1 1938, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). La vraie défense contre l’esprit totalitaire (juillet 1938)
1 La vraie défense contre l’esprit totalitaire (juillet 1938)a L’esprit
2 La vraie défense contre l’ esprit totalitaire (juillet 1938)a L’esprit totalitaire est pour no
3 se contre l’esprit totalitaire (juillet 1938)a L’ esprit totalitaire est pour nous une menace1. De récents événements l’
4 est pour nous une menace1. De récents événements l’ auront fait voir aux plus naïfs. Mais il n’est pas seulement une menac
5 te au cœur de notre angoisse morale et matérielle le désir lâche d’un « ordre » imposé par la force, d’une « mise au pas »
6 térielle le désir lâche d’un « ordre » imposé par la force, d’une « mise au pas » brutale qui nous dispense de nous sentir
7 au pas » brutale qui nous dispense de nous sentir les responsables de la cité et de l’État. D’autre part, il nous tente par
8 nous dispense de nous sentir les responsables de la cité et de l’État. D’autre part, il nous tente par la promesse d’une
9 de nous sentir les responsables de la cité et de l’ État. D’autre part, il nous tente par la promesse d’une communauté res
10 ité et de l’État. D’autre part, il nous tente par la promesse d’une communauté restaurée, d’un coude-à-coude physique, d’u
11 physique, d’une grande camaraderie. Et ce sont là les vraies raisons de sa puissance. C’est sur ce terrain-là — non sur des
12 es — que nous devons organiser nos résistances. ⁂ Le totalitarisme a triomphé surtout pour deux raisons, me semble-t-il :
13 ux raisons, me semble-t-il : D’abord il a utilisé le défaut de civisme qui résultait de la destruction de toute commune me
14 l a utilisé le défaut de civisme qui résultait de la destruction de toute commune mesure dans la cité (ou d’un défaut tota
15 it de la destruction de toute commune mesure dans la cité (ou d’un défaut total d’éducation, comme en Russie). Ensuite il
16 omme en Russie). Ensuite il a donné une réponse à l’ exigence religieuse des peuples, déçue par les Églises chrétiennes. Dé
17 se à l’exigence religieuse des peuples, déçue par les Églises chrétiennes. Défaut de civisme : j’en donnerai un seul exempl
18 ple mais significatif. En Italie, de 1920 à 1922, le parti socialiste était le plus important : 35 % des électeurs. Les fa
19 Italie, de 1920 à 1922, le parti socialiste était le plus important : 35 % des électeurs. Les fascistes n’étaient qu’une t
20 ste était le plus important : 35 % des électeurs. Les fascistes n’étaient qu’une très petite minorité. Comment s’imposèrent
21 s petite minorité. Comment s’imposèrent-ils ? Par la terreur. Ils arrivaient dans un village, par petits groupes montés su
22 r petits groupes montés sur des camions mettaient le feu à la bourse du travail, extorquaient la démission du maire social
23 groupes montés sur des camions mettaient le feu à la bourse du travail, extorquaient la démission du maire socialiste ou l
24 aient le feu à la bourse du travail, extorquaient la démission du maire socialiste ou le tuaient, puis rentraient sans êtr
25 extorquaient la démission du maire socialiste ou le tuaient, puis rentraient sans être inquiétés. Et cela, des centaines
26 ent ces crimes ont-ils pu se produire ? C’est que la police protégeait les fascistes contre les moindres réactions du peup
27 s pu se produire ? C’est que la police protégeait les fascistes contre les moindres réactions du peuple — réactions aussitô
28 est que la police protégeait les fascistes contre les moindres réactions du peuple — réactions aussitôt qualifiées « d’odie
29 lifiées « d’odieuses provocations marxistes ». Si le fascisme s’est imposé, c’est donc d’abord grâce à la protection de la
30 fascisme s’est imposé, c’est donc d’abord grâce à la protection de la police. Mais cela supposait la complicité des minist
31 posé, c’est donc d’abord grâce à la protection de la police. Mais cela supposait la complicité des ministères libéraux qui
32 à la protection de la police. Mais cela supposait la complicité des ministères libéraux qui dirigeaient cette police. Pour
33 C’est donc à une complicité quasi universelle que le fascisme a dû de s’emparer de l’État. Un peu de civisme l’eût arrêté.
34 universelle que le fascisme a dû de s’emparer de l’ État. Un peu de civisme l’eût arrêté. Sa force n’a été faite que de lâ
35 me a dû de s’emparer de l’État. Un peu de civisme l’ eût arrêté. Sa force n’a été faite que de lâchetés accumulées, et de c
36 s que ce soit là une vue partiale et partisane de l’ histoire : c’est la version très officielle des historiens fascistes e
37 e vue partiale et partisane de l’histoire : c’est la version très officielle des historiens fascistes eux-mêmes. Une seule
38 s eux-mêmes. Une seule fois, nous apprennent-ils, la police s’opposa aux bandes armées des chemises noires. Ce fut à Sarza
39 en juillet 1921. 500 fascistes avaient débarqué à la gare de cette petite ville. Ils s’y heurtèrent à 8 gendarmes et 3 sol
40 s’avisèrent de résister. Au premier coup de feu, la petite armée des chemises noires s’enfuit dans les campagnes. Cet épi
41 la petite armée des chemises noires s’enfuit dans les campagnes. Cet épisode est symbolique, comme le prouve le rapport que
42 les campagnes. Cet épisode est symbolique, comme le prouve le rapport que fit à son sujet le chef fasciste de l’expéditio
43 gnes. Cet épisode est symbolique, comme le prouve le rapport que fit à son sujet le chef fasciste de l’expédition. Il écri
44 e, comme le prouve le rapport que fit à son sujet le chef fasciste de l’expédition. Il écrit en effet à la Centrale du Par
45 e rapport que fit à son sujet le chef fasciste de l’ expédition. Il écrit en effet à la Centrale du Parti : « L’expédition
46 hef fasciste de l’expédition. Il écrit en effet à la Centrale du Parti : « L’expédition de Sarzana n’est qu’un épisode nor
47 ion. Il écrit en effet à la Centrale du Parti : «  L’ expédition de Sarzana n’est qu’un épisode normal : il devait survenir
48 qu’un épisode normal : il devait survenir dès que le fascisme aurait trouvé des gens devant lui, disposés à tenir bon… » R
49 i, disposés à tenir bon… » Rien n’est plus vrai : le totalitarisme ne saurait triompher « de gens disposés à tenir bon » s
50 triompher « de gens disposés à tenir bon » selon l’ expression de l’Italien. Or qu’est-ce qu’un homme décidé à tenir bon ?
51 gens disposés à tenir bon » selon l’expression de l’ Italien. Or qu’est-ce qu’un homme décidé à tenir bon ? C’est un homme
52 conscience de ses raisons de vivre. Ce n’est pas l’ homme le mieux armé, mais celui dont le moral est le plus solide. Quan
53 nce de ses raisons de vivre. Ce n’est pas l’homme le mieux armé, mais celui dont le moral est le plus solide. Quand on lit
54 n’est pas l’homme le mieux armé, mais celui dont le moral est le plus solide. Quand on lit les travaux historiques les pl
55 homme le mieux armé, mais celui dont le moral est le plus solide. Quand on lit les travaux historiques les plus sérieux su
56 ui dont le moral est le plus solide. Quand on lit les travaux historiques les plus sérieux sur la naissance des trois grand
57 plus solide. Quand on lit les travaux historiques les plus sérieux sur la naissance des trois grandes dictatures, on consta
58 lit les travaux historiques les plus sérieux sur la naissance des trois grandes dictatures, on constate l’existence d’une
59 issance des trois grandes dictatures, on constate l’ existence d’une sorte de loi historique : le totalitarisme n’est fort
60 state l’existence d’une sorte de loi historique : le totalitarisme n’est fort que dans la mesure où le civisme est faible 
61 historique : le totalitarisme n’est fort que dans la mesure où le civisme est faible ; il est fort des lâchetés individuel
62 le totalitarisme n’est fort que dans la mesure où le civisme est faible ; il est fort des lâchetés individuelles, répercut
63 fort des lâchetés individuelles, répercutées dans le pouvoir établi ; et demain, s’il triomphe chez nous, sa puissance ne
64 s’il triomphe chez nous, sa puissance ne sera que la somme exacte de nos lâchetés particulières. L’exemple de Sarzana nous
65 ue la somme exacte de nos lâchetés particulières. L’ exemple de Sarzana nous le prouve fortement : ce n’est pas le nombre e
66 lâchetés particulières. L’exemple de Sarzana nous le prouve fortement : ce n’est pas le nombre et l’armement qui ont triom
67 e Sarzana nous le prouve fortement : ce n’est pas le nombre et l’armement qui ont triomphé ce jour-là, mais la bonne consc
68 s le prouve fortement : ce n’est pas le nombre et l’ armement qui ont triomphé ce jour-là, mais la bonne conscience civique
69 e et l’armement qui ont triomphé ce jour-là, mais la bonne conscience civique. Or une telle bonne conscience ne saurait ex
70 ne conscience ne saurait exister que là où existe l’ autorité morale. Les fascistes ont été arrêtés à Sarzana, mais ils l’o
71 urait exister que là où existe l’autorité morale. Les fascistes ont été arrêtés à Sarzana, mais ils l’ont emporté partout a
72 Les fascistes ont été arrêtés à Sarzana, mais ils l’ ont emporté partout ailleurs, parce qu’ils représentaient une espéranc
73 une espérance. Je rejoins ici ma seconde thèse : le totalitarisme a triomphé parce qu’il fut le premier à donner une répo
74 réponse très grossière, mais enfin une réponse, à l’ appel religieux du peuple. C’est parce que les fascistes avaient une m
75 e, à l’appel religieux du peuple. C’est parce que les fascistes avaient une mystique, tandis que les autres n’en avaient pl
76 ue les fascistes avaient une mystique, tandis que les autres n’en avaient plus, que les fascistes n’ont pas rencontré de ré
77 que, tandis que les autres n’en avaient plus, que les fascistes n’ont pas rencontré de résistance sérieuse. De ces deux cau
78 principes de conduite : 1° Il nous faut restaurer l’ esprit de résistance civique. Et cela suppose que nous reprenions cons
79 eprenions conscience de nos raisons de vivre dans la communauté, et des devoirs qu’impliquent nos libertés actuelles. Je l
80 devoirs qu’impliquent nos libertés actuelles. Je le répète : la puissance du totalitarisme ne sera jamais que la somme ex
81 impliquent nos libertés actuelles. Je le répète : la puissance du totalitarisme ne sera jamais que la somme exacte de nos
82 la puissance du totalitarisme ne sera jamais que la somme exacte de nos lâchetés individuelles, c’est-à-dire de nos égoïs
83 ut refaire une commune mesure vivante. Si nous ne la faisons pas, d’autres s’en chargeront, l’appel existe, et c’est le pr
84 nous ne la faisons pas, d’autres s’en chargeront, l’ appel existe, et c’est le premier qui saura lui répondre qui vaincra.
85 ez nous, répondons d’une manière plus humaine que les totalitaires, plus vraie aussi, et plus réellement totale. Mais c’est
86 tale. Mais c’est là une question religieuse, nous l’ avons vu, et seule une religion plus vraie que leurs mystiques saura n
87 lus vraie que leurs mystiques saura nous indiquer les vraies fins de la lutte. Conscience civique et conscience religieuse.
88 mystiques saura nous indiquer les vraies fins de la lutte. Conscience civique et conscience religieuse. J’illustrerai le
89 le second, par notre situation comme chrétiens. ⁂ L’ exemple de la Suisse me tient à cœur à double titre : c’est ma patrie,
90 r notre situation comme chrétiens. ⁂ L’exemple de la Suisse me tient à cœur à double titre : c’est ma patrie, et d’autre p
91 part, il se trouve que sa tradition politique est la plus proche du personnalisme. C’est donc à propos de la Suisse que je
92 s proche du personnalisme. C’est donc à propos de la Suisse que je pourrai le mieux faire saisir la portée immédiate de ce
93 . C’est donc à propos de la Suisse que je pourrai le mieux faire saisir la portée immédiate de ce que j’entends quand je p
94 de la Suisse que je pourrai le mieux faire saisir la portée immédiate de ce que j’entends quand je parle de conscience civ
95 nds quand je parle de conscience civique. Lorsque l’ Allemagne totalitaire envahit l’Autriche, nous fûmes saisis d’une ango
96 civique. Lorsque l’Allemagne totalitaire envahit l’ Autriche, nous fûmes saisis d’une angoisse soudaine : pour la première
97 remière fois, depuis des siècles, nous concevions la possibilité, même théorique, d’un démembrement de notre État. La prem
98 . La première réaction de notre opinion fut aussi la plus naturelle et la plus instinctive : « Au signal du danger, armons
99 n de notre opinion fut aussi la plus naturelle et la plus instinctive : « Au signal du danger, armons-nous ! » L’instinct
100 tinctive : « Au signal du danger, armons-nous ! » L’ instinct ancestral de l’homme, c’est de parer à la violence par une vi
101 u danger, armons-nous ! » L’instinct ancestral de l’ homme, c’est de parer à la violence par une violence du même ordre. Ce
102 L’instinct ancestral de l’homme, c’est de parer à la violence par une violence du même ordre. Cette solution est la plus n
103 ar une violence du même ordre. Cette solution est la plus naturelle parce qu’elle n’est en somme qu’un réflexe. Elle ne su
104 me qu’un réflexe. Elle ne suppose aucun effort de l’ esprit, aucune espèce d’imagination. Et c’est aussi pourquoi elle est
105 ion. Et c’est aussi pourquoi elle est de beaucoup la plus fréquente et la plus populaire. J’ai à cœur cependant de montrer
106 ourquoi elle est de beaucoup la plus fréquente et la plus populaire. J’ai à cœur cependant de montrer son danger pour nous
107 nnel évidemment, présenter quelques remarques sur la question des armements. J’y vois le piège le plus dangereux que nous
108 remarques sur la question des armements. J’y vois le piège le plus dangereux que nous tendent les totalitaires. Plaçons-no
109 sur la question des armements. J’y vois le piège le plus dangereux que nous tendent les totalitaires. Plaçons-nous tout d
110 vois le piège le plus dangereux que nous tendent les totalitaires. Plaçons-nous tout d’abord dans l’hypothèse que seule la
111 les totalitaires. Plaçons-nous tout d’abord dans l’ hypothèse que seule la force matérielle peut résister à une menace tot
112 çons-nous tout d’abord dans l’hypothèse que seule la force matérielle peut résister à une menace totalitaire. La conséquen
113 atérielle peut résister à une menace totalitaire. La conséquence qui en découle immédiatement, c’est qu’il faut nous armer
114 armer jusqu’aux dents. Mais sommes-nous sûrs que le réarmement massif profite aux nations pacifiques ? Sommes-nous même s
115 ous même sûrs qu’il soit un avantage certain pour les nations qui glorifient la guerre ? La vraie raison de la course aux a
116 avantage certain pour les nations qui glorifient la guerre ? La vraie raison de la course aux armements, c’est l’incapaci
117 rtain pour les nations qui glorifient la guerre ? La vraie raison de la course aux armements, c’est l’incapacité où se tro
118 ons qui glorifient la guerre ? La vraie raison de la course aux armements, c’est l’incapacité où se trouvent les États, ca
119 La vraie raison de la course aux armements, c’est l’ incapacité où se trouvent les États, capitalistes ou soviétique d’aill
120 aux armements, c’est l’incapacité où se trouvent les États, capitalistes ou soviétique d’ailleurs, d’occuper leurs chômeur
121 er des obus. Beaucoup de personnes prétendent que le désarmement créerait un chômage effrayant. Raisonnement bien curieux,
122 chômage effrayant. Raisonnement bien curieux, si l’ on y réfléchit. Quand il y a trop de médecins dans un pays, et donc ch
123 op de médecins dans un pays, et donc chômage dans la profession médicale, personne n’a jamais eu l’idée de proposer qu’on
124 ns la profession médicale, personne n’a jamais eu l’ idée de proposer qu’on donne la peste à toute la nation. Or c’est à pe
125 onne n’a jamais eu l’idée de proposer qu’on donne la peste à toute la nation. Or c’est à peu près cela qu’on nous propose 
126 u l’idée de proposer qu’on donne la peste à toute la nation. Or c’est à peu près cela qu’on nous propose : faire vivre le
127 à peu près cela qu’on nous propose : faire vivre le peuple avec ce qui doit le faire mourir. C’est la politique de Gribou
128 propose : faire vivre le peuple avec ce qui doit le faire mourir. C’est la politique de Gribouille : pour éviter la pluie
129 le peuple avec ce qui doit le faire mourir. C’est la politique de Gribouille : pour éviter la pluie, on se jette à l’eau.
130 r. C’est la politique de Gribouille : pour éviter la pluie, on se jette à l’eau. Autre danger : si l’on accepte de jouer
131 Gribouille : pour éviter la pluie, on se jette à l’ eau. Autre danger : si l’on accepte de jouer le jeu des armements, l’
132 la pluie, on se jette à l’eau. Autre danger : si l’ on accepte de jouer le jeu des armements, l’effrénée concurrence condu
133 à l’eau. Autre danger : si l’on accepte de jouer le jeu des armements, l’effrénée concurrence conduit l’État qui veut se
134  : si l’on accepte de jouer le jeu des armements, l’ effrénée concurrence conduit l’État qui veut se maintenir à peu près a
135 jeu des armements, l’effrénée concurrence conduit l’ État qui veut se maintenir à peu près au niveau du voisin, à perdre la
136 aintenir à peu près au niveau du voisin, à perdre la mesure de ce qu’il peut dépenser sans s’affaiblir. Les armements devi
137 esure de ce qu’il peut dépenser sans s’affaiblir. Les armements deviennent trop lourds pour lui : ils le gêneront bientôt p
138 s armements deviennent trop lourds pour lui : ils le gêneront bientôt plus qu’ils ne le protégeront. Un officier français
139 pour lui : ils le gêneront bientôt plus qu’ils ne le protégeront. Un officier français résumait l’autre jour ce processus
140 de vie normale. Il s’agira maintenant d’utiliser les armes. Nul n’ignore que la guerre moderne est devenue la guerre total
141 maintenant d’utiliser les armes. Nul n’ignore que la guerre moderne est devenue la guerre totale. C’est dire qu’il n’y a p
142 s. Nul n’ignore que la guerre moderne est devenue la guerre totale. C’est dire qu’il n’y a plus de distinction entre civil
143 de distinction entre civils et militaires, selon la doctrine officielle dite de la nation armée. Mussolini l’a très bien
144 militaires, selon la doctrine officielle dite de la nation armée. Mussolini l’a très bien dit : « La discipline militaire
145 ine officielle dite de la nation armée. Mussolini l’ a très bien dit : « La discipline militaire implique la discipline pol
146 la nation armée. Mussolini l’a très bien dit : «  La discipline militaire implique la discipline politique ». Qu’est-ce qu
147 rès bien dit : « La discipline militaire implique la discipline politique ». Qu’est-ce que cela signifie pratiquement ? Ce
148 uement ? Cela signifie que pour faire bloc contre le fascisme, sur le plan où il veut nous mettre, les démocraties seront
149 le fascisme, sur le plan où il veut nous mettre, les démocraties seront contraintes d’adopter peu à peu un régime politiqu
150 intes d’adopter peu à peu un régime politique qui les transformera automatiquement en puissances totalitaires. Avec cette d
151 aires. Avec cette différence que n’ayant pas vécu la révolution religieuse que représente le fascisme, elles auront moins
152 pas vécu la révolution religieuse que représente le fascisme, elles auront moins de dynamisme. Ainsi, sous prétexte de vi
153 elles perdront leurs raisons de vivre. Voici donc le dilemme que nous pose ce mimétisme totalitaire : ou bien la démocrati
154 que nous pose ce mimétisme totalitaire : ou bien la démocratie ne réussit pas à faire bloc à la manière fasciste, et alor
155 bien la démocratie ne réussit pas à faire bloc à la manière fasciste, et alors elle est battue dans la « guerre totale » 
156 a manière fasciste, et alors elle est battue dans la « guerre totale » ; ou bien la démocratie réussit à faire bloc, mais
157 le est battue dans la « guerre totale » ; ou bien la démocratie réussit à faire bloc, mais alors la guerre est moralement
158 en la démocratie réussit à faire bloc, mais alors la guerre est moralement perdue avant d’être livrée, puisque la concepti
159 st moralement perdue avant d’être livrée, puisque la conception totalitaire s’est déjà installée chez nous, sous prétexte
160 us prétexte de défense nationale. Or je crois que l’ erreur qui aboutit à ce dilemme est la plus grave que nous puissions c
161 e crois que l’erreur qui aboutit à ce dilemme est la plus grave que nous puissions commettre en tant que Suisses, car elle
162 ns commettre en tant que Suisses, car elle menace l’ existence même de notre État. Réagir à la menace totalitaire sur le pl
163 e menace l’existence même de notre État. Réagir à la menace totalitaire sur le plan de la défense armée, et tout subordonn
164 at. Réagir à la menace totalitaire sur le plan de la défense armée, et tout subordonner à cela, c’est introduire chez nous
165 ut subordonner à cela, c’est introduire chez nous le cheval de Troie. La guerre totale en effet suppose l’unification tota
166 a, c’est introduire chez nous le cheval de Troie. La guerre totale en effet suppose l’unification totalitaire d’un pays. O
167 heval de Troie. La guerre totale en effet suppose l’ unification totalitaire d’un pays. Ou sinon, c’est qu’elle est très ma
168 rée. Or ce processus est radicalement contraire à la tradition fédérale, tradition qui est la seule raison d’être de notre
169 traire à la tradition fédérale, tradition qui est la seule raison d’être de notre État. Se placer sur le plan de la guerre
170 on d’être de notre État. Se placer sur le plan de la guerre totale et de sa préparation civile en temps de paix, cela équi
171 faire du nationalisme. Et il est aisé de voir que le nationalisme, en Suisse, signifierait bientôt le partage de notre Éta
172 le nationalisme, en Suisse, signifierait bientôt le partage de notre État en trois nations. Ce serait la négation la plus
173 partage de notre État en trois nations. Ce serait la négation la plus radicale des bases mêmes de la Confédération. Souven
174 otre État en trois nations. Ce serait la négation la plus radicale des bases mêmes de la Confédération. Souvenons-nous du
175 t la négation la plus radicale des bases mêmes de la Confédération. Souvenons-nous du sort de l’Autriche ! Si ce pays a su
176 es de la Confédération. Souvenons-nous du sort de l’ Autriche ! Si ce pays a succombé, ce n’est point tant qu’il ait cédé à
177 a succombé, ce n’est point tant qu’il ait cédé à la menace militaire, d’ailleurs réelle ; c’est surtout, c’est essentiell
178 ation de suicide totalitaire. Leçon capitale pour la Suisse ! Un État qui ne croit plus à sa valeur spirituelle, ou ne pr
179 uve plus qu’il y croit, puisqu’il se met à copier le voisin, un tel État ne peut pas compter sur l’aide d’autrui. Nous ne
180 er le voisin, un tel État ne peut pas compter sur l’ aide d’autrui. Nous ne pouvons compter sur cette aide que dans la mesu
181 . Nous ne pouvons compter sur cette aide que dans la mesure où nous sommes pour l’Europe quelque chose dont elle a besoin 
182 cette aide que dans la mesure où nous sommes pour l’ Europe quelque chose dont elle a besoin ; cette chose unique, irrempla
183 , mais qui est au contraire fédéral. Un État dont les bases historiques et la tradition ancestrale sont la négation même du
184 re fédéral. Un État dont les bases historiques et la tradition ancestrale sont la négation même du totalitarisme. Un État
185 bases historiques et la tradition ancestrale sont la négation même du totalitarisme. Un État qui représente et qui incarne
186 alitarisme. Un État qui représente et qui incarne le seul avenir possible d’une Europe pacifique. Si nous restons cela, si
187 ela, si nous prenons conscience tout à nouveau de la grandeur d’une pareille vocation, on nous laissera tranquilles, parce
188 là-bas que nous ne sommes pas assimilables. Voilà la résistance civique et toute civile dont je vous parlais, et voilà la
189 ue et toute civile dont je vous parlais, et voilà la conscience de notre force véritable. Si nous avons le droit et le dev
190 onscience de notre force véritable. Si nous avons le droit et le devoir de rester neutres, ce n’est pas comme on le dit tr
191 notre force véritable. Si nous avons le droit et le devoir de rester neutres, ce n’est pas comme on le dit trop souvent e
192 e devoir de rester neutres, ce n’est pas comme on le dit trop souvent en vertu de nos intérêts matériels, certes légitimes
193 nos grands voisins n’ont pas de raisons de tenir le moindre compte. Si nous avons le droit d’être neutres, ce n’est pas e
194 raisons de tenir le moindre compte. Si nous avons le droit d’être neutres, ce n’est pas en vertu d’un privilège divin, mai
195 bien définie dont nous sommes responsables devant l’ Europe. ⁂ Et alors, va-t-on dire, vous êtes contre l’armée ? Je serais
196 urope. ⁂ Et alors, va-t-on dire, vous êtes contre l’ armée ? Je serais contre elle si je croyais que dès maintenant nous so
197 ntenant nous sommes assez forts moralement devant l’ Europe, pour pouvoir nous passer d’une armée. Ce n’est pas le cas. Mai
198 our pouvoir nous passer d’une armée. Ce n’est pas le cas. Mais il n’en reste pas moins que notre tâche est de tout mettre
199 e tout mettre en œuvre pour échapper au cercle de la guerre totale. Je crois que le seul moyen sérieux de résister à l’emp
200 apper au cercle de la guerre totale. Je crois que le seul moyen sérieux de résister à l’emprise totalitaire sur le plan de
201 Je crois que le seul moyen sérieux de résister à l’ emprise totalitaire sur le plan de la lutte directe, c’est d’inventer
202 e résister à l’emprise totalitaire sur le plan de la lutte directe, c’est d’inventer des formes de défense non militaires,
203 ires, donc non totalitaires. Je ne dis pas que je les ai trouvées. Je dis que le salut serait de les trouver. La force des
204 Je ne dis pas que je les ai trouvées. Je dis que le salut serait de les trouver. La force des totalitaires c’est d’entraî
205 je les ai trouvées. Je dis que le salut serait de les trouver. La force des totalitaires c’est d’entraîner les démocrates s
206 uvées. Je dis que le salut serait de les trouver. La force des totalitaires c’est d’entraîner les démocrates sur un terrai
207 uver. La force des totalitaires c’est d’entraîner les démocrates sur un terrain où ils se renient eux-mêmes. Il est donc vi
208 éfi, de déjouer ce calcul, et de ne pas opposer à la violence une violence du même ordre, mais forcément plus faible, où l
209 nce du même ordre, mais forcément plus faible, où les totalitaires puiseraient tout simplement une énergie renouvelée. Essa
210 e. Essayons d’inventer autre chose. Ne jouons pas le jeu. Imitons les paysans du Morgarten : ils n’avaient pas d’armures n
211 venter autre chose. Ne jouons pas le jeu. Imitons les paysans du Morgarten : ils n’avaient pas d’armures ni de lances : ils
212 ures ni de lances : ils trichèrent donc au jeu où l’ adversaire devait gagner, et se défendirent avec leurs moyens propres 
213 re avec des quartiers de roche ; je veux dire que la force du faible, c’est de refuser le jeu du fort, et de le déconcerte
214 eux dire que la force du faible, c’est de refuser le jeu du fort, et de le déconcerter par ce refus. Je lis dans un ouvrag
215 du faible, c’est de refuser le jeu du fort, et de le déconcerter par ce refus. Je lis dans un ouvrage anglais quelques phr
216 pourraient orienter nos recherches à cet égard : La non-violence de la victime, écrit l’auteur, agit comme le manque d’op
217 nos recherches à cet égard : La non-violence de la victime, écrit l’auteur, agit comme le manque d’opposition physique d
218 cet égard : La non-violence de la victime, écrit l’ auteur, agit comme le manque d’opposition physique dans le jiu-jitsu :
219 iolence de la victime, écrit l’auteur, agit comme le manque d’opposition physique dans le jiu-jitsu : elle fait perdre son
220 , agit comme le manque d’opposition physique dans le jiu-jitsu : elle fait perdre son équilibre à l’assaillant. Elle lui f
221 s le jiu-jitsu : elle fait perdre son équilibre à l’ assaillant. Elle lui fait perdre le soutien que lui donnerait l’opposi
222 on équilibre à l’assaillant. Elle lui fait perdre le soutien que lui donnerait l’opposition violente à laquelle il s’atten
223 Elle lui fait perdre le soutien que lui donnerait l’ opposition violente à laquelle il s’attend. Il se trouve comme précipi
224 vergence absolue ; en réalité, ils se battent sur la base d’un accord fondamental : la croyance à la validité de la violen
225 se battent sur la base d’un accord fondamental : la croyance à la validité de la violence. Si tout d’un coup l’un des lut
226 r la base d’un accord fondamental : la croyance à la validité de la violence. Si tout d’un coup l’un des lutteurs supprime
227 accord fondamental : la croyance à la validité de la violence. Si tout d’un coup l’un des lutteurs supprime cet accord fon
228 ndamental et prouve par ses actes qu’il abandonne la méthode de lutte ancestrale, il n’est pas étonnant que l’autre soit d
229 ent plus de conduite immédiate. Il vacille devant l’ inconnu… Pour ma part, je ne suis pas adversaire de la violence en so
230 onnu… Pour ma part, je ne suis pas adversaire de la violence en soi, mais bien de cette forme mécanique qu’elle revêt dan
231 bien de cette forme mécanique qu’elle revêt dans la guerre moderne. Aussi bien, la page que je viens de citer ne propose-
232 qu’elle revêt dans la guerre moderne. Aussi bien, la page que je viens de citer ne propose-t-elle pas la non-résistance, m
233 page que je viens de citer ne propose-t-elle pas la non-résistance, mais au contraire une forme de lutte nouvelle. C’est
234 iu-jitsu moral que nous devrions nous exercer. Si l’ on y déployait le quart de l’énergie et de l’esprit de sacrifice qu’on
235 e nous devrions nous exercer. Si l’on y déployait le quart de l’énergie et de l’esprit de sacrifice qu’on met ordinairemen
236 ons nous exercer. Si l’on y déployait le quart de l’ énergie et de l’esprit de sacrifice qu’on met ordinairement dans le mé
237 . Si l’on y déployait le quart de l’énergie et de l’ esprit de sacrifice qu’on met ordinairement dans le métier des armes,
238 ’esprit de sacrifice qu’on met ordinairement dans le métier des armes, il est certain qu’on obtiendrait des résultats cons
239 ersaire du stalinisme et du fascisme ; je ne vous le dis pas seulement comme Suisse, convaincu de la mission fédéraliste d
240 s le dis pas seulement comme Suisse, convaincu de la mission fédéraliste de son pays ; je vous le dis aussi comme chrétien
241 u de la mission fédéraliste de son pays ; je vous le dis aussi comme chrétien. Refuser le jeu de l’agresseur violent, c’es
242 ys ; je vous le dis aussi comme chrétien. Refuser le jeu de l’agresseur violent, c’est le premier devoir du chrétien. Déco
243 us le dis aussi comme chrétien. Refuser le jeu de l’ agresseur violent, c’est le premier devoir du chrétien. Déconcerter le
244 c’est le premier devoir du chrétien. Déconcerter le mal en lui opposant le bien, c’est toute la tactique des apôtres. Et
245 r du chrétien. Déconcerter le mal en lui opposant le bien, c’est toute la tactique des apôtres. Et pour qu’on n’aille pas
246 erter le mal en lui opposant le bien, c’est toute la tactique des apôtres. Et pour qu’on n’aille pas penser que je préconi
247 mission ou quel défaitisme utopique, je traduirai la même idée en d’autres termes : à la brutalité, le chrétien n’oppose p
248 je traduirai la même idée en d’autres termes : à la brutalité, le chrétien n’oppose pas la brutalité, mais la violence sp
249 la même idée en d’autres termes : à la brutalité, le chrétien n’oppose pas la brutalité, mais la violence spirituelle, qui
250 termes : à la brutalité, le chrétien n’oppose pas la brutalité, mais la violence spirituelle, qui est la véritable charité
251 lité, le chrétien n’oppose pas la brutalité, mais la violence spirituelle, qui est la véritable charité. Violence contre n
252 brutalité, mais la violence spirituelle, qui est la véritable charité. Violence contre nous-mêmes d’abord. Aucune doctrin
253 peut être chrétienne si elle ne se fonde pas sur la repentance, qui est une violence faite à notre orgueil. Reconnaissons
254 rgueil. Reconnaissons, Églises et fidèles, que si la pseudo-religion totalitaire triomphe aujourd’hui en Europe, c’est que
255 ujourd’hui en Europe, c’est que nous avons laissé les peuples sans commune mesure spirituelle. Nous avons tous trahi le gra
256 commune mesure spirituelle. Nous avons tous trahi le grand devoir communautaire de l’Église, parce que nous avons transfor
257 avons tous trahi le grand devoir communautaire de l’ Église, parce que nous avons transformé le christianisme en quelque ch
258 aire de l’Église, parce que nous avons transformé le christianisme en quelque chose de rassurant, de distingué, de commode
259 distingué, de commode et même de bourgeois. Alors les païens russes et les païens racistes ont fait ce que nous refusions d
260 et même de bourgeois. Alors les païens russes et les païens racistes ont fait ce que nous refusions de faire. Ils l’ont fa
261 stes ont fait ce que nous refusions de faire. Ils l’ ont fait mal, et contre nous. Ils représentent notre châtiment, comme
262 tre nous. Ils représentent notre châtiment, comme l’ a magnifiquement montré Nicolas Berdiaev. Ce n’est pas à la méchanceté
263 fiquement montré Nicolas Berdiaev. Ce n’est pas à la méchanceté supposée d’un Hitler ou d’un Staline que nous devons attri
264 er ou d’un Staline que nous devons attribuer tout le mal, mais aussi bien à la carence des chrétiens. Ceci dit, il nous fa
265 s devons attribuer tout le mal, mais aussi bien à la carence des chrétiens. Ceci dit, il nous faut agir. Or agir, ce n’est
266 Je ne veux, sous aucun prétexte pieux, exciter de la haine contre ceux qui adorent l’idole totalitaire. Je veux démasquer
267 ieux, exciter de la haine contre ceux qui adorent l’ idole totalitaire. Je veux démasquer cette idole, et les raisons profo
268 le totalitaire. Je veux démasquer cette idole, et les raisons profondes du culte qu’on lui rend. Or je distingue dans ces r
269 ificative, et à certains égards, fort émouvante. La raison profonde d’un mouvement comme le nôtre — m’écrivait-il — est i
270 nts à celui qui nous apportait cette possibilité. Le christianisme, probablement par la faute de ses ministres, ne satisfa
271 e possibilité. Le christianisme, probablement par la faute de ses ministres, ne satisfaisait plus depuis bien longtemps au
272 plus depuis bien longtemps au besoin de croire de la majorité du peuple. Nous voulons croire à la mission du peuple allema
273 e de la majorité du peuple. Nous voulons croire à la mission du peuple allemand, nous voulons croire à son immortalité, […
274 , fût-ce à quelque chose d’aussi peu croyable que l’ immortalité d’un peuple ?… Or l’angoisse n’appelle pas la haine, mais
275 peu croyable que l’immortalité d’un peuple ?… Or l’ angoisse n’appelle pas la haine, mais au contraire la compassion, bien
276 talité d’un peuple ?… Or l’angoisse n’appelle pas la haine, mais au contraire la compassion, bien qu’elle l’appelle à son
277 ngoisse n’appelle pas la haine, mais au contraire la compassion, bien qu’elle l’appelle à son insu. Il faut savoir la devi
278 ne, mais au contraire la compassion, bien qu’elle l’ appelle à son insu. Il faut savoir la deviner sous les rodomontades of
279 bien qu’elle l’appelle à son insu. Il faut savoir la deviner sous les rodomontades officielles et sous les vantardises eff
280 ppelle à son insu. Il faut savoir la deviner sous les rodomontades officielles et sous les vantardises effrénées de la prop
281 deviner sous les rodomontades officielles et sous les vantardises effrénées de la propagande totalitaire. Tout cela n’expri
282 officielles et sous les vantardises effrénées de la propagande totalitaire. Tout cela n’exprime qu’un sentiment d’infério
283 ne volonté de libérer ces peuples en leur donnant l’ exemple, dans nos pays, d’une meilleure solution de leur problème. Con
284 d’une meilleure solution de leur problème. Contre les excès agaçants de la propagande soviétique et fasciste, toute espèce
285 on de leur problème. Contre les excès agaçants de la propagande soviétique et fasciste, toute espèce de tolérance polie se
286 une complicité. Ce n’est pas ainsi que je conçois la charité. Quand les Romains adoraient leur empereur, les chrétiens ne
287 n’est pas ainsi que je conçois la charité. Quand les Romains adoraient leur empereur, les chrétiens ne craignaient pas de
288 arité. Quand les Romains adoraient leur empereur, les chrétiens ne craignaient pas de passer pour athées : ils refusaient l
289 naient pas de passer pour athées : ils refusaient le culte de l’idole et s’en moquaient. Nous aussi nous devons rire des i
290 e passer pour athées : ils refusaient le culte de l’ idole et s’en moquaient. Nous aussi nous devons rire des idoles coloss
291 idoles colossales qu’on nous vante. Quand je vois les trois dictateurs qui font les gros yeux à l’Europe, se proclament tou
292 ante. Quand je vois les trois dictateurs qui font les gros yeux à l’Europe, se proclament tous les trois infaillibles, je n
293 ois les trois dictateurs qui font les gros yeux à l’ Europe, se proclament tous les trois infaillibles, je ne crois pas man
294 font les gros yeux à l’Europe, se proclament tous les trois infaillibles, je ne crois pas manquer au devoir de charité en j
295 us conte là-dessus une anecdote dont j’aime assez l’ impertinence. Il imagine un certain oncle à lui, qu’il appelle l’abbé
296 Il imagine un certain oncle à lui, qu’il appelle l’ abbé Bazin. « Cet abbé mourut, nous dit-il, persuadé que tous les sava
297 « Cet abbé mourut, nous dit-il, persuadé que tous les savants peuvent se tromper et reconnaissant que l’Église romaine est
298 s savants peuvent se tromper et reconnaissant que l’ Église romaine est infaillible. L’Église grecque lui en sut très mauva
299 connaissant que l’Église romaine est infaillible. L’ Église grecque lui en sut très mauvais gré et lui en fit de vifs repro
300 en fut affligé, et pour mourir en paix, il dit à l’ archevêque d’Astracan : « Allez, ne vous attristez pas. Ne voyez-vous
301 e vous crois infaillible vous aussi ? » Toutefois le scepticisme n’est pas toujours, hélas, une réponse suffisante. La seu
302 ’est pas toujours, hélas, une réponse suffisante. La seule réponse décisive à cette immense question religieuse des peuple
303 question religieuse des peuples, d’où sont issus les trois mouvements totalitaires, c’est la réponse vraiment totale de no
304 nt issus les trois mouvements totalitaires, c’est la réponse vraiment totale de notre foi. La foi chrétienne, pour les mys
305 s, c’est la réponse vraiment totale de notre foi. La foi chrétienne, pour les mystiques idolâtres, c’est un adversaire plu
306 ment totale de notre foi. La foi chrétienne, pour les mystiques idolâtres, c’est un adversaire plus sérieux que les canons
307 s idolâtres, c’est un adversaire plus sérieux que les canons et que les railleries. C’est le seul adversaire irréductible,
308 un adversaire plus sérieux que les canons et que les railleries. C’est le seul adversaire irréductible, — et pourtant char
309 rieux que les canons et que les railleries. C’est le seul adversaire irréductible, — et pourtant charitable. Car nous ne c
310 s doctrines au nom desquelles on veut réglementer le tout de l’homme, quand il s’agit en vérité des solutions et des doctr
311 au nom desquelles on veut réglementer le tout de l’ homme, quand il s’agit en vérité des solutions et des doctrines d’un s
312 ctrines d’un seul parti, d’une seule tendance, et la plus animale de l’homme. Seule a le droit d’être totalitaire la vérit
313 arti, d’une seule tendance, et la plus animale de l’ homme. Seule a le droit d’être totalitaire la vérité totale, qui n’app
314 tendance, et la plus animale de l’homme. Seule a le droit d’être totalitaire la vérité totale, qui n’appartient qu’à Dieu
315 e de l’homme. Seule a le droit d’être totalitaire la vérité totale, qui n’appartient qu’à Dieu. C’est dans la mesure où no
316 té totale, qui n’appartient qu’à Dieu. C’est dans la mesure où nous ordonnerons nos vies à cette vérité-là, à elle d’abord
317 aux vrais besoins du citoyen ou du soldat, ou de l’ ouvrier, ou de l’aryen blond. C’est par cette seule mesure que nous po
318 s du citoyen ou du soldat, ou de l’ouvrier, ou de l’ aryen blond. C’est par cette seule mesure que nous pourrons devenir de
319 ocation, et responsables de cette vocation devant la cité qui les protège. Je ne vous appellerai pas, en terminant, à une
320 responsables de cette vocation devant la cité qui les protège. Je ne vous appellerai pas, en terminant, à une croisade anti
321 ive, qui se situe d’une manière très précise dans le mouvement de l’Histoire occidentale. Trois siècles d’individualisme,
322 e d’une manière très précise dans le mouvement de l’ Histoire occidentale. Trois siècles d’individualisme, de divinisation
323 rois siècles d’individualisme, de divinisation de l’ homme, nous ont conduits à une dissolution presque totale de la sociét
324 ont conduits à une dissolution presque totale de la société. Nous ne sommes plus qu’une poussière de petits individus, im
325 tomber dans une folie inverse, encore plus grave, la religion collectiviste ? Le péril est immense. Mais notre chance deva
326 e, encore plus grave, la religion collectiviste ? Le péril est immense. Mais notre chance devant l’Histoire ne l’est pas m
327  ? Le péril est immense. Mais notre chance devant l’ Histoire ne l’est pas moins. Il dépend en partie de nous que nous trou
328 t immense. Mais notre chance devant l’Histoire ne l’ est pas moins. Il dépend en partie de nous que nous trouvions la solut
329 s. Il dépend en partie de nous que nous trouvions la solution de l’éternel problème individu-communauté. Il dépend en part
330 partie de nous que nous trouvions la solution de l’ éternel problème individu-communauté. Il dépend en partie de nous de r
331 e société vivable, une commune mesure vivante sur le fondement de la personne, c’est-à-dire de l’individu à la fois libre
332 e, une commune mesure vivante sur le fondement de la personne, c’est-à-dire de l’individu à la fois libre et engagé, auton
333 sur le fondement de la personne, c’est-à-dire de l’ individu à la fois libre et engagé, autonome et pourtant solidaire. Ce
334 tonome et pourtant solidaire. Celui que j’appelle l’ homme total. Je ne sais si nous réussirons, mais nous aurons du moins
335 nous réussirons, mais nous aurons du moins sauvé l’ honneur de cette génération anxieuse. Et pour tout dire, je ne suis pa
336 e. Et pour tout dire, je ne suis pas sans espoir. Les faux dieux ne font pas de miracles. Je ne me lasserai jamais de le ré
337 font pas de miracles. Je ne me lasserai jamais de le répéter — c’est mon delenda Carthago : Là où l’homme veut être total,
338 e le répéter — c’est mon delenda Carthago : Là où l’ homme veut être total, l’État ne sera jamais totalitaire. 1. Conclu
339 delenda Carthago : Là où l’homme veut être total, l’ État ne sera jamais totalitaire. 1. Conclusions d’une conférence pr
340 ence prononcée à Genève au mois de mai 1938, sous les auspices de Zofingue et de l’Association chrétienne d’étudiants. Le t
341 de mai 1938, sous les auspices de Zofingue et de l’ Association chrétienne d’étudiants. Le thème général était celui-ci :
342 ingue et de l’Association chrétienne d’étudiants. Le thème général était celui-ci : les trois mouvements « totalitaires »
343 ne d’étudiants. Le thème général était celui-ci : les trois mouvements « totalitaires » qui nous menacent — communisme, hit
344 véritable — et souvent inconscient — de remplacer le christianisme défaillant par le culte social de l’État et de son prin
345 nt — de remplacer le christianisme défaillant par le culte social de l’État et de son principe « sacral » : Prolétariat, R
346 e christianisme défaillant par le culte social de l’ État et de son principe « sacral » : Prolétariat, Race, Empire. 2. Qu
347 Empire. 2. Quelques bourgeois veulent voir dans le fascisme le « rempart de l’ordre établi ». C’est bien touchant. Voici
348 Quelques bourgeois veulent voir dans le fascisme le « rempart de l’ordre établi ». C’est bien touchant. Voici ce que dit
349 ois veulent voir dans le fascisme le « rempart de l’ ordre établi ». C’est bien touchant. Voici ce que dit à leur sujet la
350 ’est bien touchant. Voici ce que dit à leur sujet la revue fasciste Gerarchia, dirigée par le propre neveu du Duce : « Ces
351 ur sujet la revue fasciste Gerarchia, dirigée par le propre neveu du Duce : « Ces braves gens devront se convaincre, et no
352 « Ces braves gens devront se convaincre, et nous les convaincrons bientôt, que la charge du problème social est désormais
353 convaincre, et nous les convaincrons bientôt, que la charge du problème social est désormais sur nos épaules, et qu’ils fe
354 s que du communisme. » a. Rougemont Denis de, «  La vraie défense contre l’esprit totalitaire », Les Cahiers protestants,
355 a. Rougemont Denis de, « La vraie défense contre l’ esprit totalitaire », Les Cahiers protestants, Lausanne, juillet 1938,
356 « La vraie défense contre l’esprit totalitaire », Les Cahiers protestants, Lausanne, juillet 1938, p. 411-425.
2 1939, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Nicolas de Flue et la Réforme (août 1939)
357 Nicolas de Flue et la Réforme (août 1939)b Pour la très grande majorité des Suisses d’au
358 icolas de Flue et la Réforme (août 1939)b Pour la très grande majorité des Suisses d’aujourd’hui, surtout dans les cant
359 majorité des Suisses d’aujourd’hui, surtout dans les cantons protestants, Nicolas de Flue est une figure quasi mythique, é
360 re. Nous n’avons guère retenu de son histoire que l’ image d’un ermite à longue barbe qui rétablit la paix civile entre les
361 e l’image d’un ermite à longue barbe qui rétablit la paix civile entre les vieux Confédérés, en prononçant devant la Diète
362 à longue barbe qui rétablit la paix civile entre les vieux Confédérés, en prononçant devant la Diète de Stans un discours
363 entre les vieux Confédérés, en prononçant devant la Diète de Stans un discours plein d’élévation. Comment prendre vraimen
364 drame qui se dénoue si facilement, un héros dont l’ activité se résume dans ses « bonnes paroles » ? Les catholiques, par
365 ’activité se résume dans ses « bonnes paroles » ? Les catholiques, par contre, cultivent avec amour le souvenir du solitair
366 Les catholiques, par contre, cultivent avec amour le souvenir du solitaire du Ranft, que Rome a dès longtemps béatifié, et
367 Ranft, que Rome a dès longtemps béatifié, et que la vénération du peuple, surtout dans les petits cantons, a déjà mis au
368 fié, et que la vénération du peuple, surtout dans les petits cantons, a déjà mis au rang des saints (bien que la canonisati
369 cantons, a déjà mis au rang des saints (bien que la canonisation se fasse attendre). Mais là, c’est l’autre aspect de la
370 fasse attendre). Mais là, c’est l’autre aspect de la vie du « Frère Claus » qui est exalté : on parle surtout de ses mirac
371 ême parfois des prophéties qu’on lui attribue sur la Réforme et ses « innovations ». Une suite de hasards m’ayant mis entr
372 vations ». Une suite de hasards m’ayant mis entre les mains, au cours de l’été dernier, quelques écrits populaires sur le B
373 hasards m’ayant mis entre les mains, au cours de l’ été dernier, quelques écrits populaires sur le Bienheureux, ce ne fut
374 de l’été dernier, quelques écrits populaires sur le Bienheureux, ce ne fut pas sans émerveillement que j’entrevis la réal
375 ce ne fut pas sans émerveillement que j’entrevis la réalité historique du personnage. À tel point que je n’hésitai pas à
376 nage. À tel point que je n’hésitai pas à en faire le sujet d’un drame, qui sera représenté à Zurich en septembre, et pour
377 egger a composé une importante partition chorale. Le choix de ce sujet n’a pas été sans surprendre certains de mes amis pr
378 oute — certains catholiques qui ont bien voulu me le faire sentir. Il m’a semblé que je devais aux uns et aux autres une b
379 aux uns et aux autres une brève explication, dont l’ intérêt, je l’espère, débordera cette anecdote personnelle. Il m’est a
380 autres une brève explication, dont l’intérêt, je l’ espère, débordera cette anecdote personnelle. Il m’est apparu, en effe
381 et, à mesure que j’avançais dans mon travail, que la figure de Nicolas de Flue pouvait revêtir pour les Suisses d’aujourd’
382 la figure de Nicolas de Flue pouvait revêtir pour les Suisses d’aujourd’hui, et pour les protestants précisément, une signi
383 t revêtir pour les Suisses d’aujourd’hui, et pour les protestants précisément, une signification peut-être toute nouvelle.
