1 1932, Esprit, articles (1932–1962). À l’index (Première liste) : Candide (octobre 1932)
1 ande officieuse. M. Marcel Hutin n’a qu’à bien se tenir . La réussite est si complète qu’on se sent pris de malaise. Voyons, s
2 Marcel Hutin n’a qu’à bien se tenir. La réussite est si complète qu’on se sent pris de malaise. Voyons, sommes-nous encore
3 i complète qu’on se sent pris de malaise. Voyons, sommes -nous encore en 1916 ? s’agit-il encore de revanche ? S’agit-il encore
4 s, et plus encore les légendes de M. Hermann-Paul sont d’une imbécillité proprement répugnante et qu’il faudrait qualifier d
5 qu’il faudrait qualifier de criminelle si elle n’ était avant tout veule, plate et sénile, au point de perdre toute efficacit
6 le de tout ce qu’il y a d’honnête dans son public soit à coup sûr d’écœurement et de mépris, devant cette déjection, grassem
2 1932, Esprit, articles (1932–1962). On oubliera les juges (novembre 1932)
7 ien notre monde. Mais une pensée qui n’agit pas n’ est plus de la pensée ; une action qu’on ne « pense » pas ne peut pas êtr
8 e ; une action qu’on ne « pense » pas ne peut pas être créatrice. En tant que révolutionnaires, c’est de ce point de vue cen
9 ivée, dans l’état où se trouve la France en 1932. Est -ce à dire qu’il faille entreprendre une description méthodique des ci
10 rer l’absurdité latente et souvent manifeste ? Ce serait faire la part trop belle au monde, que nous refusons. Mais il peut êt
11 p belle au monde, que nous refusons. Mais il peut être utile d’en dégager ce que l’on appellerait l’équation de décadence, d
12 use » des vies privées. Ah oui ! si la Révolution était faite déjà ! Elle ne l’est guère que dans nos cœurs, — et toujours à
13 i ! si la Révolution était faite déjà ! Elle ne l’ est guère que dans nos cœurs, — et toujours à recommencer. Ce que l’insta
14 e que l’instant commande, dans le monde tel qu’il est , n’est-ce pas, d’une façon plus urgente, « l’observation révolutionna
15 ’instant commande, dans le monde tel qu’il est, n’ est -ce pas, d’une façon plus urgente, « l’observation révolutionnaire » d
16 ble sabres et képis, s’assied pour écouter : tout est jugé d’avance. Deux heures durant, quelques pasteurs et quelques écri
17 son acte. Les autres appliquent un tarif. ⁂ Je ne suis pas antimilitariste. Je ne suis même pas pacifiste. Eussè-je été tent
18 un tarif. ⁂ Je ne suis pas antimilitariste. Je ne suis même pas pacifiste. Eussè-je été tenté de le devenir qu’il m’eût été
19 itariste. Je ne suis même pas pacifiste. Eussè-je été tenté de le devenir qu’il m’eût été difficile de persister après le r
20 ste. Eussè-je été tenté de le devenir qu’il m’eût été difficile de persister après le réquisitoire du Commissaire du gouver
21 ssaire du gouvernement. Non pas que ses arguments fussent bien neufs, ni même honnêtement choisis. Mais simplement sa conclusio
22 ée de Pascal en l’attribuant à Pasteur. On peut n’ être pas difficile : on tient tout de même à choisir ses complices. Sans e
23 uant à Pasteur. On peut n’être pas difficile : on tient tout de même à choisir ses complices. Sans entrer donc dans le vif du
24 cte la preuve d’une obéissance à Dieu qui devrait être celle de tout croyant ; ou s’il a seulement manifesté sa vocation par
25 briqué pour leur usage par les hommes de ce temps est à tous points de vue le plus irrespirable à l’homme. 2° Les fondement
26 homme. 2° Les fondements idéologiques de ce monde sont morts ou n’en valent guère mieux, tant ils sont enrobés de crasse hyp
27 e sont morts ou n’en valent guère mieux, tant ils sont enrobés de crasse hypocrisie par la bureaucratie bourgeoise et milita
28 par accident des principes fondamentaux du régime sont en contradiction formelle avec les actes juridiques déduits par voie
29 rtin parce qu’il refuse de faire la guerre. (Ça n’ est pas tout à fait des mêmes braves gens qu’il s’agit dans les deux cas,
30 it le pasteur Cooreman. C’était le Christ. Martin est coupable de l’avoir accepté. » Sur quoi le commissaire du gouvernemen
31 gouvernement croit pouvoir remarquer « que l’on n’ est pas ici pour parler de théologie et de subtile philosophie ». André P
32 de la rue du Cherche-Midi présente cet avantage d’ être une véritable « manifestation du régime ». Tout aveu de cet ordre con
33 seul se permit de répondre que toutes les guerres sont défensives. Quelqu’un me demandait, à la sortie : « Avez-vous jamais
34  Avez-vous jamais vu un soldat défensif ? Comment est -ce que c’est fait ? » 7° Certes, l’on peut tirer de ces débats une co
35 conclusion précise : la question du service civil est ouverte. Une carrière pour les réformistes ! Mais il faut rendre à Ma
36 eurer pacifiste. Dans un régime social où tout se tient , mais par la seule logique de la décomposition nécessaire de principe
37 rupture consommée. Tout homme qui agit, sa pensée est en rupture de bourgeoisie. Jacques Martin, dans sa prison, témoigne p
3 1933, Esprit, articles (1932–1962). Comment rompre ? (mars 1933)
38 e. Kierkegaard (Journal). La volonté de rupture est l’origine même du christianisme ; c’est pourquoi l’apparition d’une v
39 ure la lutte le christianisme vainc : sa victoire est d’être éveillé. Tel est pour lui l’ordre, le commandement. Mais que l
40 lutte le christianisme vainc : sa victoire est d’ être éveillé. Tel est pour lui l’ordre, le commandement. Mais que les chré
41 nisme vainc : sa victoire est d’être éveillé. Tel est pour lui l’ordre, le commandement. Mais que les chrétiens, fatigués d
42 ns, fatigués de la lutte, viennent à croire qu’il est une autre façon de vaincre, et que c’est de réduire l’adversaire à un
43 tout dit pour la rendormir, mais en vain : elle s’ est fait mal, et la douleur tient réveillé. On a essayé de nous faire cro
44 mais en vain : elle s’est fait mal, et la douleur tient réveillé. On a essayé de nous faire croire que cet « ordre » social q
45 eux qui réellement gouvernent. (On sait ce qu’ils sont .) Il faut qu’un cri jaillisse : c’en est fait du christianisme de la
46 qu’ils sont.) Il faut qu’un cri jaillisse : c’en est fait du christianisme de la chrétienté ! Car ce cri est le témoignage
47 it du christianisme de la chrétienté ! Car ce cri est le témoignage d’un réveil. Et quand bien même il ne serait poussé que
48 témoignage d’un réveil. Et quand bien même il ne serait poussé que par quelques-uns, rien ni personne ne pourra faire qu’il n
49 é de rupture, ce témoignage qui chaque fois qu’il est porté, rétablit le christianisme et sa nouveauté menaçante. ⁂ Que la
50 pourra s’opérer qu’au lieu même où la collusion s’ est faite. Or elle n’a pas pu se faire entre le christianisme et l’injust
51 istant que pour autant qu’il exclut l’autre. Ce n’ est pas le christianisme qui a confondu sa cause avec celle de la bourgeo
52 Mais c’est un parti de gens qui, ayant peut-être été chrétiens, veulent en tirer des intérêts, abusent de ce qu’ils consid
53 ter un titre désormais irrecevable. Ce parti peut être aussi nombreux que l’on voudra, il peut représenter la grande majorit
54 ciel et le plus puissant de la chrétienté, — il n’ est pas le christianisme, et ce n’est pas à lui de rompre avec l’injustic
55 étienté, — il n’est pas le christianisme, et ce n’ est pas à lui de rompre avec l’injustice dont il s’est fait le soutien, e
56 st pas à lui de rompre avec l’injustice dont il s’ est fait le soutien, et qui, depuis, assure son succès relatif. Une églis
57 uste du monde et s’appuyant sur lui, en réalité n’ est plus l’Église et n’a plus le droit de parler ; elle n’est plus qu’une
58 l’Église et n’a plus le droit de parler ; elle n’ est plus qu’une précieuse auxiliaire de la préfecture de police. Qu’on n’
59 s ne pourront qu’attester par là même qu’elles ne sont plus le christianisme, qu’elles sont incapables de rupture, qu’elles
60 qu’elles ne sont plus le christianisme, qu’elles sont incapables de rupture, qu’elles ont passé au camp de l’ennemi, et dep
61 ut à fait impossible, parce que la « chrétienté » est sécularisée, et qu’on ne peut demander à ce siècle de rompre avec lui
62 réclame encore au moment où elle le trahit. Telle sera donc la forme et tel sera le premier lieu de la rupture nécessaire :
63 ù elle le trahit. Telle sera donc la forme et tel sera le premier lieu de la rupture nécessaire : la dénonciation d’une impo
64 ore au nom du christianisme. ⁂ Le christianisme n’ est pas une puissance à notre disposition, puissance que les hommes aurai
65 onstituées, existant en elles-mêmes, qui auraient été introduites dans le monde par Dieu, que nous aurions mal dirigées, co
66 ne manière imprévisible. La seule liberté qui lui soit accordée vis-à-vis de la foi, c’est de la refuser. Comment dès lors l
67 une tout autre force que celle de la foi. Ce peut être sur une éthique de puissance et de service ; ou sur une éthique de bo
68 ore. Toutes ces formules d’« ordre chrétien » ont été plus ou moins réalisées, et constituent dans leur ensemble, du Moyen
69 e sur son plan réel. Or, le lieu de sa décision n’ est pas le lieu des décisions et des calculs humains ; il est à l’intérie
70 le lieu des décisions et des calculs humains ; il est à l’intérieur de la religion. Les églises qui se crurent en droit d’é
71 ion antichrétienne de la foi. La foi, pour elles, est une « force » que l’homme peut se procurer, apprivoiser, réglementer,
72 aurait, une fois pour toutes. Et cette possession serait en quelque sorte garantie par des institutions de plus en plus humain
73 u, et gratuit — « afin que nul ne se glorifie » — est une participation instantanée à l’éternel, elle juge et condamne ceux
74 hrétien, dans toute politique humaine organisée — fût -ce à la gloire de Dieu ! — qui poursuivrait son plan sans se soucier
75 ipiterai, dit l’Éternel… Car le jour de l’Éternel est proche pour toutes les nations. » (Abdias II, 3-4 et 15). Ils ont pré
76 ainsi : « Dans cette philosophie et cette morale est délibérément supprimée toute idée de liberté, toute idée de propriété
77 hrétienne, l’idée religieuse, l’idée même de Dieu est abolie… » Ne pouvant supporter l’idée que cette « idée » soit abolie,
78  » Ne pouvant supporter l’idée que cette « idée » soit abolie, le père de la Brière lance un vibrant appel aux écrivains : q
79 ens menteurs ! — et je lui répondrai : Ta révolte est la mienne, mon humaine révolte. Mais j’en ai une autre plus profonde 
80 uffres ; mais j’ai encore plus à souffrir, car je suis encore plus sceptique que toi… Tu ne crois pas, dis-tu à ces docteurs
81 sais quelles régions spirituelles dont tout leur être — et cette maladie même ! — prouvent l’inexistence ou la disparition.
82 n leur répond qu’il y a prescription : l’Esprit n’ est plus avec ceux qui ont intérêt à le défendre. L’Esprit n’est plus ave
83 ec ceux qui ont intérêt à le défendre. L’Esprit n’ est plus avec ceux qui ont cru pouvoir l’utiliser. L’esprit n’est jamais
84 c ceux qui ont cru pouvoir l’utiliser. L’esprit n’ est jamais avec ceux qui le défendent6, mais peut-être avec ceux qu’il ex
85 i, c’est faire en sorte simplement, qu’il cesse d’ être « établi ». Qu’il ait pu l’être, la faute n’en est pas à lui, mais à
86 nt, qu’il cesse d’être « établi ». Qu’il ait pu l’ être , la faute n’en est pas à lui, mais à la défection du christianisme ;
87 re « établi ». Qu’il ait pu l’être, la faute n’en est pas à lui, mais à la défection du christianisme ; à cette défection é
88 la seule force qui le dominait. « Car le péché n’ est pas le dérèglement de la chair et du sang, mais le consentement de l’
89 déterminations de l’avenir. L’office de l’Église est en tout temps de dire au monde : Tu ne dois pas ! Mais c’est à la foi
90 s engager que moi-même, hic et nunc. La politique est affaire de systèmes ; mais l’ordre, pour le chrétien, sera toujours d
91 ire de systèmes ; mais l’ordre, pour le chrétien, sera toujours de vouloir sur le champ le plus juste. Car ce qui manifeste
92 foi, c’est le choix et non pas le système : il n’ est de choix que personnel. Ainsi le rôle de l’Église doit-il rester de p
93 ne se confond pas avec l’enjeu de son salut. Tel est le paradoxe, qui remonte au cœur même du christianisme, si le christi
94 u cœur même du christianisme, si le christianisme est la foi au Christ « éternellement actuel ». Cette foi est inaliénable.
95 foi au Christ « éternellement actuel ». Cette foi est inaliénable. Elle ne constitue pas un ordre : elle donne des ordres,
96 ordre : elle donne des ordres, simplement. Elle n’ est jamais entrée en collusion avec aucune durée, étant la rupture de tou
97 est jamais entrée en collusion avec aucune durée, étant la rupture de toute durée. Mais dès lors nous savons le véritable nom
98 christianisme, dans sa nouveauté prophétique, tel est l’Acte — le seul ! — et tel est aussi le mystère ; car cette seule Ru
99 prophétique, tel est l’Acte — le seul ! — et tel est aussi le mystère ; car cette seule Rupture effective surpasse absolum
100 pitaliste ou marxiste. Car la révolte du chrétien est immédiate, indubitable ; mais l’ordre chrétien, dont certains parlent
101 mais l’ordre chrétien, dont certains parlent, où est -il aujourd’hui ? Faudrait-il attendre qu’on l’ait trouvé ? 3. Figa
102 e idée fausse, par définition, le christianisme n’ étant rien d’autre qu’un événement, un drame entre Dieu et l’homme. 6. Par
103 it ce que c’est que l’esprit, en ce siècle ! Il a été admirablement défini par la Sorbonne, entre autres. 7. Traité du dé
4 1933, Esprit, articles (1932–1962). Protestants (mars 1933)
104 ants (mars 1933)e Si le christianisme primitif est une révolution — et la plus profonde de toute l’histoire —, le protes
105 e toute l’histoire —, le protestantisme se doit d’ être révolutionnaire dans la mesure même où il reste fidèle à lui-même, c’
106 ait, dans certains pays, les églises protestantes sont devenues les officines d’un conformisme social et politique plus scan
107 ptio optimi pessima : le conformisme des révoltés est le pire. Il ne suit pas de là, contrairement à ce que prétendent cert
108 écrivains marxisants, que le bourgeois protestant soit actuellement le type même du capitaliste conservateur. En réalité, da
109 pour attaquer le régime. L’exemple de l’Allemagne est pour le moment le plus frappant, mais tout porte à croire que l’Améri
110 squ’au Neue Volk marxiste (Vitus Heller) nombreux sont les groupements politiques, résolus à la rupture, qui se réclament ha
111 priment dans les Neue Blätter für den Sozialismus sont des éléments protestants, et leur maître, Paul Tillich, exerce par ai
112 xée sans examen de « manœuvre réactionnaire », on est surpris de trouver dans le quotidien politique de combat ou dans les
113 e la seule doctrine véritablement révolutionnaire est celle qu’on doit tirer de la foi protestante. Il faudrait nommer enco
114 vains politiques. Si certaines de ses conclusions sont nettement étatistes, il n’en reste pas moins non conformiste par la f
115 marxisme. Il le rejette en définitive, mais ce n’ est pas sans avoir reconnu que sa force persuasive vient de ce que seul,
116 d’ailleurs essentiellement chrétienne : « Quelle est votre attitude vis-à-vis de votre prochain ? Lui laissez-vous ce qui
117 n’ont rien en commun. » Il constate que l’Église est intervenue dans la vie quotidienne en promulguant des règles sur le d
118 dimanche, l’alcool et la moralité, mais qu’elle s’ est arrêtée au moment où il semblait qu’elle dût s’occuper de la durée du
119 ophe, meneur de grèves, chef syndicaliste, Kagawa est l’un des personnages les plus influents du Japon, et l’on n’a pas oub
120 s travaillons tous ici. 9. Son autobiographie a été traduite en français sous le titre de Avant l’Aube (Éd. « Je sers »).
5 1933, Esprit, articles (1932–1962). Loisir ou temps vide ? (juillet 1933)
121 que, à la limite, de les priver de toute raison d’ être efficace, — ainsi et parallèlement, de la corruption spirituelle des
122 èlement, de la corruption spirituelle des loisirs est née la présente corruption du travail. Notre siècle ne connaît plus n
123  » ou « Je produis », ou bien « Je chôme », et ce sont autant de ruptures et de séparations hargneuses, de constats d’injust
124 nées en 8 heures de travail et 8 heures de loisir est une dérision brutale des rythmes créateurs. Elle exprime simplement l
125 a production et la consommation. Cette division n’ est pas humaine. Elle nous asservit. Je veux dire que nous en pâtissons d
126 dire que nous en pâtissons dans une mesure qui n’ est pas celle de la condamnation portée sur notre race. On peut dire que
127 orsque l’homme renonce à créer, son « travail » n’ est plus que souffrance. Il ne s’agit plus d’accoucher, mais seulement de
128 publicité et de plans quinquennaux. Leurs moyens sont plus simples, plus élégants. Ni plus ni moins efficaces d’ailleurs. ⁂
129 erté du risque, — perdre sa vie. Cette opposition est tellement radicale, tellement fondamentale, qu’elle nous interdit de
130 is à la liberté, au loisir plein. Si la liberté n’ est pas à l’origine d’un système, elle ne s’introduira jamais dans ses ef
131 ans un monde où le libre divertissement de chacun sera la condition du libre abrutissement de tous par la propagande élector
132 si l’on convient que la mesure du travail ne peut être prise ailleurs que dans la capacité humaine d’utiliser les effets du
133 du « temps vuide » et c’est chômage. Tout le mal est venu d’une séparation, d’une disjonction. Ou plutôt, car les choses s
134 ion, d’une disjonction. Ou plutôt, car les choses sont toujours plus complexes que nos sommations, tout le mal moderne est s
135 complexes que nos sommations, tout le mal moderne est symbolisé par cette disjonction du travail et du loisir, dont il faut
136 sorte que le « temps vuide » de l’Encyclopédie n’ est au vrai qu’un temps vidé, irréel renversement d’un temps rempli, d’un
137 r un monde impensable, le nôtre. Car si le loisir est simplement le contraire du travail, et son but ; si le labeur et le r
138 responsables, à penser dans le risque total de l’ être , qui est l’acte. Nous penserons avec des mains créatrices. Nous diron
139 les, à penser dans le risque total de l’être, qui est l’acte. Nous penserons avec des mains créatrices. Nous dirons : le bu
140 créatrices. Nous dirons : le but du travail, ce n’ est pas le loisir, mais la création. Et le but du loisir, ce n’est pas la
141 isir, mais la création. Et le but du loisir, ce n’ est pas la jouissance, mais la création. Nous n’avons pas le goût du vide
142 ouveront leur commun sens : dans l’actualité de l’ être , où ils ne seront plus que les temps alternés d’une plénitude joyeuse
143 mmun sens : dans l’actualité de l’être, où ils ne seront plus que les temps alternés d’une plénitude joyeusement renouvelée. L
144 ur créer un risque nouveau. Le temps de cet homme est plein, et nul n’y pourrait distinguer des heures « creuses » ou des e
145 r des heures « creuses » ou des efforts stériles. Est -ce un long loisir créateur ? Un long travail d’enfantement ? Cela ne
146 ntemple, il apprend, il calcule. Au terme qu’il s’ était fixé, le voici devant son seigneur. « Ton tableau ? » — « Qu’on m’app
147 iquerai donc encore : 1° que si l’erreur initiale fut bien spirituelle, notre tâche constructive est d’abord d’ordre spirit
148 le fut bien spirituelle, notre tâche constructive est d’abord d’ordre spirituel. Qui dit précédence dit primauté. 2° que da
149 non toutefois l’organisation des loisirs, qui lui sera tôt ou tard conjointe. 3° que si l’on veut sauvegarder l’acte créateu
150 ure du travail créateur, l’émulation socialiste n’ est rien d’autre qu’un nouvel opium. Ce bourrage de crâne réalisé sur une
151 r introduire un peu de joie dans une activité qui est la négation même de la création ; activité purement « nécessitée » pa
6 1934, Esprit, articles (1932–1962). Préface à une littérature (octobre 1934)
152 er, mes amis, sinon la négation d’un mal, et ce n’ est pas encore le bien sauveur ! Voici notre erreur perpétuelle : nous pe
153 nous peignons notre état un peu plus noir qu’il n’ est , afin d’éclairer par contraste un avenir qui devra son éclat moins à
154 t de nos décrépitudes. Si la préface à l’avenir n’ était qu’anathème au présent, où serait notre création ? Et si l’ordre que
155 ace à l’avenir n’était qu’anathème au présent, où serait notre création ? Et si l’ordre que nous voulons n’était rien d’autre
156 notre création ? Et si l’ordre que nous voulons n’ était rien d’autre que la subversion du désordre où nous sommes nés, d’où v
157 ien d’autre que la subversion du désordre où nous sommes nés, d’où viendrait donc l’ordre vivant ? On ne crée pas la vie en in
158 voir, nous le connaissons, dans la mesure où nous sommes humains. Mais cette mesure est peut-être assez faible. Et c’est pourq
159 mesure où nous sommes humains. Mais cette mesure est peut-être assez faible. Et c’est pourquoi nous avons tant de peine à
160 érature qui aime parler pour ne rien dire. Elle n’ est occupée qu’à « bien » dire, — et c’est pourquoi elle parle mal. Or ce
161 amusants que les acteurs du jeu classique… Ils n’ étaient que le non d’un non. Dirons-nous non à notre tour ? Que ce soit le no
162 n d’un non. Dirons-nous non à notre tour ? Que ce soit le non décisif de ceux qui savent ce qu’ils affirment ! Que ce soit u
163 f de ceux qui savent ce qu’ils affirment ! Que ce soit un non sans pathos, car l’affirmation seule est grave. C’est à l’homm
164 soit un non sans pathos, car l’affirmation seule est grave. C’est à l’homme qu’il faut dire oui, à l’homme total, à l’homm
165 ce qui juge l’art, — et le recrée. Nos griefs ne sont pas littéraires ; ils sont, ils veulent être humains. Fin d’une lit
166 recrée. Nos griefs ne sont pas littéraires ; ils sont , ils veulent être humains. Fin d’une littérature Je me propose d
167 s ne sont pas littéraires ; ils sont, ils veulent être humains. Fin d’une littérature Je me propose de simplifier. Dans
168 lifier. Dans la littérature bourgeoise, celle qui est née avec le romantisme, il me semble qu’on peut distinguer trois espè
169 qu’on n’atteint pas, pour l’avoir mis trop haut. Soit que l’on gruge légalement son prochain, soit que l’on se découvre lég
170 aut. Soit que l’on gruge légalement son prochain, soit que l’on se découvre légalement grugé, il est bon de sentir qu’au-des
171 n, soit que l’on se découvre légalement grugé, il est bon de sentir qu’au-dessus de cette vie plane une loi meilleure, un e
172 um des peuples incroyants. Notre troisième espèce est plus rare, et vaut un peu mieux, si l’on estime ses seuls moyens. Ell
173 de nouvelles. Quelques-uns, deux ou trois, qui ne sont pas littérateurs, qui seront la littérature quand tous les autres aur
174 deux ou trois, qui ne sont pas littérateurs, qui seront la littérature quand tous les autres auront passé. Mais la conscience
175 s ne vont pas jusqu’au bout de leurs audaces. Ils sont sans foi dans leur révolte même. Ils influencent au hasard, entraînen
176 épourvue de critère indépendant de la littérature est condamnée à ne plus critiquer que les moyens de cette littérature. El
177 lesse de la littérature actuelle, c’est qu’elle s’ est rendue justiciable de la critique des marxistes. « L’art pour l’art »
178 i tient lieu de justification ; or cette doctrine est proprement bourgeoise ; conservatrice, en fait, des valeurs établies 
179 des seules œuvres mineures, toute création réelle étant la position d’un acte indépendant des mécanismes de la société. Il no
180 re établi. Notre littérature déshumanise l’homme, soit qu’elle refuse de l’enseigner, soit qu’elle enseigne des valeurs hasa
181 nise l’homme, soit qu’elle refuse de l’enseigner, soit qu’elle enseigne des valeurs hasardeuses, ou périmées, ou anarchiques
182 deuses, ou périmées, ou anarchiques. Le moralisme était populaire, il est mort. L’immoralisme qui lui a succédé reste sans pr
183 ou anarchiques. Le moralisme était populaire, il est mort. L’immoralisme qui lui a succédé reste sans prise sur les masses
184 Les œuvres de l’esprit, dès que l’esprit cesse d’ être autorité, tombent sous le coup des lois publicitaires. Et la publicit
185 se très capricieuse dans ses goûts, parce qu’elle est incertaine de sa mission. Cette anarchie ne se développera pas impuné
186 -à-dire sans message positif et populaire — n’ait été finalement utilisée par des puissances qu’elle avait négligées ou don
187 puissances qu’elle avait négligées ou dont elle s’ était faite complice. Nous avons vu déjà que le roman bourgeois servait à t
188 sciste13. Que pourrait-elle lui opposer ? Où donc est la mesure de l’homme irréductible, au nom de quoi elle dirait non ? E
189 irait non ? Elle n’a pas de visée humaine, elle n’ est plus que littérature, et les fameuses « valeurs » littéraires, on sai
190 ameuses « valeurs » littéraires, on sait qu’elles sont de peu de poids dans la balance politique. Tout ce qui n’est pas déjà
191 de poids dans la balance politique. Tout ce qui n’ est pas déjà au service des hommes, est déjà au service de ce qui les opp
192 Tout ce qui n’est pas déjà au service des hommes, est déjà au service de ce qui les opprime. Notre individualisme travaille
193 Préface à l’imprévisible Une littérature n’ est valable — et son influence efficace — que si elle ordonne ses œuvres
194 s à une commune mesure humaine. Mais notre siècle est justement le siècle de la décadence des lieux communs. L’Ordre, le Bi
195 ation, — les lieux communs de l’ère finissante ne sont plus que malentendus, et la seule convention qui subsiste, c’est de l
196 e plus en commun que des banalités. » Mais quelle est la nature de ces banalités ? L’aventure du romantisme et l’équivoque
197 ue de la puissance sans visage. Dire que le monde est devenu impensable, c’est avouer qu’il n’y a plus de mesure commune à
198 la monnaie. Un monde sans mesure, comme le nôtre, est aussi un monde sans grandeur. Telle est notre médiocrité. La seule me
199 le nôtre, est aussi un monde sans grandeur. Telle est notre médiocrité. La seule mesure extérieure qui subsiste est à nos y
200 diocrité. La seule mesure extérieure qui subsiste est à nos yeux la plus dégradante qui soit. Il faut donc renoncer à cherc
201 ui subsiste est à nos yeux la plus dégradante qui soit . Il faut donc renoncer à chercher dans les choses, dans les partis, d
202 t ou dans la nation un principe de grandeur qui n’ est plus que dans l’homme. Mais si nous trouvons ce principe, nous aurons
203 trice, — c’est la personne. Que la mesure de tout soit désormais dans la personne, et non plus dans les intérêts d’un pouvoi
204 ourraient-ils voir d’autre, dans le monde où nous sommes , qu’un désordre impensable, appel aux dictateurs ? Mais ceux qui conn
205 i le propos de ces pages. La littérature nouvelle sera le fait de l’homme renouvelé, je ne dis pas de l’homme nouveau — je n
206 ose une liberté, ou plus exactement, créer, c’est être libre. Un art nouveau, c’est une liberté nouvelle. Mais c’est aussi u
207 inconditionnée à mon unique raison d’être14. Nous sommes ici très loin de la notion bourgeoise de liberté, qui est absence d’o
208 très loin de la notion bourgeoise de liberté, qui est absence d’obligations, de repères, de coordonnées. Très loin aussi de
209 ul fondement d’une communauté vivante. L’écrivain sera créateur dans la mesure où il obéira à sa seule vocation personnelle 
210 ble de Rembrandt, des amas d’ombres grouillants d’ êtres révélés et saisis par le droit flot de la lumière, les replis de la v
211 ’humain ! Initiation au réalisme enfin total, qui est celui du combat personnel ; initiation à la vision constituante de no
212 ’une part, et d’autre part avec les buts qui leur sont réellement assignés par leur raison d’être profonde. C’est un amer di
213 i leur sont réellement assignés par leur raison d’ être profonde. C’est un amer divertissement que nous offre la vie quotidie
214 cependant ils suivent la coutume bourgeoise, qui est la négation de tous leurs idéaux. Certains verront peut-être dans l’U
215 l’idéal rêvé et du sordide quotidien. Mais Joyce est justement le plus parfait exemple d’un vice fondamental de la pensée
216 ger, avec le parti pris de n’en jamais avoir, qui est sans doute le pire des partis pris. La littérature romanesque décrit
217 tupidité, j’entends à l’absence de jugement. S’il est un genre que nos critiques sont unanimes à condamner sans nul recours
218 de jugement. S’il est un genre que nos critiques sont unanimes à condamner sans nul recours, c’est celui du roman à thèse.
