1 1938, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). La vraie défense contre l’esprit totalitaire (juillet 1938)
1 — non sur des champs de bataille hypothétiques — que nous devons organiser nos résistances. ⁂ Le totalitarisme a triomphé
2 ant : 35 % des électeurs. Les fascistes n’étaient qu’ une très petite minorité. Comment s’imposèrent-ils ? Par la terreur. I
3 Comment ces crimes ont-ils pu se produire ? C’est que la police protégeait les fascistes contre les moindres réactions du p
4 ts. C’est donc à une complicité quasi universelle que le fascisme a dû de s’emparer de l’État. Un peu de civisme l’eût arrê
5 u de civisme l’eût arrêté. Sa force n’a été faite que de lâchetés accumulées, et de calculs dits « réalistes » d’une bourge
6 ’en repent peut-être aujourd’hui…2 Ne croyez pas que ce soit là une vue partiale et partisane de l’histoire : c’est la ver
7 pisode est symbolique, comme le prouve le rapport que fit à son sujet le chef fasciste de l’expédition. Il écrit en effet à
8 ntrale du Parti : « L’expédition de Sarzana n’est qu’ un épisode normal : il devait survenir dès que le fascisme aurait trou
9 à tenir bon » selon l’expression de l’Italien. Or qu’ est-ce qu’un homme décidé à tenir bon ? C’est un homme qui a conscienc
10 n » selon l’expression de l’Italien. Or qu’est-ce qu’ un homme décidé à tenir bon ? C’est un homme qui a conscience de ses r
11 e de loi historique : le totalitarisme n’est fort que dans la mesure où le civisme est faible ; il est fort des lâchetés in
12 in, s’il triomphe chez nous, sa puissance ne sera que la somme exacte de nos lâchetés particulières. L’exemple de Sarzana n
13 Or une telle bonne conscience ne saurait exister que là où existe l’autorité morale. Les fascistes ont été arrêtés à Sarza
14 ystique, tandis que les autres n’en avaient plus, que les fascistes n’ont pas rencontré de résistance sérieuse. De ces deux
15 r l’esprit de résistance civique. Et cela suppose que nous reprenions conscience de nos raisons de vivre dans la communauté
16 isons de vivre dans la communauté, et des devoirs qu’ impliquent nos libertés actuelles. Je le répète : la puissance du tota
17 te : la puissance du totalitarisme ne sera jamais que la somme exacte de nos lâchetés individuelles, c’est-à-dire de nos ég
18 s chez nous, répondons d’une manière plus humaine que les totalitaires, plus vraie aussi, et plus réellement totale. Mais c
19 nous l’avons vu, et seule une religion plus vraie que leurs mystiques saura nous indiquer les vraies fins de la lutte. Cons
20  : c’est ma patrie, et d’autre part, il se trouve que sa tradition politique est la plus proche du personnalisme. C’est don
21 u personnalisme. C’est donc à propos de la Suisse que je pourrai le mieux faire saisir la portée immédiate de ce que j’ente
22 i le mieux faire saisir la portée immédiate de ce que j’entends quand je parle de conscience civique. Lorsque l’Allemagne t
23 st la plus naturelle parce qu’elle n’est en somme qu’ un réflexe. Elle ne suppose aucun effort de l’esprit, aucune espèce d’
24 es armements. J’y vois le piège le plus dangereux que nous tendent les totalitaires. Plaçons-nous tout d’abord dans l’hypot
25 aires. Plaçons-nous tout d’abord dans l’hypothèse que seule la force matérielle peut résister à une menace totalitaire. La
26 a conséquence qui en découle immédiatement, c’est qu’ il faut nous armer jusqu’aux dents. Mais sommes-nous sûrs que le réarm
27 nous armer jusqu’aux dents. Mais sommes-nous sûrs que le réarmement massif profite aux nations pacifiques ? Sommes-nous mêm
28 te aux nations pacifiques ? Sommes-nous même sûrs qu’ il soit un avantage certain pour les nations qui glorifient la guerre 
29 ue d’ailleurs, d’occuper leurs chômeurs autrement qu’ en leur faisant fabriquer des obus. Beaucoup de personnes prétendent q
30 riquer des obus. Beaucoup de personnes prétendent que le désarmement créerait un chômage effrayant. Raisonnement bien curie
31 dicale, personne n’a jamais eu l’idée de proposer qu’ on donne la peste à toute la nation. Or c’est à peu près cela qu’on no
32 peste à toute la nation. Or c’est à peu près cela qu’ on nous propose : faire vivre le peuple avec ce qui doit le faire mour
33 rès au niveau du voisin, à perdre la mesure de ce qu’ il peut dépenser sans s’affaiblir. Les armements deviennent trop lourd
34 op lourds pour lui : ils le gêneront bientôt plus qu’ ils ne le protégeront. Un officier français résumait l’autre jour ce p
35 rosse, mais frappante : « Un 75 est plus puissant qu’ un revolver, disait-il, c’est entendu. Mais donnez-moi un revolver, vo
36 pour un petit pays comme le nôtre. Mais supposez que cette question soit résolue au mieux de nos possibilités de vie norma
37 ira maintenant d’utiliser les armes. Nul n’ignore que la guerre moderne est devenue la guerre totale. C’est dire qu’il n’y
38 moderne est devenue la guerre totale. C’est dire qu’ il n’y a plus de distinction entre civils et militaires, selon la doct
39 ine militaire implique la discipline politique ». Qu’ est-ce que cela signifie pratiquement ? Cela signifie que pour faire b
40 ire implique la discipline politique ». Qu’est-ce que cela signifie pratiquement ? Cela signifie que pour faire bloc contre
41 ce que cela signifie pratiquement ? Cela signifie que pour faire bloc contre le fascisme, sur le plan où il veut nous mettr
42 en puissances totalitaires. Avec cette différence que n’ayant pas vécu la révolution religieuse que représente le fascisme,
43 nce que n’ayant pas vécu la révolution religieuse que représente le fascisme, elles auront moins de dynamisme. Ainsi, sous
44 ont leurs raisons de vivre. Voici donc le dilemme que nous pose ce mimétisme totalitaire : ou bien la démocratie ne réussit
45 , sous prétexte de défense nationale. Or je crois que l’erreur qui aboutit à ce dilemme est la plus grave que nous puission
46 erreur qui aboutit à ce dilemme est la plus grave que nous puissions commettre en tant que Suisses, car elle menace l’exist
47 nification totalitaire d’un pays. Ou sinon, c’est qu’ elle est très mal préparée. Or ce processus est radicalement contraire
48 t à faire du nationalisme. Et il est aisé de voir que le nationalisme, en Suisse, signifierait bientôt le partage de notre
49 iche ! Si ce pays a succombé, ce n’est point tant qu’ il ait cédé à la menace militaire, d’ailleurs réelle ; c’est surtout,
50 t plus à sa valeur spirituelle, ou ne prouve plus qu’ il y croit, puisqu’il se met à copier le voisin, un tel État ne peut p
51 d’autrui. Nous ne pouvons compter sur cette aide que dans la mesure où nous sommes pour l’Europe quelque chose dont elle a
52 us laissera tranquilles, parce qu’on saura là-bas que nous ne sommes pas assimilables. Voilà la résistance civique et toute
53 tre l’armée ? Je serais contre elle si je croyais que dès maintenant nous sommes assez forts moralement devant l’Europe, po
54 Ce n’est pas le cas. Mais il n’en reste pas moins que notre tâche est de tout mettre en œuvre pour échapper au cercle de la
55 échapper au cercle de la guerre totale. Je crois que le seul moyen sérieux de résister à l’emprise totalitaire sur le plan
56 militaires, donc non totalitaires. Je ne dis pas que je les ai trouvées. Je dis que le salut serait de les trouver. La for
57 res. Je ne dis pas que je les ai trouvées. Je dis que le salut serait de les trouver. La force des totalitaires c’est d’ent
58 rtiers de roche. Je ne veux pas dire, évidemment, que nous devions nous défendre aujourd’hui encore avec des quartiers de r
59 encore avec des quartiers de roche ; je veux dire que la force du faible, c’est de refuser le jeu du fort, et de le déconce
60 e à l’assaillant. Elle lui fait perdre le soutien que lui donnerait l’opposition violente à laquelle il s’attend. Il se tro
61 me cet accord fondamental et prouve par ses actes qu’ il abandonne la méthode de lutte ancestrale, il n’est pas étonnant que
62 éthode de lutte ancestrale, il n’est pas étonnant que l’autre soit déconcerté, parce que ses instincts animaux ne lui dicte
63 olence en soi, mais bien de cette forme mécanique qu’ elle revêt dans la guerre moderne. Aussi bien, la page que je viens de
64 revêt dans la guerre moderne. Aussi bien, la page que je viens de citer ne propose-t-elle pas la non-résistance, mais au co
65 nouvelle. C’est à cette sorte de jiu-jitsu moral que nous devrions nous exercer. Si l’on y déployait le quart de l’énergie
66 le quart de l’énergie et de l’esprit de sacrifice qu’ on met ordinairement dans le métier des armes, il est certain qu’on ob
67 airement dans le métier des armes, il est certain qu’ on obtiendrait des résultats considérables. Il faut chercher. Et je ne
68 que des apôtres. Et pour qu’on n’aille pas penser que je préconise je ne sais quelle veule démission ou quel défaitisme uto
69 notre orgueil. Reconnaissons, Églises et fidèles, que si la pseudo-religion totalitaire triomphe aujourd’hui en Europe, c’e
70 totalitaire triomphe aujourd’hui en Europe, c’est que nous avons laissé les peuples sans commune mesure spirituelle. Nous a
71 païens russes et les païens racistes ont fait ce que nous refusions de faire. Ils l’ont fait mal, et contre nous. Ils repr
72 a méchanceté supposée d’un Hitler ou d’un Staline que nous devons attribuer tout le mal, mais aussi bien à la carence des c
73 er cette idole, et les raisons profondes du culte qu’ on lui rend. Or je distingue dans ces raisons plus d’angoisse que de m
74 Or je distingue dans ces raisons plus d’angoisse que de méchanceté. J’ai reçu cet hiver, d’un jeune nazi, une lettre signi
75 prix, fût-ce à quelque chose d’aussi peu croyable que l’immortalité d’un peuple ?… Or l’angoisse n’appelle pas la haine, ma
76 de la propagande totalitaire. Tout cela n’exprime qu’ un sentiment d’infériorité collective, un manque de foi réelle qui se
77 ie serait déjà une complicité. Ce n’est pas ainsi que je conçois la charité. Quand les Romains adoraient leur empereur, les
78 Nous aussi nous devons rire des idoles colossales qu’ on nous vante. Quand je vois les trois dictateurs qui font les gros ye
79 ’impertinence. Il imagine un certain oncle à lui, qu’ il appelle l’abbé Bazin. « Cet abbé mourut, nous dit-il, persuadé que
80 é Bazin. « Cet abbé mourut, nous dit-il, persuadé que tous les savants peuvent se tromper et reconnaissant que l’Église rom
81 s les savants peuvent se tromper et reconnaissant que l’Église romaine est infaillible. L’Église grecque lui en sut très ma
82 « Allez, ne vous attristez pas. Ne voyez-vous pas que je vous crois infaillible vous aussi ? » Toutefois le scepticisme n’e
83 iques idolâtres, c’est un adversaire plus sérieux que les canons et que les railleries. C’est le seul adversaire irréductib
84 ’est un adversaire plus sérieux que les canons et que les railleries. C’est le seul adversaire irréductible, — et pourtant
85 e condamnons pas des peuples, encore une fois. Ce que nous condamnons, ce sont des solutions et des doctrines au nom desque
86 re totalitaire la vérité totale, qui n’appartient qu’ à Dieu. C’est dans la mesure où nous ordonnerons nos vies à cette véri
87 erons nos vies à cette vérité-là, à elle d’abord, que nous pourrons prétendre apporter une réponse qui satisfasse aux vrais
88 ou de l’aryen blond. C’est par cette seule mesure que nous pourrons devenir des personnes libres et responsables. Libres po
89 es libres et responsables. Libres pour obéir à ce qu’ elles ont accepté pour vocation, et responsables de cette vocation dev
90 presque totale de la société. Nous ne sommes plus qu’ une poussière de petits individus, impuissants, isolés, anxieux. Allon
91 e ne l’est pas moins. Il dépend en partie de nous que nous trouvions la solution de l’éternel problème individu-communauté.