384 nt, une signification peut-être toute nouvelle. La vie de Nicolas Quel fut cet homme, en vérité ? Et peut-on le compr
385 las Quel fut cet homme, en vérité ? Et peut-on le comprendre, hors de son temps ? Il naquit à l’époque du concile de Co
386 on le comprendre, hors de son temps ? Il naquit à l’ époque du concile de Constance, et mourut à la fin du xve siècle. Son
387 t à l’époque du concile de Constance, et mourut à la fin du xve siècle. Son existence coïncide donc exactement avec la de
388 nc exactement avec la dernière période d’unité de l’ Église occidentale. Le concile de Constance venait de mettre fin au Gr
389 dernière période d’unité de l’Église occidentale. Le concile de Constance venait de mettre fin au Grand Schisme de la cath
390 onstance venait de mettre fin au Grand Schisme de la catholicité. Au pape d’Avignon, au pape de Rome, à l’antipape qu’on a
391 atholicité. Au pape d’Avignon, au pape de Rome, à l’ antipape qu’on avait tenté de leur opposer — et tous les trois s’excom
392 ipape qu’on avait tenté de leur opposer — et tous les trois s’excommuniaient réciproquement, ainsi que leurs fidèles, en so
393 ment, ainsi que leurs fidèles, en sorte que toute la chrétienté se vit alors frappée d’anathème ! — le concile avait subst
394 la chrétienté se vit alors frappée d’anathème ! —  le concile avait substitué un pontife unique et romain. On avait condamn
395 damné Jean Huss, le premier qui eût osé proclamer la nécessité d’une réforme. On l’avait fait monter sur le bûcher au mépr
396 eût osé proclamer la nécessité d’une réforme. On l’ avait fait monter sur le bûcher au mépris de la parole donnée. Il semb
397 cessité d’une réforme. On l’avait fait monter sur le bûcher au mépris de la parole donnée. Il semblait que la chrétienté s
398 On l’avait fait monter sur le bûcher au mépris de la parole donnée. Il semblait que la chrétienté se regroupait, non sans
399 er au mépris de la parole donnée. Il semblait que la chrétienté se regroupait, non sans résignation, autour du siège de Sa
400 une discipline extérieure ne pouvait pas tromper les âmes. Et la vie même de Nicolas de Flue nous en donne une preuve édif
401 ne extérieure ne pouvait pas tromper les âmes. Et la vie même de Nicolas de Flue nous en donne une preuve édifiante. Dès s
402 donne une preuve édifiante. Dès son enfance, nous le voyons s’astreindre aux « œuvres » de la religion qui est alors celle
403 ce, nous le voyons s’astreindre aux « œuvres » de la religion qui est alors celle de tous — mais avec une conscience bizar
404 rement scrupuleuse. Il ne prend aucune nourriture le vendredi, et peu à peu s’exerce à jeûner également d’autres jours. Sa
405 utres jours. Sa piété précoce et frappante paraît le désigner pour la prêtrise ou pour les ordres. Mais non, parvenu à l’â
406 iété précoce et frappante paraît le désigner pour la prêtrise ou pour les ordres. Mais non, parvenu à l’âge d’homme, il s’
407 pante paraît le désigner pour la prêtrise ou pour les ordres. Mais non, parvenu à l’âge d’homme, il s’engage dans les bande
408 prêtrise ou pour les ordres. Mais non, parvenu à l’ âge d’homme, il s’engage dans les bandes armées qui guerroyaient alors
409 is non, parvenu à l’âge d’homme, il s’engage dans les bandes armées qui guerroyaient alors contre les seigneurs autrichiens
410 s les bandes armées qui guerroyaient alors contre les seigneurs autrichiens, et devient bientôt Rottmeister, c’est-à-dire q
411 hose comme capitaine. Puis, sans doute écœuré par la brutalité et l’inutilité croissante des expéditions auxquelles on lui
412 aine. Puis, sans doute écœuré par la brutalité et l’ inutilité croissante des expéditions auxquelles on lui fait prendre pa
413 il se retire dans son canton natal pour y exercer les fonctions patriarcales de juge de paix, tout en cultivant son domaine
414 commise par ses collègues, au cours d’un procès, le décide à déposer sa charge et à se retirer dans sa famille. C’est le
415 e retraite concentrique — vers lui-même — qui est la forme de sa destinée. Notons que ce capitaine, puis ce juge, puis ce
416 ix enfants — n’est pas un type exceptionnel parmi les vieux confédérés, sinon par la rigueur inusitée de sa conscience. C’e
417 xceptionnel parmi les vieux confédérés, sinon par la rigueur inusitée de sa conscience. C’est un citoyen de bon sens et de
418 de bon sens et de bon conseil, un solide paysan, les deux pieds sur la terre, et non pas un sectaire ou un illuminé auquel
419 bon conseil, un solide paysan, les deux pieds sur la terre, et non pas un sectaire ou un illuminé auquel des ouvrages pieu
420 lluminé auquel des ouvrages pieux auraient tourné la tête. (Il ne sait ni lire ni écrire.) Mais sous cet extérieur équilib
421 re.) Mais sous cet extérieur équilibré, et malgré l’ apaisement que devraient lui donner les pratiques d’une extrême dévoti
422 , et malgré l’apaisement que devraient lui donner les pratiques d’une extrême dévotion, ses proches ont bien senti le drame
423 ’une extrême dévotion, ses proches ont bien senti le drame intime, longuement couvé et mûri. Sans doute a-t-il eu des visi
424 e a-t-il manqué sa vocation de prêtre, — déçu par les exemples qu’il avait sous les yeux. Peut-être aussi rêve-t-il comme t
425 prêtre, — déçu par les exemples qu’il avait sous les yeux. Peut-être aussi rêve-t-il comme tout son siècle, et sans le sav
426 re aussi rêve-t-il comme tout son siècle, et sans le savoir, d’une piété plus intérieure, d’un contact plus direct, plus c
427 Celle des « frères mendiants » qui s’en vont sur les routes, au hasard, abandonnés au souffle de l’Esprit. Il fait part à
428 r les routes, au hasard, abandonnés au souffle de l’ Esprit. Il fait part à sa femme de cette terrible décision, et elle l’
429 rt à sa femme de cette terrible décision, et elle l’ accepte au terme d’une lutte héroïque avec elle-même. Alors commence l
430 une lutte héroïque avec elle-même. Alors commence la vie de solitude et d’oraison que toute l’évolution intérieure de Nico
431 ommence la vie de solitude et d’oraison que toute l’ évolution intérieure de Nicolas semblait appeler comme une fin obscure
432 u clergé constitué. À une heure de chez lui, dans la gorge du Ranft, il se construit une cellule, auprès d’une minuscule c
433 une cellule, auprès d’une minuscule chapelle. Et le miracle, préparé dès son enfance, se réalise : Nicolas s’aperçoit sou
434 e sa nourriture. Car n’est-il pas écrit, comme il le répétera souvent : « L’homme ne vit pas de pain seulement, mais de to
435 st-il pas écrit, comme il le répétera souvent : «  L’ homme ne vit pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de l
436 pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de mon Père »… Ni les espions placés autour de l’ermitage par
437 te parole qui sort de la bouche de mon Père »… Ni les espions placés autour de l’ermitage par des autorités fort soupçonneu
438 he de mon Père »… Ni les espions placés autour de l’ ermitage par des autorités fort soupçonneuses, ni les envoyés de l’évê
439 ermitage par des autorités fort soupçonneuses, ni les envoyés de l’évêque n’ont jamais pu prendre en défaut le « Frère Clau
440 s autorités fort soupçonneuses, ni les envoyés de l’ évêque n’ont jamais pu prendre en défaut le « Frère Claus » — ainsi qu
441 yés de l’évêque n’ont jamais pu prendre en défaut le « Frère Claus » — ainsi qu’on l’appelle désormais. Et sa légende se r
442 rendre en défaut le « Frère Claus » — ainsi qu’on l’ appelle désormais. Et sa légende se répand, en Suisse d’abord, puis bi
443 en Suisse d’abord, puis bien au-delà. Peu à peu, les pèlerins deviennent plus fréquents, qui montent au Ranft pour voir l’
444 nt plus fréquents, qui montent au Ranft pour voir l’ ermite fameux. Les uns poussés par la curiosité, les autres par le gra
445 , qui montent au Ranft pour voir l’ermite fameux. Les uns poussés par la curiosité, les autres par le grand désir de recevo
446 ft pour voir l’ermite fameux. Les uns poussés par la curiosité, les autres par le grand désir de recevoir une parole simpl
447 ’ermite fameux. Les uns poussés par la curiosité, les autres par le grand désir de recevoir une parole simple et forte, un
448 Les uns poussés par la curiosité, les autres par le grand désir de recevoir une parole simple et forte, un conseil, une r
449 onseil, une révélation. (Beaucoup nous ont laissé la relation de leur visite : unanimes dans l’admiration devant cet « hom
450 laissé la relation de leur visite : unanimes dans l’ admiration devant cet « homme de Dieu » fruste et biblique.) Il n’est
451 son appui : car son conseil est si puissant parmi les Suisses qu’on a coutume de s’adresser d’abord à lui lorsqu’il faut né
452 orsqu’il faut négocier un traité. C’est ainsi que le solitaire conseille aux Suisses de se montrer prudents dans l’affaire
453 conseille aux Suisses de se montrer prudents dans l’ affaire de Bourgogne, où l’Autriche et la France complotent de les pré
454 montrer prudents dans l’affaire de Bourgogne, où l’ Autriche et la France complotent de les précipiter. Il voit trop bien
455 nts dans l’affaire de Bourgogne, où l’Autriche et la France complotent de les précipiter. Il voit trop bien à quels danger
456 urgogne, où l’Autriche et la France complotent de les précipiter. Il voit trop bien à quels dangers leur victoire même les
457 voit trop bien à quels dangers leur victoire même les exposera : s’ils font la guerre pour s’enrichir, et s’ils apprennent
458 gers leur victoire même les exposera : s’ils font la guerre pour s’enrichir, et s’ils apprennent le prix de l’or, c’en ser
459 nt la guerre pour s’enrichir, et s’ils apprennent le prix de l’or, c’en sera fait de leur union patriarcale. Mais la tenta
460 e pour s’enrichir, et s’ils apprennent le prix de l’ or, c’en sera fait de leur union patriarcale. Mais la tentation est tr
461 r, c’en sera fait de leur union patriarcale. Mais la tentation est trop forte. Les Suisses passent outre aux avis de l’erm
462 on patriarcale. Mais la tentation est trop forte. Les Suisses passent outre aux avis de l’ermite, et toutes ses prédictions
463 trop forte. Les Suisses passent outre aux avis de l’ ermite, et toutes ses prédictions se réalisent : victoires, pillage, f
464 d’or, et disputes sanglantes à propos du partage. Les choses s’enveniment à tel point qu’en l’année 1486, quinze assemblées
465 artage. Les choses s’enveniment à tel point qu’en l’ année 1486, quinze assemblées de la Diète des cantons n’ont pas suffi
466 el point qu’en l’année 1486, quinze assemblées de la Diète des cantons n’ont pas suffi pour rétablir l’union. C’est alors
467 a Diète des cantons n’ont pas suffi pour rétablir l’ union. C’est alors que se placent les événements dont nous parlaient n
468 pour rétablir l’union. C’est alors que se placent les événements dont nous parlaient nos manuels. Une dernière Diète se réu
469 nit à Stans. Tout accord se révèle impossible, et les députés se séparent sur une menace de guerre civile entre cités et pe
470 civile entre cités et petits cantons. Mais voici l’ heure de Nicolas, l’heure qui donnera son plein sens à sa vie et à ses
471 et petits cantons. Mais voici l’heure de Nicolas, l’ heure qui donnera son plein sens à sa vie et à ses retraites successiv
472 à sa vie et à ses retraites successives. Pendant la nuit, le curé de Stans monte au Ranft, et il adjure le solitaire de t
473 et à ses retraites successives. Pendant la nuit, le curé de Stans monte au Ranft, et il adjure le solitaire de tenter un
474 it, le curé de Stans monte au Ranft, et il adjure le solitaire de tenter un dernier effort. On ne sait pas — on ne saura j
475 as — on ne saura jamais — de quel message Nicolas l’ a chargé. Ce que l’on sait, par ce qu’attestent les documents les plus
476 mais — de quel message Nicolas l’a chargé. Ce que l’ on sait, par ce qu’attestent les documents les plus formels, c’est qu’
477 l’a chargé. Ce que l’on sait, par ce qu’attestent les documents les plus formels, c’est qu’à l’aube, le curé redescendu à S
478 que l’on sait, par ce qu’attestent les documents les plus formels, c’est qu’à l’aube, le curé redescendu à Stans parvint à
479 estent les documents les plus formels, c’est qu’à l’ aube, le curé redescendu à Stans parvint à réunir les députés, et leur
480 es documents les plus formels, c’est qu’à l’aube, le curé redescendu à Stans parvint à réunir les députés, et leur transmi
481 aube, le curé redescendu à Stans parvint à réunir les députés, et leur transmit dans une séance secrète les conseils de Nic
482 députés, et leur transmit dans une séance secrète les conseils de Nicolas. Miracle ? Ou résultat d’une combinaison particul
483 e combinaison particulièrement « politique » dont l’ ermite eût donné l’idée ? Il me paraît probable que l’autorité de Nico
484 culièrement « politique » dont l’ermite eût donné l’ idée ? Il me paraît probable que l’autorité de Nicolas sur ses compatr
485 mite eût donné l’idée ? Il me paraît probable que l’ autorité de Nicolas sur ses compatriotes suffit à calmer les esprits e
486 é de Nicolas sur ses compatriotes suffit à calmer les esprits et à permettre une délibération assez sérieuse pour que des c
487 utuelles parussent possibles. Quoi qu’il en soit, la Diète proclama que si la paix avait été sauvée, et avec elle le sort
488 les. Quoi qu’il en soit, la Diète proclama que si la paix avait été sauvée, et avec elle le sort de la fédération, on le d
489 ama que si la paix avait été sauvée, et avec elle le sort de la fédération, on le devait par-dessus tout à l’action de l’e
490 la paix avait été sauvée, et avec elle le sort de la fédération, on le devait par-dessus tout à l’action de l’ermite du Ra
491 sauvée, et avec elle le sort de la fédération, on le devait par-dessus tout à l’action de l’ermite du Ranft. (Remarquons à
492 de la fédération, on le devait par-dessus tout à l’ action de l’ermite du Ranft. (Remarquons à ce propos que la seule chos
493 ation, on le devait par-dessus tout à l’action de l’ ermite du Ranft. (Remarquons à ce propos que la seule chose que tout l
494 de l’ermite du Ranft. (Remarquons à ce propos que la seule chose que tout le monde sache de Nicolas, est en réalité la seu
495 ue tout le monde sache de Nicolas, est en réalité la seule qu’il n’ait pas faite : sa venue en personne à la Diète, et le
496 le qu’il n’ait pas faite : sa venue en personne à la Diète, et le discours qu’il y aurait prononcé !) La piété du Frère
497 t pas faite : sa venue en personne à la Diète, et le discours qu’il y aurait prononcé !) La piété du Frère Claus Ce
498 ète, et le discours qu’il y aurait prononcé !) La piété du Frère Claus Ce résumé d’une existence peut suffire à nous
499 tager cette espèce de vénération que lui vouèrent les hommes du xve siècle. Mais on peut craindre aussi que l’essentiel de
500 s du xve siècle. Mais on peut craindre aussi que l’ essentiel de la personne nous échappe, si nous nous limitons au savoir
501 e. Mais on peut craindre aussi que l’essentiel de la personne nous échappe, si nous nous limitons au savoir historique. J’
502 storique. J’entends qu’il est très difficile, sur les documents qui nous restent, de nous faire une idée, et mieux : un sen
503 nous faire une idée, et mieux : un sentiment, de la foi du « pieux homme frère Claus ». Nous en sommes forcément réduits
504 tes. Pour ma part, je tenterai de distinguer dans la vie religieuse de Nicolas trois tendances ou trois courants qui perme
505 tout d’abord, mais aussi par rapport à notre foi. La tendance la plus apparente est celle que les catholiques mettent surt
506 , mais aussi par rapport à notre foi. La tendance la plus apparente est celle que les catholiques mettent surtout en valeu
507 foi. La tendance la plus apparente est celle que les catholiques mettent surtout en valeur de nos jours : la dévotion au S
508 holiques mettent surtout en valeur de nos jours : la dévotion au Saint-Sacrement, à la Vierge et aux saints, l’ascétisme,
509 de nos jours : la dévotion au Saint-Sacrement, à la Vierge et aux saints, l’ascétisme, les visions, les pratiques de piét
510 on au Saint-Sacrement, à la Vierge et aux saints, l’ ascétisme, les visions, les pratiques de piété. Beaucoup de documents
511 acrement, à la Vierge et aux saints, l’ascétisme, les visions, les pratiques de piété. Beaucoup de documents indiscutables
512 a Vierge et aux saints, l’ascétisme, les visions, les pratiques de piété. Beaucoup de documents indiscutables nous obligent
513 u sérieux cet aspect proprement « catholique » de la religion du Bienheureux. Toutefois, je ne puis me persuader qu’il ait
514 e persuader qu’il ait été décisif dans sa vie. Si l’ on considère d’une part la sainteté des œuvres qu’il pratique et d’aut
515 décisif dans sa vie. Si l’on considère d’une part la sainteté des œuvres qu’il pratique et d’autre part les troubles de co
516 ainteté des œuvres qu’il pratique et d’autre part les troubles de conscience qui ne cessent de l’assiéger, comment ne point
517 part les troubles de conscience qui ne cessent de l’ assiéger, comment ne point songer à la piété du jeune Luther, et à ce
518 cessent de l’assiéger, comment ne point songer à la piété du jeune Luther, et à ce drame de Wittemberg dont la Réforme de
519 du jeune Luther, et à ce drame de Wittemberg dont la Réforme devait sortir ? Rappelez-vous le moine augustin qui multiplia
520 erg dont la Réforme devait sortir ? Rappelez-vous le moine augustin qui multipliait, lui aussi, les pratiques les plus scr
521 ous le moine augustin qui multipliait, lui aussi, les pratiques les plus scrupuleuses : comme Nicolas, il espérait, de tout
522 ugustin qui multipliait, lui aussi, les pratiques les plus scrupuleuses : comme Nicolas, il espérait, de toute son âme, s’a
523 icolas, il espérait, de toute son âme, s’acquérir la sainteté par les voies qu’ordonnait l’Église ; mais loin d’y trouver
524 ait, de toute son âme, s’acquérir la sainteté par les voies qu’ordonnait l’Église ; mais loin d’y trouver l’apaisement, il
525 s’acquérir la sainteté par les voies qu’ordonnait l’ Église ; mais loin d’y trouver l’apaisement, il sentait croître en lui
526 ies qu’ordonnait l’Église ; mais loin d’y trouver l’ apaisement, il sentait croître en lui l’inquiétude du salut. J’ai été
527 y trouver l’apaisement, il sentait croître en lui l’ inquiétude du salut. J’ai été attaché avec zèle aux lois papistes aut
528 aux lois papistes autant que n’importe qui, et je les ai défendues avec grand sérieux comme saintes et nécessaires au salut
529 comme saintes et nécessaires au salut. Avec tout le soin dont j’étais capable, je me suis efforcé de les observer par le
530 soin dont j’étais capable, je me suis efforcé de les observer par le jeûne, les veilles, les oraisons et autres exercices,
531 s capable, je me suis efforcé de les observer par le jeûne, les veilles, les oraisons et autres exercices, en macérant mon
532 je me suis efforcé de les observer par le jeûne, les veilles, les oraisons et autres exercices, en macérant mon corps plus
533 fforcé de les observer par le jeûne, les veilles, les oraisons et autres exercices, en macérant mon corps plus que tous ceu
534 ourd’hui me persécutent, parce que je leur enlève la gloire de se justifier… J’imposais à mon corps plus d’efforts qu’il n
535 forts qu’il n’en pouvait fournir sans danger pour la santé… Tout ce que je faisais, je le faisais en toute simplicité, par
536 danger pour la santé… Tout ce que je faisais, je le faisais en toute simplicité, par pur zèle et pour la gloire de Dieu.
537 faisais en toute simplicité, par pur zèle et pour la gloire de Dieu. Toute ma vie n’était que jeûnes, veilles, oraisons, s
538 t il pourrait se rendre Dieu favorable. Sur quoi les critiques catholiques modernes reprochent à Luther d’avoir « manqué d
539 ’esquisser, nous mettrait-il en mesure de deviner la raison spirituelle des inquiétudes que nourrit Nicolas jusqu’à sa cin
540 ortions gardées, il me paraît licite de voir dans le cas du paysan, illettré et simple fidèle, une sorte de préfiguration
541 tion du drame qui se jouera un peu plus tard dans la conscience infiniment plus avertie et plus « théologique » du Docteur
542 Docteur augustin. Ce serait ainsi par son aspect le plus catholique que nous pourrions précisément saisir, dans la piété
543 lique que nous pourrions précisément saisir, dans la piété de Nicolas, les éléments sinon « protestants » du moins pré-réf
544 ons précisément saisir, dans la piété de Nicolas, les éléments sinon « protestants » du moins pré-réformés qui, nous le ver
545 n « protestants » du moins pré-réformés qui, nous le verrons plus loin, furent si nettement perçus par ses après-venants.
546 de chercher ailleurs, à un niveau plus apparent, les manifestations de la tendance pré-réformée chez l’ermite. Les auteurs
547 à un niveau plus apparent, les manifestations de la tendance pré-réformée chez l’ermite. Les auteurs catholiques eux-même
548 s manifestations de la tendance pré-réformée chez l’ ermite. Les auteurs catholiques eux-mêmes indiquent en passant qu’il s
549 ations de la tendance pré-réformée chez l’ermite. Les auteurs catholiques eux-mêmes indiquent en passant qu’il se montrait
550 n passant qu’il se montrait des plus sévères pour les abus et les trahisons du clergé de son siècle. On cite les répliques
551 ’il se montrait des plus sévères pour les abus et les trahisons du clergé de son siècle. On cite les répliques assez dures
552 et les trahisons du clergé de son siècle. On cite les répliques assez dures dont il gratifia plus d’un évêque ou supérieur
553 fia plus d’un évêque ou supérieur de couvent venu le voir par curiosité. Mais cet anticléricalisme et ce désir de réformer
554 Mais cet anticléricalisme et ce désir de réformer les mœurs ecclésiastiques sont choses si courantes au Moyen Âge qu’il ser
555 ait imprudent d’y chercher un trait spécifique de la spiritualité de Nicolas. Un François d’Assise, une Catherine de Sienn
556 aient avant Jean Huss, avant Wiclef, élevé contre la corruption de Rome et du clergé des protestations autrement violentes
557 gé des protestations autrement violentes. Quant à la volonté de vivre en dehors des cadres de l’Église, volonté que Nicola
558 ant à la volonté de vivre en dehors des cadres de l’ Église, volonté que Nicolas a toujours affirmée, non seulement en refu
559 autant que de contemplation3, je pense qu’il faut la rattacher surtout à une troisième tendance, la plus importante à mes
560 ut la rattacher surtout à une troisième tendance, la plus importante à mes yeux, celle de la mystique germanique. Nous sav
561 tendance, la plus importante à mes yeux, celle de la mystique germanique. Nous savons que par sa mère et par certains amis
562 par sa mère et par certains amis de celle-ci, tel le curé Matthias Hattinger, le jeune Nicolas avait subi l’influence très
563 amis de celle-ci, tel le curé Matthias Hattinger, le jeune Nicolas avait subi l’influence très profonde du mouvement des «
564 é Matthias Hattinger, le jeune Nicolas avait subi l’ influence très profonde du mouvement des « Amis de Dieu ». Initié en A
565 vement des « Amis de Dieu ». Initié en Alsace par le marchand Rulman Merswin, au xive siècle, ce mouvement plus ou moins
566 hérétique n’est pas sans d’intimes relations avec les doctrines mystiques de Suso et de Tauler, et par eux, de Maître Eckha
567 et Nicolas de Flue ne saurait s’expliquer — dans la mesure où l’on peut l’expliquer — si l’on ne tenait pas compte de cet
568 e Flue ne saurait s’expliquer — dans la mesure où l’ on peut l’expliquer — si l’on ne tenait pas compte de cet environnemen
569 saurait s’expliquer — dans la mesure où l’on peut l’ expliquer — si l’on ne tenait pas compte de cet environnement spiritue
570 er — dans la mesure où l’on peut l’expliquer — si l’ on ne tenait pas compte de cet environnement spirituel, et des contact
571 un pèlerin « ami de Dieu », peut-être délégué par le mouvement ? Les plus récents historiens l’ont admis, après de nombreu
572 i de Dieu », peut-être délégué par le mouvement ? Les plus récents historiens l’ont admis, après de nombreux tâtonnements.
573 ué par le mouvement ? Les plus récents historiens l’ ont admis, après de nombreux tâtonnements. D’autre part, la fameuse « 
574 is, après de nombreux tâtonnements. D’autre part, la fameuse « petite prière » de Nicolas (das Gebetlein) popularisée par
575 ière » de Nicolas (das Gebetlein) popularisée par la littérature hagiographique est en réalité la paraphrase d’un texte du
576 par la littérature hagiographique est en réalité la paraphrase d’un texte du mystique Heinrich Suso : Mon Seigneur et mo
577 l suffise d’indiquer qu’elle représentait, face à l’ Église établie, une aspiration vers la vie religieuse intime et person
578 ait, face à l’Église établie, une aspiration vers la vie religieuse intime et personnelle, par-dessous les pratiques ou ma
579 vie religieuse intime et personnelle, par-dessous les pratiques ou malgré elles, une intériorisation de la foi, mais aussi
580 pratiques ou malgré elles, une intériorisation de la foi, mais aussi une volonté de communion et presque de communisme spi
581 bref, une certaine déviation « spiritualiste » de la foi, mais compensée par un salutaire redressement du sens moral et co
582 aire redressement du sens moral et communautaire. Le réalisme très paysan et très helvétique de Nicolas le préserva des ex
583 éalisme très paysan et très helvétique de Nicolas le préserva des excès de la secte — c’est ainsi qu’il ne rompit jamais a
584 ès helvétique de Nicolas le préserva des excès de la secte — c’est ainsi qu’il ne rompit jamais avec l’Église, tout en gar
585 a secte — c’est ainsi qu’il ne rompit jamais avec l’ Église, tout en gardant ses distances — mais d’autre part, il est indé
586 ntérieure au formalisme romain, qu’ont représenté les Amis de Dieu. Et l’on conçoit que ce mouvement, rectifié et rendu plu
587 me romain, qu’ont représenté les Amis de Dieu. Et l’ on conçoit que ce mouvement, rectifié et rendu plus sobre par la conna
588 ue ce mouvement, rectifié et rendu plus sobre par la connaissance directe des Écritures, ait pu déboucher, quelque cinquan
589 boucher, quelque cinquante années plus tard, dans la Réforme luthérienne et zwinglienne. (Tout de même que le mouvement as
590 rme luthérienne et zwinglienne. (Tout de même que le mouvement assez voisin des Vaudois, ou Pauvres de Lyon, se confondit
591 de Lyon, se confondit sans nulle difficulté avec le calvinisme.) Nicolas de Flue et les réformés La contre-épreuve
592 iculté avec le calvinisme.) Nicolas de Flue et les réformés La contre-épreuve de ces diverses hypothèses m’a été four
593 alvinisme.) Nicolas de Flue et les réformés La contre-épreuve de ces diverses hypothèses m’a été fournie d’une maniè
594 a été fournie d’une manière très convaincante par la lecture des deux grands recueils de documents sur Nicolas que publiai
595 cuments sur Nicolas que publiait, au lendemain de la guerre, Robert Dürrer, historien du canton d’Unterwald. C’est une vér
596 C’est une véritable somme critique de tout ce que la tradition nous a livré concernant le pacificateur de la Suisse. On ne
597 tout ce que la tradition nous a livré concernant le pacificateur de la Suisse. On ne saurait en louer assez la science, e
598 dition nous a livré concernant le pacificateur de la Suisse. On ne saurait en louer assez la science, et surtout l’honnête
599 cateur de la Suisse. On ne saurait en louer assez la science, et surtout l’honnêteté. C’est sans aucun doute à cette derni
600 ne saurait en louer assez la science, et surtout l’ honnêteté. C’est sans aucun doute à cette dernière qualité que nous de
601 algré certain accaparement de Nicolas de Flue par l’ Église romaine, la signification qu’il eut, en fait, pour les première
602 parement de Nicolas de Flue par l’Église romaine, la signification qu’il eut, en fait, pour les premières générations de l
603 l eut, en fait, pour les premières générations de la Réforme. Ce n’est pas sans un joyeux étonnement que je suis tombé, da
604 tonnement que je suis tombé, dans Dürrer, à peine les gros volumes ouverts, sur une abondance de citations de Luther, de Zw
605 e Bullinger, d’Œcolampade, unanimes à revendiquer l’ exemple de Nicolas de Flue à l’appui de leur œuvre de réforme de l’Égl
606 las de Flue à l’appui de leur œuvre de réforme de l’ Église. Et ce n’est pas sans un léger mouvement de triomphe, je l’avou
607 n’est pas sans un léger mouvement de triomphe, je l’ avoue, que j’ai trouvé ce fait, très généralement ignoré : les premier
608 êmes, mais attestent néanmoins qu’à cette époque, la conscience populaire n’hésitait pas à ranger Nicolas du côté de la Ré
609 ulaire n’hésitait pas à ranger Nicolas du côté de la Réforme). Il n’est peut-être pas sans intérêt de donner ici un aperçu
610 ide de cette littérature réformée sur Nicolas. Je la diviserai en trois rubriques. 1. Chroniques. — La première en date e
611 et commentée par Myconius, Lucernois réformé, sur la demande de Zwingli et de Vadian. C’est encore un ami de Vadian, Herma
612 nn Miles (ou Ritter) de Saint-Gall, qui mentionne le Frère Claus avec de grands éloges dans un ouvrage daté de 1522. (Nous
613 522. (Nous sommes donc aux tout premiers jours de la Réforme.) En 1529, un protestant bernois, Valerius Anshelm, nous donn
614 la première biographie importante de Nicolas, sur le ton le plus enthousiaste. Il est suivi en 1546 par Stumpff, protestan
615 ière biographie importante de Nicolas, sur le ton le plus enthousiaste. Il est suivi en 1546 par Stumpff, protestant zuric
616 rofesseur d’hébreu à Wittenberg, et parfois nommé le père de l’histoire des églises protestantes, mentionne longuement Nic
617 ’hébreu à Wittenberg, et parfois nommé le père de l’ histoire des églises protestantes, mentionne longuement Nicolas dans s
618 guement Nicolas dans son Catalogue des témoins de la foi qui se sont dressés avant Martin Luther, par la parole et par l’é
619 foi qui se sont dressés avant Martin Luther, par la parole et par l’écrit, contre le pape et ses erreurs. 2. Sermons et
620 dressés avant Martin Luther, par la parole et par l’ écrit, contre le pape et ses erreurs. 2. Sermons et pamphlets des réf
621 rtin Luther, par la parole et par l’écrit, contre le pape et ses erreurs. 2. Sermons et pamphlets des réformateurs. — En
622 ts des réformateurs. — En 1523 déjà, Zwingli cite l’ exemple du Frère Claus dans un sermon sur le Bon berger et les mauvais
623 cite l’exemple du Frère Claus dans un sermon sur le Bon berger et les mauvais bergers. Puis en 1524, il rappelle les cons
624 u Frère Claus dans un sermon sur le Bon berger et les mauvais bergers. Puis en 1524, il rappelle les conseils politiques de
625 et les mauvais bergers. Puis en 1524, il rappelle les conseils politiques de l’ermite, ses mises en garde répétées contre l
626 s en 1524, il rappelle les conseils politiques de l’ ermite, ses mises en garde répétées contre le service mercenaire à l’é
627 s de l’ermite, ses mises en garde répétées contre le service mercenaire à l’étranger. Et comme Johannes Faber tentait de l
628 en garde répétées contre le service mercenaire à l’ étranger. Et comme Johannes Faber tentait de lui opposer une parole de
629 it de lui opposer une parole de Nicolas conjurant les Suisses de garder la foi de leurs pères, Zwingli réplique que les réf
630 parole de Nicolas conjurant les Suisses de garder la foi de leurs pères, Zwingli réplique que les réformés sont les vérita
631 arder la foi de leurs pères, Zwingli réplique que les réformés sont les véritables disciples du solitaire, puisqu’ils ont g
632 urs pères, Zwingli réplique que les réformés sont les véritables disciples du solitaire, puisqu’ils ont gardé la foi la plu
633 bles disciples du solitaire, puisqu’ils ont gardé la foi la plus ancienne, celle des Apôtres, et se sont refusés à faire c
634 sciples du solitaire, puisqu’ils ont gardé la foi la plus ancienne, celle des Apôtres, et se sont refusés à faire commerce
635 ouvons de nombreuses mentions du Frère Claus dans les sermons et traités de Bullinger (successeur de Zwingli à Zurich) ; de
636 éformés se rendit en pèlerinage au Ranft et « sur les lieux consacrés par le souvenir du Frère Claus ». Quant à la petite p
637 erinage au Ranft et « sur les lieux consacrés par le souvenir du Frère Claus ». Quant à la petite prière que je citais plu
638 nsacrés par le souvenir du Frère Claus ». Quant à la petite prière que je citais plus haut (Gebetlein), elle avait été con
639 de se voir reprise — et d’ailleurs modifiée — par les catholiques, à partir de 1569. 3. Satires et drames. — La première m
640 extrêmement défavorable au Bienheureux. On y sent l’ agacement de l’auteur à voir le nom et les conseils du Frère sans cess
641 avorable au Bienheureux. On y sent l’agacement de l’ auteur à voir le nom et les conseils du Frère sans cesse revendiqués p
642 heureux. On y sent l’agacement de l’auteur à voir le nom et les conseils du Frère sans cesse revendiqués par les protestan
643 n y sent l’agacement de l’auteur à voir le nom et les conseils du Frère sans cesse revendiqués par les protestants au cours
644 les conseils du Frère sans cesse revendiqués par les protestants au cours des disputes concernant la politique et le régim
645 les protestants au cours des disputes concernant la politique et le régime des pensions. — Vous autres réformés, dit en s
646 au cours des disputes concernant la politique et le régime des pensions. — Vous autres réformés, dit en substance le text
647 ensions. — Vous autres réformés, dit en substance le texte, vous en appelez toujours à cet ermite dont la doctrine se résu
648 texte, vous en appelez toujours à cet ermite dont la doctrine se résume à ceci : « Man solle auff unsserm myst bleiben » (
649 cun reste sur son fumier !). Vous feriez mieux de le croire et de ne point innover, etc. Par contre, un Narrenspiel zwingl
650 t, avec beaucoup de verve et quelque grossièreté, les fameux conseils de Nicolas, qui se trouvent condamner toute la politi
651 seils de Nicolas, qui se trouvent condamner toute la politique des cantons catholiques. On sait d’autre part que l’archidu
652 des cantons catholiques. On sait d’autre part que l’ archiduc Ferdinand II d’Autriche fit rechercher en 1570 dans toutes le
653 II d’Autriche fit rechercher en 1570 dans toutes les maisons du Tyrol les livres favorables à la Réforme, afin de les brûl
654 chercher en 1570 dans toutes les maisons du Tyrol les livres favorables à la Réforme, afin de les brûler ; dans la liste de
655 utes les maisons du Tyrol les livres favorables à la Réforme, afin de les brûler ; dans la liste de ceux qui furent détrui
656 Tyrol les livres favorables à la Réforme, afin de les brûler ; dans la liste de ceux qui furent détruits figure un Jeu de F
657 avorables à la Réforme, afin de les brûler ; dans la liste de ceux qui furent détruits figure un Jeu de Frère Claus et de
658 ure un Jeu de Frère Claus et de Frère Tell ! Mais la pièce la plus importante de cette série est celle que fit jouer à Bâl
659 u de Frère Claus et de Frère Tell ! Mais la pièce la plus importante de cette série est celle que fit jouer à Bâle, en 155
660 te série est celle que fit jouer à Bâle, en 1550, le protestant Valentin Boltz. Elle était intitulée Der Weltspiegel (Le M
661 ntin Boltz. Elle était intitulée Der Weltspiegel ( Le Miroir du Monde) et tout y gravitait autour du Frère Claus, figure ce
662 utour du Frère Claus, figure centrale symbolisant l’ idée confédérale créatrice de la Suisse. Les cantons personnifiés pren
663 trale symbolisant l’idée confédérale créatrice de la Suisse. Les cantons personnifiés prenaient la parole tour à tour, com
664 lisant l’idée confédérale créatrice de la Suisse. Les cantons personnifiés prenaient la parole tour à tour, comme à la Dièt
665 de la Suisse. Les cantons personnifiés prenaient la parole tour à tour, comme à la Diète (Uri se contentant parfois de so
666 onnifiés prenaient la parole tour à tour, comme à la Diète (Uri se contentant parfois de sonner sa fameuse corne !), et Mo
667 use corne !), et Moïse ou Élie intervenaient dans les débats le plus naturellement du monde. Il y avait, selon Dürrer, 149
668 ), et Moïse ou Élie intervenaient dans les débats le plus naturellement du monde. Il y avait, selon Dürrer, 149 rôles parl
669 Il y avait, selon Dürrer, 149 rôles parlants, et la représentation demanda « deux jours pleins ». Ce n’est qu’en 1586 que
670 da « deux jours pleins ». Ce n’est qu’en 1586 que les catholiques se décidèrent à aborder eux aussi ce magnifique sujet. Le
671 cidèrent à aborder eux aussi ce magnifique sujet. Le jésuite Jakob Gretser fit jouer à Lucerne, cette année-là, une Comoed
672 st frappé de constater une fois de plus que seule la piété d’allure monacale du Frère Claus y est mise en valeur, tandis q
673 politique n’est même pas mentionné. (Cela gênait l’ Église, remarque Dürrer.) Il y aurait lieu de citer enfin le libelle d
674 remarque Dürrer.) Il y aurait lieu de citer enfin le libelle de Luther sur la « vision des épées », que Nicolas avait fait
675 rait lieu de citer enfin le libelle de Luther sur la « vision des épées », que Nicolas avait fait peindre au mur de sa cel
676 s avait fait peindre au mur de sa cellule. Luther l’ interprétait comme une prophétie contre le pape, dont la tête, dans l’
677 Luther l’interprétait comme une prophétie contre le pape, dont la tête, dans l’image traditionnelle, est environnée de tr
678 rprétait comme une prophétie contre le pape, dont la tête, dans l’image traditionnelle, est environnée de trois glaives, l
679 une prophétie contre le pape, dont la tête, dans l’ image traditionnelle, est environnée de trois glaives, l’un d’eux appu
680 s, l’un d’eux appuyé contre ses lèvres comme pour l’ empêcher de dire la Parole. Mais à partir de 1536, les catholiques à l
681 é contre ses lèvres comme pour l’empêcher de dire la Parole. Mais à partir de 1536, les catholiques à leur tour utilisent
682 mpêcher de dire la Parole. Mais à partir de 1536, les catholiques à leur tour utilisent cette image et la transforment (non
683 catholiques à leur tour utilisent cette image et la transforment (non sans supprimer la tiare papale) en une vision de la
684 ette image et la transforment (non sans supprimer la tiare papale) en une vision de la Trinité. Les historiens ne sont guè
685 sans supprimer la tiare papale) en une vision de la Trinité. Les historiens ne sont guère d’accord, et je n’ai pas qualit
686 mer la tiare papale) en une vision de la Trinité. Les historiens ne sont guère d’accord, et je n’ai pas qualité pour tranch
687 es quelques notes, bien entendu, n’ont aucunement la prétention d’annexer Nicolas de Flue à je ne sais quel « parti de la
688 exer Nicolas de Flue à je ne sais quel « parti de la Réforme » ! Elles ne visent qu’à faire mieux connaître une grande fig
689 trop de protestants ignorent, et qu’ils ignorent le plus souvent du simple fait que les catholiques l’exaltent. Tel est l
690 u’ils ignorent le plus souvent du simple fait que les catholiques l’exaltent. Tel est l’esprit de parti, même parmi les chr
691 e plus souvent du simple fait que les catholiques l’ exaltent. Tel est l’esprit de parti, même parmi les chrétiens ! Que de
692 mple fait que les catholiques l’exaltent. Tel est l’ esprit de parti, même parmi les chrétiens ! Que de richesses les réfor
693 l’exaltent. Tel est l’esprit de parti, même parmi les chrétiens ! Que de richesses les réformés n’ont-ils pas laissé perdre
694 arti, même parmi les chrétiens ! Que de richesses les réformés n’ont-ils pas laissé perdre de la sorte, et n’ont-ils pas la
695 esses les réformés n’ont-ils pas laissé perdre de la sorte, et n’ont-ils pas laissé dénaturer ! Mon désir n’est nullement
696 é dénaturer ! Mon désir n’est nullement d’enlever le Frère Claus aux catholiques — il ne peut leur faire que du bien — mai
697 ues — il ne peut leur faire que du bien — mais de le rendre aussi aux protestants, comme une part de leur héritage. Dans u
698 me une part de leur héritage. Dans une période où le sens fédéral paraît renaître parmi nous, il m’a semblé que la vie du
699 ral paraît renaître parmi nous, il m’a semblé que la vie du Frère Claus prenait une valeur de symbole, et non seulement po
700 nait une valeur de symbole, et non seulement pour l’ ordre politique, mais aussi sur le plan religieux. Nicolas pauvre et s
701 religieux. Nicolas pauvre et se privant de pain à l’ époque même où les Suisses sont tentés par les richesses étrangères ;
702 s pauvre et se privant de pain à l’époque même où les Suisses sont tentés par les richesses étrangères ; Nicolas pacifiant
703 in à l’époque même où les Suisses sont tentés par les richesses étrangères ; Nicolas pacifiant les cantons en rappelant aux
704 par les richesses étrangères ; Nicolas pacifiant les cantons en rappelant aux « régionalistes » que notre État est d’abord
705 cependant qu’il rappelle aux « centralistes » que le bien de tous suppose le bien de chacun ; Nicolas témoin de la foi dan
706 aux « centralistes » que le bien de tous suppose le bien de chacun ; Nicolas témoin de la foi dans une époque où toute la
707 ous suppose le bien de chacun ; Nicolas témoin de la foi dans une époque où toute la chrétienté était encore extérieuremen
708 Nicolas témoin de la foi dans une époque où toute la chrétienté était encore extérieurement unie, — voilà bien l’homme que
709 té était encore extérieurement unie, — voilà bien l’ homme que tous à leur manière peuvent saluer comme l’ancêtre commun, e
710 omme que tous à leur manière peuvent saluer comme l’ ancêtre commun, et j’ajouterais : comme le parrain de cette « défense
711 r comme l’ancêtre commun, et j’ajouterais : comme le parrain de cette « défense spirituelle du pays » que nous devons appr
712 3. Ce trait sera relevé et souligné plus tard par les réformateurs, en particulier par Vadian. b. Rougemont Denis de, « N
713 an. b. Rougemont Denis de, « Nicolas de Flue et la Réforme », Les Cahiers protestants, Lausanne, 1939, p. 263-279.
714 mont Denis de, « Nicolas de Flue et la Réforme », Les Cahiers protestants, Lausanne, 1939, p. 263-279.
