1 1932, Esprit, articles (1932–1962). À l’index (Première liste) : Candide (octobre 1932)
1 32)a Le numéro « exceptionnel » du 8 septembre de Candide nous apporte, pour l’anniversaire de la Marne, la mesure de c
2 mbre de Candide nous apporte, pour l’anniversaire de la Marne, la mesure de ce qu’on pourrait appeler la politique des « l
3 porte, pour l’anniversaire de la Marne, la mesure de ce qu’on pourrait appeler la politique des « laquais de forges ». On
4 qu’on pourrait appeler la politique des « laquais de forges ». On nous entendra. Six grandes pages de dessins inspirés à M
5 de forges ». On nous entendra. Six grandes pages de dessins inspirés à M. Hermann-Paul par l’actualité (peut-être même fa
6 es peignant « chez nous » — d’après ses souvenirs d’ avant-crise sans doute — ne parvient pas à égaler les célèbres galipet
7 is 16 ans — les plus fameux produits des services de propagande officieuse. M. Marcel Hutin n’a qu’à bien se tenir. La réu
8 r. La réussite est si complète qu’on se sent pris de malaise. Voyons, sommes-nous encore en 1916 ? s’agit-il encore de rev
9 ns, sommes-nous encore en 1916 ? s’agit-il encore de revanche ? S’agit-il encore de « faire durer le plaisir » jusqu’au bo
10 ? s’agit-il encore de revanche ? S’agit-il encore de « faire durer le plaisir » jusqu’au bout et à tout prix ? Au niveau
11 pendules et violé pour le moins une chaste fille de Montmartre. C’est une conception de Français né paillard, décoré, et
12 chaste fille de Montmartre. C’est une conception de Français né paillard, décoré, et qui ne sait pas la géographie. Il fa
13 éographie. Il faut tout de même que nos camarades de la jeunesse allemande, qui s’en inquiètent à juste titre, sachent ce
14 t ce que nous pensons des manifestations récentes de l’état d’esprit candidard : les dessins, et plus encore les légendes
15 didard : les dessins, et plus encore les légendes de M. Hermann-Paul sont d’une imbécillité proprement répugnante et qu’il
16 plus encore les légendes de M. Hermann-Paul sont d’ une imbécillité proprement répugnante et qu’il faudrait qualifier de c
17 proprement répugnante et qu’il faudrait qualifier de criminelle si elle n’était avant tout veule, plate et sénile, au poin
18 était avant tout veule, plate et sénile, au point de perdre toute efficacité dès la 2e page. Il semble que M. Paul s’adres
19 chaque semaine, non sans sadisme, dans l’exercice de cette avarice ou de cette férocité spéciales décrites par Léon Bloy.
20 sans sadisme, dans l’exercice de cette avarice ou de cette férocité spéciales décrites par Léon Bloy. Joli monde, comme di
21 e, comme disent les échotiers. Remercions Candide d’ avoir poussé les choses assez loin pour que la seule « réaction » poss
22 ssez loin pour que la seule « réaction » possible de tout ce qu’il y a d’honnête dans son public soit à coup sûr d’écœurem
23 seule « réaction » possible de tout ce qu’il y a d’ honnête dans son public soit à coup sûr d’écœurement et de mépris, dev
24 ’il y a d’honnête dans son public soit à coup sûr d’ écœurement et de mépris, devant cette déjection, grassement payée mais
25 e dans son public soit à coup sûr d’écœurement et de mépris, devant cette déjection, grassement payée mais qui peut coûter
26 ayée mais qui peut coûter cher à ses producteurs, de la haine qui se bat les flancs. a. Rougemont Denis de, « À l’index
27 aine qui se bat les flancs. a. Rougemont Denis de , « À l’index (Première liste) : Candide  », Esprit, Paris, octobre 19
2 1932, Esprit, articles (1932–1962). On oubliera les juges (novembre 1932)
28 monde. Mais une pensée qui n’agit pas n’est plus de la pensée ; une action qu’on ne « pense » pas ne peut pas être créatr
29 re créatrice. En tant que révolutionnaires, c’est de ce point de vue central et seul efficacement critique que nous devons
30 itique que nous devons envisager les perspectives de la vie publique et privée, dans l’état où se trouve la France en 1932
31 ndre une description méthodique des circonstances de notre vie concrète, à seule fin d’en démontrer l’absurdité latente et
32 circonstances de notre vie concrète, à seule fin d’ en démontrer l’absurdité latente et souvent manifeste ? Ce serait fair
33 monde, que nous refusons. Mais il peut être utile d’ en dégager ce que l’on appellerait l’équation de décadence, dans certa
34 e d’en dégager ce que l’on appellerait l’équation de décadence, dans certains cas où cette absurdité essentielle, cette mo
35 le, cette mortelle, cette officielle dissociation de la pensée et de l’action apparaît particulièrement flagrante. C’est à
36 le, cette officielle dissociation de la pensée et de l’action apparaît particulièrement flagrante. C’est à ce titre et sou
37 rubrique au premier numéro, suggérait une méthode d’ « observation affectueuse » des vies privées. Ah oui ! si la Révolutio
38 mande, dans le monde tel qu’il est, n’est-ce pas, d’ une façon plus urgente, « l’observation révolutionnaire » de nos compo
39 n plus urgente, « l’observation révolutionnaire » de nos comportements ? ⁂ Une conviction intime et péremptoire s’élabore
40 péremptoire s’élabore et s’impose dans le silence d’ une vie : la loi de Dieu s’oppose à cette loi des hommes qui veut qu’o
41 re et s’impose dans le silence d’une vie : la loi de Dieu s’oppose à cette loi des hommes qui veut qu’on tue. Une décision
42 peut-être pour la première fois, dans la solitude d’ une chambre la nuit, — si c’est le lieu de sa prière. Les faits l’atte
43 olitude d’une chambre la nuit, — si c’est le lieu de sa prière. Les faits l’attendent : elle les juge. (Elle les avait jug
44 ’attendent : elle les juge. (Elle les avait jugés d’ avance.) Et maintenant ils prennent leur revanche, dans la laideur de
45 enant ils prennent leur revanche, dans la laideur de cette salle que le président de la Cour s’obstine à nommer pompeuseme
46 , dans la laideur de cette salle que le président de la Cour s’obstine à nommer pompeusement « cette enceinte ». Une salle
47 ement « cette enceinte ». Une salle carrée, laide de cette laideur pauvre et presque abstraite qui symbolise assez bien le
48 ent des cigarettes en taquinant du pied la crosse de leur fusil (baïonnette au canon). On a parqué le public dans le fond 
49 s casquettes. La cour fait son entrée — maniement d’ armes — dépose sur la table sabres et képis, s’assied pour écouter : t
50 s et képis, s’assied pour écouter : tout est jugé d’ avance. Deux heures durant, quelques pasteurs et quelques écrivains vo
51 ux principes suprêmes (c’est-à-dire fondamentaux) de l’éthique, devant huit officiers corrects qui n’ont jamais rien enten
52 officiers corrects qui n’ont jamais rien entendu de pareil, ainsi qu’en témoignent leurs visages anonymes. Ils n’auront p
53 t pas à s’exprimer, d’ailleurs, sinon par la voix de leur président, et la mimique d’un jeune aviateur, dont la mâchoire f
54 inon par la voix de leur président, et la mimique d’ un jeune aviateur, dont la mâchoire furieuse remâche une incompréhensi
55 oire furieuse remâche une incompréhensible colère de fauve en cage — mais il n’y a pas de cage. Et chacun sait qu’au bout
56 sible colère de fauve en cage — mais il n’y a pas de cage. Et chacun sait qu’au bout du compte il y aura un an de prison p
57 chacun sait qu’au bout du compte il y aura un an de prison pour ce garçon sérieux et maître de lui, qui sourit parfois do
58 un an de prison pour ce garçon sérieux et maître de lui, qui sourit parfois doucement derrière ses lunettes d’écaille. C’
59 ui sourit parfois doucement derrière ses lunettes d’ écaille. C’est lui qui juge, ayant pesé son acte. Les autres appliquen
60 Je ne suis même pas pacifiste. Eussè-je été tenté de le devenir qu’il m’eût été difficile de persister après le réquisitoi
61 été tenté de le devenir qu’il m’eût été difficile de persister après le réquisitoire du Commissaire du gouvernement. Non p
62 classe, quoi qu’il en pense, dans cette phalange de rhéteurs qui va de Jaurès à Sangnier ; car c’est, vous m’entendez, « 
63 en pense, dans cette phalange de rhéteurs qui va de Jaurès à Sangnier ; car c’est, vous m’entendez, « au nom de la cause
64 est, vous m’entendez, « au nom de la cause sacrée de la paix » que ce brave officier réclama pour Martin le maximum de la
65 ce brave officier réclama pour Martin le maximum de la peine, non sans avoir cité une pensée de Pascal en l’attribuant à
66 ximum de la peine, non sans avoir cité une pensée de Pascal en l’attribuant à Pasteur. On peut n’être pas difficile : on t
67 le vif du débat — à savoir si Martin, « objecteur de conscience », a donné par son acte la preuve d’une obéissance à Dieu
68 r de conscience », a donné par son acte la preuve d’ une obéissance à Dieu qui devrait être celle de tout croyant ; ou s’il
69 ve d’une obéissance à Dieu qui devrait être celle de tout croyant ; ou s’il a seulement manifesté sa vocation particulière
70 ait dégager ici quelques constatations dépourvues de subtilité. 1° L’ensemble de cette oppressante cérémonie fit voir à l’
71 statations dépourvues de subtilité. 1° L’ensemble de cette oppressante cérémonie fit voir à l’évidence, une fois de plus,
72 le monde fabriqué pour leur usage par les hommes de ce temps est à tous points de vue le plus irrespirable à l’homme. 2°
73 pirable à l’homme. 2° Les fondements idéologiques de ce monde sont morts ou n’en valent guère mieux, tant ils sont enrobés
74 ou n’en valent guère mieux, tant ils sont enrobés de crasse hypocrisie par la bureaucratie bourgeoise et militaire qu’ils
75 gitimement. Il fallait voir comment ces Messieurs de la Cour accueillaient certaines tirades sur le fameux principe de la
76 illaient certaines tirades sur le fameux principe de la liberté de conscience. Cela prenait « dans cette enceinte » un pet
77 ines tirades sur le fameux principe de la liberté de conscience. Cela prenait « dans cette enceinte » un petit air anarcho
78 t air anarcho ou pleurard… Et l’on parla pourtant de la conscience morale. On en parla, bien sûr, comme d’une de ces céléb
79 a conscience morale. On en parla, bien sûr, comme d’ une de ces célébrités respectables et séniles dont le nom sert encore
80 cience morale. On en parla, bien sûr, comme d’une de ces célébrités respectables et séniles dont le nom sert encore de rec
81 s respectables et séniles dont le nom sert encore de recommandation (pour ceux qui croient aux « relations »). Cette vertu
82 ïque et démodée, confectionnée par les idéologues de la Troisième République, a gardé parmi nous quelque prestige. Un je n
83 é parmi nous quelque prestige. Un je ne sais quoi de rassurant et d’avouable, qui fait qu’on invoque son nom dans tous les
84 lque prestige. Un je ne sais quoi de rassurant et d’ avouable, qui fait qu’on invoque son nom dans tous les cas où il s’agi
85 son nom dans tous les cas où il s’agit en vérité de conscience de classe, de conscience bourgeoise. Mais qu’elle se mêle
86 tous les cas où il s’agit en vérité de conscience de classe, de conscience bourgeoise. Mais qu’elle se mêle un jour de s’a
87 s où il s’agit en vérité de conscience de classe, de conscience bourgeoise. Mais qu’elle se mêle un jour de s’affirmer par
88 nscience bourgeoise. Mais qu’elle se mêle un jour de s’affirmer par une personnalité, et par là même de ne plus coïncider
89 e s’affirmer par une personnalité, et par là même de ne plus coïncider avec les intérêts, les habitudes de la classe, et l
90 e plus coïncider avec les intérêts, les habitudes de la classe, et la voilà jugée, raillée, emprisonnée — accusée d’attent
91 et la voilà jugée, raillée, emprisonnée — accusée d’ attenter à la « cause sacrée de la paix ». Anti-personnalisme de l’éth
92 risonnée — accusée d’attenter à la « cause sacrée de la paix ». Anti-personnalisme de l’éthique bourgeoise. 3° Les actes p
93 a « cause sacrée de la paix ». Anti-personnalisme de l’éthique bourgeoise. 3° Les actes politiques déduits par accident de
94 rmelle avec les actes juridiques déduits par voie de faits — si l’on peut dire — des mêmes principes. Sangnier devait rele
95 leurs mettent en prison Martin parce qu’il refuse de faire la guerre. (Ça n’est pas tout à fait des mêmes braves gens qu’i
96 état, qu’ils tolèrent.) 4° Il n’y a qu’un rapport de trahison entre les idéaux pour lesquels nous nous ferions tuer, et le
97 pour lesquels nous nous ferions tuer, et les buts de ceux qui nous feraient volontiers tuer. Jean-Richard Bloch l’a dit à
98 corés, on l’emprisonne. 5° Il n’y a qu’un rapport de trahison entre la religion chrétienne et la religion de l’Écho de Par
99 hison entre la religion chrétienne et la religion de l’Écho de Paris. « Nous avons proposé un maître à ce jeune homme, dit
100 e la religion chrétienne et la religion de l’Écho de Paris. « Nous avons proposé un maître à ce jeune homme, dit le pasteu
101 Cooreman. C’était le Christ. Martin est coupable de l’avoir accepté. » Sur quoi le commissaire du gouvernement croit pouv
102 ir remarquer « que l’on n’est pas ici pour parler de théologie et de subtile philosophie ». André Philip, défenseur de Mar
103 ue l’on n’est pas ici pour parler de théologie et de subtile philosophie ». André Philip, défenseur de Martin, lui répondr
104 de subtile philosophie ». André Philip, défenseur de Martin, lui répondra non sans violence : « C’est faux ! Vous faites d
105 ra non sans violence : « C’est faux ! Vous faites de la théologie, et vous ne faites même que cela ; c’est une tout autre
106 C’est la théologie païenne par excellence, celle de l’État-Dieu, qui veut l’obéissance aveugle… » 6° Il n’y a qu’un rappo
107 l’obéissance aveugle… » 6° Il n’y a qu’un rapport de lâcheté entre les formes de la justice actuelle et les fins que lui a
108 l n’y a qu’un rapport de lâcheté entre les formes de la justice actuelle et les fins que lui assigne l’« ordre » bourgeois
109  ordre » bourgeois. Une manifestation comme celle de la rue du Cherche-Midi présente cet avantage d’être une véritable « m
110 e de la rue du Cherche-Midi présente cet avantage d’ être une véritable « manifestation du régime ». Tout aveu de cet ordre
111 véritable « manifestation du régime ». Tout aveu de cet ordre concourt à la ruine de ses auteurs. Un régime fort, usant d
112 ime ». Tout aveu de cet ordre concourt à la ruine de ses auteurs. Un régime fort, usant de ses pouvoirs dans un style adéq
113 à la ruine de ses auteurs. Un régime fort, usant de ses pouvoirs dans un style adéquat à ses fins, jugerait de tels cas s
114 uvoirs dans un style adéquat à ses fins, jugerait de tels cas sommairement sans avocats ni simulacres d’aucune sorte. Qui
115 tels cas sommairement sans avocats ni simulacres d’ aucune sorte. Qui trompe-t-on ici ? Les « grands principes » de 89 ou
116 e. Qui trompe-t-on ici ? Les « grands principes » de 89 ou les commanditaires de la prochaine dernière ? Il reste que les
117 « grands principes » de 89 ou les commanditaires de la prochaine dernière ? Il reste que les arguments, les témoignages a
118 apportés, la plaidoirie puissante et prophétique d’ André Philip ont posé au régime la question de confiance ; et qu’ils l
119 que d’André Philip ont posé au régime la question de confiance ; et qu’ils l’ont posée sur un plan où nul arrêt de la just
120  ; et qu’ils l’ont posée sur un plan où nul arrêt de la justice humaine désormais ne saurait l’esquiver. Personne n’a réfu
121 ette plaidoirie. Le président n’avait rien trouvé d’ autre qu’une « colle » d’examinateur. « Le cas de légitime défense, ré
122 dent n’avait rien trouvé d’autre qu’une « colle » d’ examinateur. « Le cas de légitime défense, répétait-il consciencieusem
123 d’autre qu’une « colle » d’examinateur. « Le cas de légitime défense, répétait-il consciencieusement à chaque témoin, qu’
124 e témoin, qu’en faites-vous ? » Un seul se permit de répondre que toutes les guerres sont défensives. Quelqu’un me demand
125 -ce que c’est fait ? » 7° Certes, l’on peut tirer de ces débats une conclusion précise : la question du service civil est
126 justice que sa muette intransigeance a bien plus de portée. Prenons garde que la fameuse « cause de la paix » ne nous dét
127 s de portée. Prenons garde que la fameuse « cause de la paix » ne nous détourne de l’action nécessaire, qui ne saurait lon
128 la fameuse « cause de la paix » ne nous détourne de l’action nécessaire, qui ne saurait longtemps demeurer pacifiste. Dan
129 ocial où tout se tient, mais par la seule logique de la décomposition nécessaire de principes faux en faits absurdes, le g
130 r la seule logique de la décomposition nécessaire de principes faux en faits absurdes, le geste de Martin, détaché de ses
131 ire de principes faux en faits absurdes, le geste de Martin, détaché de ses considérants individuels, s’isole comme un sig
132 ux en faits absurdes, le geste de Martin, détaché de ses considérants individuels, s’isole comme un signal de rupture cons
133 considérants individuels, s’isole comme un signal de rupture consommée. Tout homme qui agit, sa pensée est en rupture de b
134 ée. Tout homme qui agit, sa pensée est en rupture de bourgeoisie. Jacques Martin, dans sa prison, témoigne pour un ordre n
135 igne pour un ordre nouveau. b. Rougemont Denis de , « On oubliera les juges », Esprit, Paris, novembre 1932, p. 297-301.
3 1933, Esprit, articles (1932–1962). Comment rompre ? (mars 1933)
136 apport entre le christianisme et le christianisme de la chrétienté réside en ceci, que le christianisme parle sans cesse d
137 de en ceci, que le christianisme parle sans cesse de l’Éternité, pense continuellement à l’Éternel, — et que la chrétienté
138 à l’Éternel, — et que la chrétienté ensuite parle de la même façon, mais pense à cette vie terrestre. Kierkegaard (Journa
139 ie terrestre. Kierkegaard (Journal). La volonté de rupture est l’origine même du christianisme ; c’est pourquoi l’appari
140 me du christianisme ; c’est pourquoi l’apparition d’ une volonté contraire définit exactement, pour la chrétienté, le début
141 définit exactement, pour la chrétienté, le début de la décadence. Il y a des siècles de lutte sourde entre ces deux voulo
142 nté, le début de la décadence. Il y a des siècles de lutte sourde entre ces deux vouloirs, et tant que dure la lutte le ch
143 la lutte le christianisme vainc : sa victoire est d’ être éveillé. Tel est pour lui l’ordre, le commandement. Mais que les
144 le commandement. Mais que les chrétiens, fatigués de la lutte, viennent à croire qu’il est une autre façon de vaincre, et
145 utte, viennent à croire qu’il est une autre façon de vaincre, et que c’est de réduire l’adversaire à une paix avantageuse,
146 u’il est une autre façon de vaincre, et que c’est de réduire l’adversaire à une paix avantageuse, à une paix dont ils s’im
147 à la lutte, qu’ils l’organisent, la sanctionnent d’ une autorité que seule leur conférait la rupture initiale, — qu’enfin
148 aussi de par la souveraineté, désormais usurpée, de l’Église, le désordre se trouve « établi ». Notre jeunesse s’éveille
149 ». Notre jeunesse s’éveille au milieu des statuts de cette confusion. C’est contre eux dès l’abord qu’elle vient lourdemen
150 it mal, et la douleur tient réveillé. On a essayé de nous faire croire que cet « ordre » social qui nous blessait, c’était
151 l qui nous blessait, c’était un aspect nécessaire de l’« ordre chrétien » du monde. Nous ne l’avons pas cru longtemps, — l
152 de. Nous ne l’avons pas cru longtemps, — le temps de nous souvenir de la guerre. Aujourd’hui, des imprécations montent de
153 ns pas cru longtemps, — le temps de nous souvenir de la guerre. Aujourd’hui, des imprécations montent de toutes les partie
154 la guerre. Aujourd’hui, des imprécations montent de toutes les parties de la terre contre une chrétienté qui, loin d’avoi
155 i, des imprécations montent de toutes les parties de la terre contre une chrétienté qui, loin d’avoir maudit la guerre et
156 rties de la terre contre une chrétienté qui, loin d’ avoir maudit la guerre et surtout ce qui l’a permise, prétend encore d
157 ur l’Europe, et ne peut maintenir cette apparence de règne qu’en confondant scandaleusement sa cause avec la cause de ceux
158 confondant scandaleusement sa cause avec la cause de ceux qui réellement gouvernent. (On sait ce qu’ils sont.) Il faut qu’
159 un cri jaillisse : c’en est fait du christianisme de la chrétienté ! Car ce cri est le témoignage d’un réveil. Et quand bi
160 e de la chrétienté ! Car ce cri est le témoignage d’ un réveil. Et quand bien même il ne serait poussé que par quelques-uns
161 faire qu’il n’y ait eu cette preuve, aujourd’hui, d’ une volonté de rupture, ce témoignage qui chaque fois qu’il est porté,
162 y ait eu cette preuve, aujourd’hui, d’une volonté de rupture, ce témoignage qui chaque fois qu’il est porté, rétablit le c
163 ous voulons rompre, et nous savons qu’il y faudra de la violence. Mais où porter le coup ? qui dénoncer ? au nom de quoi ?
164 pu se faire entre le christianisme et l’injustice de ce monde, l’un n’existant que pour autant qu’il exclut l’autre. Ce n’
165 christianisme qui a confondu sa cause avec celle de la bourgeoisie capitaliste. Mais c’est un parti de gens qui, ayant pe
166 e la bourgeoisie capitaliste. Mais c’est un parti de gens qui, ayant peut-être été chrétiens, veulent en tirer des intérêt
167 chrétiens, veulent en tirer des intérêts, abusent de ce qu’ils considèrent comme un privilège, le perdent par là même, et
168 plus voyant, le plus officiel et le plus puissant de la chrétienté, — il n’est pas le christianisme, et ce n’est pas à lui
169 n’est pas le christianisme, et ce n’est pas à lui de rompre avec l’injustice dont il s’est fait le soutien, et qui, depuis
170 réalité n’est plus l’Église et n’a plus le droit de parler ; elle n’est plus qu’une précieuse auxiliaire de la préfecture
171 ler ; elle n’est plus qu’une précieuse auxiliaire de la préfecture de police. Qu’on n’attende donc pas de nous un appel au
172 plus qu’une précieuse auxiliaire de la préfecture de police. Qu’on n’attende donc pas de nous un appel aux églises en tant
173 la préfecture de police. Qu’on n’attende donc pas de nous un appel aux églises en tant que corps constitués et officiels1.
174 itués et officiels1. Non, en présence du scandale de la chrétienté embourgeoisée, patriotarde, riche et peureuse, les égli
175 t plus le christianisme, qu’elles sont incapables de rupture, qu’elles ont passé au camp de l’ennemi, et depuis si longtem
176 incapables de rupture, qu’elles ont passé au camp de l’ennemi, et depuis si longtemps qu’elles parlent maintenant sa langu
177 . Bien moins encore que tout cela, nous attendons de nos églises qu’elles énoncent une doctrine sociale nouvelle opposée a
178 ée aux doctrines régnantes. Nous n’attendons rien d’ aucun acte délibéré, pesé et calculé, tendant à désolidariser la « chr
179 écularisée, et qu’on ne peut demander à ce siècle de rompre avec lui-même, de s’arracher le cœur. Il n’y a de rupture poss
180 eut demander à ce siècle de rompre avec lui-même, de s’arracher le cœur. Il n’y a de rupture possible qu’au nom de l’Évang
181 re avec lui-même, de s’arracher le cœur. Il n’y a de rupture possible qu’au nom de l’Évangile2. Elle ne peut se produire q
182 le sera donc la forme et tel sera le premier lieu de la rupture nécessaire : la dénonciation d’une imposture, partout où l
183 r lieu de la rupture nécessaire : la dénonciation d’ une imposture, partout où la chrétienté, ayant touché ses 30 deniers,
184 e que les hommes auraient eu le tort, simplement, de mal utiliser, de négliger. Il n’y a pas, en vérité, de « forces chrét
185 auraient eu le tort, simplement, de mal utiliser, de négliger. Il n’y a pas, en vérité, de « forces chrétiennes » spécifiq
186 l utiliser, de négliger. Il n’y a pas, en vérité, de « forces chrétiennes » spécifiques constituées, existant en elles-mêm
187 esse, et que nous pourrions, par exemple, dégager de leurs complicités avec les « forces du monde ». Le chrétien ne connaî
188 s « forces du monde ». Le chrétien ne connaît pas d’ autre force réelle que celle de la foi. Or cette unique force ne lui a
189 ien ne connaît pas d’autre force réelle que celle de la foi. Or cette unique force ne lui appartient pas ; tout au plus le
190 lui appartient pas ; tout au plus le saisit-elle, d’ une manière imprévisible. La seule liberté qui lui soit accordée vis-à
191 qui lui soit accordée vis-à-vis de la foi, c’est de la refuser. Comment dès lors l’utiliserait-il à son gré ? Car d’une p
192 est en réalité sur une tout autre force que celle de la foi. Ce peut être sur une éthique de puissance et de service ; ou
193 que celle de la foi. Ce peut être sur une éthique de puissance et de service ; ou sur une éthique de bonheur ; ou sur un i
194 foi. Ce peut être sur une éthique de puissance et de service ; ou sur une éthique de bonheur ; ou sur un idéal humanitaire
195 e de puissance et de service ; ou sur une éthique de bonheur ; ou sur un idéal humanitaire ; ou sur un idéal de sécurité ;
196 r ; ou sur un idéal humanitaire ; ou sur un idéal de sécurité ; ou sur des intérêts plus bassement optimistes encore. Tout
197 bassement optimistes encore. Toutes ces formules d’ « ordre chrétien » ont été plus ou moins réalisées, et constituent dan
198 manifestations actuelles. ⁂ Ne nous excusons pas d’ avoir recours ici à des formules théologiques, puisque précisément, à
199 établissement, nous trouvons ce désir trop humain de parler des choses de la foi dans le langage du bonheur terrestre. La
200 rouvons ce désir trop humain de parler des choses de la foi dans le langage du bonheur terrestre. La rupture que nous voul
201 eur terrestre. La rupture que nous voulons n’aura de conséquences politiques que si nous posons le problème sur son plan r
202 posons le problème sur son plan réel. Or, le lieu de sa décision n’est pas le lieu des décisions et des calculs humains ;
203 la religion. Les églises qui se crurent en droit d’ édicter un « ordre chrétien », se fondaient toutes, et se fondent enco
204 fondent encore, sur une conception antichrétienne de la foi. La foi, pour elles, est une « force » que l’homme peut se pro
205 C’est la meilleure façon que le monde ait trouvée de rejeter le Christ : feindre d’accepter la doctrine de ses disciples,
206 monde ait trouvée de rejeter le Christ : feindre d’ accepter la doctrine de ses disciples, se faire un avoir de la Pauvret
207 ejeter le Christ : feindre d’accepter la doctrine de ses disciples, se faire un avoir de la Pauvreté évangélique, et bient
208 r la doctrine de ses disciples, se faire un avoir de la Pauvreté évangélique, et bientôt ne plus vivre que sur les intérêt
209 ue, et bientôt ne plus vivre que sur les intérêts de cet avoir. Mais si la foi, don de Dieu, et gratuit — « afin que nul n
210 ur les intérêts de cet avoir. Mais si la foi, don de Dieu, et gratuit — « afin que nul ne se glorifie » — est une particip
211 ut homme qui se dit chrétien. (Je ne dis pas cela d’ un point de vue antichrétien.) Mais c’est aussi pourquoi il y a une su
212 politique humaine organisée — fût-ce à la gloire de Dieu ! — qui poursuivrait son plan sans se soucier de la justice de D
213 ieu ! — qui poursuivrait son plan sans se soucier de la justice de Dieu. Et la voix du prophète s’élève contre l’Église :
214 ursuivrait son plan sans se soucier de la justice de Dieu. Et la voix du prophète s’élève contre l’Église : « Tes amis t’o
215 — Quand tu placerais ton nid aussi haut que celui de l’aigle. Quand tu placerais ton nid parmi les étoiles, je t’en précip
216 je t’en précipiterai, dit l’Éternel… Car le jour de l’Éternel est proche pour toutes les nations. » (Abdias II, 3-4 et 15
217 ns cette politique, la théologie se fait servante de la chose publique. Et que voit-on dès lors ? Présentement ? — On voit
218 Goyau et autres « croyants » décorés, s’indigner de ce que les sans-Dieu parlent de confisquer à leur profit « la primaut
219 corés, s’indigner de ce que les sans-Dieu parlent de confisquer à leur profit « la primauté du Christ et celle de l’Europe
220 er à leur profit « la primauté du Christ et celle de l’Europe 3 ». L’on voit des von Papen, délégués par l’industrie lourd
221 , délégués par l’industrie lourde au gouvernement d’ une nation « chrétienne » revendiquer dans leurs discours la défense d
222 pour célébrer le même massacre. On voit une nuée de piétistes et de bigots, demeurer agressifs dans leur volonté de confo
223 e même massacre. On voit une nuée de piétistes et de bigots, demeurer agressifs dans leur volonté de confondre la morale p
224 t de bigots, demeurer agressifs dans leur volonté de confondre la morale petite-bourgeoise avec les ordres de la foi. Et l
225 ondre la morale petite-bourgeoise avec les ordres de la foi. Et l’on a vu Babitt. Mais n’allons pas chercher si loin. Ouvr
226 n’allons pas chercher si loin. Ouvrons un journal de Paris. Un discours chaleureux du Père de la Brière4 voudrait nous enf
227 Brière4 voudrait nous enflammer contre une espèce de bolchévisme qu’il décrit ainsi : « Dans cette philosophie et cette mo
228 ette morale est délibérément supprimée toute idée de liberté, toute idée de propriété, toute idée de patrie… [et l’énuméra
229 ément supprimée toute idée de liberté, toute idée de propriété, toute idée de patrie… [et l’énumération se poursuit jusqu’
230 e de liberté, toute idée de propriété, toute idée de patrie… [et l’énumération se poursuit jusqu’à ceci ] : Chose plus atr
231 l’idée chrétienne, l’idée religieuse, l’idée même de Dieu est abolie… » Ne pouvant supporter l’idée que cette « idée » soi
232 donnera 50 000 fr. au mieux pensant. Et Figaro de conclure : « En terminant, l’éminent religieux déclara que ce concour
233 lara que ce concours international avait pour but de contribuer à la sauvegarde des hautes valeurs spirituelles et des vér
234 pirituelles et des vérités saintes que l’Académie d’ éducation et d’entraide sociale a pour mission de servir et de faire r
235 des vérités saintes que l’Académie d’éducation et d’ entraide sociale a pour mission de servir et de faire rayonner. » — L’
236 d’éducation et d’entraide sociale a pour mission de servir et de faire rayonner. » — L’idée de propriété, l’idée chrétien
237 et d’entraide sociale a pour mission de servir et de faire rayonner. » — L’idée de propriété, l’idée chrétienne5, les haut
238 ission de servir et de faire rayonner. » — L’idée de propriété, l’idée chrétienne5, les hautes valeurs, les vérités sainte
239 hautes valeurs, les vérités saintes, — l’Académie d’ entraide sociale enfin ! Contribution à la « sauvegarde » : 50 000 fra
240 lte. Mais j’en ai une autre plus profonde : celle de voir qualifier de « chrétienne » une « idée » qui sert l’injustice ét
241 une autre plus profonde : celle de voir qualifier de « chrétienne » une « idée » qui sert l’injustice établie. Tu ne crois
242 rdinaire sottise (s’il faut lui laisser toutefois de l’extraordinaire) de défendre le christianisme, la piètre connaissanc
243 l faut lui laisser toutefois de l’extraordinaire) de défendre le christianisme, la piètre connaissance de l’homme que l’on
244 défendre le christianisme, la piètre connaissance de l’homme que l’on trahit ainsi, et, comment cette tactique, encore qu’
245 andale, en faisant du christianisme quelque chose de si lamentable, qu’il faille à la fin plaider pour le sauver. » Rompre
246 bli, c’est faire en sorte simplement, qu’il cesse d’ être « établi ». Qu’il ait pu l’être, la faute n’en est pas à lui, mai
247 christianisme ; à cette défection élevée au rang d’ Institution ecclésiastique, qui aujourd’hui prétend durer et se défend
248 dominait. « Car le péché n’est pas le dérèglement de la chair et du sang, mais le consentement de l’esprit à ce dérèglemen
249 ment de la chair et du sang, mais le consentement de l’esprit à ce dérèglement8 ». Et pourtant, nous n’avons jamais à dres
250 ce positive contre une force de même ordre. Assez de cette « politique chrétienne » où l’on embarque une prétendue foi dan
251 ndue foi dans les plus discutables déterminations de l’avenir. L’office de l’Église est en tout temps de dire au monde : T
252 discutables déterminations de l’avenir. L’office de l’Église est en tout temps de dire au monde : Tu ne dois pas ! Mais c
253 l’avenir. L’office de l’Église est en tout temps de dire au monde : Tu ne dois pas ! Mais c’est à la foi seule de me dire
254 onde : Tu ne dois pas ! Mais c’est à la foi seule de me dire : Tu dois ! En son nom je ne puis engager que moi-même, hic e
255 e moi-même, hic et nunc. La politique est affaire de systèmes ; mais l’ordre, pour le chrétien, sera toujours de vouloir s
256 s ; mais l’ordre, pour le chrétien, sera toujours de vouloir sur le champ le plus juste. Car ce qui manifeste la foi, c’es
257 , c’est le choix et non pas le système : il n’est de choix que personnel. Ainsi le rôle de l’Église doit-il rester de port
258  : il n’est de choix que personnel. Ainsi le rôle de l’Église doit-il rester de porter sur le monde un jugement permanent
259 rsonnel. Ainsi le rôle de l’Église doit-il rester de porter sur le monde un jugement permanent et destructeur ; tandis que
260 teur ; tandis que la révolution dans ce qu’elle a de nécessairement constructif, reste le lieu d’obéissance privilégié pou
261 le a de nécessairement constructif, reste le lieu d’ obéissance privilégié pour le chrétien, mais ne se confond pas avec l’
262 le chrétien, mais ne se confond pas avec l’enjeu de son salut. Tel est le paradoxe, qui remonte au cœur même du christian
263 en collusion avec aucune durée, étant la rupture de toute durée. Mais dès lors nous savons le véritable nom de la rupture
264 durée. Mais dès lors nous savons le véritable nom de la rupture, son lieu, son mode et son enjeu total : rétablir à chaque
265 se, par définition, le christianisme n’étant rien d’ autre qu’un événement, un drame entre Dieu et l’homme. 6. Parce qu’on
266 lignons. 8. Ibid., p. 170. d. Rougemont Denis de , « Comment rompre ? », Esprit, Paris, mars 1933, p. 909-916.
4 1933, Esprit, articles (1932–1962). Protestants (mars 1933)
267 primitif est une révolution — et la plus profonde de toute l’histoire —, le protestantisme se doit d’être révolutionnaire
268 de toute l’histoire —, le protestantisme se doit d’ être révolutionnaire dans la mesure même où il reste fidèle à lui-même
269 mesure où, constamment, il reproduit la démarche de ses fondateurs : le retour à l’Évangile débarrassé de tous les adouci
270 es fondateurs : le retour à l’Évangile débarrassé de tous les adoucissements dogmatiques et compromis ecclésiastiques, san
271 églises protestantes sont devenues les officines d’ un conformisme social et politique plus scandaleux encore que celui de
272 ogmatique réformée, et plus encore par la révolte de la foi réformée contre toutes les « synthèses » humanistes. Corruptio
273 formisme des révoltés est le pire. Il ne suit pas de là, contrairement à ce que prétendent certains écrivains marxisants,
274 , le protestantisme garde toujours la possibilité de transcender, de révolutionner ses formes. C’est pourquoi nous voyons
275 sme garde toujours la possibilité de transcender, de révolutionner ses formes. C’est pourquoi nous voyons aujourd’hui à l’
276 ndent sur elle pour attaquer le régime. L’exemple de l’Allemagne est pour le moment le plus frappant, mais tout porte à cr
277 résolus à la rupture, qui se réclament hautement de leur foi. Les éléments extrémistes de la social-démocratie, qui s’exp
278 t hautement de leur foi. Les éléments extrémistes de la social-démocratie, qui s’expriment dans les Neue Blätter für den S
279 intellectuelle considérable sur le protestantisme de langue allemande. Alors qu’en France l’affirmation d’une foi religieu
280 angue allemande. Alors qu’en France l’affirmation d’ une foi religieuse personnelle fait encore sourire le petit-bourgeois
281 progressiste », ou bien se voit taxée sans examen de « manœuvre réactionnaire », on est surpris de trouver dans le quotidi
282 men de « manœuvre réactionnaire », on est surpris de trouver dans le quotidien politique de combat ou dans les revues berl
283 st surpris de trouver dans le quotidien politique de combat ou dans les revues berlinoises les plus « avancées » des profe
284 berlinoises les plus « avancées » des professions de foi dont personne ne songe à contester l’opportunité. (Cette toléranc
285 lement révolutionnaire est celle qu’on doit tirer de la foi protestante. Il faudrait nommer encore des groupes comme le Vo
286 e Vormarsch, le Deutsche Volkstum, ou les efforts d’ un Eugen Rosenstock — l’historien des Révolutions européennes — dans l
287 s — dans le domaine du service civil et des camps de travailleurs. Mais les tentatives de rupture proprement théologiques
288 et des camps de travailleurs. Mais les tentatives de rupture proprement théologiques nous paraissent encore plus significa
289 aissent encore plus significatives et plus riches de possibilité. On a souvent reproché à la « théologie dialectique » de
290 a souvent reproché à la « théologie dialectique » de Karl Barth et de ses amis de justifier une sorte de désintéressement
291 é à la « théologie dialectique » de Karl Barth et de ses amis de justifier une sorte de désintéressement radical à l’endro
292 ologie dialectique » de Karl Barth et de ses amis de justifier une sorte de désintéressement radical à l’endroit des probl
293 Karl Barth et de ses amis de justifier une sorte de désintéressement radical à l’endroit des problèmes politiques et soci
294 politiques et sociaux. La parution coup sur coup, de trois livres importants de Gogarten, de Brunner et de de Quervain sur
295 arution coup sur coup, de trois livres importants de Gogarten, de Brunner et de de Quervain sur la « théologie politique »
296 sur coup, de trois livres importants de Gogarten, de Brunner et de de Quervain sur la « théologie politique » fait justice
297 rois livres importants de Gogarten, de Brunner et de de Quervain sur la « théologie politique » fait justice de ce reproch
298 s livres importants de Gogarten, de Brunner et de de Quervain sur la « théologie politique » fait justice de ce reproche e
299 rvain sur la « théologie politique » fait justice de ce reproche et démontre une fois de plus que le paradoxe de la « poli
300 oche et démontre une fois de plus que le paradoxe de la « politique du pessimisme actif » inspirera toujours les construct
301 ans son Éthique politique pose tous les problèmes de l’heure avec une lucidité et un courage intellectuel qu’on rencontre
302 ement chez les écrivains politiques. Si certaines de ses conclusions sont nettement étatistes, il n’en reste pas moins non
303  » ⁂ La caractéristique des mouvements américains de rénovation réside dans leur effort pour « christianiser l’ordre socia
304 ns même parlent déjà du devoir qu’aurait l’Église de « christianiser les mouvements radicaux » c’est-à-dire les mouvements
305 s communistes, qui prennent actuellement beaucoup d’ ampleur sur le terrain préparé par Ford. Une récente enquête publiée e
306 z Macmillan sous ce titre : Témoignages spontanés de travailleurs sur la religion (recueillis par Jerome Davis) se fait l’
307 gion (recueillis par Jerome Davis) se fait l’écho de ces revendications antiecclésiastiques sinon antichrétiennes. Arthur
308 non antichrétiennes. Arthur A. Wharton, président de l’association des mécaniciens d’Amérique exprime ce point de vue en u
309 arton, président de l’association des mécaniciens d’ Amérique exprime ce point de vue en une phrase typique : « La grande m
310 typique : « La grande majorité des ouvriers parle de Jésus-Christ et de l’Église comme de deux choses qui n’ont rien en co
311 de majorité des ouvriers parle de Jésus-Christ et de l’Église comme de deux choses qui n’ont rien en commun. » Il constate
312 vriers parle de Jésus-Christ et de l’Église comme de deux choses qui n’ont rien en commun. » Il constate que l’Église est
313 ée au moment où il semblait qu’elle dût s’occuper de la durée du travail, de la question des salaires, etc. Cette carence
314 ait qu’elle dût s’occuper de la durée du travail, de la question des salaires, etc. Cette carence subite dans le domaine é
315 e veut voir dans les Églises que des institutions de classe. Cette position simpliste de problèmes vieux comme le monde ch
316 institutions de classe. Cette position simpliste de problèmes vieux comme le monde chrétien a du moins le mérite de débar
317 ieux comme le monde chrétien a du moins le mérite de débarrasser le protestantisme américain de son piétisme optimiste et
318 mérite de débarrasser le protestantisme américain de son piétisme optimiste et moralisant. Mais qu’entendent-ils par « chr
319 nt. Mais qu’entendent-ils par « christianisation, de l’ordre social » ? Ont-ils distingué clairement le péril de sécularis
320 social » ? Ont-ils distingué clairement le péril de sécularisation de l’Évangile impliqué dans leur attitude, et qui les
321 s distingué clairement le péril de sécularisation de l’Évangile impliqué dans leur attitude, et qui les ferait retomber da
322 que publient ces jeunes hommes a pris pour tâche de faire connaître et de critiquer toutes les tentatives réformistes ou
323 es hommes a pris pour tâche de faire connaître et de critiquer toutes les tentatives réformistes ou révolutionnaires chrét
324 anifestent en Amérique. On remarque dans la liste de ses collaborateurs des noms d’évêques socialistes et d’essayistes à t
325 rque dans la liste de ses collaborateurs des noms d’ évêques socialistes et d’essayistes à tendances philo-marxistes tels q
326 collaborateurs des noms d’évêques socialistes et d’ essayistes à tendances philo-marxistes tels que Reinhold Niebuhr. On y
327 Reinhold Niebuhr. On y remarque également le nom de Toyohiko Kagawa, le grand leader du jeune Japon. Cet homme extraordin
328 aponais mériterait à lui seul toute une chronique de cette revue. Écrivain fécond9, évangéliste, économiste, philosophe, m
329 ond9, évangéliste, économiste, philosophe, meneur de grèves, chef syndicaliste, Kagawa est l’un des personnages les plus i
330 s chinois, publié à Tokyo pendant le bombardement de Shanghai, et qui lui valut des menaces de mort. Plus radical que les
331 rdement de Shanghai, et qui lui valut des menaces de mort. Plus radical que les socialistes, labouristes, il se distingue
332 e, ce mouvement mondial a rencontré jusqu’ici peu d’ écho. La revue Le Christianisme social qui représente l’aile gauche in
333 rmistes et pacifistes, et n’a pas tenté jusqu’ici d’ édifier une doctrine originale. Elle semble reculer devant les conclus
334 t les conclusions radicales, par suite sans doute d’ un malentendu foncier touchant le problème de la violence et que seul
335 oute d’un malentendu foncier touchant le problème de la violence et que seul parmi ses collaborateurs, André Philip tranch
336 , comme on l’a vu plus haut. En dehors des écrits de Philip, on ne trouvera guère d’écho à l’effort critique de la « théol
337 dehors des écrits de Philip, on ne trouvera guère d’ écho à l’effort critique de la « théologie politique » allemande que d
338 , on ne trouvera guère d’écho à l’effort critique de la « théologie politique » allemande que dans le mince bulletin du gr
339 c , et dans certains articles du Semeur , organe de la fédération chrétienne d’étudiants. Mais il y a là le germe d’un mo
340 s du Semeur , organe de la fédération chrétienne d’ étudiants. Mais il y a là le germe d’un mouvement qui demain peut se p
341 n chrétienne d’étudiants. Mais il y a là le germe d’ un mouvement qui demain peut se préciser et s’amplifier. Signalons enf
342 mplifier. Signalons enfin la revue internationale de la Fédération des étudiants, le Student World, qui sous l’impulsion d
343 étudiants, le Student World, qui sous l’impulsion de W. A. Visser ’t Hooft adopte une attitude très nettement non conformi
344 au sommaire duquel figurent entre autres les noms de Eugen Rosenstock, G. D. H. Cole (Angleterre) Carlo Predella (Italie),
345 lande) et F. Heuson (Amérique). C’est un document de premier ordre sur la « rupture » à laquelle nous travaillons tous ici
346 ographie a été traduite en français sous le titre de Avant l’Aube (Éd. « Je sers »). e. Rougemont Denis de, « Protestant
347 nt l’Aube (Éd. « Je sers »). e. Rougemont Denis de , « Protestants », Esprit, Paris, mars 1933, p. 1034-1037.
5 1933, Esprit, articles (1932–1962). Loisir ou temps vide ? (juillet 1933)
348 dernier mérite et conditionne le « matérialisme » de ce siècle, de même que cette séparation de l’esprit et de la matière
349 isme » de ce siècle, de même que cette séparation de l’esprit et de la matière dénature et dégrade à la fois l’esprit et l
350 ècle, de même que cette séparation de l’esprit et de la matière dénature et dégrade à la fois l’esprit et la matière, et r
351 s l’esprit et la matière, et risque, à la limite, de les priver de toute raison d’être efficace, — ainsi et parallèlement,
352 la matière, et risque, à la limite, de les priver de toute raison d’être efficace, — ainsi et parallèlement, de la corrupt
353 isque, à la limite, de les priver de toute raison d’ être efficace, — ainsi et parallèlement, de la corruption spirituelle
354 raison d’être efficace, — ainsi et parallèlement, de la corruption spirituelle des loisirs est née la présente corruption
355  : « je turbine » ou « je ne fous rien ». Phrases d’ esclaves, consternante misère : une misère qui nous rabat au sol. L’h
356 joie. Une totalité. Et s’il divise alors le temps de ses journées, c’est pour mieux dominer ses moyens. Selon sa loi. Mais
357 roduis », ou bien « Je chôme », et ce sont autant de ruptures et de séparations hargneuses, de constats d’injustice, d’iso
358 en « Je chôme », et ce sont autant de ruptures et de séparations hargneuses, de constats d’injustice, d’isolement et d’imp
359 autant de ruptures et de séparations hargneuses, de constats d’injustice, d’isolement et d’impuissance. La division de no
360 uptures et de séparations hargneuses, de constats d’ injustice, d’isolement et d’impuissance. La division de nos journées e
361 séparations hargneuses, de constats d’injustice, d’ isolement et d’impuissance. La division de nos journées en 8 heures de
362 rgneuses, de constats d’injustice, d’isolement et d’ impuissance. La division de nos journées en 8 heures de travail et 8 h
363 ustice, d’isolement et d’impuissance. La division de nos journées en 8 heures de travail et 8 heures de loisir est une dér
364 uissance. La division de nos journées en 8 heures de travail et 8 heures de loisir est une dérision brutale des rythmes cr
365 e nos journées en 8 heures de travail et 8 heures de loisir est une dérision brutale des rythmes créateurs. Elle exprime s
366 ateurs. Elle exprime simplement l’état accidentel d’ un conflit absurde entre deux opérations dont nous avons perdu le cont
367 en pâtissons dans une mesure qui n’est pas celle de la condamnation portée sur notre race. On peut dire que nous en remet
368 onymes naissent et grandissent à la mesure exacte de nos démissions personnelles : genèse des mythiques lois de l’économie
369 missions personnelles : genèse des mythiques lois de l’économie, de l’histoire. Lorsque l’homme renonce à créer, son « tra
370 nelles : genèse des mythiques lois de l’économie, de l’histoire. Lorsque l’homme renonce à créer, son « travail » n’est pl
371 il » n’est plus que souffrance. Il ne s’agit plus d’ accoucher, mais seulement de purger sa peine. C’est alors qu’un Frankl
372 ce. Il ne s’agit plus d’accoucher, mais seulement de purger sa peine. C’est alors qu’un Franklin, qu’un Guizot, qu’un Stal
373 t cette démission en dignité nouvelle. La dignité de l’homme consisterait, dit-on, dans le travail qu’il fournit pour « ga
374 ieure. Les singes gagnent leur vie et ne font pas d’ histoires. Ils ne font pas tant de publicité et de plans quinquennaux.
375 d’histoires. Ils ne font pas tant de publicité et de plans quinquennaux. Leurs moyens sont plus simples, plus élégants. Ni
376 n a voulu mettre l’esprit au service du « minimum de vie » que n’importe quel animal s’assure à moins de frais. Sinistre f
377 vie » que n’importe quel animal s’assure à moins de frais. Sinistre farce. Morale officielle de la Troisième République,
378 moins de frais. Sinistre farce. Morale officielle de la Troisième République, de l’Amérique et des Soviets. Nous croyons i
379 ce. Morale officielle de la Troisième République, de l’Amérique et des Soviets. Nous croyons ici que la dignité de l’homme
380 e et des Soviets. Nous croyons ici que la dignité de l’homme consiste à mettre en jeu sa vie, à la risquer jusqu’à la perd
381 vie, à la risquer jusqu’à la perdre si la mesure de notre acte nous dépasse. « Primauté du spirituel » n’a pas d’autre se
382 e nous dépasse. « Primauté du spirituel » n’a pas d’ autre sens pour nous. Bourgeois et marxistes partent de la nécessité d
383 re sens pour nous. Bourgeois et marxistes partent de la nécessité du gain, — gagner sa vie. Nous partons de la liberté du
384 nécessité du gain, — gagner sa vie. Nous partons de la liberté du risque, — perdre sa vie. Cette opposition est tellement
385 le, tellement fondamentale, qu’elle nous interdit de prendre au tragique l’opposition toute relative du communisme et du c
386 communisme et du capitalisme. ⁂ Ils partent donc de la nécessité. Ils n’arriveront jamais à la liberté, au loisir plein.
387 loisir plein. Si la liberté n’est pas à l’origine d’ un système, elle ne s’introduira jamais dans ses effets (à moins d’une
388 e ne s’introduira jamais dans ses effets (à moins d’ une révolution). Mais il y a plus. Tout travail qu’on limite à la néce
389 a plus. Tout travail qu’on limite à la nécessité d’ assurer le minimum de vie se trouve condamné par là même à ne jamais
390 qu’on limite à la nécessité d’assurer le minimum de vie se trouve condamné par là même à ne jamais suffire à cette néces
391 s loisir, sans liberté, laisse s’étendre l’empire de la nécessité. On aura beau l’intensifier10 : la tâche grandira d’auta
392 On aura beau l’intensifier10 : la tâche grandira d’ autant. Et la tristesse. « Le temps vuide » Il semble que la con
393 sur le travail-nécessité frappe toutes les règles de vie que l’homme essaie de se donner pour justifier à ses propres yeux
394 rappe toutes les règles de vie que l’homme essaie de se donner pour justifier à ses propres yeux, voire pour glorifier ce
395 du cynisme grossier — « Je gagne mon bifteck » — de la morale bourgeoise, et de l’idéalisme socialiste, démocratisation d
396 gagne mon bifteck » — de la morale bourgeoise, et de l’idéalisme socialiste, démocratisation du confort moyen et de la TSF
397 e socialiste, démocratisation du confort moyen et de la TSF dans un monde où le libre divertissement de chacun sera la con
398 e la TSF dans un monde où le libre divertissement de chacun sera la condition du libre abrutissement de tous par la propag
399 e chacun sera la condition du libre abrutissement de tous par la propagande électorale. Prendre le travail comme point de
400 agande électorale. Prendre le travail comme point de départ d’un système économique ou d’une culture, c’est vicier à la ba
401 ctorale. Prendre le travail comme point de départ d’ un système économique ou d’une culture, c’est vicier à la base toutes
402 comme point de départ d’un système économique ou d’ une culture, c’est vicier à la base toutes les conceptions du loisir q
403 se toutes les conceptions du loisir qui découlent de cette erreur spirituelle ; et principalement la conception abstraite
404 . On peut en dater l’origine. Dans l’Encyclopédie de 1765, vous trouverez loisir défini comme « le temps vuide ». Cette no
405 n reconnaître insuffisante, nous a valu le siècle d’ égarement que nous tentons maintenant de solder. Un siècle de machinis
406 le siècle d’égarement que nous tentons maintenant de solder. Un siècle de machinisme, ou plutôt d’inflation mécanique, si
407 que nous tentons maintenant de solder. Un siècle de machinisme, ou plutôt d’inflation mécanique, si l’on convient que la
408 ant de solder. Un siècle de machinisme, ou plutôt d’ inflation mécanique, si l’on convient que la mesure du travail ne peut
409 être prise ailleurs que dans la capacité humaine d’ utiliser les effets du travail. Mais nous savons le vrai nom du « temp
410 ps vuide » et c’est chômage. Tout le mal est venu d’ une séparation, d’une disjonction. Ou plutôt, car les choses sont touj
411 t chômage. Tout le mal est venu d’une séparation, d’ une disjonction. Ou plutôt, car les choses sont toujours plus complexe
412 ant déceler la lâcheté originelle. Car c’est bien d’ un relâchement qu’elle résulte, d’une déficience de cette tension créa
413 Car c’est bien d’un relâchement qu’elle résulte, d’ une déficience de cette tension créatrice qui seule définit un « temps
414 ’un relâchement qu’elle résulte, d’une déficience de cette tension créatrice qui seule définit un « temps plein ». En sort
415 « temps plein ». En sorte que le « temps vuide » de l’Encyclopédie n’est au vrai qu’un temps vidé, irréel renversement d’
416 est au vrai qu’un temps vidé, irréel renversement d’ un temps rempli, d’un travail sans jeu, c’est-à-dire du travail forcé.
417 emps vidé, irréel renversement d’un temps rempli, d’ un travail sans jeu, c’est-à-dire du travail forcé. (La logique du lan
418 isirs que ses ancêtres consacraient à la création de leur puissance, du même coup elle décrète « forcé » le travail des cl
419 décrète « forcé » le travail des classes chargées d’ assurer ce loisir. C’est créer un monde impensable, le nôtre. Car si l
420 et son but ; si le labeur et le repos n’ont plus de finalité commune ; s’il n’y a plus de loisir dans le travail ni de tr
421 n’ont plus de finalité commune ; s’il n’y a plus de loisir dans le travail ni de travail dans le loisir ; s’il n’y a plus
422 ne ; s’il n’y a plus de loisir dans le travail ni de travail dans le loisir ; s’il n’y a plus rien dans l’un qui permette
423 sir ; s’il n’y a plus rien dans l’un qui permette de saisir la nature de l’autre, il n’y a plus alors que de l’absurdité p
424 s rien dans l’un qui permette de saisir la nature de l’autre, il n’y a plus alors que de l’absurdité pour l’esprit qui les
425 sir la nature de l’autre, il n’y a plus alors que de l’absurdité pour l’esprit qui les confronte, il n’y a plus que du dés
426 onnateur, ou révolution La tâche restauratrice de l’esprit, dévolue à notre génération, apparaît maintenant évidente :
427 s d’abord l’erreur cartésianiste11, la séparation de la « pensée » et de l’« action ». Nous réapprendrons à penser en homm
428 artésianiste11, la séparation de la « pensée » et de l’« action ». Nous réapprendrons à penser en hommes responsables, à p
429 ommes responsables, à penser dans le risque total de l’être, qui est l’acte. Nous penserons avec des mains créatrices. Nou
430 retrouveront leur commun sens : dans l’actualité de l’être, où ils ne seront plus que les temps alternés d’une plénitude
431 tre, où ils ne seront plus que les temps alternés d’ une plénitude joyeusement renouvelée. L’homme tendu assume dans ses de
432 lon sa loi pour créer un risque nouveau. Le temps de cet homme est plein, et nul n’y pourrait distinguer des heures « creu
433 Est-ce un long loisir créateur ? Un long travail d’ enfantement ? Cela ne va pas sans douleur, non plus que sans volupté.
434 , et fondent l’œuvre en dignité. Dignité du temps de l’homme. ⁂ Un jour, l’empereur de la Chine fait appeler auprès de lui
435 ignité du temps de l’homme. ⁂ Un jour, l’empereur de la Chine fait appeler auprès de lui son peintre. « Peins-moi sur ce r
436 pinceaux ». On fait cela, on déroule une soie. Et d’ un seul trait miraculeux…   P.-S. — Cette histoire de la Chine se suff
437 n seul trait miraculeux…   P.-S. — Cette histoire de la Chine se suffit. J’aurais pu faire l’économie du reste. Mais nous
438 spirituelle, notre tâche constructive est d’abord d’ ordre spirituel. Qui dit précédence dit primauté. 2° que dans l’ordre,
439 eut sauvegarder l’acte créateur, fondement humain de la personne, il faut légiférer à partir de cet acte. Il ne peut sorti
440 légiférer à partir de cet acte. Il ne peut sortir d’ un système que ce que l’on y met dès l’origine. 10. On aura beau l’
441 ’origine. 10. On aura beau l’appeler « travail de choc ». Ultime tentative pour faire aimer aux hommes une caricature d
442 avail créateur, l’émulation socialiste n’est rien d’ autre qu’un nouvel opium. Ce bourrage de crâne réalisé sur une échelle
443 ’est rien d’autre qu’un nouvel opium. Ce bourrage de crâne réalisé sur une échelle que Ford n’avait imaginée qu’en rêve, c
444 maginée qu’en rêve, c’est la tentative désespérée de Staline pour introduire un peu de joie dans une activité qui est la n
445 e joie dans une activité qui est la négation même de la création ; activité purement « nécessitée » par la révolte de 17,
446 ; activité purement « nécessitée » par la révolte de 17, qui décréta l’instauration en Russie d’une civilisation américain
447 volte de 17, qui décréta l’instauration en Russie d’ une civilisation américaine dont on s’efforce, à coups de plans, de sa
448 ivilisation américaine dont on s’efforce, à coups de plans, de satisfaire les exigences artificielles. 11. Et non pas car
449 n américaine dont on s’efforce, à coups de plans, de satisfaire les exigences artificielles. 11. Et non pas cartésienne,
450 ne, comme on le dit souvent. f. Rougemont Denis de , « Loisir ou temps vide ? », Esprit, Paris, juillet 1933, p. 604-608.
6 1934, Esprit, articles (1932–1962). Préface à une littérature (octobre 1934)
451 Préface à une littérature (octobre 1934)g D’ un présent confus et mauvais, qu’allons-nous tirer, mes amis, sinon la
452 qu’allons-nous tirer, mes amis, sinon la négation d’ un mal, et ce n’est pas encore le bien sauveur ! Voici notre erreur pe
453 à sa jeunesse incomparable qu’au souvenir récent de nos décrépitudes. Si la préface à l’avenir n’était qu’anathème au pré
454 ion ? Et si l’ordre que nous voulons n’était rien d’ autre que la subversion du désordre où nous sommes nés, d’où viendrait
455 que la subversion du désordre où nous sommes nés, d’ où viendrait donc l’ordre vivant ? On ne crée pas la vie en insultant
456 l qu’à des révoltes trop prévues ? Peut-on sortir de ce cercle vicieux à force de le parcourir toujours plus rageusement ?
457 ’abattre à la fin dans les colonnes des magazines de gauche, pâture des bourgeois snobs. Nous avons vu ce spectacle indéce
458 l’on parle ! Et qu’on le dise ! Toute la bassesse de la « littérature » moderne se résume, à mon sens, en une phrase un pe
459 ceux qui l’ont attaquée jusqu’ici n’ont rien fait d’ autre, ou n’ont rien fait de mieux. Ils ont eu parfois de beaux cris,
460 u’ici n’ont rien fait d’autre, ou n’ont rien fait de mieux. Ils ont eu parfois de beaux cris, mais à qui les adressaient-i
461 , ou n’ont rien fait de mieux. Ils ont eu parfois de beaux cris, mais à qui les adressaient-ils ? À la galerie plus qu’à e
462 cteurs du jeu classique… Ils n’étaient que le non d’ un non. Dirons-nous non à notre tour ? Que ce soit le non décisif de c
463 ous non à notre tour ? Que ce soit le non décisif de ceux qui savent ce qu’ils affirment ! Que ce soit un non sans pathos,
464 , à l’homme renouvelé. Nous ne clamons pas la fin de la littérature des autres au nom d’une littérature à nous. Nous const
465 d’une littérature à nous. Nous constatons la fin d’ un art au nom de ce qui juge l’art, — et le recrée. Nos griefs ne sont
466 aires ; ils sont, ils veulent être humains. Fin d’ une littérature Je me propose de simplifier. Dans la littérature bo
467 humains. Fin d’une littérature Je me propose de simplifier. Dans la littérature bourgeoise, celle qui est née avec le
468 il me semble qu’on peut distinguer trois espèces de littérateurs. Première espèce : les romanciers de la vie des classes
469 de littérateurs. Première espèce : les romanciers de la vie des classes possédantes. Le bourgeois aime leurs œuvres, parce
470 euxième espèce : les poètes romantiques, chantres de l’Idéal qu’on n’atteint pas, pour l’avoir mis trop haut. Soit que l’o
471 que l’on se découvre légalement grugé, il est bon de sentir qu’au-dessus de cette vie plane une loi meilleure, un esprit p
472 galement grugé, il est bon de sentir qu’au-dessus de cette vie plane une loi meilleure, un esprit pur, une revanche, dût-o
473 aux soucis quotidiens »12, pour éviter, en fait, de résoudre le drame. Et c’est la bonne conscience idéaliste du régime.
474 vulgaire au bonheur, la religion mise au service de l’ordre, la permanence, les vertus trop massives. C’est l’espèce des
475 révoltes et ses rêves. Ils lui en font une espèce de gloire. Le voilà justifié dans sa mauvaise conscience. Jeunesse se pa
476 anarchie se passe, rougeole se passe, — mais rien de grave ne se passe. C’est comme au jeu de pigeon vole. Il reste quelqu
477 ais rien de grave ne se passe. C’est comme au jeu de pigeon vole. Il reste quelques écrivains qui échappent à toutes les «
478 à toutes les « espèces » parce qu’ils en créeront de nouvelles. Quelques-uns, deux ou trois, qui ne sont pas littérateurs,
479 ia, lancent des modes, les renient, se persuadent de l’importance de leurs caprices, nous persuadent bien davantage de la
480 modes, les renient, se persuadent de l’importance de leurs caprices, nous persuadent bien davantage de la gratuité de leur
481 de leurs caprices, nous persuadent bien davantage de la gratuité de leurs drames. Personne ne croyant plus à rien — j’ente
482 es, nous persuadent bien davantage de la gratuité de leurs drames. Personne ne croyant plus à rien — j’entends personne ne
483 rsonne ne prouvant plus qu’il croit à l’essentiel de ce qu’il dit —, la critique littéraire de cette littérature n’a plus
484 sentiel de ce qu’il dit —, la critique littéraire de cette littérature n’a plus de sens réel, ni plus d’autorité. Critique
485 critique littéraire de cette littérature n’a plus de sens réel, ni plus d’autorité. Critiquer, c’est d’abord posséder un c
486 cette littérature n’a plus de sens réel, ni plus d’ autorité. Critiquer, c’est d’abord posséder un critère, ensuite le fai
487 e valoir avec intransigeance. Or le critère moral de l’ancienne bourgeoisie a perdu tout prestige à nos yeux. Et les critè
488 prestige à nos yeux. Et les critères « nouveaux » de l’immoralisme bourgeois trahissent la décadence du régime plus qu’ils
489 adence du régime plus qu’ils n’annoncent la venue d’ un nouvel ordre. Une critique dépourvue de critère indépendant de la l
490 a venue d’un nouvel ordre. Une critique dépourvue de critère indépendant de la littérature est condamnée à ne plus critiqu
491 re. Une critique dépourvue de critère indépendant de la littérature est condamnée à ne plus critiquer que les moyens de ce
492 est condamnée à ne plus critiquer que les moyens de cette littérature. Elle les juge pour eux-mêmes, sans rapport à leurs
493 plique à parler du livre dont on parle plutôt que de celui dont il faudrait parler, et qu’on ignore. Elle ne juge plus : e
494 la rumeur des salons, des cafés, des antichambres d’ éditeurs. À sa façon, non moins que les littérateurs dont j’ai parlé,
495 oulait trouver un critère général qui nous permît d’ évaluer les œuvres et leur influence sur les hommes, je crois bien qu’
496 qui s’appelle la sociologie. La grande faiblesse de la littérature actuelle, c’est qu’elle s’est rendue justiciable de la
497 actuelle, c’est qu’elle s’est rendue justiciable de la critique des marxistes. « L’art pour l’art » reste sa méthode, et
498 tablissement des bourgeois. Mais cette critique «  de classe » reste encore négative. Elle se condamne aussi à rendre compt
499 mineures, toute création réelle étant la position d’ un acte indépendant des mécanismes de la société. Il nous faut faire u
500 la position d’un acte indépendant des mécanismes de la société. Il nous faut faire un pas de plus. Il nous faut dire enfi
501 térature déshumanise l’homme, soit qu’elle refuse de l’enseigner, soit qu’elle enseigne des valeurs hasardeuses, ou périmé
502 Nous voici parvenus au grand tournant. Les œuvres de l’esprit, dès que l’esprit cesse d’être autorité, tombent sous le cou
503 t. Les œuvres de l’esprit, dès que l’esprit cesse d’ être autorité, tombent sous le coup des lois publicitaires. Et la publ
504 licitaires. Et la publicité traduit les exigences d’ une classe bourgeoise très capricieuse dans ses goûts, parce qu’elle e
505 euse dans ses goûts, parce qu’elle est incertaine de sa mission. Cette anarchie ne se développera pas impunément : elle va
506  : elle va se résoudre en violences. Il n’y a pas d’ exemples, dans l’histoire, qu’une littérature sans nécessité intérieur
507 servait à toutes fins capitalistes. Nous risquons de voir, avant peu, cette même littérature « mise au pas » par l’État fa
508 pourrait-elle lui opposer ? Où donc est la mesure de l’homme irréductible, au nom de quoi elle dirait non ? Elle n’a pas d
509 le, au nom de quoi elle dirait non ? Elle n’a pas de visée humaine, elle n’est plus que littérature, et les fameuses « val
510 es « valeurs » littéraires, on sait qu’elles sont de peu de poids dans la balance politique. Tout ce qui n’est pas déjà au
511 s déjà au service des hommes, est déjà au service de ce qui les opprime. Notre individualisme travaille pour l’État. Notre
512 umaine. Mais notre siècle est justement le siècle de la décadence des lieux communs. L’Ordre, le Bien Public, la Richesse,
513 it, l’Amour, la Civilisation, — les lieux communs de l’ère finissante ne sont plus que malentendus, et la seule convention
514 endus, et la seule convention qui subsiste, c’est de les accepter pour tels. « Philosophe et guerrier, écrit Rudolf Kassne
515 un que des banalités. » Mais quelle est la nature de ces banalités ? L’aventure du romantisme et l’équivoque libérale ayan
516 e et l’équivoque libérale ayant rapidement achevé de disqualifier l’esprit pur, il ne reste à nos « hommes d’action » d’au
517 ualifier l’esprit pur, il ne reste à nos « hommes d’ action » d’autres normes et d’autre mesure que l’argent, ce symbole un
518 este à nos « hommes d’action » d’autres normes et d’ autre mesure que l’argent, ce symbole unique de la puissance sans visa
519 et d’autre mesure que l’argent, ce symbole unique de la puissance sans visage. Dire que le monde est devenu impensable, c’
520 devenu impensable, c’est avouer qu’il n’y a plus de mesure commune à la pensée et à l’action, — hors la monnaie. Un monde
521 partis, dans l’État ou dans la nation un principe de grandeur qui n’est plus que dans l’homme. Mais si nous trouvons ce pr
522 oncrète, cette référence universelle, ce principe de grandeur que nous proposons tous ici, c’est l’homme considéré dans sa
523 ion créatrice, — c’est la personne. Que la mesure de tout soit désormais dans la personne, et non plus dans les intérêts d
524 s dans la personne, et non plus dans les intérêts d’ un pouvoir ou d’une classe, voilà bien l’aboutissement de toute l’évol
525 ne, et non plus dans les intérêts d’un pouvoir ou d’ une classe, voilà bien l’aboutissement de toute l’évolution démocratiq
526 uvoir ou d’une classe, voilà bien l’aboutissement de toute l’évolution démocratique, si l’on entend ce terme au sens origi
527 erme au sens originel, et non point au sens dévié de l’individualisme politique. « Dernière heure de l’État, première heur
528 é de l’individualisme politique. « Dernière heure de l’État, première heure des hommes. » Nous dirons première heure de la
529 re heure des hommes. » Nous dirons première heure de la personne. Ceux qui n’ont pas en eux cette mesure de l’homme, que p
530 personne. Ceux qui n’ont pas en eux cette mesure de l’homme, que pourraient-ils voir d’autre, dans le monde où nous somme
531 cette mesure de l’homme, que pourraient-ils voir d’ autre, dans le monde où nous sommes, qu’un désordre impensable, appel
532 e que nous voulons. Nous rejoignons ici le propos de ces pages. La littérature nouvelle sera le fait de l’homme renouvelé,
533 e ces pages. La littérature nouvelle sera le fait de l’homme renouvelé, je ne dis pas de l’homme nouveau — je n’y crois pa
534 sera le fait de l’homme renouvelé, je ne dis pas de l’homme nouveau — je n’y crois pas — je dis : de l’homme rendu à la c
535 de l’homme nouveau — je n’y crois pas — je dis : de l’homme rendu à la conscience de sa liberté. Toute création suppose u
536 s pas — je dis : de l’homme rendu à la conscience de sa liberté. Toute création suppose une liberté, ou plus exactement, c
537 ’est aussi une obéissance nouvelle. Je ne conçois de liberté concrète que dans l’exercice fidèle de ma vocation personnell
538 is de liberté concrète que dans l’exercice fidèle de ma vocation personnelle. Liberté devient synonyme d’obéissance incond
539 ma vocation personnelle. Liberté devient synonyme d’ obéissance inconditionnée à mon unique raison d’être14. Nous sommes ic
540 e d’obéissance inconditionnée à mon unique raison d’ être14. Nous sommes ici très loin de la notion bourgeoise de liberté,
541 Nous sommes ici très loin de la notion bourgeoise de liberté, qui est absence d’obligations, de repères, de coordonnées. T
542 la notion bourgeoise de liberté, qui est absence d’ obligations, de repères, de coordonnées. Très loin aussi de l’anarchie
543 geoise de liberté, qui est absence d’obligations, de repères, de coordonnées. Très loin aussi de l’anarchie. Car l’exercic
544 berté, qui est absence d’obligations, de repères, de coordonnées. Très loin aussi de l’anarchie. Car l’exercice de la libe
545 ions, de repères, de coordonnées. Très loin aussi de l’anarchie. Car l’exercice de la liberté personnelle entraîne des eng
546 es. Très loin aussi de l’anarchie. Car l’exercice de la liberté personnelle entraîne des engagements humains ; rapidement
547 umains ; rapidement il se concrétise en relations de responsabilité. Et voilà bien le seul fondement d’une communauté viva
548 e responsabilité. Et voilà bien le seul fondement d’ une communauté vivante. L’écrivain sera créateur dans la mesure où il
549 is dans cette mesure-là, il assumera son risque ! D’ autant plus personnel, d’autant plus responsable, — et d’autant plus p
550 il assumera son risque ! D’autant plus personnel, d’ autant plus responsable, — et d’autant plus profondément enraciné dans
551 t plus personnel, d’autant plus responsable, — et d’ autant plus profondément enraciné dans la commune condition humaine. R
552 on humaine. Rendez à l’écrivain la responsabilité de ses écrits, vous le rendrez aussi à la communauté, vous recréerez le
553 si à la communauté, vous recréerez le lien vivant de l’auteur avec son public. Une fois posés ces fondements spirituels d’
554 public. Une fois posés ces fondements spirituels d’ une littérature rénovée, qu’aurions-nous la témérité et la naïveté de
555 énovée, qu’aurions-nous la témérité et la naïveté de prévoir ? On ne prévoit pas un chef-d’œuvre, et la littérature, c’est
556 chefs-d’œuvre. Mais avant l’œuvre, il y a l’appel de l’homme, sa volonté déterminée, son attitude créatrice. Je dirai donc
557 voque. Je vois un grand dessin véhément et humble de Rembrandt, des amas d’ombres grouillants d’êtres révélés et saisis pa
558 dessin véhément et humble de Rembrandt, des amas d’ ombres grouillants d’êtres révélés et saisis par le droit flot de la l
559 umble de Rembrandt, des amas d’ombres grouillants d’ êtres révélés et saisis par le droit flot de la lumière, les replis de
560 lants d’êtres révélés et saisis par le droit flot de la lumière, les replis de la vie quotidienne fouillés comme un cauche
561 aisis par le droit flot de la lumière, les replis de la vie quotidienne fouillés comme un cauchemar par le brusque soleil,
562 nt qui le jette à sa vocation. Situation initiale de l’humain ! Initiation au réalisme enfin total, qui est celui du comba
563 t personnel ; initiation à la vision constituante de notre vie, celle qui unit dans un même regard les apparences actuelle
564 vois le comique jaillir à la moindre comparaison de nos coutumes et de nos idéaux. Il nous faut une équipe d’écrivains qu
565 illir à la moindre comparaison de nos coutumes et de nos idéaux. Il nous faut une équipe d’écrivains qui entreprennent de
566 outumes et de nos idéaux. Il nous faut une équipe d’ écrivains qui entreprennent de confronter la vie privée des hommes d’a
567 ous faut une équipe d’écrivains qui entreprennent de confronter la vie privée des hommes d’aujourd’hui avec les buts qu’il
568 reprennent de confronter la vie privée des hommes d’ aujourd’hui avec les buts qu’ils croient viser, d’une part, et d’autre
569 qui leur sont réellement assignés par leur raison d’ être profonde. C’est un amer divertissement que nous offre la vie quot
570 tête trente-six morales contradictoires et autant de modèles qu’ils voudraient égaler, et cependant ils suivent la coutume
571 uivent la coutume bourgeoise, qui est la négation de tous leurs idéaux. Certains verront peut-être dans l’Ulysse de Joyce
572 rront peut-être dans l’Ulysse de Joyce une satire de ce genre, minutieuse confrontation de l’idéal rêvé et du sordide quot
573 une satire de ce genre, minutieuse confrontation de l’idéal rêvé et du sordide quotidien. Mais Joyce est justement le plu
574 Mais Joyce est justement le plus parfait exemple d’ un vice fondamental de la pensée bourgeoise, vice qui le lie au monde
575 ent le plus parfait exemple d’un vice fondamental de la pensée bourgeoise, vice qui le lie au monde ancien et le condamne
576 e à passer avec lui : il décrit l’anarchie intime de l’homme moderne avec le parti pris de ne jamais juger, avec le parti
577 chie intime de l’homme moderne avec le parti pris de ne jamais juger, avec le parti pris de n’en jamais avoir, qui est san
578 parti pris de ne jamais juger, avec le parti pris de n’en jamais avoir, qui est sans doute le pire des partis pris. La lit
579 application à la stupidité, j’entends à l’absence de jugement. S’il est un genre que nos critiques sont unanimes à condamn
580 oman à thèse. Méfiance significative ! Les thèses de Bourget ne valaient pas grand-chose : pauvre prétexte à n’en point ch
581 and-chose : pauvre prétexte à n’en point chercher de meilleures. Ce n’est pas l’échec de Bourget qui peut expliquer à lui
582 oint chercher de meilleures. Ce n’est pas l’échec de Bourget qui peut expliquer à lui seul un refus aussi opportun de la p
583 e plus défendre ses vrais buts, et préfère parler d’ autre chose. Tous nos romans ne sont que diversions, idéalistes ou imm
584 s’ils ne sont pas les descriptions désenchantées d’ une société en voie de dissolution atomique. Les civilisations conscie
585 descriptions désenchantées d’une société en voie de dissolution atomique. Les civilisations conscientes de leur mission n
586 ssolution atomique. Les civilisations conscientes de leur mission n’ont jamais craint d’affirmer leur morale. Elles n’ont
587 s conscientes de leur mission n’ont jamais craint d’ affirmer leur morale. Elles n’ont jamais pensé qu’une œuvre d’art perd
588 es n’ont jamais pensé qu’une œuvre d’art perdrait de sa valeur à illustrer des « thèses », à développer des lieux communs
589 yons la Russie contemporaine restaurer le pouvoir de la littérature sur les masses, parce qu’elle restaure une conscience
590 une. Nous voyons aussi le bourgeois s’émerveiller de ce rajeunissement. Craignons que le fascisme ne tire bénéfice, avant
591 ons que le fascisme ne tire bénéfice, avant nous, d’ une faim trop facile à tromper. Il est bon, il est nécessaire que la l
592 trop bas — erreur soviétique. Mais bien à hauteur d’ homme, et c’est la vérité personnaliste. Enseigner, c’est rappeler aux
593 te. Enseigner, c’est rappeler aux hommes les fins de leurs activités. C’est, pour un écrivain, ordonner les moyens de son
594 tés. C’est, pour un écrivain, ordonner les moyens de son art à ces fins. Il y faut bien autant de talent qu’en exige notre
595 yens de son art à ces fins. Il y faut bien autant de talent qu’en exige notre littérature, et quelques vertus d’homme et d
596 qu’en exige notre littérature, et quelques vertus d’ homme et de « penseur » en plus. J’indiquerai trois de ces vertus qui
597 notre littérature, et quelques vertus d’homme et de « penseur » en plus. J’indiquerai trois de ces vertus qui me paraisse
598 mme et de « penseur » en plus. J’indiquerai trois de ces vertus qui me paraissent fort peu de mode parmi nos scribes assis
599 parmi nos scribes assis ou accroupis. Le respect de la culture, tout d’abord. Nos romanciers sont très mal cultivés. Ils
600 qu’elle incarne, parce qu’elle tiendra la mesure de l’humain et qu’elle créera dans la perspective commune. Restaurer le
601 ans la perspective commune. Restaurer le prestige de la culture, cela ne va pas à la spéculation gratuite, dans un monde p
602 sonnaliste. Les « idées pures » sont des cadavres d’ idées ; les idées vivantes sont des actes. Apprenons à penser en actes
603 hommes responsables, non plus comme des amuseurs de salon. Il y aurait quelque chose de nouveau dans les lettres si tous
604 rnières « valeurs » du romantisme, je proposerais d’ ériger en vertu le mépris d’une certaine originalité de forme. Le raff
605 tisme, je proposerais d’ériger en vertu le mépris d’ une certaine originalité de forme. Le raffinement des moyens artistiqu
606 ger en vertu le mépris d’une certaine originalité de forme. Le raffinement des moyens artistiques est toujours un assez ma
607 st poussé à la manie par les suiveurs des maîtres d’ après-guerre. Les mauvais écrivains d’aujourd’hui ne valent rien humai
608 des maîtres d’après-guerre. Les mauvais écrivains d’ aujourd’hui ne valent rien humainement. Ils ne font que copier les vic
609 ices formels obscurcissent ou trahissent les buts de l’écrivain et le séparent de l’humanité. Une littérature personnalist
610 trahissent les buts de l’écrivain et le séparent de l’humanité. Une littérature personnaliste rétablira la hiérarchie, re
611 aliste rétablira la hiérarchie, rendra aux moyens d’ expression leur importance de moyens. La personne est toujours origina
612 e, rendra aux moyens d’expression leur importance de moyens. La personne est toujours originale quand elle est. Son seul s
613 ours originale quand elle est. Son seul souci est d’ être, le plus fidèlement. C’est à partir d’elle seule qu’un art origin
614 ci est d’être, le plus fidèlement. C’est à partir d’ elle seule qu’un art original se développera naturellement en un art c
615 aduisant même sans talent la vocation authentique d’ un homme, prendront cette valeur humaine qu’ont les mémoires et « livr
616 te valeur humaine qu’ont les mémoires et « livres de raison » rédigés sans littérature. Voilà qui est banal ? Je n’en suis
617 s pas fâché. Aucune révolution n’a jamais inventé de vertu réellement nouvelle. Mais toute révolution est d’abord un rappe
618 ligées. Une nouvelle insistance sur la définition de l’homme. Une nouvelle discipline. Et une nouvelle aisance. 12. Un
619 Un éditeur introduit en ces termes une collection de romans populaires : « Tenter d’arracher le lecteur aux petits soucis
620 es une collection de romans populaires : « Tenter d’ arracher le lecteur aux petits soucis quotidiens, aux préoccupations c
621 i ouvrir toutes grandes les fenêtres sur la magie de l’aventure, l’entraîner loin de son train-train, etc. tel est le rôle
622 train-train, etc. tel est le rôle que se propose de poursuivre (sic) cette collection. » 13. J’inclus dans « cette litté
623 sme renforcé. 14. Pour le chrétien, cette raison d’ être singulière est la parole que Dieu lui adresse comme un ordre ; po
624 responsable envers lui-même. g. Rougemont Denis de , « Préface à une littérature », Esprit, Paris, octobre 1934, p. 24-33
7 1934, Esprit, articles (1932–1962). Sur une nouvelle de Jean Giono (novembre 1934)
625 Sur une nouvelle de Jean Giono (novembre 1934)h On ne devrait jamais lire les hebdomad
626 s lire les hebdomadaires. Ce sont des entreprises de démoralisation : 1° parce qu’ils satisfont à peu de frais les bourgeo
627 frais les bourgeois paresseux, vaguement inquiets de se tenir au courant de ce qu’ils croient être la chose littéraire ; 2
628 esseux, vaguement inquiets de se tenir au courant de ce qu’ils croient être la chose littéraire ; 2° parce qu’ils incitent
629 ttéraire ; 2° parce qu’ils incitent les écrivains de métier à écrire des stupidités, des pornographies pauvrettes, des « v
630 tes, des « variétés » publicitaires et en général de la littérature de Prisunic ; 3° parce qu’ils flanquent le cafard aux
631 s » publicitaires et en général de la littérature de Prisunic ; 3° parce qu’ils flanquent le cafard aux hommes sobres d’es
632 arce qu’ils flanquent le cafard aux hommes sobres d’ esprit et passionnent les indiscrets. Je le dis comme je le sens — par
633 es lis, naturellement — et je vous laisse le soin de me classer, si vous y tenez. Pour être juste, si toutefois le sujet e
634 éderai qu’il arrive parfois qu’on trouve dans une de ces feuilles une page digne de l’écrivain qui l’a signée : Montherlan
635 on trouve dans une de ces feuilles une page digne de l’écrivain qui l’a signée : Montherlant par exemple, ou Giono. Maria
636 ono. Marianne a publié, le 15 août, une nouvelle de Jean Giono intitulée « La femme morte », qui n’est pas une nouvelle b
637 e cela, une présence, une plainte juste, une voix d’ homme. L’auteur entre dans les confidences d’une femme non mariée (on
638 voix d’homme. L’auteur entre dans les confidences d’ une femme non mariée (on ne voudrait pas dire une vieille fille) — une
639 voudrait pas dire une vieille fille) — une femme de la campagne vaudoise, qui a eu des malheurs, qui les conte assez mal
640 à s’en tirer par ses moyens. Je cite : J’essayai de me sauver par l’esprit. Vous qui êtes Français, dites-moi pourquoi, d
641 ans tout votre trésor littéraire, vous n’avez pas de livres remèdes ? Pourquoi vous ne pensez jamais aux désespérés ? Tous
642 Tous vos livres disent non à la vie. C’est facile d’ être négatif. Et je n’avais pas besoin qu’on m’y aide. Pourquoi n’avez
643 e, vous Français — ou la bonté — ou la générosité de soi — de dire oui à la vie. C’est très difficile… J’interromps la ci
644 rançais — ou la bonté — ou la générosité de soi — de dire oui à la vie. C’est très difficile… J’interromps la citation :
645 i signifie chez Nietzsche à peu près le contraire de ce que cette femme veut expliquer à Giono. Mais voilà un trait juste,
646 et aussi par les autres, bien sûr — et détournés de leur sens primitif, de sorte qu’ils trahissent la pensée de ceux qui
647 ns primitif, de sorte qu’ils trahissent la pensée de ceux qui les répètent, mais se chargent alors, parfois, dans la bouch
648 ent alors, parfois, dans la bouche des innocents, d’ une humanité émouvante, — émouvante par l’erreur même. La femme poursu
649 s ? Ne penserez-vous jamais à ceux qui ont besoin de comprendre le monde ? — J’ai une grande dette de reconnaissance à pay
650 de comprendre le monde ? — J’ai une grande dette de reconnaissance à payer à M. Johan Bojer, et s’il était là, je lui fer
651 e café, et j’irais lui chercher mon plus beau pot de confitures… Elle voudrait voir aussi Reymont, et Gorki. « Dites, mon
652 es-là quand on en trouve), mais aussi par manière de conclusion à cette Préface à une littérature, qu’on a pu lire ici le
653 Ah ! nous sommes loin — (avec ces auteurs-là) — de ceux qui écrivent merde cent fois la ligne pour faire croire qu’ils s
654 taient perpétuellement imbriqués comme les pièces d’ un puzzle. Dès qu’on les sépare, il faut chercher dans quel trou va la
655 . — D’autres sont venus, qui ont relevé mon front de la poussière. Ils ont mis leur douce main sous mon menton. Ils m’ont
656 le vaste monde. À ceux-là, je dois la nourriture de ma maison, comme à des dieux. « Aidez-moi ! », dit cette femme. Mais
657 des sensations, mais surtout ne vous occupez pas de cela en moi dont je ne veux pas m’occuper ! » À 10 kilomètres de mon
658 dont je ne veux pas m’occuper ! » À 10 kilomètres de mon logis, l’autre jour, pressé de rentrer et ne disposant d’aucun mo
659 10 kilomètres de mon logis, l’autre jour, pressé de rentrer et ne disposant d’aucun moyen rapide, je hèle une auto. Le co
660 , l’autre jour, pressé de rentrer et ne disposant d’ aucun moyen rapide, je hèle une auto. Le conducteur est seul. Il me pr
661 end volontiers. Nous causons. C’est un commerçant de Lyon, la cinquantaine, assez bavard. À certaines allusions, je devine
662 ». Pourtant, il porte une alliance. Pauvre gaieté de la vie de garçon, reprise par nécessité… Nous arrivons sur la place d
663 t, il porte une alliance. Pauvre gaieté de la vie de garçon, reprise par nécessité… Nous arrivons sur la place de mon vill
664 reprise par nécessité… Nous arrivons sur la place de mon village. « Je vous dépose ici ? Où voulez-vous ? Tenez, on va s’a
665 le bouquin. Ah ça alors ! Tenez, c’est l’histoire d’ une municipalité qui fait construire un des trucs-là juste en face l’é
666 politique et tout15 !… » Les éditeurs s’efforcent de répondre à la demande du public. Il faut des livres faciles, des livr
667 et d’abord des écrivains, ne serait pas justement de savoir un peu mieux que « les gens » de quoi ils ont besoin et ce qu’
668 justement de savoir un peu mieux que « les gens » de quoi ils ont besoin et ce qu’ils demandent réellement ? Car les gens
669 Car les gens ne demandent pas ce qu’ils ont l’air de demander, et ce qu’on se montre si pressé de leur donner à bon marché
670 ’air de demander, et ce qu’on se montre si pressé de leur donner à bon marché. Ils s’expriment mal, ils trahissent leur pe
671 leurs désirs, ils n’osent pas dire, ils n’ont pas de formules pour avouer leur peine, pour demander les « remèdes » qu’il
672 leur tête. On les a pris pour ce qu’ils ont l’air d’ être, ou mieux pour ce qu’ils croient devoir se donner l’air d’être ou
673 eux pour ce qu’ils croient devoir se donner l’air d’ être ou de n’être pas. Comme si le fin du fin, c’était de prendre au m
674 e qu’ils croient devoir se donner l’air d’être ou de n’être pas. Comme si le fin du fin, c’était de prendre au mot les pau
675 ou de n’être pas. Comme si le fin du fin, c’était de prendre au mot les pauvres hommes préalablement abêtis par l’école, p
676 iment que mon bagnolard, mon lecteur enthousiaste de Clochemerle, grand roman de la pissotière, croyez-vous que cet homme
677 lecteur enthousiaste de Clochemerle, grand roman de la pissotière, croyez-vous que cet homme tout de même ne disait pas l
678 e comprendre ? 15. Je n’ai pas suivi le conseil de cet homme, et n’ai pas lu le livre. Je lui laisse donc la responsabil
679 pte rendu qu’il m’en a fait. h. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Sur une nouvelle de Jean Giono », Esprit, Paris, no
680 emont Denis de, « [Compte rendu] Sur une nouvelle de Jean Giono », Esprit, Paris, novembre 1934, p. 292-295.