219 rétexte à n’en point chercher de meilleures. Ce n’ est pas l’échec de Bourget qui peut expliquer à lui seul un refus aussi o
220 préfère parler d’autre chose. Tous nos romans ne sont que diversions, idéalistes ou immoralistes, s’ils ne sont pas les des
221 diversions, idéalistes ou immoralistes, s’ils ne sont pas les descriptions désenchantées d’une société en voie de dissoluti
222 avant nous, d’une faim trop facile à tromper. Il est bon, il est nécessaire que la littérature enseigne le public. Encore
223 d’une faim trop facile à tromper. Il est bon, il est nécessaire que la littérature enseigne le public. Encore faut-il qu’e
224 spect de la culture, tout d’abord. Nos romanciers sont très mal cultivés. Ils influencent leurs lecteurs au hasard, aux hasa
225 ittérature nouvelle, couronnant un ordre nouveau, sera forcément plus soucieuse des échos qu’elle ébranle, mieux informée de
226 rmée des problèmes qu’elle incarne, parce qu’elle tiendra la mesure de l’humain et qu’elle créera dans la perspective commune.
227 dans un monde personnaliste. Les « idées pures » sont des cadavres d’idées ; les idées vivantes sont des actes. Apprenons à
228  » sont des cadavres d’idées ; les idées vivantes sont des actes. Apprenons à penser en actes, c’est-à-dire à penser avec le
229 à ne rien penser qui n’engage en puissance notre être tout entier, corps et âme sans distinction. Apprenons à penser comme
230 e nouveau dans les lettres si tous les essayistes étaient tenus à rendre un compte public des fins extrêmes qu’ils escomptent p
231 u dans les lettres si tous les essayistes étaient tenus à rendre un compte public des fins extrêmes qu’ils escomptent pour le
232 é de forme. Le raffinement des moyens artistiques est toujours un assez mauvais signe dans une société décadente. Il est po
233 ssez mauvais signe dans une société décadente. Il est poussé à la manie par les suiveurs des maîtres d’après-guerre. Les ma
234 opier les vices des meilleurs. Les plus primaires sont les moins spontanés. Partout, les artifices formels obscurcissent ou
235 expression leur importance de moyens. La personne est toujours originale quand elle est. Son seul souci est d’être, le plus
236 ns. La personne est toujours originale quand elle est . Son seul souci est d’être, le plus fidèlement. C’est à partir d’elle
237 toujours originale quand elle est. Son seul souci est d’être, le plus fidèlement. C’est à partir d’elle seule qu’un art ori
238 rs originale quand elle est. Son seul souci est d’ être , le plus fidèlement. C’est à partir d’elle seule qu’un art original s
239 s de raison » rédigés sans littérature. Voilà qui est banal ? Je n’en suis pas fâché. Aucune révolution n’a jamais inventé
240 s sans littérature. Voilà qui est banal ? Je n’en suis pas fâché. Aucune révolution n’a jamais inventé de vertu réellement n
241 vertu réellement nouvelle. Mais toute révolution est d’abord un rappel à certaines vertus négligées. Une nouvelle insistan
242 re, l’entraîner loin de son train-train, etc. tel est le rôle que se propose de poursuivre (sic) cette collection. » 13. J
243 e renforcé. 14. Pour le chrétien, cette raison d’ être singulière est la parole que Dieu lui adresse comme un ordre ; pour l
244 Pour le chrétien, cette raison d’être singulière est la parole que Dieu lui adresse comme un ordre ; pour l’incroyant, c’e
7 1934, Esprit, articles (1932–1962). Sur une nouvelle de Jean Giono (novembre 1934)
245 On ne devrait jamais lire les hebdomadaires. Ce sont des entreprises de démoralisation : 1° parce qu’ils satisfont à peu d
246 les bourgeois paresseux, vaguement inquiets de se tenir au courant de ce qu’ils croient être la chose littéraire ; 2° parce q
247 uiets de se tenir au courant de ce qu’ils croient être la chose littéraire ; 2° parce qu’ils incitent les écrivains de métie
248 t je vous laisse le soin de me classer, si vous y tenez . Pour être juste, si toutefois le sujet en vaut la peine, je concéder
249 isse le soin de me classer, si vous y tenez. Pour être juste, si toutefois le sujet en vaut la peine, je concéderai qu’il ar
250 de Jean Giono intitulée « La femme morte », qui n’ est pas une nouvelle bien faite, mais qui est un peu mieux que cela, une
251 , qui n’est pas une nouvelle bien faite, mais qui est un peu mieux que cela, une présence, une plainte juste, une voix d’ho
252  : J’essayai de me sauver par l’esprit. Vous qui êtes Français, dites-moi pourquoi, dans tout votre trésor littéraire, vous
253 us vos livres disent non à la vie. C’est facile d’ être négatif. Et je n’avais pas besoin qu’on m’y aide. Pourquoi n’avez-vou
254 à un trait juste, de la part du romancier, — s’il est voulu. Les mots, les expressions des philosophes sont sans cesse repr
255 voulu. Les mots, les expressions des philosophes sont sans cesse repris par les simples — et aussi par les autres, bien sûr
256 reconnaissance à payer à M. Johan Bojer, et s’il était là, je lui ferais ma belle révérence paysanne et je lui dirais : — As
257 , qu’on a pu lire ici le mois dernier. Ah ! nous sommes loin — (avec ces auteurs-là) — de ceux qui écrivent merde cent fois l
258 merde cent fois la ligne pour faire croire qu’ils sont forts. Je n’ai pas besoin que vous me désespériez. Je le suis assez m
259 Je n’ai pas besoin que vous me désespériez. Je le suis assez moi-même. — Aidez-moi… — Les uns, avec leurs livres, ont passé
260 emmes qui couchaient tellement ensemble qu’ils en étaient perpétuellement imbriqués comme les pièces d’un puzzle. Dès qu’on les
261 vous perdez votre temps, vous autres. Ah ! vous n’ êtes pas aimés par les pauvres. Non. Vous me laissez désespérée et sans se
262 ours devant le féroce maraudeur rouge. — D’autres sont venus, qui ont relevé mon front de la poussière. Ils ont mis leur dou
263 on. Ils m’ont dit : — Fais voir tes yeux ! Ils se sont baissés jusqu’à moi. Ils se sont assis à côté de moi. Ils m’ont dit :
264 es yeux ! Ils se sont baissés jusqu’à moi. Ils se sont assis à côté de moi. Ils m’ont dit : — Fais voir où tu as mal, petite
265 part des autres, la plupart de nos contemporains, est -ce qu’ils ne disent pas plutôt. « Fichez-moi la paix ! Faites-moi rig
266 cun moyen rapide, je hèle une auto. Le conducteur est seul. Il me prend volontiers. Nous causons. C’est un commerçant de Ly
267 ez bavard. À certaines allusions, je devine qu’il est « seul dans la vie ». Pourtant, il porte une alliance. Pauvre gaieté
268 village. « Je vous dépose ici ? Où voulez-vous ? Tenez , on va s’arrêter devant la pissotière, ha ! ha ! ha ! Ça me rappelle
269 nom du type qui a écrit le bouquin. Ah ça alors ! Tenez , c’est l’histoire d’une municipalité qui fait construire un des trucs
270 que ça amène, ah ! mais alors, vous savez, tout y est , c’est attrapé, le curé, la politique et tout15 !… » Les éditeurs s’e
271 qu’ils demandent, et pourquoi ils le demandent ? Est -ce que le rôle des éditeurs, mais surtout et d’abord des écrivains, n
272 iteurs, mais surtout et d’abord des écrivains, ne serait pas justement de savoir un peu mieux que « les gens » de quoi ils ont
273 ur tête. On les a pris pour ce qu’ils ont l’air d’ être , ou mieux pour ce qu’ils croient devoir se donner l’air d’être ou de
274 x pour ce qu’ils croient devoir se donner l’air d’ être ou de n’être pas. Comme si le fin du fin, c’était de prendre au mot l
275 ils croient devoir se donner l’air d’être ou de n’ être pas. Comme si le fin du fin, c’était de prendre au mot les pauvres ho
276 gaire, avec son rire insupportable, et fallait-il être bien fin pour le comprendre ? 15. Je n’ai pas suivi le conseil de c
8 1934, Esprit, articles (1932–1962). Définition de la personne (décembre 1934)
277 spirituelle. Toutefois, l’exposé qu’on va lire n’ est pas un résumé des idées défendues par les deux groupes cités (et qui
278 dées défendues par les deux groupes cités (et qui sont absolument indépendants l’un de l’autre). Cet exposé traduit au contr
279 nous touchons de nos mains et voyons de nos yeux soient du tout plus concrets que l’acte qui consiste à les toucher et à les
280 ient à la connaissance qu’on nomme abstraite, qui est la connaissance des choses en tant qu’absentes. Mais c’est une autre
281 il faut que la rencontre d’un sujet avec un objet soit attestée par quelque modification sensible. Les objets matériels ne s
282 ue modification sensible. Les objets matériels ne sont vraiment objets que si la connaissance d’un homme les saisit. La conn
283 un homme les saisit. La connaissance d’un homme n’ est réellement sujet que dans l’instant où elle rencontre une occasion de
284 l nous faut pourtant bien admettre que le concret est justement ce qui transcende nos définitions. Elles sont jugées par lu
285 ustement ce qui transcende nos définitions. Elles sont jugées par lui, et non point lui par elles. Et c’est de lui qu’elles
286 e. Sujet en tant qu’actif, objet en tant qu’agi, sont des concepts dont le seul contenu paraît au seul instant de leur prés
287 gissant chacun à leur manière ; car autrement, où serait l’événement ? La manière d’être de l’objet lorsqu’il est mis en prés
288 autrement, où serait l’événement ? La manière d’ être de l’objet lorsqu’il est mis en présence du sujet n’est point passive
289 énement ? La manière d’être de l’objet lorsqu’il est mis en présence du sujet n’est point passive ; elle est de résister.
290 l’objet lorsqu’il est mis en présence du sujet n’ est point passive ; elle est de résister. Mais l’objet ne peut, par lui-m
291 s en présence du sujet n’est point passive ; elle est de résister. Mais l’objet ne peut, par lui-même, provoquer aucune pré
292 t là le rôle du sujet, et sa nature. La manière d’ être du sujet est essentiellement provocante. Il cherche partout un objet
293 u sujet, et sa nature. La manière d’être du sujet est essentiellement provocante. Il cherche partout un objet qui lui donne
294 casion de manifester son pouvoir. Et son angoisse est de n’en pas trouver ; sa joie, de provoquer le corps-à-corps avec l’o
295 evient objet que lorsque j’en fais mon objet. Tel étant le sujet, on peut voir qu’il n’est autre que l’homme. Seul, dans tout
296 n objet. Tel étant le sujet, on peut voir qu’il n’ est autre que l’homme. Seul, dans tout l’univers connu, l’homme détient l
297 teur de la présence. 3. La présence de l’homme est un acte La joie de l’homme, ou sa douleur, tels sont les signes de
298 n acte La joie de l’homme, ou sa douleur, tels sont les signes de son existence concrète, cependant que l’angoisse est le
299 son existence concrète, cependant que l’angoisse est le signe de son absence au monde et à soi-même. Dire que l’homme est,
300 absence au monde et à soi-même. Dire que l’homme est , concrètement, c’est dire qu’il souffre et qu’il jubile, — qu’il agit
301 s de quoi ils parlent, l’homme dont ils parlent n’ est pas un homme, mais une chose faible et petite dont ils ignorent la na
302 uent dans la précision. Les lois qu’ils imaginent sont celles de la mort, et d’abord de leur propre mort. Car l’essence de l
303 mort. Car l’essence de l’homme, en tant qu’homme, est à jamais incalculable, si l’homme est un événement, une rupture et un
304 t qu’homme, est à jamais incalculable, si l’homme est un événement, une rupture et une création, un fauteur de nouveauté pu
305 ème à résoudre à distance ; en un mot, si l’homme est un acte. 4. L’acte est insaisissable, parce qu’il est saisissant
306 ; en un mot, si l’homme est un acte. 4. L’acte est insaisissable, parce qu’il est saisissant Toutes les psychologies
307 acte. 4. L’acte est insaisissable, parce qu’il est saisissant Toutes les psychologies échouent dans leur effort pour
308 gie passe à côté de la fin qu’elle s’assigne, qui est l’étude du comportement humain. Il n’est de science que du régulier,
309 gne, qui est l’étude du comportement humain. Il n’ est de science que du régulier, c’est-à-dire de l’inhumain (à la limite),
310 nce de l’homme » qui se veut purement descriptive est exacte dans la mesure où elle décrit notre dégradation. L’erreur est
311 mesure où elle décrit notre dégradation. L’erreur est simplement de nommer homme cette dégradation, dont nul ne songe d’ail
312 des psychologues. L’apparition de la psychologie est à peu près contemporaine de celle de l’homme abstrait dans l’ordre po
313 ’y aurait pas place pour la psychologie, car elle est liée à l’angoisse, c’est-à-dire à l’absence et au recul devant l’acte
314 ant l’acte. Dans l’homme entièrement humain, tout serait histoire, présence, illustration et non explication, incarnation et n
315 se l’homme comme un problème, et pour autant elle est bien obligée de prendre du recul par rapport à l’homme concret : mais
316 l par rapport à l’homme concret : mais alors il n’ est plus concret ! Et c’est ainsi que l’existence du psychologue repose s
317 le de l’humain. Le droit usage de l’entendement n’ est pas l’étude de l’homme, mais son éducation. Il n’est pas de décrire,
318 pas l’étude de l’homme, mais son éducation. Il n’ est pas de décrire, mais d’inventer. L’acte étant sujet pur, il ne sera j
319 Il n’est pas de décrire, mais d’inventer. L’acte étant sujet pur, il ne sera jamais un objet de l’entendement. Et c’est pour
320 e, mais d’inventer. L’acte étant sujet pur, il ne sera jamais un objet de l’entendement. Et c’est pourquoi rien ne peut l’ex
321 ent saisissables pour l’entendement. 5. L’acte est la personne Puisqu’il est manifeste que l’acte est le perpétuel au
322 dement. 5. L’acte est la personne Puisqu’il est manifeste que l’acte est le perpétuel auteur de notre humanité, nous
323 la personne Puisqu’il est manifeste que l’acte est le perpétuel auteur de notre humanité, nous ne pouvons connaître cett
324 ître cette humanité, sinon dans la mesure où nous sommes agissants. L’acte seul témoigne de l’acte, et joue en nous le rôle de
325 age lisible. Sur la scène du monde, où nous avons été placés, dans ce drame qu’il nous faut jouer sans le connaître, c’est-
326 ts qui n’ont pas de visage ; mais ceux qu’on voit sont les acteurs qui jouent leur rôle d’hommes et qui créent leur destin :
327 ’hommes et qui créent leur destin : ceux-là seuls sont les dramatis personae, ceux-là seuls sont présents, parce qu’ils repr
328 à seuls sont les dramatis personae, ceux-là seuls sont présents, parce qu’ils représentent. À la faveur de cette image, auto
329 rd que de l’individu à la personne, la différence est celle du figurant anonyme à l’acteur, de celui qui fait nombre à celu
330 s à la présence et à l’engagement : la personne n’ est jamais seule, elle est essentiellement en communication. Le figurant
331 engagement : la personne n’est jamais seule, elle est essentiellement en communication. Le figurant peut bien ignorer ses v
332 ’il leur répond, et la même raison qui fait qu’il est lui-même, fait aussi qu’il n’est plus un isolé, mais un prochain.
333 n qui fait qu’il est lui-même, fait aussi qu’il n’ est plus un isolé, mais un prochain. 6. La personne est une vocation
334 lus un isolé, mais un prochain. 6. La personne est une vocation Qu’on n’oublie pas que la scène du drame, tout bien c
335 blie pas que la scène du drame, tout bien compté, est aussi vaste que le monde, et qu’il n’est pas de réduit si secret où l
336 compté, est aussi vaste que le monde, et qu’il n’ est pas de réduit si secret où l’on se cache, qui ne soit justement l’un
337 pas de réduit si secret où l’on se cache, qui ne soit justement l’un des lieux où l’action générale avait dessein de nous p
338 us placer. Ainsi donc, encore que ce drame puisse être qualifié de jeu, et légèrement pris par toute espèce de sceptiques ou
339 espèce de sceptiques ou d’heureux ignorants, — il est le seul. Et l’on n’en peut sortir sans quitter, du même pas, la vie.