3 1940, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). La bataille de la culture (janvier-février 1940)
715 La bataille de la culture (janvier-février 1940)c d Le fait même que
716 La bataille de la culture (janvier-février 1940)c d Le fait même que nous éprouvions
717 taille de la culture (janvier-février 1940)c d Le fait même que nous éprouvions tous un doute sur l’opportunité d’une c
718 e fait même que nous éprouvions tous un doute sur l’ opportunité d’une conférence en temps de guerre, ce fait est significa
719 fait est significatif. Il prouve que nous tenons la culture pour quelque chose d’un peu moins sérieux que l’action, ou qu
720 ure pour quelque chose d’un peu moins sérieux que l’ action, ou que la guerre, par exemple, ou simplement que la défense na
721 chose d’un peu moins sérieux que l’action, ou que la guerre, par exemple, ou simplement que la défense nationale. Or je vo
722 ou que la guerre, par exemple, ou simplement que la défense nationale. Or je vois là le signe très certain d’une crise, —
723 implement que la défense nationale. Or je vois là le signe très certain d’une crise, — et d’une crise qui met en question
724 d’une crise, — et d’une crise qui met en question les fondements mêmes de la culture en Occident. Je voudrais vous montrer
725 crise qui met en question les fondements mêmes de la culture en Occident. Je voudrais vous montrer ce soir que cette crise
726 ces pratiques ; qu’elle est l’une des origines de la présente guerre ; et que cette guerre n’est, en fin de compte, malgré
727 épisode tragique d’une bataille bien plus vaste, la millénaire bataille de la culture. L’adversaire est en nous Mais
728 taille bien plus vaste, la millénaire bataille de la culture. L’adversaire est en nous Mais d’abord, essayons d’écart
729 us vaste, la millénaire bataille de la culture. L’ adversaire est en nous Mais d’abord, essayons d’écarter un malenten
730 abord, essayons d’écarter un malentendu menaçant. La bataille dont je vais vous parler n’est pas une bataille politique. L
731 ais vous parler n’est pas une bataille politique. Les adversaires ne sont nullement les actuels belligérants, et il n’est p
732 ille politique. Les adversaires ne sont nullement les actuels belligérants, et il n’est pas question, ici, de confondre l’u
733 question, ici, de confondre l’un des partis avec la cause de la culture, l’autre étant le parti de l’anti-culture. Ce gen
734 ci, de confondre l’un des partis avec la cause de la culture, l’autre étant le parti de l’anti-culture. Ce genre d’opposit
735 partis avec la cause de la culture, l’autre étant le parti de l’anti-culture. Ce genre d’opposition est très tentant, je l
736 la cause de la culture, l’autre étant le parti de l’ anti-culture. Ce genre d’opposition est très tentant, je l’avoue, et a
737 lture. Ce genre d’opposition est très tentant, je l’ avoue, et aujourd’hui plus que jamais. C’est malgré tout un procédé de
738 t pas aussi simple qu’une gifle ne vaut rien pour la guerre. Grâce à Dieu, nous sommes encore neutres, et nous avons encor
739 nous sommes encore neutres, et nous avons encore le droit de ne pas nous livrer à ce genre de simplifications brutales. N
740 otre premier devoir est, aujourd’hui, de défendre l’ intelligence contre un certain primitivisme qui se réveille toujours e
741 isme qui se réveille toujours en temps de guerre. Les primitifs ont l’habitude de personnifier les forces mauvaises qui les
742 le toujours en temps de guerre. Les primitifs ont l’ habitude de personnifier les forces mauvaises qui les menacent. S’ils
743 rre. Les primitifs ont l’habitude de personnifier les forces mauvaises qui les menacent. S’ils sont malades, ils pensent qu
744 habitude de personnifier les forces mauvaises qui les menacent. S’ils sont malades, ils pensent que c’est la faute d’un obj
745 nacent. S’ils sont malades, ils pensent que c’est la faute d’un objet maléfique, ou d’un sorcier, ou d’un esprit qui rôde
746 esprit qui rôde autour de leur maison. Toujours, la cause du mal, c’est-à-dire l’adversaire, est devant eux, à l’extérieu
747 r maison. Toujours, la cause du mal, c’est-à-dire l’ adversaire, est devant eux, à l’extérieur. Or, notre civilisation, sou
748 mal, c’est-à-dire l’adversaire, est devant eux, à l’ extérieur. Or, notre civilisation, sous l’influence du christianisme,
749 eux, à l’extérieur. Or, notre civilisation, sous l’ influence du christianisme, s’est efforcée de nous faire comprendre qu
750 isme, s’est efforcée de nous faire comprendre que la vraie cause de nos malheurs est presque toujours en nous-mêmes. Il fa
751 réussi. Nous persistons tous, plus ou moins, dans la manie des primitifs : nous rendons responsables de nos maux — les aut
752 imitifs : nous rendons responsables de nos maux — les autres, uniquement les autres, ceux d’un autre parti, ceux d’une autr
753 responsables de nos maux — les autres, uniquement les autres, ceux d’un autre parti, ceux d’une autre nation… Nous faisons
754 ceux d’une autre nation… Nous faisons tous comme les petits enfants qui battent la table à laquelle ils se sont heurtés. I
755 faisons tous comme les petits enfants qui battent la table à laquelle ils se sont heurtés. Il est facile et rassurant de n
756 nt heurtés. Il est facile et rassurant de noircir le voisin pour mieux se blanchir soi-même. Mais en réalité, nos adversai
757 essentiellement de nous. Tout homme porte en soi les microbes de toutes les maladies imaginables. Et cet ennemi qui nous m
758 s. Tout homme porte en soi les microbes de toutes les maladies imaginables. Et cet ennemi qui nous menace, il ne serait nul
759 nous menace, il ne serait nullement suffisant de l’ anéantir pour nous en délivrer. Car la tendance qu’il personnifie à no
760 uffisant de l’anéantir pour nous en délivrer. Car la tendance qu’il personnifie à nos yeux, elle existe en nous aussi, et
761 e pourrait fort bien s’y développer un jour. Pour la combattre sérieusement, pour nous défendre, c’est en nous qu’il s’agi
762 pour nous défendre, c’est en nous qu’il s’agit de l’ attaquer, et avant tout, de la reconnaître. Disharmonies et impuiss
763 ous qu’il s’agit de l’attaquer, et avant tout, de la reconnaître. Disharmonies et impuissance de l’esprit Songeant à
764 la reconnaître. Disharmonies et impuissance de l’ esprit Songeant à notre civilisation moderne, je suis de plus en pl
765 its : d’une part, une étonnante disharmonie entre les divers ordres de nos activités, — d’autre part, une angoissante impui
766 s, — d’autre part, une angoissante impuissance de l’ esprit devant ce monde. Tel grand chimiste scandinave invente, dans so
767 corps nouveau, un puissant explosif, grâce auquel l’ industrie pourra faire un grand pas. Il fonde d’autre part, avec l’arg
768 a faire un grand pas. Il fonde d’autre part, avec l’ argent gagné, un prix considérable, destiné à récompenser ceux qui tra
769 destiné à récompenser ceux qui travaillèrent pour la paix. Mais l’état de notre culture est tel que l’invention sera utili
770 mpenser ceux qui travaillèrent pour la paix. Mais l’ état de notre culture est tel que l’invention sera utilisée pour détru
771 la paix. Mais l’état de notre culture est tel que l’ invention sera utilisée pour détruire cette paix, précisément, que le
772 ilisée pour détruire cette paix, précisément, que le prix devait couronner. Et le chimiste pacifique verra retomber sur sa
773 ix, précisément, que le prix devait couronner. Et le chimiste pacifique verra retomber sur sa tête, sous la forme d’une bo
774 imiste pacifique verra retomber sur sa tête, sous la forme d’une bombe de 1000 kg son invention humanitaire. Par quelle fa
775 on humanitaire. Par quelle fatalité mauvaise tous les progrès de notre science contribuent-ils à ravager la civilisation qu
776 rogrès de notre science contribuent-ils à ravager la civilisation qui les produit ? Vous vous êtes tous posé cette questio
777 nce contribuent-ils à ravager la civilisation qui les produit ? Vous vous êtes tous posé cette question-là. Mais il ne suff
778 sé cette question-là. Mais il ne suffit pas de se la poser et ensuite de se lamenter. Il faut voir ce que signifie une si
779 . Car il ne serait pas suffisant de n’accuser que la méchanceté des hommes : c’est l’esprit même de la culture moderne, et
780 de n’accuser que la méchanceté des hommes : c’est l’ esprit même de la culture moderne, et son défaut de sagesse générale q
781 la méchanceté des hommes : c’est l’esprit même de la culture moderne, et son défaut de sagesse générale qui se trouve ici
782 ici mis à nu. Un autre fait, dans ce même ordre. Le but des inventions techniques est double : il est d’une part d’économ
783 t d’une part d’économiser du travail d’hommes par les machines, et donc de créer du loisir ; d’autre part, d’élever le nive
784 donc de créer du loisir ; d’autre part, d’élever le niveau général du confort. Or chacun sait que les résultats pratiques
785 le niveau général du confort. Or chacun sait que les résultats pratiques du machinisme ne sont pas d’augmenter les loisirs
786 s pratiques du machinisme ne sont pas d’augmenter les loisirs, mais bien d’augmenter le chômage, et qu’au lieu d’élever le
787 as d’augmenter les loisirs, mais bien d’augmenter le chômage, et qu’au lieu d’élever le niveau général, l’industrie a créé
788 en d’augmenter le chômage, et qu’au lieu d’élever le niveau général, l’industrie a créé d’immenses masses misérables, déra
789 hômage, et qu’au lieu d’élever le niveau général, l’ industrie a créé d’immenses masses misérables, déracinées et démoralis
790 il vrai, lui demandait-on, que sa banque finançât la guerre des Japonais contre Shanghai ? Il répondit que c’était vrai. —
791 t vrai. — Mais alors, n’êtes-vous pas torturé par la pensée que votre argent contribue à prolonger un massacre ? — Nulleme
792 i à voir, ce sont deux colonnes de chiffres, dont la balance est favorable à ma maison. — L’exemple peut paraître caricatu
793 res, dont la balance est favorable à ma maison. —  L’ exemple peut paraître caricatural. Toutefois, je le certifie exact. De
794 ’exemple peut paraître caricatural. Toutefois, je le certifie exact. De plus, il illustre à merveille le vice fondamental
795 certifie exact. De plus, il illustre à merveille le vice fondamental de notre société et aussi de notre culture : c’est u
796 ence d’un principe d’unité est si totale qu’on ne la ressent même plus comme un scandale. Elle est devenue toute naturelle
797 me un scandale. Elle est devenue toute naturelle. Le banquier dont je viens de vous parler aurait eu beaucoup de peine à c
798 contradiction, entre son comité de bienfaisance, les intérêts de sa banque, et le massacre des Chinois. Chacune de ces act
799 té de bienfaisance, les intérêts de sa banque, et le massacre des Chinois. Chacune de ces activités lui paraissait, en som
800 qui s’indignait, il aurait simplement répondu que les affaires sont les affaires. On ne peut pas additionner des chiffres e
801 l aurait simplement répondu que les affaires sont les affaires. On ne peut pas additionner des chiffres et des sentiments.
802 ns de moins en moins notre pensée à notre action. L’ impuissance de la pensée sur la conduite générale des affaires, tel es
803 ins notre pensée à notre action. L’impuissance de la pensée sur la conduite générale des affaires, tel est le dogme fondam
804 ée à notre action. L’impuissance de la pensée sur la conduite générale des affaires, tel est le dogme fondamental de la me
805 ée sur la conduite générale des affaires, tel est le dogme fondamental de la mentalité moderne. C’est plus qu’un dogme, c’
806 ale des affaires, tel est le dogme fondamental de la mentalité moderne. C’est plus qu’un dogme, c’est une croyance spontan
807 nombreux, si quotidiens, qu’on finit par ne plus les voir. Il est admis, dans notre société, que les hommes de la pensée n
808 s les voir. Il est admis, dans notre société, que les hommes de la pensée n’ont rien à dire d’utile aux hommes de l’action,
809 est admis, dans notre société, que les hommes de la pensée n’ont rien à dire d’utile aux hommes de l’action, aux capitain
810 la pensée n’ont rien à dire d’utile aux hommes de l’ action, aux capitaines de l’industrie ou de la guerre. Le divorce a ét
811 d’utile aux hommes de l’action, aux capitaines de l’ industrie ou de la guerre. Le divorce a été prononcé entre la culture
812 de l’action, aux capitaines de l’industrie ou de la guerre. Le divorce a été prononcé entre la culture et l’action, entre
813 n, aux capitaines de l’industrie ou de la guerre. Le divorce a été prononcé entre la culture et l’action, entre le cerveau
814 ou de la guerre. Le divorce a été prononcé entre la culture et l’action, entre le cerveau et la main. Les résultats de ce
815 re. Le divorce a été prononcé entre la culture et l’ action, entre le cerveau et la main. Les résultats de ce divorce sont
816 été prononcé entre la culture et l’action, entre le cerveau et la main. Les résultats de ce divorce sont infinis. Mais le
817 entre la culture et l’action, entre le cerveau et la main. Les résultats de ce divorce sont infinis. Mais le plus décisif,
818 culture et l’action, entre le cerveau et la main. Les résultats de ce divorce sont infinis. Mais le plus décisif, sans dout
819 n. Les résultats de ce divorce sont infinis. Mais le plus décisif, sans doute, est celui-ci : la culture apparaît aujourd’
820 Mais le plus décisif, sans doute, est celui-ci : la culture apparaît aujourd’hui comme une activité de luxe, et l’action
821 paraît aujourd’hui comme une activité de luxe, et l’ action seule est tenue pour sérieuse. En voici la preuve. Quand la sit
822 l’action seule est tenue pour sérieuse. En voici la preuve. Quand la situation devient grave, comme en cas de guerre par
823 st tenue pour sérieuse. En voici la preuve. Quand la situation devient grave, comme en cas de guerre par exemple, tout le
824 le, tout le monde trouve parfaitement naturel que la pensée abdique sa liberté et se soumette aux besoins de l’action, du
825 abdique sa liberté et se soumette aux besoins de l’ action, du haut en bas de l’échelle de nos occupations. Tout le monde
826 umette aux besoins de l’action, du haut en bas de l’ échelle de nos occupations. Tout le monde trouve parfaitement naturel
827 heter des livres : c’est la première économie que l’ on fera. De même qu’en temps de restrictions alimentaires on trouve to
828 out naturel de se priver d’abord de dessert. Oui, la culture est devenue pour nous quelque chose comme une friandise. Elle
829 eur très compliqué qui ne vaut rien pour conduire la cité, pour gagner de l’argent, pour faire des choses sérieuses… Et ce
830 e vaut rien pour conduire la cité, pour gagner de l’ argent, pour faire des choses sérieuses… Et cependant, une société où
831 es choses sérieuses… Et cependant, une société où les valeurs de la pensée n’ont plus aucun rapport avec les lois de l’acti
832 uses… Et cependant, une société où les valeurs de la pensée n’ont plus aucun rapport avec les lois de l’action, une sociét
833 aleurs de la pensée n’ont plus aucun rapport avec les lois de l’action, une société qui manque à ce point d’harmonie, et où
834 pensée n’ont plus aucun rapport avec les lois de l’ action, une société qui manque à ce point d’harmonie, et où ce manque
835 ue n’est même plus ressenti comme un scandale, je la vois condamnée à glisser, comme la nôtre, dans un désordre dont la gu
836 n scandale, je la vois condamnée à glisser, comme la nôtre, dans un désordre dont la guerre sera toujours le seul aboutiss
837 à glisser, comme la nôtre, dans un désordre dont la guerre sera toujours le seul aboutissement. L’esprit de Ponce Pila
838 re, dans un désordre dont la guerre sera toujours le seul aboutissement. L’esprit de Ponce Pilate Mais alors, qui es
839 la guerre sera toujours le seul aboutissement. L’ esprit de Ponce Pilate Mais alors, qui est responsable de ce divorc
840 is alors, qui est responsable de ce divorce entre la main et le cerveau ? Nous voyons bien où il nous a menés. Essayons de
841 ui est responsable de ce divorce entre la main et le cerveau ? Nous voyons bien où il nous a menés. Essayons de voir d’où
842 il nous a menés. Essayons de voir d’où il vient. Le phénomène le plus remarquable des débuts du xixe siècle a été, en ef
843 nés. Essayons de voir d’où il vient. Le phénomène le plus remarquable des débuts du xixe siècle a été, en effet, et dans
844 uts du xixe siècle a été, en effet, et dans tous les domaines, l’agrandissement très brusque des possibilités humaines. L’
845 iècle a été, en effet, et dans tous les domaines, l’ agrandissement très brusque des possibilités humaines. L’invention des
846 dissement très brusque des possibilités humaines. L’ invention des machines a brusquement accru nos possibilités d’action s
847 a brusquement accru nos possibilités d’action sur la matière. L’industrie et le commerce ont provoqué la brusque création
848 t accru nos possibilités d’action sur la matière. L’ industrie et le commerce ont provoqué la brusque création de villes én
849 sibilités d’action sur la matière. L’industrie et le commerce ont provoqué la brusque création de villes énormes, dix ou c
850 matière. L’industrie et le commerce ont provoqué la brusque création de villes énormes, dix ou cent fois plus grandes que
851 des masses humaines informes et démesurées, là où l’ on ne connaissait auparavant que des groupements organisés autour de p
852 upements organisés autour de petites entreprises. Les richesses, elles aussi, se sont tant agrandies qu’elles ont échappé a
853 s chiffres abstraits, puissances lointaines, dont les économistes se sont mis à étudier les mœurs étranges, qui paraissaien
854 aines, dont les économistes se sont mis à étudier les mœurs étranges, qui paraissaient aussi mystérieuses que celles des mo
855 stérieuses que celles des monstres antédiluviens. La population de l’Europe a plus que doublé en cent ans, ses richesses o
856 lles des monstres antédiluviens. La population de l’ Europe a plus que doublé en cent ans, ses richesses ont été décuplées,
857 e, et enfin tous ces éléments réunis ont provoqué la création d’armées considérables, agrandissant le phénomène de la guer
858 la création d’armées considérables, agrandissant le phénomène de la guerre, brusquement, aux proportions de la nation ent
859 rmées considérables, agrandissant le phénomène de la guerre, brusquement, aux proportions de la nation entière. Voici donc
860 ène de la guerre, brusquement, aux proportions de la nation entière. Voici donc, dans tous les domaines, que nos pouvoirs
861 tions de la nation entière. Voici donc, dans tous les domaines, que nos pouvoirs d’agir matériellement grandissent, par une
862 ement grandissent, par une mutation brusque, dans la proportion de 1 à 100. Que va faire la pensée, en présence de cet ess
863 sque, dans la proportion de 1 à 100. Que va faire la pensée, en présence de cet essor fulgurant de l’action ? Et que va fa
864 la pensée, en présence de cet essor fulgurant de l’ action ? Et que va faire la culture ? Il semble que la société devienn
865 cet essor fulgurant de l’action ? Et que va faire la culture ? Il semble que la société devienne trop gigantesque pour êtr
866 tion ? Et que va faire la culture ? Il semble que la société devienne trop gigantesque pour être dominée d’un seul regard.
867 igence ne peut plus en comprendre et en maîtriser les rouages. On ne sait pas du tout ce que vont produire ces capitaux éno
868 nt vont réagir ces masses humaines déracinées par l’ industrie, et qui déjà menacent et souffrent. Tout cela échappe aux vu
869 acent et souffrent. Tout cela échappe aux vues de l’ esprit rationaliste. Le panorama de la société devient confus. Plus ri
870 t cela échappe aux vues de l’esprit rationaliste. Le panorama de la société devient confus. Plus rien n’est à la mesure de
871 aux vues de l’esprit rationaliste. Le panorama de la société devient confus. Plus rien n’est à la mesure de l’homme indivi
872 a de la société devient confus. Plus rien n’est à la mesure de l’homme individuel. Quand nous regardons en arrière, nous n
873 té devient confus. Plus rien n’est à la mesure de l’ homme individuel. Quand nous regardons en arrière, nous nous disons :
874 and nous regardons en arrière, nous nous disons : les intellectuels auraient dû faire à ce moment-là un formidable effort d
875 par une vue générale, par une notion générale de l’ homme et des buts de sa destinée, ils pouvaient créer une belle vie !
876 ! Mais si ces mêmes pouvoirs étaient abandonnés à l’ anarchie, s’ils se développaient chacun de son côté sans tenir compte
877 fausse, une vie mauvaise, antihumaine. C’eût été le rôle des hommes de la pensée que d’avertir les hommes d’action. Ils a
878 ise, antihumaine. C’eût été le rôle des hommes de la pensée que d’avertir les hommes d’action. Ils avaient là une chance e
879 été le rôle des hommes de la pensée que d’avertir les hommes d’action. Ils avaient là une chance et un devoir vital. Or, il
880 Or, ils ont perdu cette chance. Ils n’ont pas vu le danger, ils ont eu peur de le prévoir. Et c’est ici que nous allons d
881 e. Ils n’ont pas vu le danger, ils ont eu peur de le prévoir. Et c’est ici que nous allons découvrir le grand ennemi de la
882 e prévoir. Et c’est ici que nous allons découvrir le grand ennemi de la culture ; c’est chez les philosophes et les penseu
883 ici que nous allons découvrir le grand ennemi de la culture ; c’est chez les philosophes et les penseurs qu’il s’est d’ab
884 ouvrir le grand ennemi de la culture ; c’est chez les philosophes et les penseurs qu’il s’est d’abord manifesté. Et je le n
885 emi de la culture ; c’est chez les philosophes et les penseurs qu’il s’est d’abord manifesté. Et je le nommerai : l’esprit
886 les penseurs qu’il s’est d’abord manifesté. Et je le nommerai : l’esprit de démission, de non-intervention, ou la démissio
887 u’il s’est d’abord manifesté. Et je le nommerai : l’ esprit de démission, de non-intervention, ou la démission de l’esprit.
888  : l’esprit de démission, de non-intervention, ou la démission de l’esprit. C’est l’esprit même d’un Ponce Pilate, le scep
889 émission, de non-intervention, ou la démission de l’ esprit. C’est l’esprit même d’un Ponce Pilate, le sceptique qui se lav
890 -intervention, ou la démission de l’esprit. C’est l’ esprit même d’un Ponce Pilate, le sceptique qui se lave les mains et l
891 l’esprit. C’est l’esprit même d’un Ponce Pilate, le sceptique qui se lave les mains et laisse les choses suivre leur cour
892 même d’un Ponce Pilate, le sceptique qui se lave les mains et laisse les choses suivre leur cours fatal. En présence des m
893 ate, le sceptique qui se lave les mains et laisse les choses suivre leur cours fatal. En présence des machines, des capitau
894 rmes questions que posaient ces énormes pouvoirs, les penseurs et les philosophes du dernier siècle, dans leur ensemble, n’
895 ue posaient ces énormes pouvoirs, les penseurs et les philosophes du dernier siècle, dans leur ensemble, n’ont répondu que
896 siècle, dans leur ensemble, n’ont répondu que par la fuite, et par ce qu’ils appelaient le désintéressement de la pensée.
897 ndu que par la fuite, et par ce qu’ils appelaient le désintéressement de la pensée. Ils ont renoncé à leur mission de dire
898 t par ce qu’ils appelaient le désintéressement de la pensée. Ils ont renoncé à leur mission de directeurs spirituels de la
899 enoncé à leur mission de directeurs spirituels de la cité. Bien sûr, ils n’ont pas dit : notre pensée, à partir d’aujourd’
900 d’aujourd’hui, renonce à agir, mais ils ont dit : la dignité de la pensée réside dans son détachement de toute action, dan
901 renonce à agir, mais ils ont dit : la dignité de la pensée réside dans son détachement de toute action, dans son désintér
902 ais ils ont dit : on ne peut plus rien faire, car l’ histoire et l’économie sont régies par des lois inflexibles. Et surtou
903 t : on ne peut plus rien faire, car l’histoire et l’ économie sont régies par des lois inflexibles. Et surtout, au développ
904 nt opposé des milliers de pages de rhétorique sur le Progrès. Merveilleuse doctrine que celle-là ! Car en somme elle justi
905 elle-là ! Car en somme elle justifie tout, endort l’ esprit et le dispense de toute intervention active. Pourquoi s’inquiét
906 r en somme elle justifie tout, endort l’esprit et le dispense de toute intervention active. Pourquoi s’inquiéter des effet
907 ué et délicat pour agir sur ces faits ; secundo : le Progrès automatique arrangera tout. C’est lui qui, désormais, va remp
908 gera tout. C’est lui qui, désormais, va remplacer la bienveillante Providence. La religion est l’opium du peuple, disait M
909 ormais, va remplacer la bienveillante Providence. La religion est l’opium du peuple, disait Marx. Je lui réponds que sa cr
910 acer la bienveillante Providence. La religion est l’ opium du peuple, disait Marx. Je lui réponds que sa croyance au Progrè
911 rx. Je lui réponds que sa croyance au Progrès est l’ opium de la culture. S’il fallait résumer rapidement les caractères gé
912 réponds que sa croyance au Progrès est l’opium de la culture. S’il fallait résumer rapidement les caractères généraux par
913 um de la culture. S’il fallait résumer rapidement les caractères généraux par lesquels se trahit la démission de l’esprit,
914 nt les caractères généraux par lesquels se trahit la démission de l’esprit, je dirais : goût des automatismes, croyance au
915 s généraux par lesquels se trahit la démission de l’ esprit, je dirais : goût des automatismes, croyance aux fatalités de l
916 goût des automatismes, croyance aux fatalités de l’ Histoire et de l’Économie, manie des organisations trop vastes et unif
917 ismes, croyance aux fatalités de l’Histoire et de l’ Économie, manie des organisations trop vastes et uniformes, optimisme
918 e. Kierkegaard qui osa écrire ce blasphème contre les préjugés du siècle : « Le plus grand adversaire de l’esprit, c’est la
919 re ce blasphème contre les préjugés du siècle : «  Le plus grand adversaire de l’esprit, c’est la presse quotidienne. On ne
920 réjugés du siècle : « Le plus grand adversaire de l’ esprit, c’est la presse quotidienne. On ne peut plus prêcher le christ
921 e : « Le plus grand adversaire de l’esprit, c’est la presse quotidienne. On ne peut plus prêcher le christianisme dans un
922 st la presse quotidienne. On ne peut plus prêcher le christianisme dans un monde où règne la presse. » Et Nietzsche, de so
923 s prêcher le christianisme dans un monde où règne la presse. » Et Nietzsche, de son côté, dénonçait la manie d’organiser e
924 la presse. » Et Nietzsche, de son côté, dénonçait la manie d’organiser et de centraliser en écrivant : « L’État est le plu
925 nie d’organiser et de centraliser en écrivant : «  L’ État est le plus froid parmi les monstres froids. » Mais à part ces de
926 iser et de centraliser en écrivant : « L’État est le plus froid parmi les monstres froids. » Mais à part ces deux solitair
927 er en écrivant : « L’État est le plus froid parmi les monstres froids. » Mais à part ces deux solitaires, personne ne sut o
928 sonne ne sut ou n’osa voir à quoi devait conduire le Progrès, abandonné à son mouvement fatal. Le développement de l’indus
929 uire le Progrès, abandonné à son mouvement fatal. Le développement de l’industrie a produit évidemment beaucoup d’automobi
930 ndonné à son mouvement fatal. Le développement de l’ industrie a produit évidemment beaucoup d’automobiles, de téléphones e
931 beaucoup de confort, mais il a également produit la lutte des classes et le chômage, et la grande ville, cette catastroph
932 is il a également produit la lutte des classes et le chômage, et la grande ville, cette catastrophe humaine, l’un des désa
933 nt produit la lutte des classes et le chômage, et la grande ville, cette catastrophe humaine, l’un des désastres moraux de
934 catastrophe humaine, l’un des désastres moraux de l’ Histoire. Tout cela, faute d’harmonie et de mesure humaine, faute d’un
935 el ou culturel. Tout cela parce qu’on pensait que le Progrès était sain, juste et infaillible, et que la seule tâche série
936 Progrès était sain, juste et infaillible, et que la seule tâche sérieuse était de gagner de l’argent en attendant que les
937 et que la seule tâche sérieuse était de gagner de l’ argent en attendant que les choses s’arrangent d’elles-mêmes. Or, en r
938 euse était de gagner de l’argent en attendant que les choses s’arrangent d’elles-mêmes. Or, en réalité, rien ne s’est arran
939 en ne s’est arrangé. Et voici où nous rejoignons le temps présent. Dans une cité où la culture n’a plus en fait l’initiat
940 ous rejoignons le temps présent. Dans une cité où la culture n’a plus en fait l’initiative, ce sont les lois de la product
941 ent. Dans une cité où la culture n’a plus en fait l’ initiative, ce sont les lois de la production et de la guerre qui impo
942 la culture n’a plus en fait l’initiative, ce sont les lois de la production et de la guerre qui imposent leurs nécessités à
943 ’a plus en fait l’initiative, ce sont les lois de la production et de la guerre qui imposent leurs nécessités à notre pens
944 itiative, ce sont les lois de la production et de la guerre qui imposent leurs nécessités à notre pensée impuissante. Quan
945 eurs nécessités à notre pensée impuissante. Quand la culture ne domine plus l’action, c’est l’action qui domine la culture
946 nsée impuissante. Quand la culture ne domine plus l’ action, c’est l’action qui domine la culture, mais une action qui ne s
947 . Quand la culture ne domine plus l’action, c’est l’ action qui domine la culture, mais une action qui ne sait plus où elle
948 e domine plus l’action, c’est l’action qui domine la culture, mais une action qui ne sait plus où elle va ! Et la société
949 mais une action qui ne sait plus où elle va ! Et la société à son tour ne tarde pas à se défaire. Dès que la pensée se sé
950 été à son tour ne tarde pas à se défaire. Dès que la pensée se sépare de l’action, les hommes se trouvent séparés les uns
951 pas à se défaire. Dès que la pensée se sépare de l’ action, les hommes se trouvent séparés les uns des autres. Chacun, dan
952 défaire. Dès que la pensée se sépare de l’action, les hommes se trouvent séparés les uns des autres. Chacun, dans sa spécia
953 épare de l’action, les hommes se trouvent séparés les uns des autres. Chacun, dans sa spécialité, suit des voies totalement
954 res et privées de commune mesure. Décadence de la communauté Je préciserai ce que j’appelle ici la commune mesure d’
955 communauté Je préciserai ce que j’appelle ici la commune mesure d’une civilisation : c’est le principe qui doit harmon
956 ici la commune mesure d’une civilisation : c’est le principe qui doit harmoniser toutes les activités d’une société donné
957 on : c’est le principe qui doit harmoniser toutes les activités d’une société donnée. Dans la cité grecque, par exemple, to
958 r toutes les activités d’une société donnée. Dans la cité grecque, par exemple, tout était rapporté à la mesure de l’indiv
959 cité grecque, par exemple, tout était rapporté à la mesure de l’individu raisonnable. Dans l’Empire romain, tout était ré
960 , par exemple, tout était rapporté à la mesure de l’ individu raisonnable. Dans l’Empire romain, tout était réglé par le dr
961 porté à la mesure de l’individu raisonnable. Dans l’ Empire romain, tout était réglé par le droit d’État. Chez les Juifs, c
962 nable. Dans l’Empire romain, tout était réglé par le droit d’État. Chez les Juifs, c’était la Loi de Moïse qui ordonnait t
963 omain, tout était réglé par le droit d’État. Chez les Juifs, c’était la Loi de Moïse qui ordonnait toute l’existence dans s
964 églé par le droit d’État. Chez les Juifs, c’était la Loi de Moïse qui ordonnait toute l’existence dans ses plus minutieux
965 uifs, c’était la Loi de Moïse qui ordonnait toute l’ existence dans ses plus minutieux détails. Au Moyen Âge, la théologie.
966 ce dans ses plus minutieux détails. Au Moyen Âge, la théologie. Dans toutes ces civilisations, l’action obéissait spontané
967 Âge, la théologie. Dans toutes ces civilisations, l’ action obéissait spontanément aux mêmes lois que la pensée. Mais aujou
968 ’action obéissait spontanément aux mêmes lois que la pensée. Mais aujourd’hui que la Loi des Juifs, le droit et la théolog
969 ux mêmes lois que la pensée. Mais aujourd’hui que la Loi des Juifs, le droit et la théologie sont méprisés ou ignorés, mai
970 la pensée. Mais aujourd’hui que la Loi des Juifs, le droit et la théologie sont méprisés ou ignorés, maintenant que tout,
971 ais aujourd’hui que la Loi des Juifs, le droit et la théologie sont méprisés ou ignorés, maintenant que tout, dans le mond
972 nt méprisés ou ignorés, maintenant que tout, dans le monde, échappe aux prises de l’esprit humain, il ne reste qu’un seul
973 nt que tout, dans le monde, échappe aux prises de l’ esprit humain, il ne reste qu’un seul principe pour mesurer la valeur
974 ain, il ne reste qu’un seul principe pour mesurer la valeur de nos actes : c’est l’Argent. Et quand il n’y a plus d’argent
975 ncipe pour mesurer la valeur de nos actes : c’est l’ Argent. Et quand il n’y a plus d’argent, c’est la misère. Et quand la
976 l’Argent. Et quand il n’y a plus d’argent, c’est la misère. Et quand la misère est trop grande, alors c’est l’État-provid
977 il n’y a plus d’argent, c’est la misère. Et quand la misère est trop grande, alors c’est l’État-providence qui se charge d
978 . Et quand la misère est trop grande, alors c’est l’ État-providence qui se charge de tout mettre au pas. Le malheur, c’est
979 t-providence qui se charge de tout mettre au pas. Le malheur, c’est que l’Argent et l’État sont des principes qui ne valen
980 arge de tout mettre au pas. Le malheur, c’est que l’ Argent et l’État sont des principes qui ne valent rien dans le domaine
981 mettre au pas. Le malheur, c’est que l’Argent et l’ État sont des principes qui ne valent rien dans le domaine de l’esprit
982 l’État sont des principes qui ne valent rien dans le domaine de l’esprit. Et dès lors, la culture en chômage se corrompt r
983 s principes qui ne valent rien dans le domaine de l’ esprit. Et dès lors, la culture en chômage se corrompt rapidement, s’a
984 nt rien dans le domaine de l’esprit. Et dès lors, la culture en chômage se corrompt rapidement, s’asservit. Je vous en don
985 que chacun de vous peut vérifier quotidiennement. Le fondement et le symbole de toute culture, c’est le langage. Or nous a
986 us peut vérifier quotidiennement. Le fondement et le symbole de toute culture, c’est le langage. Or nous assistons aujourd
987 e fondement et le symbole de toute culture, c’est le langage. Or nous assistons aujourd’hui à une extraordinaire décadence
988 e, en tous pays. Au cours des siècles précédents, les hommes d’une même société s’entendaient sur le sens de certains mots
989 , les hommes d’une même société s’entendaient sur le sens de certains mots fondamentaux que j’appellerai les lieux communs
990 ns de certains mots fondamentaux que j’appellerai les lieux communs. C’était sur la base de ces mots définis une fois pour
991 x que j’appellerai les lieux communs. C’était sur la base de ces mots définis une fois pour toutes que les échanges d’idée
992 base de ces mots définis une fois pour toutes que les échanges d’idées pouvaient se produire sans erreur ni malentendu. Les
993 pouvaient se produire sans erreur ni malentendu. Les lieux communs étaient donc à la base de toute la vie sociale du siècl
994 r ni malentendu. Les lieux communs étaient donc à la base de toute la vie sociale du siècle. Que sont-ils devenus parmi no
995 Les lieux communs étaient donc à la base de toute la vie sociale du siècle. Que sont-ils devenus parmi nous ? Prenons troi
996 ils devenus parmi nous ? Prenons trois mots parmi les plus fréquents dans les discours et les écrits de notre époque : espr
997 Prenons trois mots parmi les plus fréquents dans les discours et les écrits de notre époque : esprit, liberté et ordre. Je
998 ots parmi les plus fréquents dans les discours et les écrits de notre époque : esprit, liberté et ordre. Je constate que le
999 poque : esprit, liberté et ordre. Je constate que le mot esprit a déjà vingt-neuf sens différents dans le dictionnaire de
1000 mot esprit a déjà vingt-neuf sens différents dans le dictionnaire de Littré. Mais cela n’est pas un mal, car ces sens, jus
1001 personne ne s’entend. Tout le monde veut défendre l’ esprit, mais pour certains, c’est le Saint-Esprit de la théologie, pou
1002 veut défendre l’esprit, mais pour certains, c’est le Saint-Esprit de la théologie, pour d’autres, c’est la raison humaine
1003 rit, mais pour certains, c’est le Saint-Esprit de la théologie, pour d’autres, c’est la raison humaine ou l’ensemble de la
1004 aint-Esprit de la théologie, pour d’autres, c’est la raison humaine ou l’ensemble de la culture. Pour celui-ci, l’esprit s
1005 ologie, pour d’autres, c’est la raison humaine ou l’ ensemble de la culture. Pour celui-ci, l’esprit signifiera le luxe des
1006 ’autres, c’est la raison humaine ou l’ensemble de la culture. Pour celui-ci, l’esprit signifiera le luxe des délicats, et
1007 maine ou l’ensemble de la culture. Pour celui-ci, l’ esprit signifiera le luxe des délicats, et pour cet autre, l’activité
1008 de la culture. Pour celui-ci, l’esprit signifiera le luxe des délicats, et pour cet autre, l’activité révolutionnaire des
1009 gnifiera le luxe des délicats, et pour cet autre, l’ activité révolutionnaire des créateurs. Si j’affirme que mon but est d
1010 créateurs. Si j’affirme que mon but est de sauver l’ esprit, le marxiste en déduira que je néglige la vie concrète, que je
1011 Si j’affirme que mon but est de sauver l’esprit, le marxiste en déduira que je néglige la vie concrète, que je m’évade da
1012 r l’esprit, le marxiste en déduira que je néglige la vie concrète, que je m’évade dans le spiritualisme, alors que je ne v
1013 e je néglige la vie concrète, que je m’évade dans le spiritualisme, alors que je ne vois de salut pour l’esprit que dans l
1014 spiritualisme, alors que je ne vois de salut pour l’ esprit que dans la présence effective de la pensée et de la foi à tout
1015 rs que je ne vois de salut pour l’esprit que dans la présence effective de la pensée et de la foi à toutes les misères de
1016 t pour l’esprit que dans la présence effective de la pensée et de la foi à toutes les misères de ce monde. La liberté : to
1017 que dans la présence effective de la pensée et de la foi à toutes les misères de ce monde. La liberté : tout le monde l’in
1018 ence effective de la pensée et de la foi à toutes les misères de ce monde. La liberté : tout le monde l’invoque, n’est-ce p
1019 ée et de la foi à toutes les misères de ce monde. La liberté : tout le monde l’invoque, n’est-ce pas ? Mais pour l’économi
1020 s misères de ce monde. La liberté : tout le monde l’ invoque, n’est-ce pas ? Mais pour l’économiste libéral, cela signifie
1021 tout le monde l’invoque, n’est-ce pas ? Mais pour l’ économiste libéral, cela signifie le droit de ruiner le voisin par le
1022 s ? Mais pour l’économiste libéral, cela signifie le droit de ruiner le voisin par le jeu de la concurrence ; pour l’indiv
1023 nomiste libéral, cela signifie le droit de ruiner le voisin par le jeu de la concurrence ; pour l’individualiste anarchisa
1024 l, cela signifie le droit de ruiner le voisin par le jeu de la concurrence ; pour l’individualiste anarchisant, ce sera le
1025 gnifie le droit de ruiner le voisin par le jeu de la concurrence ; pour l’individualiste anarchisant, ce sera le refus d’o
1026 ner le voisin par le jeu de la concurrence ; pour l’ individualiste anarchisant, ce sera le refus d’obéir à l’État ; dans t
1027 ence ; pour l’individualiste anarchisant, ce sera le refus d’obéir à l’État ; dans tel pays, la liberté consiste à s’armer
1028 idualiste anarchisant, ce sera le refus d’obéir à l’ État ; dans tel pays, la liberté consiste à s’armer jusqu’aux dents au
1029 e sera le refus d’obéir à l’État ; dans tel pays, la liberté consiste à s’armer jusqu’aux dents au prix de dures privation
1030 prix de dures privations ; dans un deuxième pays, la liberté signifiera le droit pour le plus fort de s’annexer un voisin
1031 ns ; dans un deuxième pays, la liberté signifiera le droit pour le plus fort de s’annexer un voisin faible ; dans un trois
1032 euxième pays, la liberté signifiera le droit pour le plus fort de s’annexer un voisin faible ; dans un troisième pays, la
1033 nnexer un voisin faible ; dans un troisième pays, la liberté sera tout simplement la permission de dire à haute voix ce qu
1034 n troisième pays, la liberté sera tout simplement la permission de dire à haute voix ce que l’on pense. Et quand ces trois
1035 plement la permission de dire à haute voix ce que l’ on pense. Et quand ces trois pays se feront la guerre, ils la feront t
1036 que l’on pense. Et quand ces trois pays se feront la guerre, ils la feront tous au nom de la liberté… Et l’ordre enfin sig
1037 Et quand ces trois pays se feront la guerre, ils la feront tous au nom de la liberté… Et l’ordre enfin signifiera tantôt
1038 se feront la guerre, ils la feront tous au nom de la liberté… Et l’ordre enfin signifiera tantôt le statu quo social, si a
1039 erre, ils la feront tous au nom de la liberté… Et l’ ordre enfin signifiera tantôt le statu quo social, si absurde qu’il so
1040 de la liberté… Et l’ordre enfin signifiera tantôt le statu quo social, si absurde qu’il soit, tantôt l’établissement d’une
1041 e statu quo social, si absurde qu’il soit, tantôt l’ établissement d’une hiérarchie nouvelle au prix d’une révolution, tant
1042 rarchie nouvelle au prix d’une révolution, tantôt la suppression physique de tous ceux qui critiquent le désordre établi,
1043 suppression physique de tous ceux qui critiquent le désordre établi, tantôt le fait qu’on n’assassine plus dans la rue ma
1044 us ceux qui critiquent le désordre établi, tantôt le fait qu’on n’assassine plus dans la rue mais seulement dans les priso
1045 tabli, tantôt le fait qu’on n’assassine plus dans la rue mais seulement dans les prisons d’État. Je n’hésite pas à le dire
1046 n’assassine plus dans la rue mais seulement dans les prisons d’État. Je n’hésite pas à le dire : l’une des causes principa
1047 lement dans les prisons d’État. Je n’hésite pas à le dire : l’une des causes principales de la mésentente des peuples rési
1048 e pas à le dire : l’une des causes principales de la mésentente des peuples réside dans ce désordre du langage, et dans l’
1049 uples réside dans ce désordre du langage, et dans l’ absence de toute autorité morale capable d’y porter remède. Car qui pe
1050 d’y porter remède. Car qui peut fixer aujourd’hui le véritable sens des mots ? En d’autres temps, c’étaient l’Église et la
1051 able sens des mots ? En d’autres temps, c’étaient l’ Église et la théologie qui s’en chargeaient. Puis ce furent les écriva
1052 s mots ? En d’autres temps, c’étaient l’Église et la théologie qui s’en chargeaient. Puis ce furent les écrivains. Mais qu
1053 la théologie qui s’en chargeaient. Puis ce furent les écrivains. Mais que peuvent-ils dans notre monde démesuré ? Un Valéry
1054 del ont quelques milliers de lecteurs, tandis que la presse du soir et la radio atteignent chaque jour des millions d’homm
1055 iers de lecteurs, tandis que la presse du soir et la radio atteignent chaque jour des millions d’hommes, et c’est tout un
1056 d’hommes, et c’est tout un domaine du langage que l’ écrivain ne contrôle pas, ne forme pas, n’atteint même pas. Ainsi se c
1057 et leur sens, et leur délicatesse d’appel. Alors les écrivains, qui n’ont pas d’autres armes que les mots, se voient privé
1058 s les écrivains, qui n’ont pas d’autres armes que les mots, se voient privés de tout moyen d’agir. Leurs conseils, leurs ap
1059 ir. Leurs conseils, leurs appels ne portent plus. Les hommes échangent des paroles en plus grand nombre que jamais, et ne s
1060 jamais, et ne se disent rien qui compte. Or quand la parole se détruit, quand elle n’est plus le don qu’un homme fait à un
1061 quand la parole se détruit, quand elle n’est plus le don qu’un homme fait à un homme, et qui engage quelque chose de son ê
1062 e, et qui engage quelque chose de son être, c’est l’ amitié humaine qui se détruit, le fondement même de toute communauté.
1063 son être, c’est l’amitié humaine qui se détruit, le fondement même de toute communauté. Alors paraît le règne de la force
1064 fondement même de toute communauté. Alors paraît le règne de la force ! Si nulle autorité spirituelle ne peut fixer le se
1065 ême de toute communauté. Alors paraît le règne de la force ! Si nulle autorité spirituelle ne peut fixer le sens des mots,
1066 rce ! Si nulle autorité spirituelle ne peut fixer le sens des mots, la propagande brutale s’en chargera. À la place des gr
1067 orité spirituelle ne peut fixer le sens des mots, la propagande brutale s’en chargera. À la place des grands lieux communs
1068 des mots, la propagande brutale s’en chargera. À la place des grands lieux communs chargés de sens traditionnel, nous aur
1069 rons des slogans, des mots d’ordre simplistes. Et l’ on pourra changer le sens des mots sept fois par an, selon les besoins
1070 s mots d’ordre simplistes. Et l’on pourra changer le sens des mots sept fois par an, selon les besoins de la cause. C’est
1071 changer le sens des mots sept fois par an, selon les besoins de la cause. C’est ainsi que tout récemment le ministre d’une
1072 s des mots sept fois par an, selon les besoins de la cause. C’est ainsi que tout récemment le ministre d’une grande puissa
1073 soins de la cause. C’est ainsi que tout récemment le ministre d’une grande puissance, le camarade Molotov, déclarait que l
1074 out récemment le ministre d’une grande puissance, le camarade Molotov, déclarait que le mot d’agression avait changé de se
1075 nde puissance, le camarade Molotov, déclarait que le mot d’agression avait changé de sens depuis ce printemps, « les événe
1076 ssion avait changé de sens depuis ce printemps, «  les événements lui ayant donné un contenu historique nouveau », exactemen
1077 ntenu historique nouveau », exactement inverse de l’ ancien… Cela me fit songer irrésistiblement à un dialogue d’Alice au p
1078 e que je veux qu’il signifie… ni plus ni moins. —  La question est de savoir, dit Alice, si vous pouvez faire que les mêmes
1079 st de savoir, dit Alice, si vous pouvez faire que les mêmes mots signifient des choses différentes ? — La question est de s
1080 mêmes mots signifient des choses différentes ? —  La question est de savoir, dit Humpty Dumpty, qui est le plus fort… et c
1081 uestion est de savoir, dit Humpty Dumpty, qui est le plus fort… et c’est tout. » Nous en sommes exactement là : c’est le p
1082 ’est tout. » Nous en sommes exactement là : c’est le plus fort qui définit le sens des mots et qui l’impose à son caprice.