8 1934, Esprit, articles (1932–1962). Définition de la personne (décembre 1934)
681 Définition de la personne (décembre 1934)i L’auteur de cet essai fait partie du
682 ition de la personne (décembre 1934)i L’auteur de cet essai fait partie du comité directeur de L’Ordre nouveau . D’aut
683 teur de cet essai fait partie du comité directeur de L’Ordre nouveau . D’autre part, il dirige la revue barthienne Hic e
684 s cités (et qui sont absolument indépendants l’un de l’autre). Cet exposé traduit au contraire un effort tout à fait « per
685 udrait d’ailleurs considérer comme le bien commun de sa génération. 1. L’indéfinissable concret Il ne faut pas estime
686 faut pas estimer que les objets que nous touchons de nos mains et voyons de nos yeux soient du tout plus concrets que l’ac
687 s objets que nous touchons de nos mains et voyons de nos yeux soient du tout plus concrets que l’acte qui consiste à les t
688 tant qu’absentes. Mais c’est une autre erreur que d’ attribuer à la vision, ou au toucher, ou à la connaissance, une réalit
689 connaissance, une réalité suffisante et détachée de toute action particulière. (Ainsi rêve l’idéalisme.) Pour qu’il y ait
690 y ait une réalité, pour qu’il y ait quelque chose de concret, il faut une mise en présence certifiée par un événement ; il
691 ifiée par un événement ; il faut que la rencontre d’ un sujet avec un objet soit attestée par quelque modification sensible
692 ls ne sont vraiment objets que si la connaissance d’ un homme les saisit. La connaissance d’un homme n’est réellement sujet
693 nnaissance d’un homme les saisit. La connaissance d’ un homme n’est réellement sujet que dans l’instant où elle rencontre u
694 que dans l’instant où elle rencontre une occasion de s’exercer, et la saisit. Par ces deux phrases, nous n’avons pas encor
695 vraiment faire plus ? L’événement seul a la vertu de concrétiser le concret, et de manifester à l’évidence son mystère. Or
696 ent seul a la vertu de concrétiser le concret, et de manifester à l’évidence son mystère. Or l’événement ne naît jamais, c
697 omme feignent certains philosophes, du croisement de deux définitions. Les philosophes se résignent très mal à cette limit
698 losophes se résignent très mal à cette limitation de leur pouvoir : il nous faut pourtant bien admettre que le concret est
699 ées par lui, et non point lui par elles. Et c’est de lui qu’elles tirent leur justification, et non l’inverse. En d’autres
700 le problème résolu. Seule, une valeur déterminée de l’inconnue donne une réalité aux relations que nous venons de propose
701 n vrai objet. 2. Le concret, c’est la présence de l’homme Comment choisir cette valeur précise de l’inconnue ? Exami
702 e l’homme Comment choisir cette valeur précise de l’inconnue ? Examinons d’un peu plus près les données qu’il faut mett
703 ir cette valeur précise de l’inconnue ? Examinons d’ un peu plus près les données qu’il faut mettre en présence. Sujet en
704 cepts dont le seul contenu paraît au seul instant de leur présence mutuelle. Il ne suit pas de là que cet instant, qui les
705 instant de leur présence mutuelle. Il ne suit pas de là que cet instant, qui les réunit, les confonde : tout au contraire,
706 ar autrement, où serait l’événement ? La manière d’ être de l’objet lorsqu’il est mis en présence du sujet n’est point pas
707 ement, où serait l’événement ? La manière d’être de l’objet lorsqu’il est mis en présence du sujet n’est point passive ;
708 présence du sujet n’est point passive ; elle est de résister. Mais l’objet ne peut, par lui-même, provoquer aucune présen
709 est là le rôle du sujet, et sa nature. La manière d’ être du sujet est essentiellement provocante. Il cherche partout un ob
710 l cherche partout un objet qui lui donne occasion de manifester son pouvoir. Et son angoisse est de n’en pas trouver ; sa
711 on de manifester son pouvoir. Et son angoisse est de n’en pas trouver ; sa joie, de provoquer le corps-à-corps avec l’obje
712 t son angoisse est de n’en pas trouver ; sa joie, de provoquer le corps-à-corps avec l’objet. Par où l’on voit que le suje
713 ar où l’on voit que le sujet détient une primauté de fait. Il peut s’éprouver dans l’angoisse, il y trouve, loin de l’obje
714 angoisse, il y trouve, loin de l’objet, une sorte d’ existence virtuelle, incomplète mais déjà consciente ; cependant que l
715 e pousse à chercher ce dont il manque, et n’a pas d’ existence. Il ne devient objet que lorsque j’en fais mon objet. Tel ét
716 tout l’univers connu, l’homme détient le pouvoir de provoquer l’objet à l’existence. Il peut le faire de deux façons, l’u
717 provoquer l’objet à l’existence. Il peut le faire de deux façons, l’une virtuelle ou distante, l’autre actuelle. S’il se b
718 il ne fait à vrai dire qu’augmenter son angoisse de l’impression d’une impuissance. Alors l’objet n’a pas d’autre existen
719 ai dire qu’augmenter son angoisse de l’impression d’ une impuissance. Alors l’objet n’a pas d’autre existence que celle d’u
720 pression d’une impuissance. Alors l’objet n’a pas d’ autre existence que celle d’une fatalité abstraite pesant sur la consc
721 Alors l’objet n’a pas d’autre existence que celle d’ une fatalité abstraite pesant sur la conscience du sujet. Mais dès que
722 t. Mais dès que l’homme secoue ce sortilège, sort de ses ombres, cherche des résistances, veut agir, trouve son objet, — l
723 — la fatalité disparaît, l’angoisse devient joie de combattre. C’est le moment de la présence de l’homme au monde et à so
724 goisse devient joie de combattre. C’est le moment de la présence de l’homme au monde et à soi-même conjointement. Et c’est
725 joie de combattre. C’est le moment de la présence de l’homme au monde et à soi-même conjointement. Et c’est ainsi que le c
726 conjointement. Et c’est ainsi que le concret naît d’ une décision de l’homme provocateur de la présence. 3. La présence
727 Et c’est ainsi que le concret naît d’une décision de l’homme provocateur de la présence. 3. La présence de l’homme est
728 oncret naît d’une décision de l’homme provocateur de la présence. 3. La présence de l’homme est un acte La joie de l
729 mme provocateur de la présence. 3. La présence de l’homme est un acte La joie de l’homme, ou sa douleur, tels sont l
730 3. La présence de l’homme est un acte La joie de l’homme, ou sa douleur, tels sont les signes de son existence concrèt
731 e de l’homme, ou sa douleur, tels sont les signes de son existence concrète, cependant que l’angoisse est le signe de son
732 e concrète, cependant que l’angoisse est le signe de son absence au monde et à soi-même. Dire que l’homme est, concrètemen
733 un objet ou comme un chiffre : ils ne savent pas de quoi ils parlent, l’homme dont ils parlent n’est pas un homme, mais u
734 précision. Les lois qu’ils imaginent sont celles de la mort, et d’abord de leur propre mort. Car l’essence de l’homme, en
735 ’ils imaginent sont celles de la mort, et d’abord de leur propre mort. Car l’essence de l’homme, en tant qu’homme, est à j
736 rt, et d’abord de leur propre mort. Car l’essence de l’homme, en tant qu’homme, est à jamais incalculable, si l’homme est
737 vénement, une rupture et une création, un fauteur de nouveauté pure, un poseur de questions, un « prochain » et non pas un
738 création, un fauteur de nouveauté pure, un poseur de questions, un « prochain » et non pas un problème à résoudre à distan
739 leur effort pour décrire l’acte et rendre compte de ses déterminations suffisantes. Ce qui revient à reconnaître que la p
740 qui est l’étude du comportement humain. Il n’est de science que du régulier, c’est-à-dire de l’inhumain (à la limite), et
741 Il n’est de science que du régulier, c’est-à-dire de l’inhumain (à la limite), et c’est encore à dire qu’une « science de
742 limite), et c’est encore à dire qu’une « science de l’homme » qui se veut purement descriptive est exacte dans la mesure
743 décrit notre dégradation. L’erreur est simplement de nommer homme cette dégradation, dont nul ne songe d’ailleurs à contes
744 r l’existence même des psychologues. L’apparition de la psychologie est à peu près contemporaine de celle de l’homme abstr
745 on de la psychologie est à peu près contemporaine de celle de l’homme abstrait dans l’ordre politique. Et l’extension de c
746 psychologie est à peu près contemporaine de celle de l’homme abstrait dans l’ordre politique. Et l’extension de cette scie
747 e abstrait dans l’ordre politique. Et l’extension de cette science mesure assez exactement l’ampleur de notre défection au
748 e cette science mesure assez exactement l’ampleur de notre défection au monde et à nous-mêmes. Dans l’homme entièrement hu
749 arnation et non concept. Mais la psychologie fait de l’homme son « objet », et par là même le déshumanise. Elle pose l’hom
750 un problème, et pour autant elle est bien obligée de prendre du recul par rapport à l’homme concret : mais alors il n’est
751 logue repose sur un sophisme qu’il faut qualifier d’ inversion pure et simple de l’humain. Le droit usage de l’entendement
752 e qu’il faut qualifier d’inversion pure et simple de l’humain. Le droit usage de l’entendement n’est pas l’étude de l’homm
753 ersion pure et simple de l’humain. Le droit usage de l’entendement n’est pas l’étude de l’homme, mais son éducation. Il n’
754 Le droit usage de l’entendement n’est pas l’étude de l’homme, mais son éducation. Il n’est pas de décrire, mais d’inventer
755 tude de l’homme, mais son éducation. Il n’est pas de décrire, mais d’inventer. L’acte étant sujet pur, il ne sera jamais u
756 mais son éducation. Il n’est pas de décrire, mais d’ inventer. L’acte étant sujet pur, il ne sera jamais un objet de l’ente
757 ’acte étant sujet pur, il ne sera jamais un objet de l’entendement. Et c’est pourquoi rien ne peut l’expliquer. Mais qu’il
758 est manifeste que l’acte est le perpétuel auteur de notre humanité, nous ne pouvons connaître cette humanité, sinon dans
759 re où nous sommes agissants. L’acte seul témoigne de l’acte, et joue en nous le rôle de l’homme. C’est lui qui rend l’homm
760 seul témoigne de l’acte, et joue en nous le rôle de l’homme. C’est lui qui rend l’homme visible à l’homme, et nous sculpt
761 faut inventer, il y a des figurants qui n’ont pas de visage ; mais ceux qu’on voit sont les acteurs qui jouent leur rôle d
762 qu’on voit sont les acteurs qui jouent leur rôle d’ hommes et qui créent leur destin : ceux-là seuls sont les dramatis per
763 présents, parce qu’ils représentent. À la faveur de cette image, autorisée par l’étymologie du mot personne, nous pouvons
764 ie du mot personne, nous pouvons voir d’abord que de l’individu à la personne, la différence est celle du figurant anonyme
765 férence est celle du figurant anonyme à l’acteur, de celui qui fait nombre à celui qui fait loi, de celui qui regarde à ce
766 r, de celui qui fait nombre à celui qui fait loi, de celui qui regarde à celui qui s’engage. Nous pouvons voir ensuite un
767 e. Nous pouvons voir ensuite un premier caractère de la personne immédiatement lié aux conditions de son apparition, j’ent
768 e de la personne immédiatement lié aux conditions de son apparition, j’entends à la présence et à l’engagement : la person
769 est aussi vaste que le monde, et qu’il n’est pas de réduit si secret où l’on se cache, qui ne soit justement l’un des lie
770 l’un des lieux où l’action générale avait dessein de nous placer. Ainsi donc, encore que ce drame puisse être qualifié de
771 si donc, encore que ce drame puisse être qualifié de jeu, et légèrement pris par toute espèce de sceptiques ou d’heureux i
772 lifié de jeu, et légèrement pris par toute espèce de sceptiques ou d’heureux ignorants, — il est le seul. Et l’on n’en peu
773 légèrement pris par toute espèce de sceptiques ou d’ heureux ignorants, — il est le seul. Et l’on n’en peut sortir sans qui
774 ison qu’elle est unique, et qu’on ne peut changer de rôle : on peut seulement refuser de jouer. Mais cela dit, il reste à
775 peut changer de rôle : on peut seulement refuser de jouer. Mais cela dit, il reste à savoir pourquoi tel figurant jeté da
776 rter tout comme s’il connaissait le fil du drame. D’ où lui vient tout à coup l’assurance que ce qu’il fait est dans son rô
777 vrai visage, un nom et une autorité, une attitude d’ auteur de son propre destin ? C’est ce que l’on ne voit point. C’est c
778 ge, un nom et une autorité, une attitude d’auteur de son propre destin ? C’est ce que l’on ne voit point. C’est ce que nul
779 er un sens commun, ou plus exactement une réalité d’ existence commune à des concepts très diversement définis par les phil
780 epts très diversement définis par les philosophes de l’école : présence, événement, concret, acte, personne. À tel point q
781 te, personne. À tel point que la vraie définition d’ un de ces termes n’est pas ailleurs que dans son assimilation existent
782 ersonne. À tel point que la vraie définition d’un de ces termes n’est pas ailleurs que dans son assimilation existentielle
783 ndement, si bien que les apparitions irréfutables de leurs contenus, telles que nous les constatons dans l’histoire, font
784 nous les constatons dans l’histoire, font figure de coups de force contre toute raison et causalité claire. Ils sont là e
785 constatons dans l’histoire, font figure de coups de force contre toute raison et causalité claire. Ils sont là en dépit d
786 s, qui nient le temps, mais aussi nous permettent d’ en prendre une mesure humaine. Toute présence est un éclair d’éternité
787 une mesure humaine. Toute présence est un éclair d’ éternité qui rompt le temps pour initier un temps nouveau. De cette ru
788 qui rompt le temps pour initier un temps nouveau. De cette rupture, l’Histoire peut témoigner, mais après coup, car les ef
789 sont visibles. Le temps nouveau qu’initie l’acte de présence, c’est le temps de la création qui naît de l’acte, c’est le
790 veau qu’initie l’acte de présence, c’est le temps de la création qui naît de l’acte, c’est le rythme imprimé à l’action gé
791 présence, c’est le temps de la création qui naît de l’acte, c’est le rythme imprimé à l’action générale par cette apparit
792 une nouvelle qualité du concret. Mais ce mystère de la présence, si l’on peut en décrire les effets, demeure mystère en t
793 re en tant que pure initiation : c’est le mystère de l’éternité, de cela qui échappe au temps, marque sa fin, et le recrée
794 pure initiation : c’est le mystère de l’éternité, de cela qui échappe au temps, marque sa fin, et le recrée. De ce mystère
795 ui échappe au temps, marque sa fin, et le recrée. De ce mystère, je puis seul témoigner dans l’instant où il me saisit, et
796 eptique que la raison impersonnelle est incapable de ne pas porter sur le concret, juge en réalité la raison même, déclare
797 ut. Nous avons établi que la présence est le fait de l’homme sujet à l’instant qu’il rencontre son objet. L’homme sujet, c
798 sujet, c’est l’homme seul à l’instant qu’il cesse de l’être. Ainsi la voie du mystère est visible : l’éternel ne touche le
799 ppelons l’éternel. La personne est le témoignage d’ une vocation reçue et obéie. Je suis personne dans la mesure où mon ac
800 suis personne dans la mesure où mon action relève de ma vocation, fût-ce au prix de la vie de mon individu. 7. Incarnat
801 n relève de ma vocation, fût-ce au prix de la vie de mon individu. 7. Incarnation À la série d’« implications inexpl
802 de mon individu. 7. Incarnation À la série d’ « implications inexplicables » que nous venons de parcourir, il faut a
803 terme qui la résume tout entière : c’est le terme d’ incarnation. Si toute présence est l’événement de l’éternel dans le te
804 d’incarnation. Si toute présence est l’événement de l’éternel dans le temps, par le moyen de l’homme, si l’homme n’est vr
805 vénement de l’éternel dans le temps, par le moyen de l’homme, si l’homme n’est vraiment homme que dans l’acte qui fonde sa
806 que dans l’acte qui fonde sa qualité incomparable de sujet ; si l’on admet enfin que la personne est proprement la sujétio
807 enfin que la personne est proprement la sujétion de l’homme à l’éternel et de l’objet à l’homme, on peut dire que la pers
808 proprement la sujétion de l’homme à l’éternel et de l’objet à l’homme, on peut dire que la personne est l’impensable inca
809 dire que la personne est l’impensable incarnation de l’éternité dans le temps. La personne pure serait ainsi la coïncidenc
810 serait ainsi la coïncidence absolue et manifeste d’ une vocation et d’un individu, dans chaque action de cet individu. Ou
811 oïncidence absolue et manifeste d’une vocation et d’ un individu, dans chaque action de cet individu. Ou bien encore l’appa
812 une vocation et d’un individu, dans chaque action de cet individu. Ou bien encore l’apparition d’une vocation en lieu et p
813 tion de cet individu. Ou bien encore l’apparition d’ une vocation en lieu et place d’un individu. La psychologie de la pers
814 core l’apparition d’une vocation en lieu et place d’ un individu. La psychologie de la personne parfaite se réduirait purem
815 on en lieu et place d’un individu. La psychologie de la personne parfaite se réduirait purement et simplement à son histoi
816 nous nous connaissons complexes et impurs, pleins de problèmes, peuplés de fantômes et séparés par eux de nous-mêmes et du
817 complexes et impurs, pleins de problèmes, peuplés de fantômes et séparés par eux de nous-mêmes et du monde. Nous nous voyo
818 problèmes, peuplés de fantômes et séparés par eux de nous-mêmes et du monde. Nous nous voyons dominés fréquemment par les
819 st certes pas le moindre. Dans l’espoir incertain de nous munir contre eux, notre raison cherche à trouver leurs lois. Ell
820 lle les trouve, mais ce sont alors les lois mêmes de notre absence, celles du monde abandonné et qui paraît déterminé de s
821 celles du monde abandonné et qui paraît déterminé de soi, puisqu’il est vu précisément comme n’étant pas assujetti à notre
822 on. C’est pourquoi la plupart de nos gestes, loin d’ être ordonnateurs et créateurs, sont simplement déterminés par une méc
823 écanique impersonnelle. Ils ne sont pas les actes d’ un auteur, mais les contrecoups nécessaires d’un procès initié par d’a
824 tes d’un auteur, mais les contrecoups nécessaires d’ un procès initié par d’autres, d’un procès anonyme étranger à notre êt
825 oups nécessaires d’un procès initié par d’autres, d’ un procès anonyme étranger à notre être, et que nous baptisons fatalit
826 s objets. Nous sommes surtout les jouets humiliés de ce qui nie notre dignité d’hommes, de ce qui nous traite en objets ne
827 t les jouets humiliés de ce qui nie notre dignité d’ hommes, de ce qui nous traite en objets neutres et en objets d’autant
828 ts humiliés de ce qui nie notre dignité d’hommes, de ce qui nous traite en objets neutres et en objets d’autant moins rési
829 ce qui nous traite en objets neutres et en objets d’ autant moins résistants qu’ils ont cru concevoir, dans ce qui les atta
830 les attaque, une fatale loi justifiée en raison. D’ où vient alors l’idée de la personne, et ce regret d’une dignité que l
831 loi justifiée en raison. D’où vient alors l’idée de la personne, et ce regret d’une dignité que la raison des peuples et
832 ù vient alors l’idée de la personne, et ce regret d’ une dignité que la raison des peuples et des clercs s’accorde à révoqu
833 rcs s’accorde à révoquer en doute ? L’imagination de la personne à l’état pur resterait à nos yeux une espèce d’utopie ont
834 onne à l’état pur resterait à nos yeux une espèce d’ utopie ontologique, si la Révélation n’en attestait l’acte historique.
835 attestait l’acte historique. L’incarnation totale de Dieu dans l’Homme, l’humanité parfaite de Jésus-Christ est la limite
836 totale de Dieu dans l’Homme, l’humanité parfaite de Jésus-Christ est la limite atteinte de la personne dans l’histoire, l
837 é parfaite de Jésus-Christ est la limite atteinte de la personne dans l’histoire, le fait extrême, le concretissimum à par
838 t-à-dire réduire la distance qui sépare notre vie de notre vocation. La foi au Christ, c’est la foi dans la personne par e
839 confirme nos propositions sur la nature actuelle de la personne). La foi au Christ est proprement ce qui « personnifie »
840 donné, dit Calvin, « comme substance et fondement de tout », nous avons à connaître cette vérité de la personne : qu’elle
841 nt de tout », nous avons à connaître cette vérité de la personne : qu’elle est toute dans sa communication, laquelle doit
842 être certifiée par quelque signe matériel. L’idée d’ une personne isolée ou n’entretenant avec les autres que des rapports
843 ontradiction in terminis. L’aspect communautaire de la personne, en vérité, ressort assez clairement de nos définitions,
844 la personne, en vérité, ressort assez clairement de nos définitions, mais il peut être utile, pour fixer davantage les id
845 peut être utile, pour fixer davantage les idées, de l’opposer ici à la notion de l’individu. L’individu est le terme dern
846 davantage les idées, de l’opposer ici à la notion de l’individu. L’individu est le terme dernier de la division objective
847 on de l’individu. L’individu est le terme dernier de la division objective d’une société au sens des sociologues. Il joue,
848 idu est le terme dernier de la division objective d’ une société au sens des sociologues. Il joue, sur le plan politique, l
849 : il est l’élément insécable qui marque la limite de décomposition d’un corps quelconque. Autrement dit, l’individu n’est
850 t insécable qui marque la limite de décomposition d’ un corps quelconque. Autrement dit, l’individu n’est conçu qu’à partir
851 férencié, objectif. On l’obtient par un processus d’ isolation. Quel rôle peut jouer la personne dans cette image ? Peut-êt
852 er la personne dans cette image ? Peut-être celui de la valence, c’est-à-dire de la puissance de combinaison d’un atome. M
853 age ? Peut-être celui de la valence, c’est-à-dire de la puissance de combinaison d’un atome. Mais il nous faut laisser ce
854 celui de la valence, c’est-à-dire de la puissance de combinaison d’un atome. Mais il nous faut laisser ce modèle mécanique
855 ence, c’est-à-dire de la puissance de combinaison d’ un atome. Mais il nous faut laisser ce modèle mécanique, puisqu’aussi
856 ussi bien la personne en elle-même n’est passible d’ aucune description objective. Par rapport à l’ensemble humain, la pers
857 tion du corps social en individus libres au terme d’ une évolution scientifique et organisée (thèse de Marx et de Lasalle)
858 d’une évolution scientifique et organisée (thèse de Marx et de Lasalle) la conception personnaliste oppose mieux qu’un sc
859 ution scientifique et organisée (thèse de Marx et de Lasalle) la conception personnaliste oppose mieux qu’un scepticisme :
860 te oppose mieux qu’un scepticisme : elle renverse de fond en comble l’ordre des valeurs établies par le rationalisme et le
861 lisme et le collectivisme, elle prend pour mesure de tout la présence effective de l’homme. À l’évolutionnisme objectif el
862 e prend pour mesure de tout la présence effective de l’homme. À l’évolutionnisme objectif elle oppose son exigence proximi
863 ons les plus « valables » sont celles qui exigent de l’homme la plus constante proximité : l’œuvre, le mariage, la famille
864 , le métier et l’éducation. C’est à la sauvegarde de ces réalités prochaines que doivent s’ordonner les relations plus gén
865 Cette thèse simple constitue à mes yeux la règle d’ or de toute doctrine sociale et politique. Est-ce à dire que le bien d
866 e thèse simple constitue à mes yeux la règle d’or de toute doctrine sociale et politique. Est-ce à dire que le bien de tou
867 e sociale et politique. Est-ce à dire que le bien de tous doive être mis au service du bien de chacun ? Prenons garde de r
868 le bien de tous doive être mis au service du bien de chacun ? Prenons garde de retomber ici dans un ordre contractuel où l
869 mis au service du bien de chacun ? Prenons garde de retomber ici dans un ordre contractuel où la personne abritée par la
870 la loi perde à la fois son risque et son pouvoir de création (démocratie libérale). Le droit de la personne à primer sur
871 uvoir de création (démocratie libérale). Le droit de la personne à primer sur l’ensemble demeure indéfendable s’il n’est p
872 un droit humain élevé dans l’absolu, mais la fin de tout droit humain, et peut-être son contraire. La formule du rapport
873 ort social ne doit pas contenir une revendication de droit, mais une position de fait. La voici : le bien de tous n’est ni
874 nir une revendication de droit, mais une position de fait. La voici : le bien de tous n’est ni concevable ni réalisable au
875 it, mais une position de fait. La voici : le bien de tous n’est ni concevable ni réalisable aux dépens du bien de chacun ;
876 st ni concevable ni réalisable aux dépens du bien de chacun ; il n’est que l’expression, de plus en plus abstraite à mesur
877 ve à des nombres plus grands, du pouvoir prochain de la personne ; il n’est rien s’il n’est pas l’extension naturelle du r
878 pas l’extension naturelle du risque et du concret de l’homme qui se dépasse. Qu’importe l’honneur d’un pays, s’il est le f
879 t de l’homme qui se dépasse. Qu’importe l’honneur d’ un pays, s’il est le fruit de la déshumanisation des citoyens ? Qu’imp
880 Qu’importe l’honneur d’un pays, s’il est le fruit de la déshumanisation des citoyens ? Qu’importe une « assurance-vie », s
881 onsabilité des hommes reliés ? Qu’importe l’ordre de l’État, s’il se maintient au prix du désordre privé ? Qu’importe, en
882 uns aux autres ? La personne ne sera pas au terme d’ une société parfaite, pour la simple raison qu’il n’y a de rapport hum
883 ciété parfaite, pour la simple raison qu’il n’y a de rapport humain réel que par l’apparition première de la personne, fon
884 rapport humain réel que par l’apparition première de la personne, fondement nécessaire et suffisant de toute communauté vi
885 de la personne, fondement nécessaire et suffisant de toute communauté vivante et progressive. 9. Deux négations de la p
886 auté vivante et progressive. 9. Deux négations de la personne Et maintenant, si nous savons ce que nous appelons : p
887 : personne, si nous savons qu’elle est la lumière de nos lumières, et le soleil que rien ne peut décrire, mais qui fait vo
888 de et chasse nos fantômes, notre devoir n’est pas de revenir vers les ténèbres pour les persuader qu’elles ont tort d’être
889 les ténèbres pour les persuader qu’elles ont tort d’ être obscures, notre devoir est d’éclairer. À la lumière de la personn
890 ’elles ont tort d’être obscures, notre devoir est d’ éclairer. À la lumière de la personne, on voit paraître la vérité de p
891 umière de la personne, on voit paraître la vérité de plusieurs doctrines humaines qui s’entrebattent dans la confusion et
892 urrissent des haines bavardes. Je veux parler ici de deux d’entre elles seulement, des fameux jumeaux ennemis qu’on voit p
893 s : matérialisme et spiritualisme. Voici l’aspect de vérité que la personne éclaire en eux : le matérialisme a compris qu’
894 es corps, et que c’est un orgueil assez court que de prétendre l’ignorer ; il a compris le fait — sinon l’acte — de l’inca
895 l’ignorer ; il a compris le fait — sinon l’acte — de l’incarnation. Il y a une santé dans le matérialisme, et une humilité
896 e humilité où la personne retrouve l’un des pôles de sa tension. Peut-être est-il plus difficile d’être équitable envers l
897 es de sa tension. Peut-être est-il plus difficile d’ être équitable envers le spiritualisme : c’est qu’il nous a fait plus
898 s le spiritualisme : c’est qu’il nous a fait plus de mal, et que l’erreur matérialiste est bâtarde de ses excès. Ceci pour
899 de mal, et que l’erreur matérialiste est bâtarde de ses excès. Ceci pourtant doit être dit en sa faveur : il a compris le
900 sa faveur : il a compris le fait — sinon l’acte — de la liberté. Il a su reconnaître que l’homme est un sujet (au sens ini
901 nitiateur, et non pas ironique !) et qu’il dépend de lui que l’objet soit ou non présent. Mais alors le malheur du spiritu
902 ésent. Mais alors le malheur du spiritualisme fut de se replier sur cette liberté pour la chérir dans sa précieuse intégri
903 a chérir dans sa précieuse intégrité. Orgueilleux de sa force, il refuse de l’exercer, de l’engager dans des limites objec
904 use intégrité. Orgueilleux de sa force, il refuse de l’exercer, de l’engager dans des limites objectives. Il veut se garde
905 Orgueilleux de sa force, il refuse de l’exercer, de l’engager dans des limites objectives. Il veut se garder pur, et rest
906 garder pur, et reste virtuel. Il se croit maître de tous les objets, mais néglige d’en choisir aucun. Il chante sa grande
907 se croit maître de tous les objets, mais néglige d’ en choisir aucun. Il chante sa grandeur, mais n’en témoigne pas. Il es
908 sièrement notre puissance — ce serait une manière de la mieux provoquer — mais glorifiant le sujet pur comme tel, il dégra
909 la carence du spiritualisme une espèce provisoire de justification. Il y a dans cette révolte un certain ascétisme : celui
910 un certain ascétisme : celui des lendemains amers de débauche. Il y a aussi dans la doctrine déterministe qu’elle édicte,
911 octrine déterministe qu’elle édicte, l’expression d’ un ressentiment contre l’« esprit » demeuré incapable de témoigner de
912 essentiment contre l’« esprit » demeuré incapable de témoigner de notre liberté. Dans le plan d’ombre et d’abstractions, p
913 ontre l’« esprit » demeuré incapable de témoigner de notre liberté. Dans le plan d’ombre et d’abstractions, parfois violen
914 pable de témoigner de notre liberté. Dans le plan d’ ombre et d’abstractions, parfois violentes, où se poursuit ce vieux dé
915 moigner de notre liberté. Dans le plan d’ombre et d’ abstractions, parfois violentes, où se poursuit ce vieux débat, aucun
916 ntes, où se poursuit ce vieux débat, aucun espoir de solution réelle n’est plus permis18. Mais c’est ce plan que nous avon
917 l’autre se mesurent et se réalisent : la charité de la personne est d’ordonner ce corps-à-corps. 10. Le spirituel D
918 t et se réalisent : la charité de la personne est d’ ordonner ce corps-à-corps. 10. Le spirituel Descartes a détruit
919 c’est qu’il les a mal distingués. Du point de vue de la personne, le corps et l’âme sont deux aspects de l’homme concret,
920 la personne, le corps et l’âme sont deux aspects de l’homme concret, dont la nature réelle n’apparaît que dans l’acte. L’
921 lle n’apparaît que dans l’acte. L’aspect corporel de l’homme est l’expression de notre solidarité avec le monde des objets
922 te. L’aspect corporel de l’homme est l’expression de notre solidarité avec le monde des objets ; l’aspect de l’âme est not
923 re solidarité avec le monde des objets ; l’aspect de l’âme est notre orientation, l’originalité essentielle de l’homme au
924 est notre orientation, l’originalité essentielle de l’homme au sein du monde des objets, c’est-à-dire notre capacité de c
925 du monde des objets, c’est-à-dire notre capacité de choisir librement nos contacts, comme aussi de n’en pas choisir. (Et
926 té de choisir librement nos contacts, comme aussi de n’en pas choisir. (Et c’est dans ce débat qu’apparaît la conscience.)
927 ébat qu’apparaît la conscience.) Mais ni le corps de l’homme ne peut être conçu comme réel sans l’insistance particulière
928 e et même « chair ». C’est une étrange erreur que de nommer « esprit » l’aspect original du corps humain ; c’est une étran
929 al du corps humain ; c’est une étrange erreur que de rêver l’âme immortelle19 ; et c’est au nom de cette erreur qu’on croi
930 a les morts20. En vérité, cette illusion provient d’ une pensée qui se refuse à nos limites, faute parfois de les avoir ass
931 pensée qui se refuse à nos limites, faute parfois de les avoir assez sérieusement éprouvées, faute surtout d’une foi qui r
932 avoir assez sérieusement éprouvées, faute surtout d’ une foi qui rendrait vain le plus consolant de nos rêves. C’est une te
933 out d’une foi qui rendrait vain le plus consolant de nos rêves. C’est une tentative impie pour substituer la conscience à
934 lle, c’est-à-dire pour substituer, dans l’échelle de nos valeurs, notre capacité de liberté à l’exercice concret de cette
935 er, dans l’échelle de nos valeurs, notre capacité de liberté à l’exercice concret de cette liberté. C’est une usurpation d
936 s, notre capacité de liberté à l’exercice concret de cette liberté. C’est une usurpation de l’éternel par la conscience co
937 ce concret de cette liberté. C’est une usurpation de l’éternel par la conscience contingente, par cette conscience insinué
938 ation. L’âme immortelle n’est rien que l’illusion d’ un égoïsme qui se glorifie dans l’abstrait. Qu’est-ce alors, parmi nou
939 ns l’abstrait. Qu’est-ce alors, parmi nous hommes de chair, que l’esprit ? Cet esprit qui souffle où il veut, et nous mour
940 qui dansait sur les eaux primitives, et les lois de mon corps sont celles de la poussière ? — Rien, l’esprit n’est plus r
941 primitives, et les lois de mon corps sont celles de la poussière ? — Rien, l’esprit n’est plus rien, et comprendre n’est
942 , et comprendre n’est rien qu’envisager les modes de notre esclavage. — Jusqu’à cet acte, que soudain j’ai fait ! Car je l
943 j’ai fait ! Car je l’ai fait, et je ne sais rien d’ autre. J’ai reçu l’ordre, et ce pouvoir ordonnateur, irréfutablement e
944 s un nombre. J’appelle esprit cette surprise pure de mon corps qui se voit conduit où rien en lui n’était nécessité d’alle
945 se voit conduit où rien en lui n’était nécessité d’ aller. J’appelle esprit la plénitude de l’instant où dans l’oubli de t
946 nécessité d’aller. J’appelle esprit la plénitude de l’instant où dans l’oubli de tout ce que je peux, j’ai franchi l’impo
947 esprit la plénitude de l’instant où dans l’oubli de tout ce que je peux, j’ai franchi l’impossible seuil. L’esprit est ac
948 sprit est acte, l’acte est obéissance à la motion de l’éternel. J’ai peut-être entendu quelque parole, on n’a rien vu qu’u
949 . C’est parce que Dieu s’est révélé dans un corps d’ homme que l’esprit, parmi nous, n’est rien — hors la démonstration cha
950 — hors la démonstration charnelle et déchiffrable d’ une action. Jésus-Christ est le verbe incarné, la vocation toujours pr
951 le Verbe, et il demeure l’initiation fondamentale de toute histoire. C’est par le verbe seul, créant de rien, que « l’impo
952 e toute histoire. C’est par le verbe seul, créant de rien, que « l’impossible, ici, devient événement », que l’idée du con
953 devient événement », que l’idée du concret cesse d’ être une idée, que la personne existe et que l’acte transforme. Ce qui
954 et que l’acte transforme. Ce qui témoigne en moi de l’indicible réception de la parole, ce n’est point une extase, ni une
955 . Ce qui témoigne en moi de l’indicible réception de la parole, ce n’est point une extase, ni une angoisse, ni toujours un
956 xtase, ni une angoisse, ni toujours une plénitude de la joie, ni jamais rien qui fût à moi tel que j’étais, ni rien que j’
957 les hommes — pour me jeter dans le fait accompli d’ une évidente nouveauté. Maintenant quelque chose s’est passé, un risqu
958 evant sa vocation, qu’un doute ; mais la fidélité de la personne n’est pas vaine. Dans la très confuse partie que nous men
959 la très confuse partie que nous menons, ignorants de la règle, distinguons cet enjeu admirable ! 16. Matthieu 7:21 : « 
960 neur ! Seigneur !… mais celui qui fait la volonté de mon Père » — c’est-à-dire celui — opposé à l’impersonnel ceux — qui a
961 ne doit pas être entendu dans le sens restrictif de l’esse est percipi des idéalistes (on aura vu tout au contraire que l
962 te pour nous que in actu), mais bien dans le sens d’ une norme éthique, que le péché seul rend inopérante ; la bonté, par e
963 par exemple, n’est rien si elle n’est pas un acte de miséricorde. 18. Politique : l’État est l’expression fatale de notre
964 . 18. Politique : l’État est l’expression fatale de notre double erreur matérialiste-spiritualiste. Je me refuse à voir e
965 itualiste. Je me refuse à voir en lui la solution de ce conflit mauvais qu’il fixe sans le dépasser. 19. L’aspect animiqu
966 t l’aspect proprement matériel. 20. La certitude de la résurrection n’a rien à voir avec une survie de l’âme. L’homme meu
967 e la résurrection n’a rien à voir avec une survie de l’âme. L’homme meurt totalement, parce qu’il est totalement « chair »
968 arnés. L’Église chrétienne, dans son Credo, parle d’ une « résurrection de la chair », non pas de l’âme ni du corps. i. R
969 ienne, dans son Credo, parle d’une « résurrection de la chair », non pas de l’âme ni du corps. i. Rougemont Denis de, « 
970 parle d’une « résurrection de la chair », non pas de l’âme ni du corps. i. Rougemont Denis de, « Définition de la person
971 on pas de l’âme ni du corps. i. Rougemont Denis de , « Définition de la personne », Esprit, Paris, décembre 1934, p. 368-
972 i du corps. i. Rougemont Denis de, « Définition de la personne », Esprit, Paris, décembre 1934, p. 368-382.
9 1934, Esprit, articles (1932–1962). André Breton, Point du jour (décembre 1934)
973 usieurs années, auprès de la critique bourgeoise, d’ une attention d’autant plus sympathique qu’il criait fort et bien, mai
974 auprès de la critique bourgeoise, d’une attention d’ autant plus sympathique qu’il criait fort et bien, mais mordait peu. C
975 s confusions commises depuis la guerre sur le mot de révolution. Le public littéraire rendit un très mauvais service aux é
976 urs, des révolutionnaires enfin. Le fâcheux essai d’ action communiste, auquel devait logiquement les conduire cette attitu
977 nduire cette attitude, fit voir bientôt l’inanité d’ une pareille prétention. Que reste-t-il du beau tapage ? À défaut de c
978 beau tapage ? À défaut de chefs-d’œuvre, un mode d’ expression, trop rapidement vulgarisé d’ailleurs en une espèce de bava
979 rop rapidement vulgarisé d’ailleurs en une espèce de bavardage lyrique dont Breton sera, je crois, le tout premier à recon
980 sue le plus insupportable ennui. Ouvrez une revue de province si vous pensez que j’exagère. Faut-il donc mettre une barre
981 verser tout cela au compte des profits et pertes d’ une « élite » bourgeoise en faillite ? Comptabilité bonne peut-être po
982 e ? Comptabilité bonne peut-être pour l’historien de la littérature. Nous n’avons pas le cœur à ces injures. Le surréalism
983 ur à ces injures. Le surréalisme garde une valeur de fait témoin, d’ordre spirituel ; à ce titre, il marque une époque, bi
984 . Le surréalisme garde une valeur de fait témoin, d’ ordre spirituel ; à ce titre, il marque une époque, bien plus qu’une l
985 d’entre eux — ont certainement connu le désespoir de vivre, et c’est cela qu’ils ont voulu traduire. Mais c’est cela aussi
986 r que s’il connaît un au-delà du désespoir. Faute de le pressentir, ils ont méconnu leur angoisse ; faute du courage de la
987 ils ont méconnu leur angoisse ; faute du courage de la considérer en face — ce courage que donne seule la foi — ils se so
988 stylisé, à l’abri duquel on pouvait faire encore de la littérature, certes, mais on ne pouvait faire que cela. Ce serait
989 n ne pouvait faire que cela. Ce serait un jeu que de les classer dans les catégories du désespoir analysées par Kierkegaar
990 es par Kierkegaard, si nous étions assez détachés d’ eux pour ne plus sentir le tragique que ce faux désespoir maquillait.
991 . Il y a dans tout ce qu’ils écrivent, une espèce de bluff inconscient, dont le dernier livre d’André Breton fournit de tr
992 spèce de bluff inconscient, dont le dernier livre d’ André Breton fournit de trop nombreux exemples. On est frappé d’abord
993 ent, dont le dernier livre d’André Breton fournit de trop nombreux exemples. On est frappé d’abord par une certaine nobles
994 oblesse du port, par une certaine allure hautaine de la phrase. Mais que cet homme est empêtré par le scrupule de ce qu’il
995 e. Mais que cet homme est empêtré par le scrupule de ce qu’il se doit ! Et qu’il est attentif à sa propre démarche ! « Il
996 e démarche ! « Il me paraît absolument nécessaire de le dire… Pour ma part, je me refuse… Je demande à ce qu’on tienne pou
997 un crétin celui qui… » Je prends ces trois débuts de phrases dans une seule demi-page, au hasard (p. 73). On trouverait sa
998 ore à citer, en cherchant un peu. C’est très bien de ne pas faire le modeste, et même de prendre de grands airs, si l’on a
999 est très bien de ne pas faire le modeste, et même de prendre de grands airs, si l’on a quelque chose de grand à dire, qu’o
1000 en de ne pas faire le modeste, et même de prendre de grands airs, si l’on a quelque chose de grand à dire, qu’on ne peut p
1001 e prendre de grands airs, si l’on a quelque chose de grand à dire, qu’on ne peut pas dire autrement. Que dit-il donc, cet
1002 utrement. Que dit-il donc, cet homme qui le prend de si haut ? Son livre s’ouvre par un discours lyrique « sur le peu de r
1003 érations décousues sur quelques résultats récents d’ une science entre toutes suspecte, la psychologie de laboratoire. Il s
1004 une science entre toutes suspecte, la psychologie de laboratoire. Il s’agit, dans l’idée de l’auteur, de dévaloriser (ou d
1005 sychologie de laboratoire. Il s’agit, dans l’idée de l’auteur, de dévaloriser (ou de transcender ? ) « la distinction du s
1006 laboratoire. Il s’agit, dans l’idée de l’auteur, de dévaloriser (ou de transcender ? ) « la distinction du subjectif et d
1007 agit, dans l’idée de l’auteur, de dévaloriser (ou de transcender ? ) « la distinction du subjectif et de l’objectif ». Idé
1008 transcender ? ) « la distinction du subjectif et de l’objectif ». Idée platonicienne et surtout romantique, et qui vaut b
1009 , Breton dit tant de mal (Introduction aux contes d’ Arnim). Mais pourquoi nous glisser ce vieux problème avec des airs de
1010 quoi nous glisser ce vieux problème avec des airs de conspirateur traqué ? Alors que cette confusion désirée revient en de
1011 evient en dernière analyse au refus pur et simple d’ agir et de créer, j’entends, de se poser comme auteur responsable de s
1012 dernière analyse au refus pur et simple d’agir et de créer, j’entends, de se poser comme auteur responsable de son acte ?
1013 efus pur et simple d’agir et de créer, j’entends, de se poser comme auteur responsable de son acte ? Alors qu’elle ne repo
1014 , j’entends, de se poser comme auteur responsable de son acte ? Alors qu’elle ne repose que sur l’espoir du faible : que l
1015 », que l’homme ne soit plus rien qu’un spectateur de son angoisse muée en rêve ? Qu’on prenne un ton tranchant lorsqu’on a
1016 en plaindre. Mais il s’agit ici, tout simplement, de s’évader d’une réalité qu’on craint. Le ton bien plus modeste (trop m
1017 Mais il s’agit ici, tout simplement, de s’évader d’ une réalité qu’on craint. Le ton bien plus modeste (trop modeste) des
1018 ton bien plus modeste (trop modeste) des discours de Breton devant les communistes conviendrait mieux, peut-être, à ces re
1019 es. Tant que Breton invente son sujet, en partant d’ un donné très réduit et de quelques rythmes lyriques, son style est la
1020 e son sujet, en partant d’un donné très réduit et de quelques rythmes lyriques, son style est large, ses périodes font la
1021 dont il ne saurait avoir raison en quelques tours de phrases élégants et péremptoires, et l’on se demande alors si ce bel
1022 as dissimulé, aux yeux des jeunes gens, un défaut de culture, au sens banal du terme, qui se trahit ici fâcheusement. Iron
1023 romantisme allemand — qu’on est heureux pourtant de les voir découvrir, comme l’étymologie de leur pensée ? Ils ont essay
1024 ourtant de les voir découvrir, comme l’étymologie de leur pensée ? Ils ont essayé du marxisme ; ils retombent à l’idéalism
1025 Mais alors, vont-ils reconnaître le sérieux réel de ce jeu ? Et qu’il y va vraiment de tout, c’est-à-dire d’un peu plus q
1026 e sérieux réel de ce jeu ? Et qu’il y va vraiment de tout, c’est-à-dire d’un peu plus que de la plus profonde révolte. j
1027 eu ? Et qu’il y va vraiment de tout, c’est-à-dire d’ un peu plus que de la plus profonde révolte. j. Rougemont Denis de,
1028 vraiment de tout, c’est-à-dire d’un peu plus que de la plus profonde révolte. j. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
1029 e la plus profonde révolte. j. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] André Breton, Point du jour  », Esprit, Paris, déce
10 1935, Esprit, articles (1932–1962). André Rouveyre, Singulier (janvier 1935)
1030 Rouveyre, Singulier (janvier 1935)k l L’amour d’ un homme de cinquante ans et d’une jeune femme forme l’unique sujet de
1031 Singulier (janvier 1935)k l L’amour d’un homme de cinquante ans et d’une jeune femme forme l’unique sujet de cette médi
1032 935)k l L’amour d’un homme de cinquante ans et d’ une jeune femme forme l’unique sujet de cette méditation. Deux êtres t
1033 nte ans et d’une jeune femme forme l’unique sujet de cette méditation. Deux êtres très divers se sont unis dans une passio
1034 unis dans une passion grave, exigeante, à l’écart d’ une société hostile, dans une ascèse morale soutenue. L’aîné, c’est ce
1035 an. La jeune femme qu’il aime et qu’il entreprend de conduire à la maîtrise de soi-même, il nous en donne un portrait minu
1036 ime et qu’il entreprend de conduire à la maîtrise de soi-même, il nous en donne un portrait minutieux, tendre cette fois,
1037 n donne un portrait minutieux, tendre cette fois, d’ un trait classique et volontaire. Je ne sais rien de plus émouvant que
1038 que l’effort vers eux-mêmes, et l’un par l’autre, de ces deux êtres dont la vocation paraît inséparable de l’amour qui les
1039 es deux êtres dont la vocation paraît inséparable de l’amour qui les domine. Une analyse racinienne des sentiments s’unit
1040 racinienne des sentiments s’unit ici à la rigueur d’ un idéal orgueilleux, ombrageux. Tout cela se perd d’ailleurs, dans l’
1041 e perd d’ailleurs, dans l’amertume « désertique » d’ un tête-à-tête de l’auteur avec sa mort. Négation de l’humain trop pur
1042 , dans l’amertume « désertique » d’un tête-à-tête de l’auteur avec sa mort. Négation de l’humain trop purement humain dans
1043 un tête-à-tête de l’auteur avec sa mort. Négation de l’humain trop purement humain dans son effort le plus « spirituel » ?
1044 ette conclusion. Peut-être n’est-ce ici qu’un cri d’ appel à rien : les modernes ont inventé cela. On peut toutefois ne pas
1045 peut toutefois ne pas les croire, et le spectacle d’ un pareil tragique ne perdra rien de sa grandeur lucide à gagner un se
1046 le spectacle d’un pareil tragique ne perdra rien de sa grandeur lucide à gagner un sens religieux. Ce livre enfin vaut pa
1047 le inoubliable. Rouveyre ne laisse pas un instant de faire sentir qu’il écrit, et l’on aime jusqu’au retors de cette écrit
1048 sentir qu’il écrit, et l’on aime jusqu’au retors de cette écriture contractée. Dans son progrès strictement mesuré, la ph
1049 nos yeux. Ce n’est pas du récit. C’est une espèce de taraudage21. De temps en temps, il change de mèche et recommence aux
1050 pèce de taraudage21. De temps en temps, il change de mèche et recommence aux mêmes points, plus avant. Fermeté de la main,
1051 recommence aux mêmes points, plus avant. Fermeté de la main, regard sévère qui ne consent à la tendresse qu’après avoir é
1052 t tant de cas. Une lucidité virile forme la leçon de ces pages, tantôt généreuse, tantôt corrosive, toujours tendue entre
1053 antôt corrosive, toujours tendue entre deux pôles de l’être, entre l’énergie exploratrice et le repliement amer. Enfin, un
1054 sérieux, nietzschéen sans exaltation. La lecture d’ un tel livre, lente et souvent reprise, donne du cœur à l’intelligence
1055 e du cœur à l’intelligence. Et l’austérité tendre de son « inquisition » rend un sens à l’amour humain, disqualifié dans l
1056 à l’amour humain, disqualifié dans la littérature d’ aujourd’hui par trop d’indiscrétions excitées et vulgaires. Que dire e
1057 alifié dans la littérature d’aujourd’hui par trop d’ indiscrétions excitées et vulgaires. Que dire encore qui fasse un peu
1058 ncore qui fasse un peu sentir la qualité, voisine de la grandeur, de cet ouvrage ? Je crois que maint lecteur y découvrira
1059 un peu sentir la qualité, voisine de la grandeur, de cet ouvrage ? Je crois que maint lecteur y découvrira peu à peu quelq
1060 ouvrira peu à peu quelque raison très personnelle de l’aimer. 21. Je ne dis pas que tout cela aille sans fatigue pour le
1061 quelque fatras, ni sans préciosité dans l’analyse de soi… k. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] André Rouveyre, Singul
1062 osité dans l’analyse de soi… k. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] André Rouveyre, Singulier  », Esprit, Paris, janvie
1063 prit, Paris, janvier 1935, p. 676-677. l. Le nom de l’auteur de l’ouvrage recensé étant mal orthographié (« Ronveyre »),
1064 janvier 1935, p. 676-677. l. Le nom de l’auteur de l’ouvrage recensé étant mal orthographié (« Ronveyre »), on a corrigé
11 1935, Esprit, articles (1932–1962). Maurice Meunier, Idoles (février 1935)
1065 )m Où l’on apprend comment un nommé Jean aima, de loin et à 15 ans, des petites filles ; d’un peu plus près et à vingt
1066 n aima, de loin et à 15 ans, des petites filles ; d’ un peu plus près et à vingt ans, une étudiante ; et pour de bon, deux
1067 plus près et à vingt ans, une étudiante ; et pour de bon, deux ans plus tard, une femme mariée. Enfin il retrouve l’étudia
1068 pouse en vitesse au dernier paragraphe. Tout cela d’ une vérité proprement désarmante. M. Meunier atteint sans effort appar
1069 ut bien poursuivre l’éditeur qui publia ce résumé de la vie nulle d’un jeune bourgeois ? m. Rougemont Denis de, « [Comp
1070 re l’éditeur qui publia ce résumé de la vie nulle d’ un jeune bourgeois ? m. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Mauric
1071 ulle d’un jeune bourgeois ? m. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Maurice Meunier, Idoles  », Esprit, Paris, février
12 1935, Esprit, articles (1932–1962). Albert Soulillou, Nitro (février 1935)
1072 ographique, semble-t-il, que celui du jeune homme de tout à l’heure. Mais ici c’est un ouvrier qui parle. D’avoir travaill
1073 t à l’heure. Mais ici c’est un ouvrier qui parle. D’ avoir travaillé chez Ford ne donne pas forcément plus de valeur que d’
1074 r travaillé chez Ford ne donne pas forcément plus de valeur que d’avoir traîné son vague à l’âme par les rues d’une ville
1075 ez Ford ne donne pas forcément plus de valeur que d’ avoir traîné son vague à l’âme par les rues d’une ville de province ;
1076 que d’avoir traîné son vague à l’âme par les rues d’ une ville de province ; mais cela donne au moins une matière. Les page
1077 traîné son vague à l’âme par les rues d’une ville de province ; mais cela donne au moins une matière. Les pages de Soulill
1078 ; mais cela donne au moins une matière. Les pages de Soulillou qui décrivent les conditions de travail dans l’industrie de
1079 s pages de Soulillou qui décrivent les conditions de travail dans l’industrie de la nitrocellulose sont précises, acharnée
1080 rivent les conditions de travail dans l’industrie de la nitrocellulose sont précises, acharnées, saisissantes. Vous fermez
1081 out au moins par la sympathie, dans une communion de révolte. Par malheur, l’auteur a voulu romancer ce documentaire authe
1082 anque peut-être à M. Soulillou, c’est la patience de laisser mûrir ses livres ; d’attendre qu’un sujet impose sa forme pro
1083 , c’est la patience de laisser mûrir ses livres ; d’ attendre qu’un sujet impose sa forme propre, ses proportions et ses « 
1084 Il est remarquable que presque tous les écrivains de ces années éprouvent simultanément le besoin de s’exprimer par des ro
1085 s de ces années éprouvent simultanément le besoin de s’exprimer par des romans du format standard : 224 ou 600 pages exact
1086 on sait les raisons commerciales, couvre pas mal d’ infidélités profondes. Certains sujets mériteraient à peine 50 pages,
1087 lphe ou l’Idiot seraient aujourd’hui des « compte d’ auteur ». n. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Albert Soulillou,
1088 ui des « compte d’auteur ». n. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Albert Soulillou, Nitro  », Esprit, Paris, février
13 1935, Esprit, articles (1932–1962). Roger Breuil, Les Uns les Autres (avril 1935)
1089 qui aient parlé le mieux, je crois, avec le plus de sympathie et de pénétration du deuxième livre de Roger Breuil est Mar
1090 le mieux, je crois, avec le plus de sympathie et de pénétration du deuxième livre de Roger Breuil est Marcel Arland. Sans
1091 de sympathie et de pénétration du deuxième livre de Roger Breuil est Marcel Arland. Sans doute a-t-il reconnu dans ce rom
1092 ps avant les Vivants) une intention toute voisine de la sienne, une semblable patience ingénieuse dans l’approche du secre
1093 approche du secret des êtres, enfin cette qualité de discrétion qui semble ici encore imposée par l’objet du livre. Roger
1094 jet du livre. Roger Breuil nous révèle une espèce de Français dont il est, sauf erreur, le premier à parler : une élite, u
1095 reur, le premier à parler : une élite, une espèce d’ aristocratie paysanne. Vivant près d’eux, pour eux, il les a vus tout
1096 , une espèce d’aristocratie paysanne. Vivant près d’ eux, pour eux, il les a vus tout autrement que ne l’eût fait un « obse
1097 leur vie intime, leurs relations. On serait tenté de dire : dans leur personne. Je connais peu de livres moins conventionn
1098 . Au fond, son vrai sujet, c’est l’étude concrète de la communauté qui peut s’instituer par le jeu des passions, ou les li
1099 ous ceux qui entrent dans la vie. Mais en parlant d’ étude, je fais tort au ton de ce livre, à son charme sentimental, à so
1100 vie. Mais en parlant d’étude, je fais tort au ton de ce livre, à son charme sentimental, à son humour particulier, à ses j
1101 re comme la Promenade au marais est une merveille de « naturel » dans tous les sens de ce terme ; je ne vois pas d’écrivai
1102 t une merveille de « naturel » dans tous les sens de ce terme ; je ne vois pas d’écrivain français qui ait jamais su faire
1103 » dans tous les sens de ce terme ; je ne vois pas d’ écrivain français qui ait jamais su faire vibrer un tel accord des pay
1104 vibrer un tel accord des paysages et des êtres — de ces vastes paysages maritimes des Charentes et de ces âmes et de ces
1105 de ces vastes paysages maritimes des Charentes et de ces âmes et de ces corps tout frémissants de nostalgies naïves et de
1106 aysages maritimes des Charentes et de ces âmes et de ces corps tout frémissants de nostalgies naïves et de jeunes ruses. O
1107 s et de ces âmes et de ces corps tout frémissants de nostalgies naïves et de jeunes ruses. On sent que Breuil est mêlé de
1108 es corps tout frémissants de nostalgies naïves et de jeunes ruses. On sent que Breuil est mêlé de très près à l’existence
1109 s et de jeunes ruses. On sent que Breuil est mêlé de très près à l’existence de ses personnages : et le « nous » qui appar
1110 nt que Breuil est mêlé de très près à l’existence de ses personnages : et le « nous » qui apparaît parfois dans certains c
1111 fois dans certains chapitres lyriques — le « je » de Marcel dans Proust — rend un tout autre son que le « je » des Vivants
1112 ants : plus complice et plus fraternel. Le défaut de Les Uns les Autres, c’est peut-être qu’il donne parfois l’impression
1113 c’est peut-être qu’il donne parfois l’impression d’ un livre plus profondément rêvé qu’écrit (fort bien écrit du reste). I
1114 fort bien écrit du reste). Il laisse deviner trop de choses pour qu’on lui pardonne de ne pas insister ; de ne pas réalise
1115 se deviner trop de choses pour qu’on lui pardonne de ne pas insister ; de ne pas réaliser plus carrément ses desseins. Mai
1116 oses pour qu’on lui pardonne de ne pas insister ; de ne pas réaliser plus carrément ses desseins. Mais parmi toutes ces ch
1117 ais parmi toutes ces choses vivantes qu’il évoque d’ une touche parfois trop furtive, d’autres fois si précise et heureuse,
1118 ls Esprit voudrait voir s’attacher les romanciers de la nouvelle génération : cet appel à la vie communautaire, ce réalism
1119 u pays, qui permettra peut-être un jour prochain, de parler de nouveau de patrie. Il y a vraiment du nouveau dans cette œu
1120 peut-être un jour prochain, de parler de nouveau de patrie. Il y a vraiment du nouveau dans cette œuvre, et c’est à nous
1121 c’est à nous plus qu’à quiconque qu’il appartient de le reconnaître. Un tel livre n’est pas de ceux dont la carrière s’épu
1122 artient de le reconnaître. Un tel livre n’est pas de ceux dont la carrière s’épuise en une saison, si j’en crois l’amitié,
1123 il laisse dans le souvenir. o. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Roger Breuil, Les Uns les Autres  », Esprit, Paris,
14 1935, Esprit, articles (1932–1962). Kasimir Edschmid, Destin allemand (mai 1935)
1124 Destin allemand (mai 1935)p Nous ne cesserons de protester ici contre la négligence et la frivolité désastreuse de la
1125 contre la négligence et la frivolité désastreuse de la critique littéraire d’aujourd’hui. Voici un roman qui pose les que
1126 a frivolité désastreuse de la critique littéraire d’ aujourd’hui. Voici un roman qui pose les questions les plus tragiques
1127 n roman qui pose les questions les plus tragiques de l’heure avec une puissance dont on cherche en vain l’équivalent dans
1128 erche en vain l’équivalent dans notre littérature d’ après-guerre. Personne n’en a parlé : on s’occupait du prix Goncourt e
1129 é : on s’occupait du prix Goncourt et des travaux d’ amateurs de quelques dames lettrées. Pourtant, ce roman d’Edschmid aur
1130 cupait du prix Goncourt et des travaux d’amateurs de quelques dames lettrées. Pourtant, ce roman d’Edschmid aurait pu prov
1131 rs de quelques dames lettrées. Pourtant, ce roman d’ Edschmid aurait pu provoquer des polémiques révélatrices : il fait com
1132 mirable réussite littéraire, c’est aussi un roman d’ aventures, et un roman d’idées, et une description étonnante de l’Amér
1133 re, c’est aussi un roman d’aventures, et un roman d’ idées, et une description étonnante de l’Amérique qu’il nous reste à d
1134 et un roman d’idées, et une description étonnante de l’Amérique qu’il nous reste à découvrir : celle du Sud. Enfin, c’est
1135 n, c’est un livre qui mériterait, mieux que celui de Malraux, de s’intituler : la condition humaine. Craindrait-on par has
1136 livre qui mériterait, mieux que celui de Malraux, de s’intituler : la condition humaine. Craindrait-on par hasard de parle
1137  : la condition humaine. Craindrait-on par hasard de parler de chefs-d’œuvre, de rétablir un peu l’échelle de nos jugement
1138 ition humaine. Craindrait-on par hasard de parler de chefs-d’œuvre, de rétablir un peu l’échelle de nos jugements ? La cri
1139 indrait-on par hasard de parler de chefs-d’œuvre, de rétablir un peu l’échelle de nos jugements ? La critique se tait sur
1140 er de chefs-d’œuvre, de rétablir un peu l’échelle de nos jugements ? La critique se tait sur Edschmid, l’Académie refuse C
1141 ait sur Edschmid, l’Académie refuse Claudel. État de l’élite française en 1935. Petits signes révélateurs d’une décadence
1142 lite française en 1935. Petits signes révélateurs d’ une décadence que l’on n’arrêtera pas en augmentant les dépenses de gu
1143 ue l’on n’arrêtera pas en augmentant les dépenses de guerre. Edschmid nous conte les aventures de cinq sous-officiers de l
1144 nses de guerre. Edschmid nous conte les aventures de cinq sous-officiers de la dernière guerre que le chômage contraint à
1145 d nous conte les aventures de cinq sous-officiers de la dernière guerre que le chômage contraint à s’engager comme instruc
1146 chômage contraint à s’engager comme instructeurs de l’armée bolivienne. (On sait que ce fut le sort de Röhm, entre autres
1147 e l’armée bolivienne. (On sait que ce fut le sort de Röhm, entre autres.) Mêlés à des révolutions, disloqués, emprisonnés,
1148 couvrent peu à peu dans leurs épreuves la réalité de leur patrie perdue. Ils découvrent surtout que cette patrie pour laqu
1149 uelle ils se sont battus et qui n’a plus la force d’ utiliser leurs énergies, est incapable de les protéger à l’étranger, p
1150 la force d’utiliser leurs énergies, est incapable de les protéger à l’étranger, parce qu’elle a perdu son prestige, sa pui
1151 du son prestige, sa puissance militaire, le droit de parler haut. « Nous avons perdu la guerre, Bell, et dans la situation
1152 élité, voilà ce qui définit leur dernière dignité d’ Allemands dans les tortures qu’un destin absurde leur réserve. « Il dé
1153 écouvrit pour la première fois une forme nouvelle de patriotisme, une façon silencieuse, profonde, bouleversée, broyée, so
1154 ouleversée, broyée, souffrante, et pourtant fière d’ être allemand, de garder la tête haute pour l’Allemagne et de particip
1155 e, souffrante, et pourtant fière d’être allemand, de garder la tête haute pour l’Allemagne et de participer au destin qui
1156 mand, de garder la tête haute pour l’Allemagne et de participer au destin qui lui était échu pour un temps. » Pour un temp
1157 ur un temps… Il y a dans ces trois mots le secret de l’espérance insensée qui possède la jeunesse hitlérienne. Leurs épreu
1158 urs épreuves ne seraient-elles pas comme le signe de leur élection ? Ne seront-ils pas la race de fer qui sauvera l’Europe
1159 igne de leur élection ? Ne seront-ils pas la race de fer qui sauvera l’Europe menacée par tous les peuples de couleur ? Au
1160 qui sauvera l’Europe menacée par tous les peuples de couleur ? Aux dernières pages, nous voyons Bell, le chef du groupe, a
1161 groupe, agoniser dans une tranchée sous les murs d’ un fort brésilien. Et la haute statue de Pillau, le ministre d’Allemag
1162 les murs d’un fort brésilien. Et la haute statue de Pillau, le ministre d’Allemagne à La Paz — celui qui n’a pas pu sauve
1163 silien. Et la haute statue de Pillau, le ministre d’ Allemagne à La Paz — celui qui n’a pas pu sauver ses camarades — se dr
1164 is encore, Pillau lui montre le sens du sacrifice de « ces jeunes gens qui sont entrés dans le malheur la tête haute ». Ca
1165 ossédaient rien qui ont écrit les pages héroïques de l’histoire, et non les gens âgés qui possédaient tout. Ces jeunes All
1166 tout. Ces jeunes Allemands qui doivent supporter de nos jours toutes les misères du monde au fond de leur exil, ceux-là d
1167 de nos jours toutes les misères du monde au fond de leur exil, ceux-là deviendront sûrement un matériel incomparable. Car
1168 r un peuple. » N’est-il point là le vrai tragique de l’Allemagne actuelle, que son destin la force à n’envisager plus le s
1169 ue son destin la force à n’envisager plus le sort de l’homme que sous l’aspect de la nation ? Tel est je crois le problème
1170 visager plus le sort de l’homme que sous l’aspect de la nation ? Tel est je crois le problème central qu’impose ce livre,
1171 que opinion qu’on ait sur le point de vue raciste de l’auteur, qu’il est peu de problèmes plus graves pour notre avenir im
1172 aves pour notre avenir immédiat. Je n’ai rien dit de l’art d’Edschmid. Je ne lui vois d’analogue que dans les derniers rom
1173 notre avenir immédiat. Je n’ai rien dit de l’art d’ Edschmid. Je ne lui vois d’analogue que dans les derniers romans de Ma
1174 n’ai rien dit de l’art d’Edschmid. Je ne lui vois d’ analogue que dans les derniers romans de Malraux. Même sens de la frat
1175 lui vois d’analogue que dans les derniers romans de Malraux. Même sens de la fraternité tragique, même goût des situation
1176 ue dans les derniers romans de Malraux. Même sens de la fraternité tragique, même goût des situations extrêmes (tortures e
1177 etc.), où l’homme avoue ses dernières ressources de sacrifice. Mais il faut se représenter un Malraux qui aurait les nerf
1178 our lire dans ce Destin allemand l’un des secrets de notre destin à tous ? L’ostracisme de nos critiques est d’ailleurs d’
1179 des secrets de notre destin à tous ? L’ostracisme de nos critiques est d’ailleurs d’autant plus absurde que ce livre — écr
1180 us ? L’ostracisme de nos critiques est d’ailleurs d’ autant plus absurde que ce livre — écrit par un juif ! — a été condamn
1181 été condamné en Allemagne. p. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Kasimir Edschmid, Destin allemand  », Esprit, Paris
15 1935, Esprit, articles (1932–1962). Tristan Tzara, Grains et Issues (juin 1935)
1182 nous ont donné jusqu’ici. Il y a là une puissance de réflexion et de synthèse, dont les ouvrages de Breton illustraient gl
1183 usqu’ici. Il y a là une puissance de réflexion et de synthèse, dont les ouvrages de Breton illustraient glorieusement l’ab
1184 ce de réflexion et de synthèse, dont les ouvrages de Breton illustraient glorieusement l’absence. Mais il y a là aussi une
1185 is il y a là aussi une certaine erreur exemplaire de pensée dont il vaudra la peine de chercher l’origine, qui est peut-êt
1186 reur exemplaire de pensée dont il vaudra la peine de chercher l’origine, qui est peut-être celle, permanente, de l’erreur
1187 r l’origine, qui est peut-être celle, permanente, de l’erreur hégélo-marxiste. Tzara explique p. 271 que « les formes de l
1188 -marxiste. Tzara explique p. 271 que « les formes de langage sont… symboliques et sont sujettes aux critiques que l’on est
1189 sont sujettes aux critiques que l’on est en droit de formuler quant à la logique dont elles ont l’air de vouloir procéder 
1190 formuler quant à la logique dont elles ont l’air de vouloir procéder ». M’autorisant de cette remarque, je me mets à crit
1191 les ont l’air de vouloir procéder ». M’autorisant de cette remarque, je me mets à critiquer les formes du langage de Tzara
1192 que, je me mets à critiquer les formes du langage de Tzara. Je constate un certain nombre d’erreurs minimes, mais constant
1193 u langage de Tzara. Je constate un certain nombre d’ erreurs minimes, mais constantes, de « lapsus révélateurs » : il lui a
1194 ertain nombre d’erreurs minimes, mais constantes, de « lapsus révélateurs » : il lui arrive d’accorder le verbe non avec l
1195 tantes, de « lapsus révélateurs » : il lui arrive d’ accorder le verbe non avec le sujet, mais avec le nombre des complémen
1196 toutes dans le même sens. Suivons-le. La syntaxe de Tzara est commandée par des associations verbales d’un type particuli
1197 Tzara est commandée par des associations verbales d’ un type particulier, dont la page 39 donne un bon exemple, trop long à
1198 ong à citer, la phrase ayant 18 lignes (il y en a de beaucoup plus longues). Un certain rythme monotone entraîne une matiè
1199 entraîne une matière vocabulaire disparate, faite de grandiloquence imagée et de copules et incidences abstraites, s’appel
1200 aire disparate, faite de grandiloquence imagée et de copules et incidences abstraites, s’appelant de proche en proche, méc
1201 t de copules et incidences abstraites, s’appelant de proche en proche, mécaniquement. On retrouve dans cette syntaxe le mê
1202 On retrouve dans cette syntaxe le même mouvement d’ esprit qui explique les fautes d’accord relevées plus haut : un lingui
1203 es plus haut : un linguiste dirait que la formule de ce style est la contagion. Je mets ce phénomène en relation avec la t
1204 Je mets ce phénomène en relation avec la théorie de la métaphore qu’on trouvera p. 257. Théorie du type hégélien le plus
1205 plus scolaire : la signification du premier terme d’ une métaphore, selon Tzara, est « absorbée intégralement » par le seco
1206 bée intégralement » par le second terme, « en vue d’ une conciliation » dans laquelle la qualité de ce premier terme devien
1207 vue d’une conciliation » dans laquelle la qualité de ce premier terme deviendra quantité. (?) Ce processus tout mécanique
1208 viendra quantité. (?) Ce processus tout mécanique de quantification, que l’on retrouve dans la théorie marxiste (voir Marx
1209 laires, prix, profit) figure selon Tzara « l’acte de connaissance, qui est quantité, et que nous désignons sous le nom de
1210 i est quantité, et que nous désignons sous le nom de poésie ». On peut toujours évidemment « désigner sous le nom de poési
1211 n peut toujours évidemment « désigner sous le nom de poésie » tout ce que l’on veut. Mais si je crois aussi, avec Arnaud D
1212 acte, j’entends par acte, justement, la position d’ une qualité incomparable, jaillie de l’opposition de deux termes aux n
1213 , la position d’une qualité incomparable, jaillie de l’opposition de deux termes aux noyaux irréductibles. Si l’un des ter
1214 une qualité incomparable, jaillie de l’opposition de deux termes aux noyaux irréductibles. Si l’un des termes était réelle
1215 erait plus qu’un vaste télescopage, et les livres de M. Tzara se réduiraient peut-être, logiquement et en fait, à un seul
1216 pparaître le caractère proprement fantasmagorique de la logique hégélienne vulgarisée. Le langage est précisément ce qui s
1217 e les choses et les êtres, dans le magma larvaire de la réalité non encore informée par la raison de l’homme. Mais j’en vi
1218 e de la réalité non encore informée par la raison de l’homme. Mais j’en viens à l’explication psychanalytique que Tzara do
1219 onde actuel. Monde dominé, dit-il, par l’angoisse de vivre (complexe de castration). La cause de cette angoisse est dans l
1220 dominé, dit-il, par l’angoisse de vivre (complexe de castration). La cause de cette angoisse est dans les refoulements qu’
1221 oisse de vivre (complexe de castration). La cause de cette angoisse est dans les refoulements qu’imposent la morale, l’Égl
1222 refoulé par le langage rationnel. Il s’agit donc de faire sauter tous ces « barrages », de confondre à nouveau rêve et ve
1223 ’agit donc de faire sauter tous ces « barrages », de confondre à nouveau rêve et veille, et de ressusciter le type primiti
1224 ages », de confondre à nouveau rêve et veille, et de ressusciter le type primitif des sociétés irrationnelles, « sous une
1225 e comprends pas cette déduction. La revendication de Tzara est exactement celle de l’hitlérisme sous ses formes les plus v
1226 n. La revendication de Tzara est exactement celle de l’hitlérisme sous ses formes les plus virulentes. Dans une anticipati
1227 blement plus important que l’établissement brutal de l’étatisme en Russie, nommé révolution bolcheviste. On comprend mieux
1228 volution bolcheviste. On comprend mieux la portée de ce propos après avoir lu Tzara. Mais on ne comprend plus du tout la l
1229 c laquelle les surréalistes adoptent les méthodes de Staline, si rigidement rationalistes. Elles vont exactement à l’encon
1230 rêvent. Par ailleurs, si j’accepte le diagnostic de Tzara, si j’admets que le complexe de castration est la dominante de
1231 diagnostic de Tzara, si j’admets que le complexe de castration est la dominante de l’époque, je constate que ce complexe
1232 ts que le complexe de castration est la dominante de l’époque, je constate que ce complexe se manifeste justement par l’ad
1233 seule et que des « lois » inexorables se chargent de transformer le monde, cette démission de la personne23 est en effet l
1234 chargent de transformer le monde, cette démission de la personne23 est en effet le signe d’une castration psychique caract
1235 démission de la personne23 est en effet le signe d’ une castration psychique caractérisée. Il est troublant de constater c
1236 stration psychique caractérisée. Il est troublant de constater cette erreur capitale, et stérilisante pour l’action, chez
1237 subversive. Tzara critique avec vigueur la poésie de propagande et le désir secret de « sécurité » qu’elle trahit. Il veut
1238 igueur la poésie de propagande et le désir secret de « sécurité » qu’elle trahit. Il veut que l’esprit soit un risque (p. 
1239 PC. Il veut que le langage s’assouplisse au point de pouvoir intégrer les formes nouvelles de penser instituées par la phy
1240 au point de pouvoir intégrer les formes nouvelles de penser instituées par la physique relativiste. Mais Staline, on le sa
1241 l’on puisse attribuer les quinze dernières pages de ce livre, où l’on retrouve parfois le ton des grandes utopies du prem
1242 e douleur morale puisse être ramenée à un système de coordonnées sociales, on a trop oublié dans les remous de la bataille
1243 onnées sociales, on a trop oublié dans les remous de la bataille qu’à travers un nouvel ordre économique, c’est l’homme et
1244 réparant la culture à venir sur le solide terrain de l’économie psychique, l’on s’attaque à un système général de choses e
1245 ie psychique, l’on s’attaque à un système général de choses en ignorant cette misère morale qui, trop profondément ancrée
1246 ur qu’elle disparaisse par une simple incantation de mots d’ordre, détermine néanmoins… la composante affective de la volo
1247 dre, détermine néanmoins… la composante affective de la volonté de changer radicalement le monde. Bien des confusions tra
1248 néanmoins… la composante affective de la volonté de changer radicalement le monde. Bien des confusions traînent encore d
1249 înent encore dans cette phrase. (« solide terrain de l’économie psychique » ?!) Mais cette affirmation du primat de l’homm
1250 psychique » ?!) Mais cette affirmation du primat de l’homme sur les dispositifs économiques, ce rappel d’une misère qu’ig
1251 ’homme sur les dispositifs économiques, ce rappel d’ une misère qu’ignorent tous les partis, voilà qui rend un son que nous
1252  ; p. 223 (« constate »). Je trouve l’explication de ces lapsus dans la phrase suivante : « Il y aura lieu de ramener l’ac
1253 lapsus dans la phrase suivante : « Il y aura lieu de ramener l’action du poète à un phénomène de mimétisme par son assimil
1254 lieu de ramener l’action du poète à un phénomène de mimétisme par son assimilation à un objet extérieur » (p. 283). Autre
1255 ur » (p. 283). Autrement dit, le sujet se désiste de sa responsabilité au profit de l’objet, — d’où l’erreur d’accord, d’o
1256 e sujet se désiste de sa responsabilité au profit de l’objet, — d’où l’erreur d’accord, d’où aussi l’adoption du matériali
1257 iste de sa responsabilité au profit de l’objet, —  d’ où l’erreur d’accord, d’où aussi l’adoption du matérialisme historique
1258 é au profit de l’objet, — d’où l’erreur d’accord, d’ où aussi l’adoption du matérialisme historique qui décharge le sujet d
1259 du matérialisme historique qui décharge le sujet de son actualité. 23. Voir toutefois page 297 un essai de réaffirmation
1260 actualité. 23. Voir toutefois page 297 un essai de réaffirmation de la responsabilité « individuelle ». Mais je me méfie
1261 Voir toutefois page 297 un essai de réaffirmation de la responsabilité « individuelle ». Mais je me méfie de cet « individ
1262 responsabilité « individuelle ». Mais je me méfie de cet « individu », pour des raisons sur lesquelles il est inutile de r
1263 », pour des raisons sur lesquelles il est inutile de revenir une fois de plus dans Esprit. q. Rougemont Denis de, « [Com
1264 ne fois de plus dans Esprit. q. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Tristan Tzara, Grains et Issues  », Esprit, Paris,
16 1935, Esprit, articles (1932–1962). « L’Esprit n’a pas son palais » (octobre 1935)
1265 palais » (octobre 1935)r Par une belle matinée de mars 1935, le journal Le Journal répandait brusquement dans Paris ce
1266 e Journal répandait brusquement dans Paris ce cri d’ alarme stupéfiant. Soucieux de ne point céder au goût de la catastroph
1267 t dans Paris ce cri d’alarme stupéfiant. Soucieux de ne point céder au goût de la catastrophe que certains plumitifs se pl
1268 me stupéfiant. Soucieux de ne point céder au goût de la catastrophe que certains plumitifs se plaisent à entretenir au sei
1269 isent à entretenir au sein du fameux « désarroi » de l’après-guerre, le grand quotidien parisien s’empressait d’ailleurs d
1270 grand quotidien parisien s’empressait d’ailleurs de faire suivre l’annonce du mal de celle de son remède. Pourquoi résist
1271 ssait d’ailleurs de faire suivre l’annonce du mal de celle de son remède. Pourquoi résister au plaisir de proposer à mes l
1272 illeurs de faire suivre l’annonce du mal de celle de son remède. Pourquoi résister au plaisir de proposer à mes lecteurs l
1273 celle de son remède. Pourquoi résister au plaisir de proposer à mes lecteurs la méditation de ce texte à maints égards rév
1274 plaisir de proposer à mes lecteurs la méditation de ce texte à maints égards révélateur ?   « L’Esprit n’a pas son palai
1275  ?   « L’Esprit n’a pas son palais. L’Exposition de 1937 doit lui en donner un »   Par Hippolyte Ducos Député, ancien mi
1276 ppolyte Ducos Député, ancien ministre, président de la commission de renseignement à l’Exposition de 1937   L’Exposition
1277 puté, ancien ministre, président de la commission de renseignement à l’Exposition de 1937   L’Exposition de 1937 en est au
1278 de la commission de renseignement à l’Exposition de 1937   L’Exposition de 1937 en est au stade des réalisations. Les idé
1279 nseignement à l’Exposition de 1937   L’Exposition de 1937 en est au stade des réalisations. Les idées fermentent. Les plan
1280 , la France va affirmer sa vitalité, sa puissance d’ assimilation et de création, le génie de ses ouvriers, de ses artisans
1281 irmer sa vitalité, sa puissance d’assimilation et de création, le génie de ses ouvriers, de ses artisans, de ses artistes,
1282 puissance d’assimilation et de création, le génie de ses ouvriers, de ses artisans, de ses artistes, de ses « découvreurs 
1283 ilation et de création, le génie de ses ouvriers, de ses artisans, de ses artistes, de ses « découvreurs », et confronter
1284 ation, le génie de ses ouvriers, de ses artisans, de ses artistes, de ses « découvreurs », et confronter son effort vers l
1285 e ses ouvriers, de ses artisans, de ses artistes, de ses « découvreurs », et confronter son effort vers le mieux-être et l
1286 l’effort des autres peuples. Dans un cadre chargé d’ histoire et rayonnant de beauté, au bord de la Seine royale, les encha
1287 les. Dans un cadre chargé d’histoire et rayonnant de beauté, au bord de la Seine royale, les enchantements et les tentatio
1288 r les rêves des conteurs. Ce sera, dans la féerie de l’eau des lumières et des couleurs, le ballet vertigineux des ondes.
1289 llet vertigineux des ondes. Ce sera aussi la fête de l’esprit. Elle doit dépasser en splendeur les manifestations du même
1290 e monde, elle consacre le triomphe des puissances d’ audace ordonnée et de mesure, celles de l’intelligence… C’est dire que
1291 e le triomphe des puissances d’audace ordonnée et de mesure, celles de l’intelligence… C’est dire que l’esprit créateur y
1292 puissances d’audace ordonnée et de mesure, celles de l’intelligence… C’est dire que l’esprit créateur y doit être à l’honn
1293 it être à l’honneur. Voilà pourquoi la Commission de coopération intellectuelle et la Commission de l’enseignement de l’Ex
1294 on de coopération intellectuelle et la Commission de l’enseignement de l’Exposition demandent que, parmi les palais prévus
1295 intellectuelle et la Commission de l’enseignement de l’Exposition demandent que, parmi les palais prévus pour 1937, il y e
1296 faut un endroit où les travailleurs désintéressés de l’esprit, ceux dont les recherches n’ont pas pour objet immédiat les
1297 explorations et leurs découvertes dans le domaine de la nature, de la vie, de l’évolution humaine, préparent les adaptatio
1298 t leurs découvertes dans le domaine de la nature, de la vie, de l’évolution humaine, préparent les adaptations utiles ou r
1299 ouvertes dans le domaine de la nature, de la vie, de l’évolution humaine, préparent les adaptations utiles ou rendent poss
1300 s, puissent offrir aux foules le spectacle vivant de leurs travaux. En liaison étroite avec l’enseignement qui, à tous ses
1301 à tous ses degrés, forme les esprits aux méthodes de la recherche et de la science, qui, au degré supérieur, par ses labor
1302 forme les esprits aux méthodes de la recherche et de la science, qui, au degré supérieur, par ses laboratoires, ses subven
1303 araday et Champollion, jusqu’aux maîtres glorieux d’ aujourd’hui, se sont déroulées les « chaînes » qui, des profondeurs de
1304 nt déroulées les « chaînes » qui, des profondeurs de la nature ou des siècles, ont amené au jour les vérités créatrices. E
1305 es. Et, dans cette présentation sous un même toit de ces activités intellectuelles, si éloignées en apparence les unes des
1306 n apparence les unes des autres, éclatera l’unité de l’esprit, qui fonde l’originalité puissante de notre culture. Peut-on
1307 té de l’esprit, qui fonde l’originalité puissante de notre culture. Peut-on imaginer un spectacle plus propre à éveiller l
1308 llons où se présenteront les grandes découvertes, de salles destinées aux chercheurs de tous les pays, qui viendront se re
1309 s découvertes, de salles destinées aux chercheurs de tous les pays, qui viendront se retremper à Paris, d’amphithéâtres po
1310 ous les pays, qui viendront se retremper à Paris, d’ amphithéâtres pour les conférences et pour les congrès, il sera, penda
1311 es et pour les congrès, il sera, pendant la durée de l’Exposition, le centre de ces « journées », de ces « semaines » cons
1312 sera, pendant la durée de l’Exposition, le centre de ces « journées », de ces « semaines » consacrées aux héros, c’est-à-d
1313 e de l’Exposition, le centre de ces « journées », de ces « semaines » consacrées aux héros, c’est-à-dire aux maîtres de la
1314  » consacrées aux héros, c’est-à-dire aux maîtres de la pensée. Après l’Exposition il restera le foyer des chercheurs, tou
1315 éguerons à l’avenir comme le témoin et le symbole de notre génération. I. Résidence de l’Esprit dans la cité actuelle
1316 t le symbole de notre génération. I. Résidence de l’Esprit dans la cité actuelle En publiant ce très curieux morceau
1317 rique, notre honorable député avait-il conscience de soulever l’un des problèmes les plus impressionnants du siècle ? Avai
1318 s impressionnants du siècle ? Avait-il conscience de l’aveu que signifiait son entreprise ? Car enfin, poser la question e
1319 stion en apparence inoffensive et toute pratique, de l’emplacement et de la dotation d’un palais consacré à l’esprit, c’es
1320 noffensive et toute pratique, de l’emplacement et de la dotation d’un palais consacré à l’esprit, c’est poser en réalité,
1321 oute pratique, de l’emplacement et de la dotation d’ un palais consacré à l’esprit, c’est poser en réalité, sous une forme
1322 perçu par un chacun comme évident ni comme allant de soi, mais qu’à la faveur d’un désordre dont on découvre alors la prof
1323 ident ni comme allant de soi, mais qu’à la faveur d’ un désordre dont on découvre alors la profondeur, il devient à son tou
1324 osition qu’on vient de lire ne saurait être celle d’ une société équilibrée. Où est l’esprit ? Quel est son champ d’action 
1325 équilibrée. Où est l’esprit ? Quel est son champ d’ action ? Doit-il avoir un lieu particulier ? De la réponse à ces quest
1326 mp d’action ? Doit-il avoir un lieu particulier ? De la réponse à ces questions dépendront l’existence et l’emplacement du
1327 dépendront l’existence et l’emplacement du Palais de l’Esprit. Il est clair que de telles questions sont le fait d’une épo
1328 placement du Palais de l’Esprit. Il est clair que de telles questions sont le fait d’une époque barbare ; d’une époque où
1329 Il est clair que de telles questions sont le fait d’ une époque barbare ; d’une époque où l’esprit n’est plus un lieu commu
1330 les questions sont le fait d’une époque barbare ; d’ une époque où l’esprit n’est plus un lieu commun, comme la richesse pa
1331 signes certains — et qui donc aurait même l’idée d’ un pavillon de la Richesse ? ou du Succès ? — bref, d’une époque où ce
1332 ns — et qui donc aurait même l’idée d’un pavillon de la Richesse ? ou du Succès ? — bref, d’une époque où ce qu’on nomme l
1333 pavillon de la Richesse ? ou du Succès ? — bref, d’ une époque où ce qu’on nomme l’esprit ne s’impose plus sans discussion
1334 sans discussion. Lorsque l’État vient au secours d’ une religion, c’est qu’elle est morte. Ou qu’elle n’en a plus pour lon
1335 ’en a plus pour longtemps. Lorsque l’État s’avise d’ honorer « l’esprit créateur », tremblons pour l’avenir de la nation. «
1336 er « l’esprit créateur », tremblons pour l’avenir de la nation. « Qu’on nous entende bien. La pensée ne sera absente nulle
1337 ement. Certes, l’esprit sera partout : une espèce de décence le veut. Mais pratiquement, mais sérieusement, et dans l’inté
1338 udrait-il pas mieux le mettre à part ? Le séparer de ces réalités trop terre-à-terre où le commun risquerait fort de ne le
1339 s trop terre-à-terre où le commun risquerait fort de ne le point distinguer nettement ? À coup sûr, il lui faut un palais,
1340 À coup sûr, il lui faut un palais, signe évident d’ une « distinction » tout à la fois flatteuse et rassurante. Et qui sai
1341 s flatteuse et rassurante. Et qui sait, ce Palais de l’Esprit ne va-t-il pas « réaliser » un vieux rêve positiviste et don
1342 vieux rêve positiviste et donner corps à l’utopie d’ un sanctuaire de la Pensée laïque ? Il faudra le construire « en dur »
1343 iviste et donner corps à l’utopie d’un sanctuaire de la Pensée laïque ? Il faudra le construire « en dur ». N’exagérons pa
1344 construire « en dur ». N’exagérons pas la portée de ces naïves fantaisies de commissions. Mais comment ne pas voir qu’ell
1345 ’exagérons pas la portée de ces naïves fantaisies de commissions. Mais comment ne pas voir qu’elles trahissent un doute in
1346 e infiniment curieux sur la nature et sur le rôle de l’esprit qu’on dit créateur ? Serait-ce donc qu’on ne sait plus le vo
1347 un musée des lieux communs À quelques semaines de là, un article de M. Duhamel24 vint apporter toutes les précisions qu
1348 communs À quelques semaines de là, un article de M. Duhamel24 vint apporter toutes les précisions que l’on cherchait e
1349 hores du député. Il est juste, il est nécessaire de mettre l’esprit à sa place — s’écriait le fameux romancier —, à sa pl
1350 x romancier —, à sa place qui est la première, et de l’y mettre en pleine clarté. Cela dit, tout le monde perçoit l’extrêm
1351 a dit, tout le monde perçoit l’extrême difficulté d’ une telle entreprise [c’était là que j’avais buté] : l’esprit est à l’
1352 t là que j’avais buté] : l’esprit est à l’origine de tout ; l’exposition elle-même sera, dans toute son ampleur, une manif
1353 ans toute son ampleur, une manifestation sensible de l’esprit ; il n’en faut pas moins reconnaître que l’esprit n’est pas
1354 t pas matière exposable : les ouvrages essentiels de l’esprit, précisément parce qu’ils sont encore peu compromis dans l’u
1355 faut élever un sanctuaire et non à telle ou telle de ses extrêmes applications. L’accord parfait des « vues » de nos deux
1356 êmes applications. L’accord parfait des « vues » de nos deux commissaires me remplit d’aise. Mais je goûtai surtout que l
1357 des « vues » de nos deux commissaires me remplit d’ aise. Mais je goûtai surtout que le romancier se montrât moins littéra
1358 s’exprime par l’écrit et la parole. Un sanctuaire de l’esprit sera donc un sanctuaire du livre et de la parole. » Il y aur
1359 e de l’esprit sera donc un sanctuaire du livre et de la parole. » Il y aurait donc une bibliothèque et un palais de la par
1360  » Il y aurait donc une bibliothèque et un palais de la parole. M. Duhamel affirmait au surplus que son « sanctuaire du li
1361 e moins maladroite. Il fallait éviter à tout prix de prononcer le mot que nous étions en train de chercher pour définir no
1362 ce ne serait jamais qu’un musée des lieux communs de la Troisième République. Non point de ceux que l’on révère en fait, q
1363 eux communs de la Troisième République. Non point de ceux que l’on révère en fait, qui règnent en fait, car on les avouera
1364 it, car on les avouerait difficilement, mais bien de ceux que l’on enseigne, et qui composent la notion courante de l’espr
1365 ’on enseigne, et qui composent la notion courante de l’esprit pur : ce sont ces lieux communs inoffensifs et soigneusement
1366 lieux communs inoffensifs et soigneusement vidés de toute espèce de « basse » réalité qui alimentent les discours des par
1367 noffensifs et soigneusement vidés de toute espèce de « basse » réalité qui alimentent les discours des parlements et des a
1368 frirait donc aux visiteurs lassés l’œuvre complet de M. Duhamel et les articles de M. Ducos, reliés « en dur » probablemen
1369 sés l’œuvre complet de M. Duhamel et les articles de M. Ducos, reliés « en dur » probablement25. Quant au Palais de la Par
1370 reliés « en dur » probablement25. Quant au Palais de la Parole, retentissant vaisseau d’idéalisme, comment douter qu’il ne
1371 ant au Palais de la Parole, retentissant vaisseau d’ idéalisme, comment douter qu’il ne dût consacrer « le triomphe des pui
1372 ’il ne dût consacrer « le triomphe des puissances d’ audace ordonnée et de mesure » que le Palais-Bourbon, pour les raisons
1373 « le triomphe des puissances d’audace ordonnée et de mesure » que le Palais-Bourbon, pour les raisons qu’on sait, honore d
1374 lais-Bourbon, pour les raisons qu’on sait, honore d’ une façon moins directe. III. Le temple est vide On ne pouvait m
1375 temple est vide On ne pouvait mieux se moquer de l’intelligence. Craignons toutefois que l’intention de nos auteurs n’
1376 intelligence. Craignons toutefois que l’intention de nos auteurs n’ait été pure de toute espèce d’ironie. Le plus grave, s
1377 ois que l’intention de nos auteurs n’ait été pure de toute espèce d’ironie. Le plus grave, sans doute, c’est qu’ils croyai
1378 ion de nos auteurs n’ait été pure de toute espèce d’ ironie. Le plus grave, sans doute, c’est qu’ils croyaient bien faire.