92 et engagé, autonome et pourtant solidaire. Celui que j’appelle l’homme total. Je ne sais si nous réussirons, mais nous aur
93 e l’ordre établi ». C’est bien touchant. Voici ce que dit à leur sujet la revue fasciste Gerarchia, dirigée par le propre n
94 se convaincre, et nous les convaincrons bientôt, que la charge du problème social est désormais sur nos épaules, et qu’ils
95 problème social est désormais sur nos épaules, et qu’ ils feront mieux d’avoir peur de nous que du communisme. » a. Rougem
96 ules, et qu’ils feront mieux d’avoir peur de nous que du communisme. » a. Rougemont Denis de, « La vraie défense contre l
2 1939, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Nicolas de Flue et la Réforme (août 1939)
97 olaire. Nous n’avons guère retenu de son histoire que l’image d’un ermite à longue barbe qui rétablit la paix civile entre
98 ent avec amour le souvenir du solitaire du Ranft, que Rome a dès longtemps béatifié, et que la vénération du peuple, surtou
99 e du Ranft, que Rome a dès longtemps béatifié, et que la vénération du peuple, surtout dans les petits cantons, a déjà mis
100 e, de ses visions, et même parfois des prophéties qu’ on lui attribue sur la Réforme et ses « innovations ». Une suite de ha
101 le Bienheureux, ce ne fut pas sans émerveillement que j’entrevis la réalité historique du personnage. À tel point que je n’
102 la réalité historique du personnage. À tel point que je n’hésitai pas à en faire le sujet d’un drame, qui sera représenté
103 ont bien voulu me le faire sentir. Il m’a semblé que je devais aux uns et aux autres une brève explication, dont l’intérêt
104 personnelle. Il m’est apparu, en effet, à mesure que j’avançais dans mon travail, que la figure de Nicolas de Flue pouvait
105 effet, à mesure que j’avançais dans mon travail, que la figure de Nicolas de Flue pouvait revêtir pour les Suisses d’aujou
106 Au pape d’Avignon, au pape de Rome, à l’antipape qu’ on avait tenté de leur opposer — et tous les trois s’excommuniaient ré
107 les trois s’excommuniaient réciproquement, ainsi que leurs fidèles, en sorte que toute la chrétienté se vit alors frappée
108 bûcher au mépris de la parole donnée. Il semblait que la chrétienté se regroupait, non sans résignation, autour du siège de
109 ui-même — qui est la forme de sa destinée. Notons que ce capitaine, puis ce juge, puis ce père de famille — il aura dix enf
110 s cet extérieur équilibré, et malgré l’apaisement que devraient lui donner les pratiques d’une extrême dévotion, ses proche
111 ué sa vocation de prêtre, — déçu par les exemples qu’ il avait sous les yeux. Peut-être aussi rêve-t-il comme tout son siècl
112 e. Alors commence la vie de solitude et d’oraison que toute l’évolution intérieure de Nicolas semblait appeler comme une fi
113 enfance, se réalise : Nicolas s’aperçoit soudain qu’ il peut se passer de manger ! Une fois par semaine il s’en va communie
114 s pu prendre en défaut le « Frère Claus » — ainsi qu’ on l’appelle désormais. Et sa légende se répand, en Suisse d’abord, pu
115 car son conseil est si puissant parmi les Suisses qu’ on a coutume de s’adresser d’abord à lui lorsqu’il faut négocier un tr
116 ui lorsqu’il faut négocier un traité. C’est ainsi que le solitaire conseille aux Suisses de se montrer prudents dans l’affa
117 s du partage. Les choses s’enveniment à tel point qu’ en l’année 1486, quinze assemblées de la Diète des cantons n’ont pas s
118 a jamais — de quel message Nicolas l’a chargé. Ce que l’on sait, par ce qu’attestent les documents les plus formels, c’est
119 sage Nicolas l’a chargé. Ce que l’on sait, par ce qu’ attestent les documents les plus formels, c’est qu’à l’aube, le curé r
120 u’attestent les documents les plus formels, c’est qu’ à l’aube, le curé redescendu à Stans parvint à réunir les députés, et
121 l’ermite eût donné l’idée ? Il me paraît probable que l’autorité de Nicolas sur ses compatriotes suffit à calmer les esprit
122 possibles. Quoi qu’il en soit, la Diète proclama que si la paix avait été sauvée, et avec elle le sort de la fédération, o
123 ion de l’ermite du Ranft. (Remarquons à ce propos que la seule chose que tout le monde sache de Nicolas, est en réalité la
124 Ranft. (Remarquons à ce propos que la seule chose que tout le monde sache de Nicolas, est en réalité la seule qu’il n’ait p
125 e monde sache de Nicolas, est en réalité la seule qu’ il n’ait pas faite : sa venue en personne à la Diète, et le discours q
126 : sa venue en personne à la Diète, et le discours qu’ il y aurait prononcé !) La piété du Frère Claus Ce résumé d’une
127 à nous faire partager cette espèce de vénération que lui vouèrent les hommes du xve siècle. Mais on peut craindre aussi q
128 ommes du xve siècle. Mais on peut craindre aussi que l’essentiel de la personne nous échappe, si nous nous limitons au sav
129 ous nous limitons au savoir historique. J’entends qu’ il est très difficile, sur les documents qui nous restent, de nous fai
130 otre foi. La tendance la plus apparente est celle que les catholiques mettent surtout en valeur de nos jours : la dévotion
131 u Bienheureux. Toutefois, je ne puis me persuader qu’ il ait été décisif dans sa vie. Si l’on considère d’une part la sainte
132 l’on considère d’une part la sainteté des œuvres qu’ il pratique et d’autre part les troubles de conscience qui ne cessent
133 ute son âme, s’acquérir la sainteté par les voies qu’ ordonnait l’Église ; mais loin d’y trouver l’apaisement, il sentait cr
134 ai été attaché avec zèle aux lois papistes autant que n’importe qui, et je les ai défendues avec grand sérieux comme sainte
135 s et autres exercices, en macérant mon corps plus que tous ceux qui aujourd’hui me persécutent, parce que je leur enlève la
136 justifier… J’imposais à mon corps plus d’efforts qu’ il n’en pouvait fournir sans danger pour la santé… Tout ce que je fais
137 ouvait fournir sans danger pour la santé… Tout ce que je faisais, je le faisais en toute simplicité, par pur zèle et pour l
138 e et pour la gloire de Dieu. Toute ma vie n’était que jeûnes, veilles, oraisons, sueurs…  Et plus tard Luther ajoute : Ma
139 il pas davantage un Nicolas de Flue, jeûnant plus que de raison dès son enfance, et au-delà de toute « discrétion » imagina
140 nt ses vingt dernières années ? Ce rapprochement, que je ne puis qu’esquisser, nous mettrait-il en mesure de deviner la rai
141 rnières années ? Ce rapprochement, que je ne puis qu’ esquisser, nous mettrait-il en mesure de deviner la raison spirituelle
142 de deviner la raison spirituelle des inquiétudes que nourrit Nicolas jusqu’à sa cinquantième année ? Toutes proportions ga
143 Ce serait ainsi par son aspect le plus catholique que nous pourrions précisément saisir, dans la piété de Nicolas, les élém
144 uteurs catholiques eux-mêmes indiquent en passant qu’ il se montrait des plus sévères pour les abus et les trahisons du cler
145 ésiastiques sont choses si courantes au Moyen Âge qu’ il serait imprudent d’y chercher un trait spécifique de la spiritualit
146 ne de Sienne, un Gerson, un Tauler, pour ne citer que des catholiques célèbres et indiscutables, avaient avant Jean Huss, a
147 e vivre en dehors des cadres de l’Église, volonté que Nicolas a toujours affirmée, non seulement en refusant de devenir prê
148 de érémitique d’ailleurs pleine d’activité autant que de contemplation3, je pense qu’il faut la rattacher surtout à une tro
149 d’activité autant que de contemplation3, je pense qu’ il faut la rattacher surtout à une troisième tendance, la plus importa
150 eux, celle de la mystique germanique. Nous savons que par sa mère et par certains amis de celle-ci, tel le curé Matthias Ha
151 de Tauler, et par eux, de Maître Eckhart. On sait que Luther, de son côté, fut assez fortement influencé par ces mêmes doct
152 e de cet environnement spirituel, et des contacts qu’ il dut avoir avec certains Amis de Dieu. Lorsqu’il quitta sa femme et
153 Hattinger lui avait parlé ? Et la première visite qu’ il reçut au Ranft ne fut-elle pas précisément celle d’un pèlerin « ami
154 piété germanique », de forme proprement mystique. Qu’ il suffise d’indiquer qu’elle représentait, face à l’Église établie, u
155 rme proprement mystique. Qu’il suffise d’indiquer qu’ elle représentait, face à l’Église établie, une aspiration vers la vie
156 s le préserva des excès de la secte — c’est ainsi qu’ il ne rompit jamais avec l’Église, tout en gardant ses distances — mai
157 distances — mais d’autre part, il est indéniable que ses propos et son action relèvent directement de cette espèce de réac
158 pèce de réaction intérieure au formalisme romain, qu’ ont représenté les Amis de Dieu. Et l’on conçoit que ce mouvement, rec
159 ’ont représenté les Amis de Dieu. Et l’on conçoit que ce mouvement, rectifié et rendu plus sobre par la connaissance direct
160 Réforme luthérienne et zwinglienne. (Tout de même que le mouvement assez voisin des Vaudois, ou Pauvres de Lyon, se confond
161 des deux grands recueils de documents sur Nicolas que publiait, au lendemain de la guerre, Robert Dürrer, historien du cant
162 ld. C’est une véritable somme critique de tout ce que la tradition nous a livré concernant le pacificateur de la Suisse. On
163 . C’est sans aucun doute à cette dernière qualité que nous devons de pouvoir redécouvrir aujourd’hui, malgré certain accapa
164 as de Flue par l’Église romaine, la signification qu’ il eut, en fait, pour les premières générations de la Réforme. Ce n’es
165 a Réforme. Ce n’est pas sans un joyeux étonnement que je suis tombé, dans Dürrer, à peine les gros volumes ouverts, sur une
166 sans un léger mouvement de triomphe, je l’avoue, que j’ai trouvé ce fait, très généralement ignoré : les premiers drames m
167 réjouir en elles-mêmes, mais attestent néanmoins qu’ à cette époque, la conscience populaire n’hésitait pas à ranger Nicola
168 de garder la foi de leurs pères, Zwingli réplique que les réformés sont les véritables disciples du solitaire, puisqu’ils o
169 e) ; d’Ulrich Campell, pasteur de Coire. Ajoutons qu’ en 1585, une délégation des cantons réformés se rendit en pèlerinage a
170 uvenir du Frère Claus ». Quant à la petite prière que je citais plus haut (Gebetlein), elle avait été connue et publiée d’a
171 à ceci : « Man solle auff unsserm myst bleiben » ( Que chacun reste sur son fumier !). Vous feriez mieux de le croire et de
172 que des cantons catholiques. On sait d’autre part que l’archiduc Ferdinand II d’Autriche fit rechercher en 1570 dans toutes
173 pièce la plus importante de cette série est celle que fit jouer à Bâle, en 1550, le protestant Valentin Boltz. Elle était i
174 sentation demanda « deux jours pleins ». Ce n’est qu’ en 1586 que les catholiques se décidèrent à aborder eux aussi ce magni
175 emanda « deux jours pleins ». Ce n’est qu’en 1586 que les catholiques se décidèrent à aborder eux aussi ce magnifique sujet
176 mais on est frappé de constater une fois de plus que seule la piété d’allure monacale du Frère Claus y est mise en valeur,
177 le libelle de Luther sur la « vision des épées », que Nicolas avait fait peindre au mur de sa cellule. Luther l’interprétai
178 is quel « parti de la Réforme » ! Elles ne visent qu’ à faire mieux connaître une grande figure que trop de protestants igno
179 sent qu’à faire mieux connaître une grande figure que trop de protestants ignorent, et qu’ils ignorent le plus souvent du s
180 rande figure que trop de protestants ignorent, et qu’ ils ignorent le plus souvent du simple fait que les catholiques l’exal
181 et qu’ils ignorent le plus souvent du simple fait que les catholiques l’exaltent. Tel est l’esprit de parti, même parmi les
182 est l’esprit de parti, même parmi les chrétiens ! Que de richesses les réformés n’ont-ils pas laissé perdre de la sorte, et
183 ère Claus aux catholiques — il ne peut leur faire que du bien — mais de le rendre aussi aux protestants, comme une part de
184 fédéral paraît renaître parmi nous, il m’a semblé que la vie du Frère Claus prenait une valeur de symbole, et non seulement
185 nt les cantons en rappelant aux « régionalistes » que notre État est d’abord une union, cependant qu’il rappelle aux « cent
186 on, cependant qu’il rappelle aux « centralistes » que le bien de tous suppose le bien de chacun ; Nicolas témoin de la foi
187 encore extérieurement unie, — voilà bien l’homme que tous à leur manière peuvent saluer comme l’ancêtre commun, et j’ajout
188 parrain de cette « défense spirituelle du pays » que nous devons approuver comme chrétiens, si nous ne voulons que d’autre
189 ons approuver comme chrétiens, si nous ne voulons que d’autres s’en emparent. 3. Ce trait sera relevé et souligné plus t
3 1940, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). La bataille de la culture (janvier-février 1940)
190 culture (janvier-février 1940)c d Le fait même que nous éprouvions tous un doute sur l’opportunité d’une conférence en t
