1 1938, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). La vraie défense contre l’esprit totalitaire (juillet 1938)
1 ements l’auront fait voir aux plus naïfs. Mais il n’ est pas seulement une menace. Il est aussi, et c’est beaucoup plus gra
2 lus important : 35 % des électeurs. Les fascistes n’ étaient qu’une très petite minorité. Comment s’imposèrent-ils ? Par la
3 tères libéraux qui dirigeaient cette police. Pour ne rien dire, naturellement, des grands bailleurs de fonds bourgeois, ba
4 l’État. Un peu de civisme l’eût arrêté. Sa force n’ a été faite que de lâchetés accumulées, et de calculs dits « réalistes
5 rgeoisie qui s’en repent peut-être aujourd’hui…2 Ne croyez pas que ce soit là une vue partiale et partisane de l’histoire
6 la Centrale du Parti : « L’expédition de Sarzana n’ est qu’un épisode normal : il devait survenir dès que le fascisme aura
7 des gens devant lui, disposés à tenir bon… » Rien n’ est plus vrai : le totalitarisme ne saurait triompher « de gens dispos
8 ir bon… » Rien n’est plus vrai : le totalitarisme ne saurait triompher « de gens disposés à tenir bon » selon l’expression
9 omme qui a conscience de ses raisons de vivre. Ce n’ est pas l’homme le mieux armé, mais celui dont le moral est le plus so
10 d’une sorte de loi historique : le totalitarisme n’ est fort que dans la mesure où le civisme est faible ; il est fort des
11 et demain, s’il triomphe chez nous, sa puissance ne sera que la somme exacte de nos lâchetés particulières. L’exemple de
12 ’exemple de Sarzana nous le prouve fortement : ce n’ est pas le nombre et l’armement qui ont triomphé ce jour-là, mais la b
13 conscience civique. Or une telle bonne conscience ne saurait exister que là où existe l’autorité morale. Les fascistes ont
14 istes avaient une mystique, tandis que les autres n’ en avaient plus, que les fascistes n’ont pas rencontré de résistance s
15 e les autres n’en avaient plus, que les fascistes n’ ont pas rencontré de résistance sérieuse. De ces deux causes du succès
16 les. Je le répète : la puissance du totalitarisme ne sera jamais que la somme exacte de nos lâchetés individuelles, c’est-
17 faut refaire une commune mesure vivante. Si nous ne la faisons pas, d’autres s’en chargeront, l’appel existe, et c’est le
18 ette solution est la plus naturelle parce qu’elle n’ est en somme qu’un réflexe. Elle ne suppose aucun effort de l’esprit,
19 parce qu’elle n’est en somme qu’un réflexe. Elle ne suppose aucun effort de l’esprit, aucune espèce d’imagination. Et c’e
20 onc chômage dans la profession médicale, personne n’ a jamais eu l’idée de proposer qu’on donne la peste à toute la nation.
21 ds pour lui : ils le gêneront bientôt plus qu’ils ne le protégeront. Un officier français résumait l’autre jour ce process
22 . Il s’agira maintenant d’utiliser les armes. Nul n’ ignore que la guerre moderne est devenue la guerre totale. C’est dire
23 ne est devenue la guerre totale. C’est dire qu’il n’ y a plus de distinction entre civils et militaires, selon la doctrine
24 uissances totalitaires. Avec cette différence que n’ ayant pas vécu la révolution religieuse que représente le fascisme, el
25 ce mimétisme totalitaire : ou bien la démocratie ne réussit pas à faire bloc à la manière fasciste, et alors elle est bat
26 du sort de l’Autriche ! Si ce pays a succombé, ce n’ est point tant qu’il ait cédé à la menace militaire, d’ailleurs réelle
27 ire. Leçon capitale pour la Suisse ! Un État qui ne croit plus à sa valeur spirituelle, ou ne prouve plus qu’il y croit,
28 tat qui ne croit plus à sa valeur spirituelle, ou ne prouve plus qu’il y croit, puisqu’il se met à copier le voisin, un te
29 puisqu’il se met à copier le voisin, un tel État ne peut pas compter sur l’aide d’autrui. Nous ne pouvons compter sur cet
30 tat ne peut pas compter sur l’aide d’autrui. Nous ne pouvons compter sur cette aide que dans la mesure où nous sommes pour
31 ; cette chose unique, irremplaçable : un État qui n’ est pas national, mais qui est au contraire fédéral. Un État dont les
32 ra tranquilles, parce qu’on saura là-bas que nous ne sommes pas assimilables. Voilà la résistance civique et toute civile
33 avons le droit et le devoir de rester neutres, ce n’ est pas comme on le dit trop souvent en vertu de nos intérêts matériel
34 égitimes à nos yeux, mais dont nos grands voisins n’ ont pas de raisons de tenir le moindre compte. Si nous avons le droit
35 compte. Si nous avons le droit d’être neutres, ce n’ est pas en vertu d’un privilège divin, mais d’une mission bien définie
36 ’Europe, pour pouvoir nous passer d’une armée. Ce n’ est pas le cas. Mais il n’en reste pas moins que notre tâche est de to
37 passer d’une armée. Ce n’est pas le cas. Mais il n’ en reste pas moins que notre tâche est de tout mettre en œuvre pour éc
38 défense non militaires, donc non totalitaires. Je ne dis pas que je les ai trouvées. Je dis que le salut serait de les tro
39 s de refuser ce défi, de déjouer ce calcul, et de ne pas opposer à la violence une violence du même ordre, mais forcément
40 rgie renouvelée. Essayons d’inventer autre chose. Ne jouons pas le jeu. Imitons les paysans du Morgarten : ils n’avaient p
41 as le jeu. Imitons les paysans du Morgarten : ils n’ avaient pas d’armures ni de lances : ils trichèrent donc au jeu où l’a
42 leurs moyens propres : des quartiers de roche. Je ne veux pas dire, évidemment, que nous devions nous défendre aujourd’hui
43 précipité dans un nouveau monde de valeurs, où il ne sait comment agir, et il y perd son assurance. Représentons-nous cela
44 u’il abandonne la méthode de lutte ancestrale, il n’ est pas étonnant que l’autre soit déconcerté, parce que ses instincts
45 soit déconcerté, parce que ses instincts animaux ne lui dictent plus de conduite immédiate. Il vacille devant l’inconnu…
46 e. Il vacille devant l’inconnu… Pour ma part, je ne suis pas adversaire de la violence en soi, mais bien de cette forme m
47 oderne. Aussi bien, la page que je viens de citer ne propose-t-elle pas la non-résistance, mais au contraire une forme de
48 résultats considérables. Il faut chercher. Et je ne vous dis pas cela seulement comme personnaliste, adversaire du stalin
49 ste, adversaire du stalinisme et du fascisme ; je ne vous le dis pas seulement comme Suisse, convaincu de la mission fédér
50 ’est toute la tactique des apôtres. Et pour qu’on n’ aille pas penser que je préconise je ne sais quelle veule démission ou
51 pour qu’on n’aille pas penser que je préconise je ne sais quelle veule démission ou quel défaitisme utopique, je traduirai
52 en d’autres termes : à la brutalité, le chrétien n’ oppose pas la brutalité, mais la violence spirituelle, qui est la véri
53 olence contre nous-mêmes d’abord. Aucune doctrine ne peut être chrétienne si elle ne se fonde pas sur la repentance, qui e
54 . Aucune doctrine ne peut être chrétienne si elle ne se fonde pas sur la repentance, qui est une violence faite à notre or
55 me l’a magnifiquement montré Nicolas Berdiaev. Ce n’ est pas à la méchanceté supposée d’un Hitler ou d’un Staline que nous
56 rétiens. Ceci dit, il nous faut agir. Or agir, ce n’ est pas haïr. Je ne veux, sous aucun prétexte pieux, exciter de la hai
57 il nous faut agir. Or agir, ce n’est pas haïr. Je ne veux, sous aucun prétexte pieux, exciter de la haine contre ceux qui
58 isme, probablement par la faute de ses ministres, ne satisfaisait plus depuis bien longtemps au besoin de croire de la maj