1083 es exactement là : c’est le plus fort qui définit le sens des mots et qui l’impose à son caprice. Eh ! bien, je dis que lo
1084 le plus fort qui définit le sens des mots et qui l’ impose à son caprice. Eh ! bien, je dis que lorsqu’on en arrive à une
1085 rrive à une pareille décadence des lieux communs, la culture est à l’agonie. Mais en même temps, la vie sociale et politiq
1086 lle décadence des lieux communs, la culture est à l’ agonie. Mais en même temps, la vie sociale et politique devient pratiq
1087 s, la culture est à l’agonie. Mais en même temps, la vie sociale et politique devient pratiquement impossible. Les masses
1088 ale et politique devient pratiquement impossible. Les masses le sentent aussi bien que les chefs, obscurément, dans les tro
1089 tique devient pratiquement impossible. Les masses le sentent aussi bien que les chefs, obscurément, dans les trop grands p
1090 impossible. Les masses le sentent aussi bien que les chefs, obscurément, dans les trop grands pays. C’est une angoisse inf
1091 ntent aussi bien que les chefs, obscurément, dans les trop grands pays. C’est une angoisse informulée, mais dont les signes
1092 ds pays. C’est une angoisse informulée, mais dont les signes sont partout. L’appel au dictateur Or maintenant, de cet
1093 informulée, mais dont les signes sont partout. L’ appel au dictateur Or maintenant, de cette angoisse monte un appel,
1094 Or maintenant, de cette angoisse monte un appel, le formidable et inconscient appel des masses vers une communauté humain
1095 maine rénovée dans son esprit et dans ses signes, l’ appel de toute l’Europe du xxe siècle vers une commune mesure restaur
1096 s son esprit et dans ses signes, l’appel de toute l’ Europe du xxe siècle vers une commune mesure restaurée et vivante. Et
1097 e et vivante. Et c’est à cet appel qu’ont répondu les chefs des grands mouvements collectivistes. Tout leur génie, s’il fau
1098 leur en reconnaître, a consisté à deviner — avant les intellectuels ! — la vraie nature de l’angoisse des foules, pour lui
1099 consisté à deviner — avant les intellectuels ! —  la vraie nature de l’angoisse des foules, pour lui donner une réponse à
1100 — avant les intellectuels ! — la vraie nature de l’ angoisse des foules, pour lui donner une réponse à la fois frappante e
1101 dit. C’est bien simple. Nous allons proclamer que l’ intérêt de l’État dont nous sommes devenus les maîtres est la seule rè
1102 en simple. Nous allons proclamer que l’intérêt de l’ État dont nous sommes devenus les maîtres est la seule règle de toute
1103 que l’intérêt de l’État dont nous sommes devenus les maîtres est la seule règle de toute activité, culturelle, politique,
1104 e l’État dont nous sommes devenus les maîtres est la seule règle de toute activité, culturelle, politique, ou même religie
1105 u même religieuse. » C’était un coup de génie, si le génie consiste à deviner et à prévenir les inconscients désirs d’une
1106 nie, si le génie consiste à deviner et à prévenir les inconscients désirs d’une nation. Mais on peut avoir du génie et fair
1107 es chefs étaient horriblement pressés, à cause de la misère que subissaient leurs peuples. Et voici la faute de calcul qu’
1108 la misère que subissaient leurs peuples. Et voici la faute de calcul qu’ils me paraissent avoir commise : ils ont voulu im
1109 araissent avoir commise : ils ont voulu imposer à l’ ensemble des principes qui étaient partiels. La discipline d’État, ou
1110 à l’ensemble des principes qui étaient partiels. La discipline d’État, ou le sang, ou la classe, ce sont certes des réali
1111 es qui étaient partiels. La discipline d’État, ou le sang, ou la classe, ce sont certes des réalités. Mais des réalités pa
1112 nt partiels. La discipline d’État, ou le sang, ou la classe, ce sont certes des réalités. Mais des réalités partielles. Si
1113 es des réalités. Mais des réalités partielles. Si la loi qu’on impose à tous est calculée seulement pour certains types, s
1114 une odieuse tyrannie pour tous ceux qui débordent le cadre, c’est autant dire pour tous les hommes vraiment humains. L’app
1115 i débordent le cadre, c’est autant dire pour tous les hommes vraiment humains. L’appel des peuples reste insatisfait. Il co
1116 utant dire pour tous les hommes vraiment humains. L’ appel des peuples reste insatisfait. Il continue à nous poser la plus
1117 uples reste insatisfait. Il continue à nous poser la plus sérieuse question humaine. Et s’il n’est pas encore aussi tragiq
1118 re aussi tragique dans des pays moins menacés par la misère, comme par exemple nos petits États neutres, ne nous faisons p
1119 igera une réponse. Reste à savoir si nous saurons la lui donner, si nous saurons utiliser le délai qui nous est accordé, à
1120 s saurons la lui donner, si nous saurons utiliser le délai qui nous est accordé, à nous les neutres, pour découvrir les vr
1121 ns utiliser le délai qui nous est accordé, à nous les neutres, pour découvrir les vraies causes du mal, et non seulement po
1122 s est accordé, à nous les neutres, pour découvrir les vraies causes du mal, et non seulement pour décrire ses remèdes, mais
1123 ement pour décrire ses remèdes, mais surtout pour les essayer sur nous d’abord. À la recherche de l’homme réel … Sur
1124 s surtout pour les essayer sur nous d’abord. À la recherche de l’homme réel … Sur quel principe pourrions-nous rebât
1125 es essayer sur nous d’abord. À la recherche de l’ homme réel … Sur quel principe pourrions-nous rebâtir un monde qui
1126 qui soit vraiment à hauteur d’homme ? Un monde où la pensée, la culture et l’esprit soient de nouveau capables d’agir ? Et
1127 aiment à hauteur d’homme ? Un monde où la pensée, la culture et l’esprit soient de nouveau capables d’agir ? Et quelle est
1128 ur d’homme ? Un monde où la pensée, la culture et l’ esprit soient de nouveau capables d’agir ? Et quelle est l’attitude de
1129 soient de nouveau capables d’agir ? Et quelle est l’ attitude de pensée qui peut nous orienter dès à présent vers une commu
1130 ? Il nous faut rapprendre à penser, à penser dans le train de l’action, oui, à penser avec les mains. Il nous faut voir qu
1131 ut rapprendre à penser, à penser dans le train de l’ action, oui, à penser avec les mains. Il nous faut voir que tout dépen
1132 ut commence à changer. S’il ne change pas, toutes les réformes matérielles sont inutiles et tournent au malheur. Car le mal
1133 rielles sont inutiles et tournent au malheur. Car le mal qui est dans l’action n’a pas d’autres racines que le mal qui est
1134 s et tournent au malheur. Car le mal qui est dans l’ action n’a pas d’autres racines que le mal qui est dans la pensée. Et
1135 ui est dans l’action n’a pas d’autres racines que le mal qui est dans la pensée. Et voici sa racine profonde : politiciens
1136 n’a pas d’autres racines que le mal qui est dans la pensée. Et voici sa racine profonde : politiciens ou intellectuels, t
1137 e : politiciens ou intellectuels, tous ont oublié l’ homme dans leurs calculs, ou bien se sont trompés sur sa nature. Ils o
1138 t est faux, et c’est pourquoi leurs efforts, même les plus sincères, aboutissent au malheur de l’homme. Dans ce monde qui a
1139 même les plus sincères, aboutissent au malheur de l’ homme. Dans ce monde qui a perdu la mesure, le seul devoir des intelle
1140 au malheur de l’homme. Dans ce monde qui a perdu la mesure, le seul devoir des intellectuels — et j’ajouterai : leur seul
1141 de l’homme. Dans ce monde qui a perdu la mesure, le seul devoir des intellectuels — et j’ajouterai : leur seul pouvoir —
1142 ai : leur seul pouvoir — c’est donc de rechercher l’ homme perdu. Or l’histoire nous apprend que l’homme ne trouve sa plein
1143 voir — c’est donc de rechercher l’homme perdu. Or l’ histoire nous apprend que l’homme ne trouve sa pleine réalité et sa me
1144 her l’homme perdu. Or l’histoire nous apprend que l’ homme ne trouve sa pleine réalité et sa mesure qu’au sein d’un groupe
1145 i trop vaste ni trop étroit. Il n’est pas bon que l’ homme soit seul ; il n’est pas bon non plus que l’homme soit foule. Le
1146 l’homme soit seul ; il n’est pas bon non plus que l’ homme soit foule. Le monde rationaliste et libéral supposait que l’hum
1147 il n’est pas bon non plus que l’homme soit foule. Le monde rationaliste et libéral supposait que l’humanité n’était qu’un
1148 e. Le monde rationaliste et libéral supposait que l’ humanité n’était qu’un assemblage d’individus, d’hommes qui avaient su
1149 s droits légaux, et très peu de devoirs naturels. L’ individu rationaliste, c’était un homme in abstracto, privé d’attaches
1150 tait un homme in abstracto, privé d’attaches avec le sol, la patrie et l’hérédité. C’était un homme libéré des servitudes
1151 homme in abstracto, privé d’attaches avec le sol, la patrie et l’hérédité. C’était un homme libéré des servitudes et des t
1152 racto, privé d’attaches avec le sol, la patrie et l’ hérédité. C’était un homme libéré des servitudes et des tabous de la t
1153 t un homme libéré des servitudes et des tabous de la tribu, mais en même temps privé de relations concrètes. Or la communa
1154 is en même temps privé de relations concrètes. Or la communauté des hommes se fonde d’abord sur des relations charnelles e
1155 relations charnelles et concrètes. C’est pourquoi l’ individualisme qui les néglige est une doctrine antisociale. Elle a po
1156 et concrètes. C’est pourquoi l’individualisme qui les néglige est une doctrine antisociale. Elle a pour effet mécanique de
1157 r toute communauté naturelle. Et alors se produit le phénomène auquel nous avons assisté depuis une trentaine d’années. L’
1158 nous avons assisté depuis une trentaine d’années. L’ homme isolé, dans un monde trop vaste, ne se sent plus porté au sein d
1159 e résistance aux courants d’opinion, aux modes, à la publicité des grandes firmes et des grands partis politiques. À ce mo
1160 al. C’est une sorte d’angoisse diffuse, d’où naît le besoin d’un coude à coude où l’individu isolé retrouve des contrainte
1161 iffuse, d’où naît le besoin d’un coude à coude où l’ individu isolé retrouve des contraintes qui le rassurent. Appel à une
1162 où l’individu isolé retrouve des contraintes qui le rassurent. Appel à une communauté : c’est le secret de toute révoluti
1163 qui le rassurent. Appel à une communauté : c’est le secret de toute révolution. Alors, d’un coup de balancier, nous nous
1164 nous nous trouvons portés à l’autre pôle, qui est le pôle collectiviste. Toute l’histoire de l’Europe peut être ramenée à
1165 ’autre pôle, qui est le pôle collectiviste. Toute l’ histoire de l’Europe peut être ramenée à ces grands balancements d’un
1166 ui est le pôle collectiviste. Toute l’histoire de l’ Europe peut être ramenée à ces grands balancements d’un pôle à l’autre
1167 à ces grands balancements d’un pôle à l’autre. À l’ anarchie individualiste de la Grèce répond l’étatisme romain. Au colle
1168 un pôle à l’autre. À l’anarchie individualiste de la Grèce répond l’étatisme romain. Au collectivisme sacral du Moyen Âge
1169 e. À l’anarchie individualiste de la Grèce répond l’ étatisme romain. Au collectivisme sacral du Moyen Âge répond la révolt
1170 main. Au collectivisme sacral du Moyen Âge répond la révolte individualiste de la Renaissance. Et aujourd’hui, nouvelle os
1171 du Moyen Âge répond la révolte individualiste de la Renaissance. Et aujourd’hui, nouvelle oscillation du balancier : le v
1172 aujourd’hui, nouvelle oscillation du balancier : le vide social créé par l’individualisme du siècle passé appelle une pui
1173 scillation du balancier : le vide social créé par l’ individualisme du siècle passé appelle une puissante réaction collecti
1174 Sortirons-nous jamais de cette dialectique, dont les phases et les renversements menacent aujourd’hui d’anéantir l’Europe 
1175 s jamais de cette dialectique, dont les phases et les renversements menacent aujourd’hui d’anéantir l’Europe ? Il s’agit de
1176 les renversements menacent aujourd’hui d’anéantir l’ Europe ? Il s’agit de résoudre enfin l’éternel problème que nous posen
1177 d’anéantir l’Europe ? Il s’agit de résoudre enfin l’ éternel problème que nous posent les relations de l’individu et de la
1178 résoudre enfin l’éternel problème que nous posent les relations de l’individu et de la collectivité. Il s’agit de voir que
1179 éternel problème que nous posent les relations de l’ individu et de la collectivité. Il s’agit de voir que l’homme concret
1180 que nous posent les relations de l’individu et de la collectivité. Il s’agit de voir que l’homme concret n’est pas le Robi
1181 vidu et de la collectivité. Il s’agit de voir que l’ homme concret n’est pas le Robinson d’une île déserte, ni l’anonyme nu
1182 . Il s’agit de voir que l’homme concret n’est pas le Robinson d’une île déserte, ni l’anonyme numéro d’un rang, mais qu’il
1183 ncret n’est pas le Robinson d’une île déserte, ni l’ anonyme numéro d’un rang, mais qu’il est à la fois un être unique et u
1184 upe, être un homme libre et pourtant relié, c’est l’ idéal de l’homme occidental. N’allons pas dire que c’est une utopie !
1185 n homme libre et pourtant relié, c’est l’idéal de l’ homme occidental. N’allons pas dire que c’est une utopie ! Car ce prob
1186 t idéal réalisé, au ier siècle de notre ère, par les communautés de l’Église primitive. Le chrétien primitif est un homme
1187 ier siècle de notre ère, par les communautés de l’ Église primitive. Le chrétien primitif est un homme qui, du fait de sa
1188 e ère, par les communautés de l’Église primitive. Le chrétien primitif est un homme qui, du fait de sa conversion, se trou
1189 se trouve chargé d’une vocation particulière qui le distingue de tous ses voisins ; mais d’autre part, cette vocation uni
1190 oisins ; mais d’autre part, cette vocation unique le met en relation avec des frères et l’introduit dans une communauté no
1191 tion unique le met en relation avec des frères et l’ introduit dans une communauté nouvelle. Voilà l’homme que j’appelle un
1192 t l’introduit dans une communauté nouvelle. Voilà l’ homme que j’appelle une personne : il est à la fois libre et engagé, e
1193 bre et engagé, et il est libéré par cela même qui l’ engage envers son prochain, je veux dire par sa vocation. Eh bien, je
1194 je veux dire par sa vocation. Eh bien, je dis que les maux dont nous souffrons sont avant tout des maladies de la personne.
1195 nt nous souffrons sont avant tout des maladies de la personne. Quand l’homme oublie qu’il est responsable de sa vocation e
1196 ont avant tout des maladies de la personne. Quand l’ homme oublie qu’il est responsable de sa vocation envers ses prochains
1197 cation envers lui-même, il devient collectiviste. L’ homme complet et réel, c’est celui qui se sait à la fois libre d’être
1198 sait à la fois libre d’être soi-même vis-à-vis de l’ ensemble, et engagé vis-à-vis de cet ensemble par l’exercice d’une voc
1199 ensemble, et engagé vis-à-vis de cet ensemble par l’ exercice d’une vocation qui le relie à ses prochains. C’est pour cet h
1200 de cet ensemble par l’exercice d’une vocation qui le relie à ses prochains. C’est pour cet homme réel qu’il faut tout rebâ
1201 ons montré que c’est justement cet homme-là qui a le plus de peine à subsister ou à se former dans le monde moderne. Car s
1202 le plus de peine à subsister ou à se former dans le monde moderne. Car supposez qu’un homme se sente une vocation et déci
1203 ez qu’un homme se sente une vocation et décide de la réaliser. Il se trouve en présence d’un monde que l’histoire et la so
1204 réaliser. Il se trouve en présence d’un monde que l’ histoire et la sociologie ont encombré de lois fatales. Que peut-il se
1205 e trouve en présence d’un monde que l’histoire et la sociologie ont encombré de lois fatales. Que peut-il seul, contre ces
1206 as du tout de sa vocation personnelle. Voici donc le dilemme où nous placent la culture actuelle et le monde actuel : ou b
1207 ersonnelle. Voici donc le dilemme où nous placent la culture actuelle et le monde actuel : ou bien tu veux rester toi-même
1208 le dilemme où nous placent la culture actuelle et le monde actuel : ou bien tu veux rester toi-même, mais alors tu ne pour
1209 Par un changement d’état d’esprit aussi bien chez les intellectuels créateurs que chez les amateurs de vraie culture, les l
1210 si bien chez les intellectuels créateurs que chez les amateurs de vraie culture, les lecteurs, le public cultivé. Car c’est
1211 créateurs que chez les amateurs de vraie culture, les lecteurs, le public cultivé. Car c’est de ce changement d’état d’espr
1212 chez les amateurs de vraie culture, les lecteurs, le public cultivé. Car c’est de ce changement d’état d’esprit que sortir
1213 ’est de ce changement d’état d’esprit que sortira la possibilité de repenser une société. Raisons d’espérer : la cultur
1214 é de repenser une société. Raisons d’espérer : la culture et les groupes Je voudrais vous dire, maintenant, les rais
1215 une société. Raisons d’espérer : la culture et les groupes Je voudrais vous dire, maintenant, les raisons que j’ai d’
1216 les groupes Je voudrais vous dire, maintenant, les raisons que j’ai d’espérer, après avoir tant critiqué. Je voudrais vo
1217 vous énumérer les premiers succès remportés, dans la bataille de la culture moderne, par l’esprit créateur sur l’esprit fa
1218 es premiers succès remportés, dans la bataille de la culture moderne, par l’esprit créateur sur l’esprit fataliste. Ce qui
1219 rtés, dans la bataille de la culture moderne, par l’ esprit créateur sur l’esprit fataliste. Ce qui paralysait les intellec
1220 de la culture moderne, par l’esprit créateur sur l’ esprit fataliste. Ce qui paralysait les intellectuels qui sentaient le
1221 réateur sur l’esprit fataliste. Ce qui paralysait les intellectuels qui sentaient le besoin d’agir sur les destins de la ci
1222 Ce qui paralysait les intellectuels qui sentaient le besoin d’agir sur les destins de la cité, c’était, depuis Hegel, Augu
1223 intellectuels qui sentaient le besoin d’agir sur les destins de la cité, c’était, depuis Hegel, Auguste Comte, et Marx, l’
1224 qui sentaient le besoin d’agir sur les destins de la cité, c’était, depuis Hegel, Auguste Comte, et Marx, l’idée que l’His
1225 é, c’était, depuis Hegel, Auguste Comte, et Marx, l’ idée que l’Histoire obéit à des lois contre lesquelles l’homme ne peut
1226 depuis Hegel, Auguste Comte, et Marx, l’idée que l’ Histoire obéit à des lois contre lesquelles l’homme ne peut rien. Conc
1227 que l’Histoire obéit à des lois contre lesquelles l’ homme ne peut rien. Conception très lugubre, mais commode, car elle ju
1228 n très lugubre, mais commode, car elle justifiait l’ inaction ou la retraite dans les bibliothèques. Or cette idée de lois
1229 , mais commode, car elle justifiait l’inaction ou la retraite dans les bibliothèques. Or cette idée de lois fatales avait
1230 ar elle justifiait l’inaction ou la retraite dans les bibliothèques. Or cette idée de lois fatales avait été empruntée à la
1231 cette idée de lois fatales avait été empruntée à la science, et transportée abusivement dans les domaines plus humains de
1232 tée à la science, et transportée abusivement dans les domaines plus humains de l’histoire, de la sociologie, et même de la
1233 tée abusivement dans les domaines plus humains de l’ histoire, de la sociologie, et même de la psychologie. Et voici que ce
1234 dans les domaines plus humains de l’histoire, de la sociologie, et même de la psychologie. Et voici que cette idée paraly
1235 mains de l’histoire, de la sociologie, et même de la psychologie. Et voici que cette idée paralysante est en train de subi
1236 bir certains coups décisifs : ce sont précisément les hommes de science qui, les premiers, cessent d’y croire. Ils ont reco
1237 ire. Ils ont reconnu, depuis quelques années, que la notion de lois tout objectives, de lois absolument indépendantes de l
1238 t objectives, de lois absolument indépendantes de l’ homme, n’était qu’une illusion rationaliste. Qu’il me suffise de rappe
1239 on rationaliste. Qu’il me suffise de rappeler ici les découvertes de la physique des quanta : elle a prouvé que l’observati
1240 ’il me suffise de rappeler ici les découvertes de la physique des quanta : elle a prouvé que l’observation microscopique m
1241 tes de la physique des quanta : elle a prouvé que l’ observation microscopique modifie en réalité les phénomènes que l’on o
1242 ue l’observation microscopique modifie en réalité les phénomènes que l’on observe. Et les savants nous disent aujourd’hui q
1243 croscopique modifie en réalité les phénomènes que l’ on observe. Et les savants nous disent aujourd’hui que les fameuses lo
1244 ie en réalité les phénomènes que l’on observe. Et les savants nous disent aujourd’hui que les fameuses lois scientifiques n
1245 serve. Et les savants nous disent aujourd’hui que les fameuses lois scientifiques ne sont en fait que de commodes conventio
1246 s, dépendant des systèmes de mesures inventés par l’ esprit humain. Or si la science elle-même vient nous dire que même dan
1247 es de mesures inventés par l’esprit humain. Or si la science elle-même vient nous dire que même dans l’ordre matériel, il
1248 a science elle-même vient nous dire que même dans l’ ordre matériel, il n’est plus permis de concevoir une observation impa
1249 combien plus forte raison pourrons-nous dénoncer l’ illusion des historiens et sociologues qui prétendaient décrire object
1250 ociologues qui prétendaient décrire objectivement les lois rigides de notre société. En vérité, il n’est de lois fatales q
1251 é. En vérité, il n’est de lois fatales que là où l’ esprit démissionne. Toute action créatrice de l’homme normal inflige u
1252 ù l’esprit démissionne. Toute action créatrice de l’ homme normal inflige un démenti aux lois et fait mentir les statistiqu
1253 normal inflige un démenti aux lois et fait mentir les statistiques. Ainsi les lois de la publicité ne sont exactes que dans
1254 i aux lois et fait mentir les statistiques. Ainsi les lois de la publicité ne sont exactes que dans la mesure où l’homme n’
1255 t fait mentir les statistiques. Ainsi les lois de la publicité ne sont exactes que dans la mesure où l’homme n’est qu’un m
1256 les lois de la publicité ne sont exactes que dans la mesure où l’homme n’est qu’un mouton ; elles sont fausses et inexista
1257 a publicité ne sont exactes que dans la mesure où l’ homme n’est qu’un mouton ; elles sont fausses et inexistantes dès qu’u
1258 besoins de sa personne. Il n’y a de loi, répétons- le , que là où l’homme renonce à se manifester selon sa vocation particul
1259 personne. Il n’y a de loi, répétons-le, que là où l’ homme renonce à se manifester selon sa vocation particulière. Si j’ins
1260 c’est qu’il est particulièrement libérateur pour la pensée et la culture en général, dans notre époque totalitaire. Nul n
1261 est particulièrement libérateur pour la pensée et la culture en général, dans notre époque totalitaire. Nul n’ignore, en e
1262 e époque totalitaire. Nul n’ignore, en effet, que les États totalitaires justifient les rigueurs de leur régime au nom de l
1263 , en effet, que les États totalitaires justifient les rigueurs de leur régime au nom de lois économiques, ou historiques, o
1264 nt vraies, qu’en vertu d’une immense démission de l’ esprit civique dans les trop grands pays. Elles ne traduisent en fait
1265 d’une immense démission de l’esprit civique dans les trop grands pays. Elles ne traduisent en fait qu’un immense affaissem
1266 qu’un immense affaissement du sens personnel dans les parties de l’humanité contemporaine exténuées par la misère. Les solu
1267 ffaissement du sens personnel dans les parties de l’ humanité contemporaine exténuées par la misère. Les solutions totalita
1268 parties de l’humanité contemporaine exténuées par la misère. Les solutions totalitaires, malgré leurs manifestations bruta
1269 l’humanité contemporaine exténuées par la misère. Les solutions totalitaires, malgré leurs manifestations brutales et le to
1270 litaires, malgré leurs manifestations brutales et le ton sur lequel on les prône, ne sont en fait que des solutions de par
1271 s manifestations brutales et le ton sur lequel on les prône, ne sont en fait que des solutions de paresse intellectuelle, d
1272 utions de misère, fardées de rhétorique héroïque. Le seul moyen de prévenir ces simplifications violentes qui jouent la co
1273 prévenir ces simplifications violentes qui jouent la comédie de l’énergie, c’est de développer soi-même une énergie normal
1274 implifications violentes qui jouent la comédie de l’ énergie, c’est de développer soi-même une énergie normale et souple. O
1275 et de nouveau possible. Notre culture libérée de la superstition des lois fatales peut envisager de nouveau d’influencer
1276 is fatales peut envisager de nouveau d’influencer le monde réel, ramené en droit, — sinon déjà en fait — aux proportions d
1277 droit, — sinon déjà en fait — aux proportions de l’ esprit humain et de ses prises. Mais quelles seront alors les directiv
1278 umain et de ses prises. Mais quelles seront alors les directives de cette action redevenue possible ? Je ne voudrais pas, i
1279 e possible ? Je ne voudrais pas, ici, partir dans l’ utopie. Je ne pense pas que les principes fondamentaux d’une société p
1280 s, ici, partir dans l’utopie. Je ne pense pas que les principes fondamentaux d’une société plus harmonieuse puissent être f
1281 ue. Ils doivent mûrir, et lentement se dégager de l’ ensemble de mille efforts orientés par une même espérance. L’effort de
1282 de mille efforts orientés par une même espérance. L’ effort des Églises, tout d’abord. Jusqu’à l’ère du rationalisme, les É
1283 ance. L’effort des Églises, tout d’abord. Jusqu’à l’ ère du rationalisme, les Églises ont été les grandes pourvoyeuses de l
1284 ses, tout d’abord. Jusqu’à l’ère du rationalisme, les Églises ont été les grandes pourvoyeuses de lieux communs pour la cit
1285 usqu’à l’ère du rationalisme, les Églises ont été les grandes pourvoyeuses de lieux communs pour la cité. La théologie médi
1286 té les grandes pourvoyeuses de lieux communs pour la cité. La théologie médiévale, par les Sommes de Thomas d’Aquin, fixai
1287 andes pourvoyeuses de lieux communs pour la cité. La théologie médiévale, par les Sommes de Thomas d’Aquin, fixait à la pe
1288 communs pour la cité. La théologie médiévale, par les Sommes de Thomas d’Aquin, fixait à la pensée et à l’action des règles
1289 évale, par les Sommes de Thomas d’Aquin, fixait à la pensée et à l’action des règles véritablement communes, ordonnées à u
1290 Sommes de Thomas d’Aquin, fixait à la pensée et à l’ action des règles véritablement communes, ordonnées à une même foi, à
1291 , à une même espérance. Ainsi encore, au temps de la Réformation, l’Institution chrétienne de Jean Calvin. Mais dans l’épo
1292 érance. Ainsi encore, au temps de la Réformation, l’ Institution chrétienne de Jean Calvin. Mais dans l’époque moderne les
1293 ’Institution chrétienne de Jean Calvin. Mais dans l’ époque moderne les Églises ont paru, elles aussi, se détourner de tout
1294 tienne de Jean Calvin. Mais dans l’époque moderne les Églises ont paru, elles aussi, se détourner de toute action régulatri
1295 ssi, se détourner de toute action régulatrice sur la cité. Elles ont assisté sans mot dire à l’essor du capitalisme et aux
1296 ce sur la cité. Elles ont assisté sans mot dire à l’ essor du capitalisme et aux transformations sociales qu’il provoquait.
1297 transformations sociales qu’il provoquait. Comme la culture elles ont renoncé à diriger, à avertir, à orienter. Et c’est
1298 ncé à diriger, à avertir, à orienter. Et c’est là le secret du triomphe des grands mouvements collectivistes. Si le marxis
1299 triomphe des grands mouvements collectivistes. Si le marxisme, par exemple, a fasciné les masses ouvrières, c’est parce qu
1300 ctivistes. Si le marxisme, par exemple, a fasciné les masses ouvrières, c’est parce qu’il s’est chargé de la mission social
1301 sses ouvrières, c’est parce qu’il s’est chargé de la mission sociale qu’avaient trahie toutes les Églises. Nicolas Berdiae
1302 gé de la mission sociale qu’avaient trahie toutes les Églises. Nicolas Berdiaev l’a bien vu : le bolchévisme fut le châtime
1303 aient trahie toutes les Églises. Nicolas Berdiaev l’ a bien vu : le bolchévisme fut le châtiment d’un christianisme devenu
1304 outes les Églises. Nicolas Berdiaev l’a bien vu : le bolchévisme fut le châtiment d’un christianisme devenu passif devant
1305 Nicolas Berdiaev l’a bien vu : le bolchévisme fut le châtiment d’un christianisme devenu passif devant le monde. Or il me
1306 châtiment d’un christianisme devenu passif devant le monde. Or il me semble que, là encore, un réveil soulève les Églises.
1307 Or il me semble que, là encore, un réveil soulève les Églises. Elles ont compris qu’il ne suffisait pas de dénoncer les doc
1308 es ont compris qu’il ne suffisait pas de dénoncer les doctrines païennes mais qu’il fallait répondre mieux que ces doctrine
1309 qu’il fallait répondre mieux que ces doctrines à la question posée par l’angoisse des foules. D’où les encycliques social
1310 e mieux que ces doctrines à la question posée par l’ angoisse des foules. D’où les encycliques sociales données par les deu
1311 la question posée par l’angoisse des foules. D’où les encycliques sociales données par les deux derniers papes. Et les cong
1312 foules. D’où les encycliques sociales données par les deux derniers papes. Et les congrès de Stockholm et d’Oxford ont mont
1313 sociales données par les deux derniers papes. Et les congrès de Stockholm et d’Oxford ont montré que les autres Églises n’
1314 s congrès de Stockholm et d’Oxford ont montré que les autres Églises n’entendaient pas demeurer en arrière. Presque tout re
1315 . Presque tout reste à faire, c’est certain. Mais l’ important, c’est qu’enfin les Églises retrouvent leur rôle de directio
1316 , c’est certain. Mais l’important, c’est qu’enfin les Églises retrouvent leur rôle de direction dans tous les ordres de la
1317 lises retrouvent leur rôle de direction dans tous les ordres de la pensée et de l’action. J’ai insisté sur le rôle des Égli
1318 nt leur rôle de direction dans tous les ordres de la pensée et de l’action. J’ai insisté sur le rôle des Églises parce qu’
1319 direction dans tous les ordres de la pensée et de l’ action. J’ai insisté sur le rôle des Églises parce qu’elles sont le ty
1320 res de la pensée et de l’action. J’ai insisté sur le rôle des Églises parce qu’elles sont le type même des groupes au sein
1321 sisté sur le rôle des Églises parce qu’elles sont le type même des groupes au sein desquels la culture d’Occident a toujou
1322 es sont le type même des groupes au sein desquels la culture d’Occident a toujours trouvé ses mesures. Bien d’autres group
1323 urs trouvé ses mesures. Bien d’autres groupes, je le sais, sont à l’œuvre, Mouvement des groupes d’Oxford, mouvement des g
1324 esures. Bien d’autres groupes, je le sais, sont à l’ œuvre, Mouvement des groupes d’Oxford, mouvement des groupes personnal
1325 cet esprit d’équipe qui seul peut nous guérir de l’ individualisme, tout en prévenant la maladie collectiviste. C’est dans
1326 ous guérir de l’individualisme, tout en prévenant la maladie collectiviste. C’est dans cette volonté de recréer des groupe
1327 C’est dans cette volonté de recréer des groupes à la mesure de la personne, matériellement et moralement, que je vois la c
1328 tte volonté de recréer des groupes à la mesure de la personne, matériellement et moralement, que je vois la commune mesure
1329 rsonne, matériellement et moralement, que je vois la commune mesure de la cité qu’il nous faut rebâtir. Cité solide et pou
1330 t et moralement, que je vois la commune mesure de la cité qu’il nous faut rebâtir. Cité solide et pourtant libérale : c’es
1331 ir. Cité solide et pourtant libérale : c’est tout le problème à résoudre. La solution fédéraliste Par quelle voie ?
1332 libérale : c’est tout le problème à résoudre. La solution fédéraliste Par quelle voie ? Je n’aime pas beaucoup la t
1333 liste Par quelle voie ? Je n’aime pas beaucoup la tolérance, vertu qui naît en somme d’un scepticisme, car elle suppose
1334 t en somme d’un scepticisme, car elle suppose que la pensée de l’autre, qu’on tolère, ne passera jamais dans les actes. Je
1335 de l’autre, qu’on tolère, ne passera jamais dans les actes. Je n’aime pas non plus l’intolérance qui veut tout uniformiser
1336 era jamais dans les actes. Je n’aime pas non plus l’ intolérance qui veut tout uniformiser, et qui est donc une mort de l’e
1337 eut tout uniformiser, et qui est donc une mort de l’ esprit. La tolérance était la pâle vertu des libéraux individualistes.
1338 niformiser, et qui est donc une mort de l’esprit. La tolérance était la pâle vertu des libéraux individualistes. L’intolér
1339 est donc une mort de l’esprit. La tolérance était la pâle vertu des libéraux individualistes. L’intolérance est la sombre
1340 était la pâle vertu des libéraux individualistes. L’ intolérance est la sombre vertu des partisans collectivistes. De leur
1341 u des libéraux individualistes. L’intolérance est la sombre vertu des partisans collectivistes. De leur lutte est sortie l
1342 artisans collectivistes. De leur lutte est sortie la guerre. Le seul moyen de dépasser cette mauvaise position du problème
1343 llectivistes. De leur lutte est sortie la guerre. Le seul moyen de dépasser cette mauvaise position du problème, c’est de
1344 vaise position du problème, c’est de prévoir pour la cité et la culture une structure fédéraliste. Le fédéralisme, en effe
1345 ion du problème, c’est de prévoir pour la cité et la culture une structure fédéraliste. Le fédéralisme, en effet, suppose
1346 la cité et la culture une structure fédéraliste. Le fédéralisme, en effet, suppose des petits groupes et non des masses,
1347 upe qu’une vocation peut s’exercer. D’autre part, le fédéralisme suppose des groupes diversifiés, et par là même il offre
1348 groupes diversifiés, et par là même il offre tous les avantages de la tolérance libérale, mais non pas ses inconvénients :
1349 és, et par là même il offre tous les avantages de la tolérance libérale, mais non pas ses inconvénients : car chacun dans
1350 mais non pas ses inconvénients : car chacun dans le groupe où il est né, ou dans le groupe qu’il a choisi, peut donner le
1351 : car chacun dans le groupe où il est né, ou dans le groupe qu’il a choisi, peut donner le meilleur de soi-même, aller au
1352 né, ou dans le groupe qu’il a choisi, peut donner le meilleur de soi-même, aller au terme de sa pensée, jusqu’à l’acte qui
1353 de soi-même, aller au terme de sa pensée, jusqu’à l’ acte qui la rend sérieuse. Refaire un monde et une culture sur la base
1354 , aller au terme de sa pensée, jusqu’à l’acte qui la rend sérieuse. Refaire un monde et une culture sur la base de la dive
1355 end sérieuse. Refaire un monde et une culture sur la base de la diversité des personnes et des vocations, — c’est aujourd’
1356 e. Refaire un monde et une culture sur la base de la diversité des personnes et des vocations, — c’est aujourd’hui le seul
1357 s personnes et des vocations, — c’est aujourd’hui le seul moyen de préparer une paix solide. Car, après tout, qu’est-ce qu
1358 r une paix solide. Car, après tout, qu’est-ce que la guerre actuelle ? C’est la rançon fatale du gigantisme et de la démis
1359 ès tout, qu’est-ce que la guerre actuelle ? C’est la rançon fatale du gigantisme et de la démission de la culture. C’est l
1360 elle ? C’est la rançon fatale du gigantisme et de la démission de la culture. C’est la faillite des systèmes centralistes
1361 rançon fatale du gigantisme et de la démission de la culture. C’est la faillite des systèmes centralistes et de l’esprit d
1362 igantisme et de la démission de la culture. C’est la faillite des systèmes centralistes et de l’esprit d’uniformisation. O
1363 C’est la faillite des systèmes centralistes et de l’ esprit d’uniformisation. Or le contraire exact de cet esprit, c’est ju
1364 centralistes et de l’esprit d’uniformisation. Or le contraire exact de cet esprit, c’est justement l’esprit fédéraliste,
1365 le contraire exact de cet esprit, c’est justement l’ esprit fédéraliste, avec sa devise paradoxale : Un pour tous, tous pou
1366 riotiques ? — ou plutôt à des conclusions qui par la plus extraordinaire des rencontres, se trouvent être également valabl
1367 également valables pour ceux qui veulent défendre la culture, et pour ceux qui veulent rester Suisses. La guerre actuelle
1368 culture, et pour ceux qui veulent rester Suisses. La guerre actuelle manifeste avant tout la faillite retentissante des sy
1369 Suisses. La guerre actuelle manifeste avant tout la faillite retentissante des systèmes centralisateurs et gigantesques.
1370 s systèmes centralisateurs et gigantesques. C’est la guerre la plus antisuisse de toute l’histoire. C’est donc pour nous l
1371 centralisateurs et gigantesques. C’est la guerre la plus antisuisse de toute l’histoire. C’est donc pour nous la pire men
1372 ques. C’est la guerre la plus antisuisse de toute l’ histoire. C’est donc pour nous la pire menace. Mais en même temps, la
1373 isuisse de toute l’histoire. C’est donc pour nous la pire menace. Mais en même temps, la plus belle promesse ! Maintenant,
1374 onc pour nous la pire menace. Mais en même temps, la plus belle promesse ! Maintenant, la preuve est faite, attestée par l
1375 même temps, la plus belle promesse ! Maintenant, la preuve est faite, attestée par le sang, que la solution suisse et féd
1376 e ! Maintenant, la preuve est faite, attestée par le sang, que la solution suisse et fédérale est seule capable de fonder
1377 t, la preuve est faite, attestée par le sang, que la solution suisse et fédérale est seule capable de fonder la paix, puis
1378 on suisse et fédérale est seule capable de fonder la paix, puisque l’autre aboutit à la guerre. Ce n’est pas notre orgueil
1379 able de fonder la paix, puisque l’autre aboutit à la guerre. Ce n’est pas notre orgueil qui l’imagine, ce sont les faits q
1380 outit à la guerre. Ce n’est pas notre orgueil qui l’ imagine, ce sont les faits qui nous obligent à le reconnaître avec une
1381 Ce n’est pas notre orgueil qui l’imagine, ce sont les faits qui nous obligent à le reconnaître avec une tragique évidence.
1382 l’imagine, ce sont les faits qui nous obligent à le reconnaître avec une tragique évidence. Et c’est cela que nous avons
1383 idence. Et c’est cela que nous avons à défendre : la réalité fédéraliste en politique et dans tous les domaines de la cult
1384 la réalité fédéraliste en politique et dans tous les domaines de la culture, le seul avenir possible de l’Europe. Le seul
1385 raliste en politique et dans tous les domaines de la culture, le seul avenir possible de l’Europe. Le seul lieu où cet ave
1386 olitique et dans tous les domaines de la culture, le seul avenir possible de l’Europe. Le seul lieu où cet avenir soit, d’
1387 omaines de la culture, le seul avenir possible de l’ Europe. Le seul lieu où cet avenir soit, d’ores et déjà, un présent. I
1388 la culture, le seul avenir possible de l’Europe. Le seul lieu où cet avenir soit, d’ores et déjà, un présent. Il ne s’agi
1389 , peut-être mieux !) Ce n’est pas non plus, comme le disait fort bien Karl Barth, pour protéger nos « lacs d’azur » et nos
1390 t nos « glaciers sublimes ». (Certain ministre de la propagande se chargerait très volontiers de ce travail de Heimatschut
1391 atschutz.) Si nous sommes là, c’est pour exécuter la mission dont nous sommes responsables, depuis des siècles, devant l’E
1392 s sommes responsables, depuis des siècles, devant l’ Europe. Nous sommes chargés de la défendre contre elle-même, de garder
1393 siècles, devant l’Europe. Nous sommes chargés de la défendre contre elle-même, de garder son trésor, d’affirmer sa santé,
1394 sérieuses pour notre indépendance. Mais pourquoi la trahirions-nous ? Toute notre tradition civique et culturelle nous a
1395 re de mission. On parle un peu partout de fédérer l’ Europe. Cela ne se fera pas en un jour, ni même pendant les quelques s
1396 . Cela ne se fera pas en un jour, ni même pendant les quelques semaines fiévreuses d’un congrès de la paix improvisé dans l
1397 les quelques semaines fiévreuses d’un congrès de la paix improvisé dans l’épuisement général. Cela ne se fera que si des
1398 fiévreuses d’un congrès de la paix improvisé dans l’ épuisement général. Cela ne se fera que si des hommes solides, informé
1399 s ne peuvent guère exister et travailler que dans les pays neutres. Et chez nous tout d’abord, puisqu’il s’agit en somme d’
1400 e fédérateurs, d’hommes qui comprennent enfin que l’ heure est venue pour nous autres Suisses, de voir grand, de voir aux p
1401 uisses, de voir grand, de voir aux proportions de l’ Europe moderne, tout en gardant la mesure de notre histoire, la mesure
1402 proportions de l’Europe moderne, tout en gardant la mesure de notre histoire, la mesure de l’individu engagé dans la comm
1403 rne, tout en gardant la mesure de notre histoire, la mesure de l’individu engagé dans la communauté. Cette œuvre n’est pas
1404 gardant la mesure de notre histoire, la mesure de l’ individu engagé dans la communauté. Cette œuvre n’est pas utopique. Ca
1405 tre histoire, la mesure de l’individu engagé dans la communauté. Cette œuvre n’est pas utopique. Car je me refuse à nommer
1406 st pas utopique. Car je me refuse à nommer utopie le seul espoir qui nous soit accordé. Encore faut-il que cet espoir soit
1407 peuple, et qu’il ne se laisse pas décourager par les sceptiques professionnels, par tous les paresseux d’esprit qui se pré
1408 rager par les sceptiques professionnels, par tous les paresseux d’esprit qui se prétendent réalistes. Encore faut-il — et j
1409 pas sur une erreur profonde quant aux pouvoirs de l’ homme et à ses fins terrestres. En appelant et préparant de toutes nos
1410 monde humain. Non pas un monde d’utopie où toutes les luttes s’apaiseraient par miracle, mais un monde où les luttes nécess
1411 ttes s’apaiseraient par miracle, mais un monde où les luttes nécessaires n’aboutissent pas mécaniquement et fatalement à de
1412 ement et fatalement à des catastrophes cosmiques. La vie de la cité et de la culture, ce sera toujours une bataille. Entre
1413 atalement à des catastrophes cosmiques. La vie de la cité et de la culture, ce sera toujours une bataille. Entre l’esprit
1414 s catastrophes cosmiques. La vie de la cité et de la culture, ce sera toujours une bataille. Entre l’esprit de lourdeur, c
1415 la culture, ce sera toujours une bataille. Entre l’ esprit de lourdeur, comme disait Nietzsche, et les forces de création,
1416 l’esprit de lourdeur, comme disait Nietzsche, et les forces de création, la lutte sera toujours ouverte, tant qu’il y aura
1417 omme disait Nietzsche, et les forces de création, la lutte sera toujours ouverte, tant qu’il y aura du péché sur la terre.
1418 toujours ouverte, tant qu’il y aura du péché sur la terre. Non, l’heure n’est pas au facile optimisme, dans une Europe to
1419 te, tant qu’il y aura du péché sur la terre. Non, l’ heure n’est pas au facile optimisme, dans une Europe tout obscurcie pa
1420 ile optimisme, dans une Europe tout obscurcie par la menace des avions. L’heure est plutôt venue de répéter la question du
1421 e Europe tout obscurcie par la menace des avions. L’ heure est plutôt venue de répéter la question du prophète Isaïe : « Se
1422 e des avions. L’heure est plutôt venue de répéter la question du prophète Isaïe : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? »
1423 n du prophète Isaïe : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? » La sentinelle a répondu : « Le matin vient, et la nuit aussi
1424 e Isaïe : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? » La sentinelle a répondu : « Le matin vient, et la nuit aussi ! » La paix
1425 dis-tu de la nuit ? » La sentinelle a répondu : «  Le matin vient, et la nuit aussi ! » La paix que nous devons invoquer ne
1426  » La sentinelle a répondu : « Le matin vient, et la nuit aussi ! » La paix que nous devons invoquer ne peut pas être une
1427 répondu : « Le matin vient, et la nuit aussi ! » La paix que nous devons invoquer ne peut pas être une simple absence de
1428 et s’obscurcit. Mais qu’elle nous donne au moins la possibilité de rendre un sens aux conflits éternels, — un sens, et s’
1429 sens, et s’il se peut, une fécondité… Pendant que les autres font la guerre, ils n’ont pas le temps de préparer un monde hu
1430 peut, une fécondité… Pendant que les autres font la guerre, ils n’ont pas le temps de préparer un monde humain. Mais nous
1431 dant que les autres font la guerre, ils n’ont pas le temps de préparer un monde humain. Mais nous qui avons encore su cons
1432 ais nous qui avons encore su conserver une cité à la mesure de la personne, nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pa
1433 avons encore su conserver une cité à la mesure de la personne, nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai
1434 pas notre délai de grâce : c’est à nous de gagner la vraie paix, c’est à nous d’engager sans illusion le vrai combat qui n
1435 vraie paix, c’est à nous d’engager sans illusion le vrai combat qui nous maintienne humains. Tout cela, un jeune poète de
1436 ut cela, un jeune poète de génie, Arthur Rimbaud, l’ a dit d’un seul trait prophétique : « Le combat spirituel est aussi br
1437 Rimbaud, l’a dit d’un seul trait prophétique : «  Le combat spirituel est aussi brutal que la bataille d’hommes, mais la v
1438 ique : « Le combat spirituel est aussi brutal que la bataille d’hommes, mais la vision de la justice est le plaisir de Die
1439 l est aussi brutal que la bataille d’hommes, mais la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul. » c. Rougemont
1440 rutal que la bataille d’hommes, mais la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul. » c. Rougemont Denis de, « L
1441 taille d’hommes, mais la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul. » c. Rougemont Denis de, « La bataille de l
1442 isir de Dieu seul. » c. Rougemont Denis de, «  La bataille de la culture », Les Cahiers protestants, Lausanne, janvier–
1443 ul. » c. Rougemont Denis de, « La bataille de la culture », Les Cahiers protestants, Lausanne, janvier–février 1940, p
1444 ougemont Denis de, « La bataille de la culture », Les Cahiers protestants, Lausanne, janvier–février 1940, p. 9-36. d. Une
1445 se : « Conférence prononcée au Rathaus de Zurich, le 15 janvier 1940. — Le manque de place nous a contraint d’abréger. »
1446 oncée au Rathaus de Zurich, le 15 janvier 1940. —  Le manque de place nous a contraint d’abréger. »
4 1940, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). L’heure sévère (juin 1940)
1447 L’ heure sévère (juin 1940)e f Il est des pessimistes par tempérament.
1448 tempérament. Leurs propos ne renseignent pas sur l’ état des faits dans le monde, mais seulement sur l’état de leurs nerfs
1449 opos ne renseignent pas sur l’état des faits dans le monde, mais seulement sur l’état de leurs nerfs. Sans intérêt. Ce qu’
1450 ’état des faits dans le monde, mais seulement sur l’ état de leurs nerfs. Sans intérêt. Ce qu’il nous faut à l’heure que no
1451 e leurs nerfs. Sans intérêt. Ce qu’il nous faut à l’ heure que nous vivons, ce sont des pessimistes réfléchis, maîtres d’eu
1452 hommes qui pensent et qui agissent conformément à la maxime du Taciturne : « Pas n’est besoin d’espérer pour entreprendre,
1453 cette espèce est rare en Suisse, comme dans tous les petits pays où l’ère bourgeoise, ère du « confort moderne » et de l’a
1454 are en Suisse, comme dans tous les petits pays où l’ ère bourgeoise, ère du « confort moderne » et de l’absence d’imaginati
1455 ’ère bourgeoise, ère du « confort moderne » et de l’ absence d’imagination, prolonge encore une existence brutalement conda
1456 cette guerre. Nous avons trop longtemps vécu dans l’ atmosphère rassurante créée par le matérialisme modéré du dernier sièc
1457 temps vécu dans l’atmosphère rassurante créée par le matérialisme modéré du dernier siècle. Nous ne savons plus prendre au
1458 nous dépasse », tant par en haut que par en bas. La croyance au Progrès nous a mis des œillères. Et quand soudain la rout
1459 Progrès nous a mis des œillères. Et quand soudain la route normale se trouve barrée ou coupée par un précipice, nous voici
1460 cipice, nous voici piteusement indignés. Pourtant le précipice était prévu. Mais encore fallait-il y croire. Or le matéria
1461 était prévu. Mais encore fallait-il y croire. Or le matérialisme modéré dans lequel nous étions installés nous mettait ho
1462 lés nous mettait hors d’état d’imaginer à la fois le sublime et le pire. « Trop beau pour être vrai », c’était un de nos p
1463 it hors d’état d’imaginer à la fois le sublime et le pire. « Trop beau pour être vrai », c’était un de nos proverbes. Et l
1464 it de certains dangers formidables qui menaçaient l’ existence même de l’héritage européen, nous répondions : « C’est trop
1465 rs formidables qui menaçaient l’existence même de l’ héritage européen, nous répondions : « C’est trop affreux pour être vr
1466 rt à nos sécurités. Cette inconscience j’en dirai la cause : celui qui ne croit pas en Dieu ne sait pas non plus croire au
1467 ait pas non plus croire au diable, et ne sait pas le reconnaître. À l’origine de notre aveuglement, il y a incrédulité. Si
1468 roire au diable, et ne sait pas le reconnaître. À l’ origine de notre aveuglement, il y a incrédulité. Si Dieu existait, pl
1469 ous aime. Si nous avions su croire en lui pendant le temps de sa patience, nous aurions eu « des yeux pour voir », et pour
1470 ions eu « des yeux pour voir », et pour connaître les démons. Voici venu le temps de la colère, le temps des plaies d’Égypt
1471 voir », et pour connaître les démons. Voici venu le temps de la colère, le temps des plaies d’Égypte, où les cœurs s’endu
1472 pour connaître les démons. Voici venu le temps de la colère, le temps des plaies d’Égypte, où les cœurs s’endurcissent. Vo
1473 tre les démons. Voici venu le temps de la colère, le temps des plaies d’Égypte, où les cœurs s’endurcissent. Voici venue l
1474 ps de la colère, le temps des plaies d’Égypte, où les cœurs s’endurcissent. Voici venue l’heure sévère. Ouvrons les yeux et
1475 ’Égypte, où les cœurs s’endurcissent. Voici venue l’ heure sévère. Ouvrons les yeux et apprenons ce qu’il en est de notre c
1476 endurcissent. Voici venue l’heure sévère. Ouvrons les yeux et apprenons ce qu’il en est de notre châtiment. ⁂ L’Europe est
1477 t apprenons ce qu’il en est de notre châtiment. ⁂ L’ Europe est en train de payer le prix d’un siècle d’abandon à l’optimis
1478 notre châtiment. ⁂ L’Europe est en train de payer le prix d’un siècle d’abandon à l’optimisme du Progrès. Pendant un siècl
1479 en train de payer le prix d’un siècle d’abandon à l’ optimisme du Progrès. Pendant un siècle, elle fit la sourde oreille, a
1480 optimisme du Progrès. Pendant un siècle, elle fit la sourde oreille, avec un petit air entendu, quand certains lui posaien
1481 ertains lui posaient cette question : à quoi tend le progrès matériel ? Question stupide et irritante, n’est-ce pas, aux y
1482 n’est-ce pas, aux yeux de qui refuse d’envisager la vie comme une totalité orientée par l’esprit. L’esprit prévoit le mal
1483 ’envisager la vie comme une totalité orientée par l’ esprit. L’esprit prévoit le mal et tient compte du péché. Il sait que
1484 la vie comme une totalité orientée par l’esprit. L’ esprit prévoit le mal et tient compte du péché. Il sait que les invent
1485 totalité orientée par l’esprit. L’esprit prévoit le mal et tient compte du péché. Il sait que les inventions humaines peu
1486 voit le mal et tient compte du péché. Il sait que les inventions humaines peuvent être employées contre l’homme ; que l’avi
1487 inventions humaines peuvent être employées contre l’ homme ; que l’aviation n’a nullement transformé les conditions de notr
1488 aines peuvent être employées contre l’homme ; que l’ aviation n’a nullement transformé les conditions de notre bonheur, mai
1489 l’homme ; que l’aviation n’a nullement transformé les conditions de notre bonheur, mais bien celles de notre malheur. Mais
1490 bonheur, mais bien celles de notre malheur. Mais l’ optimisme du matérialiste modéré ne veut prévoir que le profit d’argen
1491 imisme du matérialiste modéré ne veut prévoir que le profit d’argent et l’augmentation du confort. Il refuse de se demande
1492 modéré ne veut prévoir que le profit d’argent et l’ augmentation du confort. Il refuse de se demander à quoi servira cet a
1493 se de se demander à quoi servira cet argent ou si le confort matériel favorise un bien spirituel. À la première de ces que
1494 ématique des maux prochains. J’écris ceci pendant la bataille de France. Est-il trop tard pour répéter ces vérités élément
1495 p tard pour répéter ces vérités élémentaires, que le sérieux des gouvernants, des hommes d’affaires, des penseurs officiel
1496 a refusé pendant cent ans d’envisager ? Pourtant, les plus grands hommes du dernier siècle furent unanimes à prévoir le des
1497 ommes du dernier siècle furent unanimes à prévoir le destin qui maintenant nous surprend. Nous avons eu bien assez de prop
1498 vons eu bien assez de prophètes. Nous n’avons pas le droit de gémir que les avertissements nous ont manqué. Le dossier de
1499 prophètes. Nous n’avons pas le droit de gémir que les avertissements nous ont manqué. Le dossier de ces avertissements est
1500 de gémir que les avertissements nous ont manqué. Le dossier de ces avertissements est écrasant pour la conscience europée
1501 e dossier de ces avertissements est écrasant pour la conscience européenne : vous y trouverez les plus grands noms de la p
1502 pour la conscience européenne : vous y trouverez les plus grands noms de la pensée, qui furent aussi les plus cyniquement
1503 péenne : vous y trouverez les plus grands noms de la pensée, qui furent aussi les plus cyniquement méconnus. Vous y trouve
1504 s plus grands noms de la pensée, qui furent aussi les plus cyniquement méconnus. Vous y trouverez les témoignages convergen
1505 i les plus cyniquement méconnus. Vous y trouverez les témoignages convergents des esprits les plus opposés, unanimes dans l
1506 trouverez les témoignages convergents des esprits les plus opposés, unanimes dans la critique du « réalisme » de leur temps
1507 gents des esprits les plus opposés, unanimes dans la critique du « réalisme » de leur temps, et dans la prédiction des mau
1508 a critique du « réalisme » de leur temps, et dans la prédiction des maux à venir — ceux qui fondent sur nous aujourd’hui.