1379 il flatteur — ou flatté — et poli qu’on a coutume de réserver à ces délirants pataquès, voilà le signe, plus certain que l
1380 voilà le signe, plus certain que le « bolchévisme de salon », d’un abandon, voire d’un mépris de la culture et de l’esprit
1381 ne, plus certain que le « bolchévisme de salon », d’ un abandon, voire d’un mépris de la culture et de l’esprit qui marque
1382 le « bolchévisme de salon », d’un abandon, voire d’ un mépris de la culture et de l’esprit qui marque à son insu l’élite b
1383 visme de salon », d’un abandon, voire d’un mépris de la culture et de l’esprit qui marque à son insu l’élite bourgeoise, e
1384 d’un abandon, voire d’un mépris de la culture et de l’esprit qui marque à son insu l’élite bourgeoise, et confirme sa déc
1385 sonnable, je vous prie ? Quoi de plus naturel que de le célébrer ? Et plutôt que de ricaner, vous que ces problèmes occupe
1386 e plus naturel que de le célébrer ? Et plutôt que de ricaner, vous que ces problèmes occupent, que ne louez-vous le désint
1387 s occupent, que ne louez-vous le désintéressement d’ un député et d’un littérateur qui se consacrent à la défense du spirit
1388 ne louez-vous le désintéressement d’un député et d’ un littérateur qui se consacrent à la défense du spirituel ? La grâce
1389 nommés, l’utilitarisme grossier trouve une espèce de justification, assez piteuse en théorie, je le concède, mais des plus
1390 théorie, car les caricatures que l’on nous offre d’ une réalité — ici l’esprit — sont des arguments de misère contre cette
1391 d’une réalité — ici l’esprit — sont des arguments de misère contre cette réalité tant qu’elle dispense par ailleurs des té
1392 e dispense par ailleurs des témoignages éclatants de sa force. Très efficace dans la pratique, car l’enseignement officiel
1393 ace dans la pratique, car l’enseignement officiel de la Troisième République a su répandre une doctrine de l’esprit tout à
1394 a Troisième République a su répandre une doctrine de l’esprit tout à fait propre à aveugler les masses, qui ne savent plus
1395 e, encombre tout l’horizon populaire26. Le succès d’ une caricature tient à ce qu’elle est une simplification. Celle qu’on
1396 est une simplification. Celle qu’on nous présente de l’esprit comble si bien notre paresse, et peut-être certains intérêts
1397 rtains intérêts, qu’il ne faut pas trop s’étonner de son triomphe universel. Professeurs, députés ou commissaires, ils cro
1398 tous tant qu’ils sont que l’esprit est une espèce de luxe vénérable et volatil, une entité qui plane au-dessus de nos vies
1399 érable et volatil, une entité qui plane au-dessus de nos vies, abandonnées, il faut l’avouer, à des soucis d’un tout autre
1400 vies, abandonnées, il faut l’avouer, à des soucis d’ un tout autre ordre27. L’esprit paraît d’autant plus spirituel, et par
1401 s soucis d’un tout autre ordre27. L’esprit paraît d’ autant plus spirituel, et partant, d’autant plus respectable, qu’il es
1402 sprit paraît d’autant plus spirituel, et partant, d’ autant plus respectable, qu’il est plus dégagé du réel, ou comme ils d
1403 égagé du réel, ou comme ils disent avec dégoût, «  de ses applications pratiques ». Laissant entendre ainsi que la science
1404 pensée s’évanouit, le temple est vide. Un Palais de l’Esprit ne peut être qu’un palais vide, ou un musée. Et les objets q
1405 t aussi peu de l’esprit que nos commissaires sont de bons écrivains. IV. Le spiritualisme consacre le préjugé utilitair
1406 e spiritualisme consacre le préjugé utilitaire De tout ceci, retirons deux faits simples : un personnage consulaire, pr
1407 its simples : un personnage consulaire, président d’ une commission d’État pour une exposition promise à la publicité unive
1408 personnage consulaire, président d’une commission d’ État pour une exposition promise à la publicité universelle, trouve na
1409 romise à la publicité universelle, trouve naturel de proposer que « l’esprit », dans cette entreprise, soit mis à part, et
1410 e du roman français à l’étranger, vient confirmer de son côté que ce Palais de l’esprit pur ne peut être en réalité qu’un
1411 ranger, vient confirmer de son côté que ce Palais de l’esprit pur ne peut être en réalité qu’un palais vide. Et ce vide qu
1412 alais vide. Et ce vide que d’ailleurs il qualifie de bibliothèque, ne lui paraît pas moins naturel. Brochant sur ces deux
1413 deux faits une constatation évidente : l’opinion de l’élite ni celle du grand public n’opposent la moindre réaction à l’a
1414 nd public n’opposent la moindre réaction à l’aveu d’ un complot si burlesque. Si j’ai quelque peu insisté sur l’anecdote du
1415 j’ai quelque peu insisté sur l’anecdote du Palais de l’Esprit, ce n’est point pour me ménager une partie par trop facile.
1416 ie par trop facile. C’est que la grossièreté même de l’écart, et le fait qu’on l’ait négligé, me paraissent propres à fixe
1417 égligé, me paraissent propres à fixer l’attention de quelques-uns sur une erreur très générale. Erreur métaphysique à l’or
1418 ien tenue à tort pour « théorique ». J’ai cru bon d’ aller la saisir dans ses aboutissements les plus voyants, ou pour parl
1419 e plus monumental. Or il se trouve, par une sorte de chance, que l’article du député n’est pas seulement l’illustration de
1420 icle du député n’est pas seulement l’illustration de cette erreur, mais la confirmation tout ingénue de son origine histor
1421 e cette erreur, mais la confirmation tout ingénue de son origine historique. J’avais omis d’en citer quelques lignes qui t
1422 t ingénue de son origine historique. J’avais omis d’ en citer quelques lignes qui trouvent ici leur opportunité : La Comm
1423 i trouvent ici leur opportunité : La Commission de l’enseignement voudrait, comme je le lui ai proposé, que ce palais re
1424 je le lui ai proposé, que ce palais reçût le nom de « Cité René-Descartes ». L’Exposition va se dérouler sous le patronag
1425 grand génie, savant, philosophe, écrivain, homme d’ action qui, trois-cents ans plus tôt, en 1637 exactement, publiait le
1426 lus tôt, en 1637 exactement, publiait le Discours de la méthode. C’est une attention bienveillante de la chronologie. L’ho
1427 de la méthode. C’est une attention bienveillante de la chronologie. L’hommage rendu à l’auteur de ce petit livre qui, con
1428 nte de la chronologie. L’hommage rendu à l’auteur de ce petit livre qui, condensant la sagesse des vieux artisans passionn
1429 stes, ouvre les temps modernes et reste la charte de la clarté française, de la recherche scientifique et de la raison uni
1430 dernes et reste la charte de la clarté française, de la recherche scientifique et de la raison universelle, donnera à notr
1431 clarté française, de la recherche scientifique et de la raison universelle, donnera à notre Exposition son sens et sa port
1432 ortée. Je répugne à rendre Descartes responsable de tout le mal qu’ont répandu les cartésiens. Et je sais bien que de ceu
1433 u’ont répandu les cartésiens. Et je sais bien que de ceux-ci au cartésianisme vulgaire qui traîne dans tous les journaux,
1434 dans tous les journaux, il y a toute la distance d’ une erreur à un préjugé. Mais enfin pour saisir je ne dis pas la racin
1435 é. Mais enfin pour saisir je ne dis pas la racine de ce préjugé populaire, mais la raison de fait qui l’autorisa parmi nou
1436 la racine de ce préjugé populaire, mais la raison de fait qui l’autorisa parmi nous, il faut bien remonter à l’erreur init
1437 Descartes revenant à Paris et visitant le Palais de l’Esprit ne manquerait pas de redire le mot fameux : Je n’ai pas voul
1438 visitant le Palais de l’Esprit ne manquerait pas de redire le mot fameux : Je n’ai pas voulu cela ! Il n’a jamais voulu c
1439 voulu cela ! Il n’a jamais voulu cette séparation de la pensée et de l’action que le Palais doit célébrer, et que l’on est
1440 n’a jamais voulu cette séparation de la pensée et de l’action que le Palais doit célébrer, et que l’on estime conforme à l
1441 lébrer, et que l’on estime conforme à la religion de l’esprit. Mais ce que Descartes a voulu, c’est que l’esprit « clair e
1442 is en compte, c’est la doctrine « spiritualiste » de l’esprit. Voilà l’erreur métaphysique — et nous y reviendrons plus ta
1443 t à loisir, soit pour marquer les causes internes de son succès auprès des clercs, soit pour rappeler au passage quels int
1444 nous occupe ici, il me semble qu’il est suffisant de relever l’autorité que cette erreur confère au préjugé. En effet, le
1445 te erreur confère au préjugé. En effet, le succès de l’erreur eût été forcément limité, si par malheur elle n’avait pas re
1446 t limité, si par malheur elle n’avait pas rejoint d’ une manière aussi naturelle le « sens commun ». Sans doute ce préjugé
1447 nous le voyons aujourd’hui, quand tout un siècle d’ enseignement s’est appliqué à le fixer et à l’étendre. Mais il demeure
1448 estimer que la « pensée » est incapable, en fait, de les aider dans l’exercice quotidien de leur travail. Ils s’estiment à
1449 , en fait, de les aider dans l’exercice quotidien de leur travail. Ils s’estiment à bon droit les seuls juges de l’aspect
1450 avail. Ils s’estiment à bon droit les seuls juges de l’aspect technique du métier, peu soucieux par exemple de qui l’inven
1451 ect technique du métier, peu soucieux par exemple de qui l’inventa, et de la place qui lui revient dans l’économie général
1452 er, peu soucieux par exemple de qui l’inventa, et de la place qui lui revient dans l’économie générale29. De là à se figur
1453 place qui lui revient dans l’économie générale29. De là à se figurer, d’ailleurs d’une façon vague, que les penseurs sont
1454 onomie générale29. De là à se figurer, d’ailleurs d’ une façon vague, que les penseurs sont des gens peu pratiques, par sui
1455 nsée n’est guère qu’un luxe — « signe extérieur » de la richesse, ou d’une condition sociale privilégiée — le pas est aisé
1456 ’un luxe — « signe extérieur » de la richesse, ou d’ une condition sociale privilégiée — le pas est aisément franchi. Et De
1457 sociales, qui codifia cette distinction, au point d’ assimiler l’homme « distingué » à l’homme qui ne fait rien de ses deux
1458 l’homme « distingué » à l’homme qui ne fait rien de ses deux mains. Ce que je reproche à l’esprit cartésien, c’est d’avoi
1459 s. Ce que je reproche à l’esprit cartésien, c’est d’ avoir formulé l’équivalent de ce préjugé en termes de philosophie. C’e
1460 rit cartésien, c’est d’avoir formulé l’équivalent de ce préjugé en termes de philosophie. C’est d’avoir enseigné au peuple
1461 ent de ce préjugé en termes de philosophie. C’est d’ avoir enseigné au peuple un culte de l’esprit intemporel — comprenez :
1462 sophie. C’est d’avoir enseigné au peuple un culte de l’esprit intemporel — comprenez : distingué, oisif — tout conforme, d
1463 l’esprit dans les nuages, c’est le vouer au culte d’ une élite inféconde, et au juste mépris des masses. V. Situation fa
1464 Situation faite aux intellectuels a) le culte de l’esprit gratuit. La surestimation grandiloquente de l’esprit, résult
1465 l’esprit gratuit. La surestimation grandiloquente de l’esprit, résultat nécessaire de la distinction cartésienne, n’est pa
1466 n grandiloquente de l’esprit, résultat nécessaire de la distinction cartésienne, n’est pas demeurée sans effet. Séparer so
1467 nner à sa lourdeur. Décréter que l’esprit n’a pas de mains, c’est libérer de son pouvoir arbitral et animateur le domaine
1468 éter que l’esprit n’a pas de mains, c’est libérer de son pouvoir arbitral et animateur le domaine de l’action quotidienne.
1469 r de son pouvoir arbitral et animateur le domaine de l’action quotidienne. Plus on élève le spirituel au-dessus des humain
1470 ce jeu dans ses Illusions du progrès : le maximum d’ hypocrisie sociale — ou « injustice » — correspond toujours dans l’his
1471 — correspond toujours dans l’histoire au maximum de spiritualisme distingué. Le culte des principes en soi : voilà ce qu’
1472 ue fois qu’un député ou un ministre, un directeur de grand journal à la solde des maîtres de forges, ou un chef de service
1473 directeur de grand journal à la solde des maîtres de forges, ou un chef de service aux finances prennent la parole au cour
1474 rnal à la solde des maîtres de forges, ou un chef de service aux finances prennent la parole au cours d’un banquet politiq
1475 service aux finances prennent la parole au cours d’ un banquet politique pour célébrer les droits de l’esprit. En effet, l
1476 s d’un banquet politique pour célébrer les droits de l’esprit. En effet, l’esprit dont ils parlent étant précisément celui
1477 its ne sauraient consister que dans l’affirmation d’ un idéal : et rien n’est plus utile aux « réalistes » que la croyance
1478 stes » que la croyance commune à la valeur en soi de l’idéal. Cependant ces discours hypocrites ne font en somme que céléb
1479 rites ne font en somme que célébrer une situation de fait. Je répète que celle-ci n’est devenue possible qu’en vertu d’une
1480 tude des clercs. Ce ne sont pas les bénéficiaires de cette situation, politiciens ou affairistes, qui l’ont froidement cal
1481 ristes, qui l’ont froidement calculée à seule fin de donner le change sur leurs véritables desseins, mais c’est toute une
1482 e aux plans machiavéliques que certains écrivains de droite font aux clercs « spiritualistes » l’honneur et le crime d’avo
1483 x clercs « spiritualistes » l’honneur et le crime d’ avoir prémédités, avec l’appui des Loges et des Sages de Sion. Et par
1484 r prémédités, avec l’appui des Loges et des Sages de Sion. Et par exemple, la bonne foi des inventeurs du Palais de l’Espr
1485 ar exemple, la bonne foi des inventeurs du Palais de l’Esprit me paraît platement certaine. Pourtant, comment ne pas admir
1486 omment ne pas admirer la merveilleuse convergence d’ une notion trop désintéressée de l’esprit, qu’ont les clercs, et d’une
1487 leuse convergence d’une notion trop désintéressée de l’esprit, qu’ont les clercs, et d’une notion moins désintéressée de l
1488 désintéressée de l’esprit, qu’ont les clercs, et d’ une notion moins désintéressée de l’action, qu’ont les capitaines d’in
1489 t les clercs, et d’une notion moins désintéressée de l’action, qu’ont les capitaines d’industrie ? Nous essaierons plus ta
1490 désintéressée de l’action, qu’ont les capitaines d’ industrie ? Nous essaierons plus tard31 de saisir dans l’histoire quel
1491 itaines d’industrie ? Nous essaierons plus tard31 de saisir dans l’histoire quelques raisons secrètes de cette complicité.
1492 saisir dans l’histoire quelques raisons secrètes de cette complicité. Pour l’instant, négligeant les causes et les visées
1493 mandons-nous comment la surestimation cartésienne de l’esprit (exagérée jusqu’à l’absurde par les idéalistes romantiques)
1494 n scolaire et universitaire repose sur une maxime d’ autant plus efficace qu’elle est inavouée et peut-être inconsciente :
1495 igueur des constructions intellectuelles allégées de toute responsabilité concrète. On supprime le risque de penser dans l
1496 te responsabilité concrète. On supprime le risque de penser dans la réalité lourde et « mal compassée » (Descartes). Et pl
1497 les plus artificielles, aux découpages à l’infini de la « matière » vivante et organique, à la multiplication des points d
1498 cru pouvoir « appliquer » la méthode cartésienne de la division parcellaire.) Le « sérieux » universitaire consiste, en g
1499 siste, en gros, à déconcrétiser33 les disciplines de la pensée. C’est ainsi que l’histoire devient un ensemble de lois, et
1500 e. C’est ainsi que l’histoire devient un ensemble de lois, et non plus une chronique des actes. On tend à ne garder de ceu
1501 plus une chronique des actes. On tend à ne garder de ceux-ci que ce qui peut s’organiser en belles séries, selon les exige
1502 s’organiser en belles séries, selon les exigences d’ une philosophie tantôt matérialiste, tantôt idéaliste, tantôt marxiste
1503 magnifique, enseignante et désordonnée des gestes de l’humanité. Pour la philosophie, non contente d’avoir sophistiqué l’h
1504 de l’humanité. Pour la philosophie, non contente d’ avoir sophistiqué l’histoire, elle veut se réduire à son tour à une hi
1505 our à une histoire des doctrines, à une filiation de systèmes, qu’elle décrit sortant les uns des autres, par un jeu purem
1506 et irréductibles, auxquelles on attribue le rôle d’ exceptions malheureuses et légèrement inconvenantes. On cherche à rédu
1507 e tragique se résorbe en erreurs. Cette obsession de la science, c’est-à-dire de la description, est tellement opposée au
1508 eurs. Cette obsession de la science, c’est-à-dire de la description, est tellement opposée au véritable esprit philosophiq
1509 nos professeurs à mépriser les seuls philosophes de ce temps — Nietzsche en est le fameux exemple — sous prétexte qu’ils
1510 s ne répondent pas au signalement du « technicien de la pensée34 ». Quand ils ne sont pas historiens, les « philosophes »
1511 d ils ne sont pas historiens, les « philosophes » de l’Université s’occupent de psychologie. Mais là encore, ils ont trouv
1512 s, les « philosophes » de l’Université s’occupent de psychologie. Mais là encore, ils ont trouvé le biais qui leur permet
1513 à encore, ils ont trouvé le biais qui leur permet de vider cette discipline du contenu concret qu’elle menaçait d’embrasse
1514 te discipline du contenu concret qu’elle menaçait d’ embrasser. L’invraisemblable irréalisme de l’étude des « facultés » ay
1515 enaçait d’embrasser. L’invraisemblable irréalisme de l’étude des « facultés » ayant été démasqué par la science dès le déb
1516 occupant sous le même nom — psychologie : science de l’âme — d’un tout autre ordre de problèmes : à savoir la physiologie
1517 us le même nom — psychologie : science de l’âme — d’ un tout autre ordre de problèmes : à savoir la physiologie des sensati
1518 ologie : science de l’âme — d’un tout autre ordre de problèmes : à savoir la physiologie des sensations et la classificati
1519 uée dans la lutte contre une réalité qu’il s’agit de modifier et non pas seulement de décrire, on fera bien d’aller la che
1520 ité qu’il s’agit de modifier et non pas seulement de décrire, on fera bien d’aller la chercher à cent lieues des « sanctua
1521 ier et non pas seulement de décrire, on fera bien d’ aller la chercher à cent lieues des « sanctuaires de l’esprit » : chez
1522 aller la chercher à cent lieues des « sanctuaires de l’esprit » : chez un révolutionnaire comme Sorel ou chez un thérapeut
1523 faites mille fois — au sujet de la sociologie ou de l’histoire de la littérature. Je ne veux indiquer que l’amorce d’une
1524 fois — au sujet de la sociologie ou de l’histoire de la littérature. Je ne veux indiquer que l’amorce d’une critique génér
1525 la littérature. Je ne veux indiquer que l’amorce d’ une critique générale de notre éducation. Je ne veux mettre en relief
1526 eux indiquer que l’amorce d’une critique générale de notre éducation. Je ne veux mettre en relief qu’un seul trait — à mon
1527 clercs : et c’est la volonté, consciente ou non, d’ esquiver l’engagement pratique. Ce qu’on célèbre sous le nom d’esprit,
1528 engagement pratique. Ce qu’on célèbre sous le nom d’ esprit, c’est l’attitude prétendue spectaculaire, en réalité démission
1529 étendue spectaculaire, en réalité démissionnaire, de la pensée. La seule critique solide et efficace des doctrines intelle
1530 éré comme traduisant une fuite devant l’actualité de la pensée, autrement dit : devant le risque de penser le réel pour l’
1531 té de la pensée, autrement dit : devant le risque de penser le réel pour l’informer. Pour l’informer et non pour le décrir
1532 t comme par hasard justifier la noble impuissance de la pensée ! Ce qu’on célèbre sous le nom d’esprit, c’est l’image épur
1533 sance de la pensée ! Ce qu’on célèbre sous le nom d’ esprit, c’est l’image épurée d’un monde fait de lois. Cette image s’in
1534 élèbre sous le nom d’esprit, c’est l’image épurée d’ un monde fait de lois. Cette image s’interpose entre la pensée « pure 
1535 om d’esprit, c’est l’image épurée d’un monde fait de lois. Cette image s’interpose entre la pensée « pure » et le réel con
1536 t pour la philosophie ; mais c’est une abdication de tout rôle actif. L’avenir est à ceux qui ne sont pas désabusés36. E
1537 s » que Descartes déjà méprisait… VI. Le geste de Pilate Lorsque Renan se résigne sans peine à cette « abdication »
1538 e sans peine à cette « abdication » du rôle actif de l’esprit, n’oublions pas qu’il la tient pour le gage du « désintéress
1539 tout à fait indépendants. Que les clercs refusent d’ épouser les passions politiques ou sociales qui selon eux mènent le mo
1540 eux mènent le monde à sa perte ; qu’ils refusent de se faire les complices des folies collectives, des égoïsmes criminels
1541 u le pouvoir, ou la richesse qui seraient le prix de leur intervention : ce ne sont là que les rudiments de la morale de l
1542 ur intervention : ce ne sont là que les rudiments de la morale de leur état. Et personne n’a jamais contesté la grandeur d
1543 on : ce ne sont là que les rudiments de la morale de leur état. Et personne n’a jamais contesté la grandeur d’un désintére
1544 état. Et personne n’a jamais contesté la grandeur d’ un désintéressement de cette espèce. Mais on pense bien que Renan n’au
1545 jamais contesté la grandeur d’un désintéressement de cette espèce. Mais on pense bien que Renan n’aurait pas pris la peine
1546 n pense bien que Renan n’aurait pas pris la peine de défendre ces lieux communs de la morale élémentaire. Se montrer « dés
1547 t pas pris la peine de défendre ces lieux communs de la morale élémentaire. Se montrer « désintéressé » pour lui, ce n’est
1548 é » pour lui, ce n’est pas tout bravement refuser de toucher le prix d’une noire trahison. Se montrer désintéressé, au sen
1549 est pas tout bravement refuser de toucher le prix d’ une noire trahison. Se montrer désintéressé, au sens subtil où il l’en
1550 st nier en principe que l’esprit soit responsable de ce qui se passe dans le monde. C’est affirmer que l’esprit n’est pas
1551 tre esprit ; d’autre part, à refuser pratiquement de s’intéresser au sort des hommes. Que d’autres, moins désabusés, perde
1552 t avec mélancolie. Le clerc spiritualiste, prêtre de l’esprit pur, s’adonne au culte solitaire des choses « sérieuses et p
1553 ses et précises ». Et que le monde suive le cours de ses passions ! Pour sa part, il s’en lave les mains. Pilate fut le pr
1554 e fut le premier clerc parfait : le juge refusant de juger. On me dira que ce gouverneur eût été dans son rôle en agissant
1555 l trahissait sa fonction en alléguant un argument de clerc. Il y aurait donc une différence profonde entre le refus de Pil
1556 urait donc une différence profonde entre le refus de Pilate, chargé d’un pouvoir séculier, et le refus de l’intellectuel,
1557 férence profonde entre le refus de Pilate, chargé d’ un pouvoir séculier, et le refus de l’intellectuel, dégagé par nature
1558 Pilate, chargé d’un pouvoir séculier, et le refus de l’intellectuel, dégagé par nature de toute responsabilité temporelle.
1559 et le refus de l’intellectuel, dégagé par nature de toute responsabilité temporelle. Ce raisonnement a l’apparence du sen
1560 nce du sens commun, mais il repose sur une erreur de fait : car l’intellectuel, comme tout autre homme, et parce qu’il est
1561 , c’est encore une fois supposer un esprit dégagé de son corps, jamais un tel esprit n’est né dégagé de tous liens, irresp
1562 e son corps, jamais un tel esprit n’est né dégagé de tous liens, irresponsable. Et s’il existe en apparence des êtres qui
1563 existe en apparence des êtres qui méritent le nom de clercs parfaits, c’est qu’en réalité, ils ont trahi leur fonction pro
1564 té, ils ont trahi leur fonction propre, qui était de juger, et de juger effectivement, dans le monde des corps et des sanc
1565 rahi leur fonction propre, qui était de juger, et de juger effectivement, dans le monde des corps et des sanctions de fait
1566 ivement, dans le monde des corps et des sanctions de fait, non pas seulement de « dire le vrai » dans le vide. La dénoncia
1567 corps et des sanctions de fait, non pas seulement de « dire le vrai » dans le vide. La dénonciation des clercs « intéressé
1568 que si elle concerne ces pharisiens, ces docteurs d’ Israël qui prêtent à la folie des masses leur voix : Crucifie, relâche
1569 hison grossière, la simonie. Mais la protestation de nos spiritualistes distingués vise autre chose que cette banalité mor
1570 morale. Elle vise en fait à justifier le lavement de mains de Pilate. « Pilate voyant que le tumulte augmentait, prit de l
1571 lle vise en fait à justifier le lavement de mains de Pilate. « Pilate voyant que le tumulte augmentait, prit de l’eau, se
1572 . « Pilate voyant que le tumulte augmentait, prit de l’eau, se lava les mains en présence de la foule et dit : Je suis inn
1573 nce de la foule et dit : Je suis innocent du sang de ce juste. Cela vous regarde. » Ne vient-il pas d’avouer le dernier mo
1574 de ce juste. Cela vous regarde. » Ne vient-il pas d’ avouer le dernier mot de la sagesse cléricale, le dernier mot de la sa
1575 egarde. » Ne vient-il pas d’avouer le dernier mot de la sagesse cléricale, le dernier mot de la sagesse des philosophes, c
1576 rnier mot de la sagesse cléricale, le dernier mot de la sagesse des philosophes, celui qui excuse en fin de compte — à leu
1577 de compte — à leurs yeux seuls — tous leurs refus de conclure37, c’est-à-dire de s’engager, où ils voient le sublime de l’
1578 ls — tous leurs refus de conclure37, c’est-à-dire de s’engager, où ils voient le sublime de l’esprit ? Ne vient-il pas de
1579 est-à-dire de s’engager, où ils voient le sublime de l’esprit ? Ne vient-il pas de dire : « Qu’est-ce que la vérité ? » À
1580 s voient le sublime de l’esprit ? Ne vient-il pas de dire : « Qu’est-ce que la vérité ? » À vingt siècles de là, la voix «
1581 e : « Qu’est-ce que la vérité ? » À vingt siècles de là, la voix « désabusée » d’un autre clerc parfait lui donnera cette
1582  ? » À vingt siècles de là, la voix « désabusée » d’ un autre clerc parfait lui donnera cette réplique fameuse : « La vérit
1583 n’est encore qu’une question déguisée. Le soupçon de Renan trahit un doute, et un doute sur la vérité : ce qui est « peut-
1584 utres « se désintéressant » non sans un hochement de tête sur la plèbe qui les admire. Et comment cette pauvre plèbe n’aur
1585 . Et comment cette pauvre plèbe n’aurait-elle pas d’ admiration pour la sagesse des grands docteurs qui se lavent les mains
1586 grands docteurs qui se lavent les mains avec tant d’ élégance, — et l’abandonnent libéralement à sa passion ? Mais en face
1587 ge à la vérité. » Unanimité contre lui des clercs de droite, des clercs de gauche, et de la foule. Pourquoi n’a-t-il pas d
1588 imité contre lui des clercs de droite, des clercs de gauche, et de la foule. Pourquoi n’a-t-il pas dit seulement : Mon roy
1589 ui des clercs de droite, des clercs de gauche, et de la foule. Pourquoi n’a-t-il pas dit seulement : Mon royaume n’est pas
1590 ’a-t-il pas dit seulement : Mon royaume n’est pas de ce monde ? Ce royaume n’eût gêné personne, tout semblable à celui des
1591 r à rien. Entendez : à ne rien servir. Le royaume de l’esprit — notre Université — n’est pas de ce monde. C’est le royaume
1592 oyaume de l’esprit — notre Université — n’est pas de ce monde. C’est le royaume des lois « sérieuses et précises » que la
1593 uelles elle ne saurait agir. C’est une mythologie de l’impuissance de l’esprit. Mais les hommes, qui sont bien méchants, s
1594 urait agir. C’est une mythologie de l’impuissance de l’esprit. Mais les hommes, qui sont bien méchants, savent à merveille
1595 s, savent à merveille tirer parti contre l’esprit de la liberté qu’il leur laisse. Ils le vénèrent officiellement, délégua
1596 oryphées parlementaires ou bicornés dont on vient d’ estimer la prose. Ils observent une minute de silence. Puis ils s’occu
1597 ient d’estimer la prose. Ils observent une minute de silence. Puis ils s’occupent de choses « sérieuses » qui, elles, n’on
1598 ervent une minute de silence. Puis ils s’occupent de choses « sérieuses » qui, elles, n’ont pas toujours cette précision d
1599  » qui, elles, n’ont pas toujours cette précision d’ épure qui séduisait les clercs méticuleux, mais bien une sorte d’impla
1600 uisait les clercs méticuleux, mais bien une sorte d’ implacable agencement, celui du doit et de l’avoir, contrôlé tôt ou ta
1601 e sorte d’implacable agencement, celui du doit et de l’avoir, contrôlé tôt ou tard par la constatation du rendement ou de
1602 é tôt ou tard par la constatation du rendement ou de la perte. Le clerc qui ne sert à rien, c’est flatteur et c’est distin
1603 oudrait que l’État, qui l’honore, se charge aussi de l’entretenir. Mais voilà le vice de construction de ce beau monde car
1604 charge aussi de l’entretenir. Mais voilà le vice de construction de ce beau monde cartésien : on admet que l’esprit ne pe
1605 l’entretenir. Mais voilà le vice de construction de ce beau monde cartésien : on admet que l’esprit ne peut rien, et on l
1606 écrire. Il écrira donc un ouvrage dans les règles de l’art qu’il a sucé. Si l’ouvrage est « sérieux et précis » selon les
1607 l. Je suppose mon clerc peu fortuné. Deux espèces de carrières s’ouvrent à lui : celle des accommodements et celle du chôm
1608 ves innombrables, et très diversement rétribuées, de démission. Car l’esprit, lui aussi, mène à tout, mais à condition qu’
1609 les licenciés seuls peuvent briguer l’inspectorat de la Sûreté nationale. Il serait faux de dire qu’on paie l’esprit. C’es
1610 nspectorat de la Sûreté nationale. Il serait faux de dire qu’on paie l’esprit. C’est bien plutôt l’absence d’esprit qu’on
1611 qu’on paie l’esprit. C’est bien plutôt l’absence d’ esprit qu’on rétribue, en vertu d’une coutume qui tend à se préciser e
1612 pour leurs écrits se trouve être l’inverse exact de la valeur spirituelle de ces écrits. Ce n’est pas la création, c’est
1613 uve être l’inverse exact de la valeur spirituelle de ces écrits. Ce n’est pas la création, c’est le rabâchage qui rapporte
1614 ez un poème, un essai, un roman, dans une revue «  de haute tenue intellectuelle » vous ne serez pas payé, ou vous serez pa
1615 r un sujet littéraire à la mode, et tenant compte de la frivolité du genre, vous serez payé 200 fr. la colonne. Et si vous
1616 la colonne. Et si vous descendez jusqu’au journal d’ information, les prix seront encore supérieurs, pour un « papier » bâc
1617 ur un « papier » bâclé en une demi-heure à l’aide d’ un répertoire de lieux communs et d’idées fausses mais courantes39. Or
1618 bâclé en une demi-heure à l’aide d’un répertoire de lieux communs et d’idées fausses mais courantes39. Or il se trouve, p
1619 eure à l’aide d’un répertoire de lieux communs et d’ idées fausses mais courantes39. Or il se trouve, par un curieux hasard
1620 un curieux hasard, que l’Esprit pur et le Palais de l’Esprit pur ne sont jamais si lyriquement loués que dans la presse q
1621 bien des agréments, s’il est vrai que la liberté de penser et d’écrire à sa guise, la pauvreté, le risque matériel, le no
1622 éments, s’il est vrai que la liberté de penser et d’ écrire à sa guise, la pauvreté, le risque matériel, le nomadisme, le c
1623 nt sordides et parfois émouvantes, enfin l’espèce d’ incertitude insouciante du lendemain dans laquelle on parvient assez v
1624 composer son équilibre, sont pour l’esprit autant de gains certains lui offrant une chance admirable de se guérir de son i
1625 e gains certains lui offrant une chance admirable de se guérir de son irréalisme. Une pratique assez longue, et d’ailleurs
1626 ins lui offrant une chance admirable de se guérir de son irréalisme. Une pratique assez longue, et d’ailleurs imposée, de
1627 Une pratique assez longue, et d’ailleurs imposée, de cet état me permet d’affirmer sans ironie qu’il n’en est pas de plus
1628 gue, et d’ailleurs imposée, de cet état me permet d’ affirmer sans ironie qu’il n’en est pas de plus recommandable pour l’i
1629 e plus recommandable pour l’intellectuel soucieux d’ agir par sa pensée. Cette vie « mal compassée » qu’on nomme la vie pra
1630 (louées par Nietzsche), ses brusques changements de décor suivis de guerre d’usure contre l’inertie fascinante, cette vie
1631 tzsche), ses brusques changements de décor suivis de guerre d’usure contre l’inertie fascinante, cette vie faite d’embêtem
1632 es brusques changements de décor suivis de guerre d’ usure contre l’inertie fascinante, cette vie faite d’embêtements et de
1633 sure contre l’inertie fascinante, cette vie faite d’ embêtements et de fécondes coïncidences est plus conforme aux rythmes
1634 rtie fascinante, cette vie faite d’embêtements et de fécondes coïncidences est plus conforme aux rythmes de l’esprit créat
1635 condes coïncidences est plus conforme aux rythmes de l’esprit créateur que le détachement méditatif du clerc parfait — du
1636 des impairs que le sort commet dans l’agencement d’ une existence d’intellectuel. Mais j’hésiterais à conseiller cette cur
1637 le sort commet dans l’agencement d’une existence d’ intellectuel. Mais j’hésiterais à conseiller cette cure à des jeunes g
1638 à conseiller cette cure à des jeunes gens en mal de bohème prolétarienne. Le spectacle de la culture européenne, depuis l
1639 gens en mal de bohème prolétarienne. Le spectacle de la culture européenne, depuis la guerre, nous enseigne deux grandes v
1640 spiritualistes, tombent fatalement sous la coupe de la publicité capitaliste ; et d’autre part, les intellectuels jetés a
1641 hômage par la crise — plutôt que par leur volonté d’ indépendance — dès qu’ils sont en assez grand nombre pour constituer u
1642 bre pour constituer un parti, préparent les voies d’ un fascisme culturel, de droite ou de gauche, et qui saura leur impose
1643 arti, préparent les voies d’un fascisme culturel, de droite ou de gauche, et qui saura leur imposer un conformisme monstru
1644 nt les voies d’un fascisme culturel, de droite ou de gauche, et qui saura leur imposer un conformisme monstrueux, ou le si
1645 nformisme monstrueux, ou le silence. Il n’y a pas de solution pratique dans l’économie actuelle. Ni de solution théorique
1646 de solution pratique dans l’économie actuelle. Ni de solution théorique dans l’univers spiritualiste, pauvre paravent démo
1647 cacher longtemps l’universel complot des « hommes de main ». VIII. Où peut agir l’esprit ? Commettra-t-on ce Palais
1648 peut agir l’esprit ? Commettra-t-on ce Palais de l’Esprit ? S’ils y parviennent, je demande la parole. Je ne me propos
1649 e demande la parole. Je ne me propose pas du tout de décevoir ce goût de positif que mes contemporains, à tort et à traver
1650 Je ne me propose pas du tout de décevoir ce goût de positif que mes contemporains, à tort et à travers, opposent à toute
1651 te le mal, cette négation perpétuelle, qu’à coups d’ affirmations du bien prépondérantes. À tout péché miséricorde, dit le
1652 dicale. Je crois apercevoir d’ici une possibilité de repêchage du projet de nos commissaires. Voici donc mon contre-projet
1653 voir d’ici une possibilité de repêchage du projet de nos commissaires. Voici donc mon contre-projet, sous forme de résolut
1654 me de résolution. Article unique : La Commission de l’enseignement de l’Exposition de 1937, vu le désarroi général40 ; vu
1655 Article unique : La Commission de l’enseignement de l’Exposition de 1937, vu le désarroi général40 ; vu la situation cult
1656 : La Commission de l’enseignement de l’Exposition de 1937, vu le désarroi général40 ; vu la situation culturelle créée par
1657  ; vu la situation culturelle créée par le décret de séparation de l’esprit et du corps, de la raison pure et de la morale
1658 tion culturelle créée par le décret de séparation de l’esprit et du corps, de la raison pure et de la morale pratique, déc
1659 le décret de séparation de l’esprit et du corps, de la raison pure et de la morale pratique, décret prononcé par Descarte
1660 ion de l’esprit et du corps, de la raison pure et de la morale pratique, décret prononcé par Descartes en 1637 — aggravé p
1661 vu la situation économique inaugurée par le krach de Wall Street (1930) et nommée crise ; vu la commercialisation croissan
1662 nommée crise ; vu la commercialisation croissante de l’esprit, conditionnée par ladite crise ; vu l’existence de la presse
1663 t, conditionnée par ladite crise ; vu l’existence de la presse et la puissance de la publicité ; vu le chômage des intelle
1664 ise ; vu l’existence de la presse et la puissance de la publicité ; vu le chômage des intellectuels et ses suites politiqu
1665 e ; vu l’intérêt que présenterait pour l’humanité d’ aujourd’hui, sans détriment du prestige de la France, une restauration
1666 umanité d’aujourd’hui, sans détriment du prestige de la France, une restauration de l’esprit dans sa charge effective, cré
1667 riment du prestige de la France, une restauration de l’esprit dans sa charge effective, créatrice et régulatrice ; vu les
1668 créatrice et régulatrice ; vu les revendications de la jeunesse qui repousse à l’unanimité un spiritualisme complice d’in
1669 repousse à l’unanimité un spiritualisme complice d’ intérêts devenus criminels ; — constate : que le problème de la cultur
1670 devenus criminels ; — constate : que le problème de la culture est le problème central de notre temps, la culture étant r
1671 le problème de la culture est le problème central de notre temps, la culture étant responsable de concentrer, d’humaniser
1672 tral de notre temps, la culture étant responsable de concentrer, d’humaniser et de transmettre les doctrines des clercs de
1673 emps, la culture étant responsable de concentrer, d’ humaniser et de transmettre les doctrines des clercs de tous ordres qu
1674 e étant responsable de concentrer, d’humaniser et de transmettre les doctrines des clercs de tous ordres qui devaient régi
1675 aniser et de transmettre les doctrines des clercs de tous ordres qui devaient régir la cité et qui se vendent ou se désint
1676 at ; — et décide en conséquence : la construction d’ un Palais de l’Esprit destiné à servir de club à tous ceux qui voudron
1677 cide en conséquence : la construction d’un Palais de l’Esprit destiné à servir de club à tous ceux qui voudront discuter e
1678 truction d’un Palais de l’Esprit destiné à servir de club à tous ceux qui voudront discuter en public les questions suivan
1679 en public les questions suivantes : a) définition de la culture, de ses moyens et de son but final. b) qu’est-elle devenue
1680 uestions suivantes : a) définition de la culture, de ses moyens et de son but final. b) qu’est-elle devenue en théorie et
1681 s : a) définition de la culture, de ses moyens et de son but final. b) qu’est-elle devenue en théorie et en pratique sous
1682 s actuels ? a-t-elle encore un sens dans le monde d’ aujourd’hui qui tend à s’établir sur de tout autres bases ? c) à quoi
1683 s le monde d’aujourd’hui qui tend à s’établir sur de tout autres bases ? c) à quoi servent les clercs ? quel doit être leu
1684 ’adressent leurs écrits ? d) quelle est la source de leur autorité — si elle existe en fait ou en droit — et quels doivent
1685 incipales tendances qui s’affirment dans l’Europe d’ aujourd’hui. Ce projet positif présente un gros défaut pratique : il c
1686 ente un gros défaut pratique : il conduit à poser de vraies questions sérieuses. Il est donc irréalisable sous un patronag
1687 ouvrir une bibliothèque de plus, chatouiller avec de grands mots dépréciés et abstraits la plaque sensible d’un micro deva
1688 ds mots dépréciés et abstraits la plaque sensible d’ un micro devant une foule élégante et muette, — c’est une chose, c’est
1689 celle qu’on fera. Mais c’est tout autre chose que d’ inviter le grand public à réfléchir sur le rôle de l’esprit, à poser d
1690 d’inviter le grand public à réfléchir sur le rôle de l’esprit, à poser des questions bien simples et bien grossières, cell
1691 urant ces assises subversives, ces états généraux de la culture. Ne serait-ce pas inaugurer officiellement la révolution v
1692 temps pour saisir à pleines mains les instruments de construction, qui sont aussi ceux des démolitions préparatoires. L’im
1693 des démolitions préparatoires. L’important, c’est de voir hic et nunc où peut s’insérer notre action, et comment elle doit
1694 être un puissant rappel à la « réalité rugueuse » de ce monde. Mais ce rappel n’est pas suffisant. Voir les faits n’est pa
1695 a vision. Oserons-nous dire que c’est la vocation d’ Esprit ? Donner un sens à la vision d’une réalité, c’est montrer à que
1696 la vocation d’Esprit ? Donner un sens à la vision d’ une réalité, c’est montrer à quelle fin doit tendre cette réalité, — n
1697 ophètes — et non les techniciens — sont en mesure de conduire l’action, si conduire c’est savoir où l’on va. Seuls les pro
1698 vent en vérité « donner un sens plus pur aux mots de la tribu », — condition nécessaire de toute culture. Car avant de par
1699 ur aux mots de la tribu », — condition nécessaire de toute culture. Car avant de parler il faut savoir le sens des mots. E
1700 es mots aient un sens, un sens commun, et entendu de tous, il faut que le terme — la fin — soit proclamé par des prophètes
1701 diloquents ou excités, mais simplement des hommes de foi solide. Individus parfaitement négligeables en regard de ce qu’il
1702 s dépasse, et personnes parfaitement responsables de ce qu’elles ont à donner, qui est à tous. 24. « Pour un Palais de
1703 à donner, qui est à tous. 24. « Pour un Palais de l’Esprit », Nouvelles littéraires du 6 avril 1935. 25. De deux chose
1704 it », Nouvelles littéraires du 6 avril 1935. 25. De deux choses l’une : ou bien l’institution projetée doublera très inut
1705 , elle contiendra ce que je dis : les témoignages de « l’esprit pur » selon l’idée que s’en fait la Commission. 26. « Cet
1706 e que s’en fait la Commission. 26. « Cette façon de dégrader la culture et d’en faire une chose à côté, tout en l’“élevan
1707 ion. 26. « Cette façon de dégrader la culture et d’ en faire une chose à côté, tout en l’“élevant” au rang de suprastructu
1708 ire une chose à côté, tout en l’“élevant” au rang de suprastructure et en la privant par là de sa relation essentielle ave
1709 au rang de suprastructure et en la privant par là de sa relation essentielle avec la constitution réelle de la vie », Henr
1710 relation essentielle avec la constitution réelle de la vie », Henri de Man y voit « la conception courante des masses pop
1711 tous les Français, je répugne à dépenser beaucoup d’ argent pour un ouvrage périssable, surtout quand il s’agit d’une bibli
1712 ur un ouvrage périssable, surtout quand il s’agit d’ une bibliothèque. » C’est pourquoi « notre bibliothèque sera construit
1713 vrages impérissables faudra-t-il réserver son bas de laine ? N’est-ce pas pour les plus périssables choses que nous dépens
1714 hoses que nous dépensons notre argent ? L’Éthique de Spinoza coûte moins cher qu’une petite 5 chevaux. Quant au salut, il
1715 ntellectuels, et qui sont les premiers à souffrir de la carence de l’esprit. 29. De ce mépris de la pensée pure et des di
1716 et qui sont les premiers à souffrir de la carence de l’esprit. 29. De ce mépris de la pensée pure et des discours vient l
1717 emiers à souffrir de la carence de l’esprit. 29. De ce mépris de la pensée pure et des discours vient l’engouement pour c
1718 frir de la carence de l’esprit. 29. De ce mépris de la pensée pure et des discours vient l’engouement pour ceux qu’on nom
1719 e le technicien et on le pousse dans les conseils de la cité sur la foi du seul nom qu’on lui donne, et en vertu du préjug
1720 te : technicien signifiant pour le peuple : homme de métier, esprit pratique et informé. Or, la plupart de ceux qu’on nomm
1721 des théoriciens — ingénieurs ou économistes — et de l’espèce la plus amie des abstractions, des solutions mathématiques,
1722 roduisent. 32. Voilà qui n’est pas dans l’esprit de Descartes, lequel défend dans de nombreuses déclarations l’actualité
1723 as dans l’esprit de Descartes, lequel défend dans de nombreuses déclarations l’actualité incessante et constitutive de la
1724 clarations l’actualité incessante et constitutive de la pensée. Mais le cartésianisme du xviiie siècle a déduit pratiquem
1725 ésianisme du xviiie siècle a déduit pratiquement de la séparation de l’esprit et du corps, la thèse suivante : l’esprit r
1726 ie siècle a déduit pratiquement de la séparation de l’esprit et du corps, la thèse suivante : l’esprit représente dans l’
1727 suite inapte à modifier le réel par son jeu même, d’ une manière immédiate. L’idéalisme excessif n’a pu que renforcer le pr
1728 matérialiste. On en est venu à concevoir l’action de l’esprit d’une manière purement médiate : comme étant l’application d
1729 . On en est venu à concevoir l’action de l’esprit d’ une manière purement médiate : comme étant l’application des résultats
1730 ts du raisonnement à notre action. Sur le mystère de cette opération magique, peu de lumières dans la psychologie moderne.
1731  ce qui engage », ce qui est soumis aux sanctions de la loi, ce qui exige une décision prise par une personne responsable.
1732 onne responsable. 34. « Nous éprouvons une sorte de honte à poser les questions philosophiques : la tâche du philosophe s
1733 losophiques : la tâche du philosophe sincère est, de nos jours, suspendue par un fait, l’existence de la science. » Cet av
1734 de nos jours, suspendue par un fait, l’existence de la science. » Cet aveu est de Rauh (Avant-propos des Études de morale
1735 n fait, l’existence de la science. » Cet aveu est de Rauh (Avant-propos des Études de morale). 35. Et sans doute d’abord
1736 . » Cet aveu est de Rauh (Avant-propos des Études de morale). 35. Et sans doute d’abord chez les grands convertisseurs ch
1737 ela prête à malentendu : le Saint-Esprit se moque de nos psychologies. 36. Histoire du peuple d’Israël, t. III, p. 497.
1738 ue de nos psychologies. 36. Histoire du peuple d’ Israël, t. III, p. 497. Le vieillard qui écrit cela, est-ce bien le mê
1739 la science qui recherche le but et les conditions de la société. La révolution de l’avenir sera le triomphe de la morale s
1740 ut et les conditions de la société. La révolution de l’avenir sera le triomphe de la morale sur la politique » (L’Avenir d
1741 ciété. La révolution de l’avenir sera le triomphe de la morale sur la politique » (L’Avenir de la Science). L’évolution de
1742 riomphe de la morale sur la politique » (L’Avenir de la Science). L’évolution de Renan symbolise celle de notre culture :
1743 politique » (L’Avenir de la Science). L’évolution de Renan symbolise celle de notre culture : il part d’une conception spi
1744 la Science). L’évolution de Renan symbolise celle de notre culture : il part d’une conception spiritualiste dont il escomp
1745 Renan symbolise celle de notre culture : il part d’ une conception spiritualiste dont il escompte le triomphe temporel aut
1746 te le triomphe temporel automatique (par le moyen de l’enseignement) ou magique (par l’évolution de l’humanité). Il espère
1747 en de l’enseignement) ou magique (par l’évolution de l’humanité). Il espère une souveraineté qu’il ne fait rien pour conqu
1748 espère que le passage du droit au fait (du droit de la philosophie au fait de son gouvernement) s’opérera sans qu’il y me
1749 droit au fait (du droit de la philosophie au fait de son gouvernement) s’opérera sans qu’il y mette les mains. Par malheur
1750 oit dont il se targue ne comportant aucune espèce de vérité pratiquement contraignante, éthique (analogue à la vérité cont
1751 ante, éthique (analogue à la vérité contraignante de la foi), l’affirmation et la prédication de ce droit n’entraînant auc
1752 nante de la foi), l’affirmation et la prédication de ce droit n’entraînant aucun risque ni aucune modification concrète po
1753 dans un monde purement « détaché ». La belle ruse de ces prétendants déçus consiste alors à nous faire croire que les fait
1754 e et l’essentiel pour un philosophe, ce n’est pas d’ arriver le plus vite possible à la conclusion, mais au contraire, de l
1755 vite possible à la conclusion, mais au contraire, de la reculer aussi longtemps qu’on le peut, et en quelque sorte de se b
1756 ussi longtemps qu’on le peut, et en quelque sorte de se boucher les yeux pour ne la voir pas, mais de continuer à analyser
1757 de se boucher les yeux pour ne la voir pas, mais de continuer à analyser sans repos ». Cette phrase d’Alain montre très b
1758 e continuer à analyser sans repos ». Cette phrase d’ Alain montre très bien comment le souci d’honnêteté et de sérieux de l
1759 phrase d’Alain montre très bien comment le souci d’ honnêteté et de sérieux de la pensée universitaire aboutit nécessairem
1760 montre très bien comment le souci d’honnêteté et de sérieux de la pensée universitaire aboutit nécessairement à un faux (
1761 s bien comment le souci d’honnêteté et de sérieux de la pensée universitaire aboutit nécessairement à un faux (« se bouche
1762 eux »). Elle postule que le philosophe est dégagé de toute responsabilité. Qu’il pense dans le vide, hors de toute sanctio
1763 n, comme aussi hors de toute urgence. 38. Le cas de Ponce Pilate est en vérité exemplaire. Il résume une fois pour toutes
1764 roit en spécifiant qu’il n’assumait aucune espèce de responsabilité. S’il croyait sérieusement que cet homme est juste, il
1765 é ? Valent-elles qu’on leur sacrifie sa situation de gouverneur ? Ces Juifs sont en émeute : voilà le fait. J’ai dit ce qu
1766 nos clercs, il traduit bel et bien leur attitude de fait devant le monde : s’ils croyaient sérieusement à la justice, ils
1767 i valable dans l’édition. Moins un livre comporte d’ idées, de création, d’esprit actif, mieux il se vend. La crise force l
1768 dans l’édition. Moins un livre comporte d’idées, de création, d’esprit actif, mieux il se vend. La crise force les éditeu
1769 on. Moins un livre comporte d’idées, de création, d’ esprit actif, mieux il se vend. La crise force les éditeurs à se faire
1770 serait normal. Tout profit commercial se calcule de la sorte aux dépens de l’intelligence et de la valeur créatrice. 40.
1771 lcule de la sorte aux dépens de l’intelligence et de la valeur créatrice. 40. Formule d’introduction d’usage courant aux
1772 elligence et de la valeur créatrice. 40. Formule d’ introduction d’usage courant aux environs de 1935, et dépourvue de tou
1773 la valeur créatrice. 40. Formule d’introduction d’ usage courant aux environs de 1935, et dépourvue de toute significatio
1774 rmule d’introduction d’usage courant aux environs de 1935, et dépourvue de toute signification définie. 41. Et remarquon
1775 ’usage courant aux environs de 1935, et dépourvue de toute signification définie. 41. Et remarquons l’étrange accident q
1776 remarquons l’étrange accident qu’elle risquerait de provoquer : la lassitude, le défaitisme, et les dégoûts mal formulés
1777 bats et sous la pression populaire, en une espèce de nuit du 4 août de la pensée, abdiquant tous ses privilèges pêle-mêle,
1778 ession populaire, en une espèce de nuit du 4 août de la pensée, abdiquant tous ses privilèges pêle-mêle, entre les mains d
1779 s privilèges pêle-mêle, entre les mains du bureau d’ un parti, d’un dictateur ou d’un soviet. Cela n’est pas invraisemblabl
1780 pêle-mêle, entre les mains du bureau d’un parti, d’ un dictateur ou d’un soviet. Cela n’est pas invraisemblable : abdiquer
1781 les mains du bureau d’un parti, d’un dictateur ou d’ un soviet. Cela n’est pas invraisemblable : abdiquer toute espèce de c
1782 n’est pas invraisemblable : abdiquer toute espèce de conscience est une tentation fascinante pour l’homme qui a mauvaise c
1783 mauvaise conscience. P.-S. Ceci fut écrit en mai de cette année ; à ce moment j’ignorais tout du « congrès pour la défens
1784 d’ailleurs à peu près nul. r. Rougemont Denis de , « L’Esprit n’a pas son palais », Esprit, Paris, octobre 1935, p. 25-
17 1936, Esprit, articles (1932–1962). Francfort, 16 mars 1936 (avril 1936)
1785 ancfort, 16 mars 1936 (avril 1936)s Un témoin de nos amis nous envoie ces notes. Nous les publions à titre documentair
1786 fascistes », nous le sommes tous ici, s’il s’agit de prendre parti, en France, contre un mouvement politico-social qui vou
1787 ment politico-social qui voudrait refaire le coup de Mussolini, le coup d’Hitler. Simplement, un tel mouvement n’aurait au
1788 ui voudrait refaire le coup de Mussolini, le coup d’ Hitler. Simplement, un tel mouvement n’aurait aucune justification his
1789 historique dans un pays qui a fait la Révolution de 89, et qui est déjà une nation. Mais condamner le « fascisme » allema
1790 uropéenne, c’est à peu près aussi intelligent que de se déclarer l’adversaire des avalanches et des marées, pour des raiso
1791 aient été en Russie, il y aurait quelques chances de leur faire comprendre ce que c’est qu’une révolution de masses, au se
1792 r faire comprendre ce que c’est qu’une révolution de masses, au sens moderne. Et que ça n’a pas le moindre rapport avec la
1793 autant que l’on peut comparer à quoi que ce soit de supposé connu des mouvements aussi totalement « étranges » et « profo
1794 onds », et qui transcendent toutes les catégories de pensée rationnelles, individualistes, bourgeoises ou marxistes. Mais
1795 urgeoises ou marxistes. Mais je désespère presque de donner la moindre « idée » de la réalité nationale-socialiste à un ho
1796 e désespère presque de donner la moindre « idée » de la réalité nationale-socialiste à un homme, même de bonne volonté, qu
1797 la réalité nationale-socialiste à un homme, même de bonne volonté, qui n’aurait pas « vécu » (comme disent les Allemands 
1798 Allemands : Miterlebt) une des grandes cérémonies de la religion nouvelle. Par exemple un discours du Führer à son peuple.
1799 oir, debout parmi la foule qui n’avait pas trouvé de places assises dans une halle de 30 000 places, et qui attendait, mas
1800 avait pas trouvé de places assises dans une halle de 30 000 places, et qui attendait, massée au fond, dans les travées et
1801 arrivée du Führer. Et au-dehors, battant les murs de la halle, cent-mille hommes et femmes attendaient sous les haut-parle
1802 sous les haut-parleurs. Et sur toutes les places de la ville, depuis le matin, et dans 45 salles où les formations d’assa
1803 uis le matin, et dans 45 salles où les formations d’ assaut avaient leur « appel général », des dizaines de milliers attend
1804 saut avaient leur « appel général », des dizaines de milliers attendaient. J’étais venu pour écouter aussi la foule. Je me
1805 si la foule. Je me trouvais au milieu d’ouvriers, de jeunes miliciens du Service de travail, de jeunes filles, de femmes m
1806 milieu d’ouvriers, de jeunes miliciens du Service de travail, de jeunes filles, de femmes mal vêtues : ils ne disaient pre
1807 riers, de jeunes miliciens du Service de travail, de jeunes filles, de femmes mal vêtues : ils ne disaient presque rien. O
1808 iliciens du Service de travail, de jeunes filles, de femmes mal vêtues : ils ne disaient presque rien. On se passait un jo
1809 nt bannières rouges. La tribune avancée au centre de l’ovale énorme se dressait au-dessus du parterre, violemment éclairée
1810 scinante. À huit heures moins cinq, deux cortèges de bannières vinrent se ranger sur les escaliers de la tribune, aux acce
1811 de bannières vinrent se ranger sur les escaliers de la tribune, aux accents du Deutschland über alles chanté debout, le b
1812 es galeries menait à la tribune, et dans la lueur d’ un faible projecteur, il parut. Souriant comme en extase, saluant lent
1813 u vers la tribune, sous un tonnerre assourdissant de heil rythmés — je n’entendais plus que les cris de mes voisins sur un
1814 e heil rythmés — je n’entendais plus que les cris de mes voisins sur un fond de tempête et de battements sourds — avec des
1815 dais plus que les cris de mes voisins sur un fond de tempête et de battements sourds — avec des gestes de prêtre, avec une
1816 les cris de mes voisins sur un fond de tempête et de battements sourds — avec des gestes de prêtre, avec une sorte de douc
1817 tempête et de battements sourds — avec des gestes de prêtre, avec une sorte de douceur… Pendant six minutes. Et quand ce h
1818 ourds — avec des gestes de prêtre, avec une sorte de douceur… Pendant six minutes. Et quand ce hurlement d’amour s’apaisa,
1819 uceur… Pendant six minutes. Et quand ce hurlement d’ amour s’apaisa, on entendait encore une rumeur d’océan au-dehors. Le j
1820 d’amour s’apaisa, on entendait encore une rumeur d’ océan au-dehors. Le journal de ce matin écrit : « Lorsque le Führer s’
1821 t encore une rumeur d’océan au-dehors. Le journal de ce matin écrit : « Lorsque le Führer s’écria : Je ne puis vivre que s
1822 ondit. » Cri désignant ici la clameur instantanée de 30 000 hommes dressés d’un seul élan. Je me souviens aussi de cela :
1823 i la clameur instantanée de 30 000 hommes dressés d’ un seul élan. Je me souviens aussi de cela : « La puissance de gouvern
1824 mmes dressés d’un seul élan. Je me souviens aussi de cela : « La puissance de gouverner, je l’ai. Mais ce que je cherche,
1825 an. Je me souviens aussi de cela : « La puissance de gouverner, je l’ai. Mais ce que je cherche, c’est la communion du cœu
1826 che, c’est la communion du cœur avec chaque homme de la nation allemande. » De nouveau dressés, saluant à la romaine, ils
1827 ue vers lui. ⁂ Les journalistes en France parlent d’ hystérie collective, d’irrationalisme germanique, etc., et représenten
1828 nalistes en France parlent d’hystérie collective, d’ irrationalisme germanique, etc., et représentent Hitler comme un tribu
1829 avec ces innocentes caricatures. Il ne s’agit pas d’ hystérie : rien n’est plus discipliné que ces foules. Il ne s’agit pas
1830 plus discipliné que ces foules. Il ne s’agit pas d’ un tribun déchaîné ; il élève rarement la voix, sauf à la fin ; il ne
1831 ume ; et ses gestes sont souples, n’ont plus rien de la brutalité des années de combat, avant 1933. Il ne s’agit pas de ha
1832 uples, n’ont plus rien de la brutalité des années de combat, avant 1933. Il ne s’agit pas de haine : il s’agit d’amour. Il
1833 es années de combat, avant 1933. Il ne s’agit pas de haine : il s’agit d’amour. Il ne s’agit pas de politique, mais de rel
1834 avant 1933. Il ne s’agit pas de haine : il s’agit d’ amour. Il ne s’agit pas de politique, mais de religion, mais de cérémo
1835 as de haine : il s’agit d’amour. Il ne s’agit pas de politique, mais de religion, mais de cérémonies monumentales et sacra
1836 agit d’amour. Il ne s’agit pas de politique, mais de religion, mais de cérémonies monumentales et sacrales en l’honneur d’
1837 e s’agit pas de politique, mais de religion, mais de cérémonies monumentales et sacrales en l’honneur d’un Dieu nouveau, l
1838 cérémonies monumentales et sacrales en l’honneur d’ un Dieu nouveau, l’âme de la masse, l’obscur et puissant esprit de la
1839 et sacrales en l’honneur d’un Dieu nouveau, l’âme de la masse, l’obscur et puissant esprit de la nation, que le Führer est
1840 u, l’âme de la masse, l’obscur et puissant esprit de la nation, que le Führer est venu incarner, lui le pur, le simple, l’
1841 La vraie lutte commence là. s. Rougemont Denis de , « Francfort, 16 mars 1936 », Esprit, Paris, avril 1936, p. 17-19.
18 1936, Esprit, articles (1932–1962). Vues sur C. F. Ramuz (mai 1936)
1842 eut appréhender ; dans cette mesure, il est exact de dire qu’elle s’ordonne par avance à sa fin. On n’imagine pas d’aborde
1843 e s’ordonne par avance à sa fin. On n’imagine pas d’ aborder l’œuvre et la personne de Ramuz d’une façon systématique. Non
1844 On n’imagine pas d’aborder l’œuvre et la personne de Ramuz d’une façon systématique. Non que cette œuvre et cette personne
1845 ine pas d’aborder l’œuvre et la personne de Ramuz d’ une façon systématique. Non que cette œuvre et cette personne ne compo
1846 propriété réelle, sinon l’extension dans l’espace d’ une loi personnelle, de la loi du propriétaire ? (Toute autre forme de
1847 l’extension dans l’espace d’une loi personnelle, de la loi du propriétaire ? (Toute autre forme de propriété demeurant ju
1848 e, de la loi du propriétaire ? (Toute autre forme de propriété demeurant justiciable de la critique de Proudhon.) Décrire
1849 te autre forme de propriété demeurant justiciable de la critique de Proudhon.) Décrire le « domaine » d’un auteur authenti
1850 de propriété demeurant justiciable de la critique de Proudhon.) Décrire le « domaine » d’un auteur authentique, c’est auss
1851 la critique de Proudhon.) Décrire le « domaine » d’ un auteur authentique, c’est aussi décrire sa personne, à la manière d
1852 t qu’à celle du psychologue. Méthode qui paraîtra d’ autant plus opportune, appliquée à l’auteur de cette phrase : « Authen
1853 tra d’autant plus opportune, appliquée à l’auteur de cette phrase : « Authenticité, réalité, vérité, matière : autant de s
1854 « Authenticité, réalité, vérité, matière : autant de synonymes ou presque.42 » ⁂ « Qu’on n’aille pas chercher derrière les
1855 e ce qui se manifeste ; rien ne se manifeste hors d’ un mouvement. Et tout mouvement provient de la lumière qui crée les fo
1856 e hors d’un mouvement. Et tout mouvement provient de la lumière qui crée les formes en même temps que notre œil. « La véri
1857 errait. » Telle est la loi nouvelle et la réalité d’ une ère dominée par ce fait historique : l’Incarnation de la Parole. L
1858 re dominée par ce fait historique : l’Incarnation de la Parole. Les grands docteurs chrétiens l’ont su ; et Paracelse ; et
1859 « Si c’était vrai, ça se verrait »… Ainsi la clé de toute création est dans le visage de l’homme. Qu’un homme détienne un
1860 Ainsi la clé de toute création est dans le visage de l’homme. Qu’un homme détienne un pouvoir créateur, c’est-à-dire un po
1861 enne un pouvoir créateur, c’est-à-dire un pouvoir d’ incarnation, vous le lirez toujours sur les traits de sa face. (Encore
1862 ncarnation, vous le lirez toujours sur les traits de sa face. (Encore faut-il avoir des yeux pour voir. Encore faut-il en
1863 oir. Encore faut-il en croire ses yeux…) Il n’est d’ art que physionomique. Il n’est d’esprit que dans l’action qui saisit
1864 yeux…) Il n’est d’art que physionomique. Il n’est d’ esprit que dans l’action qui saisit une forme pour la transformer. L’e
1865 ns la cervelle. Ni dans le ciel. L’esprit n’a pas de siège. Il est passage, prise, saisissement. L’esprit se manifeste dan
1866 signifie à la fois visage, vision, et vue au sens d’ idée.) ⁂ Ouvrez un livre de Ramuz : les choses « viennent », le monde
1867 vision, et vue au sens d’idée.) ⁂ Ouvrez un livre de Ramuz : les choses « viennent », le monde « vient » (à nous), le ciel
1868 ent » : et on les voit venir ainsi à la rencontre d’ un regard qui les invente et les dénombre et les connaît dans leur sen
1869 les connaît dans leur sens primitif, dans le sens de la création qui tout entière advient à l’homme. Ainsi l’Adam d’avant
1870 qui tout entière advient à l’homme. Ainsi l’Adam d’ avant le Temps, d’avant la chute dans le Temps, vit « venir à lui » to
1871 advient à l’homme. Ainsi l’Adam d’avant le Temps, d’ avant la chute dans le Temps, vit « venir à lui » toutes les bêtes : e
1872 l’on veut saisir la genèse et l’ambition secrète de l’art de Ramuz. Un personnage de Ramuz, c’est d’abord une apparition,
1873 t saisir la genèse et l’ambition secrète de l’art de Ramuz. Un personnage de Ramuz, c’est d’abord une apparition, — une im
1874 ambition secrète de l’art de Ramuz. Un personnage de Ramuz, c’est d’abord une apparition, — une image venant à nous. « … o
1875 ls sont roses dans le ciel rose, avec des gouttes de rosée qui leur pendent à chaque poil et des souliers qui brillent. »
1876 rillent. » Il y en a dans presque tous les livres de Ramuz, de ces taupiers qui portent des bonnets de poil de lapin. On p
1877 Il y en a dans presque tous les livres de Ramuz, de ces taupiers qui portent des bonnets de poil de lapin. On pourrait s’
1878 de Ramuz, de ces taupiers qui portent des bonnets de poil de lapin. On pourrait s’amuser à recomposer le pays autour d’eux
1879 , de ces taupiers qui portent des bonnets de poil de lapin. On pourrait s’amuser à recomposer le pays autour d’eux44. Et l
1880 On pourrait s’amuser à recomposer le pays autour d’ eux44. Et l’on verrait alors que ces bonshommes ne sont point décrits
1881 alors que ces bonshommes ne sont point décrits «  de l’extérieur » — comme le voudrait certaine formule naturaliste — mais
1882 e, si l’homme est « authentique », est microcosme d’ un pays, d’un paysage et d’un ensemble de coutumes. Les rythmes du tem
1883 me est « authentique », est microcosme d’un pays, d’ un paysage et d’un ensemble de coutumes. Les rythmes du temps s’y insc
1884 ique », est microcosme d’un pays, d’un paysage et d’ un ensemble de coutumes. Les rythmes du temps s’y inscrivent aussi bie
1885 crocosme d’un pays, d’un paysage et d’un ensemble de coutumes. Les rythmes du temps s’y inscrivent aussi bien que l’allure
1886 inscrivent aussi bien que l’allure des pentes. «  D’ où cette démarche qu’ils ont, d’où encore la nécessité quelquefois de
1887 ure des pentes. « D’où cette démarche qu’ils ont, d’ où encore la nécessité quelquefois de refaire son pas, parce que la pe
1888 qu’ils ont, d’où encore la nécessité quelquefois de refaire son pas, parce que la pente vous porte en arrière, parce qu’o
1889 ame entre la vision et l’objet, entre la position de l’homme et la proposition du monde. C’est la région de la rencontre e
1890 homme et la proposition du monde. C’est la région de la rencontre et de la forme. Et non point de la forme toute faite, ca
1891 tion du monde. C’est la région de la rencontre et de la forme. Et non point de la forme toute faite, cadre imposé aux jeux
1892 gion de la rencontre et de la forme. Et non point de la forme toute faite, cadre imposé aux jeux d’une invention prévue, m
1893 nt de la forme toute faite, cadre imposé aux jeux d’ une invention prévue, mais de la forme en devenir, expressive du dedan
1894 adre imposé aux jeux d’une invention prévue, mais de la forme en devenir, expressive du dedans et du dehors en même temps,
1895 dedans et du dehors en même temps, dans le temps de leur lutte. Ici le spirituel devient tangible, le matériel lisible et
1896 mmes ici au lieu de l’incarnation des images — ou de la création imaginée. Il faut rendre à ce mot d’imagination son sens
1897 de la création imaginée. Il faut rendre à ce mot d’ imagination son sens fort : c’est la natura naturans. (Nous pourrons d
1898 é du concret chez un homme.) ⁂ « Car le phénomène de l’art est un phénomène d’incarnation (ce que l’école ne comprend pas)
1899 .) ⁂ « Car le phénomène de l’art est un phénomène d’ incarnation (ce que l’école ne comprend pas). » Toute l’esthétique de
1900 ue l’école ne comprend pas). » Toute l’esthétique de Ramuz me paraît centrée sur cette phrase. Son vocabulaire tout d’abor
1901 se. Son vocabulaire tout d’abord. Cette abondance de noms de choses ! Comment ne point penser à ce Livre de Job — dont Ram
1902 vocabulaire tout d’abord. Cette abondance de noms de choses ! Comment ne point penser à ce Livre de Job — dont Ramuz nous
1903 ms de choses ! Comment ne point penser à ce Livre de Job — dont Ramuz nous a retraduit quelques passages — où toute une th
1904 ment par des choses (s’agît-il du profond mystère de la liberté des humains en présence de « l’absurdité » du Tout-Puissan
1905 le moins « lyrique » et le plus matériel, parler d’ un ciel au bleu de lessive, plutôt que de l’azur du firmament, c’est,
1906 e » et le plus matériel, parler d’un ciel au bleu de lessive, plutôt que de l’azur du firmament, c’est, à vrai dire, le pa
1907 , parler d’un ciel au bleu de lessive, plutôt que de l’azur du firmament, c’est, à vrai dire, le parti pris de tout poète,
1908 r du firmament, c’est, à vrai dire, le parti pris de tout poète, au sens littéral de ce nom : mais c’est aussi ce qu’une c
1909 re, le parti pris de tout poète, au sens littéral de ce nom : mais c’est aussi ce qu’une certaine critique ne veut point p
1910 eut point pardonner à Ramuz. Un écrivain français de la tradition des classiques, comme ils le sont tous plus ou moins, pa
1911 ont tous plus ou moins, paraît toujours s’excuser de l’emploi qu’il fait, par occasion, d’un terme roturier, commun, non l
1912 s s’excuser de l’emploi qu’il fait, par occasion, d’ un terme roturier, commun, non littéraire. Ramuz, c’est le contraire :
1913 tôt : — « comme ils disent ». Il ne manque jamais de s’excuser des mots abstraits, des termes nobles auxquels il faut bien
1914 raits sont nécessaires à une certaine circulation d’ idées qui « représentent » les choses et le concret, comme les billets
1915 t le concret, comme les billets représentent l’or de la réserve. Le mot n’est rien qu’un droit aux choses. Mais s’il n’y a
1916 rien qu’un droit aux choses. Mais s’il n’y a plus de choses, c’est une tromperie. C’est pourquoi nos journaux contiennent
1917 nt tant de mensonges, surtout lorsqu’ils essaient de dire la vérité. Contre cette inflation nominaliste, il n’est pas de d
1918 Contre cette inflation nominaliste, il n’est pas de défense plus sûre que le recours à l’étymologie. Car le sens étymolog
1919 étymologique, c’est toujours revenir au phénomène de l’incarnation, c’est retrouver la langue à cet état naissant dont la
1920 naissant dont la chimie nous dit qu’il est l’état de virulence extrême des corps. Les journalistes ont décontenancé le lan
1921 urnalistes ont décontenancé le langage des hommes de ce temps, et par là même, ils nous démoralisent plus sûrement que ne
1922 ion du genre humain consisterait en une éducation de son langage. Un tribunal muni des pleins pouvoirs, institué pour juge
1923 des pleins pouvoirs, institué pour juger des cas de langage délictueux, inactuel, erroné ou inutilement abstrait, ferait
1924 bien meilleur travail — il faudrait qu’il donnât de fortes peines ! — qu’une cour d’assises occupée à juger des meurtres
1925 ait qu’il donnât de fortes peines ! — qu’une cour d’ assises occupée à juger des meurtres dont le vol est le mobile. Je dis
1926 l porterait l’attention des hommes sur le concret de l’existence, les détournant de ce fameux « pratique » dont ils s’occu
1927 mes sur le concret de l’existence, les détournant de ce fameux « pratique » dont ils s’occupent si mal, et de plus en plus
1928 ens au crime en les hypnotisant sur la possession de l’argent et les bienfaits qui en découlent.) Si j’étais dictateur, je
1929 i j’étais dictateur, je nommerais Ramuz président de ce tribunal. Et nous aurions enfin un langage « châtié », comme on di
1930 oût (c’est-à-dire des poncifs imposés par la cour de Louis XIV). ⁂ La même volonté d’incarnation se manifeste dans l’allur
1931 osés par la cour de Louis XIV). ⁂ La même volonté d’ incarnation se manifeste dans l’allure de la phrase chez Ramuz. On a p
1932 volonté d’incarnation se manifeste dans l’allure de la phrase chez Ramuz. On a pu croire qu’il n’avait pas le sens du ryt
1933 mis dans la tête. Presque toutes les singularités de son style s’expliquent par cette seule intention, de concentrer notre
1934 son style s’expliquent par cette seule intention, de concentrer notre vision sur l’objet brut, le sentiment élémentaire. A
1935 , le sentiment élémentaire. Ainsi les changements de temps à l’intérieur d’une même phrase. Je ne crois pas qu’il soit pos
1936 ire. Ainsi les changements de temps à l’intérieur d’ une même phrase. Je ne crois pas qu’il soit possible de les ramener à
1937 même phrase. Je ne crois pas qu’il soit possible de les ramener à une loi, ni même à un usage régulier ; ou plutôt ils n’
1938 ême à un usage régulier ; ou plutôt ils n’ont pas d’ autre loi que cette volonté de plier l’attention aux phases d’un geste
1939 lutôt ils n’ont pas d’autre loi que cette volonté de plier l’attention aux phases d’un geste, d’une action ou d’une pensée
1940 que cette volonté de plier l’attention aux phases d’ un geste, d’une action ou d’une pensée. ⁂ Il reste la fameuse psycholo
1941 lonté de plier l’attention aux phases d’un geste, d’ une action ou d’une pensée. ⁂ Il reste la fameuse psychologie des pers
1942 ’attention aux phases d’un geste, d’une action ou d’ une pensée. ⁂ Il reste la fameuse psychologie des personnages. Que peu
1943 rien connaître hors de la forme ? La psychologie d’ école, qui domina et qui domine encore tous les romans à la Bourget, c
1944 r par convention, presque par accident, une série d’ attitudes et de causes « morales » à une série parallèle d’attitudes e
1945 n, presque par accident, une série d’attitudes et de causes « morales » à une série parallèle d’attitudes et de faits visi
1946 es et de causes « morales » à une série parallèle d’ attitudes et de faits visibles ; l’accent étant porté sur la causalité
1947 « morales » à une série parallèle d’attitudes et de faits visibles ; l’accent étant porté sur la causalité, et les faits
1948 lité, et les faits se réduisant peu à peu au rôle de simples vérifications d’une algèbre conventionnelle. À mesure que cet
1949 uisant peu à peu au rôle de simples vérifications d’ une algèbre conventionnelle. À mesure que cette psychologie s’assure d
1950 À mesure que cette psychologie s’assure davantage de ses lois, elle tend à les substituer à l’imagination concrète du réel
1951 ts se raréfient : anecdotes ou exemples à l’appui d’ une laborieuse et schématique reconstruction des âmes. Il est entendu
1952 dans la catégorie du roman policier : il n’a pas de psychologie. Et la critique parle beaucoup de subjectivité et d’objec
1953 Et la critique parle beaucoup de subjectivité et d’ objectivité. Dans le monde de Ramuz, ces deux mots n’ont plus aucun se
1954 p de subjectivité et d’objectivité. Dans le monde de Ramuz, ces deux mots n’ont plus aucun sens. Une forme donnée n’a pas
1955 iques à d’autres formes. Et c’est encore l’office de l’imagination c’est-à-dire de l’activité qui préside à la formation d
1956 est encore l’office de l’imagination c’est-à-dire de l’activité qui préside à la formation du réel. Ici plus de concepts,
1957 vité qui préside à la formation du réel. Ici plus de concepts, plus d’idées générales. Tout est images et complexes d’imag
1958 la formation du réel. Ici plus de concepts, plus d’ idées générales. Tout est images et complexes d’images. Tout est mythe
1959 s d’idées générales. Tout est images et complexes d’ images. Tout est mythes 45. ⁂ Ainsi la mythologie, chez Ramuz, déloge
1960 aite des psychologues. Et l’on découvre à chacune de ses œuvres une signification mythologique. C’est en général l’irrupti
1961 cation mythologique. C’est en général l’irruption d’ une forme d’imagination nouvelle dans un village ou une contrée, plus
1962 logique. C’est en général l’irruption d’une forme d’ imagination nouvelle dans un village ou une contrée, plus rarement che
1963 ent chez un individu, qui constitue le vrai sujet de ses romans. Passage du Poète — ou du diable (dans le Règne de l’espri
1964 s. Passage du Poète — ou du diable (dans le Règne de l’esprit malin), entrée du cinéma (l’Amour du Monde), approche de la
1965 n), entrée du cinéma (l’Amour du Monde), approche de la fin du monde (Présence de la Mort, Les Signes parmi nous), mythe d
1966 du Monde), approche de la fin du monde (Présence de la Mort, Les Signes parmi nous), mythe de l’or (Farinet), mythe du gé
1967 résence de la Mort, Les Signes parmi nous), mythe de l’or (Farinet), mythe du génie racial, mythe de la rédemption par la
1968 e de l’or (Farinet), mythe du génie racial, mythe de la rédemption par la souffrance (La Guérison des Maladies), etc. Et l
1969 Guérison des Maladies), etc. Et le roman n’a pas d’ autre mouvement que le mouvement même des images propagées par l’appar
1970 d’une communauté. Le bourgeois reste justiciable de la seule psychologie, en tant qu’on peut le définir par le divorce de
1971 gie, en tant qu’on peut le définir par le divorce de ses idées et de ses actes. D’où naît une certaine littérature d’intri
1972 on peut le définir par le divorce de ses idées et de ses actes. D’où naît une certaine littérature d’intrigues pour laquel
1973 inir par le divorce de ses idées et de ses actes. D’ où naît une certaine littérature d’intrigues pour laquelle il est clai
1974 de ses actes. D’où naît une certaine littérature d’ intrigues pour laquelle il est clair que Ramuz n’est pas doué. La form
1975 ué. La forme même que revêt chez Ramuz la faculté d’ imaginer et de penser dans l’ordre de l’incarnation, devait le conduir
1976 ême que revêt chez Ramuz la faculté d’imaginer et de penser dans l’ordre de l’incarnation, devait le conduire à créer un m
1977 z la faculté d’imaginer et de penser dans l’ordre de l’incarnation, devait le conduire à créer un milieu où tout « être »
1978 a, non sans comique, loué cet « artiste raffiné » d’ avoir su se « ravaler au niveau des simples ». Non, Ramuz ne descend p
1979 on art vient de plus bas, des origines créatrices de sa race. Il a cette lenteur qu’impose la nature du pays. Il participe
1980 lenteur qu’impose la nature du pays. Il participe de cette lourdeur originelle et unanime d’un peuple en communion avec le
1981 participe de cette lourdeur originelle et unanime d’ un peuple en communion avec les éléments. Ce n’est point là un art « d
1982 près le peuple », mais on dirait plus justement : d’ avant. Un art qui vient du fonds mythologique de la race. (Si Ramuz pa
1983 : d’avant. Un art qui vient du fonds mythologique de la race. (Si Ramuz par exemple nous parle d’une Antiquité, il faut en
1984 ique de la race. (Si Ramuz par exemple nous parle d’ une Antiquité, il faut entendre qu’il s’agit de celle du pays de Vaud 
1985 le d’une Antiquité, il faut entendre qu’il s’agit de celle du pays de Vaud : non pas la grecque, qui est scolaire — pour e
1986 é, il faut entendre qu’il s’agit de celle du pays de Vaud : non pas la grecque, qui est scolaire — pour eux — mais la bibl
1987 ans la terre qu’ils travaillent. Tous participent de l’incarnation du mythe. ⁂ Voyez Les Signes parmi nous. Dans la simpli
1988 ⁂ Voyez Les Signes parmi nous. Dans la simplicité de son sujet, ce récit réalise d’une manière exemplaire l’accord des élé
1989 Dans la simplicité de son sujet, ce récit réalise d’ une manière exemplaire l’accord des éléments dont se nourrit l’art de
1990 laire l’accord des éléments dont se nourrit l’art de Ramuz. Voici Caille, le colporteur biblique, qui s’avance dès le mati
1991 pays, et offre à tous la Parole « ayant l’aspect d’ une brochure à couverture bleue » où les événements actuels — cela se
1992 où les événements actuels — cela se passe un jour d’ été de 1918 — sont expliqués à la lumière des Écritures. La Fin des te
1993 événements actuels — cela se passe un jour d’été de 1918 — sont expliqués à la lumière des Écritures. La Fin des temps es
1994 faut en témoigner. Caille pénètre dans les cours de ferme, dans les cafés. À tous il tend la Parole « morte aux pages » ;
1995 la journée, et l’angoisse grandit autour de lui. De partout l’orage s’amasse. Vers le soir il éclate tragiquement. Est-ce
1996 éclate tragiquement. Est-ce la Fin ? Grande heure de terreur et de prière… Puis, « la page du ciel a été tournée », ils se
1997 ement. Est-ce la Fin ? Grande heure de terreur et de prière… Puis, « la page du ciel a été tournée », ils se relèvent : « 
1998 Le monde renaît dans une soirée pure et le baiser d’ un couple heureux. Rarement la forme authentique de Ramuz atteignit un
1999 ’un couple heureux. Rarement la forme authentique de Ramuz atteignit une autorité comparable à celle qui éclate dans cet o
2000 end les choses à l’état naissant, rugueux, décapé de toute rhétorique47 et de toute explication intellectuelle, atteignant
2001 aissant, rugueux, décapé de toute rhétorique47 et de toute explication intellectuelle, atteignant par là une unité de styl
2002 ation intellectuelle, atteignant par là une unité de style tellement têtue qu’elle évoque peu à peu on ne sait quelle puis
2003 terférences du récit, surimpressions, changements de temps, sont ici largement mis en œuvre ; mais avec une probité partic
2004 sion par exemple n’est jamais pour Ramuz un moyen de créer du mystère en brouillant les plans du réel, mais un moyen de re
2005 re en brouillant les plans du réel, mais un moyen de rendre plus totale la vision. Tout, par ailleurs, indique chez Ramuz
2006 Tout, par ailleurs, indique chez Ramuz la volonté de ne pas faire prendre une chose pour une autre, ni certain aspect conv
2007 e chose pour une autre, ni certain aspect convenu de la chose pour toute la chose. C’est pourquoi il s’attarde à décrire l
2008 C’est pourquoi il s’attarde à décrire le concret d’ une façon concrète ; ainsi le maniement d’un outil. D’où le reproche d
2009 concret d’une façon concrète ; ainsi le maniement d’ un outil. D’où le reproche de puérilité que lui adressent ceux qui par
2010 e façon concrète ; ainsi le maniement d’un outil. D’ où le reproche de puérilité que lui adressent ceux qui par exemple n’h
2011 ; ainsi le maniement d’un outil. D’où le reproche de puérilité que lui adressent ceux qui par exemple n’hésitent pas à pre
2012 le n’hésitent pas à prendre au sérieux l’intrigue d’ un roman bourgeois. On s’est trop arrêté à l’insolite du style chez Ra
2013 rêté à l’insolite du style chez Ramuz. Ce qu’il a d’ insolite, ce n’est pas tant sa forme que les vertus qu’elle suppose :
2014 elle suppose : la sobriété, la solidité, le refus de l’ironie, la bonhomie sérieuse, l’absence de toute complaisance à soi
2015 efus de l’ironie, la bonhomie sérieuse, l’absence de toute complaisance à soi, le « dévouement à l’objet ». Certes, je voi
2016 vouement à l’objet ». Certes, je vois les défauts de cette forme, et le poncif qu’elle peut instituer ; ces détails parfoi
2017 és. Mais l’important, je pense, c’est qu’une page de Ramuz — même pas très réussie, et il y en a, il faut le dire, qui ont
2018 n a, il faut le dire, qui ont un air raté, un air de pastiche de Ramuz —, c’est qu’une seule page de ce livre lue avec cet
2019 le dire, qui ont un air raté, un air de pastiche de Ramuz —, c’est qu’une seule page de ce livre lue avec cette lenteur q
2020 r de pastiche de Ramuz —, c’est qu’une seule page de ce livre lue avec cette lenteur qu’elle impose, nous replace dans la
2021 on grande et efficace des gestes les plus simples de la vie. 2. Formule d’une personne « Leur poésie ne commence pas
2022 gestes les plus simples de la vie. 2. Formule d’ une personne « Leur poésie ne commence pas pour eux avec le commenc
2023 sie ne commence pas pour eux avec le commencement de leur personne ; elle ne commence à vrai dire que là où leur personne
2024 sible avec l’objet ; elle est dans la suppression de tout contact avec l’objet. » Ainsi parle Ramuz des faux poètes, des n
2025 s Six Cahiers le « négatif », admirablement pris, d’ un portrait de Ramuz, dont il est bien facile de tirer une épreuve pos
2026 le « négatif », admirablement pris, d’un portrait de Ramuz, dont il est bien facile de tirer une épreuve positive : « Sa p
2027 , d’un portrait de Ramuz, dont il est bien facile de tirer une épreuve positive : « Sa poésie commence avec le commencemen
2028 itive : « Sa poésie commence avec le commencement de sa personne ; elle prend fin là où commence, pour lui, l’impersonnel.