59 té, […] et peut-être réussirons-nous à y croire. Ne sentez-vous pas une angoisse dans ce peut-être ? Et dans cette volont
60 ce peut-être ? Et dans cette volonté de croire à n’ importe quoi et à tout prix, fût-ce à quelque chose d’aussi peu croyab
61 le que l’immortalité d’un peuple ?… Or l’angoisse n’ appelle pas la haine, mais au contraire la compassion, bien qu’elle l’
62 effrénées de la propagande totalitaire. Tout cela n’ exprime qu’un sentiment d’infériorité collective, un manque de foi rée
63 éguise en défi, par désespoir. Mais là encore, je ne parle pas d’une compassion sentimentale. Je parle d’une attitude viri
64 de tolérance polie serait déjà une complicité. Ce n’ est pas ainsi que je conçois la charité. Quand les Romains adoraient l
65 es Romains adoraient leur empereur, les chrétiens ne craignaient pas de passer pour athées : ils refusaient le culte de l’
66 pe, se proclament tous les trois infaillibles, je ne crois pas manquer au devoir de charité en jugeant parfaitement grotes
67 paix, il dit à l’archevêque d’Astracan : « Allez, ne vous attristez pas. Ne voyez-vous pas que je vous crois infaillible v
68 êque d’Astracan : « Allez, ne vous attristez pas. Ne voyez-vous pas que je vous crois infaillible vous aussi ? » Toutefois
69 faillible vous aussi ? » Toutefois le scepticisme n’ est pas toujours, hélas, une réponse suffisante. La seule réponse déci
70 irréductible, — et pourtant charitable. Car nous ne condamnons pas des peuples, encore une fois. Ce que nous condamnons,
71 le droit d’être totalitaire la vérité totale, qui n’ appartient qu’à Dieu. C’est dans la mesure où nous ordonnerons nos vie
72 cette vocation devant la cité qui les protège. Je ne vous appellerai pas, en terminant, à une croisade antifasciste ou ant
73 ne dissolution presque totale de la société. Nous ne sommes plus qu’une poussière de petits individus, impuissants, isolés
74 est immense. Mais notre chance devant l’Histoire ne l’est pas moins. Il dépend en partie de nous que nous trouvions la so
75 solidaire. Celui que j’appelle l’homme total. Je ne sais si nous réussirons, mais nous aurons du moins sauvé l’honneur de
76 cette génération anxieuse. Et pour tout dire, je ne suis pas sans espoir. Les faux dieux ne font pas de miracles. Je ne m
77 dire, je ne suis pas sans espoir. Les faux dieux ne font pas de miracles. Je ne me lasserai jamais de le répéter — c’est
78 spoir. Les faux dieux ne font pas de miracles. Je ne me lasserai jamais de le répéter — c’est mon delenda Carthago : Là où
79 Carthago : Là où l’homme veut être total, l’État ne sera jamais totalitaire. 1. Conclusions d’une conférence prononcée
2 1939, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Nicolas de Flue et la Réforme (août 1939)
80 âlie. C’est avant tout un souvenir scolaire. Nous n’ avons guère retenu de son histoire que l’image d’un ermite à longue ba
81 quelques écrits populaires sur le Bienheureux, ce ne fut pas sans émerveillement que j’entrevis la réalité historique du p
82 lité historique du personnage. À tel point que je n’ hésitai pas à en faire le sujet d’un drame, qui sera représenté à Zuri
83 mportante partition chorale. Le choix de ce sujet n’ a pas été sans surprendre certains de mes amis protestants, et — pour
84 dans sa Primauté. Mais une discipline extérieure ne pouvait pas tromper les âmes. Et la vie même de Nicolas de Flue nous
85 s avec une conscience bizarrement scrupuleuse. Il ne prend aucune nourriture le vendredi, et peu à peu s’exerce à jeûner é
86 , puis ce père de famille — il aura dix enfants — n’ est pas un type exceptionnel parmi les vieux confédérés, sinon par la
87 l des ouvrages pieux auraient tourné la tête. (Il ne sait ni lire ni écrire.) Mais sous cet extérieur équilibré, et malgré
88 ect, plus confiant avec Dieu… À cinquante ans, il n’ y résiste plus : sa vocation profonde triomphe de tous ses doutes, et
89 ges voisins, et c’est là toute sa nourriture. Car n’ est-il pas écrit, comme il le répétera souvent : « L’homme ne vit pas
90 s écrit, comme il le répétera souvent : « L’homme ne vit pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche
91 és fort soupçonneuses, ni les envoyés de l’évêque n’ ont jamais pu prendre en défaut le « Frère Claus » — ainsi qu’on l’app
92 ant cet « homme de Dieu » fruste et biblique.) Il n’ est pas jusqu’aux princes des contrées voisines qui ne délèguent auprè
93 t pas jusqu’aux princes des contrées voisines qui ne délèguent auprès du Frère Claus des envoyés chargés d’obtenir son app
94 e 1486, quinze assemblées de la Diète des cantons n’ ont pas suffi pour rétablir l’union. C’est alors que se placent les év
95 jure le solitaire de tenter un dernier effort. On ne sait pas — on ne saura jamais — de quel message Nicolas l’a chargé. C
96 de tenter un dernier effort. On ne sait pas — on ne saura jamais — de quel message Nicolas l’a chargé. Ce que l’on sait,
97 e sache de Nicolas, est en réalité la seule qu’il n’ ait pas faite : sa venue en personne à la Diète, et le discours qu’il
98 ue » de la religion du Bienheureux. Toutefois, je ne puis me persuader qu’il ait été décisif dans sa vie. Si l’on considèr
99 ue et d’autre part les troubles de conscience qui ne cessent de l’assiéger, comment ne point songer à la piété du jeune Lu
100 conscience qui ne cessent de l’assiéger, comment ne point songer à la piété du jeune Luther, et à ce drame de Wittemberg
101 té attaché avec zèle aux lois papistes autant que n’ importe qui, et je les ai défendues avec grand sérieux comme saintes e
102 fier… J’imposais à mon corps plus d’efforts qu’il n’ en pouvait fournir sans danger pour la santé… Tout ce que je faisais,
103 pur zèle et pour la gloire de Dieu. Toute ma vie n’ était que jeûnes, veilles, oraisons, sueurs…  Et plus tard Luther ajo
104 discrétion » dans ses pratiques. Mais ce reproche n’ atteindrait-il pas davantage un Nicolas de Flue, jeûnant plus que de r
105 vingt dernières années ? Ce rapprochement, que je ne puis qu’esquisser, nous mettrait-il en mesure de deviner la raison sp
106 e Catherine de Sienne, un Gerson, un Tauler, pour ne citer que des catholiques célèbres et indiscutables, avaient avant Je
107 ive siècle, ce mouvement plus ou moins hérétique n’ est pas sans d’intimes relations avec les doctrines mystiques de Suso
108 ous sommes ici en présence d’une spiritualité qui n’ est certes pas catholique, mais pas davantage protestante, au sens mod
109 ande du xiiie au xve siècle, et Nicolas de Flue ne saurait s’expliquer — dans la mesure où l’on peut l’expliquer — si l’
110 dans la mesure où l’on peut l’expliquer — si l’on ne tenait pas compte de cet environnement spirituel, et des contacts qu’
111 orsqu’il quitta sa femme et ses enfants, son idée n’ était-elle pas de se rendre en Alsace, pour y rejoindre des communauté
112 arlé ? Et la première visite qu’il reçut au Ranft ne fut-elle pas précisément celle d’un pèlerin « ami de Dieu », peut-êtr
113 oi-même et donne-moi tout entier à toi seul ! Il n’ est pas facile de caractériser en quelques mots cette « piété germaniq
114 réserva des excès de la secte — c’est ainsi qu’il ne rompit jamais avec l’Église, tout en gardant ses distances — mais d’a
115 livré concernant le pacificateur de la Suisse. On ne saurait en louer assez la science, et surtout l’honnêteté. C’est sans
116 pour les premières générations de la Réforme. Ce n’ est pas sans un joyeux étonnement que je suis tombé, dans Dürrer, à pe