340 ter, du même pas, la vie. C’est pourquoi le drame est sérieux ; et notre vie n’est pas une farce, pour la simple raison qu’
341 st pourquoi le drame est sérieux ; et notre vie n’ est pas une farce, pour la simple raison qu’elle est unique, et qu’on ne
342 ’est pas une farce, pour la simple raison qu’elle est unique, et qu’on ne peut changer de rôle : on peut seulement refuser
343 i vient tout à coup l’assurance que ce qu’il fait est dans son rôle ? Pour quelle raison sort-il du chœur des anonymes rési
344 oint que la vraie définition d’un de ces termes n’ est pas ailleurs que dans son assimilation existentielle à tous les autre
345 es autres. Mais ces concepts, un à un, ne peuvent être saisis dans le temps ni dans l’espace conçus par notre entendement, s
346 orce contre toute raison et causalité claire. Ils sont là en dépit de la forme du monde, et par eux seuls s’opèrent ces tran
347 t d’en prendre une mesure humaine. Toute présence est un éclair d’éternité qui rompt le temps pour initier un temps nouveau
348 témoigner, mais après coup, car les effets seuls sont visibles. Le temps nouveau qu’initie l’acte de présence, c’est le tem
349 mon acte. Admirable cercle vicieux ! Oui, rien n’ est plus vicieux pour la raison que ce beau cercle indivisible, irréfutab
350 le jugement sceptique que la raison impersonnelle est incapable de ne pas porter sur le concret, juge en réalité la raison
351 nente crise et ses limites humiliantes. L’éternel est dans le présent, et non point dans l’intemporel, parce que l’éternel
352 l’éternel vient à nous, dans notre temps, où nous sommes , tout entier. L’éternité pour nous n’existe pas en dehors de l’appel
353 qui nous meut. Nous avons établi que la présence est le fait de l’homme sujet à l’instant qu’il rencontre son objet. L’hom
354 , c’est l’homme seul à l’instant qu’il cesse de l’ être . Ainsi la voie du mystère est visible : l’éternel ne touche le temps
355 t qu’il cesse de l’être. Ainsi la voie du mystère est visible : l’éternel ne touche le temps que par l’individu en acte, et
356 qui devient à cet instant une personne. L’homme n’ est un vrai sujet que parce qu’il est personnellement assujetti à l’impul
357 onne. L’homme n’est un vrai sujet que parce qu’il est personnellement assujetti à l’impulsion indescriptible que nous appel
358 iptible que nous appelons l’éternel. La personne est le témoignage d’une vocation reçue et obéie. Je suis personne dans la
359 t le témoignage d’une vocation reçue et obéie. Je suis personne dans la mesure où mon action relève de ma vocation, fût-ce a
360 ns la mesure où mon action relève de ma vocation, fût -ce au prix de la vie de mon individu. 7. Incarnation À la série
361 : c’est le terme d’incarnation. Si toute présence est l’événement de l’éternel dans le temps, par le moyen de l’homme, si l
362 s le temps, par le moyen de l’homme, si l’homme n’ est vraiment homme que dans l’acte qui fonde sa qualité incomparable de s
363 le de sujet ; si l’on admet enfin que la personne est proprement la sujétion de l’homme à l’éternel et de l’objet à l’homme
364 e l’objet à l’homme, on peut dire que la personne est l’impensable incarnation de l’éternité dans le temps. La personne pur
365 ion de l’éternité dans le temps. La personne pure serait ainsi la coïncidence absolue et manifeste d’une vocation et d’un indi
366 maginons sans les saisir, et notre « individu » n’ est certes pas le moindre. Dans l’espoir incertain de nous munir contre e
367 he à trouver leurs lois. Elle les trouve, mais ce sont alors les lois mêmes de notre absence, celles du monde abandonné et q
368 andonné et qui paraît déterminé de soi, puisqu’il est vu précisément comme n’étant pas assujetti à notre action. C’est pour
369 miné de soi, puisqu’il est vu précisément comme n’ étant pas assujetti à notre action. C’est pourquoi la plupart de nos gestes
370 . C’est pourquoi la plupart de nos gestes, loin d’ être ordonnateurs et créateurs, sont simplement déterminés par une mécaniq
371 os gestes, loin d’être ordonnateurs et créateurs, sont simplement déterminés par une mécanique impersonnelle. Ils ne sont pa
372 éterminés par une mécanique impersonnelle. Ils ne sont pas les actes d’un auteur, mais les contrecoups nécessaires d’un proc
373 ar d’autres, d’un procès anonyme étranger à notre être , et que nous baptisons fatalité, parce que nous sommes ses impuissant
374 e, et que nous baptisons fatalité, parce que nous sommes ses impuissants objets. Nous sommes très peu personnels. Nous sommes
375 rce que nous sommes ses impuissants objets. Nous sommes très peu personnels. Nous sommes aliénés au monde des objets. Nous so
376 ts objets. Nous sommes très peu personnels. Nous sommes aliénés au monde des objets. Nous sommes surtout les jouets humiliés
377 ls. Nous sommes aliénés au monde des objets. Nous sommes surtout les jouets humiliés de ce qui nie notre dignité d’hommes, de
378 dans l’Homme, l’humanité parfaite de Jésus-Christ est la limite atteinte de la personne dans l’histoire, le fait extrême, l
379 nature actuelle de la personne). La foi au Christ est proprement ce qui « personnifie » le solitaire, ce qui le rend concre
380 aux autres dans un même élan. Tout acte personnel est participation à l’actualité éternelle du Christ. 8. Communauté
381 ut ainsi que dans la Communion, Jésus-Christ nous est donné, dit Calvin, « comme substance et fondement de tout », nous avo
382 à connaître cette vérité de la personne : qu’elle est toute dans sa communication, laquelle doit être certifiée par quelque
383 le est toute dans sa communication, laquelle doit être certifiée par quelque signe matériel. L’idée d’une personne isolée ou
384 les autres que des rapports distants et virtuels est une contradiction in terminis. L’aspect communautaire de la personne
385 assez clairement de nos définitions, mais il peut être utile, pour fixer davantage les idées, de l’opposer ici à la notion d
386 opposer ici à la notion de l’individu. L’individu est le terme dernier de la division objective d’une société au sens des s
387 me aux yeux des physiciens du dernier siècle : il est l’élément insécable qui marque la limite de décomposition d’un corps
388 ’un corps quelconque. Autrement dit, l’individu n’ est conçu qu’à partir de l’ensemble du corps social, comme un élément num
389 que, puisqu’aussi bien la personne en elle-même n’ est passible d’aucune description objective. Par rapport à l’ensemble hum
390 ive. Par rapport à l’ensemble humain, la personne est par excellence le terme premier, dont dépend toute réalité collective
391 re personnel, les relations les plus « valables » sont celles qui exigent de l’homme la plus constante proximité : l’œuvre,
392 ègle d’or de toute doctrine sociale et politique. Est -ce à dire que le bien de tous doive être mis au service du bien de ch
393 olitique. Est-ce à dire que le bien de tous doive être mis au service du bien de chacun ? Prenons garde de retomber ici dans
394 primer sur l’ensemble demeure indéfendable s’il n’ est pas imposé par le fait humain primordial. Le droit divin n’est pas un
395 é par le fait humain primordial. Le droit divin n’ est pas un droit humain élevé dans l’absolu, mais la fin de tout droit hu
396 ne position de fait. La voici : le bien de tous n’ est ni concevable ni réalisable aux dépens du bien de chacun ; il n’est q
397 ni réalisable aux dépens du bien de chacun ; il n’ est que l’expression, de plus en plus abstraite à mesure qu’on s’élève à
398 grands, du pouvoir prochain de la personne ; il n’ est rien s’il n’est pas l’extension naturelle du risque et du concret de
399 ir prochain de la personne ; il n’est rien s’il n’ est pas l’extension naturelle du risque et du concret de l’homme qui se d
400 se dépasse. Qu’importe l’honneur d’un pays, s’il est le fruit de la déshumanisation des citoyens ? Qu’importe une « assura
401 ne « assurance-vie », si la seule réalité vivante est dans le risque ? Qu’importe la multiplicité des relations, si elle en
402 mmes présents les uns aux autres ? La personne ne sera pas au terme d’une société parfaite, pour la simple raison qu’il n’y
403 nous appelons : personne, si nous savons qu’elle est la lumière de nos lumières, et le soleil que rien ne peut décrire, ma
404 r le monde et chasse nos fantômes, notre devoir n’ est pas de revenir vers les ténèbres pour les persuader qu’elles ont tort
405 s ténèbres pour les persuader qu’elles ont tort d’ être obscures, notre devoir est d’éclairer. À la lumière de la personne, o
406 r qu’elles ont tort d’être obscures, notre devoir est d’éclairer. À la lumière de la personne, on voit paraître la vérité d
407 fait qu’au niveau des objets, et que tout ce qui est doit pouvoir être vu, être touché, consister sous la main17 ; il a co
408 u des objets, et que tout ce qui est doit pouvoir être vu, être touché, consister sous la main17 ; il a compris que l’homme
409 ets, et que tout ce qui est doit pouvoir être vu, être touché, consister sous la main17 ; il a compris que l’homme n’est pas
410 ister sous la main17 ; il a compris que l’homme n’ est pas un ange, qu’il est un corps jeté au milieu d’autres corps, et que
411 il a compris que l’homme n’est pas un ange, qu’il est un corps jeté au milieu d’autres corps, et que c’est un orgueil assez
412 retrouve l’un des pôles de sa tension. Peut-être est -il plus difficile d’être équitable envers le spiritualisme : c’est qu
413 de sa tension. Peut-être est-il plus difficile d’ être équitable envers le spiritualisme : c’est qu’il nous a fait plus de m
414 a fait plus de mal, et que l’erreur matérialiste est bâtarde de ses excès. Ceci pourtant doit être dit en sa faveur : il a
415 iste est bâtarde de ses excès. Ceci pourtant doit être dit en sa faveur : il a compris le fait — sinon l’acte — de la libert
416 — de la liberté. Il a su reconnaître que l’homme est un sujet (au sens initiateur, et non pas ironique !) et qu’il dépend
417 as ironique !) et qu’il dépend de lui que l’objet soit ou non présent. Mais alors le malheur du spiritualisme fut de se repl
418 n présent. Mais alors le malheur du spiritualisme fut de se replier sur cette liberté pour la chérir dans sa précieuse inté
419 Il chante sa grandeur, mais n’en témoigne pas. Il est plus dangereux que le matérialisme : il ne nie pas grossièrement notr
420 il ne nie pas grossièrement notre puissance — ce serait une manière de la mieux provoquer — mais glorifiant le sujet pur comm
421 ce vieux débat, aucun espoir de solution réelle n’ est plus permis18. Mais c’est ce plan que nous avons quitté en définissan
422 urent et se réalisent : la charité de la personne est d’ordonner ce corps-à-corps. 10. Le spirituel Descartes a détru
423 Du point de vue de la personne, le corps et l’âme sont deux aspects de l’homme concret, dont la nature réelle n’apparaît que
424 aît que dans l’acte. L’aspect corporel de l’homme est l’expression de notre solidarité avec le monde des objets ; l’aspect
425 rité avec le monde des objets ; l’aspect de l’âme est notre orientation, l’originalité essentielle de l’homme au sein du mo
426 conscience.) Mais ni le corps de l’homme ne peut être conçu comme réel sans l’insistance particulière qui le forme, le tien
427 l sans l’insistance particulière qui le forme, le tient debout et le dirige, ni l’âme n’est humainement imaginable hors de la
428 e forme, le tient debout et le dirige, ni l’âme n’ est humainement imaginable hors de la consistance qui la révèle et l’effe
429 istance qui la révèle et l’effectue. Corps et âme sont un seul et même être ; ils naissent ensemble et meurent ensemble, ils
430 et l’effectue. Corps et âme sont un seul et même être  ; ils naissent ensemble et meurent ensemble, ils sont une seule et mê
431  ; ils naissent ensemble et meurent ensemble, ils sont une seule et même « chair ». C’est une étrange erreur que de nommer «
432 vidu et sa pressante vocation. L’âme immortelle n’ est rien que l’illusion d’un égoïsme qui se glorifie dans l’abstrait. Qu’
433 d’un égoïsme qui se glorifie dans l’abstrait. Qu’ est -ce alors, parmi nous hommes de chair, que l’esprit ? Cet esprit qui s
434 sur les eaux primitives, et les lois de mon corps sont celles de la poussière ? — Rien, l’esprit n’est plus rien, et compren
435 sont celles de la poussière ? — Rien, l’esprit n’ est plus rien, et comprendre n’est rien qu’envisager les modes de notre e
436 — Rien, l’esprit n’est plus rien, et comprendre n’ est rien qu’envisager les modes de notre esclavage. — Jusqu’à cet acte, q
437 ordre, et ce pouvoir ordonnateur, irréfutablement est là, rendu visible. J’ai fait ce pas, je puis le mesurer — mais sa gra
438 je puis le mesurer — mais sa grandeur pourtant n’ est pas un nombre. J’appelle esprit cette surprise pure de mon corps qui
439 de mon corps qui se voit conduit où rien en lui n’ était nécessité d’aller. J’appelle esprit la plénitude de l’instant où dans
440 e peux, j’ai franchi l’impossible seuil. L’esprit est acte, l’acte est obéissance à la motion de l’éternel. J’ai peut-être
441 chi l’impossible seuil. L’esprit est acte, l’acte est obéissance à la motion de l’éternel. J’ai peut-être entendu quelque p
442 qu’un corps en mouvement. C’est parce que Dieu s’ est révélé dans un corps d’homme que l’esprit, parmi nous, n’est rien — h
443 dans un corps d’homme que l’esprit, parmi nous, n’ est rien — hors la démonstration charnelle et déchiffrable d’une action.
444 rnelle et déchiffrable d’une action. Jésus-Christ est le verbe incarné, la vocation toujours présente, la parole qu’on n’en
445 tant indescriptible et manifeste. Au commencement était le Verbe, et il demeure l’initiation fondamentale de toute histoire.
446 evient événement », que l’idée du concret cesse d’ être une idée, que la personne existe et que l’acte transforme. Ce qui tém
447 n moi de l’indicible réception de la parole, ce n’ est point une extase, ni une angoisse, ni toujours une plénitude de la jo
448 ours une plénitude de la joie, ni jamais rien qui fût à moi tel que j’étais, ni rien que j’aie, mais cet abandon un instant
449 e la joie, ni jamais rien qui fût à moi tel que j’ étais , ni rien que j’aie, mais cet abandon un instant, cette mort cachée da
450 t calcul, un peu plus près de l’homme que je puis être pour les hommes — pour me jeter dans le fait accompli d’une évidente
451 ne évidente nouveauté. Maintenant quelque chose s’ est passé, un risque est là, et ma vie est en lui. L’ai-je accepté ? Déjà
452 . Maintenant quelque chose s’est passé, un risque est là, et ma vie est en lui. L’ai-je accepté ? Déjà tout recommence. Car
453 ue chose s’est passé, un risque est là, et ma vie est en lui. L’ai-je accepté ? Déjà tout recommence. Car la durée n’ajoute
454 e n’en fais pas un second. Et pourtant mon espoir est gagé sur une promesse aussi certaine que ma mort et que la mort du te
455 nt. Ni la foi ne court sur son erre, ni l’homme n’ est rien devant sa vocation, qu’un doute ; mais la fidélité de la personn
456 , qu’un doute ; mais la fidélité de la personne n’ est pas vaine. Dans la très confuse partie que nous menons, ignorants de
457 enjeu admirable ! 16. Matthieu 7:21 : « Ce ne sont pas ceux qui me disent Seigneur ! Seigneur !… mais celui qui fait la
458 eux — qui agit sa vocation. 17. Ceci ne doit pas être entendu dans le sens restrictif de l’esse est percipi des idéalistes
459 as être entendu dans le sens restrictif de l’esse est percipi des idéalistes (on aura vu tout au contraire que l’esse n’exi
460 é seul rend inopérante ; la bonté, par exemple, n’ est rien si elle n’est pas un acte de miséricorde. 18. Politique : l’Éta
461 nte ; la bonté, par exemple, n’est rien si elle n’ est pas un acte de miséricorde. 18. Politique : l’État est l’expression
462 s un acte de miséricorde. 18. Politique : l’État est l’expression fatale de notre double erreur matérialiste-spiritualiste
463 e de l’âme. L’homme meurt totalement, parce qu’il est totalement « chair » ; et ce ne sont que des morts qui ressusciteront
464 , parce qu’il est totalement « chair » ; et ce ne sont que des morts qui ressusciteront, non pas des endormis ou des désinca
9 1934, Esprit, articles (1932–1962). André Breton, Point du jour (décembre 1934)
465 oint du jour (décembre 1934)j Le surréalisme s’ est présenté comme révolution, et comme tel il a bénéficié pendant plusie
466 réalistes en les prenant pour ce qu’ils croyaient être  : des novateurs, des créateurs, des révolutionnaires enfin. Le fâcheu
467 rs en une espèce de bavardage lyrique dont Breton sera , je crois, le tout premier à reconnaître qu’il sue le plus insupporta
468 face — ce courage que donne seule la foi — ils se sont mis à déclamer un désespoir décoratif, un désespoir postiche et styli
469 re, certes, mais on ne pouvait faire que cela. Ce serait un jeu que de les classer dans les catégories du désespoir analysées
470 s du désespoir analysées par Kierkegaard, si nous étions assez détachés d’eux pour ne plus sentir le tragique que ce faux dése
471 ndré Breton fournit de trop nombreux exemples. On est frappé d’abord par une certaine noblesse du port, par une certaine al
472 allure hautaine de la phrase. Mais que cet homme est empêtré par le scrupule de ce qu’il se doit ! Et qu’il est attentif à
473 ré par le scrupule de ce qu’il se doit ! Et qu’il est attentif à sa propre démarche ! « Il me paraît absolument nécessaire
474 Pour ma part, je me refuse… Je demande à ce qu’on tienne pour un crétin celui qui… » Je prends ces trois débuts de phrases dan
475 que, et qui vaut bien qu’on la prenne au sérieux, fût -ce après ce Schelling dont, par ailleurs, Breton dit tant de mal (Int
476 e la vie se fasse « toute seule », que l’homme ne soit plus rien qu’un spectateur de son angoisse muée en rêve ? Qu’on prenn
477 n tranchant lorsqu’on attaque, lorsqu’on crée, je serais le dernier à m’en plaindre. Mais il s’agit ici, tout simplement, de s
478 réduit et de quelques rythmes lyriques, son style est large, ses périodes font la roue. Mais il se débrouille mal avec des
479 e et s’alourdit dès qu’il aborde une matière tant soit peu résistante par elle-même, et dont il ne saurait avoir raison en q
480 Iront-ils au-delà du romantisme allemand — qu’on est heureux pourtant de les voir découvrir, comme l’étymologie de leur pe
481 u marxisme ; ils retombent à l’idéalisme. La voie est sans issue, plus que jamais. Mais alors, vont-ils reconnaître le séri
10 1935, Esprit, articles (1932–1962). André Rouveyre, Singulier (janvier 1935)
482 me forme l’unique sujet de cette méditation. Deux êtres très divers se sont unis dans une passion grave, exigeante, à l’écart
483 et de cette méditation. Deux êtres très divers se sont unis dans une passion grave, exigeante, à l’écart d’une société hosti
484 vers eux-mêmes, et l’un par l’autre, de ces deux êtres dont la vocation paraît inséparable de l’amour qui les domine. Une an
485 t nous pousser vers cette conclusion. Peut-être n’ est -ce ici qu’un cri d’appel à rien : les modernes ont inventé cela. On p
486 rase ici, vraiment, réfléchit sous nos yeux. Ce n’ est pas du récit. C’est une espèce de taraudage21. De temps en temps, il
487 corrosive, toujours tendue entre deux pôles de l’ être , entre l’énergie exploratrice et le repliement amer. Enfin, un courag
488 -677. l. Le nom de l’auteur de l’ouvrage recensé étant mal orthographié (« Ronveyre »), on a corrigé sans signalisation.
11 1935, Esprit, articles (1932–1962). Albert Soulillou, Nitro (février 1935)
489 oulillou, Nitro (février 1935)n Ce livre aussi est vrai. À peine moins autobiographique, semble-t-il, que celui du jeune
490 de travail dans l’industrie de la nitrocellulose sont précises, acharnées, saisissantes. Vous fermez le livre : vous avez v
491 ortions et ses « valeurs », dirait un peintre. Il est remarquable que presque tous les écrivains de ces années éprouvent si
492 demandent trois volumes… Mais Adolphe ou l’Idiot seraient aujourd’hui des « compte d’auteur ». n. Rougemont Denis de, « [Com
12 1935, Esprit, articles (1932–1962). Roger Breuil, Les Uns les Autres (avril 1935)
493 de pénétration du deuxième livre de Roger Breuil est Marcel Arland. Sans doute a-t-il reconnu dans ce roman (paru quelque
494 patience ingénieuse dans l’approche du secret des êtres , enfin cette qualité de discrétion qui semble ici encore imposée par
495 Breuil nous révèle une espèce de Français dont il est , sauf erreur, le premier à parler : une élite, une espèce d’aristocra
496 e, mais dans leur vie intime, leurs relations. On serait tenté de dire : dans leur personne. Je connais peu de livres moins co
497 et ouvriers plus ou moins « déclassés » comme le sont aujourd’hui presque tous ceux qui entrent dans la vie. Mais en parlan
498 exemple, un chapitre comme la Promenade au marais est une merveille de « naturel » dans tous les sens de ce terme ; je ne v
499 su faire vibrer un tel accord des paysages et des êtres — de ces vastes paysages maritimes des Charentes et de ces âmes et de
500 ies naïves et de jeunes ruses. On sent que Breuil est mêlé de très près à l’existence de ses personnages : et le « nous » q
501 u’il appartient de le reconnaître. Un tel livre n’ est pas de ceux dont la carrière s’épuise en une saison, si j’en crois l’
13 1935, Esprit, articles (1932–1962). Kasimir Edschmid, Destin allemand (mai 1935)
502 quelles passions profondes le mouvement hitlérien est né et a pris son élan. C’est une admirable réussite littéraire, c’est
503 structeurs de l’armée bolivienne. (On sait que ce fut le sort de Röhm, entre autres.) Mêlés à des révolutions, disloqués, e
504 ent surtout que cette patrie pour laquelle ils se sont battus et qui n’a plus la force d’utiliser leurs énergies, est incapa
505 qui n’a plus la force d’utiliser leurs énergies, est incapable de les protéger à l’étranger, parce qu’elle a perdu son pre
506 rdu la guerre, Bell, et dans la situation où nous sommes , nous ne pouvons plus nous affirmer que par le sacrifice. » Sacrifice
507 leversée, broyée, souffrante, et pourtant fière d’ être allemand, de garder la tête haute pour l’Allemagne et de participer a
508 ur l’Allemagne et de participer au destin qui lui était échu pour un temps. » Pour un temps… Il y a dans ces trois mots le se
509 ossède la jeunesse hitlérienne. Leurs épreuves ne seraient -elles pas comme le signe de leur élection ? Ne seront-ils pas la race
510 nt-elles pas comme le signe de leur élection ? Ne seront -ils pas la race de fer qui sauvera l’Europe menacée par tous les peup
511 tre le sens du sacrifice de « ces jeunes gens qui sont entrés dans le malheur la tête haute ». Car ce sont « les jeunes gens
512 nt entrés dans le malheur la tête haute ». Car ce sont « les jeunes gens qui ne possédaient rien qui ont écrit les pages hér
513 communauté qui puisse exister pour un peuple. » N’ est -il point là le vrai tragique de l’Allemagne actuelle, que son destin
514 t de l’homme que sous l’aspect de la nation ? Tel est je crois le problème central qu’impose ce livre, et l’on admettra bie
515 it sur le point de vue raciste de l’auteur, qu’il est peu de problèmes plus graves pour notre avenir immédiat. Je n’ai rien
516 iption des douleurs physiques. Au total, Edschmid est plus fort. Attendrons-nous la prochaine guerre pour lire dans ce Dest
517 tre destin à tous ? L’ostracisme de nos critiques est d’ailleurs d’autant plus absurde que ce livre — écrit par un juif ! —
518 us absurde que ce livre — écrit par un juif ! — a été condamné en Allemagne. p. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Kas
14 1935, Esprit, articles (1932–1962). Tristan Tzara, Grains et Issues (juin 1935)
519 ont il vaudra la peine de chercher l’origine, qui est peut-être celle, permanente, de l’erreur hégélo-marxiste. Tzara expli
520 Tzara explique p. 271 que « les formes de langage sont … symboliques et sont sujettes aux critiques que l’on est en droit de
521 que « les formes de langage sont… symboliques et sont sujettes aux critiques que l’on est en droit de formuler quant à la l
522 mboliques et sont sujettes aux critiques que l’on est en droit de formuler quant à la logique dont elles ont l’air de voulo
523 ans le même sens. Suivons-le. La syntaxe de Tzara est commandée par des associations verbales d’un type particulier, dont l
524  : un linguiste dirait que la formule de ce style est la contagion. Je mets ce phénomène en relation avec la théorie de la
525 on du premier terme d’une métaphore, selon Tzara, est « absorbée intégralement » par le second terme, « en vue d’une concil
526 figure selon Tzara « l’acte de connaissance, qui est quantité, et que nous désignons sous le nom de poésie ». On peut touj
527 ur la métaphore dans son Proust) que la métaphore est un acte, j’entends par acte, justement, la position d’une qualité inc
528 rmes aux noyaux irréductibles. Si l’un des termes était réellement « absorbé » par l’autre, le langage poétique ne serait plu
529 t « absorbé » par l’autre, le langage poétique ne serait plus qu’un vaste télescopage, et les livres de M. Tzara se réduiraien
530 e de la logique hégélienne vulgarisée. Le langage est précisément ce qui sépare, et non ce qui confond. C’est le verbe (qui
531 épare, et non ce qui confond. C’est le verbe (qui est acte) qui distingue et caractérise les choses et les êtres, dans le m
532 e) qui distingue et caractérise les choses et les êtres , dans le magma larvaire de la réalité non encore informée par la rais
533 mplexe de castration). La cause de cette angoisse est dans les refoulements qu’imposent la morale, l’Église, les exploiteur
534 ds pas cette déduction. La revendication de Tzara est exactement celle de l’hitlérisme sous ses formes les plus virulentes.