2029 du contact avec l’objet. » Mais on peut dire cela de Goethe aussi ? Et de bien d’autres réalistes de la forme ? — De Goeth
2030 et. » Mais on peut dire cela de Goethe aussi ? Et de bien d’autres réalistes de la forme ? — De Goethe surtout. Il y a pou
2031 a de Goethe aussi ? Et de bien d’autres réalistes de la forme ? — De Goethe surtout. Il y a pourtant cette différence capi
2032 i ? Et de bien d’autres réalistes de la forme ? —  De Goethe surtout. Il y a pourtant cette différence capitale que chez Go
2033 ues par l’estampe. Il lui faut les intermédiaires de la culture, les assurances d’une noblesse entérinée, tout un système
2034 les intermédiaires de la culture, les assurances d’ une noblesse entérinée, tout un système délicat de conventions et de p
2035 d’une noblesse entérinée, tout un système délicat de conventions et de prudences… Ramuz commence là où tous les intermédia
2036 érinée, tout un système délicat de conventions et de prudences… Ramuz commence là où tous les intermédiaires sont supprimé
2037 the cherche une économie des moyens, qui permette d’ aller au-delà de ce que la civilisation lui donne de plus achevé. Le m
2038 économie des moyens, qui permette d’aller au-delà de ce que la civilisation lui donne de plus achevé. Le mouvement de Ramu
2039 vilisation lui donne de plus achevé. Le mouvement de Ramuz paraît inverse : par la ligne de plus grande résistance, il fai
2040 ent un Goethe et un Ramuz déterminent deux formes d’ expérience apparemment incomparables. Tout l’appareil de la culture le
2041 rience apparemment incomparables. Tout l’appareil de la culture les sépare. Mais il ne faut pas oublier que la culture de
2042 épare. Mais il ne faut pas oublier que la culture de notre temps n’est plus du tout ce qu’elle était au temps de Goethe. P
2043 e, dès lors que cette fin n’est plus la plénitude de l’humain. Il se peut que l’effort réactionnaire de Ramuz, dans les co
2044 e l’humain. Il se peut que l’effort réactionnaire de Ramuz, dans les contingences où nous sommes, soit, plus qu’il n’y par
2045 uz ait fait, pour la culture, en se donnant l’air de l’attaquer, plus que ne font les défenseurs d’une intelligence sans p
2046 ir de l’attaquer, plus que ne font les défenseurs d’ une intelligence sans prises, d’une pensée sans risques, et d’un art s
2047 nt les défenseurs d’une intelligence sans prises, d’ une pensée sans risques, et d’un art sans pitié. ⁂ Ramuz en veut à l’é
2048 igence sans prises, d’une pensée sans risques, et d’ un art sans pitié. ⁂ Ramuz en veut à l’école, aux journaux, au langage
2049 école, aux journaux, au langage noble, aux objets de vitrine, à la poésie poétique, à nos formes habituées. Il prétend qu’
2050 it souvent le plus brutal des tintamarres, fait «  d’ un bruit de vitres cassées, de grincements pareils à ceux d’un clou su
2051 le plus brutal des tintamarres, fait « d’un bruit de vitres cassées, de grincements pareils à ceux d’un clou sur un caillo
2052 tintamarres, fait « d’un bruit de vitres cassées, de grincements pareils à ceux d’un clou sur un caillou, d’un mélange de
2053 de vitres cassées, de grincements pareils à ceux d’ un clou sur un caillou, d’un mélange de toux sèches ou rauques et de c
2054 ncements pareils à ceux d’un clou sur un caillou, d’ un mélange de toux sèches ou rauques et de coups de pioche ou de marte
2055 ils à ceux d’un clou sur un caillou, d’un mélange de toux sèches ou rauques et de coups de pioche ou de marteau ». Les gla
2056 aillou, d’un mélange de toux sèches ou rauques et de coups de pioche ou de marteau ». Les glaciers ne sont pas « sublimes 
2057 ’un mélange de toux sèches ou rauques et de coups de pioche ou de marteau ». Les glaciers ne sont pas « sublimes » comme o
2058 e toux sèches ou rauques et de coups de pioche ou de marteau ». Les glaciers ne sont pas « sublimes » comme on chante dans
2059 on chante dans les écoles suisses. Et il est faux de « chanter » la montagne : les montagnards l’appellent « le mauvais pa
2060 l’appellent « le mauvais pays ». ⁂ On a vite fait d’ expliquer cette esthétique de l’objet brut par une mauvaise humeur d’a
2061  ». ⁂ On a vite fait d’expliquer cette esthétique de l’objet brut par une mauvaise humeur d’artiste en réaction contre l’a
2062 sthétique de l’objet brut par une mauvaise humeur d’ artiste en réaction contre l’académisme. Si puissantes que soient les
2063 ne réaction créatrice. Et ce n’est point en haine de la facilité qu’un homme recherchera jamais l’effort ; mais par goût d
2064 homme recherchera jamais l’effort ; mais par goût de l’effort. Si Ramuz tend à rejeter tous les intermédiaires culturels,
2065 il critique le machinisme, s’il raille le confort de ses concitoyens, leurs assurances, leur hygiène proprette, leur idéal
2066 e contact avec la matière résistante et ce risque de l’homme créateur de sa forme. Si Ramuz n’aime pas les machines, s’il
2067 tière résistante et ce risque de l’homme créateur de sa forme. Si Ramuz n’aime pas les machines, s’il refuse l’économie d’
2068 z n’aime pas les machines, s’il refuse l’économie d’ efforts qu’elles représentent, c’est que l’effort même, pour lui, gara
2069 lui, garantit la réalité. L’effort est le concret de l’homme49. Saisir les choses et les êtres, tels qu’ils sont et tels q
2070 nt, dégradés, désunis, informes ; et par l’effort d’ une imagination qui retrouve leur raison d’être, les pousser jusqu’à l
2071 effort d’une imagination qui retrouve leur raison d’ être, les pousser jusqu’à l’expression de leur nature primitive, produ
2072 r raison d’être, les pousser jusqu’à l’expression de leur nature primitive, produire au jour leur forme restaurée, — c’est
2073 leur forme restaurée, — c’est le mouvement unique de l’œuvre de Ramuz, et la définition de sa personne en exercice. « Je n
2074 restaurée, — c’est le mouvement unique de l’œuvre de Ramuz, et la définition de sa personne en exercice. « Je ne distingue
2075 ment unique de l’œuvre de Ramuz, et la définition de sa personne en exercice. « Je ne distingue l’être qu’aux racines de l
2076 exercice. « Je ne distingue l’être qu’aux racines de l’élémentaire. » Parce que le critère du réel, c’est l’effort ; parce
2077 main là où les choses et les êtres attendent tout de son pouvoir restaurateur : leur nom, leur nombre et leur emploi. Parc
2078 om, leur nombre et leur emploi. Parce que le sens de tout acte humain, pour autant qu’il est créateur, c’est le retour au
2079 e page des Souvenirs sur Stravinsky qui me paraît d’ une importance extrême, non seulement parce qu’elle est la plus clairv
2080 n œuvre, une perspective qui est, je crois, celle de la plénitude de cette œuvre. Par-delà tous les pays, il y a peut-êtr
2081 spective qui est, je crois, celle de la plénitude de cette œuvre. Par-delà tous les pays, il y a peut-être le Pays (perdu
2082 un instant à l’homme des commencements, à l’homme d’ avant la malédiction, d’avant la grande première bifurcation dont chac
2083 commencements, à l’homme d’avant la malédiction, d’ avant la grande première bifurcation dont chacun des embranchements a
2084 rcation nouvelle, et celle-ci une autre, et ainsi de suite à l’infini, de sorte que pour finir on est chacun tout seul sur
2085 finir on est chacun tout seul sur son petit bout de sentier. Et il y a aussi cette malédiction, où on sent bien qu’on est
2086 out travail difficile, tout travail, toute espèce de travail se fait d’abord contre nous-mêmes et contre Quelqu’un, tout t
2087 tion), jusqu’à ce que tout à coup, par une espèce de renversement, la bénédiction intervienne, tout à coup il y ait cette
2088 ration avec Quelqu’un, il y ait cette possibilité de retour, ce retour, ce « retrouvement »… ⁂ Sobriété, assobrissement f
2089 été, assobrissement faudrait-il dire50, éducation de la vision par l’acte. Instauration de la personne dans la tension ent
2090 , éducation de la vision par l’acte. Instauration de la personne dans la tension entre l’objet et la volonté formatrice. R
2091 matrice. Rédemption par l’effort créateur… Autant de formules d’un art dont la genèse se confond avec celle de la personne
2092 emption par l’effort créateur… Autant de formules d’ un art dont la genèse se confond avec celle de la personne. Dans un es
2093 les d’un art dont la genèse se confond avec celle de la personne. Dans un essai où je crois distinguer l’aveu de soi le pl
2094 onne. Dans un essai où je crois distinguer l’aveu de soi le plus direct qu’ait jamais consenti Ramuz (c’est Une Main) je l
2095 Mais à sa seule leçon, à l’équation fondamentale de sa vie, non point certes aux contingences et au décor de son appariti
2096 ie, non point certes aux contingences et au décor de son apparition. Aussi bien la suite du passage nous ramène au niveau
2097 comme par exemple une maison trop grande, un feu de bois vert qu’on s’ingénie à allumer dans une cheminée qui tire mal. J
2098 que je suis à la mienne. » ⁂ Je vois, j’ai tenté de faire voir comment Ramuz existe à sa façon. Je vois que son pouvoir e
2099 blige à être présent »). Je vois ce grand exemple d’ une volonté tendue vers l’origine d’où procèdent à la fois les lois d’
2100 grand exemple d’une volonté tendue vers l’origine d’ où procèdent à la fois les lois d’un art, la coutume d’un peuple, et l
2101 vers l’origine d’où procèdent à la fois les lois d’ un art, la coutume d’un peuple, et l’authentique raison d’être, l’iden
2102 procèdent à la fois les lois d’un art, la coutume d’ un peuple, et l’authentique raison d’être, l’identité d’une personne e
2103 , la coutume d’un peuple, et l’authentique raison d’ être, l’identité d’une personne en communion, je vois, j’apprends, j’e
2104 euple, et l’authentique raison d’être, l’identité d’ une personne en communion, je vois, j’apprends, j’entends la voix d’un
2105 communion, je vois, j’apprends, j’entends la voix d’ un homme. N’est-ce pas assez ? Cette voix n’est-elle pas émouvante ? —
2106 le pas émouvante ? — Oui, c’est beaucoup, la voix d’ un homme. C’est assez rare dans la littérature. Qui voudrait exiger da
2107 ici le temps où tout homme se voit mis en demeure de déclarer ses origines et ses fins. Voici le temps où l’homme est atta
2108 ne vérité qu’il faudrait dire. Maintenant il y va de notre tout. La question dernière est posée : celle de notre destinati
2109 otre tout. La question dernière est posée : celle de notre destination. Le silence perd alors son pouvoir ; mais la parole
2110 la parole n’appartient plus à l’homme. Au comble de nous-mêmes, il s’agit d’autre chose que de nous. « Tout notre embrass
2111 lus à l’homme. Au comble de nous-mêmes, il s’agit d’ autre chose que de nous. « Tout notre embrassement n’est qu’une questi
2112 comble de nous-mêmes, il s’agit d’autre chose que de nous. « Tout notre embrassement n’est qu’une question51 ». Mais une q
2113 présence au monde et à soi-même, — l’originalité de l’homme « radical ». Ramuz l’a fait plus qu’aucun de nos maîtres. De
2114 l’homme « radical ». Ramuz l’a fait plus qu’aucun de nos maîtres. De lui donc, plus que d’aucun autre, nous attendons qu’i
2115 l ». Ramuz l’a fait plus qu’aucun de nos maîtres. De lui donc, plus que d’aucun autre, nous attendons qu’il aille jusqu’au
2116 us qu’aucun de nos maîtres. De lui donc, plus que d’ aucun autre, nous attendons qu’il aille jusqu’au terme. Le fondement d
2117 qu’il aille jusqu’au terme. Le fondement dernier de la personne est témoignage. Témoigner, c’est peut-être risquer en dép
2118 gner, c’est peut-être risquer en dépit de tout et de soi, ce qu’aucune sagesse n’a jamais justifié… 42. Le Grand Print
2119 me abstrait, insista puissamment sur la nécessité de « faire la volonté de Dieu », au lieu de se contenter de la dire. Mai
2120 uissamment sur la nécessité de « faire la volonté de Dieu », au lieu de se contenter de la dire. Mais le kantisme a dévié
2121 ire la volonté de Dieu », au lieu de se contenter de la dire. Mais le kantisme a dévié ce mouvement, détournant l’attentio
2122 isme a dévié ce mouvement, détournant l’attention de l’acte — car tout acte est particulier — pour la porter sur l’intenti
2123 ût-il même un silence, laisse une trace au visage de l’homme, modifie sa forme existante. « La figure a été faite sur la v
2124 l’a fait dans Six Cahiers. 45. Est-il nécessaire d’ indiquer que rien n’est plus réel qu’un mythe ? Il a fallu les ténèbre
2125 e siècle pour que l’on prît ce mot pour synonyme de mensonge, qui n’est qu’un sens dérivé, purement polémique, dirigé con
2126 l’abri du fisc. Ce qui est plus difficile, c’est d’ expliquer rationnellement une telle conduite. C’est alors que le psych
2127 st alors que le psychologue entre en action. 47. De tout bel canto peut-on dire. C’est le ton de la musique de Stravinsky
2128 47. De tout bel canto peut-on dire. C’est le ton de la musique de Stravinsky, du Sacre et des Noces. Le ton de la créatio
2129 el canto peut-on dire. C’est le ton de la musique de Stravinsky, du Sacre et des Noces. Le ton de la création du monde. 4
2130 ique de Stravinsky, du Sacre et des Noces. Le ton de la création du monde. 48. Il dit des personnages de ses romans : « J
2131 la création du monde. 48. Il dit des personnages de ses romans : « Je ne les aime pas en tant que “primitifs” comme on se
2132 tendu, qu’il implique une création, qu’il résulte d’ une mise en présence effective de l’homme et de ce qui résiste à l’hom
2133 n, qu’il résulte d’une mise en présence effective de l’homme et de ce qui résiste à l’homme. C’est le contraire de l’activ
2134 te d’une mise en présence effective de l’homme et de ce qui résiste à l’homme. C’est le contraire de l’activisme au sens a
2135 t de ce qui résiste à l’homme. C’est le contraire de l’activisme au sens américain, qui cherche partout la ligne de plus g
2136 par Ramuz dans Six Cahiers. t. Rougemont Denis de , « Vues sur C. F. Ramuz », Esprit, Paris, mai 1936, p. 154-168. u. U
2137 6, p. 154-168. u. Une note précise : « Fragments d’ une étude à paraître dans un recueil intitulé Les Personnes du Drame
19 1936, Esprit, articles (1932–1962). Culture et commune mesure (novembre 1936)
2138 u’on critique les fondements doctrinaux du régime de l’URSS l’on s’attire d’ordinaire les reproches de tout un groupe d’in
2139 ents doctrinaux du régime de l’URSS l’on s’attire d’ ordinaire les reproches de tout un groupe d’intellectuels bourgeois qu
2140 de l’URSS l’on s’attire d’ordinaire les reproches de tout un groupe d’intellectuels bourgeois qui sympathisent avec la jeu
2141 ttire d’ordinaire les reproches de tout un groupe d’ intellectuels bourgeois qui sympathisent avec la jeune révolution. Ang
2142 ’euphorie juvénile qui paraît bien s’être emparée d’ une partie du peuple russe ; assez ignorants au surplus des théories d
2143 e russe ; assez ignorants au surplus des théories de Marx et de Lénine, ces intellectuels estiment injuste et ridicule de
2144 ssez ignorants au surplus des théories de Marx et de Lénine, ces intellectuels estiment injuste et ridicule de reprocher a
2145 e, ces intellectuels estiment injuste et ridicule de reprocher au régime des Soviets certaines erreurs d’ordre métaphysiqu
2146 reprocher au régime des Soviets certaines erreurs d’ ordre métaphysique, qui leur paraissent sans gravité pratique. (Nous a
2147 souvent sur quelle notion bourgeoise et libérale de l’esprit se fonde une pareille indulgence.) L’important, à leurs yeux
2148 n ici ne peut donner l’idée ; mais c’est aussi et d’ une manière fort imprévue, la renaissance d’un certain humanisme, d’un
2149 si et d’une manière fort imprévue, la renaissance d’ un certain humanisme, d’un certain orgueil humaniste, d’une certaine i
2150 imprévue, la renaissance d’un certain humanisme, d’ un certain orgueil humaniste, d’une certaine insolence joyeuse à nier
2151 ertain humanisme, d’un certain orgueil humaniste, d’ une certaine insolence joyeuse à nier les valeurs transcendantes, d’un
2152 olence joyeuse à nier les valeurs transcendantes, d’ une certaine âpreté rationaliste qui rappelle les solides vertus de la
2153 reté rationaliste qui rappelle les solides vertus de la bourgeoisie conquérante. Ce n’est point par hasard que ces amis de
2154 nquérante. Ce n’est point par hasard que ces amis de l’URSS citent souvent Diderot, Helvétius et Voltaire, à l’appui de le
2155 évolution russe a eu ce résultat au moins curieux de rendre à certains clercs bourgeois, honteux de l’être, l’orgueil de l
2156 ux de rendre à certains clercs bourgeois, honteux de l’être, l’orgueil de leurs origines culturelles, la bonne conscience
2157 ns clercs bourgeois, honteux de l’être, l’orgueil de leurs origines culturelles, la bonne conscience « bourgeoise » au sen
2158 vait été un peu plus loin ! Et l’on s’interdirait de rien comprendre à l’évolution nécessaire de la culture soviétique si
2159 irait de rien comprendre à l’évolution nécessaire de la culture soviétique si l’on se refusait à l’examen critique des doc
2160 ient actuellement plus importantes et plus dignes de nous retenir que l’élan titanique du Troisième Plan. Je comprends trè
2161 urs, ceux-ci reviennent persuadés que la critique d’ un clerc y perd ses droits et n’est plus à l’échelle du phénomène… Rai
2162 lle du phénomène… Raison de plus, chance de plus, d’ essayer d’élargir cette critique, et notre idée de la culture s’il le
2163 nomène… Raison de plus, chance de plus, d’essayer d’ élargir cette critique, et notre idée de la culture s’il le faut. Quan
2164 d’essayer d’élargir cette critique, et notre idée de la culture s’il le faut. Quand l’esprit « perd ses droits », c’est à
2165 Quand l’esprit « perd ses droits », c’est à nous de les lui rendre. ⁂ Poussé par les nécessités de la polémique antispiri
2166 us de les lui rendre. ⁂ Poussé par les nécessités de la polémique antispiritualiste52, Marx avait affirmé que la culture n
2167 rien qu’un « reflet » du processus économique, et de la lutte des classes qui en résulte. De là sa théorie de la culture c
2168 mique, et de la lutte des classes qui en résulte. De là sa théorie de la culture considérée comme une simple superstructur
2169 utte des classes qui en résulte. De là sa théorie de la culture considérée comme une simple superstructure du dynamisme ma
2170 te théorie, étroitement respectée dans les débuts de l’URSS. Trotski fut le premier à s’en apercevoir : on l’exila, quitte
2171 a, quitte à suivre bientôt les conseils qualifiés de « réactionnaires » qu’il avait eu le courage de donner. Ainsi se term
2172 s de « réactionnaires » qu’il avait eu le courage de donner. Ainsi se termina, en principe du moins, l’épisode du Proletku
2173 du moins, l’épisode du Proletkult, autrement dit de la culture prolétarienne, censée naître automatiquement, et comme un
2174 e automatiquement, et comme un produit accessoire de la dictature économique des prolétaires. Au début, on avait représen
2175 it représenté les masses comme la force impulsive de l’évolution politique ; on reconnut alors peu à peu que la révolution
2176 s peu à peu que la révolution est au fond l’œuvre d’ une minorité, que le gouvernement du prolétariat est au fond un gouver
2177 gouvernement pour le prolétariat… Dans la théorie de la culture, l’idée d’avant-garde supplanta, elle aussi, sous la press
2178 rolétariat… Dans la théorie de la culture, l’idée d’ avant-garde supplanta, elle aussi, sous la pression de la réalité, l’i
2179 ant-garde supplanta, elle aussi, sous la pression de la réalité, l’idée de masse. La culture soi-disant prolétarienne se r
2180 lle aussi, sous la pression de la réalité, l’idée de masse. La culture soi-disant prolétarienne se révéla finalement ce qu
2181 dès le début : culture socialiste, configuration d’ une Idée par des hommes qui y croient, et qui, à cause de cette foi, v
2182 riat.53 C’était en somme introduire la tactique de Lénine dans le plan culturel. C’était substituer aux lois mythiques l
2183 is mythiques les hommes réels, les petits groupes d’ hommes qui font la loi. C’était substituer au dogme de la toute-puissa
2184 mmes qui font la loi. C’était substituer au dogme de la toute-puissance des faits économiques, la croyance au pouvoir créa
2185 aits économiques, la croyance au pouvoir créateur d’ une élite guidant les masses. Et cette évolution s’est trouvée confirm
2186 n s’est trouvée confirmée par les récents congrès d’ écrivains soviétiques ou favorables aux Soviets. De toutes les confusi
2187 ’écrivains soviétiques ou favorables aux Soviets. De toutes les confusions sentimentales ou idéologiques, généreuses ou cy
2188 taires ou touchantes qui passionnèrent les débats de ces congrès, il se dégage une seule conclusion claire, à vrai dire de
2189 e dégage une seule conclusion claire, à vrai dire de première importance : Le rapport de la lutte des classes au mouveme
2190 à vrai dire de première importance : Le rapport de la lutte des classes au mouvement culturel n’obéit pas à la loi de ca
2191 lasses au mouvement culturel n’obéit pas à la loi de cause à effet. Leur unité n’est pas quelque chose de donné, mais quel
2192 cause à effet. Leur unité n’est pas quelque chose de donné, mais quelque chose qu’il faut créer, quelque chose qu’il faut
2193 s deux tâches, lutte des classes et configuration de la vie, sous la même loi supérieure de la fin proposée par le sociali
2194 figuration de la vie, sous la même loi supérieure de la fin proposée par le socialisme. Il faut alors définir la culture
2195 lors définir la culture comme « une forme commune de la vie, dont l’activité économique et politique ne constitue qu’une p
2196 la lutte des classes, — considérée comme symbole de l’action — et la configuration de la vie, qui requiert surtout la pen
2197 e comme symbole de l’action — et la configuration de la vie, qui requiert surtout la pensée — doivent s’ordonner à une mes
2198 e qu’est l’univers socialisé. ⁂ On connaît le nom de cette mesure, son incarnation très visible et ses moyens d’action ou
2199 esure, son incarnation très visible et ses moyens d’ action ou même de contrainte : c’est le Plan55. Ainsi donc, la mesure
2200 ation très visible et ses moyens d’action ou même de contrainte : c’est le Plan55. Ainsi donc, la mesure effective à quoi
2201 st plus la doctrine orthodoxe, dont les marxistes d’ Occident se sont faits les conservateurs. C’est un plan beaucoup plus
2202 rxiste, et qui comporte même une négation précise de la croyance originelle en l’évolution « mécanique ». L’aspect schémat
2203 L’aspect schématique que revêtent les entreprises de Staline favorise peut-être à l’excès les généralisations de la critiq
2204 favorise peut-être à l’excès les généralisations de la critique, les rapprochements et les oppositions sommaires. Mais un
2205 e pour unifier la pensée et l’action du peuple et de ses conducteurs en vue d’une fin à laquelle tout doit s’ordonner. L’a
2206 t l’action du peuple et de ses conducteurs en vue d’ une fin à laquelle tout doit s’ordonner. L’assimilation de la culture
2207 n à laquelle tout doit s’ordonner. L’assimilation de la culture (et donc de sa mesure) au Plan est même si radicale, si na
2208 s’ordonner. L’assimilation de la culture (et donc de sa mesure) au Plan est même si radicale, si naïve, que les Soviets en
2209 es Soviets en sont venus à confondre sans l’ombre d’ un doute « culture » et « production » en général. Étonnante réaction
2210 nt de plus en plus la culture à la « jouissance » d’ un consommateur distingué. Mais ici l’équivoque matérialiste se manife
2211 Les écrivains délégués par les Soviets au congrès de Paris pour la défense de la culture, en 1935, citèrent tous comme exe
2212 1935, citèrent tous comme exemple impressionnant de l’ascension culturelle des masses la construction du métro de Moscou,
2213 on culturelle des masses la construction du métro de Moscou, le plus beau du monde disaient-ils. Et l’on peut lire chaque
2214 chaque jour dans la presse russe des déclarations de ce genre « Le niveau culturel a été élevé par le Torgsin (magasin de
2215 veau culturel a été élevé par le Torgsin (magasin de produits étrangers). Le Torgsin en effet a répandu dans toute l’URSS
2216 S l’usage des semelles-crêpe. C’est très bien que d’ établir un rapport entre la qualité des semelles et la culture général
2217 semelles et la culture générale. C’est très bien de pousser jusque-là le fanatisme de l’harmonisation — ou Gleichschaltun
2218 C’est très bien de pousser jusque-là le fanatisme de l’harmonisation — ou Gleichschaltung comme diraient les nazis — des a
2219 la conception qui assimile l’élévation du niveau de la culture à l’épaisseur des semelles n’a rien de révolutionnaire, si
2220 de la culture à l’épaisseur des semelles n’a rien de révolutionnaire, si toutefois l’on refuse de confondre révolution et
2221 rien de révolutionnaire, si toutefois l’on refuse de confondre révolution et stupidité crasse. Or le danger de cette assim
2222 ndre révolution et stupidité crasse. Or le danger de cette assimilation n’est pas niable. Il est clair que les masses sovi
2223 les masses soviétiques sont toujours plus tentées de l’opérer, avec une bonne humeur et une bonne volonté qui devraient em
2224 n rie… Poursuivons donc avec sérieux notre examen de la valeur du Plan considéré comme mesure culturelle, sans plus tenir
2225 é comme mesure culturelle, sans plus tenir compte de ces énormités peut-être inévitables au début de l’œuvre. 1) Le Plan j
2226 e de ces énormités peut-être inévitables au début de l’œuvre. 1) Le Plan joue-t-il parmi les communistes russes le rôle d’
2227 an joue-t-il parmi les communistes russes le rôle d’ un permanent rappel de la finalité commune à toutes les œuvres spiritu
2228 communistes russes le rôle d’un permanent rappel de la finalité commune à toutes les œuvres spirituelles et matérielles ?
2229 du Parti communiste d’une part, sur la puissance de l’inquisition intellectuelle, morale et policière exercée par ce Part
2230 xercée par ce Parti d’autre part, nous permettent d’ affirmer que, de gré ou de force, le Plan est bien ce rappel permanent
2231 rti d’autre part, nous permettent d’affirmer que, de gré ou de force, le Plan est bien ce rappel permanent des fins derniè
2232 e part, nous permettent d’affirmer que, de gré ou de force, le Plan est bien ce rappel permanent des fins dernières conçue
2233 arti : l’établissement dans cent ans ou mille ans d’ un paradis universel. C’est au nom de ces fins dernières, et de la con
2234 universel. C’est au nom de ces fins dernières, et de la conscience aiguë qu’ils en possèdent, que les jeunes komsomols et
2235 possèdent, que les jeunes komsomols et brigadiers de choc s’imposent une morale ascétique, acceptent des privations de tou
2236 nt une morale ascétique, acceptent des privations de toute nature, et supportent avec enthousiasme un régime de travail pa
2237 nature, et supportent avec enthousiasme un régime de travail parfois beaucoup plus dur que celui qui existe encore dans le
2238 ste encore dans les pays capitalistes. L’avantage d’ une commune mesure donnant un sens aux moindres tâches individuelles q
2239 elle situe dans un tout grandiose et coloré ainsi d’ héroïsme, éclate alors à tous les yeux. Si les Russes sont de bonne hu
2240 éclate alors à tous les yeux. Si les Russes sont de bonne humeur et si nous sommes de mauvaise humeur, c’est qu’ils saven
2241 les Russes sont de bonne humeur et si nous sommes de mauvaise humeur, c’est qu’ils savent pourquoi ils travaillent et que
2242 ns généralement ; c’est qu’ils acceptent les buts de leur travail, et que nous nous méfions généralement des buts obscurs,
2243 qui doit être, en tous les domaines, le caractère d’ une mesure vivante ? L’idéal du Plan soviétique, qui est le monde inté
2244 ement socialisé, embrasse-t-il réellement le tout de l’homme ? Le rappel permanent et la conscience actuelle de ce but fin
2245 e ? Le rappel permanent et la conscience actuelle de ce but final suffisent-ils à animer toutes les facultés humaines de c
2246 ffisent-ils à animer toutes les facultés humaines de création, d’espérance, d’amour ? Pour nous borner à un exemple : les
2247 animer toutes les facultés humaines de création, d’ espérance, d’amour ? Pour nous borner à un exemple : les disciplines i
2248 s les facultés humaines de création, d’espérance, d’ amour ? Pour nous borner à un exemple : les disciplines imposées par l
2249 ncifs ? Il ressort des aveux mêmes, faits à titre d’ autocritique par divers écrivains communistes, que la littérature conf
2250 Plan n’est pas un art, mais une forme assez basse de propagande politique, et de publicité industrielle. La seule littérat
2251 une forme assez basse de propagande politique, et de publicité industrielle. La seule littérature digne du nom qu’ait prod
2252 ation ou régression sur les « décrets culturels » de Staline. Et je ne dis pas, ou pas encore contre le Plan, mais en vert
2253 n si rigoureuse du stalinisme, commence seulement d’ apparaître aux yeux des partisans sincères du régime. On comprend fort
2254 rt bien les raisons qui les empêchaient jusqu’ici de prendre conscience du danger. La littérature soviétique est née de la
2255 ence du danger. La littérature soviétique est née de la révolution. Elle s’est constituée en même temps que son public. Au
2256 ps que son public. Autrement dit, les « écrivains de choc » ont appris à écrire en même temps qu’un peuple immense apprena
2257 xceptionnelle et provisoire a créé une communauté d’ intérêts immédiats et vitaux entre les producteurs et les consommateur
2258 vitaux entre les producteurs et les consommateurs de la culture. Tant qu’il ne s’agissait que de construire des tracteurs,
2259 teurs de la culture. Tant qu’il ne s’agissait que de construire des tracteurs, les poètes du tracteur et ceux qui le condu
2260 t, conformément à la doctrine marxiste, un schéma de la production industrielle quantitative. Le succès même des premiers
2261 e quantitative. Le succès même des premiers plans de cinq ans devait manifester l’insuffisance d’un principe de communion
2262 lans de cinq ans devait manifester l’insuffisance d’ un principe de communion aussi pauvre. Car une fois le pain assuré, qu
2263 ns devait manifester l’insuffisance d’un principe de communion aussi pauvre. Car une fois le pain assuré, quand les poètes
2264 n assuré, quand les poètes se virent enfin libres de chanter l’homme tout entier, non plus seulement l’homme technicien, o
2265 me technicien, on éprouva naturellement le besoin d’ une langue plus riche et plus vivante, apte à décrire les passions, et
2266 voulu en prévoir l’irrationnelle nécessité. Faute d’ expressions orthodoxes pour l’exprimer ou l’inventer, on chercha des m
2267 isse comme une production automatique du triomphe de la classe ouvrière. La phrase de de Man que nous citions plus haut do
2268 ique du triomphe de la classe ouvrière. La phrase de de Man que nous citions plus haut donne la formule de ce changement d
2269 e Man que nous citions plus haut donne la formule de ce changement de méthode : pour la nouvelle école soviétique, l’unité
2270 tions plus haut donne la formule de ce changement de méthode : pour la nouvelle école soviétique, l’unité du peuple et des
2271 du peuple et des clercs n’est pas « quelque chose de donné »… mais « quelque chose qu’il faut vouloir ». D’où l’exaltation
2272 nné »… mais « quelque chose qu’il faut vouloir ». D’ où l’exaltation emphatique de ce qu’ils appellent la « volonté des hom
2273 u’il faut vouloir ». D’où l’exaltation emphatique de ce qu’ils appellent la « volonté des hommes »57, mythe nietzschéen so
2274 t les présuppositions fondamentales. Ainsi l’idée d’ un Homme nouveau, imprévisible, en vue duquel la culture communiste de
2275 ur qui reviennent tenter l’esprit. Il serait vain de le nier : la mesure imposée par le Plan et qui régit encore l’action
2276 à certains égards, contraire. C’est tout le drame de la culture d’opposition, de la culture séparée, qui sous nos yeux, vi
2277 rds, contraire. C’est tout le drame de la culture d’ opposition, de la culture séparée, qui sous nos yeux, vient de se reno
2278 . C’est tout le drame de la culture d’opposition, de la culture séparée, qui sous nos yeux, vient de se renouer au cœur de
2279 e, qui sous nos yeux, vient de se renouer au cœur de la construction socialiste. La théorie économiste subsiste encore, of
2280 le, dès lors que cette création vient s’« insérer de l’extérieur » ; en dépit de la Force des Choses ; en vertu d’un espri
2281 ertu d’un esprit étranger… ⁂ Résumons les données de ce drame. Le communisme est parti d’un principe qu’il tirait logiquem
2282 les données de ce drame. Le communisme est parti d’ un principe qu’il tirait logiquement de Marx, et dont il entendait fai
2283 est parti d’un principe qu’il tirait logiquement de Marx, et dont il entendait faire la mesure commune de la pensée et de
2284 arx, et dont il entendait faire la mesure commune de la pensée et de l’action : « Donnez d’abord le pain à tous, et le res
2285 entendait faire la mesure commune de la pensée et de l’action : « Donnez d’abord le pain à tous, et le reste viendra par-d
2286 ourt, et sous-estimer l’ennemi, j’entends la part de l’homme qui résiste, en créant, à toute espèce de dictature. De cette
2287 de l’homme qui résiste, en créant, à toute espèce de dictature. De cette insuffisance de l’idéal — et non pas des moyens m
2288 résiste, en créant, à toute espèce de dictature. De cette insuffisance de l’idéal — et non pas des moyens mis en œuvre po
2289 toute espèce de dictature. De cette insuffisance de l’idéal — et non pas des moyens mis en œuvre pour l’atteindre — devai
2290 indre — devait résulter une scission, et le désir d’ une mesure plus vivante. La scission vient de s’opérer, et seule l’inq
2291 viétiques réussit à masquer son étendue. Le désir d’ une mesure plus vivante se manifeste bien souvent à l’insu de ceux qu’
2292 e plus vivante se manifeste bien souvent à l’insu de ceux qu’il tourmente. C’est ici le mythe de l’homme nouveau qui lui f
2293 ’insu de ceux qu’il tourmente. C’est ici le mythe de l’homme nouveau qui lui fournit son expression en même temps que son
2294 créé par l’angoisse et l’orgueil des prisonniers d’ une raison brutale : il aura sans doute la vie dure, comme tout ce qui
2295 e de la raison. Car cette raison, simple servante de l’action, s’est voulue maîtresse de tout l’homme. Mais l’homme résist
2296 mple servante de l’action, s’est voulue maîtresse de tout l’homme. Mais l’homme résiste à son emprise et à sa prétention t
2297 l le conflit du calcul et du rêve, du matériel et de l’humain, de la nécessité et de l’orgueil59 : l’apparition d’un homme
2298 du calcul et du rêve, du matériel et de l’humain, de la nécessité et de l’orgueil59 : l’apparition d’un homme nouveau au f
2299 e, du matériel et de l’humain, de la nécessité et de l’orgueil59 : l’apparition d’un homme nouveau au faîte de l’édifice m
2300 de la nécessité et de l’orgueil59 : l’apparition d’ un homme nouveau au faîte de l’édifice matérialiste. Est-ce que tout l
2301 ueil59 : l’apparition d’un homme nouveau au faîte de l’édifice matérialiste. Est-ce que tout le progrès acquis par une si
2302 acquis par une si dure révolution n’aura été que de donner aux hommes, avec quelques milliers de tracteurs, d’avions, de
2303 que de donner aux hommes, avec quelques milliers de tracteurs, d’avions, de tanks et de parachutes, cette illusion philos
2304 aux hommes, avec quelques milliers de tracteurs, d’ avions, de tanks et de parachutes, cette illusion philosophique ? Il e
2305 s, avec quelques milliers de tracteurs, d’avions, de tanks et de parachutes, cette illusion philosophique ? Il est vrai qu
2306 ques milliers de tracteurs, d’avions, de tanks et de parachutes, cette illusion philosophique ? Il est vrai que le monde b
2307 ai que le monde bourgeois n’a même plus l’énergie de concevoir une illusion, une démesure ou une mesure qui fasse battre p
2308 mesure qui fasse battre pendant cinq ans le cœur d’ un peuple. Cela suffira sans doute à rendre vaines toutes mes critique
2309 orifiant l’URSS. Pour moi, je me bornerai à tirer de tout cela une conclusion concrète, qui peut nous être utile pour une
2310 le s’est avérée, après quelques années, incapable de maintenir l’unité vraie de la pensée et de l’action. Elle est déjà di
2311 ques années, incapable de maintenir l’unité vraie de la pensée et de l’action. Elle est déjà divisée contre elle-même. Ell
2312 apable de maintenir l’unité vraie de la pensée et de l’action. Elle est déjà divisée contre elle-même. Elle n’est plus rée
2313 le soit réellement imposée. Et je ne préjuge rien de l’avenir d’un peuple qui dispose de ressources mystiques aussi puissa
2314 lement imposée. Et je ne préjuge rien de l’avenir d’ un peuple qui dispose de ressources mystiques aussi puissantes. Peut-ê
2315 préjuge rien de l’avenir d’un peuple qui dispose de ressources mystiques aussi puissantes. Peut-être était-ce inévitable.
2316 « culturelle ». Mais pour nous il ne s’agit plus de découvrir les semelles-crêpe et le métro. Notre espérance est au-delà
2317 es-crêpe et le métro. Notre espérance est au-delà de ces réussites utiles. Vis-à-vis de la jeune Russie, notre devoir n’es
2318 -à-vis de la jeune Russie, notre devoir n’est pas de railler des naïvetés plus sympathiques que nos astuces, mais il n’est
2319 iques que nos astuces, mais il n’est pas non plus de les admirer ; il n’est pas de dire non à tout, ni oui à tout ; c’est
2320 n’est pas non plus de les admirer ; il n’est pas de dire non à tout, ni oui à tout ; c’est un devoir de critique lucide,
2321 dire non à tout, ni oui à tout ; c’est un devoir de critique lucide, et j’ajouterai de critique méfiante, dans la mesure
2322 ’est un devoir de critique lucide, et j’ajouterai de critique méfiante, dans la mesure où les jeunes communistes viennent
2323 ine, et qui ressemble à celle des nouveaux riches de tous les temps. Nous avons fait des expériences dont ils ne soupçonne
2324 ituels qui sont les nôtres. Toute la question est de savoir si nous les aurons résolus, dans nos catégories occidentales.
2325 ories occidentales. Sinon, il sera toujours temps d’ aller demander là-bas ce qui nous manque. II. Leçon de dictature
2326 demander là-bas ce qui nous manque. II. Leçon de dictature De tout ce qui précède, il serait ridicule et vain de ti
2327 ce qui nous manque. II. Leçon de dictature De tout ce qui précède, il serait ridicule et vain de tirer une « condam
2328 e tout ce qui précède, il serait ridicule et vain de tirer une « condamnation » des conceptions culturelles russes ou alle
2329 turelles russes ou allemandes60. Ces entreprises, d’ une envergure sans précédent, ne sont pas justiciables des critiques q
2330 pas justiciables des critiques qu’on leur adresse d’ ordinaire en France au nom de quelques lieux communs plus vénérables q
2331 s vénérables que vivants. L’anarchie n’a le droit de critiquer l’ordre que lorsqu’elle est consciemment anarchique, en ver
2332 onsciemment anarchique, en vertu d’une volonté et d’ un idéal déclaré. Le libéralisme n’a le droit de critiquer la dictatur
2333 t d’un idéal déclaré. Le libéralisme n’a le droit de critiquer la dictature que lorsqu’il assure une liberté réelle et plu
2334 . Les surréalistes sont fondés à parler du « vent de crétinisation qui souffle de l’URSS », mais les magnats de l’industri
2335 s à parler du « vent de crétinisation qui souffle de l’URSS », mais les magnats de l’industrie lourde sont hypocrites quan
2336 isation qui souffle de l’URSS », mais les magnats de l’industrie lourde sont hypocrites quand ils payent des auteurs pour
2337 ieuisme » soviétique. Il faudrait aussi se garder d’ une certaine facilité sénile, dont la jeunesse française n’est pas tou
2338 t crime, discipline sociale et brutalité, volonté de servir et trahison des clercs, etc., tout cela au nom d’une conceptio
2339 s clercs, etc., tout cela au nom d’une conception de l’esprit pur dont la faiblesse philosophique égale l’hypocrisie prati
2340 égale l’hypocrisie pratique. Enfin il serait sage de se garder de tout pronostic global quant à l’avenir culturel des régi
2341 risie pratique. Enfin il serait sage de se garder de tout pronostic global quant à l’avenir culturel des régimes totalitai
2342 el des régimes totalitaires. Le composé hitlérien d’ irrationalisme romantique et de positivisme jacobin, et d’autre part l
2343 composé hitlérien d’irrationalisme romantique et de positivisme jacobin, et d’autre part les ressources humaines colossal
2344 orales incalculables provoquées par le socialisme d’ État ; enfin le défaut complet, jusqu’à présent, de grandes œuvres rep
2345 ’État ; enfin le défaut complet, jusqu’à présent, de grandes œuvres représentatives des nouvelles conceptions proclamées,
2346 es des nouvelles conceptions proclamées, — autant de facteurs d’indétermination, ou tout au moins de facteurs que nous ne
2347 lles conceptions proclamées, — autant de facteurs d’ indétermination, ou tout au moins de facteurs que nous ne sommes pas o
2348 t de facteurs d’indétermination, ou tout au moins de facteurs que nous ne sommes pas outillés pour mesurer dès maintenant.
2349 es et déjà acquis, le seul qui tombe sous le coup d’ une critique générale, indépendamment de tout jugement politique, est
2350 s le coup d’une critique générale, indépendamment de tout jugement politique, est aussi celui qui nous intéresse ici direc
2351 litaires ont échoué jusqu’ici dans leur tentative de créer par la force une commune mesure pour la pensée et l’action. La
2352 tes. 1. La ressemblance formelle entre les moyens d’ approche du problème culturel mis en œuvre par les deux régimes, alors
2353 que leurs fins sont hostiles et leurs situations de départ différentes, prouve que la mesure réelle, dans l’un et l’autre
2354 autre cas n’est pas la doctrine mais la technique de l’action sur les masses. C’est une mesure partielle, valable pour la
2355 s la culture et la morale. Ce sont les nécessités de la propagande, identiques dans les deux cas, — bien que le but soit i
2356 te. En fait, elle n’y réussit pas. Le schématisme de la propagande est par nature contraire à toute culture imaginable. Il
2357 étant de par son origine coupé des sources mêmes de toute création culturelle, qui jaillissent de la personne, de l’avent
2358 mes de toute création culturelle, qui jaillissent de la personne, de l’aventure personnelle, de la liberté et du risque pe
2359 ation culturelle, qui jaillissent de la personne, de l’aventure personnelle, de la liberté et du risque personnels. 3. La
2360 issent de la personne, de l’aventure personnelle, de la liberté et du risque personnels. 3. La constatation de cet échec s
2361 berté et du risque personnels. 3. La constatation de cet échec s’impose non seulement à l’observateur étranger que je suis
2362 mais aux chefs des partis dictatoriaux eux-mêmes. De là toute la passion avec laquelle ils parlent de la nécessité d’un ho
2363 De là toute la passion avec laquelle ils parlent de la nécessité d’un homme nouveau — en Allemagne aussi bien qu’en URSS.
2364 passion avec laquelle ils parlent de la nécessité d’ un homme nouveau — en Allemagne aussi bien qu’en URSS. ⁂ Les partisans
2365 Allemagne aussi bien qu’en URSS. ⁂ Les partisans de l’URSS ou de Hitler me feront sans doute deux objections très importa
2366 ssi bien qu’en URSS. ⁂ Les partisans de l’URSS ou de Hitler me feront sans doute deux objections très importantes. Ils me
2367 il fallait une dictature pour y mettre un minimum d’ ordre et permettre à la vie de continuer. Il est incontestable que nou
2368 y mettre un minimum d’ordre et permettre à la vie de continuer. Il est incontestable que nous avons établi cet ordre : on
2369 Le corps social était malade, il fallait l’opérer d’ urgence, à chaud et nous y avons porté le fer d’une main assurée. Vos
2370 r d’urgence, à chaud et nous y avons porté le fer d’ une main assurée. Vos critiques ne nous touchent pas, parce qu’elles n
2371 uttes sociales, injustices économiques, décadence d’ une culture séparée du peuple et divisée contre elle-même, grabuge des
2372 conduit ses adeptes. Si vous ne faites rien, que de nous critiquer, vous en serez bientôt au point où nous étions quand l
2373 révolution a éclaté. Si au contraire vous essayez de surmonter votre anarchie, vous serez bien forcés de commencer par rét
2374 surmonter votre anarchie, vous serez bien forcés de commencer par rétablir l’ordre extérieur. Et vous ferez du collectivi
2375 constances étaient telles que je serais incapable de vous dire ce que vous auriez pu faire d’autre. Vous en étiez au point
2376 ncapable de vous dire ce que vous auriez pu faire d’ autre. Vous en étiez au point où l’homme ayant démissionné, il fallait
2377 it enregistrer cette démission. Il fallait partir d’ autre chose que de l’individu : de l’État, de la classe ou de la race.
2378 te démission. Il fallait partir d’autre chose que de l’individu : de l’État, de la classe ou de la race. Vous vous êtes re
2379 fallait partir d’autre chose que de l’individu : de l’État, de la classe ou de la race. Vous vous êtes refait un corps. M
2380 rtir d’autre chose que de l’individu : de l’État, de la classe ou de la race. Vous vous êtes refait un corps. Mais les pro
2381 se que de l’individu : de l’État, de la classe ou de la race. Vous vous êtes refait un corps. Mais les problèmes spirituel
2382 résolus pour autant. Vous avez reculé la question de dix ans ou d’un siècle, je ne sais ; mais ce que je sais, c’est que t
2383 utant. Vous avez reculé la question de dix ans ou d’ un siècle, je ne sais ; mais ce que je sais, c’est que tous nos pays s
2384 décisives dans le domaine culturel. Vous disposez d’ un matériel de base beaucoup plus puissant que le nôtre ; mais nous ga
2385 le domaine culturel. Vous disposez d’un matériel de base beaucoup plus puissant que le nôtre ; mais nous gardons l’avanta
2386 le nôtre ; mais nous gardons l’avantage important d’ une tradition de liberté. Et vos premières expériences nous enseignent
2387 nous gardons l’avantage important d’une tradition de liberté. Et vos premières expériences nous enseignent. Toute la quest
2388 nces nous enseignent. Toute la question est alors de savoir si nous saurons utiliser ces avantages, et le temps de réflexi
2389 nous saurons utiliser ces avantages, et le temps de réflexion ou de manœuvre qui nous reste, pour calculer et préparer sp
2390 iliser ces avantages, et le temps de réflexion ou de manœuvre qui nous reste, pour calculer et préparer spirituellement un
2391 ures, sans destructions aveugles, sans propagande de masse abêtissante. Autrement dit, nous avons à créer un nouveau type
2392 Autrement dit, nous avons à créer un nouveau type de révolution, dont l’exemple vous sera certainement plus utile que les
2393 us sera certainement plus utile que les critiques de nos vieillards. Dans cette tâche-là, je vois le seul fondement d’une
2394 s. Dans cette tâche-là, je vois le seul fondement d’ une nouvelle culture européenne… b) Il est faux que nous soyons obligé
2395 uropéenne… b) Il est faux que nous soyons obligés de commencer par l’extérieur, si nous voulons rétablir une mesure commun
2396 extérieur n’est solide et fécond que s’il résulte d’ un ordre intérieur. Et cet ordre intérieur ne se crée pas à coups de d
2397 ur. Et cet ordre intérieur ne se crée pas à coups de décrets d’urgence et de propagande de masses. Pas d’ordre spirituel s
2398 ordre intérieur ne se crée pas à coups de décrets d’ urgence et de propagande de masses. Pas d’ordre spirituel sans un mini
2399 ur ne se crée pas à coups de décrets d’urgence et de propagande de masses. Pas d’ordre spirituel sans un minimum matériel,
2400 pas à coups de décrets d’urgence et de propagande de masses. Pas d’ordre spirituel sans un minimum matériel, c’est l’évide
2401 décrets d’urgence et de propagande de masses. Pas d’ ordre spirituel sans un minimum matériel, c’est l’évidence. Mais pas d
2402 s un minimum matériel, c’est l’évidence. Mais pas d’ ordre total sans une soumission organique du matériel au spirituel. C’
2403 urope du xxe siècle Je ne connais qu’un moyen de résister à l’Europe, c’est de lui opposer le génie de la liberté. Sai
2404 connais qu’un moyen de résister à l’Europe, c’est de lui opposer le génie de la liberté. Saint-Just. L’on pourrait sans
2405 ésister à l’Europe, c’est de lui opposer le génie de la liberté. Saint-Just. L’on pourrait sans difficulté multiplier le
2406 it sans difficulté multiplier les grands exemples de civilisations anciennes fondées sur des mesures déterminées, et tiran
2407 sur des mesures déterminées, et tirant justement de ces mesures ce que nous appelons leur grandeur. L’Inde ancienne, la G
2408 tenir. Mais pour attester la présence universelle de ce dessein, il fallait des symboles visibles et dont le sens fût reco
2409 des symboles visibles et dont le sens fût reconnu de tous, prince et sujets, clercs, soldats et marchands législateurs et
2410 , qui la créent et qui meurent avec elle. L’Arche d’ alliance n’est rien s’il n’y a pas le messianisme, le latin s’il n’y a
2411 ’y a pas l’Empire populaire. Le signe irréfutable de la présence d’un grand dessein, c’est l’incarnation d’une mesure comm
2412 re populaire. Le signe irréfutable de la présence d’ un grand dessein, c’est l’incarnation d’une mesure commune à tous les
2413 présence d’un grand dessein, c’est l’incarnation d’ une mesure commune à tous les ordres et qui les harmonise. La question
2414 tous les ordres et qui les harmonise. La question de la mesure d’une civilisation est sans nul doute la question mère de t
2415 es et qui les harmonise. La question de la mesure d’ une civilisation est sans nul doute la question mère de toute probléma
2416 civilisation est sans nul doute la question mère de toute problématique culturelle. Mais une mesure n’est en soi ni vraie
2417 toute vocation est située en un lieu circonscrit de la terre, en un temps limité de l’Histoire, sous les figures d’un cie
2418 lieu circonscrit de la terre, en un temps limité de l’Histoire, sous les figures d’un ciel unique. C’est là seulement qu’
2419 n un temps limité de l’Histoire, sous les figures d’ un ciel unique. C’est là seulement qu’elle se révèle à nous, comme un
2420 Il reste à remplacer chacun des termes abstraits de cette formule par un fait ou un nom contemporains.   1. Temps et lieu
2421 nom contemporains.   1. Temps et lieux : l’Europe d’ aujourd’hui. Dans cette Europe, deux espèces de nations : celles qu’on
2422 pe d’aujourd’hui. Dans cette Europe, deux espèces de nations : celles qu’on dit vieilles, et celles qui se disent rajeunie
2423 les nouvelles. Elles ont gardé un certain nombre de possibilités dont les nations plus jeunes se sont volontairement priv
2424 se sont volontairement privées. Elles s’honorent d’ avoir une presse d’opposition, une population civile plus nombreuse qu
2425 ment privées. Elles s’honorent d’avoir une presse d’ opposition, une population civile plus nombreuse que la militaire, un
2426 rtaine, facilement énervée puis indolente, pleine de contradictions en apparence mais dans le fond et dans l’ensemble cyni
2427 et pessimiste. Facilités virtuelles et pessimisme de fait : ces deux traits définissent l’atmosphère des nations libérales
2428 ts définissent l’atmosphère des nations libérales d’ aujourd’hui. Elles ne savent trop que faire de cette liberté dont elle
2429 les d’aujourd’hui. Elles ne savent trop que faire de cette liberté dont elles se vantent. Elles s’en vantent d’ailleurs de
2430 t elles se vantent. Elles s’en vantent d’ailleurs de moins en moins. En France, en Angleterre, en Suisse, en Belgique, en
2431 est question que du « désarroi général ». Liberté d’ opinion, c’est pratiquement liberté de se plaindre, mais de se plaindr
2432  ». Liberté d’opinion, c’est pratiquement liberté de se plaindre, mais de se plaindre sans passion profonde. La misère n’e
2433 , c’est pratiquement liberté de se plaindre, mais de se plaindre sans passion profonde. La misère n’est encore qu’à la por
2434 ont fait ou subi depuis la guerre une révolution de masses. Elles mènent une vie dure et s’en disent fières. Certes, elle
2435 res. Certes, elles ont sacrifié un certain nombre de possibilités théoriquement fort enviables. Mais c’est qu’elles en jug
2436 te, lorsqu’il était encore réel. Elles s’honorent de n’avoir plus ni presse d’opposition, ni partis, ni civils indifférent
2437 réel. Elles s’honorent de n’avoir plus ni presse d’ opposition, ni partis, ni civils indifférents et inutilisables, ni chô
2438 civils indifférents et inutilisables, ni chômeurs de profession, ni crises de gouvernement, ni vieillards cramponnés aux c
2439 utilisables, ni chômeurs de profession, ni crises de gouvernement, ni vieillards cramponnés aux commandes, mais une jeunes
2440 ute puissante et toute dévouée aux seuls intérêts de l’État. (Des « soldats politiques » comme on dit en Allemagne.) Leur
2441 is toujours présentées aux masses comme les gages d’ un bonheur à venir et d’une grandeur digne de tous les sacrifices. Et
2442 ux masses comme les gages d’un bonheur à venir et d’ une grandeur digne de tous les sacrifices. Et comment ne croirait-on p
2443 ages d’un bonheur à venir et d’une grandeur digne de tous les sacrifices. Et comment ne croirait-on pas à la grandeur, mêm
2444 ts définissent l’atmosphère des nations rajeunies de l’Europe. Elles n’ont plus de liberté, mais du travail. Elles s’en pl
2445 s nations rajeunies de l’Europe. Elles n’ont plus de liberté, mais du travail. Elles s’en plaignent d’ailleurs de moins en
2446 mais du travail. Elles s’en plaignent d’ailleurs de moins en moins. En Russie, en Allemagne, en Italie, il n’est question
2447 e, en Allemagne, en Italie, il n’est question que de renaissance et de construction. « Dictature », « tyrannie », « confor
2448 n Italie, il n’est question que de renaissance et de construction. « Dictature », « tyrannie », « conformisme brutal », to
2449 pour supprimer finalement les raisons matérielles de se plaindre. Et après cela, commencera la conquête d’un avenir de joi
2450 e plaindre. Et après cela, commencera la conquête d’ un avenir de joie et de force. On a touché le fond de la misère, on l’
2451 Et après cela, commencera la conquête d’un avenir de joie et de force. On a touché le fond de la misère, on l’a vécue, on
2452 la, commencera la conquête d’un avenir de joie et de force. On a touché le fond de la misère, on l’a vécue, on a cela derr
2453 n avenir de joie et de force. On a touché le fond de la misère, on l’a vécue, on a cela derrière soi, mais elle reste enco
2454 derrière soi, mais elle reste encore l’aiguillon d’ une angoisse que l’on apprend à fuir dans les mystiques collectives. E
2455 collectives. Et l’on se rassure en attendant par de faciles railleries à l’adresse des États libéraux.   2. Situation qui
2456 re, l’autre en résulte et s’en souvient. L’ersatz de commune mesure, dans les régimes bourgeois capitalistes, c’était l’ar
2457 crédit s’écroule, et la mesure devient le manque d’ argent. C’est cette angoisse avant tout qui explique la carence des go
2458 explique la carence des gouvernants, la timidité de leurs réformes, l’incohérence de leurs décrets. C’est cette angoisse
2459 nts, la timidité de leurs réformes, l’incohérence de leurs décrets. C’est cette angoisse encore qui explique pourquoi la j
2460 des raisons sérieuses et urgentes, enfin solides de s’aimer ? La commune mesure des États neufs, c’est au contraire une m
2461 on vos idées, c’est ce régime qui nous a délivrés de la misère61. Et cela suffit à le justifier pour le moment. La misère,
2462 t. La misère, dernier argument, dernier fondement de la communauté moderne. Elle est la toile de fond de tous nos drames,
2463 ement de la communauté moderne. Elle est la toile de fond de tous nos drames, de nos pensées, de nos actions et même de no
2464 la communauté moderne. Elle est la toile de fond de tous nos drames, de nos pensées, de nos actions et même de nos utopie
2465 ne. Elle est la toile de fond de tous nos drames, de nos pensées, de nos actions et même de nos utopies. La dictature de c
2466 toile de fond de tous nos drames, de nos pensées, de nos actions et même de nos utopies. La dictature de cette crise sur n
2467 os drames, de nos pensées, de nos actions et même de nos utopies. La dictature de cette crise sur nos esprits et sur nos c
2468 nos actions et même de nos utopies. La dictature de cette crise sur nos esprits et sur nos corps signifie sans erreur pos
2469 sure vraie n’est encore restaurée.   3. L’appel. De ces deux Europes d’aujourd’hui, de cette seule crainte qui les unit e
2470 ore restaurée.   3. L’appel. De ces deux Europes d’ aujourd’hui, de cette seule crainte qui les unit encore, s’élève un mê
2471   3. L’appel. De ces deux Europes d’aujourd’hui, de cette seule crainte qui les unit encore, s’élève un même et formidabl
2472 formidable appel profond des peuples. Il a jailli de la misère, mais il exige bien davantage que la fin de cette misère et
2473 a misère, mais il exige bien davantage que la fin de cette misère et de ses causes immédiates. Il n’exige pas seulement le
2474 xige bien davantage que la fin de cette misère et de ses causes immédiates. Il n’exige pas seulement le bien-être physique
2475 l se jette d’abord vers cette grandeur, au mépris de la faim ou de la liberté ; il a suffi qu’on lui propose, souvent sans
2476 bord vers cette grandeur, au mépris de la faim ou de la liberté ; il a suffi qu’on lui propose, souvent sans preuve, un gr
2477 lui propose, souvent sans preuve, un grand mythe de communauté : nation unie, ou société sans classe… Si l’on veut compre
2478 eur de l’Allemagne hitlérienne lors du plébiscite de la Sarre. Prenons-y garde ! Ces deux faits sont spirituels. Ils révèl
2479 x faits sont spirituels. Ils révèlent l’existence d’ un appel que la culture ne peut plus ignorer. Notons aussi que cet app
2480 plus atteints matériellement. La misère est douée d’ une mystérieuse propriété : elle agit comme une sorte de révélateur ch
2481 mystérieuse propriété : elle agit comme une sorte de révélateur chimique de la vocation d’une nation. C’est à la faveur d’
2482 elle agit comme une sorte de révélateur chimique de la vocation d’une nation. C’est à la faveur d’une famine que les plus
2483 e une sorte de révélateur chimique de la vocation d’ une nation. C’est à la faveur d’une famine que les plus grandes nation
2484 ue de la vocation d’une nation. C’est à la faveur d’ une famine que les plus grandes nations de l’Europe moderne ont découv
2485 faveur d’une famine que les plus grandes nations de l’Europe moderne ont découvert le sens de leur histoire et l’avenir d
2486 nations de l’Europe moderne ont découvert le sens de leur histoire et l’avenir de leur génie. (France de la fin du xviiie
2487 nt découvert le sens de leur histoire et l’avenir de leur génie. (France de la fin du xviiie , Russie de 1917, Allemagne e
2488 leur histoire et l’avenir de leur génie. (France de la fin du xviiie , Russie de 1917, Allemagne et Italie de l’après-gue
2489 leur génie. (France de la fin du xviiie , Russie de 1917, Allemagne et Italie de l’après-guerre.) Ainsi l’opposition des
2490 n du xviiie , Russie de 1917, Allemagne et Italie de l’après-guerre.) Ainsi l’opposition des deux Europes se ramène à l’op
2491 osition des deux Europes se ramène à l’opposition de deux réponses différentes à l’appel jailli de la crise, vers une comm
2492 ion de deux réponses différentes à l’appel jailli de la crise, vers une communauté nouvelle. Là où cette crise était la pl
2493 se est bien moins virulente, et la réponse a plus de peine à se dégager. Pourtant, il faudra bien qu’elle soit donnée part
2494 e, une autre ruine plus grave est apparue : celle d’ une image du monde, d’une conception du monde fondée sur la raison, l’
2495 s grave est apparue : celle d’une image du monde, d’ une conception du monde fondée sur la raison, l’individu et la science
2496 t rien que la liberté du désespoir et qu’il meurt de son isolement, ou du refus de se dépasser ; qu’il n’y a pas de lignes
2497 poir et qu’il meurt de son isolement, ou du refus de se dépasser ; qu’il n’y a pas de lignes droites dans l’univers, et qu
2498 ent, ou du refus de se dépasser ; qu’il n’y a pas de lignes droites dans l’univers, et qu’une vitesse ou une grandeur quel
2499 du temps où on les mesure. Seuls donc les groupes de forces ou d’hommes, exactement situés dans le temps ou l’espace, peuv
2500 n les mesure. Seuls donc les groupes de forces ou d’ hommes, exactement situés dans le temps ou l’espace, peuvent en appele
2501 te situation cosmique nouvelle est la vraie cause de la révolution mondiale, de l’appel qui surgit de l’inconscient des pe
2502 lle est la vraie cause de la révolution mondiale, de l’appel qui surgit de l’inconscient des peuples vers une réalité comm
2503 de la révolution mondiale, de l’appel qui surgit de l’inconscient des peuples vers une réalité commune, communautaire. La
2504 une réalité commune, communautaire. La puissance de cet appel ne saurait être comparée qu’au soulèvement de la Renaissanc
2505 appel ne saurait être comparée qu’au soulèvement de la Renaissance, à la montée de la conscience individuelle dans l’Euro
2506 qu’au soulèvement de la Renaissance, à la montée de la conscience individuelle dans l’Europe du xvie siècle. Mais elle a
2507 saisir l’homme dans son actualité (dans son être de relation), et la pensée dans ses effets. Elle agit dans la théologie,
2508 ui affirme à nouveau l’Église en tant que société de ceux qui croient, et qui revient à la doctrine du bien commun. Elle a
2509 ment œcuménique. Et dans le mouvement des Groupes d’ Oxford et dans le domaine pédagogique. C’est elle enfin qui pousse des
2510 gogique. C’est elle enfin qui pousse des milliers de jeunes gens dans les camps de vacances ou de service civil. Mais tout
2511 pousse des milliers de jeunes gens dans les camps de vacances ou de service civil. Mais tout cela n’est encore que prodrom
2512 iers de jeunes gens dans les camps de vacances ou de service civil. Mais tout cela n’est encore que prodromes. Les premièr
2513 que prodromes. Les premières grandes apparitions de cette puissance communautaire ont été les révolutions communistes et
2514 our avoir deviné cet appel et pressenti l’ampleur de l’angoisse qu’il trahit, c’est pour l’avoir épousé et guidé, et même
2515 u à une attente universelle religieuse, l’attente d’ une nouvelle mesure, d’une nouvelle image du monde où l’homme s’éprouv
2516 elle religieuse, l’attente d’une nouvelle mesure, d’ une nouvelle image du monde où l’homme s’éprouve de nouveau réel, acti
2517 ou idéologique sur les réponses qu’ils ont tenté de donner — classe ou nation — reste superficiel et arbitraire tant qu’i
2518 mensions profondes du phénomène collectiviste, et de la nécessité cosmique qu’il exprime. Les criticailleries libérales à
2519 leurs filets à papillons. Par contre il est aisé de prévoir à coup sûr qu’une certaine dépression atmosphérique appelle t
2520 i du vide ou du vertige que crée en nous la ruine de l’individualisme. Là où nulle conscience nationale ne pouvait plus so
2521 e et passagère, elles se réduisent à des poussées de fièvre politique ou idéologique. Mais si ces religions nouvelles ne c
2522 chefs puisent une énergie occulte, une efficacité d’ action et d’agression qui désarme instantanément les hommes d’État que
2523 t une énergie occulte, une efficacité d’action et d’ agression qui désarme instantanément les hommes d’État que nous leur o
2524 juristes ou parlementaires professionnels, coupés de la nation vivante et prisonniers d’une tradition qui survit sans gran
2525 nnels, coupés de la nation vivante et prisonniers d’ une tradition qui survit sans grandeur à ses racines. Notre seule chan
2526 t sans grandeur à ses racines. Notre seule chance de salut, à nous autres nations libérales, est dans la création d’une co
2527 us autres nations libérales, est dans la création d’ une communauté libre. Notre chance est dans l’invention, et non dans l
2528 défense, ou dans l’imitation. À la force vivante de destins impériaux, n’opposons pas des droits que justement toute la c
2529 force nouvelle qui résolve la crise dans le sens de notre destin.   5. Le dilemme. Je parle ici de forces totales, de cr
2530 s de notre destin.   5. Le dilemme. Je parle ici de forces totales, de crise totale, et de destins communs : forces, cris
2531   5. Le dilemme. Je parle ici de forces totales, de crise totale, et de destins communs : forces, crise et destins qui so
2532 parle ici de forces totales, de crise totale, et de destins communs : forces, crise et destins qui sont tout à la fois po
2533 L’Europe des religions nouvelles nous met au défi de résoudre sur tous les plans le grand dilemme que voici : — ou bien no
2534 i vingt ou cent ans, nous serons réduits à l’état de colonies économiques et culturelles par l’expansion normale de nos vo
2535 conomiques et culturelles par l’expansion normale de nos voisins ; — ou bien nous recréerons notre commune mesure original
2536 erons notre commune mesure originale, à la faveur d’ une révolution qui nous apporte au moins l’équivalent des dynamismes n
2537 erons colonisés, comme la Grèce par Rome. Cessons de loucher avec méfiance vers les empires étrangers. Regardons-les en fa
2538 es en face, connaissons-les : c’est le seul moyen de nous reconnaître. Ils ont fondé des religions dont le but est la forc
2539 ela est juste. Nous pouvons éprouver la puissance de ces nouvelles religions, nous pouvons nous mêler à leurs cérémonies,
2540 nous mêler à leurs cérémonies, vibrer à l’unisson de leur panique sacrée : c’est l’animal en nous qui frémira. Mais la pro
2541 en nous qui frémira. Mais la protestation totale de notre esprit nous avertira d’un danger : ici commence un monde étrang
2542 protestation totale de notre esprit nous avertira d’ un danger : ici commence un monde étrange, ici règne une nation dont n
2543 udions les doctrines provisoires ou les tactiques de ces révolutions, mêlons-nous à leurs masses déifiées, distinguons leu
2544 es, leurs nécessités historiques, critiquons même de ce point de vue certaines erreurs que commettent leurs chefs : nous n
2545 notre vocation est différente. Nous ne sommes pas de ces religions. Leur lieu saint nous demeure impénétrable. Nos fins so
2546 eligions, c’est dans leur terme, au nom d’un acte de foi contraire. Elles veulent la force et nous voulons la vérité. Elle
2547 ctive, extérieure à notre personne : cela n’a pas de sens pour nous. Elle ne sera pas non plus individuelle : on ne peut p
2548 qu’elle sera personnelle, qu’elle sera la mesure de l’homme en tant qu’il se possède dans ses relations actives avec tous
2549 prochains. C’est à nous qu’il incombe aujourd’hui d’ opérer cette synthèse concrète qui résoudra en créations toujours nouv
2550 en créations toujours nouvelles le vieux conflit de l’individu et de la masse.   6. La violence nécessaire. Car notre for
2551 jours nouvelles le vieux conflit de l’individu et de la masse.   6. La violence nécessaire. Car notre force est personnell
2552 la fédération, non la masse ; et non la tyrannie d’ un seul, et non le gigantisme national. La société doit être un corps,
2553 e construction mécanisée. Et la santé et la force d’ un corps supposent l’harmonie de fonctions diversifiées, saines et for
2554 santé et la force d’un corps supposent l’harmonie de fonctions diversifiées, saines et fortes. C’est une harmonie « fédéra
2555 urer, recréer cette force, bâtir cette fédération de personnes et de groupes organiques, c’est obéir à notre vocation prés
2556 tte force, bâtir cette fédération de personnes et de groupes organiques, c’est obéir à notre vocation présente, mais c’est
2557 is c’est aussi assurer pour l’avenir l’efficacité de notre action dans la culture européenne. Sinon nous serons colonisés,
2558 ne. Sinon nous serons colonisés, je n’ai pas fini de le répéter. Est-ce à dire qu’affirmer notre force en face d’impériali
2559 s sans l’exercer avec puissance, si nous refusons d’ aller jusqu’au terme concret de nos pensées. Car alors il faudra subir
2560 , si nous refusons d’aller jusqu’au terme concret de nos pensées. Car alors il faudra subir les brutalités excitées par no
2561 égations irritantes. Contre les brutales poussées de masses qui ne se connaissent plus, seule la violence de l’esprit est
2562 ses qui ne se connaissent plus, seule la violence de l’esprit est pacifiante. Notre seule chance de collaboration féconde
2563 ce de l’esprit est pacifiante. Notre seule chance de collaboration féconde avec les peuples impériaux est là. L’avenir dir
2564 l’Est. Pour le présent, notre devoir européen est d’ exercer la vocation de vérité qui est la nôtre avec un maximum de viol
2565 , notre devoir européen est d’exercer la vocation de vérité qui est la nôtre avec un maximum de violence créatrice. 52.
2566 cation de vérité qui est la nôtre avec un maximum de violence créatrice. 52. C’était, à cette époque plus encore qu’auj
2567 n sera consacré plus spécialement à l’édification de la culture. 56. On n’ignore pas que les partisans du « matérialisme
2568 » ou Diamat, refusent avec indignation l’épithète de matérialistes. 57. Voir les discours de Malraux au « congrès pour la
2569 épithète de matérialistes. 57. Voir les discours de Malraux au « congrès pour la défense de la culture » de juin 1935. 5
2570 raux au « congrès pour la défense de la culture » de juin 1935. 58. Tels qu’en assurent aux plus adroits le mouvement sta
2571 roits le mouvement stakhanoviste. 59. Le conflit de Marx et de Nietzsche chez plusieurs jeunes hommes d’aujourd’hui. 60.
2572 uvement stakhanoviste. 59. Le conflit de Marx et de Nietzsche chez plusieurs jeunes hommes d’aujourd’hui. 60. Dans le vo
2573 Marx et de Nietzsche chez plusieurs jeunes hommes d’ aujourd’hui. 60. Dans le volume dont ces pages sont extraites figure
2574 la culture soviétique. 61. Les Russes ajoutent : de l’oppression tsariste ; et les Allemands : du déshonneur. v. Rougem
2575 s Allemands : du déshonneur. v. Rougemont Denis de , « Culture et commune mesure », Esprit, Paris, novembre 1936, p. 251-
2576 -273. w. Une note précise : « Chapitres extraits de Penser avec les mains , à paraître en novembre, chez Albin Michel. »
20 1936, Esprit, articles (1932–1962). Henri Petit, Un homme veut rester vivant (novembre 1936)
2577 embre 1936)x Un fonctionnaire a trois semaines de vacances : trois semaines qu’il va consacrer à prendre mesure de sa v
2578 rois semaines qu’il va consacrer à prendre mesure de sa vie. Il choisit pour cela de l’écrire, de « jouer sa provision de
2579 à prendre mesure de sa vie. Il choisit pour cela de l’écrire, de « jouer sa provision de bon air contre du papier noirci 
2580 sure de sa vie. Il choisit pour cela de l’écrire, de « jouer sa provision de bon air contre du papier noirci », et il rapp
2581 it pour cela de l’écrire, de « jouer sa provision de bon air contre du papier noirci », et il rapporte 300 pages, qui rest
2582 ocuments humains les plus féconds et authentiques de ce siècle. J’imagine l’historien futur étudiant l’inventaire de Petit
2583 J’imagine l’historien futur étudiant l’inventaire de Petit, comme nous lisons le Journal d’un bourgeois de Paris pour essa
2584 inventaire de Petit, comme nous lisons le Journal d’ un bourgeois de Paris pour essayer de « voir » le xve siècle. Il verr
2585 etit, comme nous lisons le Journal d’un bourgeois de Paris pour essayer de « voir » le xve siècle. Il verra bien plus que
2586 s le Journal d’un bourgeois de Paris pour essayer de « voir » le xve siècle. Il verra bien plus que des faits : les réact
2587 Il verra bien plus que des faits : les réactions d’ un esprit et d’une âme — le corps, ici, a peu de part, nous sommes en
2588 plus que des faits : les réactions d’un esprit et d’ une âme — le corps, ici, a peu de part, nous sommes en France — au fai
2589 u de part, nous sommes en France — au fait social de notre époque, affronté dans le détail quotidien d’une profession. Hen
2590 e notre époque, affronté dans le détail quotidien d’ une profession. Henri Petit voudrait avoir été l’ami d’Ulysse. Le bref
2591 profession. Henri Petit voudrait avoir été l’ami d’ Ulysse. Le bref chapitre où il nous livre cet aveu éclaire une bonne p
2592 où il nous livre cet aveu éclaire une bonne part de son œuvre. Rien n’est plus redoutable pour notre société que le regar
2593 té que le regard tranquille, apparemment modeste, d’ un homme que son métier contraint à dissimuler sa vraie force. Car de
2594 métier contraint à dissimuler sa vraie force. Car de l’auteur tout comme de son modèle légendaire, nous voyons bien que « 
2595 imuler sa vraie force. Car de l’auteur tout comme de son modèle légendaire, nous voyons bien que « ses ruses sont aussi se
2596 es dont l’aveu lui coûterait ses moyens matériels de vivre, mais dont l’acceptation virile constitue sa seule raison d’êtr
2597 nt l’acceptation virile constitue sa seule raison d’ être. Tout le débat de ce journal revient à cette scandaleuse oppositi
2598 e constitue sa seule raison d’être. Tout le débat de ce journal revient à cette scandaleuse opposition, créée par notre so
2599 grave, nourriture trop complexe pour être épuisée d’ un seul trait : non qu’il faille reprocher à Henri Petit nulle lourdeu
2600 porte, et nous met du coup en présence du concret d’ une vie située. Il faut s’arrêter, confronter, se reprendre, aussi se
2601 rrêter, confronter, se reprendre, aussi se méfier de certaines apparences d’intimité qui cachent sans doute encore une pen
2602 eprendre, aussi se méfier de certaines apparences d’ intimité qui cachent sans doute encore une pensée plus inquiétante. (L
2603 inquiétante. (La division du livre en aphorismes d’ une ou deux pages facilite heureusement ce genre de lecture.) Trois th
2604 ’une ou deux pages facilite heureusement ce genre de lecture.) Trois thèmes : la biographie (milieu, enfance, jeunesse, pr
2605 (milieu, enfance, jeunesse, professions exercées de journaliste ou de fonctionnaire) ; une longue médiation sur les maîtr
2606 jeunesse, professions exercées de journaliste ou de fonctionnaire) ; une longue médiation sur les maîtres d’une génératio
2607 tionnaire) ; une longue médiation sur les maîtres d’ une génération et le passé de la race qu’ils prolongent (Barrès, Péguy
2608 tion sur les maîtres d’une génération et le passé de la race qu’ils prolongent (Barrès, Péguy, Romain Rolland) ; enfin le
2609 uy, Romain Rolland) ; enfin le débat plus profond d’ un humaniste avec la foi chrétienne, telle qu’il songe que ses pères l
2610 isme, la condition du fonctionnaire et le « moyen de parvenir » qui parurent ici même l’an dernier ; de cette patience, de
2611 e parvenir » qui parurent ici même l’an dernier ; de cette patience, de cette justice dans la description du médiocre, de
2612 rurent ici même l’an dernier ; de cette patience, de cette justice dans la description du médiocre, de cette mesure consta
2613 de cette justice dans la description du médiocre, de cette mesure constamment observée — voilà sa ruse— et qui nourrit enf
2614 , faisant suite à ces documentaires, une critique de l’État — « Le Tous contre un » — et de son emprise sur nos vies. Crit
2615 e critique de l’État — « Le Tous contre un » — et de son emprise sur nos vies. Critique dont la portée directe et l’éviden
2616 te et l’évidence insupportable naissent non point d’ une vue théorique sur quelque régime idéal, mais de la seule exactitud
2617 ’une vue théorique sur quelque régime idéal, mais de la seule exactitude d’une enquête menée dans sa vie quotidienne par u
2618 quelque régime idéal, mais de la seule exactitude d’ une enquête menée dans sa vie quotidienne par un Français lucide qui v
2619 (Beau chapitre, tout de même, sur la « politique de clocher », où l’auteur s’efforce de sauver les restes d’un fédéralism
2620 a « politique de clocher », où l’auteur s’efforce de sauver les restes d’un fédéralisme dont il faudrait pourtant refaire
2621 her », où l’auteur s’efforce de sauver les restes d’ un fédéralisme dont il faudrait pourtant refaire les bases…) Quant à l
2622 pourtant refaire les bases…) Quant à la position d’ Henri Petit vis-à-vis de la foi, je m’excuse de la résumer en trois fo
2623 on d’Henri Petit vis-à-vis de la foi, je m’excuse de la résumer en trois formules, mais autrement, je n’en finirais pas, d
2624 lors est venu l’État, qui n’a plus rien au-dessus de lui pour le juger. Il faudrait au contraire que vienne l’homme. Chrét
2625 Chrétien, je ne puis voir dans l’émouvant effort d’ Henri Petit pour sauver d’une foi perdue tous les trésors de la « spir
2626 dans l’émouvant effort d’Henri Petit pour sauver d’ une foi perdue tous les trésors de la « spiritualité », qu’une dernièr
2627 tit pour sauver d’une foi perdue tous les trésors de la « spiritualité », qu’une dernière, et subtile, et modeste défense
2628 seul : mais il sait bien qu’une certaine approche de soi-même, qu’un certain recueillement viril dans le concret intime d’
2629 ertain recueillement viril dans le concret intime d’ une vie, c’est aussi le chemin de l’universel. S’il veut rester vivant
2630 e concret intime d’une vie, c’est aussi le chemin de l’universel. S’il veut rester vivant, c’est dans un amitié nouvelle.
2631 t aussi, et il nous fait savoir, que c’est à nous de recréer un monde où notre vie s’accepte. Aux premières pages j’ai pen
2632 es pages j’ai pensé : document sur les déceptions d’ une génération. Puis j’ai trouvé ce cri : « Tout me concerne », et ce
2633 ant nos routes se joignent. x. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Henri Petit, Un homme veut rester vivant  », Esprit
21 1936, Esprit, articles (1932–1962). Note sur nos notes (novembre 1936)
2634 longtemps que Diderot l’a dit : Tirer un peuple de l’état de barbarie, le soutenir dans sa splendeur, l’arrêter sur le p
2635 que Diderot l’a dit : Tirer un peuple de l’état de barbarie, le soutenir dans sa splendeur, l’arrêter sur le penchant de
2636 enir dans sa splendeur, l’arrêter sur le penchant de sa chute, sont trois opérations difficiles ; mais la dernière est la
2637 ceptibles répandus sur toute la durée fastidieuse d’ un long règne. La longue imbécilité d’un monarque caduc prépare à son
2638 fastidieuse d’un long règne. La longue imbécilité d’ un monarque caduc prépare à son successeur des maux presque impossible
2639 maux presque impossibles à réparer. S’il s’agit de littérature, la traduction des métaphores de Diderot est trop aisée.
2640 agit de littérature, la traduction des métaphores de Diderot est trop aisée. « Affaissement général », symptômes impercept
2641 Des éditeurs lancent chaque automne leur douzaine de nouveaux romanciers. Quand ils en publiaient naguère deux ou trois, l
2642 s » soit si visiblement déterminé par les clauses d’ un contrat commercial. La littérature d’aujourd’hui pose à chaque inst
2643 s clauses d’un contrat commercial. La littérature d’ aujourd’hui pose à chaque instant des questions qui ne sont pas du tou
2644 tte littérature qui parle dans le vide, pour rien de grand, pour personne de concret, ni pour aucune communauté, — pour on
2645 e dans le vide, pour rien de grand, pour personne de concret, ni pour aucune communauté, — pour on ne sait quel « prestige
2646 devenir ce qu’elle est ; et plus encore à chacun de nous dans le cœur duquel ce régime plonge ses dernières racines vivan
2647 ses dernières racines vivantes. Il ne s’agit pas de morale ! Ni de condamner pour le mauvais plaisir d’avoir raison. Mais
2648 racines vivantes. Il ne s’agit pas de morale ! Ni de condamner pour le mauvais plaisir d’avoir raison. Mais il s’agit de r
2649 morale ! Ni de condamner pour le mauvais plaisir d’ avoir raison. Mais il s’agit de refaire une amitié humaine d’où jailli
2650 le mauvais plaisir d’avoir raison. Mais il s’agit de refaire une amitié humaine d’où jaillisse la joie créatrice. Il faut
2651 son. Mais il s’agit de refaire une amitié humaine d’ où jaillisse la joie créatrice. Il faut bien constater d’abord qu’elle
2652 raire. Nous ne pensons pas que le temps soit venu d’ inventer des canons esthétiques, ni même une rhétorique commune, ou un
2653 ues, ni même une rhétorique commune, ou un jargon d’ équipe, ou je ne sais quel sabir personnaliste. Au jour où nous en som
2654 mes, on ne refait pas un art avec un point de vue d’ art, ou de philosophie, ou de morale, mais en refaisant une société où
2655 refait pas un art avec un point de vue d’art, ou de philosophie, ou de morale, mais en refaisant une société où l’art exe
2656 avec un point de vue d’art, ou de philosophie, ou de morale, mais en refaisant une société où l’art exerce une fonction né
2657 ssaire. Toutes les grandes littératures sont nées d’ une révolution, non d’une émeute dans les lettres. Pour qu’une école s
2658 ndes littératures sont nées d’une révolution, non d’ une émeute dans les lettres. Pour qu’une école se crée, il faut qu’une
2659 t qui suppose le développement sur tous les plans de la révolution personnaliste. Nous ne répétons ces choses, ici, que po
2660 t, pour son compte, y répondre. Elles jaillissent d’ une passion de construire, d’une vision grande du but commun. Bien écr
2661 mpte, y répondre. Elles jaillissent d’une passion de construire, d’une vision grande du but commun. Bien écrit, mal écrit,
2662 e. Elles jaillissent d’une passion de construire, d’ une vision grande du but commun. Bien écrit, mal écrit, talent ou pas
2663 l’on donne au problème éternel : où sommes-nous, d’ où venons-nous, où allons-nous ? Alors seulement, après cela seulement
2664 ent, après cela seulement, le reste aura le droit d’ être littérature. y. Rougemont Denis de, « Note sur nos notes », Es
2665 e droit d’être littérature. y. Rougemont Denis de , « Note sur nos notes », Esprit, Paris, novembre 1936, p. 346-347.
