1
— non sur des champs de bataille hypothétiques —
que
nous devons organiser nos résistances. ⁂ Le totalitarisme a triomphé
2
ant : 35 % des électeurs. Les fascistes n’étaient
qu’
une très petite minorité. Comment s’imposèrent-ils ? Par la terreur. I
3
Comment ces crimes ont-ils pu se produire ? C’est
que
la police protégeait les fascistes contre les moindres réactions du p
4
ts. C’est donc à une complicité quasi universelle
que
le fascisme a dû de s’emparer de l’État. Un peu de civisme l’eût arrê
5
u de civisme l’eût arrêté. Sa force n’a été faite
que
de lâchetés accumulées, et de calculs dits « réalistes » d’une bourge
6
’en repent peut-être aujourd’hui…2 Ne croyez pas
que
ce soit là une vue partiale et partisane de l’histoire : c’est la ver
7
pisode est symbolique, comme le prouve le rapport
que
fit à son sujet le chef fasciste de l’expédition. Il écrit en effet à
8
ntrale du Parti : « L’expédition de Sarzana n’est
qu’
un épisode normal : il devait survenir dès que le fascisme aurait trou
9
à tenir bon » selon l’expression de l’Italien. Or
qu’
est-ce qu’un homme décidé à tenir bon ? C’est un homme qui a conscienc
10
n » selon l’expression de l’Italien. Or qu’est-ce
qu’
un homme décidé à tenir bon ? C’est un homme qui a conscience de ses r
11
e de loi historique : le totalitarisme n’est fort
que
dans la mesure où le civisme est faible ; il est fort des lâchetés in
12
in, s’il triomphe chez nous, sa puissance ne sera
que
la somme exacte de nos lâchetés particulières. L’exemple de Sarzana n
13
Or une telle bonne conscience ne saurait exister
que
là où existe l’autorité morale. Les fascistes ont été arrêtés à Sarza
14
ystique, tandis que les autres n’en avaient plus,
que
les fascistes n’ont pas rencontré de résistance sérieuse. De ces deux
15
r l’esprit de résistance civique. Et cela suppose
que
nous reprenions conscience de nos raisons de vivre dans la communauté
16
isons de vivre dans la communauté, et des devoirs
qu’
impliquent nos libertés actuelles. Je le répète : la puissance du tota
17
te : la puissance du totalitarisme ne sera jamais
que
la somme exacte de nos lâchetés individuelles, c’est-à-dire de nos ég
18
s chez nous, répondons d’une manière plus humaine
que
les totalitaires, plus vraie aussi, et plus réellement totale. Mais c
19
nous l’avons vu, et seule une religion plus vraie
que
leurs mystiques saura nous indiquer les vraies fins de la lutte. Cons
20
: c’est ma patrie, et d’autre part, il se trouve
que
sa tradition politique est la plus proche du personnalisme. C’est don
21
u personnalisme. C’est donc à propos de la Suisse
que
je pourrai le mieux faire saisir la portée immédiate de ce que j’ente
22
i le mieux faire saisir la portée immédiate de ce
que
j’entends quand je parle de conscience civique. Lorsque l’Allemagne t
23
st la plus naturelle parce qu’elle n’est en somme
qu’
un réflexe. Elle ne suppose aucun effort de l’esprit, aucune espèce d’
24
es armements. J’y vois le piège le plus dangereux
que
nous tendent les totalitaires. Plaçons-nous tout d’abord dans l’hypot
25
aires. Plaçons-nous tout d’abord dans l’hypothèse
que
seule la force matérielle peut résister à une menace totalitaire. La
26
a conséquence qui en découle immédiatement, c’est
qu’
il faut nous armer jusqu’aux dents. Mais sommes-nous sûrs que le réarm
27
nous armer jusqu’aux dents. Mais sommes-nous sûrs
que
le réarmement massif profite aux nations pacifiques ? Sommes-nous mêm
28
te aux nations pacifiques ? Sommes-nous même sûrs
qu’
il soit un avantage certain pour les nations qui glorifient la guerre
29
ue d’ailleurs, d’occuper leurs chômeurs autrement
qu’
en leur faisant fabriquer des obus. Beaucoup de personnes prétendent q
30
riquer des obus. Beaucoup de personnes prétendent
que
le désarmement créerait un chômage effrayant. Raisonnement bien curie
31
dicale, personne n’a jamais eu l’idée de proposer
qu’
on donne la peste à toute la nation. Or c’est à peu près cela qu’on no
32
peste à toute la nation. Or c’est à peu près cela
qu’
on nous propose : faire vivre le peuple avec ce qui doit le faire mour
33
rès au niveau du voisin, à perdre la mesure de ce
qu’
il peut dépenser sans s’affaiblir. Les armements deviennent trop lourd
34
op lourds pour lui : ils le gêneront bientôt plus
qu’
ils ne le protégeront. Un officier français résumait l’autre jour ce p
35
rosse, mais frappante : « Un 75 est plus puissant
qu’
un revolver, disait-il, c’est entendu. Mais donnez-moi un revolver, vo
36
pour un petit pays comme le nôtre. Mais supposez
que
cette question soit résolue au mieux de nos possibilités de vie norma
37
ira maintenant d’utiliser les armes. Nul n’ignore
que
la guerre moderne est devenue la guerre totale. C’est dire qu’il n’y
38
moderne est devenue la guerre totale. C’est dire
qu’
il n’y a plus de distinction entre civils et militaires, selon la doct
39
ine militaire implique la discipline politique ».
Qu’
est-ce que cela signifie pratiquement ? Cela signifie que pour faire b
40
ire implique la discipline politique ». Qu’est-ce
que
cela signifie pratiquement ? Cela signifie que pour faire bloc contre
41
ce que cela signifie pratiquement ? Cela signifie
que
pour faire bloc contre le fascisme, sur le plan où il veut nous mettr
42
en puissances totalitaires. Avec cette différence
que
n’ayant pas vécu la révolution religieuse que représente le fascisme,
43
nce que n’ayant pas vécu la révolution religieuse
que
représente le fascisme, elles auront moins de dynamisme. Ainsi, sous
44
ont leurs raisons de vivre. Voici donc le dilemme
que
nous pose ce mimétisme totalitaire : ou bien la démocratie ne réussit
45
, sous prétexte de défense nationale. Or je crois
que
l’erreur qui aboutit à ce dilemme est la plus grave que nous puission
46
erreur qui aboutit à ce dilemme est la plus grave
que
nous puissions commettre en tant que Suisses, car elle menace l’exist
47
nification totalitaire d’un pays. Ou sinon, c’est
qu’
elle est très mal préparée. Or ce processus est radicalement contraire
48
t à faire du nationalisme. Et il est aisé de voir
que
le nationalisme, en Suisse, signifierait bientôt le partage de notre
49
iche ! Si ce pays a succombé, ce n’est point tant
qu’
il ait cédé à la menace militaire, d’ailleurs réelle ; c’est surtout,
50
t plus à sa valeur spirituelle, ou ne prouve plus
qu’
il y croit, puisqu’il se met à copier le voisin, un tel État ne peut p
51
d’autrui. Nous ne pouvons compter sur cette aide
que
dans la mesure où nous sommes pour l’Europe quelque chose dont elle a
52
us laissera tranquilles, parce qu’on saura là-bas
que
nous ne sommes pas assimilables. Voilà la résistance civique et toute
53
tre l’armée ? Je serais contre elle si je croyais
que
dès maintenant nous sommes assez forts moralement devant l’Europe, po
54
Ce n’est pas le cas. Mais il n’en reste pas moins
que
notre tâche est de tout mettre en œuvre pour échapper au cercle de la
55
échapper au cercle de la guerre totale. Je crois
que
le seul moyen sérieux de résister à l’emprise totalitaire sur le plan
56
militaires, donc non totalitaires. Je ne dis pas
que
je les ai trouvées. Je dis que le salut serait de les trouver. La for
57
res. Je ne dis pas que je les ai trouvées. Je dis
que
le salut serait de les trouver. La force des totalitaires c’est d’ent
58
rtiers de roche. Je ne veux pas dire, évidemment,
que
nous devions nous défendre aujourd’hui encore avec des quartiers de r
59
encore avec des quartiers de roche ; je veux dire
que
la force du faible, c’est de refuser le jeu du fort, et de le déconce
60
e à l’assaillant. Elle lui fait perdre le soutien
que
lui donnerait l’opposition violente à laquelle il s’attend. Il se tro
61
me cet accord fondamental et prouve par ses actes
qu’
il abandonne la méthode de lutte ancestrale, il n’est pas étonnant que
62
éthode de lutte ancestrale, il n’est pas étonnant
que
l’autre soit déconcerté, parce que ses instincts animaux ne lui dicte
63
olence en soi, mais bien de cette forme mécanique
qu’
elle revêt dans la guerre moderne. Aussi bien, la page que je viens de
64
revêt dans la guerre moderne. Aussi bien, la page
que
je viens de citer ne propose-t-elle pas la non-résistance, mais au co
65
nouvelle. C’est à cette sorte de jiu-jitsu moral
que
nous devrions nous exercer. Si l’on y déployait le quart de l’énergie
66
le quart de l’énergie et de l’esprit de sacrifice
qu’
on met ordinairement dans le métier des armes, il est certain qu’on ob
67
airement dans le métier des armes, il est certain
qu’
on obtiendrait des résultats considérables. Il faut chercher. Et je ne
68
que des apôtres. Et pour qu’on n’aille pas penser
que
je préconise je ne sais quelle veule démission ou quel défaitisme uto
69
notre orgueil. Reconnaissons, Églises et fidèles,
que
si la pseudo-religion totalitaire triomphe aujourd’hui en Europe, c’e
70
totalitaire triomphe aujourd’hui en Europe, c’est
que
nous avons laissé les peuples sans commune mesure spirituelle. Nous a
71
païens russes et les païens racistes ont fait ce
que
nous refusions de faire. Ils l’ont fait mal, et contre nous. Ils repr
72
a méchanceté supposée d’un Hitler ou d’un Staline
que
nous devons attribuer tout le mal, mais aussi bien à la carence des c
73
er cette idole, et les raisons profondes du culte
qu’
on lui rend. Or je distingue dans ces raisons plus d’angoisse que de m
74
Or je distingue dans ces raisons plus d’angoisse
que
de méchanceté. J’ai reçu cet hiver, d’un jeune nazi, une lettre signi
75
prix, fût-ce à quelque chose d’aussi peu croyable
que
l’immortalité d’un peuple ?… Or l’angoisse n’appelle pas la haine, ma
76
de la propagande totalitaire. Tout cela n’exprime
qu’
un sentiment d’infériorité collective, un manque de foi réelle qui se
77
ie serait déjà une complicité. Ce n’est pas ainsi
que
je conçois la charité. Quand les Romains adoraient leur empereur, les
78
Nous aussi nous devons rire des idoles colossales
qu’
on nous vante. Quand je vois les trois dictateurs qui font les gros ye
79
’impertinence. Il imagine un certain oncle à lui,
qu’
il appelle l’abbé Bazin. « Cet abbé mourut, nous dit-il, persuadé que
80
é Bazin. « Cet abbé mourut, nous dit-il, persuadé
que
tous les savants peuvent se tromper et reconnaissant que l’Église rom
81
s les savants peuvent se tromper et reconnaissant
que
l’Église romaine est infaillible. L’Église grecque lui en sut très ma
82
« Allez, ne vous attristez pas. Ne voyez-vous pas
que
je vous crois infaillible vous aussi ? » Toutefois le scepticisme n’e
83
iques idolâtres, c’est un adversaire plus sérieux
que
les canons et que les railleries. C’est le seul adversaire irréductib
84
’est un adversaire plus sérieux que les canons et
que
les railleries. C’est le seul adversaire irréductible, — et pourtant
85
e condamnons pas des peuples, encore une fois. Ce
que
nous condamnons, ce sont des solutions et des doctrines au nom desque
86
re totalitaire la vérité totale, qui n’appartient
qu’
à Dieu. C’est dans la mesure où nous ordonnerons nos vies à cette véri
87
erons nos vies à cette vérité-là, à elle d’abord,
que
nous pourrons prétendre apporter une réponse qui satisfasse aux vrais
88
ou de l’aryen blond. C’est par cette seule mesure
que
nous pourrons devenir des personnes libres et responsables. Libres po
89
es libres et responsables. Libres pour obéir à ce
qu’
elles ont accepté pour vocation, et responsables de cette vocation dev
90
presque totale de la société. Nous ne sommes plus
qu’
une poussière de petits individus, impuissants, isolés, anxieux. Allon
91
e ne l’est pas moins. Il dépend en partie de nous
que
nous trouvions la solution de l’éternel problème individu-communauté.