535 Tzara, si j’admets que le complexe de castration est la dominante de l’époque, je constate que ce complexe se manifeste ju
536 former le monde, cette démission de la personne23 est en effet le signe d’une castration psychique caractérisée. Il est tro
537 signe d’une castration psychique caractérisée. Il est troublant de constater cette erreur capitale, et stérilisante pour l’
538 « sécurité » qu’elle trahit. Il veut que l’esprit soit un risque (p. 284 et suiv.). Nous le voulons aussi. Mais ce n’est pas
539 . 284 et suiv.). Nous le voulons aussi. Mais ce n’ est pas là, n’est-ce pas, ce qu’on veut à Commune, revue officielle du PC
540 ). Nous le voulons aussi. Mais ce n’est pas là, n’ est -ce pas, ce qu’on veut à Commune, revue officielle du PC. Il veut que
541 ien que ces « barrages » et ce conformisme brutal soient en train de provoquer chez Tzara une prise de conscience toute nouvel
542 égage mieux. Quoique toute douleur morale puisse être ramenée à un système de coordonnées sociales, on a trop oublié dans l
543 sa libération qui en reste l’enjeu et le but ; il serait donc vain et dangereux qu’au lieu de combattre la société actuelle, t
544 « individu », pour des raisons sur lesquelles il est inutile de revenir une fois de plus dans Esprit. q. Rougemont Denis
15 1935, Esprit, articles (1932–1962). « L’Esprit n’a pas son palais » (octobre 1935)
545 à l’Exposition de 1937   L’Exposition de 1937 en est au stade des réalisations. Les idées fermentent. Les plans s’ordonnen
546 entations feront pâlir les rêves des conteurs. Ce sera , dans la féerie de l’eau des lumières et des couleurs, le ballet vert
547 des couleurs, le ballet vertigineux des ondes. Ce sera aussi la fête de l’esprit. Elle doit dépasser en splendeur les manife
548 splendeur les manifestations du même ordre dont s’ est illuminé le passé. Mais nous entendons lui donner son caractère propr
549 lligence… C’est dire que l’esprit créateur y doit être à l’honneur. Voilà pourquoi la Commission de coopération intellectuel
550 la Pensée. Qu’on nous entende bien. La pensée ne sera absente nulle part. Mais il faut un endroit où les travailleurs désin
551 ion, jusqu’aux maîtres glorieux d’aujourd’hui, se sont déroulées les « chaînes » qui, des profondeurs de la nature ou des si
552 ences, à attacher les foules ? […] Ce Palais doit être construit en dur. Il doit survivre à l’Exposition. Pourvu, à côté des
553 tres pour les conférences et pour les congrès, il sera , pendant la durée de l’Exposition, le centre de ces « journées », de
554 société. C’est reconnaître enfin que ce rapport n’ est plus perçu par un chacun comme évident ni comme allant de soi, mais q
555 u à la proposition qu’on vient de lire ne saurait être celle d’une société équilibrée. Où est l’esprit ? Quel est son champ
556 e saurait être celle d’une société équilibrée. Où est l’esprit ? Quel est son champ d’action ? Doit-il avoir un lieu partic
557 d’une société équilibrée. Où est l’esprit ? Quel est son champ d’action ? Doit-il avoir un lieu particulier ? De la répons
558 stence et l’emplacement du Palais de l’Esprit. Il est clair que de telles questions sont le fait d’une époque barbare ; d’u
559 de l’Esprit. Il est clair que de telles questions sont le fait d’une époque barbare ; d’une époque où l’esprit n’est plus un
560 d’une époque barbare ; d’une époque où l’esprit n’ est plus un lieu commun, comme la richesse par exemple, dont on sait bien
561 a richesse par exemple, dont on sait bien qu’elle est partout chez elle et partout reconnue à des signes certains — et qui
562 at vient au secours d’une religion, c’est qu’elle est morte. Ou qu’elle n’en a plus pour longtemps. Lorsque l’État s’avise
563 a nation. « Qu’on nous entende bien. La pensée ne sera absente nulle part. Mais il faut un endroit etc. » Mais, il y a un ma
564 Mais, il y a un mais, justement. Certes, l’esprit sera partout : une espèce de décence le veut. Mais pratiquement, mais séri
565 e et sur le rôle de l’esprit qu’on dit créateur ? Serait -ce donc qu’on ne sait plus le voir dans ses effets ? Mais alors, comm
566 chait en vain parmi les métaphores du député. Il est juste, il est nécessaire de mettre l’esprit à sa place — s’écriait le
567 parmi les métaphores du député. Il est juste, il est nécessaire de mettre l’esprit à sa place — s’écriait le fameux romanc
568 — s’écriait le fameux romancier —, à sa place qui est la première, et de l’y mettre en pleine clarté. Cela dit, tout le mon
569 treprise [c’était là que j’avais buté] : l’esprit est à l’origine de tout ; l’exposition elle-même sera, dans toute son amp
570 est à l’origine de tout ; l’exposition elle-même sera , dans toute son ampleur, une manifestation sensible de l’esprit ; il
571 il n’en faut pas moins reconnaître que l’esprit n’ est pas matière exposable : les ouvrages essentiels de l’esprit, précisém
572 essentiels de l’esprit, précisément parce qu’ils sont encore peu compromis dans l’univers temporel, ont, en général, une fa
573 ter, comment le hisser sur le pavois ? La réponse est simple. L’esprit s’exprime par l’écrit et la parole. Un sanctuaire de
574 r l’écrit et la parole. Un sanctuaire de l’esprit sera donc un sanctuaire du livre et de la parole. » Il y aurait donc une b
575 ait au surplus que son « sanctuaire du livre » ne serait pas un « musée » mais bien une « ruche active ». Précaution pour le m
576 t éviter à tout prix de prononcer le mot que nous étions en train de chercher pour définir notre impression : ce palais, ce « 
577 ctive » où bourdonneraient les idées pures, ce ne serait jamais qu’un musée. Et créé par l’État, et contrôlé par lui, ce ne se
578 e. Et créé par l’État, et contrôlé par lui, ce ne serait jamais qu’un musée des lieux communs de la Troisième République. Non
579 composent la notion courante de l’esprit pur : ce sont ces lieux communs inoffensifs et soigneusement vidés de toute espèce
580 nore d’une façon moins directe. III. Le temple est vide On ne pouvait mieux se moquer de l’intelligence. Craignons to
581 ns toutefois que l’intention de nos auteurs n’ait été pure de toute espèce d’ironie. Le plus grave, sans doute, c’est qu’il
582 ue l’on nous offre d’une réalité — ici l’esprit — sont des arguments de misère contre cette réalité tant qu’elle dispense pa
583 pirituel. On dira qu’elles ne l’ont jamais su. Je serais prêt à l’accorder. Ce qui est nouveau, c’est qu’elles croient le savo
584 nt jamais su. Je serais prêt à l’accorder. Ce qui est nouveau, c’est qu’elles croient le savoir. C’est que la caricature of
585 l’horizon populaire26. Le succès d’une caricature tient à ce qu’elle est une simplification. Celle qu’on nous présente de l’e
586 26. Le succès d’une caricature tient à ce qu’elle est une simplification. Celle qu’on nous présente de l’esprit comble si b
587 tés ou commissaires, ils croient tous tant qu’ils sont que l’esprit est une espèce de luxe vénérable et volatil, une entité
588 s, ils croient tous tant qu’ils sont que l’esprit est une espèce de luxe vénérable et volatil, une entité qui plane au-dess
589 uel, et partant, d’autant plus respectable, qu’il est plus dégagé du réel, ou comme ils disent avec dégoût, « de ses applic
590 aissant entendre ainsi que la science et les arts sont enfermés dans ce dilemme : ou l’esprit pur — comprenez inactif — ou l
591 éel », pour le vénérer dans un temple, l’esprit n’ est plus que « la poussière des livres », et le « réel », une marchandise
592 truit par l’État, la pensée s’évanouit, le temple est vide. Un Palais de l’Esprit ne peut être qu’un palais vide, ou un mus
593 le temple est vide. Un Palais de l’Esprit ne peut être qu’un palais vide, ou un musée. Et les objets qu’on y conservera, et
594 conservera, et les discours qu’on y « diffusera » seront aussi peu de l’esprit que nos commissaires sont de bons écrivains.
595 seront aussi peu de l’esprit que nos commissaires sont de bons écrivains. IV. Le spiritualisme consacre le préjugé utilit
596 proposer que « l’esprit », dans cette entreprise, soit mis à part, et honoré en soi. Un écrivain fameux, gloire du roman fra
597 de son côté que ce Palais de l’esprit pur ne peut être en réalité qu’un palais vide. Et ce vide que d’ailleurs il qualifie d
598 nsisté sur l’anecdote du Palais de l’Esprit, ce n’ est point pour me ménager une partie par trop facile. C’est que la grossi
599 ar une sorte de chance, que l’article du député n’ est pas seulement l’illustration de cette erreur, mais la confirmation to
600 a voulu, c’est que l’esprit « clair et distinct » fût séparé absolument du corps. Ce que Descartes a proposé, ce que l’Égli
601 — et nous y reviendrons plus tard tout à loisir, soit pour marquer les causes internes de son succès auprès des clercs, soi
602 causes internes de son succès auprès des clercs, soit pour rappeler au passage quels intérêts temporels concoururent à cett
603 l’affaire qui nous occupe ici, il me semble qu’il est suffisant de relever l’autorité que cette erreur confère au préjugé.
604 e au préjugé. En effet, le succès de l’erreur eût été forcément limité, si par malheur elle n’avait pas rejoint d’une maniè
605 doute ce préjugé contre l’esprit n’a pas toujours été si fort que nous le voyons aujourd’hui, quand tout un siècle d’enseig
606 ujourd’hui, quand tout un siècle d’enseignement s’ est appliqué à le fixer et à l’étendre. Mais il demeure certain que l’ouv
607 ne tendance naturelle à estimer que la « pensée » est incapable, en fait, de les aider dans l’exercice quotidien de leur tr
608 r, d’ailleurs d’une façon vague, que les penseurs sont des gens peu pratiques, par suite, que la pensée n’est guère qu’un lu
609 es gens peu pratiques, par suite, que la pensée n’ est guère qu’un luxe — « signe extérieur » de la richesse, ou d’une condi
610 , ou d’une condition sociale privilégiée — le pas est aisément franchi. Et Descartes n’y est pour rien. Il faudrait bien pl
611 e — le pas est aisément franchi. Et Descartes n’y est pour rien. Il faudrait bien plutôt s’en prendre au régime des classes
612 ultat nécessaire de la distinction cartésienne, n’ est pas demeurée sans effet. Séparer soigneusement l’esprit du corps, et
613 ce qu’il faut au régime des requins. La preuve en est administrée chaque fois qu’un député ou un ministre, un directeur de
614 de l’esprit. En effet, l’esprit dont ils parlent étant précisément celui que l’on enfermera dans la « cité René Descartes »,
615 ter que dans l’affirmation d’un idéal : et rien n’ est plus utile aux « réalistes » que la croyance commune à la valeur en s
616 r une situation de fait. Je répète que celle-ci n’ est devenue possible qu’en vertu d’une certaine attitude des clercs. Ce n
617 n vertu d’une certaine attitude des clercs. Ce ne sont pas les bénéficiaires de cette situation, politiciens ou affairistes,
618 ose sur une maxime d’autant plus efficace qu’elle est inavouée et peut-être inconsciente : l’esprit est une pure descriptio
619 est inavouée et peut-être inconsciente : l’esprit est une pure description 32. On assure ainsi à bon compte la rigueur des
620  ! — déterministe : or, le déterminisme se trouve être tout justement la doctrine la plus propre à nous aveugler sur la réal
621 on de la science, c’est-à-dire de la description, est tellement opposée au véritable esprit philosophique qu’elle conduit f
622 les seuls philosophes de ce temps — Nietzsche en est le fameux exemple — sous prétexte qu’ils ne répondent pas au signalem
623 nt du « technicien de la pensée34 ». Quand ils ne sont pas historiens, les « philosophes » de l’Université s’occupent de psy
624 able irréalisme de l’étude des « facultés » ayant été démasqué par la science dès le début du xxe siècle, on a cru sauver
625 me C. G. Jung35. Des remarques identiques peuvent être faites — elles ont été faites mille fois — au sujet de la sociologie
626 arques identiques peuvent être faites — elles ont été faites mille fois — au sujet de la sociologie ou de l’histoire de la
627 ment, plus il lui paraît évident que l’engagement est impossible. Et plus il se persuade que sa nature est essentiellement
628 impossible. Et plus il se persuade que sa nature est essentiellement « distinguée », essentiellement inactuelle. Avoir vu
629 . Avoir vu que les choses humaines, écrit Renan, sont un à peu près sans sérieux et sans précision, c’est un grand résultat
630 c’est une abdication de tout rôle actif. L’avenir est à ceux qui ne sont pas désabusés36. Entendez que l’avenir appartien
631 on de tout rôle actif. L’avenir est à ceux qui ne sont pas désabusés36. Entendez que l’avenir appartient pratiquement aux
632 u rôle actif de l’esprit, n’oublions pas qu’il la tient pour le gage du « désintéressement » des clercs parfaits. Mais c’est
633 sent la gloire, ou le pouvoir, ou la richesse qui seraient le prix de leur intervention : ce ne sont là que les rudiments de la
634 qui seraient le prix de leur intervention : ce ne sont là que les rudiments de la morale de leur état. Et personne n’a jamai
635 taire. Se montrer « désintéressé » pour lui, ce n’ est pas tout bravement refuser de toucher le prix d’une noire trahison. S
636 il l’entend, c’est nier en principe que l’esprit soit responsable de ce qui se passe dans le monde. C’est affirmer que l’es
637 asse dans le monde. C’est affirmer que l’esprit n’ est pas du monde, et que les intérêts du monde réel sont pour lui comme i
638 t pas du monde, et que les intérêts du monde réel sont pour lui comme inexistants. Ce qui revient d’une part à diviniser not
639 ns ! Pour sa part, il s’en lave les mains. Pilate fut le premier clerc parfait : le juge refusant de juger. On me dira que
640 fusant de juger. On me dira que ce gouverneur eût été dans son rôle en agissant, et qu’il trahissait sa fonction en allégua
641 ellectuel, comme tout autre homme, et parce qu’il est homme, simplement, est bel et bien engagé dans le monde. Supposer un
642 utre homme, et parce qu’il est homme, simplement, est bel et bien engagé dans le monde. Supposer un clerc pur, c’est encore
643 sprit dégagé de son corps, jamais un tel esprit n’ est né dégagé de tous liens, irresponsable. Et s’il existe en apparence d
644 s, irresponsable. Et s’il existe en apparence des êtres qui méritent le nom de clercs parfaits, c’est qu’en réalité, ils ont
645 réalité, ils ont trahi leur fonction propre, qui était de juger, et de juger effectivement, dans le monde des corps et des s
646 vide. La dénonciation des clercs « intéressés » n’ est valable que si elle concerne ces pharisiens, ces docteurs d’Israël qu
647 ava les mains en présence de la foule et dit : Je suis innocent du sang de ce juste. Cela vous regarde. » Ne vient-il pas d’
648 lime de l’esprit ? Ne vient-il pas de dire : « Qu’ est -ce que la vérité ? » À vingt siècles de là, la voix « désabusée » d’u
649 lui donnera cette réplique fameuse : « La vérité est peut-être triste. » Réponse qui n’est encore qu’une question déguisée
650 « La vérité est peut-être triste. » Réponse qui n’ est encore qu’une question déguisée. Le soupçon de Renan trahit un doute,
651 ahit un doute, et un doute sur la vérité : ce qui est « peut-être triste », insondablement triste, c’est que « peut-être »
652 existe pas. Et si la vérité n’existe pas, comment serions -nous donc fondés à juger, à risquer en son nom les réalités immédiate
653 : « Voici l’homme » ! Et que dit cet homme ? « Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. 
654 mme » ! Et que dit cet homme ? « Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. » Unanimité co
655 urquoi n’a-t-il pas dit seulement : Mon royaume n’ est pas de ce monde ? Ce royaume n’eût gêné personne, tout semblable à ce
656 n Palais. Mais que vient-il faire parmi nous ? Qu’ est -ce que la vérité ? demande encore Pilate. (Il lui tend encore cette p
657 cette perche !) Mais l’homme ne répond plus : il est la vérité, la réponse en chair et en os. Il faudrait se « boucher les
658 s. Il faudrait se « boucher les yeux… » Cet homme est l’Esprit incarné, l’Esprit qui s’est rendu mortel, car c’est ainsi qu
659  » Cet homme est l’Esprit incarné, l’Esprit qui s’ est rendu mortel, car c’est ainsi qu’il peut changer le monde. Non pas en
660 s clercs, mais au contraire en s’abaissant. Telle est la parabole du spirituel. VII. Situation des intellectuels dans la
661 ir. Le royaume de l’esprit — notre Université — n’ est pas de ce monde. C’est le royaume des lois « sérieuses et précises »
662 e l’impuissance de l’esprit. Mais les hommes, qui sont bien méchants, savent à merveille tirer parti contre l’esprit de la l
663 ns les règles de l’art qu’il a sucé. Si l’ouvrage est « sérieux et précis » selon les clercs, l’éditeur, le jugeant invenda
664 mais à condition qu’on en sorte : en se vendant, soit à l’État, soit aux journaux, soit au public, soit au fascisme ou à l’
665 on qu’on en sorte : en se vendant, soit à l’État, soit aux journaux, soit au public, soit au fascisme ou à l’antifascisme. À
666 en se vendant, soit à l’État, soit aux journaux, soit au public, soit au fascisme ou à l’antifascisme. À quoi s’ajoute depu
667 soit à l’État, soit aux journaux, soit au public, soit au fascisme ou à l’antifascisme. À quoi s’ajoute depuis peu une possi
668 briguer l’inspectorat de la Sûreté nationale. Il serait faux de dire qu’on paie l’esprit. C’est bien plutôt l’absence d’espri
669 touchent » les clercs pour leurs écrits se trouve être l’inverse exact de la valeur spirituelle de ces écrits. Ce n’est pas
670 xact de la valeur spirituelle de ces écrits. Ce n’ est pas la création, c’est le rabâchage qui rapporte. Publiez un poème, u
671 e revue « de haute tenue intellectuelle » vous ne serez pas payé, ou vous serez payé dix francs, vingt ou trente francs la pa
672 intellectuelle » vous ne serez pas payé, ou vous serez payé dix francs, vingt ou trente francs la page au maximum. Publiez u
673 , et tenant compte de la frivolité du genre, vous serez payé 200 fr. la colonne. Et si vous descendez jusqu’au journal d’info
674 escendez jusqu’au journal d’information, les prix seront encore supérieurs, pour un « papier » bâclé en une demi-heure à l’aid
675 que l’Esprit pur et le Palais de l’Esprit pur ne sont jamais si lyriquement loués que dans la presse quotidienne… Quant à l
676 du chômage, je lui vois bien des agréments, s’il est vrai que la liberté de penser et d’écrire à sa guise, la pauvreté, le
677 on parvient assez vite à composer son équilibre, sont pour l’esprit autant de gains certains lui offrant une chance admirab
678 état me permet d’affirmer sans ironie qu’il n’en est pas de plus recommandable pour l’intellectuel soucieux d’agir par sa
679 e faite d’embêtements et de fécondes coïncidences est plus conforme aux rythmes de l’esprit créateur que le détachement méd
680 que par leur volonté d’indépendance — dès qu’ils sont en assez grand nombre pour constituer un parti, préparent les voies d
681 éché miséricorde, dit le peuple, mais le pardon n’ est pas l’oubli, il est toujours un acte créateur en même temps qu’une cr
682 t le peuple, mais le pardon n’est pas l’oubli, il est toujours un acte créateur en même temps qu’une critique radicale. Je
683 ue nationaliste dont la culture du dernier siècle est responsable ; vu l’intérêt que présenterait pour l’humanité d’aujourd
684 nels ; — constate : que le problème de la culture est le problème central de notre temps, la culture étant responsable de c
685 st le problème central de notre temps, la culture étant responsable de concentrer, d’humaniser et de transmettre les doctrine
686 vendent ou se désintéressent ; que ce problème n’ est plus jamais posé que par des penseurs sans audience et sans prestige
687 culture, de ses moyens et de son but final. b) qu’ est -elle devenue en théorie et en pratique sous les divers régimes actuel
688 bases ? c) à quoi servent les clercs ? quel doit être leur rôle dans la cité ? à qui s’adressent leurs écrits ? d) quelle e
689 cité ? à qui s’adressent leurs écrits ? d) quelle est la source de leur autorité — si elle existe en fait ou en droit — et
690 lle existe en fait ou en droit — et quels doivent être ses moyens ? Les discussions seront introduites chaque matin par l’ex
691 t quels doivent être ses moyens ? Les discussions seront introduites chaque matin par l’exposé des principales tendances qui s
692 conduit à poser de vraies questions sérieuses. Il est donc irréalisable sous un patronage officiel. Exposer les dernières i
693 subversives, ces états généraux de la culture. Ne serait -ce pas inaugurer officiellement la révolution véritable ? Faudrait-il
694 tte initiative ?41 Laissons ce jeu. Les utopies sont nécessaires, mais il y a un temps pour les rêver et un temps pour les
695 liquer, un temps pour critiquer finement ce qui s’ est fait, et un temps pour saisir à pleines mains les instruments de cons
696 leines mains les instruments de construction, qui sont aussi ceux des démolitions préparatoires. L’important, c’est de voir
697 s passionnées et simplistes du public ne puissent être un puissant rappel à la « réalité rugueuse » de ce monde. Mais ce rap
698  réalité rugueuse » de ce monde. Mais ce rappel n’ est pas suffisant. Voir les faits n’est pas tout, il faut voir au-delà et
699 s ce rappel n’est pas suffisant. Voir les faits n’ est pas tout, il faut voir au-delà et plus profond que ne peut voir la fo
700 r. Seuls les prophètes — et non les techniciens — sont en mesure de conduire l’action, si conduire c’est savoir où l’on va.