1509 et ou un Nietzsche ? Rien, sinon leur mépris pour les idoles bourgeoises, et leur vision précise du châtiment qui s’abattra
1510 ise du châtiment qui s’abattra nécessairement sur l’ Occident, si celui-ci persiste à ne prendre au sérieux que les valeurs
1511 si celui-ci persiste à ne prendre au sérieux que les valeurs de bourse et la « prosperity ». Kierkegaard nous décrit le rè
1512 e prendre au sérieux que les valeurs de bourse et la « prosperity ». Kierkegaard nous décrit le règne de la masse comme ce
1513 rse et la « prosperity ». Kierkegaard nous décrit le règne de la masse comme celui des lâchetés individuelles additionnées
1514 prosperity ». Kierkegaard nous décrit le règne de la masse comme celui des lâchetés individuelles additionnées, créant un
1515 x dictatures collectivistes. Nietzsche ricane que le monde moderne est en train d’adopter « une morale de commerçants », e
1516 vaincu par des ascètes féroces. Vinet prévoit que les libertés sociales, si nul effort spirituel ne les oriente, aboutiront
1517 les libertés sociales, si nul effort spirituel ne les oriente, aboutiront au despotisme de l’État. Et contre tout l’« écono
1518 ituel ne les oriente, aboutiront au despotisme de l’ État. Et contre tout l’« économisme » de son temps, il ose écrire : « 
1519 boutiront au despotisme de l’État. Et contre tout l’ « économisme » de son temps, il ose écrire : « Si quelque chose aujour
1520 se écrire : « Si quelque chose aujourd’hui menace la liberté, ce n’est pas comme jadis la superstition, […] c’est la préoc
1521 d’hui menace la liberté, ce n’est pas comme jadis la superstition, […] c’est la préoccupation, la passion du bien-être mat
1522 n’est pas comme jadis la superstition, […] c’est la préoccupation, la passion du bien-être matériel. Sa pente, n’en douto
1523 adis la superstition, […] c’est la préoccupation, la passion du bien-être matériel. Sa pente, n’en doutons pas, est du côt
1524 ériel. Sa pente, n’en doutons pas, est du côté de la tyrannie. » Et qu’il suffise enfin d’une allusion aux prophéties de B
1525 n d’une allusion aux prophéties de Burckhardt sur les « terribles simplificateurs », qui viendront imposer à l’Europe d’imp
1526 ribles simplificateurs », qui viendront imposer à l’ Europe d’impitoyables dictatures militaires au nom de la liberté et du
1527 pe d’impitoyables dictatures militaires au nom de la liberté et du bonheur des masses. Cette unanimité d’esprits partout a
1528 Et maintenant il faut payer. Non point parce que l’ injustice triomphe, non point parce que Dieu n’existe pas, mais au con
1529 dans son châtiment. Il faut payer. Nous adorions l’ idole de la prospérité, et l’idole du confort, et l’idole du progrès —
1530 hâtiment. Il faut payer. Nous adorions l’idole de la prospérité, et l’idole du confort, et l’idole du progrès — ce progrès
1531 payer. Nous adorions l’idole de la prospérité, et l’ idole du confort, et l’idole du progrès — ce progrès qui ne sait rien
1532 idole de la prospérité, et l’idole du confort, et l’ idole du progrès — ce progrès qui ne sait rien que répéter comme une h
1533 sauver » nos vies mêmes, nous voilà condamnés, de la manière la plus tragi-comique, à sacrifier notre prospérité, notre co
1534 s vies mêmes, nous voilà condamnés, de la manière la plus tragi-comique, à sacrifier notre prospérité, notre confort et no
1535 fort et nos progrès aux nécessités impérieuses de la défense nationale. Pour avoir refusé les sacrifices qu’eût entraînés
1536 ieuses de la défense nationale. Pour avoir refusé les sacrifices qu’eût entraînés un règlement plus juste des relations soc
1537 ifices mille fois pires, inévitables et stériles. Le plus étrange est que ces sacrifices se révèlent parfaitement « possib
1538 es et impraticables aux yeux des « réalistes » de l’ économie : prélèvement sur le capital ou caisse de compensation, — et
1539 des « réalistes » de l’économie : prélèvement sur le capital ou caisse de compensation, — et je ne prends là que de petits
1540 vingt fois moins coûteuses que celles qu’entraîne la guerre actuelle. Nous acceptons avec une belle discipline des « effor
1541 rait suffi, en d’autres temps, à supprimer toutes les questions sociales. Et cela non pas seulement en Suisse, mais dans to
1542 cela non pas seulement en Suisse, mais dans tous les pays de l’Europe ; non seulement sur le plan social, mais sur le plan
1543 s seulement en Suisse, mais dans tous les pays de l’ Europe ; non seulement sur le plan social, mais sur le plan des relati
1544 ons impossible quand il s’agissait du vivre, nous le trouvons parfaitement possible quand il s’agit du mieux mourir ou du
1545 agit du mieux mourir ou du mieux tuer. Eh bien si la peur et la guerre sont seules capables d’obtenir de nous un dépasseme
1546 ux mourir ou du mieux tuer. Eh bien si la peur et la guerre sont seules capables d’obtenir de nous un dépassement de nos é
1547 dépassement de nos égoïsmes que nous refusions à l’ amour, pourquoi donc voulez-vous que nous ayons l’amour, et la paix et
1548 l’amour, pourquoi donc voulez-vous que nous ayons l’ amour, et la paix et la sécurité ? Nous avons la peur et la guerre. No
1549 rquoi donc voulez-vous que nous ayons l’amour, et la paix et la sécurité ? Nous avons la peur et la guerre. Nous avons ce
1550 voulez-vous que nous ayons l’amour, et la paix et la sécurité ? Nous avons la peur et la guerre. Nous avons ce que mériton
1551 s l’amour, et la paix et la sécurité ? Nous avons la peur et la guerre. Nous avons ce que méritons. Nous sommes payés et n
1552 et la paix et la sécurité ? Nous avons la peur et la guerre. Nous avons ce que méritons. Nous sommes payés et nous payons
1553 justice à nous. C’est aujourd’hui qu’on en mesure l’ aune. Ces vérités élémentaires sont dures. Elles ne sont pas originale
1554 tains diront encore qu’elles sont inopportunes, à l’ heure où nous cherchons des raisons d’espérer ! Mais nul espoir n’est
1555 er ! Mais nul espoir n’est plus possible, sachons- le , si nous refusons maintenant encore d’envisager les causes du désastr
1556 e, si nous refusons maintenant encore d’envisager les causes du désastre. Envisager, c’est regarder en plein visage. Notre
1557 ger, c’est regarder en plein visage. Notre salut, le seul et le dernier possible — quelle que soit l’issue de la guerre —
1558 le seul et le dernier possible — quelle que soit l’ issue de la guerre — dépend de notre capacité d’accepter des vérités d
1559 le dernier possible — quelle que soit l’issue de la guerre — dépend de notre capacité d’accepter des vérités dures. Car t
1560 e capacité d’accepter des vérités dures. Car tout le mal est venu de les avoir refusées, avant qu’elles montrent leurs eff
1561 er des vérités dures. Car tout le mal est venu de les avoir refusées, avant qu’elles montrent leurs effets aux yeux de tous
1562 culpa » des pacifistes, qui n’ont pas su imaginer le mal parce qu’ils croyaient au bien fait de main d’homme. « Mea culpa 
1563 stes, qui n’ont pas su imaginer un autre bien que la défense toute matérielle d’un ordre de choses vicié dans son principe
1564 d’un ordre de choses vicié dans son principe ; ou la conquête, mais qui tue ce qu’elle conquiert. « Mea culpa » des gens d
1565 ut en admirant et soutenant des chefs brutaux qui les bernaient pour mieux les détrousser au bout du compte. « Mea culpa »
1566 nt des chefs brutaux qui les bernaient pour mieux les détrousser au bout du compte. « Mea culpa » des gens de gauche, dont
1567 du compte. « Mea culpa » des gens de gauche, dont le programme de bonheur obligatoire était le même — avec moins de franch
1568 e, dont le programme de bonheur obligatoire était le même — avec moins de franchise — que celui de l’ennemi fasciste contr
1569 le même — avec moins de franchise — que celui de l’ ennemi fasciste contre lequel ils excitaient les masses. « Mea culpa »
1570 de l’ennemi fasciste contre lequel ils excitaient les masses. « Mea culpa » des Suisses, qui voulaient profiter des avantag
1571 Suisses, qui voulaient profiter des avantages de la folie moderne, et qui se plaignent aujourd’hui de devoir payer leur p
1572 aujourd’hui de devoir payer leur part minime dans la banqueroute européenne. « Mea culpa » des clairvoyants, qui dénoncère
1573 . « Mea culpa » des clairvoyants, qui dénoncèrent le mal dans leurs écrits, mais qui se tinrent apparemment pour satisfait
1574 ces millions de femmes et d’enfants en fuite sur les routes de France ? Nous n’avons plus qu’un seul espoir — quelle que s
1575 n’avons plus qu’un seul espoir — quelle que soit l’ issue de la guerre : obtenir pour l’Europe un statut sursitaire, une e
1576 us qu’un seul espoir — quelle que soit l’issue de la guerre : obtenir pour l’Europe un statut sursitaire, une espèce de co
1577 elle que soit l’issue de la guerre : obtenir pour l’ Europe un statut sursitaire, une espèce de concordat qui nous laissera
1578 aire, une espèce de concordat qui nous laisserait la possibilité de rebâtir. Mais on n’accorde un concordat qu’à celui qui
1579 concordat qu’à celui qui se déclare en faillite. L’ aveu suppose un sens des valeurs spirituelles aussi précis que notre s
1580 s chiffres, des quantités et des vitesses. Avis à la génération sportive, aux réalistes qui l’engendrèrent, aux libéraux q
1581 Avis à la génération sportive, aux réalistes qui l’ engendrèrent, aux libéraux qui ne peuvent en croire leurs yeux. Avis a
1582 e peuvent en croire leurs yeux. Avis aux Suisses. Les Suisses ont quelque chose à faire, quelque chose de précis, que je ve
1583 écis, que je veux dire à temps. Ils sont encore à l’ écart de la guerre, et peut-être y resteront-ils. Ils ont encore ce br
1584 e veux dire à temps. Ils sont encore à l’écart de la guerre, et peut-être y resteront-ils. Ils ont encore ce bref délai de
1585 ce dont je parlais aux Hollandais, en novembre de l’ an dernier — et c’est fini —, dont je parlais aux Suisses en janvier d
1586 ouer nos fautes et celles de notre monde, de dire la vérité que les peuples en guerre n’ont plus le pouvoir de reconnaître
1587 s et celles de notre monde, de dire la vérité que les peuples en guerre n’ont plus le pouvoir de reconnaître, dans le fraca
1588 re la vérité que les peuples en guerre n’ont plus le pouvoir de reconnaître, dans le fracas des chars, sous les bombardeme
1589 guerre n’ont plus le pouvoir de reconnaître, dans le fracas des chars, sous les bombardements, quand on ne sait même plus
1590 ir de reconnaître, dans le fracas des chars, sous les bombardements, quand on ne sait même plus qui a été tué. Un peuple en
1591 n guerre sauve son moral en se dopant, en forçant l’ illusion ; un peuple neutre, en avouant le réel. Avouer ses fautes est
1592 forçant l’illusion ; un peuple neutre, en avouant le réel. Avouer ses fautes est une libération dont l’homme sort toujours
1593 e réel. Avouer ses fautes est une libération dont l’ homme sort toujours retrempé. Avouer les fautes de ceux qu’on aime et
1594 ation dont l’homme sort toujours retrempé. Avouer les fautes de ceux qu’on aime et dont on attend la victoire comme la perm
1595 r les fautes de ceux qu’on aime et dont on attend la victoire comme la permission de revivre, c’est une épreuve encore, on
1596 ux qu’on aime et dont on attend la victoire comme la permission de revivre, c’est une épreuve encore, on ose à peine le di
1597 revivre, c’est une épreuve encore, on ose à peine le dire, une épreuve dérisoire, bonne pour des spectateurs… Pourtant, si
1598 ourtant, si nous en triomphons, elle nous donnera la force de préparer l’avenir. Il est dur de reconnaître ces fautes, par
1599 riomphons, elle nous donnera la force de préparer l’ avenir. Il est dur de reconnaître ces fautes, parce que nous en sommes
1600 reconnaître ces fautes, parce que nous en sommes les complices, et que nous aimons les fautifs. Il est dur de les avouer,
1601 nous en sommes les complices, et que nous aimons les fautifs. Il est dur de les avouer, parce que les fautes contraires de
1602 es, et que nous aimons les fautifs. Il est dur de les avouer, parce que les fautes contraires des autres, en face, nous par
1603 les fautifs. Il est dur de les avouer, parce que les fautes contraires des autres, en face, nous paraissent bien plus effr
1604 ue, inévitable, et qu’il n’y a plus qu’à en tirer les conclusions5. Mais nous ne sommes pas neutres pour rien, pour le conf
1605 . Mais nous ne sommes pas neutres pour rien, pour le confort. Nous ne sommes pas neutres comme on est rentier. Nous sommes
1606 mme on est rentier. Nous sommes neutres en vue de l’ avenir. C’est là notre mission spéciale, notre responsabilité devant l
1607 tre mission spéciale, notre responsabilité devant l’ Europe. Et cela suppose un dur effort contre nos goûts, nos sympathies
1608 sympathies et nos passions. Je ne sais pas ce que l’ avenir vaudra, mais je sais que s’il vaut quelque chose, ce sera grâce
1609 sais que s’il vaut quelque chose, ce sera grâce à l’ action personnelle des hommes qui auront su répudier les illusions fla
1610 ion personnelle des hommes qui auront su répudier les illusions flatteuses de l’ère bourgeoise. Car ceux-là seuls sauront a
1611 ui auront su répudier les illusions flatteuses de l’ ère bourgeoise. Car ceux-là seuls sauront alors ce qui mérite d’être s
1612 ors ce qui mérite d’être sauvé ou recréé. Non pas le droit et la justice dont se réclamaient nos égoïsmes et celui des gou
1613 érite d’être sauvé ou recréé. Non pas le droit et la justice dont se réclamaient nos égoïsmes et celui des gouvernements :
1614 e sera que ruines et détritus à déblayer, même si les grandes démocraties ont la victoire. Non pas le bonheur fait de laiss
1615 s à déblayer, même si les grandes démocraties ont la victoire. Non pas le bonheur fait de laisser-aller et d’insouciance d
1616 les grandes démocraties ont la victoire. Non pas le bonheur fait de laisser-aller et d’insouciance du prochain, car nous
1617 sser-aller et d’insouciance du prochain, car nous le payons maintenant, une fois pour toutes. Ce qui comptera, ce qui vaud
1618 toutes. Ce qui comptera, ce qui vaudra toujours, l’ Écriture nous l’apprend lorsqu’elle dit : « Le ciel et la terre passer
1619 comptera, ce qui vaudra toujours, l’Écriture nous l’ apprend lorsqu’elle dit : « Le ciel et la terre passeront, mais ma Par
1620 rs, l’Écriture nous l’apprend lorsqu’elle dit : «  Le ciel et la terre passeront, mais ma Parole ne passera point. » Voilà
1621 ure nous l’apprend lorsqu’elle dit : « Le ciel et la terre passeront, mais ma Parole ne passera point. » Voilà la base et
1622 sseront, mais ma Parole ne passera point. » Voilà la base et le point fixe que nulle puissance humaine ne saurait ébranler
1623 is ma Parole ne passera point. » Voilà la base et le point fixe que nulle puissance humaine ne saurait ébranler, quand tou
1624 puissance humaine ne saurait ébranler, quand tout le reste, ciel et terre, idéaux et réalités, est pulvérisé par les bombe
1625 l et terre, idéaux et réalités, est pulvérisé par les bombes. Au plus fort de la persécution entreprise par Julien l’Aposta
1626 és, est pulvérisé par les bombes. Au plus fort de la persécution entreprise par Julien l’Apostat contre la chrétienté nais
1627 ersécution entreprise par Julien l’Apostat contre la chrétienté naissante, quand tout, comme aujourd’hui semblait perdu, A
1628 est un petit nuage, il passera. Ce n’était pas de l’ optimisme. Athanase prévoyait qu’avec le « petit nuage » passerait aus
1629 it pas de l’optimisme. Athanase prévoyait qu’avec le « petit nuage » passerait aussi, probablement, sa vie et celle de tan
1630 a vie et celle de tant de frères. Mais au-delà de l’ optimisme humain toujours bafoué, au-delà du pessimisme lâche, il y a
1631 jours bafoué, au-delà du pessimisme lâche, il y a la foi dans l’éternel, il y a l’amour et l’espérance de l’éternel. À quo
1632 , au-delà du pessimisme lâche, il y a la foi dans l’ éternel, il y a l’amour et l’espérance de l’éternel. À quoi se raccroc
1633 misme lâche, il y a la foi dans l’éternel, il y a l’ amour et l’espérance de l’éternel. À quoi se raccrocher, que faire enc
1634 , il y a la foi dans l’éternel, il y a l’amour et l’ espérance de l’éternel. À quoi se raccrocher, que faire encore ? Quell
1635 dans l’éternel, il y a l’amour et l’espérance de l’ éternel. À quoi se raccrocher, que faire encore ? Quelle était l’assur
1636 oi se raccrocher, que faire encore ? Quelle était l’ assurance d’éternité qui permettait à Athanase de dire : c’est un peti
1637 nase de dire : c’est un petit nuage, il passera ? La grandeur de cette heure sévère, c’est que par la force des choses, pa
1638 La grandeur de cette heure sévère, c’est que par la force des choses, par la brutalité démesurée des choses, nous sommes
1639 re sévère, c’est que par la force des choses, par la brutalité démesurée des choses, nous sommes réduits à ne plus espérer
1640 ous sommes réduits à ne plus espérer qu’au nom de l’ unique nécessaire : « L’amour parfait bannit la crainte. » Quoi qu’il
1641 plus espérer qu’au nom de l’unique nécessaire : «  L’ amour parfait bannit la crainte. » Quoi qu’il arrive. 4. Le budget a
1642 de l’unique nécessaire : « L’amour parfait bannit la crainte. » Quoi qu’il arrive. 4. Le budget annuel de la « défense s
1643 fait bannit la crainte. » Quoi qu’il arrive. 4. Le budget annuel de la « défense spirituelle » de la Suisse représente à
1644 te. » Quoi qu’il arrive. 4. Le budget annuel de la « défense spirituelle » de la Suisse représente à peu près le prix de
1645 Le budget annuel de la « défense spirituelle » de la Suisse représente à peu près le prix de deux chars d’assaut. On trouv
1646 spirituelle » de la Suisse représente à peu près le prix de deux chars d’assaut. On trouvera de l’argent pour 40 chars, m
1647 ès le prix de deux chars d’assaut. On trouvera de l’ argent pour 40 chars, mais si je demande qu’on double un budget cultur
1648 udget culturel, on me répondra que je veux ruiner le pays. 5. Comme le fait Paul Reynaud devant le Sénat à l’instant où j
1649 me répondra que je veux ruiner le pays. 5. Comme le fait Paul Reynaud devant le Sénat à l’instant où j’écris ceci. e. R
1650 er le pays. 5. Comme le fait Paul Reynaud devant le Sénat à l’instant où j’écris ceci. e. Rougemont Denis de, « L’heure
1651 stant où j’écris ceci. e. Rougemont Denis de, «  L’ heure sévère », Les Cahiers protestants, Lausanne, juin 1940, p. 193-2
1652 eci. e. Rougemont Denis de, « L’heure sévère », Les Cahiers protestants, Lausanne, juin 1940, p. 193-202. f. Une note pr
1653 202. f. Une note précise : « Nous remercions ici la Neue Schweizer Rundschau, qui nous a autorisé à reproduire cet articl
1654 re cet article paru dans son numéro de juin 1940. L’ auteur — qui est un de nos collaborateurs — se voit contraint par les
1655 un de nos collaborateurs — se voit contraint par les circonstances à ne pas signer ces pages. »
5 1940, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). L’Église et la Suisse (août 1940)
1656 L’ Église et la Suisse (août 1940)g h Je vous parlerai ce matin de l’É
1657 L’Église et la Suisse (août 1940)g h Je vous parlerai ce matin de l’Église visibl
1658 se (août 1940)g h Je vous parlerai ce matin de l’ Église visible et non pas de l’Église en général. Je vous parlerai des
1659 rlerai ce matin de l’Église visible et non pas de l’ Église en général. Je vous parlerai des Églises telles que nous les vo
1660 ral. Je vous parlerai des Églises telles que nous les voyons en Suisse ; et de la Suisse, telle que nous la voyons en ce mo
1661 ises telles que nous les voyons en Suisse ; et de la Suisse, telle que nous la voyons en ce mois de juillet de 1940. Ce ne
1662 oyons en Suisse ; et de la Suisse, telle que nous la voyons en ce mois de juillet de 1940. Ce ne sera pas une conférence b
1663 ra pas une conférence bien bâtie, je tiens à vous le dire tout de suite, mais une simple introduction, un plan de travail,
1664 le introduction, un plan de travail, une invite à la discussion. Je vous ferai part de certaines critiques et de certaines
1665 s, mais qu’il est temps de formuler pour préparer la voie d’un renouveau, ou les moyens d’une résistance efficace. Et d’ab
1666 formuler pour préparer la voie d’un renouveau, ou les moyens d’une résistance efficace. Et d’abord, une parole de confiance
1667 une grande occasion de travailler. Voyons d’abord la situation de notre pays. « Au cœur de la révolution européenne, la S
1668 d’abord la situation de notre pays. « Au cœur de la révolution européenne, la Suisse est réduite à elle-même. Elle n’a pl
1669 tre pays. « Au cœur de la révolution européenne, la Suisse est réduite à elle-même. Elle n’a plus d’autre garantie humain
1670 ts.6 » Aujourd’hui, comme aux heures héroïques de l’ ancienne Confédération, sachons voir et saisir notre chance et les cha
1671 édération, sachons voir et saisir notre chance et les chances nouvelles de l’Esprit ! Quand toutes les positions morales et
1672 t saisir notre chance et les chances nouvelles de l’ Esprit ! Quand toutes les positions morales et matérielles sont ébranl
1673 les chances nouvelles de l’Esprit ! Quand toutes les positions morales et matérielles sont ébranlées, comme elles le sont
1674 orales et matérielles sont ébranlées, comme elles le sont depuis quelques semaines, alors sonne une heure favorable pour l
1675 es semaines, alors sonne une heure favorable pour les examens de conscience, pour les réformes, et dans le cas présent, pou
1676 re favorable pour les examens de conscience, pour les réformes, et dans le cas présent, pour une nouvelle Réformation commu
1677 examens de conscience, pour les réformes, et dans le cas présent, pour une nouvelle Réformation communautaire. Car c’est b
1678 ’est bien de cela qu’il s’agit : fonder à nouveau la cité, pour qu’elle résiste et qu’elle rayonne encore, quoi qu’il arri
1679 le rayonne encore, quoi qu’il arrive, oui même si le pire arrive. Au cœur physique de notre Confédération se dresse le mas
1680 Au cœur physique de notre Confédération se dresse le massif du Gothard, mystérieux et inexpugnable. Bastion naturel de la
1681 d, mystérieux et inexpugnable. Bastion naturel de la Suisse, cœur de l’Europe et rendez-vous des races, le Gothard est le
1682 expugnable. Bastion naturel de la Suisse, cœur de l’ Europe et rendez-vous des races, le Gothard est le grand symbole de no
1683 uisse, cœur de l’Europe et rendez-vous des races, le Gothard est le grand symbole de notre mission politique et de notre s
1684 l’Europe et rendez-vous des races, le Gothard est le grand symbole de notre mission politique et de notre sécurité. Et s’i
1685 et de notre sécurité. Et s’il fallait qu’un jour la Suisse fût envahie, j’imagine qu’elle pourrait garder pendant des moi
1686 tteignent ni chars ni avions, dans cet Alcazar de l’ Europe, quelques dizaines de milliers d’hommes tiennent encore, montan
1687 nes de milliers d’hommes tiennent encore, montant la garde aux derniers sommets libres, autour du trésor de la Suisse. Oui
1688 aux derniers sommets libres, autour du trésor de la Suisse. Oui, nous serions courbés, mais le grondement lointain des ca
1689 sor de la Suisse. Oui, nous serions courbés, mais le grondement lointain des canons du Gothard nous dirait d’espérer. Main
1690 rer. Maintenant, je poserai cette question : dans la situation extrême que je viens de décrire, à supposer que la Suisse s
1691 n extrême que je viens de décrire, à supposer que la Suisse soit envahie, pourrions-nous penser à l’Église comme à notre G
1692 e la Suisse soit envahie, pourrions-nous penser à l’ Église comme à notre Gothard spirituel ? L’existence permanente — même
1693 nser à l’Église comme à notre Gothard spirituel ? L’ existence permanente — même secrète — et la parole de nos Églises aux
1694 tuel ? L’existence permanente — même secrète — et la parole de nos Églises aux catacombes suffiraient-elles à ranimer notr
1695 notre espérance, notre amour et notre foi, comme le canon lointain ranimerait nos courages ? Nos Églises trouveraient-ell
1696 ait nos courages ? Nos Églises trouveraient-elles le moyen de subsister et de s’organiser par l’initiative des laïques, co
1697 elles le moyen de subsister et de s’organiser par l’ initiative des laïques, comme elles l’ont fait dans un pays voisin ? J
1698 ganiser par l’initiative des laïques, comme elles l’ ont fait dans un pays voisin ? Je n’oserais pas répondre ce matin. Ni
1699 ésespéré qu’on voit ce qui était vraiment solide. L’ Église de Suisse est-elle vraiment solide ? Saura-t-elle résister comm
1700  ? Encore une fois, je ne puis pas répondre. Dieu le sait, et l’événement seul fera la preuve de notre force ou de nos fai
1701 e fois, je ne puis pas répondre. Dieu le sait, et l’ événement seul fera la preuve de notre force ou de nos faiblesses. En
1702 répondre. Dieu le sait, et l’événement seul fera la preuve de notre force ou de nos faiblesses. En attendant, mettons-nou
1703 ossible. Inspectons avec soin nos défenses, ayons le courage de dire franchement : ici ou là, nous sommes encore faibles.
1704 faibles. C’est ici et c’est là, qu’il faut porter l’ effort. Aujourd’hui ou jamais, notre Église a besoin d’une rigoureuse
1705 e utile et positive, qui prépare et qui définisse les reconstructions nécessaires. ⁂ La grande faiblesse de notre Église vi
1706 qui définisse les reconstructions nécessaires. ⁂ La grande faiblesse de notre Église visible, de nos diverses Églises sui
1707 n’ont jamais été de véritables communautés. Voilà le fait qui me paraît le plus grave, étant donné les événements actuels
1708 ritables communautés. Voilà le fait qui me paraît le plus grave, étant donné les événements actuels et ceux que nous devon
1709 le fait qui me paraît le plus grave, étant donné les événements actuels et ceux que nous devons prévoir. Une Église devrai
1710 que nous devons prévoir. Une Église devrait être le type même de la communauté vivante. Posons tout de suite un repère :
1711 prévoir. Une Église devrait être le type même de la communauté vivante. Posons tout de suite un repère : les paroisses de
1712 munauté vivante. Posons tout de suite un repère : les paroisses de l’Église primitive étaient de vraies communautés. On y m
1713 Posons tout de suite un repère : les paroisses de l’ Église primitive étaient de vraies communautés. On y mettait tout en c
1714 es communautés. On y mettait tout en commun, même les richesses, et cela paraissait naturel, parce que le but et le fondeme
1715 richesses, et cela paraissait naturel, parce que le but et le fondement spirituel d’une paroisse étaient alors plus impor
1716 , et cela paraissait naturel, parce que le but et le fondement spirituel d’une paroisse étaient alors plus importants que
1717 paroisse étaient alors plus importants que tout. La ferveur de la foi nouvelle liait les esprits et les cœurs avec une te
1718 ent alors plus importants que tout. La ferveur de la foi nouvelle liait les esprits et les cœurs avec une telle puissance
1719 nts que tout. La ferveur de la foi nouvelle liait les esprits et les cœurs avec une telle puissance que les sacrifices maté
1720 a ferveur de la foi nouvelle liait les esprits et les cœurs avec une telle puissance que les sacrifices matériels devenaien
1721 esprits et les cœurs avec une telle puissance que les sacrifices matériels devenaient simplement des services d’amitié, de
1722 s d’amitié, de ces services qui vont de soi entre les membres d’une famille. Et je ne parle même pas du « partage » spiritu
1723 ême pas du « partage » spirituel, qui devait être le pain quotidien de ces communautés souvent persécutées. Certes, il ne
1724 ers chrétiens étaient toujours des saints, et que les familles qu’ils formaient ne connaissaient jamais de querelles de fam
1725 e connaissaient jamais de querelles de familles ! Les épîtres de Paul suffiraient à dissiper cette illusion. Il n’en reste
1726 ins que ces premières Églises ont surmonté toutes les persécutions grâce à la cohésion de leurs paroisses, grâce à l’esprit
1727 ises ont surmonté toutes les persécutions grâce à la cohésion de leurs paroisses, grâce à l’esprit communautaire qui les s
1728 s grâce à la cohésion de leurs paroisses, grâce à l’ esprit communautaire qui les soutenait. Pendant la décadence de l’Empi
1729 urs paroisses, grâce à l’esprit communautaire qui les soutenait. Pendant la décadence de l’Empire romain, ces paroisses ont
1730 l’esprit communautaire qui les soutenait. Pendant la décadence de l’Empire romain, ces paroisses ont constitué les cellule
1731 utaire qui les soutenait. Pendant la décadence de l’ Empire romain, ces paroisses ont constitué les cellules de base d’une
1732 e de l’Empire romain, ces paroisses ont constitué les cellules de base d’une nouvelle société7, les noyaux des cités future
1733 tué les cellules de base d’une nouvelle société7, les noyaux des cités futures, les refuges de la vraie liberté. Nos parois
1734 nouvelle société7, les noyaux des cités futures, les refuges de la vraie liberté. Nos paroisses actuelles, nos paroisses d
1735 té7, les noyaux des cités futures, les refuges de la vraie liberté. Nos paroisses actuelles, nos paroisses de Suisse, sera
1736 ouvent, en sortant d’un de nos cultes, je regarde les gens qui se dispersent, et je me pose cette question : sont-ils prêts
1737 sont-ils prêts à mettre en commun autre chose que la pièce de monnaie qu’ils viennent de déposer dans le « sachet », avec
1738 pièce de monnaie qu’ils viennent de déposer dans le « sachet », avec l’air de ne pas y toucher ? Sont-ils prêts à « parta
1739 ’ils viennent de déposer dans le « sachet », avec l’ air de ne pas y toucher ? Sont-ils prêts à « partager » autre chose qu
1740 r » autre chose que des impressions générales sur le temps et les tristes événements ? Sont-ils vraiment des frères — et d
1741 ose que des impressions générales sur le temps et les tristes événements ? Sont-ils vraiment des frères — et des frères dan
1742 Sont-ils vraiment des frères — et des frères dans l’ Église ? Oh ! je ne demande pas que nos paroisses décrètent du jour au
1743 que nos paroisses décrètent du jour au lendemain le partage de tous les biens et décident d’établir un régime communiste,
1744 décrètent du jour au lendemain le partage de tous les biens et décident d’établir un régime communiste, au sens littéral de
1745 faire quelque chose dans ce sens, à supposer que les circonstances l’exigent un jour prochain. Je me demande si les fidèle
1746 se dans ce sens, à supposer que les circonstances l’ exigent un jour prochain. Je me demande si les fidèles de nos cultes s
1747 nces l’exigent un jour prochain. Je me demande si les fidèles de nos cultes se sentent plus fortement liés aux autres membr
1748 sentent plus fortement liés aux autres membres de l’ Église qu’ils ne sont liés à leur parti, ou à leur classe, ou à leurs
1749 ent — songeant au jour où il faudra choisir entre l’ Église et nos sécurités. Je vois bien que nos Églises constituent des
1750 es, agissant pour leur compte — plus qu’au nom de l’ Église — cela ne fait pas encore une vraie communauté. Des actes isolé
1751 nt-ils, cela ne fait pas un esprit de corps, — et l’ expression « esprit de corps » devrait pouvoir s’appliquer à l’Église
1752 « esprit de corps » devrait pouvoir s’appliquer à l’ Église plus qu’à nulle autre communauté au monde, puisque l’Église est
1753 lus qu’à nulle autre communauté au monde, puisque l’ Église est rassemblée par l’Esprit saint, et puisqu’elle est le Corps
1754 uté au monde, puisque l’Église est rassemblée par l’ Esprit saint, et puisqu’elle est le Corps même du Seigneur. Ceci dit,
1755 rassemblée par l’Esprit saint, et puisqu’elle est le Corps même du Seigneur. Ceci dit, et notre faiblesse une fois reconnu
1756 s’organiser. Je ne puis pas vous énumérer toutes les conditions nécessaires pour que nos paroisses redeviennent des commun
1757 ratiquement réalisables à bref délai, j’entends à la faveur du choc des événements récents et avant les crises plus graves
1758 la faveur du choc des événements récents et avant les crises plus graves qui se préparent. Pour que nos Églises retrouvent
1759 qui se préparent. Pour que nos Églises retrouvent le sens et la vertu communautaire, il faut : 1° qu’elles reprennent cons
1760 arent. Pour que nos Églises retrouvent le sens et la vertu communautaire, il faut : 1° qu’elles reprennent conscience de l
1761 e, il faut : 1° qu’elles reprennent conscience de la nature éternelle et du but transcendant de l’Église ; 2° qu’elles dév
1762 de la nature éternelle et du but transcendant de l’ Église ; 2° qu’elles développent ou réveillent en elles le sens missio
1763  ; 2° qu’elles développent ou réveillent en elles le sens missionnaire, à l’intérieur du pays ; 3° qu’elles aient le coura
1764 nt ou réveillent en elles le sens missionnaire, à l’ intérieur du pays ; 3° qu’elles aient le courage d’être franchement de
1765 nnaire, à l’intérieur du pays ; 3° qu’elles aient le courage d’être franchement des Églises visibles, organisées, douées d
1766 eurs beaucoup plus qualifiés que moi pour définir l’ essence et le but de l’Église. Je me contenterai de quelques remarques
1767 plus qualifiés que moi pour définir l’essence et le but de l’Église. Je me contenterai de quelques remarques sur les rapp
1768 ifiés que moi pour définir l’essence et le but de l’ Église. Je me contenterai de quelques remarques sur les rapports de l’
1769 lise. Je me contenterai de quelques remarques sur les rapports de l’Église et de la Suisse, en tant qu’État. D’abord ceci :
1770 enterai de quelques remarques sur les rapports de l’ Église et de la Suisse, en tant qu’État. D’abord ceci : notre Église s
1771 ques remarques sur les rapports de l’Église et de la Suisse, en tant qu’État. D’abord ceci : notre Église suisse doit être
1772 être, ou redevenir une Église de Dieu, et non pas la société des braves gens. Par exemple, on ne doit plus discuter de son
1773 ter de son administration et de ses rapports avec l’ État comme s’il s’agissait d’un parti ou d’une fondation de bienfaisan
1774 ille et des donateurs attachés à leurs souvenirs. L’ Église n’est pas à nous, n’est pas notre œuvre, et ses affaires ne son
1775 s affaires ne sont pas nos affaires d’abord, mais les affaires du Royaume de Dieu. Il me paraît profondément indécent que c
1776 eils, par des hommes qui parfois ignorent tout de la réalité de l’Église, corps du Christ. Ensuite, sur les rapports de l’
1777 hommes qui parfois ignorent tout de la réalité de l’ Église, corps du Christ. Ensuite, sur les rapports de l’Église et de l
1778 éalité de l’Église, corps du Christ. Ensuite, sur les rapports de l’Église et de l’État, je vous proposerai deux formules :
1779 se, corps du Christ. Ensuite, sur les rapports de l’ Église et de l’État, je vous proposerai deux formules : 1° Le service
1780 rist. Ensuite, sur les rapports de l’Église et de l’ État, je vous proposerai deux formules : 1° Le service unique et suffi
1781 de l’État, je vous proposerai deux formules : 1° Le service unique et suffisant que l’Église doit rendre à la Suisse, c’e
1782 formules : 1° Le service unique et suffisant que l’ Église doit rendre à la Suisse, c’est de rester ou de devenir une vrai
1783 ce unique et suffisant que l’Église doit rendre à la Suisse, c’est de rester ou de devenir une vraie Église, une Église de
1784 atriotique ou une puissance d’ordre politique. 2° Le service que l’État suisse doit en retour, à l’Église, c’est de la lai
1785 ne puissance d’ordre politique. 2° Le service que l’ État suisse doit en retour, à l’Église, c’est de la laisser être une v
1786 2° Le service que l’État suisse doit en retour, à l’ Église, c’est de la laisser être une vraie Église de Dieu et non pas u
1787 ’État suisse doit en retour, à l’Église, c’est de la laisser être une vraie Église de Dieu et non pas une Église de l’État
1788 une vraie Église de Dieu et non pas une Église de l’ État suisse. Il est bien vrai que notre État fédéral ne saurait se fon
1789 rai cette déclaration prophétique d’un homme dont la pensée me paraît plus actuelle que jamais, Alexandre Vinet. « Veuille
1790 en voulez pas pour vous, mais seulement pour tout le monde, faites-nous la grâce de n’en point vouloir ». Car « la société
1791 s, mais seulement pour tout le monde, faites-nous la grâce de n’en point vouloir ». Car « la société qui veut m’ôter ma re
1792 ites-nous la grâce de n’en point vouloir ». Car «  la société qui veut m’ôter ma religion, m’effraie bien moins que celle q
1793 umé, la première condition indispensable pour que l’ Église devienne une vraie communauté, c’est que l’Église soit indépend
1794 l’Église devienne une vraie communauté, c’est que l’ Église soit indépendante de l’État, je veux dire par là : constituée f
1795 mmunauté, c’est que l’Église soit indépendante de l’ État, je veux dire par là : constituée face à l’État comme une autorit
1796 e l’État, je veux dire par là : constituée face à l’ État comme une autorité souveraine 9. Alors, si l’État change, l’Églis
1797 l’État comme une autorité souveraine 9. Alors, si l’ État change, l’Église ne changera pas. Et si l’État devient païen, l’É
1798 e autorité souveraine 9. Alors, si l’État change, l’ Église ne changera pas. Et si l’État devient païen, l’Église pourra re
1799 si l’État change, l’Église ne changera pas. Et si l’ État devient païen, l’Église pourra rester le lieu où les justes rappo
1800 lise ne changera pas. Et si l’État devient païen, l’ Église pourra rester le lieu où les justes rapports entre les hommes s
1801 t si l’État devient païen, l’Église pourra rester le lieu où les justes rapports entre les hommes sont ordonnés par la Par
1802 devient païen, l’Église pourra rester le lieu où les justes rapports entre les hommes sont ordonnés par la Parole et par l
1803 ourra rester le lieu où les justes rapports entre les hommes sont ordonnés par la Parole et par l’Esprit. Si l’on se remémo
1804 ustes rapports entre les hommes sont ordonnés par la Parole et par l’Esprit. Si l’on se remémore les événements qui ont am
1805 tre les hommes sont ordonnés par la Parole et par l’ Esprit. Si l’on se remémore les événements qui ont amené la création d
1806 s sont ordonnés par la Parole et par l’Esprit. Si l’ on se remémore les événements qui ont amené la création de l’Église co
1807 ar la Parole et par l’Esprit. Si l’on se remémore les événements qui ont amené la création de l’Église confessionnelle en A
1808 Si l’on se remémore les événements qui ont amené la création de l’Église confessionnelle en Allemagne, on comprendra ce q
1809 émore les événements qui ont amené la création de l’ Église confessionnelle en Allemagne, on comprendra ce que je veux dire
1810 agne, on comprendra ce que je veux dire, — et que le problème est urgent ! II La seconde condition, c’est que nos Ég
1811 ’est que nos Églises redeviennent missionnaires à l’ intérieur du pays, dans toutes les couches de notre peuple suisse. Pou
1812 missionnaires à l’intérieur du pays, dans toutes les couches de notre peuple suisse. Pour mille raisons qui tiennent à l’é
1813 peuple suisse. Pour mille raisons qui tiennent à l’ évolution sociale du xixe siècle, nos Églises sont devenues des milie
1814 ouvriers en font encore partie, c’est un fait que le ton des sermons, le maintien des auditeurs et l’atmosphère en général
1815 ore partie, c’est un fait que le ton des sermons, le maintien des auditeurs et l’atmosphère en général y sont bien plus bo
1816 le ton des sermons, le maintien des auditeurs et l’ atmosphère en général y sont bien plus bourgeois que populaires. C’est
1817 populaires. C’est sans doute l’une des raisons de la désaffection de la classe ouvrière vis-à-vis de l’Église depuis plus
1818 ans doute l’une des raisons de la désaffection de la classe ouvrière vis-à-vis de l’Église depuis plus d’un siècle : elle
1819 a désaffection de la classe ouvrière vis-à-vis de l’ Église depuis plus d’un siècle : elle ne s’y sent pas tout à fait chez
1820 . Il y a là certainement quelque chose d’anormal. L’ Église n’aurait jamais dû prendre le ton et l’accent d’un milieu socia
1821 se d’anormal. L’Église n’aurait jamais dû prendre le ton et l’accent d’un milieu social plutôt que d’un autre. Elle devrai
1822 al. L’Église n’aurait jamais dû prendre le ton et l’ accent d’un milieu social plutôt que d’un autre. Elle devrait aujourd’
1823 espèce d’éloquence conventionnelle qu’on appelle le ton de la chaire et qui produit sur l’auditeur occasionnel de nos ser
1824 éloquence conventionnelle qu’on appelle le ton de la chaire et qui produit sur l’auditeur occasionnel de nos sermons une i
1825 on appelle le ton de la chaire et qui produit sur l’ auditeur occasionnel de nos sermons une impression fâcheuse de démodé,
1826 ation chrétienne abandonne aux tribuns politiques le privilège de savoir parler à la foule, de savoir la toucher par des p
1827 ribuns politiques le privilège de savoir parler à la foule, de savoir la toucher par des paroles directes. Vous me direz p
1828 privilège de savoir parler à la foule, de savoir la toucher par des paroles directes. Vous me direz peut-être que cette q
1829 nous soyons choqués quand un pasteur ne garde pas le ton convenu, le ton convenable. Nous oublions trop facilement que la
1830 ués quand un pasteur ne garde pas le ton convenu, le ton convenable. Nous oublions trop facilement que la Parole de l’Égli
1831 ton convenable. Nous oublions trop facilement que la Parole de l’Église n’est pas réservée seulement à nos « milieux ecclé
1832 e. Nous oublions trop facilement que la Parole de l’ Église n’est pas réservée seulement à nos « milieux ecclésiastiques »,
1833 nt à nos « milieux ecclésiastiques », mais à tous les hommes d’où qu’ils viennent, qui ont faim et soif de vérité, sans le
1834 ls viennent, qui ont faim et soif de vérité, sans le savoir le plus souvent. Il est grand temps que nous fassions en sorte
1835 t, qui ont faim et soif de vérité, sans le savoir le plus souvent. Il est grand temps que nous fassions en sorte que tous
1836 issent écouter et puissent entendre sans éprouver le sentiment de s’être égarés dans un milieu où ils sont déplacés. Que n
1837 mour des âmes. Si nous avons ce zèle et ce souci, l’ atmosphère un peu renfermée de certaines de nos paroisses se dissipera
1838 dissipera d’elle-même, se fera plus accueillante. L’ étranger qui entrera dans nos temples ne se sentira plus perdu chez le
1839 ra dans nos temples ne se sentira plus perdu chez les braves gens, mais accueilli dans une maison de Dieu. Ce que je voudra
1840 que je présente comme laïque à nos pasteurs, avec l’ espoir que les laïques de cet auditoire l’appuieront pratiquement dans
1841 te comme laïque à nos pasteurs, avec l’espoir que les laïques de cet auditoire l’appuieront pratiquement dans leurs paroiss
1842 s, avec l’espoir que les laïques de cet auditoire l’ appuieront pratiquement dans leurs paroisses. Je voudrais dire à nos p
1843 moins originales. Elle demande des vérités sûres, les vérités de la Bible, qui sont toujours les plus actuelles, et qui son
1844 s. Elle demande des vérités sûres, les vérités de la Bible, qui sont toujours les plus actuelles, et qui sont seules à la
1845 sûres, les vérités de la Bible, qui sont toujours les plus actuelles, et qui sont seules à la hauteur de la situation prése
1846 toujours les plus actuelles, et qui sont seules à la hauteur de la situation présente. Ce ne sont jamais nos idées personn
1847 lus actuelles, et qui sont seules à la hauteur de la situation présente. Ce ne sont jamais nos idées personnelles, nos com
1848 y a quelques semaines, une parole qui m’a fait de l’ impression. C’était dans un sermon, et le pasteur disait : « Laissons
1849 fait de l’impression. C’était dans un sermon, et le pasteur disait : « Laissons parler la Bible seule, car nous, nous ne
1850 sermon, et le pasteur disait : « Laissons parler la Bible seule, car nous, nous ne sommes pas convaincants. » Parole prof
1851 d’un pasteur de ses soucis, et résoudre en partie le problème du samedi soir… Encore faut-il que les paroissiens, à leur t
1852 ie le problème du samedi soir… Encore faut-il que les paroissiens, à leur tour, acceptent que leur pasteur soit « simplemen
1853 mple ! Jamais il ne pourra se rapprocher assez de la simplicité des paroles de la Bible. « Nous ne sommes pas convaincants
1854 rapprocher assez de la simplicité des paroles de la Bible. « Nous ne sommes pas convaincants », disait le pasteur que je
1855 ible. « Nous ne sommes pas convaincants », disait le pasteur que je viens de citer. Nous ne sommes pas convaincants, ajout
1856 ns que la plupart des auditeurs n’auraient pas eu l’ idée de faire. Comme laïque, je ne demande pas qu’on me persuade de cr
1857 me parle avec une calme autorité, et non pas que l’ on prenne au sérieux mes doutes éventuels. Notre génération n’est pas
1858 n’est pas si tourmentée de doutes. Elle n’a guère la manie de discuter. Elle attend des directions positives. Elle est prê
1859 tives. Elle est prête à croire, et elle demande à la prédication de parler à sa foi, non à son doute, avec la tranquille e
1860 ication de parler à sa foi, non à son doute, avec la tranquille et familière assurance de la foi. Car la conviction seule
1861 ute, avec la tranquille et familière assurance de la foi. Car la conviction seule est convaincante. Tout ceci ne veut pas
1862 tranquille et familière assurance de la foi. Car la conviction seule est convaincante. Tout ceci ne veut pas dire d’aille
1863 ut pas dire d’ailleurs que notre Église n’ait pas le droit d’aborder l’actualité sociale ou politique. Pour être missionna
1864 urs que notre Église n’ait pas le droit d’aborder l’ actualité sociale ou politique. Pour être missionnaire, l’Église doit
1865 ité sociale ou politique. Pour être missionnaire, l’ Église doit d’abord être convaincue de la valeur et de la nouveauté pe
1866 onnaire, l’Église doit d’abord être convaincue de la valeur et de la nouveauté perpétuelle d’un message purement biblique.