117 appui de leur œuvre de réforme de l’Église. Et ce n’ est pas sans un léger mouvement de triomphe, je l’avoue, que j’ai trou
118 nmoins qu’à cette époque, la conscience populaire n’ hésitait pas à ranger Nicolas du côté de la Réforme). Il n’est peut-êt
119 t pas à ranger Nicolas du côté de la Réforme). Il n’ est peut-être pas sans intérêt de donner ici un aperçu rapide de cette
120 n fumier !). Vous feriez mieux de le croire et de ne point innover, etc. Par contre, un Narrenspiel zwinglien de 1526 et u
121 représentation demanda « deux jours pleins ». Ce n’ est qu’en 1586 que les catholiques se décidèrent à aborder eux aussi c
122 e en latin et représentée par des étudiants. Elle n’ est pas sans intérêt dramatique ni sans verve, mais on est frappé de c
123 est mise en valeur, tandis que son rôle politique n’ est même pas mentionné. (Cela gênait l’Église, remarque Dürrer.) Il y
124 pale) en une vision de la Trinité. Les historiens ne sont guère d’accord, et je n’ai pas qualité pour trancher ce problème
125 ité. Les historiens ne sont guère d’accord, et je n’ ai pas qualité pour trancher ce problème d’ailleurs accessoire. ⁂ Ces
126 s accessoire. ⁂ Ces quelques notes, bien entendu, n’ ont aucunement la prétention d’annexer Nicolas de Flue à je ne sais qu
127 ment la prétention d’annexer Nicolas de Flue à je ne sais quel « parti de la Réforme » ! Elles ne visent qu’à faire mieux
128 à je ne sais quel « parti de la Réforme » ! Elles ne visent qu’à faire mieux connaître une grande figure que trop de prote
129 rmi les chrétiens ! Que de richesses les réformés n’ ont-ils pas laissé perdre de la sorte, et n’ont-ils pas laissé dénatur
130 ormés n’ont-ils pas laissé perdre de la sorte, et n’ ont-ils pas laissé dénaturer ! Mon désir n’est nullement d’enlever le
131 te, et n’ont-ils pas laissé dénaturer ! Mon désir n’ est nullement d’enlever le Frère Claus aux catholiques — il ne peut le
132 ent d’enlever le Frère Claus aux catholiques — il ne peut leur faire que du bien — mais de le rendre aussi aux protestants
133 ue nous devons approuver comme chrétiens, si nous ne voulons que d’autres s’en emparent. 3. Ce trait sera relevé et sou
3 1940, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). La bataille de la culture (janvier-février 1940)
134 Je voudrais vous montrer ce soir que cette crise n’ est pas théorique ; qu’elle a des conséquences pratiques ; qu’elle est
135 gines de la présente guerre ; et que cette guerre n’ est, en fin de compte, malgré tous ses prétextes matériels, qu’un épis
136 du menaçant. La bataille dont je vais vous parler n’ est pas une bataille politique. Les adversaires ne sont nullement les
137 n’est pas une bataille politique. Les adversaires ne sont nullement les actuels belligérants, et il n’est pas question, ic
138 ne sont nullement les actuels belligérants, et il n’ est pas question, ici, de confondre l’un des partis avec la cause de l
139 x général autrichien disait un jour : Tout ce qui n’ est pas aussi simple qu’une gifle ne vaut rien pour la guerre. Grâce à
140 : Tout ce qui n’est pas aussi simple qu’une gifle ne vaut rien pour la guerre. Grâce à Dieu, nous sommes encore neutres, e
141 encore neutres, et nous avons encore le droit de ne pas nous livrer à ce genre de simplifications brutales. Notre premier
142 . Il faut reconnaître, hélas, que cette éducation n’ a pas merveilleusement réussi. Nous persistons tous, plus ou moins, da
143 anchir soi-même. Mais en réalité, nos adversaires ne diffèrent pas essentiellement de nous. Tout homme porte en soi les mi
144 es imaginables. Et cet ennemi qui nous menace, il ne serait nullement suffisant de l’anéantir pour nous en délivrer. Car l
145 us vous êtes tous posé cette question-là. Mais il ne suffit pas de se la poser et ensuite de se lamenter. Il faut voir ce
146 nt ses causes, et s’il existe des remèdes. Car il ne serait pas suffisant de n’accuser que la méchanceté des hommes : c’es
147 te des remèdes. Car il ne serait pas suffisant de n’ accuser que la méchanceté des hommes : c’est l’esprit même de la cultu
148 un sait que les résultats pratiques du machinisme ne sont pas d’augmenter les loisirs, mais bien d’augmenter le chômage, e
149 hai ? Il répondit que c’était vrai. — Mais alors, n’ êtes-vous pas torturé par la pensée que votre argent contribue à prolo
150 absence d’un principe d’unité est si totale qu’on ne la ressent même plus comme un scandale. Elle est devenue toute nature
151 ustifiable en elle-même, pour des raisons dont il ne remarquait pas qu’elles étaient sans commune mesure. Au moraliste qui
152 nt répondu que les affaires sont les affaires. On ne peut pas additionner des chiffres et des sentiments. Il ne faut pas t
153 as additionner des chiffres et des sentiments. Il ne faut pas tout mélanger… Et en effet, nous mélangeons de moins en moin
154 sont si nombreux, si quotidiens, qu’on finit par ne plus les voir. Il est admis, dans notre société, que les hommes de la
155 , dans notre société, que les hommes de la pensée n’ ont rien à dire d’utile aux hommes de l’action, aux capitaines de l’in
156 pour nous quelque chose comme une friandise. Elle n’ est plus un pain quotidien. Quand on dit de quelqu’un : c’est un intel
157 a signifie : c’est un monsieur très compliqué qui ne vaut rien pour conduire la cité, pour gagner de l’argent, pour faire
158 ependant, une société où les valeurs de la pensée n’ ont plus aucun rapport avec les lois de l’action, une société qui manq
159 qui manque à ce point d’harmonie, et où ce manque n’ est même plus ressenti comme un scandale, je la vois condamnée à gliss
160 asses humaines informes et démesurées, là où l’on ne connaissait auparavant que des groupements organisés autour de petite
161 dominée d’un seul regard. Une seule intelligence ne peut plus en comprendre et en maîtriser les rouages. On ne sait pas d
162 lus en comprendre et en maîtriser les rouages. On ne sait pas du tout ce que vont produire ces capitaux énormes qu’on accu
163 capitaux énormes qu’on accumule à tout hasard. On ne sait pas du tout comment vont réagir ces masses humaines déracinées p
164 panorama de la société devient confus. Plus rien n’ est à la mesure de l’homme individuel. Quand nous regardons en arrière
165 d’aucune harmonie ni d’aucune mesure humaine, ils ne pouvaient créer qu’une vie fausse, une vie mauvaise, antihumaine. C’e
166 devoir vital. Or, ils ont perdu cette chance. Ils n’ ont pas vu le danger, ils ont eu peur de le prévoir. Et c’est ici que
167 hilosophes du dernier siècle, dans leur ensemble, n’ ont répondu que par la fuite, et par ce qu’ils appelaient le désintére
168 e directeurs spirituels de la cité. Bien sûr, ils n’ ont pas dit : notre pensée, à partir d’aujourd’hui, renonce à agir, ma
169 tion, dans son désintéressement scientifique. Ils n’ ont pas dit : nous ne voulons plus rien faire d’utile, mais ils ont di
170 éressement scientifique. Ils n’ont pas dit : nous ne voulons plus rien faire d’utile, mais ils ont dit : on ne peut plus r
171 ns plus rien faire d’utile, mais ils ont dit : on ne peut plus rien faire, car l’histoire et l’économie sont régies par de
172 es et sérieuses aux penseurs du xixe siècle ! Il n’ y eut que Kierkegaard et Nietzsche pour protester du fond de leur soli
173 aire de l’esprit, c’est la presse quotidienne. On ne peut plus prêcher le christianisme dans un monde où règne la presse. 