191 ps de guerre, ce fait est significatif. Il prouve que nous tenons la culture pour quelque chose d’un peu moins sérieux que
192 culture pour quelque chose d’un peu moins sérieux que l’action, ou que la guerre, par exemple, ou simplement que la défense
193 que chose d’un peu moins sérieux que l’action, ou que la guerre, par exemple, ou simplement que la défense nationale. Or je
194 ion, ou que la guerre, par exemple, ou simplement que la défense nationale. Or je vois là le signe très certain d’une crise
195 ure en Occident. Je voudrais vous montrer ce soir que cette crise n’est pas théorique ; qu’elle a des conséquences pratique
196 rer ce soir que cette crise n’est pas théorique ; qu’ elle a des conséquences pratiques ; qu’elle est l’une des origines de
197 héorique ; qu’elle a des conséquences pratiques ; qu’ elle est l’une des origines de la présente guerre ; et que cette guerr
198 est l’une des origines de la présente guerre ; et que cette guerre n’est, en fin de compte, malgré tous ses prétextes matér
199 n de compte, malgré tous ses prétextes matériels, qu’ un épisode tragique d’une bataille bien plus vaste, la millénaire bata
200 est très tentant, je l’avoue, et aujourd’hui plus que jamais. C’est malgré tout un procédé de propagande de guerre. Un fame
201 sait un jour : Tout ce qui n’est pas aussi simple qu’ une gifle ne vaut rien pour la guerre. Grâce à Dieu, nous sommes encor
202 qui les menacent. S’ils sont malades, ils pensent que c’est la faute d’un objet maléfique, ou d’un sorcier, ou d’un esprit
203 tianisme, s’est efforcée de nous faire comprendre que la vraie cause de nos malheurs est presque toujours en nous-mêmes. Il
204 ujours en nous-mêmes. Il faut reconnaître, hélas, que cette éducation n’a pas merveilleusement réussi. Nous persistons tous
205 l’anéantir pour nous en délivrer. Car la tendance qu’ il personnifie à nos yeux, elle existe en nous aussi, et elle pourrait
206 e sérieusement, pour nous défendre, c’est en nous qu’ il s’agit de l’attaquer, et avant tout, de la reconnaître. Disharmo
207 our la paix. Mais l’état de notre culture est tel que l’invention sera utilisée pour détruire cette paix, précisément, que
208 a utilisée pour détruire cette paix, précisément, que le prix devait couronner. Et le chimiste pacifique verra retomber sur
209 poser et ensuite de se lamenter. Il faut voir ce que signifie une si cruelle disharmonie, quelles sont ses causes, et s’il
210 èdes. Car il ne serait pas suffisant de n’accuser que la méchanceté des hommes : c’est l’esprit même de la culture moderne,
211 ever le niveau général du confort. Or chacun sait que les résultats pratiques du machinisme ne sont pas d’augmenter les loi
212 les loisirs, mais bien d’augmenter le chômage, et qu’ au lieu d’élever le niveau général, l’industrie a créé d’immenses mass
213 e ses collègues. Était-il vrai, lui demandait-on, que sa banque finançât la guerre des Japonais contre Shanghai ? Il répond
214 guerre des Japonais contre Shanghai ? Il répondit que c’était vrai. — Mais alors, n’êtes-vous pas torturé par la pensée que
215 Mais alors, n’êtes-vous pas torturé par la pensée que votre argent contribue à prolonger un massacre ? — Nullement, répondi
216 massacre ? — Nullement, répondit-il. Car tout ce que j’ai à voir, ce sont deux colonnes de chiffres, dont la balance est f
217 Cette absence d’un principe d’unité est si totale qu’ on ne la ressent même plus comme un scandale. Elle est devenue toute n
218 us parler aurait eu beaucoup de peine à concevoir qu’ il y avait disharmonie, contradiction, entre son comité de bienfaisanc
219 -même, pour des raisons dont il ne remarquait pas qu’ elles étaient sans commune mesure. Au moraliste qui s’indignait, il au
220 ste qui s’indignait, il aurait simplement répondu que les affaires sont les affaires. On ne peut pas additionner des chiffr
221 e fondamental de la mentalité moderne. C’est plus qu’ un dogme, c’est une croyance spontanée et universelle. Et ses effets s
222 e. Et ses effets sont si nombreux, si quotidiens, qu’ on finit par ne plus les voir. Il est admis, dans notre société, que l
223 plus les voir. Il est admis, dans notre société, que les hommes de la pensée n’ont rien à dire d’utile aux hommes de l’act
224 xemple, tout le monde trouve parfaitement naturel que la pensée abdique sa liberté et se soumette aux besoins de l’action,
225 d’acheter des livres : c’est la première économie que l’on fera. De même qu’en temps de restrictions alimentaires on trouve
226 de villes énormes, dix ou cent fois plus grandes que celles qu’on connaissait auparavant. Ainsi Berlin passe, en un demi-s
227 énormes, dix ou cent fois plus grandes que celles qu’ on connaissait auparavant. Ainsi Berlin passe, en un demi-siècle, de 2
228 démesurées, là où l’on ne connaissait auparavant que des groupements organisés autour de petites entreprises. Les richesse
229 es richesses, elles aussi, se sont tant agrandies qu’ elles ont échappé aux regards : elles sont devenues chiffres abstraits
230 urs étranges, qui paraissaient aussi mystérieuses que celles des monstres antédiluviens. La population de l’Europe a plus q
231 s antédiluviens. La population de l’Europe a plus que doublé en cent ans, ses richesses ont été décuplées, sa production in
232 tion entière. Voici donc, dans tous les domaines, que nos pouvoirs d’agir matériellement grandissent, par une mutation brus
233 mutation brusque, dans la proportion de 1 à 100. Que va faire la pensée, en présence de cet essor fulgurant de l’action ?
234 présence de cet essor fulgurant de l’action ? Et que va faire la culture ? Il semble que la société devienne trop gigantes
235 l’action ? Et que va faire la culture ? Il semble que la société devienne trop gigantesque pour être dominée d’un seul rega
236 maîtriser les rouages. On ne sait pas du tout ce que vont produire ces capitaux énormes qu’on accumule à tout hasard. On n
237 du tout ce que vont produire ces capitaux énormes qu’ on accumule à tout hasard. On ne sait pas du tout comment vont réagir
238 i d’aucune mesure humaine, ils ne pouvaient créer qu’ une vie fausse, une vie mauvaise, antihumaine. C’eût été le rôle des h
239 umaine. C’eût été le rôle des hommes de la pensée que d’avertir les hommes d’action. Ils avaient là une chance et un devoir
240 nger, ils ont eu peur de le prévoir. Et c’est ici que nous allons découvrir le grand ennemi de la culture ; c’est chez les
241 ture ; c’est chez les philosophes et les penseurs qu’ il s’est d’abord manifesté. Et je le nommerai : l’esprit de démission,
242 i s’édifiaient, en présence des énormes questions que posaient ces énormes pouvoirs, les penseurs et les philosophes du der
243 dernier siècle, dans leur ensemble, n’ont répondu que par la fuite, et par ce qu’ils appelaient le désintéressement de la p
244 semble, n’ont répondu que par la fuite, et par ce qu’ ils appelaient le désintéressement de la pensée. Ils ont renoncé à leu
245 rhétorique sur le Progrès. Merveilleuse doctrine que celle-là ! Car en somme elle justifie tout, endort l’esprit et le dis
246 st l’opium du peuple, disait Marx. Je lui réponds que sa croyance au Progrès est l’opium de la culture. S’il fallait résume
247 rieuses aux penseurs du xixe siècle ! Il n’y eut que Kierkegaard et Nietzsche pour protester du fond de leur solitude. Kie
248 rituel ou culturel. Tout cela parce qu’on pensait que le Progrès était sain, juste et infaillible, et que la seule tâche sé
249 e le Progrès était sain, juste et infaillible, et que la seule tâche sérieuse était de gagner de l’argent en attendant que
250 sérieuse était de gagner de l’argent en attendant que les choses s’arrangent d’elles-mêmes. Or, en réalité, rien ne s’est a
251 Décadence de la communauté Je préciserai ce que j’appelle ici la commune mesure d’une civilisation : c’est le princip
252 s, l’action obéissait spontanément aux mêmes lois que la pensée. Mais aujourd’hui que la Loi des Juifs, le droit et la théo
253 nt aux mêmes lois que la pensée. Mais aujourd’hui que la Loi des Juifs, le droit et la théologie sont méprisés ou ignorés,
254 la théologie sont méprisés ou ignorés, maintenant que tout, dans le monde, échappe aux prises de l’esprit humain, il ne res
255 chappe aux prises de l’esprit humain, il ne reste qu’ un seul principe pour mesurer la valeur de nos actes : c’est l’Argent.
256 e charge de tout mettre au pas. Le malheur, c’est que l’Argent et l’État sont des principes qui ne valent rien dans le doma
257 ement, s’asservit. Je vous en donnerai un exemple que chacun de vous peut vérifier quotidiennement. Le fondement et le symb
258 ndaient sur le sens de certains mots fondamentaux que j’appellerai les lieux communs. C’était sur la base de ces mots défin
259 la base de ces mots définis une fois pour toutes que les échanges d’idées pouvaient se produire sans erreur ni malentendu.
260 donc à la base de toute la vie sociale du siècle. Que sont-ils devenus parmi nous ? Prenons trois mots parmi les plus fréqu
261 re époque : esprit, liberté et ordre. Je constate que le mot esprit a déjà vingt-neuf sens différents dans le dictionnaire
262 sont exactement définis. Ce qui est grave, c’est qu’ à ces vingt-neuf sens, nous en avons ajouté d’autres sur lesquels plus
263 ivité révolutionnaire des créateurs. Si j’affirme que mon but est de sauver l’esprit, le marxiste en déduira que je néglige
264 ut est de sauver l’esprit, le marxiste en déduira que je néglige la vie concrète, que je m’évade dans le spiritualisme, alo
265 rxiste en déduira que je néglige la vie concrète, que je m’évade dans le spiritualisme, alors que je ne vois de salut pour
266 isme, alors que je ne vois de salut pour l’esprit que dans la présence effective de la pensée et de la foi à toutes les mis
267 simplement la permission de dire à haute voix ce que l’on pense. Et quand ces trois pays se feront la guerre, ils la feron
268 signifiera tantôt le statu quo social, si absurde qu’ il soit, tantôt l’établissement d’une hiérarchie nouvelle au prix d’un
269 qui critiquent le désordre établi, tantôt le fait qu’ on n’assassine plus dans la rue mais seulement dans les prisons d’État
270 n chargeaient. Puis ce furent les écrivains. Mais que peuvent-ils dans notre monde démesuré ? Un Valéry, un Gide ou un Clau
271 ons d’hommes, et c’est tout un domaine du langage que l’écrivain ne contrôle pas, ne forme pas, n’atteint même pas. Ainsi s
272 Alors les écrivains, qui n’ont pas d’autres armes que les mots, se voient privés de tout moyen d’agir. Leurs conseils, leur
273 hommes échangent des paroles en plus grand nombre que jamais, et ne se disent rien qui compte. Or quand la parole se détrui
274 a parole se détruit, quand elle n’est plus le don qu’ un homme fait à un homme, et qui engage quelque chose de son être, c’e
275 ar an, selon les besoins de la cause. C’est ainsi que tout récemment le ministre d’une grande puissance, le camarade Moloto
276 grande puissance, le camarade Molotov, déclarait que le mot d’agression avait changé de sens depuis ce printemps, « les év
277 pty d’un ton méprisant, il signifie exactement ce que je veux qu’il signifie… ni plus ni moins. — La question est de savoir
278 méprisant, il signifie exactement ce que je veux qu’ il signifie… ni plus ni moins. — La question est de savoir, dit Alice,
279 on est de savoir, dit Alice, si vous pouvez faire que les mêmes mots signifient des choses différentes ? — La question est
280 et qui l’impose à son caprice. Eh ! bien, je dis que lorsqu’on en arrive à une pareille décadence des lieux communs, la cu
281 mesure restaurée et vivante. Et c’est à cet appel qu’ ont répondu les chefs des grands mouvements collectivistes. Tout leur
282 ils dit. C’est bien simple. Nous allons proclamer que l’intérêt de l’État dont nous sommes devenus les maîtres est la seule
283 rtout quand on est très pressé. Or il est certain que ces chefs étaient horriblement pressés, à cause de la misère que subi
284 taient horriblement pressés, à cause de la misère que subissaient leurs peuples. Et voici la faute de calcul qu’ils me para
285 saient leurs peuples. Et voici la faute de calcul qu’ ils me paraissent avoir commise : ils ont voulu imposer à l’ensemble d
286 réalités. Mais des réalités partielles. Si la loi qu’ on impose à tous est calculée seulement pour certains types, soit phys
287 , oui, à penser avec les mains. Il nous faut voir que tout dépend en premier lieu de notre état d’esprit. S’il change, tout
288 al qui est dans l’action n’a pas d’autres racines que le mal qui est dans la pensée. Et voici sa racine profonde : politici
289 hercher l’homme perdu. Or l’histoire nous apprend que l’homme ne trouve sa pleine réalité et sa mesure qu’au sein d’un grou
290 l’homme ne trouve sa pleine réalité et sa mesure qu’ au sein d’un groupe humain, ni trop vaste ni trop étroit. Il n’est pas
291 n, ni trop vaste ni trop étroit. Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; il n’est pas bon non plus que l’homme soit foule.