1867 e doit d’abord être convaincue de la valeur et de la nouveauté perpétuelle d’un message purement biblique. C’est le premie
1868 e premier point. Mais cela étant acquis, pourquoi l’ Église se priverait-elle de souligner l’actualité de son enseignement 
1869 pourquoi l’Église se priverait-elle de souligner l’ actualité de son enseignement ? Pourquoi ne parlerait-elle pas de poli
1870 rquoi ne parlerait-elle pas de politique, si elle le fait sur la seule base de la Bible ? On ne lui demande pas une théori
1871 lerait-elle pas de politique, si elle le fait sur la seule base de la Bible ? On ne lui demande pas une théorie originale,
1872 e politique, si elle le fait sur la seule base de la Bible ? On ne lui demande pas une théorie originale, surtout pas ! On
1873 simplement d’appliquer à telle ou telle situation les paroles éternelles de l’Évangile et des prophètes : par exemple, pour
1874 elle ou telle situation les paroles éternelles de l’ Évangile et des prophètes : par exemple, pour exhorter les fidèles à r
1875 ile et des prophètes : par exemple, pour exhorter les fidèles à renoncer à leurs préjugés de partis, ou à leurs intérêts de
1876 r montrer à notre peuple sa mission positive dans l’ Europe d’aujourd’hui. Toutes ces choses peuvent et doivent être dites
1877 s choses peuvent et doivent être dites du haut de la chaire, à condition, je le répète et j’y insiste, qu’il ne s’agisse j
1878 être dites du haut de la chaire, à condition, je le répète et j’y insiste, qu’il ne s’agisse jamais des idées personnelle
1879 u’il cite, mais du seul et unique point de vue de la Bible. En résumé, la deuxième condition indispensable pour que l’Égli
1880 umé, la deuxième condition indispensable pour que l’ Église reste ou devienne une vraie communauté, c’est que l’Église ne p
1881 reste ou devienne une vraie communauté, c’est que l’ Église ne parle pas le langage d’un seul groupe social, ou d’une seule
1882 vraie communauté, c’est que l’Église ne parle pas le langage d’un seul groupe social, ou d’une seule classe ; ou le langag
1883 un seul groupe social, ou d’une seule classe ; ou le langage d’une quelconque philosophie à la mode ou déjà démodée ; ou l
1884 se ; ou le langage d’une quelconque philosophie à la mode ou déjà démodée ; ou le langage personnel de Monsieur X, pasteur
1885 conque philosophie à la mode ou déjà démodée ; ou le langage personnel de Monsieur X, pasteur ou même théologien célèbre,
1886 re, — mais qu’elle parle uniquement et simplement le langage de la Bible, qui appartient à tous, qui est frappant pour tou
1887 elle parle uniquement et simplement le langage de la Bible, qui appartient à tous, qui est frappant pour tous, et dans leq
1888 La troisième condition d’une vraie communauté, je la définissais tout à l’heure comme suit : que nos Églises aient le cour
1889 d’une vraie communauté, je la définissais tout à l’ heure comme suit : que nos Églises aient le courage d’être franchement
1890 tout à l’heure comme suit : que nos Églises aient le courage d’être franchement des Églises visibles — solidement organisé
1891 e formes de culte fixes. Je ne soulèverai pas ici le problème de l’épiscopat, encore que je sois persuadé qu’il se posera
1892 te fixes. Je ne soulèverai pas ici le problème de l’ épiscopat, encore que je sois persuadé qu’il se posera pour nous aussi
1893 ne parlerai pas non plus du rôle des laïques dans la paroisse, qui pourrait être développé encore, afin de décharger le pa
1894 pourrait être développé encore, afin de décharger le pasteur d’un lourd travail de bienfaisance. Je me bornerai au seul pr
1895 seul problème des formes du culte, au problème de la liturgie protestante. C’est un laïque qui parle ici, je le répète. Ce
1896 ie protestante. C’est un laïque qui parle ici, je le répète. Ce n’est pas un docteur de l’Église ! Les théologiens élèvero
1897 le répète. Ce n’est pas un docteur de l’Église ! Les théologiens élèveront peut-être de fortes objections contre ce que je
1898 ctions contre ce que je vais dire. Je suis prêt à les écouter avec déférence. Mais je cherchais depuis longtemps l’occasion
1899 vec déférence. Mais je cherchais depuis longtemps l’ occasion de formuler certaines propositions qui trouveront aujourd’hui
1900 sitions qui trouveront aujourd’hui, peut-être, de l’ écho. J’ai passé plusieurs années en France, et je me suis fortement a
1901 nées en France, et je me suis fortement attaché à la liturgie des Églises réformées de ce pays. J’entends ici par liturgie
1902 éformées de ce pays. J’entends ici par liturgie : la partie du culte qui n’est pas le sermon, les lectures, prières et cha
1903 i par liturgie : la partie du culte qui n’est pas le sermon, les lectures, prières et chants réglés et réguliers. Depuis m
1904 gie : la partie du culte qui n’est pas le sermon, les lectures, prières et chants réglés et réguliers. Depuis mon retour en
1905 uis mon retour en Suisse j’éprouve avec intensité l’ absence de toute espèce de liturgie sérieuse dans nos cultes, à quelqu
1906 ares exceptions près10. Et ce n’est pas seulement le défaut de liturgie qui me choque, mais le manque de sens liturgique q
1907 ulement le défaut de liturgie qui me choque, mais le manque de sens liturgique que manifestent les essais tentés ici ou là
1908 mais le manque de sens liturgique que manifestent les essais tentés ici ou là, pour remédier à cette absence. Nous avons bi
1909 trecoupées de chants et de jeux d’orgue. Eh bien, le seul fait de qualifier de « liturgiques » ces manifestations — peut-ê
1910 ns — peut-être parce qu’on ne saurait pas comment les définir autrement… ce seul fait démontre à l’évidence que nous ignoro
1911 nt les définir autrement… ce seul fait démontre à l’ évidence que nous ignorons le sens et la portée de la liturgie véritab
1912 seul fait démontre à l’évidence que nous ignorons le sens et la portée de la liturgie véritable. Celle-ci suppose des form
1913 émontre à l’évidence que nous ignorons le sens et la portée de la liturgie véritable. Celle-ci suppose des formes fixes et
1914 vidence que nous ignorons le sens et la portée de la liturgie véritable. Celle-ci suppose des formes fixes et invariables,
1915 invariables, connues de tous, et auxquelles tout l’ auditoire participe d’une manière à la fois spontanée et réglée d’avan
1916 nos cultes soi-disant liturgiques sont exactement le contraire : ils sont composés selon les goûts et les idées du pasteur
1917 exactement le contraire : ils sont composés selon les goûts et les idées du pasteur ; ils ne se déroulent pas d’après un pl
1918 contraire : ils sont composés selon les goûts et les idées du pasteur ; ils ne se déroulent pas d’après un plan traditionn
1919 souvent inconnus, et des morceaux de musique dont la signification reste imprécise… Voici un détail significatif, à mes ye
1920 e nos cultes, une prière liturgique isolée, comme la confession des péchés, certains pasteurs paraissent craindre la monot
1921 des péchés, certains pasteurs paraissent craindre la monotonie de ce vieux texte, et croient bien faire en y apportant que
1922 gie ou de leur conception du style. Or justement, la valeur liturgique d’un texte réside dans son invariabilité. C’est grâ
1923 ariabilité. C’est grâce à cette invariabilité que le fidèle peut vraiment suivre le texte, dire en lui-même ses paroles, r
1924 invariabilité que le fidèle peut vraiment suivre le texte, dire en lui-même ses paroles, redécouvrir chaque fois leur sen
1925 au. C’est grâce à cette invariabilité, enfin, que la liturgie crée dans l’auditoire un sentiment de communion, ou de commu
1926 e invariabilité, enfin, que la liturgie crée dans l’ auditoire un sentiment de communion, ou de communauté spirituelle. Une
1927 e invariable ; de plus, elle doit être prévue par les auditeurs, et pleinement significative en chacune de ses parties. Ell
1928 nsemble, un tout cohérent et indivisible. Prenons l’ exemple de la liturgie des Églises réformées de France. Je vais vous l
1929 out cohérent et indivisible. Prenons l’exemple de la liturgie des Églises réformées de France. Je vais vous la décrire dan
1930 gie des Églises réformées de France. Je vais vous la décrire dans ses principaux traits. I. Invocation (l’assemblée debout
1931 écrire dans ses principaux traits. I. Invocation ( l’ assemblée debout). Psaume. II. La Loi ou son sommaire (l’assemblée ass
1932 . I. Invocation (l’assemblée debout). Psaume. II. La Loi ou son sommaire (l’assemblée assise) (après la lecture, chant spo
1933 blée debout). Psaume. II. La Loi ou son sommaire ( l’ assemblée assise) (après la lecture, chant spontané : « Mon Dieu, ta l
1934 a Loi ou son sommaire (l’assemblée assise) (après la lecture, chant spontané : « Mon Dieu, ta loi est sainte… mais si tu c
1935 ster devant toi ! »). III. Confession des péchés ( l’ assemblée s’agenouille). IV. Kyrie (un petit chœur ou l’assemblée chan
1936 mblée s’agenouille). IV. Kyrie (un petit chœur ou l’ assemblée chante : « Seigneur, aie pitié de nous ! Christ, aie pitié d
1937 . V. Promesses de grâce et absolution collective ( l’ assemblée debout chante : « Ô qu’heureux est celui dont la transgressi
1938 lée debout chante : « Ô qu’heureux est celui dont la transgression est remise… Mon âme, bénis l’Éternel… »). VI. Credo (le
1939 dont la transgression est remise… Mon âme, bénis l’ Éternel… »). VI. Credo (lecture du Symbole des apôtres. L’assemblée re
1940 l… »). VI. Credo (lecture du Symbole des apôtres. L’ assemblée reste debout). VII. Alléluia (chant spontané). (À la fin du
1941 reste debout). VII. Alléluia (chant spontané). (À la fin du culte, après l’Oraison dominicale, chant spontané d’une stroph
1942 éluia (chant spontané). (À la fin du culte, après l’ Oraison dominicale, chant spontané d’une strophe du Te Deum : « Gloire
1943 ollectif non seulement des dogmes fondamentaux de la foi réformée, mais aussi du drame chrétien dans son déroulement bibli
1944 du drame chrétien dans son déroulement biblique : la Loi d’abord, qui nous condamne, puis la conscience, le péché, la repe
1945 iblique : la Loi d’abord, qui nous condamne, puis la conscience, le péché, la repentance, la grâce accordée, et enfin le t
1946 i d’abord, qui nous condamne, puis la conscience, le péché, la repentance, la grâce accordée, et enfin le témoignage de la
1947 qui nous condamne, puis la conscience, le péché, la repentance, la grâce accordée, et enfin le témoignage de la foi. À mo
1948 mne, puis la conscience, le péché, la repentance, la grâce accordée, et enfin le témoignage de la foi. À mon sens, cette l
1949 péché, la repentance, la grâce accordée, et enfin le témoignage de la foi. À mon sens, cette liturgie est une des plus bel
1950 nce, la grâce accordée, et enfin le témoignage de la foi. À mon sens, cette liturgie est une des plus belles, dans sa simp
1951 plus justes aussi, de toutes celles qu’utilisent les différentes confessions chrétiennes. Je voudrais vous dire maintenant
1952 e que nos Églises suisses devraient se préparer à l’ adopter, telle qu’elle est. Il y a d’abord une raison générale. L’Égli
1953 qu’elle est. Il y a d’abord une raison générale. L’ Église visible est aussi une société humaine. Comme toute société huma
1954 on ne peut pas négliger sans risques graves. Tous les fondateurs de régimes savent que pour créer une communauté nouvelle,
1955 le, il faut créer des signes et des rites : voyez les régimes totalitaires, communistes ou fascistes, avec leurs fêtes, leu
1956 bus manifestes ne doivent pas nous faire négliger le bon usage, l’usage chrétien d’une liturgie chrétienne. La science con
1957 ne doivent pas nous faire négliger le bon usage, l’ usage chrétien d’une liturgie chrétienne. La science consommée des che
1958 sage, l’usage chrétien d’une liturgie chrétienne. La science consommée des chefs totalitaires doit nous rendre attentifs à
1959 certains de nos défauts, afin que nous puissions les corriger à temps. Un peuple complètement privé de toute manifestation
1960 n de ce genre risque d’être une proie facile pour les caricatures de liturgie que les païens viendront lui offrir un jour,
1961 proie facile pour les caricatures de liturgie que les païens viendront lui offrir un jour, et qui seront alors une tentatio
1962 longtemps déçu. Mon second argument en faveur de la liturgie est plus spécifiquement chrétien. Je dirais même qu’il est d
1963 xplique. Imaginez une personne qui n’a jamais mis les pieds dans un de nos temples, qui ne sait rien du protestantisme, ou
1964 antisme, ou qui est incroyante. Vous réussissez à l’ amener, un beau dimanche, au culte d’une de nos paroisses suisses. Ell
1965 ra d’abord, probablement, dépaysée, comme je vous le disais tout à l’heure, par le ton du pasteur et le maintien un peu co
1966 blement, dépaysée, comme je vous le disais tout à l’ heure, par le ton du pasteur et le maintien un peu compassé de l’audit
1967 ysée, comme je vous le disais tout à l’heure, par le ton du pasteur et le maintien un peu compassé de l’auditoire. Mais ce
1968 e disais tout à l’heure, par le ton du pasteur et le maintien un peu compassé de l’auditoire. Mais cela n’est rien encore 
1969 ton du pasteur et le maintien un peu compassé de l’ auditoire. Mais cela n’est rien encore : si elle est de bonne volonté
1970 par ces détails. Ce qui est plus grave, c’est que le sermon, s’il n’est pas exceptionnellement bon, risque bien de la lais
1971 n’est pas exceptionnellement bon, risque bien de la laisser sur sa faim. En sortant de là, elle ne saura pas exactement c
1972 ement ce que nous croyons, elle pourra s’imaginer les choses les plus fausses. Ou bien encore, elle aura l’impression d’avo
1973 e nous croyons, elle pourra s’imaginer les choses les plus fausses. Ou bien encore, elle aura l’impression d’avoir surpris
1974 hoses les plus fausses. Ou bien encore, elle aura l’ impression d’avoir surpris une réunion d’initiés, habitués à un certai
1975 certain langage, dont personne ne lui aura donné la clef. Il en ira tout autrement, si le culte débute par la liturgie qu
1976 aura donné la clef. Il en ira tout autrement, si le culte débute par la liturgie que je viens de vous résumer. Cette litu
1977 Il en ira tout autrement, si le culte débute par la liturgie que je viens de vous résumer. Cette liturgie, en effet, décr
1978 n effet, décrit d’abord dans une langue frappante les différents moments du drame du salut. Elle crée le cadre et l’atmosph
1979 s différents moments du drame du salut. Elle crée le cadre et l’atmosphère spirituelle, elle introduit le sermon du pasteu
1980 moments du drame du salut. Elle crée le cadre et l’ atmosphère spirituelle, elle introduit le sermon du pasteur, elle le s
1981 cadre et l’atmosphère spirituelle, elle introduit le sermon du pasteur, elle le situe dans l’ensemble de nos dogmes, et el
1982 tuelle, elle introduit le sermon du pasteur, elle le situe dans l’ensemble de nos dogmes, et elle rappelle notre Credo. Br
1983 ntroduit le sermon du pasteur, elle le situe dans l’ ensemble de nos dogmes, et elle rappelle notre Credo. Bref, quand le s
1984 dogmes, et elle rappelle notre Credo. Bref, quand le sermon commence, tout le monde, et même un étranger, peut savoir de q
1985 J’avoue que pour ma part, et je ne pense pas être le seul de mon espèce, j’éprouve le besoin d’entendre répéter chaque dim
1986 e pense pas être le seul de mon espèce, j’éprouve le besoin d’entendre répéter chaque dimanche les grandes vérités de la f
1987 ouve le besoin d’entendre répéter chaque dimanche les grandes vérités de la foi, j’éprouve le besoin de participer, par le
1988 re répéter chaque dimanche les grandes vérités de la foi, j’éprouve le besoin de participer, par le chant ou la récitation
1989 dimanche les grandes vérités de la foi, j’éprouve le besoin de participer, par le chant ou la récitation, à ce témoignage
1990 de la foi, j’éprouve le besoin de participer, par le chant ou la récitation, à ce témoignage collectif, dans la communauté
1991 ’éprouve le besoin de participer, par le chant ou la récitation, à ce témoignage collectif, dans la communauté de mes frèr
1992 ou la récitation, à ce témoignage collectif, dans la communauté de mes frères, connus ou inconnus. Après cela, même si le
1993 s frères, connus ou inconnus. Après cela, même si le sermon n’est pas des meilleurs, j’ai tout de même le sentiment d’avoi
1994 sermon n’est pas des meilleurs, j’ai tout de même le sentiment d’avoir approuvé mon Église, et d’en avoir reçu le message
1995 t d’avoir approuvé mon Église, et d’en avoir reçu le message essentiel. Enfin, ma troisième raison se rapporte étroitement
1996 orte étroitement à mon sujet, aux relations entre l’ Église et la Suisse, ou pour être concret : aux relations entre nos Ég
1997 ment à mon sujet, aux relations entre l’Église et la Suisse, ou pour être concret : aux relations entre nos Églises et nou
1998 oncret : aux relations entre nos Églises et nous, les Suisses. Le peuple suisse, en général, n’a pas un sens des formes trè
1999 relations entre nos Églises et nous, les Suisses. Le peuple suisse, en général, n’a pas un sens des formes très raffiné. J
2000 désobligeante, et qui vous surprendra peut-être : le peuple suisse souffre d’un défaut qu’il me faut bien nommer le sans-g
2001 sse souffre d’un défaut qu’il me faut bien nommer le sans-gêne spirituel. Je ne sais pas si cela provient du fait qu’on pa
2002 ates et sans façon jusque dans nos relations avec le Tout-Puissant, qui est pourtant nommé Monarque, Seigneur et Roi des r
2003 ommé Monarque, Seigneur et Roi des rois, à toutes les pages de notre Bible. Le fait est que nous manquons d’un certain resp
2004 Roi des rois, à toutes les pages de notre Bible. Le fait est que nous manquons d’un certain respect religieux, de même qu
2005 in respect religieux, de même que nous passons, à l’ étranger, pour être un peu trop familiers et manquer du sens des dista
2006 d’illustration, une anecdote qui frise peut-être la caricature. J’ai entendu, de mes oreilles, un jeune pasteur remercier
2007 lles, un jeune pasteur remercier Dieu, du haut de la chaire, de ce que Dieu « nous a permis de lui parler tout simplement,
2008 nformer notre maintien. Sans aller jusqu’à imiter les génuflexions multipliées des orthodoxes russes, qui se prosternent ju
2009 odoxes russes, qui se prosternent jusqu’à toucher le sol de leur front, pourquoi refuserions-nous de nous agenouiller pour
2010 ourquoi refuserions-nous de nous agenouiller pour la prière publique, ou pendant la lecture de la confession des péchés, p
2011 s agenouiller pour la prière publique, ou pendant la lecture de la confession des péchés, par exemple, comme cela se fait
2012 pour la prière publique, ou pendant la lecture de la confession des péchés, par exemple, comme cela se fait dans les Églis
2013 des péchés, par exemple, comme cela se fait dans les Églises réformées de Paris ? Aurions-nous trop de dignité pour consen
2014 ant patriotique : « Devant Dieu seul, fléchissons le genou. » Mais pratiquement, nous restons assis, bourgeoisement et con
2015 nt je ne sais quelle déviation catholique. Toutes les Églises ont toujours attaché de l’importance à ces choses-là, et je p
2016 lique. Toutes les Églises ont toujours attaché de l’ importance à ces choses-là, et je pense qu’elles avaient de bonnes rai
2017 et je pense qu’elles avaient de bonnes raisons de le faire. Elles savaient qu’une certaine participation personnelle, phys
2018 Ce sont des gestes qui manifestent, visiblement, la communauté de la foi, de l’humiliation, ou de la joie chrétienne. Ce
2019 es qui manifestent, visiblement, la communauté de la foi, de l’humiliation, ou de la joie chrétienne. Ce sont des gestes,
2020 festent, visiblement, la communauté de la foi, de l’ humiliation, ou de la joie chrétienne. Ce sont des gestes, enfin, qui
2021 la communauté de la foi, de l’humiliation, ou de la joie chrétienne. Ce sont des gestes, enfin, qui favorisent l’oubli de
2022 tienne. Ce sont des gestes, enfin, qui favorisent l’ oubli de soi et qui libèrent des fausses pudeurs. Pour en finir sur ce
2023 oser à vous-même cette seule question : alors que les orthodoxes, les anglicans, les catholiques, les luthériens et les cal
2024 cette seule question : alors que les orthodoxes, les anglicans, les catholiques, les luthériens et les calvinistes françai
2025 estion : alors que les orthodoxes, les anglicans, les catholiques, les luthériens et les calvinistes français jugent nécess
2026 e les orthodoxes, les anglicans, les catholiques, les luthériens et les calvinistes français jugent nécessaire et bon d’avo
2027 les anglicans, les catholiques, les luthériens et les calvinistes français jugent nécessaire et bon d’avoir une liturgie, c
2028 comment se fait-il que nos Églises suisses soient les seules sur le continent qui croient pouvoir s’en passer, sans dommage
2029 -il que nos Églises suisses soient les seules sur le continent qui croient pouvoir s’en passer, sans dommage ? L’absence d
2030 t qui croient pouvoir s’en passer, sans dommage ? L’ absence de liturgie, remarquez-le, est un obstacle assez considérable
2031 , sans dommage ? L’absence de liturgie, remarquez- le , est un obstacle assez considérable à notre rapprochement avec d’autr
2032 à notre rapprochement avec d’autres Églises dans le mouvement œcuménique. (Je pense à l’Église anglicane, qui attache à l
2033 Églises dans le mouvement œcuménique. (Je pense à l’ Église anglicane, qui attache à la liturgie une importance sans cesse
2034 ue. (Je pense à l’Église anglicane, qui attache à la liturgie une importance sans cesse croissante.) Et pourtant, les Égli
2035 e importance sans cesse croissante.) Et pourtant, les Églises de Suisse devraient avoir à cœur ce rapprochement, plus qu’au
2036 e rapprochement, de mutuelle instruction, qui est la mission du jeune mouvement œcuménique. ⁂ Je me bornerai, en terminant
2037 . ⁂ Je me bornerai, en terminant, à vous rappeler les quelques thèses — critiques et suggestions — que je viens d’esquisser
2038 devant vous. Je vous ai indiqué tout d’abord que la situation actuelle exige de nos Églises un grand effort vers la commu
2039 ctuelle exige de nos Églises un grand effort vers la communauté vivante. Ce sera peut-être une question de vie ou de mort,
2040 ra peut-être une question de vie ou de mort, dans le monde qui se prépare. Je vous ai suggéré trois directions d’effort à
2041 ’abord à une compréhension moins superficielle de la nature de nos Églises, qui sont les membres du Corps de Christ, et no
2042 perficielle de la nature de nos Églises, qui sont les membres du Corps de Christ, et non pas des associations comme les aut
2043 orps de Christ, et non pas des associations comme les autres. Avoir ensuite le souci de « désembourgeoiser » notre atmosphè
2044 des associations comme les autres. Avoir ensuite le souci de « désembourgeoiser » notre atmosphère, notre ton, nos manièr
2045 ndre possible une action missionnaire dans toutes les couches de notre peuple. Poser enfin très sérieusement le problème de
2046 es de notre peuple. Poser enfin très sérieusement le problème de la liturgie, tant à nos bons théologiens qu’aux laïques,
2047 ple. Poser enfin très sérieusement le problème de la liturgie, tant à nos bons théologiens qu’aux laïques, généralement ig
2048 èmes urgents et tout pratiques, — considérant que la malice des temps nous invite au travail plutôt qu’à l’éloquence. 6
2049 lice des temps nous invite au travail plutôt qu’à l’ éloquence. 6. Manifeste de la Ligue du Gothard, juillet 1940. 7.
2050 vail plutôt qu’à l’éloquence. 6. Manifeste de la Ligue du Gothard, juillet 1940. 7. On sait que l’organisation des pr
2051 a Ligue du Gothard, juillet 1940. 7. On sait que l’ organisation des premières Églises était telle que les évêques reprire
2052 rganisation des premières Églises était telle que les évêques reprirent peu à peu pour leur compte les charges des gouverne
2053 les évêques reprirent peu à peu pour leur compte les charges des gouverneurs de provinces ou comes, lors de la décadence d
2054 es des gouverneurs de provinces ou comes, lors de la décadence des ive et ve siècles. 8. Parmi ces autres conditions do
2055 s prendre position ici sur des problèmes tels que les prestations financières de l’État à l’Église, qui sont pour le moins
2056 problèmes tels que les prestations financières de l’ État à l’Église, qui sont pour le moins secondaires. « Indépendante »
2057 tels que les prestations financières de l’État à l’ Église, qui sont pour le moins secondaires. « Indépendante » veux dire
2058 s financières de l’État à l’Église, qui sont pour le moins secondaires. « Indépendante » veux dire : libre de se gouverner
2059 e gouverner elle-même, comme lorsqu’on parle de «  l’ indépendance » de la Suisse. 10. Canton de Genève. g. Rougemont Den
2060 e, comme lorsqu’on parle de « l’indépendance » de la Suisse. 10. Canton de Genève. g. Rougemont Denis de, « L’Église et
2061 10. Canton de Genève. g. Rougemont Denis de, «  L’ Église et la Suisse », Les Cahiers protestants, Lausanne, août 1940, p
2062 de Genève. g. Rougemont Denis de, « L’Église et la Suisse », Les Cahiers protestants, Lausanne, août 1940, p. 321-342.
2063 . Rougemont Denis de, « L’Église et la Suisse », Les Cahiers protestants, Lausanne, août 1940, p. 321-342. h. Une note de
2064 Lausanne, août 1940, p. 321-342. h. Une note de la rédaction précise : « Deuxième conférence du Camp aîné de Vaumarcus.
2065 « Deuxième conférence du Camp aîné de Vaumarcus. Les suivantes : L’Église et l’Europe, l’Église et le Royaume de Dieu, l’É
2066 érence du Camp aîné de Vaumarcus. Les suivantes : L’ Église et l’Europe, l’Église et le Royaume de Dieu, l’Église, c’est no
2067 mp aîné de Vaumarcus. Les suivantes : L’Église et l’ Europe, l’Église et le Royaume de Dieu, l’Église, c’est nous, paraîtro
2068 Vaumarcus. Les suivantes : L’Église et l’Europe, l’ Église et le Royaume de Dieu, l’Église, c’est nous, paraîtront success
2069 Les suivantes : L’Église et l’Europe, l’Église et le Royaume de Dieu, l’Église, c’est nous, paraîtront successivement au c
2070 lise et l’Europe, l’Église et le Royaume de Dieu, l’ Église, c’est nous, paraîtront successivement au cours des prochains f
6 1941, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Autocritique de la Suisse (février 1941)
2071 Autocritique de la Suisse (février 1941)i j Nul pays à ma connaissance, n’a été plus
2072 plus souvent expliqué à lui-même et au monde que la Suisse. C’est qu’il en a besoin plus que nul autre. Sa devise est un
2073 principe toute doctrine unitaire et suppose donc la connaissance très vivante d’une autre espèce d’union, sans cesse à re
2074 ne autre espèce d’union, sans cesse à recréer. Or l’ inertie des masses et l’à-peu-près intellectuel s’opposent sans cesse
2075 sans cesse à recréer. Or l’inertie des masses et l’ à-peu-près intellectuel s’opposent sans cesse à cette reprise de consc
2076 nt sans cesse à cette reprise de conscience. D’où la nécessité d’une vigilante autocritique, si l’on ne veut pas déchoir o
2077 ’où la nécessité d’une vigilante autocritique, si l’ on ne veut pas déchoir ou se laisser dissoudre, si l’on veut durer et
2078 n ne veut pas déchoir ou se laisser dissoudre, si l’ on veut durer et surtout, si l’on prétend se donner en exemple. Clar
2079 sser dissoudre, si l’on veut durer et surtout, si l’ on prétend se donner en exemple. Clarifions notre langage ! — Puisqu
2080 n exemple. Clarifions notre langage ! — Puisque le fédéralisme est une forme politique qui suppose l’équilibre vivant en
2081 e fédéralisme est une forme politique qui suppose l’ équilibre vivant entre les droits de chaque région et ses devoirs enve
2082 me politique qui suppose l’équilibre vivant entre les droits de chaque région et ses devoirs envers l’ensemble, il n’est pa
2083 les droits de chaque région et ses devoirs envers l’ ensemble, il n’est pas absurde de nommer « fédéraliste » un parti qui
2084 éraliste » un parti qui n’a d’autre programme que la défense des intérêts locaux contre le centre. Ceux qui se disent, che
2085 ogramme que la défense des intérêts locaux contre le centre. Ceux qui se disent, chez nous, « fédéralistes » ne sont souve
2086 , chez nous, « fédéralistes » ne sont souvent, je le crains, que des nationalistes cantonaux. Ceux qui insistent sur la né
2087 s nationalistes cantonaux. Ceux qui insistent sur la nécessité de l’union centrale auraient peut-être plus de droits à rev
2088 cantonaux. Ceux qui insistent sur la nécessité de l’ union centrale auraient peut-être plus de droits à revendiquer le nom
2089 e auraient peut-être plus de droits à revendiquer le nom de fédéralistes, dans son sens étymologique. (fœdus = traité, ser
2090 usion verbale, symbolique de tant d’autres, est à la base de la plupart de nos conflits politiques, économiques, parlement
2091 ires. i. Rougemont Denis de, « Autocritique de la Suisse », Les Cahiers protestants, Lausanne, février 1941, p. 127-128
2092 ougemont Denis de, « Autocritique de la Suisse », Les Cahiers protestants, Lausanne, février 1941, p. 127-128. j. Une note
2093 note précise : « Tiré de Mission ou démission de la Suisse . »
7 1950, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Europe unie et neutralité suisse (novembre-décembre 1950)
2094 I Comment allons-nous justifier, aux yeux de l’ Europe qui essaie de se fédérer, cette raison de nous tenir à l’écart
2095 ssaie de se fédérer, cette raison de nous tenir à l’ écart ou de bénéficier d’un traitement tout spécial, que nos autorités
2096 er dans une forme quelconque d’union européenne ? Le fait est que nos voisins d’Europe comprennent de moins en moins notre
2097 e comprennent de moins en moins notre neutralité. Le fait est que les Américains ne la comprennent absolument pas, et que
2098 moins en moins notre neutralité. Le fait est que les Américains ne la comprennent absolument pas, et que les Russes n’y cr
2099 tre neutralité. Le fait est que les Américains ne la comprennent absolument pas, et que les Russes n’y croient pas plus qu
2100 éricains ne la comprennent absolument pas, et que les Russes n’y croient pas plus qu’ils ne croient à nos libertés, et vrai
2101 dire. Il serait donc temps qu’en Suisse au moins, l’ on essaie de comprendre un peu mieux les raisons véritables de ce stat
2102 au moins, l’on essaie de comprendre un peu mieux les raisons véritables de ce statut spécial, qui ne résulte pas d’une loi
2103 pécial, qui ne résulte pas d’une loi éternelle de la nature, ni d’un commandement de Moïse, ni d’un droit divin des Helvèt
2104 ne va pas du tout de soi. Je suis bien obligé de l’ avouer publiquement : pour beaucoup de mes compatriotes, la neutralité
2105 publiquement : pour beaucoup de mes compatriotes, la neutralité suisse est devenue un tabou, aussi sacré que l’égoïsme. On
2106 lité suisse est devenue un tabou, aussi sacré que l’ égoïsme. On refuse de la discuter, parce qu’on craint que cette discus
2107 un tabou, aussi sacré que l’égoïsme. On refuse de la discuter, parce qu’on craint que cette discussion n’aboutisse à des c
2108 osition. On n’aime pas cela… Ce qu’on veut, c’est la paix chez soi et tant pis pour les voisins. Ce qu’on veut, c’est fair
2109 ’on veut, c’est la paix chez soi et tant pis pour les voisins. Ce qu’on veut, c’est faire du commerce avec tout le monde, s
2110 sme par des œuvres philanthropiques. Il faut bien le reconnaître, ce repliement intéressé, qui tient parfois du raisonneme
2111 t intéressé, qui tient parfois du raisonnement de l’ autruche, et parfois d’une sagesse rusée, a parfaitement réussi jusqu’
2112 notre neutralité n’était rien d’autre que ce que le Suisse moyen semble croire aujourd’hui, il ne faudrait pas s’étonner
2113 pas s’étonner qu’elle impatiente de plus en plus le reste du monde. Comment les Suisses, si jalousement ennemis de privil
2114 tiente de plus en plus le reste du monde. Comment les Suisses, si jalousement ennemis de privilèges dans leur pays, peuvent
2115 je me contenterai ce soir d’un rapide aperçu sur l’ histoire de notre neutralité, car je soupçonne qu’elle n’est pas bien
2116 ns. Aux origines lointaines de notre État, il y a le Pacte de 1291. Ce pacte fut juré par les représentants des trois comm
2117 t, il y a le Pacte de 1291. Ce pacte fut juré par les représentants des trois communautés des Waldstätten, qui étaient en s
2118 mme des corporations ou coopératives forestières. Le pacte avait pour but de maintenir les libertés impériales acquises pa
2119 forestières. Le pacte avait pour but de maintenir les libertés impériales acquises par ces communautés. Et ces privilèges a
2120 autés. Et ces privilèges avaient été accordés par l’ empereur afin que le passage du Gothard fût gardé libre pour tout le S
2121 èges avaient été accordés par l’empereur afin que le passage du Gothard fût gardé libre pour tout le Saint-Empire. Ainsi d
2122 e le passage du Gothard fût gardé libre pour tout le Saint-Empire. Ainsi donc, dès le début, ce premier noyau de la Suisse
2123 libre pour tout le Saint-Empire. Ainsi donc, dès le début, ce premier noyau de la Suisse a reçu un statut spécial dans l’
2124 re. Ainsi donc, dès le début, ce premier noyau de la Suisse a reçu un statut spécial dans l’intérêt de l’Europe entière, a
2125 noyau de la Suisse a reçu un statut spécial dans l’ intérêt de l’Europe entière, au moins autant que pour lui-même. La pre
2126 Suisse a reçu un statut spécial dans l’intérêt de l’ Europe entière, au moins autant que pour lui-même. La première idée d’
2127 gative des Confédérés apparaît vers 1648, lorsque la Suisse se sépare de l’Empire par le traité de Westphalie. L’expérienc
2128 pparaît vers 1648, lorsque la Suisse se sépare de l’ Empire par le traité de Westphalie. L’expérience de la guerre de Trent
2129 1648, lorsque la Suisse se sépare de l’Empire par le traité de Westphalie. L’expérience de la guerre de Trente Ans a montr
2130 e sépare de l’Empire par le traité de Westphalie. L’ expérience de la guerre de Trente Ans a montré que les cantons ne peuv
2131 pire par le traité de Westphalie. L’expérience de la guerre de Trente Ans a montré que les cantons ne peuvent rester unis
2132 xpérience de la guerre de Trente Ans a montré que les cantons ne peuvent rester unis que s’ils s’abstiennent de prendre par
2133 estants — puisqu’ils sont eux-mêmes divisés entre les deux confessions. Mais ce n’est qu’en 1815 que la neutralité de la Su
2134 es deux confessions. Mais ce n’est qu’en 1815 que la neutralité de la Suisse se voit proclamée, sanctionnée par les Puissa
2135 ns. Mais ce n’est qu’en 1815 que la neutralité de la Suisse se voit proclamée, sanctionnée par les Puissances et déclarée
2136 é de la Suisse se voit proclamée, sanctionnée par les Puissances et déclarée perpétuelle. En même temps, elle prend un aspe
2137 lle prend un aspect positif. On sait en effet que le traité de Vienne dit en tous termes que « la neutralité et l’inviolab
2138 que le traité de Vienne dit en tous termes que «  la neutralité et l’inviolabilité de la Suisse […] sont dans les vrais in
2139 Vienne dit en tous termes que « la neutralité et l’ inviolabilité de la Suisse […] sont dans les vrais intérêts de l’Europ
2140 termes que « la neutralité et l’inviolabilité de la Suisse […] sont dans les vrais intérêts de l’Europe entière ». En 191
2141 ité et l’inviolabilité de la Suisse […] sont dans les vrais intérêts de l’Europe entière ». En 1914, on retrouve ce même mé
2142 de la Suisse […] sont dans les vrais intérêts de l’ Europe entière ». En 1914, on retrouve ce même mélange d’intérêt propr
2143 rêt européen dans notre abstention du conflit. Si la Suisse avait pris parti, à ce moment-là, elle se fût déchirée en deux
2144 se fût déchirée en deux : une partie tenant pour la France, l’autre pour l’Allemagne. Il était évident que notre neutrali
2145  : une partie tenant pour la France, l’autre pour l’ Allemagne. Il était évident que notre neutralité dépendait donc, au dé
2146 ameux « équilibre européen ». Mais déjà en 1939, la question se posa différemment. L’équilibre étant rompu au profit des
2147 s déjà en 1939, la question se posa différemment. L’ équilibre étant rompu au profit des puissances fascistes, la Suisse ne
2148 e étant rompu au profit des puissances fascistes, la Suisse ne dut son salut qu’à une chance extraordinaire, aidée par une
2149 dées. Qu’en est-il aujourd’hui ? Tout est changé. Les conflits qui menacent d’éclater n’opposeront plus les catholiques aux
2150 conflits qui menacent d’éclater n’opposeront plus les catholiques aux protestants, comme pendant la guerre de Trente Ans ;
2151 us les catholiques aux protestants, comme pendant la guerre de Trente Ans ; ni la France à l’Allemagne, ou l’Autriche à l’
2152 tants, comme pendant la guerre de Trente Ans ; ni la France à l’Allemagne, ou l’Autriche à l’Italie, comme en 1914 ; ni mê
2153 pendant la guerre de Trente Ans ; ni la France à l’ Allemagne, ou l’Autriche à l’Italie, comme en 1914 ; ni même des Europ
2154 re de Trente Ans ; ni la France à l’Allemagne, ou l’ Autriche à l’Italie, comme en 1914 ; ni même des Européens à d’autres
2155 Ans ; ni la France à l’Allemagne, ou l’Autriche à l’ Italie, comme en 1914 ; ni même des Européens à d’autres Européens com
2156 de 1939 à 1945. Il n’est donc plus question pour la Suisse d’essayer de maintenir sa place centrale et réservée dans le j
2157 r de maintenir sa place centrale et réservée dans le jeu des puissances voisines. Il n’y a plus d’équilibre européen. Il y
2158 sines. Il n’y a plus d’équilibre européen. Il y a l’ Europe entière qui essaie de survivre et de s’unir contre un danger co
2159 ir contre un danger commun. Nous sommes tous dans le même sac, si j’ose dire. La seule question réelle qui se pose désorma
2160 Nous sommes tous dans le même sac, si j’ose dire. La seule question réelle qui se pose désormais, c’est de savoir si la ne
2161 réelle qui se pose désormais, c’est de savoir si la neutralité de notre pays est encore « dans les vrais intérêts de l’Eu
2162 si la neutralité de notre pays est encore « dans les vrais intérêts de l’Europe entière ». Apporte-t-elle, ou non, une con
2163 otre pays est encore « dans les vrais intérêts de l’ Europe entière ». Apporte-t-elle, ou non, une contribution effective à
2164 orte-t-elle, ou non, une contribution effective à la défense commune de l’Europe ? II Avant tout essai de réponse, o
2165 ne contribution effective à la défense commune de l’ Europe ? II Avant tout essai de réponse, on fera bien de se dema
2166 en de se demander d’abord : Quels sont, en somme, les vrais intérêts de l’Europe entière ? Sont-ils les mêmes aujourd’hui q
2167 ord : Quels sont, en somme, les vrais intérêts de l’ Europe entière ? Sont-ils les mêmes aujourd’hui qu’il y a cent-cinquan
2168 les vrais intérêts de l’Europe entière ? Sont-ils les mêmes aujourd’hui qu’il y a cent-cinquante ans, ou même qu’il y a dix
2169 -cinquante ans, ou même qu’il y a dix ans ? Je ne le pense pas. Ce que les auteurs des traités de 1815 entendaient par l’i
2170 me qu’il y a dix ans ? Je ne le pense pas. Ce que les auteurs des traités de 1815 entendaient par l’intérêt de l’Europe, c’
2171 e les auteurs des traités de 1815 entendaient par l’ intérêt de l’Europe, c’était un certain degré de concorde entre nos pa
2172 des traités de 1815 entendaient par l’intérêt de l’ Europe, c’était un certain degré de concorde entre nos pays et leurs r
2173 orde qui ne semblait pouvoir être assurée que par l’ équilibre entre les grandes puissances du continent. Il s’agit aujourd
2174 it pouvoir être assurée que par l’équilibre entre les grandes puissances du continent. Il s’agit aujourd’hui d’autre chose.
2175 u continent. Il s’agit aujourd’hui d’autre chose. L’ idée d’une guerre prochaine entre pays européens n’empêche personne de
2176 angers communs : l’un idéologique et militaire, à l’ Est ; l’autre économique et social, parmi nous. Pour y faire face, per
2177 , personne n’a proposé une meilleure solution que l’ union. « Les vrais intérêts de l’Europe entière », c’est donc tout sim
2178 n’a proposé une meilleure solution que l’union. «  Les vrais intérêts de l’Europe entière », c’est donc tout simplement que
2179 ure solution que l’union. « Les vrais intérêts de l’ Europe entière », c’est donc tout simplement que l’Europe devienne ent
2180 ’Europe entière », c’est donc tout simplement que l’ Europe devienne entière, qu’elle mette en commun toutes ses forces pou
2181 et pour assurer sa défense. Or, peut-on dire que l’ attitude plus que réservée de la Suisse contribue sérieusement à promo
2182 peut-on dire que l’attitude plus que réservée de la Suisse contribue sérieusement à promouvoir l’union ? Peut-on dire que
2183 de la Suisse contribue sérieusement à promouvoir l’ union ? Peut-on dire que la Suisse, en refusant de se risquer à Strasb
2184 ieusement à promouvoir l’union ? Peut-on dire que la Suisse, en refusant de se risquer à Strasbourg, contribue à renforcer
2185 de se risquer à Strasbourg, contribue à renforcer le Conseil de l’Europe ? Certes, nous avons fini par adhérer avec d’infi
2186 quelques entreprises internationales, telles que l’ OECE et l’Union des paiements. Mais c’était en réalité parce que nous
2187 entreprises internationales, telles que l’OECE et l’ Union des paiements. Mais c’était en réalité parce que nous ne pouvion
2188 s plus faire autrement. Ce n’était pas pour hâter l’ union, mais par intérêt bien compris. Il serait donc un peu excessif d
2189 ves et réticentes comme autant de contributions à l’ unité. Sur ce plan général, il semble difficile de soutenir que la neu
2190 plan général, il semble difficile de soutenir que la neutralité représente un apport positif à la fédération du continent,
2191 que la neutralité représente un apport positif à la fédération du continent, c’est-à-dire à ses vrais intérêts. Mais sur
2192 à ses vrais intérêts. Mais sur le plan précis de la défense de l’Europe, la situation est différente. M. Churchill a parl
2193 ntérêts. Mais sur le plan précis de la défense de l’ Europe, la situation est différente. M. Churchill a parlé à Strasbourg
2194 ais sur le plan précis de la défense de l’Europe, la situation est différente. M. Churchill a parlé à Strasbourg de créer
2195 e. M. Pleven a fait voter un projet similaire par la Chambre française. Et déjà, l’on commence à regarder de travers cette
2196 ojet similaire par la Chambre française. Et déjà, l’ on commence à regarder de travers cette petite Suisse qui prétend rest
2197 t le monde réarme à grands cris. Mais attention : les cris ne sont pas des armes ! La vérité, c’est que la Suisse neutre es
2198 Mais attention : les cris ne sont pas des armes ! La vérité, c’est que la Suisse neutre est le seul pays d’Europe qui soit
2199 cris ne sont pas des armes ! La vérité, c’est que la Suisse neutre est le seul pays d’Europe qui soit matériellement et mo
2200 armes ! La vérité, c’est que la Suisse neutre est le seul pays d’Europe qui soit matériellement et moralement prêt à se dé
2201 e en cas d’attaque, demain. Je sais très bien que la seule mention de l’armée suisse a le don de provoquer des sourires lé
2202 demain. Je sais très bien que la seule mention de l’ armée suisse a le don de provoquer des sourires légèrement ironiques o
2203 rès bien que la seule mention de l’armée suisse a le don de provoquer des sourires légèrement ironiques ou incrédules chez
2204 mptent plutôt leurs divisions ! Nous en avons, je le crains, plus qu’eux tous réunis. Il n’y a qu’un seul coin de l’Europe
2205 s qu’eux tous réunis. Il n’y a qu’un seul coin de l’ Europe qui soit sérieusement défendu, et le fait est, paradoxal mais é
2206 oin de l’Europe qui soit sérieusement défendu, et le fait est, paradoxal mais évident, que ce petit coin, c’est la Suisse
2207 paradoxal mais évident, que ce petit coin, c’est la Suisse neutre. Quand l’armée de l’Europe commencera d’exister, il ser
2208 que ce petit coin, c’est la Suisse neutre. Quand l’ armée de l’Europe commencera d’exister, il sera temps d’aborder la que
2209 it coin, c’est la Suisse neutre. Quand l’armée de l’ Europe commencera d’exister, il sera temps d’aborder la question d’un
2210 ope commencera d’exister, il sera temps d’aborder la question d’un plan de défense unifié. Vous le voyez, la réponse que j
2211 der la question d’un plan de défense unifié. Vous le voyez, la réponse que j’essaie de trouver n’est pas simple. Si l’effo
2212 stion d’un plan de défense unifié. Vous le voyez, la réponse que j’essaie de trouver n’est pas simple. Si l’effort militai
2213 onse que j’essaie de trouver n’est pas simple. Si l’ effort militaire considérable que nous impose notre statut de neutrali
2214 tatut de neutralité est une contribution réelle à la défense du continent, on ne saurait vraiment en dire autant de notre
2215 ttitude méfiante et presque négative à l’égard de l’ union nécessaire. À la question qu’on me pose de tous côtés : Êtes-vou
2216 esque négative à l’égard de l’union nécessaire. À la question qu’on me pose de tous côtés : Êtes-vous pour l’abandon de no
2217 tion qu’on me pose de tous côtés : Êtes-vous pour l’ abandon de notre neutralité ? je ne puis donc répondre oui ou non. Le
2218 neutralité ? je ne puis donc répondre oui ou non. Le problème ne peut pas être posé, encore moins résolu, dans l’abstrait.
2219 ne peut pas être posé, encore moins résolu, dans l’ abstrait. Ce qu’il faut savoir tout d’abord, c’est pour quelle raison
2220 grande et forte, c’est en somme au profit de quoi la Suisse devrait éventuellement renoncer à sa neutralité. Je réponds po
2221 ma part que cela ne pourrait être qu’au profit de l’ Europe entière, c’est-à-dire au profit de son union fédérale, et de ce
2222 ées. Cela viendra, n’en doutez pas ! Demain, soit les États-Unis, soit le Conseil de l’Europe s’il sort de son impasse, soi
2223 en doutez pas ! Demain, soit les États-Unis, soit le Conseil de l’Europe s’il sort de son impasse, soit encore une menace
2224 impasse, soit encore une menace de guerre contre le continent tout entier, nous poseront ces questions précises. Il faut
2225 ifficile de trancher, ne sachant pas ce que pense le peuple suisse. Il ne faut pas que l’histoire nous surprenne, endormis
2226 ce que pense le peuple suisse. Il ne faut pas que l’ histoire nous surprenne, endormis dans la fausse sécurité d’une tradit
2227 pas que l’histoire nous surprenne, endormis dans la fausse sécurité d’une tradition qui a peut-être fait son temps, endor
2228 qui a peut-être fait son temps, endormis derrière la neutralité, comme la France en 1940 derrière la ligne Maginot, comme
2229 son temps, endormis derrière la neutralité, comme la France en 1940 derrière la ligne Maginot, comme l’Amérique l’été dern
2230 e la neutralité, comme la France en 1940 derrière la ligne Maginot, comme l’Amérique l’été dernier derrière sa Bombe. Je
2231 a France en 1940 derrière la ligne Maginot, comme l’ Amérique l’été dernier derrière sa Bombe. Je voulais introduire, ce s
2232 1940 derrière la ligne Maginot, comme l’Amérique l’ été dernier derrière sa Bombe. Je voulais introduire, ce soir, une di
2233 ulais introduire, ce soir, une discussion qui, je l’ espère, deviendra générale, et qui me paraît vitale pour notre avenir.