92
et engagé, autonome et pourtant solidaire. Celui
que
j’appelle l’homme total. Je ne sais si nous réussirons, mais nous aur
93
e l’ordre établi ». C’est bien touchant. Voici ce
que
dit à leur sujet la revue fasciste Gerarchia, dirigée par le propre n
94
se convaincre, et nous les convaincrons bientôt,
que
la charge du problème social est désormais sur nos épaules, et qu’ils
95
problème social est désormais sur nos épaules, et
qu’
ils feront mieux d’avoir peur de nous que du communisme. » a. Rougem
96
ules, et qu’ils feront mieux d’avoir peur de nous
que
du communisme. » a. Rougemont Denis de, « La vraie défense contre l
97
olaire. Nous n’avons guère retenu de son histoire
que
l’image d’un ermite à longue barbe qui rétablit la paix civile entre
98
ent avec amour le souvenir du solitaire du Ranft,
que
Rome a dès longtemps béatifié, et que la vénération du peuple, surtou
99
e du Ranft, que Rome a dès longtemps béatifié, et
que
la vénération du peuple, surtout dans les petits cantons, a déjà mis
100
e, de ses visions, et même parfois des prophéties
qu’
on lui attribue sur la Réforme et ses « innovations ». Une suite de ha
101
le Bienheureux, ce ne fut pas sans émerveillement
que
j’entrevis la réalité historique du personnage. À tel point que je n’
102
la réalité historique du personnage. À tel point
que
je n’hésitai pas à en faire le sujet d’un drame, qui sera représenté
103
ont bien voulu me le faire sentir. Il m’a semblé
que
je devais aux uns et aux autres une brève explication, dont l’intérêt
104
personnelle. Il m’est apparu, en effet, à mesure
que
j’avançais dans mon travail, que la figure de Nicolas de Flue pouvait
105
effet, à mesure que j’avançais dans mon travail,
que
la figure de Nicolas de Flue pouvait revêtir pour les Suisses d’aujou
106
Au pape d’Avignon, au pape de Rome, à l’antipape
qu’
on avait tenté de leur opposer — et tous les trois s’excommuniaient ré
107
les trois s’excommuniaient réciproquement, ainsi
que
leurs fidèles, en sorte que toute la chrétienté se vit alors frappée
108
bûcher au mépris de la parole donnée. Il semblait
que
la chrétienté se regroupait, non sans résignation, autour du siège de
109
ui-même — qui est la forme de sa destinée. Notons
que
ce capitaine, puis ce juge, puis ce père de famille — il aura dix enf
110
s cet extérieur équilibré, et malgré l’apaisement
que
devraient lui donner les pratiques d’une extrême dévotion, ses proche
111
ué sa vocation de prêtre, — déçu par les exemples
qu’
il avait sous les yeux. Peut-être aussi rêve-t-il comme tout son siècl
112
e. Alors commence la vie de solitude et d’oraison
que
toute l’évolution intérieure de Nicolas semblait appeler comme une fi
113
enfance, se réalise : Nicolas s’aperçoit soudain
qu’
il peut se passer de manger ! Une fois par semaine il s’en va communie
114
s pu prendre en défaut le « Frère Claus » — ainsi
qu’
on l’appelle désormais. Et sa légende se répand, en Suisse d’abord, pu
115
car son conseil est si puissant parmi les Suisses
qu’
on a coutume de s’adresser d’abord à lui lorsqu’il faut négocier un tr
116
ui lorsqu’il faut négocier un traité. C’est ainsi
que
le solitaire conseille aux Suisses de se montrer prudents dans l’affa
117
s du partage. Les choses s’enveniment à tel point
qu’
en l’année 1486, quinze assemblées de la Diète des cantons n’ont pas s
118
a jamais — de quel message Nicolas l’a chargé. Ce
que
l’on sait, par ce qu’attestent les documents les plus formels, c’est
119
sage Nicolas l’a chargé. Ce que l’on sait, par ce
qu’
attestent les documents les plus formels, c’est qu’à l’aube, le curé r
120
u’attestent les documents les plus formels, c’est
qu’
à l’aube, le curé redescendu à Stans parvint à réunir les députés, et
121
l’ermite eût donné l’idée ? Il me paraît probable
que
l’autorité de Nicolas sur ses compatriotes suffit à calmer les esprit
122
possibles. Quoi qu’il en soit, la Diète proclama
que
si la paix avait été sauvée, et avec elle le sort de la fédération, o
123
ion de l’ermite du Ranft. (Remarquons à ce propos
que
la seule chose que tout le monde sache de Nicolas, est en réalité la
124
Ranft. (Remarquons à ce propos que la seule chose
que
tout le monde sache de Nicolas, est en réalité la seule qu’il n’ait p
125
e monde sache de Nicolas, est en réalité la seule
qu’
il n’ait pas faite : sa venue en personne à la Diète, et le discours q
126
: sa venue en personne à la Diète, et le discours
qu’
il y aurait prononcé !) La piété du Frère Claus Ce résumé d’une
127
à nous faire partager cette espèce de vénération
que
lui vouèrent les hommes du xve siècle. Mais on peut craindre aussi q
128
ommes du xve siècle. Mais on peut craindre aussi
que
l’essentiel de la personne nous échappe, si nous nous limitons au sav
129
ous nous limitons au savoir historique. J’entends
qu’
il est très difficile, sur les documents qui nous restent, de nous fai
130
otre foi. La tendance la plus apparente est celle
que
les catholiques mettent surtout en valeur de nos jours : la dévotion
131
u Bienheureux. Toutefois, je ne puis me persuader
qu’
il ait été décisif dans sa vie. Si l’on considère d’une part la sainte
132
l’on considère d’une part la sainteté des œuvres
qu’
il pratique et d’autre part les troubles de conscience qui ne cessent
133
ute son âme, s’acquérir la sainteté par les voies
qu’
ordonnait l’Église ; mais loin d’y trouver l’apaisement, il sentait cr
134
ai été attaché avec zèle aux lois papistes autant
que
n’importe qui, et je les ai défendues avec grand sérieux comme sainte
135
s et autres exercices, en macérant mon corps plus
que
tous ceux qui aujourd’hui me persécutent, parce que je leur enlève la
136
justifier… J’imposais à mon corps plus d’efforts
qu’
il n’en pouvait fournir sans danger pour la santé… Tout ce que je fais
137
ouvait fournir sans danger pour la santé… Tout ce
que
je faisais, je le faisais en toute simplicité, par pur zèle et pour l
138
e et pour la gloire de Dieu. Toute ma vie n’était
que
jeûnes, veilles, oraisons, sueurs… Et plus tard Luther ajoute : Ma
139
il pas davantage un Nicolas de Flue, jeûnant plus
que
de raison dès son enfance, et au-delà de toute « discrétion » imagina
140
nt ses vingt dernières années ? Ce rapprochement,
que
je ne puis qu’esquisser, nous mettrait-il en mesure de deviner la rai
141
rnières années ? Ce rapprochement, que je ne puis
qu’
esquisser, nous mettrait-il en mesure de deviner la raison spirituelle
142
de deviner la raison spirituelle des inquiétudes
que
nourrit Nicolas jusqu’à sa cinquantième année ? Toutes proportions ga
143
Ce serait ainsi par son aspect le plus catholique
que
nous pourrions précisément saisir, dans la piété de Nicolas, les élém
144
uteurs catholiques eux-mêmes indiquent en passant
qu’
il se montrait des plus sévères pour les abus et les trahisons du cler
145
ésiastiques sont choses si courantes au Moyen Âge
qu’
il serait imprudent d’y chercher un trait spécifique de la spiritualit
146
ne de Sienne, un Gerson, un Tauler, pour ne citer
que
des catholiques célèbres et indiscutables, avaient avant Jean Huss, a
147
e vivre en dehors des cadres de l’Église, volonté
que
Nicolas a toujours affirmée, non seulement en refusant de devenir prê
148
de érémitique d’ailleurs pleine d’activité autant
que
de contemplation3, je pense qu’il faut la rattacher surtout à une tro
149
d’activité autant que de contemplation3, je pense
qu’
il faut la rattacher surtout à une troisième tendance, la plus importa
150
eux, celle de la mystique germanique. Nous savons
que
par sa mère et par certains amis de celle-ci, tel le curé Matthias Ha
151
de Tauler, et par eux, de Maître Eckhart. On sait
que
Luther, de son côté, fut assez fortement influencé par ces mêmes doct
152
e de cet environnement spirituel, et des contacts
qu’
il dut avoir avec certains Amis de Dieu. Lorsqu’il quitta sa femme et
153
Hattinger lui avait parlé ? Et la première visite
qu’
il reçut au Ranft ne fut-elle pas précisément celle d’un pèlerin « ami
154
piété germanique », de forme proprement mystique.
Qu’
il suffise d’indiquer qu’elle représentait, face à l’Église établie, u
155
rme proprement mystique. Qu’il suffise d’indiquer
qu’
elle représentait, face à l’Église établie, une aspiration vers la vie
156
s le préserva des excès de la secte — c’est ainsi
qu’
il ne rompit jamais avec l’Église, tout en gardant ses distances — mai
157
distances — mais d’autre part, il est indéniable
que
ses propos et son action relèvent directement de cette espèce de réac
158
pèce de réaction intérieure au formalisme romain,
qu’
ont représenté les Amis de Dieu. Et l’on conçoit que ce mouvement, rec
159
’ont représenté les Amis de Dieu. Et l’on conçoit
que
ce mouvement, rectifié et rendu plus sobre par la connaissance direct
160
Réforme luthérienne et zwinglienne. (Tout de même
que
le mouvement assez voisin des Vaudois, ou Pauvres de Lyon, se confond
161
des deux grands recueils de documents sur Nicolas
que
publiait, au lendemain de la guerre, Robert Dürrer, historien du cant
162
ld. C’est une véritable somme critique de tout ce
que
la tradition nous a livré concernant le pacificateur de la Suisse. On
163
. C’est sans aucun doute à cette dernière qualité
que
nous devons de pouvoir redécouvrir aujourd’hui, malgré certain accapa
164
as de Flue par l’Église romaine, la signification
qu’
il eut, en fait, pour les premières générations de la Réforme. Ce n’es
165
a Réforme. Ce n’est pas sans un joyeux étonnement
que
je suis tombé, dans Dürrer, à peine les gros volumes ouverts, sur une
166
sans un léger mouvement de triomphe, je l’avoue,
que
j’ai trouvé ce fait, très généralement ignoré : les premiers drames m
167
réjouir en elles-mêmes, mais attestent néanmoins
qu’
à cette époque, la conscience populaire n’hésitait pas à ranger Nicola
168
de garder la foi de leurs pères, Zwingli réplique
que
les réformés sont les véritables disciples du solitaire, puisqu’ils o
169
e) ; d’Ulrich Campell, pasteur de Coire. Ajoutons
qu’
en 1585, une délégation des cantons réformés se rendit en pèlerinage a
170
uvenir du Frère Claus ». Quant à la petite prière
que
je citais plus haut (Gebetlein), elle avait été connue et publiée d’a
171
à ceci : « Man solle auff unsserm myst bleiben » (
Que
chacun reste sur son fumier !). Vous feriez mieux de le croire et de
172
que des cantons catholiques. On sait d’autre part
que
l’archiduc Ferdinand II d’Autriche fit rechercher en 1570 dans toutes
173
pièce la plus importante de cette série est celle
que
fit jouer à Bâle, en 1550, le protestant Valentin Boltz. Elle était i
174
sentation demanda « deux jours pleins ». Ce n’est
qu’
en 1586 que les catholiques se décidèrent à aborder eux aussi ce magni
175
emanda « deux jours pleins ». Ce n’est qu’en 1586
que
les catholiques se décidèrent à aborder eux aussi ce magnifique sujet
176
mais on est frappé de constater une fois de plus
que
seule la piété d’allure monacale du Frère Claus y est mise en valeur,
177
le libelle de Luther sur la « vision des épées »,
que
Nicolas avait fait peindre au mur de sa cellule. Luther l’interprétai
178
is quel « parti de la Réforme » ! Elles ne visent
qu’
à faire mieux connaître une grande figure que trop de protestants igno
179
sent qu’à faire mieux connaître une grande figure
que
trop de protestants ignorent, et qu’ils ignorent le plus souvent du s
180
rande figure que trop de protestants ignorent, et
qu’
ils ignorent le plus souvent du simple fait que les catholiques l’exal
181
et qu’ils ignorent le plus souvent du simple fait
que
les catholiques l’exaltent. Tel est l’esprit de parti, même parmi les
182
est l’esprit de parti, même parmi les chrétiens !