292 foule. Le monde rationaliste et libéral supposait que l’humanité n’était qu’un assemblage d’individus, d’hommes qui avaient
293 liste et libéral supposait que l’humanité n’était qu’ un assemblage d’individus, d’hommes qui avaient surtout des droits lég
294 politiques. À ce moment se produit fatalement ce que j’appellerai un sentiment de vide social. C’est une sorte d’angoisse
295  ? Il s’agit de résoudre enfin l’éternel problème que nous posent les relations de l’individu et de la collectivité. Il s’a
296 individu et de la collectivité. Il s’agit de voir que l’homme concret n’est pas le Robinson d’une île déserte, ni l’anonyme
297 île déserte, ni l’anonyme numéro d’un rang, mais qu’ il est à la fois un être unique et un être qui a des semblables. Reste
298 l’idéal de l’homme occidental. N’allons pas dire que c’est une utopie ! Car ce problème a été résolu, cet idéal réalisé, a
299 oduit dans une communauté nouvelle. Voilà l’homme que j’appelle une personne : il est à la fois libre et engagé, et il est
300 in, je veux dire par sa vocation. Eh bien, je dis que les maux dont nous souffrons sont avant tout des maladies de la perso
301 des maladies de la personne. Quand l’homme oublie qu’ il est responsable de sa vocation envers ses prochains, il devient ind
302 ns, il devient individualiste. Et quand il oublie qu’ il est responsable de sa vocation envers lui-même, il devient collecti
303 relie à ses prochains. C’est pour cet homme réel qu’ il faut tout rebâtir. Cependant, nous avons montré que c’est justement
304 l faut tout rebâtir. Cependant, nous avons montré que c’est justement cet homme-là qui a le plus de peine à subsister ou à
305 u à se former dans le monde moderne. Car supposez qu’ un homme se sente une vocation et décide de la réaliser. Il se trouve
306 la réaliser. Il se trouve en présence d’un monde que l’histoire et la sociologie ont encombré de lois fatales. Que peut-il
307 re et la sociologie ont encombré de lois fatales. Que peut-il seul, contre ces lois ? Il faut donc, s’il veut faire quelque
308 is ? Il faut donc, s’il veut faire quelque chose, qu’ il entre dans un grand parti, dans une grande organisation. Mais alors
309 sprit aussi bien chez les intellectuels créateurs que chez les amateurs de vraie culture, les lecteurs, le public cultivé.
310 ltivé. Car c’est de ce changement d’état d’esprit que sortira la possibilité de repenser une société. Raisons d’espérer 
311 Je voudrais vous dire, maintenant, les raisons que j’ai d’espérer, après avoir tant critiqué. Je voudrais vous énumérer
312 ait, depuis Hegel, Auguste Comte, et Marx, l’idée que l’Histoire obéit à des lois contre lesquelles l’homme ne peut rien. C
313 a sociologie, et même de la psychologie. Et voici que cette idée paralysante est en train de subir certains coups décisifs 
314 croire. Ils ont reconnu, depuis quelques années, que la notion de lois tout objectives, de lois absolument indépendantes d
315 lois absolument indépendantes de l’homme, n’était qu’ une illusion rationaliste. Qu’il me suffise de rappeler ici les découv
316 de l’homme, n’était qu’une illusion rationaliste. Qu’ il me suffise de rappeler ici les découvertes de la physique des quant
317 uvertes de la physique des quanta : elle a prouvé que l’observation microscopique modifie en réalité les phénomènes que l’o
318 n microscopique modifie en réalité les phénomènes que l’on observe. Et les savants nous disent aujourd’hui que les fameuses
319 n observe. Et les savants nous disent aujourd’hui que les fameuses lois scientifiques ne sont en fait que de commodes conve
320 e les fameuses lois scientifiques ne sont en fait que de commodes conventions, dépendant des systèmes de mesures inventés p
321 umain. Or si la science elle-même vient nous dire que même dans l’ordre matériel, il n’est plus permis de concevoir une obs
322 tre société. En vérité, il n’est de lois fatales que là où l’esprit démissionne. Toute action créatrice de l’homme normal
323 s. Ainsi les lois de la publicité ne sont exactes que dans la mesure où l’homme n’est qu’un mouton ; elles sont fausses et
324 sont exactes que dans la mesure où l’homme n’est qu’ un mouton ; elles sont fausses et inexistantes dès qu’un homme redevie
325 ins de sa personne. Il n’y a de loi, répétons-le, que là où l’homme renonce à se manifester selon sa vocation particulière.
326 particulière. Si j’insiste sur cet axiome, c’est qu’ il est particulièrement libérateur pour la pensée et la culture en gén
327 notre époque totalitaire. Nul n’ignore, en effet, que les États totalitaires justifient les rigueurs de leur régime au nom
328 , ou historiques, ou biologiques. Or il est clair que ces lois ne sont vraies, ou plutôt ne deviennent vraies, qu’en vertu
329 s ne sont vraies, ou plutôt ne deviennent vraies, qu’ en vertu d’une immense démission de l’esprit civique dans les trop gra
330 les trop grands pays. Elles ne traduisent en fait qu’ un immense affaissement du sens personnel dans les parties de l’humani
331 t le ton sur lequel on les prône, ne sont en fait que des solutions de paresse intellectuelle, des solutions de misère, far
332 rgie normale et souple. Or nous savons maintenant que c’est possible, que c’est encore et de nouveau possible. Notre cultur
333 le. Or nous savons maintenant que c’est possible, que c’est encore et de nouveau possible. Notre culture libérée de la supe
334 s pas, ici, partir dans l’utopie. Je ne pense pas que les principes fondamentaux d’une société plus harmonieuse puissent êt
335 or du capitalisme et aux transformations sociales qu’ il provoquait. Comme la culture elles ont renoncé à diriger, à avertir
336 st parce qu’il s’est chargé de la mission sociale qu’ avaient trahie toutes les Églises. Nicolas Berdiaev l’a bien vu : le b
337 me devenu passif devant le monde. Or il me semble que , là encore, un réveil soulève les Églises. Elles ont compris qu’il ne
338 un réveil soulève les Églises. Elles ont compris qu’ il ne suffisait pas de dénoncer les doctrines païennes mais qu’il fall
339 isait pas de dénoncer les doctrines païennes mais qu’ il fallait répondre mieux que ces doctrines à la question posée par l’
340 trines païennes mais qu’il fallait répondre mieux que ces doctrines à la question posée par l’angoisse des foules. D’où les
341 t les congrès de Stockholm et d’Oxford ont montré que les autres Églises n’entendaient pas demeurer en arrière. Presque tou
342 e à faire, c’est certain. Mais l’important, c’est qu’ enfin les Églises retrouvent leur rôle de direction dans tous les ordr
343 ure de la personne, matériellement et moralement, que je vois la commune mesure de la cité qu’il nous faut rebâtir. Cité so
344 alement, que je vois la commune mesure de la cité qu’ il nous faut rebâtir. Cité solide et pourtant libérale : c’est tout le
345 naît en somme d’un scepticisme, car elle suppose que la pensée de l’autre, qu’on tolère, ne passera jamais dans les actes.
346 cisme, car elle suppose que la pensée de l’autre, qu’ on tolère, ne passera jamais dans les actes. Je n’aime pas non plus l’
347 es masses, et c’est seulement au sein d’un groupe qu’ une vocation peut s’exercer. D’autre part, le fédéralisme suppose des
348 un dans le groupe où il est né, ou dans le groupe qu’ il a choisi, peut donner le meilleur de soi-même, aller au terme de sa
349 yen de préparer une paix solide. Car, après tout, qu’ est-ce que la guerre actuelle ? C’est la rançon fatale du gigantisme e
350 parer une paix solide. Car, après tout, qu’est-ce que la guerre actuelle ? C’est la rançon fatale du gigantisme et de la dé
351 enant, la preuve est faite, attestée par le sang, que la solution suisse et fédérale est seule capable de fonder la paix, p
352 nnaître avec une tragique évidence. Et c’est cela que nous avons à défendre : la réalité fédéraliste en politique et dans t
353 ots, de lyrisme ou d’idéalisme. Il s’agit de voir qu’ en fait, si nous sommes là, au service du pays, ce n’est pas pour défe
354 rovisé dans l’épuisement général. Cela ne se fera que si des hommes solides, informés par une expérience séculaire entrepre
355 Ces hommes ne peuvent guère exister et travailler que dans les pays neutres. Et chez nous tout d’abord, puisqu’il s’agit en
356 seulement de ses succès mais aussi de ses échecs, que nous connaissons mieux que personne. Tout mon espoir est qu’il se for
357 s aussi de ses échecs, que nous connaissons mieux que personne. Tout mon espoir est qu’il se forme ici des équipes de fédér
358 nnaissons mieux que personne. Tout mon espoir est qu’ il se forme ici des équipes de fédérateurs, d’hommes qui comprennent e
359 es de fédérateurs, d’hommes qui comprennent enfin que l’heure est venue pour nous autres Suisses, de voir grand, de voir au
360 seul espoir qui nous soit accordé. Encore faut-il que cet espoir soit soutenu par tout un peuple, et qu’il ne se laisse pas
361 ue cet espoir soit soutenu par tout un peuple, et qu’ il ne se laisse pas décourager par les sceptiques professionnels, par
362 istes. Encore faut-il — et je termine là-dessus — qu’ elle ne repose pas sur une erreur profonde quant aux pouvoirs de l’hom
363 de création, la lutte sera toujours ouverte, tant qu’ il y aura du péché sur la terre. Non, l’heure n’est pas au facile opti
364 ter la question du prophète Isaïe : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? » La sentinelle a répondu : « Le matin vient, et
365  : « Le matin vient, et la nuit aussi ! » La paix que nous devons invoquer ne peut pas être une simple absence de guerre. S
366 sera toujours plus difficile à vivre et à gagner que cette guerre où tout s’abaisse et s’obscurcit. Mais qu’elle nous donn
367 tte guerre où tout s’abaisse et s’obscurcit. Mais qu’ elle nous donne au moins la possibilité de rendre un sens aux conflits
368 phétique : « Le combat spirituel est aussi brutal que la bataille d’hommes, mais la vision de la justice est le plaisir de
4 1940, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). L’heure sévère (juin 1940)
369 ement sur l’état de leurs nerfs. Sans intérêt. Ce qu’ il nous faut à l’heure que nous vivons, ce sont des pessimistes réfléc
370 nerfs. Sans intérêt. Ce qu’il nous faut à l’heure que nous vivons, ce sont des pessimistes réfléchis, maîtres d’eux-mêmes e
371 tres d’eux-mêmes et objectifs. Je dirai plus : ce qu’ il nous faut, ce sont des pessimistes actifs. Des hommes qui pensent e
372 sérieux « ce qui nous dépasse », tant par en haut que par en bas. La croyance au Progrès nous a mis des œillères. Et quand
373 -nous, il ne permettrait pas cela ! Nous oublions que « cela », c’est nous aussi, et que Dieu malgré tout nous aime. Si nou
374 Nous oublions que « cela », c’est nous aussi, et que Dieu malgré tout nous aime. Si nous avions su croire en lui pendant l
375 l’heure sévère. Ouvrons les yeux et apprenons ce qu’ il en est de notre châtiment. ⁂ L’Europe est en train de payer le prix
376 prévoit le mal et tient compte du péché. Il sait que les inventions humaines peuvent être employées contre l’homme ; que l
377 humaines peuvent être employées contre l’homme ; que l’aviation n’a nullement transformé les conditions de notre bonheur,
378 ’optimisme du matérialiste modéré ne veut prévoir que le profit d’argent et l’augmentation du confort. Il refuse de se dema
379 à la seconde, il pressent bien qu’on ne pourrait que répondre non. D’où sa myopie et son imprévision systématique des maux
380 trop tard pour répéter ces vérités élémentaires, que le sérieux des gouvernants, des hommes d’affaires, des penseurs offic
381 de prophètes. Nous n’avons pas le droit de gémir que les avertissements nous ont manqué. Le dossier de ces avertissements
382 ent, si celui-ci persiste à ne prendre au sérieux que les valeurs de bourse et la « prosperity ». Kierkegaard nous décrit l
383 é aux dictatures collectivistes. Nietzsche ricane que le monde moderne est en train d’adopter « une morale de commerçants »
384 train d’adopter « une morale de commerçants », et qu’ il sera vaincu par des ascètes féroces. Vinet prévoit que les libertés
385 era vaincu par des ascètes féroces. Vinet prévoit que les libertés sociales, si nul effort spirituel ne les oriente, abouti
386 ’en doutons pas, est du côté de la tyrannie. » Et qu’ il suffise enfin d’une allusion aux prophéties de Burckhardt sur les «
387 rtout ailleurs irréductiblement divers, je répète qu’ elle est écrasante. Elle supprime nos dernières excuses. Nous avons ét
388 pas, mais au contraire parce que Dieu existe, et qu’ il est juste dans son châtiment. Il faut payer. Nous adorions l’idole
389 l’idole du progrès — ce progrès qui ne sait rien que répéter comme une horloge parlante : « Tout s’arrangera. » Or aujourd
390 fense nationale. Pour avoir refusé les sacrifices qu’ eût entraînés un règlement plus juste des relations sociales et intern
391 res, inévitables et stériles. Le plus étrange est que ces sacrifices se révèlent parfaitement « possibles ». Dès qu’il s’ag
392 l ou caisse de compensation, — et je ne prends là que de petits exemples…4 Nous avons critiqué sans merci comme des « utop
393 ussent été dix fois ou vingt fois moins coûteuses que celles qu’entraîne la guerre actuelle. Nous acceptons avec une belle
394 dix fois ou vingt fois moins coûteuses que celles qu’ entraîne la guerre actuelle. Nous acceptons avec une belle discipline
395 le plan des relations de peuple à peuple. Tout ce que nous jugions impossible quand il s’agissait du vivre, nous le trouvon
396 d’obtenir de nous un dépassement de nos égoïsmes que nous refusions à l’amour, pourquoi donc voulez-vous que nous ayons l’
397 us refusions à l’amour, pourquoi donc voulez-vous que nous ayons l’amour, et la paix et la sécurité ? Nous avons la peur et
398  ? Nous avons la peur et la guerre. Nous avons ce que méritons. Nous sommes payés et nous payons selon notre justice à nous
399 ons selon notre justice à nous. C’est aujourd’hui qu’ on en mesure l’aune. Ces vérités élémentaires sont dures. Elles ne son