22 1936, Esprit, articles (1932–1962). Erskine Caldwell, Le Petit Arpent du Bon Dieu (novembre 1936)
2666 lkner, aujourd’hui Caldwell. On parlait autrefois de gauloiserie. Il faudra dire désormais : américanisme. Mais on risque
2667 ire désormais : américanisme. Mais on risque bien de commettre, à l’endroit de ce nouvel érotisme, la même erreur que la c
2668 sme, que c’est enfin la « vraie » nature délivrée de la contrainte « artificielle » des convenances ou du sentiment… Huizi
2669 qui pourrait être écrit tout exprès pour l’œuvre de Caldwell : On aime à opposer l’esprit gaulois aux conventions de l’a
2670 n aime à opposer l’esprit gaulois aux conventions de l’amour courtois, et à y voir la conception naturaliste de l’amour, e
2671 r courtois, et à y voir la conception naturaliste de l’amour, en opposition avec la conception romantique. Or la gauloiser
2672 que. La pensée érotique, pour acquérir une valeur de culture, doit être stylisée. Elle doit représenter la réalité complex
2673 a gauloiserie : la licence fantaisiste, le dédain de toutes les complications naturelles et sociales de l’amour, l’indulge
2674 e toutes les complications naturelles et sociales de l’amour, l’indulgence pour les mensonges et les égoïsmes de la vie se
2675 , l’indulgence pour les mensonges et les égoïsmes de la vie sexuelle, la vision d’une jouissance infinie, tout cela ne fai
2676 ges et les égoïsmes de la vie sexuelle, la vision d’ une jouissance infinie, tout cela ne fait que donner satisfaction au b
2677 ne fait que donner satisfaction au besoin humain de substituer à la réalité le rêve d’une vie plus « heureuse ». C’est en
2678 besoin humain de substituer à la réalité le rêve d’ une vie plus « heureuse ». C’est encore une aspiration à la vie sublim
2679 du côté animal. C’est un idéal quand même : celui de la luxure. Et c’est encore une évasion, encore un exotisme à l’usage
2680 encore une évasion, encore un exotisme à l’usage d’ une génération sans foi. 62. Payot, 1932, page 135. z. Rougemont D
2681 62. Payot, 1932, page 135. z. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Erskine Caldwell, Le Petit Arpent du Bon Dieu  », E
23 1936, Esprit, articles (1932–1962). André Gide, Retour de l’URSS (décembre 1936)
2682 André Gide, Retour de l’URSS (décembre 1936)aa Quel que soit le domaine qu’il aborde, la
2683 e domaine qu’il aborde, la merveilleuse précision de son vocabulaire sauvera Gide du journalisme. Car ce n’est pas l’actua
2684 sme. Car ce n’est pas l’actualité toute passagère de son objet qui fait la faiblesse d’un ouvrage, mais bien l’insuffisanc
2685 oute passagère de son objet qui fait la faiblesse d’ un ouvrage, mais bien l’insuffisance ou le mensonge d’une langue — cel
2686 ouvrage, mais bien l’insuffisance ou le mensonge d’ une langue — celle du reporter par exemple — inapte à traduire le conc
2687 le — inapte à traduire le concret, le particulier de cet objet, je veux dire son message unique et par là même généralemen
2688 lement humain. Gide retrouve la manière classique d’ humaniser l’anecdote, l’aperçu. C’est qu’il ne cherche pas le pittores
2689 e, mais l’enseignement objectif, au sens goethéen de ce terme. Ce n’est pas là, je crois, sa pente naturelle ; plutôt l’ef
2690 là, je crois, sa pente naturelle ; plutôt l’effet d’ une permanente correction que par scrupule humain, et par prudence aus
2691 es entraînements. L’âge venant, je me sens moins de curiosité pour les paysages, beaucoup moins, et si beaux qu’ils soien
2692 ommes. Voilà bien la vision classique : « Cessons de regarder les maisons : ce qui m’intéresse ici, c’est la foule. » Je m
2693 resse ici, c’est la foule. » Je me souviens alors de Goethe à Venise : « Je ne suis encore entré dans aucun bâtiment, exce
2694 é dans aucun bâtiment, excepté Saint-Marc. Il y a de quoi faire au-dehors, et la foule m’intéresse infiniment… » Goethe po
2695 et une astuce inexprimables…63 » Mais voici Gide de son côté, observant les acheteurs et l’étalage du bazar de Moscou : «
2696 té, observant les acheteurs et l’étalage du bazar de Moscou : « Les marchandises sont, à bien peu près, rebutantes. On pou
2697 is non jamais par gourmandise. » (Il est plaisant de rapprocher Goethe et Gide ; mais comparez aussi, Venise et Moscou — 1
2698 eux peuples : la convoitise et l’astuce attentive de l’un, la résignation de l’autre… Nathanaël, gourmand, aurait choisi V
2699 ise et l’astuce attentive de l’un, la résignation de l’autre… Nathanaël, gourmand, aurait choisi Venise, en dépit du progr
2700 lirait, sans bien connaître Gide, l’avant-propos de son petit livre et cette espèce de happy end que figure le dernier pa
2701 l’avant-propos de son petit livre et cette espèce de happy end que figure le dernier paragraphe, il paraîtrait qu’il s’agi
2702 dernier paragraphe, il paraîtrait qu’il s’agit là d’ une description un peu plus qu’amicale du régime de l’URSS, d’une ferv
2703 ’une description un peu plus qu’amicale du régime de l’URSS, d’une fervente autocritique, voire d’un éloge adroitement pim
2704 ption un peu plus qu’amicale du régime de l’URSS, d’ une fervente autocritique, voire d’un éloge adroitement pimenté de rés
2705 ime de l’URSS, d’une fervente autocritique, voire d’ un éloge adroitement pimenté de réserves. Préface : « Les réalisations
2706 utocritique, voire d’un éloge adroitement pimenté de réserves. Préface : « Les réalisations de l’URSS sont le plus souvent
2707 pimenté de réserves. Préface : « Les réalisations de l’URSS sont le plus souvent admirables. » Épilogue : « L’URSS n’a pas
2708 nt admirables. » Épilogue : « L’URSS n’a pas fini de nous instruire et de nous étonner. » Précautions, je sais bien. Mais
2709 ogue : « L’URSS n’a pas fini de nous instruire et de nous étonner. » Précautions, je sais bien. Mais ici, sont-elles effic
2710 efficaces ? Empêcheront-elles personne, à droite, d’ abuser des textes les plus clairs, ni personne, du côté stalinien, de
2711 les plus clairs, ni personne, du côté stalinien, de crier au trotskiste, au bourgeois ? (Si toutefois c’est encore une in
2712 une injure…) Pour moi, elles me donneraient envie de simplifier le contenu réel du texte en deux petites phrases : l’une p
2713 tites phrases : l’une prononcée par Gide au début de son voyage, l’autre écrite au retour en France. Point de départ : « L
2714 voyage, l’autre écrite au retour en France. Point de départ : « Le sort de la culture est lié dans nos esprits au destin m
2715 au retour en France. Point de départ : « Le sort de la culture est lié dans nos esprits au destin même de l’URSS » (disco
2716 a culture est lié dans nos esprits au destin même de l’URSS » (discours aux obsèques de Gorki). Point d’arrivée : « Rien,
2717 au destin même de l’URSS » (discours aux obsèques de Gorki). Point d’arrivée : « Rien, plus que cet état d’esprit (de la m
2718 l’URSS » (discours aux obsèques de Gorki). Point d’ arrivée : « Rien, plus que cet état d’esprit (de la même URSS) ne met
2719 t d’arrivée : « Rien, plus que cet état d’esprit ( de la même URSS) ne met en péril la culture. » Naturellement, c’est plus
2720 donneraient à penser. Parlons net : il s’agit ici d’ un dégonflage impitoyable de ce qu’il faut bien appeler le bluff stali
2721 s net : il s’agit ici d’un dégonflage impitoyable de ce qu’il faut bien appeler le bluff stalinien ; et je ne dis pas du t
2722 r le bluff stalinien ; et je ne dis pas du tout : d’ une critique de ce qu’il y a de profond dans le marxisme, mais d’une d
2723 inien ; et je ne dis pas du tout : d’une critique de ce qu’il y a de profond dans le marxisme, mais d’une dénonciation des
2724 dis pas du tout : d’une critique de ce qu’il y a de profond dans le marxisme, mais d’une dénonciation des slogans d’expor
2725 de ce qu’il y a de profond dans le marxisme, mais d’ une dénonciation des slogans d’exportation qui ont fait, et font encor
2726 le marxisme, mais d’une dénonciation des slogans d’ exportation qui ont fait, et font encore, les trois-quarts du succès d
2727 fait, et font encore, les trois-quarts du succès de l’URSS auprès des intellectuels français. Liberté en URSS ? « Je dou
2728 e compte. Oui, dictature, évidemment ; mais celle d’ un homme, non plus celle des prolétaires unis, des Soviets. » — Intern
2729 » — Internationalisme ? « L’important, ici, c’est de persuader aux gens qu’on est moins heureux qu’eux partout ailleurs. L
2730 domestiques, des manœuvres, des hommes et femmes “ de journée”, et j’allais dire : des pauvres. Il n’y a plus de classes en
2731 e”, et j’allais dire : des pauvres. Il n’y a plus de classes en URSS, c’est entendu. Mais il y a des pauvres. Il y en a tr
2732 s. Il y en a trop, beaucoup trop. » — Suppression de la propriété privée ? « Avec la restauration de la famille (en tant q
2733 n de la propriété privée ? « Avec la restauration de la famille (en tant que « cellule sociale »), de l’héritage, et du le
2734 de la famille (en tant que « cellule sociale »), de l’héritage, et du legs64, le goût du lucre, de la possession particul
2735 ), de l’héritage, et du legs64, le goût du lucre, de la possession particulière, reprennent le pas sur le besoin de camara
2736 ion particulière, reprennent le pas sur le besoin de camaraderie, de partage et de vie commune. » On ricanait quand Berdia
2737 , reprennent le pas sur le besoin de camaraderie, de partage et de vie commune. » On ricanait quand Berdiaev prophétisait
2738 e pas sur le besoin de camaraderie, de partage et de vie commune. » On ricanait quand Berdiaev prophétisait l’apparition p
2739 aev prophétisait l’apparition prochaine, en URSS, d’ une mentalité petite-bourgeoise. Mais Gide : « Je crains que ne se ref
2740 ains que ne se reforme bientôt une nouvelle sorte de bourgeoisie ouvrière satisfaite…, trop comparable à la petite bourgeo
2741 isfaite…, trop comparable à la petite bourgeoisie de chez nous. J’en vois partout les symptômes annonciateurs. » — On pour
2742 ide reproche à la fameuse autocritique soviétique de ne consister « qu’à se demander si ceci ou cela est dans la ligne ou
2743 gne, que l’on discute. Ce que l’on discute, c’est de savoir si telle œuvre, tel geste ou telle théorie est conforme à cett
2744 Je demande alors si Gide pratique cette espèce-là d’ autocritique, — ou s’il entend pousser plus loin ? Si Gide reste marxi
2745 chrétien anticlérical. Seulement, la dissociation de la foi et des œuvres de l’Église est relativement aisée pour un espri
2746 eulement, la dissociation de la foi et des œuvres de l’Église est relativement aisée pour un esprit qui reconnaît la trans
2747 sée pour un esprit qui reconnaît la transcendance de Dieu, seul auteur de la foi. Tandis que dissocier la doctrine de Marx
2748 i reconnaît la transcendance de Dieu, seul auteur de la foi. Tandis que dissocier la doctrine de Marx de ses applications
2749 uteur de la foi. Tandis que dissocier la doctrine de Marx de ses applications historiques, c’est en définitive critiquer l
2750 la foi. Tandis que dissocier la doctrine de Marx de ses applications historiques, c’est en définitive critiquer le marxis
2751 ne, et historiquement valable, elle est comptable de ses déviations humaines et historiques. Elle est jugée par ces déviat
2752 s en ont fait, et par la réussite ou bien l’échec de ses prévisions pratiques. Gide le sent-il ? « D’autres plus compétent
2753 s plus compétents que moi diront si ce changement d’ orientation [le stalinisme par rapport au marxisme] n’est peut-être qu
2754 e une dérogation n’est pas une conséquence fatale de certaines dispositions antérieures. » Phrase équivoque, malheureuseme
2755 staliniens auront beau jeu : ils traiteront Gide de bourgeois libéral, de monsieur susceptible et réactionnaire. Si l’on
2756 u jeu : ils traiteront Gide de bourgeois libéral, de monsieur susceptible et réactionnaire. Si l’on accepte vraiment le ma
2757 accepte vraiment le marxisme, pourquoi s’indigner d’ une tactique qui paraît seule capable de l’imposer ? Ce n’est pas là t
2758 ’indigner d’une tactique qui paraît seule capable de l’imposer ? Ce n’est pas là toucher le fond réel de la situation hist
2759 l’imposer ? Ce n’est pas là toucher le fond réel de la situation historique. Et la droite, si elle était honnête, serait
2760 t encore plus gênée que la gauche par ce portrait de l’URSS fascisée et embourgeoisée. Mais nous, personnalistes, que diro
2761 eu, et pour cela le couche chaque soir sur un lit de braises. « Il supporte l’ardeur des charbons, et cette épreuve le for
2762 ’est une légende… Elle traduit à mes yeux ce fait d’ expérience : toute tentative de déification (ici, la création d’un « h
2763 à mes yeux ce fait d’expérience : toute tentative de déification (ici, la création d’un « homme nouveau ») se termine par
2764 toute tentative de déification (ici, la création d’ un « homme nouveau ») se termine par d’horribles brûlures — ou par l’i
2765 a création d’un « homme nouveau ») se termine par d’ horribles brûlures — ou par l’intervention de Staline-Métaneire. Pourq
2766 par d’horribles brûlures — ou par l’intervention de Staline-Métaneire. Pourquoi Gide continue-t-il à croire qu’en d’autre
2767 ’expérience marxiste eût réussi ? Sa croyance est d’ ordre mystique, contredite par les faits connus. C’est une espèce d’ac
2768 contredite par les faits connus. C’est une espèce d’ acte de foi. Ou mieux : un négatif de l’acte de foi chrétien. Si l’enf
2769 ite par les faits connus. C’est une espèce d’acte de foi. Ou mieux : un négatif de l’acte de foi chrétien. Si l’enfant se
2770 t une espèce d’acte de foi. Ou mieux : un négatif de l’acte de foi chrétien. Si l’enfant se brûle, ou si Staline ne peut l
2771 ce d’acte de foi. Ou mieux : un négatif de l’acte de foi chrétien. Si l’enfant se brûle, ou si Staline ne peut le sauver q
2772 t pécheur, et ne peut pas outrepasser les limites de sa condition. Qui veut faire l’ange — l’Homme nouveau — appelle la bê
2773 u ou un surhomme, mais un ordre nouveau à hauteur d’ homme. Voilà le point de notre différend. Nous n’y insisterons jamais
2774 n ordre nouveau à hauteur d’homme. Voilà le point de notre différend. Nous n’y insisterons jamais assez. Mais il faut dire
2775 qu’il a fait erreur sur l’homme. La phrase finale de ce livre sur l’URSS, c’est à l’auteur que nous l’appliquerons : c’est
2776 uerons : c’est lui, c’est Gide « qui n’a pas fini de nous instruire et de nous étonner ». 63. Journal de voyage en Itali
2777 ’est Gide « qui n’a pas fini de nous instruire et de nous étonner ». 63. Journal de voyage en Italie, 29 septembre 1786.
2778 ous instruire et de nous étonner ». 63. Journal de voyage en Italie, 29 septembre 1786. 64. Pends-toi, brave Kérillis !
2779 savaient cela ! 65. Certes, Gide ne se prive pas d’ admirer bien des choses en URSS (les « parcs d’enfants » surtout) ; ma
2780 as d’admirer bien des choses en URSS (les « parcs d’ enfants » surtout) ; mais la plupart des excuses qu’il propose au stal
2781 tion du luxe, p. 60, etc.). aa. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] André Gide, Retour de l’URSS  », Esprit, Paris, déc
2782 ont Denis de, « [Compte rendu] André Gide, Retour de l’URSS  », Esprit, Paris, décembre 1936, p. 465-469.
24 1937, Esprit, articles (1932–1962). Défense de la culture (janvier 1937)
2783 Défense de la culture (janvier 1937)ab Le palais des ducs d’Albe a été détrui
2784 la culture (janvier 1937)ab Le palais des ducs d’ Albe a été détruit par les obus de Franco, et Commune, par la voix d’A
2785 palais des ducs d’Albe a été détruit par les obus de Franco, et Commune, par la voix d’Aragon, exprime sa juste indignatio
2786 t par les obus de Franco, et Commune, par la voix d’ Aragon, exprime sa juste indignation. Crime contre la culture. Car c’é
2787 r c’était le parti communiste qui avait pris soin de cette œuvre d’art, après la fuite du propriétaire. « Les domestiques
2788 infinie gentillesse. Ne donne-t-on pas au canari de la duchesse chaque jour sa feuille de salade bien verte ? » Si tout c
2789 s au canari de la duchesse chaque jour sa feuille de salade bien verte ? » Si tout cela est fini, c’est à cause du fascism
2790 menacée en France ? Est-ce seulement une question de régime ? Est-ce d’abord une question politique ? Culture à gauche, br
2791 e à droite, — ou inversement ? Ils ont bien l’air de le croire, ces messieurs. Pourtant : on lit de moins en moins, en Fra
2792 ir de le croire, ces messieurs. Pourtant : on lit de moins en moins, en France, où rien n’entrave la liberté d’éditer et d
2793 en moins, en France, où rien n’entrave la liberté d’ éditer et de vendre tout ce que l’on imagine. Ce n’est pas le « fascis
2794 France, où rien n’entrave la liberté d’éditer et de vendre tout ce que l’on imagine. Ce n’est pas le « fascisme » qui exp
2795 aussi, caresser un petit chien, donner sa feuille de salade verte au canari. Et nous ne sommes pas « communistes » pour si
2796 t les concerts, bref, se cultive avec cette sorte de passion que le Français réserve, présentement, sous son régime de lib
2797 e Français réserve, présentement, sous son régime de liberté, à la lecture de Paris-Soir et Paris-Sports, quand ce n’est p
2798 ntement, sous son régime de liberté, à la lecture de Paris-Soir et Paris-Sports, quand ce n’est pas Paris-Soir-Dimanche. Q
2799 -vingt-treizième-mille. Les trois derniers romans d’ un jeune auteur, Ernst Wiechert, ont atteint quatre-vingts, soixante-q
2800 ixante-quinze et cent-mille. Et c’est un écrivain de classe ! L’essai de Gedat intitulé Un chrétien découvre les problèmes
2801 t-mille. Et c’est un écrivain de classe ! L’essai de Gedat intitulé Un chrétien découvre les problèmes du monde approche d
2802 ne Gerhard Schuhmann, qui est nazi, a des tirages de douze-mille, et le vieux Ch. Morgenstern, qui ne l’est pas, un tirage
2803 ieux Ch. Morgenstern, qui ne l’est pas, un tirage de cinquante-mille. Repère : le dernier Lagerlöf fait en Allemagne quara
2804 tc., etc. Conclusion ? Si l’on mesurait la valeur d’ une culture selon des normes soviétiques, il faudrait en conclure que
2805 est faux. Alors ? Alors on voit que les rapports de la politique, de l’économie de la nation et de la culture sont un peu
2806 ? Alors on voit que les rapports de la politique, de l’économie de la nation et de la culture sont un peu moins simplets q
2807 t que les rapports de la politique, de l’économie de la nation et de la culture sont un peu moins simplets que ces partisa
2808 ts de la politique, de l’économie de la nation et de la culture sont un peu moins simplets que ces partisans ne le croient
2809 faut défendre la culture. ab. Rougemont Denis de , « Défense de la culture », Esprit, Paris, janvier 1937, p. 642-643.
2810 la culture. ab. Rougemont Denis de, « Défense de la culture », Esprit, Paris, janvier 1937, p. 642-643.
25 1937, Esprit, articles (1932–1962). La fièvre romanesque (janvier 1937)
2811 r 1937)ac Marcel Arland note à propos du roman d’ un débutant : « Les personnages n’y semblent naître et se nourrir que
2812 personnages n’y semblent naître et se nourrir que de la fièvre de l’auteur. » N’est-ce pas, en somme, toujours ainsi que l
2813 ’y semblent naître et se nourrir que de la fièvre de l’auteur. » N’est-ce pas, en somme, toujours ainsi que les personnage
2814 es naissent et se nourrissent ? Mais on a convenu de n’en rien laisser paraître. Oui, c’est toujours sa fièvre que le roma
2815 ropose, mais très diversement vêtue, et il essaie de nous intéresser d’abord aux vêtements. Il entend bien nous la faire a
2816 traper cette fièvre mais secrètement, à la faveur de mille « observations » dites objectives, chargées de nous distraire p
2817 mille « observations » dites objectives, chargées de nous distraire pendant l’opération, et de nous faire croire que ce n’
2818 hargées de nous distraire pendant l’opération, et de nous faire croire que ce n’est pas lui qui agit… Pourtant ses personn
2819 qu’ils le soient, à la limite, autant. Il me dira d’ une voix que j’entends déjà : « Mais je n’ai rien voulu de tout cela !
2820 ix que j’entends déjà : « Mais je n’ai rien voulu de tout cela ! Mes personnages se sont imposés à moi etc. » Je n’ignore
2821 souvent fort incertaines et monotones, s’imposent de cette manière au déprimé fiévreux. La question est ailleurs : va-t-on
2822 eux. La question est ailleurs : va-t-on se vanter d’ être si faible que de céder à toutes ses obsessions ? (Je feindrai d’i
2823 ailleurs : va-t-on se vanter d’être si faible que de céder à toutes ses obsessions ? (Je feindrai d’ignorer qu’elles sont
2824 e de céder à toutes ses obsessions ? (Je feindrai d’ ignorer qu’elles sont anxieusement souhaitées, et cultivées avec des s
2825 n atteste par une publication tel acte victorieux de l’homme contre ses servitudes naturelles et les illusions qu’elles en
2826 les entraînent : Goethe ou Balzac n’ont rien fait d’ autre. Mais toutes ces feuilles de température ! (Même, je feins d’ign
2827 n’ont rien fait d’autre. Mais toutes ces feuilles de température ! (Même, je feins d’ignorer qu’on a chauffé le thermomètr
2828 tes ces feuilles de température ! (Même, je feins d’ ignorer qu’on a chauffé le thermomètre…) ac. Rougemont Denis de, « 
2829 a chauffé le thermomètre…) ac. Rougemont Denis de , « La fièvre romanesque », Esprit, Paris, janvier 1937, p. 656.
26 1937, Esprit, articles (1932–1962). Jean Blanzat, Septembre (janvier 1937)
2830 Jean Blanzat, Septembre (janvier 1937)ad Roman d’ une jalousie qui se crée son objet, par masochisme. Un jeune mari trou
2831 e sa femme, et la perd enfin, à force de souffrir d’ une infidélité qu’elle pourrait faire. Or elle n’y songeait pas… Qu’es
2832 est-ce que ce livre ? Un document clinique ? Trop d’ élégances littéraires. Ou une histoire imaginée pour le plaisir de con
2833 éraires. Ou une histoire imaginée pour le plaisir de conter ? Trop de détails intimes semblent destinés à faire vrai, et à
2834 istoire imaginée pour le plaisir de conter ? Trop de détails intimes semblent destinés à faire vrai, et à prouver que l’on
2835 faire vrai, et à prouver que l’on n’invente rien de ce tourment. Est-ce donc un témoignage pur et simple — ni si pur ni s
2836 e d’ailleurs, — la relation volontairement privée de « morale » d’un lamentable cas individuel ? Mais alors : veut-on ma c
2837 — la relation volontairement privée de « morale » d’ un lamentable cas individuel ? Mais alors : veut-on ma compassion pour
2838 t sans savoir pourquoi ; peut-être pour chercher, de page en page, ce qui a poussé l’auteur à publier un aussi désolant ré
2839 et en Allemagne.) Mais nos romans ne veulent plus de morale — à cause de « l’art » — et l’art consiste à vous faire partag
2840 que gratuits. Car en effet, si ce « je » du récit de M. Blanzat faisait un geste franc, il est clair qu’il n’y aurait pas
2841 un geste franc, il est clair qu’il n’y aurait pas de roman. Mais, nous dit-il : « le plus petit geste m’a toujours coûté »
2842 este m’a toujours coûté ». ad. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Jean Blanzat, Septembre  », Esprit, Paris, janvier
27 1937, Esprit, articles (1932–1962). Robert Briffaut, Europe (janvier 1937)
2843 iffaut, Europe (janvier 1937)ae On se souvient de la guerre des Balkans. Elle éclata, nous apprend M. Briffaut, parce q
2844 Briffaut, parce qu’une baronne juive avait refusé de coucher avec un certain prince Nevidoff, propriétaire de bassins pétr
2845 her avec un certain prince Nevidoff, propriétaire de bassins pétrolifères. Cette thèse, après tout vraisemblable — on a bi
2846 st évidemment symbolique. L’on est censé conclure de ce brillant tableau des vices de l’aristocratie européenne qu’une tel
2847 t censé conclure de ce brillant tableau des vices de l’aristocratie européenne qu’une telle classe est la vraie responsabl
2848 le classe est la vraie responsable du cafouillage de 1914. Le héros principal — il y a bien une centaine de personnages to
2849 14. Le héros principal — il y a bien une centaine de personnages tous nobles ou riches — finira certainement dans le marxi
2850 dans le marxisme : l’auteur l’y pousse sans trop de discrétion, anticipant d’au moins 20 ans sur un mouvement de sensibil
2851 ur l’y pousse sans trop de discrétion, anticipant d’ au moins 20 ans sur un mouvement de sensibilité qui fit naguère quelqu
2852 on, anticipant d’au moins 20 ans sur un mouvement de sensibilité qui fit naguère quelques ravages dans le beau monde. L’en
2853 a fourni les personnages, Huxley certain cynisme de naturaliste puritain en révolte contre sa bourgeoisie, Dos Passos le
2854 biographies parallèles, et Franz Lehar les décors d’ opérette. Catalogue illustré des vices les plus connus, revue à grand
2855 e à grand spectacle où Jaurès, Mussolini, Lénine, d’ Annunzio et Nietzsche viennent faire de petits sketches non dénués d’à
2856 i, Lénine, d’Annunzio et Nietzsche viennent faire de petits sketches non dénués d’à-propos, album de cartes postales en co
2857 sche viennent faire de petits sketches non dénués d’ à-propos, album de cartes postales en couleur : soir de Capri, jeune p
2858 e de petits sketches non dénués d’à-propos, album de cartes postales en couleur : soir de Capri, jeune princesse peignant
2859 ropos, album de cartes postales en couleur : soir de Capri, jeune princesse peignant à l’aquarelle, baisers dans les jardi
2860 s dans les jardins pendant le bal, — on s’en veut d’ aller jusqu’au bout, mais on y va irrésistiblement. Comment légitimer
2861 leur vérité originelle. Et l’on se laisse aller à de vieux trucs trop éprouvés, ahuri et charmé de découvrir qu’ils jouent
2862 r à de vieux trucs trop éprouvés, ahuri et charmé de découvrir qu’ils jouent, pour une fois, sans tricher. Mais non : pour
2863 on : pour condamner une société, il faudrait plus de charité réelle, c’est-à-dire plus de radicale dureté. Et renoncer à l
2864 audrait plus de charité réelle, c’est-à-dire plus de radicale dureté. Et renoncer à la charmer, ou à se laisser charmer —
2865 charmer — ceci pour moi lecteur — par le tableau de sa déchéance. ae. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Robert Brif
2866 e tableau de sa déchéance. ae. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Robert Briffaut, Europe  », Esprit, Paris, janvier
28 1937, Esprit, articles (1932–1962). Paul Vaillant-Couturier, Au service de l’Esprit (février 1937)
2867 Paul Vaillant-Couturier, Au service de l’Esprit (février 1937)af Ce « rapport » a été approuvé à l’unanim
2868 c un manifeste, et un texte officiel. Il convient d’ en parler avec sérieux. Tout d’abord quelques citations : L’homme ne
2869 libre. — Nous avons toujours admis la légitimité de la propriété. — Dans le monde capitaliste des monopoles privés, la pe
2870 tour à l’art sain dans la liberté. — Il est temps de donner le pas à l’esprit sur les forces de la matière. — Au-dessus de
2871 temps de donner le pas à l’esprit sur les forces de la matière. — Au-dessus de tout, ils placent l’homme. — Notre sens de
2872 ’esprit sur les forces de la matière. — Au-dessus de tout, ils placent l’homme. — Notre sens de la solidarité ne nous empê
2873 dessus de tout, ils placent l’homme. — Notre sens de la solidarité ne nous empêche pas de voir — bien au contraire — ce qu
2874 — Notre sens de la solidarité ne nous empêche pas de voir — bien au contraire — ce qu’il y a d’humain dans l’attendrisseme
2875 he pas de voir — bien au contraire — ce qu’il y a d’ humain dans l’attendrissement et dans le besoin de bonté de la charité
2876 d’humain dans l’attendrissement et dans le besoin de bonté de la charité. — Tout le problème est là : mettre la machine au
2877 dans l’attendrissement et dans le besoin de bonté de la charité. — Tout le problème est là : mettre la machine au service
2878 le problème est là : mettre la machine au service de l’homme. — Il s’agit de transformer le chômage en loisir. Je résume 
2879 tre la machine au service de l’homme. — Il s’agit de transformer le chômage en loisir. Je résume : primauté du spirituel 
2880 ir. Je résume : primauté du spirituel ; primauté de l’homme sur l’économique ; affirmation de la personne comme valeur sp
2881 rimauté de l’homme sur l’économique ; affirmation de la personne comme valeur spirituelle absolue, par suite rejet du capi
2882 u capitalisme et du fascisme ; liberté nécessaire de la culture ; enfin, subordination du machinisme, perfectionné, aux be
2883 mains. Toutes ces thèses figurent dans le Cahier de revendications qui présenta le mouvement personnaliste à son départ,
2884 mouvement personnaliste à son départ, en 1932 (n°  de décembre de la NRF). Ce sont ces thèses-là, précisément, qui furent a
2885 rsonnaliste à son départ, en 1932 (n° de décembre de la NRF). Ce sont ces thèses-là, précisément, qui furent alors qualifi
2886 èses-là, précisément, qui furent alors qualifiées de « fascistes » par les doctrinaires du PC. Mais nous nous garderons bi
2887 doctrinaires du PC. Mais nous nous garderons bien de marquer le point. (Ce qui équivaudrait à reconnaître la conversion gl
2888 t la générosité française, c’est l’amour français de l’indépendance, c’est ce sens français de l’universel, c’est l’humani
2889 rançais de l’indépendance, c’est ce sens français de l’universel, c’est l’humanisme français qui demeurent les meilleurs g
2890 isme français qui demeurent les meilleurs garants de la volonté française de paix. — Le communisme est un moment de la Fra
2891 ent les meilleurs garants de la volonté française de paix. — Le communisme est un moment de la France éternelle. — Nous co
2892 française de paix. — Le communisme est un moment de la France éternelle. — Nous continuons la France, la France généreuse
2893 e, accueillante, compréhensive, rayonnante, toute de mesure et de goût. — Nous sommes attachés à cette sélection de grâce
2894 te, compréhensive, rayonnante, toute de mesure et de goût. — Nous sommes attachés à cette sélection de grâce et de mesure
2895 de goût. — Nous sommes attachés à cette sélection de grâce et de mesure qui s’appelle la politesse française. Ensuite par
2896 ous sommes attachés à cette sélection de grâce et de mesure qui s’appelle la politesse française. Ensuite parce que les d
2897 se française. Ensuite parce que les déclarations de l’auteur sur le procès Zinoviev (p. 11), sur « l’indépendance financi
2898 t confiance pour l’aider à résoudre les problèmes de la paix, de la liberté et du pain des hommes. » Autant dire qu’il ne
2899 pour l’aider à résoudre les problèmes de la paix, de la liberté et du pain des hommes. » Autant dire qu’il ne fait plus co
2900 outes les attaques marxistes contre les positions d’ Esprit et de l’ON depuis quatre ans, n’avaient pas même l’excuse de la
2901 taques marxistes contre les positions d’Esprit et de l’ON depuis quatre ans, n’avaient pas même l’excuse de la sincérité.
2902 ON depuis quatre ans, n’avaient pas même l’excuse de la sincérité. Ou alors, c’est que M. Vaillant-Couturier, qui pourtant
2903 dictature, déterminisme économique et pas un mot de l’oppression stalinienne. Et pas un mot de la « dialectique ». Et pui
2904 un mot de l’oppression stalinienne. Et pas un mot de la « dialectique ». Et puis, qu’est-ce que l’Esprit qu’il veut servir
2905 s, né malin, ne doit pas mourir gogo, la brochure de Vaillant-Couturier fera plus de mal au parti stalinien que les livres
2906 gogo, la brochure de Vaillant-Couturier fera plus de mal au parti stalinien que les livres de Gide et de Céline.   P.-S. —
2907 era plus de mal au parti stalinien que les livres de Gide et de Céline.   P.-S. — On a corrigé par un erratum manuscrit la
2908 mal au parti stalinien que les livres de Gide et de Céline.   P.-S. — On a corrigé par un erratum manuscrit la faute de l
2909 S est pacifiste). Mais on a laissé figurer le nom de Gide parmi « les plus grands écrivains de ce temps » embrigadés par l
2910 le nom de Gide parmi « les plus grands écrivains de ce temps » embrigadés par les vrais communistes. af. Rougemont Den
2911 par les vrais communistes. af. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Paul Vaillant-Couturier, Au service de l’Esprit  »,
2912 Compte rendu] Paul Vaillant-Couturier, Au service de l’Esprit  », Esprit, Paris, février 1937, p. 812-814.
29 1937, Esprit, articles (1932–1962). Vassily Photiadès, Marylène ou à qui le dire ? (février 1937)
2913 On le dira donc au public. Ce sont des souvenirs d’ enfance, fort bien réinventés, et contés dans un style un peu chantant
2914 e, entrevue dans une chambre, à travers un rideau de pluie. ag. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Vassily Photiadès,
2915 ravers un rideau de pluie. ag. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Vassily Photiadès, Marylène ou à qui le dire ?  »,
30 1937, Esprit, articles (1932–1962). Albert Thibaudet, Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours (mars 1937)
2916 Albert Thibaudet, Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours (mars 1937)ah Comment
2917 t Thibaudet, Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours (mars 1937)ah Comment juger ce qui ne veut pas êt
2918 pas être jugement, mais dégustation, claquements de langue, savoureuse bouillabaisse d’idées, carte des vins commentée, b
2919 , claquements de langue, savoureuse bouillabaisse d’ idées, carte des vins commentée, bonhomie et rosseries négligentes, va
2920 n… Thibaudet s’est parfaitement défini : « badaud de la République des Lettres, ayant sa place à la terrasse du café de le
2921 des Lettres, ayant sa place à la terrasse du café de leur commerce, emboîtant le pas à leurs musiques militaires, fier des
2922 à leurs musiques militaires, fier des mouvements de sa ville… ». Voilà l’anti-Lanson qu’on attendait depuis la guerre. Ma
2923 éraires, s’attaquant en effet plutôt au fondement de toute littérature… Célibataire qui ne voulut épouser que l’élan vital
2924 élibataire qui ne voulut épouser que l’élan vital de la littérature (sans se demander d’où il venait, où il allait), ce be
2925 l’élan vital de la littérature (sans se demander d’ où il venait, où il allait), ce bergsonien pittoresque et succulent, d
2926 la terrasse des Deux Magots, n’a pas eu le temps de s’apercevoir que « les grandes questions gisent dans la rue », comme
2927 xistence » (dure, naïve et banale) quand il parle d’ élan vital. (Heidegger succède à Bergson.) Nous n’aimons plus cette au
2928 s, en passant, que par rapport au snobisme furtif d’ une génération littéraire. Nous sommes heureux de lire enfin un manuel
2929 d’une génération littéraire. Nous sommes heureux de lire enfin un manuel où Rimbaud, Sénancour et Stendhal trouvent leur
2930 ur et Stendhal trouvent leur place. Mais que dire de l’absence de Proudhon, grand écrivain français pourtant ; et de celle
2931 l trouvent leur place. Mais que dire de l’absence de Proudhon, grand écrivain français pourtant ; et de celle de Georges S
2932 e Proudhon, grand écrivain français pourtant ; et de celle de Georges Sorel ? Et même de celle de Nietzsche, sans qui Gide
2933 n, grand écrivain français pourtant ; et de celle de Georges Sorel ? Et même de celle de Nietzsche, sans qui Gide et tant
2934 pourtant ; et de celle de Georges Sorel ? Et même de celle de Nietzsche, sans qui Gide et tant d’autres nous demeurent ine
2935 ; et de celle de Georges Sorel ? Et même de celle de Nietzsche, sans qui Gide et tant d’autres nous demeurent inexplicable
2936 Ceci dit, l’on pourra déguster, car il s’agit ici de goût, au sens physique. Lanson fournit les dates de naissance, les ti
2937 goût, au sens physique. Lanson fournit les dates de naissance, les titres d’œuvres, les bibliographies, il s’occupe de se
2938 Lanson fournit les dates de naissance, les titres d’ œuvres, les bibliographies, il s’occupe de secteur plané de la critiqu
2939 titres d’œuvres, les bibliographies, il s’occupe de secteur plané de la critique. Thibaudet, lui, s’ébat dans le secteur
2940 les bibliographies, il s’occupe de secteur plané de la critique. Thibaudet, lui, s’ébat dans le secteur libre. Il en abus
2941 en abuse merveilleusement. C’est le chef-d’œuvre de la critique impressionniste (après quoi elle n’a plus qu’à mourir). D
2942 u’essayiste, avec tout ce que cela peut comporter de création personnelle, c’est-à-dire, dans ce cas, ordonnée à une loi q
2943 ns ce cas, ordonnée à une loi qui n’est pas celle de l’objet mais du sujet. Son chapitre sur Balzac a de la grandeur, et t
2944 l’objet mais du sujet. Son chapitre sur Balzac a de la grandeur, et touche même au délire poétique : reportez-vous à la p
2945 me au délire poétique : reportez-vous à la phrase de 16 lignes qui termine la page 229 ! Et personne n’a jamais manié la m
2946 aroque, plus « triomphante ». Voici la conclusion de son chapitre sur la Chanson de Béranger : « Elle est la colonne de Ju
2947 oici la conclusion de son chapitre sur la Chanson de Béranger : « Elle est la colonne de Juillet de la poésie française :
2948 ur la Chanson de Béranger : « Elle est la colonne de Juillet de la poésie française : une suite de tableautins sentimentau
2949 on de Béranger : « Elle est la colonne de Juillet de la poésie française : une suite de tableautins sentimentaux, libertin
2950 nne de Juillet de la poésie française : une suite de tableautins sentimentaux, libertins, patriotiques, anticléricaux, le
2951 vers un génie prétentieux qui est lui-même sujet de chanson, vers une plate-forme d’où s’étale à la vue tout un quartier
2952 t lui-même sujet de chanson, vers une plate-forme d’ où s’étale à la vue tout un quartier d’histoire populaire, celui de Ju
2953 late-forme d’où s’étale à la vue tout un quartier d’ histoire populaire, celui de Juillet 1789 et de Juillet 1830. » De tel
2954 vue tout un quartier d’histoire populaire, celui de Juillet 1789 et de Juillet 1830. » De tels passages — et ils foisonne
2955 er d’histoire populaire, celui de Juillet 1789 et de Juillet 1830. » De tels passages — et ils foisonnent — donnent la mes
2956 aire, celui de Juillet 1789 et de Juillet 1830. » De tels passages — et ils foisonnent — donnent la mesure de l’écrivain e
2957 passages — et ils foisonnent — donnent la mesure de l’écrivain et de l’artiste, du conteur, du fabulateur d’idées que res
2958 s foisonnent — donnent la mesure de l’écrivain et de l’artiste, du conteur, du fabulateur d’idées que reste pour nous Thib
2959 rivain et de l’artiste, du conteur, du fabulateur d’ idées que reste pour nous Thibaudet. Dans cette critique que je voudra
2960 tte critique que je voudrais appeler une critique de consommateur (dans tous les sens de l’expression), c’est l’euphorie g
2961 une critique de consommateur (dans tous les sens de l’expression), c’est l’euphorie géniale du dessert ! ah. Rougemont
2962 horie géniale du dessert ! ah. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Albert Thibaudet, Histoire de la littérature frança
2963 s de, « [Compte rendu] Albert Thibaudet, Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours  », Esprit, Paris, mars
2964 t Thibaudet, Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours  », Esprit, Paris, mars 1937, p. 970-971.
31 1937, Esprit, articles (1932–1962). Jacques Benoist-Méchin, Histoire de l’armée allemande depuis l’armistice (mars 1937)
2965 Jacques Benoist-Méchin, Histoire de l’armée allemande depuis l’armistice (mars 1937)ai Ce livre eût pa
2966 t passionné Lénine, grand lecteur, comme on sait, de Clausewitz. Il passionnera d’ailleurs tous ceux qui cherchent à conna
2967 résent. Qu’on n’aille pas se figurer qu’il s’agit d’ un bouquin d’érudition ou d’un traité classique d’officier en retraite
2968 n’aille pas se figurer qu’il s’agit d’un bouquin d’ érudition ou d’un traité classique d’officier en retraite. C’est toute
2969 figurer qu’il s’agit d’un bouquin d’érudition ou d’ un traité classique d’officier en retraite. C’est toute l’histoire de
2970 d’un bouquin d’érudition ou d’un traité classique d’ officier en retraite. C’est toute l’histoire de la première révolution
2971 ue d’officier en retraite. C’est toute l’histoire de la première révolution allemande (1918-1919) qui se recompose autour
2972 utour de l’aventure du GQG prussien, au lendemain de l’armistice. La thèse de l’auteur paraît aussi solide qu’inattendue :
2973 G prussien, au lendemain de l’armistice. La thèse de l’auteur paraît aussi solide qu’inattendue : si l’Allemagne ne s’est
2974 ée en quelques semaines, c’est uniquement le fait d’ initiatives follement risquées par quelques officiers du grand état-ma
2975 es officiers du grand état-major. Du point de vue de la tactique révolutionnaire et contre-révolutionnaire, je ne connais
2976 aire et contre-révolutionnaire, je ne connais pas d’ ouvrage plus riche et plus précis, sinon les mémoires de Trotski. Deux
2977 age plus riche et plus précis, sinon les mémoires de Trotski. Deux personnages retiendront particulièrement l’attention :
2978 — et Noske, commissaire du peuple devenu ministre de la Guerre, figure classique du marxiste au pouvoir, de « l’homme à po
2979 Guerre, figure classique du marxiste au pouvoir, de « l’homme à poigne » touché par la grâce nationale, et qui se charge
2980 » touché par la grâce nationale, et qui se charge d’ écraser la révolution avec une brutalité qu’aucun bourgeois ne se sera
2981 aucun bourgeois ne se serait permise. Avis à ceux de Saint-Denis ! Noske, Mussolini, Doriot, Staline ont plus d’un trait c
2982 enis ! Noske, Mussolini, Doriot, Staline ont plus d’ un trait commun, quoi qu’ils en pensent. ai. Rougemont Denis de, « 
2983 n, quoi qu’ils en pensent. ai. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Jacques Benoist-Méchin, Histoire de l’armée alleman
2984 « [Compte rendu] Jacques Benoist-Méchin, Histoire de l’armée allemande depuis l’armistice  », Esprit, Paris, mars 1937, p.
32 1937, Esprit, articles (1932–1962). Retour de Nietzsche (mai 1937)
2985 Retour de Nietzsche (mai 1937)aj Après la vague kierkegaardienne, qui marque
2986 t la publication en volume des importantes Études de Jean Wahl — voici une nouvelle vague nietzschéenne. Il faut suivre de
2987 une nouvelle vague nietzschéenne. Il faut suivre de près ces pulsations de la conscience métaphysique en France : elles p
2988 tzschéenne. Il faut suivre de près ces pulsations de la conscience métaphysique en France : elles précèdent toujours des é
2989 nce qu’il faut y voir, ni d’ailleurs une relation de cause à effet, mais la relation de deux effets, ou leur interaction,
2990 s une relation de cause à effet, mais la relation de deux effets, ou leur interaction, cependant que leur cause générale e
2991 le certain, dès aujourd’hui, c’est que les effets d’ une cause de cet ordre se manifestent en premier lieu dans la culture
2992 dès aujourd’hui, c’est que les effets d’une cause de cet ordre se manifestent en premier lieu dans la culture d’avant-gard
2993 re se manifestent en premier lieu dans la culture d’ avant-garde, avant de descendre au politique. La sensibilité de l’inte
2994 , avant de descendre au politique. La sensibilité de l’intelligence étant, à l’époque présente, et en France, beaucoup plu
2995 annonce le renouveau nietzschéen ? On a vite fait de dire : fascisme. C’est une facilité que les professeurs cultivent : N
2996 ocialisme, ou « à quoi mène le mépris des valeurs de père de famille ». (On dit aussi, pour la rime sans doute : Luther pr
2997 e, ou « à quoi mène le mépris des valeurs de père de famille ». (On dit aussi, pour la rime sans doute : Luther précurseur
2998 ussi, pour la rime sans doute : Luther précurseur de Hitler !) Mais on oublie peut-être que Nietzsche a condamné l’antisém
2999 tres froids. À part cela, il reste son exaltation de la volonté humaine, de l’athéisme et de la force, qui sont devenus le
3000 a, il reste son exaltation de la volonté humaine, de l’athéisme et de la force, qui sont devenus les valeurs fondamentales
3001 xaltation de la volonté humaine, de l’athéisme et de la force, qui sont devenus les valeurs fondamentales du stalinisme, a
3002 ec toute la virulence désirable le dernier numéro d’ Acéphale, intitulé « Réparation à Nietzsche ». « Acéphale » est le sig
3003 paration à Nietzsche ». « Acéphale » est le signe de l’antiétatisme radical, c’est-à-dire du seul antifascisme digne de ce
3004 radical, c’est-à-dire du seul antifascisme digne de ce nom. « La seule société pleine de vie et de force, écrit G. Batail
3005 scisme digne de ce nom. « La seule société pleine de vie et de force, écrit G. Bataille, la seule société libre est la soc
3006 ne de ce nom. « La seule société pleine de vie et de force, écrit G. Bataille, la seule société libre est la société bi ou
3007 lycéphale qui donne aux antagonismes fondamentaux de la vie une issue explosive constante mais limitée aux formes les plus
3008 dération. Sur ce point, qui est central, l’accord de Nietzsche et de ses disciples avec le personnalisme paraît beaucoup p
3009 point, qui est central, l’accord de Nietzsche et de ses disciples avec le personnalisme paraît beaucoup plus facile à réa
3010 que antichrétienne — qui, assimilant selon un mot de Nietzsche « Dieu » à « la plus parfaite organisation de l’Univers »,
3011 tzsche « Dieu » à « la plus parfaite organisation de l’Univers », postule la mort ou l’assassinat de « Dieu » avant toute
3012 n de l’Univers », postule la mort ou l’assassinat de « Dieu » avant toute construction sociologique libératrice. « Dieu »,
3013 si l’on veut parler, comme le faisait Nietzsche, de Dieu l’Éternel, première personne de la Trinité, je ne vois plus, pou
3014 t Nietzsche, de Dieu l’Éternel, première personne de la Trinité, je ne vois plus, pour ma part, dans les déclarations de B
3015 ne vois plus, pour ma part, dans les déclarations de Bataille que de la littérature (parfois belle d’ailleurs). Ce qui rés
3016 ur ma part, dans les déclarations de Bataille que de la littérature (parfois belle d’ailleurs). Ce qui résulte le plus net
3017 te le plus nettement des tendances nietzschéennes d’ Acéphale et de certains membres du groupe d’Inquisitions, comme R. Cai
3018 tement des tendances nietzschéennes d’Acéphale et de certains membres du groupe d’Inquisitions, comme R. Caillois, c’est l
3019 ennes d’Acéphale et de certains membres du groupe d’ Inquisitions, comme R. Caillois, c’est l’appel à un « ordre » aristocr
3020 la terre entière » et « portant la vie au comble de la volonté de puissance et de l’ironie ». Il me paraît que c’est bien
3021 ère » et « portant la vie au comble de la volonté de puissance et de l’ironie ». Il me paraît que c’est bien à quoi devait
3022 nt la vie au comble de la volonté de puissance et de l’ironie ». Il me paraît que c’est bien à quoi devait aboutir le véri
3023 storiquement, l’on ne peut voir dans ce mouvement de pensée que l’annonce d’une réaction violente, peut-être assez prochai
3024 ut voir dans ce mouvement de pensée que l’annonce d’ une réaction violente, peut-être assez prochaine, contre le « misérabi
3025 ccombent avec une masochique volupté les « hommes de quarante ans » et certains jeunes qui ne les valent pas. Je ne presse
3026 jeunes qui ne les valent pas. Je ne pressens rien de créateur, ni rien de réellement destructeur dans cette réaction d’iro
3027 ent pas. Je ne pressens rien de créateur, ni rien de réellement destructeur dans cette réaction d’ironie désespérée. Seuls
3028 ien de réellement destructeur dans cette réaction d’ ironie désespérée. Seuls les constructeurs détruisent bien, détruisent
3029 aductions françaises apparaissent parallèlement à de nombreuses études de revues sur Nietzsche : le Zarathoustra et la Vol
3030 apparaissent parallèlement à de nombreuses études de revues sur Nietzsche : le Zarathoustra et la Volonté de Puissance 67.
3031 ues sur Nietzsche : le Zarathoustra et la Volonté de Puissance 67. Beaucoup mieux traduites que les œuvres précédemment pa
3032 volumes donnent une image définitive et nouvelle de la pensée nietzschéenne. Ils permettent en particulier de situer à sa
3033 nsée nietzschéenne. Ils permettent en particulier de situer à sa place centrale la conception du « retour éternel » et de
3034 e centrale la conception du « retour éternel » et de la volonté d’éternisation, qui est le véritable message « religieux »
3035 conception du « retour éternel » et de la volonté d’ éternisation, qui est le véritable message « religieux » de Nietzsche.
3036 ation, qui est le véritable message « religieux » de Nietzsche. Les notes et aphorismes traduits pour la première fois à l
3037 humains à l’égard des créateurs ! C’est leur fait d’ être pauvres en amour du prochain » ; et : « Toute création est commun
3038 amentale qui constitue la tension la plus féconde de l’œuvre de Nietzsche, on n’a rien écrit de meilleur que le livre de K
3039 i constitue la tension la plus féconde de l’œuvre de Nietzsche, on n’a rien écrit de meilleur que le livre de Karl Löwith 
3040 éconde de l’œuvre de Nietzsche, on n’a rien écrit de meilleur que le livre de Karl Löwith : Nietzsches Philosophie der ewi
3041 zsche, on n’a rien écrit de meilleur que le livre de Karl Löwith : Nietzsches Philosophie der ewigen Wiederkunft des Gleic
3042 eichen (Berlin, 1935, Die Runde). Nietzsche tente de surmonter le nihilisme européen (résultant de la « mort de Dieu ») pa
3043 nte de surmonter le nihilisme européen (résultant de la « mort de Dieu ») par la pensée du Retour éternel. Mais en même te
3044 ter le nihilisme européen (résultant de la « mort de Dieu ») par la pensée du Retour éternel. Mais en même temps, il s’ach
3045 nser ce fatalisme mécanique par une glorification de la volonté humaine, qui doit vouloir son destin éternel et nécessaire
3046 ent nietzschéen : L’Introduction à la philosophie de N. publiée par Karl Jaspers. Je signale ce grand livre à ceux qui lis
3047 d’ailleurs que peu probable, dans l’état présent de l’édition. 66. Malgré certaines phrases fort inquiétantes, telles q
3048 68. Au Mercure de France. aj. Rougemont Denis de , « Retour de Nietzsche », Esprit, Paris, mai 1937, p. 313-315.
3049 ure de France. aj. Rougemont Denis de, « Retour de Nietzsche », Esprit, Paris, mai 1937, p. 313-315.
33 1937, Esprit, articles (1932–1962). Journal d’un intellectuel en chômage (fragments) (juin 1937)
3050 Journal d’ un intellectuel en chômage (fragments) (juin 1937)ak al À A… (Gard)
3051 in 1937)ak al À A… (Gard), 15 janvier Matinées d’ hiver au midi Et voici par la grâce du soleil de janvier qu’un mot dev
3052 s d’hiver au midi Et voici par la grâce du soleil de janvier qu’un mot devient le plus beau de la langue : matinée. Tout c
3053 soleil de janvier qu’un mot devient le plus beau de la langue : matinée. Tout ce qu’il y a de clarté, d’éclat doux, d’aba
3054 us beau de la langue : matinée. Tout ce qu’il y a de clarté, d’éclat doux, d’abandon à la force sereine de l’air, tout cel
3055 la langue : matinée. Tout ce qu’il y a de clarté, d’ éclat doux, d’abandon à la force sereine de l’air, tout cela dit par l
3056 tinée. Tout ce qu’il y a de clarté, d’éclat doux, d’ abandon à la force sereine de l’air, tout cela dit par les trois sylla
3057 larté, d’éclat doux, d’abandon à la force sereine de l’air, tout cela dit par les trois syllabes de ce mot qui décrit et e
3058 ne de l’air, tout cela dit par les trois syllabes de ce mot qui décrit et embrasse les trois dimensions de la joie, est di
3059 e mot qui décrit et embrasse les trois dimensions de la joie, est dit aussi par le vallon des oliviers et par sa jeune nud
3060 et par sa jeune nudité. Pas une vapeur ne s’élève de l’herbe pauvre des terrasses, ni de ces arbres moirés et allègres. To
3061 ur ne s’élève de l’herbe pauvre des terrasses, ni de ces arbres moirés et allègres. Tout est vu du premier regard, douceme
3062 ; voilà le monde à son contentement ; à la mesure de l’amitié humaine. J’entends un bruit de bêche sur une terrasse invisi
3063 la mesure de l’amitié humaine. J’entends un bruit de bêche sur une terrasse invisible, au-dessous. Je vois un chien qui se
3064 ible, au-dessous. Je vois un chien qui se promène de son petit pas élastique sur les restanques étroites, passant de l’une
3065 as élastique sur les restanques étroites, passant de l’une à l’autre par ces petits escaliers tout simplets, suivant une p
3066 simplets, suivant une piste par jeu. Le ciel est d’ un bleu sec et pur, tranché au sommet du vallon par un cyprès grandilo
3067 un cyprès grandiloquent. Et cette maison couleur de terre et festonnée de tuiles roses, elle est bien à la ressemblance d
3068 nt. Et cette maison couleur de terre et festonnée de tuiles roses, elle est bien à la ressemblance des vieilles paysannes
3069 8 janvier Avoir la veine « J’avais pris un billet de la Loterie nationale. Naturellement j’ai perdu ! Moi vous savez… Ce n
3070 ombolas des sociétés, n’importe où, elle est sûre de gagner quelque chose à tous les coups. » Voilà ce qu’on peut entendre
3071 ce qu’on peut entendre dans toutes les épiceries de province où se rencontrent les femmes de la nation la plus raisonnabl
3072 piceries de province où se rencontrent les femmes de la nation la plus raisonnable du monde. Le mari est un vieux laïcard,
3073 Le mari est un vieux laïcard, il accuse les curés d’ obscurantisme, il ne veut pas d’ennemis à gauche parce que la gauche,
3074 accuse les curés d’obscurantisme, il ne veut pas d’ ennemis à gauche parce que la gauche, c’est le parti de la Raison et d
3075 emis à gauche parce que la gauche, c’est le parti de la Raison et du Progrès, qui naît de la Science. C’est ce mari-là qui
3076 est le parti de la Raison et du Progrès, qui naît de la Science. C’est ce mari-là qui aura payé le billet, histoire de voi
3077 ’est ce mari-là qui aura payé le billet, histoire de voir s’il a la chance. Seulement, avoir la chance, avoir la veine, c’
3078 e, c’est démentir les lois les plus fondamentales de notre science la plus élémentaire et la plus sûre, l’arithmétique. Ma
3079 et la plus sûre, l’arithmétique. Mais qui s’avise d’ une telle contradiction ? Le gouvernement de la Troisième République,
3080 avise d’une telle contradiction ? Le gouvernement de la Troisième République, ce défenseur légal de la raison contre les e
3081 nt de la Troisième République, ce défenseur légal de la raison contre les entreprises rétrogrades de l’Église, n’hésite pa
3082 l de la raison contre les entreprises rétrogrades de l’Église, n’hésite pas à tirer bénéfice de la culture de cette supers
3083 grades de l’Église, n’hésite pas à tirer bénéfice de la culture de cette superstition. S’il est vrai que certains individu
3084 lise, n’hésite pas à tirer bénéfice de la culture de cette superstition. S’il est vrai que certains individus « ont la vei
3085 u monde, est fausse. Il est totalement impossible de concevoir la vérité simultanée de notre science et de la « veine » in
3086 ment impossible de concevoir la vérité simultanée de notre science et de la « veine » individuelle. C’est l’un ou l’autre 
3087 oncevoir la vérité simultanée de notre science et de la « veine » individuelle. C’est l’un ou l’autre ; ou mieux, l’un con
3088 du Progrès, que dans la mesure où cela lui permet de ne pas aller à l’église. Pour le reste, il demeure la proie du charla
3089 demeure la proie du charlatanisme éternel. Mesure de la raison humaine : ils refusent la Trinité au nom de l’arithmétique
3090 étique élémentaire69 puis s’en vont prendre l/10e de billet. Un fort vent doux passe de grandes caresses sur le pelage d’o
3091 prendre l/10e de billet. Un fort vent doux passe de grandes caresses sur le pelage d’oliviers de la colline toute proche.
3092 vent doux passe de grandes caresses sur le pelage d’ oliviers de la colline toute proche. Dans l’ouverture de la vallée, le
3093 asse de grandes caresses sur le pelage d’oliviers de la colline toute proche. Dans l’ouverture de la vallée, le triangle d
3094 iers de la colline toute proche. Dans l’ouverture de la vallée, le triangle de plaine bleue rosée piqué de cyprès, c’est l
3095 roche. Dans l’ouverture de la vallée, le triangle de plaine bleue rosée piqué de cyprès, c’est la seule couleur vive du pa
3096 a vallée, le triangle de plaine bleue rosée piqué de cyprès, c’est la seule couleur vive du paysage desséché. Ciel gris mo
3097 atin. Quand je l’appelle, il donne quelques coups de tête furtifs, et se détourne. D’où vient-il ? On m’a dit qu’il n’y a
3098 e quelques coups de tête furtifs, et se détourne. D’ où vient-il ? On m’a dit qu’il n’y a pas de pigeons par ici. Que vient
3099 ourne. D’où vient-il ? On m’a dit qu’il n’y a pas de pigeons par ici. Que vient-il attendre ? Pourquoi feint-il de ne pas
3100 ar ici. Que vient-il attendre ? Pourquoi feint-il de ne pas me voir ? Il se tient là des heures, sans bouger, et s’envole
3101 se tient là des heures, sans bouger, et s’envole d’ un coup vers le soir. Le lendemain, il est là de nouveau, posé sur une
3102 Au moment où ma femme allait secouer les miettes de la nappe par la fenêtre, au-dessus du poulailler, elle a vu le pigeon
3103 vu le pigeon et m’a appelé. — Il a vraiment l’air de vouloir dire quelque chose ! Il est tourné du côté de la plaine. Sign
3104 côté de Marseille… Et soudain je me suis souvenu de la conférence que je dois donner à Marseille dans 15 jours. Je ne vou
3105 tante que je ne croyais ? Qu’il y a quelque chose de sérieux à faire là-bas ? Je vais m’y mettre. 28 février Terminé hier
3106 mettre. 28 février Terminé hier soir la rédaction de ma conférence. Ce matin le pigeon n’est pas revenu. C’est évidemment
3107 que je n’y crois pas. Superstition ! Je m’étonne de ce que ce « reproche », que je me formule en vertu d’une habitude sco
3108 ue je me formule en vertu d’une habitude scolaire de critique, me touche si peu, ne trouble pas du tout ma bonne conscienc
3109 nne conscience. Au fond, je me sens assez heureux de cette découverte en moi d’une superstition réelle, capable de me fair
3110 me sens assez heureux de cette découverte en moi d’ une superstition réelle, capable de me faire agir, ou plus exactement,
3111 ouverte en moi d’une superstition réelle, capable de me faire agir, ou plus exactement, je suis heureux de l’aveu que je v
3112 e faire agir, ou plus exactement, je suis heureux de l’aveu que je viens de m’en faire. Comment ne l’ai-je pas fait plus t
3113 s précisément « superstitieuses ». En y regardant de près, il me semble que toute la trame de mes petites décisions quotid
3114 egardant de près, il me semble que toute la trame de mes petites décisions quotidiennes est faite de croyances spontanées
3115 e de mes petites décisions quotidiennes est faite de croyances spontanées et absolues en des « raisons » qui n’en sont pas
3116 eux que les autres. Tout ce que j’ai fait à cause d’ un chiffre, à cause de la coïncidence d’un sentiment ou d’un pressenti
3117 t à cause d’un chiffre, à cause de la coïncidence d’ un sentiment ou d’un pressentiment et d’un hasard tout extérieur, à ca
3118 ffre, à cause de la coïncidence d’un sentiment ou d’ un pressentiment et d’un hasard tout extérieur, à cause d’un certain j
3119 ïncidence d’un sentiment ou d’un pressentiment et d’ un hasard tout extérieur, à cause d’un certain jeu que je poursuis, sa
3120 ssentiment et d’un hasard tout extérieur, à cause d’ un certain jeu que je poursuis, sans trop le savoir, avec bien plus de
3121 je poursuis, sans trop le savoir, avec bien plus de vigilance que je n’en apporte à la défense de mes intérêts « objectif
3122 tidienne aux « signes », cette activité créatrice de Rubicons imaginaires ? Comme toujours, c’est une étrangeté, une singu
3123 nt, les liens profonds qui m’unissent à ce peuple de paysans et d’ouvriers, si délibérément superstitieux dans leur condui
3124 profonds qui m’unissent à ce peuple de paysans et d’ ouvriers, si délibérément superstitieux dans leur conduite et dans leu
3125 la règle. Oui, mais il faut entendre le proverbe d’ une manière tout à fait précise : l’exception vécue, reconnue, c’est c
3126 ndition. Car en effet la condition commune, c’est de se sentir une exception, un type spécial, différent de tous les autre
3127 sentir une exception, un type spécial, différent de tous les autres… Et ce n’est guère qu’à l’instant où l’on découvre qu
3128 autres en croient autant, que ces autres cessent d’ être une menace, une masse abstraite, intimidante ou méprisable. Pour
3129 risable. Pour ne prendre qu’un seul exemple : que de tourments et de secrets désespoirs chez les adolescents troublés par
3130 prendre qu’un seul exemple : que de tourments et de secrets désespoirs chez les adolescents troublés par le désir, s’apai
3131 dolescents troublés par le désir, s’apaisent tout d’ un coup le jour où ils découvrent que leur état jugé par eux « excepti
3132 honte alors les opprimait — est justement l’état de l’homme vraiment homme, et le signe d’une accession à la condition gé
3133 ent l’état de l’homme vraiment homme, et le signe d’ une accession à la condition générale ! Avouer ses superstitions, ce s
3134 us irréductible au général. Mais voilà l’étonnant de l’aveu : c’est qu’il peut faire comprendre à d’autres, en un éclair,
3135 cela même que l’on s’éprouve absolument distinct de tous les autres. 1er mars Si l’on craint d’ordinaire d’avouer sa réal
3136 tinct de tous les autres. 1er mars Si l’on craint d’ ordinaire d’avouer sa réalité individuelle et ses superstitions, c’est
3137 s les autres. 1er mars Si l’on craint d’ordinaire d’ avouer sa réalité individuelle et ses superstitions, c’est sans doute
3138 en vertu d’une prudence qui est le fondement même de toute « politique ». Et si j’avoue et légitime la réalité de mes supe
3139 politique ». Et si j’avoue et légitime la réalité de mes superstitions, il faut tout de suite que j’oppose à cet aveu une
3140 l en tant qu’il s’oppose au réel, lequel est fait de nos monades superstitieuses ? Accorder libre cours à nos superstition
3141 lus sanglante. La politique ne doit jamais partir de la réalité irrationnelle de l’homme : d’ailleurs elle ne le pourrait
3142 ne doit jamais partir de la réalité irrationnelle de l’homme : d’ailleurs elle ne le pourrait pas. Ma loi vaut tout juste
3143 out juste pour moi. (Et s’il fallait tenir compte de toutes les bizarreries auxquelles les hommes s’attachent comme à leur
3144 u contraire, la politique doit aller à l’encontre de la réalité individuelle, et c’est pour elle la seule manière d’être e
3145 individuelle, et c’est pour elle la seule manière d’ être en vérité « réaliste ». Je crains d’avoir créé certain malentendu
3146 manière d’être en vérité « réaliste ». Je crains d’ avoir créé certain malentendu en soutenant à plusieurs reprises que la
3147 s reprises que la politique idéale devrait partir de la personne. Elle doit tenir compte de la personne, et finalement fav
3148 ait partir de la personne. Elle doit tenir compte de la personne, et finalement favoriser son développement, mais d’une ma
3149 , et finalement favoriser son développement, mais d’ une manière négative, dialectique, ou mieux encore : pédagogique. Il e
3150 ialectique, ou mieux encore : pédagogique. Il est de l’essence de toute saine politique de s’opposer à la personne, de lim
3151 u mieux encore : pédagogique. Il est de l’essence de toute saine politique de s’opposer à la personne, de limiter son expa
3152 que. Il est de l’essence de toute saine politique de s’opposer à la personne, de limiter son expansion, de combattre en dé
3153 toute saine politique de s’opposer à la personne, de limiter son expansion, de combattre en définitive le réel que nous in
3154 ’opposer à la personne, de limiter son expansion, de combattre en définitive le réel que nous incarnons. Toute politique e
3155 ns. Toute politique est normative, mais seulement de l’extérieur. Une politique saine ne saurait donc partir de la personn
3156 rieur. Une politique saine ne saurait donc partir de la personne, mais au contraire de l’impersonnel, pour se diriger cont
3157 fait : l’équilibre social doit être quelque chose de mouvant. Tout équilibre stable et sclérosé produirait immédiatement d
3158 e les deux puissances contraires qu’il s’agissait de maîtriser — le singulier et le général — ont perdu l’une et l’autre l
3159 lus, si la personne ne cherchait plus à triompher de tout ce qui n’est pas elle, le simulacre d’équilibre que l’on constat
3160 mpher de tout ce qui n’est pas elle, le simulacre d’ équilibre que l’on constaterait alors ne serait en fait que la limite
3161 al bien entendu puisque l’histoire ne connaît pas d’ arrêt. En réalité, sous le couvert d’un équilibre apparemment stabilis
3162 connaît pas d’arrêt. En réalité, sous le couvert d’ un équilibre apparemment stabilisé, le désordre est toujours à sens un
3163 jours à sens unique : c’est la personne qui cesse de se défendre, c’est l’anarchie qui renonce à ses droits. Et si le cadr
3164 anarchie qui renonce à ses droits. Et si le cadre de l’État paraît demeurer identique, la démoralisation grandissante révè
3165 ois-capitaliste, mais aussi celle des dictatures, d’ une manière encore plus frappante. Certes, nos institutions n’ont guèr
3166 stabilisé. Au vrai, chacun peut voir que l’homme d’ aujourd’hui se déshumanise rapidement parce qu’il cesse de se croire d
3167 d’hui se déshumanise rapidement parce qu’il cesse de se croire des droits « irrationnels » et immédiats contre l’État. Le
3168 rrationnels » et immédiats contre l’État. Le sens de la révolte se perd. Il se sublime, ô ironie, en rouspétance, en criai
3169 . C’est cela que je nomme démoralisation à l’abri d’ un faux équilibre, — d’un équilibre sans tension. Ici interviendra le
3170 me démoralisation à l’abri d’un faux équilibre, —  d’ un équilibre sans tension. Ici interviendra le second fait : l’équilib
3171 doit être orienté constamment par un léger excès de la composante « personnelle ». Il doit en permanence se déplacer au p
3172 ’influence des résistances assimilées, créatrices de disciplines.) Ainsi le but final, le télos de toute politique, c’est
3173 ces de disciplines.) Ainsi le but final, le télos de toute politique, c’est la suppression de l’État, la libération des pe
3174 le télos de toute politique, c’est la suppression de l’État, la libération des personnes au moment où leurs disciplines se
3175 elle forme la composante proprement antipolitique de tout équilibre tendu, mouvant, réellement progressif. Si par l’effet
3176 u, mouvant, réellement progressif. Si par l’effet d’ une perversion, elle se met à jouer au profit de la politique et des d
3177 t d’une perversion, elle se met à jouer au profit de la politique et des doctrines d’État qui doivent justement la combatt
3178 jouer au profit de la politique et des doctrines d’ État qui doivent justement la combattre, le désordre s’installe et gra
3179 lus totalitaire. C’est donc que l’homme se défend de moins en moins. Ses « superstitions » personnelles (son quant-à-soi),
3180 ncues par une crise dont ce n’est pas ici le lieu de mentionner les causes profondes, cessent d’agir et de faire effort co
3181 lieu de mentionner les causes profondes, cessent d’ agir et de faire effort contre les lois qui les limitaient normalement
3182 entionner les causes profondes, cessent d’agir et de faire effort contre les lois qui les limitaient normalement. L’homme
3183 s qui les limitaient normalement. L’homme cessant de croire à sa loi — à ses superstitions incomparables — se met à croire
3184 ses superstitions incomparables — se met à croire de la même manière aux lois et aux pouvoirs qu’il aurait dû combattre. (
3185 voir des masses, fatalités économiques, évolution de l’Histoire, mythes de la gauche et de la droite, divinité du Führer,
3186 ités économiques, évolution de l’Histoire, mythes de la gauche et de la droite, divinité du Führer, omniscience du Duce, e
3187 , évolution de l’Histoire, mythes de la gauche et de la droite, divinité du Führer, omniscience du Duce, etc.) Toutes ces
3188 s puissances mythiques deviennent l’objet anormal de ses croyances spontanées et immédiates. D’où l’empire monstrueux qu’e
3189 normal de ses croyances spontanées et immédiates. D’ où l’empire monstrueux qu’elles prennent sur les esprits, et la réalit
3190 qu’elles prennent sur les esprits, et la réalité de cauchemar qu’elles affectent, — dont les affecte notre démission. Et
3191  dont les affecte notre démission. Et c’est ainsi d’ un refoulement, puis d’un transfert fatal de nos superstitions les plu
3192 démission. Et c’est ainsi d’un refoulement, puis d’ un transfert fatal de nos superstitions les plus valables que naissent
3193 ainsi d’un refoulement, puis d’un transfert fatal de nos superstitions les plus valables que naissent par exemple la menac
3194 nt, au sens freudien du terme, que les phantasmes de notre peur de vivre. On les ramènerait aisément à ce « complexe de ca
3195 eudien du terme, que les phantasmes de notre peur de vivre. On les ramènerait aisément à ce « complexe de castration » qui
3196 vivre. On les ramènerait aisément à ce « complexe de castration » qui se noue au moment précis où l’agressivité normale de
3197 se noue au moment précis où l’agressivité normale de la personne se retourne contre elle, au profit des tyrannies imperson
3198  Ils sont les plus forts. » Tel est le « moment » de l’angoisse de ce temps. L’homme sain dit : « Voilà ce que je ferai pa
3199 plus forts. » Tel est le « moment » de l’angoisse de ce temps. L’homme sain dit : « Voilà ce que je ferai parce qu’il le f
3200 . Et que voulez-vous qu’ils y fassent ? » 6 mars ( de retour à A…) Contact avec le public Dans le courrier qui est arrivé e
3201 st arrivé en mon absence, deux nouvelles demandes de « causeries » : l’une à un congrès d’instituteurs, l’autre à un cercl
3202 es demandes de « causeries » : l’une à un congrès d’ instituteurs, l’autre à un cercle d’études sociales. Les instituteurs
3203 à un congrès d’instituteurs, l’autre à un cercle d’ études sociales. Les instituteurs voudraient que je leur parle de l’éd
3204 es. Les instituteurs voudraient que je leur parle de l’éducation de la personnalité ; le cercle social du mouvement person
3205 teurs voudraient que je leur parle de l’éducation de la personnalité ; le cercle social du mouvement personnaliste. J’irai
3206 ement personnaliste. J’irai. Je me fais une règle d’ accepter toutes ces invitations. Depuis deux ans, j’ai parlé devant le
3207 nt les auditoires les plus hétéroclites : congrès d’ étudiants, cours ruraux, « journées sociales », amateurs de littératur
3208 ts, cours ruraux, « journées sociales », amateurs de littérature, philosophes, paysans, cercles d’hommes, groupant des ouv
3209 urs de littérature, philosophes, paysans, cercles d’ hommes, groupant des ouvriers et des bourgeois… J’ai parlé en plein ai
3210 s et des bourgeois… J’ai parlé en plein air, dans de grandes salles publiques, dans une cuisine de paysans, dans un temple
3211 ans de grandes salles publiques, dans une cuisine de paysans, dans un temple, dans un café, dans une salle d’Université.
3212 ans, dans un temple, dans un café, dans une salle d’ Université. Cui bono ? À qui le bénéfice ? À moi d’abord, très certai
3213 n qu’elles paraissent souvent vaines, que la joie de voir son public, de s’entretenir avec ces hommes et ces femmes pour q
3214 t souvent vaines, que la joie de voir son public, de s’entretenir avec ces hommes et ces femmes pour qui l’on écrivait san
3215 e figure précise, qui porte un nom, des vêtements d’ une certaine sorte, etc. Peu à peu, je découvre que le public, c’est u
3216 à peu, je découvre que le public, c’est une série d’ hommes et de femmes isolés, qui ont chacun leurs raisons très concrète
3217 couvre que le public, c’est une série d’hommes et de femmes isolés, qui ont chacun leurs raisons très concrètes et singuli
3218 hacun leurs raisons très concrètes et singulières de lire ce qu’un autre a écrit, d’écouter ce qu’un autre leur dit. Quand
3219 es et singulières de lire ce qu’un autre a écrit, d’ écouter ce qu’un autre leur dit. Quand un lecteur vous écrit, il s’exp
3220 souvent dans un langage conventionnel qu’il croit de mise, s’adressant à un écrivain. Ou bien il se répand en confidences
3221 café, celui-là peut vous révéler la vraie raison d’ une communion entre deux hommes : c’est toujours une raison unique, qu
3222 sens que dans cette rencontre effective. Ce sont de telles rencontres que je cherche, quand je vais parler dans ces cercl
3223 ces cercles, où l’on se trouve soi-même à portée de l’auditeur, où l’on se voit naturellement contraint, ne fût-ce que pa
3224 int, ne fût-ce que par la proximité matérielle70, de se mettre moralement à la portée de ces esprits, visibles et lisibles
3225 matérielle70, de se mettre moralement à la portée de ces esprits, visibles et lisibles sur ces visages. Presque nécessaire
3226 n rassemble ses papiers. L’auditeur a eu le temps de se familiariser avec l’orateur, dont il connaissait peut-être déjà la
3227 t peut-être déjà la pensée et qu’il vient de voir de près une heure durant. Il a pu corriger ses préjugés. Et la première
3228 du local que l’on quitte, est en réalité la suite de quelque chose ; le contact s’établit normalement, sans surprises et s
3229 re homme dans sa situation concrète et ses habits de tous les jours, sa maladresse et son étrangeté. Alors seulement quelq
3230 rité. Alors seulement, ma pensée trouve son point d’ attache, découvre sa mesure, sa force ou sa faiblesse, touche à son te
3231 ou sa faiblesse, touche à son terme dans le cœur d’ un homme. Je dois à ces rencontres d’avoir pressenti quelquefois — ass
3232 dans le cœur d’un homme. Je dois à ces rencontres d’ avoir pressenti quelquefois — assez pour en garder une inquiétude cons
3233 en garder une inquiétude constante — ce qu’il y a d’ inhumain dans la plupart de nos habiletés littéraires, et au contraire
3234 biletés littéraires, et au contraire ce qu’il y a d’ humain dans certaines imprudences naïves — ce qu’il y a d’inutile dans
3235 dans certaines imprudences naïves — ce qu’il y a d’ inutile dans la plupart de nos précautions oratoires, logiques ou mond
3236 giques ou mondaines, et ce qu’il y a au contraire d’ efficace dans l’affirmation pure et simple de thèses qui paraîtraient
3237 aire d’efficace dans l’affirmation pure et simple de thèses qui paraîtraient très difficiles au jugement du clerc en chamb
3238 le public qu’on allait affronter. Tout ce travail de mise au point, d’adaptation à l’homme réel m’a conduit à une conclusi
3239 lait affronter. Tout ce travail de mise au point, d’ adaptation à l’homme réel m’a conduit à une conclusion dont j’attends
3240 patience la vérification in concreto à l’occasion de nos prochains écrits. Cette conclusion est la suivante : le lecteur e
3241 lités mineures et curieuses ou certains ornements de la pensée que le critique, blasé par des lectures trop rapides, et pl
3242 cs qu’à la pensée fondamentale, n’aura pas manqué de signaler comme caractéristiques de l’ouvrage. Enfin, je commence à co
3243 ura pas manqué de signaler comme caractéristiques de l’ouvrage. Enfin, je commence à comprendre au vif l’urgence, pour l’é
3244 e à comprendre au vif l’urgence, pour l’écrivain, de retrouver une commune mesure de langage et de sensibilité avec des ho
3245 pour l’écrivain, de retrouver une commune mesure de langage et de sensibilité avec des hommes de toutes les classes et de
3246 in, de retrouver une commune mesure de langage et de sensibilité avec des hommes de toutes les classes et de tous les méti
3247 sure de langage et de sensibilité avec des hommes de toutes les classes et de tous les métiers. Certes, ce n’est jamais qu
3248 sibilité avec des hommes de toutes les classes et de tous les métiers. Certes, ce n’est jamais qu’avec des êtres singulier
3249 jamais qu’avec des êtres singuliers, par le biais de leur singularité même, qu’on entre vraiment en contact. Ce public-là
3250 lement actif du pays. Il ne saurait être question de ce cliché importé d’URSS ou d’Allemagne hitlérienne : « retrouver le
3251 Il ne saurait être question de ce cliché importé d’ URSS ou d’Allemagne hitlérienne : « retrouver le contact avec les mass
3252 rait être question de ce cliché importé d’URSS ou d’ Allemagne hitlérienne : « retrouver le contact avec les masses ». Les
3253 sses ». Les masses, comme telles, n’ont jamais eu de contact avec les écrivains comme tels, en aucun temps. Ce ne sont pas
3254 ractions qui achètent nos livres. Ce qu’il s’agit de retrouver, c’est le contact avec l’homme qui réfléchit et qui fait la
3255 ritique des idées non point à l’aide des opinions de son journal, mais à l’aide de sa vie concrète. Celui-là seul peut fai
3256 la seule qui puisse nous rendre peu à peu le sens de la responsabilité de l’écrivain. Pour l’avoir négligée dans nos ville
3257 ous rendre peu à peu le sens de la responsabilité de l’écrivain. Pour l’avoir négligée dans nos villes, au milieu des feui
3258 s qui achètent les livres pour remplir les rayons d’ un studio-divan. Nous sommes des ingénieux, des amuseurs, des spéciali
3259 eux, des amuseurs, des spécialistes, des éléments de publicité, des académiciens, des journalistes. Nous ne sommes plus de
3260 s. Nous ne sommes plus des hommes normaux chargés d’ une vocation d’expression et de réflexion. Nous sommes des hommes spéc
3261 es plus des hommes normaux chargés d’une vocation d’ expression et de réflexion. Nous sommes des hommes spéciaux exploitant
3262 es normaux chargés d’une vocation d’expression et de réflexion. Nous sommes des hommes spéciaux exploitant leur spécialité
3263 é pour arriver à un succès sur le marché. Combien de nos romanciers devraient être classés dans la catégorie des femmes à
3264 ons trahi l’esprit : mais l’esprit n’a pas besoin de nous. Il vit sans nous. Nous le retrouverons intact. C’est le lecteur
3265 tribes, au respect des valeurs spirituelles. Nuit de Pâques Clair de lune, à minuit, après l’orage. Vocabulaire insuffisan
3266 turelle. Souvent éprouvé. Les grands soulèvements de l’instinct vers la clarté, notre raison les repousse au lieu de les t
3267 de tout ce qui surgit formidablement à l’approche de la joie, elle se sent gênée, pauvre et maladroite, pareille à cette c
3268 droite, pareille à cette clarté lunaire incapable d’ exalter ce qu’elle découvre sur la face immense de la terre. — Clartés
3269 d’exalter ce qu’elle découvre sur la face immense de la terre. — Clartés rationnelles : empruntées à l’Astre invisible. Ma
3270 empruntées à l’Astre invisible. Matinée du lundi de Pâques, 7 heures Tout est trempé et ruisselant de lumière bleue, les
3271 de Pâques, 7 heures Tout est trempé et ruisselant de lumière bleue, les feuillages encore translucides au-dessus du bassin
3272 ages encore translucides au-dessus du bassin bleu de ciel où nagent d’énormes bottes de radis rouges. Tout a son éclat neu
3273 ucides au-dessus du bassin bleu de ciel où nagent d’ énormes bottes de radis rouges. Tout a son éclat neuf, sa densité, sa
3274 du bassin bleu de ciel où nagent d’énormes bottes de radis rouges. Tout a son éclat neuf, sa densité, sa légèreté originel
3275 plus violent des terrasses, la colline plus riche d’ ombres et de lueurs doucement étagées. Et les lointains de plaine évoq
3276 des terrasses, la colline plus riche d’ombres et de lueurs doucement étagées. Et les lointains de plaine évoquent l’insta
3277 et de lueurs doucement étagées. Et les lointains de plaine évoquent l’instant de la séparation des eaux et de la terre, d
3278 es. Et les lointains de plaine évoquent l’instant de la séparation des eaux et de la terre, dans un chaos brillant d’où mo
3279 e évoquent l’instant de la séparation des eaux et de la terre, dans un chaos brillant d’où montent des vapeurs d’aube d’ét
3280 n des eaux et de la terre, dans un chaos brillant d’ où montent des vapeurs d’aube d’été. « Un vrai temps de Pâques ! », me
3281 , dans un chaos brillant d’où montent des vapeurs d’ aube d’été. « Un vrai temps de Pâques ! », me crie Simard. ⁂ Hier il p
3282 un chaos brillant d’où montent des vapeurs d’aube d’ été. « Un vrai temps de Pâques ! », me crie Simard. ⁂ Hier il pleuvait
3283 montent des vapeurs d’aube d’été. « Un vrai temps de Pâques ! », me crie Simard. ⁂ Hier il pleuvait. Vendredi, c’était gra
3284 ujours le Vendredi saint, et il fait beau le jour de Pâques. » Je leur réponds : « Que voulez-vous, les saisons ne sont pl
3285 e des paysans et des bourgeois, c’est une manière de s’exprimer qui en dit plus long qu’on ne croirait. « J’ai mes brouill
3286 ans de moi », note Pascal. En sorte que s’étonner d’ une pluie « intempestive » c’est une manière de dire : « Je m’attendai
3287 er d’une pluie « intempestive » c’est une manière de dire : « Je m’attendais à autre chose, mon calendrier moral, mes conv
3288 aient autre chose. » Et l’on décrit les croyances de son groupe en « parlant de la pluie et du beau temps ». (Je dis bien
3289 n décrit les croyances de son groupe en « parlant de la pluie et du beau temps ». (Je dis bien groupe, car il y a peu de «
3290 il y a peu de « personnes »). 15 avril La sieste de la Marquise Nous espérions pouvoir dormir de nouveau, après la grande
3291 ne des chats, qui avaient fait retentir le vallon de leurs déchirements wagnériens. Et voilà que cela prend les chiens. To
3292 presque humains. Ce matin, j’ai trouvé des traces de sang sur le seuil de la remise. Un beau soleil luit sur ce lendemain
3293 atin, j’ai trouvé des traces de sang sur le seuil de la remise. Un beau soleil luit sur ce lendemain de bataille. Pendant
3294 e la remise. Un beau soleil luit sur ce lendemain de bataille. Pendant des heures, la petite chienne Marquise — c’est la m
3295 , respectueusement talonnée par un grand flandrin de métis aux oreilles pendantes. De temps en temps il la rejoignait. Ens
3296 emps en temps il la rejoignait. Ensuite une sorte d’ épagneul impur a pris sa place. Deux ou trois autres mâles faméliques
3297 rois autres mâles faméliques reniflaient la trace de la chienne à tous les étages du vallon. Ils grimpaient les escaliers,
3298 allait. Un nouveau faisait son apparition au haut de la colline. Simard et moi leur avons lancé quelques pierres, pour voi
3299 nant à chaque saut, et puis cela revenait bientôt de tous côtés. Haletants, craintifs et obstinés. Après le déjeuner, flân
3300 letant doucement, l’arrière-train tuméfié. Autour d’ elle éparpillés sur une aire de quelques mètres, reposent les mâles re
3301 in tuméfié. Autour d’elle éparpillés sur une aire de quelques mètres, reposent les mâles repus, pesamment allongés au sole
3302 , pesamment allongés au soleil. J’en compte huit, de toutes tailles et pelages. La plupart sont beaucoup plus grands que l
3303 près un certain temps, je jette quelques poignées de terre sur tous ces ventres. Ils vont se coucher un peu plus loin. Un
3304 nce. « J’ai pris la nature sur le fait. » Vertige de l’animalité. 17 avril Ça n’a pas encore cessé chez les chiens. Cette
3305 jà grosse. Une puissance inexorable s’est emparée de l’espèce, tourmente les bêtes, les essouffle et les esquinte, les ren
3306 es et difformes. Il faut voir les yeux pitoyables de ces grands chiens qui tremblent sous la pluie, groupés au maigre abri
3307 ous la pluie, groupés au maigre abri des buissons de lauriers. Ah ! les beaux « instincts primitifs » ! Le bonheur idylliq
3308 ux « instincts primitifs » ! Le bonheur idyllique de la nature ! Littérateurs, allez-y voir de près ! « Nous savons en eff
3309 yllique de la nature ! Littérateurs, allez-y voir de près ! « Nous savons en effet que jusqu’à ce jour, la création tout e
3310 la création tout entière gémit dans les angoisses de l’enfantement. Et ce n’est pas elle seulement, mais nous aussi, qui a
3311 eulement, mais nous aussi, qui avons les prémices de l’Esprit, nous aussi nous soupirons en nous-mêmes, en attendant l’ado
3312 ous-mêmes, en attendant l’adoption, la rédemption de notre corps. Car c’est en espérance que nous sommes sauvés » (Romains
3313 e nous sommes sauvés » (Romains 8. 22-24). Parler de la Nature comme le firent tant de romantiques, en termes d’extase rel
3314 es voir. Aller demander à la Nature la révélation d’ une vie saine et délivrée de toute contrainte mauvaise, c’est trahir c
3315 Nature la révélation d’une vie saine et délivrée de toute contrainte mauvaise, c’est trahir cette « attente ardente », ce
3316 e notre délire allait lui demander : les prémices d’ une nouvelle création, et la « révélation des enfants de lumière » ! 2
3317 nouvelle création, et la « révélation des enfants de lumière » ! 21 avril Voici les affiches des partis, pour la campagne
3318 l Voici les affiches des partis, pour la campagne d’ élections municipales. Quelle bouillabaisse de termes abstraits — sans
3319 gne d’élections municipales. Quelle bouillabaisse de termes abstraits — sans nul rapport à rien de ce qu’exige la situatio
3320 sse de termes abstraits — sans nul rapport à rien de ce qu’exige la situation locale, bien entendu. Les mêmes termes, d’ai
3321 rès, sur les affiches du « centre » et sur celles de la gauche. (Car la droite n’ose pas dire son nom dans ce canton.) Les
3322 ’ose pas dire son nom dans ce canton.) Les partis de gauche ont fait liste commune : cela s’appelle le front antifasciste.
3323 evendications pratiques : aide aux chômeurs, pose de deux nouvelles boîtes aux lettres ; ouverture d’un chalet de nécessit
3324 de deux nouvelles boîtes aux lettres ; ouverture d’ un chalet de nécessité pour hommes et dames sur la place principale. S
3325 velles boîtes aux lettres ; ouverture d’un chalet de nécessité pour hommes et dames sur la place principale. Si c’est cela
3326 cela, l’antifascisme, les fascistes doivent être de drôles de gens. 6 mai La mort et les cérémonies dans le Gard La maiso
3327 ntifascisme, les fascistes doivent être de drôles de gens. 6 mai La mort et les cérémonies dans le Gard La maison de Simar
3328 La mort et les cérémonies dans le Gard La maison de Simard recèle un effrayant secret qu’on m’avait laissé ignorer : une
3329 enons son existence en même temps que l’imminence de sa mort — et voici qui éveillera peut-être des réflexions fécondes da
3330 e. Déjà huit mois que nous sommes ici, et combien de fois ne sommes-nous pas entrés dans la grande cuisine qui était, pens
3331 s autres pièces étaient vides ou ne servaient que de débarras —, et rien ne pouvait nous faire soupçonner cette présence,
3332 tout. — Mais les Simard ne m’avaient jamais parlé d’ elle ! — Peuchère ! ils languissaient de l’emballer, la vieille ! Ils
3333 ais parlé d’elle ! — Peuchère ! ils languissaient de l’emballer, la vieille ! Ils n’auront plus à languir bien longtemps.
3334 e. Et on l’entend ! Trois fois par jour, le bruit d’ effroyables discussions nous parvient de la cuisine des Simard. Un bea
3335 le bruit d’effroyables discussions nous parvient de la cuisine des Simard. Un beau-frère est arrivé, et on partage. C’est
3336 respect pour la moribonde qu’ils veillent à tour de rôle, ils sont venus discuter dans la remise qui est au-dessous de no
3337 est au-dessous de notre chambre, et leurs éclats de voix nous ont plusieurs fois réveillés. 7 mai — Alors, Madame Calixte
3338 a-t-il, à côté ? — Elle dure, elle dure… Je viens d’ aller la voir. Elle a un bâton sur son lit, qu’elle ne veut pas le lâc
3339 hercher le pasteur. Je le rencontre comme il sort de sa visite. — Elle est curieuse, cette vieille, me dit-il. Figurez-vou
3340 ns. Une âcre fumée remplit la chambre, des lueurs d’ incendie passent devant la fenêtre. Je me précipite : ce sont les deux
3341 Simard ? — Il est rouge et boursouflé, tremblant de colère et gesticulant. Il crie : « Je l’ai dit à madame Calixte, je n
3342 Simard… — Il est parti. Le bassin est à 50 mètres de la maison, sur une terrasse qu’on ne peut voir d’ici. Je ne comprends
3343 d’ici. Je ne comprends pas très bien. S’il s’agit de respect, ne vaudrait-il pas mieux respecter les vieux pendant qu’ils
3344 i Me voilà brouillé avec Simard. Après l’algarade d’ hier matin, je ne me sentais pas le cœur à lui jouer une comédie de sy
3345 ne me sentais pas le cœur à lui jouer une comédie de sympathie, d’autant qu’il n’a vraiment pas l’air trop affecté par la
3346 n’a vraiment pas l’air trop affecté par la perte de cette belle-mère (sauf que les discussions avec le beau-frère font to
3347 j’ai trouvée hier soir devant son seuil, entourée de commères qui entretiennent son chagrin décent. Aux premiers mots que
3348 premiers mots que j’ai dits, elle a pleuré, gémi d’ une toute petite voix fausse, et m’a beaucoup remercié. Bref, il m’a s
3349 eux ? — Il faut que je vous explique. Une visite de deuil, chez nous, ça doit se faire dans la cuisine. Aussi, je lui ai
3350 tout ce protocole. Je sens bien qu’il est inutile de leur demander de s’expliquer. Tout cela repose sur un vieux fonds de
3351 . Je sens bien qu’il est inutile de leur demander de s’expliquer. Tout cela repose sur un vieux fonds de rites de protecti
3352 s’expliquer. Tout cela repose sur un vieux fonds de rites de protection très compliqués dont ils n’arriveraient pas à con
3353 uer. Tout cela repose sur un vieux fonds de rites de protection très compliqués dont ils n’arriveraient pas à concevoir qu
3354 onner. Et ne pas croire, surtout, qu’il s’agit là de « préjugés », comme disent les jeunes personnes en mal d’émancipation
3355 jugés », comme disent les jeunes personnes en mal d’ émancipation. C’est bien plus grave. C’est aussi grave que les questio
3356 n plus grave. C’est aussi grave que les questions d’ argent. C’est un fait d’ordre religieux. Et la colère de Simard en tém
3357 i grave que les questions d’argent. C’est un fait d’ ordre religieux. Et la colère de Simard en témoigne. 15 mai Comme l’an
3358 nt. C’est un fait d’ordre religieux. Et la colère de Simard en témoigne. 15 mai Comme l’année dernière, à la même date je
3359 e seraient-ils donc défavorables ? Je me vengerai d’ eux en écrivant ici que leurs charmes ont cessé d’opérer. Nous avons é
3360 d’eux en écrivant ici que leurs charmes ont cessé d’ opérer. Nous avons épuisé les environs, dans un rayon d’exploration no
3361 er. Nous avons épuisé les environs, dans un rayon d’ exploration normal — mettons deux à trois heures de marche — et vraime
3362 ’exploration normal — mettons deux à trois heures de marche — et vraiment il n’y a guère à signaler. Sinon peut-être les m
3363 les maisons vides. Il faut avouer qu’on en trouve d’ assez belles. Au fond d’un val qui paraît sans issue, ce grand mas nom
3364 ut avouer qu’on en trouve d’assez belles. Au fond d’ un val qui paraît sans issue, ce grand mas nommé Montaigu… (Pourquoi c
3365 t que cela ressemble à l’Albanie. C’est un groupe de hautes bâtisses compliquées, en pierre ocrée, enfermant une cour à de
3366 ermant une cour à deux étages. On devine un reste de jardin, avec quelques cyprès, une pierre tombale, et la margelle d’un
3367 elques cyprès, une pierre tombale, et la margelle d’ un puits. La plupart des vitres sont cassées. Une poule blanche se pro
3368 , un autre mas dit « le Château ». C’est à l’orée d’ un bois de châtaigniers. On y accède par une rampe monumentale coupée
3369 mas dit « le Château ». C’est à l’orée d’un bois de châtaigniers. On y accède par une rampe monumentale coupée régulièrem
3370 de par une rampe monumentale coupée régulièrement de marches nobles. La rampe conduit à une vaste terrasse herbue. Une mai
3371 e conduit à une vaste terrasse herbue. Une maison de maître d’assez beau style, ornée d’un perron à double escalier, forme
3372 à une vaste terrasse herbue. Une maison de maître d’ assez beau style, ornée d’un perron à double escalier, forme l’extrémi
3373 e. Une maison de maître d’assez beau style, ornée d’ un perron à double escalier, forme l’extrémité nord d’un bâtiment cons
3374 perron à double escalier, forme l’extrémité nord d’ un bâtiment considérable, à trois étages, qui devait servir de communs
3375 t considérable, à trois étages, qui devait servir de communs, de magnanerie, de cellier et de grange. Au sud, une tour à c
3376 le, à trois étages, qui devait servir de communs, de magnanerie, de cellier et de grange. Au sud, une tour à cadran solair
3377 ges, qui devait servir de communs, de magnanerie, de cellier et de grange. Au sud, une tour à cadran solaire, surmontée d’
3378 t servir de communs, de magnanerie, de cellier et de grange. Au sud, une tour à cadran solaire, surmontée d’une girouette.