174 oids. » Mais à part ces deux solitaires, personne ne sut ou n’osa voir à quoi devait conduire le Progrès, abandonné à son
175 is à part ces deux solitaires, personne ne sut ou n’ osa voir à quoi devait conduire le Progrès, abandonné à son mouvement
176 s s’arrangent d’elles-mêmes. Or, en réalité, rien ne s’est arrangé. Et voici où nous rejoignons le temps présent. Dans un
177 ons le temps présent. Dans une cité où la culture n’ a plus en fait l’initiative, ce sont les lois de la production et de l
178 ités à notre pensée impuissante. Quand la culture ne domine plus l’action, c’est l’action qui domine la culture, mais une
179 action qui domine la culture, mais une action qui ne sait plus où elle va ! Et la société à son tour ne tarde pas à se déf
180 e sait plus où elle va ! Et la société à son tour ne tarde pas à se défaire. Dès que la pensée se sépare de l’action, les
181 monde, échappe aux prises de l’esprit humain, il ne reste qu’un seul principe pour mesurer la valeur de nos actes : c’est
182 valeur de nos actes : c’est l’Argent. Et quand il n’ y a plus d’argent, c’est la misère. Et quand la misère est trop grande
183 est que l’Argent et l’État sont des principes qui ne valent rien dans le domaine de l’esprit. Et dès lors, la culture en c
184 férents dans le dictionnaire de Littré. Mais cela n’ est pas un mal, car ces sens, justement, sont exactement définis. Ce q
185 avons ajouté d’autres sur lesquels plus personne ne s’entend. Tout le monde veut défendre l’esprit, mais pour certains, c
186 ue je m’évade dans le spiritualisme, alors que je ne vois de salut pour l’esprit que dans la présence effective de la pens
187 e ce monde. La liberté : tout le monde l’invoque, n’ est-ce pas ? Mais pour l’économiste libéral, cela signifie le droit de
188 itiquent le désordre établi, tantôt le fait qu’on n’ assassine plus dans la rue mais seulement dans les prisons d’État. Je
189 la rue mais seulement dans les prisons d’État. Je n’ hésite pas à le dire : l’une des causes principales de la mésentente d
190 t c’est tout un domaine du langage que l’écrivain ne contrôle pas, ne forme pas, n’atteint même pas. Ainsi se créent d’éno
191 omaine du langage que l’écrivain ne contrôle pas, ne forme pas, n’atteint même pas. Ainsi se créent d’énormes zones d’écha
192 age que l’écrivain ne contrôle pas, ne forme pas, n’ atteint même pas. Ainsi se créent d’énormes zones d’échanges verbaux i
193 eur délicatesse d’appel. Alors les écrivains, qui n’ ont pas d’autres armes que les mots, se voient privés de tout moyen d’
194 e tout moyen d’agir. Leurs conseils, leurs appels ne portent plus. Les hommes échangent des paroles en plus grand nombre q
195 t des paroles en plus grand nombre que jamais, et ne se disent rien qui compte. Or quand la parole se détruit, quand elle
196 compte. Or quand la parole se détruit, quand elle n’ est plus le don qu’un homme fait à un homme, et qui engage quelque cho
197 règne de la force ! Si nulle autorité spirituelle ne peut fixer le sens des mots, la propagande brutale s’en chargera. À l
198 poser la plus sérieuse question humaine. Et s’il n’ est pas encore aussi tragique dans des pays moins menacés par la misèr
199 sère, comme par exemple nos petits États neutres, ne nous faisons pas d’illusions : tôt ou tard, là aussi, cet appel exige
200 sprit. S’il change, tout commence à changer. S’il ne change pas, toutes les réformes matérielles sont inutiles et tournent
201 nent au malheur. Car le mal qui est dans l’action n’ a pas d’autres racines que le mal qui est dans la pensée. Et voici sa
202 mme perdu. Or l’histoire nous apprend que l’homme ne trouve sa pleine réalité et sa mesure qu’au sein d’un groupe humain,
203 n groupe humain, ni trop vaste ni trop étroit. Il n’ est pas bon que l’homme soit seul ; il n’est pas bon non plus que l’ho
204 roit. Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; il n’ est pas bon non plus que l’homme soit foule. Le monde rationaliste et
205 rationaliste et libéral supposait que l’humanité n’ était qu’un assemblage d’individus, d’hommes qui avaient surtout des d
206 ’années. L’homme isolé, dans un monde trop vaste, ne se sent plus porté au sein d’un groupe. Déraciné, il flotte, il erre,
207 ein d’un groupe. Déraciné, il flotte, il erre, il n’ offre plus de résistance aux courants d’opinion, aux modes, à la publi
208 llectivité. Il s’agit de voir que l’homme concret n’ est pas le Robinson d’une île déserte, ni l’anonyme numéro d’un rang,
209 rtant relié, c’est l’idéal de l’homme occidental. N’ allons pas dire que c’est une utopie ! Car ce problème a été résolu, c
210 nisation. Mais alors, il subit une discipline qui ne s’accommode pas du tout de sa vocation personnelle. Voici donc le dil
211  : ou bien tu veux rester toi-même, mais alors tu ne pourras rien faire ; ou bien tu veux faire quelque chose, mais alors,
212 stoire obéit à des lois contre lesquelles l’homme ne peut rien. Conception très lugubre, mais commode, car elle justifiait
213 ves, de lois absolument indépendantes de l’homme, n’ était qu’une illusion rationaliste. Qu’il me suffise de rappeler ici l
214 t aujourd’hui que les fameuses lois scientifiques ne sont en fait que de commodes conventions, dépendant des systèmes de m
215 ient nous dire que même dans l’ordre matériel, il n’ est plus permis de concevoir une observation impartiale, à combien plu
216 les lois rigides de notre société. En vérité, il n’ est de lois fatales que là où l’esprit démissionne. Toute action créat
217 les statistiques. Ainsi les lois de la publicité ne sont exactes que dans la mesure où l’homme n’est qu’un mouton ; elles
218 ité ne sont exactes que dans la mesure où l’homme n’ est qu’un mouton ; elles sont fausses et inexistantes dès qu’un homme
219 nt conscient des vrais besoins de sa personne. Il n’ y a de loi, répétons-le, que là où l’homme renonce à se manifester sel
220 re en général, dans notre époque totalitaire. Nul n’ ignore, en effet, que les États totalitaires justifient les rigueurs d
221 ues, ou biologiques. Or il est clair que ces lois ne sont vraies, ou plutôt ne deviennent vraies, qu’en vertu d’une immens
222 est clair que ces lois ne sont vraies, ou plutôt ne deviennent vraies, qu’en vertu d’une immense démission de l’esprit ci
223 l’esprit civique dans les trop grands pays. Elles ne traduisent en fait qu’un immense affaissement du sens personnel dans
224 tions brutales et le ton sur lequel on les prône, ne sont en fait que des solutions de paresse intellectuelle, des solutio
225 irectives de cette action redevenue possible ? Je ne voudrais pas, ici, partir dans l’utopie. Je ne pense pas que les prin
226 Je ne voudrais pas, ici, partir dans l’utopie. Je ne pense pas que les principes fondamentaux d’une société plus harmonieu
227 veil soulève les Églises. Elles ont compris qu’il ne suffisait pas de dénoncer les doctrines païennes mais qu’il fallait r
228 olm et d’Oxford ont montré que les autres Églises n’ entendaient pas demeurer en arrière. Presque tout reste à faire, c’est
229 La solution fédéraliste Par quelle voie ? Je n’ aime pas beaucoup la tolérance, vertu qui naît en somme d’un scepticis
230 e suppose que la pensée de l’autre, qu’on tolère, ne passera jamais dans les actes. Je n’aime pas non plus l’intolérance q
231 u’on tolère, ne passera jamais dans les actes. Je n’ aime pas non plus l’intolérance qui veut tout uniformiser, et qui est
232 la paix, puisque l’autre aboutit à la guerre. Ce n’ est pas notre orgueil qui l’imagine, ce sont les faits qui nous oblige
233 ù cet avenir soit, d’ores et déjà, un présent. Il ne s’agit pas de grands mots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de vo
234 n fait, si nous sommes là, au service du pays, ce n’ est pas pour défendre des fromages, des conseils d’administration, not
235 t cela aussi bien que nous, peut-être mieux !) Ce n’ est pas non plus, comme le disait fort bien Karl Barth, pour protéger
236 avenir. Si nous trahissons cette mission, si nous n’ en prenons pas conscience, alors seulement j’aurai des craintes sérieu
237 On parle un peu partout de fédérer l’Europe. Cela ne se fera pas en un jour, ni même pendant les quelques semaines fiévreu
238 la paix improvisé dans l’épuisement général. Cela ne se fera que si des hommes solides, informés par une expérience sécula
239 études précises, de calculs réalistes. Ces hommes ne peuvent guère exister et travailler que dans les pays neutres. Et che
240 l’individu engagé dans la communauté. Cette œuvre n’ est pas utopique. Car je me refuse à nommer utopie le seul espoir qui
241 espoir soit soutenu par tout un peuple, et qu’il ne se laisse pas décourager par les sceptiques professionnels, par tous
242 ncore faut-il — et je termine là-dessus — qu’elle ne repose pas sur une erreur profonde quant aux pouvoirs de l’homme et à
243 de toutes nos forces une Europe fédéralisée, nous ne demanderons pas un paradis sur terre. Nous demanderons simplement un
244 miracle, mais un monde où les luttes nécessaires n’ aboutissent pas mécaniquement et fatalement à des catastrophes cosmiqu
245 qu’il y aura du péché sur la terre. Non, l’heure n’ est pas au facile optimisme, dans une Europe tout obscurcie par la men
246 a nuit aussi ! » La paix que nous devons invoquer ne peut pas être une simple absence de guerre. Spirituellement, une vrai
247 ndité… Pendant que les autres font la guerre, ils n’ ont pas le temps de préparer un monde humain. Mais nous qui avons enco
248 de la personne, nous qui sommes encore épargnés, ne perdons pas notre délai de grâce : c’est à nous de gagner la vraie pa
4 1940, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). L’heure sévère (juin 1940)
249 est des pessimistes par tempérament. Leurs propos ne renseignent pas sur l’état des faits dans le monde, mais seulement su
250 ent conformément à la maxime du Taciturne : « Pas n’ est besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer.