400 e grossières, et gênantes. Certains diront encore qu’ elles sont inopportunes, à l’heure où nous cherchons des raisons d’esp
401 re salut, le seul et le dernier possible — quelle que soit l’issue de la guerre — dépend de notre capacité d’accepter des v
402 ns son principe ; ou la conquête, mais qui tue ce qu’ elle conquiert. « Mea culpa » des gens de droite, qui croyaient pouvoi
403 gatoire était le même — avec moins de franchise — que celui de l’ennemi fasciste contre lequel ils excitaient les masses. «
404 uite sur les routes de France ? Nous n’avons plus qu’ un seul espoir — quelle que soit l’issue de la guerre : obtenir pour l
405 ce ? Nous n’avons plus qu’un seul espoir — quelle que soit l’issue de la guerre : obtenir pour l’Europe un statut sursitair
406 bilité de rebâtir. Mais on n’accorde un concordat qu’ à celui qui se déclare en faillite. L’aveu suppose un sens des valeurs
407 ose un sens des valeurs spirituelles aussi précis que notre sens des chiffres, des quantités et des vitesses. Avis à la gén
408 t quelque chose à faire, quelque chose de précis, que je veux dire à temps. Ils sont encore à l’écart de la guerre, et peut
409 autes et celles de notre monde, de dire la vérité que les peuples en guerre n’ont plus le pouvoir de reconnaître, dans le f
410 sort toujours retrempé. Avouer les fautes de ceux qu’ on aime et dont on attend la victoire comme la permission de revivre,
411 autes, parce que nous en sommes les complices, et que nous aimons les fautifs. Il est dur de les avouer, parce que les faut
412 n face, nous paraissent bien plus effrayantes, et qu’ ils triomphent tout de même, ou à cause de cela même. Il est dur de re
413 u à cause de cela même. Il est dur de reconnaître que ce châtiment, qui nous atteint aussi, est mérité ; et qu’il était log
414 hâtiment, qui nous atteint aussi, est mérité ; et qu’ il était logique, inévitable, et qu’il n’y a plus qu’à en tirer les co
415 t mérité ; et qu’il était logique, inévitable, et qu’ il n’y a plus qu’à en tirer les conclusions5. Mais nous ne sommes pas
416 il était logique, inévitable, et qu’il n’y a plus qu’ à en tirer les conclusions5. Mais nous ne sommes pas neutres pour rien
417 nos sympathies et nos passions. Je ne sais pas ce que l’avenir vaudra, mais je sais que s’il vaut quelque chose, ce sera gr
418 ne sais pas ce que l’avenir vaudra, mais je sais que s’il vaut quelque chose, ce sera grâce à l’action personnelle des hom
419 es et celui des gouvernements : tout cela ne sera que ruines et détritus à déblayer, même si les grandes démocraties ont la
420 e passera point. » Voilà la base et le point fixe que nulle puissance humaine ne saurait ébranler, quand tout le reste, cie
421 Ce n’était pas de l’optimisme. Athanase prévoyait qu’ avec le « petit nuage » passerait aussi, probablement, sa vie et celle
422 t l’espérance de l’éternel. À quoi se raccrocher, que faire encore ? Quelle était l’assurance d’éternité qui permettait à A
423 assera ? La grandeur de cette heure sévère, c’est que par la force des choses, par la brutalité démesurée des choses, nous
424 des choses, nous sommes réduits à ne plus espérer qu’ au nom de l’unique nécessaire : « L’amour parfait bannit la crainte. »
425 era de l’argent pour 40 chars, mais si je demande qu’ on double un budget culturel, on me répondra que je veux ruiner le pay
426 e qu’on double un budget culturel, on me répondra que je veux ruiner le pays. 5. Comme le fait Paul Reynaud devant le Séna
5 1940, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). L’Église et la Suisse (août 1940)
427 e en général. Je vous parlerai des Églises telles que nous les voyons en Suisse ; et de la Suisse, telle que nous la voyons
428 ous les voyons en Suisse ; et de la Suisse, telle que nous la voyons en ce mois de juillet de 1940. Ce ne sera pas une conf
429 ines suggestions, critiques peut-être dures, mais qu’ il est temps de formuler pour préparer la voie d’un renouveau, ou les
430 elle-même. Elle n’a plus d’autre garantie humaine que son armée, plus d’autre allié que son terrain, plus d’autre espoir qu
431 arantie humaine que son armée, plus d’autre allié que son terrain, plus d’autre espoir que son travail. Contrairement à ce
432 ’autre allié que son terrain, plus d’autre espoir que son travail. Contrairement à ce que beaucoup croient, cette situation
433 ’autre espoir que son travail. Contrairement à ce que beaucoup croient, cette situation n’est pas nouvelle dans notre histo
434 Réformation communautaire. Car c’est bien de cela qu’ il s’agit : fonder à nouveau la cité, pour qu’elle résiste et qu’elle
435 fonder à nouveau la cité, pour qu’elle résiste et qu’ elle rayonne encore, quoi qu’il arrive, oui même si le pire arrive. Au
436 n politique et de notre sécurité. Et s’il fallait qu’ un jour la Suisse fût envahie, j’imagine qu’elle pourrait garder penda
437 llait qu’un jour la Suisse fût envahie, j’imagine qu’ elle pourrait garder pendant des mois, peut-être des années, un grand
438 spoir et une grande fierté, parce qu’elle saurait que dans cette forteresse du Gothard, que n’atteignent ni chars ni avions
439 lle saurait que dans cette forteresse du Gothard, que n’atteignent ni chars ni avions, dans cet Alcazar de l’Europe, quelqu
440 oserai cette question : dans la situation extrême que je viens de décrire, à supposer que la Suisse soit envahie, pourrions
441 ation extrême que je viens de décrire, à supposer que la Suisse soit envahie, pourrions-nous penser à l’Église comme à notr
442 épondre ce matin. Ni oui ni non. Mais je voudrais que cette question reste posée. C’est lorsque tout paraît désespéré qu’on
443 reste posée. C’est lorsque tout paraît désespéré qu’ on voit ce qui était vraiment solide. L’Église de Suisse est-elle vrai
444 able ! —, nous nous trouvions aussi bien préparés qu’ il est possible. Inspectons avec soin nos défenses, ayons le courage d
445 ous sommes encore faibles. C’est ici et c’est là, qu’ il faut porter l’effort. Aujourd’hui ou jamais, notre Église a besoin
446 e visible, de nos diverses Églises suisses, c’est qu’ elles ont cessé d’être ou n’ont jamais été de véritables communautés.
447 grave, étant donné les événements actuels et ceux que nous devons prévoir. Une Église devrait être le type même de la commu
448 tuel d’une paroisse étaient alors plus importants que tout. La ferveur de la foi nouvelle liait les esprits et les cœurs av
449 les esprits et les cœurs avec une telle puissance que les sacrifices matériels devenaient simplement des services d’amitié,
450 ersécutées. Certes, il ne faudrait pas s’imaginer que les premiers chrétiens étaient toujours des saints, et que les famill
451 remiers chrétiens étaient toujours des saints, et que les familles qu’ils formaient ne connaissaient jamais de querelles de
452 étaient toujours des saints, et que les familles qu’ ils formaient ne connaissaient jamais de querelles de familles ! Les é
453 dissiper cette illusion. Il n’en reste pas moins que ces premières Églises ont surmonté toutes les persécutions grâce à la
454 n : sont-ils prêts à mettre en commun autre chose que la pièce de monnaie qu’ils viennent de déposer dans le « sachet », av
455 tre en commun autre chose que la pièce de monnaie qu’ ils viennent de déposer dans le « sachet », avec l’air de ne pas y tou
456 ucher ? Sont-ils prêts à « partager » autre chose que des impressions générales sur le temps et les tristes événements ? So
457 des frères dans l’Église ? Oh ! je ne demande pas que nos paroisses décrètent du jour au lendemain le partage de tous les b
458 , de faire quelque chose dans ce sens, à supposer que les circonstances l’exigent un jour prochain. Je me demande si les fi
459 lus fortement liés aux autres membres de l’Église qu’ ils ne sont liés à leur parti, ou à leur classe, ou à leurs intérêts p
460 s Églises constituent des unités administratives, qu’ elles réunissent régulièrement des auditoires assez nombreux, qu’il y
461 sent régulièrement des auditoires assez nombreux, qu’ il y a parmi leurs membres beaucoup d’individus vraiment croyants, cap
462 tés chrétiennes, agissant pour leur compte — plus qu’ au nom de l’Église — cela ne fait pas encore une vraie communauté. Des
463 rps » devrait pouvoir s’appliquer à l’Église plus qu’ à nulle autre communauté au monde, puisque l’Église est rassemblée par
464 t le sens et la vertu communautaire, il faut : 1° qu’ elles reprennent conscience de la nature éternelle et du but transcend
465 éternelle et du but transcendant de l’Église ; 2° qu’ elles développent ou réveillent en elles le sens missionnaire, à l’int
466 le sens missionnaire, à l’intérieur du pays ; 3° qu’ elles aient le courage d’être franchement des Églises visibles, organi
467 ndrez encore des orateurs beaucoup plus qualifiés que moi pour définir l’essence et le but de l’Église. Je me contenterai d
468 yaume de Dieu. Il me paraît profondément indécent que ces affaires soient débattues dans nos Grands Conseils, par des homme
469 deux formules : 1° Le service unique et suffisant que l’Église doit rendre à la Suisse, c’est de rester ou de devenir une v
470 ou une puissance d’ordre politique. 2° Le service que l’État suisse doit en retour, à l’Église, c’est de la laisser être un
471 pas une Église de l’État suisse. Il est bien vrai que notre État fédéral ne saurait se fonder concrètement que sur des base
472 re État fédéral ne saurait se fonder concrètement que sur des bases chrétiennes de tolérance et d’amour du prochain. Mais j
473 ’amour du prochain. Mais je tiens à redire ici ce que je disais cet hiver à Tavannes : Nous ne devons pas être chrétiens p
474 d’un homme dont la pensée me paraît plus actuelle que jamais, Alexandre Vinet. « Veuillez d’abord avoir une religion pour v
475 qui veut m’ôter ma religion, m’effraie bien moins que celle qui veut en avoir une ». En résumé, la première condition indi
476 que l’Église devienne une vraie communauté, c’est que l’Église soit indépendante de l’État, je veux dire par là : constitué
477 se confessionnelle en Allemagne, on comprendra ce que je veux dire, — et que le problème est urgent ! II La seconde c
478 llemagne, on comprendra ce que je veux dire, — et que le problème est urgent ! II La seconde condition, c’est que nos
479 est urgent ! II La seconde condition, c’est que nos Églises redeviennent missionnaires à l’intérieur du pays, dans to
480 s d’ouvriers en font encore partie, c’est un fait que le ton des sermons, le maintien des auditeurs et l’atmosphère en géné
481 ’atmosphère en général y sont bien plus bourgeois que populaires. C’est sans doute l’une des raisons de la désaffection de
482 ndre le ton et l’accent d’un milieu social plutôt que d’un autre. Elle devrait aujourd’hui abandonner résolument cette espè
483 solument cette espèce d’éloquence conventionnelle qu’ on appelle le ton de la chaire et qui produit sur l’auditeur occasionn
484 par des paroles directes. Vous me direz peut-être que cette question ne concerne que nos pasteurs. Je n’en suis pas sûr. C’
485 me direz peut-être que cette question ne concerne que nos pasteurs. Je n’en suis pas sûr. C’est une question d’atmosphère s
486 petites habitudes du dimanche matin, et il arrive que nous soyons choqués quand un pasteur ne garde pas le ton convenu, le
487 le ton convenable. Nous oublions trop facilement que la Parole de l’Église n’est pas réservée seulement à nos « milieux ec
488 ux ecclésiastiques », mais à tous les hommes d’où qu’ ils viennent, qui ont faim et soif de vérité, sans le savoir le plus s
489 ans le savoir le plus souvent. Il est grand temps que nous fassions en sorte que tous « ceux du dehors » puissent entrer, p
490 ’être égarés dans un milieu où ils sont déplacés. Que nos Églises se préoccupent donc davantage d’être vraiment ouvertes à
491 gens, mais accueilli dans une maison de Dieu. Ce que je voudrais dire encore sur ce sujet est peut-être un peu délicat. C’
492 t est peut-être un peu délicat. C’est une requête que je présente comme laïque à nos pasteurs, avec l’espoir que les laïque
493 ésente comme laïque à nos pasteurs, avec l’espoir que les laïques de cet auditoire l’appuieront pratiquement dans leurs par
494 partie le problème du samedi soir… Encore faut-il que les paroissiens, à leur tour, acceptent que leur pasteur soit « simpl
495 ut-il que les paroissiens, à leur tour, acceptent que leur pasteur soit « simplement biblique », et ne jugent pas cela « tr
496 s ne sommes pas convaincants », disait le pasteur que je viens de citer. Nous ne sommes pas convaincants, ajouterai-je, qua
497 s cherchons à discuter, à prévenir des objections que la plupart des auditeurs n’auraient pas eu l’idée de faire. Comme laï
498 l’idée de faire. Comme laïque, je ne demande pas qu’ on me persuade de croire, mais simplement qu’on nourrisse ma foi. J’at
499 pas qu’on me persuade de croire, mais simplement qu’ on nourrisse ma foi. J’attends qu’on me parle avec une calme autorité,
500 mais simplement qu’on nourrisse ma foi. J’attends qu’ on me parle avec une calme autorité, et non pas que l’on prenne au sér
501 u’on me parle avec une calme autorité, et non pas que l’on prenne au sérieux mes doutes éventuels. Notre génération n’est p
502 nvaincante. Tout ceci ne veut pas dire d’ailleurs que notre Église n’ait pas le droit d’aborder l’actualité sociale ou poli
503 chaire, à condition, je le répète et j’y insiste, qu’ il ne s’agisse jamais des idées personnelles du pasteur ou de quelque
504 es personnelles du pasteur ou de quelque écrivain qu’ il cite, mais du seul et unique point de vue de la Bible. En résumé, l
505 ise reste ou devienne une vraie communauté, c’est que l’Église ne parle pas le langage d’un seul groupe social, ou d’une se
506 eur X, pasteur ou même théologien célèbre, — mais qu’ elle parle uniquement et simplement le langage de la Bible, qui appart
507 té, je la définissais tout à l’heure comme suit : que nos Églises aient le courage d’être franchement des Églises visibles
508 èverai pas ici le problème de l’épiscopat, encore que je sois persuadé qu’il se posera pour nous aussi un jour ou l’autre.
