ajouterais, paraphrasant Teilhar
2953
e rappellerais les paroles de Jésus sur le sel de
la
Terre et sa saveur. Mais j’ajouterais, paraphrasant Teilhard de Chard
2954
ai, mais, par sa solidarité avec une grandeur qui
le
dépasse, à faire grandement la moindre des choses, ce qu’il doit fair
2955
c une grandeur qui le dépasse, à faire grandement
la
moindre des choses, ce qu’il doit faire lui seul. (Et d’abord, à se f
2956
? Comment déceler ma vocation, puisque selon vous
le
But d’où elle m’est adressée reste invisible, inouï, incalculable, et
2957
devrait nous guider… » — je voudrais dire ici que
la
prière est le seul moyen que l’Évangile propose pour accorder au Tran
2958
uider… » — je voudrais dire ici que la prière est
le
seul moyen que l’Évangile propose pour accorder au Transcendant notre
2959
rais dire ici que la prière est le seul moyen que
l’
Évangile propose pour accorder au Transcendant notre être intime, notr
2960
, ici encore, dicté et créé par sa fin. Car c’est
l’
Esprit qui nous meut à prier. Les « soupirs inexprimables » de la priè
2961
sa fin. Car c’est l’Esprit qui nous meut à prier.
Les
« soupirs inexprimables » de la prière en nous répondent seuls à la r
2962
us meut à prier. Les « soupirs inexprimables » de
la
prière en nous répondent seuls à la réalité de l’indicible ; or toute
2963
rimables » de la prière en nous répondent seuls à
la
réalité de l’indicible ; or toute vocation est d’abord indicible, par
2964
la prière en nous répondent seuls à la réalité de
l’
indicible ; or toute vocation est d’abord indicible, parce qu’elle n’a
2965
ls allant d’un homme à Dieu. Mais je pressens que
les
objections les plus gênantes qu’on pourra me faire seront celles que
2966
homme à Dieu. Mais je pressens que les objections
les
plus gênantes qu’on pourra me faire seront celles que je n’ai pas pré
2967
e faire seront celles que je n’ai pas prévues… Je
les
attends de votre part et vous en dis d’avance ma gratitude. Ma recher
2968
être, mais dont je doute qu’aucun chrétien puisse
les
donner. Les « païens » et l’Antiquité vivaient dans la certitude éthi
2969
ont je doute qu’aucun chrétien puisse les donner.
Les
« païens » et l’Antiquité vivaient dans la certitude éthique — règles
2970
cun chrétien puisse les donner. Les « païens » et
l’
Antiquité vivaient dans la certitude éthique — règles et rites invaria
2971
nner. Les « païens » et l’Antiquité vivaient dans
la
certitude éthique — règles et rites invariables, jamais mis en questi
2972
les et rites invariables, jamais mis en question.
Les
scientifiques, demain, vivront eux aussi dans la certitude quant à la
2973
Les scientifiques, demain, vivront eux aussi dans
la
certitude quant à la conduite humaine — statistiques, médications, ré
2974
main, vivront eux aussi dans la certitude quant à
la
conduite humaine — statistiques, médications, régimes sociaux ou psyc
2975
et impératives. Quant aux laïques et au clergé de
l’
Église chrétienne, je pense que leur rôle spécifique et leur vocation
2976
; à poser avant tout, en temps et hors de temps,
la
Question, celle du Sens, celle du But. C’est tout ce que, pour ma par
2977
n. p. Rougemont Denis de, « Pour une morale de
la
vocation », Les Cahiers protestants, Lausanne, 1968, p. 5-29. q. Une
2978
ont Denis de, « Pour une morale de la vocation »,
Les
Cahiers protestants, Lausanne, 1968, p. 5-29. q. Une note de la réda
2979
estants, Lausanne, 1968, p. 5-29. q. Une note de
la
rédaction précise : « Ce texte est celui d’une conférence, prononcée
2980
, prononcée à Neuchâtel en septembre 1966, devant
la
Société pastorale suisse, qui nous a obligeamment autorisés à la publ
2981
orale suisse, qui nous a obligeamment autorisés à
la
publier. »