701 entendu de tous, il faut que le terme — la fin — soit proclamé par des prophètes. Non pas des hommes grandiloquents ou exci
702 ent responsables de ce qu’elles ont à donner, qui est à tous. 24. « Pour un Palais de l’Esprit », Nouvelles littéraires
703 populaires ». (L’Idée socialiste, p. 33). Le fait est incontestable, mais il faut l’interpréter : cette conception n’est pa
704 , mais il faut l’interpréter : cette conception n’ est pas seulement spontanée dans le peuple — ce ne serait pas grave — ell
705 st pas seulement spontanée dans le peuple — ce ne serait pas grave — elle est inculquée au peuple par les clercs bourgeois, do
706 ée dans le peuple — ce ne serait pas grave — elle est inculquée au peuple par les clercs bourgeois, dont l’enseignement con
707 bliothèque. » C’est pourquoi « notre bibliothèque sera construite en dur ». — Déclaration fort équivoque. Pour quels ouvrage
708 ssables faudra-t-il réserver son bas de laine ? N’ est -ce pas pour les plus périssables choses que nous dépensons notre arge
709 cher qu’une petite 5 chevaux. Quant au salut, il est gratuit. Et je ne pense pas que M. Duhamel compte acheter son « immor
710 : à la grande masse du peuple, à tous ceux qui ne sont pas intellectuels, et qui sont les premiers à souffrir de la carence
711 à tous ceux qui ne sont pas intellectuels, et qui sont les premiers à souffrir de la carence de l’esprit. 29. De ce mépris
712 informé. Or, la plupart de ceux qu’on nomme ainsi sont justement des théoriciens — ingénieurs ou économistes — et de l’espèc
713 que ces réflexions introduisent. 32. Voilà qui n’ est pas dans l’esprit de Descartes, lequel défend dans de nombreuses décl
714 a pu que renforcer le préjugé matérialiste. On en est venu à concevoir l’action de l’esprit d’une manière purement médiate 
715 e l’esprit d’une manière purement médiate : comme étant l’application des résultats du raisonnement à notre action. Sur le my
716 s dans la psychologie moderne. 33. Si le concret est « ce qui engage », ce qui est soumis aux sanctions de la loi, ce qui
717 33. Si le concret est « ce qui engage », ce qui est soumis aux sanctions de la loi, ce qui exige une décision prise par u
718 s philosophiques : la tâche du philosophe sincère est , de nos jours, suspendue par un fait, l’existence de la science. » Ce
719 ar un fait, l’existence de la science. » Cet aveu est de Rauh (Avant-propos des Études de morale). 35. Et sans doute d’abo
720 aël, t. III, p. 497. Le vieillard qui écrit cela, est -ce bien le même homme qui écrivait dans sa jeunesse : « La science ma
721 unesse : « La science maîtresse, le souverain… ce sera la philosophie, c’est-à-dire la science qui recherche le but et les c
722 nditions de la société. La révolution de l’avenir sera le triomphe de la morale sur la politique » (L’Avenir de la Science).
723 r lesquelles l’esprit ne peut rien. Comme si ce n’ était pas justement cet « esprit » qui avait fabriqué ces « lois », dans l’
724 rendus au mythe du Progrès, plus qu’à eux-mêmes, sont au fond la meilleure protection pour leurs privilèges usurpés. 37.
725 difficile et l’essentiel pour un philosophe, ce n’ est pas d’arriver le plus vite possible à la conclusion, mais au contrair
726 ucher les yeux »). Elle postule que le philosophe est dégagé de toute responsabilité. Qu’il pense dans le vide, hors de tou
727 ors de toute urgence. 38. Le cas de Ponce Pilate est en vérité exemplaire. Il résume une fois pour toutes les équivoques d
728 piritualisme. Pilate a dit le droit : « Cet homme est juste. » Ayant dit ses raisons, il a fait tout ce qu’un clerc doit fa
729 sabilité. S’il croyait sérieusement que cet homme est juste, il le relâcherait. Mais qu’est-ce que la justice ? Qu’est-ce q
730 e cet homme est juste, il le relâcherait. Mais qu’ est -ce que la justice ? Qu’est-ce que la vérité ? Valent-elles qu’on leur
731 e relâcherait. Mais qu’est-ce que la justice ? Qu’ est -ce que la vérité ? Valent-elles qu’on leur sacrifie sa situation de g
732 r sacrifie sa situation de gouverneur ? Ces Juifs sont en émeute : voilà le fait. J’ai dit ce que je pensais, voilà le droit
733 olérer sereinement l’exaction. 39. Cette échelle est aussi valable dans l’édition. Moins un livre comporte d’idées, de cré
734 public auprès de l’auteur, et non l’inverse, qui serait normal. Tout profit commercial se calcule de la sorte aux dépens de l
735 d’un parti, d’un dictateur ou d’un soviet. Cela n’ est pas invraisemblable : abdiquer toute espèce de conscience est une ten
736 aisemblable : abdiquer toute espèce de conscience est une tentation fascinante pour l’homme qui a mauvaise conscience. P.-S
737 our l’homme qui a mauvaise conscience. P.-S. Ceci fut écrit en mai de cette année ; à ce moment j’ignorais tout du « congrè
738 culture », qui se préparait. Le rôle du public y fut d’ailleurs à peu près nul. r. Rougemont Denis de, « L’Esprit n’a p
16 1936, Esprit, articles (1932–1962). Francfort, 16 mars 1936 (avril 1936)
739 lutte commence là ». « Anti-fascistes », nous le sommes tous ici, s’il s’agit de prendre parti, en France, contre un mouvemen
740 ns un pays qui a fait la Révolution de 89, et qui est déjà une nation. Mais condamner le « fascisme » allemand, et fonder s
741 gens à Paris, qui soutiennent que le fait-nation est une méchante farce inventée par la bourgeoisie, en guise de dernière
742 là des marges du Capital. Si du moins ils avaient été en Russie, il y aurait quelques chances de leur faire comprendre ce q
743 Pour autant que l’on peut comparer à quoi que ce soit de supposé connu des mouvements aussi totalement « étranges » et « pr
744 énéral », des dizaines de milliers attendaient. J’ étais venu pour écouter aussi la foule. Je me trouvais au milieu d’ouvriers
745 e que si ma foi puissante dans le Peuple allemand est sans cesse renforcée par la foi et la confiance du Peuple en moi ! — 
746 caricatures. Il ne s’agit pas d’hystérie : rien n’ est plus discipliné que ces foules. Il ne s’agit pas d’un tribun déchaîné
747 s avec ironie, mais sans amertume ; et ses gestes sont souples, n’ont plus rien de la brutalité des années de combat, avant
748 ur et puissant esprit de la nation, que le Führer est venu incarner, lui le pur, le simple, l’ami et le libérateur invincib
749 ns, retournez aux catacombes ! Votre « religion » est vaincue, vos cérémonies modestes, vos petites assemblées, vos chants
750 tites assemblées, vos chants traînants, tout cela sera balayé. Il ne vous restera que la foi. La vraie lutte commence là.
17 1936, Esprit, articles (1932–1962). Vues sur C. F. Ramuz (mai 1936)
751 man verstecken. Wo ? An der Oberfläche.  (Ce qui est profond doit être caché. Où donc ? À la surface.) Hofmannsthal. 1
752 Wo ? An der Oberfläche.  (Ce qui est profond doit être caché. Où donc ? À la surface.) Hofmannsthal. 1. Ramuz mythologue
753 . 1. Ramuz mythologue Toute méthode féconde est basée sur une intuition des faits qu’elle veut appréhender ; dans cet
754 qu’elle veut appréhender ; dans cette mesure, il est exact de dire qu’elle s’ordonne par avance à sa fin. On n’imagine pas
755 te personne ne comportent aucun système : mais il est si totalement exprimé qu’on ne peut plus le distinguer des formes qu’
756 inguer des formes qu’il propose à notre vue. Il s’ est transformé en domaine. Il faut le lire comme un visage. Qu’est-ce qu’
757 é en domaine. Il faut le lire comme un visage. Qu’ est -ce qu’un domaine, qu’est-ce qu’une propriété réelle, sinon l’extensio
758 lire comme un visage. Qu’est-ce qu’un domaine, qu’ est -ce qu’une propriété réelle, sinon l’extension dans l’espace d’une loi
759 ’aille pas chercher derrière les phénomènes : ils sont eux-mêmes enseignement », dit Goethe. Il n’y a rien à voir sous les a
760 s formes en même temps que notre œil. « La vérité est une pensée matérialisée, la vérité doit exister non seulement en nous
761 s un relief et un volume. Elle doit non seulement être vue, mais touchée, et puis embrassée, puis finalement soulevée, ayant
762 ement : « Si c’était vrai, ça se verrait. » Telle est la loi nouvelle et la réalité d’une ère dominée par ce fait historiqu
763 , ça se verrait »… Ainsi la clé de toute création est dans le visage de l’homme. Qu’un homme détienne un pouvoir créateur,
764 ur voir. Encore faut-il en croire ses yeux…) Il n’ est d’art que physionomique. Il n’est d’esprit que dans l’action qui sais
765 ses yeux…) Il n’est d’art que physionomique. Il n’ est d’esprit que dans l’action qui saisit une forme pour la transformer.
766 e. Ni dans le ciel. L’esprit n’a pas de siège. Il est passage, prise, saisissement. L’esprit se manifeste dans la main qui
767 tir des bois dans le rose du lever du jour et ils sont roses dans le ciel rose, avec des gouttes de rosée qui leur pendent à
768 ux44. Et l’on verrait alors que ces bonshommes ne sont point décrits « de l’extérieur » — comme le voudrait certaine formule
769 udrait certaine formule naturaliste — mais qu’ils sont décrits dans leur forme, ce qui n’est pas du tout la même chose. La f
770 ais qu’ils sont décrits dans leur forme, ce qui n’ est pas du tout la même chose. La forme humaine, si l’homme est « authent
771 tout la même chose. La forme humaine, si l’homme est « authentique », est microcosme d’un pays, d’un paysage et d’un ensem
772 La forme humaine, si l’homme est « authentique », est microcosme d’un pays, d’un paysage et d’un ensemble de coutumes. Les
773 . » C’est comme lui quand il écrit. Car sa vision est harmonie avec ces formes, et son langage avec les rythmes qu’elles tr
774 lles traduisent. ⁂ Une forme, une image vivante : est -ce extérieur ou intérieur ? L’artiste répondra : ni l’un ni l’autre.
775 ’artiste répondra : ni l’un ni l’autre. Car il se tient , avec son imagination, dans cette région qui n’est ni du dedans ni du
776 nt, avec son imagination, dans cette région qui n’ est ni du dedans ni du dehors, qui est contact, et littéralement drame en
777 e région qui n’est ni du dedans ni du dehors, qui est contact, et littéralement drame entre la vision et l’objet, entre la
778 ngible, le matériel lisible et significatif. Nous sommes ici au lieu de l’incarnation des images — ou de la création imaginée.
779 ret chez un homme.) ⁂ « Car le phénomène de l’art est un phénomène d’incarnation (ce que l’école ne comprend pas). » Toute
780 çais de la tradition des classiques, comme ils le sont tous plus ou moins, paraît toujours s’excuser de l’emploi qu’il fait,
781 les duperies qu’ils couvrent. Les mots abstraits sont nécessaires à une certaine circulation d’idées qui « représentent » l
782 billets représentent l’or de la réserve. Le mot n’ est rien qu’un droit aux choses. Mais s’il n’y a plus de choses, c’est un
783 vérité. Contre cette inflation nominaliste, il n’ est pas de défense plus sûre que le recours à l’étymologie. Car le sens é
784 recours à l’étymologie. Car le sens étymologique est toujours lié à une chose (ou à une action sur les choses). Utiliser l
785 à cet état naissant dont la chimie nous dit qu’il est l’état de virulence extrême des corps. Les journalistes ont décontena
786 ’assises occupée à juger des meurtres dont le vol est le mobile. Je dis qu’il ferait un meilleur travail éducatif. Car il p
787 l’argent et les bienfaits qui en découlent.) Si j’ étais dictateur, je nommerais Ramuz président de ce tribunal. Et nous aurio
788 ait dans les salons, au temps où le seul tribunal était celui du goût (c’est-à-dire des poncifs imposés par la cour de Louis
789 ntérieur d’une même phrase. Je ne crois pas qu’il soit possible de les ramener à une loi, ni même à un usage régulier ; ou p
790 llèle d’attitudes et de faits visibles ; l’accent étant porté sur la causalité, et les faits se réduisant peu à peu au rôle d
791 rieuse et schématique reconstruction des âmes. Il est entendu désormais qu’un auteur qui n’utilise que des faits se range d
792 n’y a rien à chercher sous la forme, qui ne peut être interprétée que par ses relations organiques à d’autres formes. Et c’
793 ci plus de concepts, plus d’idées générales. Tout est images et complexes d’images. Tout est mythes 45. ⁂ Ainsi la mytholog
794 ales. Tout est images et complexes d’images. Tout est mythes 45. ⁂ Ainsi la mythologie, chez Ramuz, déloge l’analyse abstra
795 certaine littérature d’intrigues pour laquelle il est clair que Ramuz n’est pas doué. La forme même que revêt chez Ramuz la
796 ’intrigues pour laquelle il est clair que Ramuz n’ est pas doué. La forme même que revêt chez Ramuz la faculté d’imaginer et
797 n, devait le conduire à créer un milieu où tout «  être  » se traduisît immédiatement par un « paraître » ; en sorte qu’on pût
798 d’un peuple en communion avec les éléments. Ce n’ est point là un art « d’après le peuple », mais on dirait plus justement 
799 e celle du pays de Vaud : non pas la grecque, qui est scolaire — pour eux — mais la biblique, qui est vivante.) Ainsi tous
800 i est scolaire — pour eux — mais la biblique, qui est vivante.) Ainsi tous parlent un même langage, qu’ils l’inscrivent sur
801 les événements actuels — cela se passe un jour d’ été de 1918 — sont expliqués à la lumière des Écritures. La Fin des temps
802 s actuels — cela se passe un jour d’été de 1918 — sont expliqués à la lumière des Écritures. La Fin des temps est proche, il
803 qués à la lumière des Écritures. La Fin des temps est proche, il faut en témoigner. Caille pénètre dans les cours de ferme,
804 ge s’amasse. Vers le soir il éclate tragiquement. Est -ce la Fin ? Grande heure de terreur et de prière… Puis, « la page du
805 e terreur et de prière… Puis, « la page du ciel a été tournée », ils se relèvent : « Il paraît bien qu’on n’est pas morts !
806 née », ils se relèvent : « Il paraît bien qu’on n’ est pas morts ! » Le monde renaît dans une soirée pure et le baiser d’un
807 ante monotonie. Un art dont la mesure ne doit pas être cherchée dans le pittoresque, ni dans l’ingéniosité, ni dans l’harmon
808 s du récit, surimpressions, changements de temps, sont ici largement mis en œuvre ; mais avec une probité particulière. La s
809 bité particulière. La surimpression par exemple n’ est jamais pour Ramuz un moyen de créer du mystère en brouillant les plan
810 au sérieux l’intrigue d’un roman bourgeois. On s’ est trop arrêté à l’insolite du style chez Ramuz. Ce qu’il a d’insolite,
811 du style chez Ramuz. Ce qu’il a d’insolite, ce n’ est pas tant sa forme que les vertus qu’elle suppose : la sobriété, la so
812 ai dire que là où leur personne prend fin. Elle n’ est pas dans le contact aussi direct que possible avec l’objet ; elle est
813 act aussi direct que possible avec l’objet ; elle est dans la suppression de tout contact avec l’objet. » Ainsi parle Ramuz
814 mirablement pris, d’un portrait de Ramuz, dont il est bien facile de tirer une épreuve positive : « Sa poésie commence avec
815 fin là où commence, pour lui, l’impersonnel. Elle est dans le contact aussi direct que possible avec l’objet ; elle est dan
816 act aussi direct que possible avec l’objet ; elle est dans la volonté, dans l’amour, dans la création du contact avec l’obj
817 différence capitale que chez Goethe le contact n’ est jamais « aussi direct que possible ». Goethe sait mal le grec, et con
818 ces… Ramuz commence là où tous les intermédiaires sont supprimés. Goethe cherche une économie des moyens, qui permette d’all
819 faut pas oublier que la culture de notre temps n’ est plus du tout ce qu’elle était au temps de Goethe. Plus encore que sa
820 ture de notre temps n’est plus du tout ce qu’elle était au temps de Goethe. Plus encore que sa valeur, c’est sa fin qui est c
821 ethe. Plus encore que sa valeur, c’est sa fin qui est contestable, dès lors que cette fin n’est plus la plénitude de l’huma
822 fin qui est contestable, dès lors que cette fin n’ est plus la plénitude de l’humain. Il se peut que l’effort réactionnaire
823 tionnaire de Ramuz, dans les contingences où nous sommes , soit, plus qu’il n’y paraît, conforme à l’éducation goethéenne. Il s
824 e de Ramuz, dans les contingences où nous sommes, soit , plus qu’il n’y paraît, conforme à l’éducation goethéenne. Il se peut
825 couvrir que le « gazouillis » des oiseaux pouvait être et était souvent le plus brutal des tintamarres, fait « d’un bruit de
826 que le « gazouillis » des oiseaux pouvait être et était souvent le plus brutal des tintamarres, fait « d’un bruit de vitres c
827 coups de pioche ou de marteau ». Les glaciers ne sont pas « sublimes » comme on chante dans les écoles suisses. Et il est f
828  » comme on chante dans les écoles suisses. Et il est faux de « chanter » la montagne : les montagnards l’appellent « le ma
829 n réaction contre l’académisme. Si puissantes que soient les conventions dans un pays, elles ne peuvent pas nourrir une réacti
830 uvent pas nourrir une réaction créatrice. Et ce n’ est point en haine de la facilité qu’un homme recherchera jamais l’effort
831 e proprette, leur idéal du bon écolier type, ce n’ est jamais au nom d’un naturisme romantique48. C’est parce que toutes ces
832 ort même, pour lui, garantit la réalité. L’effort est le concret de l’homme49. Saisir les choses et les êtres, tels qu’ils
833 le concret de l’homme49. Saisir les choses et les êtres , tels qu’ils sont et tels qu’ils se montrent, dégradés, désunis, info
834 me49. Saisir les choses et les êtres, tels qu’ils sont et tels qu’ils se montrent, dégradés, désunis, informes ; et par l’ef
835 fort d’une imagination qui retrouve leur raison d’ être , les pousser jusqu’à l’expression de leur nature primitive, produire
836 n de sa personne en exercice. « Je ne distingue l’ être qu’aux racines de l’élémentaire. » Parce que le critère du réel, c’es
837 brute exige le plus dur effort, parce que l’homme est le plus humain là où les choses et les êtres attendent tout de son po
838 ’homme est le plus humain là où les choses et les êtres attendent tout de son pouvoir restaurateur : leur nom, leur nombre et
839 ue le sens de tout acte humain, pour autant qu’il est créateur, c’est le retour au Paradis perdu. ⁂ Il faut citer ici une
840 e importance extrême, non seulement parce qu’elle est la plus clairvoyante que Ramuz ait écrite sur son art, mais aussi par
841 eu près seule dans son œuvre, une perspective qui est , je crois, celle de la plénitude de cette œuvre. Par-delà tous les p
842 Père et une Mère, où la grande parenté des hommes est entr’aperçue pour un instant. Car c’est à la ré-apercevoir pour un in
843 i de suite à l’infini, de sorte que pour finir on est chacun tout seul sur son petit bout de sentier. Et il y a aussi cette
844 a aussi cette malédiction, où on sent bien qu’on est (car rien autour de nous n’est vraiment éclos, vraiment abouti ; aucu
845 on sent bien qu’on est (car rien autour de nous n’ est vraiment éclos, vraiment abouti ; aucune musique n’est parfaite, aucu
846 raiment éclos, vraiment abouti ; aucune musique n’ est parfaite, aucun livre n’est parfait, aucun tableau n’est parfait ; et
847 ti ; aucune musique n’est parfaite, aucun livre n’ est parfait, aucun tableau n’est parfait ; et tout travail d’abord est du
848 faite, aucun livre n’est parfait, aucun tableau n’ est parfait ; et tout travail d’abord est dur, tout travail difficile, to
849 n tableau n’est parfait ; et tout travail d’abord est dur, tout travail difficile, tout travail, toute espèce de travail se
850 ntre nous-mêmes et contre Quelqu’un, tout travail est malédiction), jusqu’à ce que tout à coup, par une espèce de renversem
851 (c’est Une Main) je lis ceci : « Certains hommes tiennent pour un gain tout ce qui leur apporte une facilité ; moi, je ne tiens
852 out ce qui leur apporte une facilité ; moi, je ne tiens pour un gain que ce qui m’apporte un exemple. » Comment, ici encore,
853 une cheminée qui tire mal. J’aime les choses qui sont à leur façon, tandis que je suis à la mienne. » ⁂ Je vois, j’ai tenté
854 e les choses qui sont à leur façon, tandis que je suis à la mienne. » ⁂ Je vois, j’ai tenté de faire voir comment Ramuz exis
855 Ramuz existe à sa façon. Je vois que son pouvoir est sa présence active au monde (« Toute résistance, dit-il, nous oblige
856 monde (« Toute résistance, dit-il, nous oblige à être présent »). Je vois ce grand exemple d’une volonté tendue vers l’orig
857 la coutume d’un peuple, et l’authentique raison d’ être , l’identité d’une personne en communion, je vois, j’apprends, j’enten
858 vois, j’apprends, j’entends la voix d’un homme. N’ est -ce pas assez ? Cette voix n’est-elle pas émouvante ? — Oui, c’est bea
859 oix d’un homme. N’est-ce pas assez ? Cette voix n’ est -elle pas émouvante ? — Oui, c’est beaucoup, la voix d’un homme. C’est
860 s origines et ses fins. Voici le temps où l’homme est attaqué par des puissances qui veulent son abdication totale, — ou sa
861 enant il y va de notre tout. La question dernière est posée : celle de notre destination. Le silence perd alors son pouvoir
862 re chose que de nous. « Tout notre embrassement n’ est qu’une question51 ». Mais une question ne peut être sérieuse que si l
863 st qu’une question51 ». Mais une question ne peut être sérieuse que si l’on sait que la réponse existe… Il fallait nous appr
864 cet embrassement, cette saisie des choses et des êtres , cette présence au monde et à soi-même, — l’originalité de l’homme « 
865 squ’au terme. Le fondement dernier de la personne est témoignage. Témoigner, c’est peut-être risquer en dépit de tout et de
866 détournant l’attention de l’acte — car tout acte est particulier — pour la porter sur l’intention qui relève du général. A
867 tention qui relève du général. Ainsi le moralisme fut une doctrine abstraite du concret. Mais ses racines plongent dans la
868 ce que l’on fait se voit. L’acte le plus secret, fût -il même un silence, laisse une trace au visage de l’homme, modifie sa
869 ’homme, modifie sa forme existante. « La figure a été faite sur la vérité, et la vérité a été reconnue sur la figure » (Pas
870 figure a été faite sur la vérité, et la vérité a été reconnue sur la figure » (Pascal, cité par Ramuz). 44. Comme Ramuz l
871 44. Comme Ramuz l’a fait dans Six Cahiers. 45. Est -il nécessaire d’indiquer que rien n’est plus réel qu’un mythe ? Il a
872 ers. 45. Est-il nécessaire d’indiquer que rien n’ est plus réel qu’un mythe ? Il a fallu les ténèbres du xixe siècle pour
873 l’on prît ce mot pour synonyme de mensonge, qui n’ est qu’un sens dérivé, purement polémique, dirigé contre la religion des
874 ce qu’il appelle sa « vie intérieure », même s’il est résolument laïque. Rien n’est plus facile à concevoir, dans notre éta
875 rieure », même s’il est résolument laïque. Rien n’ est plus facile à concevoir, dans notre état social, qu’un patriote qui,
876 étranger pour les mettre à l’abri du fisc. Ce qui est plus difficile, c’est d’expliquer rationnellement une telle conduite.
877 itifs” comme on semble le croire : il ne faut pas être seulement un primitif, il faut être aussi un primitif ». C’est ce que
878 l ne faut pas être seulement un primitif, il faut être aussi un primitif ». C’est ce que l’école ne peut pas admettre. 49.