509 blème de l’épiscopat, encore que je sois persuadé qu’ il se posera pour nous aussi un jour ou l’autre. Je ne parlerai pas no
510 lèveront peut-être de fortes objections contre ce que je vais dire. Je suis prêt à les écouter avec déférence. Mais je cher
511 qui me choque, mais le manque de sens liturgique que manifestent les essais tentés ici ou là, pour remédier à cette absenc
512 ce. Nous avons bien, de temps à autre, des cultes que nous appelons « liturgiques » et qui consistent en lectures bibliques
513 nir autrement… ce seul fait démontre à l’évidence que nous ignorons le sens et la portée de la liturgie véritable. Celle-ci
514 même défaut de sens liturgique : lorsqu’il arrive qu’ on lise, au début d’un de nos cultes, une prière liturgique isolée, co
515 invariabilité. C’est grâce à cette invariabilité que le fidèle peut vraiment suivre le texte, dire en lui-même ses paroles
516 ouveau. C’est grâce à cette invariabilité, enfin, que la liturgie crée dans l’auditoire un sentiment de communion, ou de co
517 ution collective (l’assemblée debout chante : « Ô qu’ heureux est celui dont la transgression est remise… Mon âme, bénis l’É
518 icité, et des plus justes aussi, de toutes celles qu’ utilisent les différentes confessions chrétiennes. Je voudrais vous di
519 ous dire maintenant pour quelles raisons je pense que nos Églises suisses devraient se préparer à l’adopter, telle qu’elle
520 suisses devraient se préparer à l’adopter, telle qu’ elle est. Il y a d’abord une raison générale. L’Église visible est aus
521 pirituelle. Il y a là une grande loi sociologique qu’ on ne peut pas négliger sans risques graves. Tous les fondateurs de ré
522 ues graves. Tous les fondateurs de régimes savent que pour créer une communauté nouvelle, il faut créer des signes et des r
523 une proie facile pour les caricatures de liturgie que les païens viendront lui offrir un jour, et qui seront alors une tent
524 est plus spécifiquement chrétien. Je dirais même qu’ il est d’ordre sermonnaire. Je m’explique. Imaginez une personne qui n
525 ter par ces détails. Ce qui est plus grave, c’est que le sermon, s’il n’est pas exceptionnellement bon, risque bien de la l
526 En sortant de là, elle ne saura pas exactement ce que nous croyons, elle pourra s’imaginer les choses les plus fausses. Ou
527 out autrement, si le culte débute par la liturgie que je viens de vous résumer. Cette liturgie, en effet, décrit d’abord da
528 étranger, peut savoir de quoi il s’agit. J’avoue que pour ma part, et je ne pense pas être le seul de mon espèce, j’éprouv
529 peut-être : le peuple suisse souffre d’un défaut qu’ il me faut bien nommer le sans-gêne spirituel. Je ne sais pas si cela
530 pirituel. Je ne sais pas si cela provient du fait qu’ on parle un peu trop facilement du Bon Dieu, chez nous, et qu’il subsi
531 un peu trop facilement du Bon Dieu, chez nous, et qu’ il subsiste dans nos Églises pas mal de traces d’un piétisme affadi. J
532 s d’un piétisme affadi. Je n’oserais pas suggérer que nous tenons à rester démocrates et sans façon jusque dans nos relatio
533 s, à toutes les pages de notre Bible. Le fait est que nous manquons d’un certain respect religieux, de même que nous passon
534 steur remercier Dieu, du haut de la chaire, de ce que Dieu « nous a permis de lui parler tout simplement, d’homme à homme »
535 omme à homme »… Je reste persuadé, pour ma part, que nous devons plutôt parler d’homme à Dieu, et que nous ferions bien de
536 que nous devons plutôt parler d’homme à Dieu, et que nous ferions bien de nous pénétrer de cette vérité fondamentale et mê
537 et convenablement assis… Ne pensez pas, surtout, que ces questions d’attitude soient futiles, ou trahissent je ne sais que
538 aché de l’importance à ces choses-là, et je pense qu’ elles avaient de bonnes raisons de le faire. Elles savaient qu’une cer
539 ent de bonnes raisons de le faire. Elles savaient qu’ une certaine participation personnelle, physique même, au culte public
540 e et bon d’avoir une liturgie, comment se fait-il que nos Églises suisses soient les seules sur le continent qui croient po
541 sse devraient avoir à cœur ce rapprochement, plus qu’ aucune autre Église au monde. Nos traditions fédéralistes devraient no
542 les quelques thèses — critiques et suggestions — que je viens d’esquisser devant vous. Je vous ai indiqué tout d’abord que
543 sser devant vous. Je vous ai indiqué tout d’abord que la situation actuelle exige de nos Églises un grand effort vers la co
544 blème de la liturgie, tant à nos bons théologiens qu’ aux laïques, généralement ignorants de cette question, ou retenus par
545 roblèmes urgents et tout pratiques, — considérant que la malice des temps nous invite au travail plutôt qu’à l’éloquence.
546 la malice des temps nous invite au travail plutôt qu’ à l’éloquence. 6. Manifeste de la Ligue du Gothard, juillet 1940.
547 de la Ligue du Gothard, juillet 1940. 7. On sait que l’organisation des premières Églises était telle que les évêques repr
548 l’organisation des premières Églises était telle que les évêques reprirent peu à peu pour leur compte les charges des gouv
549 s pas prendre position ici sur des problèmes tels que les prestations financières de l’État à l’Église, qui sont pour le mo
6 1941, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Autocritique de la Suisse (février 1941)
550 été plus souvent expliqué à lui-même et au monde que la Suisse. C’est qu’il en a besoin plus que nul autre. Sa devise est
551 liqué à lui-même et au monde que la Suisse. C’est qu’ il en a besoin plus que nul autre. Sa devise est un paradoxe qu’il n’a
552 monde que la Suisse. C’est qu’il en a besoin plus que nul autre. Sa devise est un paradoxe qu’il n’a pas toujours bien comp
553 oin plus que nul autre. Sa devise est un paradoxe qu’ il n’a pas toujours bien compris. Elle exclut en principe toute doctri
554  fédéraliste » un parti qui n’a d’autre programme que la défense des intérêts locaux contre le centre. Ceux qui se disent,
555 , « fédéralistes » ne sont souvent, je le crains, que des nationalistes cantonaux. Ceux qui insistent sur la nécessité de l
556  fédéral » ce qui procède de Berne. Il en résulte que leur fédéralisme se résume à combattre tout ce qui est dit fédéral. C
7 1950, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Europe unie et neutralité suisse (novembre-décembre 1950)
557 rt ou de bénéficier d’un traitement tout spécial, que nos autorités et nos journaux ne se lassent pas d’invoquer — comme si
558 forme quelconque d’union européenne ? Le fait est que nos voisins d’Europe comprennent de moins en moins notre neutralité.
559 t de moins en moins notre neutralité. Le fait est que les Américains ne la comprennent absolument pas, et que les Russes n’
560 s Américains ne la comprennent absolument pas, et que les Russes n’y croient pas plus qu’ils ne croient à nos libertés, et
561 ce n’est pas beaucoup dire. Il serait donc temps qu’ en Suisse au moins, l’on essaie de comprendre un peu mieux les raisons
562 utralité suisse est devenue un tabou, aussi sacré que l’égoïsme. On refuse de la discuter, parce qu’on craint que cette dis
563 sme. On refuse de la discuter, parce qu’on craint que cette discussion n’aboutisse à des conclusions gênantes et n’oblige à
564 à des prises de position. On n’aime pas cela… Ce qu’ on veut, c’est la paix chez soi et tant pis pour les voisins. Ce qu’on
565 la paix chez soi et tant pis pour les voisins. Ce qu’ on veut, c’est faire du commerce avec tout le monde, sans se compromet
566 si vraiment notre neutralité n’était rien d’autre que ce que le Suisse moyen semble croire aujourd’hui, il ne faudrait pas
567 ment notre neutralité n’était rien d’autre que ce que le Suisse moyen semble croire aujourd’hui, il ne faudrait pas s’étonn
568 croire aujourd’hui, il ne faudrait pas s’étonner qu’ elle impatiente de plus en plus le reste du monde. Comment les Suisses
569 l’histoire de notre neutralité, car je soupçonne qu’ elle n’est pas bien connue de la plupart de nos contemporains. Aux ori
570 ns l’intérêt de l’Europe entière, au moins autant que pour lui-même. La première idée d’une neutralité négative des Confédé
571 L’expérience de la guerre de Trente Ans a montré que les cantons ne peuvent rester unis que s’ils s’abstiennent de prendre
572 s a montré que les cantons ne peuvent rester unis que s’ils s’abstiennent de prendre part aux guerres entre rois catholique
573 divisés entre les deux confessions. Mais ce n’est qu’ en 1815 que la neutralité de la Suisse se voit proclamée, sanctionnée
574 re les deux confessions. Mais ce n’est qu’en 1815 que la neutralité de la Suisse se voit proclamée, sanctionnée par les Pui
575 s, elle prend un aspect positif. On sait en effet que le traité de Vienne dit en tous termes que « la neutralité et l’invio
576 effet que le traité de Vienne dit en tous termes que « la neutralité et l’inviolabilité de la Suisse […] sont dans les vra
577 rance, l’autre pour l’Allemagne. Il était évident que notre neutralité dépendait donc, au début de ce siècle, du fameux « é
578 puissances fascistes, la Suisse ne dut son salut qu’ à une chance extraordinaire, aidée par une armée solide et un terrain
579 et un terrain redoutable aux divisions blindées. Qu’ en est-il aujourd’hui ? Tout est changé. Les conflits qui menacent d’é
580 l’Europe entière ? Sont-ils les mêmes aujourd’hui qu’ il y a cent-cinquante ans, ou même qu’il y a dix ans ? Je ne le pense
581 aujourd’hui qu’il y a cent-cinquante ans, ou même qu’ il y a dix ans ? Je ne le pense pas. Ce que les auteurs des traités de
582 u même qu’il y a dix ans ? Je ne le pense pas. Ce que les auteurs des traités de 1815 entendaient par l’intérêt de l’Europe
583 es, concorde qui ne semblait pouvoir être assurée que par l’équilibre entre les grandes puissances du continent. Il s’agit
584 face, personne n’a proposé une meilleure solution que l’union. « Les vrais intérêts de l’Europe entière », c’est donc tout
585 de l’Europe entière », c’est donc tout simplement que l’Europe devienne entière, qu’elle mette en commun toutes ses forces
586 nc tout simplement que l’Europe devienne entière, qu’ elle mette en commun toutes ses forces pour relever son économie, son
587 ral, et pour assurer sa défense. Or, peut-on dire que l’attitude plus que réservée de la Suisse contribue sérieusement à pr
588 sa défense. Or, peut-on dire que l’attitude plus que réservée de la Suisse contribue sérieusement à promouvoir l’union ? P
589 sérieusement à promouvoir l’union ? Peut-on dire que la Suisse, en refusant de se risquer à Strasbourg, contribue à renfor
590 s, à quelques entreprises internationales, telles que l’OECE et l’Union des paiements. Mais c’était en réalité parce que no
591 ce plan général, il semble difficile de soutenir que la neutralité représente un apport positif à la fédération du contine
592 les cris ne sont pas des armes ! La vérité, c’est que la Suisse neutre est le seul pays d’Europe qui soit matériellement et
593 iques ou incrédules chez certains de nos voisins. Qu’ ils comptent plutôt leurs divisions ! Nous en avons, je le crains, plu
594 urs divisions ! Nous en avons, je le crains, plus qu’ eux tous réunis. Il n’y a qu’un seul coin de l’Europe qui soit sérieus
595 , je le crains, plus qu’eux tous réunis. Il n’y a qu’ un seul coin de l’Europe qui soit sérieusement défendu, et le fait est
596 défendu, et le fait est, paradoxal mais évident, que ce petit coin, c’est la Suisse neutre. Quand l’armée de l’Europe comm
597 plan de défense unifié. Vous le voyez, la réponse que j’essaie de trouver n’est pas simple. Si l’effort militaire considéra
598 st pas simple. Si l’effort militaire considérable que nous impose notre statut de neutralité est une contribution réelle à
599 ve à l’égard de l’union nécessaire. À la question qu’ on me pose de tous côtés : Êtes-vous pour l’abandon de notre neutralit
600 re posé, encore moins résolu, dans l’abstrait. Ce qu’ il faut savoir tout d’abord, c’est pour quelle raison grande et forte,