3379 nge. Au sud, une tour à cadran solaire, surmontée d’ une girouette. Derrière la maison de maître, sur le flanc de la montag
3380 re, surmontée d’une girouette. Derrière la maison de maître, sur le flanc de la montagne, un jardin en terrasses, enclos d
3381 uette. Derrière la maison de maître, sur le flanc de la montagne, un jardin en terrasses, enclos de très hauts murs. À tra
3382 nc de la montagne, un jardin en terrasses, enclos de très hauts murs. À travers la grille ouvragée, on voit une profusion
3383 travers la grille ouvragée, on voit une profusion de fleurs violentes et d’orties. L’ensemble est imposant et comme démesu
3384 gée, on voit une profusion de fleurs violentes et d’ orties. L’ensemble est imposant et comme démesuré dans ce paysage de v
3385 le est imposant et comme démesuré dans ce paysage de vallons, de collines et de petits sommets rocheux. Soudain la girouet
3386 ant et comme démesuré dans ce paysage de vallons, de collines et de petits sommets rocheux. Soudain la girouette fait ente
3387 mesuré dans ce paysage de vallons, de collines et de petits sommets rocheux. Soudain la girouette fait entendre un long cr
3388 s proche est à une bonne demi-heure. Il n’y a pas de route. On imagine de vivre là, dans un style colonial-moyenâgeux. On
3389 nne demi-heure. Il n’y a pas de route. On imagine de vivre là, dans un style colonial-moyenâgeux. On pourrait loger bien d
3390 ns des fusils et des bibles, nous serions camisés de rouge, et l’on irait de temps à autre arraisonner les féodaux d’indus
3391 les, nous serions camisés de rouge, et l’on irait de temps à autre arraisonner les féodaux d’industrie du pays. « Communau
3392 on irait de temps à autre arraisonner les féodaux d’ industrie du pays. « Communauté », mot de passe de cette génération, n
3393 féodaux d’industrie du pays. « Communauté », mot de passe de cette génération, n’aurons-nous fait que l’appeler de loin,
3394 d’industrie du pays. « Communauté », mot de passe de cette génération, n’aurons-nous fait que l’appeler de loin, ne sera-t
3395 ette génération, n’aurons-nous fait que l’appeler de loin, ne sera-t-elle pour nous qu’une évasion hors de cette société m
3396 ussade, défaite, un alibi pour la mauvaise humeur de ceux qui n’ont plus de « prochains » ? 69. À Montmartre, il y a deu
3397 bi pour la mauvaise humeur de ceux qui n’ont plus de « prochains » ? 69. À Montmartre, il y a deux ou trois ans, j’assis
3398 u politique « en tournée ». ak. Rougemont Denis de , «  Journal d’un intellectuel en chômage (fragments) », Esprit, Paris
3399 n tournée ». ak. Rougemont Denis de, «  Journal d’ un intellectuel en chômage (fragments) », Esprit, Paris, juin 1937, p.
3400 7, p. 368-387. al. Une note précise : « Extraits d’ un ouvrage à paraître prochainement, sous ce titre, chez Albin Michel.
34 1937, Esprit, articles (1932–1962). Marius Richard, Le Procès (juin 1937)
3401 que j’écris, par la forme et par le fond, serait de nature à modifier la conscience humaine, si celle-ci pouvait être mod
3402 uvait être modifiée. » Nulle fiction ; un journal de méditations dans la vie, de rêves dans l’affreuse vie, où l’on condam
3403 fiction ; un journal de méditations dans la vie, de rêves dans l’affreuse vie, où l’on condamne avec indifférence, et où
3404 férence, et où tout le monde en fait est coupable de tout : du sort des filles publiques, des bourgeois endormis, des mala
3405 malades dans les hôpitaux « qui ont des chemises de prisonniers » et « n’ont plus guère que le nom de leur mal » et même
3406 de prisonniers » et « n’ont plus guère que le nom de leur mal » et même « du polémiste prenant son chien à témoin de la lâ
3407 et même « du polémiste prenant son chien à témoin de la lâcheté des hommes, qu’il exploite ». Ce procès Stavisky, que l’au
3408 nsi à toute la société, à tout cet embrouillamini de responsabilités, d’inconsciences, de misères médiocres, que quelques
3409 té, à tout cet embrouillamini de responsabilités, d’ inconsciences, de misères médiocres, que quelques femmes, dans une égl
3410 brouillamini de responsabilités, d’inconsciences, de misères médiocres, que quelques femmes, dans une église, présentent a
3411 ues femmes, dans une église, présentent au pardon de Dieu. Il y a le refuge du rêve, tout en marchant le long du quai aux
3412 la prière n’est pas un refuge ; elle est un acte d’ accusation, et un aveu de chaque homme pour tous les autres : « Je sui
3413 efuge ; elle est un acte d’accusation, et un aveu de chaque homme pour tous les autres : « Je suis plus près de leur erreu
3414 s autres : « Je suis plus près de leur erreur que de ma vérité. » Parfois l’on songe au Rilke des Cahiers, — sans la vibra
3415 il l’obtienne à cette profondeur, donne la mesure d’ un art qui ne se prend pas pour idole. am. Rougemont Denis de, « [C
3416 e se prend pas pour idole. am. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Marius Richard, Le Procès  », Esprit, Paris, juin 1
3417  479-480. an. Une note précise : « Des fragments de ce livre ont paru dans Esprit, septembre 1936. »
35 1937, Esprit, articles (1932–1962). Paul Éluard, L’Évidence poétique (juin 1937)
3418 stes ont un sens typographique étonnant : pas une de leurs publications que ne marque une invention heureuse et une audace
3419 e. J’ai toujours pensé que c’étaient là les armes de l’esprit contre le commerce. Deux-mille pages ou un feuillet, mais no
3420 ndard. Le feuillet qui nous apporte la conférence d’ Éluard à Londres, sur la poésie surréaliste, résume tout le vrai et to
3421 surréaliste, résume tout le vrai et tout le faux de ce mouvement. Thème, repris de Lautréamont : « La poésie doit être fa
3422 ai et tout le faux de ce mouvement. Thème, repris de Lautréamont : « La poésie doit être faite par tous. Non par un. » On
3423 le poète sur un sommet. Mais voici : « Au sommet de tout, comme ailleurs, plus qu’ailleurs peut-être, pour celui qui voit
3424 unautaire. (Éluard dit d’ailleurs : égalitaire, —  d’ une manière incompréhensible.) La poésie « s’applique… à refuser de se
3425 ompréhensible.) La poésie « s’applique… à refuser de servir un ordre qui n’est pas le sien ». C’est donc qu’elle veut inst
3426 er un ordre plus grand et pur. « Toutes les tours d’ ivoire seront démolies, toutes les paroles seront sacrées et l’homme,
3427 eux. » Phrase étonnante à la fois par la grandeur de l’espérance qu’elle proclame et par la confusion de sa proclamation.
3428 l’espérance qu’elle proclame et par la confusion de sa proclamation. Que « toutes les paroles soient sacrées », c’est la
3429 ns et des romantiques allemands, c’est la volonté de réintégration générale de la création dans son état d’innocence et de
3430 mands, c’est la volonté de réintégration générale de la création dans son état d’innocence et de grâce, et il n’y aurait p
3431 intégration générale de la création dans son état d’ innocence et de grâce, et il n’y aurait pas de poésie — ni de prière —
3432 érale de la création dans son état d’innocence et de grâce, et il n’y aurait pas de poésie — ni de prière — s’il n’y avait
3433 tat d’innocence et de grâce, et il n’y aurait pas de poésie — ni de prière — s’il n’y avait pas, consciente ou non, cette
3434 et de grâce, et il n’y aurait pas de poésie — ni de prière — s’il n’y avait pas, consciente ou non, cette espérance ou ce
3435 u non, cette espérance ou cette « attente ardente de la créature », comme dit saint Paul. Mais alors, pourquoi fermer les
3436 le poncif onirique 1925 ? Ce n’était pas la peine de lire Feuerbach, cité à la page suivante. Voilà qui est antimarxiste d
3437 té à la page suivante. Voilà qui est antimarxiste d’ une manière plus valable : « C’est l’espoir ou le désespoir qui déterm
3438 pour le rêveur éveillé — pour le poète — l’action de son imagination. Qu’il formule cet espoir ou ce désespoir et ses rapp
3439 » des exploiteurs des hommes, tout en louant Sade d’ avoir voulu « redonner à l’homme civilisé la force de ses instincts pr
3440 voir voulu « redonner à l’homme civilisé la force de ses instincts primitifs ». Comme si l’instinct primitif ne poussait p
3441 justement à réfréner ou à détourner cet instinct d’ exploitation vers d’autres objets, artificiels, créés ! (arts, techniq
3442 techniques, mystique). Éluard parle, comme nous, de « construire un monde à la taille de l’homme » et de « mettre l’homme
3443 comme nous, de « construire un monde à la taille de l’homme » et de « mettre l’homme debout », — mais il précise : « à la
3444 « construire un monde à la taille de l’homme » et de « mettre l’homme debout », — mais il précise : « à la taille immense
3445 bout », — mais il précise : « à la taille immense de l’homme ». Immense par rapport à quoi ? Il veut combattre les « idées
3446 ar rapport à quoi ? Il veut combattre les « idées de propriété, de famille, de religion, de patrie ». Les idées de qui ? S
3447 uoi ? Il veut combattre les « idées de propriété, de famille, de religion, de patrie ». Les idées de qui ? Si ce sont cell
3448 t combattre les « idées de propriété, de famille, de religion, de patrie ». Les idées de qui ? Si ce sont celles que les b
3449 es « idées de propriété, de famille, de religion, de patrie ». Les idées de qui ? Si ce sont celles que les bourgeois et l
3450 , de famille, de religion, de patrie ». Les idées de qui ? Si ce sont celles que les bourgeois et les staliniens se font d
3451 elles que les bourgeois et les staliniens se font de ces réalités, nous combattrons ensemble. Mais avec cela nous n’aurons
3452 r « ignoble » exploitation, nous les sauverons ! ( De nous-mêmes s’il le faut.) Et enfin : « Voici que les poètes sont des
3453 t des frères. » Et voici qu’Éluard paraît délivré de l’esthétisme aristocratique des débuts du surréalisme. Mais que pense
3454 des débuts du surréalisme. Mais que penser alors de cette conclusion : « Ils (les poètes) ont leur conscience pour eux. »
3455 ) ont leur conscience pour eux. » C’est la maxime de l’individualisme rationalo-bourgeois. Voir Léon Bloy (Exégèse des lie
3456 tes devrait impliquer la rigueur. Et une exigence d’ « évidence ». ao. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Paul Éluard,
3457 e exigence d’« évidence ». ao. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Paul Éluard, L’Évidence poétique  », Esprit, Paris,
36 1937, Esprit, articles (1932–1962). M. Benda nous « cherche », mais ne nous trouve pas (juillet 1937)
3458 1900 fut une génération heureuse ; la génération d’ après-guerre, en appelant ainsi l’ensemble des hommes qui ont aujourd’
3459 t ainsi l’ensemble des hommes qui ont aujourd’hui de 25 à 40 ans, est une génération particulièrement éprouvée par les cir
3460 articulièrement éprouvée par les circonstances. » D’ où résulte que les anciens, les heureux, méprisaient l’action politiqu
3461 la politique, ne veulent la vérité qu’au service de l’action, vénèrent la force, et pratiquent la religion de la lutte et
3462 ion, vénèrent la force, et pratiquent la religion de la lutte et de la vie dangereuse : en conclusion, M. Benda fit observ
3463 a force, et pratiquent la religion de la lutte et de la vie dangereuse : en conclusion, M. Benda fit observer que les anci
3464 génération des anciens est essentiellement celle de Barrès, de Maurras, de Sorel, de Péguy, de Claudel, de Rolland, de Be
3465 des anciens est essentiellement celle de Barrès, de Maurras, de Sorel, de Péguy, de Claudel, de Rolland, de Bergson, qui
3466 est essentiellement celle de Barrès, de Maurras, de Sorel, de Péguy, de Claudel, de Rolland, de Bergson, qui tous, bien q
3467 tiellement celle de Barrès, de Maurras, de Sorel, de Péguy, de Claudel, de Rolland, de Bergson, qui tous, bien qu’« heureu
3468 celle de Barrès, de Maurras, de Sorel, de Péguy, de Claudel, de Rolland, de Bergson, qui tous, bien qu’« heureux » (selon
3469 rrès, de Maurras, de Sorel, de Péguy, de Claudel, de Rolland, de Bergson, qui tous, bien qu’« heureux » (selon Benda) ont
3470 rras, de Sorel, de Péguy, de Claudel, de Rolland, de Bergson, qui tous, bien qu’« heureux » (selon Benda) ont défendu les
3471 notre jeunesse « malheureuse », — M. Benda refusa de répondre. La génération des anciens, des heureux, des intellectuels r
3472 intellectuels riches, c’est M. Benda, et personne d’ autre. Et lorsqu’un autre fit observer, en mathématicien, que la gratu
3473 M. Benda répliqua qu’il ne s’agissait pas du tout de cela, et que la pensée des jeunes se veut active en ce sens qu’elle v
3474 ont dénonça le sophisme sur lequel repose l’œuvre de M. Benda, œuvre, en dépit des prétentions de son auteur, purement pol
3475 uvre de M. Benda, œuvre, en dépit des prétentions de son auteur, purement polémique et politique. Ce sophisme consiste à e
3476 ste, déclara notre ami, repousse l’une et l’autre de ces trahisons, et affirme que la pensée doit entrer dans l’action, no
3477 ction, non pas « à son service », mais au service de la vérité. Le mot d’incarnation résume cette position. On nageait en
3478 n service », mais au service de la vérité. Le mot d’ incarnation résume cette position. On nageait en pleine confusion. Les
3479 ent et accablaient les jeunes. Ceux-ci refusaient de se reconnaître dans le signalement qu’on leur attribuait. Cette tempê
3480 ement qu’on leur attribuait. Cette tempête autour d’ un verre d’eau, dans la salle étouffante de la rue Visconti, nous appr
3481 leur attribuait. Cette tempête autour d’un verre d’ eau, dans la salle étouffante de la rue Visconti, nous apprend tout de
3482 autour d’un verre d’eau, dans la salle étouffante de la rue Visconti, nous apprend tout de même quelque chose. S’il est vr
3483 ai que penser, pour les jeunes, équivaut à gagner de l’argent, M. Benda est auprès de nous un grand penseur, mais M. Dekob
3484 tre à tous. Et s’il est vrai que celui qui refuse d’ endosser les conséquences de sa vérité prouve par là qu’il en a plus d
3485 que celui qui refuse d’endosser les conséquences de sa vérité prouve par là qu’il en a plus de respect que celui qui s’ef
3486 uences de sa vérité prouve par là qu’il en a plus de respect que celui qui s’efforce de la réaliser, — c’est que la vérité
3487 u’il en a plus de respect que celui qui s’efforce de la réaliser, — c’est que la vérité dont il s’agit ressemble pas mal a
3488 faits, M. Benda ajoute une erreur non moins grave d’ interprétation, lorsqu’il rattache ces divers traits au « malheur » de
3489 rsqu’il rattache ces divers traits au « malheur » de notre jeunesse, lequel ne saurait, en bonne logique, expliquer les do
3490 aurait, en bonne logique, expliquer les doctrines d’ un Barrès ou d’un Sorel, — qu’au surplus nous renions en bonne partie.
3491 e logique, expliquer les doctrines d’un Barrès ou d’ un Sorel, — qu’au surplus nous renions en bonne partie. Ce pataquès do
3492 ions en bonne partie. Ce pataquès donne la mesure de la « cohérence » d’une pensée qui a pris pour idéal de « constater »
3493 . Ce pataquès donne la mesure de la « cohérence » d’ une pensée qui a pris pour idéal de « constater » purement et simpleme
3494 « cohérence » d’une pensée qui a pris pour idéal de « constater » purement et simplement ce qui est. Au surplus, M. Benda
3495 surplus, M. Benda se trompe quand il croit juger de Sirius. Il est encore en pleine affaire Dreyfus. Il se vante d’être i
3496 est encore en pleine affaire Dreyfus. Il se vante d’ être intemporel, mais il n’est guère qu’anachronique. Partisan qui sur
3497 isan qui survit à sa cause ; et pensée qui refuse de payer. ap. Rougemont Denis de, « M. Benda nous “cherche” mais ne n
3498 ensée qui refuse de payer. ap. Rougemont Denis de , « M. Benda nous “cherche” mais ne nous trouve pas », Esprit, Paris,
3499 illet 1937, p. 616-618. aq. Signé : « L’auditeur de service ».
37 1937, Esprit, articles (1932–1962). Brève introduction à quelques témoignages littéraires (septembre 1937)
3500 (septembre 1937)ar La place qu’il conviendrait de donner à la littérature, dans Esprit , c’est une question qui se pos
3501 ce que, sous une forme plus générale, la question de la littérature en soi et de la place qu’il conviendrait de lui donner
3502 générale, la question de la littérature en soi et de la place qu’il conviendrait de lui donner dans la cité, se trouve êtr
3503 térature en soi et de la place qu’il conviendrait de lui donner dans la cité, se trouve être posée à l’époque. Dans l’un e
3504 par certains partis pris, et par un certain ordre d’ objets qu’elle se choisit, est aussi le produit d’une époque. C’est po
3505 d’objets qu’elle se choisit, est aussi le produit d’ une époque. C’est pourquoi la question d’une littérature personnaliste
3506 produit d’une époque. C’est pourquoi la question d’ une littérature personnaliste reste pour nous inséparable de la créati
3507 érature personnaliste reste pour nous inséparable de la création, de l’avènement et de la durée d’un ordre social personna
3508 liste reste pour nous inséparable de la création, de l’avènement et de la durée d’un ordre social personnaliste. Elle se f
3509 ous inséparable de la création, de l’avènement et de la durée d’un ordre social personnaliste. Elle se fait en faisant, pa
3510 ble de la création, de l’avènement et de la durée d’ un ordre social personnaliste. Elle se fait en faisant, par ce mouveme
3511 aliste. Elle se fait en faisant, par ce mouvement d’ interaction à quoi se réduit en fin de compte la « dialectique » dont
3512 t le monde parle depuis cent ans. Ne perdons plus de temps à rechercher qui a commencé, de l’œuf ou de la poule ; et qui d
3513 erdons plus de temps à rechercher qui a commencé, de l’œuf ou de la poule ; et qui doit commencer, de la littérature ou de
3514 de temps à rechercher qui a commencé, de l’œuf ou de la poule ; et qui doit commencer, de la littérature ou de l’ordre soc
3515 de l’œuf ou de la poule ; et qui doit commencer, de la littérature ou de l’ordre social. Notre effort ne saurait porter,
3516 ule ; et qui doit commencer, de la littérature ou de l’ordre social. Notre effort ne saurait porter, avec quelque efficaci
3517 e efficacité, que sur la réalisation concomitante de l’une et de l’autre, de l’une par l’autre. Ce n’est donc pas à une en
3518 , que sur la réalisation concomitante de l’une et de l’autre, de l’une par l’autre. Ce n’est donc pas à une enquête que no
3519 réalisation concomitante de l’une et de l’autre, de l’une par l’autre. Ce n’est donc pas à une enquête que nous allons no
3520 nditions actuelles — et actuantes si j’ose dire — de l’œuvre littéraire dans la communauté. Il n’y a pas, et il ne peut y
3521 a et qu’il ne peut y avoir encore une orthodoxie de la personne, une société et une économie qui la soutiennent, et qu’el
3522 essés ou intéressés, il existe une « génération » d’ écrivains — prenons ces termes au sens le plus large — qui pour n’être
3523 n’être point asservis aux disciplines extérieures d’ un parti, ne considèrent pas l’acte d’écrire comme un divertissement s
3524 extérieures d’un parti, ne considèrent pas l’acte d’ écrire comme un divertissement sans conséquence. Il existe des jeunes
3525 cceptent cette nécessité comme une des conditions de leur création. Et nous pensons qu’il n’est pas vain de le prouver en
3526 ur création. Et nous pensons qu’il n’est pas vain de le prouver en les réunissant ici, fût-ce par le lien tout provisoire
3527 éunissant ici, fût-ce par le lien tout provisoire d’ une sorte d’anthologie mensuelle. S’il fallait résumer ce qu’ils ont e
3528 i, fût-ce par le lien tout provisoire d’une sorte d’ anthologie mensuelle. S’il fallait résumer ce qu’ils ont en commun, no
3529 es refus (ceux que nous formulions dès les débuts de cette revue : ni communisme, ni fascisme, ni « ordre » bourgeois, ni
3530  ordre » bourgeois, ni gratuité ni asservissement de l’esprit), mais sans nul doute aussi quelques volontés convergentes d
3531 ns nul doute aussi quelques volontés convergentes de construction, de reprise à pied d’œuvre ; un souci de l’action possib
3532 i quelques volontés convergentes de construction, de reprise à pied d’œuvre ; un souci de l’action possible ou nécessaire,
3533 s convergentes de construction, de reprise à pied d’ œuvre ; un souci de l’action possible ou nécessaire, mais par les moye
3534 onstruction, de reprise à pied d’œuvre ; un souci de l’action possible ou nécessaire, mais par les moyens propres de l’art
3535 ssible ou nécessaire, mais par les moyens propres de l’art ; une considération constante des tenants et aboutissants de l’
3536 nsidération constante des tenants et aboutissants de l’œuvre d’art (sources métaphysiques, corrélations scientifiques et p
3537 resque à distinguer cette « génération » nouvelle de celle qui s’illustra par le surréalisme. Littérature présente au mond
3538 s’édifie. Je ne pense pas qu’il soit souhaitable d’ en dire plus, au seuil de la série de « témoignages » très divers que
3539 s qu’il soit souhaitable d’en dire plus, au seuil de la série de « témoignages » très divers que nous inaugurons avec ce n
3540 souhaitable d’en dire plus, au seuil de la série de « témoignages » très divers que nous inaugurons avec ce numéro. Dans
3541 nérale, que l’on verra se préciser ou se ramifier de mois en mois, nous avons réuni d’ores et déjà un certain nombre de te
3542 nous avons réuni d’ores et déjà un certain nombre de textes qui paraîtront au cours de cet hiver. Romans, nouvelles, poème
3543 er. Romans, nouvelles, poèmes, essais sur le rôle de la littérature ou ses méthodes. Mises au point et illustrations, — ou
3544 « signes » simplement, mais qui prendront du fait de leur confrontation une valeur autre que documentaire, ou « littéraire
3545 euphor, Jean Tardieu. On voit qu’il ne s’agit pas d’ une école ; encore moins d’une orthodoxie personnaliste. Mais de « per
3546 it qu’il ne s’agit pas d’une école ; encore moins d’ une orthodoxie personnaliste. Mais de « personnes » qui savent que l’e
3547 encore moins d’une orthodoxie personnaliste. Mais de « personnes » qui savent que l’exercice de leurs libertés implique de
3548 . Mais de « personnes » qui savent que l’exercice de leurs libertés implique des engagements concrets. ar. Rougemont De
3549 des engagements concrets. ar. Rougemont Denis de , « Brève introduction à quelques témoignages littéraires », Esprit, P
38 1937, Esprit, articles (1932–1962). Martin Lamm, Swedenborg (septembre 1937)
3550 embre 1937)as Je ne pense pas qu’il soit utile de parler dans Esprit de tout ce qui vient de paraître, sous prétexte qu
3551 pense pas qu’il soit utile de parler dans Esprit de tout ce qui vient de paraître, sous prétexte que c’est « important »
3552 c’est « important » ou « intéressant » ou « plein de talent ». (La discontinuité de notre chronique des Lettres ne traduit
3553 ssant » ou « plein de talent ». (La discontinuité de notre chronique des Lettres ne traduit d’ailleurs pas nécessairement
3554 d’ailleurs pas nécessairement des intermittences de la production littéraire. Celle-ci se trouve être en fait d’une inqui
3555 ction littéraire. Celle-ci se trouve être en fait d’ une inquiétante continuité, pour des raisons plus commerciales que spi
3556 ituelles, on le sait bien.) Mais si nous essayons de limiter notre critique aux ouvrages qui présentent un sens quelconque
3557 mative — doive se traduire par un appauvrissement de notre curiosité intellectuelle. Bien au contraire. Il est totalement
3558 lle. Bien au contraire. Il est totalement inutile de parler du dernier roman, dont tout le monde parle, parce qu’il n’appo
3559 On ne peut pas recommencer chaque mois le procès d’ une littérature qui se vante d’être « insignifiante » — c’est-à-dire s
3560 que mois le procès d’une littérature qui se vante d’ être « insignifiante » — c’est-à-dire sans but, privée de « sens » — e
3561 « insignifiante » — c’est-à-dire sans but, privée de « sens » — et n’y réussit que trop bien. Mais cela nous donne justeme
3562 sit que trop bien. Mais cela nous donne justement de la place pour parler d’ouvrages « spéciaux » que tout le monde passe
3563 cela nous donne justement de la place pour parler d’ ouvrages « spéciaux » que tout le monde passe sous silence, et qui se
3564 pe pour les suivre. Le professeur Martin Lamm est de l’Académie suédoise ; le préfacier, Paul Valéry, est de l’Académie fr
3565 cadémie suédoise ; le préfacier, Paul Valéry, est de l’Académie française. Ces deux illustrations officielles exercent leu
3566 ns officielles exercent leur sagacité sur l’œuvre d’ un illuminé que toutes les académies de son siècle eussent rejeté avec
3567 ur l’œuvre d’un illuminé que toutes les académies de son siècle eussent rejeté avec mépris et pitié. Mais la gloire posthu
3568 te analyse qu’il nous donne des principaux écrits de son compatriote ne prend quelque chaleur qu’aux endroits où il s’agit
3569 rend quelque chaleur qu’aux endroits où il s’agit de réfuter les hypothèses d’un collègue historien. Je ne nie pas la vale
3570 x endroits où il s’agit de réfuter les hypothèses d’ un collègue historien. Je ne nie pas la valeur intrinsèque de la thèse
3571 ue historien. Je ne nie pas la valeur intrinsèque de la thèse que défend M. Lamm et qui me paraît très convaincante, mais
3572 nt pourquoi il la défend, et pourquoi il s’occupe d’ un personnage qui ne semble exciter ni sa réprobation ni son enthousia
3573 ousiasme. C’est ce que l’on nomme du beau travail d’ universitaire : l’absence de tout intérêt existentiel garantit « l’obj
3574 nomme du beau travail d’universitaire : l’absence de tout intérêt existentiel garantit « l’objectivité » de l’exposé… Le c
3575 ut intérêt existentiel garantit « l’objectivité » de l’exposé… Le cas de M. Valéry est très différent. Si étranger qu’on l
3576 el garantit « l’objectivité » de l’exposé… Le cas de M. Valéry est très différent. Si étranger qu’on le connaisse aux spéc
3577 attachent étroitement, c’est cette étrangeté même de l’objet qui semble l’avoir retenu, et elle lui pose des questions per
3578 lement dans sa préface. Morceau brillant, disert, d’ une élégance trop aisée, mais non point vide, — l’une des expressions
3579 vide, — l’une des expressions les plus « pures » de la rhétorique valéryenne. Swedenborg présente le cas très singulier d
3580 ryenne. Swedenborg présente le cas très singulier d’ un savant encyclopédique, formé aux disciplines rationalistes du xviii
3581 s du xviiie siècle, qui aboutit — c’est la thèse de Lamm —, par une évolution très raisonnable, à des « rêveries » pureme
3582 s’imagine couramment que la doctrine théosophique de Swedenborg est le système plus ou moins disparate qu’il a déduit de s
3583 le système plus ou moins disparate qu’il a déduit de ses visions fameuses. M. Lamm démontre au contraire que ces visions n
3584 er, sous une forme mythologique, une construction d’ origine scientifique, remarquablement cohérente. En somme, les grands
3585 cohérente. En somme, les grands traités mystiques de Swedenborg — dont l’influence fut si profonde sur les meilleurs espri
3586 fluence fut si profonde sur les meilleurs esprits de la période goethéenne — seraient l’expression d’un effort admirable p
3587 de la période goethéenne — seraient l’expression d’ un effort admirable pour résoudre l’antinomie du rationalisme et du né
3588 du rationalisme et du néo-platonisme sous l’égide de la foi chrétienne. Entreprise en tous points comparable à celle d’un
3589 nne. Entreprise en tous points comparable à celle d’ un Pic de la Mirandole, pour ne prendre que l’un des auteurs les plus
3590 eprise en tous points comparable à celle d’un Pic de la Mirandole, pour ne prendre que l’un des auteurs les plus souvent c
3591 intelligence. D’abord en ce qu’elle rend un livre de ce genre extrêmement ennuyeux à lire, quel que soit l’intérêt du suje
3592 t, donc à son détriment, surtout lorsqu’il s’agit d’ un phénomène spirituel et culturel de première importance. Ensuite, ce
3593 qu’il s’agit d’un phénomène spirituel et culturel de première importance. Ensuite, cette impartialité ne saurait être honn
3594 étexte qu’elle se donne — s’appliquant à un ordre de spéculation tel que le mysticisme. M. Lamm a beau s’efforcer de ne po
3595 tel que le mysticisme. M. Lamm a beau s’efforcer de ne point porter de jugement de valeur sur la « réalité » des visions
3596 sme. M. Lamm a beau s’efforcer de ne point porter de jugement de valeur sur la « réalité » des visions de Swedenborg, son
3597 a beau s’efforcer de ne point porter de jugement de valeur sur la « réalité » des visions de Swedenborg, son expression l
3598 jugement de valeur sur la « réalité » des visions de Swedenborg, son expression le trahit à chaque page, et révèle un part
3599 chaque page, et révèle un parti pris assez brutal de réduction du mystique à l’illusoire. Par exemple, il relate une des p
3600 Par exemple, il relate une des premières extases de S. et conclut ainsi : « Il est de toute évidence que cet incident ne
3601 emières extases de S. et conclut ainsi : « Il est de toute évidence que cet incident ne fut autre chose qu’une perte de co
3602 que cet incident ne fut autre chose qu’une perte de connaissance, etc. » Ailleurs il parle d’une préface dans laquelle Sw
3603 e perte de connaissance, etc. » Ailleurs il parle d’ une préface dans laquelle Swedenborg aurait expliqué « comment il a gl
3604 Swedenborg aurait expliqué « comment il a glissé de la science dans le mysticisme ». Enfin, l’on ne voit pas du tout en q
3605 out en quoi la logomachie particulière à l’époque de M. Lamm serait plus « objective » et « scientifique » que la doctrine
3606 « objective » et « scientifique » que la doctrine de Swedenborg, qu’elle prétend critiquer. Exemples : « Les visions dont
3607 lablement des hallucinations hypnagogiques, genre de visions qui sont loin d’être rares, même dans des états psychiques no
3608 ons hypnagogiques, genre de visions qui sont loin d’ être rares, même dans des états psychiques normaux. » (?) Ou : « Il es
3609 , on nous dit seulement, modestement, que ce sont de pseudo-hallucinations. Ce genre de pseudo-explications, édictées avec
3610 t, que ce sont de pseudo-hallucinations. Ce genre de pseudo-explications, édictées avec une assurance doctorale, me parais
3611 ssant prêcher par un je ne sais quoi qui rappelle d’ une double manière la fameuse « vertu dormitive »… 2. Les auteurs qui
3612 eurs qui s’occupent des mystiques et, en général, d’ objets religieux qui leur paraissent inquiétants pour l’intégrité de l
3613 qui leur paraissent inquiétants pour l’intégrité de leur image « moderne » du monde, ont coutume de tout « ramener » à de
3614 é de leur image « moderne » du monde, ont coutume de tout « ramener » à des catégories scientifiques contemporaines. Or ce
3615 nsi M. Lamm, suivant W. James et les psychologues d’ avant-guerre — son livre est de 1915 — déclare que les visions intérie
3616 t les psychologues d’avant-guerre — son livre est de 1915 — déclare que les visions intérieures de Swedenborg « ne sont pa
3617 est de 1915 — déclare que les visions intérieures de Swedenborg « ne sont pas autre chose » que des photismes, « phénomène
3618 pas autre chose » que des photismes, « phénomènes d’ automatisme sensoriel de nature hallucinatoire ou pseudo-hallucinatoir
3619 s photismes, « phénomènes d’automatisme sensoriel de nature hallucinatoire ou pseudo-hallucinatoire » des plus fréquents c
3620 ui « expliqueraient » physiologiquement le chemin de Damas et beaucoup de « conversions religieuses de notre époque ». Or
3621 de Damas et beaucoup de « conversions religieuses de notre époque ». Or il se trouve que les récents travaux de Minkowski
3622 époque ». Or il se trouve que les récents travaux de Minkowski (en particulier les études sur la métaphore71 que le psychi
3623 en collaboration avec Arnaud Dandieu) permettent de donner une interprétation totalement différente de ces « visions inté
3624 e donner une interprétation totalement différente de ces « visions intérieures » ; et cette interprétation rejoint très ex
3625 nstitue à mon sens la partie la plus intéressante de l’œuvre du Suédois, devait apparaître purement fantaisiste et périmée
3626 aître purement fantaisiste et périmée à un savant de l’avant-guerre. Swedenborg affirme que l’origine de toute matière, es
3627 l’avant-guerre. Swedenborg affirme que l’origine de toute matière, est un « point » sans poids ni étendue, point mathémat
3628 amnée en toute tranquillité avant les découvertes de la mécanique ondulatoire, — qui nous en donnent aujourd’hui l’équival
3629 alent le plus étonnamment exact. Les spéculations de Swedenborg sur le temps et l’espace « vécu » par les anges relevaient
3630 space « vécu » par les anges relevaient également de la fantaisie la plus échevelée aux yeux de la science d’avant Einstei
3631 antaisie la plus échevelée aux yeux de la science d’ avant Einstein… Tout ceci tendait à prouver que le problème mystique n
3632 le problème mystique n’est nullement justiciable de « la science » d’aucune époque, et qu’il se pose au seul jugement mét
3633 que n’est nullement justiciable de « la science » d’ aucune époque, et qu’il se pose au seul jugement métaphysique et théol
3634 pose au seul jugement métaphysique et théologique de chaque génération. 3. Ceci dit, il me paraît utile de poser ce problè
3635 haque génération. 3. Ceci dit, il me paraît utile de poser ce problème, très brièvement, en termes de philosophie et d’éth
3636 ème, très brièvement, en termes de philosophie et d’ éthique personnalistes. On a souvent opposé à notre attitude, et à not
3637 nt opposé à notre attitude, et à notre conception de la personne, l’idéal de « dépersonnalisation », ou d’anéantissement d
3638 de, et à notre conception de la personne, l’idéal de « dépersonnalisation », ou d’anéantissement du moi, qui est sans cont
3639 a personne, l’idéal de « dépersonnalisation », ou d’ anéantissement du moi, qui est sans conteste celui de tous les mystiqu
3640 néantissement du moi, qui est sans conteste celui de tous les mystiques, orientaux ou occidentaux, païens ou chrétiens, hé
3641 érodoxes ou orthodoxes. Je n’ai pas la prétention de traiter un si grave problème en quelques lignes. Mais il me semble né
3642 en quelques lignes. Mais il me semble nécessaire de préciser au moins le lieu de la véritable opposition. L’anéantissemen
3643 me semble nécessaire de préciser au moins le lieu de la véritable opposition. L’anéantissement du moi peut être recherché
3644 peut être recherché comme la suppression radicale de toute conscience personnelle et de toute responsabilité, identité, ou
3645 ssion radicale de toute conscience personnelle et de toute responsabilité, identité, ou vocation distincte. Dans la mesure
3646 s mystiques orientales, dont l’influence est loin d’ être négligeable chez les jeunes écrivains français et belges, et s’al
3647 nt du moi peut aussi être compris comme un effort de l’homme pour se libérer de sa personnalité (ou de son individualité)
3648 ompris comme un effort de l’homme pour se libérer de sa personnalité (ou de son individualité) telle qu’elle se trouve don
3649 de l’homme pour se libérer de sa personnalité (ou de son individualité) telle qu’elle se trouve donnée à cet homme par sa
3650 e moi est anéanti, écrit M. Lamm, tous les traits de la personnalité sont volontairement effacés. c’est ce que Madame Guyo
3651 e “la mort mystique”. L’âme ne vit plus désormais de sa vie propre, c’est Dieu qui vit et agit en elle. » Il s’agit, au vr
3652 eu qui vit et agit en elle. » Il s’agit, au vrai, de la lutte entre le vieil homme et le nouvel homme, entre l’individu et
3653 ui constitue la personne et l’identifie, l’effort de l’homme pour transcender son petit personnage individuel ou sociologi
3654 dividuel ou sociologique, et se mettre au service de quelque chose qui le dépasse, mais où il trouve enfin sa plus profond
3655 , mais où il trouve enfin sa plus profonde raison d’ être. Or il semble bien que la mystique occidentale, catholique ou pro
3656 ns doute aurions-nous ici une très belle occasion de développer en profondeur la dialectique individu-personnalité-personn
3657 tre mouvement. Je me contenterai pour aujourd’hui de marquer le point d’insertion d’un problème qu’il faudra, évidemment,
3658 contenterai pour aujourd’hui de marquer le point d’ insertion d’un problème qu’il faudra, évidemment, que nous traitions u
3659 pour aujourd’hui de marquer le point d’insertion d’ un problème qu’il faudra, évidemment, que nous traitions un jour en to
3660 itions un jour en toute franchise, entre croyants de confessions différentes et incroyants personnalistes. 71. Cf. Vers
3661 dre ici sur les aspects hétérodoxes et orthodoxes de son luthéranisme. Il faudrait d’abord expliquer qui était Luther, si
3662 à l’endroit de la mystique. as. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Martin Lamm, Swedenborg  », Esprit, Paris, septembr
39 1937, Esprit, articles (1932–1962). Neutralité oblige (octobre 1937)
3663 erroge simplement par curiosité, ou par une sorte de prudence, pour voir venir, et puis vous vous apercevez que ce sont vo
3664 re, parfois de plus libérateur, que cette manière de poser des questions, et de jouer le scepticisme, dans un pays où tant
3665 eur, que cette manière de poser des questions, et de jouer le scepticisme, dans un pays où tant de choses vont de soi. Il
3666 Il nous faut un homme comme Ramuz pour nous tirer de l’optimisme assez épais où s’endorment les jeunes Suisses, trop assur
3667 unes Suisses, trop assurés, comme le dit Cingria, de trouver chaque matin sur leur table un gros bol de café au lait. Qu’o
3668 e trouver chaque matin sur leur table un gros bol de café au lait. Qu’on m’entende bien : nous avons eu Amiel, et nous ne
3669 en : nous avons eu Amiel, et nous ne manquons pas de douteurs, de tourmentés, de refoulés et d’hésitants fort distingués.
3670 ns eu Amiel, et nous ne manquons pas de douteurs, de tourmentés, de refoulés et d’hésitants fort distingués. Mais ces inqu
3671 nous ne manquons pas de douteurs, de tourmentés, de refoulés et d’hésitants fort distingués. Mais ces inquiétudes se limi
3672 ns pas de douteurs, de tourmentés, de refoulés et d’ hésitants fort distingués. Mais ces inquiétudes se limitent au « plan
3673 lan moral », comme nous aimons à dire. Elles sont d’ usage interne, individuel. Les doutes que Ramuz nous proposent touchen
3674 posent touchent au contraire les fondements mêmes de notre vie dans la cité, de notre existence comme « Suisses ». Ils aff
3675 e les fondements mêmes de notre vie dans la cité, de notre existence comme « Suisses ». Ils affectent nos tabous les plus
3676 nationales. Ce que personne n’a jamais eu l’idée de mettre en question parmi nous. Par exemple, demande Ramuz : Avons-nou
3677 que propreté, confort et instruction ? Avons-nous d’ autre but commun que la sécurité et le profit ? Pourquoi sommes-nous c
3678 ions ; mais que s’il garde en même temps le souci d’ expliquer qui nous sommes à nos voisins, c’est peut-être que notre lot
3679 tant que Vaudois, ou Genevois, ou Zurichois, est d’ exister en fonction de ces voisins. Je vois l’équivoque de la phrase :
3680 r en fonction de ces voisins. Je vois l’équivoque de la phrase : exister en fonction des voisins, on pourrait croire que c
3681 eyserling juge à notre mesure, celui du tenancier de grand palace. (Ramuz, plus dur, parle de portier d’hôtel…) Et je ne d
3682 enancier de grand palace. (Ramuz, plus dur, parle de portier d’hôtel…) Et je ne dis pas que cette interprétation désoblige
3683 grand palace. (Ramuz, plus dur, parle de portier d’ hôtel…) Et je ne dis pas que cette interprétation désobligeante soit t
3684 on peut et on doit concevoir une tout autre forme d’ existence qui serait « en fonction des voisins », et qui serait tout d
3685 ême, ou par là même, une existence, au sens plein de ce terme ; avec tout ce que cela comporte d’autonomie, de nécessité,
3686 lein de ce terme ; avec tout ce que cela comporte d’ autonomie, de nécessité, de réalité irremplaçable, de conscience d’une
3687 rme ; avec tout ce que cela comporte d’autonomie, de nécessité, de réalité irremplaçable, de conscience d’une mission à ac
3688 t ce que cela comporte d’autonomie, de nécessité, de réalité irremplaçable, de conscience d’une mission à accomplir, et qu
3689 utonomie, de nécessité, de réalité irremplaçable, de conscience d’une mission à accomplir, et que nul autre n’a reçue. La
3690 écessité, de réalité irremplaçable, de conscience d’ une mission à accomplir, et que nul autre n’a reçue. La Suisse existe-
3691 Ramuz. Cela revient à dire : a-t-elle une raison d’ être ? J’essaierai de répondre ici du point de vue qui me paraît le pl
3692 à dire : a-t-elle une raison d’être ? J’essaierai de répondre ici du point de vue qui me paraît le plus fécond non seuleme
3693 -ci, tel que l’ont fait sa nature et sept siècles d’ histoire : le point de vue du personnalisme. ⁂ La question de la neutr
3694 : le point de vue du personnalisme. ⁂ La question de la neutralité est peut-être la plus importante qu’il faille poser à l
3695 Or il faut bien avouer, dès le départ, que l’état de fait créé par le traité de Vienne est aussi mal interprété par ses ga
3696 le départ, que l’état de fait créé par le traité de Vienne est aussi mal interprété par ses garants que par ses soi-disan
3697 utralité nous est due, comme l’air et les beautés de la nature. Privilège inconditionnel, nous laissant au surplus le droi
3698 inconditionnel, nous laissant au surplus le droit de faire la leçon à toute l’Europe dans les leaders de nos journaux. Et
3699 faire la leçon à toute l’Europe dans les leaders de nos journaux. Et cela ne contribue guère à nous donner un sens actif
3700 la ne contribue guère à nous donner un sens actif de nos chances et de nos destins, dans une époque où des choses plus anc
3701 ère à nous donner un sens actif de nos chances et de nos destins, dans une époque où des choses plus anciennes et plus gra
3702 s en discussion, bouleversées, brutalement niées. De ce double malentendu, il faudra bien sortir un jour. Les événements n
3703 er aux yeux de tous les grandes et fortes raisons de notre neutralité, celle-ci sera balayée un jour prochain avec les vie
3704 balayée un jour prochain avec les vieux chiffons de papier qui sont censés la garantir. Quand bien même nous aurions voté
3705 . Quand bien même nous aurions voté des milliards de crédits d’armement, et des mesures d’instruction militaire prenant le
3706 n même nous aurions voté des milliards de crédits d’ armement, et des mesures d’instruction militaire prenant les enfants a
3707 s milliards de crédits d’armement, et des mesures d’ instruction militaire prenant les enfants au berceau. Car aucune force
3708 pour un petit pays comme le nôtre, la conscience de sa raison d’être, et le prestige qui s’y attache. On croit souvent, s
3709 t pays comme le nôtre, la conscience de sa raison d’ être, et le prestige qui s’y attache. On croit souvent, surtout chez n
3710 nous, qu’un petit pays a, comme tel, l’obligation de rester neutre. D’où l’on déduit qu’il en possède aussi le droit, une
3711 pays a, comme tel, l’obligation de rester neutre. D’ où l’on déduit qu’il en possède aussi le droit, une espèce de droit na
3712 éduit qu’il en possède aussi le droit, une espèce de droit naturel. Or on a vu des États minuscules, Venise et Berne, les
3713 les Pays-Bas de Guillaume d’Orange, jouer un rôle de premier plan dans l’équilibre européen. Et quand bien même il serait
3714 t qu’elle le juge naturel ? La meilleure garantie d’ un droit, la seule peut-être qui soit efficace, c’est l’exercice réel
3715 eut-être qui soit efficace, c’est l’exercice réel de la charge dont ce droit représente à la fois la condition et la contr
3716 la fois la condition et la contrepartie. Le droit de propriété, par exemple, est à la fois la condition d’une entreprise p
3717 ropriété, par exemple, est à la fois la condition d’ une entreprise personnelle, et la juste contrepartie des risques qu’on
3718 , tout simplement parce qu’il possède des coupons de papier dans une banque, ses droits sont ressentis comme des abus. Ils
3719 nt ressentis comme des abus. Ils cessent dès lors d’ être assurés en fait ; comme le démontre l’histoire récente du capital
3720 trop des secondes. Sous prétexte de réalisme, et de défense des intérêts économiques, c’est la réalité européenne de la S
3721 intérêts économiques, c’est la réalité européenne de la Suisse qu’on perd de vue. On l’a senti à l’occasion des sanctions
3722 est la réalité européenne de la Suisse qu’on perd de vue. On l’a senti à l’occasion des sanctions contre l’Italie : la par
3723 des sanctions contre l’Italie : la participation de la Suisse à la Société des Nations repose sur une équivoque que la Dé
3724 tions repose sur une équivoque que la Déclaration de Londres n’a nullement dissipée, bien au contraire. Là encore, nous av
3725 ns accepter les charges qui s’y trouvaient liées. D’ où le malaise provoqué par l’application des sanctions, premier averti
3726 remier avertissement que nous donnaient les faits d’ avoir à repenser notre neutralité dans le cadre nouveau de l’Europe. I
3727 à repenser notre neutralité dans le cadre nouveau de l’Europe. Il est fatal que ces dilemmes se multiplient à l’avenir. Le
3728 lient à l’avenir. Le fameux équilibre stratégique de l’Europe qu’on a coutume d’invoquer pour justifier l’espèce d’exterri
3729 équilibre stratégique de l’Europe qu’on a coutume d’ invoquer pour justifier l’espèce d’exterritorialité dont jouit la Suis
3730 u’on a coutume d’invoquer pour justifier l’espèce d’ exterritorialité dont jouit la Suisse sur le continent, nous le voyons
3731 tinent, nous le voyons, lui aussi, se transformer d’ année en année. Et nous voyons que lui aussi dépend d’un équilibre spi
3732 née en année. Et nous voyons que lui aussi dépend d’ un équilibre spirituel74 totalement bouleversé et réorganisé, au sein
3733 ent redéfinie. Bref, tout nous pousse à un réveil de notre conscience fédérale. Tout nous met au défi d’agrandir cette con
3734 notre conscience fédérale. Tout nous met au défi d’ agrandir cette conscience aux proportions nouvelles des mystiques qui
3735 ns nouvelles des mystiques qui régissent l’Europe d’ aujourd’hui. Notre chance et nos risques sont là.   Rien ne me paraît
3736 tenues. La géographie et l’histoire, l’agencement de nos institutions, les méfiances de C. F. Ramuz et la confiance de Lie
3737 , l’agencement de nos institutions, les méfiances de C. F. Ramuz et la confiance de Liehburg, tout indique et appelle dans
3738 ons, les méfiances de C. F. Ramuz et la confiance de Liehburg, tout indique et appelle dans ces pages une seule et même ré
3739 est fondamentalement liée à une forme fédérative de l’État et de la culture, voire même de l’économie. Cette convergence,
3740 talement liée à une forme fédérative de l’État et de la culture, voire même de l’économie. Cette convergence, cette rencon
3741 fédérative de l’État et de la culture, voire même de l’économie. Cette convergence, cette rencontre idéale, me paraît être
3742 e paraît être la grande leçon qui doit se dégager de notre effort. La mission essentielle de la Suisse est une mission per
3743 e dégager de notre effort. La mission essentielle de la Suisse est une mission personnaliste au premier chef : sauvegarder
3744 pas nouvelle ; elle constitue l’apport spécifique de l’Europe à l’humanité. C’est autour d’elle et grâce à elle que l’Occi
3745 spécifique de l’Europe à l’humanité. C’est autour d’ elle et grâce à elle que l’Occident s’est édifié, et qu’il a dominé le
3746 , comme certains voudraient le croire, une espèce de juste milieu entre les excès déplorables de l’individualisme bourgeoi
3747 spèce de juste milieu entre les excès déplorables de l’individualisme bourgeois et du collectivisme dictatorial. Elle est
3748 les déviations morbides. Et dès lors, la mission de la Suisse peut être définie à l’échelle de l’Europe : la Suisse doit
3749 ission de la Suisse peut être définie à l’échelle de l’Europe : la Suisse doit être la gardienne de ce principe central, f
3750 le de l’Europe : la Suisse doit être la gardienne de ce principe central, fédératif ; et elle ne peut être autre chose, de
3751 ysique et historique. Gardiens des cols, gardiens de la papauté, gardiens du siège de la SDN et de celui de la Croix-Rouge
3752 s cols, gardiens de la papauté, gardiens du siège de la SDN et de celui de la Croix-Rouge, gardiens de ce qui est européen
3753 ens de la papauté, gardiens du siège de la SDN et de celui de la Croix-Rouge, gardiens de ce qui est européen et commun à
3754 papauté, gardiens du siège de la SDN et de celui de la Croix-Rouge, gardiens de ce qui est européen et commun à toutes le
3755 de la SDN et de celui de la Croix-Rouge, gardiens de ce qui est européen et commun à toutes les nations ; étant eux-mêmes
3756 l’ensemble, — voilà les Suisses, grands Portiers de l’Europe, et mainteneurs de ses communes mesures. Qu’on ne voie pas l
3757 sses, grands Portiers de l’Europe, et mainteneurs de ses communes mesures. Qu’on ne voie pas là je ne sais quelle manière
3758 s. Qu’on ne voie pas là je ne sais quelle manière d’ idéaliser ce qui est mesquin. Car ce qui est mesquin chez nous, n’est
3759 squin chez nous, n’est en fait qu’une dégradation de l’idéal qui devrait nous unir. La première devise des Suisses, ce fut
3760 est la formule la plus frappante et la plus juste de l’esprit fédéral de l’Occident — en même temps que du personnalisme.
3761 us frappante et la plus juste de l’esprit fédéral de l’Occident — en même temps que du personnalisme. Et c’est au nom de c
3762 u personnalisme. Et c’est au nom de cette mission de gardienne du principe commun que la Suisse peut et doit maintenant re
3763 qu’elle est l’expérience témoin, l’annonciatrice d’ une Europe fédérée dont elle prouve la réalité en assemblant dans un É
3764 ions, la germanique, la latine et la française. ⁂ De cette mission qui justifie en même temps notre statut européen de neu
3765 qui justifie en même temps notre statut européen de neutralité, et notre statut intérieur de confédération de cantons, dé
3766 européen de neutralité, et notre statut intérieur de confédération de cantons, découlent des conséquences précises dans le
3767 alité, et notre statut intérieur de confédération de cantons, découlent des conséquences précises dans les ordres les plus
3768 ême qui justifie cette neutralité. Elle se permet de prendre parti, dans les questions de politique étrangère, ou de polit
3769 le se permet de prendre parti, dans les questions de politique étrangère, ou de politique intérieure du voisin, avec d’aut
3770 ti, dans les questions de politique étrangère, ou de politique intérieure du voisin, avec d’autant plus de violence qu’ell
3771 ngère, ou de politique intérieure du voisin, avec d’ autant plus de violence qu’elle y court moins de risques immédiats76.
3772 olitique intérieure du voisin, avec d’autant plus de violence qu’elle y court moins de risques immédiats76. Rien n’est plu
3773 c d’autant plus de violence qu’elle y court moins de risques immédiats76. Rien n’est plus agaçant pour l’étranger que cett
3774 est plus agaçant pour l’étranger que cette espèce de suffisance moralisante, que ces conseils de fermeté ou ces protestati
3775 spèce de suffisance moralisante, que ces conseils de fermeté ou ces protestations intempestives que nous prodiguons chaque
3776 que nous prodiguons chaque jour aux « nationaux » de tel pays ou aux « rouges » du monde entier. D’autant plus que ce magi
3777  » de tel pays ou aux « rouges » du monde entier. D’ autant plus que ce magistère ne paraît nullement s’exercer au nom d’un
3778 t s’exercer au nom d’une vocation bien définie et de portée européenne. Quand nos journaux font la leçon à Léon Blum, ce n
3779 communale et fédéraliste, mais au nom d’intérêts de classe qui ne sont ni démocratiques ni nationaux. La même critique pe
3780 ritique peut d’ailleurs s’adresser à notre presse d’ extrême gauche lorsqu’elle défend le même Léon Blum pour des raisons s
3781 nd nous verrons nos grands journaux se préoccuper de juger ce qui se passe chez nos voisins non plus au nom de la droite f
3782 voisins non plus au nom de la droite française ou de la gauche allemande émigrée, mais au nom du principe fédéral que nous
3783 on pourra dire que la Suisse a retrouvé sa raison d’ être, et d’être neutre. Quoi de plus comique et de plus irritant que d
3784 ire que la Suisse a retrouvé sa raison d’être, et d’ être neutre. Quoi de plus comique et de plus irritant que d’admirer le
3785 tre. Quoi de plus comique et de plus irritant que d’ admirer les fascismes étrangers alors qu’ils sont les formes politique
3786 e seule leçon : les fascismes se donnent pour but d’ exalter leur mission nationale. Quelles que soient les réserves de fon
3787 ission nationale. Quelles que soient les réserves de fond qu’il y ait à faire, et je les fais, sur l’authenticité de ces m
3788 y ait à faire, et je les fais, sur l’authenticité de ces missions qu’ils proclament à son de trompe, il est clair que leur
3789 henticité de ces missions qu’ils proclament à son de trompe, il est clair que leur force est là, et qu’en les admirant, en
3790 en train de perdre ce qu’ils ont trouvé, le sens de la réalité irremplaçable d’une nation. L’autorité qu’une certaine pre
3791 s ont trouvé, le sens de la réalité irremplaçable d’ une nation. L’autorité qu’une certaine presse suisse s’était acquise à
3792 s français ou allemands, n’est plus qu’une presse d’ intérêt local. Là encore, nos chances sont uniques, nous pourrions êtr
3793 être les premiers. Mais à cette seule condition : de savoir au nom de quoi nous parlons. Et ce ne peut être qu’au nom de l
3794 parlons. Et ce ne peut être qu’au nom de l’avenir de l’Europe, puisque c’est cela que nous sommes dès maintenant. 2. — La
3795 Je ne l’envisage ici que sous l’angle particulier de nos responsabilités comme neutres. Ramuz insiste avec raison sur le f
3796 tiliser ? Il y faudrait une conscience très forte de la réalité fédéraliste et de ce qu’elle implique à la fois de diversi
3797 onscience très forte de la réalité fédéraliste et de ce qu’elle implique à la fois de diversités reconnues, totalement exp
3798 é fédéraliste et de ce qu’elle implique à la fois de diversités reconnues, totalement exprimées comme telles, et d’échange
3799 reconnues, totalement exprimées comme telles, et d’ échanges multipliés, d’apports mutuels, de synthèse vivante. Dès que l
3800 exprimées comme telles, et d’échanges multipliés, d’ apports mutuels, de synthèse vivante. Dès que la conscience fédéralist
3801 les, et d’échanges multipliés, d’apports mutuels, de synthèse vivante. Dès que la conscience fédéraliste vient à faiblir,
3802 , quand par exemple on se met chez nous à l’école de la droite française et de sa politique particulière conditionnée par
3803 met chez nous à l’école de la droite française et de sa politique particulière conditionnée par le nationalisme unitaire e
3804 germanique » dans notre vie confédérale. Réaction de faiblesse, et néfaste à un double titre. Car d’une part nous y perdon
3805 s ce qui fait notre valeur propre dans la culture de langue française ; et d’autre part, en nous refusant aux contacts et
3806 aux échanges, nous perdons la meilleure occasion de prendre conscience de nous-mêmes, et de nos singularités sinon latine
3807 rdons la meilleure occasion de prendre conscience de nous-mêmes, et de nos singularités sinon latines, du moins romanes. O
3808 occasion de prendre conscience de nous-mêmes, et de nos singularités sinon latines, du moins romanes. On se découvre en s
3809 sant, mais en s’opposant réellement, c’est-à-dire de près, corps à corps. Croit-on que Ramuz eût écrit ce Chant de notre R
3810 ps à corps. Croit-on que Ramuz eût écrit ce Chant de notre Rhône, si « roman », sans le voisinage germanique qui l’a contr
3811 hin ? Pour nous qui n’avons pas les mêmes raisons de construire des Bastions de l’Est, la situation est bien plus favorabl
3812 pas les mêmes raisons de construire des Bastions de l’Est, la situation est bien plus favorable. Mais il faudrait savoir
3813 oir l’envisager dans sa grandeur, sans crispation de méfiance ou de timidité ; dans une volonté de synthèse, et non point
3814 dans sa grandeur, sans crispation de méfiance ou de timidité ; dans une volonté de synthèse, et non point dans la crainte
3815 ion de méfiance ou de timidité ; dans une volonté de synthèse, et non point dans la crainte perpétuelle de n’aboutir qu’à
3816 ynthèse, et non point dans la crainte perpétuelle de n’aboutir qu’à des mélanges bâtards. Notre unité existe, mais sur un
3817 plan à la fois plus élevé et plus vaste que celui de « l’unification » à la mode jacobine ou classique. C’est l’unité orig
3818 le, et peut-être future et finale, des diversités de l’Europe, symbolisées par nos trois langues, nos deux religions, nos
3819 une culture homogène. Elles forment quelque chose de moins grandiose, mais peut-être de plus conforme à l’essence même de
3820 mais peut-être de plus conforme à l’essence même de la culture : un microcosme des valeurs que les nations qui nous entou
3821 s aussi grands qu’aucune d’entre elles dans aucun de ces domaines particuliers. Mais notre grandeur est ailleurs : elle es
3822 time, ou dans l’opposition tragique à l’intérieur d’ une même « personne », des vocations spéciales d’autres nations. Et c’
3823 combat perpétuel, exaltant, le battement du cœur de l’Europe. Vouloir créer une « culture suisse », ce serait trahir notr
3824 ait trahir notre mission, ce serait le péché même d’ idolâtrie qui consiste dans son principe à adorer les instruments d’un
3825 nsiste dans son principe à adorer les instruments d’ un culte, oubliant le dieu qu’il célèbre. Et pourquoi n’irais-je pas j
3826 as jusqu’à dire que notre grandeur culturelle est de n’avoir pas de culture suisse, mais seulement une culture européenne 
3827 que notre grandeur culturelle est de n’avoir pas de culture suisse, mais seulement une culture européenne ? On nous a don
3828 s, offrant un asile provisoire aux grands errants de l’esprit et des passions occidentales : Bâle et Genève au temps de la
3829 u temps de la Réforme, Érasme, Holbein, Calvin et d’ Aubigné, et le fameux docteur Paracelse, entraînant sa suite turbulent
3830 docteur Paracelse, entraînant sa suite turbulente de disciples d’auberge en auberge. C’était la Suisse spirituelle de la R
3831 else, entraînant sa suite turbulente de disciples d’ auberge en auberge. C’était la Suisse spirituelle de la Renaissance, l
3832 auberge en auberge. C’était la Suisse spirituelle de la Renaissance, le microcosme de toutes ses grandeurs. Aux xviie et
3833 isse spirituelle de la Renaissance, le microcosme de toutes ses grandeurs. Aux xviie et xviiie , l’horizon se resserre un
3834  grand Haller », et ce premier cosmopolite : Béat de Muralt. Puis Zurich et l’hégémonie passagère de l’École suisse sur la
3835 t de Muralt. Puis Zurich et l’hégémonie passagère de l’École suisse sur la littérature allemande. Avec le xixe , la Suisse
3836 e xixe , la Suisse réapparaît sur la grande scène de l’Europe. De Genève, c’est une autre « école suisse » qui domine les
3837 uisse réapparaît sur la grande scène de l’Europe. De Genève, c’est une autre « école suisse » qui domine les lettres franç
3838 seau : Constant et Staël, et toute la petite cour de Coppet, Gibbon, Schlegel et Sismondi. Ce foyer s’éteint pour un temps
3839 jeune Nietzsche. Et tout cela fait, par le moyen de la Suisse, une assez belle culture européenne77. Je ne vois pas pourq
3840 péenne77. Je ne vois pas pourquoi nous douterions d’ une tradition que tout nous pousse à continuer, et qui, je le crois, n
3841 élevant au point où ils deviennent les conditions d’ une création unique. Au niveau de l’instruction publique, nous étouffo
3842 de la vraie culture, nous pouvons être les moyens de la grandeur future de l’Europe. (Il y a là plus qu’un calembour, soit
3843 ous pouvons être les moyens de la grandeur future de l’Europe. (Il y a là plus qu’un calembour, soit dit pour essayer de r
3844 a là plus qu’un calembour, soit dit pour essayer de rassurer ces gens sérieux que sont les Suisses moyens — et même les a
3845 (Nulle part, je crois, les écrivains n’ont moins d’ action sur la vie politique.) Il est clair, et on le dit assez pour qu
3846 sez pour que je n’aie pas à insister, que l’armée d’ un petit pays neutre est très facilement justifiable, aux yeux du paci
3847 u’une « guerre juste », puisqu’elle est incapable d’ attaquer. Elle ne joue que le rôle d’une garde, et par là même, elle e
3848 st incapable d’attaquer. Elle ne joue que le rôle d’ une garde, et par là même, elle est conforme à notre vocation profonde
3849 hburg ; milice au service du principe constituant de la fédération — et c’est pourquoi elle appartient à l’État et non pas
3850 nt la couverture des frontières par les habitants de la région sont absolument dans la ligne du fédéralisme réel78. Mais q
3851 ces justifications si convaincantes dans le plan de notre propre doctrine ? Armée démocratique, dit-on, milice populaire,
3852 démocratique, dit-on, milice populaire, dépourvue de l’esprit de caste que forment ailleurs les écoles militaires. Et c’es
3853 , dit-on, milice populaire, dépourvue de l’esprit de caste que forment ailleurs les écoles militaires. Et c’est bien ce qu
3854 est bien ce que devrait être une armée consciente de son rôle particulier de garde neutre. Mais je ne sens pas cette consc
3855 être une armée consciente de son rôle particulier de garde neutre. Mais je ne sens pas cette conscience très vivace. Et dè
3856 roche du peuple, cela doit avoir pour effet idéal de « civiliser » la milice ; que cela ait pour effet concret de militari
3857 ser » la milice ; que cela ait pour effet concret de militariser l’esprit public, voilà l’indice qu’on perd le sens des bu
3858 à l’indice qu’on perd le sens des buts et du rôle de l’armée dans la cité. Il ne s’agit ici que de nuances dans l’atmosphè
3859 ôle de l’armée dans la cité. Il ne s’agit ici que de nuances dans l’atmosphère de notre pays, mais il est important de les
3860 Il ne s’agit ici que de nuances dans l’atmosphère de notre pays, mais il est important de les percevoir avant qu’elles ne
3861 l’atmosphère de notre pays, mais il est important de les percevoir avant qu’elles ne deviennent trop frappantes. Il est im
3862 s ne deviennent trop frappantes. Il est important de rappeler que l’armée d’une fédération n’a pas de raison d’être en soi
3863 ppantes. Il est important de rappeler que l’armée d’ une fédération n’a pas de raison d’être en soi, si l’on ne croit pas à
3864 de rappeler que l’armée d’une fédération n’a pas de raison d’être en soi, si l’on ne croit pas à cette fédération et à la
3865 er que l’armée d’une fédération n’a pas de raison d’ être en soi, si l’on ne croit pas à cette fédération et à la tâche qui
3866 u milieu de voisins redoutables. Il est important de rappeler que l’armée étant chose fédérale, ne peut être l’armée d’une
3867 ’armée étant chose fédérale, ne peut être l’armée d’ une classe, de ses intérêts, de son ordre. Il n’y aurait aucun avantag
3868 hose fédérale, ne peut être l’armée d’une classe, de ses intérêts, de son ordre. Il n’y aurait aucun avantage à combattre
3869 peut être l’armée d’une classe, de ses intérêts, de son ordre. Il n’y aurait aucun avantage à combattre l’esprit de caste
3870 Il n’y aurait aucun avantage à combattre l’esprit de caste si c’était pour le remplacer par un esprit de classe bourgeois
3871 caste si c’était pour le remplacer par un esprit de classe bourgeois (d’une valeur militaire d’ailleurs bien moindre). En
3872 r le remplacer par un esprit de classe bourgeois ( d’ une valeur militaire d’ailleurs bien moindre). Enfin cette espèce d’en
3873 aire d’ailleurs bien moindre). Enfin cette espèce d’ enthousiasme entretenu dans certains milieux79 autour de ce qu’on y ap
3874 aît pas toujours proportionné au sens des raisons d’ être de la Suisse dont témoignent ces mêmes milieux. Ce serait à croir
3875 toujours proportionné au sens des raisons d’être de la Suisse dont témoignent ces mêmes milieux. Ce serait à croire parfo
3876 il existe d’autres manières se servir son pays et d’ illustrer sa cause. Et que c’est faire grand tort à ce patriotisme qu’
3877 ire grand tort à ce patriotisme qu’on exalte, que de le confondre, parfois agressivement, avec l’ardeur à revêtir l’unifor
3878 forme. Après tout, notre armée n’est qu’un aspect de notre défense fédérale. Et un aspect subordonné. Si l’on néglige à so
3879 néglige à son profit « le reste », on fait œuvre de mauvais Suisse, car c’est ce « reste » justement qui donne un sens à
3880 Mais je vois aussi qu’avec la cinquantième partie de l’argent consacré à leur acquisition, on pourrait apporter à nos inst
3881 uisition, on pourrait apporter à nos institutions de haute culture, à nos savants, artistes ou écrivains, les moyens d’ass
3882 à nos savants, artistes ou écrivains, les moyens d’ assurer au pays un prestige international qui nous donnerait peut-être
3883 ous donnerait peut-être davantage qu’une garantie d’ économie : une existence vraiment autonome. Le budget de la défense na
3884 omie : une existence vraiment autonome. Le budget de la défense nationale dans un pays dont la vraie raison d’être est en
3885 fense nationale dans un pays dont la vraie raison d’ être est en fin de compte spirituelle, devrait comporter normalement à
3886 à côté du budget militaire80, un important budget de la culture. Je ne dis pas de l’instruction, mais de la culture. Et je
3887 un important budget de la culture. Je ne dis pas de l’instruction, mais de la culture. Et je l’appellerais volontiers le
3888 la culture. Je ne dis pas de l’instruction, mais de la culture. Et je l’appellerais volontiers le budget de la conscience
3889 culture. Et je l’appellerais volontiers le budget de la conscience fédérale. Car le jour où il existera, l’on pourra dire
3890 ques, si réellement représentatifs, dans ce pays, de l’opinion moyenne des citoyens, ont retrouvé le sens de notre destiné
3891 pinion moyenne des citoyens, ont retrouvé le sens de notre destinée, et notre chance unique de grandeur. ⁂ Je vois ce que
3892 le sens de notre destinée, et notre chance unique de grandeur. ⁂ Je vois ce que l’on peut m’objecter : « Vous attribuez de
3893 à des réalités qui se sont constituées par le jeu d’ intérêts et de routines médiocres. Vous donnez par exemple une valeur
3894 qui se sont constituées par le jeu d’intérêts et de routines médiocres. Vous donnez par exemple une valeur positive à un
3895 ement un effort pour restaurer l’actualité perdue d’ une tradition ou d’une institution ? Pour réveiller leurs pouvoirs cré
3896 r restaurer l’actualité perdue d’une tradition ou d’ une institution ? Pour réveiller leurs pouvoirs créateurs, leur perpét
3897 es formes existantes ? Il ne s’agit pas pour nous de « révolutionner », au sens que le bourgeois craintif prête à ce terme
3898 tif prête à ce terme. Nous partons, dans ce pays, d’ un certain nombre de structures politiques et morales, et d’une tradit
3899 . Nous partons, dans ce pays, d’un certain nombre de structures politiques et morales, et d’une tradition fédéraliste, qui
3900 in nombre de structures politiques et morales, et d’ une tradition fédéraliste, qui se trouvent réaliser, en théorie, parfo
3901 tenue tyranniquement par nos écoles, la tentation de copier nos voisins dans les mœurs politiques et dans la presse, tout
3902 quelles nous pouvions compter, et la mission même de la Suisse. Tout cela tend à nous réduire à nos proportions matérielle
3903 ont petites, qui sont médiocres. J’ai cité le cas de la presse, se réduisant elle-même au rôle de presse locale. Il faut b
3904 cas de la presse, se réduisant elle-même au rôle de presse locale. Il faut bien dire aussi que notre fédéralisme tend à s
3905 ue notre fédéralisme tend à se réduire à l’esprit de clocher, à une limitation des horizons, bien plutôt qu’il ne favorise
3906 ation des horizons, bien plutôt qu’il ne favorise de fécondes oppositions. Notre neutralité, conçue comme une prudence, de
3907 à tous les degrés, mais fondée sur une conception de l’homme incroyablement étriquée, devient une espèce d’asepsie qui tue
3908 homme incroyablement étriquée, devient une espèce d’ asepsie qui tue les germes de toute création. (La culture suppose plus
3909 , devient une espèce d’asepsie qui tue les germes de toute création. (La culture suppose plus de folie, suppose des contam
3910 ermes de toute création. (La culture suppose plus de folie, suppose des contaminations multipliées, des inégalités favoris
3911 re au pas des grandes économies européennes, mais de la manière la plus fatale à ce fédéralisme tant vanté. Autant de cons
3912 a plus fatale à ce fédéralisme tant vanté. Autant de constatations qui dictent à notre action des objectifs immédiats : il
3913 inir. Mais avant toute action précise, il importe de rendre à notre peuple le sens d’un destin qui le dépasse. Petit peupl
3914 cise, il importe de rendre à notre peuple le sens d’ un destin qui le dépasse. Petit peuple chargé d’une grande mission : s
3915 s d’un destin qui le dépasse. Petit peuple chargé d’ une grande mission : s’il l’oublie, il étouffe bientôt dans le confort
3916 l’asepsie morale. Mais qu’il reprenne conscience de cette mission, et le grand air de l’Europe et du monde reviendra vivi
3917 enne conscience de cette mission, et le grand air de l’Europe et du monde reviendra vivifier nos pays. Il y aura de nouvea
3918 a vivifier nos pays. Il y aura de nouveau du jeu, de la passion, des communications fécondes entre les êtres, une circulat
3919 ceci qui est le plus important : des possibilités d’ imaginer, donc d’innover et de voir grand. ⁂ Je résumerai tout ce qui
3920 lus important : des possibilités d’imaginer, donc d’ innover et de voir grand. ⁂ Je résumerai tout ce qui précède en une se
3921  : des possibilités d’imaginer, donc d’innover et de voir grand. ⁂ Je résumerai tout ce qui précède en une seule phrase :
3922 seule phrase : Nous sommes chargés symboliquement de la garde du Saint-Gothard : mais c’est pour assurer la liberté de pas
3923 aint-Gothard : mais c’est pour assurer la liberté de passage, et non pas pour barrer le col sous prétexte de nous mettre à
3924 ent des colonnes motorisées, mais des conceptions de l’homme, de l’État, et des religions, des partis pris spirituels bien
3925 nnes motorisées, mais des conceptions de l’homme, de l’État, et des religions, des partis pris spirituels bien plus puissa
3926 t ceux du canton ; les droits des cantons et ceux de la Confédération ; les droits de la Suisse et ceux de l’Europe ; imag
3927 cantons et ceux de la Confédération ; les droits de la Suisse et ceux de l’Europe ; images et conséquences à la fois de l
3928 a Confédération ; les droits de la Suisse et ceux de l’Europe ; images et conséquences à la fois de l’équilibre fondamenta
3929 ux de l’Europe ; images et conséquences à la fois de l’équilibre fondamental entre les droits de la personne et ceux de la
3930 fois de l’équilibre fondamental entre les droits de la personne et ceux de la communauté. 76. On disait en Allemagne, pe
3931 ndamental entre les droits de la personne et ceux de la communauté. 76. On disait en Allemagne, pendant la guerre : « Les
3932 oudraient bien conclure la Paix, mais la Gazette de Lausanne ne le permet pas. » 77. La Genève des beaux jours de la SD
3933 e le permet pas. » 77. La Genève des beaux jours de la SDN semblait devoir renouveler son rayonnement. Asile ou lieu d’él
3934 devoir renouveler son rayonnement. Asile ou lieu d’ élection d’Européens comme Ferrero ou Thibaudet ; agence de liaison de
3935 ouveler son rayonnement. Asile ou lieu d’élection d’ Européens comme Ferrero ou Thibaudet ; agence de liaison de nos cultur
3936 n d’Européens comme Ferrero ou Thibaudet ; agence de liaison de nos cultures grâce à la très remarquable Revue de Genève
3937 ns comme Ferrero ou Thibaudet ; agence de liaison de nos cultures grâce à la très remarquable Revue de Genève de Robert
3938 e nos cultures grâce à la très remarquable Revue de Genève de Robert de Traz ; centre du renouveau calviniste ; laborato
3939 az ; centre du renouveau calviniste ; laboratoire de pédagogie (Institut Rousseau) et de psychanalyse… Mais il ne semble p
3940 ; laboratoire de pédagogie (Institut Rousseau) et de psychanalyse… Mais il ne semble pas que les Genevois aient su reconna
3941 onnaître à cette heure-là la renaissance possible de leur grandeur… 78. Il est curieux de noter, à ce propos, que le grou
3942 ce possible de leur grandeur… 78. Il est curieux de noter, à ce propos, que le groupe de L’Ordre nouveau avait déduit, de
3943 est curieux de noter, à ce propos, que le groupe de L’Ordre nouveau avait déduit, de ses principes fondamentaux, une orga
3944 s, que le groupe de L’Ordre nouveau avait déduit, de ses principes fondamentaux, une organisation tout analogue pour l’arm
3945 taux, une organisation tout analogue pour l’armée d’ un État personnaliste. 79. La place occupée dans nos journaux par les
3946 upée dans nos journaux par les moindres manœuvres de régiment ou de brigade stupéfie le lecteur étranger. Mais plus encore
3947 ournaux par les moindres manœuvres de régiment ou de brigade stupéfie le lecteur étranger. Mais plus encore le ton de ces
3948 éfie le lecteur étranger. Mais plus encore le ton de ces comptes rendus, où les clichés lyriques d’allure nationale-social
3949 on de ces comptes rendus, où les clichés lyriques d’ allure nationale-socialiste se mêlent à des déclarations de loyalisme
3950 nationale-socialiste se mêlent à des déclarations de loyalisme démocratique. 80. Qu’on entende bien que je ne demande pas
3951 ue. 80. Qu’on entende bien que je ne demande pas de faire concourir l’éducation et l’instruction à notre préparation mili
3952 . Ce fut le cas en 1814-1815, lorsque les députés de la Confédération demandèrent au congrès de Vienne la reconnaissance d
3953 éputés de la Confédération demandèrent au congrès de Vienne la reconnaissance de leur neutralité : on craignait que de nou
3954 emandèrent au congrès de Vienne la reconnaissance de leur neutralité : on craignait que de nouvelles guerres franco-allema
3955 onnaissance de leur neutralité : on craignait que de nouvelles guerres franco-allemandes ne dissocient le lien des cantons
3956 lien des cantons, et l’on avait par trop souffert de la grande politique des voisins. 82. Dans toutes les classes sociale
3957 es sociales, bien entendu ! at. Rougemont Denis de , « Neutralité oblige », Esprit, Paris, octobre 1937, p. 22-35. au. C
3958 t article prend place au sein d’un numéro spécial d’ Esprit intitulé « Le problème suisse : personne et fédéralisme », coor
3959 é par Denis de Rougemont et ouvert par une lettre de C. F. Ramuz, que Rougemont commente ici en introduction.
40 1938, Esprit, articles (1932–1962). La passion contre le mariage (septembre 1938)
3960 tissement Les pages qui suivent sont extraites d’ un ouvrage qui paraîtra sous ce titre : L’Amour et l’Occident . Parta
3961 sous ce titre : L’Amour et l’Occident . Partant d’ une analyse approfondie des cinq légendes primitives de Tristan et Ise
3962 analyse approfondie des cinq légendes primitives de Tristan et Iseut, l’auteur a été conduit à rechercher les origines re
3963 été conduit à rechercher les origines religieuses de ce roman, dont l’influence, du xiie siècle jusqu’à nos jours, se rév
3964 s jours, se révèle exactement assimilable à celle d’ un mythe. Tristan est un roman « courtois ». La courtoisie est née dan
3965 ée dans le Midi au xiie siècle, sous l’influence de l’hérésie cathare ou albigeoise. Or il est établi, de nos jours, que
3966 ’hérésie cathare ou albigeoise. Or il est établi, de nos jours, que les cathares étaient manichéens. Selon leur foi, le mo
3967 ares étaient manichéens. Selon leur foi, le monde de la matière est l’œuvre d’un mauvais Démiurge, retenant les âmes dans
3968 elon leur foi, le monde de la matière est l’œuvre d’ un mauvais Démiurge, retenant les âmes dans les Ténèbres. La sexualité
3969 entrave à l’envol spirituel vers le monde incréé de la Lumière. L’Amour mystique, dont le symbole était la « Dame des pen
3970 donc la chasteté, ou la non-possession des corps. D’ Amor mou castitaz : d’Amour vient la chasteté, chante Guilhem Montanha
3971 a non-possession des corps. D’Amor mou castitaz : d’ Amour vient la chasteté, chante Guilhem Montanhagol. Un tel Amour n’ad
3972 , dès le xiie siècle, à une forme toute nouvelle de l’amour humain : la passion. Ignorée des Anciens, ou considérée par e
3973 maladie, la passion sera désormais le grand sujet d’ exaltation de la littérature occidentale. Son vocabulaire sera repris
3974 assion sera désormais le grand sujet d’exaltation de la littérature occidentale. Son vocabulaire sera repris par les mysti
3975 pris par les mystiques orthodoxes. Sa rhétorique, d’ origine sacrée, transformera peu à peu nos sentiments, en leur prêtant
3976 » religieuses. Et cette immense « mystification » de l’instinct faussant ses rythmes naturels, invertissant sa direction,
3977 s, invertissant sa direction, exaltant le « désir de mort », développera d’importantes conséquences dans les domaines les
3978 ction, exaltant le « désir de mort », développera d’ importantes conséquences dans les domaines les plus divers : mystique,
3979 décrit dans le présent chapitre. On s’est efforcé de remédier par quelques notes aux obscurités qu’entraînaient trop d’all
3980 uelques notes aux obscurités qu’entraînaient trop d’ allusions à d’autres parties du livre. 1. Crise moderne du mariage
3981 Deux morales s’affrontaient au Moyen Âge : celle de la société christianisée, et celle de la « courtoisie » hérétique. L’
3982 Âge : celle de la société christianisée, et celle de la « courtoisie » hérétique. L’une impliquait le mariage, dont elle f
3983 même un sacrement ; l’autre exaltait un ensemble de valeurs d’où résultait — en principe tout au moins — la condamnation
3984 crement ; l’autre exaltait un ensemble de valeurs d’ où résultait — en principe tout au moins — la condamnation du mariage.
3985 rouvait donc sanctifier les intérêts fondamentaux de l’espèce et les intérêts de la cité. Celui qui contrevenait à ce trip
3986 intérêts fondamentaux de l’espèce et les intérêts de la cité. Celui qui contrevenait à ce triple engagement ne se rendait
3987 ou méprisable. La synthèse catholique s’efforçait de marier l’eau et le feu, car on pouvait tirer des Écritures et des Pèr
3988 s thèses les plus contradictoires sur la sainteté de la procréation — loi de l’espèce — et sur la sainteté de la virginité
3989 dictoires sur la sainteté de la procréation — loi de l’espèce — et sur la sainteté de la virginité — loi de l’esprit. Pour
3990 rocréation — loi de l’espèce — et sur la sainteté de la virginité — loi de l’esprit. Pour l’Ancien Testament, par exemple,
3991 espèce — et sur la sainteté de la virginité — loi de l’esprit. Pour l’Ancien Testament, par exemple, une descendance nombr
3992 par exemple, une descendance nombreuse est signe d’ élection, tandis que pour saint Paul, celui qui reste vierge « fait mi
3993 nement. L’hérésie manichéenne qui est à l’origine de la cortezia du Midi s’opposait au mariage catholique sur les trois ch
3994 nt, comme n’étant établi par aucun texte univoque de l’Évangile83. Elle condamnait la procréation comme relevant de la loi
3995 83. Elle condamnait la procréation comme relevant de la loi du Prince des ténèbres, c’est-à-dire du Démiurge auteur du mon
3996 n du vouloir-vivre collectif84. Mais le fondement de ces trois refus était en vérité la doctrine de l’Amour, c’est-à-dire
3997 nt de ces trois refus était en vérité la doctrine de l’Amour, c’est-à-dire de l’Éros divinisant, en conflit éternel et ang
3998 it en vérité la doctrine de l’Amour, c’est-à-dire de l’Éros divinisant, en conflit éternel et angoissé avec la créature de
3999 , en conflit éternel et angoissé avec la créature de chair et ses instincts asservissants. L’apparition de la passion d’Am
4000 hair et ses instincts asservissants. L’apparition de la passion d’Amour devait donc transformer radicalement le jugement p
4001 stincts asservissants. L’apparition de la passion d’ Amour devait donc transformer radicalement le jugement porté sur l’adu
4002 é. Mais nous avons montré que le symbole courtois de l’amour pour une Dame spirituelle, amour évidemment incompatible avec
4003 èmes provençaux et des romans bretons, l’adultère de Tristan reste une faute parce qu’il est consommé dans la chair (et no
4004 mais il se trouve revêtir en même temps l’aspect d’ une aventure plus belle que la morale. Ce qui, pour le croyant maniché
4005 anichéen, était l’expression dramatique du combat de la foi et du monde, devient alors pour le lecteur non averti une « po
4006 sie » équivoque et brûlante. Poésie toute profane d’ apparences, dont la puissance de séduction s’accroît encore du fait qu
4007 sie toute profane d’apparences, dont la puissance de séduction s’accroît encore du fait que l’on ignore la signification m
4008 du fait que l’on ignore la signification mystique de ses symboles, et que ceux-ci ne paraissent plus révélateurs que d’un
4009 et que ceux-ci ne paraissent plus révélateurs que d’ un mystère vague et flatteur. Comment expliquer autrement qu’à partir
4010 ieu qu’à des commentaires édifiants sur le danger de pécher et le remords, devient soudain vertu mystique (dans le symbole
4011 t ramener la crise actuelle du mariage au conflit de l’orthodoxie et d’une hérésie médiévale. Car cette dernière, comme te
4012 actuelle du mariage au conflit de l’orthodoxie et d’ une hérésie médiévale. Car cette dernière, comme telle, n’existe plus 
4013 avouer qu’elle joue un rôle restreint dans la vie de nos sociétés. Ce qui explique, à mon sens, l’état présent de dé-moral
4014 étés. Ce qui explique, à mon sens, l’état présent de dé-moralisation générale — non d’a-moralité comme on dit trop souvent
4015 l’état présent de dé-moralisation générale — non d’ a-moralité comme on dit trop souvent — c’est la confuse dissension au
4016 onfuse dissension au sein de laquelle nous vivons de deux morales dont l’une est héritée de l’orthodoxie religieuse, mais
4017 ous vivons de deux morales dont l’une est héritée de l’orthodoxie religieuse, mais ne s’appuie plus sur une foi vivante, e
4018 plus sur une foi vivante, et dont l’autre dérive d’ une hérésie dont l’expression « essentiellement lyrique » nous parvien
4019 i les forces en présence : d’une part, une morale de l’espèce et de la société en général, mais plus ou moins empreinte de
4020 présence : d’une part, une morale de l’espèce et de la société en général, mais plus ou moins empreinte de religion — c’e
4021 société en général, mais plus ou moins empreinte de religion — c’est ce que l’on nomme la morale bourgeoise ; d’autre par
4022 passionnelle ou romanesque. Tous les adolescents de la bourgeoisie occidentale sont élevés dans l’idée du mariage, mais e
4023 es. Leurs origines et leurs finalités s’excluent. De leur coexistence dans nos vies surgissent sans fin des problèmes inso
4024 d’autres temps, ce fut la fonction du mythe85 que d’ ordonner cette anarchie latente et de la composer symboliquement dans
4025 mythe85 que d’ordonner cette anarchie latente et de la composer symboliquement dans nos catégories morales. Rôle d’exutoi
4026 symboliquement dans nos catégories morales. Rôle d’ exutoire, rôle civilisateur. Mais le mythe s’est déprimé et profané en
4027 ses éléments plastiques. Si maintenant il tentait de se recomposer, on pressent qu’il ne trouverait plus de résistances as
4028 recomposer, on pressent qu’il ne trouverait plus de résistances assez solides pour lui servir de masque et de prétexte. U
4029 plus de résistances assez solides pour lui servir de masque et de prétexte. Une immense littérature paraît chaque mois sur
4030 tances assez solides pour lui servir de masque et de prétexte. Une immense littérature paraît chaque mois sur la « crise d
4031 Mais je doute fort qu’il en résulte aucune espèce de solution pratique : car seul le mythe, c’est-à-dire l’inconscience po
4032 nscience pourrait fournir à la passion une espèce de modus vivendi, et tous ces livres aggravant au contraire notre consci
4033 ibuent à le rendre insoluble. Ils sont les signes de la crise, mais aussi de notre impuissance à la réduire dans les cadre
4034 uble. Ils sont les signes de la crise, mais aussi de notre impuissance à la réduire dans les cadres actuels. L’institution
4035 atrimoniale se fondait en effet sur trois groupes de valeurs qui lui fournissaient ses « contraintes » — et c’est précisém
4036  contraintes » — et c’est précisément dans le jeu de ces contraintes que le mythe de Tristan puisait ses moyens d’expressi
4037 ément dans le jeu de ces contraintes que le mythe de Tristan puisait ses moyens d’expression. Or voici que ces contraintes
4038 aintes que le mythe de Tristan puisait ses moyens d’ expression. Or voici que ces contraintes ou se relâchent, ou disparais
4039 , chez les peuples païens, s’est toujours entouré d’ un rituel dont nos institutions gardèrent longtemps les éléments : rit
4040 itutions gardèrent longtemps les éléments : rites de l’achat, du rapt, de la quête et de l’exorcisme. Mais de nos jours, l
4041 ngtemps les éléments : rites de l’achat, du rapt, de la quête et de l’exorcisme. Mais de nos jours, la dot perd de son imp
4042 ments : rites de l’achat, du rapt, de la quête et de l’exorcisme. Mais de nos jours, la dot perd de son importance, par su
4043 hat, du rapt, de la quête et de l’exorcisme. Mais de nos jours, la dot perd de son importance, par suite de l’instabilité
4044 et de l’exorcisme. Mais de nos jours, la dot perd de son importance, par suite de l’instabilité économique. Les coutumes r
4045 paysannes86. La demande en mariage, avec échange de visites en haut de forme et « déclaration » officielle, est aussi dém
4046 mande en mariage, avec échange de visites en haut de forme et « déclaration » officielle, est aussi démodée que les crinol
4047 s n’éprouve plus même le besoin « superstitieux » d’ aller se faire bénir par un prêtre.   2. — Contraintes sociales. Les q
4048 rêtre.   2. — Contraintes sociales. Les questions de rang, de sang, d’intérêts familiaux, et même d’argent, sont en train
4049 2. — Contraintes sociales. Les questions de rang, de sang, d’intérêts familiaux, et même d’argent, sont en train de passer
4050 raintes sociales. Les questions de rang, de sang, d’ intérêts familiaux, et même d’argent, sont en train de passer au secon
4051 s de rang, de sang, d’intérêts familiaux, et même d’ argent, sont en train de passer au second plan dans les pays démocrati
4052 e plus en plus le choix réciproque des conjoints. D’ où le nombre croissant de divorces. En même temps, les cérémonies épit
4053 éciproque des conjoints. D’où le nombre croissant de divorces. En même temps, les cérémonies épithalamiques se simplifient
4054 s se simplifient ou disparaissent. Il est curieux de noter que des coutumes d’origine lointaine et sacrée telles que la qu
4055 aissent. Il est curieux de noter que des coutumes d’ origine lointaine et sacrée telles que la quasi-publicité du lit nupti
4056 es originels, mais les rites gardaient pour effet de socialiser l’acte du mariage, de l’intégrer dans l’existence communau
4057 aient pour effet de socialiser l’acte du mariage, de l’intégrer dans l’existence communautaire. À partir du xviiie siècle
4058 À partir du xviiie siècle, le thème du « Coucher de la mariée » n’est plus qu’une occasion d’anodines galanteries pictura
4059 Coucher de la mariée » n’est plus qu’une occasion d’ anodines galanteries picturales. De nos jours enfin, le « voyage de no
4060 u’une occasion d’anodines galanteries picturales. De nos jours enfin, le « voyage de noces », pour autant qu’il subsiste e
4061 eries picturales. De nos jours enfin, le « voyage de noces », pour autant qu’il subsiste et garde une signification, repré
4062 signification, représente bien plutôt une volonté de s’évader de l’ambiance sociale, et de souligner le caractère privé de
4063 n, représente bien plutôt une volonté de s’évader de l’ambiance sociale, et de souligner le caractère privé de ce qu’on ap
4064 une volonté de s’évader de l’ambiance sociale, et de souligner le caractère privé de ce qu’on appelle le bonheur des époux
4065 iance sociale, et de souligner le caractère privé de ce qu’on appelle le bonheur des époux.   3. — Contraintes religieuses
4066 à-dire qu’il ne tient aucun compte des variations de tempérament, de caractère, de goûts et de conditions externes qui ne
4067 tient aucun compte des variations de tempérament, de caractère, de goûts et de conditions externes qui ne manqueront pas d
4068 mpte des variations de tempérament, de caractère, de goûts et de conditions externes qui ne manqueront pas de se produire
4069 iations de tempérament, de caractère, de goûts et de conditions externes qui ne manqueront pas de se produire un jour ou l
4070 s et de conditions externes qui ne manqueront pas de se produire un jour ou l’autre dans la vie du couple. Or c’est de tou
4071 n jour ou l’autre dans la vie du couple. Or c’est de tout cela, justement, que les modernes font dépendre leur « bonheur »
4072 des obstacles institutionnels entraîne une chute de tension morale d’où résulte une immense confusion. L’adultère devient
4073 titutionnels entraîne une chute de tension morale d’ où résulte une immense confusion. L’adultère devient un sujet de délic
4074 ne immense confusion. L’adultère devient un sujet de délicates analyses psychologiques, ou de plaisanteries vaudevillesque
4075 un sujet de délicates analyses psychologiques, ou de plaisanteries vaudevillesques. La fidélité dans le mariage paraît lég
4076 ge paraît légèrement ridicule : elle prend figure de conformisme. Il n’y a plus, à proprement parler, conflit de deux mora
4077 isme. Il n’y a plus, à proprement parler, conflit de deux morales hostiles — et par suite plus de mythe possible — mais on
4078 flit de deux morales hostiles — et par suite plus de mythe possible — mais on approche d’un état de neutralisation mutuell
4079 r suite plus de mythe possible — mais on approche d’ un état de neutralisation mutuelle au terme de la consomption des viei
4080 us de mythe possible — mais on approche d’un état de neutralisation mutuelle au terme de la consomption des vieilles valeu
4081 che d’un état de neutralisation mutuelle au terme de la consomption des vieilles valeurs, non transcendées mais déprimées.