251 ar le matérialisme modéré du dernier siècle. Nous ne savons plus prendre au sérieux « ce qui nous dépasse », tant par en h
252 ette inconscience j’en dirai la cause : celui qui ne croit pas en Dieu ne sait pas non plus croire au diable, et ne sait p
253 n dirai la cause : celui qui ne croit pas en Dieu ne sait pas non plus croire au diable, et ne sait pas le reconnaître. À
254 en Dieu ne sait pas non plus croire au diable, et ne sait pas le reconnaître. À l’origine de notre aveuglement, il y a inc
255 incrédulité. Si Dieu existait, pleurons-nous, il ne permettrait pas cela ! Nous oublions que « cela », c’est nous aussi,
256 progrès matériel ? Question stupide et irritante, n’ est-ce pas, aux yeux de qui refuse d’envisager la vie comme une totali
257 nt être employées contre l’homme ; que l’aviation n’ a nullement transformé les conditions de notre bonheur, mais bien cell
258 malheur. Mais l’optimisme du matérialiste modéré ne veut prévoir que le profit d’argent et l’augmentation du confort. Il
259 ien spirituel. À la première de ces questions, il n’ oserait pas répondre en toute franchise ; et à la seconde, il pressent
260 anchise ; et à la seconde, il pressent bien qu’on ne pourrait que répondre non. D’où sa myopie et son imprévision systémat
261 rend. Nous avons eu bien assez de prophètes. Nous n’ avons pas le droit de gémir que les avertissements nous ont manqué. Le
262 ssairement sur l’Occident, si celui-ci persiste à ne prendre au sérieux que les valeurs de bourse et la « prosperity ». Ki
263 ue les libertés sociales, si nul effort spirituel ne les oriente, aboutiront au despotisme de l’État. Et contre tout l’« é
264 i quelque chose aujourd’hui menace la liberté, ce n’ est pas comme jadis la superstition, […] c’est la préoccupation, la pa
265 tion, la passion du bien-être matériel. Sa pente, n’ en doutons pas, est du côté de la tyrannie. » Et qu’il suffise enfin d
266 ue l’injustice triomphe, non point parce que Dieu n’ existe pas, mais au contraire parce que Dieu existe, et qu’il est just
267 u confort, et l’idole du progrès — ce progrès qui ne sait rien que répéter comme une horloge parlante : « Tout s’arrangera
268 sur le capital ou caisse de compensation, — et je ne prends là que de petits exemples…4 Nous avons critiqué sans merci co
269 ’aune. Ces vérités élémentaires sont dures. Elles ne sont pas originales. Elles sont même grossières, et gênantes. Certain
270 cherchons des raisons d’espérer ! Mais nul espoir n’ est plus possible, sachons-le, si nous refusons maintenant encore d’en
271 yeux de tous. « Mea culpa » des pacifistes, qui n’ ont pas su imaginer le mal parce qu’ils croyaient au bien fait de main
272 main d’homme. « Mea culpa » des militaristes, qui n’ ont pas su imaginer un autre bien que la défense toute matérielle d’un
273 ’enfants en fuite sur les routes de France ? Nous n’ avons plus qu’un seul espoir — quelle que soit l’issue de la guerre :
274 ous laisserait la possibilité de rebâtir. Mais on n’ accorde un concordat qu’à celui qui se déclare en faillite. L’aveu sup
275 ux réalistes qui l’engendrèrent, aux libéraux qui ne peuvent en croire leurs yeux. Avis aux Suisses. Les Suisses ont quelq
276 onde, de dire la vérité que les peuples en guerre n’ ont plus le pouvoir de reconnaître, dans le fracas des chars, sous les
277 racas des chars, sous les bombardements, quand on ne sait même plus qui a été tué. Un peuple en guerre sauve son moral en
278 té ; et qu’il était logique, inévitable, et qu’il n’ y a plus qu’à en tirer les conclusions5. Mais nous ne sommes pas neutr
279 a plus qu’à en tirer les conclusions5. Mais nous ne sommes pas neutres pour rien, pour le confort. Nous ne sommes pas neu
280 mmes pas neutres pour rien, pour le confort. Nous ne sommes pas neutres comme on est rentier. Nous sommes neutres en vue d
281 tre nos goûts, nos sympathies et nos passions. Je ne sais pas ce que l’avenir vaudra, mais je sais que s’il vaut quelque c
282 s égoïsmes et celui des gouvernements : tout cela ne sera que ruines et détritus à déblayer, même si les grandes démocrati
283 : « Le ciel et la terre passeront, mais ma Parole ne passera point. » Voilà la base et le point fixe que nulle puissance h
284 base et le point fixe que nulle puissance humaine ne saurait ébranler, quand tout le reste, ciel et terre, idéaux et réali
285 transibit — c’est un petit nuage, il passera. Ce n’ était pas de l’optimisme. Athanase prévoyait qu’avec le « petit nuage 
286 alité démesurée des choses, nous sommes réduits à ne plus espérer qu’au nom de l’unique nécessaire : « L’amour parfait ban
287 teurs — se voit contraint par les circonstances à ne pas signer ces pages. »
5 1940, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). L’Église et la Suisse (août 1940)
288 nous la voyons en ce mois de juillet de 1940. Ce ne sera pas une conférence bien bâtie, je tiens à vous le dire tout de s
289 de confiance. Tout craque autour de nous, mais ce n’ est pas une raison de se lamenter ou de se décourager, bien au contrai
290 ropéenne, la Suisse est réduite à elle-même. Elle n’ a plus d’autre garantie humaine que son armée, plus d’autre allié que
291 rement à ce que beaucoup croient, cette situation n’ est pas nouvelle dans notre histoire. Elle fut celle de nos grandes vi
292 saurait que dans cette forteresse du Gothard, que n’ atteignent ni chars ni avions, dans cet Alcazar de l’Europe, quelques
293 , comme elles l’ont fait dans un pays voisin ? Je n’ oserais pas répondre ce matin. Ni oui ni non. Mais je voudrais que cet
294 ourrons élever notre espoir ? Encore une fois, je ne puis pas répondre. Dieu le sait, et l’événement seul fera la preuve d
295 lises suisses, c’est qu’elles ont cessé d’être ou n’ ont jamais été de véritables communautés. Voilà le fait qui me paraît
296 ont de soi entre les membres d’une famille. Et je ne parle même pas du « partage » spirituel, qui devait être le pain quot
297 e ces communautés souvent persécutées. Certes, il ne faudrait pas s’imaginer que les premiers chrétiens étaient toujours d
298 des saints, et que les familles qu’ils formaient ne connaissaient jamais de querelles de familles ! Les épîtres de Paul s
299 de Paul suffiraient à dissiper cette illusion. Il n’ en reste pas moins que ces premières Églises ont surmonté toutes les p
300 nent de déposer dans le « sachet », avec l’air de ne pas y toucher ? Sont-ils prêts à « partager » autre chose que des imp
301 es frères — et des frères dans l’Église ? Oh ! je ne demande pas que nos paroisses décrètent du jour au lendemain le parta
302 tement liés aux autres membres de l’Église qu’ils ne sont liés à leur parti, ou à leur classe, ou à leurs intérêts profess
303 r leur compte — plus qu’au nom de l’Église — cela ne fait pas encore une vraie communauté. Des actes isolés, si beaux soie
304 auté. Des actes isolés, si beaux soient-ils, cela ne fait pas un esprit de corps, — et l’expression « esprit de corps » de
305 t notre faiblesse une fois reconnue et confessée, ne perdons pas de temps à nous lamenter ou à critiquer vainement. Metton
306 guette, et qui, lui, sait si bien s’organiser. Je ne puis pas vous énumérer toutes les conditions nécessaires pour que nos
307 e ces trois points est avant tout théologique. Je n’ insisterai donc pas : vous avez entendu et entendrez encore des orateu
308 n pas la société des braves gens. Par exemple, on ne doit plus discuter de son administration et de ses rapports avec l’Ét
309 es donateurs attachés à leurs souvenirs. L’Église n’ est pas à nous, n’est pas notre œuvre, et ses affaires ne sont pas nos
310 hés à leurs souvenirs. L’Église n’est pas à nous, n’ est pas notre œuvre, et ses affaires ne sont pas nos affaires d’abord,
311 as à nous, n’est pas notre œuvre, et ses affaires ne sont pas nos affaires d’abord, mais les affaires du Royaume de Dieu.