601 renoncer à sa neutralité. Je réponds pour ma part que cela ne pourrait être qu’au profit de l’Europe entière, c’est-à-dire
602 Je réponds pour ma part que cela ne pourrait être qu’ au profit de l’Europe entière, c’est-à-dire au profit de son union féd
603 n union fédérale, et de cela seul. Encore faut-il que cette union prenne forme, et qu’en son nom des questions très précise
604 . Encore faut-il que cette union prenne forme, et qu’ en son nom des questions très précises nous soient posées. Cela viendr
605 er, nous poseront ces questions précises. Il faut que notre opinion soit prête à y répondre. Il ne faut pas que notre gouve
606 e opinion soit prête à y répondre. Il ne faut pas que notre gouvernement se trouve placé devant des options graves qu’il lu
607 rnement se trouve placé devant des options graves qu’ il lui sera difficile de trancher, ne sachant pas ce que pense le peup
608 lui sera difficile de trancher, ne sachant pas ce que pense le peuple suisse. Il ne faut pas que l’histoire nous surprenne,
609 pas ce que pense le peuple suisse. Il ne faut pas que l’histoire nous surprenne, endormis dans la fausse sécurité d’une tra
610 l principe de jugement politique. Le voici : Tant que la neutralité de la Suisse se révèle utile à l’Europe — comme aujourd
611 l’Europe entière », et non pas comme un privilège qu’ il n’y aurait plus à mériter. Elle est relative à l’Europe. Et ceux qu
612 s. Je me promets de revenir sur ce point capital, que personne encore n’a touché, tout au moins à ma connaissance. k. R
613 orts pour unir l’Europe se multiplient. Il semble que les obstacles qui s’opposent à une fédération européenne se font plus
614 stionnaire qui sera envoyé à quelques-uns de ceux que le problème préoccupe et nous ouvrons ainsi une rubrique où paraîtron
615 lle adopter en face de l’Europe unie ? À supposer qu’ une fédération européenne se réalisât prochainement, dans quelle mesur
8 1951, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Réplique à M. Lasserre (mars-avril 1951)
616 à M. Lasserre (mars-avril 1951)m n Je regrette que M. Lasserre ait simplifié ma thèse jusqu’à la déformer, et qu’il ait
617 re ait simplifié ma thèse jusqu’à la déformer, et qu’ il ait apporté à sa réfutation moins de scrupule que d’humeur. J’avais
618 ’il ait apporté à sa réfutation moins de scrupule que d’humeur. J’avais pourtant pris soin de souligner la complexité du pr
619 l’a pratiquement permise. M. Lasserre veut croire que je n’ai considéré que l’intérêt européen : c’est sa « grave erreur li
620 se. M. Lasserre veut croire que je n’ai considéré que l’intérêt européen : c’est sa « grave erreur liminaire ». J’ai nature
621 urope entière » parce que c’était par ce biais-là que je pouvais aborder le problème suisse, dans le cadre général de ma ch
622 efois bien léger de penser, ou de laisser croire, que ce propre intérêt soit seul en cause dans le jeu des forces politique
623 re temps ! Où donc ai-je soutenu « sans réserve » que la Suisse devrait subordonner sa politique à « l’intérêt des principa
624 incipaux États de l’Europe » ? J’ai dit seulement que si la Suisse un jour décidait de renoncer à sa neutralité, ce ne pour
625 de renoncer à sa neutralité, ce ne pourrait être qu’ au profit de l’Europe entière et de son union fédérale ; et j’ai ajout
626 nion fédérale ; et j’ai ajouté : « Encore faut-il que cette union prenne forme. » Telle est ma thèse principale. Au surplus
627 rconstances ayant changé depuis dix ans. Demander qu’ on discute un budget, ce n’est pas demander sa suppression. (On m’a fo
628 eux qui touchent un tabou.) Je m’étonne davantage qu’ un professeur d’histoire puisse paraître assimiler la Russie de 1815 e
629 rsqu’il s’agit de leurs relations avec l’Europe ; qu’ il tienne l’URSS — malgré elle ! — pour une puissance européenne ; qu’
630 — malgré elle ! — pour une puissance européenne ; qu’ il fasse état, très sérieusement, de ce que l’OECE « reste ouverte » a
631 enne ; qu’il fasse état, très sérieusement, de ce que l’OECE « reste ouverte » aux pays de l’Est ; et qu’enfin tous les chi
632 e l’OECE « reste ouverte » aux pays de l’Est ; et qu’ enfin tous les chiffres et proportions qu’il cite vers la fin de son a
633 st ; et qu’enfin tous les chiffres et proportions qu’ il cite vers la fin de son article soient erronés, — ceci pour deux mo
634 tion, l’autre de fait. Tout d’abord, il est clair que je n’ai pas pu « confondre systématiquement » le Conseil de l’Europe
635 ontinent : le premier n’étant, comme chacun sait, qu’ un effort encore hésitant vers la seconde. Ensuite : le Conseil de l’E
636 ition de M. Lasserre sur le fond du problème, tel qu’ il est défini par les points IV et V de votre questionnaire ?o On voit
637 points IV et V de votre questionnaire ?o On voit que mes thèses l’irritent. Et puis après ? Tenter de me réfuter ne suppri
638 s la construction de l’Europe. C’est sur ce point qu’ il eût été intéressant d’entendre l’historien respecté de Lausanne.
9 1968, Les Cahiers protestants, articles (1938–1968). Pour une morale de la vocation (1968)
639 définies. Mais la morale ! Ce serait peu de dire qu’ elle est en crise : on ne sait même plus très bien ce qu’elle est, ni
640 est en crise : on ne sait même plus très bien ce qu’ elle est, ni où elle est, ce qu’elle peut ou doit dire encore, et au n
641 plus très bien ce qu’elle est, ni où elle est, ce qu’ elle peut ou doit dire encore, et au nom de quoi. Le « moralisme de gr
642 encore plus mal vu chez les théologiens rigoureux que chez les jeunes gens en colère. De cette morale que l’on disait chrét
643 e chez les jeunes gens en colère. De cette morale que l’on disait chrétienne et qui se confondait, du moins par ses tabous,
644 enne et plus généralement bourgeoise-occidentale, que reste-t-il après la triple attaque convergente de la sociologie (surt
645 du siècle passé, mais radicalisée. D’une part, ce que l’on nomme aux États-Unis et en Grande-Bretagne la « théologie de la
646 se le fondement commun de toutes nos orthodoxies, qu’ elles soient d’empreinte barthienne ou thomiste, et les notions mêmes
647 et le rendement des procédés et des conduites, —  qu’ il s’agisse de s’assurer contre l’imprévu ou au contraire de mieux cou
648 ons, ce n’est pas l’anarchie croissante des mœurs que nos vieux sages auront à déplorer, mais au contraire l’universelle et
649 ages, se lamenter sur la fuite du bon vieux temps qu’ auront été les siècles de luttes passionnantes entre le « péché » et l
650 r exemple.) Les conséquences de cette situation — qu’ il faut imaginer réalisées dans un avenir pas trop lointain (beaucoup
651 t global. Je me borne à relever ceci : à supposer que demain, ce soit un collège formé de généticiens, de psychologues, de
652 ai, sans débat, sans le moindre doute, on fait ce qu’ a ordonné le médecin, au lieu de se débattre interminablement avec la
653 individuelles finalement. Pense-t-on, peut-être, que la morale tomberait alors dans de très mauvaises mains, serait en que
654 frayer beaucoup de ces observateurs, c’est l’idée que s’il devait en aller ainsi demain, les Églises et leurs clergés n’aur
655  : au soulagement général). Oserai-je vous avouer que si je tiens ces craintes pour justifiées quant aux faits, je ne les p
656 orter à presque tous les égards, plus d’avantages que d’inconvénients, tant pour la Société que pour l’Église elle-même. Au
657 antages que d’inconvénients, tant pour la Société que pour l’Église elle-même. Au lieu de livrer une longue bataille en ret
658 our tenter de sauver ce qui pourrait l’être de ce qu’ on appelait « morale chrétienne », au lieu de se cramponner à un magis
659 es Églises ne feraient-elles pas mieux d’admettre que la compétence des savants et des praticiens en matière de psychologie
660 nalité et des maladies dites « sociales », etc. —  que cette compétence dépasse largement la leur, et de plus en plus ; et q
661 épasse largement la leur, et de plus en plus ; et que les excès que l’on peut reprocher à certaines modes scientifiques (ce
662 nt la leur, et de plus en plus ; et que les excès que l’on peut reprocher à certaines modes scientifiques (certains dogmati
663 le du trop fameux Dr Tissot) qui ont joué le rôle que l’on sait dans la prédication, la cure d’âme et la littérature morale
664 fin du xviiie siècle et jusqu’à pas si longtemps que cela, en Suisse romande, si j’en crois mes souvenirs de jeunesse. Si
665 ne est à Dieu, vient de Dieu et conduit à Lui, ce qu’ aucune morale ne pourra jamais faire, même si on la baptise « chrétien
666 crobaties théologiques. Je disais tout à l’heure que laisser le soin de la « morale » à César, c’est-à-dire aux sciences s
667 traditionnel, plein de contradictions intenables, que forment les préceptes du Décalogue et des sédimentations millénaires
668 t être présentés à la « Machine » avec un grand M que nous supposerons directrice ou correctrice de tous les « cerveaux aut
669 le d’un traitement logique, et ne pouvant aboutir qu’ à une série infinie de zéros à la sortie des circuits. Dans cette soci
670 éros à la sortie des circuits. Dans cette société que je suppose en parfait ordre de marche, il devient à peu près impossib
671 , le droit à l’hérésie, si c’en est une de croire que le but de l’homme transcende tout conditionnement et tout asservissem
672 e qui est réputée nulle et vide. Chrétien en cela qu’ il cherchera ce sens dans les voies de l’amour, qui implique l’existen
673 mour, qui implique l’existence des autres, plutôt que dans l’aventure solitaire du mysticisme, ou de la connaissance au sen
674 ront à la fois le contenu et les conditions de ce qu’ il nommera sa « liberté ». Cela sera vu et ressenti comme un refus de
675 attitude de révolté à gilet rouge, mais le droit qu’ on demande et qu’on prend de poser toujours et encore une question au-
676 lté à gilet rouge, mais le droit qu’on demande et qu’ on prend de poser toujours et encore une question au-delà de toute rép
677 ute permission d’interroger. Ce droit de demander que ma vie ait un sens, même si je ne trouve ou ne reçois jamais de répon
678 en elle-même est mon sens provisoire, mon chemin que j’invente, que je crée à chaque pas à tâtons dans le noir et qui ne s
679 st mon sens provisoire, mon chemin que j’invente, que je crée à chaque pas à tâtons dans le noir et qui ne s’éclaire que so
680 que pas à tâtons dans le noir et qui ne s’éclaire que sous mes pas. C’est ainsi que je comprends le verset du psalmiste : «
681 et qui ne s’éclaire que sous mes pas. C’est ainsi que je comprends le verset du psalmiste : « Ta parole est une lampe à mes
682 ue et créatrice, dans le monde trop bien moralisé que nous préparent avec tant de zèle, de compétence, d’astuce technique l
683 ns. ⁂ Anticipant assez largement sur la situation que je viens de caractériser à grands traits, j’avais écrit dès 1945 — l’
684 que deux-cents pages intitulé La Morale du But , que je n’ai pas encore publié, fort heureusement. En effet, depuis vingt
685 t légèrement majoritaires) de penser au contraire qu’ elle peut contribuer à débrouiller un peu nos problèmes éthiques, en v
686 une modeste expérience, pour moi très importante, que j’ai faite au service militaire. Je vais vous lire ces deux pages iné
687 re. Je vais vous lire ces deux pages inédites, et que je ne compte pas modifier dans la version finale du livre. Elles sont
688 is les conseils d’ordonnance, et tirais aussi mal que possible. Car je me trouvais embarrassé de tant de recettes et d’ordr
689 mbarrassé de tant de recettes et d’ordres assénés qu’ il me semblait, d’un exercice à l’autre, n’avoir fait de progrès que d
690 d’un exercice à l’autre, n’avoir fait de progrès que dans la découverte d’une maladresse naguère insoupçonnée. Je faisais
691 ladresse naguère insoupçonnée. Je faisais tout ce que l’on me prescrivait, et que je voyais faire aux autres. Je prenais av
692 e. Je faisais tout ce que l’on me prescrivait, et que je voyais faire aux autres. Je prenais avec soin le cran d’arrêt, blo
693 e. Cependant la date approchait du grand concours que l’on nommait « tir au galon ». Dans chaque unité, on poussait l’entra