2234 e pour notre avenir. Je me borne à proposer, pour l’ orienter, un seul principe de jugement politique. Le voici : Tant que
2235 orienter, un seul principe de jugement politique. Le voici : Tant que la neutralité de la Suisse se révèle utile à l’Europ
2236 incipe de jugement politique. Le voici : Tant que la neutralité de la Suisse se révèle utile à l’Europe — comme aujourd’hu
2237 t politique. Le voici : Tant que la neutralité de la Suisse se révèle utile à l’Europe — comme aujourd’hui sur le plan mil
2238 que la neutralité de la Suisse se révèle utile à l’ Europe — comme aujourd’hui sur le plan militaire — il faut la mainteni
2239 comme aujourd’hui sur le plan militaire — il faut la maintenir. Si au contraire elle devient un prétexte à freiner l’union
2240 i au contraire elle devient un prétexte à freiner l’ union de l’Europe et à ne pas y prendre notre part, elle est contraire
2241 ire elle devient un prétexte à freiner l’union de l’ Europe et à ne pas y prendre notre part, elle est contraire à l’esprit
2242 ne pas y prendre notre part, elle est contraire à l’ esprit même de son statut, et elle peut donc demain devenir une trahis
2243 lle peut donc demain devenir une trahison. Car je le répète : notre neutralité a été reconnue par les puissances « dans l’
2244 e le répète : notre neutralité a été reconnue par les puissances « dans l’intérêt de l’Europe entière », et non pas comme u
2245 utralité a été reconnue par les puissances « dans l’ intérêt de l’Europe entière », et non pas comme un privilège qu’il n’y
2246 é reconnue par les puissances « dans l’intérêt de l’ Europe entière », et non pas comme un privilège qu’il n’y aurait plus
2247 il n’y aurait plus à mériter. Elle est relative à l’ Europe. Et ceux qui, par erreur ou par malice, veulent aujourd’hui la
2248 ui, par erreur ou par malice, veulent aujourd’hui la transformer en neutralité absolue, précisons : en neutralité entre l’
2249 utralité absolue, précisons : en neutralité entre l’ Europe et les ennemis de l’Europe — entre l’Europe unie et l’URSS par
2250 olue, précisons : en neutralité entre l’Europe et les ennemis de l’Europe — entre l’Europe unie et l’URSS par exemple — ceu
2251  : en neutralité entre l’Europe et les ennemis de l’ Europe — entre l’Europe unie et l’URSS par exemple — ceux-là sont infi
2252 entre l’Europe et les ennemis de l’Europe — entre l’ Europe unie et l’URSS par exemple — ceux-là sont infidèles à notre tra
2253 les ennemis de l’Europe — entre l’Europe unie et l’ URSS par exemple — ceux-là sont infidèles à notre tradition. Ils viole
2254 tre tradition. Ils violent notre statut légal, et l’ esprit même de nos institutions. Je me promets de revenir sur ce point
2255 t Denis de, « Europe unie et neutralité suisse », Les Cahiers protestants, Lausanne, novembre–décembre 1950, p. 309-316. l
2256 ovembre–décembre 1950, p. 309-316. l. Précédé de la note suivante : « L’Europe est en danger. Les efforts pour unir l’Eur
2257 , p. 309-316. l. Précédé de la note suivante : «  L’ Europe est en danger. Les efforts pour unir l’Europe se multiplient. I
2258 é de la note suivante : « L’Europe est en danger. Les efforts pour unir l’Europe se multiplient. Il semble que les obstacle
2259 : « L’Europe est en danger. Les efforts pour unir l’ Europe se multiplient. Il semble que les obstacles qui s’opposent à un
2260 pour unir l’Europe se multiplient. Il semble que les obstacles qui s’opposent à une fédération européenne se font plus dif
2261 opéenne se font plus difficiles et plus nombreux. Les Suisses doivent d’abord connaître objectivement la question. Nous avo
2262 s Suisses doivent d’abord connaître objectivement la question. Nous avons rédigé un questionnaire qui sera envoyé à quelqu
2263 nnaire qui sera envoyé à quelques-uns de ceux que le problème préoccupe et nous ouvrons ainsi une rubrique où paraîtront,
2264 où paraîtront, au cours des prochains fascicules, les réponses reçues. Voici le questionnaire. Il est suivi d’une première
2265 prochains fascicules, les réponses reçues. Voici le questionnaire. Il est suivi d’une première réponse de M. Denis de Rou
2266 ions IV et V : […] — Quelle attitude, selon vous, la Suisse devrait-elle adopter en face de l’Europe unie ? À supposer qu’
2267 n vous, la Suisse devrait-elle adopter en face de l’ Europe unie ? À supposer qu’une fédération européenne se réalisât proc
2268 nne se réalisât prochainement, dans quelle mesure la neutralité helvétique serait-elle un obstacle majeur à notre entrée d
2269 êche-t-elle pas notre pays d’assumer actuellement la tâche de conciliation qui serait conforme à son génie ? — En faveur d
2270 onforme à son génie ? — En faveur du maintien, de l’ assouplissement ou de l’abandon de cette neutralité, tenez-vous certai
2271 En faveur du maintien, de l’assouplissement ou de l’ abandon de cette neutralité, tenez-vous certains arguments comme parti
2272 tains arguments comme particulièrement décisifs à l’ heure où nous sommes ? » Comme le précise une note finale, ce texte es
2273 ement décisifs à l’heure où nous sommes ? » Comme le précise une note finale, ce texte est issu « des chroniques lues à Ra
2274 xte est issu « des chroniques lues à Radio-Genève les 30 octobre et 6 novembre 1950, dans le cadre de l’émission ‟Destins d
2275 io-Genève les 30 octobre et 6 novembre 1950, dans le cadre de l’émission ‟Destins du monde : Demain l’Europe !” ».
2276 s 30 octobre et 6 novembre 1950, dans le cadre de l’ émission ‟Destins du monde : Demain l’Europe !” ».
2277 le cadre de l’émission ‟Destins du monde : Demain l’ Europe !” ».
8 1951, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Réplique à M. Lasserre (mars-avril 1951)
2278 te que M. Lasserre ait simplifié ma thèse jusqu’à la déformer, et qu’il ait apporté à sa réfutation moins de scrupule que
2279 d’humeur. J’avais pourtant pris soin de souligner la complexité du problème. Je parlais de « ce mélange d’intérêt propre e
2280 ui a toujours caractérisé notre neutralité et qui l’ a pratiquement permise. M. Lasserre veut croire que je n’ai considéré
2281 M. Lasserre veut croire que je n’ai considéré que l’ intérêt européen : c’est sa « grave erreur liminaire ». J’ai naturelle
2282 eur liminaire ». J’ai naturellement insisté sur «  l’ intérêt de l’Europe entière » parce que c’était par ce biais-là que je
2283  ». J’ai naturellement insisté sur « l’intérêt de l’ Europe entière » parce que c’était par ce biais-là que je pouvais abor
2284 ue c’était par ce biais-là que je pouvais aborder le problème suisse, dans le cadre général de ma chronique intitulée « De
2285 à que je pouvais aborder le problème suisse, dans le cadre général de ma chronique intitulée « Demain l’Europe ». Je n’ai
2286 cadre général de ma chronique intitulée « Demain l’ Europe ». Je n’ai nullement nié ou méconnu l’intérêt propre de la Suis
2287 main l’Europe ». Je n’ai nullement nié ou méconnu l’ intérêt propre de la Suisse. Il serait toutefois bien léger de penser,
2288 n’ai nullement nié ou méconnu l’intérêt propre de la Suisse. Il serait toutefois bien léger de penser, ou de laisser croir
2289 re, que ce propre intérêt soit seul en cause dans le jeu des forces politiques de notre temps ! Où donc ai-je soutenu « sa
2290 emps ! Où donc ai-je soutenu « sans réserve » que la Suisse devrait subordonner sa politique à « l’intérêt des principaux
2291 ue la Suisse devrait subordonner sa politique à «  l’ intérêt des principaux États de l’Europe » ? J’ai dit seulement que si
2292 x États de l’Europe » ? J’ai dit seulement que si la Suisse un jour décidait de renoncer à sa neutralité, ce ne pourrait ê
2293 a neutralité, ce ne pourrait être qu’au profit de l’ Europe entière et de son union fédérale ; et j’ai ajouté : « Encore fa
2294 ale. Au surplus, je souhaitais une discussion sur la neutralité présente et à venir de la Suisse, les circonstances ayant
2295 scussion sur la neutralité présente et à venir de la Suisse, les circonstances ayant changé depuis dix ans. Demander qu’on
2296 r la neutralité présente et à venir de la Suisse, les circonstances ayant changé depuis dix ans. Demander qu’on discute un
2297 n professeur d’histoire puisse paraître assimiler la Russie de 1815 et l’URSS de Staline, lorsqu’il s’agit de leurs relati
2298 re puisse paraître assimiler la Russie de 1815 et l’ URSS de Staline, lorsqu’il s’agit de leurs relations avec l’Europe ; q
2299 Staline, lorsqu’il s’agit de leurs relations avec l’ Europe ; qu’il tienne l’URSS — malgré elle ! — pour une puissance euro
2300 t de leurs relations avec l’Europe ; qu’il tienne l’ URSS — malgré elle ! — pour une puissance européenne ; qu’il fasse éta
2301  ; qu’il fasse état, très sérieusement, de ce que l’ OECE « reste ouverte » aux pays de l’Est ; et qu’enfin tous les chiffr
2302 t, de ce que l’OECE « reste ouverte » aux pays de l’ Est ; et qu’enfin tous les chiffres et proportions qu’il cite vers la
2303 te ouverte » aux pays de l’Est ; et qu’enfin tous les chiffres et proportions qu’il cite vers la fin de son article soient
2304 tous les chiffres et proportions qu’il cite vers la fin de son article soient erronés, — ceci pour deux motifs, l’un d’in
2305 que je n’ai pas pu « confondre systématiquement » le Conseil de l’Europe avec la fédération du continent : le premier n’ét
2306 re systématiquement » le Conseil de l’Europe avec la fédération du continent : le premier n’étant, comme chacun sait, qu’u
2307 effort encore hésitant vers la seconde. Ensuite : le Conseil de l’Europe comprend quinze États, et non dix comme le répète
2308 l’Europe comprend quinze États, et non dix comme le répète mon censeur, ce qui fausse ses calculs à la base. Finalement,
2309 e répète mon censeur, ce qui fausse ses calculs à la base. Finalement, quelle est la position de M. Lasserre sur le fond d
2310 sse ses calculs à la base. Finalement, quelle est la position de M. Lasserre sur le fond du problème, tel qu’il est défini
2311 lement, quelle est la position de M. Lasserre sur le fond du problème, tel qu’il est défini par les points IV et V de votr
2312 sur le fond du problème, tel qu’il est défini par les points IV et V de votre questionnaire ?o On voit que mes thèses l’irr
2313 de votre questionnaire ?o On voit que mes thèses l’ irritent. Et puis après ? Tenter de me réfuter ne supprime pas le prob
2314 puis après ? Tenter de me réfuter ne supprime pas le problème du rôle actuel et futur de la Suisse dans la construction de
2315 pprime pas le problème du rôle actuel et futur de la Suisse dans la construction de l’Europe. C’est sur ce point qu’il eût
2316 roblème du rôle actuel et futur de la Suisse dans la construction de l’Europe. C’est sur ce point qu’il eût été intéressan
2317 uel et futur de la Suisse dans la construction de l’ Europe. C’est sur ce point qu’il eût été intéressant d’entendre l’hist
2318 sur ce point qu’il eût été intéressant d’entendre l’ historien respecté de Lausanne. m. Rougemont Denis de, « Réplique à
2319 Rougemont Denis de, « Réplique à M. Lasserre », Les Cahiers protestants, Lausanne, mars–avril 1951, p. 117-118. n. À pro
2320 nne, mars–avril 1951, p. 117-118. n. À propos de la réponse de David Lasserre publiée comme réponse à l’enquête des Cahie
2321 réponse de David Lasserre publiée comme réponse à l’ enquête des Cahiers sur « La Suisse et l’Europe ». o. Voir la premièr
2322 bliée comme réponse à l’enquête des Cahiers sur «  La Suisse et l’Europe ». o. Voir la première note du texte « Europe uni
2323 éponse à l’enquête des Cahiers sur « La Suisse et l’ Europe ». o. Voir la première note du texte « Europe unie et neutrali
9 1968, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Pour une morale de la vocation (1968)
2324 Pour une morale de la vocation (1968)p q On a parfois décrit la situation présente du ch
2325 e de la vocation (1968)p q On a parfois décrit la situation présente du christianisme (protestant surtout) comme l’inve
2326 sente du christianisme (protestant surtout) comme l’ inverse de celle du xixe siècle. Alors, dit-on, c’était la théologie
2327 de celle du xixe siècle. Alors, dit-on, c’était la théologie qui faisait question, la morale était évidente. Le principe
2328 it-on, c’était la théologie qui faisait question, la morale était évidente. Le principe même de la dogmatique paraissait d
2329 e qui faisait question, la morale était évidente. Le principe même de la dogmatique paraissait difficile à justifier, mais
2330 on, la morale était évidente. Le principe même de la dogmatique paraissait difficile à justifier, mais non pas les princip
2331 ue paraissait difficile à justifier, mais non pas les principes du devoir moral, considérés comme révélés, invariables déso
2332 rmais et au surplus indispensables au maintien de l’ ordre social. Aujourd’hui, poursuit-on, la théologie a été solidement
2333 tien de l’ordre social. Aujourd’hui, poursuit-on, la théologie a été solidement reconstruite sur les bases de la dogmatiqu
2334 n, la théologie a été solidement reconstruite sur les bases de la dogmatique des Pères et des réformateurs ou de Thomas d’A
2335 ie a été solidement reconstruite sur les bases de la dogmatique des Pères et des réformateurs ou de Thomas d’Aquin. Ses pr
2336 sives, en tout cas, sont nettement définies. Mais la morale ! Ce serait peu de dire qu’elle est en crise : on ne sait même
2337 elle peut ou doit dire encore, et au nom de quoi. Le « moralisme de grand-papa » est encore plus mal vu chez les théologie
2338 lisme de grand-papa » est encore plus mal vu chez les théologiens rigoureux que chez les jeunes gens en colère. De cette mo
2339 us mal vu chez les théologiens rigoureux que chez les jeunes gens en colère. De cette morale que l’on disait chrétienne et
2340 ez les jeunes gens en colère. De cette morale que l’ on disait chrétienne et qui se confondait, du moins par ses tabous, av
2341 qui se confondait, du moins par ses tabous, avec la morale victorienne et plus généralement bourgeoise-occidentale, que r
2342 ment bourgeoise-occidentale, que reste-t-il après la triple attaque convergente de la sociologie (surtout marxiste), de la
2343 reste-t-il après la triple attaque convergente de la sociologie (surtout marxiste), de la psychologie (surtout freudienne)
2344 nvergente de la sociologie (surtout marxiste), de la psychologie (surtout freudienne) et de l’ethnologie comparée (de Lévy
2345 te), de la psychologie (surtout freudienne) et de l’ ethnologie comparée (de Lévy-Bruhl à Lévi-Strauss) ? Théoriquement et
2346 s et à quels dogmes nous croyons. Mais au plan de la morale, nous vivons dans la plus incroyable confusion de systèmes hét
2347 yons. Mais au plan de la morale, nous vivons dans la plus incroyable confusion de systèmes hétéroclites, d’époques, de sty
2348 les, de visées différentes ; nous pataugeons dans l’ impur, dans l’hybride, dans les alluvions, les dépôts sédimentés des â
2349 différentes ; nous pataugeons dans l’impur, dans l’ hybride, dans les alluvions, les dépôts sédimentés des âges, des cultu
2350 ous pataugeons dans l’impur, dans l’hybride, dans les alluvions, les dépôts sédimentés des âges, des cultures, des religion
2351 dans l’impur, dans l’hybride, dans les alluvions, les dépôts sédimentés des âges, des cultures, des religions, des préjugés
2352 religions, des préjugés sociaux et nationaux, de l’ obscurantisme et du rationalisme, du piétisme et de l’existentialisme,
2353 scurantisme et du rationalisme, du piétisme et de l’ existentialisme, etc. Y a-t-il encore une morale chrétienne ? Osera-t-
2354 encore une morale chrétienne ? Osera-t-on encore la prêcher ? Théologie solide, morale problématique ; est-ce bien la réa
2355 ologie solide, morale problématique ; est-ce bien la réalité de notre temps ? Oui sans doute, si nous bornons l’enquête au
2356 de notre temps ? Oui sans doute, si nous bornons l’ enquête aux élites de nos églises en Europe. Mais dans le reste du mon
2357 te aux élites de nos églises en Europe. Mais dans le reste du monde, déjà — et ce sera vrai pour nous aussi bientôt —, je
2358 iècle passé, mais radicalisée. D’une part, ce que l’ on nomme aux États-Unis et en Grande-Bretagne la « théologie de la mor
2359 e l’on nomme aux États-Unis et en Grande-Bretagne la « théologie de la mort de Dieu » (ses échos remplissent depuis un an
2360 tats-Unis et en Grande-Bretagne la « théologie de la mort de Dieu » (ses échos remplissent depuis un an la presse intellec
2361 ort de Dieu » (ses échos remplissent depuis un an la presse intellectuelle anglo-saxonne, en attendant de se répandre dans
2362 dre dans nos pays), cette théologie-là bouleverse le fondement commun de toutes nos orthodoxies, qu’elles soient d’emprein
2363 les soient d’empreinte barthienne ou thomiste, et les notions mêmes d’orthodoxie et de révélation ; néanmoins, cette école
2364 ins, cette école (ou ce mouvement) veut conserver l’ amour du Christ, c’est-à-dire la forme d’existence personnelle et soci
2365 t) veut conserver l’amour du Christ, c’est-à-dire la forme d’existence personnelle et sociale la plus conforme aux évangil
2366 -dire la forme d’existence personnelle et sociale la plus conforme aux évangiles, l’inspiration évangélique d’une éthique.
2367 nnelle et sociale la plus conforme aux évangiles, l’ inspiration évangélique d’une éthique. D’autre part, les prétentions
2368 iration évangélique d’une éthique. D’autre part, les prétentions de la science occidentale deviennent universelles, pour n
2369 d’une éthique. D’autre part, les prétentions de la science occidentale deviennent universelles, pour ne pas dire totalit
2370 — se mettent en devoir et en mesure de remplacer les préceptes et coutumes de la morale traditionnelle, dite « chrétienne 
2371 mesure de remplacer les préceptes et coutumes de la morale traditionnelle, dite « chrétienne », et sont déjà en bon train
2372 domaines importants. Au lieu de sermons contre «  l’ impureté », on donne à nos adolescents des leçons d’initiation sexuell
2373 tion, d’ajustement social, voire politique, selon les pays. Recettes, régimes, remèdes, relaxation, action sur l’équilibre
2374 ecettes, régimes, remèdes, relaxation, action sur l’ équilibre hormonal, conditionnement des réflexes devant la machine, le
2375 bre hormonal, conditionnement des réflexes devant la machine, les feux rouges, le chef de l’État, les rythmes de la consom
2376 , conditionnement des réflexes devant la machine, les feux rouges, le chef de l’État, les rythmes de la consommation ou de
2377 des réflexes devant la machine, les feux rouges, le chef de l’État, les rythmes de la consommation ou de la productivité
2378 t la machine, les feux rouges, le chef de l’État, les rythmes de la consommation ou de la productivité — c’est cela qui fon
2379 es feux rouges, le chef de l’État, les rythmes de la consommation ou de la productivité — c’est cela qui fonctionne aujour
2380 f de l’État, les rythmes de la consommation ou de la productivité — c’est cela qui fonctionne aujourd’hui, de mieux en mie
2381 git, et qui contraint. En regard de ce progrès de la Science sur tous les fronts, moralisme et immoralisme, vertus et vice
2382 t. En regard de ce progrès de la Science sur tous les fronts, moralisme et immoralisme, vertus et vices apparaissent égalem
2383 odés. Ce qui est sérieux, ce qui intéresse, c’est le mode d’emploi de notre univers actuel et le rendement des procédés et
2384 c’est le mode d’emploi de notre univers actuel et le rendement des procédés et des conduites, — qu’il s’agisse de s’assure
2385 s conduites, — qu’il s’agisse de s’assurer contre l’ imprévu ou au contraire de mieux courir son risque personnel, de guéri
2386 c aussi sa culture et sa liberté. Nous tendons de la sorte, dans les pays techniquement avancés, vers une société qui sera
2387 ure et sa liberté. Nous tendons de la sorte, dans les pays techniquement avancés, vers une société qui serait, à la limite,
2388 niquement avancés, vers une société qui serait, à la limite, sans surprises ni drames, sans vrais débats (j’entends : sans
2389  ; disciplinée, normalisée et préconditionnée dès le secret de la cellule, dès le programme chromosomique, immunisée et ps
2390 e, normalisée et préconditionnée dès le secret de la cellule, dès le programme chromosomique, immunisée et psychanalysée,
2391 préconditionnée dès le secret de la cellule, dès le programme chromosomique, immunisée et psychanalysée, chaque homme éta
2392 ge, comme une voiture. Pour la première fois dans l’ Histoire de nos civilisations, ce n’est pas l’anarchie croissante des
2393 ans l’Histoire de nos civilisations, ce n’est pas l’ anarchie croissante des mœurs que nos vieux sages auront à déplorer, m
2394 vieux sages auront à déplorer, mais au contraire l’ universelle et rigoureuse réglementation de nos conduites par les ordi
2395 et rigoureuse réglementation de nos conduites par les ordinateurs électroniques. (On les verra peut-être alors, ces sages,
2396 conduites par les ordinateurs électroniques. (On les verra peut-être alors, ces sages, se lamenter sur la fuite du bon vie
2397 verra peut-être alors, ces sages, se lamenter sur la fuite du bon vieux temps qu’auront été les siècles de luttes passionn
2398 ter sur la fuite du bon vieux temps qu’auront été les siècles de luttes passionnantes entre le « péché » et la « grâce », c
2399 ont été les siècles de luttes passionnantes entre le « péché » et la « grâce », c’est-à-dire entre les tentations de la « 
2400 les de luttes passionnantes entre le « péché » et la « grâce », c’est-à-dire entre les tentations de la « chair » et les r
2401 le « péché » et la « grâce », c’est-à-dire entre les tentations de la « chair » et les refus déchirants d’y céder — sujet
2402 a « grâce », c’est-à-dire entre les tentations de la « chair » et les refus déchirants d’y céder — sujet privilégié et pre
2403 st-à-dire entre les tentations de la « chair » et les refus déchirants d’y céder — sujet privilégié et presque unique des r
2404 que des romans de François Mauriac, par exemple.) Les conséquences de cette situation — qu’il faut imaginer réalisées dans
2405 ociété) sont trop nombreuses et diverses pour que l’ on puisse porter sur elles un jugement global. Je me borne à relever c
2406 ui décide de certaines conduites sexuelles (comme la contraception) dans une société donnée, et non plus l’Église par ses
2407 ntraception) dans une société donnée, et non plus l’ Église par ses décrets généraux et par l’intervention personnelle du p
2408 non plus l’Église par ses décrets généraux et par l’ intervention personnelle du prêtre ou du pasteur — alors les crises de
2409 ntion personnelle du prêtre ou du pasteur — alors les crises de conscience, les débats intérieurs ou conjugaux, les remords
2410 e ou du pasteur — alors les crises de conscience, les débats intérieurs ou conjugaux, les remords lancinants, les tentation
2411 e conscience, les débats intérieurs ou conjugaux, les remords lancinants, les tentations obsédantes, les décisions farouche
2412 intérieurs ou conjugaux, les remords lancinants, les tentations obsédantes, les décisions farouches, tout ce pathos tradit
2413 es remords lancinants, les tentations obsédantes, les décisions farouches, tout ce pathos traditionnel de l’existence moral
2414 cisions farouches, tout ce pathos traditionnel de l’ existence morale va s’évaporer ! Exécuter une prescription médicale, m
2415 s’agit d’une intervention douloureuse comme peut l’ être une extraction dentaire, ou d’une privation pénible comme de cess
2416 cesser de fumer, cela ne pose pas de problème, on le fait sans barguigner, sans avoir à résoudre de conflits intérieurs dr
2417 on surmontée », etc. Sans délai, sans débat, sans le moindre doute, on fait ce qu’a ordonné le médecin, au lieu de se déba
2418 t, sans le moindre doute, on fait ce qu’a ordonné le médecin, au lieu de se débattre interminablement avec la voix de sa c
2419 cin, au lieu de se débattre interminablement avec la voix de sa conscience, les conseils du prêtre, ou simplement l’opinio
2420 e interminablement avec la voix de sa conscience, les conseils du prêtre, ou simplement l’opinion des proches. La plupart d
2421 conscience, les conseils du prêtre, ou simplement l’ opinion des proches. La plupart de ceux qui ont réfléchi à ces perspec
2422 ividuelles finalement. Pense-t-on, peut-être, que la morale tomberait alors dans de très mauvaises mains, serait en quelqu
2423 mble effrayer beaucoup de ces observateurs, c’est l’ idée que s’il devait en aller ainsi demain, les Églises et leurs clerg
2424 est l’idée que s’il devait en aller ainsi demain, les Églises et leurs clergés n’auraient en somme plus rien à dire aux hom
2425 x enfants quant à leur existence quotidienne dans la cité et dans la famille. Des spécialistes, revêtus de l’autorité inco
2426 à leur existence quotidienne dans la cité et dans la famille. Des spécialistes, revêtus de l’autorité incontestée de la Sc
2427 et dans la famille. Des spécialistes, revêtus de l’ autorité incontestée de la Science, et sans doute de l’État, s’en voya
2428 pécialistes, revêtus de l’autorité incontestée de la Science, et sans doute de l’État, s’en voyant chargés à la satisfacti
2429 orité incontestée de la Science, et sans doute de l’ État, s’en voyant chargés à la satisfaction des masses (pour ne pas di
2430 e, et sans doute de l’État, s’en voyant chargés à la satisfaction des masses (pour ne pas dire : au soulagement général).
2431 s craintes pour justifiées quant aux faits, je ne les partage nullement quant à l’appréciation de ces faits. La prise en ch
2432 nt aux faits, je ne les partage nullement quant à l’ appréciation de ces faits. La prise en charge progressive par la Scien
2433 ge nullement quant à l’appréciation de ces faits. La prise en charge progressive par la Science socialisée de l’ensemble d
2434 de ces faits. La prise en charge progressive par la Science socialisée de l’ensemble des règles, prescriptions et conseil
2435 n charge progressive par la Science socialisée de l’ ensemble des règles, prescriptions et conseils intéressant les conduit
2436 des règles, prescriptions et conseils intéressant les conduites humaines et naguère désignées par le terme général de moral
2437 t les conduites humaines et naguère désignées par le terme général de morale, me paraît comporter à presque tous les égard
2438 ral de morale, me paraît comporter à presque tous les égards, plus d’avantages que d’inconvénients, tant pour la Société qu
2439 , plus d’avantages que d’inconvénients, tant pour la Société que pour l’Église elle-même. Au lieu de livrer une longue bat
2440 ue d’inconvénients, tant pour la Société que pour l’ Église elle-même. Au lieu de livrer une longue bataille en retraite po
2441 en retraite pour tenter de sauver ce qui pourrait l’ être de ce qu’on appelait « morale chrétienne », au lieu de se crampon
2442 se cramponner à un magistère tombé en désuétude, les Églises ne feraient-elles pas mieux d’admettre que la compétence des
2443 glises ne feraient-elles pas mieux d’admettre que la compétence des savants et des praticiens en matière de psychologie, d
2444 canismes sociaux ou économiques, de prévention de la criminalité et des maladies dites « sociales », etc. — que cette comp
2445  », etc. — que cette compétence dépasse largement la leur, et de plus en plus ; et que les excès que l’on peut reprocher à
2446 se largement la leur, et de plus en plus ; et que les excès que l’on peut reprocher à certaines modes scientifiques (certai
2447 a leur, et de plus en plus ; et que les excès que l’ on peut reprocher à certaines modes scientifiques (certains dogmatisme
2448 nocivité aux théories imbéciles et navrantes sur la sexualité (comme celle du trop fameux Dr Tissot) qui ont joué le rôle
2449 omme celle du trop fameux Dr Tissot) qui ont joué le rôle que l’on sait dans la prédication, la cure d’âme et la littératu
2450 u trop fameux Dr Tissot) qui ont joué le rôle que l’ on sait dans la prédication, la cure d’âme et la littérature morale de
2451 r Tissot) qui ont joué le rôle que l’on sait dans la prédication, la cure d’âme et la littérature morale des pays protesta
2452 t joué le rôle que l’on sait dans la prédication, la cure d’âme et la littérature morale des pays protestants, depuis la f
2453 e l’on sait dans la prédication, la cure d’âme et la littérature morale des pays protestants, depuis la fin du xviiie siè
2454 a littérature morale des pays protestants, depuis la fin du xviiie siècle et jusqu’à pas si longtemps que cela, en Suisse
2455 ande, si j’en crois mes souvenirs de jeunesse. Si les Églises (et pas seulement celle de Rome, dans la lancée de Vatican II
2456 les Églises (et pas seulement celle de Rome, dans la lancée de Vatican II) se décident à rendre à César, c’est-à-dire au «
2457 ent à rendre à César, c’est-à-dire au « siècle », le soin de la réglementation et de la régulation de la conduite quotidie
2458 e à César, c’est-à-dire au « siècle », le soin de la réglementation et de la régulation de la conduite quotidienne des mem
2459 au « siècle », le soin de la réglementation et de la régulation de la conduite quotidienne des membres d’une société, elle
2460 soin de la réglementation et de la régulation de la conduite quotidienne des membres d’une société, elles pourront se con
2461 t spirituelle, qui est à mon sens : de rappeler à l’ homme son but final, sa destination ultime, sa vocation. Car les règle
2462 ut final, sa destination ultime, sa vocation. Car les règles et les moyens de la vie sociale sont séculiers, par nature et
2463 estination ultime, sa vocation. Car les règles et les moyens de la vie sociale sont séculiers, par nature et destination, e
2464 ime, sa vocation. Car les règles et les moyens de la vie sociale sont séculiers, par nature et destination, et dans ce sen
2465 t destination, et dans ce sens sont à César, mais la vocation de la personne est à Dieu, vient de Dieu et conduit à Lui, c
2466 et dans ce sens sont à César, mais la vocation de la personne est à Dieu, vient de Dieu et conduit à Lui, ce qu’aucune mor
2467 ’aucune morale ne pourra jamais faire, même si on la baptise « chrétienne » en toute naïveté, même si on la déclare « révé
2468 ptise « chrétienne » en toute naïveté, même si on la déclare « révélée », voire « éternelle » contre toute évidence histor
2469 nantes acrobaties théologiques. Je disais tout à l’ heure que laisser le soin de la « morale » à César, c’est-à-dire aux s
2470 éologiques. Je disais tout à l’heure que laisser le soin de la « morale » à César, c’est-à-dire aux sciences séculières p
2471 Je disais tout à l’heure que laisser le soin de la « morale » à César, c’est-à-dire aux sciences séculières plus ou moin
2472 socialisées, me paraît avantageux à presque tous les égards. Je dois m’expliquer maintenant sur ce presque, car il est cap
2473 suffisamment adaptée aux fonctions sociales (dans les rapports avec l’État et avec le milieu), suffisamment docile aux pres
2474 ée aux fonctions sociales (dans les rapports avec l’ État et avec le milieu), suffisamment docile aux prescriptions ou régi
2475 s sociales (dans les rapports avec l’État et avec le milieu), suffisamment docile aux prescriptions ou régimes psychosomat
2476 x prescriptions ou régimes psychosomatiques (dans les rapports avec le corps) et aux indications écologiques (dans les rapp
2477 régimes psychosomatiques (dans les rapports avec le corps) et aux indications écologiques (dans les rapports avec la Natu
2478 ec le corps) et aux indications écologiques (dans les rapports avec la Nature), suffisamment ajustée, enfin, à la productiv
2479 x indications écologiques (dans les rapports avec la Nature), suffisamment ajustée, enfin, à la productivité du travail, e
2480 s avec la Nature), suffisamment ajustée, enfin, à la productivité du travail, et même, qui sait ? à la « créativité des lo
2481 la productivité du travail, et même, qui sait ? à la « créativité des loisirs » (dans les rapports avec l’économie) : on n
2482 qui sait ? à la « créativité des loisirs » (dans les rapports avec l’économie) : on ne voit pas très bien, dans ces condit
2483  créativité des loisirs » (dans les rapports avec l’ économie) : on ne voit pas très bien, dans ces conditions, où, quand e
2484 serait encore nécessaire, voire simplement utile. Le genre humain, ou tout au moins la société envisagée, serait alors mis
2485 mplement utile. Le genre humain, ou tout au moins la société envisagée, serait alors mise en état de pilotage automatique,
2486 ise en état de pilotage automatique, comme disent les aviateurs et les cybernéticiens. L’ensemble purement empirique et tra
2487 lotage automatique, comme disent les aviateurs et les cybernéticiens. L’ensemble purement empirique et traditionnel, plein
2488 comme disent les aviateurs et les cybernéticiens. L’ ensemble purement empirique et traditionnel, plein de contradictions i
2489 , plein de contradictions intenables, que forment les préceptes du Décalogue et des sédimentations millénaires de nos coutu
2490 uestion trouvant sa réponse quasi instantanée par la consultation d’un ordinateur, les recours ultimes pouvant être présen
2491 instantanée par la consultation d’un ordinateur, les recours ultimes pouvant être présentés à la « Machine » avec un grand
2492 eur, les recours ultimes pouvant être présentés à la « Machine » avec un grand M que nous supposerons directrice ou correc
2493 ous supposerons directrice ou correctrice de tous les « cerveaux automatiques » d’une nation, ou d’un continent, ou d’une c
2494 uestion et une seule demeure alors sans réponse : la question du sens de ma vie sur cette terre et après ma mort ; la ques
2495 sens de ma vie sur cette terre et après ma mort ; la question de ma relation à la transcendance. Elle demeure sans réponse
2496 e et après ma mort ; la question de ma relation à la transcendance. Elle demeure sans réponse, non point par accident, mai
2497 par accident, mais par nécessité de méthode. Car la grande Machine directrice la déclare sans objet, mal posée, fausse qu
2498 sité de méthode. Car la grande Machine directrice la déclare sans objet, mal posée, fausse question par excellence, nulle
2499 se question par excellence, nulle et vide quant à l’ information, non susceptible d’un traitement logique, et ne pouvant ab
2500 pouvant aboutir qu’à une série infinie de zéros à la sortie des circuits. Dans cette société que je suppose en parfait ord
2501 t à peu près impossible, parce qu’impensable dans les termes admis et inexprimable par les codes en vigueur, de justifier e
2502 ensable dans les termes admis et inexprimable par les codes en vigueur, de justifier encore la singularité, la vocation d’u
2503 ble par les codes en vigueur, de justifier encore la singularité, la vocation d’une personne unique. Si les ordinateurs di
2504 s en vigueur, de justifier encore la singularité, la vocation d’une personne unique. Si les ordinateurs disent les règles
2505 ingularité, la vocation d’une personne unique. Si les ordinateurs disent les règles et les normes, et si ces règles et ces
2506 d’une personne unique. Si les ordinateurs disent les règles et les normes, et si ces règles et ces normes sont toutes, par
2507 e unique. Si les ordinateurs disent les règles et les normes, et si ces règles et ces normes sont toutes, par définition, g
2508 ntes, uniformes ou uniformisantes, réductrices de l’ imprévu, du non conforme, de l’original et du « libre » (alors que d’a
2509 es, réductrices de l’imprévu, du non conforme, de l’ original et du « libre » (alors que d’autre part ces notions d’origina
2510 nalité de vocation, etc., ont déjà été minées par la psychologie de l’inconscient réduisant les « voix intérieures », nagu
2511 , etc., ont déjà été minées par la psychologie de l’ inconscient réduisant les « voix intérieures », naguère tenues pour « 
2512 ées par la psychologie de l’inconscient réduisant les « voix intérieures », naguère tenues pour « divines », à des structur
2513 pour « divines », à des structures ou pulsions de l’ instinct) — comment valoriser encore la personne ? Le vieux conflit in
2514 ulsions de l’instinct) — comment valoriser encore la personne ? Le vieux conflit individu-collectivité se trouve ici radic
2515 nstinct) — comment valoriser encore la personne ? Le vieux conflit individu-collectivité se trouve ici radicalisé à la lim
2516 individu-collectivité se trouve ici radicalisé à la limite. Mais alors le rôle de l’Église apparaît subitement précisé à
2517 se trouve ici radicalisé à la limite. Mais alors le rôle de l’Église apparaît subitement précisé à l’extrême par toute ce
2518 ici radicalisé à la limite. Mais alors le rôle de l’ Église apparaît subitement précisé à l’extrême par toute cette négativ
2519 le rôle de l’Église apparaît subitement précisé à l’ extrême par toute cette négativité. Alors qu’aux origines de l’Europe
2520 toute cette négativité. Alors qu’aux origines de l’ Europe et au Moyen Âge encore, l’Église formait les mœurs, édictait le
2521 ’aux origines de l’Europe et au Moyen Âge encore, l’ Église formait les mœurs, édictait les canons de la morale, éduquait l
2522 l’Europe et au Moyen Âge encore, l’Église formait les mœurs, édictait les canons de la morale, éduquait l’homme pour les y
2523 Âge encore, l’Église formait les mœurs, édictait les canons de la morale, éduquait l’homme pour les y ajuster, tandis que
2524 ’Église formait les mœurs, édictait les canons de la morale, éduquait l’homme pour les y ajuster, tandis que les chercheur
2525 mœurs, édictait les canons de la morale, éduquait l’ homme pour les y ajuster, tandis que les chercheurs libres, les héréti
2526 it les canons de la morale, éduquait l’homme pour les y ajuster, tandis que les chercheurs libres, les hérétiques et les ma
2527 , éduquait l’homme pour les y ajuster, tandis que les chercheurs libres, les hérétiques et les mauvaises têtes mettaient en
2528 les y ajuster, tandis que les chercheurs libres, les hérétiques et les mauvaises têtes mettaient en doute ces jugements —
2529 ndis que les chercheurs libres, les hérétiques et les mauvaises têtes mettaient en doute ces jugements — désormais la situa
2530 êtes mettaient en doute ces jugements — désormais la situation est inversée : l’Église n’est plus là pour prescrire aux ho
2531 jugements — désormais la situation est inversée : l’ Église n’est plus là pour prescrire aux hommes leur mode de vie, d’aut
2532 tre en question cet ajustement trop parfait, pour l’ exposer sans cesse à la question des fins dernières, métaphysiques et
2533 stement trop parfait, pour l’exposer sans cesse à la question des fins dernières, métaphysiques et spirituelles. Elle est
2534 siques et spirituelles. Elle est là pour défendre le droit de la personne à différer, le droit à l’hérésie, si c’en est un
2535 irituelles. Elle est là pour défendre le droit de la personne à différer, le droit à l’hérésie, si c’en est une de croire
2536 pour défendre le droit de la personne à différer, le droit à l’hérésie, si c’en est une de croire que le but de l’homme tr
2537 re le droit de la personne à différer, le droit à l’ hérésie, si c’en est une de croire que le but de l’homme transcende to
2538 droit à l’hérésie, si c’en est une de croire que le but de l’homme transcende tout conditionnement et tout asservissement
2539 ’hérésie, si c’en est une de croire que le but de l’ homme transcende tout conditionnement et tout asservissement automatiq
2540 purement sociales, fussent-elles déterminées par la plus sûre des sciences. Quant à celui qui veut devenir chrétien, devr
2541 op bien ajustée, se désadapter exprès, ou saboter la Machine directrice, ou simplement faire la grève de la « créativité d
2542 aboter la Machine directrice, ou simplement faire la grève de la « créativité des loisirs » ? Ces gestes et attitudes roma
2543 chine directrice, ou simplement faire la grève de la « créativité des loisirs » ? Ces gestes et attitudes romantiques sera
2544 inateur qui indiquerait aussitôt comment corriger le fonctionnement aberrant de cet individu. Je le vois plutôt, ce candid
2545 er le fonctionnement aberrant de cet individu. Je le vois plutôt, ce candidat chrétien, comme celui qui, tout en accomplis
2546 e celui qui, tout en accomplissant judicieusement la Loi prescrite, ne pourra s’empêcher de se poser la Question, celle qu
2547 a Loi prescrite, ne pourra s’empêcher de se poser la Question, celle qui est réputée nulle et vide. Chrétien en cela qu’il
2548 de. Chrétien en cela qu’il cherchera ce sens dans les voies de l’amour, qui implique l’existence des autres, plutôt que dan
2549 en cela qu’il cherchera ce sens dans les voies de l’ amour, qui implique l’existence des autres, plutôt que dans l’aventure
2550 a ce sens dans les voies de l’amour, qui implique l’ existence des autres, plutôt que dans l’aventure solitaire du mysticis
2551 implique l’existence des autres, plutôt que dans l’ aventure solitaire du mysticisme, ou de la connaissance au sens hindou
2552 ue dans l’aventure solitaire du mysticisme, ou de la connaissance au sens hindou. Amour et recherche du sens seront à la f
2553 ndou. Amour et recherche du sens seront à la fois le contenu et les conditions de ce qu’il nommera sa « liberté ». Cela se
2554 recherche du sens seront à la fois le contenu et les conditions de ce qu’il nommera sa « liberté ». Cela sera vu et ressen
2555 rté ». Cela sera vu et ressenti comme un refus de la « solution définitive et universelle » proposée par la Science et imp
2556 solution définitive et universelle » proposée par la Science et imposée par la Machine. Cet acte d’hérésie objective, de r
2557 verselle » proposée par la Science et imposée par la Machine. Cet acte d’hérésie objective, de résistance, ne se manifeste
2558 e forme agressive et violente. Il sera simplement le témoignage permanent (et qui pourra rester souriant d’ailleurs) d’une
2559 a pas une attitude de révolté à gilet rouge, mais le droit qu’on demande et qu’on prend de poser toujours et encore une qu
2560 j’invente, que je crée à chaque pas à tâtons dans le noir et qui ne s’éclaire que sous mes pas. C’est ainsi que je compren
2561 re que sous mes pas. C’est ainsi que je comprends le verset du psalmiste : « Ta parole est une lampe à mes pieds, une lumi
2562 sume mon diagnostic, qui est aussi un pronostic : l’ Église peut-être (je n’en suis pas sûr), mais en tout cas les hommes q
2563 eut-être (je n’en suis pas sûr), mais en tout cas les hommes qui « croient », au sens chrétien du mot, vont entrer en dissi
2564 entrer en dissidence dynamique et créatrice, dans le monde trop bien moralisé que nous préparent avec tant de zèle, de com
2565 c tant de zèle, de compétence, d’astuce technique les savants, les gouvernements et les nécessités toujours croissantes de
2566 e, de compétence, d’astuce technique les savants, les gouvernements et les nécessités toujours croissantes de la production
2567 stuce technique les savants, les gouvernements et les nécessités toujours croissantes de la production pour une humanité qu
2568 nements et les nécessités toujours croissantes de la production pour une humanité qui double tous les quarante ans. ⁂ Anti
2569 e la production pour une humanité qui double tous les quarante ans. ⁂ Anticipant assez largement sur la situation que je vi
2570 es quarante ans. ⁂ Anticipant assez largement sur la situation que je viens de caractériser à grands traits, j’avais écrit
2571 tériser à grands traits, j’avais écrit dès 1945 — l’ été d’Hiroshima — un manuscrit de quelque deux-cents pages intitulé L
2572 n manuscrit de quelque deux-cents pages intitulé La Morale du But , que je n’ai pas encore publié, fort heureusement. En
2573 érer de mon entreprise, et d’autres raisons (pour l’ instant légèrement majoritaires) de penser au contraire qu’elle peut c
2574 rouiller un peu nos problèmes éthiques, en vue de l’ avenir. Dans son état primitif, mon ouvrage s’ouvre par le bref récit
2575 . Dans son état primitif, mon ouvrage s’ouvre par le bref récit d’une modeste expérience, pour moi très importante, que j’
2576 s inédites, et que je ne compte pas modifier dans la version finale du livre. Elles sont intitulées : « De la Visée » :
2577 ion finale du livre. Elles sont intitulées : « De la Visée » : J’ai appris le tir au fusil dans un pays qui, traditionne
2578 sont intitulées : « De la Visée » : J’ai appris le tir au fusil dans un pays qui, traditionnellement, fournissait au mon
2579 ays qui, traditionnellement, fournissait au monde les champions de cet art ; et comme j’étais alors une jeune recrue animée
2580 re promu au grade de lieutenant, et d’acquérir de la sorte au plus tôt le droit de faire taire les sergents harcelants, je
2581 lieutenant, et d’acquérir de la sorte au plus tôt le droit de faire taire les sergents harcelants, je m’appliquais de tout
2582 r de la sorte au plus tôt le droit de faire taire les sergents harcelants, je m’appliquais de toutes mes forces à bien tire
2583 e toutes mes forces à bien tirer. Mais je suivais les conseils d’ordonnance, et tirais aussi mal que possible. Car je me tr
2584 rcice à l’autre, n’avoir fait de progrès que dans la découverte d’une maladresse naguère insoupçonnée. Je faisais tout ce
2585 esse naguère insoupçonnée. Je faisais tout ce que l’ on me prescrivait, et que je voyais faire aux autres. Je prenais avec
2586 je voyais faire aux autres. Je prenais avec soin le cran d’arrêt, bloquais mon souffle, visais d’un œil, reposant l’arme
2587 , bloquais mon souffle, visais d’un œil, reposant l’ arme de temps à autre pour respirer et calmer ma nervosité, et lorsque
2588 vosité, et lorsque enfin je me croyais prêt selon la méthode des sergents, je me décidais à lâcher le coup, qui s’en allai
2589 la méthode des sergents, je me décidais à lâcher le coup, qui s’en allait régulièrement dans le parapet, au-dessous de la
2590 âcher le coup, qui s’en allait régulièrement dans le parapet, au-dessous de la cible. Cependant la date approchait du gran
2591 lait régulièrement dans le parapet, au-dessous de la cible. Cependant la date approchait du grand concours que l’on nommai
2592 ans le parapet, au-dessous de la cible. Cependant la date approchait du grand concours que l’on nommait « tir au galon ».
2593 ependant la date approchait du grand concours que l’ on nommait « tir au galon ». Dans chaque unité, on poussait l’entraîne
2594 « tir au galon ». Dans chaque unité, on poussait l’ entraînement des meilleurs tireurs. On négligeait les autres, et je me
2595 entraînement des meilleurs tireurs. On négligeait les autres, et je me résolus à profiter de ce répit pour trouver par moi-
2596 à profiter de ce répit pour trouver par moi-même le secret de mes erreurs et le moyen de les corriger, sans plus tenir co
2597 trouver par moi-même le secret de mes erreurs et le moyen de les corriger, sans plus tenir compte des préceptes reçus. Je
2598 moi-même le secret de mes erreurs et le moyen de les corriger, sans plus tenir compte des préceptes reçus. Je ne tardai pa
2599 ne tardai pas à marquer quelques points, sauvant l’ honneur sinon l’espoir de me réhabiliter aux yeux de mes supérieurs. L
2600 marquer quelques points, sauvant l’honneur sinon l’ espoir de me réhabiliter aux yeux de mes supérieurs. L’un d’entre eux
2601 re marqué un point, loin du noir, mais enfin dans la cible. « Voulez-vous apprendre à tirer ? » Il me regarda, et voyant d
2602 lonté en détresse : « C’est très simple et toute la méthode tient en trois mots : pensez au noir. Ne pensez pas à votre m
2603 oir. Ne pensez pas à votre main, ni à ce que fait l’ index qui a pris le cran d’arrêt. Laissez-vous simplement hypnotiser p
2604 à votre main, ni à ce que fait l’index qui a pris le cran d’arrêt. Laissez-vous simplement hypnotiser par ce petit disque
2605 it disque noir à trois-cents mètres qui danse sur la ligne de mire. Quand vous serez assez concentré, sans que vous l’ayez
2606 . Quand vous serez assez concentré, sans que vous l’ ayez voulu, le coup partira. Je vous le répète : pensez au but, oublie
2607 erez assez concentré, sans que vous l’ayez voulu, le coup partira. Je vous le répète : pensez au but, oubliez le reste. Et
2608 s que vous l’ayez voulu, le coup partira. Je vous le répète : pensez au but, oubliez le reste. Et maintenant vous allez es
2609 rtira. Je vous le répète : pensez au but, oubliez le reste. Et maintenant vous allez essayer. Vous avez le noir ?… Vous ne
2610 este. Et maintenant vous allez essayer. Vous avez le noir ?… Vous ne voyez plus que le noir ?… » Je n’entendais plus rien.