312 t suisse. Il est bien vrai que notre État fédéral ne saurait se fonder concrètement que sur des bases chrétiennes de tolér
313 ici ce que je disais cet hiver à Tavannes : Nous ne devons pas être chrétiens parce que nous sommes Suisses, mais nous de
314 z d’abord avoir une religion pour vous et si vous n’ en voulez pas pour vous, mais seulement pour tout le monde, faites-nou
315 ement pour tout le monde, faites-nous la grâce de n’ en point vouloir ». Car « la société qui veut m’ôter ma religion, m’ef
316 é souveraine 9. Alors, si l’État change, l’Église ne changera pas. Et si l’État devient païen, l’Église pourra rester le l
317 -à-vis de l’Église depuis plus d’un siècle : elle ne s’y sent pas tout à fait chez elle ; elle n’y reconnaît pas son langa
318 elle ne s’y sent pas tout à fait chez elle ; elle n’ y reconnaît pas son langage. Il y a là certainement quelque chose d’an
319 là certainement quelque chose d’anormal. L’Église n’ aurait jamais dû prendre le ton et l’accent d’un milieu social plutôt
320 fâcheuse de démodé, d’inactuel, d’irréaliste. Il n’ y a vraiment aucune raison valable pour que notre prédication chrétien
321 ectes. Vous me direz peut-être que cette question ne concerne que nos pasteurs. Je n’en suis pas sûr. C’est une question d
322 e cette question ne concerne que nos pasteurs. Je n’ en suis pas sûr. C’est une question d’atmosphère spirituelle, de dispo
323 s. C’est aussi notre affaire à nous laïques. Nous n’ aimons pas à être dérangés dans nos petites habitudes du dimanche mati
324 l arrive que nous soyons choqués quand un pasteur ne garde pas le ton convenu, le ton convenable. Nous oublions trop facil
325 ublions trop facilement que la Parole de l’Église n’ est pas réservée seulement à nos « milieux ecclésiastiques », mais à t
326 eillante. L’étranger qui entrera dans nos temples ne se sentira plus perdu chez les braves gens, mais accueilli dans une m
327 ns vos sermons, soyez plus simplement bibliques ! Ne vous fatiguez pas à faire une conférence, avec des idées personnelles
328 érence, avec des idées personnelles. Notre époque ne demande pas des idées, des images plus ou moins originales. Elle dema
329 seules à la hauteur de la situation présente. Ce ne sont jamais nos idées personnelles, nos commentaires et notre éloquen
330 « Laissons parler la Bible seule, car nous, nous ne sommes pas convaincants. » Parole profonde, parole qui devrait libére
331 que leur pasteur soit « simplement biblique », et ne jugent pas cela « trop simple ». Jamais, au grand jamais, un pasteur
332 rop simple ». Jamais, au grand jamais, un pasteur ne sera trop simple ! Jamais il ne pourra se rapprocher assez de la simp
333 amais, un pasteur ne sera trop simple ! Jamais il ne pourra se rapprocher assez de la simplicité des paroles de la Bible.
334 de la simplicité des paroles de la Bible. « Nous ne sommes pas convaincants », disait le pasteur que je viens de citer. N
335  », disait le pasteur que je viens de citer. Nous ne sommes pas convaincants, ajouterai-je, quand nous cherchons à faire a
336 es conférences intéressantes ou pathétiques. Nous ne sommes pas convaincants quand nous cherchons à discuter, à prévenir d
337 venir des objections que la plupart des auditeurs n’ auraient pas eu l’idée de faire. Comme laïque, je ne demande pas qu’on
338 auraient pas eu l’idée de faire. Comme laïque, je ne demande pas qu’on me persuade de croire, mais simplement qu’on nourri
339 au sérieux mes doutes éventuels. Notre génération n’ est pas si tourmentée de doutes. Elle n’a guère la manie de discuter.
340 énération n’est pas si tourmentée de doutes. Elle n’ a guère la manie de discuter. Elle attend des directions positives. El
341 r la conviction seule est convaincante. Tout ceci ne veut pas dire d’ailleurs que notre Église n’ait pas le droit d’aborde
342 ceci ne veut pas dire d’ailleurs que notre Église n’ ait pas le droit d’aborder l’actualité sociale ou politique. Pour être
343 ligner l’actualité de son enseignement ? Pourquoi ne parlerait-elle pas de politique, si elle le fait sur la seule base de
344 i elle le fait sur la seule base de la Bible ? On ne lui demande pas une théorie originale, surtout pas ! On lui demande s
345 , à condition, je le répète et j’y insiste, qu’il ne s’agisse jamais des idées personnelles du pasteur ou de quelque écriv
346 devienne une vraie communauté, c’est que l’Église ne parle pas le langage d’un seul groupe social, ou d’une seule classe ;
347 d’une discipline et de formes de culte fixes. Je ne soulèverai pas ici le problème de l’épiscopat, encore que je sois per
348 se posera pour nous aussi un jour ou l’autre. Je ne parlerai pas non plus du rôle des laïques dans la paroisse, qui pourr
349 . C’est un laïque qui parle ici, je le répète. Ce n’ est pas un docteur de l’Église ! Les théologiens élèveront peut-être d
350 entends ici par liturgie : la partie du culte qui n’ est pas le sermon, les lectures, prières et chants réglés et réguliers
351 cultes, à quelques rares exceptions près10. Et ce n’ est pas seulement le défaut de liturgie qui me choque, mais le manque
352 ques » ces manifestations — peut-être parce qu’on ne saurait pas comment les définir autrement… ce seul fait démontre à l’
353 sés selon les goûts et les idées du pasteur ; ils ne se déroulent pas d’après un plan traditionnel et chargé de sens dogma
354 elle. Il y a là une grande loi sociologique qu’on ne peut pas négliger sans risques graves. Tous les fondateurs de régimes
355 éritables liturgies païennes. Ces abus manifestes ne doivent pas nous faire négliger le bon usage, l’usage chrétien d’une
356 onnaire. Je m’explique. Imaginez une personne qui n’ a jamais mis les pieds dans un de nos temples, qui ne sait rien du pro
357 jamais mis les pieds dans un de nos temples, qui ne sait rien du protestantisme, ou qui est incroyante. Vous réussissez à
358 aintien un peu compassé de l’auditoire. Mais cela n’ est rien encore : si elle est de bonne volonté et avide de vérité, ell
359 lle est de bonne volonté et avide de vérité, elle ne se laissera pas arrêter par ces détails. Ce qui est plus grave, c’est
360 Ce qui est plus grave, c’est que le sermon, s’il n’ est pas exceptionnellement bon, risque bien de la laisser sur sa faim.
361 de la laisser sur sa faim. En sortant de là, elle ne saura pas exactement ce que nous croyons, elle pourra s’imaginer les
362 iés, habitués à un certain langage, dont personne ne lui aura donné la clef. Il en ira tout autrement, si le culte débute
363 e quoi il s’agit. J’avoue que pour ma part, et je ne pense pas être le seul de mon espèce, j’éprouve le besoin d’entendre
364 connus ou inconnus. Après cela, même si le sermon n’ est pas des meilleurs, j’ai tout de même le sentiment d’avoir approuvé
365 nous, les Suisses. Le peuple suisse, en général, n’ a pas un sens des formes très raffiné. Je vous dirai même une chose as
366 il me faut bien nommer le sans-gêne spirituel. Je ne sais pas si cela provient du fait qu’on parle un peu trop facilement
367 glises pas mal de traces d’un piétisme affadi. Je n’ oserais pas suggérer que nous tenons à rester démocrates et sans façon
368 ns assis, bourgeoisement et convenablement assis… Ne pensez pas, surtout, que ces questions d’attitude soient futiles, ou
369 tions d’attitude soient futiles, ou trahissent je ne sais quelle déviation catholique. Toutes les Églises ont toujours att
370 tion personnelle, physique même, au culte public, n’ est pas sans portée spirituelle. Se lever, prier ensemble à haute voix
371 siècles. 8. Parmi ces autres conditions dont je ne puis traiter ici : restauration théologique (elle est en plein essor)
372 parle beaucoup) ; doctrine des sacrements… 9. Je n’ entends pas prendre position ici sur des problèmes tels que les presta