Que
de richesses les réformés n’ont-ils pas laissé perdre de la sorte, et
183
ère Claus aux catholiques — il ne peut leur faire
que
du bien — mais de le rendre aussi aux protestants, comme une part de
184
fédéral paraît renaître parmi nous, il m’a semblé
que
la vie du Frère Claus prenait une valeur de symbole, et non seulement
185
nt les cantons en rappelant aux « régionalistes »
que
notre État est d’abord une union, cependant qu’il rappelle aux « cent
186
on, cependant qu’il rappelle aux « centralistes »
que
le bien de tous suppose le bien de chacun ; Nicolas témoin de la foi
187
encore extérieurement unie, — voilà bien l’homme
que
tous à leur manière peuvent saluer comme l’ancêtre commun, et j’ajout
188
parrain de cette « défense spirituelle du pays »
que
nous devons approuver comme chrétiens, si nous ne voulons que d’autre
189
ons approuver comme chrétiens, si nous ne voulons
que
d’autres s’en emparent. 3. Ce trait sera relevé et souligné plus t
190
culture (janvier-février 1940)c d Le fait même
que
nous éprouvions tous un doute sur l’opportunité d’une conférence en t
191
ps de guerre, ce fait est significatif. Il prouve
que
nous tenons la culture pour quelque chose d’un peu moins sérieux que
192
culture pour quelque chose d’un peu moins sérieux
que
l’action, ou que la guerre, par exemple, ou simplement que la défense
193
que chose d’un peu moins sérieux que l’action, ou
que
la guerre, par exemple, ou simplement que la défense nationale. Or je
194
ion, ou que la guerre, par exemple, ou simplement
que
la défense nationale. Or je vois là le signe très certain d’une crise
195
ure en Occident. Je voudrais vous montrer ce soir
que
cette crise n’est pas théorique ; qu’elle a des conséquences pratique
196
rer ce soir que cette crise n’est pas théorique ;
qu’
elle a des conséquences pratiques ; qu’elle est l’une des origines de
197
héorique ; qu’elle a des conséquences pratiques ;
qu’
elle est l’une des origines de la présente guerre ; et que cette guerr
198
est l’une des origines de la présente guerre ; et
que
cette guerre n’est, en fin de compte, malgré tous ses prétextes matér
199
n de compte, malgré tous ses prétextes matériels,
qu’
un épisode tragique d’une bataille bien plus vaste, la millénaire bata
200
est très tentant, je l’avoue, et aujourd’hui plus
que
jamais. C’est malgré tout un procédé de propagande de guerre. Un fame
201
sait un jour : Tout ce qui n’est pas aussi simple
qu’
une gifle ne vaut rien pour la guerre. Grâce à Dieu, nous sommes encor
202
qui les menacent. S’ils sont malades, ils pensent
que
c’est la faute d’un objet maléfique, ou d’un sorcier, ou d’un esprit
203
tianisme, s’est efforcée de nous faire comprendre
que
la vraie cause de nos malheurs est presque toujours en nous-mêmes. Il
204
ujours en nous-mêmes. Il faut reconnaître, hélas,
que
cette éducation n’a pas merveilleusement réussi. Nous persistons tous
205
l’anéantir pour nous en délivrer. Car la tendance
qu’
il personnifie à nos yeux, elle existe en nous aussi, et elle pourrait
206
e sérieusement, pour nous défendre, c’est en nous
qu’
il s’agit de l’attaquer, et avant tout, de la reconnaître. Disharmo
207
our la paix. Mais l’état de notre culture est tel
que
l’invention sera utilisée pour détruire cette paix, précisément, que
208
a utilisée pour détruire cette paix, précisément,
que
le prix devait couronner. Et le chimiste pacifique verra retomber sur
209
poser et ensuite de se lamenter. Il faut voir ce
que
signifie une si cruelle disharmonie, quelles sont ses causes, et s’il
210
èdes. Car il ne serait pas suffisant de n’accuser
que
la méchanceté des hommes : c’est l’esprit même de la culture moderne,
211
ever le niveau général du confort. Or chacun sait
que
les résultats pratiques du machinisme ne sont pas d’augmenter les loi
212
les loisirs, mais bien d’augmenter le chômage, et
qu’
au lieu d’élever le niveau général, l’industrie a créé d’immenses mass
213
e ses collègues. Était-il vrai, lui demandait-on,
que
sa banque finançât la guerre des Japonais contre Shanghai ? Il répond
214
guerre des Japonais contre Shanghai ? Il répondit
que
c’était vrai. — Mais alors, n’êtes-vous pas torturé par la pensée que
215
Mais alors, n’êtes-vous pas torturé par la pensée
que
votre argent contribue à prolonger un massacre ? — Nullement, répondi
216
massacre ? — Nullement, répondit-il. Car tout ce
que
j’ai à voir, ce sont deux colonnes de chiffres, dont la balance est f
217
Cette absence d’un principe d’unité est si totale
qu’
on ne la ressent même plus comme un scandale. Elle est devenue toute n
218
us parler aurait eu beaucoup de peine à concevoir
qu’
il y avait disharmonie, contradiction, entre son comité de bienfaisanc
219
-même, pour des raisons dont il ne remarquait pas
qu’
elles étaient sans commune mesure. Au moraliste qui s’indignait, il au
220
ste qui s’indignait, il aurait simplement répondu
que
les affaires sont les affaires. On ne peut pas additionner des chiffr
221
e fondamental de la mentalité moderne. C’est plus
qu’
un dogme, c’est une croyance spontanée et universelle. Et ses effets s
222
e. Et ses effets sont si nombreux, si quotidiens,
qu’
on finit par ne plus les voir. Il est admis, dans notre société, que l
223
plus les voir. Il est admis, dans notre société,
que
les hommes de la pensée n’ont rien à dire d’utile aux hommes de l’act
224
xemple, tout le monde trouve parfaitement naturel
que
la pensée abdique sa liberté et se soumette aux besoins de l’action,
225
d’acheter des livres : c’est la première économie
que
l’on fera. De même qu’en temps de restrictions alimentaires on trouve
226
de villes énormes, dix ou cent fois plus grandes
que
celles qu’on connaissait auparavant. Ainsi Berlin passe, en un demi-s
227
énormes, dix ou cent fois plus grandes que celles
qu’
on connaissait auparavant. Ainsi Berlin passe, en un demi-siècle, de 2
228
démesurées, là où l’on ne connaissait auparavant
que
des groupements organisés autour de petites entreprises. Les richesse
229
es richesses, elles aussi, se sont tant agrandies
qu’
elles ont échappé aux regards : elles sont devenues chiffres abstraits
230
urs étranges, qui paraissaient aussi mystérieuses
que
celles des monstres antédiluviens. La population de l’Europe a plus q
231
s antédiluviens. La population de l’Europe a plus
que
doublé en cent ans, ses richesses ont été décuplées, sa production in
232
tion entière. Voici donc, dans tous les domaines,
que
nos pouvoirs d’agir matériellement grandissent, par une mutation brus
233
mutation brusque, dans la proportion de 1 à 100.
Que
va faire la pensée, en présence de cet essor fulgurant de l’action ?
234
présence de cet essor fulgurant de l’action ? Et
que
va faire la culture ? Il semble que la société devienne trop gigantes
235
l’action ? Et que va faire la culture ? Il semble
que
la société devienne trop gigantesque pour être dominée d’un seul rega
236
maîtriser les rouages. On ne sait pas du tout ce
que
vont produire ces capitaux énormes qu’on accumule à tout hasard. On n
237
du tout ce que vont produire ces capitaux énormes
qu’
on accumule à tout hasard. On ne sait pas du tout comment vont réagir
238
i d’aucune mesure humaine, ils ne pouvaient créer
qu’
une vie fausse, une vie mauvaise, antihumaine. C’eût été le rôle des h
239
umaine. C’eût été le rôle des hommes de la pensée
que
d’avertir les hommes d’action. Ils avaient là une chance et un devoir
240
nger, ils ont eu peur de le prévoir. Et c’est ici
que
nous allons découvrir le grand ennemi de la culture ; c’est chez les
241
ture ; c’est chez les philosophes et les penseurs
qu’
il s’est d’abord manifesté. Et je le nommerai : l’esprit de démission,
242
i s’édifiaient, en présence des énormes questions
que
posaient ces énormes pouvoirs, les penseurs et les philosophes du der
243
dernier siècle, dans leur ensemble, n’ont répondu
que
par la fuite, et par ce qu’ils appelaient le désintéressement de la p
244
semble, n’ont répondu que par la fuite, et par ce
qu’
ils appelaient le désintéressement de la pensée. Ils ont renoncé à leu
245
rhétorique sur le Progrès. Merveilleuse doctrine
que
celle-là ! Car en somme elle justifie tout, endort l’esprit et le dis
246
st l’opium du peuple, disait Marx. Je lui réponds
que
sa croyance au Progrès est l’opium de la culture. S’il fallait résume
247
rieuses aux penseurs du xixe siècle ! Il n’y eut
que
Kierkegaard et Nietzsche pour protester du fond de leur solitude. Kie
248
rituel ou culturel. Tout cela parce qu’on pensait
que
le Progrès était sain, juste et infaillible, et que la seule tâche sé
249
e le Progrès était sain, juste et infaillible, et
que
la seule tâche sérieuse était de gagner de l’argent en attendant que
250
sérieuse était de gagner de l’argent en attendant
que
les choses s’arrangent d’elles-mêmes. Or, en réalité, rien ne s’est a
251
Décadence de la communauté Je préciserai ce
que
j’appelle ici la commune mesure d’une civilisation : c’est le princip
252
s, l’action obéissait spontanément aux mêmes lois
que
la pensée. Mais aujourd’hui que la Loi des Juifs, le droit et la théo
253
nt aux mêmes lois que la pensée. Mais aujourd’hui
que
la Loi des Juifs, le droit et la théologie sont méprisés ou ignorés,
254
la théologie sont méprisés ou ignorés, maintenant
que
tout, dans le monde, échappe aux prises de l’esprit humain, il ne res
255
chappe aux prises de l’esprit humain, il ne reste
qu’
un seul principe pour mesurer la valeur de nos actes : c’est l’Argent.
256
e charge de tout mettre au pas. Le malheur, c’est
que
l’Argent et l’État sont des principes qui ne valent rien dans le doma
257
ement, s’asservit. Je vous en donnerai un exemple
que
chacun de vous peut vérifier quotidiennement. Le fondement et le symb
258
ndaient sur le sens de certains mots fondamentaux
que
j’appellerai les lieux communs. C’était sur la base de ces mots défin
259
la base de ces mots définis une fois pour toutes
que
les échanges d’idées pouvaient se produire sans erreur ni malentendu.
260
donc à la base de toute la vie sociale du siècle.
Que
sont-ils devenus parmi nous ? Prenons trois mots parmi les plus fréqu
261
re époque : esprit, liberté et ordre. Je constate
que
le mot esprit a déjà vingt-neuf sens différents dans le dictionnaire
262
sont exactement définis. Ce qui est grave, c’est
qu’
à ces vingt-neuf sens, nous en avons ajouté d’autres sur lesquels plus
263
ivité révolutionnaire des créateurs. Si j’affirme
que
mon but est de sauver l’esprit, le marxiste en déduira que je néglige
264
ut est de sauver l’esprit, le marxiste en déduira
que
je néglige la vie concrète, que je m’évade dans le spiritualisme, alo
265
rxiste en déduira que je néglige la vie concrète,
que
je m’évade dans le spiritualisme, alors que je ne vois de salut pour
266
isme, alors que je ne vois de salut pour l’esprit
que
dans la présence effective de la pensée et de la foi à toutes les mis
267
simplement la permission de dire à haute voix ce
que
l’on pense. Et quand ces trois pays se feront la guerre, ils la feron
268
signifiera tantôt le statu quo social, si absurde
qu’
il soit, tantôt l’établissement d’une hiérarchie nouvelle au prix d’un
269
qui critiquent le désordre établi, tantôt le fait
qu’
on n’assassine plus dans la rue mais seulement dans les prisons d’État
270
n chargeaient. Puis ce furent les écrivains. Mais
que
peuvent-ils dans notre monde démesuré ? Un Valéry, un Gide ou un Clau
271
ons d’hommes, et c’est tout un domaine du langage
que
l’écrivain ne contrôle pas, ne forme pas, n’atteint même pas. Ainsi s
272
Alors les écrivains, qui n’ont pas d’autres armes
que
les mots, se voient privés de tout moyen d’agir. Leurs conseils, leur
273
hommes échangent des paroles en plus grand nombre
que
jamais, et ne se disent rien qui compte. Or quand la parole se détrui
274
a parole se détruit, quand elle n’est plus le don
qu’
un homme fait à un homme, et qui engage quelque chose de son être, c’e
275
ar an, selon les besoins de la cause. C’est ainsi
que
tout récemment le ministre d’une grande puissance, le camarade Moloto
276
grande puissance, le camarade Molotov, déclarait
que
le mot d’agression avait changé de sens depuis ce printemps, « les év
277
pty d’un ton méprisant, il signifie exactement ce
que
je veux qu’il signifie… ni plus ni moins. — La question est de savoir
278
méprisant, il signifie exactement ce que je veux
qu’
il signifie… ni plus ni moins. — La question est de savoir, dit Alice,
279
on est de savoir, dit Alice, si vous pouvez faire
que
les mêmes mots signifient des choses différentes ? — La question est
280
et qui l’impose à son caprice. Eh ! bien, je dis
que
lorsqu’on en arrive à une pareille décadence des lieux communs, la cu
281
mesure restaurée et vivante. Et c’est à cet appel
qu’
ont répondu les chefs des grands mouvements collectivistes. Tout leur
282
ils dit. C’est bien simple. Nous allons proclamer
que
l’intérêt de l’État dont nous sommes devenus les maîtres est la seule
283
rtout quand on est très pressé. Or il est certain
que
ces chefs étaient horriblement pressés, à cause de la misère que subi
284
taient horriblement pressés, à cause de la misère
que
subissaient leurs peuples. Et voici la faute de calcul qu’ils me para
285
saient leurs peuples. Et voici la faute de calcul
qu’
ils me paraissent avoir commise : ils ont voulu imposer à l’ensemble d
286
réalités. Mais des réalités partielles. Si la loi
qu’
on impose à tous est calculée seulement pour certains types, soit phys
287
, oui, à penser avec les mains. Il nous faut voir
que
tout dépend en premier lieu de notre état d’esprit. S’il change, tout
288
al qui est dans l’action n’a pas d’autres racines
que
le mal qui est dans la pensée. Et voici sa racine profonde : politici
289
hercher l’homme perdu. Or l’histoire nous apprend
que
l’homme ne trouve sa pleine réalité et sa mesure qu’au sein d’un grou
290
l’homme ne trouve sa pleine réalité et sa mesure
qu’
au sein d’un groupe humain, ni trop vaste ni trop étroit. Il n’est pas
291
n, ni trop vaste ni trop étroit. Il n’est pas bon
que
l’homme soit seul ; il n’est pas bon non plus que l’homme soit foule.