4082 2. Idée moderne du bonheur Le mariage, cessant d’ être garanti par un système de contraintes sociales, ne peut plus se f
4083 Le mariage, cessant d’être garanti par un système de contraintes sociales, ne peut plus se fonder, désormais, que sur des
4084 as le plus favorable. Or s’il est assez difficile de définir en général le bonheur, le problème devient insoluble dès que
4085 t insoluble dès que s’y ajoute la volonté moderne d’ être le maître de son bonheur, ou ce qui revient peut-être au même, de
4086 ue s’y ajoute la volonté moderne d’être le maître de son bonheur, ou ce qui revient peut-être au même, de sentir de quoi i
4087 son bonheur, ou ce qui revient peut-être au même, de sentir de quoi il est fait, de l’analyser et de le goûter afin de pou
4088 r, ou ce qui revient peut-être au même, de sentir de quoi il est fait, de l’analyser et de le goûter afin de pouvoir l’amé
4089 peut-être au même, de sentir de quoi il est fait, de l’analyser et de le goûter afin de pouvoir l’améliorer par des retouc
4090 , de sentir de quoi il est fait, de l’analyser et de le goûter afin de pouvoir l’améliorer par des retouches bien calculée
4091 nheur, répètent les prêches des magazines, dépend de ceci, exige cela — et ceci ou cela, c’est toujours quelque chose qu’i
4092 t toujours quelque chose qu’il faut acquérir, par de l’argent le plus souvent. Le résultat de cette propagande dont le suc
4093 rir, par de l’argent le plus souvent. Le résultat de cette propagande dont le succès caractérise l’état moral de l’époque,
4094 ropagande dont le succès caractérise l’état moral de l’époque, est à la fois de nous obséder par l’idée d’un bonheur facil
4095 ractérise l’état moral de l’époque, est à la fois de nous obséder par l’idée d’un bonheur facile, et du même coup de nous
4096 ’époque, est à la fois de nous obséder par l’idée d’ un bonheur facile, et du même coup de nous rendre inaptes à le posséde
4097 r par l’idée d’un bonheur facile, et du même coup de nous rendre inaptes à le posséder. Car tout ce qu’on nous propose nou
4098 e qu’on nous propose nous introduit dans le monde de la comparaison, où nul bonheur ne saurait s’établir, tant que l’homme
4099 t meurt dans la revendication. C’est qu’il dépend de l’être et non de l’avoir : les moralistes de tous les temps l’ont rép
4100 evendication. C’est qu’il dépend de l’être et non de l’avoir : les moralistes de tous les temps l’ont répété, et notre tem
4101 pend de l’être et non de l’avoir : les moralistes de tous les temps l’ont répété, et notre temps n’apporte rien qui doive
4102 temps n’apporte rien qui doive nous faire changer d’ avis. Tout bonheur que l’on veut sentir, que l’on veut tenir à sa merc
4103 ur » suppose de la part des modernes une capacité d’ ennui presque morbide — ou l’intention secrète de tricher. Il est prob
4104 d’ennui presque morbide — ou l’intention secrète de tricher. Il est probable que cette intention, ou cet espoir, d’ailleu
4105 lle on se marie encore « sans y croire ». Le rêve de la passion possible agit comme une distraction permanente, anesthésia
4106 distraction permanente, anesthésiant les révoltes de l’ennui. On n’ignore pas que la passion serait un malheur — mais on p
4107 dans nos vies l’idée moderne du bonheur. Cela va de toute manière à la ruine du mariage en tant qu’institution sociale.
4108 , qui les traitait comme des égaux. On peut citer de très nombreux exemples de vilains armés chevaliers parce qu’ils savai
4109 es égaux. On peut citer de très nombreux exemples de vilains armés chevaliers parce qu’ils savaient chanter l’Amour. Et c’
4110 Et c’est pourquoi certains auteurs ont pu parler d’ une féodalité démocratique en Languedoc. Il est clair qu’un tel jugeme
4111 que : car l’Amour dont il s’agissait n’était rien d’ autre que la foi cathare, et l’accession d’un roturier à la chevalerie
4112 t rien d’autre que la foi cathare, et l’accession d’ un roturier à la chevalerie était un symbole mystique bien plutôt qu’u
4113 is là-dessus se produisit la confusion inévitable de la Dame, pur symbole de l’Amour, avec telle femme réelle et désirable
4114 t la confusion inévitable de la Dame, pur symbole de l’Amour, avec telle femme réelle et désirable ; la rhétorique de l’Am
4115 c telle femme réelle et désirable ; la rhétorique de l’Amour cathare servit aux amoureux profanes. La conséquence en fut l
4116 La conséquence en fut l’extravagante idéalisation de l’attrait sexuel, sa transformation en passion. Et c’est de là que no
4117 it sexuel, sa transformation en passion. Et c’est de là que nous vient, par la littérature, cette idée toute moderne et ro
4118 ’elle nous met au-dessus des lois. Celui qui aime de passion accède à une humanité plus haute, où les barrières sociales,
4119 le mécano épouser l’héritière87. De même, le Prix de Beauté a quelque chance de devenir comtesse ou milliardaire. C’est un
4120 re87. De même, le Prix de Beauté a quelque chance de devenir comtesse ou milliardaire. C’est une « adaptation » moderne —
4121 langage du cinéma, seul adéquat en l’occurrence — de la primauté de l’amour sur l’ordre social établi. Que la passion prof
4122 ma, seul adéquat en l’occurrence — de la primauté de l’amour sur l’ordre social établi. Que la passion profane soit une ab
4123 la passion profane soit une absurdité, une forme d’ intoxication, une « maladie de l’âme » comme pensaient les Anciens, to
4124 bsurdité, une forme d’intoxication, une « maladie de l’âme » comme pensaient les Anciens, tout le monde est prêt à le reco
4125 et cette nuance est décisive. Le moderne, l’homme de la passion, attend de l’amour fatal quelque révélation, sur lui-même
4126 cisive. Le moderne, l’homme de la passion, attend de l’amour fatal quelque révélation, sur lui-même ou la vie en général :
4127 ur lui-même ou la vie en général : dernier relent de la mystique primitive. De la poésie à l’anecdote piquante, la passion
4128 énéral : dernier relent de la mystique primitive. De la poésie à l’anecdote piquante, la passion c’est toujours l’aventure
4129 nture. C’est ce qui va changer ma vie, l’enrichir d’ imprévu, de risques exaltants, de jouissances toujours plus violentes
4130 t ce qui va changer ma vie, l’enrichir d’imprévu, de risques exaltants, de jouissances toujours plus violentes ou flatteus
4131 vie, l’enrichir d’imprévu, de risques exaltants, de jouissances toujours plus violentes ou flatteuses. C’est tout le poss
4132  ! — la plus « naturelle » pensera-t-on… Illusion de liberté. Et illusion de plénitude. Je nommerais libre un homme qui se
4133  » pensera-t-on… Illusion de liberté. Et illusion de plénitude. Je nommerais libre un homme qui se possède. Mais l’homme d
4134 erais libre un homme qui se possède. Mais l’homme de la passion cherche au contraire à être possédé, dépossédé, jeté hors
4135 é, dépossédé, jeté hors de soi, dans l’extase. Et de fait, c’est déjà sa nostalgie qui le « démeine » — pour parler comme
4136 ignore l’origine autant que la fin. Son illusion de liberté repose sur cette double ignorance. Le passionné, c’est l’homm
4137 sionné, c’est l’homme qui veut trouver son « type de femme » et n’aimer qu’elle. Souvenez-vous du rêve de Nerval, l’appari
4138 le. Souvenez-vous du rêve de Nerval, l’apparition d’ une noble Dame dans le paysage des souvenirs d’enfance : Blonde, aux
4139 on d’une noble Dame dans le paysage des souvenirs d’ enfance : Blonde, aux yeux noirs, en ses habits anciens Que dans une
4140 tre J’ai déjà vue, et dont je me souviens… Image de la mère, sans nul doute, et la psychanalyse nous apprend quels empêch
4141 nts tragiques cela peut signifier. Mais l’exemple d’ un poète ne vaut rien, ou vaut trop. J’entends décrire une illusion ap
4142 ommes du xxe siècle : or plus encore que l’image de la Mère, ce qui les tyrannise, c’est la « beauté standard ». De nos j
4143 qui les tyrannise, c’est la « beauté standard ». De nos jours — et ce n’est qu’un début —, un homme qui se prend de passi
4144  et ce n’est qu’un début —, un homme qui se prend de passion pour une femme qu’il est seul à voir belle, est présumé neura
4145 ra soigner.) Certes, la standardisation des types de femmes admis pour « beaux » se produit normalement dans chaque généra
4146 dans chaque génération, de même que chaque époque de la mode préfère soit la tête, soit le buste, soit la croupe, soit la
4147 e sportive. Mais le panurgisme esthétique atteint de nos jours une puissance inconnue, développée par tous les moyens tech
4148 ues, et bientôt politiques, en sorte que le choix d’ un type de femme échappe de plus en plus au mystère personnel, et se t
4149 entôt politiques, en sorte que le choix d’un type de femme échappe de plus en plus au mystère personnel, et se trouve déte
4150 llywood — et bientôt par l’État. Double influence de la beauté-standard : elle définit d’avance l’objet de la passion — dé
4151 le influence de la beauté-standard : elle définit d’ avance l’objet de la passion — dépersonnalisé dans cette mesure — et d
4152 a beauté-standard : elle définit d’avance l’objet de la passion — dépersonnalisé dans cette mesure — et disqualifie le mar
4153 édante. (Encore la femme pourra-t-elle s’efforcer de se faire une tête à la Garbo, mais alors il s’agit que le mari ressem
4154 emble à Gable ou à Taylor !) Ainsi la « liberté » de la passion relève des statistiques publicitaires. L’homme qui croit d
4155 icitaires. L’homme qui croit désirer « son » type de femme se trouve intimement déterminé par des facteurs de mode ou de c
4156 e se trouve intimement déterminé par des facteurs de mode ou de commerce qui changent au moins tous les six mois. Supposon
4157 intimement déterminé par des facteurs de mode ou de commerce qui changent au moins tous les six mois. Supposons, comme il
4158 entre ce qu’il aime et ce que le film le persuade d’ aimer. Il rencontre cette femme, il la reconnaît. C’est elle, la femme
4159 ette femme, il la reconnaît. C’est elle, la femme de son désir et de sa plus secrète nostalgie88, l’Iseut du rêve ; elle e
4160 a reconnaît. C’est elle, la femme de son désir et de sa plus secrète nostalgie88, l’Iseut du rêve ; elle est mariée, natur
4161 e sera la « vraie vie », ce sera l’épanouissement de ce Tristan qu’il porte en soi comme son génie caché ! Et plus rien ne
4162 a couronne s’il est roi.) Voilà le vrai « mariage d’ amour » moderne : le mariage avec la passion ! Mais aussitôt paraît un
4163 eut, c’est toujours l’étrangère, l’étrangeté même de la femme, et tout ce qu’il y a d’éternellement fuyant, évanouissant e
4164 ’étrangeté même de la femme, et tout ce qu’il y a d’ éternellement fuyant, évanouissant et presque hostile dans un être, ce
4165 ui invite à la poursuite et qui éveille l’avidité de posséder, plus délicieuse que toute possession au cœur de l’homme en
4166 der, plus délicieuse que toute possession au cœur de l’homme en proie au mythe. C’est la femme dont on est séparé, et qu’o
4167 désirer et pour exalter ce désir aux proportions d’ une passion consciente, intense, infiniment intéressante… Or c’est la
4168 , où plus rien ne s’oppose à leur union, le génie de la passion dépose entre leurs corps une épée nue. Descendons quelques
4169 endons quelques siècles et toute l’échelle qui va de l’héroïsme religieux à la confusion sans grandeur où se débattent les
4170 femme perd son « attrait » parce qu’il n’est plus d’ obstacles entre elle et lui. Pitoyables victimes d’un mythe dont l’hor
4171 ’obstacles entre elle et lui. Pitoyables victimes d’ un mythe dont l’horizon mystique s’est refermé depuis longtemps. Pour
4172 tourmenter sans lui révéler son secret, il n’est d’ au-delà de la passion que dans une passion nouvelle — dans le tourment
4173 r sans lui révéler son secret, il n’est d’au-delà de la passion que dans une passion nouvelle — dans le tourment nouveau d
4174 s une passion nouvelle — dans le tourment nouveau de la poursuite d’apparences toujours plus fugitives. Il était de la nat
4175 uvelle — dans le tourment nouveau de la poursuite d’ apparences toujours plus fugitives. Il était de la nature essentielle
4176 te d’apparences toujours plus fugitives. Il était de la nature essentielle de la passion mystique d’être sans fin terrestr
4177 plus fugitives. Il était de la nature essentielle de la passion mystique d’être sans fin terrestre — et c’est par là que c
4178 t de la nature essentielle de la passion mystique d’ être sans fin terrestre — et c’est par là que cette passion se détacha
4179 moderne, ce n’est plus que le retour sempiternel d’ une ardeur constamment déçue. Le mythe décrivait une fatalité dont ses
4180 dénoue en infidélité. Qui ne sent la dégradation d’ un Tristan qui a plusieurs Iseut ? Or ce n’est pas lui qu’il convient
4181 sieurs Iseut ? Or ce n’est pas lui qu’il convient d’ accuser, mais il est la victime d’un ordre social où les obstacles se
4182 qu’il convient d’accuser, mais il est la victime d’ un ordre social où les obstacles se sont dégradés. Ils cèdent trop vit
4183 . Sans cesse, il faut recommencer cette ascension de l’âme dressée contre le monde. Mais alors le Tristan moderne glisse v
4184 oderne glisse vers le type contraire du Don Juan, de l’homme aux amours successives. Les catégories se détruisent. L’avent
4185 à cette consomption. Mais Don Juan ne connaît pas d’ Iseut, ni de passion inaccessible, ni de passé ni d’avenir, ni de déch
4186 omption. Mais Don Juan ne connaît pas d’Iseut, ni de passion inaccessible, ni de passé ni d’avenir, ni de déchirements vol
4187 nnaît pas d’Iseut, ni de passion inaccessible, ni de passé ni d’avenir, ni de déchirements voluptueux. Il vit toujours dan
4188 Iseut, ni de passion inaccessible, ni de passé ni d’ avenir, ni de déchirements voluptueux. Il vit toujours dans l’immédiat
4189 passion inaccessible, ni de passé ni d’avenir, ni de déchirements voluptueux. Il vit toujours dans l’immédiat, il n’a jama
4190 toujours dans l’immédiat, il n’a jamais le temps d’ aimer — d’attendre et de se souvenir — et rien de ce qu’il désire ne l
4191 dans l’immédiat, il n’a jamais le temps d’aimer — d’ attendre et de se souvenir — et rien de ce qu’il désire ne lui résiste
4192 t, il n’a jamais le temps d’aimer — d’attendre et de se souvenir — et rien de ce qu’il désire ne lui résiste, puisqu’il n’
4193 d’aimer — d’attendre et de se souvenir — et rien de ce qu’il désire ne lui résiste, puisqu’il n’aime pas ce qui lui résis
4194 l n’aime pas ce qui lui résiste. ⁂ Aimer, au sens de la passion, c’est alors le contraire de vivre ! C’est un appauvrissem
4195 , au sens de la passion, c’est alors le contraire de vivre ! C’est un appauvrissement de l’être, une ascèse sans au-delà,
4196 le contraire de vivre ! C’est un appauvrissement de l’être, une ascèse sans au-delà, une impuissance à aimer le présent s
4197 t, une fuite sans fin devant la possession. Aimer d’ amour-passion signifiait « vivre » pour Tristan, car la « vraie vie »
4198 et du film apparaissent comme les signes certains d’ une décadence de la personne chez les modernes, et d’une espèce de mal
4199 aissent comme les signes certains d’une décadence de la personne chez les modernes, et d’une espèce de maladie de l’être.
4200 ne décadence de la personne chez les modernes, et d’ une espèce de maladie de l’être. Presque toutes les complications qui
4201 de la personne chez les modernes, et d’une espèce de maladie de l’être. Presque toutes les complications qui servent d’int
4202 nne chez les modernes, et d’une espèce de maladie de l’être. Presque toutes les complications qui servent d’intrigues à no
4203 tre. Presque toutes les complications qui servent d’ intrigues à nos auteurs se ramènent au schéma monotone des ruses de la
4204 auteurs se ramènent au schéma monotone des ruses de la passion pour s’« entretenir », — des ruses d’une passion débile po
4205 de la passion pour s’« entretenir », — des ruses d’ une passion débile pour s’inventer de plus secrets obstacles. Je songe
4206 plus secrets obstacles. Je songe à la psychologie de la jalousie, qui envahit nos analyses : jalousie désirée, provoquée,
4207 , — n’aboutit pas. On retombe sans cesse au monde de la comparaison, qui est le monde de la jalousie. « Hommes et femmes d
4208 esse au monde de la comparaison, qui est le monde de la jalousie. « Hommes et femmes dès qu’ils passent leur seuil souffre
4209 et femmes dès qu’ils passent leur seuil souffrent de jalousie », dit un poème tibétain89. C’est que, passant « leur seuil 
4210 ain89. C’est que, passant « leur seuil », sortant de leur être propre et du présent tel qu’il leur est donné, incapables d
4211 t du présent tel qu’il leur est donné, incapables d’ accepter l’autre tel qu’il est, parce qu’il faudrait tout d’abord s’ac
4212 r, qualités dont ils se sentent privés, et motifs de comparaisons qui toujours tournent à leur détriment. Le mari souffre
4213 l. Il a perdu la seule chose nécessaire : le sens de la fidélité. Car voici la fidélité : c’est l’acceptation décisive d’u
4214 voici la fidélité : c’est l’acceptation décisive d’ un être en soi, limité et réel, que l’on choisit non comme prétexte à
4215 non comme prétexte à s’exalter, ou comme « objet de contemplation »90, mais comme une existence incomparable et autonome
4216 incomparable et autonome à son côté, une exigence d’ amour actif. ⁂ Je n’entends pas ici attaquer la passion : je me borne
4217 comment cette passion développe un certain nombre de fatalités psychologiques dont les effets ne sont plus contestables. Q
4218 ne sont plus contestables. Que l’on soit partisan de l’une ou de l’autre, il faut admettre que la passion ruine l’idée mêm
4219 contestables. Que l’on soit partisan de l’une ou de l’autre, il faut admettre que la passion ruine l’idée même du mariage
4220 mariage dans une époque où l’on tente la gageure de fonder le mariage, précisément, sur les valeurs élaborées par une éth
4221 sément, sur les valeurs élaborées par une éthique de la passion. Certes, il serait excessif d’estimer que la plupart de no
4222 éthique de la passion. Certes, il serait excessif d’ estimer que la plupart de nos contemporains sont en proie au délire de
4223 part de nos contemporains sont en proie au délire de Tristan. Bien peu ont assez soif pour boire le philtre, et j’en vois
4224 ythe primitif, c’est pourtant là qu’est le secret de l’inquiétude qui tourmente aujourd’hui les couples. Rien ne répugne a
4225 ne répugne autant à un esprit moderne que l’idée d’ une limitation volontairement assumée ; et rien ne le flatte davantage
4226 ée ; et rien ne le flatte davantage que le mirage d’ infini dépassement entretenu par le souvenir du mythe. Essayer de pren
4227 ement entretenu par le souvenir du mythe. Essayer de prendre conscience de la nature du phénomène, c’est à quoi se résume
4228 souvenir du mythe. Essayer de prendre conscience de la nature du phénomène, c’est à quoi se résume l’ambition des analyse
4229 ns pour souffrir même qu’on nous les nomme… 4. De l’anarchie à l’eugénisme Cependant, l’anarchie permanente que repr
4230 spirituel que fait courir à la personne l’éthique de l’évasion, qui est née du mythe.) D’où les multiples tentatives de « 
4231 ne l’éthique de l’évasion, qui est née du mythe.) D’ où les multiples tentatives de « restauration » du mariage auxquelles
4232 est née du mythe.) D’où les multiples tentatives de « restauration » du mariage auxquelles nous assistons depuis la guerr
4233 s la guerre. Les églises font un honorable effort de redéfinition de l’institution et des devoirs moraux qu’elle implique9
4234 églises font un honorable effort de redéfinition de l’institution et des devoirs moraux qu’elle implique91. Les humaniste
4235 plique91. Les humanistes reprennent les arguments d’ un Goethe ou d’un Engels en faveur du mariage : selon le premier, il f
4236 umanistes reprennent les arguments d’un Goethe ou d’ un Engels en faveur du mariage : selon le premier, il faut y voir la g
4237 lon le premier, il faut y voir la grande conquête de la culture occidentale, et le fondement solide de toute vie personnel
4238 de la culture occidentale, et le fondement solide de toute vie personnelle ; selon le second, l’union monogamique serait l
4239 s sexes, dans une société libérée des contraintes de classe et d’argent. D’autres enfin s’efforcent de fonder une science
4240 une société libérée des contraintes de classe et d’ argent. D’autres enfin s’efforcent de fonder une science des rapports
4241 de classe et d’argent. D’autres enfin s’efforcent de fonder une science des rapports conjugaux. Jung analyse le « conflit
4242 les « névroses » qui seraient à l’origine du mal ( d’ où l’on déduit que la médecine mentale guérirait tout). Van de Velde o
4243 lgarisée des phénomènes sexuels. L’abondance même de ces recherches92 et de ces recettes me rend sceptique quant à leur ef
4244 sexuels. L’abondance même de ces recherches92 et de ces recettes me rend sceptique quant à leur efficacité : elle révèle
4245 l’étendue du désastre, sans apporter les éléments d’ une révolution à sa mesure. En outre, il est frappant de constater que
4246 révolution à sa mesure. En outre, il est frappant de constater que presque tous ces sages auteurs donnent quelques lignes
4247 ages auteurs donnent quelques lignes à la louange de la passion, ou tout au moins affectent de la tolérer : pour des raiso
4248 louange de la passion, ou tout au moins affectent de la tolérer : pour des raisons trop faciles à concevoir, on craint d’a
4249 r des raisons trop faciles à concevoir, on craint d’ attaquer le lecteur dans ses croyances les plus intimes et les plus so
4250 intimes et les plus solidement ancrées. On a peur de paraître « puritain ». On s’efforce de faire la part du feu, et l’on
4251 On a peur de paraître « puritain ». On s’efforce de faire la part du feu, et l’on va même parfois jusqu’à ce paradoxe de
4252 feu, et l’on va même parfois jusqu’à ce paradoxe de présenter la passion amoureuse comme le couronnement d’un hymen idéal
4253 senter la passion amoureuse comme le couronnement d’ un hymen idéalement réalisé (d’après les recettes). Personne, que je s
4254 a encore osé dire que l’amour tel qu’on l’imagine de nos jours est la négation pure et simple du mariage, que l’on prétend
4255 e sait pas au juste ce qu’est l’amour-passion, ni d’ où il vient, ni où il va. On sent bien qu’il y a là quelque chose d’in
4256 où il va. On sent bien qu’il y a là quelque chose d’ inquiétant, mais on a peur, en le combattant, de parler comme un phili
4257 e d’inquiétant, mais on a peur, en le combattant, de parler comme un philistin. (Ce qui se produirait fatalement !) Ainsi
4258 agner la confiance ; on ne remonte pas le courant de toute l’époque ; la passion a toujours existé, elle existera donc tou
4259 C’est même à cause de cela que vous ne ferez rien de sérieux. Et comme il faut pourtant que quelque chose se fasse, la seu
4260 n qui se pose à l’historien, au sociologue, c’est de savoir quel mécanisme social va se déclencher pour rétablir la situat
4261 ation, ou quel réflexe collectif. ⁂ Deux exemples de grande envergure nous indiquent un type de réponse, une solution peut
4262 emples de grande envergure nous indiquent un type de réponse, une solution peut-être inévitable. La Russie de la Révolutio
4263 e la Révolution connut un « déchaînement » sexuel de la jeunesse et presque de l’enfance, probablement sans précédent dans
4264 « déchaînement » sexuel de la jeunesse et presque de l’enfance, probablement sans précédent dans notre histoire européenne
4265 traduisit dans la réalité par une généralisation de l’union libre, de l’avortement, de l’abandon des enfants, bref de tou
4266 réalité par une généralisation de l’union libre, de l’avortement, de l’abandon des enfants, bref de tout ce qu’on croyait
4267 généralisation de l’union libre, de l’avortement, de l’abandon des enfants, bref de tout ce qu’on croyait contraire aux pr
4268 , de l’avortement, de l’abandon des enfants, bref de tout ce qu’on croyait contraire aux préjugés réactionnaires, qu’on se
4269 re des mœurs, et il proteste avec toute l’énergie d’ un « révolutionnaire professionnel » — donc puritain — contre cette an
4270 n — contre cette anarchie sexuelle qu’il qualifie de « petite-bourgeoise ». (On n’ignore pas le sens marxiste de l’express
4271 e-bourgeoise ». (On n’ignore pas le sens marxiste de l’expression.) Vingt ans plus tard, le « redressement des mœurs » s’e
4272 ar quelque sursaut vertueux, non par l’initiative d’ une ligue philanthropique, mais par les soins d’une dictature exacteme
4273 e d’une ligue philanthropique, mais par les soins d’ une dictature exactement consciente des conditions de sa durée. Stalin
4274 ne dictature exactement consciente des conditions de sa durée. Staline s’est assigné pour but prochain de refaire des cadr
4275 sa durée. Staline s’est assigné pour but prochain de refaire des cadres à sa nation. Car sans cadres, l’économie périclita
4276 sion précisément que l’on entendait « liquider ». D’ où l’absolue nécessité de restaurer les bases sociales, c’est-à-dire l
4277 entendait « liquider ». D’où l’absolue nécessité de restaurer les bases sociales, c’est-à-dire l’élément statique et stab
4278 emier chef qu’est la famille. Ce fut le mécanisme de la dictature productiviste qui contraignit l’État dit socialiste à éd
4279 raignit l’État dit socialiste à édicter une série de lois contre le divorce (qu’on rendit extrêmement onéreux), contre l’a
4280 es enfants nés hors du mariage. La rigueur subite de ces lois, le choc psychologique qu’elles provoquèrent, la propagande,
4281 elles provoquèrent, la propagande, et les mesures de contrôle policier de la vie privée, changèrent radicalement l’ambianc
4282 a propagande, et les mesures de contrôle policier de la vie privée, changèrent radicalement l’ambiance morale de la Russie
4283 privée, changèrent radicalement l’ambiance morale de la Russie vers la fin du premier plan de cinq ans. Le mariage se trou
4284 e morale de la Russie vers la fin du premier plan de cinq ans. Le mariage se trouva restauré sur des bases strictement uti
4285 lèmes individuels tendaient à perdre toute espèce de dignité, de légitimité et de virulence anarchisante. Certes, l’Allema
4286 duels tendaient à perdre toute espèce de dignité, de légitimité et de virulence anarchisante. Certes, l’Allemagne de l’apr
4287 perdre toute espèce de dignité, de légitimité et de virulence anarchisante. Certes, l’Allemagne de l’après-guerre n’attei
4288 et de virulence anarchisante. Certes, l’Allemagne de l’après-guerre n’atteignit pas un stade d’anarchie sexuelle comparabl
4289 emagne de l’après-guerre n’atteignit pas un stade d’ anarchie sexuelle comparable à celui de la Russie jusqu’à Staline. Mai
4290 s un stade d’anarchie sexuelle comparable à celui de la Russie jusqu’à Staline. Mais le processus de ruine des obstacles s
4291 i de la Russie jusqu’à Staline. Mais le processus de ruine des obstacles sociaux, développé sans violences extérieures, n’
4292 it que plus gravement miné l’éthique matrimoniale de la jeunesse. La décadence du mythe de la passion dans la patrie du ro
4293 atrimoniale de la jeunesse. La décadence du mythe de la passion dans la patrie du romantisme entraînait d’autre part des c
4294 onséquences bien plus complexes que chez nous, et d’ apparences fort hétéroclites. Le cynisme morbide de l’après-guerre all
4295 ’apparences fort hétéroclites. Le cynisme morbide de l’après-guerre allemande, la Neue Sachlichkeit des avant-gardes litté
4296 rimes dits « politiques » exécutés par des ligues de jeunes gens, certaines formes de naturisme, les « fiançailles d’essai
4297 s par des ligues de jeunes gens, certaines formes de naturisme, les « fiançailles d’essai » élevées au rang de coutume nor
4298 certaines formes de naturisme, les « fiançailles d’ essai » élevées au rang de coutume normale parmi les étudiants, le sér
4299 isme, les « fiançailles d’essai » élevées au rang de coutume normale parmi les étudiants, le sérieux accordé aux conflits
4300 sionnels « à trois » ou « à quatre » — renouvelés de la Lucinde de Schlegel — autant de signes de la panique sexuelle prov
4301 » — renouvelés de la Lucinde de Schlegel — autant de signes de la panique sexuelle provoquée par la décadence des contrain
4302 elés de la Lucinde de Schlegel — autant de signes de la panique sexuelle provoquée par la décadence des contraintes matrim
4303 cadence des contraintes matrimoniales et du mythe de l’amour mortel. Déjà l’on voyait affleurer le fond de désespoir et d’
4304 ’amour mortel. Déjà l’on voyait affleurer le fond de désespoir et d’anarchie intime que suppose toute morale du « bonheur 
4305 éjà l’on voyait affleurer le fond de désespoir et d’ anarchie intime que suppose toute morale du « bonheur » strictement in
4306 t militaire, devait se donner pour première tâche de surmonter cette crise des mœurs. On commença par opposer à l’idéal an
4307 urs. On commença par opposer à l’idéal antisocial de « bonheur » et de « vie dangereuse » un idéal collectiviste. Gemeinnu
4308 ar opposer à l’idéal antisocial de « bonheur » et de « vie dangereuse » un idéal collectiviste. Gemeinnutz geht vor Eigenn
4309 objet légitime et possible à la passion : l’idée de nation symbolisée par le Führer. D’abord on prive la femme de son aur
4310 mbolisée par le Führer. D’abord on prive la femme de son auréole romantique : on la réduit à sa fonction matrimoniale : fa
4311 s’en chargera (c’est-à-dire pendant 6 ou 7 ans). De là, on passe à des mesures d’ordre eugénique. On ouvre une « école de
4312 endant 6 ou 7 ans). De là, on passe à des mesures d’ ordre eugénique. On ouvre une « école de fiancés » pour les futures fe
4313 s mesures d’ordre eugénique. On ouvre une « école de fiancés » pour les futures femmes des SS (Schütz Staffeln : escouades
4314 utures femmes des SS (Schütz Staffeln : escouades de protection du régime, troupe sélectionnée incarnant l’idéal racial).
4315 l’idéal racial). Ces femmes doivent être blondes, de sang aryen, et mesurer au moins 1 m 73. Ainsi le « type de femme » se
4316 ryen, et mesurer au moins 1 m 73. Ainsi le « type de femme » se trouve prescrit non par les souvenirs inconscients, ni par
4317 es, mais par la section scientifique du ministère de la Propagande. En 1938, on institue des écoles analogues pour toutes
4318 es les femmes allemandes, et l’on ne manquera pas de les rendre obligatoires à bref délai. Le but dernier de l’entreprise
4319 rendre obligatoires à bref délai. Le but dernier de l’entreprise ne fait pas de doute : on en viendra à n’autoriser plus
4320 délai. Le but dernier de l’entreprise ne fait pas de doute : on en viendra à n’autoriser plus que les unions contractées s
4321 dividuels, donc des passions. À chacun sa « fiche de mariage ». Alors la science matrimoniale trouvera sa juste applicatio
4322 niale trouvera sa juste application dans l’esprit de Lycurgue et de Sparte : on en fera l’un des chapitres de la préparati
4323 sa juste application dans l’esprit de Lycurgue et de Sparte : on en fera l’un des chapitres de la préparation militaire. ⁂
4324 rgue et de Sparte : on en fera l’un des chapitres de la préparation militaire. ⁂ Trois hypothèses demeurent alors possible
4325 xprimer dans un langage symbolique (ésotérique et d’ extérieur rassurant) les éléments plastiques, militaires et sacrés, qu
4326 ui s’institua au xiie siècle. Mais l’éventualité de la guerre, c’est-à-dire d’une décharge passionnelle au niveau collect
4327 le. Mais l’éventualité de la guerre, c’est-à-dire d’ une décharge passionnelle au niveau collectif et national, paraît aujo
4328 l’on peut encore imaginer que la pratique forcée de l’eugénisme réussira, là où toutes nos morales échouent, entraînant l
4329 tion du besoin « spirituel », et donc artificiel, de la passion. Alors le cycle de l’amour courtois sera fermé. L’Europe d
4330 et donc artificiel, de la passion. Alors le cycle de l’amour courtois sera fermé. L’Europe de la passion aura vécu. Un Occ
4331 le cycle de l’amour courtois sera fermé. L’Europe de la passion aura vécu. Un Occident nouveau, imprévisible, naîtra dans
4332 second essai, qui paraîtra en octobre, on tentera de définir une forme d’amour exactement opposée à l’amour-passion : l’am
4333 aîtra en octobre, on tentera de définir une forme d’ amour exactement opposée à l’amour-passion : l’amour-action. 83. Vo
4334 atholique reposerait soit sur le récit du miracle de Cana (« simple hypothèse », dit l’auteur) ; soit sur le passage où Jé
4335 ce que Dieu a uni ; soit enfin sur des entretiens de Jésus ressuscité et de ses disciples « que les évangélistes et les Ac
4336 t enfin sur des entretiens de Jésus ressuscité et de ses disciples « que les évangélistes et les Actes mentionnent sans le
4337 kumente der Gnosis). 85. En particulier du mythe de Tristan, utilisant les formes de la morale chevaleresque pour exprime
4338 iculier du mythe de Tristan, utilisant les formes de la morale chevaleresque pour exprimer sans l’avouer une conception to
4339 rimer sans l’avouer une conception tout hérétique de l’amour. 86. Sauf peut-être aux États-Unis, s’il faut en croire cert
4340 ux États-Unis, s’il faut en croire certains échos de presse sur la vie privée des stars et des magnats de la finance. 87.
4341 presse sur la vie privée des stars et des magnats de la finance. 87. L’aventure fameuse de la princesse de C. C. donna li
4342 es magnats de la finance. 87. L’aventure fameuse de la princesse de C. C. donna lieu au début du siècle à toute une litté
4343 toute une littérature romanesque. Quant au thème de l’ouvrier ou du chauffeur qui « mérite » la fille du patron, il est a
4344 film allemand, depuis l’hitlérisme. 88. Le titre d’ un roman de Max Brod : Die Frau nach der man sich sehnt (La femme que
4345 nd, depuis l’hitlérisme. 88. Le titre d’un roman de Max Brod : Die Frau nach der man sich sehnt (La femme que l’on désire
4346 an sich sehnt (La femme que l’on désire, la femme de notre nostalgie) est la meilleure définition d’Iseut. C’est la femme
4347 e de notre nostalgie) est la meilleure définition d’ Iseut. C’est la femme que l’on perd du seul fait qu’on l’obtient. On n
4348 e lointaine — comme la princesse de Jaufré Rudel. D’ où la nécessité des obstacles au désir — on les invente s’il n’y en a
4349 vente s’il n’y en a pas — et toute la dialectique de la passion qui se distingue de celle du désir en ce qu’elle refuse la
4350 ute la dialectique de la passion qui se distingue de celle du désir en ce qu’elle refuse la satisfaction. On n’aime pas Is
4351 e Dict de Padma. 90. C’est l’une des définitions d’ Iseut dans la mythologie celtique. 91. L’Encyclique Casti connubii a
4352 répondu à la décision des évêques anglicans dite de Lambeth. Les congrès œcuméniques de Stockholm et d’Oxford (toutes les
4353 nglicans dite de Lambeth. Les congrès œcuméniques de Stockholm et d’Oxford (toutes les églises non romaines) ont également
4354 Lambeth. Les congrès œcuméniques de Stockholm et d’ Oxford (toutes les églises non romaines) ont également abordé le probl
4355 lement abordé le problème. 92. Il serait curieux de retrouver quel est l’auteur — évidemment moderne — qui a parlé le pre
4356 eur — évidemment moderne — qui a parlé le premier d’ un « problème sexuel » — idée comique pour un Ancien. av. Rougemont
4357 dée comique pour un Ancien. av. Rougemont Denis de , « La passion contre le mariage », Esprit, Paris, septembre 1938, p. 
41 1938, Esprit, articles (1932–1962). Revue des revues (septembre 1938)
4358 onnaire, ce serait trop dire, mais un bon courant d’ air passe dans les derniers numéros de ces cahiers. L’extrême droite q
4359 bon courant d’air passe dans les derniers numéros de ces cahiers. L’extrême droite qui ose dire son nom paraît souvent bie
4360 he française (communistes exclus) quand il s’agit de thèses objectives et de programmes d’avenir. C’est le ton et les sent
4361 s exclus) quand il s’agit de thèses objectives et de programmes d’avenir. C’est le ton et les sentimentalismes qui s’oppos
4362 d il s’agit de thèses objectives et de programmes d’ avenir. C’est le ton et les sentimentalismes qui s’opposent encore. Ma
4363 triste, modérée-radicale, et non pas une doctrine de droite. D. Bertin attaque violemment M. Claude Farrère, apologiste du
4364 age japonais, Th. Maulnier dénonce les équivoques de l’antisémitisme et ose écrire : « Je doute que le prolétariat françai
4365 , Je doute qu’il soit assez sot pour se contenter de cette révolution. Je doute que ce qu’il demande ce soit l’honneur d’ê
4366 . Je doute que ce qu’il demande ce soit l’honneur d’ être exploité par ses propres compatriotes. » Robert Francis, après Be
4367 met en garde ses camarades contre « une aventure d’ intolérance et d’inquisition où nous avons à peu près tout à perdre ».
4368 camarades contre « une aventure d’intolérance et d’ inquisition où nous avons à peu près tout à perdre ». Enfin M. Haedens
4369 aedens demande que l’on remplace dans les manuels d’ histoire littéraire Mme de Sévigné par Louise Labé, La Rochefoucauld p
4370 et l’Action française a été surtout un mouvement de conservatisme littéraire (comme l’a fait voir la toute récente substi
4371 fauteuil académique au trône, dans la hiérarchie de ses vénérations). Une droite qui abandonne Boileau pour Rimbaud, c’es
4372 les positions grotesques (économiquement parlant) de M. Coquelle-Viance ?   Le Fédéraliste (n° 2, 1938). — Manifeste des
4373 ns fédéralistes. On s’y réclame très curieusement de la « nation » bretonne, du manifeste de Mounier, des droits de l’homm
4374 ieusement de la « nation » bretonne, du manifeste de Mounier, des droits de l’homme, de Jaurès, de la Commune, et l’on pre
4375 , du manifeste de Mounier, des droits de l’homme, de Jaurès, de la Commune, et l’on prend parti contre le racisme et l’éta
4376 ste de Mounier, des droits de l’homme, de Jaurès, de la Commune, et l’on prend parti contre le racisme et l’étatisme. Il e
4377 ntre le racisme et l’étatisme. Il est intéressant de souligner l’opposition très vive des auteurs de ce Manifeste à l’égar
4378 t de souligner l’opposition très vive des auteurs de ce Manifeste à l’égard du Parti national Breton et de ses doctrines c
4379 e Manifeste à l’égard du Parti national Breton et de ses doctrines corporatistes et paternalistes. Au total, ce Manifeste
4380 ratistes et paternalistes. Au total, ce Manifeste de huit pages, clairement écrit, sans équivoques, intégralement fédérali
4381 nos débuts.   NRF (mai). — Notes et quatrains de Jean Wahl. À retenir cette petite charade : mon premier est ce qu’il
4382 que. (Juin). — La Duchesse de Friedland, nouvelle de Drieu la Rochelle. « Qui n’a pas connu les années d’après-guerre n’a
4383 Drieu la Rochelle. « Qui n’a pas connu les années d’ après-guerre n’a pas connu la douceur de vivre ». Illustration : « Il
4384 es années d’après-guerre n’a pas connu la douceur de vivre ». Illustration : « Il y avait de charmantes fêtes à Versailles
4385 a douceur de vivre ». Illustration : « Il y avait de charmantes fêtes à Versailles, où le Faubourg Saint-Germain (comme on
4386 déhanchement des inversions et l’odeur sournoise de l’opium se faisaient à peine remarquer dans le brouhaha parfaitement
4387 parfaitement mesuré ». Drieu la Rochelle, rescapé de ce xviiie siècle artificiel, et de cette « douceur de vivre », en a
4388 elle, rescapé de ce xviiie siècle artificiel, et de cette « douceur de vivre », en a gardé — tout au moins dans son style
4389 xviiie siècle artificiel, et de cette « douceur de vivre », en a gardé — tout au moins dans son style — la sécheresse ai
4390 , le cynisme impuissant et lucide, mais non l’air de défi. Cela fait un curieux ricanement, en manière d’oraison funèbre.
4391 défi. Cela fait un curieux ricanement, en manière d’ oraison funèbre. Et après ? « Vous n’allez pas me dire que vous êtes f
4392 et prétend qu’on a tenu au cacho[t], durant près d’ un demi-siècle, la poésie de la France », mais qu’il nous la ramène (s
4393 cacho[t], durant près d’un demi-siècle, la poésie de la France », mais qu’il nous la ramène (sans calembour), aussi fraîch
4394 donc lui qui l’avait cloîtrée ? — Pour un collège de sociologie : Nous y reviendrons. aw. Rougemont Denis de, « Revue d
4395 ogie : Nous y reviendrons. aw. Rougemont Denis de , « Revue des revues », Esprit, Paris, septembre 1938, p. 747-748.
42 1938, Esprit, articles (1932–1962). L’amour action, ou de la fidélité (novembre 1938)
4396 L’amour action, ou de la fidélité (novembre 1938)ax ay 1. Nécessité d’un parti pris
4397 a fidélité (novembre 1938)ax ay 1. Nécessité d’ un parti pris À l’heure où cet ouvrage touche à sa conclusion, il m
4398 core. L’aveu sera jugé insolite. Mais je pressens d’ assez profondes raisons de le consentir. J’ai voulu décrire la passion
4399 olite. Mais je pressens d’assez profondes raisons de le consentir. J’ai voulu décrire la passion comme une entité historiq
4400 ble. (Au xiie siècle). J’ai cru cerner le secret de son mythe. La découverte ne serait pas négligeable. Mais peut-on décr
4401 n décrire la passion ? On ne décrit pas une forme d’ existence sans y participer, fût-ce même par une révolte contre la déc
4402 ui se définirait elle-même comme une condamnation de la passion : il suffit, pour l’apercevoir, d’observer que la passion,
4403 ion de la passion : il suffit, pour l’apercevoir, d’ observer que la passion, quelle qu’elle soit, ne peut ni ne veut « avo
4404 on, dès l’instant qu’on parle raison. Car l’homme de la passion est justement celui qui choisit d’être dans son tort, aux
4405 mme de la passion est justement celui qui choisit d’ être dans son tort, aux yeux du monde — et dans ce tort majeur, irrévo
4406 e tort majeur, irrévocable, que signifie le choix de la mort. Et comment échapper au démon que l’on fixe ? Pour attaquer l
4407 violence spirituelle qui tue mieux que la passion d’ amour : celle au moins de l’orthodoxie contre l’hérésie primitive, mai
4408 tue mieux que la passion d’amour : celle au moins de l’orthodoxie contre l’hérésie primitive, mais encore plus agressive,
4409 ns doute, puisqu’il n’est plus question pour nous de recourir au bras séculier. (Sans compter que la Croisade, au total, f
4410 avant tout et après tout, à l’origine et à la fin de la passion, il n’y a pas une « erreur » sur l’homme ou Dieu — a forti
4411 rreur « morale » — mais une décision fondamentale de l’homme, qui veut être lui-même son dieu93. La passion brûle dans not
4412 eté du moraliste qui prétendait détourner l’homme de cette voie mortelle, divinisante, en lui « prouvant » qu’elle débouch
4413 ans sa perte ! En lui opposant toutes les raisons de la terre, et les conseils de tous nos arts de vivre, quand c’est la t
4414 t toutes les raisons de la terre, et les conseils de tous nos arts de vivre, quand c’est la terre qui est méprisée, et la
4415 ons de la terre, et les conseils de tous nos arts de vivre, quand c’est la terre qui est méprisée, et la vie qui est la fa
4416 e tuer autrement qu’il ne veut l’être, c’est bien de cela, de cela seul qu’il s’agit, pour qui veut surpasser la passion.
4417 trement qu’il ne veut l’être, c’est bien de cela, de cela seul qu’il s’agit, pour qui veut surpasser la passion. Quant à s
4418 era, c’est son hygiène. Il y a toutes les raisons de le prévoir, dans une époque où l’on confond thérapeutique et sotériol
4419 l’on confond thérapeutique et sotériologie (lois de l’hygiène et doctrine du salut). À vues humaines, la guérison de nos
4420 doctrine du salut). À vues humaines, la guérison de nos passions viendra de l’État, ce Sauveur anonyme qui assumera le po
4421 l’État, ce Sauveur anonyme qui assumera le poids de toutes nos fautes, et de la faute initiale de vivre, pour les glorifi
4422 me qui assumera le poids de toutes nos fautes, et de la faute initiale de vivre, pour les glorifier dans la guerre au nom
4423 ids de toutes nos fautes, et de la faute initiale de vivre, pour les glorifier dans la guerre au nom de l’innocence du Peu
4424 i, ici et maintenant, le problème ne comporte pas d’ échappatoire dans le temps à venir. S’il n’est peut-être pas possible
4425 e pas possible à l’homme — à un homme déterminé — de connaître ses propres désirs et de sonder en vérité ses préférences l
4426 me déterminé — de connaître ses propres désirs et de sonder en vérité ses préférences les plus secrètes, du moins peut-il
4427 c un parti pris tout personnel que je vais tenter de définir maintenant, et après coup, tel que je le reconnais dans ma vi
4428 e. 2. Critique du mariage Si je ne vois pas de raison qui tienne contre la passion véritable, il m’apparaît en secon
4429 meilleurs esprits demeurent absolument valables. De tous temps, les raisons des philistins ont eu mauvaise conscience dev
4430 use « paix du foyer » n’existe guère qu’au niveau d’ une certaine éloquence moyenne, politicienne, bourgeoise ou édifiante.
4431 iale, vous verrez que cela va, neuf fois sur dix, de l’agitation des petits soins à la criaillerie délirante. Enregistrez
4432 délirante. Enregistrez sur disque, au hasard, un de ces entretiens « paisibles » qui agrémentent le « foyer domestique »
4433 isibles » qui agrémentent le « foyer domestique » d’ un bourgeois ou d’un ouvrier : la censure pour un coup trouverait à se
4434 mentent le « foyer domestique » d’un bourgeois ou d’ un ouvrier : la censure pour un coup trouverait à se justifier. Oui, l
4435 larent au nom de leur vocation qu’il faut choisir de faire des livres ou des enfants : aut liberi aut libri disait Nietzsc
4436 e étant la suprême valeur du « stade esthétique » de la vie ; puis la surmonte en exaltant le mariage, suprême valeur du «
4437 et le romantique, et leur donner raison au point de leur faire honte d’avoir parfois douté d’eux-mêmes ; mais à la fin il
4438 t leur donner raison au point de leur faire honte d’ avoir parfois douté d’eux-mêmes ; mais à la fin il n’écrase pas seulem
4439 u point de leur faire honte d’avoir parfois douté d’ eux-mêmes ; mais à la fin il n’écrase pas seulement ce philistin qui s
4440 écrase pas seulement ce philistin qui se contente d’ épouser la veuve du brasseur, ou ce jeune fou qui aime la fille du roi
4441 re leur moralisme ; et les croyants aux arguments de saint Paul, qui valent contre leur humanisme. Que dit l’Apôtre ? « J
4442 l’Apôtre ? « Je pense qu’il est bon pour l’homme de ne point toucher de femme. Toutefois, pour éviter l’impudicité, que c
4443 se qu’il est bon pour l’homme de ne point toucher de femme. Toutefois, pour éviter l’impudicité, que chacun ait sa femme,
4444 rps, mais c’est la femme. Ne vous privez pas l’un de l’autre, si ce n’est d’un commun accord pour un temps, afin de vaquer
4445 . Ne vous privez pas l’un de l’autre, si ce n’est d’ un commun accord pour un temps, afin de vaquer à la prière ; puis reto
4446 n de vaquer à la prière ; puis retournez ensemble de peur que Satan ne vous tente par votre incontinence. Je dis cela par
4447 ais pas un ordre… Car il vaut mieux se marier que de brûler… Que chacun marche selon la part que le Seigneur lui a faite,
4448 Seigneur lui a faite, selon l’appel qu’il a reçu de Dieu… Que chacun, frères, demeure devant Dieu dans l’état où il était
4449 sant du monde comme n’en usant pas, car la figure de ce monde passe. » (I. Cor. 7, 1-32). Et voici le coup de grâce : « 
4450 nde passe. » (I. Cor. 7, 1-32). Et voici le coup de grâce : « Celui qui n’est pas marié s’inquiète des choses du Seigneu
4451 rié s’inquiète des choses du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur, et celui qui est marié s’inquiète des choses du m
4452 marié s’inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme. » (v. 32). ⁂ Tout ce qu’on peut dire contre le ma
4453 r, pour ceux qui croient. Il n’est possible alors d’ affirmer le mariage qu’au-delà des deux premières critiques et en chem
4454 intenant sans cesse présente l’exigence inhumaine de perfection, comme une question perpétuelle, un aiguillon qui empêche
4455 ne question perpétuelle, un aiguillon qui empêche de retomber sous le coup des objections humaines. Si j’oublie cet au-del
4456 s. Si j’oublie cet au-delà du mariage, mais aussi de tout ordre humain, qui s’appelle le Royaume de Dieu (« Il n’y aura pl
4457 si de tout ordre humain, qui s’appelle le Royaume de Dieu (« Il n’y aura plus ni hommes ni femmes »), je borne ma vision e
4458 il ne me reste que la révolte contre ma condition de créature ; et au contraire, si je l’atteins trop aisément, je deviend
4459 ris dans les rets sociaux, et incapable désormais de concevoir les vérités « cruelles » de l’esprit, dont parle Nietzsche.
4460 e désormais de concevoir les vérités « cruelles » de l’esprit, dont parle Nietzsche. Mais si je sais que l’Apôtre a raiso
4461 ision Si l’on songe à ce que signifie le choix d’ une femme pour toute la vie, l’on en vient à cette conclusion : choisi
4462 populaire et bourgeoise recommande au jeune homme de « réfléchir » avant de prendre une décision : elle l’entretient ainsi
4463 e l’entretient ainsi dans l’illusion que le choix d’ une femme dépend d’un certain nombre de raisons qu’il serait possible
4464 i dans l’illusion que le choix d’une femme dépend d’ un certain nombre de raisons qu’il serait possible de peser. Cette err
4465 e le choix d’une femme dépend d’un certain nombre de raisons qu’il serait possible de peser. Cette erreur du bon sens est
4466 n certain nombre de raisons qu’il serait possible de peser. Cette erreur du bon sens est tout à fait grossière. Vous aurez
4467 est tout à fait grossière. Vous aurez beau tenter de mettre au départ toutes les chances de votre côté — et je suppose que
4468 eau tenter de mettre au départ toutes les chances de votre côté — et je suppose que la vie vous laisse le temps de calcule
4469 é — et je suppose que la vie vous laisse le temps de calculer — jamais vous ne pourrez prévoir votre future évolution, et
4470 oir votre future évolution, et encore moins celle de l’épouse choisie, encore bien moins celle du couple formé. Les facteu
4471 si leur nombre était fini), et que vous disposiez d’ une telle science de l’humain que leurs valeurs vous soient connues et
4472 fini), et que vous disposiez d’une telle science de l’humain que leurs valeurs vous soient connues et leur hiérarchie évi
4473 e évidente, encore ne sauriez-vous prévoir la fin d’ une union faite en connaissance de causes. Il a fallu, dit-on, des mil
4474 prévoir la fin d’une union faite en connaissance de causes. Il a fallu, dit-on, des millénaires à la nature pour sélectio
4475 araissent adaptées. Et nous aurions la prétention de résoudre d’un coup, en une seule vie, le problème de l’adaptation de
4476 aptées. Et nous aurions la prétention de résoudre d’ un coup, en une seule vie, le problème de l’adaptation de deux êtres p
4477 résoudre d’un coup, en une seule vie, le problème de l’adaptation de deux êtres physiques et moraux des plus hautement org
4478 up, en une seule vie, le problème de l’adaptation de deux êtres physiques et moraux des plus hautement organisés ! (C’est
4479 qu’un troisième essai le rapprochera sensiblement de son « bonheur ». Alors que tout nous montre que cent-mille essais ne
4480 remiers éléments, tout balbutiants et empiriques, d’ une science du « mariage heureux »). Il faut le reconnaître honnêtemen
4481 osé par la nécessité pratique du mariage apparaît d’ autant plus insoluble que l’on tient davantage à le « résoudre » au se
4482 ent davantage à le « résoudre » au sens rationnel de ce terme. Certes, il y a du sophisme dans mon raisonnement : car tout
4483 ophisme dans mon raisonnement : car tout se passe d’ ordinaire comme si le bonheur des époux dépendait en réalité d’un nomb
4484 omme si le bonheur des époux dépendait en réalité d’ un nombre fini de facteurs : caractère, beauté, fortune, rang social…
4485 r des époux dépendait en réalité d’un nombre fini de facteurs : caractère, beauté, fortune, rang social… Mais pour peu que
4486 ncite les jeunes fiancés à calculer leurs chances de bonheur, on détourne leur attention du problème proprement éthique. E
4487 ention du problème proprement éthique. En tentant de réduire ou de dissimuler le caractère de pari que revêt objectivement
4488 lème proprement éthique. En tentant de réduire ou de dissimuler le caractère de pari que revêt objectivement un choix de c
4489 tentant de réduire ou de dissimuler le caractère de pari que revêt objectivement un choix de cet ordre, on donne à croire
4490 aractère de pari que revêt objectivement un choix de cet ordre, on donne à croire que tout se ramène à une sagesse, à un s
4491 e qu’imparfait, et provisoire, devrait se doubler d’ une garantie. Et la seule garantie concevable est dans la force de la
4492 Et la seule garantie concevable est dans la force de la décision en vertu de laquelle on s’engage pour toute la vie, « adv
4493 esure où l’on se persuade qu’il s’agit avant tout de calcul… D’où je conclus qu’il serait plus conforme à l’essence du mar
4494 on se persuade qu’il s’agit avant tout de calcul… D’ où je conclus qu’il serait plus conforme à l’essence du mariage, et au
4495 plus conforme à l’essence du mariage, et au réel, d’ enseigner aux jeunes gens que leur choix relève toujours d’une sorte d
4496 er aux jeunes gens que leur choix relève toujours d’ une sorte d’arbitraire, dont ils s’engagent à assumer les suites, heur
4497 s gens que leur choix relève toujours d’une sorte d’ arbitraire, dont ils s’engagent à assumer les suites, heureuses ou non
4498 reuses ou non. Ce n’est pas là un éloge du « coup de tête » : car tant que l’on peut calculer, j’admets qu’il est stupide
4499 ue l’on peut calculer, j’admets qu’il est stupide de s’en priver. Mais je dis que la garantie d’une union raisonnable en a
4500 upide de s’en priver. Mais je dis que la garantie d’ une union raisonnable en apparences n’est jamais dans ces apparences.
4501 apparences. Elle est dans l’événement irrationnel d’ une décision prise en dépit de tout, et qui fonde une nouvelle existen
4502 s dire à Mademoiselle Untel : « Vous êtes l’idéal de mes rêves, vous comblez et au-delà tous mes désirs, vous êtes l’Iseut
4503 êtes l’Iseut toute belle et désirable — et munie d’ une dot adéquate — dont je veux être le Tristan ». Car ce serait là me
4504 il faut n’avoir connu que peu de solitude et peu d’ angoisse, très peu de solitaire angoisse.) ⁂ Seule une décision de cet
4505 peu de solitaire angoisse.) ⁂ Seule une décision de cet ordre, irrationnelle mais non sentimentale, sobre mais sans aucun
4506 ntale, sobre mais sans aucun cynisme, peut servir de point de départ à une fidélité réelle ; et je ne dis pas à une fidéli
4507 bre mais sans aucun cynisme, peut servir de point de départ à une fidélité réelle ; et je ne dis pas à une fidélité qui so
4508 je ne dis pas à une fidélité qui soit une recette de « bonheur », mais bien à une fidélité qui soit possible, n’étant pas
4509 lité On fausse l’éthique du mariage en faisant de la promesse de fidélité un problème, alors que le problème ne devrait
4510 se l’éthique du mariage en faisant de la promesse de fidélité un problème, alors que le problème ne devrait se poser qu’à
4511 e on fausse la théologie en partant du « problème de Dieu » — exactement comme si l’on ne croyait pas — alors que le seul
4512 croyait pas — alors que le seul vrai problème est de savoir comment Lui obéir.) Car la fidélité est sans raisons — ou elle
4513 le n’est pas — comme tout ce qui porte une chance de grandeur. (Comme la passion !) ⁂ Les moralistes et certains sociologu
4514 et certains sociologues (dont Engels) ont essayé de prouver que la monogamie est naturelle, et de plus qu’elle est saluta
4515 la raison et l’intérêt : quand ils n’auront plus de passions, quand ils cesseront de préférer l’erreur comme telle, quand
4516 ls n’auront plus de passions, quand ils cesseront de préférer l’erreur comme telle, quand ils cesseront de mériter cet inq
4517 référer l’erreur comme telle, quand ils cesseront de mériter cet inquiétant nom d’homme, au sens actuel. Car pour ceux du
4518 quand ils cesseront de mériter cet inquiétant nom d’ homme, au sens actuel. Car pour ceux du siècle présent, je pense que l
4519 leur langage, la fidélité conjugale est le succès d’ un effort « inhumain ». Leur revendication fondamentale : leur religio
4520 . Leur revendication fondamentale : leur religion de la vie, s’y oppose diamétralement. Ils considèrent la fidélité comme
4521 stention prudente… Ou encore ils y voient l’effet d’ une impuissance à vivre largement, d’un goût mesquin pour le confort e
4522 ient l’effet d’une impuissance à vivre largement, d’ un goût mesquin pour le confort et le conforme ; d’un défaut d’imagina
4523 ’un goût mesquin pour le confort et le conforme ; d’ un défaut d’imagination ; d’une timidité méprisable ; d’un calcul d’in
4524 quin pour le confort et le conforme ; d’un défaut d’ imagination ; d’une timidité méprisable ; d’un calcul d’intérêt sordid
4525 fort et le conforme ; d’un défaut d’imagination ; d’ une timidité méprisable ; d’un calcul d’intérêt sordide… L’habitude de
4526 éfaut d’imagination ; d’une timidité méprisable ; d’ un calcul d’intérêt sordide… L’habitude des modernes, leur nature acqu
4527 ination ; d’une timidité méprisable ; d’un calcul d’ intérêt sordide… L’habitude des modernes, leur nature acquise, c’est d
4528 habitude des modernes, leur nature acquise, c’est d’ exploiter chaque situation au maximum et pour elle-même, sans plus se
4529 jouissance qu’on en tire. Seul un respect acquis de l’ordre social soutient encore, en fait, l’idée de fidélité. Mais l’o
4530 e l’ordre social soutient encore, en fait, l’idée de fidélité. Mais l’obstacle n’est pas sérieux, on le tourne de tous les
4531 . Mais l’obstacle n’est pas sérieux, on le tourne de tous les côtés. Voyez les excuses invoquées par le mari qui trompe sa
4532 trompe sa femme ; il dit tantôt : « Cela n’a pas d’ importance, cela ne change rien à nos rapports, c’est une passade, une
4533 rtant que toutes vos petites morales et garanties de bonheur bourgeois ! » Du cynisme au tragique romantique, il n’y a pas
4534 » Du cynisme au tragique romantique, il n’y a pas de contradiction profonde, nous l’avons vu95. Dans les deux cas, il s’ag
4535 , nous l’avons vu95. Dans les deux cas, il s’agit de s’évader hors de tout engagement concret, considéré comme une odieuse
4536 gie rationaliste ou hédoniste, je ne parlerai que d’ une fidélité observée en vertu de l’absurde, parce qu’on s’y est engag
4537 e commune en la valeur révélatrice du spontané et de la multiplicité des expériences. Elle nie que l’être aimé doive réuni
4538 être ou pour rester aimable, le plus grand nombre de qualités possible. Elle nie que le but de la fidélité soit le bonheur
4539 nombre de qualités possible. Elle nie que le but de la fidélité soit le bonheur. Elle affirme scandaleusement que c’est a
4540 t tout l’obéissance, et en second lieu la volonté de faire une œuvre. Car la fidélité n’est pas du tout une espèce de cons
4541 vre. Car la fidélité n’est pas du tout une espèce de conservatisme. Elle est plutôt une construction. « Absurde » au moins
4542 au moins autant que la passion, elle se distingue de la passion par un refus constant de subir ses rêves, par un besoin co
4543 se distingue de la passion par un refus constant de subir ses rêves, par un besoin constant d’agir pour l’être aimé, par
4544 nstant de subir ses rêves, par un besoin constant d’ agir pour l’être aimé, par une constante prise sur le réel, qu’elle ch
4545 le s’édifie à la manière d’une œuvre, à la faveur d’ une œuvre, et aux mêmes conditions, dont la première est la fidélité à
4546 posent un parti pris96, une attitude fondamentale de créateur. Ainsi, dans la plus humble vie, la promesse de fidélité int
4547 teur. Ainsi, dans la plus humble vie, la promesse de fidélité introduit une chance de faire œuvre, et d’accéder au plan de
4548 vie, la promesse de fidélité introduit une chance de faire œuvre, et d’accéder au plan de la personne. (À condition bien e
4549 fidélité introduit une chance de faire œuvre, et d’ accéder au plan de la personne. (À condition bien entendu que cette pr
4550 t une chance de faire œuvre, et d’accéder au plan de la personne. (À condition bien entendu que cette promesse ne soit pas
4551 as faite pour des « raisons » que l’on se réserve de répudier un jour, quand elles cesseront de paraître raisonnables ! Si
4552 éserve de répudier un jour, quand elles cesseront de paraître raisonnables ! Si la promesse du mariage est le type même de
4553 bles ! Si la promesse du mariage est le type même de l’acte sérieux, c’est dans la mesure où elle est faite une fois pour
4554 e la plus déshéritée, détient sa chance immédiate de grandeur, et c’est dans la fidélité « absurde » qu’elle pourra la réa
4555 r : quand il y aurait toutes les raisons du monde de dire oui à cette passion éblouissante, — dire non en vertu de l’absur
4556 u de l’absurde, en vertu d’une promesse ancienne, d’ une déraison humaine, d’une raison de foi, d’une promesse faite à Dieu
4557 d’une promesse ancienne, d’une déraison humaine, d’ une raison de foi, d’une promesse faite à Dieu, gagée par Dieu… (Et pe
4558 se ancienne, d’une déraison humaine, d’une raison de foi, d’une promesse faite à Dieu, gagée par Dieu… (Et peut-être, plus
4559 nne, d’une déraison humaine, d’une raison de foi, d’ une promesse faite à Dieu, gagée par Dieu… (Et peut-être, plus tard, a
4560 compense la perte : nous sommes ici dans un ordre de grandeur où nos mesures et nos équivalences n’ont plus cours.) Mais s
4561 -nous encore imaginer une grandeur qui n’ait rien de romantique ? Et qui soit le contraire d’une ardeur exaltée ? La fidél
4562 ait rien de romantique ? Et qui soit le contraire d’ une ardeur exaltée ? La fidélité dont je parle est une folie, mais la
4563 lie, mais la plus sobre et quotidienne. Une folie de sobriété qui mime assez bien la raison — et qui n’est pas un héroïsme
4564 tiente et tendre application. Le contraire absolu de toute littérature, de tout lyrisme, au sens moderne de ces mots… ⁂ C
4565 cation. Le contraire absolu de toute littérature, de tout lyrisme, au sens moderne de ces mots… ⁂ Cependant, tout n’est p
4566 ute littérature, de tout lyrisme, au sens moderne de ces mots… ⁂ Cependant, tout n’est pas encore clair. Tristan lui auss
4567 èle. (Pour ne rien dire des successives fidélités de nos « liaisons », et de tous ces Tristans qui ne sont au vrai que des
4568 des successives fidélités de nos « liaisons », et de tous ces Tristans qui ne sont au vrai que des Don Juan au ralenti.) O
4569 reconnu dans sa femme une Iseut ? Lorsque l’amant de la légende manichéenne a traversé les grandes épreuves d’initiation,
4570 gende manichéenne a traversé les grandes épreuves d’ initiation, souvenez-vous de la « jeune fille éblouissante » qui l’acc
4571 les grandes épreuves d’initiation, souvenez-vous de la « jeune fille éblouissante » qui l’accueille par ces paroles : « J
4572 le par ces paroles : « Je suis toi-même ! » Ainsi de la fidélité du mythe, et de Tristan. C’est un narcissisme mystique, m
4573 is toi-même ! » Ainsi de la fidélité du mythe, et de Tristan. C’est un narcissisme mystique, mais qui s’ignore, naturellem
4574 an n’aime pas Iseut mais l’amour même, et au-delà de cet amour, la mort, appelée comme la délivrance du moi coupable et as
4575 us profonde et secrète passion. Le mythe s’empare de l’« instinct de mort » inséparable de toute vie créée, et il le trans
4576 ecrète passion. Le mythe s’empare de l’« instinct de mort » inséparable de toute vie créée, et il le transfigure en lui do
4577 he s’empare de l’« instinct de mort » inséparable de toute vie créée, et il le transfigure en lui donnant un but essentiel
4578 re, mépriser son bonheur, c’est alors une manière de se sauver et d’accéder à une vie supérieure, la « joie suprême » d’Is
4579 bonheur, c’est alors une manière de se sauver et d’ accéder à une vie supérieure, la « joie suprême » d’Isolde agonisante.
4580 accéder à une vie supérieure, la « joie suprême » d’ Isolde agonisante. Fidélité qui consume la vie, mais qui consume aussi
4581 faute, et divinise un moi purifié, « innocent » ! De ces origines mystiques, la « fidélité passionnée » n’a gardé parmi no
4582 passionnée » n’a gardé parmi nous que l’illusion d’ accéder à une vie plus ardente. Mais l’emprise de cette illusion trahi
4583 d’accéder à une vie plus ardente. Mais l’emprise de cette illusion trahit encore l’obscure survivance de la religion prim
4584 cette illusion trahit encore l’obscure survivance de la religion primitive. Religion antérieure à notre « instinct » moder
4585 nstinct » moderne, et qui détient l’intime secret de la passion, au-delà de ce que les psychologues peuvent y lire. ⁂ « No
4586 ui détient l’intime secret de la passion, au-delà de ce que les psychologues peuvent y lire. ⁂ « Notre engagement n’était
4587 nt à sa fiancée perdue. C’est l’émouvante formule de la fidélité courtoise ; une négation sans retour de la vie. Mais la f
4588 la fidélité courtoise ; une négation sans retour de la vie. Mais la fidélité dans le mariage est au contraire un engageme
4589 engagement absolument pris pour ce monde. Partant d’ une déraison « mystique » (si l’on veut), indifférente, sinon hostile
4590 aime voue sa fidélité. Et tandis que la fidélité de Tristan était un perpétuel refus, une volonté d’exclure et de nier la
4591 de Tristan était un perpétuel refus, une volonté d’ exclure et de nier la création dans sa diversité, d’empêcher le monde
4592 tait un perpétuel refus, une volonté d’exclure et de nier la création dans sa diversité, d’empêcher le monde d’envahir l’â
4593 exclure et de nier la création dans sa diversité, d’ empêcher le monde d’envahir l’âme, la fidélité des époux est l’accueil
4594 a création dans sa diversité, d’empêcher le monde d’ envahir l’âme, la fidélité des époux est l’accueil de la créature, la
4595 nvahir l’âme, la fidélité des époux est l’accueil de la créature, la volonté d’accepter l’autre tel qu’il est, dans son in
4596 es époux est l’accueil de la créature, la volonté d’ accepter l’autre tel qu’il est, dans son intime singularité. Insistons
4597 t ; elle ne peut être qu’une action. Se contenter de ne pas tromper sa femme serait une preuve d’indigence et non d’amour.
4598 nter de ne pas tromper sa femme serait une preuve d’ indigence et non d’amour. La fidélité veut bien plus : elle veut le bi
4599 per sa femme serait une preuve d’indigence et non d’ amour. La fidélité veut bien plus : elle veut le bien de l’être aimé,
4600 r. La fidélité veut bien plus : elle veut le bien de l’être aimé, et lorsqu’elle agit pour ce bien, elle crée devant elle
4601 l’autre, que le moi rejoint sa personne — au-delà de son propre bonheur. Ainsi la personne des époux est une mutuelle créa
4602 tuelle création, elle est le double aboutissement de « l’amour-action ». Ce qui niait l’individu et son naturel égoïsme, c
4603 uvrira que la fidélité dans le mariage est la loi d’ une vie nouvelle ; et non point de la vie naturelle (ce serait la poly
4604 iage est la loi d’une vie nouvelle ; et non point de la vie naturelle (ce serait la polygamie) — et non plus de la vie pou
4605 naturelle (ce serait la polygamie) — et non plus de la vie pour la mort (c’était la passion de Tristan). ⁂ L’amour fidèle
4606 n plus de la vie pour la mort (c’était la passion de Tristan). ⁂ L’amour fidèle de Tristan détruisait son bonheur et sa vi
4607 (c’était la passion de Tristan). ⁂ L’amour fidèle de Tristan détruisait son bonheur et sa vie pour témoigner en faveur de
4608 dans le mariage chrétien témoigne que la volonté de Dieu, même quand elle ruine notre bonheur, est salutaire. L’amour de
4609 elle ruine notre bonheur, est salutaire. L’amour de Tristan et d’Iseut c’était l’angoisse d’être deux ; et son aboutissem
4610 tre bonheur, est salutaire. L’amour de Tristan et d’ Iseut c’était l’angoisse d’être deux ; et son aboutissement suprême, c
4611 L’amour de Tristan et d’Iseut c’était l’angoisse d’ être deux ; et son aboutissement suprême, c’était la chute dans l’illi
4612 les visages, les destins singuliers : « Non plus d’ Isolde, plus de Tristan, plus aucun nom qui nous sépare ! » Il faut qu
4613 es destins singuliers : « Non plus d’Isolde, plus de Tristan, plus aucun nom qui nous sépare ! » Il faut que l’autre cesse
4614 nom qui nous sépare ! » Il faut que l’autre cesse d’ être l’autre, donc ne soit plus, pour qu’il cesse de me faire souffrir
4615 être l’autre, donc ne soit plus, pour qu’il cesse de me faire souffrir, et qu’il n’y ait plus que « moi-le-monde » ! Mais
4616 -le-monde » ! Mais l’amour du mariage est la fin de l’angoisse, l’acceptation de l’être limité, aimé parce qu’il m’appell
4617 u mariage est la fin de l’angoisse, l’acceptation de l’être limité, aimé parce qu’il m’appelle à le créer, et qu’il se tou
4618 (Il y a toujours une telle menace dans l’échange de plaisir d’une « liaison ». Mais les modernes savent-ils encore la dif
4619 ujours une telle menace dans l’échange de plaisir d’ une « liaison ». Mais les modernes savent-ils encore la différence ent
4620 it ?) 5. Éros sauvé par Agapè Alors l’amour de charité, l’amour chrétien, qui est Agapè, paraît enfin dans sa pleine
4621 fin dans sa pleine stature : il est l’affirmation de l’être. Et c’est Éros, l’amour-passion, l’amour païen, qui a répandu
4622 i a répandu dans notre monde occidental le poison de l’ascèse idéaliste — et tout ce qu’un Nietzsche absurdement reproche
4623 , et non pas Agapè, qui a glorifié notre instinct de mort, et qui a voulu le « spiritualiser ». Mais Agapè se venge d’Éros
4624 a voulu le « spiritualiser ». Mais Agapè se venge d’ Éros en le sauvant. Car Agapè ne sait pas détruire et ne veut même pas
4625 la mort parce qu’il veut exalter la vie au-dessus de notre condition finie et limitée de créatures. Ainsi le même mouvemen
4626 vie au-dessus de notre condition finie et limitée de créatures. Ainsi le même mouvement qui fait que nous adorons la vie n
4627 négation. C’est la profonde misère, le désespoir d’ Éros, sa servitude inexprimable : — en l’exprimant, Agapè l’en délivre
4628 que la vie terrestre et temporelle ne mérite pas d’ être adorée, ni même tuée, mais peut être acceptée dans l’obéissance à
4629 ptée dans l’obéissance à l’Éternel. Voilà le sens de la Révélation ; l’au-delà n’est pas la mort divinisante, mais le Juge
4630 à la mort. Mais l’homme qui croit à la révélation de l’Agapè voit soudain le cercle s’ouvrir : il est délivré par la foi d
4631 in le cercle s’ouvrir : il est délivré par la foi de sa religion naturelle. Il peut maintenant espérer autre chose, il sai
4632 ce. Et voici que l’Éros à son tour se voit relevé de sa fonction mortelle et délivré de son destin. Dès qu’il cesse d’être
4633 se voit relevé de sa fonction mortelle et délivré de son destin. Dès qu’il cesse d’être un dieu, il cesse d’être un démon
4634 ortelle et délivré de son destin. Dès qu’il cesse d’ être un dieu, il cesse d’être un démon 97. Et il retrouve sa juste pla
4635 destin. Dès qu’il cesse d’être un dieu, il cesse d’ être un démon 97. Et il retrouve sa juste place, et vivifiante, dans l
4636 place, et vivifiante, dans l’économie provisoire de la Création, de l’humain. Le païen ne pouvait autrement que de faire
4637 iante, dans l’économie provisoire de la Création, de l’humain. Le païen ne pouvait autrement que de faire un dieu de l’Éro
4638 n, de l’humain. Le païen ne pouvait autrement que de faire un dieu de l’Éros : c’était son pouvoir le plus fort, le plus d
4639 e païen ne pouvait autrement que de faire un dieu de l’Éros : c’était son pouvoir le plus fort, le plus dangereux et le pl
4640 plus mystérieux, le plus profondément lié au fait de vivre. Toutes les religions païennes divinisent le Désir. Toutes cher
4641 devient aussitôt, et par là même, le pire ennemi de la vie, la séduction du Rien. Mais dès lors que le Verbe s’est fait c
4642 eu qui l’a aimé le premier, et qui s’est approché de lui. Le salut n’est plus au-delà, toujours plus haut, dans l’ascensio
4643 e du désir ? Cela seulement : qu’il nous détourne d’ obéir. Mais il perd sa puissance absolue quand nous cessons de le divi
4644 s il perd sa puissance absolue quand nous cessons de le diviniser. Et c’est ce qu’atteste l’expérience de la fidélité dans
4645 le diviniser. Et c’est ce qu’atteste l’expérience de la fidélité dans le mariage. Car cette fidélité se fonde justement su
4646 é se fonde justement sur le refus initial et juré de « cultiver » les illusions de la passion, de leur rendre un culte sec
4647 fus initial et juré de « cultiver » les illusions de la passion, de leur rendre un culte secret, et d’en attendre un mysté
4648 juré de « cultiver » les illusions de la passion, de leur rendre un culte secret, et d’en attendre un mystérieux surcroît
4649 de la passion, de leur rendre un culte secret, et d’ en attendre un mystérieux surcroît de vie. J’essaierai de le faire co
4650 e secret, et d’en attendre un mystérieux surcroît de vie. J’essaierai de le faire concevoir par l’examen d’un fait connu.
4651 endre un mystérieux surcroît de vie. J’essaierai de le faire concevoir par l’examen d’un fait connu. Le christianisme a p
4652 . J’essaierai de le faire concevoir par l’examen d’ un fait connu. Le christianisme a proclamé l’égalité parfaite des sexe
4653 a proclamé l’égalité parfaite des sexes, et cela de la manière la plus précise : La femme n’a pas autorité sur son prop
4654 st la femme. (I. Cor. 7.) La femme étant l’égale de l’homme, elle ne peut donc être le but idéal de l’homme98. En même te
4655 e de l’homme, elle ne peut donc être le but idéal de l’homme98. En même temps, elle échappe à l’abaissement bestial qui tô
4656 abaissement bestial qui tôt ou tard est la rançon d’ une divinisation de la créature. Mais cette égalité ne doit pas être e
4657 qui tôt ou tard est la rançon d’une divinisation de la créature. Mais cette égalité ne doit pas être entendue au sens mod
4658 moderne et revendicateur. Elle procède du mystère de l’amour, elle n’est que le signe et la démonstration du triomphe d’Ag
4659 ’est que le signe et la démonstration du triomphe d’ Agapè sur Éros. Car l’amour réellement réciproque exige et crée l’égal
4660 our réellement réciproque exige et crée l’égalité de ceux qui s’aiment. Dieu manifeste son amour pour l’homme en exigeant
4661 t saint comme Dieu est saint. Et l’homme témoigne de son amour pour une femme en la traitant comme une personne humaine to
4662 une personne humaine totale, — non comme une fée de la légende mi-déesse mi-bacchante, rêve et sexe. Mais remontons de ce
4663 déesse mi-bacchante, rêve et sexe. Mais remontons de ces prémisses générales à la psychologie la plus concrète de la relat
4664 isses générales à la psychologie la plus concrète de la relation des égaux. L’exercice de la fidélité envers une femme acc
4665 lus concrète de la relation des égaux. L’exercice de la fidélité envers une femme accoutume à considérer les autres femmes
4666 ne femme accoutume à considérer les autres femmes d’ une manière tout à fait nouvelle, inconnue au monde de l’Éros : comme
4667 e manière tout à fait nouvelle, inconnue au monde de l’Éros : comme des personnes, non plus comme des reflets ou des objet
4668 xercice spirituel » développe des facultés neuves de jugement, de possession de soi et de respect99. Au contraire de l’hom
4669 tuel » développe des facultés neuves de jugement, de possession de soi et de respect99. Au contraire de l’homme érotique,
4670 pe des facultés neuves de jugement, de possession de soi et de respect99. Au contraire de l’homme érotique, l’homme de la
4671 ultés neuves de jugement, de possession de soi et de respect99. Au contraire de l’homme érotique, l’homme de la fidélité n
4672 pect99. Au contraire de l’homme érotique, l’homme de la fidélité ne cherche plus à voir dans une femme seulement ce corps
4673 ent, à peine tenté, le mystère difficile et grave d’ une existence autonome, étrangère, d’une vie totale dont il n’a désiré
4674 ile et grave d’une existence autonome, étrangère, d’ une vie totale dont il n’a désiré vraiment qu’un illusoire ou fugitif
4675 ité qu’elle développe. L’emprise du mythe faiblit d’ autant ; et s’il reste improbable qu’elle s’abolisse jamais sans laiss
4676 improbable qu’elle s’abolisse jamais sans laisser de traces dans le cœur d’un homme moderne — du moins perd-elle son effic
4677 olisse jamais sans laisser de traces dans le cœur d’ un homme moderne — du moins perd-elle son efficace : ce n’est plus ell
4678 up de foudre », et encore moins à la « fatalité » de la passion. Le « coup de foudre » est sans doute une légende accrédit
4679 de accréditée par Don Juan, comme la « fatalité » de la passion est accréditée par Tristan. Excuse et alibi qui ne peuvent
4680 rompé, parce qu’il y trouve son intérêt ; figures de rhétorique romanesque, et acceptables à ce titre, mais qu’il serait a
4681 ables à ce titre, mais qu’il serait assez absurde de confondre avec des vérités psychologiques. Notre analyse du mythe nou
4682 i l’on aime croire à la fatalité, qui est l’alibi de la culpabilité : « Ce n’est pas moi qui ai commis la faute, je n’y ét
4683 place de ma personne. » Pieux mensonge du servant d’ Éros. Mais de combien de complaisances secrètes se compose une « fatal
4684 ersonne. » Pieux mensonge du servant d’Éros. Mais de combien de complaisances secrètes se compose une « fatalité » ! Quant
4685 Pieux mensonge du servant d’Éros. Mais de combien de complaisances secrètes se compose une « fatalité » ! Quant au coup de
4686 coup de foudre, il est censé justifier les écarts de Don Juan. Toute la littérature nous engage à y voir la preuve d’une t
4687 ute la littérature nous engage à y voir la preuve d’ une très puissante nature sensuelle. Don Juan, l’homme des coups de fo
4688 nte nature sensuelle. Don Juan, l’homme des coups de foudre et de la vie « orageuse », serait une sorte de surhomme, de su
4689 nsuelle. Don Juan, l’homme des coups de foudre et de la vie « orageuse », serait une sorte de surhomme, de surmâle. Mythe
4690 oudre et de la vie « orageuse », serait une sorte de surhomme, de surmâle. Mythe d’une puissance indéfinie et qui domine l
4691 a vie « orageuse », serait une sorte de surhomme, de surmâle. Mythe d’une puissance indéfinie et qui domine les contingenc
4692 , serait une sorte de surhomme, de surmâle. Mythe d’ une puissance indéfinie et qui domine les contingences morales. Mais a
4693 s, on peut être certain qu’un pareil mythe est né de la rêverie des impuissants. Et en effet, la conduite de Don Juan est
4694 rêverie des impuissants. Et en effet, la conduite de Don Juan est bien typique d’une certaine déficience sexuelle. C’est d
4695 n effet, la conduite de Don Juan est bien typique d’ une certaine déficience sexuelle. C’est dans l’état de fatigue général
4696 e certaine déficience sexuelle. C’est dans l’état de fatigue générale, et sexuellement localisée, que le corps se voit por
4697 iots. Par contre, dans un état normal du corps et de l’esprit, le risque de coup de foudre est à peu près éliminé. Il appa
4698 un état normal du corps et de l’esprit, le risque de coup de foudre est à peu près éliminé. Il apparaît ainsi que la monog
4699 st la meilleure garantie du plaisir, c’est-à-dire de l’Éros purement charnel, et non du tout divinisé100. ⁂ On objecte alo
4700 rs que le mariage ne serait plus que le « tombeau de l’amour ». Mais c’est encore le mythe, naturellement, qui nous le fai
4701 ment, qui nous le fait croire, avec son obsession de l’amour contrarié. Il serait plus vrai de dire avec Benedetto Croce q
4702 session de l’amour contrarié. Il serait plus vrai de dire avec Benedetto Croce que « le mariage est le tombeau de l’amour
4703 c Benedetto Croce que « le mariage est le tombeau de l’amour sauvage »101 (et plus communément du sentimentalisme). L’amou
4704 uvage et naturel se manifeste par le viol, preuve d’ amour chez tous les barbares. Mais le viol, comme la polygamie, révèle
4705 ie, révèle que l’homme n’est pas encore en mesure de concevoir la réalité de la personne chez la femme. C’est autant dire
4706 ’est pas encore en mesure de concevoir la réalité de la personne chez la femme. C’est autant dire qu’il ne sait pas encore
4707 e aimer. Le viol et la polygamie privent la femme de sa qualité d’égale — en la réduisant à son sexe. L’amour sauvage dépe
4708 ol et la polygamie privent la femme de sa qualité d’ égale — en la réduisant à son sexe. L’amour sauvage dépersonnalise les
4709 omine, ce n’est pas faute de « passion » (au sens de tempérament) mais c’est qu’il aime, justement, et qu’en vertu de cet
4710 justement, et qu’en vertu de cet amour, il refuse de s’imposer, il se refuse à une violence qui nie et détruit la personne
4711 sonne. Il prouve ainsi qu’il veut d’abord le bien de l’autre. Son égoïsme passe par l’autre. On admettra que c’est une rév
4712 t dépasser la formule toute négative et privative de Croce, et définir enfin le mariage comme cette institution qui contie
4713 la morale, mais par l’amour. 6. Les paradoxes de l’Occident Ces quelques remarques sur la passion et le mariage met
4714 iage mettent en lumière l’opposition fondamentale de l’Éros et de l’Agapè, c’est-à-dire des deux religions qui se disputen
4715 en lumière l’opposition fondamentale de l’Éros et de l’Agapè, c’est-à-dire des deux religions qui se disputent notre Occid
4716 qui se disputent notre Occident. La connaissance de ce conflit, de ses origines historiques et psychologiques, de son enj
4717 nt notre Occident. La connaissance de ce conflit, de ses origines historiques et psychologiques, de son enjeu spirituel, m
4718 t, de ses origines historiques et psychologiques, de son enjeu spirituel, me paraît devoir entraîner la révision d’un cert
4719 spirituel, me paraît devoir entraîner la révision d’ un certain nombre de jugements courants, dans le domaine de l’éthique
4720 devoir entraîner la révision d’un certain nombre de jugements courants, dans le domaine de l’éthique d’abord, mais aussi
4721 ain nombre de jugements courants, dans le domaine de l’éthique d’abord, mais aussi dans celui de la culture et de sa philo
4722 maine de l’éthique d’abord, mais aussi dans celui de la culture et de sa philosophie. Au terme de cet essai, il suffira sa
4723 e d’abord, mais aussi dans celui de la culture et de sa philosophie. Au terme de cet essai, il suffira sans doute de dégag
4724 elui de la culture et de sa philosophie. Au terme de cet essai, il suffira sans doute de dégager le principe de correction
4725 hie. Au terme de cet essai, il suffira sans doute de dégager le principe de correction que nos recherches sur la passion p
4726 sai, il suffira sans doute de dégager le principe de correction que nos recherches sur la passion peuvent établir. ⁂ Les O
4727 y voient l’héritage du christianisme et le secret de notre dynamisme. Et il est vrai que ces trois termes : christianisme,
4728 namisme, correspondent aux trois traits dominants de la psyché occidentale. De là vient l’impression d’évidence qu’entraîn
4729 trois traits dominants de la psyché occidentale. De là vient l’impression d’évidence qu’entraînent de pareils jugements.