18 1936, Esprit, articles (1932–1962). Culture et commune mesure (novembre 1936)
879 aux, et par l’euphorie juvénile qui paraît bien s’ être emparée d’une partie du peuple russe ; assez ignorants au surplus des
880 olides vertus de la bourgeoisie conquérante. Ce n’ est point par hasard que ces amis de l’URSS citent souvent Diderot, Helvé
881 et Voltaire, à l’appui de leur foi nouvelle. Ce n’ est pas sans raison qu’ils se remettent à glorifier les mythes du Progrès
882 rendre à certains clercs bourgeois, honteux de l’ être , l’orgueil de leurs origines culturelles, la bonne conscience « bourg
883 onscience « bourgeoise » au sens originel, qu’ils étaient justement en train de perdre. Et pourtant Marx avait été un peu plus
884 tement en train de perdre. Et pourtant Marx avait été un peu plus loin ! Et l’on s’interdirait de rien comprendre à l’évolu
885 se refusait à l’examen critique des doctrines qui sont à sa base. Je ne dis pas qu’elles n’aient été souvent trahies. Ni qu’
886 ui sont à sa base. Je ne dis pas qu’elles n’aient été souvent trahies. Ni qu’elles soient actuellement plus importantes et
887 qu’elles n’aient été souvent trahies. Ni qu’elles soient actuellement plus importantes et plus dignes de nous retenir que l’él
888 que la critique d’un clerc y perd ses droits et n’ est plus à l’échelle du phénomène… Raison de plus, chance de plus, d’essa
889 ritualiste52, Marx avait affirmé que la culture n’ était rien qu’un « reflet » du processus économique, et de la lutte des cla
890 ment respectée dans les débuts de l’URSS. Trotski fut le premier à s’en apercevoir : on l’exila, quitte à suivre bientôt le
891 e ; on reconnut alors peu à peu que la révolution est au fond l’œuvre d’une minorité, que le gouvernement du prolétariat es
892 ’une minorité, que le gouvernement du prolétariat est au fond un gouvernement pour le prolétariat… Dans la théorie de la cu
893 ant prolétarienne se révéla finalement ce qu’elle était dès le début : culture socialiste, configuration d’une Idée par des h
894 ne élite guidant les masses. Et cette évolution s’ est trouvée confirmée par les récents congrès d’écrivains soviétiques ou
895 obéit pas à la loi de cause à effet. Leur unité n’ est pas quelque chose de donné, mais quelque chose qu’il faut créer, quel
896 r, quelque chose qu’il faut vouloir. Elle ne peut être réalisée que si l’on ordonne les deux tâches, lutte des classes et co
897 e commune en vue de réaliser cette fin commune qu’ est l’univers socialisé. ⁂ On connaît le nom de cette mesure, son incarna
898 ve à quoi s’ordonne toute la construction russe n’ est plus la doctrine orthodoxe, dont les marxistes d’Occident se sont fai
899 trine orthodoxe, dont les marxistes d’Occident se sont faits les conservateurs. C’est un plan beaucoup plus opportuniste que
900 l’ordre des erreurs possibles : c’est que le Plan est l’instrument forgé par la dictature communiste pour unifier la pensée
901 tion de la culture (et donc de sa mesure) au Plan est même si radicale, si naïve, que les Soviets en sont venus à confondre
902 st même si radicale, si naïve, que les Soviets en sont venus à confondre sans l’ombre d’un doute « culture » et « production
903 s déclarations de ce genre « Le niveau culturel a été élevé par le Torgsin (magasin de produits étrangers). Le Torgsin en e
904 dité crasse. Or le danger de cette assimilation n’ est pas niable. Il est clair que les masses soviétiques sont toujours plu
905 danger de cette assimilation n’est pas niable. Il est clair que les masses soviétiques sont toujours plus tentées de l’opér
906 s niable. Il est clair que les masses soviétiques sont toujours plus tentées de l’opérer, avec une bonne humeur et une bonne
907 ttent d’affirmer que, de gré ou de force, le Plan est bien ce rappel permanent des fins dernières conçues par le Parti : l’
908 ïsme, éclate alors à tous les yeux. Si les Russes sont de bonne humeur et si nous sommes de mauvaise humeur, c’est qu’ils sa
909 ux. Si les Russes sont de bonne humeur et si nous sommes de mauvaise humeur, c’est qu’ils savent pourquoi ils travaillent et q
910 intrinsèque, cette puissance animatrice qui doit être , en tous les domaines, le caractère d’une mesure vivante ? L’idéal du
911 mesure vivante ? L’idéal du Plan soviétique, qui est le monde intégralement socialisé, embrasse-t-il réellement le tout de
912 nes imposées par le Plan à la création artistique sont -elles vraiment des disciplines fécondes, ou au contraire, des conform
913 ommunistes, que la littérature conforme au Plan n’ est pas un art, mais une forme assez basse de propagande politique, et de
914 digne du nom qu’ait produite la nouvelle Russie s’ est développée en marge du Plan, par anticipation ou régression sur les «
915 e conscience du danger. La littérature soviétique est née de la révolution. Elle s’est constituée en même temps que son pub
916 ature soviétique est née de la révolution. Elle s’ est constituée en même temps que son public. Autrement dit, les « écrivai
917 aient parlaient naturellement le même langage qui était le langage du Plan. Mais cet accord était en somme très limité et ce
918 age qui était le langage du Plan. Mais cet accord était en somme très limité et ce langage essentiellement technique. Car le
919 ce langage essentiellement technique. Car le Plan était avant tout, conformément à la doctrine marxiste, un schéma de la prod
920 re les passions, et la nature et la diversité des êtres . Il fallait désormais recourir à une mesure qualitative que le Plan n
921 n en tant que tel dans le domaine littéraire n’en est pas moins une évidence. ⁂ Les écrivains soviétiques l’ont compris. Au
922 ole soviétique, l’unité du peuple et des clercs n’ est pas « quelque chose de donné »… mais « quelque chose qu’il faut voulo
923 niste devrait dorénavant s’organiser (le paradoxe est d’ailleurs soutenable) se substitue dans les esprits les plus vivants
924 isque créateur qui reviennent tenter l’esprit. Il serait vain de le nier : la mesure imposée par le Plan et qui régit encore l
925 i régit encore l’action pratique des communistes, est d’ores et déjà combattue par une mesure spirituelle toute différente,
926 t les succès aveuglent la grande masse. Mais elle est réfutée dans son principe par la création culturelle, dès lors que ce
927 n à tous, et le reste viendra par-dessus. » Telle fut la grande maxime du Plan. Car, disait-on, il faut parer au plus press
928 il aura sans doute la vie dure, comme tout ce qui est irrationnel, et c’est la faute de la raison. Car cette raison, simple
929 Car cette raison, simple servante de l’action, s’ est voulue maîtresse de tout l’homme. Mais l’homme résiste à son emprise
930 n totalitaire. Il ne veut pas se laisser mutiler. Fût -ce au prix de salaires merveilleux58. Il découvre que la mesure qu’on
931 e la mesure qu’on voulait imposer à son orgueil n’ est encore qu’une immense caricature ; et que les fins qu’elle lui propos
932 homme nouveau au faîte de l’édifice matérialiste. Est -ce que tout le progrès acquis par une si dure révolution n’aura été q
933 progrès acquis par une si dure révolution n’aura été que de donner aux hommes, avec quelques milliers de tracteurs, d’avio
934 de parachutes, cette illusion philosophique ? Il est vrai que le monde bourgeois n’a même plus l’énergie de concevoir une
935 tout cela une conclusion concrète, qui peut nous être utile pour une future construction : la mesure pseudo-marxiste que le
936 o-marxiste que les Soviets proposent en exemple s’ est avérée, après quelques années, incapable de maintenir l’unité vraie d
937 r l’unité vraie de la pensée et de l’action. Elle est déjà divisée contre elle-même. Elle n’est plus réellement commune, en
938 n. Elle est déjà divisée contre elle-même. Elle n’ est plus réellement commune, encore qu’elle soit réellement imposée. Et j
939 lle n’est plus réellement commune, encore qu’elle soit réellement imposée. Et je ne préjuge rien de l’avenir d’un peuple qui
940 ressources mystiques aussi puissantes. Peut-être était -ce inévitable. Peut-être les bienfaits concrets du Plan surpassent-il
941 r les semelles-crêpe et le métro. Notre espérance est au-delà de ces réussites utiles. Vis-à-vis de la jeune Russie, notre
942 les. Vis-à-vis de la jeune Russie, notre devoir n’ est pas de railler des naïvetés plus sympathiques que nos astuces, mais i
943 etés plus sympathiques que nos astuces, mais il n’ est pas non plus de les admirer ; il n’est pas de dire non à tout, ni oui
944 mais il n’est pas non plus de les admirer ; il n’ est pas de dire non à tout, ni oui à tout ; c’est un devoir de critique l
945 ront avant longtemps les problèmes spirituels qui sont les nôtres. Toute la question est de savoir si nous les aurons résolu
946 spirituels qui sont les nôtres. Toute la question est de savoir si nous les aurons résolus, dans nos catégories occidentale
947 olus, dans nos catégories occidentales. Sinon, il sera toujours temps d’aller demander là-bas ce qui nous manque. II. Leç
948 Leçon de dictature De tout ce qui précède, il serait ridicule et vain de tirer une « condamnation » des conceptions cultur
949 s entreprises, d’une envergure sans précédent, ne sont pas justiciables des critiques qu’on leur adresse d’ordinaire en Fran
950 n’a le droit de critiquer l’ordre que lorsqu’elle est consciemment anarchique, en vertu d’une volonté et d’un idéal déclaré
951 plus féconde que la contrainte. Les surréalistes sont fondés à parler du « vent de crétinisation qui souffle de l’URSS », m
952 l’URSS », mais les magnats de l’industrie lourde sont hypocrites quand ils payent des auteurs pour dénoncer le « sans-dieui
953 ine facilité sénile, dont la jeunesse française n’ est pas toujours indemne, facilité qui consiste à assimiler dictature et
954 ilosophique égale l’hypocrisie pratique. Enfin il serait sage de se garder de tout pronostic global quant à l’avenir culturel
955 ination, ou tout au moins de facteurs que nous ne sommes pas outillés pour mesurer dès maintenant. Le seul fait qui paraisse d
956 érale, indépendamment de tout jugement politique, est aussi celui qui nous intéresse ici directement : les dictatures total
957 œuvre par les deux régimes, alors que leurs fins sont hostiles et leurs situations de départ différentes, prouve que la mes
958 que la mesure réelle, dans l’un et l’autre cas n’ est pas la doctrine mais la technique de l’action sur les masses. C’est u
959 pour la seule action au cours de laquelle elle s’ est constituée, mais que l’on veut imposer au tout, y compris la culture
960 er au tout, y compris la culture et la morale. Ce sont les nécessités de la propagande, identiques dans les deux cas, — bien
961 , identiques dans les deux cas, — bien que le but soit ici la société prolétarienne, et là la nation allemande, — qui sont c
962 é prolétarienne, et là la nation allemande, — qui sont censées configurer la culture. 2. Or cette mesure partielle ne peut p
963 n’y réussit pas. Le schématisme de la propagande est par nature contraire à toute culture imaginable. Il peut au plus favo
964 ser l’instruction élémentaire des masses. Mais il est totalement impuissant à provoquer la création, et à la régler, étant
965 puissant à provoquer la création, et à la régler, étant de par son origine coupé des sources mêmes de toute création culturel
966 ose non seulement à l’observateur étranger que je suis , mais aux chefs des partis dictatoriaux eux-mêmes. De là toute la pas
967 ose. Nos circonstances économiques et historiques étaient telles qu’il fallait une dictature pour y mettre un minimum d’ordre e
968 um d’ordre et permettre à la vie de continuer. Il est incontestable que nous avons établi cet ordre : on ne se mitraille pl
969 rs luttes épuisantes et stériles. Le corps social était malade, il fallait l’opérer d’urgence, à chaud et nous y avons porté
970 craties libérales et parlementaires, des maux qui étaient devenus aigus chez nous : luttes sociales, injustices économiques, dé
971 us ne faites rien, que de nous critiquer, vous en serez bientôt au point où nous étions quand la révolution a éclaté. Si au c
972 critiquer, vous en serez bientôt au point où nous étions quand la révolution a éclaté. Si au contraire vous essayez de surmont
973 re vous essayez de surmonter votre anarchie, vous serez bien forcés de commencer par rétablir l’ordre extérieur. Et vous fere
974 à ces deux objections : a) Oui, vos circonstances étaient telles que je serais incapable de vous dire ce que vous auriez pu fai
975 : a) Oui, vos circonstances étaient telles que je serais incapable de vous dire ce que vous auriez pu faire d’autre. Vous en é
976 dire ce que vous auriez pu faire d’autre. Vous en étiez au point où l’homme ayant démissionné, il fallait enregistrer cette d
977 de l’État, de la classe ou de la race. Vous vous êtes refait un corps. Mais les problèmes spirituels n’ont pas été résolus
978 un corps. Mais les problèmes spirituels n’ont pas été résolus pour autant. Vous avez reculé la question de dix ans ou d’un
979 es expériences nous enseignent. Toute la question est alors de savoir si nous saurons utiliser ces avantages, et le temps d
980 er et préparer spirituellement une révolution qui soit nôtre, sans brutalités extérieures, sans destructions aveugles, sans
981 n nouveau type de révolution, dont l’exemple vous sera certainement plus utile que les critiques de nos vieillards. Dans cet
982 ondement d’une nouvelle culture européenne… b) Il est faux que nous soyons obligés de commencer par l’extérieur, si nous vo
983 velle culture européenne… b) Il est faux que nous soyons obligés de commencer par l’extérieur, si nous voulons rétablir une me
984 la pensée et à l’action. Car un ordre extérieur n’ est solide et fécond que s’il résulte d’un ordre intérieur. Et cet ordre
985 spirituel. C’est encore là une évidence, et qui n’ est pas moins actuelle. III. L’appel à la commune mesure, ou l’Europe
986 il fallait des symboles visibles et dont le sens fût reconnu de tous, prince et sujets, clercs, soldats et marchands légis
987 histoire ou l’action des « grands desseins » peut être déchiffrée précisément dans l’histoire ou l’action des signes visible
988 les lieux, ou les astres. Cependant, une mesure n’ est rien, et ses symboles ne signifient rien, si l’on oublie les fins der
989 nt et qui meurent avec elle. L’Arche d’alliance n’ est rien s’il n’y a pas le messianisme, le latin s’il n’y a pas une catho
990 nise. La question de la mesure d’une civilisation est sans nul doute la question mère de toute problématique culturelle. Ma
991 toute problématique culturelle. Mais une mesure n’ est en soi ni vraie ni fausse ; elle n’est que plus ou moins fidèle à la
992 e mesure n’est en soi ni vraie ni fausse ; elle n’ est que plus ou moins fidèle à la fin qu’elle prépare et représente. Seul
993 ns signes créés par d’autres pour des fins qui ne sont pas les nôtres. On ne refait une culture qu’en retrouvant une foi. Ma
994 iscernant sa vocation concrète. Or toute vocation est située en un lieu circonscrit de la terre, en un temps limité de l’Hi
995 eux où nous vivons, la situation précise qui nous est faite, et l’appel concret qui en résulte ; et après cela jugeons, c’e
996 e de possibilités dont les nations plus jeunes se sont volontairement privées. Elles s’honorent d’avoir une presse d’opposit
997 t des vieillards puissants. Leur opinion publique est incertaine, facilement énervée puis indolente, pleine de contradictio
998 rre, en Suisse, en Belgique, en Scandinavie, il n’ est question que du « désarroi général ». Liberté d’opinion, c’est pratiq
999 de se plaindre sans passion profonde. La misère n’ est encore qu’à la porte, mais on dirait qu’il n’y a plus rien à faire, q
1000 r lieu commun vivant. Les nations dites rajeunies sont celles qui ont fait ou subi depuis la guerre une révolution de masses
1001 es en jugeaient l’usage actuel néfaste, lorsqu’il était encore réel. Elles s’honorent de n’avoir plus ni presse d’opposition,
1002 comme on dit en Allemagne.) Leur opinion publique est dictée par l’État, et l’opinion privée, bon gré mal gré, se rapporte
1003 n moins. En Russie, en Allemagne, en Italie, il n’ est question que de renaissance et de construction. « Dictature », « tyra
1004 brutal », tout cela qui épouvante les libéraux n’ est en fait que l’ensemble des conditions pratiquement nécessaires pour a
1005 resse des États libéraux.   2. Situation qui nous est faite. Au terme du libéralisme, à l’origine des dictatures, une seule
1006 dernier fondement de la communauté moderne. Elle est la toile de fond de tous nos drames, de nos pensées, de nos actions e
1007 fie sans erreur possible que toute commune mesure est morte parmi nous, et que nulle mesure vraie n’est encore restaurée.  
1008 est morte parmi nous, et que nulle mesure vraie n’ est encore restaurée.   3. L’appel. De ces deux Europes d’aujourd’hui, d
1009 ite de la Sarre. Prenons-y garde ! Ces deux faits sont spirituels. Ils révèlent l’existence d’un appel que la culture ne peu
1010 pays les plus atteints matériellement. La misère est douée d’une mystérieuse propriété : elle agit comme une sorte de révé
1011 , vers une communauté nouvelle. Là où cette crise était la plus aiguë, la réponse, qui devait être totale, n’a été que « tota
1012 crise était la plus aiguë, la réponse, qui devait être totale, n’a été que « totalitaire ». Là où depuis cent ans ou plus la
1013 us aiguë, la réponse, qui devait être totale, n’a été que « totalitaire ». Là où depuis cent ans ou plus la nation existait
1014 ent ans ou plus la nation existait déjà, la crise est bien moins virulente, et la réponse a plus de peine à se dégager. Pou
1015 ne à se dégager. Pourtant, il faudra bien qu’elle soit donnée partout. Derrière la ruine matérielle, une autre ruine plus gr
1016 e la ruine matérielle, une autre ruine plus grave est apparue : celle d’une image du monde, d’une conception du monde fondé
1017 tésienne. Nous savons aujourd’hui que la raison n’ est pas un idéal, mais un outil ; que l’individu n’est rien que la libert
1018 st pas un idéal, mais un outil ; que l’individu n’ est rien que la liberté du désespoir et qu’il meurt de son isolement, ou
1019 sentir à la mesure des temps nouveaux. Sinon il n’ est qu’angoisse et arbitraire, isolement, irréalité. Cette situation cosm
1020 ent, irréalité. Cette situation cosmique nouvelle est la vraie cause de la révolution mondiale, de l’appel qui surgit de l’
1021 mmunautaire. La puissance de cet appel ne saurait être comparée qu’au soulèvement de la Renaissance, à la montée de la consc
1022 s la philosophie : la ruine des grands idéalismes est consommée par le triomphe des philosophes « existentiels » qui cherch
1023 ent à saisir l’homme dans son actualité (dans son être de relation), et la pensée dans ses effets. Elle agit dans la théolog
1024 de vacances ou de service civil. Mais tout cela n’ est encore que prodromes. Les premières grandes apparitions de cette puis
1025 apparitions de cette puissance communautaire ont été les révolutions communistes et nationalistes.   4. Les premières répo
1026 s libérales à l’adresse des grandes dictatures ne sont dangereuses que pour ceux qui s’y livrent. Ils n’arrêteront pas la te
1027 l’aide de leurs filets à papillons. Par contre il est aisé de prévoir à coup sûr qu’une certaine dépression atmosphérique a
1028 s ne sauraient combler l’attente réelle. Elles ne sont pas une réponse nécessaire. Elles ne sont qu’une tentation superficie
1029 lles ne sont pas une réponse nécessaire. Elles ne sont qu’une tentation superficielle et passagère, elles se réduisent à des
1030 chance de salut, à nous autres nations libérales, est dans la création d’une communauté libre. Notre chance est dans l’inve
1031 la création d’une communauté libre. Notre chance est dans l’invention, et non dans la défense, ou dans l’imitation. À la f
1032 de destins communs : forces, crise et destins qui sont tout à la fois politiques et culturels. L’Europe des religions nouvel
1033 û faire ; et alors, d’ici vingt ou cent ans, nous serons réduits à l’état de colonies économiques et culturelles par l’expansi
1034 à créer, et que nous seuls pouvons créer. Nous ne sommes pas en retard sur les Soviets ou sur l’Allemagne, tout au contraire.