292
foule. Le monde rationaliste et libéral supposait
que
l’humanité n’était qu’un assemblage d’individus, d’hommes qui avaient
293
liste et libéral supposait que l’humanité n’était
qu’
un assemblage d’individus, d’hommes qui avaient surtout des droits lég
294
politiques. À ce moment se produit fatalement ce
que
j’appellerai un sentiment de vide social. C’est une sorte d’angoisse
295
? Il s’agit de résoudre enfin l’éternel problème
que
nous posent les relations de l’individu et de la collectivité. Il s’a
296
individu et de la collectivité. Il s’agit de voir
que
l’homme concret n’est pas le Robinson d’une île déserte, ni l’anonyme
297
île déserte, ni l’anonyme numéro d’un rang, mais
qu’
il est à la fois un être unique et un être qui a des semblables. Reste
298
l’idéal de l’homme occidental. N’allons pas dire
que
c’est une utopie ! Car ce problème a été résolu, cet idéal réalisé, a
299
oduit dans une communauté nouvelle. Voilà l’homme
que
j’appelle une personne : il est à la fois libre et engagé, et il est
300
in, je veux dire par sa vocation. Eh bien, je dis
que
les maux dont nous souffrons sont avant tout des maladies de la perso
301
des maladies de la personne. Quand l’homme oublie
qu’
il est responsable de sa vocation envers ses prochains, il devient ind
302
ns, il devient individualiste. Et quand il oublie
qu’
il est responsable de sa vocation envers lui-même, il devient collecti
303
relie à ses prochains. C’est pour cet homme réel
qu’
il faut tout rebâtir. Cependant, nous avons montré que c’est justement
304
l faut tout rebâtir. Cependant, nous avons montré
que
c’est justement cet homme-là qui a le plus de peine à subsister ou à
305
u à se former dans le monde moderne. Car supposez
qu’
un homme se sente une vocation et décide de la réaliser. Il se trouve
306
la réaliser. Il se trouve en présence d’un monde
que
l’histoire et la sociologie ont encombré de lois fatales. Que peut-il
307
re et la sociologie ont encombré de lois fatales.
Que
peut-il seul, contre ces lois ? Il faut donc, s’il veut faire quelque
308
is ? Il faut donc, s’il veut faire quelque chose,
qu’
il entre dans un grand parti, dans une grande organisation. Mais alors
309
sprit aussi bien chez les intellectuels créateurs
que
chez les amateurs de vraie culture, les lecteurs, le public cultivé.
310
ltivé. Car c’est de ce changement d’état d’esprit
que
sortira la possibilité de repenser une société. Raisons d’espérer
311
Je voudrais vous dire, maintenant, les raisons
que
j’ai d’espérer, après avoir tant critiqué. Je voudrais vous énumérer
312
ait, depuis Hegel, Auguste Comte, et Marx, l’idée
que
l’Histoire obéit à des lois contre lesquelles l’homme ne peut rien. C
313
a sociologie, et même de la psychologie. Et voici
que
cette idée paralysante est en train de subir certains coups décisifs
314
croire. Ils ont reconnu, depuis quelques années,
que
la notion de lois tout objectives, de lois absolument indépendantes d
315
lois absolument indépendantes de l’homme, n’était
qu’
une illusion rationaliste. Qu’il me suffise de rappeler ici les découv
316
de l’homme, n’était qu’une illusion rationaliste.
Qu’
il me suffise de rappeler ici les découvertes de la physique des quant
317
uvertes de la physique des quanta : elle a prouvé
que
l’observation microscopique modifie en réalité les phénomènes que l’o
318
n microscopique modifie en réalité les phénomènes
que
l’on observe. Et les savants nous disent aujourd’hui que les fameuses
319
n observe. Et les savants nous disent aujourd’hui
que
les fameuses lois scientifiques ne sont en fait que de commodes conve
320
e les fameuses lois scientifiques ne sont en fait
que
de commodes conventions, dépendant des systèmes de mesures inventés p
321
umain. Or si la science elle-même vient nous dire
que
même dans l’ordre matériel, il n’est plus permis de concevoir une obs
322
tre société. En vérité, il n’est de lois fatales
que
là où l’esprit démissionne. Toute action créatrice de l’homme normal
323
s. Ainsi les lois de la publicité ne sont exactes
que
dans la mesure où l’homme n’est qu’un mouton ; elles sont fausses et
324
sont exactes que dans la mesure où l’homme n’est
qu’
un mouton ; elles sont fausses et inexistantes dès qu’un homme redevie
325
ins de sa personne. Il n’y a de loi, répétons-le,
que
là où l’homme renonce à se manifester selon sa vocation particulière.
326
particulière. Si j’insiste sur cet axiome, c’est
qu’
il est particulièrement libérateur pour la pensée et la culture en gén
327
notre époque totalitaire. Nul n’ignore, en effet,
que
les États totalitaires justifient les rigueurs de leur régime au nom
328
, ou historiques, ou biologiques. Or il est clair
que
ces lois ne sont vraies, ou plutôt ne deviennent vraies, qu’en vertu
329
s ne sont vraies, ou plutôt ne deviennent vraies,
qu’
en vertu d’une immense démission de l’esprit civique dans les trop gra
330
les trop grands pays. Elles ne traduisent en fait
qu’
un immense affaissement du sens personnel dans les parties de l’humani
331
t le ton sur lequel on les prône, ne sont en fait
que
des solutions de paresse intellectuelle, des solutions de misère, far
332
rgie normale et souple. Or nous savons maintenant
que
c’est possible, que c’est encore et de nouveau possible. Notre cultur
333
le. Or nous savons maintenant que c’est possible,
que
c’est encore et de nouveau possible. Notre culture libérée de la supe
334
s pas, ici, partir dans l’utopie. Je ne pense pas
que
les principes fondamentaux d’une société plus harmonieuse puissent êt
335
or du capitalisme et aux transformations sociales
qu’
il provoquait. Comme la culture elles ont renoncé à diriger, à avertir
336
st parce qu’il s’est chargé de la mission sociale
qu’
avaient trahie toutes les Églises. Nicolas Berdiaev l’a bien vu : le b
337
me devenu passif devant le monde. Or il me semble
que
, là encore, un réveil soulève les Églises. Elles ont compris qu’il ne
338
un réveil soulève les Églises. Elles ont compris
qu’
il ne suffisait pas de dénoncer les doctrines païennes mais qu’il fall
339
isait pas de dénoncer les doctrines païennes mais
qu’
il fallait répondre mieux que ces doctrines à la question posée par l’
340
trines païennes mais qu’il fallait répondre mieux
que
ces doctrines à la question posée par l’angoisse des foules. D’où les
341
t les congrès de Stockholm et d’Oxford ont montré
que
les autres Églises n’entendaient pas demeurer en arrière. Presque tou
342
e à faire, c’est certain. Mais l’important, c’est
qu’
enfin les Églises retrouvent leur rôle de direction dans tous les ordr
343
ure de la personne, matériellement et moralement,
que
je vois la commune mesure de la cité qu’il nous faut rebâtir. Cité so
344
alement, que je vois la commune mesure de la cité
qu’
il nous faut rebâtir. Cité solide et pourtant libérale : c’est tout le
345
naît en somme d’un scepticisme, car elle suppose
que
la pensée de l’autre, qu’on tolère, ne passera jamais dans les actes.
346
cisme, car elle suppose que la pensée de l’autre,
qu’
on tolère, ne passera jamais dans les actes. Je n’aime pas non plus l’
347
es masses, et c’est seulement au sein d’un groupe
qu’
une vocation peut s’exercer. D’autre part, le fédéralisme suppose des
348
un dans le groupe où il est né, ou dans le groupe
qu’
il a choisi, peut donner le meilleur de soi-même, aller au terme de sa
349
yen de préparer une paix solide. Car, après tout,
qu’
est-ce que la guerre actuelle ? C’est la rançon fatale du gigantisme e
350
parer une paix solide. Car, après tout, qu’est-ce
que
la guerre actuelle ? C’est la rançon fatale du gigantisme et de la dé
351
enant, la preuve est faite, attestée par le sang,
que
la solution suisse et fédérale est seule capable de fonder la paix, p
352
nnaître avec une tragique évidence. Et c’est cela
que
nous avons à défendre : la réalité fédéraliste en politique et dans t
353
ots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir
qu’
en fait, si nous sommes là, au service du pays, ce n’est pas pour défe
354
rovisé dans l’épuisement général. Cela ne se fera
que
si des hommes solides, informés par une expérience séculaire entrepre
355
Ces hommes ne peuvent guère exister et travailler
que
dans les pays neutres. Et chez nous tout d’abord, puisqu’il s’agit en
356
seulement de ses succès mais aussi de ses échecs,
que
nous connaissons mieux que personne. Tout mon espoir est qu’il se for
357
s aussi de ses échecs, que nous connaissons mieux
que
personne. Tout mon espoir est qu’il se forme ici des équipes de fédér
358
nnaissons mieux que personne. Tout mon espoir est
qu’
il se forme ici des équipes de fédérateurs, d’hommes qui comprennent e
359
es de fédérateurs, d’hommes qui comprennent enfin
que
l’heure est venue pour nous autres Suisses, de voir grand, de voir au
360
seul espoir qui nous soit accordé. Encore faut-il
que
cet espoir soit soutenu par tout un peuple, et qu’il ne se laisse pas
361
ue cet espoir soit soutenu par tout un peuple, et
qu’
il ne se laisse pas décourager par les sceptiques professionnels, par
362
istes. Encore faut-il — et je termine là-dessus —
qu’
elle ne repose pas sur une erreur profonde quant aux pouvoirs de l’hom
363
de création, la lutte sera toujours ouverte, tant
qu’
il y aura du péché sur la terre. Non, l’heure n’est pas au facile opti
364
ter la question du prophète Isaïe : « Sentinelle,
que
dis-tu de la nuit ? » La sentinelle a répondu : « Le matin vient, et
365
: « Le matin vient, et la nuit aussi ! » La paix
que
nous devons invoquer ne peut pas être une simple absence de guerre. S
366
sera toujours plus difficile à vivre et à gagner
que
cette guerre où tout s’abaisse et s’obscurcit. Mais qu’elle nous donn
367
tte guerre où tout s’abaisse et s’obscurcit. Mais
qu’
elle nous donne au moins la possibilité de rendre un sens aux conflits
368
phétique : « Le combat spirituel est aussi brutal
que
la bataille d’hommes, mais la vision de la justice est le plaisir de
369
ement sur l’état de leurs nerfs. Sans intérêt. Ce
qu’
il nous faut à l’heure que nous vivons, ce sont des pessimistes réfléc
370
nerfs. Sans intérêt. Ce qu’il nous faut à l’heure
que
nous vivons, ce sont des pessimistes réfléchis, maîtres d’eux-mêmes e
371
tres d’eux-mêmes et objectifs. Je dirai plus : ce
qu’
il nous faut, ce sont des pessimistes actifs. Des hommes qui pensent e
372
sérieux « ce qui nous dépasse », tant par en haut
que
par en bas. La croyance au Progrès nous a mis des œillères. Et quand
373
-nous, il ne permettrait pas cela ! Nous oublions
que
« cela », c’est nous aussi, et que Dieu malgré tout nous aime. Si nou
374
Nous oublions que « cela », c’est nous aussi, et
que
Dieu malgré tout nous aime. Si nous avions su croire en lui pendant l
375
l’heure sévère. Ouvrons les yeux et apprenons ce
qu’
il en est de notre châtiment. ⁂ L’Europe est en train de payer le prix
376
prévoit le mal et tient compte du péché. Il sait
que
les inventions humaines peuvent être employées contre l’homme ; que l
377
humaines peuvent être employées contre l’homme ;
que
l’aviation n’a nullement transformé les conditions de notre bonheur,
378
’optimisme du matérialiste modéré ne veut prévoir
que
le profit d’argent et l’augmentation du confort. Il refuse de se dema
379
à la seconde, il pressent bien qu’on ne pourrait
que
répondre non. D’où sa myopie et son imprévision systématique des maux
380
trop tard pour répéter ces vérités élémentaires,
que
le sérieux des gouvernants, des hommes d’affaires, des penseurs offic
381
de prophètes. Nous n’avons pas le droit de gémir
que
les avertissements nous ont manqué. Le dossier de ces avertissements
382
ent, si celui-ci persiste à ne prendre au sérieux
que
les valeurs de bourse et la « prosperity ». Kierkegaard nous décrit l
383
é aux dictatures collectivistes. Nietzsche ricane
que
le monde moderne est en train d’adopter « une morale de commerçants »
384
train d’adopter « une morale de commerçants », et
qu’
il sera vaincu par des ascètes féroces. Vinet prévoit que les libertés
385
era vaincu par des ascètes féroces. Vinet prévoit
que
les libertés sociales, si nul effort spirituel ne les oriente, abouti
386
’en doutons pas, est du côté de la tyrannie. » Et
qu’
il suffise enfin d’une allusion aux prophéties de Burckhardt sur les «
387
rtout ailleurs irréductiblement divers, je répète
qu’
elle est écrasante. Elle supprime nos dernières excuses. Nous avons ét
388
pas, mais au contraire parce que Dieu existe, et
qu’
il est juste dans son châtiment. Il faut payer. Nous adorions l’idole
389
l’idole du progrès — ce progrès qui ne sait rien
que
répéter comme une horloge parlante : « Tout s’arrangera. » Or aujourd
390
fense nationale. Pour avoir refusé les sacrifices
qu’
eût entraînés un règlement plus juste des relations sociales et intern
391