6 1941, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Autocritique de la Suisse (février 1941)
373 (février 1941)i j Nul pays à ma connaissance, n’ a été plus souvent expliqué à lui-même et au monde que la Suisse. C’es
374 us que nul autre. Sa devise est un paradoxe qu’il n’ a pas toujours bien compris. Elle exclut en principe toute doctrine un
375 a nécessité d’une vigilante autocritique, si l’on ne veut pas déchoir ou se laisser dissoudre, si l’on veut durer et surto
376 haque région et ses devoirs envers l’ensemble, il n’ est pas absurde de nommer « fédéraliste » un parti qui n’a d’autre pro
377 as absurde de nommer « fédéraliste » un parti qui n’ a d’autre programme que la défense des intérêts locaux contre le centr
378 . Ceux qui se disent, chez nous, « fédéralistes » ne sont souvent, je le crains, que des nationalistes cantonaux. Ceux qui
7 1950, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Europe unie et neutralité suisse (novembre-décembre 1950)
379 t tout spécial, que nos autorités et nos journaux ne se lassent pas d’invoquer — comme si cela allait de soi — chaque fois
380 notre neutralité. Le fait est que les Américains ne la comprennent absolument pas, et que les Russes n’y croient pas plus
381 la comprennent absolument pas, et que les Russes n’ y croient pas plus qu’ils ne croient à nos libertés, et vraiment, ce n
382 as, et que les Russes n’y croient pas plus qu’ils ne croient à nos libertés, et vraiment, ce n’est pas beaucoup dire. Il s
383 qu’ils ne croient à nos libertés, et vraiment, ce n’ est pas beaucoup dire. Il serait donc temps qu’en Suisse au moins, l’o
384 les raisons véritables de ce statut spécial, qui ne résulte pas d’une loi éternelle de la nature, ni d’un commandement de
385 oïse, ni d’un droit divin des Helvètes, bref, qui n’ est pas tombé du ciel et qui ne va pas du tout de soi. Je suis bien ob
386 elvètes, bref, qui n’est pas tombé du ciel et qui ne va pas du tout de soi. Je suis bien obligé de l’avouer publiquement :
387 discuter, parce qu’on craint que cette discussion n’ aboutisse à des conclusions gênantes et n’oblige à des prises de posit
388 cussion n’aboutisse à des conclusions gênantes et n’ oblige à des prises de position. On n’aime pas cela… Ce qu’on veut, c’
389 gênantes et n’oblige à des prises de position. On n’ aime pas cela… Ce qu’on veut, c’est la paix chez soi et tant pis pour
390 plus discutables. Et si vraiment notre neutralité n’ était rien d’autre que ce que le Suisse moyen semble croire aujourd’hu
391 que le Suisse moyen semble croire aujourd’hui, il ne faudrait pas s’étonner qu’elle impatiente de plus en plus le reste du
392 ire de notre neutralité, car je soupçonne qu’elle n’ est pas bien connue de la plupart de nos contemporains. Aux origines l
393 la guerre de Trente Ans a montré que les cantons ne peuvent rester unis que s’ils s’abstiennent de prendre part aux guerr
394 mêmes divisés entre les deux confessions. Mais ce n’ est qu’en 1815 que la neutralité de la Suisse se voit proclamée, sanct
395 mpu au profit des puissances fascistes, la Suisse ne dut son salut qu’à une chance extraordinaire, aidée par une armée sol
396 t est changé. Les conflits qui menacent d’éclater n’ opposeront plus les catholiques aux protestants, comme pendant la guer
397 ens à d’autres Européens comme de 1939 à 1945. Il n’ est donc plus question pour la Suisse d’essayer de maintenir sa place
398 réservée dans le jeu des puissances voisines. Il n’ y a plus d’équilibre européen. Il y a l’Europe entière qui essaie de s
399 ent-cinquante ans, ou même qu’il y a dix ans ? Je ne le pense pas. Ce que les auteurs des traités de 1815 entendaient par
400 rde entre nos pays et leurs régimes, concorde qui ne semblait pouvoir être assurée que par l’équilibre entre les grandes p
401 ’idée d’une guerre prochaine entre pays européens n’ empêche personne de dormir. Mais tout le monde pense à deux dangers co
402 t social, parmi nous. Pour y faire face, personne n’ a proposé une meilleure solution que l’union. « Les vrais intérêts de
403 paiements. Mais c’était en réalité parce que nous ne pouvions plus faire autrement. Ce n’était pas pour hâter l’union, mai
404 rce que nous ne pouvions plus faire autrement. Ce n’ était pas pour hâter l’union, mais par intérêt bien compris. Il serait
405 e réarme à grands cris. Mais attention : les cris ne sont pas des armes ! La vérité, c’est que la Suisse neutre est le seu
406 avons, je le crains, plus qu’eux tous réunis. Il n’ y a qu’un seul coin de l’Europe qui soit sérieusement défendu, et le f
407 Vous le voyez, la réponse que j’essaie de trouver n’ est pas simple. Si l’effort militaire considérable que nous impose not
408 contribution réelle à la défense du continent, on ne saurait vraiment en dire autant de notre attitude méfiante et presque
409 Êtes-vous pour l’abandon de notre neutralité ? je ne puis donc répondre oui ou non. Le problème ne peut pas être posé, enc
410 je ne puis donc répondre oui ou non. Le problème ne peut pas être posé, encore moins résolu, dans l’abstrait. Ce qu’il fa
411 à sa neutralité. Je réponds pour ma part que cela ne pourrait être qu’au profit de l’Europe entière, c’est-à-dire au profi
412 s très précises nous soient posées. Cela viendra, n’ en doutez pas ! Demain, soit les États-Unis, soit le Conseil de l’Euro
413 aut que notre opinion soit prête à y répondre. Il ne faut pas que notre gouvernement se trouve placé devant des options gr
414 ions graves qu’il lui sera difficile de trancher, ne sachant pas ce que pense le peuple suisse. Il ne faut pas que l’histo
415 ne sachant pas ce que pense le peuple suisse. Il ne faut pas que l’histoire nous surprenne, endormis dans la fausse sécur
416 nt un prétexte à freiner l’union de l’Europe et à ne pas y prendre notre part, elle est contraire à l’esprit même de son s
417 pe entière », et non pas comme un privilège qu’il n’ y aurait plus à mériter. Elle est relative à l’Europe. Et ceux qui, pa
418 revenir sur ce point capital, que personne encore n’ a touché, tout au moins à ma connaissance. k. Rougemont Denis de,
419 e conception trop restrictive de cette neutralité n’ empêche-t-elle pas notre pays d’assumer actuellement la tâche de conci
8 1951, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Réplique à M. Lasserre (mars-avril 1951)
420 tiquement permise. M. Lasserre veut croire que je n’ ai considéré que l’intérêt européen : c’est sa « grave erreur liminair
421 de ma chronique intitulée « Demain l’Europe ». Je n’ ai nullement nié ou méconnu l’intérêt propre de la Suisse. Il serait t
422 un jour décidait de renoncer à sa neutralité, ce ne pourrait être qu’au profit de l’Europe entière et de son union fédéra
423 uis dix ans. Demander qu’on discute un budget, ce n’ est pas demander sa suppression. (On m’a fort mal compris, mais je ne
424 sa suppression. (On m’a fort mal compris, mais je ne m’en étonne guère : on comprend toujours mal ceux qui touchent un tab
425 ’autre de fait. Tout d’abord, il est clair que je n’ ai pas pu « confondre systématiquement » le Conseil de l’Europe avec l
426 rope avec la fédération du continent : le premier n’ étant, comme chacun sait, qu’un effort encore hésitant vers la seconde
427 l’irritent. Et puis après ? Tenter de me réfuter ne supprime pas le problème du rôle actuel et futur de la Suisse dans la
9 1968, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Pour une morale de la vocation (1968)
428 ! Ce serait peu de dire qu’elle est en crise : on ne sait même plus très bien ce qu’elle est, ni où elle est, ce qu’elle p
429 science occidentale deviennent universelles, pour ne pas dire totalitaires, et marquent des succès sans cesse croissants.