2611 ayer. Vous avez le noir ?… Vous ne voyez plus que le noir ?… » Je n’entendais plus rien. Le disque noir dansait, puis s’ar
2612 z plus que le noir ?… » Je n’entendais plus rien. Le disque noir dansait, puis s’arrêtait, dansait de nouveau, s’embuait.
2613 ait, dansait de nouveau, s’embuait. J’essayais de le rejoindre du regard, de l’aspirer, de le fasciner vers moi tandis que
2614 embuait. J’essayais de le rejoindre du regard, de l’ aspirer, de le fasciner vers moi tandis que je gonflais mes poumons. S
2615 ayais de le rejoindre du regard, de l’aspirer, de le fasciner vers moi tandis que je gonflais mes poumons. Soudain il me p
2616 t plus large, plus proche, bien mat, et immobile… La détonation me surprit. Je reposai mon arme en faisant sauter la douil
2617 me surprit. Je reposai mon arme en faisant sauter la douille et rechargeai machinalement. Et quand je levai les yeux, un p
2618 le et rechargeai machinalement. Et quand je levai les yeux, un petit disque blanc d’où pendait un mince fanion rouge surgit
2619 où pendait un mince fanion rouge surgit du bas de la cible, hésita une seconde, et marqua le centre du noir. Trois jours p
2620 du bas de la cible, hésita une seconde, et marqua le centre du noir. Trois jours plus tard, au scandale du sergent, je gag
2621 urs plus tard, au scandale du sergent, je gagnais le fameux galon, insigne des champions de l’école de tir, et l’arborais
2622 gagnais le fameux galon, insigne des champions de l’ école de tir, et l’arborais sur la manche droite de ma tunique. Quant
2623 alon, insigne des champions de l’école de tir, et l’ arborais sur la manche droite de ma tunique. Quant aux conséquences pl
2624 es champions de l’école de tir, et l’arborais sur la manche droite de ma tunique. Quant aux conséquences plus lointaines e
2625 au but avait, en un instant, posé et vérifié pour le reste de mes jours, sous une forme ultracondensée, la juste relation
2626 este de mes jours, sous une forme ultracondensée, la juste relation des moyens et des fins. Je n’en tirai d’abord que des
2627 mais dont je pressentais en toute confiance, que la vie où j’allais rentrer saurait les illustrer dans maints domaines de
2628 confiance, que la vie où j’allais rentrer saurait les illustrer dans maints domaines de ma conduite ou de ma réflexion. Je
2629 ts domaines de ma conduite ou de ma réflexion. Je les consigne ici, fort brièvement, réservant pour la suite le soin d’en f
2630 les consigne ici, fort brièvement, réservant pour la suite le soin d’en formuler les fondements théoriques et le mode d’em
2631 gne ici, fort brièvement, réservant pour la suite le soin d’en formuler les fondements théoriques et le mode d’emploi. 1.
2632 nt, réservant pour la suite le soin d’en formuler les fondements théoriques et le mode d’emploi. 1. La considération minuti
2633 e soin d’en formuler les fondements théoriques et le mode d’emploi. 1. La considération minutieuse des moyens, la stricte
2634 les fondements théoriques et le mode d’emploi. 1. La considération minutieuse des moyens, la stricte application d’une mét
2635 mploi. 1. La considération minutieuse des moyens, la stricte application d’une méthode réglant l’ordre et l’usage de ces m
2636 ens, la stricte application d’une méthode réglant l’ ordre et l’usage de ces moyens, la maîtrise d’une technique éprouvée,
2637 icte application d’une méthode réglant l’ordre et l’ usage de ces moyens, la maîtrise d’une technique éprouvée, l’obéissanc
2638 méthode réglant l’ordre et l’usage de ces moyens, la maîtrise d’une technique éprouvée, l’obéissance aux préceptes légaux
2639 ces moyens, la maîtrise d’une technique éprouvée, l’ obéissance aux préceptes légaux et coutumiers, ne suffisent pas pour a
2640 ux et coutumiers, ne suffisent pas pour atteindre le but, et peuvent être nuisibles dans la mesure exacte où ils absorbent
2641 atteindre le but, et peuvent être nuisibles dans la mesure exacte où ils absorbent l’attention, la détournent du but, ou
2642 nuisibles dans la mesure exacte où ils absorbent l’ attention, la détournent du but, ou le font oublier. 2. L’appel du but
2643 ns la mesure exacte où ils absorbent l’attention, la détournent du but, ou le font oublier. 2. L’appel du but doit nous re
2644 s absorbent l’attention, la détournent du but, ou le font oublier. 2. L’appel du but doit nous rejoindre et nous mouvoir.
2645 ion, la détournent du but, ou le font oublier. 2. L’ appel du but doit nous rejoindre et nous mouvoir. C’est du but que d’a
2646 joindre et nous mouvoir. C’est du but que d’abord la force vient à nous, déclenchant le mouvement inverse, par attrait. La
2647 ut que d’abord la force vient à nous, déclenchant le mouvement inverse, par attrait. La considération envoûtante du but di
2648 s, déclenchant le mouvement inverse, par attrait. La considération envoûtante du but dicte ainsi les moyens de l’atteindre
2649 t. La considération envoûtante du but dicte ainsi les moyens de l’atteindre et les oriente plus strictement qu’aucune métho
2650 ation envoûtante du but dicte ainsi les moyens de l’ atteindre et les oriente plus strictement qu’aucune méthode ou aucun p
2651 e du but dicte ainsi les moyens de l’atteindre et les oriente plus strictement qu’aucune méthode ou aucun précepte reçu. 3.
2652 reçu. 3. Toute action efficace commence donc par la fin. Avant toute chose, il faut considérer la fin. 4. La fin seule ju
2653 par la fin. Avant toute chose, il faut considérer la fin. 4. La fin seule justifie les moyens, dans la mesure où elle est
2654 Avant toute chose, il faut considérer la fin. 4. La fin seule justifie les moyens, dans la mesure où elle est juste, et o
2655 faut considérer la fin. 4. La fin seule justifie les moyens, dans la mesure où elle est juste, et où ils sont vraiment dic
2656 la fin. 4. La fin seule justifie les moyens, dans la mesure où elle est juste, et où ils sont vraiment dictés par elle. (L
2657 juste, et où ils sont vraiment dictés par elle. ( Le fait que l’on invoque ce proverbe pour couvrir des tricheries évident
2658 ù ils sont vraiment dictés par elle. (Le fait que l’ on invoque ce proverbe pour couvrir des tricheries évidentes ne lui en
2659 rinsèque vérité.) (Plus tard, j’ai découvert que la secte bouddhiste du zen fait grand usage du Tir et de la méditation s
2660 e bouddhiste du zen fait grand usage du Tir et de la méditation sur cet art. Il s’agit du tir à l’arc. Le tireur zen doit
2661 de la méditation sur cet art. Il s’agit du tir à l’ arc. Le tireur zen doit arriver à s’identifier au but (à la cible), à
2662 méditation sur cet art. Il s’agit du tir à l’arc. Le tireur zen doit arriver à s’identifier au but (à la cible), à avoir c
2663 tireur zen doit arriver à s’identifier au but (à la cible), à avoir ce but en soi, de telle sorte qu’il arrive un jour à
2664 rte qu’il arrive un jour à mettre une flèche dans le noir les yeux fermés, et une deuxième dans la tige même de la premièr
2665 l arrive un jour à mettre une flèche dans le noir les yeux fermés, et une deuxième dans la tige même de la première. À ce m
2666 ans le noir les yeux fermés, et une deuxième dans la tige même de la première. À ce moment, l’initiation a réussi). Partan
2667 me dans la tige même de la première. À ce moment, l’ initiation a réussi). Partant de cette expérience, et des maximes que
2668 , et des maximes que j’en déduis, je propose dans la suite du livre une distinction fondamentale à opérer dans l’analyse e
2669 livre une distinction fondamentale à opérer dans l’ analyse et l’évaluation des conduites humaines. Je pose d’un côté ce
2670 stinction fondamentale à opérer dans l’analyse et l’ évaluation des conduites humaines. Je pose d’un côté ce que j’appelle
2671 tes humaines. Je pose d’un côté ce que j’appelle les Règles du Jeu, l’ensemble des moyens de vivre. Et je pose de l’autre
2672 ose d’un côté ce que j’appelle les Règles du Jeu, l’ ensemble des moyens de vivre. Et je pose de l’autre côté la Vocation,
2673 e des moyens de vivre. Et je pose de l’autre côté la Vocation, le Sérieux final, le But ultime de notre vie personnelle. L
2674 de vivre. Et je pose de l’autre côté la Vocation, le Sérieux final, le But ultime de notre vie personnelle. Les Règles du
2675 se de l’autre côté la Vocation, le Sérieux final, le But ultime de notre vie personnelle. Les Règles du Jeu comprennent, d
2676 ux final, le But ultime de notre vie personnelle. Les Règles du Jeu comprennent, dans ma définition, l’ensemble des méthode
2677 es Règles du Jeu comprennent, dans ma définition, l’ ensemble des méthodes et des rites, des codes et conventions de toute
2678 toute espèce qu’une société se donne pour guider les conduites de ses membres. Cela va des règles du jeu d’échecs à la pro
2679 ses membres. Cela va des règles du jeu d’échecs à la prohibition de l’inceste chez les tribus sauvages, des rituels liturg
2680 va des règles du jeu d’échecs à la prohibition de l’ inceste chez les tribus sauvages, des rituels liturgiques aux lois fis
2681 u jeu d’échecs à la prohibition de l’inceste chez les tribus sauvages, des rituels liturgiques aux lois fiscales, des techn
2682 lois fiscales, des techniques destinées à assurer le bonheur dans le mariage, jusqu’au code des feux verts et rouges régla
2683 es techniques destinées à assurer le bonheur dans le mariage, jusqu’au code des feux verts et rouges réglant la circulatio
2684 e, jusqu’au code des feux verts et rouges réglant la circulation. Dans cet ensemble, on peut à première vue distinguer d’u
2685 stinguer d’une part ce qui relève expressément de l’ artifice et de la convention donnée pour telle, et d’autre part ce qui
2686 rt ce qui relève expressément de l’artifice et de la convention donnée pour telle, et d’autre part ce qui répond à des néc
2687 giques profondes, correspondant aux archétypes de l’ inconscient collectif selon Jung, notamment, et c’est pourquoi il est
2688 tamment, et c’est pourquoi il est si difficile de les modifier ; en revanche, quantité de préceptes moraux que tel peuple t
2689 ité de préceptes moraux que tel peuple tient pour la traduction directe des réalités fondamentales de la Nature ont pour o
2690 traduction directe des réalités fondamentales de la Nature ont pour origine des nécessités commerciales, par exemple, et
2691 mple, et d’ailleurs varient du tout au tout selon les conditions sociales, économiques, climatériques ou religieuses, de pe
2692 ues, climatériques ou religieuses, de peuples que la Nature a fait semblables physiquement. Je me borne à mentionner ici l
2693 lables physiquement. Je me borne à mentionner ici le principe de cette analyse, parce qu’il autorise quelques conclusions
2694 te vie sociale, c’est-à-dire à toute vie humaine. Les règles du jeu d’échecs sont des conventions, c’est clair, mais elles
2695 es conventions, c’est clair, mais elles font tout l’ intérêt de cette activité. En effet, déplacer un bout de bois d’un car
2696 ut de bois d’un carré blanc sur un carré noir est le type même du geste insignifiant en soi ; mais ce même petit déplaceme
2697 même petit déplacement devient un acte sur lequel les meilleurs cerveaux peuvent se concentrer avec passion pendant une heu
2698 pendant une heure, car il est chargé de sens par les règles du jeu. Quant aux feux verts et aux feux rouges, ils sont conv
2699 s sont conventionnels aussi, mais sans eux, c’est l’ embouteillage. Ceux donc qui, depuis deux siècles, reprennent inlassab
2700 i, depuis deux siècles, reprennent inlassablement l’ attaque contre nos morales religieuses ou profanes sous prétexte qu’el
2701 blement : car premièrement, on peut démontrer que les règles et préceptes de toutes les morales humaines sont conventionnel
2702 t démontrer que les règles et préceptes de toutes les morales humaines sont conventionnels, et non pas « naturels », sont d
2703 deuxièmement, il n’y a rien de plus important que les conventions dans une culture, une civilisation, dans les relations en
2704 ventions dans une culture, une civilisation, dans les relations entre les hommes, ou même entre deux êtres, si frustes qu’i
2705 lture, une civilisation, dans les relations entre les hommes, ou même entre deux êtres, si frustes qu’ils soient. Reconnaît
2706 êtres, si frustes qu’ils soient. Reconnaître que les normes et prescriptions morales sont des conventions ne signifie donc
2707 éprisables ou vaines, bien au contraire. De plus, l’ assimilation des normes et prescriptions morales aux règles d’un jeu n
2708 ègles d’un jeu ne signifie nullement qu’il faille les prendre à la légère, ni qu’on montre beaucoup d’intelligence en trich
2709 ne signifie nullement qu’il faille les prendre à la légère, ni qu’on montre beaucoup d’intelligence en trichant avec elle
2710 en trichant avec elles : aux échecs, par exemple, la moindre tricherie détruit tout l’intérêt du jeu, puisque cet intérêt
2711 s, par exemple, la moindre tricherie détruit tout l’ intérêt du jeu, puisque cet intérêt tient aux règles et à rien d’autre
2712 aux règles et à rien d’autre. S’il est admis que les normes de la morale sont des règles d’un jeu, toute espèce de laxisme
2713 à rien d’autre. S’il est admis que les normes de la morale sont des règles d’un jeu, toute espèce de laxisme est exclu, t
2714 points, une pièce soufflée, un coup franc contre le camp fautif (qui sont diverses formes d’amende), voire par la disqual
2715 if (qui sont diverses formes d’amende), voire par la disqualification (qui correspond au bannissement, à la prison à vie o
2716 squalification (qui correspond au bannissement, à la prison à vie ou à la peine de mort). Mais si la morale est considérée
2717 orrespond au bannissement, à la prison à vie ou à la peine de mort). Mais si la morale est considérée comme un système de
2718 à la prison à vie ou à la peine de mort). Mais si la morale est considérée comme un système de normes conventionnelles ado
2719 conventionnelles adoptées par une société, et que l’ on conviendra donc d’observer rigoureusement, comme on le fait des règ
2720 nviendra donc d’observer rigoureusement, comme on le fait des règles d’un jeu, il faut souligner aussitôt que ces conventi
2721 re arbitraires. (Beaucoup de gens s’imaginent que les deux termes « convention » et « arbitraire » sont à peu près synonyme
2722 t impraticables, ni évidemment néfastes soit pour l’ intégrité de l’individu, soit pour la santé et l’équilibre d’une commu
2723 , ni évidemment néfastes soit pour l’intégrité de l’ individu, soit pour la santé et l’équilibre d’une communauté. Or en fa
2724 es soit pour l’intégrité de l’individu, soit pour la santé et l’équilibre d’une communauté. Or en fait notre société occid
2725 l’intégrité de l’individu, soit pour la santé et l’ équilibre d’une communauté. Or en fait notre société occidentale chris
2726 mpraticables, ou néfastes, et il est important de les soumettre à une critique systématique et scientifique. Ce qui rend ce
2727 ficile et ingrate, dans la plupart des cas, c’est la confusion déplorable (de laquelle nos Églises sont largement responsa
2728 Églises sont largement responsables) qui fait que l’ on a peu à peu sacralisé au cours des âges et finalement considéré com
2729 ui nous venaient d’un peu partout, aux hasards de l’ histoire, et qui avaient été les conventions utiles d’autres sociétés,
2730 ut, aux hasards de l’histoire, et qui avaient été les conventions utiles d’autres sociétés, notamment la cité grecque, l’Em
2731 s conventions utiles d’autres sociétés, notamment la cité grecque, l’Empire romain, la Sippe germanique, ou les interdits
2732 les d’autres sociétés, notamment la cité grecque, l’ Empire romain, la Sippe germanique, ou les interdits et devoirs sacrés
2733 étés, notamment la cité grecque, l’Empire romain, la Sippe germanique, ou les interdits et devoirs sacrés d’autres religio
2734 grecque, l’Empire romain, la Sippe germanique, ou les interdits et devoirs sacrés d’autres religions, notamment celles du P
2735 tes gnostiques, puis des Celtes, et des Germains. Le christianisme, étant la seule grande religion qui n’ait pas institué
2736 Celtes, et des Germains. Le christianisme, étant la seule grande religion qui n’ait pas institué de morale codifiée, deva
2737 oix pour cette confusion : il ne disposait que de la loi mosaïque et de son sommaire, le commandement sur l’amour de Dieu
2738 posait que de la loi mosaïque et de son sommaire, le commandement sur l’amour de Dieu et du prochain comme de soi-même. Or
2739 mosaïque et de son sommaire, le commandement sur l’ amour de Dieu et du prochain comme de soi-même. Or l’amour est une att
2740 mour de Dieu et du prochain comme de soi-même. Or l’ amour est une attitude fondamentale, de valeur universelle et instigat
2741 verselle et instigatrice d’action, certes ; c’est l’ inspiration morale au degré suprême ; mais ce n’est pas un code, une l
2742 de règles… « Ama et fac quod vis » est sans doute le summum de la morale mais c’est aussi sa négation. Quant au Décalogue,
2743 Ama et fac quod vis » est sans doute le summum de la morale mais c’est aussi sa négation. Quant au Décalogue, c’est bien u
2744 t bien un code, mais rudimentaire et lacunaire, à l’ usage de propriétaires du type patriarcal, et qui met notamment sur le
2745 ires du type patriarcal, et qui met notamment sur le même plan d’objets (dont il faut préserver la possession) esclaves, f
2746 sur le même plan d’objets (dont il faut préserver la possession) esclaves, femmes et bétail : on ne pouvait en tirer honnê
2747 ème de valeurs, ni une méthode pour bien conduire la pensée et l’action dans la cité. De là l’obligation de recourir à d’a
2748 s, ni une méthode pour bien conduire la pensée et l’ action dans la cité. De là l’obligation de recourir à d’autres sources
2749 ode pour bien conduire la pensée et l’action dans la cité. De là l’obligation de recourir à d’autres sources, — presque to
2750 onduire la pensée et l’action dans la cité. De là l’ obligation de recourir à d’autres sources, — presque toutes venant d’a
2751 que toutes venant d’autres religions. De là aussi la confusion inévitable que j’ai dite, l’attribution à la « volonté de D
2752 e là aussi la confusion inévitable que j’ai dite, l’ attribution à la « volonté de Dieu » ou à la Nature des choses de tout
2753 nfusion inévitable que j’ai dite, l’attribution à la « volonté de Dieu » ou à la Nature des choses de tout ce que la socié
2754 dite, l’attribution à la « volonté de Dieu » ou à la Nature des choses de tout ce que la société juge indispensable à son
2755 e Dieu » ou à la Nature des choses de tout ce que la société juge indispensable à son bien : tantôt l’esclavage et tantôt
2756 la société juge indispensable à son bien : tantôt l’ esclavage et tantôt la liberté, tantôt le droit divin des rois, tantôt
2757 ensable à son bien : tantôt l’esclavage et tantôt la liberté, tantôt le droit divin des rois, tantôt les droits civiques e
2758 : tantôt l’esclavage et tantôt la liberté, tantôt le droit divin des rois, tantôt les droits civiques et populaires, tantô
2759 a liberté, tantôt le droit divin des rois, tantôt les droits civiques et populaires, tantôt le clergé des différentes confe
2760 tantôt les droits civiques et populaires, tantôt le clergé des différentes confessions répétant devant les fidèles réunis
2761 lergé des différentes confessions répétant devant les fidèles réunis « Tu ne tueras point », tantôt le même clergé bénissan
2762 les fidèles réunis « Tu ne tueras point », tantôt le même clergé bénissant des canons et priant pour le succès de telle éq
2763 e même clergé bénissant des canons et priant pour le succès de telle équipe nationale de tueurs sur telle autre. Je ne rap
2764 ou par une sorte de démagogie, mais il faut bien le reconnaître : ces scandales trop connus tiennent au fait que les Égli
2765  : ces scandales trop connus tiennent au fait que les Églises ont cru devoir édicter la morale de leur siècle, généralement
2766 nt au fait que les Églises ont cru devoir édicter la morale de leur siècle, généralement au nom des intérêts (traduits en
2767 ement au nom des intérêts (traduits en vertus) de la société du siècle précédent, confondue par la masse des fidèles avec
2768 de la société du siècle précédent, confondue par la masse des fidèles avec la tradition chrétienne. Je résume cette parti
2769 récédent, confondue par la masse des fidèles avec la tradition chrétienne. Je résume cette partie de mon argument : 1. j’e
2770 1. j’estime qu’il y a tout avantage à considérer les préceptes et codes de la morale comme les règles du jeu d’une société
2771 t avantage à considérer les préceptes et codes de la morale comme les règles du jeu d’une société ; 2. ceci implique — et
2772 sidérer les préceptes et codes de la morale comme les règles du jeu d’une société ; 2. ceci implique — et facilite d’ailleu
2773 ssance à ces règles, comme il va de soi dans tous les jeux et sports d’équipe ; 3. ceci exclut, du même mouvement, la sacra
2774 rts d’équipe ; 3. ceci exclut, du même mouvement, la sacralisation de ces préceptes et recettes, et la prétention tout à f
2775 la sacralisation de ces préceptes et recettes, et la prétention tout à fait abusive à les fonder dans la nature des choses
2776 recettes, et la prétention tout à fait abusive à les fonder dans la nature des choses ou la loi naturelle, à les assimiler
2777 prétention tout à fait abusive à les fonder dans la nature des choses ou la loi naturelle, à les assimiler aux « voies de
2778 abusive à les fonder dans la nature des choses ou la loi naturelle, à les assimiler aux « voies de la providence » ou à la
2779 dans la nature des choses ou la loi naturelle, à les assimiler aux « voies de la providence » ou à la « volonté de Dieu lu
2780 la loi naturelle, à les assimiler aux « voies de la providence » ou à la « volonté de Dieu lui-même » ; 4. enfin, et j’in
2781 les assimiler aux « voies de la providence » ou à la « volonté de Dieu lui-même » ; 4. enfin, et j’introduis ici une remar
2782 i résulte logiquement des trois premiers points : l’ observation des règles ou au contraire les infractions commises par un
2783 points : l’observation des règles ou au contraire les infractions commises par un joueur n’entraînent pas de jugement sur s
2784 aleur en tant que personne. Il est entendu que si l’ on fait une faute, si on touche la balle avec la main au football par
2785 entendu que si l’on fait une faute, si on touche la balle avec la main au football par exemple, on doit être pénalisé ou
2786 i l’on fait une faute, si on touche la balle avec la main au football par exemple, on doit être pénalisé ou même disqualif
2787 n doit être pénalisé ou même disqualifié, mais si l’ on suit les règles normalement, on n’est pas pour autant bon ou mauvai
2788 e pénalisé ou même disqualifié, mais si l’on suit les règles normalement, on n’est pas pour autant bon ou mauvais : simplem
2789 ment on joue bien ou mal. Point de « péché » dans le monde des règles du jeu, mais seulement des erreurs, maladresses, fau
2790 de fair play ou d’objectivité, coups bas, etc.). La notion de péché n’apparaît qu’à partir du moment où se trouve posée l
2791 a question de nos fins dernières. Elle est liée à la vocation. ⁂ On pourrait définir une sorte de vocation générale du gen
2792 tout homme en tant qu’homme, et qui serait, selon l’ Évangile, l’appel et la puissance de l’amour. À travers l’action dans
2793 n tant qu’homme, et qui serait, selon l’Évangile, l’ appel et la puissance de l’amour. À travers l’action dans la communaut
2794 omme, et qui serait, selon l’Évangile, l’appel et la puissance de l’amour. À travers l’action dans la communauté, c’est-à-
2795 ait, selon l’Évangile, l’appel et la puissance de l’ amour. À travers l’action dans la communauté, c’est-à-dire à travers l
2796 le, l’appel et la puissance de l’amour. À travers l’ action dans la communauté, c’est-à-dire à travers le prochain, l’amour
2797 la puissance de l’amour. À travers l’action dans la communauté, c’est-à-dire à travers le prochain, l’amour au sens chrét
2798 action dans la communauté, c’est-à-dire à travers le prochain, l’amour au sens chrétien est l’orientation de tout être, et
2799 a communauté, c’est-à-dire à travers le prochain, l’ amour au sens chrétien est l’orientation de tout être, et de tout mon
2800 travers le prochain, l’amour au sens chrétien est l’ orientation de tout être, et de tout mon être vers Dieu, source et suj
2801 re vers Dieu, source et sujet de tout amour. Mais la vocation dont je voudrais vous parler, c’est la vocation particulière
2802 s la vocation dont je voudrais vous parler, c’est la vocation particulière qui s’adresse à un individu et fait de lui une
2803 ncte et unique. Obéir à ma vocation, c’est suivre le chemin qui va me conduire à la source de l’appel que j’ai cru percevo
2804 tion, c’est suivre le chemin qui va me conduire à la source de l’appel que j’ai cru percevoir, que je cherche à entendre,
2805 uivre le chemin qui va me conduire à la source de l’ appel que j’ai cru percevoir, que je cherche à entendre, à capter de n
2806 re, à capter de nouveau, pour qu’il me guide dans l’ inconnu, comme ces avions qui dans la nuit suivent la route créée par
2807 e guide dans l’inconnu, comme ces avions qui dans la nuit suivent la route créée par un faisceau sonore. Mais ce chemin sa
2808 nconnu, comme ces avions qui dans la nuit suivent la route créée par un faisceau sonore. Mais ce chemin sans précédent, — 
2809 e moi seul pour me conduire là où convergent tous les chemins de l’esprit, — oui, tous convergent et se rejoindront en Dieu
2810 me conduire là où convergent tous les chemins de l’ esprit, — oui, tous convergent et se rejoindront en Dieu, mais il y a
2811 y a un chemin par homme ! — comment savoir si je le découvre ou si je l’invente en le suivant ? Il n’est créé que par l’a
2812 mme ! — comment savoir si je le découvre ou si je l’ invente en le suivant ? Il n’est créé que par l’appel, et n’existe que
2813 nt savoir si je le découvre ou si je l’invente en le suivant ? Il n’est créé que par l’appel, et n’existe que si je m’y en
2814 e l’invente en le suivant ? Il n’est créé que par l’ appel, et n’existe que si je m’y engage, répondant à l’appel sans pens
2815 el, et n’existe que si je m’y engage, répondant à l’ appel sans penser à rien d’autre. Il n’est pas jalonné, comme les gran
2816 enser à rien d’autre. Il n’est pas jalonné, comme les grandes voies publiques, de signes bien lisibles pour n’importe qui,
2817 our n’importe qui, puisque personne encore n’a pu le suivre, puisqu’il n’existe qu’à partir de moi, et pour moi seul ! Cet
2818 singularité absolue de mon sentier personnel, qui le rend à peine discernable pour ma foi seule, va permettre à mes voisin
2819 r son existence — sauf s’ils ont fait, eux aussi, l’ expérience de cet appel invraisemblable — et ils vont me conseiller « 
2820 ins communs, bien fréquentés, bien surveillés par la police, là où règne le Code de la route, qui est aussi fait pour moi,
2821 entés, bien surveillés par la police, là où règne le Code de la route, qui est aussi fait pour moi, ajouteront-ils, sévère
2822 surveillés par la police, là où règne le Code de la route, qui est aussi fait pour moi, ajouteront-ils, sévères. Oui, bie
2823 n sûr, mais ces voies publiques, faites pour tout le monde et personne en particulier, elles me mèneront sans doute aussi
2824 ites pour cela. Seul pourrait me relier à mon but le sentier de ma vocation, qui est au sens littéral improbable. Les gran
2825 ma vocation, qui est au sens littéral improbable. Les grandes voies publiques, bien que réglées par la Loi, ne me servent d
2826 Les grandes voies publiques, bien que réglées par la Loi, ne me servent de rien pour « faire mon salut » comme disait la p
2827 ent de rien pour « faire mon salut » comme disait la piété classique. Il me faut me risquer dans un monde spirituel qui es
2828 onde spirituel qui est peut-être une illusion, ou le néant. Il me faut affronter l’invraisemblable (dont parlait Kierkegaa
2829 e une illusion, ou le néant. Il me faut affronter l’ invraisemblable (dont parlait Kierkegaard), un risque absolument sans
2830 tien que ma croyance par éclairs, ma « foi » dans l’ existence de ce But qu’on ne peut voir et que personne n’a jamais vu.
2831 ayant d’autres moyens de répondre à son appel, de le rejoindre, que ceux que me suggère, inexplicablement, ma foi en lui.
2832 gère, inexplicablement, ma foi en lui. C’est donc le But qui me communique les seuls moyens d’aller vers lui, dans la seul
2833 a foi en lui. C’est donc le But qui me communique les seuls moyens d’aller vers lui, dans la seule mesure où j’y crois, et
2834 ommunique les seuls moyens d’aller vers lui, dans la seule mesure où j’y crois, et où j’arrive par instants à oublier tout
2835 à oublier tout ce qui me fait douter du But et de l’ appel et du chemin, quand je m’abandonne à l’élan, à l’attrait advienn
2836 t de l’appel et du chemin, quand je m’abandonne à l’ élan, à l’attrait advienne que pourra, comme dans un saut… Dans ces mo
2837 el et du chemin, quand je m’abandonne à l’élan, à l’ attrait advienne que pourra, comme dans un saut… Dans ces moments, le
2838 que pourra, comme dans un saut… Dans ces moments, le But a dicté ses moyens. Il ne les a pas seulement justifiés, il les a
2839 ans ces moments, le But a dicté ses moyens. Il ne les a pas seulement justifiés, il les a faits et me les a donnés. Je disa
2840 s moyens. Il ne les a pas seulement justifiés, il les a faits et me les a donnés. Je disais tout à l’heure que la notion de
2841 s a pas seulement justifiés, il les a faits et me les a donnés. Je disais tout à l’heure que la notion de péché n’a pas sa
2842 les a faits et me les a donnés. Je disais tout à l’ heure que la notion de péché n’a pas sa place dans le monde des règles
2843 et me les a donnés. Je disais tout à l’heure que la notion de péché n’a pas sa place dans le monde des règles du jeu, mai
2844 eure que la notion de péché n’a pas sa place dans le monde des règles du jeu, mais prend son sens dans le monde de la voca
2845 monde des règles du jeu, mais prend son sens dans le monde de la vocation. Voici comment je crois qu’il faut l’entendre. P
2846 gles du jeu, mais prend son sens dans le monde de la vocation. Voici comment je crois qu’il faut l’entendre. Par rapport à
2847 de la vocation. Voici comment je crois qu’il faut l’ entendre. Par rapport à la vocation humaine et générale de l’amour (so
2848 ent je crois qu’il faut l’entendre. Par rapport à la vocation humaine et générale de l’amour (sommaire de toute la Loi), i
2849 Par rapport à la vocation humaine et générale de l’ amour (sommaire de toute la Loi), il est clair que le péché en général
2850 humaine et générale de l’amour (sommaire de toute la Loi), il est clair que le péché en général est de faillir à l’amour,
2851 mour (sommaire de toute la Loi), il est clair que le péché en général est de faillir à l’amour, de le blesser, ou de le dé
2852 st clair que le péché en général est de faillir à l’ amour, de le blesser, ou de le dénaturer — par exemple de le réduire à
2853 le péché en général est de faillir à l’amour, de le blesser, ou de le dénaturer — par exemple de le réduire à un pur sent
2854 al est de faillir à l’amour, de le blesser, ou de le dénaturer — par exemple de le réduire à un pur sentiment ou désir, al
2855 e le blesser, ou de le dénaturer — par exemple de le réduire à un pur sentiment ou désir, alors qu’il est action. Mais dan
2856 iment ou désir, alors qu’il est action. Mais dans le monde de la vocation, mon péché particulier, c’est ce qui m’empêche d
2857 ir, alors qu’il est action. Mais dans le monde de la vocation, mon péché particulier, c’est ce qui m’empêche de répondre à
2858 particulier, c’est ce qui m’empêche de répondre à l’ appel que j’ai cru entendre, c’est le refus d’y croire sans preuve don
2859 e répondre à l’appel que j’ai cru entendre, c’est le refus d’y croire sans preuve dont je puisse faire état « objectivemen
2860 quelque attitude intime, en travers du chemin que l’ Appel, dans la nuit, crée ou jalonne pour moi seul. Mon péché, c’est c
2861 de intime, en travers du chemin que l’Appel, dans la nuit, crée ou jalonne pour moi seul. Mon péché, c’est ce qui obscurci
2862 ce qui obscurcit ma visée, me fait perdre de vue le but, m’en fait douter quand il est invisible, bref, me détourne d’agi
2863 gir ma vocation. Et je découvre, à ce propos, que le mot désignant le péché en hébreu signifie littéralement « ce qui manq
2864 Et je découvre, à ce propos, que le mot désignant le péché en hébreu signifie littéralement « ce qui manque le but » ; et
2865 en hébreu signifie littéralement « ce qui manque le but » ; et en grec : « ce qui passe au-dessus de la ligne normale »,
2866 but » ; et en grec : « ce qui passe au-dessus de la ligne normale », ou : « ce qui tombe à côté ». Voilà qui correspond,
2867 e, à mes images initiales du tireur au fusil ou à l’ arc. ⁂ Je ne voudrais pas terminer cet exposé… téméraire, beaucoup tro
2868 qu’il prétend remuer, sans avoir indiqué au moins les principales objections que je suis le premier à formuler contre mes t
2869 é dans mon livre — mais j’aimerais indiquer aussi l’ esprit des réponses que l’on pourrait tenter d’y faire. La dichotomie
2870 aimerais indiquer aussi l’esprit des réponses que l’ on pourrait tenter d’y faire. La dichotomie proposée entre les règles
2871 des réponses que l’on pourrait tenter d’y faire. La dichotomie proposée entre les règles du jeu d’une part, et la vocatio
2872 it tenter d’y faire. La dichotomie proposée entre les règles du jeu d’une part, et la vocation d’autre part ; entre la régu
2873 e proposée entre les règles du jeu d’une part, et la vocation d’autre part ; entre la régulation scientifique et séculière
2874 u d’une part, et la vocation d’autre part ; entre la régulation scientifique et séculière des moyens d’une part, et la foi
2875 ientifique et séculière des moyens d’une part, et la foi aux fins transcendantes d’autre part, cette distinction fondament
2876 tes et de reproches hélas bien faciles à prévoir. Le psychologue me dira (et il le dit en moi) : — Êtes-vous sûr que l’app
2877 faciles à prévoir. Le psychologue me dira (et il le dit en moi) : — Êtes-vous sûr que l’appel que vous croyez venu du Tra
2878 dira (et il le dit en moi) : — Êtes-vous sûr que l’ appel que vous croyez venu du Transcendant n’est pas tout simplement l
2879 ez venu du Transcendant n’est pas tout simplement l’ expression symbolique d’une pulsion de l’inconscient ? — Eh bien non,
2880 mplement l’expression symbolique d’une pulsion de l’ inconscient ? — Eh bien non, je n’en suis jamais sûr ! La foi sans le
2881 scient ? — Eh bien non, je n’en suis jamais sûr ! La foi sans le doute n’est pas la foi, ont répété bien avant moi Luther
2882 h bien non, je n’en suis jamais sûr ! La foi sans le doute n’est pas la foi, ont répété bien avant moi Luther et Kierkegaa
2883 suis jamais sûr ! La foi sans le doute n’est pas la foi, ont répété bien avant moi Luther et Kierkegaard. Un théologien d
2884 ther et Kierkegaard. Un théologien dira (et je me le dis aussi) : Si vous abandonnez la responsabilité d’établir le code m
2885 dira (et je me le dis aussi) : Si vous abandonnez la responsabilité d’établir le code moral au « monde », c’est-à-dire auj
2886  : Si vous abandonnez la responsabilité d’établir le code moral au « monde », c’est-à-dire aujourd’hui et en fait aux sava
2887 st-à-dire aujourd’hui et en fait aux savants et à l’ État, vous risquez de laisser s’établir une société totalitaire. Et vo
2888 s’établir une société totalitaire. Et vous privez le monde des aides de la Révélation. — À quoi je réponds que le risque e
2889 totalitaire. Et vous privez le monde des aides de la Révélation. — À quoi je réponds que le risque est très grand, je l’av
2890 s aides de la Révélation. — À quoi je réponds que le risque est très grand, je l’avoue, mais que les Églises qui croyaient
2891 quoi je réponds que le risque est très grand, je l’ avoue, mais que les Églises qui croyaient dur comme fer que leur missi
2892 ue le risque est très grand, je l’avoue, mais que les Églises qui croyaient dur comme fer que leur mission était de régler
2893 nt dur comme fer que leur mission était de régler la conduite morale de nos peuples n’ont pas réussi à empêcher ni même à
2894 uvements totalitaires du xxe siècle. Et quand je les vois patauger dans des domaines aussi vitaux que ceux de la contracep
2895 tauger dans des domaines aussi vitaux que ceux de la contraception ou de la guerre, je me demande de quoi elles priveraien
2896 s aussi vitaux que ceux de la contraception ou de la guerre, je me demande de quoi elles priveraient le monde si elles ces
2897 a guerre, je me demande de quoi elles priveraient le monde si elles cessaient de lui prodiguer des conseils ou des ordres
2898 moins aussi contradictoires que ceux qu’édictent les États, les Sciences, leurs branches spécialisées, et les écoles qui l
2899 i contradictoires que ceux qu’édictent les États, les Sciences, leurs branches spécialisées, et les écoles qui les divisent
2900 ts, les Sciences, leurs branches spécialisées, et les écoles qui les divisent. Un autre théologien me reprochera (et je ne
2901 s, leurs branches spécialisées, et les écoles qui les divisent. Un autre théologien me reprochera (et je ne suis pas du tou
2902 ne suis pas du tout sûr qu’il ait tort) d’ouvrir les portes toutes grandes au subjectivisme intégral, à l’illuminisme, au
2903 ortes toutes grandes au subjectivisme intégral, à l’ illuminisme, au quiétisme, et simplement à tous les malades dont la ps
2904 l’illuminisme, au quiétisme, et simplement à tous les malades dont la psychose prend la forme d’une mission qu’ils affirmen
2905 quiétisme, et simplement à tous les malades dont la psychose prend la forme d’une mission qu’ils affirment reçue de Dieu.
2906 plement à tous les malades dont la psychose prend la forme d’une mission qu’ils affirment reçue de Dieu. — À quoi je pense
2907 on doit répondre par une vigilance redoublée dans l’ examen des marques ou des « notes » de l’authenticité d’une vocation,
2908 lée dans l’examen des marques ou des « notes » de l’ authenticité d’une vocation, selon l’expérience des Pères, des réforma
2909 « notes » de l’authenticité d’une vocation, selon l’ expérience des Pères, des réformateurs, et aussi des meilleurs psychol
2910 ologues de ce temps, qui peuvent au moins déceler les fausses vocations… Mais les risques subsistent, je ne les minimise pa
2911 vent au moins déceler les fausses vocations… Mais les risques subsistent, je ne les minimise pas : ce sont les risques de l
2912 ses vocations… Mais les risques subsistent, je ne les minimise pas : ce sont les risques de la Foi et de la confiance dans
2913 ques subsistent, je ne les minimise pas : ce sont les risques de la Foi et de la confiance dans le Saint-Esprit. Je soulign
2914 , je ne les minimise pas : ce sont les risques de la Foi et de la confiance dans le Saint-Esprit. Je souligne seulement qu
2915 inimise pas : ce sont les risques de la Foi et de la confiance dans le Saint-Esprit. Je souligne seulement que les risques
2916 ont les risques de la Foi et de la confiance dans le Saint-Esprit. Je souligne seulement que les risques inverses, nés de
2917 e dans le Saint-Esprit. Je souligne seulement que les risques inverses, nés de l’exigence exclusive de ce que l’on nomme « 
2918 uligne seulement que les risques inverses, nés de l’ exigence exclusive de ce que l’on nomme « objectivité scientifique »,
2919 s inverses, nés de l’exigence exclusive de ce que l’ on nomme « objectivité scientifique », et qui évacue de la réalité tou
2920 me « objectivité scientifique », et qui évacue de la réalité tout ce qui ne peut être enregistré par la mémoire d’une mach
2921 a réalité tout ce qui ne peut être enregistré par la mémoire d’une machine électronique, que cet objectivisme-là est au mo
2922 t objectivisme-là est au moins aussi onéreux pour l’ équilibre humain que l’anarchie spiritualiste. Toute vie spirituelle a
2923 u moins aussi onéreux pour l’équilibre humain que l’ anarchie spiritualiste. Toute vie spirituelle authentique ne s’est-ell
2924 uthentique ne s’est-elle pas toujours jouée entre les deux extrêmes du désert et du déluge, du doute aride et de l’émotivit
2925 êmes du désert et du déluge, du doute aride et de l’ émotivité prompte aux larmes, du positivisme et de l’illuminisme ? Un
2926 motivité prompte aux larmes, du positivisme et de l’ illuminisme ? Un troisième théologien, prenant acte de ce que je ne cr
2927 ques, regrettera peut-être au secret de son cœur, l’ époque où l’on pouvait brûler des gens comme moi. Je lui dirai : faite
2928 tera peut-être au secret de son cœur, l’époque où l’ on pouvait brûler des gens comme moi. Je lui dirai : faites attention
2929 gens comme moi. Je lui dirai : faites attention à l’ Écriture, qui est, selon vos meilleurs docteurs, le critère externe de
2930 ’Écriture, qui est, selon vos meilleurs docteurs, le critère externe de la Révélation ; elle dit ceci : « Cherchez d’abord
2931 lon vos meilleurs docteurs, le critère externe de la Révélation ; elle dit ceci : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu, e
2932 a Révélation ; elle dit ceci : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu, et le reste vous sera donné par-dessus. » Or cherche
2933 ceci : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu, et le reste vous sera donné par-dessus. » Or chercher le Royaume, c’est che
2934 e reste vous sera donné par-dessus. » Or chercher le Royaume, c’est chercher à saisir et à comprendre le message ou l’appe
2935 Royaume, c’est chercher à saisir et à comprendre le message ou l’appel qui nous en vient. Ce n’est pas appliquer une règl
2936 t chercher à saisir et à comprendre le message ou l’ appel qui nous en vient. Ce n’est pas appliquer une règle connue, la m
2937 n vient. Ce n’est pas appliquer une règle connue, la même pour tous, en tous les temps, et révélée une fois pour toutes. L
2938 quer une règle connue, la même pour tous, en tous les temps, et révélée une fois pour toutes. L’Évangile ne dit pas : « Voi
2939 tous les temps, et révélée une fois pour toutes. L’ Évangile ne dit pas : « Voici le code, obéissez. » Il dit : « Cherchez
2940 fois pour toutes. L’Évangile ne dit pas : « Voici le code, obéissez. » Il dit : « Cherchez, et osez croire l’invraisemblab
2941 , obéissez. » Il dit : « Cherchez, et osez croire l’ invraisemblable. Et c’est ainsi que vous trouverez aussi, chemin faisa
2942 narchisant, je répondrai qu’il a bien mal compris la définition de la personne : l’homme chargé par la vocation même qui l
2943 pondrai qu’il a bien mal compris la définition de la personne : l’homme chargé par la vocation même qui le distingue de la
2944 a bien mal compris la définition de la personne : l’ homme chargé par la vocation même qui le distingue de la communauté, d
2945 la définition de la personne : l’homme chargé par la vocation même qui le distingue de la communauté, d’une action qui le
2946 ersonne : l’homme chargé par la vocation même qui le distingue de la communauté, d’une action qui le relie à cette communa
2947 e chargé par la vocation même qui le distingue de la communauté, d’une action qui le relie à cette communauté et qui l’ins
2948 i le distingue de la communauté, d’une action qui le relie à cette communauté et qui l’insère dans ses réalités concrètes.
2949 une action qui le relie à cette communauté et qui l’ insère dans ses réalités concrètes. Aux démocrates ombrageux qui m’ac
2950 geux qui m’accuseraient de proposer une éthique à l’ usage exclusif d’une petite élite spirituelle, d’un groupe d’élus, je
2951 spirituelle, d’un groupe d’élus, je rappellerais les paroles de Jésus sur le sel de la Terre et sa saveur. Mais j’ajoutera
2952 d’élus, je rappellerais les paroles de Jésus sur le sel de la Terre et sa saveur. Mais j’ajouterais, paraphrasant Teilhar
2953 e rappellerais les paroles de Jésus sur le sel de la Terre et sa saveur. Mais j’ajouterais, paraphrasant Teilhard de Chard
2954 ai, mais, par sa solidarité avec une grandeur qui le dépasse, à faire grandement la moindre des choses, ce qu’il doit fair
2955 c une grandeur qui le dépasse, à faire grandement la moindre des choses, ce qu’il doit faire lui seul. (Et d’abord, à se f
2956 ? Comment déceler ma vocation, puisque selon vous le But d’où elle m’est adressée reste invisible, inouï, incalculable, et
2957 devrait nous guider… » — je voudrais dire ici que la prière est le seul moyen que l’Évangile propose pour accorder au Tran
2958 uider… » — je voudrais dire ici que la prière est le seul moyen que l’Évangile propose pour accorder au Transcendant notre
2959 rais dire ici que la prière est le seul moyen que l’ Évangile propose pour accorder au Transcendant notre être intime, notr
2960 , ici encore, dicté et créé par sa fin. Car c’est l’ Esprit qui nous meut à prier. Les « soupirs inexprimables » de la priè
2961 sa fin. Car c’est l’Esprit qui nous meut à prier. Les « soupirs inexprimables » de la prière en nous répondent seuls à la r
2962 us meut à prier. Les « soupirs inexprimables » de la prière en nous répondent seuls à la réalité de l’indicible ; or toute
2963 rimables » de la prière en nous répondent seuls à la réalité de l’indicible ; or toute vocation est d’abord indicible, par
2964 la prière en nous répondent seuls à la réalité de l’ indicible ; or toute vocation est d’abord indicible, parce qu’elle n’a
2965 ls allant d’un homme à Dieu. Mais je pressens que les objections les plus gênantes qu’on pourra me faire seront celles que
2966 homme à Dieu. Mais je pressens que les objections les plus gênantes qu’on pourra me faire seront celles que je n’ai pas pré
2967 e faire seront celles que je n’ai pas prévues… Je les attends de votre part et vous en dis d’avance ma gratitude. Ma recher
2968 être, mais dont je doute qu’aucun chrétien puisse les donner. Les « païens » et l’Antiquité vivaient dans la certitude éthi
2969 ont je doute qu’aucun chrétien puisse les donner. Les « païens » et l’Antiquité vivaient dans la certitude éthique — règles
2970 cun chrétien puisse les donner. Les « païens » et l’ Antiquité vivaient dans la certitude éthique — règles et rites invaria
2971 nner. Les « païens » et l’Antiquité vivaient dans la certitude éthique — règles et rites invariables, jamais mis en questi
2972 les et rites invariables, jamais mis en question. Les scientifiques, demain, vivront eux aussi dans la certitude quant à la
2973 Les scientifiques, demain, vivront eux aussi dans la certitude quant à la conduite humaine — statistiques, médications, ré
2974 main, vivront eux aussi dans la certitude quant à la conduite humaine — statistiques, médications, régimes sociaux ou psyc
2975 et impératives. Quant aux laïques et au clergé de l’ Église chrétienne, je pense que leur rôle spécifique et leur vocation
2976  ; à poser avant tout, en temps et hors de temps, la Question, celle du Sens, celle du But. C’est tout ce que, pour ma par
2977 n. p. Rougemont Denis de, « Pour une morale de la vocation », Les Cahiers protestants, Lausanne, 1968, p. 5-29. q. Une
2978 ont Denis de, « Pour une morale de la vocation », Les Cahiers protestants, Lausanne, 1968, p. 5-29. q. Une note de la réda
2979 estants, Lausanne, 1968, p. 5-29. q. Une note de la rédaction précise : « Ce texte est celui d’une conférence, prononcée
2980 , prononcée à Neuchâtel en septembre 1966, devant la Société pastorale suisse, qui nous a obligeamment autorisés à la publ
2981 orale suisse, qui nous a obligeamment autorisés à la publier. »