res, inévitables et stériles. Le plus étrange est
que
ces sacrifices se révèlent parfaitement « possibles ». Dès qu’il s’ag
392
l ou caisse de compensation, — et je ne prends là
que
de petits exemples…4 Nous avons critiqué sans merci comme des « utop
393
ussent été dix fois ou vingt fois moins coûteuses
que
celles qu’entraîne la guerre actuelle. Nous acceptons avec une belle
394
dix fois ou vingt fois moins coûteuses que celles
qu’
entraîne la guerre actuelle. Nous acceptons avec une belle discipline
395
le plan des relations de peuple à peuple. Tout ce
que
nous jugions impossible quand il s’agissait du vivre, nous le trouvon
396
d’obtenir de nous un dépassement de nos égoïsmes
que
nous refusions à l’amour, pourquoi donc voulez-vous que nous ayons l’
397
us refusions à l’amour, pourquoi donc voulez-vous
que
nous ayons l’amour, et la paix et la sécurité ? Nous avons la peur et
398
? Nous avons la peur et la guerre. Nous avons ce
que
méritons. Nous sommes payés et nous payons selon notre justice à nous
399
ons selon notre justice à nous. C’est aujourd’hui
qu’
on en mesure l’aune. Ces vérités élémentaires sont dures. Elles ne son
400
e grossières, et gênantes. Certains diront encore
qu’
elles sont inopportunes, à l’heure où nous cherchons des raisons d’esp
401
re salut, le seul et le dernier possible — quelle
que
soit l’issue de la guerre — dépend de notre capacité d’accepter des v
402
ns son principe ; ou la conquête, mais qui tue ce
qu’
elle conquiert. « Mea culpa » des gens de droite, qui croyaient pouvoi
403
gatoire était le même — avec moins de franchise —
que
celui de l’ennemi fasciste contre lequel ils excitaient les masses. «
404
uite sur les routes de France ? Nous n’avons plus
qu’
un seul espoir — quelle que soit l’issue de la guerre : obtenir pour l
405
ce ? Nous n’avons plus qu’un seul espoir — quelle
que
soit l’issue de la guerre : obtenir pour l’Europe un statut sursitair
406
bilité de rebâtir. Mais on n’accorde un concordat
qu’
à celui qui se déclare en faillite. L’aveu suppose un sens des valeurs
407
ose un sens des valeurs spirituelles aussi précis
que
notre sens des chiffres, des quantités et des vitesses. Avis à la gén
408
t quelque chose à faire, quelque chose de précis,
que
je veux dire à temps. Ils sont encore à l’écart de la guerre, et peut
409
autes et celles de notre monde, de dire la vérité
que
les peuples en guerre n’ont plus le pouvoir de reconnaître, dans le f
410
sort toujours retrempé. Avouer les fautes de ceux
qu’
on aime et dont on attend la victoire comme la permission de revivre,
411
autes, parce que nous en sommes les complices, et
que
nous aimons les fautifs. Il est dur de les avouer, parce que les faut
412
n face, nous paraissent bien plus effrayantes, et
qu’
ils triomphent tout de même, ou à cause de cela même. Il est dur de re
413
u à cause de cela même. Il est dur de reconnaître
que
ce châtiment, qui nous atteint aussi, est mérité ; et qu’il était log
414
hâtiment, qui nous atteint aussi, est mérité ; et
qu’
il était logique, inévitable, et qu’il n’y a plus qu’à en tirer les co
415
t mérité ; et qu’il était logique, inévitable, et
qu’
il n’y a plus qu’à en tirer les conclusions5. Mais nous ne sommes pas
416
il était logique, inévitable, et qu’il n’y a plus
qu’
à en tirer les conclusions5. Mais nous ne sommes pas neutres pour rien
417
nos sympathies et nos passions. Je ne sais pas ce
que
l’avenir vaudra, mais je sais que s’il vaut quelque chose, ce sera gr
418
ne sais pas ce que l’avenir vaudra, mais je sais
que
s’il vaut quelque chose, ce sera grâce à l’action personnelle des hom
419
es et celui des gouvernements : tout cela ne sera
que
ruines et détritus à déblayer, même si les grandes démocraties ont la
420
e passera point. » Voilà la base et le point fixe
que
nulle puissance humaine ne saurait ébranler, quand tout le reste, cie
421
Ce n’était pas de l’optimisme. Athanase prévoyait
qu’
avec le « petit nuage » passerait aussi, probablement, sa vie et celle
422
t l’espérance de l’éternel. À quoi se raccrocher,
que
faire encore ? Quelle était l’assurance d’éternité qui permettait à A
423
assera ? La grandeur de cette heure sévère, c’est
que
par la force des choses, par la brutalité démesurée des choses, nous
424
des choses, nous sommes réduits à ne plus espérer
qu’
au nom de l’unique nécessaire : « L’amour parfait bannit la crainte. »
425
era de l’argent pour 40 chars, mais si je demande
qu’
on double un budget culturel, on me répondra que je veux ruiner le pay
426
e qu’on double un budget culturel, on me répondra
que
je veux ruiner le pays. 5. Comme le fait Paul Reynaud devant le Séna
427
e en général. Je vous parlerai des Églises telles
que
nous les voyons en Suisse ; et de la Suisse, telle que nous la voyons
428
ous les voyons en Suisse ; et de la Suisse, telle
que
nous la voyons en ce mois de juillet de 1940. Ce ne sera pas une conf
429
ines suggestions, critiques peut-être dures, mais
qu’
il est temps de formuler pour préparer la voie d’un renouveau, ou les
430
elle-même. Elle n’a plus d’autre garantie humaine
que
son armée, plus d’autre allié que son terrain, plus d’autre espoir qu
431
arantie humaine que son armée, plus d’autre allié
que
son terrain, plus d’autre espoir que son travail. Contrairement à ce
432
’autre allié que son terrain, plus d’autre espoir
que
son travail. Contrairement à ce que beaucoup croient, cette situation
433
’autre espoir que son travail. Contrairement à ce
que
beaucoup croient, cette situation n’est pas nouvelle dans notre histo
434
Réformation communautaire. Car c’est bien de cela
qu’
il s’agit : fonder à nouveau la cité, pour qu’elle résiste et qu’elle
435
fonder à nouveau la cité, pour qu’elle résiste et
qu’
elle rayonne encore, quoi qu’il arrive, oui même si le pire arrive. Au
436
n politique et de notre sécurité. Et s’il fallait
qu’
un jour la Suisse fût envahie, j’imagine qu’elle pourrait garder penda
437
llait qu’un jour la Suisse fût envahie, j’imagine
qu’
elle pourrait garder pendant des mois, peut-être des années, un grand
438
spoir et une grande fierté, parce qu’elle saurait
que
dans cette forteresse du Gothard, que n’atteignent ni chars ni avions
439
lle saurait que dans cette forteresse du Gothard,
que
n’atteignent ni chars ni avions, dans cet Alcazar de l’Europe, quelqu
440
oserai cette question : dans la situation extrême
que
je viens de décrire, à supposer que la Suisse soit envahie, pourrions
441
ation extrême que je viens de décrire, à supposer
que
la Suisse soit envahie, pourrions-nous penser à l’Église comme à notr
442
épondre ce matin. Ni oui ni non. Mais je voudrais
que
cette question reste posée. C’est lorsque tout paraît désespéré qu’on
443
reste posée. C’est lorsque tout paraît désespéré
qu’
on voit ce qui était vraiment solide. L’Église de Suisse est-elle vrai
444
able ! —, nous nous trouvions aussi bien préparés
qu’
il est possible. Inspectons avec soin nos défenses, ayons le courage d
445
ous sommes encore faibles. C’est ici et c’est là,
qu’
il faut porter l’effort. Aujourd’hui ou jamais, notre Église a besoin
446
e visible, de nos diverses Églises suisses, c’est
qu’
elles ont cessé d’être ou n’ont jamais été de véritables communautés.
447
grave, étant donné les événements actuels et ceux
que
nous devons prévoir. Une Église devrait être le type même de la commu
448
tuel d’une paroisse étaient alors plus importants
que
tout. La ferveur de la foi nouvelle liait les esprits et les cœurs av
449
les esprits et les cœurs avec une telle puissance
que
les sacrifices matériels devenaient simplement des services d’amitié,
450
ersécutées. Certes, il ne faudrait pas s’imaginer
que
les premiers chrétiens étaient toujours des saints, et que les famill
451
remiers chrétiens étaient toujours des saints, et
que
les familles qu’ils formaient ne connaissaient jamais de querelles de
452
étaient toujours des saints, et que les familles
qu’
ils formaient ne connaissaient jamais de querelles de familles ! Les é
453
dissiper cette illusion. Il n’en reste pas moins
que
ces premières Églises ont surmonté toutes les persécutions grâce à la
454
n : sont-ils prêts à mettre en commun autre chose
que
la pièce de monnaie qu’ils viennent de déposer dans le « sachet », av
455
tre en commun autre chose que la pièce de monnaie
qu’
ils viennent de déposer dans le « sachet », avec l’air de ne pas y tou
456
ucher ? Sont-ils prêts à « partager » autre chose
que
des impressions générales sur le temps et les tristes événements ? So
457
des frères dans l’Église ? Oh ! je ne demande pas
que
nos paroisses décrètent du jour au lendemain le partage de tous les b
458
, de faire quelque chose dans ce sens, à supposer
que
les circonstances l’exigent un jour prochain. Je me demande si les fi
459
lus fortement liés aux autres membres de l’Église
qu’
ils ne sont liés à leur parti, ou à leur classe, ou à leurs intérêts p
460
s Églises constituent des unités administratives,
qu’
elles réunissent régulièrement des auditoires assez nombreux, qu’il y
461
sent régulièrement des auditoires assez nombreux,
qu’
il y a parmi leurs membres beaucoup d’individus vraiment croyants, cap
462
tés chrétiennes, agissant pour leur compte — plus
qu’
au nom de l’Église — cela ne fait pas encore une vraie communauté. Des
463
rps » devrait pouvoir s’appliquer à l’Église plus
qu’
à nulle autre communauté au monde, puisque l’Église est rassemblée par
464
t le sens et la vertu communautaire, il faut : 1°
qu’
elles reprennent conscience de la nature éternelle et du but transcend
465
éternelle et du but transcendant de l’Église ; 2°
qu’
elles développent ou réveillent en elles le sens missionnaire, à l’int
466
le sens missionnaire, à l’intérieur du pays ; 3°
qu’
elles aient le courage d’être franchement des Églises visibles, organi
467
ndrez encore des orateurs beaucoup plus qualifiés
que
moi pour définir l’essence et le but de l’Église. Je me contenterai d
468
yaume de Dieu. Il me paraît profondément indécent
que
ces affaires soient débattues dans nos Grands Conseils, par des homme
469
deux formules : 1° Le service unique et suffisant
que
l’Église doit rendre à la Suisse, c’est de rester ou de devenir une v
470
ou une puissance d’ordre politique. 2° Le service
que
l’État suisse doit en retour, à l’Église, c’est de la laisser être un
471
pas une Église de l’État suisse. Il est bien vrai
que
notre État fédéral ne saurait se fonder concrètement que sur des base
472
re État fédéral ne saurait se fonder concrètement
que
sur des bases chrétiennes de tolérance et d’amour du prochain. Mais j
473
’amour du prochain. Mais je tiens à redire ici ce
que
je disais cet hiver à Tavannes : Nous ne devons pas être chrétiens p
474
d’un homme dont la pensée me paraît plus actuelle
que
jamais, Alexandre Vinet. « Veuillez d’abord avoir une religion pour v
475
qui veut m’ôter ma religion, m’effraie bien moins
que
celle qui veut en avoir une ». En résumé, la première condition indi
476
que l’Église devienne une vraie communauté, c’est
que
l’Église soit indépendante de l’État, je veux dire par là : constitué
477
se confessionnelle en Allemagne, on comprendra ce
que
je veux dire, — et que le problème est urgent ! II La seconde c
478
llemagne, on comprendra ce que je veux dire, — et
que
le problème est urgent ! II La seconde condition, c’est que nos
479
est urgent ! II La seconde condition, c’est
que
nos Églises redeviennent missionnaires à l’intérieur du pays, dans to
480
s d’ouvriers en font encore partie, c’est un fait
que
le ton des sermons, le maintien des auditeurs et l’atmosphère en géné
481
’atmosphère en général y sont bien plus bourgeois
que
populaires. C’est sans doute l’une des raisons de la désaffection de
482
ndre le ton et l’accent d’un milieu social plutôt
que
d’un autre. Elle devrait aujourd’hui abandonner résolument cette espè
483
solument cette espèce d’éloquence conventionnelle
qu’
on appelle le ton de la chaire et qui produit sur l’auditeur occasionn
484
par des paroles directes. Vous me direz peut-être
que
cette question ne concerne que nos pasteurs. Je n’en suis pas sûr. C’
485
me direz peut-être que cette question ne concerne
que
nos pasteurs. Je n’en suis pas sûr. C’est une question d’atmosphère s
486
petites habitudes du dimanche matin, et il arrive
que
nous soyons choqués quand un pasteur ne garde pas le ton convenu, le
487
le ton convenable. Nous oublions trop facilement
que
la Parole de l’Église n’est pas réservée seulement à nos « milieux ec
488
ux ecclésiastiques », mais à tous les hommes d’où
qu’
ils viennent, qui ont faim et soif de vérité, sans le savoir le plus s
489
ans le savoir le plus souvent. Il est grand temps
que
nous fassions en sorte que tous « ceux du dehors » puissent entrer, p
490
’être égarés dans un milieu où ils sont déplacés.