694 nsez au noir. Ne pensez pas à votre main, ni à ce que fait l’index qui a pris le cran d’arrêt. Laissez-vous simplement hypn
695 essayer. Vous avez le noir ?… Vous ne voyez plus que le noir ?… » Je n’entendais plus rien. Le disque noir dansait, puis s
696 ensez au noir » —, elles ne devaient m’apparaître qu’ après bien des années, à l’épreuve de bien d’autres anxiétés. Mais ce
697 ion des moyens et des fins. Je n’en tirai d’abord que des formules abstraites, mais dont je pressentais en toute confiance,
698 tes, mais dont je pressentais en toute confiance, que la vie où j’allais rentrer saurait les illustrer dans maints domaines
699 doit nous rejoindre et nous mouvoir. C’est du but que d’abord la force vient à nous, déclenchant le mouvement inverse, par
700 ns de l’atteindre et les oriente plus strictement qu’ aucune méthode ou aucun précepte reçu. 3. Toute action efficace commen
701 et où ils sont vraiment dictés par elle. (Le fait que l’on invoque ce proverbe pour couvrir des tricheries évidentes ne lui
702 intrinsèque vérité.) (Plus tard, j’ai découvert que la secte bouddhiste du zen fait grand usage du Tir et de la méditatio
703 la cible), à avoir ce but en soi, de telle sorte qu’ il arrive un jour à mettre une flèche dans le noir les yeux fermés, et
704 ssi). Partant de cette expérience, et des maximes que j’en déduis, je propose dans la suite du livre une distinction fondam
705 ion des conduites humaines. Je pose d’un côté ce que j’appelle les Règles du Jeu, l’ensemble des moyens de vivre. Et je po
706 s rites, des codes et conventions de toute espèce qu’ une société se donne pour guider les conduites de ses membres. Cela va
707 et pratiques. Mais une analyse même rapide montre que beaucoup de conventions, comme celles des jeux, traduisent des réalit
708 ifier ; en revanche, quantité de préceptes moraux que tel peuple tient pour la traduction directe des réalités fondamentale
709 omiques, climatériques ou religieuses, de peuples que la Nature a fait semblables physiquement. Je me borne à mentionner ic
710 on a dit trop de mal des conventions, en ce sens qu’ on en a dit seulement du mal, oubliant qu’elles sont réellement indisp
711 ce sens qu’on en a dit seulement du mal, oubliant qu’ elles sont réellement indispensables à toute vie sociale, c’est-à-dire
712 nos morales religieuses ou profanes sous prétexte qu’ elles ne sont que de « simples conventions », se trompent doublement :
713 ieuses ou profanes sous prétexte qu’elles ne sont que de « simples conventions », se trompent doublement : car premièrement
714 doublement : car premièrement, on peut démontrer que les règles et préceptes de toutes les morales humaines sont conventio
715 et deuxièmement, il n’y a rien de plus important que les conventions dans une culture, une civilisation, dans les relation
716 les hommes, ou même entre deux êtres, si frustes qu’ ils soient. Reconnaître que les normes et prescriptions morales sont d
717 deux êtres, si frustes qu’ils soient. Reconnaître que les normes et prescriptions morales sont des conventions ne signifie
718 morales sont des conventions ne signifie donc pas qu’ elles soient méprisables ou vaines, bien au contraire. De plus, l’assi
719 morales aux règles d’un jeu ne signifie nullement qu’ il faille les prendre à la légère, ni qu’on montre beaucoup d’intellig
720 ullement qu’il faille les prendre à la légère, ni qu’ on montre beaucoup d’intelligence en trichant avec elles : aux échecs,
721 ient aux règles et à rien d’autre. S’il est admis que les normes de la morale sont des règles d’un jeu, toute espèce de lax
722 mes conventionnelles adoptées par une société, et que l’on conviendra donc d’observer rigoureusement, comme on le fait des
723 t des règles d’un jeu, il faut souligner aussitôt que ces conventions ne sauraient être arbitraires. (Beaucoup de gens s’im
724 t être arbitraires. (Beaucoup de gens s’imaginent que les deux termes « convention » et « arbitraire » sont à peu près syno
725 nos Églises sont largement responsables) qui fait que l’on a peu à peu sacralisé au cours des âges et finalement considéré
726 n de choix pour cette confusion : il ne disposait que de la loi mosaïque et de son sommaire, le commandement sur l’amour de
727 es religions. De là aussi la confusion inévitable que j’ai dite, l’attribution à la « volonté de Dieu » ou à la Nature des
728 té de Dieu » ou à la Nature des choses de tout ce que la société juge indispensable à son bien : tantôt l’esclavage et tant
729 ître : ces scandales trop connus tiennent au fait que les Églises ont cru devoir édicter la morale de leur siècle, générale
730 résume cette partie de mon argument : 1. j’estime qu’ il y a tout avantage à considérer les préceptes et codes de la morale
731 ur sa valeur en tant que personne. Il est entendu que si l’on fait une faute, si on touche la balle avec la main au footbal
732 , coups bas, etc.). La notion de péché n’apparaît qu’ à partir du moment où se trouve posée la question de nos fins dernière
733 chemin qui va me conduire à la source de l’appel que j’ai cru percevoir, que je cherche à entendre, à capter de nouveau, p
734 re à la source de l’appel que j’ai cru percevoir, que je cherche à entendre, à capter de nouveau, pour qu’il me guide dans
735 ou si je l’invente en le suivant ? Il n’est créé que par l’appel, et n’existe que si je m’y engage, répondant à l’appel sa
736 vant ? Il n’est créé que par l’appel, et n’existe que si je m’y engage, répondant à l’appel sans penser à rien d’autre. Il
737 sonne encore n’a pu le suivre, puisqu’il n’existe qu’ à partir de moi, et pour moi seul ! Cette unicité et singularité absol
738 ticulier, elles me mèneront sans doute aussi loin qu’ on voudra et en toute sécurité, c’est bien utile et agréable, — mais j
739 i seul. Et dans tout cela je n’ai d’autre soutien que ma croyance par éclairs, ma « foi » dans l’existence de ce But qu’on
740 ar éclairs, ma « foi » dans l’existence de ce But qu’ on ne peut voir et que personne n’a jamais vu. N’ayant d’autres moyens
741 dans l’existence de ce But qu’on ne peut voir et que personne n’a jamais vu. N’ayant d’autres moyens de répondre à son app
742 moyens de répondre à son appel, de le rejoindre, que ceux que me suggère, inexplicablement, ma foi en lui. C’est donc le B
743 e répondre à son appel, de le rejoindre, que ceux que me suggère, inexplicablement, ma foi en lui. C’est donc le But qui me
744 and je m’abandonne à l’élan, à l’attrait advienne que pourra, comme dans un saut… Dans ces moments, le But a dicté ses moye
745 aits et me les a donnés. Je disais tout à l’heure que la notion de péché n’a pas sa place dans le monde des règles du jeu,
746 s le monde de la vocation. Voici comment je crois qu’ il faut l’entendre. Par rapport à la vocation humaine et générale de l
747 l’amour (sommaire de toute la Loi), il est clair que le péché en général est de faillir à l’amour, de le blesser, ou de le
748 ier, c’est ce qui m’empêche de répondre à l’appel que j’ai cru entendre, c’est le refus d’y croire sans preuve dont je puis
749 par quelque attitude intime, en travers du chemin que l’Appel, dans la nuit, crée ou jalonne pour moi seul. Mon péché, c’es
750 d’agir ma vocation. Et je découvre, à ce propos, que le mot désignant le péché en hébreu signifie littéralement « ce qui m
751 trop simplifié, beaucoup trop court pour tout ce qu’ il prétend remuer, sans avoir indiqué au moins les principales objecti
752 avoir indiqué au moins les principales objections que je suis le premier à formuler contre mes thèses — et que j’examinerai
753 suis le premier à formuler contre mes thèses — et que j’examinerai sans pitié dans mon livre — mais j’aimerais indiquer aus
754 s j’aimerais indiquer aussi l’esprit des réponses que l’on pourrait tenter d’y faire. La dichotomie proposée entre les règl
755 nction fondamentale et radicale, pour paulinienne qu’ elle soit sans doute — au moins par sa structure dialectique — il est
756 ins par sa structure dialectique — il est évident qu’ elle provoque une série de questions, de doutes et de reproches hélas
757 e me dira (et il le dit en moi) : — Êtes-vous sûr que l’appel que vous croyez venu du Transcendant n’est pas tout simplemen
758 t il le dit en moi) : — Êtes-vous sûr que l’appel que vous croyez venu du Transcendant n’est pas tout simplement l’expressi
759 e des aides de la Révélation. — À quoi je réponds que le risque est très grand, je l’avoue, mais que les Églises qui croyai
760 ds que le risque est très grand, je l’avoue, mais que les Églises qui croyaient dur comme fer que leur mission était de rég
761 mais que les Églises qui croyaient dur comme fer que leur mission était de régler la conduite morale de nos peuples n’ont
762 les vois patauger dans des domaines aussi vitaux que ceux de la contraception ou de la guerre, je me demande de quoi elles
763 eils ou des ordres au moins aussi contradictoires que ceux qu’édictent les États, les Sciences, leurs branches spécialisées
764 es ordres au moins aussi contradictoires que ceux qu’ édictent les États, les Sciences, leurs branches spécialisées, et les
765 gien me reprochera (et je ne suis pas du tout sûr qu’ il ait tort) d’ouvrir les portes toutes grandes au subjectivisme intég
766 des dont la psychose prend la forme d’une mission qu’ ils affirment reçue de Dieu. — À quoi je pense qu’on doit répondre par
767 qu’ils affirment reçue de Dieu. — À quoi je pense qu’ on doit répondre par une vigilance redoublée dans l’examen des marques
768 iance dans le Saint-Esprit. Je souligne seulement que les risques inverses, nés de l’exigence exclusive de ce que l’on nomm
769 sques inverses, nés de l’exigence exclusive de ce que l’on nomme « objectivité scientifique », et qui évacue de la réalité
770 gistré par la mémoire d’une machine électronique, que cet objectivisme-là est au moins aussi onéreux pour l’équilibre humai
771 st au moins aussi onéreux pour l’équilibre humain que l’anarchie spiritualiste. Toute vie spirituelle authentique ne s’est-
772 sme ? Un troisième théologien, prenant acte de ce que je ne crois pas du tout à une morale révélée, ni directement ni au tr
773 et osez croire l’invraisemblable. Et c’est ainsi que vous trouverez aussi, chemin faisant, votre vrai moi. » Au sociologue
774 dans un individualisme anarchisant, je répondrai qu’ il a bien mal compris la définition de la personne : l’homme chargé pa
775 sse, à faire grandement la moindre des choses, ce qu’ il doit faire lui seul. (Et d’abord, à se faire lui-même, ajouterais-j
776 qui devrait nous guider… » — je voudrais dire ici que la prière est le seul moyen que l’Évangile propose pour accorder au T
777 voudrais dire ici que la prière est le seul moyen que l’Évangile propose pour accorder au Transcendant notre être intime, n
778 areils allant d’un homme à Dieu. Mais je pressens que les objections les plus gênantes qu’on pourra me faire seront celles
779 je pressens que les objections les plus gênantes qu’ on pourra me faire seront celles que je n’ai pas prévues… Je les atten
780 plus gênantes qu’on pourra me faire seront celles que je n’ai pas prévues… Je les attends de votre part et vous en dis d’av
781 en loin des conclusions définitives et cohérentes que certains attendraient peut-être, mais dont je doute qu’aucun chrétien
782 rtains attendraient peut-être, mais dont je doute qu’ aucun chrétien puisse les donner. Les « païens » et l’Antiquité vivaie
783 médications, régimes sociaux ou psychosomatiques qu’ on ne remettra en question que pour trouver des certitudes du même ord
784 ou psychosomatiques qu’on ne remettra en question que pour trouver des certitudes du même ordre, toujours plus précises et
785 ues et au clergé de l’Église chrétienne, je pense que leur rôle spécifique et leur vocation générale consisteront plutôt à
786 énérale consisteront plutôt à poser des questions qu’ à tenter d’imposer des réponses ; à poser avant tout, en temps et hors
787 stion, celle du Sens, celle du But. C’est tout ce que , pour ma part et selon mes moyens, j’aurais voulu vous faire entendre