1035 i fortes que celles qui nous défient là-bas, nous serons colonisés, comme la Grèce par Rome. Cessons de loucher avec méfiance
1036 onnaître. Ils ont fondé des religions dont le but est la force commune. Ils ont su se créer des symboles grandioses. Ces sy
1037 s. Ces symboles nous paraissent barbares, et cela est juste. Nous pouvons éprouver la puissance de ces nouvelles religions,
1038 monde étrange, ici règne une nation dont nous ne sommes pas, et qui nous est hostile, non point par volonté méchante, ni par
1039 e une nation dont nous ne sommes pas, et qui nous est hostile, non point par volonté méchante, ni par avidité ou jalousie,
1040 is par nature, par le seul fait que sa religion n’ est pas la nôtre. Étudions les doctrines provisoires ou les tactiques de
1041 amais faire davantage, nous ne pourrons jamais en être , nous sommes nés sous d’autres astres, et notre vocation est différen
1042 davantage, nous ne pourrons jamais en être, nous sommes nés sous d’autres astres, et notre vocation est différente. Nous ne s
1043 ommes nés sous d’autres astres, et notre vocation est différente. Nous ne sommes pas de ces religions. Leur lieu saint nous
1044 astres, et notre vocation est différente. Nous ne sommes pas de ces religions. Leur lieu saint nous demeure impénétrable. Nos
1045 ur lieu saint nous demeure impénétrable. Nos fins sont d’autres fins, et la mesure qui doit les incarner ne sera inventée qu
1046 utres fins, et la mesure qui doit les incarner ne sera inventée que par nous. Non seulement nos meilleures traditions, mais
1047 elle que donne la vérité. Notre mesure commune ne sera pas collective, extérieure à notre personne : cela n’a pas de sens po
1048 ersonne : cela n’a pas de sens pour nous. Elle ne sera pas non plus individuelle : on ne peut pas ressusciter des mesures mo
1049 as ressusciter des mesures mortes. Je dis qu’elle sera personnelle, qu’elle sera la mesure de l’homme en tant qu’il se possè
1050 mortes. Je dis qu’elle sera personnelle, qu’elle sera la mesure de l’homme en tant qu’il se possède dans ses relations acti
1051 sse.   6. La violence nécessaire. Car notre force est personnelle et non pas collective. Elle réside dans les petits groupe
1052 l, et non le gigantisme national. La société doit être un corps, non pas une construction mécanisée. Et la santé et la force
1053 tre action dans la culture européenne. Sinon nous serons colonisés, je n’ai pas fini de le répéter. Est-ce à dire qu’affirmer
1054 serons colonisés, je n’ai pas fini de le répéter. Est -ce à dire qu’affirmer notre force en face d’impérialismes conquérants
1055 e connaissent plus, seule la violence de l’esprit est pacifiante. Notre seule chance de collaboration féconde avec les peup
1056 collaboration féconde avec les peuples impériaux est là. L’avenir dira si la révolution des « libéraux » peut influencer,
1057 ligieuses qui dressent leurs monuments sacrés à l’ Est . Pour le présent, notre devoir européen est d’exercer la vocation de
1058 s à l’Est. Pour le présent, notre devoir européen est d’exercer la vocation de vérité qui est la nôtre avec un maximum de v
1059 européen est d’exercer la vocation de vérité qui est la nôtre avec un maximum de violence créatrice. 52. C’était, à cet
1060 54. Ibid., p. 29 et 33. 55. Le troisième Plan sera consacré plus spécialement à l’édification de la culture. 56. On n’i
1061 d’aujourd’hui. 60. Dans le volume dont ces pages sont extraites figure avant ce paragraphe un chapitre sur la culture natio
19 1936, Esprit, articles (1932–1962). Henri Petit, Un homme veut rester vivant (novembre 1936)
1062 et d’une âme — le corps, ici, a peu de part, nous sommes en France — au fait social de notre époque, affronté dans le détail q
1063 dien d’une profession. Henri Petit voudrait avoir été l’ami d’Ulysse. Le bref chapitre où il nous livre cet aveu éclaire un
1064 aveu éclaire une bonne part de son œuvre. Rien n’ est plus redoutable pour notre société que le regard tranquille, apparemm
1065 dèle légendaire, nous voyons bien que « ses ruses sont aussi ses plus chères pensées », celles dont l’aveu lui coûterait ses
1066 l’acceptation virile constitue sa seule raison d’ être . Tout le débat de ce journal revient à cette scandaleuse opposition,
1067 puleux, trop grave, nourriture trop complexe pour être épuisée d’un seul trait : non qu’il faille reprocher à Henri Petit nu
1068 ans mon esprit. Voici : l’homme a tué Dieu. Alors est venu l’État, qui n’a plus rien au-dessus de lui pour le juger. Il fau
20 1936, Esprit, articles (1932–1962). Note sur nos notes (novembre 1936)
1069 splendeur, l’arrêter sur le penchant de sa chute, sont trois opérations difficiles ; mais la dernière est la plus difficile…
1070 nt trois opérations difficiles ; mais la dernière est la plus difficile… On décline par un affaissement général auquel on s
1071 n décline par un affaissement général auquel on s’ est acheminé par des symptômes imperceptibles répandus sur toute la durée
1072 térature, la traduction des métaphores de Diderot est trop aisée. « Affaissement général », symptômes imperceptibles. On n’
1073 on n’aime pas que « l’afflux des jeunes talents » soit si visiblement déterminé par les clauses d’un contrat commercial. La
1074 rd’hui pose à chaque instant des questions qui ne sont pas du tout littéraires. Le monarque caduc c’est la culture, c’est l’
1075 mal « presque impossible à réparer ». La faute n’ est pas à la littérature seule, mais à tout un régime social qui l’a lais
1076 régime social qui l’a laissée devenir ce qu’elle est  ; et plus encore à chacun de nous dans le cœur duquel ce régime plong
1077 éatrice. Il faut bien constater d’abord qu’elle n’ est plus là. Nous ne sommes pas une école littéraire. Nous ne pensons pas
1078 constater d’abord qu’elle n’est plus là. Nous ne sommes pas une école littéraire. Nous ne pensons pas que le temps soit venu
1079 cole littéraire. Nous ne pensons pas que le temps soit venu d’inventer des canons esthétiques, ni même une rhétorique commun
1080 sais quel sabir personnaliste. Au jour où nous en sommes , on ne refait pas un art avec un point de vue d’art, ou de philosophi
1081 ction nécessaire. Toutes les grandes littératures sont nées d’une révolution, non d’une émeute dans les lettres. Pour qu’une
1082  partialité » fondamentale dans la critique. Nous serons ramenés à tout propos, bon gré mal gré, aux mêmes questions : pourquo
1083 réponses que l’on donne au problème éternel : où sommes -nous, d’où venons-nous, où allons-nous ? Alors seulement, après cela
1084 t, après cela seulement, le reste aura le droit d’ être littérature. y. Rougemont Denis de, « Note sur nos notes », Esprit
21 1936, Esprit, articles (1932–1962). Erskine Caldwell, Le Petit Arpent du Bon Dieu (novembre 1936)
1085 (novembre 1936)z Les descendants des puritains sont en train de prendre une revanche qui fait pâlir toutes nos petites po
1086 Moyen Âge 62, a là-dessus un passage qui pourrait être écrit tout exprès pour l’œuvre de Caldwell : On aime à opposer l’esp
1087 Or la gauloiserie, aussi bien que la courtoisie, est une fiction romantique. La pensée érotique, pour acquérir une valeur
1088 otique, pour acquérir une valeur de culture, doit être stylisée. Elle doit représenter la réalité complexe et pénible sous u
22 1936, Esprit, articles (1932–1962). André Gide, Retour de l’URSS (décembre 1936)
1089 e, Retour de l’URSS (décembre 1936)aa Quel que soit le domaine qu’il aborde, la merveilleuse précision de son vocabulaire
1090 vocabulaire sauvera Gide du journalisme. Car ce n’ est pas l’actualité toute passagère de son objet qui fait la faiblesse d’
1091 ment objectif, au sens goethéen de ce terme. Ce n’ est pas là, je crois, sa pente naturelle ; plutôt l’effet d’une permanent
1092 les paysages, beaucoup moins, et si beaux qu’ils soient  ; mais de plus en plus pour les hommes. Voilà bien la vision classiqu
1093 Je me souviens alors de Goethe à Venise : « Je ne suis encore entré dans aucun bâtiment, excepté Saint-Marc. Il y a de quoi
1094 finiment… » Goethe poursuit : « Aujourd’hui je me suis longuement attardé au marché ; j’ai observé les gens, comment ils mar
1095 l’étalage du bazar de Moscou : « Les marchandises sont , à bien peu près, rebutantes. On pourrait croire, même, que, pour mod
1096 nd besoin, mais non jamais par gourmandise. » (Il est plaisant de rapprocher Goethe et Gide ; mais comparez aussi, Venise e
1097 réserves. Préface : « Les réalisations de l’URSS sont le plus souvent admirables. » Épilogue : « L’URSS n’a pas fini de nou
1098 s étonner. » Précautions, je sais bien. Mais ici, sont -elles efficaces ? Empêcheront-elles personne, à droite, d’abuser des
1099 France. Point de départ : « Le sort de la culture est lié dans nos esprits au destin même de l’URSS » (discours aux obsèque
1100  ? « Je doute qu’en aucun autre pays aujourd’hui, fût -ce dans l’Allemagne de Hitler, l’esprit soit moins libre, plus courbé
1101 ’hui, fût-ce dans l’Allemagne de Hitler, l’esprit soit moins libre, plus courbé, craintif (terrorisé), plus vassalisé. » — D
1102 vassalisé. » — Dictature du prolétariat ? « Nous sommes loin de compte. Oui, dictature, évidemment ; mais celle d’un homme, n
1103 important, ici, c’est de persuader aux gens qu’on est moins heureux qu’eux partout ailleurs. L’on n’y peut arriver qu’en em
1104 . » — Égalité, société sans classes ? « Comment n’ être pas choqué par le mépris, ou tout au moins l’indifférence, que ceux q
1105 is, ou tout au moins l’indifférence, que ceux qui sont et qui se sentent du “bon côté”, marquent à l’égard des “inférieurs”,
1106 llonger la liste65. Mais en voilà assez, la cause est jugée, dira-t-on. Voire ! Gide reproche à la fameuse autocritique sov
1107 e ne consister « qu’à se demander si ceci ou cela est dans la ligne ou ne l’est pas. Ce n’est pas elle, la ligne, que l’on
1108 emander si ceci ou cela est dans la ligne ou ne l’ est pas. Ce n’est pas elle, la ligne, que l’on discute. Ce que l’on discu
1109 i ou cela est dans la ligne ou ne l’est pas. Ce n’ est pas elle, la ligne, que l’on discute. Ce que l’on discute, c’est de s
1110 savoir si telle œuvre, tel geste ou telle théorie est conforme à cette ligne sacrée. Et malheur à qui chercherait à pousser
1111 dissociation de la foi et des œuvres de l’Église est relativement aisée pour un esprit qui reconnaît la transcendance de D
1112 purement humaine, et historiquement valable, elle est comptable de ses déviations humaines et historiques. Elle est jugée p
1113 e de ses déviations humaines et historiques. Elle est jugée par ces déviations. Elle est jugée par ce que les hommes en ont
1114 toriques. Elle est jugée par ces déviations. Elle est jugée par ce que les hommes en ont fait, et par la réussite ou bien l
1115 ntation [le stalinisme par rapport au marxisme] n’ est peut-être qu’apparent, et si ce qui nous apparaît comme une dérogatio
1116 et si ce qui nous apparaît comme une dérogation n’ est pas une conséquence fatale de certaines dispositions antérieures. » P
1117 ien l’entendra comme une excuse : le changement n’ est qu’apparent, la ligne sauvée. Mais cela peut signifier aussi : le mal
1118 signifier aussi : le mal qui apparaît maintenant était en germe dès le principe. (Ce que nous écrivions ici le mois dernier.
1119 ique qui paraît seule capable de l’imposer ? Ce n’ est pas là toucher le fond réel de la situation historique. Et la droite,
1120 de la situation historique. Et la droite, si elle était honnête, serait encore plus gênée que la gauche par ce portrait de l’
1121 historique. Et la droite, si elle était honnête, serait encore plus gênée que la gauche par ce portrait de l’URSS fascisée et
1122 Le livre s’ouvre par une fable. L’enfant Démophon est soigné par Déméter, déguisée en nourrice. Elle veut en faire un dieu,
1123 our sauver l’enfant, perdit le dieu. » La légende est belle. C’est une légende… Elle traduit à mes yeux ce fait d’expérienc
1124 s, l’expérience marxiste eût réussi ? Sa croyance est d’ordre mystique, contredite par les faits connus. C’est une espèce d
1125 e peut le sauver qu’au prix de la vie du Dieu qui est en lui, c’est que l’homme est pécheur, et ne peut pas outrepasser les
1126 la vie du Dieu qui est en lui, c’est que l’homme est pécheur, et ne peut pas outrepasser les limites de sa condition. Qui
1127 ns une volonté révolutionnaire dont le marxisme s’ est détourné parce qu’il a fait erreur sur l’homme. La phrase finale de c
1128 propose au stalinisme, ou ce qu’il en admire, ce sont excuses et admirations que nous proposent identiquement les régimes f
23 1937, Esprit, articles (1932–1962). Défense de la culture (janvier 1937)
1129 e (janvier 1937)ab Le palais des ducs d’Albe a été détruit par les obus de Franco, et Commune, par la voix d’Aragon, exp
1130 après la fuite du propriétaire. « Les domestiques sont restés ici avec les communistes, écrit Aragon. Et le petit chien du d
1131 sa feuille de salade bien verte ? » Si tout cela est fini, c’est à cause du fascisme ! Si vous aimez Goya, adhérez au PC !
1132 e ! Si vous aimez Goya, adhérez au PC ! Voilà qui est simple. Mais croit-on que la culture vivante soit beaucoup moins mena
1133 est simple. Mais croit-on que la culture vivante soit beaucoup moins menacée en France ? Est-ce seulement une question de r
1134 e vivante soit beaucoup moins menacée en France ? Est -ce seulement une question de régime ? Est-ce d’abord une question pol
1135 rance ? Est-ce seulement une question de régime ? Est -ce d’abord une question politique ? Culture à gauche, brutalité stupi
1136 diter et de vendre tout ce que l’on imagine. Ce n’ est pas le « fascisme » qui expliquera cela. Nous savons, nous aussi, car
1137 sa feuille de salade verte au canari. Et nous ne sommes pas « communistes » pour si peu. Je constate simplement ceci : le peu
1138 lecture de Paris-Soir et Paris-Sports, quand ce n’ est pas Paris-Soir-Dimanche. Quels chiffres nos éditeurs pourraient-ils o
1139 que en 3 volumes sur Paracelse, coûtant 25 marks, soit près de 200 fr., atteint au bout de deux ans le quatre-vingt-treizièm
1140 pas en arrière : le jeune Gerhard Schuhmann, qui est nazi, a des tirages de douze-mille, et le vieux Ch. Morgenstern, qui
1141 ouze-mille, et le vieux Ch. Morgenstern, qui ne l’ est pas, un tirage de cinquante-mille. Repère : le dernier Lagerlöf fait
1142 s, il faudrait en conclure que le régime allemand est très supérieur au français. Ce qui est faux. Alors ? Alors on voit qu
1143 e allemand est très supérieur au français. Ce qui est faux. Alors ? Alors on voit que les rapports de la politique, de l’éc
1144 ique, de l’économie de la nation et de la culture sont un peu moins simplets que ces partisans ne le croient. Et que ce n’es
1145 lets que ces partisans ne le croient. Et que ce n’ est pas d’abord contre le fascisme à l’étranger, mais d’abord contre l’in
24 1937, Esprit, articles (1932–1962). La fièvre romanesque (janvier 1937)
1146 e et se nourrir que de la fièvre de l’auteur. » N’ est -ce pas, en somme, toujours ainsi que les personnages naissent et se n
1147 ant l’opération, et de nous faire croire que ce n’ est pas lui qui agit… Pourtant ses personnages ne sont pas plus vrais que
1148 est pas lui qui agit… Pourtant ses personnages ne sont pas plus vrais que lui ; le mieux qu’on puisse attendre, c’est qu’ils
1149 ; le mieux qu’on puisse attendre, c’est qu’ils le soient , à la limite, autant. Il me dira d’une voix que j’entends déjà : « Ma
1150 n’ai rien voulu de tout cela ! Mes personnages se sont imposés à moi etc. » Je n’ignore pas que des visions parfois bizarres
1151 de cette manière au déprimé fiévreux. La question est ailleurs : va-t-on se vanter d’être si faible que de céder à toutes s
1152 x. La question est ailleurs : va-t-on se vanter d’ être si faible que de céder à toutes ses obsessions ? (Je feindrai d’ignor
1153 ses obsessions ? (Je feindrai d’ignorer qu’elles sont anxieusement souhaitées, et cultivées avec des soins jaloux, si par h
25 1937, Esprit, articles (1932–1962). Jean Blanzat, Septembre (janvier 1937)
1154 elle pourrait faire. Or elle n’y songeait pas… Qu’ est -ce que ce livre ? Un document clinique ? Trop d’élégances littéraires
1155 à prouver que l’on n’invente rien de ce tourment. Est -ce donc un témoignage pur et simple — ni si pur ni si simple d’ailleu
1156 de ou mon admiration pour son auteur ? Le livre n’ est ni passionnant, ni indifférent, habile et sensible à la fois. On le l
1157 du récit de M. Blanzat faisait un geste franc, il est clair qu’il n’y aurait pas de roman. Mais, nous dit-il : « le plus pe
26 1937, Esprit, articles (1932–1962). Robert Briffaut, Europe (janvier 1937)
1158 able — on a bien cru à l’« honneur national » ! —  est évidemment symbolique. L’on est censé conclure de ce brillant tableau
1159 ur national » ! — est évidemment symbolique. L’on est censé conclure de ce brillant tableau des vices de l’aristocratie eur
1160 de l’aristocratie européenne qu’une telle classe est la vraie responsable du cafouillage de 1914. Le héros principal — il
1161 e quelques ravages dans le beau monde. L’ensemble est assez passionnant. Proust a fourni les personnages, Huxley certain cy
1162 C’est peut-être que le monde décrit par Briffaut est en réalité aussi conventionnel qu’on l’imagine. Monde où les clichés
27 1937, Esprit, articles (1932–1962). Paul Vaillant-Couturier, Au service de l’Esprit (février 1937)
1163 de l’Esprit (février 1937)af Ce « rapport » a été approuvé à l’unanimité par le Comité central du Parti communiste fran
1164 tions : L’homme ne peut penser et créer que s’il est libre. — Nous avons toujours admis la légitimité de la propriété. — D
1165 personne humaine, cette grande force spirituelle, est traquée… — Le capitalisme détruit la famille… ruine les valeurs moral
1166 lent le retour à l’art sain dans la liberté. — Il est temps de donner le pas à l’esprit sur les forces de la matière. — Au-
1167 besoin de bonté de la charité. — Tout le problème est là : mettre la machine au service de l’homme. — Il s’agit de transfor
1168 on départ, en 1932 (n° de décembre de la NRF). Ce sont ces thèses-là, précisément, qui furent alors qualifiées de « fasciste
1169 la NRF). Ce sont ces thèses-là, précisément, qui furent alors qualifiées de « fascistes » par les doctrinaires du PC. Mais no
1170 de la volonté française de paix. — Le communisme est un moment de la France éternelle. — Nous continuons la France, la Fra
1171 e, rayonnante, toute de mesure et de goût. — Nous sommes attachés à cette sélection de grâce et de mesure qui s’appelle la pol
1172 t n’hésite pas à déclarer que « les intellectuels sont en quelque sorte (sic) les idées incarnées », se fait par ailleurs du
1173 tivé une idée plus marxiste qu’on ne croyait : ce serait le gogo intégral. Ce serait par exemple le lecteur qui n’aurait pas r
1174 qu’on ne croyait : ce serait le gogo intégral. Ce serait par exemple le lecteur qui n’aurait pas remarqué, entre autres, que c
1175 Et pas un mot de la « dialectique ». Et puis, qu’ est -ce que l’Esprit qu’il veut servir ? La majuscule ne suffit pas à le d
1176 . » (Phrase qui aurait pu faire croire que l’URSS est pacifiste). Mais on a laissé figurer le nom de Gide parmi « les plus
28 1937, Esprit, articles (1932–1962). Vassily Photiadès, Marylène ou à qui le dire ? (février 1937)
1177 (février 1937)ag On le dira donc au public. Ce sont des souvenirs d’enfance, fort bien réinventés, et contés dans un styl
29 1937, Esprit, articles (1932–1962). Albert Thibaudet, Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours (mars 1937)
1178 (mars 1937)ah Comment juger ce qui ne veut pas être jugement, mais dégustation, claquements de langue, savoureuse bouilla
1179 , glissements, liaisons, circulation… Thibaudet s’ est parfaitement défini : « badaud de la République des Lettres, ayant sa
1180 ir un « rapprochement », une « référence », et ne sont qualifiés, en passant, que par rapport au snobisme furtif d’une génér
1181 snobisme furtif d’une génération littéraire. Nous sommes heureux de lire enfin un manuel où Rimbaud, Sénancour et Stendhal tro
1182 s du livre. Réjouissante désinvolture ! Thibaudet fut bien moins critique qu’essayiste, avec tout ce que cela peut comporte
1183 est-à-dire, dans ce cas, ordonnée à une loi qui n’ est pas celle de l’objet mais du sujet. Son chapitre sur Balzac a de la g
1184 son chapitre sur la Chanson de Béranger : « Elle est la colonne de Juillet de la poésie française : une suite de tableauti
1185 cot et la grisette, vers un génie prétentieux qui est lui-même sujet de chanson, vers une plate-forme d’où s’étale à la vue
30 1937, Esprit, articles (1932–1962). Jacques Benoist-Méchin, Histoire de l’armée allemande depuis l’armistice (mars 1937)
1186 aussi solide qu’inattendue : si l’Allemagne ne s’ est pas défaite en vingt morceaux, si la révolte spartakiste a pu être ét
1187 en vingt morceaux, si la révolte spartakiste a pu être étouffée en quelques semaines, c’est uniquement le fait d’initiatives
1188 ution avec une brutalité qu’aucun bourgeois ne se serait permise. Avis à ceux de Saint-Denis ! Noske, Mussolini, Doriot, Stali
31 1937, Esprit, articles (1932–1962). Retour de Nietzsche (mai 1937)
1189 onfus des partis ou des classes. Si Kierkegaard a été découvert, dans ce pays, très peu de temps avant l’entrée en lice du
1190 mps avant l’entrée en lice du personnalisme, ce n’ est pas un hasard ni une coïncidence qu’il faut y voir, ni d’ailleurs une
1191 re au politique. La sensibilité de l’intelligence étant , à l’époque présente, et en France, beaucoup plus vive et juste que c
1192 masses ou des politiciens. (Je ne dis pas qu’elle est plus efficace…) Que nous annonce le renouveau nietzschéen ? On a vite
1193 sme, dénoncé le socialisme, et déclaré que l’État est le plus froid des monstres froids. À part cela, il reste son exaltati
1194 olonté humaine, de l’athéisme et de la force, qui sont devenus les valeurs fondamentales du stalinisme, au moins autant que
1195 intitulé « Réparation à Nietzsche ». « Acéphale » est le signe de l’antiétatisme radical, c’est-à-dire du seul antifascisme
1196 force, écrit G. Bataille, la seule société libre est la société bi ou polycéphale qui donne aux antagonismes fondamentaux
1197 iques nous appelons fédération. Sur ce point, qui est central, l’accord de Nietzsche et de ses disciples avec le personnali
1198 Mais pour Bataille et ses amis, l’« acéphalité » est aussi une doctrine métaphysique antichrétienne — qui, assimilant selo
1199 ascisme ou le stalinisme. Dans ces conditions, je suis le premier à me déclarer athée. Mais si l’on veut parler, comme le fa
1200 ur éternel » et de la volonté d’éternisation, qui est le véritable message « religieux » de Nietzsche. Les notes et aphoris
1201 u’on ait jamais écrit à l’usage des créateurs : «  Soyez humains à l’égard des créateurs ! C’est leur fait d’être pauvres en a
1202 mains à l’égard des créateurs ! C’est leur fait d’ être pauvres en amour du prochain » ; et : « Toute création est communicat
1203 es en amour du prochain » ; et : « Toute création est communication. Celui qui connaît, celui qui crée, celui qui aime ne f
1204 i crée, celui qui aime ne font qu’un ». (Les deux sont justes.) ⁂ Sur la contradiction fondamentale qui constitue la tension
1205 unitaire que la personne emprunte sa forme et son être . » Les trois derniers mots définissent exactement le pseudo-personnal
32 1937, Esprit, articles (1932–1962). Journal d’un intellectuel en chômage (fragments) (juin 1937)
1206 crit et embrasse les trois dimensions de la joie, est dit aussi par le vallon des oliviers et par sa jeune nudité. Pas une
1207 rasses, ni de ces arbres moirés et allègres. Tout est vu du premier regard, doucement compris, approuvé. Une familiarité, u
1208 tout simplets, suivant une piste par jeu. Le ciel est d’un bleu sec et pur, tranché au sommet du vallon par un cyprès grand
1209 uleur de terre et festonnée de tuiles roses, elle est bien à la ressemblance des vieilles paysannes de par ici, recuite et
1210 . Naturellement j’ai perdu ! Moi vous savez… Ce n’ est pas comme Céline, ah celle-là ! Elle a la veine, que voulez-vous ! À
1211 ans les tombolas des sociétés, n’importe où, elle est sûre de gagner quelque chose à tous les coups. » Voilà ce qu’on peut
1212 e la nation la plus raisonnable du monde. Le mari est un vieux laïcard, il accuse les curés d’obscurantisme, il ne veut pas
1213 énéfice de la culture de cette superstition. S’il est vrai que certains individus « ont la veine » dans ces loteries, notre
1214 age scientifique (physico-mathématique) du monde, est fausse. Il est totalement impossible de concevoir la vérité simultané
1215 e (physico-mathématique) du monde, est fausse. Il est totalement impossible de concevoir la vérité simultanée de notre scie
1216 vois un pigeon violet immobile. Les plumes du cou sont un peu hérissées par le vent. Voici trois jours que je le vois chaque
1217 dre ? Pourquoi feint-il de ne pas me voir ? Il se tient là des heures, sans bouger, et s’envole d’un coup vers le soir. Le le
1218 s’envole d’un coup vers le soir. Le lendemain, il est là de nouveau, posé sur une tuile ronde. Il y a quelque chose à compr
1219 vraiment l’air de vouloir dire quelque chose ! Il est tourné du côté de la plaine. Signe qu’il va nous arriver quelque chos
1220 e par là ? Du côté de Marseille… Et soudain je me suis souvenu de la conférence que je dois donner à Marseille dans 15 jours
1221 ne voulais pas la préparer avant le dernier jour. Est -ce que cela signifie qu’elle est plus importante que je ne croyais ?