Que
nos Églises se préoccupent donc davantage d’être vraiment ouvertes à
491
gens, mais accueilli dans une maison de Dieu. Ce
que
je voudrais dire encore sur ce sujet est peut-être un peu délicat. C’
492
t est peut-être un peu délicat. C’est une requête
que
je présente comme laïque à nos pasteurs, avec l’espoir que les laïque
493
ésente comme laïque à nos pasteurs, avec l’espoir
que
les laïques de cet auditoire l’appuieront pratiquement dans leurs par
494
partie le problème du samedi soir… Encore faut-il
que
les paroissiens, à leur tour, acceptent que leur pasteur soit « simpl
495
ut-il que les paroissiens, à leur tour, acceptent
que
leur pasteur soit « simplement biblique », et ne jugent pas cela « tr
496
s ne sommes pas convaincants », disait le pasteur
que
je viens de citer. Nous ne sommes pas convaincants, ajouterai-je, qua
497
s cherchons à discuter, à prévenir des objections
que
la plupart des auditeurs n’auraient pas eu l’idée de faire. Comme laï
498
l’idée de faire. Comme laïque, je ne demande pas
qu’
on me persuade de croire, mais simplement qu’on nourrisse ma foi. J’at
499
pas qu’on me persuade de croire, mais simplement
qu’
on nourrisse ma foi. J’attends qu’on me parle avec une calme autorité,
500
mais simplement qu’on nourrisse ma foi. J’attends
qu’
on me parle avec une calme autorité, et non pas que l’on prenne au sér
501
u’on me parle avec une calme autorité, et non pas
que
l’on prenne au sérieux mes doutes éventuels. Notre génération n’est p
502
nvaincante. Tout ceci ne veut pas dire d’ailleurs
que
notre Église n’ait pas le droit d’aborder l’actualité sociale ou poli
503
chaire, à condition, je le répète et j’y insiste,
qu’
il ne s’agisse jamais des idées personnelles du pasteur ou de quelque
504
es personnelles du pasteur ou de quelque écrivain
qu’
il cite, mais du seul et unique point de vue de la Bible. En résumé, l
505
ise reste ou devienne une vraie communauté, c’est
que
l’Église ne parle pas le langage d’un seul groupe social, ou d’une se
506
eur X, pasteur ou même théologien célèbre, — mais
qu’
elle parle uniquement et simplement le langage de la Bible, qui appart
507
té, je la définissais tout à l’heure comme suit :
que
nos Églises aient le courage d’être franchement des Églises visibles
508
èverai pas ici le problème de l’épiscopat, encore
que
je sois persuadé qu’il se posera pour nous aussi un jour ou l’autre.
509
blème de l’épiscopat, encore que je sois persuadé
qu’
il se posera pour nous aussi un jour ou l’autre. Je ne parlerai pas no
510
lèveront peut-être de fortes objections contre ce
que
je vais dire. Je suis prêt à les écouter avec déférence. Mais je cher
511
qui me choque, mais le manque de sens liturgique
que
manifestent les essais tentés ici ou là, pour remédier à cette absenc
512
ce. Nous avons bien, de temps à autre, des cultes
que
nous appelons « liturgiques » et qui consistent en lectures bibliques
513
nir autrement… ce seul fait démontre à l’évidence
que
nous ignorons le sens et la portée de la liturgie véritable. Celle-ci
514
même défaut de sens liturgique : lorsqu’il arrive
qu’
on lise, au début d’un de nos cultes, une prière liturgique isolée, co
515
invariabilité. C’est grâce à cette invariabilité
que
le fidèle peut vraiment suivre le texte, dire en lui-même ses paroles
516
ouveau. C’est grâce à cette invariabilité, enfin,
que
la liturgie crée dans l’auditoire un sentiment de communion, ou de co
517
ution collective (l’assemblée debout chante : « Ô
qu’
heureux est celui dont la transgression est remise… Mon âme, bénis l’É
518
icité, et des plus justes aussi, de toutes celles
qu’
utilisent les différentes confessions chrétiennes. Je voudrais vous di
519
ous dire maintenant pour quelles raisons je pense
que
nos Églises suisses devraient se préparer à l’adopter, telle qu’elle
520
suisses devraient se préparer à l’adopter, telle
qu’
elle est. Il y a d’abord une raison générale. L’Église visible est aus
521
pirituelle. Il y a là une grande loi sociologique
qu’
on ne peut pas négliger sans risques graves. Tous les fondateurs de ré
522
ues graves. Tous les fondateurs de régimes savent
que
pour créer une communauté nouvelle, il faut créer des signes et des r
523
une proie facile pour les caricatures de liturgie
que
les païens viendront lui offrir un jour, et qui seront alors une tent
524
est plus spécifiquement chrétien. Je dirais même
qu’
il est d’ordre sermonnaire. Je m’explique. Imaginez une personne qui n
525
ter par ces détails. Ce qui est plus grave, c’est
que
le sermon, s’il n’est pas exceptionnellement bon, risque bien de la l
526
En sortant de là, elle ne saura pas exactement ce
que
nous croyons, elle pourra s’imaginer les choses les plus fausses. Ou
527
out autrement, si le culte débute par la liturgie
que
je viens de vous résumer. Cette liturgie, en effet, décrit d’abord da
528
étranger, peut savoir de quoi il s’agit. J’avoue
que
pour ma part, et je ne pense pas être le seul de mon espèce, j’éprouv
529
peut-être : le peuple suisse souffre d’un défaut
qu’
il me faut bien nommer le sans-gêne spirituel. Je ne sais pas si cela
530
pirituel. Je ne sais pas si cela provient du fait
qu’
on parle un peu trop facilement du Bon Dieu, chez nous, et qu’il subsi
531
un peu trop facilement du Bon Dieu, chez nous, et
qu’
il subsiste dans nos Églises pas mal de traces d’un piétisme affadi. J
532
s d’un piétisme affadi. Je n’oserais pas suggérer
que
nous tenons à rester démocrates et sans façon jusque dans nos relatio
533
s, à toutes les pages de notre Bible. Le fait est
que
nous manquons d’un certain respect religieux, de même que nous passon
534
steur remercier Dieu, du haut de la chaire, de ce
que
Dieu « nous a permis de lui parler tout simplement, d’homme à homme »
535
omme à homme »… Je reste persuadé, pour ma part,
que
nous devons plutôt parler d’homme à Dieu, et que nous ferions bien de
536
que nous devons plutôt parler d’homme à Dieu, et
que
nous ferions bien de nous pénétrer de cette vérité fondamentale et mê
537
et convenablement assis… Ne pensez pas, surtout,
que
ces questions d’attitude soient futiles, ou trahissent je ne sais que
538
aché de l’importance à ces choses-là, et je pense
qu’
elles avaient de bonnes raisons de le faire. Elles savaient qu’une cer
539
ent de bonnes raisons de le faire. Elles savaient
qu’
une certaine participation personnelle, physique même, au culte public
540
e et bon d’avoir une liturgie, comment se fait-il
que
nos Églises suisses soient les seules sur le continent qui croient po
541
sse devraient avoir à cœur ce rapprochement, plus
qu’
aucune autre Église au monde. Nos traditions fédéralistes devraient no
542
les quelques thèses — critiques et suggestions —
que
je viens d’esquisser devant vous. Je vous ai indiqué tout d’abord que
543
sser devant vous. Je vous ai indiqué tout d’abord
que
la situation actuelle exige de nos Églises un grand effort vers la co
544
blème de la liturgie, tant à nos bons théologiens
qu’
aux laïques, généralement ignorants de cette question, ou retenus par
545
roblèmes urgents et tout pratiques, — considérant
que
la malice des temps nous invite au travail plutôt qu’à l’éloquence.
546
la malice des temps nous invite au travail plutôt
qu’
à l’éloquence. 6. Manifeste de la Ligue du Gothard, juillet 1940.
547
de la Ligue du Gothard, juillet 1940. 7. On sait
que
l’organisation des premières Églises était telle que les évêques repr
548
l’organisation des premières Églises était telle
que
les évêques reprirent peu à peu pour leur compte les charges des gouv
549
s pas prendre position ici sur des problèmes tels
que
les prestations financières de l’État à l’Église, qui sont pour le mo
550
été plus souvent expliqué à lui-même et au monde
que
la Suisse. C’est qu’il en a besoin plus que nul autre. Sa devise est
551
liqué à lui-même et au monde que la Suisse. C’est
qu’
il en a besoin plus que nul autre. Sa devise est un paradoxe qu’il n’a
552
monde que la Suisse. C’est qu’il en a besoin plus
que
nul autre. Sa devise est un paradoxe qu’il n’a pas toujours bien comp
553
oin plus que nul autre. Sa devise est un paradoxe
qu’
il n’a pas toujours bien compris. Elle exclut en principe toute doctri
554
fédéraliste » un parti qui n’a d’autre programme
que
la défense des intérêts locaux contre le centre. Ceux qui se disent,
555
, « fédéralistes » ne sont souvent, je le crains,
que
des nationalistes cantonaux. Ceux qui insistent sur la nécessité de l
556
fédéral » ce qui procède de Berne. Il en résulte
que
leur fédéralisme se résume à combattre tout ce qui est dit fédéral. C
557
rt ou de bénéficier d’un traitement tout spécial,
que
nos autorités et nos journaux ne se lassent pas d’invoquer — comme si
558
forme quelconque d’union européenne ? Le fait est
que
nos voisins d’Europe comprennent de moins en moins notre neutralité.
559
t de moins en moins notre neutralité. Le fait est
que
les Américains ne la comprennent absolument pas, et que les Russes n’
560
s Américains ne la comprennent absolument pas, et
que
les Russes n’y croient pas plus qu’ils ne croient à nos libertés, et
561
ce n’est pas beaucoup dire. Il serait donc temps
qu’
en Suisse au moins, l’on essaie de comprendre un peu mieux les raisons
562
utralité suisse est devenue un tabou, aussi sacré
que
l’égoïsme. On refuse de la discuter, parce qu’on craint que cette dis
563
sme. On refuse de la discuter, parce qu’on craint
que
cette discussion n’aboutisse à des conclusions gênantes et n’oblige à
564
à des prises de position. On n’aime pas cela… Ce
qu’
on veut, c’est la paix chez soi et tant pis pour les voisins. Ce qu’on
565
la paix chez soi et tant pis pour les voisins. Ce
qu’
on veut, c’est faire du commerce avec tout le monde, sans se compromet
566
si vraiment notre neutralité n’était rien d’autre
que
ce que le Suisse moyen semble croire aujourd’hui, il ne faudrait pas
567
ment notre neutralité n’était rien d’autre que ce
que
le Suisse moyen semble croire aujourd’hui, il ne faudrait pas s’étonn
568
croire aujourd’hui, il ne faudrait pas s’étonner
qu’
elle impatiente de plus en plus le reste du monde. Comment les Suisses
569
l’histoire de notre neutralité, car je soupçonne
qu’
elle n’est pas bien connue de la plupart de nos contemporains. Aux ori
570
ns l’intérêt de l’Europe entière, au moins autant
que
pour lui-même. La première idée d’une neutralité négative des Confédé
571
L’expérience de la guerre de Trente Ans a montré
que
les cantons ne peuvent rester unis que s’ils s’abstiennent de prendre
572
s a montré que les cantons ne peuvent rester unis
que
s’ils s’abstiennent de prendre part aux guerres entre rois catholique
573
divisés entre les deux confessions. Mais ce n’est
qu’
en 1815 que la neutralité de la Suisse se voit proclamée, sanctionnée
574
re les deux confessions. Mais ce n’est qu’en 1815
que
la neutralité de la Suisse se voit proclamée, sanctionnée par les Pui
575
s, elle prend un aspect positif. On sait en effet
que
le traité de Vienne dit en tous termes que « la neutralité et l’invio
576
effet que le traité de Vienne dit en tous termes
que
« la neutralité et l’inviolabilité de la Suisse […] sont dans les vra
577
rance, l’autre pour l’Allemagne. Il était évident
que
notre neutralité dépendait donc, au début de ce siècle, du fameux « é
578
puissances fascistes, la Suisse ne dut son salut
qu’
à une chance extraordinaire, aidée par une armée solide et un terrain
579
et un terrain redoutable aux divisions blindées.
Qu’
en est-il aujourd’hui ? Tout est changé. Les conflits qui menacent d’é
580
l’Europe entière ? Sont-ils les mêmes aujourd’hui
qu’
il y a cent-cinquante ans, ou même qu’il y a dix ans ? Je ne le pense
581
aujourd’hui qu’il y a cent-cinquante ans, ou même
qu’
il y a dix ans ? Je ne le pense pas. Ce que les auteurs des traités de
582
u même qu’il y a dix ans ? Je ne le pense pas. Ce
que
les auteurs des traités de 1815 entendaient par l’intérêt de l’Europe
583
es, concorde qui ne semblait pouvoir être assurée
que
par l’équilibre entre les grandes puissances du continent. Il s’agit
584
face, personne n’a proposé une meilleure solution
que
l’union. « Les vrais intérêts de l’Europe entière », c’est donc tout
585
de l’Europe entière », c’est donc tout simplement
que
l’Europe devienne entière, qu’elle mette en commun toutes ses forces
586
nc tout simplement que l’Europe devienne entière,
qu’
elle mette en commun toutes ses forces pour relever son économie, son
587
ral, et pour assurer sa défense. Or, peut-on dire
que
l’attitude plus que réservée de la Suisse contribue sérieusement à pr
588
sa défense. Or, peut-on dire que l’attitude plus
que
réservée de la Suisse contribue sérieusement à promouvoir l’union ? P
589
sérieusement à promouvoir l’union ? Peut-on dire
que
la Suisse, en refusant de se risquer à Strasbourg, contribue à renfor
590
s, à quelques entreprises internationales, telles
que
l’OECE et l’Union des paiements. Mais c’était en réalité parce que no
591
ce plan général, il semble difficile de soutenir
que
la neutralité représente un apport positif à la fédération du contine
592
les cris ne sont pas des armes ! La vérité, c’est
que
la Suisse neutre est le seul pays d’Europe qui soit matériellement et
593
iques ou incrédules chez certains de nos voisins.