4730 e la psyché occidentale. De là vient l’impression d’ évidence qu’entraînent de pareils jugements. Cependant, si les conclus
4731 De là vient l’impression d’évidence qu’entraînent de pareils jugements. Cependant, si les conclusions de notre examen du m
4732 pareils jugements. Cependant, si les conclusions de notre examen du mythe courtois sont justes, il faudra corriger sensib
4733 justes, il faudra corriger sensiblement ce schéma de l’Occident chrétien. Tout d’abord : ce n’est pas le christianisme qui
4734 a fait naître la passion, mais c’est une hérésie d’ origine orientale. Cette hérésie s’est répandue d’abord dans les contr
4735 ous-produit du christianisme » ou le « changement d’ adresse d’une force que le christianisme a réveillée et orientée vers
4736 t du christianisme » ou le « changement d’adresse d’ une force que le christianisme a réveillée et orientée vers Dieu »102.
4737 tée vers Dieu »102. Il est plutôt le sous-produit de la religion manichéenne. Plus exactement, il est né de la complicité
4738 religion manichéenne. Plus exactement, il est né de la complicité de cette religion avec nos plus vieilles croyances, et
4739 enne. Plus exactement, il est né de la complicité de cette religion avec nos plus vieilles croyances, et du conflit de l’h
4740 n avec nos plus vieilles croyances, et du conflit de l’hérésie qui en résulta avec l’orthodoxie chrétienne. Première corre
4741 avec l’orthodoxie chrétienne. Première correction d’ importance. Ensuite, il est urgent de rappeler que le fameux « dynami
4742 correction d’importance. Ensuite, il est urgent de rappeler que le fameux « dynamisme occidental » procède de deux sourc
4743 er que le fameux « dynamisme occidental » procède de deux sources distinctes. Si c’est notre délire guerrier que l’on ente
4744 l’on entend désigner par ce terme, il se rattache de la manière la plus précise, historiquement, à la passion103. Comme la
4745 ement, à la passion103. Comme la passion, le goût de la guerre procède d’une conception de la vie ardente qui est un masqu
4746 3. Comme la passion, le goût de la guerre procède d’ une conception de la vie ardente qui est un masque du désir de mort. D
4747 on, le goût de la guerre procède d’une conception de la vie ardente qui est un masque du désir de mort. Dynamisme inverti,
4748 tion de la vie ardente qui est un masque du désir de mort. Dynamisme inverti, et autodestructeur. Mais l’autre aspect du d
4749 itude humaine qu’il révèle est l’antithèse exacte de la passion : c’est une affirmation de la valeur des choses créées, de
4750 hèse exacte de la passion : c’est une affirmation de la valeur des choses créées, de la matière, et une application de l’e
4751 t une affirmation de la valeur des choses créées, de la matière, et une application de l’esprit au monde visible. La passi
4752 choses créées, de la matière, et une application de l’esprit au monde visible. La passion ni la foi hérétique dont elle e
4753 raient proposer comme but à notre vie la maîtrise de la Nature, puisque c’est là le but et la fonction originelle du Démiu
4754 le du Démiurge, et puisque le salut est justement d’ échapper à sa loi démoniaque.104 Faut-il voir à la source de cet aspe
4755 à sa loi démoniaque.104 Faut-il voir à la source de cet aspect le plus réel de l’activisme européen une sorte de tempéram
4756 ut-il voir à la source de cet aspect le plus réel de l’activisme européen une sorte de tempérament continental ? Ou quelqu
4757 ct le plus réel de l’activisme européen une sorte de tempérament continental ? Ou quelque influence indirecte de l’ambitio
4758 ment continental ? Ou quelque influence indirecte de l’ambition chrétienne définie par l’Apôtre (Romains 8), et qui tendra
4759 ve, troublée par le péché ? La volonté chrétienne de transformer le pécheur dans son âme et dans sa conduite a entraîné en
4760 et dans sa conduite a entraîné en Occident l’idée de transformer le milieu humain (d’où le mythe de la révolution), puis l
4761 Occident l’idée de transformer le milieu humain ( d’ où le mythe de la révolution), puis l’idée de transformer le milieu na
4762 ée de transformer le milieu humain (d’où le mythe de la révolution), puis l’idée de transformer le milieu naturel (d’où la
4763 ain (d’où le mythe de la révolution), puis l’idée de transformer le milieu naturel (d’où la technique). Reste à savoir si
4764 n), puis l’idée de transformer le milieu naturel ( d’ où la technique). Reste à savoir si le christianisme, accueilli par le
4765 ais la réponse n’importe pas ici : il nous suffit de marquer que les éléments occidentaux-chrétiens (c’est-à-dire créateur
4766 ntés par une volonté exactement contraire à celle de passion. Ce qui peut induire en erreur, et ce qui a introduit de fait
4767 qui peut induire en erreur, et ce qui a introduit de fait une fatale erreur dans l’activisme moderne, c’est la collusion d
4768 reur dans l’activisme moderne, c’est la collusion de la guerre et de notre génie technique. À partir de la Révolution, la
4769 visme moderne, c’est la collusion de la guerre et de notre génie technique. À partir de la Révolution, la guerre devenant
4770 rre devenant « nationale » exige la collaboration de toutes les forces créatrices, et en particulier de la technique. C’es
4771 e toutes les forces créatrices, et en particulier de la technique. C’est alors la passion nationale et guerrière qui va de
4772 e et guerrière qui va devenir le principal moteur de la recherche mécanique : on l’a bien vu depuis 1915. Mais cette union
4773 is cette union tout à fait monstrueuse des forces de mort et des forces créatrices va dénaturer à la fois la guerre et le
4774 épètent tant de publicistes — qui est responsable de la catastrophe. L’esprit catastrophique de l’Occident n’est pas chrét
4775 nsable de la catastrophe. L’esprit catastrophique de l’Occident n’est pas chrétien105. Il est tout au contraire manichéen.
4776 trop longtemps cultivé la religion antichrétienne de la passion. ⁂ Faut-il conclure que la passion serait la tentation ori
4777 lure que la passion serait la tentation orientale de l’Occident ? S’il est vrai qu’elle ne s’est développée dans notre his
4778 e et xiiie siècles, et par l’impulsion décisive de l’hérésie méridionale, il apparaît que c’est du Proche-Orient et de l
4779 ionale, il apparaît que c’est du Proche-Orient et de l’Iran, sources certaines de l’hérésie, que nous sont venues nos « mo
4780 du Proche-Orient et de l’Iran, sources certaines de l’hérésie, que nous sont venues nos « mortelles » croyances. Mais dir
4781 nt pas produit les mêmes effets parmi les peuples de l’Orient ? C’est qu’elles n’y ont pas trouvé les mêmes obstacles. Ai
4782 mes obstacles. Ainsi notre chance dramatique est d’ avoir résisté à la passion par des moyens prédestinés à l’exalter. Tel
4783 inés à l’exalter. Telle fut la tension permanente d’ où jaillirent nos plus belles créations. Mais ce qui produit la vie pr
4784 un accent se déplace pour que le dynamisme change de signe. ⁂ C’est en fin de compte dans l’attitude religieuse des Occid
4785 ccidentaux, et dans l’institution la plus typique de leur morale : le mariage, qu’il sera désormais possible de repérer av
4786 orale : le mariage, qu’il sera désormais possible de repérer avec assez de précision ce déplacement d’accent dont tout dép
4787 ’il sera désormais possible de repérer avec assez de précision ce déplacement d’accent dont tout dépend. Il est certain qu
4788 de repérer avec assez de précision ce déplacement d’ accent dont tout dépend. Il est certain que l’Occidental christianisé
4789 se distingue du mystique oriental par son pouvoir d’ approfondir l’être créé dans ce qu’il a de particulier. C’est tout le
4790 pouvoir d’approfondir l’être créé dans ce qu’il a de particulier. C’est tout le secret de notre fidélité. La sagesse orien
4791 s ce qu’il a de particulier. C’est tout le secret de notre fidélité. La sagesse orientale cherche la connaissance dans l’a
4792 essive du divers. Nous, nous cherchons la densité de l’être dans la personne distincte, sans cesse approfondie comme telle
4793 distincte, sans cesse approfondie comme telle. «  D’ autant plus nous connaissons les choses particulières, d’autant plus n
4794 t plus nous connaissons les choses particulières, d’ autant plus nous connaissons Dieu », dit Spinoza. Cette attitude, qui
4795 t, définit en même temps les conditions profondes de la fidélité, de la personne, du mariage, — et du refus de la passion.
4796 me temps les conditions profondes de la fidélité, de la personne, du mariage, — et du refus de la passion. Elle suppose l’
4797 délité, de la personne, du mariage, — et du refus de la passion. Elle suppose l’acceptation du différent, et donc de l’inc
4798 Elle suppose l’acceptation du différent, et donc de l’incomplet, la prise sur le concret dans ses limitations. Le chrétie
4799 moderne du mariage est le signe le moins trompeur d’ une décadence occidentale. Il en est d’autres, certes, dans les domain
4800 s les plus divers : le culte du nombre, la poésie de l’évasion, l’envahissement de la culture par les passions nationalist
4801 u nombre, la poésie de l’évasion, l’envahissement de la culture par les passions nationalistes : tout ce qui tend à ruiner
4802 nt en partie aux vues individuelles. Le « signe » de la crise du mariage nous parle et nous avertit mieux : aucun autre n’
4803 tidien, plus intimement vérifiable. 7. Au-delà de la tragédie106 Ce diagnostic, à bien des égards, peut apparaître
4804 à bien des égards, peut apparaître comme le bilan d’ une décadence : mythe dégradé, mariage en crise, formes et conventions
4805 aux domaines où il peut entraîner la destruction de notre civilisation. Tout cela est, tout cela nous menace, et d’autant
4806 isation. Tout cela est, tout cela nous menace, et d’ autant plus qu’on voudrait le nier. Cependant, à plusieurs reprises, l
4807 Cependant, à plusieurs reprises, la connaissance de ces périls nous a fait entrevoir des possibilités de les surmonter. P
4808 ces périls nous a fait entrevoir des possibilités de les surmonter. Par exemple, il se peut que l’Europe, après une crise
4809 osé qu’elle n’y succombe point), retrouve le sens d’ une fidélité gagée au moins sur des institutions solides, à la mesure
4810 u moins sur des institutions solides, à la mesure de la personne. Il se peut que les excès mêmes de la passion provoquent
4811 re de la personne. Il se peut que les excès mêmes de la passion provoquent et recréent des résistances, c’est-à-dire des f
4812 ais après tout, n’est-ce pas encore une tentation de la passion que ce souci des lendemains qui obsède aujourd’hui tant de
4813 monde nous importe bien moins que la connaissance de nos devoirs présents. Car « la figure de ce monde passe », mais l’obé
4814 aissance de nos devoirs présents. Car « la figure de ce monde passe », mais l’obéissance est toujours hic et nunc, dans l’
4815 ’obéissance est toujours hic et nunc, dans l’acte de l’Éternel où notre espoir se fonde. ⁂ Deux thèmes de réflexion, amorc
4816 l’Éternel où notre espoir se fonde. ⁂ Deux thèmes de réflexion, amorcés çà et là dans ces pages, pourront en constituer la
4817 t en constituer la conclusion ouverte. J’ai tenté de débrouiller certains problèmes posés en termes d’histoire et de psych
4818 certains problèmes posés en termes d’histoire et de psychologie : mais les constatations tout objectives auxquelles je me
4819 lemme passion-fidélité peut nous le faire croire. De fait, on ne connaît jamais que les problèmes dont on pressent au moin
4820 au moins la solution, le dépassement. Or le moyen de dépasser notre dilemme ne saurait être la pure et simple négation de
4821 ilemme ne saurait être la pure et simple négation de l’un de ses termes. Je l’ai dit et j’y insiste encore : condamner la
4822 e saurait être la pure et simple négation de l’un de ses termes. Je l’ai dit et j’y insiste encore : condamner la passion
4823 ncipe, ce serait vouloir supprimer l’un des pôles de notre tension créatrice. De fait, cela n’est pas possible. Le philist
4824 primer l’un des pôles de notre tension créatrice. De fait, cela n’est pas possible. Le philistin qui « condamne » de la so
4825 n’est pas possible. Le philistin qui « condamne » de la sorte et à priori toute passion, c’est qu’il n’en a connu aucune,
4826 e-là le seul progrès concevable est dans la crise de sa sécurité, c’est-à-dire dans le drame passionnel. Mais au-delà de l
4827 est-à-dire dans le drame passionnel. Mais au-delà de la passion vécue jusqu’à l’impasse mortelle, que pouvons-nous désorma
4828 thèmes que je vais esquisser indiquent deux voies de dépassement, dans la ligne de cet ouvrage, mais au-delà du schématism
4829 ndiquent deux voies de dépassement, dans la ligne de cet ouvrage, mais au-delà du schématisme inhérent à tout exposé. ⁂ Le
4830 l’événement qui devint pour Kierkegaard le point de départ de toute sa réflexion, fut la rupture de ses fiançailles avec
4831 nt qui devint pour Kierkegaard le point de départ de toute sa réflexion, fut la rupture de ses fiançailles avec Régine. La
4832 t de départ de toute sa réflexion, fut la rupture de ses fiançailles avec Régine. La cause intime de cette rupture nous de
4833 e de ses fiançailles avec Régine. La cause intime de cette rupture nous demeure en partie mystérieuse107 : c’est « le secr
4834 de. Ici l’obstacle indispensable à la passion est d’ une nature à tel point subjective, singulière et incomparable, qu’on n
4835 ait en pressentir la gravité sans invoquer la foi de Kierkegaard. Selon lui, l’homme fini et pécheur ne saurait entretenir
4836  qui est l’Éternel et le Saint— que des relations d’ amour mortellement malheureux. « Dieu crée tout ex nihilo » et celui q
4837 le réduire à néant ». Du point de vue du monde et de la vie naturelle, Dieu apparaît alors comme « mon ennemi mortel ». No
4838 heurtons ici à l’extrême limite, à l’origine pure de la Passion, — mais du même coup nous sommes jetés au cœur même de la
4839  mais du même coup nous sommes jetés au cœur même de la foi chrétienne ! Car voici : cet homme mort au monde, tué par l’am
4840 ant et vivre dans le monde comme s’il n’avait pas d’ autre tâche ni plus urgente ni plus haute. Ce « chevalier de la foi »,
4841 che ni plus urgente ni plus haute. Ce « chevalier de la foi », quand on le rencontre, n’a l’air de rien de surhumain : « i
4842 ier de la foi », quand on le rencontre, n’a l’air de rien de surhumain : « il ressemble à un percepteur » et se conduit co
4843 a foi », quand on le rencontre, n’a l’air de rien de surhumain : « il ressemble à un percepteur » et se conduit comme n’im
4844 suite, c’est en vertu de l’absurde (c’est-à-dire de la foi). Il fait sans cesse le saut dans l’infini, mais avec une tell
4845 ans le fini, et qu’on ne remarque en lui rien que de fini108… » Ainsi l’extrême de la passion, la mort d’amour, initie une
4846 que en lui rien que de fini108… » Ainsi l’extrême de la passion, la mort d’amour, initie une vie nouvelle, où la passion n
4847 fini108… » Ainsi l’extrême de la passion, la mort d’ amour, initie une vie nouvelle, où la passion ne cesse d’être présente
4848 , initie une vie nouvelle, où la passion ne cesse d’ être présente, mais sous l’incognito le plus jaloux : car elle est bie
4849 s que royale, elle est divine. Et dans l’analogie de la foi, l’on peut alors concevoir que la passion — quel que soit l’or
4850 on au-delà réel et son salut que par cette action d’ obéissance qui est la vie de fidélité. Vivre alors « comme tout le mon
4851 que par cette action d’obéissance qui est la vie de fidélité. Vivre alors « comme tout le monde », mais « en vertu de l’a
4852  ressaisir » le monde fini que dans la conscience de sa perte, infiniment féconde pour son génie ; il ne recouvra pas Régi
4853 ; il ne recouvra pas Régine, mais ne cessa jamais de l’aimer et de lui dédier toute son œuvre. Et c’est peut-être que cett
4854 ra pas Régine, mais ne cessa jamais de l’aimer et de lui dédier toute son œuvre. Et c’est peut-être que cette œuvre était
4855 Et c’est peut-être que cette œuvre était le lieu de sa fidélité la plus réelle. Pourquoi chercher ailleurs que dans la vo
4856 vocation vraiment unique du Solitaire, le secret de son échec humain ? D’autres reçoivent une autre vocation, épousent Ré
4857 rtu de l’absurde ». Et ils s’étonnent chaque jour de leur bonheur. (Ces choses-là sont trop simples et totales pour qu’un
4858 re la question qu’elles nous posent et la réponse de notre vie.) ⁂ Le second thème que j’esquisserai n’est peut-être pas d
4859 econd thème que j’esquisserai n’est peut-être pas d’ une nature essentiellement hétérogène. Peut-être même doit-il être con
4860 re conçu comme un aspect particulier du mouvement de retour de la passion, tel que l’a décrit Kierkegaard. Au sommet de l’
4861 omme un aspect particulier du mouvement de retour de la passion, tel que l’a décrit Kierkegaard. Au sommet de l’ascension
4862 assion, tel que l’a décrit Kierkegaard. Au sommet de l’ascension spirituelle qu’il nous raconte dans le langage de la plus
4863 on spirituelle qu’il nous raconte dans le langage de la plus ardente passion, saint Jean de la Croix connaît que l’âme att
4864 ean de la Croix connaît que l’âme atteint un état de présence parfaite à l’objet aimant de l’amour, et c’est ce qu’il nomm
4865 int un état de présence parfaite à l’objet aimant de l’amour, et c’est ce qu’il nomme le mariage mystique. L’âme se compor
4866 rte alors à l’endroit de son amour avec une sorte d’ indifférence quasi divine. Elle est au-delà du doute et de la distinct
4867 érence quasi divine. Elle est au-delà du doute et de la distinction ressentie comme un déchirement ; elle ne désire plus r
4868 ui dans la dualité, qui n’est plus qu’un dialogue de grâce et d’obéissance. Et le désir de la plus haute passion se voit a
4869 ualité, qui n’est plus qu’un dialogue de grâce et d’ obéissance. Et le désir de la plus haute passion se voit alors comblé
4870 un dialogue de grâce et d’obéissance. Et le désir de la plus haute passion se voit alors comblé sans cesse dans l’acte mêm
4871 se voit alors comblé sans cesse dans l’acte même d’ obéir, en sorte qu’il n’est plus en l’âme de brûlure, ni même de consc
4872 même d’obéir, en sorte qu’il n’est plus en l’âme de brûlure, ni même de conscience de l’amour, mais seulement la sobriété
4873 rte qu’il n’est plus en l’âme de brûlure, ni même de conscience de l’amour, mais seulement la sobriété heureuse de l’agir.
4874 t plus en l’âme de brûlure, ni même de conscience de l’amour, mais seulement la sobriété heureuse de l’agir. Dans l’analog
4875 e de l’amour, mais seulement la sobriété heureuse de l’agir. Dans l’analogie de la foi, l’on peut alors concevoir que la p
4876 t la sobriété heureuse de l’agir. Dans l’analogie de la foi, l’on peut alors concevoir que la passion, née du mortel désir
4877 ors concevoir que la passion, née du mortel désir d’ union mystique, ne saurait être dépassée et accomplie que par la renco
4878 t être dépassée et accomplie que par la rencontre d’ un autre, par l’admission de sa vie étrangère, de sa personne à tout j
4879 que par la rencontre d’un autre, par l’admission de sa vie étrangère, de sa personne à tout jamais distincte, mais qui of
4880 d’un autre, par l’admission de sa vie étrangère, de sa personne à tout jamais distincte, mais qui offre une alliance sans
4881 nse, la nostalgie comblée par la présence cessent d’ appeler un bonheur sensible, cessent de souffrir, acceptent notre jour
4882 ce cessent d’appeler un bonheur sensible, cessent de souffrir, acceptent notre jour. Et alors le mariage est possible. Nou
4883 dernière fois pourtant nous reprendrons un parti de sobriété. Les mariés ne sont pas des saints, et le péché n’est pas co
4884 ure. Nous sommes sans fin ni cesse dans le combat de la nature et de la grâce. Sans fin ni cesse, malheureux puis heureux.
4885 sans fin ni cesse dans le combat de la nature et de la grâce. Sans fin ni cesse, malheureux puis heureux. Mais l’horizon
4886 , révèle peu à peu son mystère : c’est qu’au-delà de la tragédie, il y a de nouveau le bonheur. Un bonheur qui ressemble à
4887 le monde. 93. Je m’en tiens au « cas-limite » de Tristan ; j’ai connu des amants chrétiens qui eussent considéré cette
4888 éré cette phrase comme une cynique méconnaissance de leur piété… 94. Plus on s’écarte de l’espèce pour se rapprocher de l
4889 connaissance de leur piété… 94. Plus on s’écarte de l’espèce pour se rapprocher de la personne, plus le choix devient sin
4890 . Plus on s’écarte de l’espèce pour se rapprocher de la personne, plus le choix devient singulier. À cette personnalisatio
4891 choix devient singulier. À cette personnalisation de l’être aimé correspond d’ailleurs une spécification croissante de l’i
4892 orrespond d’ailleurs une spécification croissante de l’instinct, à mesure que l’homme se virilise : c’est l’argument du Dr
4893 ue la passion une évasion hors du réel, une façon de l’idéaliser. 96. J’emploie ce terme au sens actif et littéral, par o
4894 littéral, par opposition au sens devenu courant, de « préjugé », de « parti imité ». 97. Voir le remarquable essai de R.
4895 pposition au sens devenu courant, de « préjugé », de « parti imité ». 97. Voir le remarquable essai de R. de Pury : « Éro
4896 e « parti imité ». 97. Voir le remarquable essai de R. de Pury : « Éros et Agapè », dans le recueil collectif intitulé Pr
4897 è », dans le recueil collectif intitulé Problèmes de la sexualité (collection « Présences »). « Un chrétien peut et doit a
4898 est pas le péché ; le péché, c’est la sublimation d’ Éros. » 98. Comme le croira cependant Novalis renouvelant la mystique
4899 En ce que l’on reconnaît dans un être la totalité d’ une personne. La personne selon la fameuse définition kantienne, c’est
4900 riage ne saurait être fondé sur des « arguments » de ce genre. Il s’agit ici, simplement, d’un fait d’observation qui réfu
4901 guments » de ce genre. Il s’agit ici, simplement, d’ un fait d’observation qui réfute les croyances courantes, nées du myth
4902 de ce genre. Il s’agit ici, simplement, d’un fait d’ observation qui réfute les croyances courantes, nées du mythe de Trist
4903 qui réfute les croyances courantes, nées du mythe de Tristan et de son négatif donjuanesque. Mais cette « raison » est tou
4904 croyances courantes, nées du mythe de Tristan et de son négatif donjuanesque. Mais cette « raison » est tout à fait ineff
4905 préfère le mythe, et veut croire aux révélations de la passion. 101. B. Croce, Etica e Politica. 102. Leo Ferrero, Dés
4906 itica. 102. Leo Ferrero, Désespoirs. Le problème de la passion est admirablement défini par ce petit livre, dans ses donn
4907 iévale. 104. « L’idée antique du travail indigne de l’homme libre se retrouve dans la chevalerie », écrit Henri Pirenne,
4908 ns la chevalerie », écrit Henri Pirenne, Histoire de l’Europe, p. 113. 105. Il y a l’Apocalypse, dira-t-on. Mais les cata
4909 la désincarnation, qui est le salut, mais l’acte de la grâce, accompli par Dieu seul. 106. Ce dernier chapitre est la co
4910 seul. 106. Ce dernier chapitre est la conclusion de L’Amour et l’Occident , plus encore que des deux fragments publiés d
4911 ans Esprit. 107. Malgré les tentatives multiples d’ explication « modernes » par la physiologie, la psychiatrie, la psycha
4912 ychiatrie, la psychanalyse en particulier. Aucune de ces explications ne me paraît rendre compte, le moins du monde, de la
4913 ns ne me paraît rendre compte, le moins du monde, de la singularité du cas. Elles s’appliqueraient aussi bien à n’importe
4914 t Tremblement, trad. d’après la version allemande de E. Geismar et R. Marx. ax. Rougemont Denis de, « Mariage et personn
4915 e de E. Geismar et R. Marx. ax. Rougemont Denis de , « Mariage et personne (II) : l’amour action, ou de la fidélité », Es
4916 , « Mariage et personne (II) : l’amour action, ou de la fidélité », Esprit, Paris, novembre 1938, p. 231-256. ay. Une not
4917 ontre le mariage ». Ces deux essais sont extraits d’ un ouvrage à paraître sous le titre : L’Amour et l’Occident . »
43 1938, Esprit, articles (1932–1962). Suite à « La passion contre le mariage » (décembre 1938)
4918 eux lettres dans notre dernier numéro. Une erreur de montage a fait sauter la seconde (où notre ami Miatlev protestait de
4919 auter la seconde (où notre ami Miatlev protestait de ne pas lire le nom de Lawrence parmi les premiers de ceux qui se sont
4920 otre ami Miatlev protestait de ne pas lire le nom de Lawrence parmi les premiers de ceux qui se sont attaqués à la fausse
4921 ne pas lire le nom de Lawrence parmi les premiers de ceux qui se sont attaqués à la fausse passion) et la réponse de Rouge
4922 lettre du R. P. Lavaud — je n’ai rien voulu dire d’ autre que cela même que précise l’auteur : à savoir que « les modalité
4923 e précise l’auteur : à savoir que « les modalités d’ institution du sacrement » restent, selon lui, hypothétiques. Pour l’o
4924 » restent, selon lui, hypothétiques. Pour l’objet de mon essai (voir la phrase qui porte le renvoi en note) c’était le seu
4925 ien son fondement biblique. À propos de la lettre de Miatlev. — Non, je ne « prétends pas classer Lawrence parmi ceux qui
4926 ma position : on a pu voir les motifs que j’avais de ne point en appeler à Lawrence pour appuyer une thèse chrétienne. a
4927 uyer une thèse chrétienne. az. Rougemont Denis de , « Suite à “La passion contre le mariage” », Esprit, Paris, décembre
44 1939, Esprit, articles (1932–1962). D’une critique stérile (mai 1939)
4928 D’ une critique stérile (mai 1939)ba Dans un certain sens, et aujourd’
4929 tes. Ils ont prédit l’évolution actuelle, l’usure de la droite, puis de la gauche à l’épreuve alternée du pouvoir, la déco
4930 l’évolution actuelle, l’usure de la droite, puis de la gauche à l’épreuve alternée du pouvoir, la décomposition des « blo
4931 elle des Ligues trop peu novatrices, la naissance d’ une dictature qui s’affirmerait malgré elle, non par volonté mais par
4932 lonté mais par crainte, pour assurer le « salut » de nos libertés… Ils ont écrit et dit tout cela, avant les autres, dans
4933 répondu jusqu’à présent un dynamisme constructeur d’ une intensité comparable. Les partisans de droite et de gauche seraien
4934 ructeur d’une intensité comparable. Les partisans de droite et de gauche seraient fondés à nous dire aujourd’hui : « Vous
4935 intensité comparable. Les partisans de droite et de gauche seraient fondés à nous dire aujourd’hui : « Vous avez très bie
4936 -mêmes, connaissant nos erreurs, n’avez rien fait de mieux ? » Certains seront tentés de répondre que l’espèce de paralysi
4937 vez rien fait de mieux ? » Certains seront tentés de répondre que l’espèce de paralysie dont souffre le mouvement personna
4938 » Certains seront tentés de répondre que l’espèce de paralysie dont souffre le mouvement personnaliste s’explique par un e
4939 e mouvement personnaliste s’explique par un excès de critique négative, d’origine universitaire, ou comme on dit : « intel
4940 ste s’explique par un excès de critique négative, d’ origine universitaire, ou comme on dit : « intellectualiste ». Je ne p
4941 qu’au contraire le mouvement ait péché par défaut de radicalisme dans sa critique négative. Mon expérience des groupes et
4942 formuler les thèses suivantes : 1. C’est le désir de « sortir du plan des vieux partis » qui rassemble ordinairement les p
4943 qui rassemble ordinairement les premiers éléments d’ un groupe local. 2. C’est l’impuissance à « sortir du plan des vieux p
4944 du plan des vieux partis » qui paralyse l’action de ce groupe, après quelques séances d’études et de mises au point. 3. C
4945 yse l’action de ce groupe, après quelques séances d’ études et de mises au point. 3. Car on ne croit pas suffisamment à ce
4946 de ce groupe, après quelques séances d’études et de mises au point. 3. Car on ne croit pas suffisamment à ce qu’on affirm
4947 garde le secret désir — avoué parfois dans le feu de la discussion, lors d’un congrès — de constituer enfin un vrai parti,
4948 avoué parfois dans le feu de la discussion, lors d’ un congrès — de constituer enfin un vrai parti, un parti vrai, dont la
4949 dans le feu de la discussion, lors d’un congrès — de constituer enfin un vrai parti, un parti vrai, dont la doctrine soit
4950 ble partout ailleurs. 5. On garde le secret désir d’ arriver à une « prise du pouvoir » de type léniniste ou fasciste, c’es
4951 secret désir d’arriver à une « prise du pouvoir » de type léniniste ou fasciste, c’est-à-dire de type partisan, impliquant
4952 oir » de type léniniste ou fasciste, c’est-à-dire de type partisan, impliquant une discipline, une tactique, des mots d’or
4953 es, un appareil centralisé — la négation parfaite de nos doctrines. 6. On croit si peu à la mort des partis qu’on n’imagin
4954 t si peu à la mort des partis qu’on n’imagine pas d’ autre action possible qu’au moyen des partis existants, et l’on propos
4955 et l’on propose la colonisation du socialisme ou de la CGT — qui pratiquement vaut un parti — par les groupes ou par des
4956 Ainsi l’écart entre action et doctrine s’accentue d’ année en année. La doctrine tourne à l’utopie, l’action se décourage o
4957 nt ce temps, on néglige l’essentiel : la création de moyens d’action neufs, et qui seraient efficaces justement parce qu’i
4958 s, on néglige l’essentiel : la création de moyens d’ action neufs, et qui seraient efficaces justement parce qu’ils ne sera
4959 arce qu’ils ne seraient pas à l’échelle démesurée de l’action des partis politiques. 9. L’action des groupes personnaliste
4960 des partis : elle veut être une action à hauteur d’ homme, et non pas au niveau de l’opinion. 10. Ceux qui doutent de son
4961 pas au niveau de l’opinion. 10. Ceux qui doutent de son efficace sont victimes de l’optique des partis. 11. Ceux qui dema
4962 0. Ceux qui doutent de son efficace sont victimes de l’optique des partis. 11. Ceux qui demandent des directives au centre
4963 demandent des directives au centre sont victimes de l’optique des partis. 12. Et de même, ceux qui attendent pour agir qu
4964 e. 14. Pour se risquer personnellement, il suffit de croire personnellement à ce qu’on affirme. 15. L’attrait du parti n’e
4965 ’attrait du parti n’est qu’en apparence l’attrait de la plus grande puissance ; en réalité, il est la fuite devant la véri
4966 té, il est la fuite devant la véritable puissance de l’homme, qui est sa responsabilité personnelle. 16. Les partis sont m
4967 le, créatrice. 17. Ce que l’on nomme la puissance d’ un parti, c’est la somme des abdications de tous ses membres. 18. Lors
4968 ssance d’un parti, c’est la somme des abdications de tous ses membres. 18. Lorsqu’un parti — comme ils le désirent tous pl
4969 rent tous plus ou moins courageusement — s’empare de l’État, la puissance de cet État devient la totalisation des lâchetés
4970 courageusement — s’empare de l’État, la puissance de cet État devient la totalisation des lâchetés de tous les citoyens. 1
4971 de cet État devient la totalisation des lâchetés de tous les citoyens. 19. Tout parti est totalitaire dans son essence, e
4972 re l’État totalitaire, brutal et stérilisant. 20. D’ où l’incapacité essentielle des partis à collaborer dans l’État : au l
4973 ds que le tout. 21. L’injustice, c’est la justice d’ un groupe imposée uniformément à d’autres groupes. 22. C’est pourquoi
4974 ourquoi le fédéralisme est la seule forme humaine de la justice. 23. Le but du personnalisme n’est pas de s’emparer des «
4975 a justice. 23. Le but du personnalisme n’est pas de s’emparer des « centrales » pour établir ensuite un régime personnali
4976 ur établir ensuite un régime personnaliste ; mais de créer sur place des foyers communautaires. 24. C’est un but essentiel
4977 essentiellement fédéraliste. 25. Il ne s’agit pas de s’emparer d’un pouvoir impuissant, mais d’exercer le pouvoir sur plac
4978 nt fédéraliste. 25. Il ne s’agit pas de s’emparer d’ un pouvoir impuissant, mais d’exercer le pouvoir sur place, à l’échell
4979 it pas de s’emparer d’un pouvoir impuissant, mais d’ exercer le pouvoir sur place, à l’échelle des réalités que l’on maîtri
4980 . 26. Si peu que ce soit, c’est tout ce qu’il y a de réel. 27. Une seule main qui travaille fait plus que cent-mille mains
4981 ù elle n’est pas radicale. ba. Rougemont Denis de , « D’une critique stérile », Esprit, Paris, mai 1939, p. 264-267.
4982 n’est pas radicale. ba. Rougemont Denis de, «  D’ une critique stérile », Esprit, Paris, mai 1939, p. 264-267.
45 1939, Esprit, articles (1932–1962). Autour de L’Amour et l’Occident (septembre 1939)
4983 sur mon Amour et l’Occident , par sa forme même d’ apostrophe amicale et ironique, provoque et engage un dialogue. J’ai d
4984 et ironique, provoque et engage un dialogue. J’ai d’ autant moins envie de m’y soustraire que les chapitres de mon livre qu
4985 et engage un dialogue. J’ai d’autant moins envie de m’y soustraire que les chapitres de mon livre qui furent publiés ici
4986 t moins envie de m’y soustraire que les chapitres de mon livre qui furent publiés ici même sont, avec ceux ou plutôt celui
4987 un rapport quelque peu équivoque, qu’il m’importe d’ élucider. Vous me dites (avec une gentillesse désarmante et si rare !)
4988 rmante et si rare !) que mon livre « est un livre d’ histoire » et que je ne suis pas un historien. Je vois bien que vous n
4989 n » que vous m’attaquez, et certes je ne fais pas de ce mot une injure, mais simplement je constate que vous parlez de l’h
4990 jure, mais simplement je constate que vous parlez de l’histoire comme quelqu’un qui y croit encore, et qui escompte que le
4991  »109. Je crois qu’il y a un matériel hétéroclite de textes, de dates, de noms de personnes et de lieux, de chiffres, de r
4992 rois qu’il y a un matériel hétéroclite de textes, de dates, de noms de personnes et de lieux, de chiffres, de relations de
4993 y a un matériel hétéroclite de textes, de dates, de noms de personnes et de lieux, de chiffres, de relations de gestes et
4994 matériel hétéroclite de textes, de dates, de noms de personnes et de lieux, de chiffres, de relations de gestes et de paro
4995 lite de textes, de dates, de noms de personnes et de lieux, de chiffres, de relations de gestes et de paroles, matériel av
4996 xtes, de dates, de noms de personnes et de lieux, de chiffres, de relations de gestes et de paroles, matériel avec l’aide
4997 s, de noms de personnes et de lieux, de chiffres, de relations de gestes et de paroles, matériel avec l’aide duquel l’hist
4998 personnes et de lieux, de chiffres, de relations de gestes et de paroles, matériel avec l’aide duquel l’historien compose
4999 de lieux, de chiffres, de relations de gestes et de paroles, matériel avec l’aide duquel l’historien compose des faits, c
5000 écrire un sonnet ? Des contraintes rhétoriques et de la liberté, disons de l’imagination. De même, pour composer un « fait
5001 contraintes rhétoriques et de la liberté, disons de l’imagination. De même, pour composer un « fait » d’histoire, il faut
5002 l’imagination. De même, pour composer un « fait » d’ histoire, il faut un certain nombre de renseignements fixes et une cap
5003 un « fait » d’histoire, il faut un certain nombre de renseignements fixes et une capacité fabulatrice qui leur donne un se
5004 sens et un nom, comme « victoire » et « bataille de la Marne ». Le sonnet sera critiquable si l’ordre des rimes et des st
5005 ni les erreurs typographiques, ou les négligences de copie. Mais ceci dit, il ne serait pas « exact » non plus d’appliquer
5006 ais ceci dit, il ne serait pas « exact » non plus d’ appliquer les mêmes critères à ce qui ne relève pas du même ordre. C’e
5007 elève pas du même ordre. C’est à savoir : le sens d’ une interprétation. Or c’est l’erreur commune, bien moins des historie
5008 ins des historiens — qui ne peuvent plus se faire d’ illusions — que du public qui croit aux manuels. Je ne dis pas cela co
5009 Je le dis pour situer vos critiques dans l’esprit de votre lecteur — et du mien. Car en fait, je ne prétends nullement que
5010 ne prétends nullement que mon livre soit un livre d’ histoire, dans ce sens « critiquable » du terme. Ce n’est pas même de
5011 sens « critiquable » du terme. Ce n’est pas même de l’histoire littéraire. C’est bien plutôt, s’il faut une étiquette, un
5012 st bien plutôt, s’il faut une étiquette, un livre de théologie morale, et c’est sur ce terrain que je puis le défendre. Ma
5013 que je puis le défendre. Malgré toute mon horreur de Kant, je dirai même que j’en ressens l’obligation. Ma formation théol
5014 ent décisif. Par exemple, l’histoire n’a pour moi d’ autre sens que d’illustrer certaines décisions actuelles. Cette méthod
5015 exemple, l’histoire n’a pour moi d’autre sens que d’ illustrer certaines décisions actuelles. Cette méthode n’a rien d’obje
5016 aines décisions actuelles. Cette méthode n’a rien d’ objectif au sens qu’a pris le mot pendant le xixe siècle. En effet, l
5017 effet, l’objectivité érudite ne rencontre jamais de décision ou d’acte parmi les renseignements qu’elle authentifie. En t
5018 tivité érudite ne rencontre jamais de décision ou d’ acte parmi les renseignements qu’elle authentifie. En tant qu’éruditio
5019 euse », elle se constitue proprement par le refus d’ admettre quoi que ce soit de ce genre. Elle se condamne à l’enregistre
5020 oprement par le refus d’admettre quoi que ce soit de ce genre. Elle se condamne à l’enregistrement sans intervention de l’
5021 se condamne à l’enregistrement sans intervention de l’esprit. (C’est d’ailleurs tout à fait impossible.) Or seul le créat
5022 éateur connaît la création, seul il est en mesure de la reconnaître là où elle est apparue dans le passé, et là où elle sé
5023 royez bien qu’en tant qu’interprète et théologien de l’histoire, je n’ai pas été sans découvrir dans votre article une fac
5024 été sans découvrir dans votre article une faculté d’ interprétation créatrice au moins égale à la mienne. C’est à partir de
5025 en appeler à l’objectivité la plus réelle : celle de certaines formes fixes de l’esprit au nom desquelles nous portons nos
5026 la plus réelle : celle de certaines formes fixes de l’esprit au nom desquelles nous portons nos jugements, et qui ne sont
5027 courtois !… dites-vous. Mais voilà, je le « vide de sa riche, émouvante réalité humaine », Et vous citez la légende de Ru
5028 vante réalité humaine », Et vous citez la légende de Rudel, et vous me reprochez de n’avoir pas rêvé là-dessus et de n’en
5029 s citez la légende de Rudel, et vous me reprochez de n’avoir pas rêvé là-dessus et de n’en avoir tiré qu’un argument de to
5030 ous me reprochez de n’avoir pas rêvé là-dessus et de n’en avoir tiré qu’un argument de tortionnaire. Vous ajoutez que je s
5031 vé là-dessus et de n’en avoir tiré qu’un argument de tortionnaire. Vous ajoutez que je suis insensible à « cette éloquence
5032 arle enfin comme on peut en parler à l’Université de Halle110. Or il se trouve que plusieurs critiques m’ont adressé le re
5033 itiques m’ont adressé le reproche inverse : celui d’ avoir donné de l’amour courtois une description si enthousiaste qu’à l
5034 adressé le reproche inverse : celui d’avoir donné de l’amour courtois une description si enthousiaste qu’à la fin, la conc
5035 araît quelque peu exsangue ». Je pourrais essayer de me justifier en remarquant que mon objet principal n’était pas de déc
5036 en remarquant que mon objet principal n’était pas de décrire les différents aspects de l’amour courtois, mais seulement ce
5037 pal n’était pas de décrire les différents aspects de l’amour courtois, mais seulement cet aspect, à mon sens décisif, que
5038 n’avais pas rêvé (et un peu plus…) sur l’aventure de Rudel, si j’étais insensible à cette éloquence passionnée et à cette
5039 te tellement que j’en ai fait la cause principale de la crise du mariage moderne ! Et c’est si « beau », si « éloquent »,
5040 riche », si « émouvant », que ce n’était pas trop de tout un pesant livre pour essayer de formuler ce qu’il y a, au cœur d
5041 ait pas trop de tout un pesant livre pour essayer de formuler ce qu’il y a, au cœur de cet amour, d’antichrétien. Or, c’es
5042 re pour essayer de formuler ce qu’il y a, au cœur de cet amour, d’antichrétien. Or, c’est à cela seulement que je veux ren
5043 r de formuler ce qu’il y a, au cœur de cet amour, d’ antichrétien. Or, c’est à cela seulement que je veux renoncer. Sur ce
5044 e ma décision. Tout le reste, dans la perspective de mon ouvrage, ne pouvait être que littérature (la plus belle qui soit,
5045 ouvoir renoncer. C’est cela que vous me reprochez de n’avoir pas assez exalté. Mais alors, je vous pose cette question : s
5046 r s’il y a lieu. Voilà le point. Voilà le terrain de ma défense et aussi de ma contre-attaque. « Je ne puis, moi, renoncer
5047 le point. Voilà le terrain de ma défense et aussi de ma contre-attaque. « Je ne puis, moi, renoncer à rien de ce qui a été
5048 ontre-attaque. « Je ne puis, moi, renoncer à rien de ce qui a été humain », dites-vous. « Il me faut à tout prix que je pu
5049 r ? Si l’on appelle catholique le refus conscient de renoncer à rien d’humain, sans distinction, je veux bien être appelé
5050 catholique le refus conscient de renoncer à rien d’ humain, sans distinction, je veux bien être appelé sectaire. (Huguenot
5051 t un homme qui choisit sans retour, et qui décide de renoncer, comme malgré lui, à ce qu’il y a de corrompu, de « trop hum
5052 ide de renoncer, comme malgré lui, à ce qu’il y a de corrompu, de « trop humain », de sous-humain dirai-je plutôt, dans to
5053 er, comme malgré lui, à ce qu’il y a de corrompu, de « trop humain », de sous-humain dirai-je plutôt, dans tout ce que l’o
5054 , à ce qu’il y a de corrompu, de « trop humain », de sous-humain dirai-je plutôt, dans tout ce que l’on appelle l’Humain,
5055 le l’Humain, et qui ne l’est plus depuis la Chute d’ Adam. Oui certes, rien d’humain ne peut m’être étranger ; reste à savo
5056 est plus depuis la Chute d’Adam. Oui certes, rien d’ humain ne peut m’être étranger ; reste à savoir si j’ai lieu de m’en v
5057 eut m’être étranger ; reste à savoir si j’ai lieu de m’en vanter ; reste à savoir si ce n’est pas là, précisément la solid
5058 1 par un recours aux vérités les plus redoutables de la loi. Mais il faut bien remarquer le point réel de notre divergence
5059 la loi. Mais il faut bien remarquer le point réel de notre divergence (en attendant nos psychographes). Votre insistance à
5060 s psychographes). Votre insistance à me reprocher d’ avoir sous-estimé ce que j’appelle insolemment « le reste », m’amène à
5061 ponse dans votre conclusion. Et force m’est alors de reconnaître qu’à l’origine de ce débat il n’y a pas seulement en caus
5062 t force m’est alors de reconnaître qu’à l’origine de ce débat il n’y a pas seulement en cause une certaine conception « di
5063 t en cause une certaine conception « dissonante » de l’amour courtois tel qu’il put être vécu au xiie siècle, mais une ce
5064 partient à Dieu et tend vers Dieu. » Le vieux fou de Transjordanie profère une vérité première. (J’avais été tenté de cite
5065 e profère une vérité première. (J’avais été tenté de citer l’anecdote dans mon livre.) Placée comme cela, en conclusion de
5066 dans mon livre.) Placée comme cela, en conclusion de votre article, cette sentence paraît écrasante pour ma thèse. Seuleme
5067 èse. Seulement, nous sommes dans le monde concret de la chute, le monde des vérités secondes, équivoques, mêlées de menson
5068 le monde des vérités secondes, équivoques, mêlées de mensonge. Dans ce monde concret, il n’est pas vrai que tout amour ten
5069 urs, et même trois. C’est là précisément le sujet de mon livre. Le premier amour, c’est le désir, c’est l’amour sensuel, s
5070 tait considérée par les anciens comme une maladie de l’âme. Mais à partir du xiie siècle, et par l’effet de confusions my
5071 me. Mais à partir du xiie siècle, et par l’effet de confusions mystiques, l’exaltation de cet amour naturel est subitemen
5072 par l’effet de confusions mystiques, l’exaltation de cet amour naturel est subitement considérée comme vertueuse, ennoblis
5073 ssante. C’est en tant que le désir est exalté, et d’ une certaine manière « chaste » et spirituelle, qu’il devient un symbo
5074 religieux : et voilà le deuxième amour, l’origine de l’amour-passion. Or cette exaltation ne tend pas vers le vrai Dieu, n
5075 créature telle qu’elle est, mais vers le moi rêvé de celui qui s’exalte. C’est une espèce de narcissisme. Le seul amour qu
5076 moi rêvé de celui qui s’exalte. C’est une espèce de narcissisme. Le seul amour qui tende vers Dieu et qui l’atteigne à tr
5077 place dans l’humain. Ma thèse centrale présentée de la sorte — n’est-ce pas assez clair dans mon livre ? — me direz-vous
5078 ue et platonisant, vous insistez sur la nécessité d’ englober toute réalité dans une synthèse transcendante, de tout sauver
5079 er toute réalité dans une synthèse transcendante, de tout sauver. Protestant, j’insiste d’abord sur la nécessité de distin
5080 r. Protestant, j’insiste d’abord sur la nécessité de distinguer l’élément décisif, ce qui sauve. Vous me reprocherez de sa
5081 lément décisif, ce qui sauve. Vous me reprocherez de sacrifier la richesse émouvante du réel ; et moi, je crains que l’amb
5082 je crains que l’ambition scolastico-mirandolesque d’ assumer tout ce qui existe en un corpus de conceptions réputées « adéq
5083 olesque d’assumer tout ce qui existe en un corpus de conceptions réputées « adéquates », ne fasse parfois perdre de vue « 
5084 s réputées « adéquates », ne fasse parfois perdre de vue « la seule chose nécessaire ». Car l’Écriture nous dit que si nou
5085 st pas prévu.   Post-Scriptum. — J’avais commencé de lire le numéro d’Esprit par la fin, comme tout le monde. Cette répons
5086 st-Scriptum. — J’avais commencé de lire le numéro d’ Esprit par la fin, comme tout le monde. Cette réponse écrite, j’ai lu
5087 . Cette réponse écrite, j’ai lu votre « Tristesse de l’historien ». (Mounier et Niklaus, qui sortent de chez moi, peuvent
5088 e l’historien ». (Mounier et Niklaus, qui sortent de chez moi, peuvent témoigner de l’authenticité de cette chronologie !)
5089 klaus, qui sortent de chez moi, peuvent témoigner de l’authenticité de cette chronologie !) Ainsi toute la partie de ma le
5090 de chez moi, peuvent témoigner de l’authenticité de cette chronologie !) Ainsi toute la partie de ma lettre relative à l’
5091 ité de cette chronologie !) Ainsi toute la partie de ma lettre relative à l’histoire « objective » se trouve être un mauva
5092 tive » se trouve être un mauvais résumé des idées de Raymond Aron, que je ne connaissais pas, et que vous approuvez ! (C’e
5093 uvez ! (C’est aussi, en réalité, le développement de quelques indications formulées dans Penser avec les mains . Indicati
5094 contre amusante, instructive… Je me garderai donc de retoucher cette réponse. Mais pour conclure, je vous citerai en confi
5095 clure, je vous citerai en confidence deux phrases d’ une lettre reçue hier, et relative à mon Amour  : « Quand j’étais jeu
5096 s parfaitement méprisé votre manière si cavalière d’ expédier les problèmes, mais à présent je ne sais plus. Puisque aucune
5097 a certitude, il est peut-être au moins aussi sage de faire confiance à l’intuition. » — Tristesse de l’historien n’est-ce
5098 e de faire confiance à l’intuition. » — Tristesse de l’historien n’est-ce pas ? Et c’est pourtant celui-là même qu’avec co
5099 ? Et c’est pourtant celui-là même qu’avec combien de raison vous offrez en modèle à vos disciples. (Mais oui, vous en avez
5100 s en avez, et je les souhaite nombreux : car avec de tels maîtres, ils auront bientôt fait de retrouver la joie de l’histo
5101 car avec de tels maîtres, ils auront bientôt fait de retrouver la joie de l’historien !) 109. Je lisais hier encore dans
5102 res, ils auront bientôt fait de retrouver la joie de l’historien !) 109. Je lisais hier encore dans une étude de Lucien
5103 en !) 109. Je lisais hier encore dans une étude de Lucien Febvre : « La méthode de l’historien, c’est partir des faits…
5104 re dans une étude de Lucien Febvre : « La méthode de l’historien, c’est partir des faits… modestement ». Dans la mesure où
5105 est réellement « modeste », — très bien. 110. Un de mes étudiants allemands me contait qu’après 5 ans de travail sur les
5106 mes étudiants allemands me contait qu’après 5 ans de travail sur les troubadours, à Francfort, il avait tenu à faire deux
5107 badours et qu’on les connaît. » 111. La citation d’ Ibn Dawoud que vous m’opposez, par exemple, pose un problème délicat.
5108 , ne prétendait qu’à signaler en passant la thèse d’ Asin Palacios que l’on peut discuter — et on l’a fait ! — mais que je
5109 on l’a fait ! — mais que je n’avais pas le droit d’ ignorer. bb. Rougemont Denis de, « Autour de L’Amour et l’Occident  
5110 ais pas le droit d’ignorer. bb. Rougemont Denis de , « Autour de L’Amour et l’Occident  », Esprit, Paris, septembre 1939,
5111 rsuivi entre Rougemont et Davenson, après la note de ce dernier dans Esprit d’avril, nous a paru propre à intéresser nos l
5112 Davenson, après la note de ce dernier dans Esprit d’ avril, nous a paru propre à intéresser nos lecteurs. Voici d’abord une
46 1946, Esprit, articles (1932–1962). « Un divorce entre le christianisme et le monde ? » (août-septembre 1946)
5113 , c’est qu’on se trompe à la fois sur la fonction de l’Église et sur la nature du monde. Le fait que leur incompatibilité
5114 ieux aujourd’hui qu’au Moyen Âge peut inquiéter : d’ où votre enquête, sans doute. Il me paraît au contraire rassurant. Car
5115 . Car le pire danger pour le christianisme serait de cesser d’être chrétien, sans s’en apercevoir, et c’est le risque qu’i
5116 ire danger pour le christianisme serait de cesser d’ être chrétien, sans s’en apercevoir, et c’est le risque qu’il court da
5117 l court dans les périodes où les choses ont l’air de bien marcher. Voilà pour ma réponse. Mais c’est l’enquête elle-même q
5118 , avec quelques emprunts au christianisme. L’état d’ Esprit qui fait enquête n’est pas celui d’une conquête. Attention. b
5119 L’état d’Esprit qui fait enquête n’est pas celui d’ une conquête. Attention. bd. Rougemont Denis de, « [Réponse à une e
5120 d’une conquête. Attention. bd. Rougemont Denis de , « [Réponse à une enquête] Un divorce entre le christianisme et le mo
5121  188-189. be. Rougemont répond ici à une enquête d’ Esprit sur le thème « Monde chrétien, monde moderne ». Le texte est pr
5122 texte est précédé du chapeau suivant : « Certains de nos correspondants ont posé la question préalable. Un divorce entre l
5123 entre le christianisme et le monde ? Mais il est de toujours ! Non sans quelque hauteur, Denis de Rougemont pulvérise le
47 1946, Esprit, articles (1932–1962). Épilogue (novembre 1946)
5124 mment un Américain juge la France Au lendemain de la démission d’un nième cabinet à Paris, un Américain me disait : — E
5125 in juge la France Au lendemain de la démission d’ un nième cabinet à Paris, un Américain me disait : — En France, n’impo
5126 me disait : — En France, n’importe quel problème d’ ajustement économique devient aussitôt politique, c’est-à-dire qu’il p
5127 es discours plus ou moins littéraires, un torrent de clichés qui n’ont aucun rapport avec la question, et des affirmations
5128 la question, et des affirmations grandiloquentes d’ attachement indéfectible aux principes généraux de la gauche ou de la
5129 d’attachement indéfectible aux principes généraux de la gauche ou de la droite. Posez la question d’une répartition des hu
5130 défectible aux principes généraux de la gauche ou de la droite. Posez la question d’une répartition des huiles et savons p
5131 x de la gauche ou de la droite. Posez la question d’ une répartition des huiles et savons par l’État, et vous serez bientôt
5132 estion du savon. Brossez-vous. Nous ne posons pas de question de principe à propos de ce produit utile et hygiénique. S’il
5133 von. Brossez-vous. Nous ne posons pas de question de principe à propos de ce produit utile et hygiénique. S’il y a crise d
5134 crise dans la fabrication et dans la répartition de l’article, nous étudions deux questions, et prenons les mesures néces
5135 , non pas pour qu’on en parle. Notre tendance est de nous en remettre à une agence d’État, qui généralement fait le travai
5136 tre tendance est de nous en remettre à une agence d’ État, qui généralement fait le travail à la satisfaction du plus grand
5137 us grand nombre, puis se dissout. C’est ainsi que de 1942 à 1946, l’État américain a contrôlé les prix, la répartition de
5138 tat américain a contrôlé les prix, la répartition de la main-d’œuvre aux entreprises publiques et privées, celle des matiè
5139 iques et privées, celle des matières premières et d’ une façon générale toute l’économie de guerre, laquelle représentait e
5140 remières et d’une façon générale toute l’économie de guerre, laquelle représentait environ les 9/10 de la production. Le j
5141 de guerre, laquelle représentait environ les 9/10 de la production. Le job a été bien fait : l’Allemagne et le Japon ont é
5142 emagne et le Japon ont été battus. Et les agences de contrôle des prix, de la main-d’œuvre et des matières premières se di
5143 été battus. Et les agences de contrôle des prix, de la main-d’œuvre et des matières premières se dissolvent l’une après l
5144 ères se dissolvent l’une après l’autre, sans trop d’ histoires. Ce qui veut dire que pendant quatre ans, l’Amérique a « nat
5145 son industrie et tout son commerce, sans dépense de salive patriotique, pour des raisons bien évidentes, connues de tous,
5146 iotique, pour des raisons bien évidentes, connues de tous, et qui ne relevaient point de la lutte des partis. C’est pourqu
5147 ntes, connues de tous, et qui ne relevaient point de la lutte des partis. C’est pourquoi les partis ne s’en sont point occ
5148 ont point occupés, et n’ont point jugé nécessaire de proclamer l’union sacrée, au terme de négociations dramatiques, coupé
5149 nécessaire de proclamer l’union sacrée, au terme de négociations dramatiques, coupées de pathétiques interventions des vi
5150 ée, au terme de négociations dramatiques, coupées de pathétiques interventions des vieux chefs, et de bouillantes interrup
5151 de pathétiques interventions des vieux chefs, et de bouillantes interruptions de la jeune garde. Les partis, dans les com
5152 des vieux chefs, et de bouillantes interruptions de la jeune garde. Les partis, dans les commissions du Congrès et du Sén
5153 ongrès et du Sénat, se sont bornés à des échanges d’ arguments souvent brutaux, au cours d’enquêtes rétrospectives sur l’ad
5154 es échanges d’arguments souvent brutaux, au cours d’ enquêtes rétrospectives sur l’administration de ces agences. Peu impor
5155 rs d’enquêtes rétrospectives sur l’administration de ces agences. Peu importe : le travail était fait. En France, les part
5156 a conduit à des crises mortelles. Alors les chefs de partis baissent le nez, font appel à l’union sacrée, et délèguent tou
5157 oir à l’État, qui est en l’espèce un nouveau chef de gouvernement. Ce dernier pris au dépourvu change subitement de direct
5158 nt. Ce dernier pris au dépourvu change subitement de direction — crise ministérielle, c’est-à-dire vidange des responsabil
5159 ment même où il devait en faire un usage maximum, de toute urgence. Ainsi le système français suppose que le nouveau venu,
5160 suppose que le nouveau venu, encore tout étourdi de sa puissance, et qui ne sait pas où l’on cache les dossiers, doit jug
5161 s. Les Anglais ont ce proverbe : « Ne changez pas de chevaux au milieu du fleuve ». Les Français prétendent empêcher un ac
5162 e ». Les Français prétendent empêcher un accident de chemin de fer en votant avec émotion le renvoi de l’ingénieur en chef
5163 de chemin de fer en votant avec émotion le renvoi de l’ingénieur en chef et son remplacement à la dernière seconde soit pa
5164 ciste convaincu, soit par un bénéficiaire éprouvé de la tradition dite nationale… Et si nous ne sommes pas là pour consen
5165 r consentir un prêt, payant la casse, vous parlez de notre hypocrisie… Avec tout cela, je me demande bien pourquoi nous ad
5166 une femme ! Pour sa grâce et pour ses faiblesses de grande coquette blessée, peut-être. Mais aussi pour une certaine sage
5167 nul autre pays du monde. Le sentez-vous ? À vous de n’en point abuser. C’est d’ailleurs très facile, me semble-t-il. Soye
5168 fut votre Herriot, que nous respectons. Et cessez de répéter sur notre compte des sottises pittoresques ou méprisantes. No
5169 pays qui marchent mal et qui nous créent le plus d’ ennuis ? L’Espagne et le Portugal, parce que ce sont des dictatures, e
5170 ge, ce qui est peu rationnel : ils feraient mieux de les équiper, puisque ce sont leurs colonies. L’Allemagne nous plaît m
5171 ’Allemagne nous plaît mieux que la Pologne : pays de blonds et les noirs sont suspects, tous les villains de nos films ont
5172 nds et les noirs sont suspects, tous les villains de nos films ont les cheveux noirs. De plus l’Allemand est propre et tra
5173 admiré Mussolini, comme l’ont fait les bourgeois d’ Europe : ce n’était pas un regular guy. Le Vatican a la plus vieille d
5174 à ce qui compte pour le commerce et pour l’avenir de la paix. Vous avez bien envie de savoir ce que je pense de l’URSS ? M
5175 et pour l’avenir de la paix. Vous avez bien envie de savoir ce que je pense de l’URSS ? Mais aussi… Une moitié de moi-même
5176 x. Vous avez bien envie de savoir ce que je pense de l’URSS ? Mais aussi… Une moitié de moi-même se révolte au spectacle d
5177 e que je pense de l’URSS ? Mais aussi… Une moitié de moi-même se révolte au spectacle de la mauvaise volonté international
5178 e la mauvaise volonté internationale des Soviets, de cette brutalité vis-à-vis de leurs sujets, de ce mépris de la vie hum
5179 ts, de cette brutalité vis-à-vis de leurs sujets, de ce mépris de la vie humaine en gros et en détail, de ce refus d’ouvri
5180 brutalité vis-à-vis de leurs sujets, de ce mépris de la vie humaine en gros et en détail, de ce refus d’ouvrir leurs front
5181 ce mépris de la vie humaine en gros et en détail, de ce refus d’ouvrir leurs frontières, de l’esclavage où ils tiennent le
5182 la vie humaine en gros et en détail, de ce refus d’ ouvrir leurs frontières, de l’esclavage où ils tiennent leur presse, e
5183 en détail, de ce refus d’ouvrir leurs frontières, de l’esclavage où ils tiennent leur presse, et de l’orgueil de parvenus
5184 s, de l’esclavage où ils tiennent leur presse, et de l’orgueil de parvenus de l’industrie et des sciences appliquées dont
5185 vage où ils tiennent leur presse, et de l’orgueil de parvenus de l’industrie et des sciences appliquées dont ils font mont
5186 tiennent leur presse, et de l’orgueil de parvenus de l’industrie et des sciences appliquées dont ils font montre même quan
5187 e même quand ils viennent chez nous. Cette moitié de moi n’irait peut-être pas jusqu’à demander une guerre préventive, mai
5188 e, mais elle l’accepterait sans doute dans le cas d’ un nouveau Pearl Harbor. Quant à l’autre moitié, elle ne demande qu’à
5189 moitié, elle ne demande qu’à s’ouvrir à l’amitié de ce grand peuple des plaines, qui se met à vous ressembler si curieuse
5190 eusement. Nous n’avons guère plus que lui le sens de la vie privée, nous avons le même goût de la production en masse et s
5191 le sens de la vie privée, nous avons le même goût de la production en masse et sans y regarder de trop près, du travail pa
5192 goût de la production en masse et sans y regarder de trop près, du travail par équipes, pour battre un record, du gaspilla
5193 ts et des beuveries. On dit que c’est la question de l’Asie qui nous sépare. Car en réalité, nous touchons à l’Asie. Nous
5194 ritime et cela compense la proximité géographique de la Russie. Pourquoi donc aurions-nous organisé, par les soins de la m
5195 ourquoi donc aurions-nous organisé, par les soins de la marine de guerre, et comme pour démontrer sa force à toute épreuve
5196 aurions-nous organisé, par les soins de la marine de guerre, et comme pour démontrer sa force à toute épreuve, les expérie
5197 montrer sa force à toute épreuve, les expériences de Bikini ? C’était un clair avertissement aux Russes. La Chine est un d
5198 n clair avertissement aux Russes. La Chine est un de nos grands marchés, le Japon un de nos gros clients. C’est là que les
5199 a Chine est un de nos grands marchés, le Japon un de nos gros clients. C’est là que les choses pourraient se gâter… Quant
5200 ont les cheveux noirs, attention. Mais dans trois de leurs États, les dernières élections se sont passées presque sans cou
5201 de fusil. Peut-être atteindront-ils bientôt l’âge de majorité civique où la démocratie devient possible… To sum up : Libe
5202 urope peut aider l’Amérique Comme je m’en veux de chacun de mes articles trop favorables ou trop critiques sur l’Amériq
5203 aider l’Amérique Comme je m’en veux de chacun de mes articles trop favorables ou trop critiques sur l’Amérique ! Car l
5204 tre vrai. Car ces rêveurs sont aussi, et souvent, de vieux cornichons à lunettes, aux lèvres minces, sachant compter leurs
5205 sachant compter leurs sous et damner les buveurs de whisky ; ces fils de puritains, de charmants petits coquins ; ces jou
5206 s sous et damner les buveurs de whisky ; ces fils de puritains, de charmants petits coquins ; ces joueurs de base-ball, de
5207 er les buveurs de whisky ; ces fils de puritains, de charmants petits coquins ; ces joueurs de base-ball, de pédants logic
5208 itains, de charmants petits coquins ; ces joueurs de base-ball, de pédants logiciens ; ces grands souriants, des névrosés 
5209 rmants petits coquins ; ces joueurs de base-ball, de pédants logiciens ; ces grands souriants, des névrosés ; ces dynamiqu
5210 s ; et ces pieux catholiques des amateurs réjouis de confessionnaux climatisés munis d’une « grille désodorisante »… Ils s
5211 ateurs réjouis de confessionnaux climatisés munis d’ une « grille désodorisante »… Ils sont modernes. Car avec une belle én
5212 nes. Car avec une belle énergie et beaucoup moins de naïveté que nous ne le pensons, ils embrassent mieux que nous la conf
5213 carrément, et ils l’exploitent non sans une sorte de bon sens pour que le plus grand nombre en tire le plus de profit. Com
5214 ens pour que le plus grand nombre en tire le plus de profit. Comme tous ceux qui décrivent une nation étrangère, j’ai péch
5215 i échappe par définition à toute formule ou forme d’ expression, c’est l’incohérence du réel. (Tout ce que l’on peut en dir
5216 Or justement, la civilisation américaine souffre d’ une grave incohérence interne. Mais je vois bien que je n’ai pas su la
5217 ue je la sens et peut-être n’y parviendrai-je que d’ une manière négative : en suggérant certaines mesures et attitudes spi
5218 ou proposer à l’Amérique. Cinq choses témoignent de l’esprit et de sa présence active dans une culture. Les meilleurs d’e
5219 l’Amérique. Cinq choses témoignent de l’esprit et de sa présence active dans une culture. Les meilleurs d’entre nous les o
5220 ds ; saurons-nous garder au moins cela ? Le goût de la complexité. La tendance à simplifier, à géométriser, typique d’une
5221 La tendance à simplifier, à géométriser, typique d’ une civilisation mécanisée, est signe de lourdeur d’esprit, de paresse
5222 , typique d’une civilisation mécanisée, est signe de lourdeur d’esprit, de paresse d’âme, d’appauvrissement de la vitalité
5223 une civilisation mécanisée, est signe de lourdeur d’ esprit, de paresse d’âme, d’appauvrissement de la vitalité. En politiq
5224 sation mécanisée, est signe de lourdeur d’esprit, de paresse d’âme, d’appauvrissement de la vitalité. En politique, c’est
5225 nisée, est signe de lourdeur d’esprit, de paresse d’ âme, d’appauvrissement de la vitalité. En politique, c’est le respect
5226 est signe de lourdeur d’esprit, de paresse d’âme, d’ appauvrissement de la vitalité. En politique, c’est le respect des com
5227 eur d’esprit, de paresse d’âme, d’appauvrissement de la vitalité. En politique, c’est le respect des complexités organique
5228 peut seul ménager des libertés réelles. Le sens de l’échec, de sa nécessité métaphysique et de sa valeur d’enseignement
5229 énager des libertés réelles. Le sens de l’échec, de sa nécessité métaphysique et de sa valeur d’enseignement spirituel. L
5230 sens de l’échec, de sa nécessité métaphysique et de sa valeur d’enseignement spirituel. La croyance exclusive et la réuss
5231 hec, de sa nécessité métaphysique et de sa valeur d’ enseignement spirituel. La croyance exclusive et la réussite est le si
5232 La croyance exclusive et la réussite est le signe d’ une vue bornée de notre condition humaine, de même que le goût des for
5233 sive et la réussite est le signe d’une vue bornée de notre condition humaine, de même que le goût des formes parfaitement
5234 rfaitement arrondies révèle une pauvre conception de l’art. Le sens des formes, des symboles, des signes et des correspon
5235 rrespondances. On ne peut pas impunément se vêtir de n’importe quelle couleur, sous prétexte que cela « fait bien », const
5236 « fait bien », construire une banque qui a l’air d’ une église, et une église qui a l’air gothique quand plus rien ne l’es
5237 thique quand plus rien ne l’est en nous ni autour d’ elle. Un peuple, s’il éduque son sens des formes, cesse d’imiter et se
5238 Un peuple, s’il éduque son sens des formes, cesse d’ imiter et se met à créer. La réduction du fait à une signification. L
5239 faits seuls, aux faits bruts, c’est une timidité de l’esprit qui recule devant son acte propre : donner un sens, voir au-
5240 au-delà, relier les moyens aux fins. La volonté de prendre conscience. J’ai dit qu’ils rêvent. J’ajouterai qu’ils détest
5241 s ils préfèrent l’anesthésie. Aussi n’ont-ils pas de philosophes, ni de mystiques, mais beaucoup de paradis artificiels à
5242 nesthésie. Aussi n’ont-ils pas de philosophes, ni de mystiques, mais beaucoup de paradis artificiels à bon marché : l’alco
5243 rman et les sports à la radio. Et ils s’entourent d’ objets polis, luisants, emballés dans de la cellophane, qui n’offrent
5244 entourent d’objets polis, luisants, emballés dans de la cellophane, qui n’offrent plus d’aspérités et ne posent plus aucun
5245 mballés dans de la cellophane, qui n’offrent plus d’ aspérités et ne posent plus aucune question ; de mécanismes qui répond
5246 s d’aspérités et ne posent plus aucune question ; de mécanismes qui répondent à leur place ; et de musiques qui empêchent
5247 n ; de mécanismes qui répondent à leur place ; et de musiques qui empêchent d’entendre le silence. Ils s’imaginent qu’un c
5248 ndent à leur place ; et de musiques qui empêchent d’ entendre le silence. Ils s’imaginent qu’un certain nombre de recettes
5249 le silence. Ils s’imaginent qu’un certain nombre de recettes et de martingales, — d’ailleurs communiquées à tous les joue
5250 s s’imaginent qu’un certain nombre de recettes et de martingales, — d’ailleurs communiquées à tous les joueurs — suffiraie
5251 gagne. Enfin, ils ne croient pas au Mal… Le krach de 1928, Hitler, la guerre, et quelques privations ont causé les premièr
5252 ont causé les premières fissures dans cet édifice d’ inconscience que chacun s’ingéniait à rendre étanche, — inconsciemment
5253 là des secousses extérieures. Qui sait si une loi de l’esprit ne les rend pas d’autant plus fortes et fréquentes que les p
5254 . Qui sait si une loi de l’esprit ne les rend pas d’ autant plus fortes et fréquentes que les poussées intimes de la consci
5255 lus fortes et fréquentes que les poussées intimes de la conscience sont plus méthodiquement refoulées ? Qui sait quels mal
5256 it quels malheurs historiques un réveil spirituel de l’Amérique ne pourrait pas lui épargner ? Si l’Europe peut y contribu
5257 l’Europe peut y contribuer, elle aura bien mérité de la planète. Comment l’Amérique peut aider l’Europe Seuls, les E
5258 sur tout autre pays que je connaisse, l’avantage d’ accueillir les critiques avec mieux que de la tolérance : avec une vol
5259 vantage d’accueillir les critiques avec mieux que de la tolérance : avec une volonté souriante mais sérieuse d’apprendre e
5260 érance : avec une volonté souriante mais sérieuse d’ apprendre et de s’améliorer. J’y vois la marque de sa force. Qui n’a p
5261 ne volonté souriante mais sérieuse d’apprendre et de s’améliorer. J’y vois la marque de sa force. Qui n’a pas lu les érein
5262 d’apprendre et de s’améliorer. J’y vois la marque de sa force. Qui n’a pas lu les éreintements de l’esprit américain auxqu
5263 rque de sa force. Qui n’a pas lu les éreintements de l’esprit américain auxquels se livrent avec exubérance les revues et
5264 este du monde en a besoin — ne vous contentez pas d’ appeler périodiquement l’Amérique à votre secours, quitte à la méprise
5265 es. Libérons-nous à leur contact, à leur exemple, de l’esprit villageois. Apprenons d’eux à mépriser le politicien mais à
5266 à leur exemple, de l’esprit villageois. Apprenons d’ eux à mépriser le politicien mais à respecter l’homme d’État ; à perdr
5267 ur, et à gagner sans écœurer le vaincu. Apprenons d’ eux à tenir parole, à nous laver, à boire du lait, à être à l’heure, à
5268 ceux qui ont d’autres allures que nous. Apprenons d’ eux la valeur créatrice d’un certain gaspillage lyrique, dans tous les
5269 res que nous. Apprenons d’eux la valeur créatrice d’ un certain gaspillage lyrique, dans tous les domaines de la vie ; car
5270 ertain gaspillage lyrique, dans tous les domaines de la vie ; car notre économie minutieuse des moyens, surestimée par l’É
5271 toute la morale bourgeoise, trahit aussi un vice de l’âme. Apprenons d’eux le sens spirituel de la mise en pratique à tou
5272 rgeoise, trahit aussi un vice de l’âme. Apprenons d’ eux le sens spirituel de la mise en pratique à tous risques d’un idéal
5273 vice de l’âme. Apprenons d’eux le sens spirituel de la mise en pratique à tous risques d’un idéal même imparfait ; car no
5274 s spirituel de la mise en pratique à tous risques d’ un idéal même imparfait ; car notre rigorisme intellectuel masque souv
5275 igorisme intellectuel masque souvent des lâchetés de frileux. Enfin, apprenons d’eux le souci d’être dignes non seulement
5276 souvent des lâchetés de frileux. Enfin, apprenons d’ eux le souci d’être dignes non seulement d’un passé qui nous a faits,
5277 hetés de frileux. Enfin, apprenons d’eux le souci d’ être dignes non seulement d’un passé qui nous a faits, mais surtout d’
5278 renons d’eux le souci d’être dignes non seulement d’ un passé qui nous a faits, mais surtout d’un avenir qu’il dépend de no
5279 ulement d’un passé qui nous a faits, mais surtout d’ un avenir qu’il dépend de nous de faire. Cette attitude détient le sec
5280 us a faits, mais surtout d’un avenir qu’il dépend de nous de faire. Cette attitude détient le secret de la liberté. Car il
5281 ts, mais surtout d’un avenir qu’il dépend de nous de faire. Cette attitude détient le secret de la liberté. Car il n’est d
5282 e nous de faire. Cette attitude détient le secret de la liberté. Car il n’est de liberté réelle qu’en avant, dans tous les
5283 ude détient le secret de la liberté. Car il n’est de liberté réelle qu’en avant, dans tous les ordres, à chaque instant, —
5284 fermant ce petit livrebh. bf. Rougemont Denis de , « Épilogue [L’homme américain] », Esprit, Paris, novembre 1946, p. 7
5285 p. 741-748. bg. L’article clôt un numéro spécial d’ Esprit sur le thème de « L’homme américain ». bh. Il s’agit de Vivre
5286 icle clôt un numéro spécial d’Esprit sur le thème de « L’homme américain ». bh. Il s’agit de Vivre en Amérique , qui par
5287 le thème de « L’homme américain ». bh. Il s’agit de Vivre en Amérique , qui paraîtra chez Stock en 1947.
48 1948, Esprit, articles (1932–1962). Thèses du fédéralisme (novembre 1948)
5288 démissionnaire, colonisée, c’est un certain sens de la vie, une certaine « conscience » de l’humain, oui, l’âme d’une civ
5289 rtain sens de la vie, une certaine « conscience » de l’humain, oui, l’âme d’une civilisation qui serait perdue, perdue pou
5290 e certaine « conscience » de l’humain, oui, l’âme d’ une civilisation qui serait perdue, perdue pour tous et non seulement
5291 ’il nous faut défendre l’Europe, mais au seul nom de l’humanité la plus consciente et la plus créatrice de l’homme. […] O
5292 ’humanité la plus consciente et la plus créatrice de l’homme. […] Or, il s’en faut de beaucoup que les Européens soient u
5293 plus créatrice de l’homme. […] Or, il s’en faut de beaucoup que les Européens soient unanimes à tenir activement le part
5294 péens soient unanimes à tenir activement le parti de cette Europe, de ses complexités vitales, de sa culture. Une analyse
5295 imes à tenir activement le parti de cette Europe, de ses complexités vitales, de sa culture. Une analyse sociologique asse
5296 arti de cette Europe, de ses complexités vitales, de sa culture. Une analyse sociologique assez grossière suffit à révéler
5297 suffit à révéler dans tout le continent une sorte de clivage et un double tropisme. Les masses industrielles, dans leur pa
5298 e, regardent vers la Russie, et les grands hommes d’ affaires regardent vers l’Amérique. À tort ou à raison — je n’en juge
5299 eux que leur nation ce qu’ils attendent eux-mêmes de la vie. Ainsi ce ne sont pas seulement les idéaux de progrès collecti
5300 la vie. Ainsi ce ne sont pas seulement les idéaux de progrès collectiviste ou de progrès capitaliste qui ont quitté notre
5301 seulement les idéaux de progrès collectiviste ou de progrès capitaliste qui ont quitté notre continent, mais, à leur suit
5302 é. La bourgeoisie, dans son ensemble, se contente d’ un double refus de la Russie et de l’Amérique, se résigne à la décaden
5303 dans son ensemble, se contente d’un double refus de la Russie et de l’Amérique, se résigne à la décadence, ou la déplore
5304 le, se contente d’un double refus de la Russie et de l’Amérique, se résigne à la décadence, ou la déplore mais sans faire
5305 igadés d’une part, les provinciaux et campagnards de l’autre. C’est-à-dire les esprits les plus libérés et les plus attach
5306 sion ou position. Ne demandons pas l’instauration d’ une fédération européenne pour que se crée un troisième bloc, un bloc-
5307 frontières et visas, renonçant au dogme meurtrier de la souveraineté absolue, créent ainsi une attitude nouvelle, une conf
5308 Ce qu’il nous faut demander et obtenir — obtenir de nous-mêmes tout d’abord — c’est que le génie de l’Europe découvre et
5309 r de nous-mêmes tout d’abord — c’est que le génie de l’Europe découvre et qu’il propage les antitoxines des virus dont il
5310 virus dont il a infesté le monde entier. Il n’y a de fédération européenne imaginable qu’en vue d’une fédération mondiale.
5311 y a de fédération européenne imaginable qu’en vue d’ une fédération mondiale. Il n’y a de paix et donc d’avenir imaginable
5312 ble qu’en vue d’une fédération mondiale. Il n’y a de paix et donc d’avenir imaginable que dans l’effort pour instaurer un
5313 une fédération mondiale. Il n’y a de paix et donc d’ avenir imaginable que dans l’effort pour instaurer un vrai gouvernemen
5314 ent mondial. Et le monde, pour ce faire, a besoin de l’Europe, j’entends de son esprit critique autant que de son sens inv
5315 e, pour ce faire, a besoin de l’Europe, j’entends de son esprit critique autant que de son sens inventif. […] La fédératio
5316 rope, j’entends de son esprit critique autant que de son sens inventif. […] La fédération européenne ne sera pas l’œuvre d
5317 éenne ne sera pas l’œuvre des gouvernants chargés de défendre les intérêts de leur nation contre le reste du monde. La féd
5318 des gouvernants chargés de défendre les intérêts de leur nation contre le reste du monde. La fédération sera l’œuvre de g
5319 tre le reste du monde. La fédération sera l’œuvre de groupes et de personnes qui prendront l’initiative de se fédérer en d
5320 u monde. La fédération sera l’œuvre de groupes et de personnes qui prendront l’initiative de se fédérer en dehors des gouv
5321 roupes et de personnes qui prendront l’initiative de se fédérer en dehors des gouvernements nationaux. Et ce sont ces grou
5322 es et ces personnes qui formeront le gouvernement de l’Europe. Il n’y a pas d’autre voie possible et praticable. Les USA n
5323 rmeront le gouvernement de l’Europe. Il n’y a pas d’ autre voie possible et praticable. Les USA ne sont pas dirigés par une
5324 . Ces deux fédérations sont gouvernées, au-dessus de leurs États, et en dehors d’eux, par un exécutif et un législatif iss
5325 surmonter — voyez la Suisse — les vieux conflits de races, de langues et de religions sclérosés dans le nationalisme et l
5326 — voyez la Suisse — les vieux conflits de races, de langues et de religions sclérosés dans le nationalisme et le problème
5327 isse — les vieux conflits de races, de langues et de religions sclérosés dans le nationalisme et le problème des minorités
5328 asser l’opposition chaque jour moins convaincante d’ une gauche qui défend la contrainte et d’une droite qui revendique les
5329 aincante d’une gauche qui défend la contrainte et d’ une droite qui revendique les libertés : le but, l’essence de la pensé
5330 e qui revendique les libertés : le but, l’essence de la pensée fédéraliste étant précisément de trouver les moyens d’artic
5331 ssence de la pensée fédéraliste étant précisément de trouver les moyens d’articuler, d’arranger sans les tuer, les diversi
5332 déraliste étant précisément de trouver les moyens d’ articuler, d’arranger sans les tuer, les diversités de tous ordres (po
5333 nt précisément de trouver les moyens d’articuler, d’ arranger sans les tuer, les diversités de tous ordres (politiques auss
5334 ticuler, d’arranger sans les tuer, les diversités de tous ordres (politiques aussi bien qu’économiques) dans un corps, non
5335 tique par excellence, n’en déplaise aux sectaires de tous bords. […] À l’homme considéré comme pur individu, libre mais no
5336 ond le régime fédéraliste. bi. Rougemont Denis de , « Thèses du fédéralisme », Esprit, Paris, novembre 1948, p. 608-610.
5337 Paris, novembre 1948, p. 608-610. bj. Il s’agit d’ extraits de différents discours prononcés par Denis de Rougemont, et r
5338 embre 1948, p. 608-610. bj. Il s’agit d’extraits de différents discours prononcés par Denis de Rougemont, et réunis dans
5339 pe en jeu . Ils sont reproduits ici dans le cadre d’ un numéro spécial d’Esprit sur le thème « Les deux visages du fédérali
5340 reproduits ici dans le cadre d’un numéro spécial d’ Esprit sur le thème « Les deux visages du fédéralisme européen ».
49 1962, Esprit, articles (1932–1962). Lettre à Jean-Marie Domenach, à propos de « Sartre et l’Europe » (mai 1962)
5341 ai 1962)bk bl Vous constatez dans votre numéro de mars que lorsque Sartre attaque l’Europe « au fond, il ne fait que pe
5342 ase signifie, à vous en croire, que deux millions de personnes déplacées, la torture et « notre désastre spirituel » sont
5343 foie gras circule » en Europe. Vous vous flattez d’ avoir en commun avec Sartre « le sens d’une responsabilité européenne 
5344 s flattez d’avoir en commun avec Sartre « le sens d’ une responsabilité européenne », sens qui me fait évidemment défaut s’
5345 i qu’il se définit par « la conscience épouvantée d’ une déchéance et d’un reniement », tandis que je ne m’occupe comme cha
5346 par « la conscience épouvantée d’une déchéance et d’ un reniement », tandis que je ne m’occupe comme chacun sait que d’une
5347 , tandis que je ne m’occupe comme chacun sait que d’ une Europe des « règlements de douanes » et du « foie gras » : c’est e
5348 mme chacun sait que d’une Europe des « règlements de douanes » et du « foie gras » : c’est en son nom, dites-vous, que je
5349 ons donc ! Je vois bien qu’il vous est nécessaire d’ un peu me calomnier d’abord pour couvrir vos réserves sur le point de
5350 ord pour couvrir vos réserves sur le point de vue de Sartre. Mon article vous a servi : l’attaquer dépannait vos critiques
5351 épannait vos critiques aux yeux des bien-pensants d’ une certaine gauche, sectaire comme on ne l’est qu’à vingt ans. Ceci d
5352 urs sachent aussi que mon article ne traitait pas de l’Algérie, ni de « l’Europe » mythique qu’injurie Sartre, mais du rôl
5353 que mon article ne traitait pas de l’Algérie, ni de « l’Europe » mythique qu’injurie Sartre, mais du rôle de l’Europe his
5354 Europe » mythique qu’injurie Sartre, mais du rôle de l’Europe historique dans le monde, et notamment des tâches dont elle
5355 re nationaliste du tiers-monde, l’heure n’est pas de cracher sur nos valeurs, mais de les prendre nous-mêmes au sérieux et
5356 ’heure n’est pas de cracher sur nos valeurs, mais de les prendre nous-mêmes au sérieux et d’en tirer les conséquences prat
5357 urs, mais de les prendre nous-mêmes au sérieux et d’ en tirer les conséquences pratiques pour le tiers-monde et pour l’Euro
5358 conscience, notre rage autopunitive ou l’alliance de nos reniements, mais un exemple réussi de dépassement de l’ère nation
5359 lliance de nos reniements, mais un exemple réussi de dépassement de l’ère nationaliste — et donc de l’ère colonialiste — p
5360 reniements, mais un exemple réussi de dépassement de l’ère nationaliste — et donc de l’ère colonialiste — par le moyen d’u
5361 si de dépassement de l’ère nationaliste — et donc de l’ère colonialiste — par le moyen d’une grande fédération. Ceux qui p
5362 te — et donc de l’ère colonialiste — par le moyen d’ une grande fédération. Ceux qui perdront la face aux yeux de l’histoir
5363 de fédération. Ceux qui perdront la face aux yeux de l’histoire, ce seront ceux qui auront dit que l’Europe était finie, q
5364 dit que l’Europe était finie, quand il s’agissait de la faire. » C’était cela, l’essentiel de ma réponse à Sartre, et non
5365 agissait de la faire. » C’était cela, l’essentiel de ma réponse à Sartre, et non ces « additions d’automobiles et de pomme
5366 el de ma réponse à Sartre, et non ces « additions d’ automobiles et de pommes de terre », qu’il vous plaît de m’attribuer,
5367 à Sartre, et non ces « additions d’automobiles et de pommes de terre », qu’il vous plaît de m’attribuer, et qu’il vous est
5368 mobiles et de pommes de terre », qu’il vous plaît de m’attribuer, et qu’il vous est loisible de juger bassement matérialis
5369 plaît de m’attribuer, et qu’il vous est loisible de juger bassement matérialistes, n’étant ni Russe ni du tiers-monde.
5370 i Russe ni du tiers-monde. bk. Rougemont Denis de , « Lettre à Jean-Marie Domenach, à propos de “Sartre et l’Europe” »,
5371 877-878. bl. La lettre de Rougemont est précédée de l’introduction suivante de Jean-Marie Domenach : « À la suite de la c
5372 Rougemont est précédée de l’introduction suivante de Jean-Marie Domenach : « À la suite de la chronique que j’avais consac
5373 Europe” (Esprit, mars 1962), j’ai reçu une lettre de Denis de Rougemont dont on trouvera le texte ci-dessous. Toute polémi
5374 xte ci-dessous. Toute polémique comporte une part de grossissement. J’avais pris l’article de Rougemont comme symbole d’un
5375 J’avais pris l’article de Rougemont comme symbole d’ un “européanisme” obsédé par le progrès économique ; je m’étais étonné
5376 incu que D. de Rougemont ne sente pas ce scandale de l’Europe qui inspirait la fureur de Sartre. Je suis heureux que Rouge
5377 s ce scandale de l’Europe qui inspirait la fureur de Sartre. Je suis heureux que Rougemont souligne lui-même ce qui était,
5378 e lui-même ce qui était, effectivement, un aspect de son article. Pour le reste, il se peut que son texte m’ait “servi”, c
5379 xte m’ait “servi”, comme il dit. Après quinze ans de métier, je reste, comme au premier jour, déconcerté par certaine psyc
5380 intentions, et ne parviens pas à me trouver tant d’ astuce. Je me contente donc d’assurer Rougemont que son article m’a ag
5381 s à me trouver tant d’astuce. Je me contente donc d’ assurer Rougemont que son article m’a agacé et m’a mis en colère, d’où
5382 t que son article m’a agacé et m’a mis en colère, d’ où l’interprétation polémique que j’en ai faite. » L’article de Rougem
5383 r 1962, est également reproduit dans Les Chances de l’Europe .