430 ère fois dans l’Histoire de nos civilisations, ce n’ est pas l’anarchie croissante des mœurs que nos vieux sages auront à d
431 privation pénible comme de cesser de fumer, cela ne pose pas de problème, on le fait sans barguigner, sans avoir à résoud
432 à résoudre de conflits intérieurs dramatiques, on ne parle pas de « sacrifices » plus ou moins « joyeusement consentis »,
433 aller ainsi demain, les Églises et leurs clergés n’ auraient en somme plus rien à dire aux hommes, aux femmes et aux enfan
434 voyant chargés à la satisfaction des masses (pour ne pas dire : au soulagement général). Oserai-je vous avouer que si je t
435 ces craintes pour justifiées quant aux faits, je ne les partage nullement quant à l’appréciation de ces faits. La prise e
436 er à un magistère tombé en désuétude, les Églises ne feraient-elles pas mieux d’admettre que la compétence des savants et
437 es (certains dogmatismes freudiens, par exemple), ne sont en rien comparables par leur nocivité aux théories imbéciles et
438 ent de Dieu et conduit à Lui, ce qu’aucune morale ne pourra jamais faire, même si on la baptise « chrétienne » en toute na
439 oisirs » (dans les rapports avec l’économie) : on ne voit pas très bien, dans ces conditions, où, quand et en quoi une « m
440 tion, non susceptible d’un traitement logique, et ne pouvant aboutir qu’à une série infinie de zéros à la sortie des circu
441 — désormais la situation est inversée : l’Église n’ est plus là pour prescrire aux hommes leur mode de vie, d’autres s’en
442 en accomplissant judicieusement la Loi prescrite, ne pourra s’empêcher de se poser la Question, celle qui est réputée null
443 ine. Cet acte d’hérésie objective, de résistance, ne se manifestera pas nécessairement sous une forme agressive et violent
444 ion dernière, d’un non-contentement essentiel. Ce ne sera pas une attitude de révolté à gilet rouge, mais le droit qu’on d
445 it de demander que ma vie ait un sens, même si je ne trouve ou ne reçois jamais de réponse certaine, cette demande, cette
446 r que ma vie ait un sens, même si je ne trouve ou ne reçois jamais de réponse certaine, cette demande, cette recherche en
447 je crée à chaque pas à tâtons dans le noir et qui ne s’éclaire que sous mes pas. C’est ainsi que je comprends le verset du
448 i est aussi un pronostic : l’Église peut-être (je n’ en suis pas sûr), mais en tout cas les hommes qui « croient », au sens
449 x-cents pages intitulé La Morale du But , que je n’ ai pas encore publié, fort heureusement. En effet, depuis vingt ans, j
450 fort heureusement. En effet, depuis vingt ans, je n’ ai cessé d’accumuler des notes (en vue d’ajouts indispensables), des o
451 vais vous lire ces deux pages inédites, et que je ne compte pas modifier dans la version finale du livre. Elles sont intit
452 sénés qu’il me semblait, d’un exercice à l’autre, n’ avoir fait de progrès que dans la découverte d’une maladresse naguère
453 r, sans plus tenir compte des préceptes reçus. Je ne tardai pas à marquer quelques points, sauvant l’honneur sinon l’espoi
454 la méthode tient en trois mots : pensez au noir. Ne pensez pas à votre main, ni à ce que fait l’index qui a pris le cran
455 ant vous allez essayer. Vous avez le noir ?… Vous ne voyez plus que le noir ?… » Je n’entendais plus rien. Le disque noir
456 le noir ?… Vous ne voyez plus que le noir ?… » Je n’ entendais plus rien. Le disque noir dansait, puis s’arrêtait, dansait
457 e ce jeune officier — « pensez au noir » —, elles ne devaient m’apparaître qu’après bien des années, à l’épreuve de bien d
458 sée, la juste relation des moyens et des fins. Je n’ en tirai d’abord que des formules abstraites, mais dont je pressentais
459 l’obéissance aux préceptes légaux et coutumiers, ne suffisent pas pour atteindre le but, et peuvent être nuisibles dans l
460 ce proverbe pour couvrir des tricheries évidentes ne lui enlève pas son intrinsèque vérité.) (Plus tard, j’ai découvert q
461 es religieuses ou profanes sous prétexte qu’elles ne sont que de « simples conventions », se trompent doublement : car pre
462 s physico-chimique du terme ; et deuxièmement, il n’ y a rien de plus important que les conventions dans une culture, une c
463 mes et prescriptions morales sont des conventions ne signifie donc pas qu’elles soient méprisables ou vaines, bien au cont
464 rmes et prescriptions morales aux règles d’un jeu ne signifie nullement qu’il faille les prendre à la légère, ni qu’on mon
465 u, il faut souligner aussitôt que ces conventions ne sauraient être arbitraires. (Beaucoup de gens s’imaginent que les deu
466  » sont à peu près synonymes.) Par exemple, elles ne doivent être ni contradictoires, ni manifestement impraticables, ni é
467 christianisme, étant la seule grande religion qui n’ ait pas institué de morale codifiée, devait fournir un terrain de choi
468 nir un terrain de choix pour cette confusion : il ne disposait que de la loi mosaïque et de son sommaire, le commandement
469 t l’inspiration morale au degré suprême ; mais ce n’ est pas un code, une loi, un recueil de règles, et c’est même ce qui d
470 er la possession) esclaves, femmes et bétail : on ne pouvait en tirer honnêtement ni une morale sociale et civique, ni une
471 nfessions répétant devant les fidèles réunis « Tu ne tueras point », tantôt le même clergé bénissant des canons et priant
472 le équipe nationale de tueurs sur telle autre. Je ne rappelle pas ces choses par masochisme ou par une sorte de démagogie,
473 contraire les infractions commises par un joueur n’ entraînent pas de jugement sur sa valeur en tant que personne. Il est
474 fié, mais si l’on suit les règles normalement, on n’ est pas pour autant bon ou mauvais : simplement on joue bien ou mal. P
475 objectivité, coups bas, etc.). La notion de péché n’ apparaît qu’à partir du moment où se trouve posée la question de nos f
476 le découvre ou si je l’invente en le suivant ? Il n’ est créé que par l’appel, et n’existe que si je m’y engage, répondant
477 en le suivant ? Il n’est créé que par l’appel, et n’ existe que si je m’y engage, répondant à l’appel sans penser à rien d’
478 épondant à l’appel sans penser à rien d’autre. Il n’ est pas jalonné, comme les grandes voies publiques, de signes bien lis
479 des voies publiques, de signes bien lisibles pour n’ importe qui, puisque personne encore n’a pu le suivre, puisqu’il n’exi
480 ibles pour n’importe qui, puisque personne encore n’ a pu le suivre, puisqu’il n’existe qu’à partir de moi, et pour moi seu
481 isque personne encore n’a pu le suivre, puisqu’il n’ existe qu’à partir de moi, et pour moi seul ! Cette unicité et singula
482 je dois aller, qui est absolument ailleurs. Elles ne sont pas faites pour cela. Seul pourrait me relier à mon but le senti
483 des voies publiques, bien que réglées par la Loi, ne me servent de rien pour « faire mon salut » comme disait la piété cla
484 est institué pour moi seul. Et dans tout cela je n’ ai d’autre soutien que ma croyance par éclairs, ma « foi » dans l’exis
485 airs, ma « foi » dans l’existence de ce But qu’on ne peut voir et que personne n’a jamais vu. N’ayant d’autres moyens de r
486 ence de ce But qu’on ne peut voir et que personne n’ a jamais vu. N’ayant d’autres moyens de répondre à son appel, de le re
487 qu’on ne peut voir et que personne n’a jamais vu. N’ ayant d’autres moyens de répondre à son appel, de le rejoindre, que ce
488 … Dans ces moments, le But a dicté ses moyens. Il ne les a pas seulement justifiés, il les a faits et me les a donnés. Je
489 . Je disais tout à l’heure que la notion de péché n’ a pas sa place dans le monde des règles du jeu, mais prend son sens da
490  : « ce qui tombe à côté ». Voilà qui correspond, n’ est-ce pas, d’une manière assez frappante, à mes images initiales du t
491 ges initiales du tireur au fusil ou à l’arc. ⁂ Je ne voudrais pas terminer cet exposé… téméraire, beaucoup trop simplifié,
492 que l’appel que vous croyez venu du Transcendant n’ est pas tout simplement l’expression symbolique d’une pulsion de l’inc
493 ’une pulsion de l’inconscient ? — Eh bien non, je n’ en suis jamais sûr ! La foi sans le doute n’est pas la foi, ont répété
494 n, je n’en suis jamais sûr ! La foi sans le doute n’ est pas la foi, ont répété bien avant moi Luther et Kierkegaard. Un th
495 était de régler la conduite morale de nos peuples n’ ont pas réussi à empêcher ni même à retarder sérieusement un seul des
496 ivisent. Un autre théologien me reprochera (et je ne suis pas du tout sûr qu’il ait tort) d’ouvrir les portes toutes grand
497 ausses vocations… Mais les risques subsistent, je ne les minimise pas : ce sont les risques de la Foi et de la confiance d
498 ifique », et qui évacue de la réalité tout ce qui ne peut être enregistré par la mémoire d’une machine électronique, que c
499 spiritualiste. Toute vie spirituelle authentique ne s’est-elle pas toujours jouée entre les deux extrêmes du désert et du
500 n troisième théologien, prenant acte de ce que je ne crois pas du tout à une morale révélée, ni directement ni au travers
501 endre le message ou l’appel qui nous en vient. Ce n’ est pas appliquer une règle connue, la même pour tous, en tous les tem
502 emps, et révélée une fois pour toutes. L’Évangile ne dit pas : « Voici le code, obéissez. » Il dit : « Cherchez, et osez c
503 , paraphrasant Teilhard de Chardin : chaque homme n’ est pas appelé à faire de grandes choses, c’est vrai, mais, par sa sol
504 ute vocation est d’abord indicible, parce qu’elle n’ a pas et ne peut avoir de précédent, parce qu’il n’y a pas deux hommes
505 n est d’abord indicible, parce qu’elle n’a pas et ne peut avoir de précédent, parce qu’il n’y a pas deux hommes pareils, d
506 ’a pas et ne peut avoir de précédent, parce qu’il n’ y a pas deux hommes pareils, donc pas deux chemins pareils allant d’un
507 nantes qu’on pourra me faire seront celles que je n’ ai pas prévues… Je les attends de votre part et vous en dis d’avance m
508 ations, régimes sociaux ou psychosomatiques qu’on ne remettra en question que pour trouver des certitudes du même ordre, t