Qu’
ils comptent plutôt leurs divisions ! Nous en avons, je le crains, plu
594
urs divisions ! Nous en avons, je le crains, plus
qu’
eux tous réunis. Il n’y a qu’un seul coin de l’Europe qui soit sérieus
595
, je le crains, plus qu’eux tous réunis. Il n’y a
qu’
un seul coin de l’Europe qui soit sérieusement défendu, et le fait est
596
défendu, et le fait est, paradoxal mais évident,
que
ce petit coin, c’est la Suisse neutre. Quand l’armée de l’Europe comm
597
plan de défense unifié. Vous le voyez, la réponse
que
j’essaie de trouver n’est pas simple. Si l’effort militaire considéra
598
st pas simple. Si l’effort militaire considérable
que
nous impose notre statut de neutralité est une contribution réelle à
599
ve à l’égard de l’union nécessaire. À la question
qu’
on me pose de tous côtés : Êtes-vous pour l’abandon de notre neutralit
600
re posé, encore moins résolu, dans l’abstrait. Ce
qu’
il faut savoir tout d’abord, c’est pour quelle raison grande et forte,
601
renoncer à sa neutralité. Je réponds pour ma part
que
cela ne pourrait être qu’au profit de l’Europe entière, c’est-à-dire
602
Je réponds pour ma part que cela ne pourrait être
qu’
au profit de l’Europe entière, c’est-à-dire au profit de son union féd
603
n union fédérale, et de cela seul. Encore faut-il
que
cette union prenne forme, et qu’en son nom des questions très précise
604
. Encore faut-il que cette union prenne forme, et
qu’
en son nom des questions très précises nous soient posées. Cela viendr
605
er, nous poseront ces questions précises. Il faut
que
notre opinion soit prête à y répondre. Il ne faut pas que notre gouve
606
e opinion soit prête à y répondre. Il ne faut pas
que
notre gouvernement se trouve placé devant des options graves qu’il lu
607
rnement se trouve placé devant des options graves
qu’
il lui sera difficile de trancher, ne sachant pas ce que pense le peup
608
lui sera difficile de trancher, ne sachant pas ce
que
pense le peuple suisse. Il ne faut pas que l’histoire nous surprenne,
609
pas ce que pense le peuple suisse. Il ne faut pas
que
l’histoire nous surprenne, endormis dans la fausse sécurité d’une tra
610
l principe de jugement politique. Le voici : Tant
que
la neutralité de la Suisse se révèle utile à l’Europe — comme aujourd
611
l’Europe entière », et non pas comme un privilège
qu’
il n’y aurait plus à mériter. Elle est relative à l’Europe. Et ceux qu
612
s. Je me promets de revenir sur ce point capital,
que
personne encore n’a touché, tout au moins à ma connaissance. k. R
613
orts pour unir l’Europe se multiplient. Il semble
que
les obstacles qui s’opposent à une fédération européenne se font plus
614
stionnaire qui sera envoyé à quelques-uns de ceux
que
le problème préoccupe et nous ouvrons ainsi une rubrique où paraîtron
615
lle adopter en face de l’Europe unie ? À supposer
qu’
une fédération européenne se réalisât prochainement, dans quelle mesur
616
à M. Lasserre (mars-avril 1951)m n Je regrette
que
M. Lasserre ait simplifié ma thèse jusqu’à la déformer, et qu’il ait
617
re ait simplifié ma thèse jusqu’à la déformer, et
qu’
il ait apporté à sa réfutation moins de scrupule que d’humeur. J’avais
618
’il ait apporté à sa réfutation moins de scrupule
que
d’humeur. J’avais pourtant pris soin de souligner la complexité du pr
619
l’a pratiquement permise. M. Lasserre veut croire
que
je n’ai considéré que l’intérêt européen : c’est sa « grave erreur li
620
se. M. Lasserre veut croire que je n’ai considéré
que
l’intérêt européen : c’est sa « grave erreur liminaire ». J’ai nature
621
urope entière » parce que c’était par ce biais-là
que
je pouvais aborder le problème suisse, dans le cadre général de ma ch
622
efois bien léger de penser, ou de laisser croire,
que
ce propre intérêt soit seul en cause dans le jeu des forces politique
623
re temps ! Où donc ai-je soutenu « sans réserve »
que
la Suisse devrait subordonner sa politique à « l’intérêt des principa
624
incipaux États de l’Europe » ? J’ai dit seulement
que
si la Suisse un jour décidait de renoncer à sa neutralité, ce ne pour
625
de renoncer à sa neutralité, ce ne pourrait être
qu’
au profit de l’Europe entière et de son union fédérale ; et j’ai ajout
626
nion fédérale ; et j’ai ajouté : « Encore faut-il
que
cette union prenne forme. » Telle est ma thèse principale. Au surplus
627
rconstances ayant changé depuis dix ans. Demander
qu’
on discute un budget, ce n’est pas demander sa suppression. (On m’a fo
628
eux qui touchent un tabou.) Je m’étonne davantage
qu’
un professeur d’histoire puisse paraître assimiler la Russie de 1815 e
629
rsqu’il s’agit de leurs relations avec l’Europe ;
qu’
il tienne l’URSS — malgré elle ! — pour une puissance européenne ; qu’
630
— malgré elle ! — pour une puissance européenne ;
qu’
il fasse état, très sérieusement, de ce que l’OECE « reste ouverte » a
631
enne ; qu’il fasse état, très sérieusement, de ce
que
l’OECE « reste ouverte » aux pays de l’Est ; et qu’enfin tous les chi
632
e l’OECE « reste ouverte » aux pays de l’Est ; et
qu’
enfin tous les chiffres et proportions qu’il cite vers la fin de son a
633
st ; et qu’enfin tous les chiffres et proportions
qu’
il cite vers la fin de son article soient erronés, — ceci pour deux mo
634
tion, l’autre de fait. Tout d’abord, il est clair
que
je n’ai pas pu « confondre systématiquement » le Conseil de l’Europe
635
ontinent : le premier n’étant, comme chacun sait,
qu’
un effort encore hésitant vers la seconde. Ensuite : le Conseil de l’E
636
ition de M. Lasserre sur le fond du problème, tel
qu’
il est défini par les points IV et V de votre questionnaire ?o On voit
637
points IV et V de votre questionnaire ?o On voit
que
mes thèses l’irritent. Et puis après ? Tenter de me réfuter ne suppri
638
s la construction de l’Europe. C’est sur ce point
qu’
il eût été intéressant d’entendre l’historien respecté de Lausanne.
639
définies. Mais la morale ! Ce serait peu de dire
qu’
elle est en crise : on ne sait même plus très bien ce qu’elle est, ni
640
est en crise : on ne sait même plus très bien ce
qu’
elle est, ni où elle est, ce qu’elle peut ou doit dire encore, et au n
641
plus très bien ce qu’elle est, ni où elle est, ce
qu’
elle peut ou doit dire encore, et au nom de quoi. Le « moralisme de gr
642
encore plus mal vu chez les théologiens rigoureux
que
chez les jeunes gens en colère. De cette morale que l’on disait chrét
643
e chez les jeunes gens en colère. De cette morale
que
l’on disait chrétienne et qui se confondait, du moins par ses tabous,
644
enne et plus généralement bourgeoise-occidentale,
que
reste-t-il après la triple attaque convergente de la sociologie (surt
645
du siècle passé, mais radicalisée. D’une part, ce
que
l’on nomme aux États-Unis et en Grande-Bretagne la « théologie de la
646
se le fondement commun de toutes nos orthodoxies,
qu’
elles soient d’empreinte barthienne ou thomiste, et les notions mêmes
647
et le rendement des procédés et des conduites, —
qu’
il s’agisse de s’assurer contre l’imprévu ou au contraire de mieux cou
648
ons, ce n’est pas l’anarchie croissante des mœurs
que
nos vieux sages auront à déplorer, mais au contraire l’universelle et
649
ages, se lamenter sur la fuite du bon vieux temps
qu’
auront été les siècles de luttes passionnantes entre le « péché » et l
650
r exemple.) Les conséquences de cette situation —
qu’
il faut imaginer réalisées dans un avenir pas trop lointain (beaucoup
651
t global. Je me borne à relever ceci : à supposer
que
demain, ce soit un collège formé de généticiens, de psychologues, de
652
ai, sans débat, sans le moindre doute, on fait ce
qu’
a ordonné le médecin, au lieu de se débattre interminablement avec la
653
individuelles finalement. Pense-t-on, peut-être,
que
la morale tomberait alors dans de très mauvaises mains, serait en que
654
frayer beaucoup de ces observateurs, c’est l’idée
que
s’il devait en aller ainsi demain, les Églises et leurs clergés n’aur
655
: au soulagement général). Oserai-je vous avouer
que
si je tiens ces craintes pour justifiées quant aux faits, je ne les p
656
orter à presque tous les égards, plus d’avantages
que
d’inconvénients, tant pour la Société que pour l’Église elle-même. Au
657
antages que d’inconvénients, tant pour la Société
que
pour l’Église elle-même. Au lieu de livrer une longue bataille en ret
658
our tenter de sauver ce qui pourrait l’être de ce
qu’
on appelait « morale chrétienne », au lieu de se cramponner à un magis
659
es Églises ne feraient-elles pas mieux d’admettre
que
la compétence des savants et des praticiens en matière de psychologie
660
nalité et des maladies dites « sociales », etc. —
que
cette compétence dépasse largement la leur, et de plus en plus ; et q
661
épasse largement la leur, et de plus en plus ; et
que
les excès que l’on peut reprocher à certaines modes scientifiques (ce
662
nt la leur, et de plus en plus ; et que les excès
que
l’on peut reprocher à certaines modes scientifiques (certains dogmati
663
le du trop fameux Dr Tissot) qui ont joué le rôle
que
l’on sait dans la prédication, la cure d’âme et la littérature morale
664
fin du xviiie siècle et jusqu’à pas si longtemps
que
cela, en Suisse romande, si j’en crois mes souvenirs de jeunesse. Si
665
ne est à Dieu, vient de Dieu et conduit à Lui, ce
qu’
aucune morale ne pourra jamais faire, même si on la baptise « chrétien
666
crobaties théologiques. Je disais tout à l’heure
que
laisser le soin de la « morale » à César, c’est-à-dire aux sciences s
667
traditionnel, plein de contradictions intenables,
que
forment les préceptes du Décalogue et des sédimentations millénaires
668
t être présentés à la « Machine » avec un grand M
que
nous supposerons directrice ou correctrice de tous les « cerveaux aut
669
le d’un traitement logique, et ne pouvant aboutir
qu’
à une série infinie de zéros à la sortie des circuits. Dans cette soci
670
éros à la sortie des circuits. Dans cette société
que
je suppose en parfait ordre de marche, il devient à peu près impossib
671
, le droit à l’hérésie, si c’en est une de croire
que
le but de l’homme transcende tout conditionnement et tout asservissem
672
e qui est réputée nulle et vide. Chrétien en cela
qu’
il cherchera ce sens dans les voies de l’amour, qui implique l’existen
673
mour, qui implique l’existence des autres, plutôt
que
dans l’aventure solitaire du mysticisme, ou de la connaissance au sen
674
ront à la fois le contenu et les conditions de ce
qu’
il nommera sa « liberté ». Cela sera vu et ressenti comme un refus de
675
attitude de révolté à gilet rouge, mais le droit
qu’
on demande et qu’on prend de poser toujours et encore une question au-
676
lté à gilet rouge, mais le droit qu’on demande et
qu’
on prend de poser toujours et encore une question au-delà de toute rép
677
ute permission d’interroger. Ce droit de demander
que
ma vie ait un sens, même si je ne trouve ou ne reçois jamais de répon
678
en elle-même est mon sens provisoire, mon chemin
que
j’invente, que je crée à chaque pas à tâtons dans le noir et qui ne s
679
st mon sens provisoire, mon chemin que j’invente,
que
je crée à chaque pas à tâtons dans le noir et qui ne s’éclaire que so
680
que pas à tâtons dans le noir et qui ne s’éclaire
que
sous mes pas. C’est ainsi que je comprends le verset du psalmiste : «
681
et qui ne s’éclaire que sous mes pas. C’est ainsi
que
je comprends le verset du psalmiste : « Ta parole est une lampe à mes
682
ue et créatrice, dans le monde trop bien moralisé
que
nous préparent avec tant de zèle, de compétence, d’astuce technique l
683
ns. ⁂ Anticipant assez largement sur la situation
que
je viens de caractériser à grands traits, j’avais écrit dès 1945 — l’
684
que deux-cents pages intitulé La Morale du But ,
que
je n’ai pas encore publié, fort heureusement. En effet, depuis vingt
685
t légèrement majoritaires) de penser au contraire
qu’
elle peut contribuer à débrouiller un peu nos problèmes éthiques, en v
686
une modeste expérience, pour moi très importante,
que
j’ai faite au service militaire. Je vais vous lire ces deux pages iné
687
re. Je vais vous lire ces deux pages inédites, et
que
je ne compte pas modifier dans la version finale du livre. Elles sont
688
is les conseils d’ordonnance, et tirais aussi mal
que
possible. Car je me trouvais embarrassé de tant de recettes et d’ordr
689
mbarrassé de tant de recettes et d’ordres assénés
qu’
il me semblait, d’un exercice à l’autre, n’avoir fait de progrès que d
690
d’un exercice à l’autre, n’avoir fait de progrès
que
dans la découverte d’une maladresse naguère insoupçonnée. Je faisais
691
ladresse naguère insoupçonnée. Je faisais tout ce
que
l’on me prescrivait, et que je voyais faire aux autres. Je prenais av
692
e. Je faisais tout ce que l’on me prescrivait, et
que
je voyais faire aux autres. Je prenais avec soin le cran d’arrêt, blo
693
e. Cependant la date approchait du grand concours
que
l’on nommait « tir au galon ». Dans chaque unité, on poussait l’entra
694
nsez au noir. Ne pensez pas à votre main, ni à ce
que
fait l’index qui a pris le cran d’arrêt. Laissez-vous simplement hypn
695
essayer. Vous avez le noir ?… Vous ne voyez plus
que
le noir ?… » Je n’entendais plus rien. Le disque noir dansait, puis s
696
ensez au noir » —, elles ne devaient m’apparaître
qu’
après bien des années, à l’épreuve de bien d’autres anxiétés. Mais ce
697
ion des moyens et des fins. Je n’en tirai d’abord
que
des formules abstraites, mais dont je pressentais en toute confiance,
698
tes, mais dont je pressentais en toute confiance,
que
la vie où j’allais rentrer saurait les illustrer dans maints domaines
699
doit nous rejoindre et nous mouvoir. C’est du but
que
d’abord la force vient à nous, déclenchant le mouvement inverse, par
700
ns de l’atteindre et les oriente plus strictement
qu’
aucune méthode ou aucun précepte reçu. 3. Toute action efficace commen
701
et où ils sont vraiment dictés par elle. (Le fait
que
l’on invoque ce proverbe pour couvrir des tricheries évidentes ne lui
702
intrinsèque vérité.) (Plus tard, j’ai découvert
que
la secte bouddhiste du zen fait grand usage du Tir et de la méditatio
703
la cible), à avoir ce but en soi, de telle sorte
qu’
il arrive un jour à mettre une flèche dans le noir les yeux fermés, et
704
ssi). Partant de cette expérience, et des maximes
que
j’en déduis, je propose dans la suite du livre une distinction fondam
705
ion des conduites humaines. Je pose d’un côté ce
que
j’appelle les Règles du Jeu, l’ensemble des moyens de vivre. Et je po
706
s rites, des codes et conventions de toute espèce
qu’
une société se donne pour guider les conduites de ses membres. Cela va
707
et pratiques. Mais une analyse même rapide montre
que
beaucoup de conventions, comme celles des jeux, traduisent des réalit
708
ifier ; en revanche, quantité de préceptes moraux
que
tel peuple tient pour la traduction directe des réalités fondamentale
709
omiques, climatériques ou religieuses, de peuples
que
la Nature a fait semblables physiquement. Je me borne à mentionner ic
710
on a dit trop de mal des conventions, en ce sens
qu’
on en a dit seulement du mal, oubliant qu’elles sont réellement indisp
711
ce sens qu’on en a dit seulement du mal, oubliant
qu’
elles sont réellement indispensables à toute vie sociale, c’est-à-dire
712
nos morales religieuses ou profanes sous prétexte
qu’
elles ne sont que de « simples conventions », se trompent doublement :
713
ieuses ou profanes sous prétexte qu’elles ne sont
que
de « simples conventions », se trompent doublement : car premièrement
714
doublement : car premièrement, on peut démontrer
que
les règles et préceptes de toutes les morales humaines sont conventio
715
et deuxièmement, il n’y a rien de plus important
que
les conventions dans une culture, une civilisation, dans les relation
716
les hommes, ou même entre deux êtres, si frustes
qu’
ils soient. Reconnaître que les normes et prescriptions morales sont d
717
deux êtres, si frustes qu’ils soient. Reconnaître
que
les normes et prescriptions morales sont des conventions ne signifie
718
morales sont des conventions ne signifie donc pas
qu’
elles soient méprisables ou vaines, bien au contraire. De plus, l’assi
719
morales aux règles d’un jeu ne signifie nullement
qu’
il faille les prendre à la légère, ni qu’on montre beaucoup d’intellig
720
ullement qu’il faille les prendre à la légère, ni
qu’
on montre beaucoup d’intelligence en trichant avec elles : aux échecs,
721
ient aux règles et à rien d’autre. S’il est admis
que
les normes de la morale sont des règles d’un jeu, toute espèce de lax
722
mes conventionnelles adoptées par une société, et
que
l’on conviendra donc d’observer rigoureusement, comme on le fait des
723
t des règles d’un jeu, il faut souligner aussitôt
que
ces conventions ne sauraient être arbitraires. (Beaucoup de gens s’im
724
t être arbitraires. (Beaucoup de gens s’imaginent
que
les deux termes « convention » et « arbitraire » sont à peu près syno
725
nos Églises sont largement responsables) qui fait
que
l’on a peu à peu sacralisé au cours des âges et finalement considéré
726
n de choix pour cette confusion : il ne disposait
que
de la loi mosaïque et de son sommaire, le commandement sur l’amour de
727
es religions. De là aussi la confusion inévitable
que
j’ai dite, l’attribution à la « volonté de Dieu » ou à la Nature des
728
té de Dieu » ou à la Nature des choses de tout ce
que
la société juge indispensable à son bien : tantôt l’esclavage et tant
729
ître : ces scandales trop connus tiennent au fait
que
les Églises ont cru devoir édicter la morale de leur siècle, générale
730
résume cette partie de mon argument : 1. j’estime
qu’
il y a tout avantage à considérer les préceptes et codes de la morale
731
ur sa valeur en tant que personne. Il est entendu
que
si l’on fait une faute, si on touche la balle avec la main au footbal
732
, coups bas, etc.). La notion de péché n’apparaît
qu’
à partir du moment où se trouve posée la question de nos fins dernière
733
chemin qui va me conduire à la source de l’appel
que
j’ai cru percevoir, que je cherche à entendre, à capter de nouveau, p
734
re à la source de l’appel que j’ai cru percevoir,
que
je cherche à entendre, à capter de nouveau, pour qu’il me guide dans
735
ou si je l’invente en le suivant ? Il n’est créé
que
par l’appel, et n’existe que si je m’y engage, répondant à l’appel sa
736
vant ? Il n’est créé que par l’appel, et n’existe
que
si je m’y engage, répondant à l’appel sans penser à rien d’autre. Il
737
sonne encore n’a pu le suivre, puisqu’il n’existe
qu’
à partir de moi, et pour moi seul ! Cette unicité et singularité absol
738
ticulier, elles me mèneront sans doute aussi loin
qu’
on voudra et en toute sécurité, c’est bien utile et agréable, — mais j
739
i seul. Et dans tout cela je n’ai d’autre soutien
que
ma croyance par éclairs, ma « foi » dans l’existence de ce But qu’on
740
ar éclairs, ma « foi » dans l’existence de ce But
qu’
on ne peut voir et que personne n’a jamais vu. N’ayant d’autres moyens
741
dans l’existence de ce But qu’on ne peut voir et
que
personne n’a jamais vu. N’ayant d’autres moyens de répondre à son app
742
moyens de répondre à son appel, de le rejoindre,
que
ceux que me suggère, inexplicablement, ma foi en lui. C’est donc le B
743
e répondre à son appel, de le rejoindre, que ceux
que
me suggère, inexplicablement, ma foi en lui. C’est donc le But qui me
744
and je m’abandonne à l’élan, à l’attrait advienne
que
pourra, comme dans un saut… Dans ces moments, le But a dicté ses moye
745
aits et me les a donnés. Je disais tout à l’heure
que
la notion de péché n’a pas sa place dans le monde des règles du jeu,
746
s le monde de la vocation. Voici comment je crois
qu’
il faut l’entendre. Par rapport à la vocation humaine et générale de l
747
l’amour (sommaire de toute la Loi), il est clair
que
le péché en général est de faillir à l’amour, de le blesser, ou de le
748
ier, c’est ce qui m’empêche de répondre à l’appel
que
j’ai cru entendre, c’est le refus d’y croire sans preuve dont je puis
749
par quelque attitude intime, en travers du chemin
que
l’Appel, dans la nuit, crée ou jalonne pour moi seul. Mon péché, c’es
750
d’agir ma vocation. Et je découvre, à ce propos,
que
le mot désignant le péché en hébreu signifie littéralement « ce qui m
751
trop simplifié, beaucoup trop court pour tout ce
qu’
il prétend remuer, sans avoir indiqué au moins les principales objecti
752
avoir indiqué au moins les principales objections
que
je suis le premier à formuler contre mes thèses — et que j’examinerai
753
suis le premier à formuler contre mes thèses — et
que
j’examinerai sans pitié dans mon livre — mais j’aimerais indiquer aus
754
s j’aimerais indiquer aussi l’esprit des réponses
que
l’on pourrait tenter d’y faire. La dichotomie proposée entre les règl
755
nction fondamentale et radicale, pour paulinienne
qu’
elle soit sans doute — au moins par sa structure dialectique — il est
756
ins par sa structure dialectique — il est évident
qu’
elle provoque une série de questions, de doutes et de reproches hélas
757
e me dira (et il le dit en moi) : — Êtes-vous sûr
que
l’appel que vous croyez venu du Transcendant n’est pas tout simplemen
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t il le dit en moi) : — Êtes-vous sûr que l’appel
que
vous croyez venu du Transcendant n’est pas tout simplement l’expressi
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e des aides de la Révélation. — À quoi je réponds
que
le risque est très grand, je l’avoue, mais que les Églises qui croyai
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ds que le risque est très grand, je l’avoue, mais
que
les Églises qui croyaient dur comme fer que leur mission était de rég
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mais que les Églises qui croyaient dur comme fer
que
leur mission était de régler la conduite morale de nos peuples n’ont
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les vois patauger dans des domaines aussi vitaux
que
ceux de la contraception ou de la guerre, je me demande de quoi elles
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eils ou des ordres au moins aussi contradictoires
que
ceux qu’édictent les États, les Sciences, leurs branches spécialisées
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es ordres au moins aussi contradictoires que ceux
qu’
édictent les États, les Sciences, leurs branches spécialisées, et les
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gien me reprochera (et je ne suis pas du tout sûr
qu’
il ait tort) d’ouvrir les portes toutes grandes au subjectivisme intég
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des dont la psychose prend la forme d’une mission
qu’
ils affirment reçue de Dieu. — À quoi je pense qu’on doit répondre par
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qu’ils affirment reçue de Dieu. — À quoi je pense
qu’
on doit répondre par une vigilance redoublée dans l’examen des marques
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iance dans le Saint-Esprit. Je souligne seulement
que
les risques inverses, nés de l’exigence exclusive de ce que l’on nomm
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sques inverses, nés de l’exigence exclusive de ce
que
l’on nomme « objectivité scientifique », et qui évacue de la réalité
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gistré par la mémoire d’une machine électronique,
que
cet objectivisme-là est au moins aussi onéreux pour l’équilibre humai
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st au moins aussi onéreux pour l’équilibre humain
que
l’anarchie spiritualiste. Toute vie spirituelle authentique ne s’est-
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sme ? Un troisième théologien, prenant acte de ce
que
je ne crois pas du tout à une morale révélée, ni directement ni au tr
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et osez croire l’invraisemblable. Et c’est ainsi
que
vous trouverez aussi, chemin faisant, votre vrai moi. » Au sociologue
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dans un individualisme anarchisant, je répondrai
qu’
il a bien mal compris la définition de la personne : l’homme chargé pa
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sse, à faire grandement la moindre des choses, ce
qu’
il doit faire lui seul. (Et d’abord, à se faire lui-même, ajouterais-j
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qui devrait nous guider… » — je voudrais dire ici
que
la prière est le seul moyen que l’Évangile propose pour accorder au T
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voudrais dire ici que la prière est le seul moyen
que
l’Évangile propose pour accorder au Transcendant notre être intime, n
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areils allant d’un homme à Dieu. Mais je pressens
que
les objections les plus gênantes qu’on pourra me faire seront celles
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je pressens que les objections les plus gênantes
qu’
on pourra me faire seront celles que je n’ai pas prévues… Je les atten
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plus gênantes qu’on pourra me faire seront celles
que
je n’ai pas prévues… Je les attends de votre part et vous en dis d’av
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en loin des conclusions définitives et cohérentes
que
certains attendraient peut-être, mais dont je doute qu’aucun chrétien
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rtains attendraient peut-être, mais dont je doute
qu’
aucun chrétien puisse les donner. Les « païens » et l’Antiquité vivaie
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médications, régimes sociaux ou psychosomatiques
qu’
on ne remettra en question que pour trouver des certitudes du même ord
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ou psychosomatiques qu’on ne remettra en question
que
pour trouver des certitudes du même ordre, toujours plus précises et
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ues et au clergé de l’Église chrétienne, je pense
que
leur rôle spécifique et leur vocation générale consisteront plutôt à
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énérale consisteront plutôt à poser des questions
qu’
à tenter d’imposer des réponses ; à poser avant tout, en temps et hors
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stion, celle du Sens, celle du But. C’est tout ce
que
, pour ma part et selon mes moyens, j’aurais voulu vous faire entendre