1222 le dernier jour. Est-ce que cela signifie qu’elle est plus importante que je ne croyais ? Qu’il y a quelque chose de sérieu
1223 rédaction de ma conférence. Ce matin le pigeon n’ est pas revenu. C’est évidemment absurde, cette histoire. Je le vois bien
1224 capable de me faire agir, ou plus exactement, je suis heureux de l’aveu que je viens de m’en faire. Comment ne l’ai-je pas
1225 te la trame de mes petites décisions quotidiennes est faite de croyances spontanées et absolues en des « raisons » qui n’en
1226 pontanées et absolues en des « raisons » qui n’en sont pas, mais qui m’ont toujours convaincu beaucoup plus vite et beaucoup
1227 e de mes intérêts « objectifs »… Et ce jeu-là, je suis tellement le seul à en connaître les règles et les interdictions que
1228 ent les dés avant leurs grandes décisions, mais n’ est -ce pas une étrangeté plus aiguë que nous révèle cette foi toute quoti
1229 pe spécial, différent de tous les autres… Et ce n’ est guère qu’à l’instant où l’on découvre que tous les autres en croient
1230 utres en croient autant, que ces autres cessent d’ être une menace, une masse abstraite, intimidante ou méprisable. Pour ne p
1231 ionnel » — et dont la honte alors les opprimait — est justement l’état de l’homme vraiment homme, et le signe d’une accessi
1232 condition générale ! Avouer ses superstitions, ce serait avouer ce qu’on a de plus individuel, de plus irréductible au général
1233 rendre à d’autres, en un éclair, que chaque homme est irréductible, et que chaque homme a ses aveux à faire. Et l’on compre
1234 faire. Et l’on comprend ainsi, soudain, que l’on est un homme « comme les autres » par cela même que l’on s’éprouve absolu
1235 ons, c’est sans doute en vertu d’une prudence qui est le fondement même de toute « politique ». Et si j’avoue et légitime l
1236 aut que je montre aussi les droits du général. Qu’ est -ce que la politique, sinon le général en tant qu’il s’oppose au réel,
1237 le général en tant qu’il s’oppose au réel, lequel est fait de nos monades superstitieuses ? Accorder libre cours à nos supe
1238 superstitions, qui au point de vue psychologique sont notre vraie réalité, ce serait jeter la société dans l’anarchie la pl
1239 de vue psychologique sont notre vraie réalité, ce serait jeter la société dans l’anarchie la plus sanglante. La politique ne d
1240 dividuelle, et c’est pour elle la seule manière d’ être en vérité « réaliste ». Je crains d’avoir créé certain malentendu en
1241 e, dialectique, ou mieux encore : pédagogique. Il est de l’essence de toute saine politique de s’opposer à la personne, de
1242 itive le réel que nous incarnons. Toute politique est normative, mais seulement de l’extérieur. Une politique saine ne saur
1243 formuler. Premier fait : l’équilibre social doit être quelque chose de mouvant. Tout équilibre stable et sclérosé produirai
1244 ne ne cherchait plus à triompher de tout ce qui n’ est pas elle, le simulacre d’équilibre que l’on constaterait alors ne ser
1245 ulacre d’équilibre que l’on constaterait alors ne serait en fait que la limite du pire désordre, et c’est la mort. Cas puremen
1246 d’un équilibre apparemment stabilisé, le désordre est toujours à sens unique : c’est la personne qui cesse de se défendre,
1247 ent excessif du général dans la vie réelle. Telle est notre situation — celle du monde bourgeois-capitaliste, mais aussi ce
1248 t c’est pourquoi l’on s’imagine que l’équilibre s’ est stabilisé. Au vrai, chacun peut voir que l’homme d’aujourd’hui se dés
1249 re social, pour rester sain, mouvant, tendu, doit être orienté constamment par un léger excès de la composante « personnelle
1250 n des personnes au moment où leurs disciplines se seront enfin harmonisées. (Dans un temps que j’accorde aussi lointain qu’on
1251 urait se traduire en termes de raison. Mais je la tiens pour néfaste quand elle sort du domaine personnel et déborde dans la
1252 l’État devient totalitaire. « Là où l’homme veut être total, l’État ne sera jamais totalitaire. » Or l’État, c’est un fait
1253 taire. « Là où l’homme veut être total, l’État ne sera jamais totalitaire. » Or l’État, c’est un fait patent, devient partou
1254 on quant-à-soi), vaincues par une crise dont ce n’ est pas ici le lieu de mentionner les causes profondes, cessent d’agir et
1255 e nous pensons avoir récemment « découvertes » ne sont , au sens freudien du terme, que les phantasmes de notre peur de vivre
1256 e voulez-vous que j’y fasse ? » ou encore : « Ils sont les plus forts. » Tel est le « moment » de l’angoisse de ce temps. L’
1257  ? » ou encore : « Ils sont les plus forts. » Tel est le « moment » de l’angoisse de ce temps. L’homme sain dit : « Voilà c
1258 à A…) Contact avec le public Dans le courrier qui est arrivé en mon absence, deux nouvelles demandes de « causeries » : l’u
1259 vrai sens que dans cette rencontre effective. Ce sont de telles rencontres que je cherche, quand je vais parler dans ces ce
1260 teur, où l’on se voit naturellement contraint, ne fût -ce que par la proximité matérielle70, de se mettre moralement à la po
1261 encontre, sous l’auvent du local que l’on quitte, est en réalité la suite de quelque chose ; le contact s’établit normaleme
1262 ormalement, sans surprises et sans illusion. Ce n’ est plus une pensée lointaine qui anime un rêve, dans une chambre nocturn
1263 erc en chambre. Le lecteur réel, l’auditeur réel, est toujours autrement intelligent qu’on ne l’imagine quand on écrit sans
1264 agine quand on écrit sans l’avoir jamais vu. Il n’ est pas arrêté par nos tabous critiques. Il va tout droit à ce qui le con
1265 ccasion de nos prochains écrits. Cette conclusion est la suivante : le lecteur en son particulier — précisons : le lecteur
1266 les classes et de tous les métiers. Certes, ce n’ est jamais qu’avec des êtres singuliers, par le biais de leur singularité
1267 les métiers. Certes, ce n’est jamais qu’avec des êtres singuliers, par le biais de leur singularité même, qu’on entre vraime
1268 me, qu’on entre vraiment en contact. Ce public-là est relativement restreint. Mais d’autre part il constitue l’élément créa
1269 eur, spirituellement actif du pays. Il ne saurait être question de ce cliché importé d’URSS ou d’Allemagne hitlérienne : « r
1270 c les écrivains comme tels, en aucun temps. Ce ne sont pas des abstractions qui achètent nos livres. Ce qu’il s’agit de retr
1271 lui-là seul peut faire sentir à l’écrivain ce qui est solide et ce qui est artificiel dans ce qu’il écrit. Et cette critiqu
1272 e sentir à l’écrivain ce qui est solide et ce qui est artificiel dans ce qu’il écrit. Et cette critique directe, informulée
1273 milieu des feuilletonistes et des snobs, nous en sommes arrivés à parler dans le vide, à ne parler qu’à ces lecteurs qui achè
1274 s pour remplir les rayons d’un studio-divan. Nous sommes des ingénieux, des amuseurs, des spécialistes, des éléments de public
1275 cité, des académiciens, des journalistes. Nous ne sommes plus des gens utiles. Nous ne sommes plus des hommes normaux chargés
1276 tes. Nous ne sommes plus des gens utiles. Nous ne sommes plus des hommes normaux chargés d’une vocation d’expression et de réf
1277 d’une vocation d’expression et de réflexion. Nous sommes des hommes spéciaux exploitant leur spécialité pour arriver à un succ
1278 ur le marché. Combien de nos romanciers devraient être classés dans la catégorie des femmes à barbe et des veaux à deux tête
1279 isible. Matinée du lundi de Pâques, 7 heures Tout est trempé et ruisselant de lumière bleue, les feuillages encore transluc
1280 sa densité, sa légèreté originelles. Les oliviers sont plus soyeux et plus moirés sur le vert plus violent des terrasses, la
1281 chaos brillant d’où montent des vapeurs d’aube d’ été . « Un vrai temps de Pâques ! », me crie Simard. ⁂ Hier il pleuvait. V
1282 au seuil du temple : « Voyez-vous ça, comme tout est dérangé ! Les autres années, il pleut toujours le Vendredi saint, et
1283 leur réponds : « Que voulez-vous, les saisons ne sont plus ce qu’elles étaient »,— pour montrer que je sais vivre… Parler d
1284 voulez-vous, les saisons ne sont plus ce qu’elles étaient  »,— pour montrer que je sais vivre… Parler du temps qu’il fait, occup
1285 que cela prend les chiens. Toute la nuit, ils se sont battus dans la remise qui est juste au-dessous de notre chambre, et d
1286 te la nuit, ils se sont battus dans la remise qui est juste au-dessous de notre chambre, et dans la cour, et sur toutes les
1287 range et presque « atterrant ». La petite chienne est couchée, sur le flanc, haletant doucement, l’arrière-train tuméfié. A
1288 te huit, de toutes tailles et pelages. La plupart sont beaucoup plus grands que leur Marquise, mais il y a aussi un insolent
1289 ssé chez les chiens. Cette nuit, les crapauds s’y sont mis. Un vieux mâle coasse des notes basses, et le chœur lui répond de
1290 s dans la remise. La chienne se traîne. La chatte est déjà grosse. Une puissance inexorable s’est emparée de l’espèce, tour
1291 hatte est déjà grosse. Une puissance inexorable s’ est emparée de l’espèce, tourmente les bêtes, les essouffle et les esquin
1292 émit dans les angoisses de l’enfantement. Et ce n’ est pas elle seulement, mais nous aussi, qui avons les prémices de l’Espr
1293 n de notre corps. Car c’est en espérance que nous sommes sauvés » (Romains 8. 22-24). Parler de la Nature comme le firent tant
1294 ettres grasses : « Tout notre programme municipal tient en un seul mot : nous sommes antifascistes ! » Après quoi viennent le
1295 e programme municipal tient en un seul mot : nous sommes antifascistes ! » Après quoi viennent les revendications pratiques :
1296 c’est cela, l’antifascisme, les fascistes doivent être de drôles de gens. 6 mai La mort et les cérémonies dans le Gard La ma
1297 it du lecteur philosophe. Déjà huit mois que nous sommes ici, et combien de fois ne sommes-nous pas entrés dans la grande cuis
1298 t mois que nous sommes ici, et combien de fois ne sommes -nous pas entrés dans la grande cuisine qui était, pensions-nous, tout
1299 sommes-nous pas entrés dans la grande cuisine qui était , pensions-nous, tout leur logis — nous avions cru comprendre que les
1300  nous avions cru comprendre que les autres pièces étaient vides ou ne servaient que de débarras —, et rien ne pouvait nous fair
1301 s elle va « passer » cette nuit, vous savez, elle est toute chargée, bou die ! l’estomac et tout. — Mais les Simard ne m’av
1302 languir bien longtemps. On peut dire que la chose est sûre. Et on l’entend ! Trois fois par jour, le bruit d’effroyables di
1303 parvient de la cuisine des Simard. Un beau-frère est arrivé, et on partage. C’est toujours assez compliqué. La nuit, par u
1304 la moribonde qu’ils veillent à tour de rôle, ils sont venus discuter dans la remise qui est au-dessous de notre chambre, et
1305 rôle, ils sont venus discuter dans la remise qui est au-dessous de notre chambre, et leurs éclats de voix nous ont plusieu
1306 it, qu’elle ne veut pas le lâcher, c’est pour lui tenir compagnie… On a été chercher le pasteur. Je le rencontre comme il sor
1307 s le lâcher, c’est pour lui tenir compagnie… On a été chercher le pasteur. Je le rencontre comme il sort de sa visite. — El
1308 e le rencontre comme il sort de sa visite. — Elle est curieuse, cette vieille, me dit-il. Figurez-vous qu’elle tient sa can
1309 e, cette vieille, me dit-il. Figurez-vous qu’elle tient sa canne à la main, comme ça, sur la couverture, et elle explique que
1310 e passent devant la fenêtre. Je me précipite : ce sont les deux Simard qui font un grand feu dans la cour. Est-ce qu’ils la
1311 s deux Simard qui font un grand feu dans la cour. Est -ce qu’ils la rôtissent ? On distingue des étoffes noires qui se gonfl
1312 ffes noires qui se gonflent sur le brasier… Je me suis réveillé tard. Tandis que je me rase, j’entends Simard qui apostrophe
1313 leur dire ! » Je passe la tête par la fenêtre. Qu’ est -ce que c’est, Simard ? — Il est rouge et boursouflé, tremblant de col
1314 ar la fenêtre. Qu’est-ce que c’est, Simard ? — Il est rouge et boursouflé, tremblant de colère et gesticulant. Il crie : « 
1315 e veux pas qu’on lave aujourd’hui ! Ma belle-mère est morte cette nuit. Il ne faut pas se moquer des gens en deuil ! » — Ma
1316 Mais, monsieur Simard… — Il est parti. Le bassin est à 50 mètres de la maison, sur une terrasse qu’on ne peut voir d’ici.
1317 ons avec le beau-frère font toujours rage). Je me suis donc borné à exprimer mes « condoléances » à madame Simard, que j’ai
1318 beaucoup remercié. Bref, il m’a semblé que tout s’ était bien passé. Je me trompais. C’est la mère Calixte qui me l’apprend ce
1319 lixte qui me l’apprend ce matin. Le ménage Simard est furieux. Nous n’avons pas du tout fait ce qu’il fallait. Je me récrie
1320 sympathie à Madame Simard. — Je sais, mais vous n’ êtes pas entré chez eux. — Entré chez eux ? — Il faut que je vous explique
1321 Je le lui ai dit : c’est bien ta fôte ! Ça aurait été dans votre maison qu’il y aurait eu un mort, je comprendrais, je n’au
1322 ’aurais pas non plus lavé la vaisselle. Mais ce n’ est pas la même maison. — Je ne comprends pas. Madame Calixte. Pourquoi n
1323 r, mais il a tort pour la lessive. Voyez-vous ils sont trop orgueilleux ces gens-là ! S’ils avaient eu toute la peine que j’
1324 toute la peine que j’ai eue dans ma vie, moi, ça serait autrement, je vous assure ! Ils sont trop orgueilleux, voilà ! Je me
1325 e, moi, ça serait autrement, je vous assure ! Ils sont trop orgueilleux, voilà ! Je me perds dans tout ce protocole. Je sens
1326 perds dans tout ce protocole. Je sens bien qu’il est inutile de leur demander de s’expliquer. Tout cela repose sur un vieu
1327 leau. Impécuniosité cyclique. Les dieux locaux me seraient -ils donc défavorables ? Je me vengerai d’eux en écrivant ici que leur
1328 et la margelle d’un puits. La plupart des vitres sont cassées. Une poule blanche se promène quelquefois dans la cour. Mais
1329 ans la cour. Mais on m’assure que ces habitations sont délaissées depuis deux ans. Plus haut, dans la montagne, un autre mas
1330 usion de fleurs violentes et d’orties. L’ensemble est imposant et comme démesuré dans ce paysage de vallons, de collines et
1331 long cri presque humain. La maison la plus proche est à une bonne demi-heure. Il n’y a pas de route. On imagine de vivre là
1332 elle. Nous aurions des fusils et des bibles, nous serions camisés de rouge, et l’on irait de temps à autre arraisonner les féod
1333 ion, n’aurons-nous fait que l’appeler de loin, ne sera-t -elle pour nous qu’une évasion hors de cette société maussade, défaite
1334 int-Esprit ne font qu’un. Vous voyez que l’Église est réfutée par l’arithmétique. En effet, prenez l’addition : un, plus un
1335 , — Prenez la multiplication ! cria l’abbé V. qui était dans la salle. 70. Que ne connaît pas le grand conférencier littérai
33 1937, Esprit, articles (1932–1962). Marius Richard, Le Procès (juin 1937)
1336 t voir le monde pitoyable : sans ajouter à ce qui est , dire ce qui est comme un homme l’a senti, — c’est assez rare. « Ce s
1337 itoyable : sans ajouter à ce qui est, dire ce qui est comme un homme l’a senti, — c’est assez rare. « Ce serait si bien si
1338 omme un homme l’a senti, — c’est assez rare. « Ce serait si bien si l’on pouvait, chaque soir et chaque matin, écrire dans les
1339 enti…, tout ce qui a pu vous frapper, quels qu’en soient le sens, l’esprit, le caractère, la longueur. Je crois bien que cela
1340 que ce que j’écris, par la forme et par le fond, serait de nature à modifier la conscience humaine, si celle-ci pouvait être
1341 difier la conscience humaine, si celle-ci pouvait être modifiée. » Nulle fiction ; un journal de méditations dans la vie, de
1342 ne avec indifférence, et où tout le monde en fait est coupable de tout : du sort des filles publiques, des bourgeois endorm
1343 hant le long du quai aux Fleurs. Mais la prière n’ est pas un refuge ; elle est un acte d’accusation, et un aveu de chaque h
1344 Fleurs. Mais la prière n’est pas un refuge ; elle est un acte d’accusation, et un aveu de chaque homme pour tous les autres
1345 aveu de chaque homme pour tous les autres : « Je suis plus près de leur erreur que de ma vérité. » Parfois l’on songe au Ri
1346 ile que l’auteur demande au lecteur pour tous les êtres auxquels il est mêlé. Et qu’il l’obtienne à cette profondeur, donne l
1347 emande au lecteur pour tous les êtres auxquels il est mêlé. Et qu’il l’obtienne à cette profondeur, donne la mesure d’un ar
34 1937, Esprit, articles (1932–1962). Paul Éluard, L’Évidence poétique (juin 1937)
1348 . Thème, repris de Lautréamont : « La poésie doit être faite par tous. Non par un. » On a mis le poète sur un sommet. Mais v
1349 vulgaire, insupportable, impossible. » La poésie est chose commune, communautaire. (Éluard dit d’ailleurs : égalitaire, — 
1350 « s’applique… à refuser de servir un ordre qui n’ est pas le sien ». C’est donc qu’elle veut instaurer un ordre plus grand
1351 re plus grand et pur. « Toutes les tours d’ivoire seront démolies, toutes les paroles seront sacrées et l’homme, s’étant enfin
1352 ours d’ivoire seront démolies, toutes les paroles seront sacrées et l’homme, s’étant enfin accordé à la réalité qui est sienne
1353 , toutes les paroles seront sacrées et l’homme, s’ étant enfin accordé à la réalité qui est sienne, n’aura plus qu’à fermer le
1354 t l’homme, s’étant enfin accordé à la réalité qui est sienne, n’aura plus qu’à fermer les yeux pour que s’ouvrent les porte
1355 sion de sa proclamation. Que « toutes les paroles soient sacrées », c’est la volonté proprement eschatologique des poètes chré
1356 quoi retomber dans le poncif onirique 1925 ? Ce n’ était pas la peine de lire Feuerbach, cité à la page suivante. Voilà qui es
1357 ire Feuerbach, cité à la page suivante. Voilà qui est antimarxiste d’une manière plus valable : « C’est l’espoir ou le dése
1358 hangeront immédiatement. » Ou encore : « Le poète est celui qui inspire bien plus que celui qui est inspiré. » Mais peu apr
1359 ète est celui qui inspire bien plus que celui qui est inspiré. » Mais peu après l’on dénonce les « ignobles appétits » des
1360 e religion, de patrie ». Les idées de qui ? Si ce sont celles que les bourgeois et les staliniens se font de ces réalités, n
1361 s’il le faut.) Et enfin : « Voici que les poètes sont des hommes parmi les hommes, voici qu’ils ont des frères. » Et voici
35 1937, Esprit, articles (1932–1962). M. Benda nous « cherche », mais ne nous trouve pas (juillet 1937)
1362 les membres avaient environ la trentaine en 1900 fut une génération heureuse ; la génération d’après-guerre, en appelant a
1363 le des hommes qui ont aujourd’hui de 25 à 40 ans, est une génération particulièrement éprouvée par les circonstances. » D’o
1364 conclusion, M. Benda fit observer que les anciens étaient « intellectuels », et que les jeunes se voient contraints par la logi
1365 une » fit remarquer que la génération des anciens est essentiellement celle de Barrès, de Maurras, de Sorel, de Péguy, de C
1366 fit observer, en mathématicien, que la gratuité n’ est pas une méthode scientifique, et que toute pensée est un acte, M. Ben
1367 pas une méthode scientifique, et que toute pensée est un acte, M. Benda répliqua qu’il ne s’agissait pas du tout de cela, e
1368 ti, nous apprend tout de même quelque chose. S’il est vrai que penser, pour les jeunes, équivaut à gagner de l’argent, M. B
1369 s jeunes, équivaut à gagner de l’argent, M. Benda est auprès de nous un grand penseur, mais M. Dekobra est notre maître à t
1370 auprès de nous un grand penseur, mais M. Dekobra est notre maître à tous. Et s’il est vrai que celui qui refuse d’endosser
1371 mais M. Dekobra est notre maître à tous. Et s’il est vrai que celui qui refuse d’endosser les conséquences de sa vérité pr
1372 vérité dont il s’agit ressemble pas mal au néant. Soyons sérieux : la majorité des traits que M. Benda attribue à la jeunesse,
1373 al de « constater » purement et simplement ce qui est . Au surplus, M. Benda se trompe quand il croit juger de Sirius. Il es
1374 enda se trompe quand il croit juger de Sirius. Il est encore en pleine affaire Dreyfus. Il se vante d’être intemporel, mais
1375 t encore en pleine affaire Dreyfus. Il se vante d’ être intemporel, mais il n’est guère qu’anachronique. Partisan qui survit
1376 Dreyfus. Il se vante d’être intemporel, mais il n’ est guère qu’anachronique. Partisan qui survit à sa cause ; et pensée qui
36 1937, Esprit, articles (1932–1962). Brève introduction à quelques témoignages littéraires (septembre 1937)
1377 onviendrait de lui donner dans la cité, se trouve être posée à l’époque. Dans l’un et l’autre cas, et pour les mêmes raisons
1378 personnalisme entend refaire un ordre humain qui soit assez organique et complet pour pouvoir s’opposer valablement aux amb
1379 par un certain ordre d’objets qu’elle se choisit, est aussi le produit d’une époque. C’est pourquoi la question d’une litté
1380 e l’une et de l’autre, de l’une par l’autre. Ce n’ est donc pas à une enquête que nous allons nous livrer cette année, mais
1381 ons ces termes au sens le plus large — qui pour n’ être point asservis aux disciplines extérieures d’un parti, ne considèrent
1382 onséquence. Il existe des jeunes écrivains qui ne sont pas embrigadés mais qui savent que toute œuvre engage, et qui accepte
1383 ditions de leur création. Et nous pensons qu’il n’ est pas vain de le prouver en les réunissant ici, fût-ce par le lien tout
1384 est pas vain de le prouver en les réunissant ici, fût -ce par le lien tout provisoire d’une sorte d’anthologie mensuelle. S’
1385 ontre lequel elle s’édifie. Je ne pense pas qu’il soit souhaitable d’en dire plus, au seuil de la série de « témoignages » t
37 1937, Esprit, articles (1932–1962). Martin Lamm, Swedenborg (septembre 1937)
1386 nborg (septembre 1937)as Je ne pense pas qu’il soit utile de parler dans Esprit de tout ce qui vient de paraître, sous pr
1387 s de la production littéraire. Celle-ci se trouve être en fait d’une inquiétante continuité, pour des raisons plus commercia
1388 présentent un sens quelconque pour notre action — soit qu’ils militent pour ou contre elle, soit qu’il y ait intérêt à faire
1389 ction — soit qu’ils militent pour ou contre elle, soit qu’il y ait intérêt à faire voir que les écrits les plus « indifféren
1390 e curiosité intellectuelle. Bien au contraire. Il est totalement inutile de parler du dernier roman, dont tout le monde par
1391 e mois le procès d’une littérature qui se vante d’ être « insignifiante » — c’est-à-dire sans but, privée de « sens » — et n’
1392 équipe pour les suivre. Le professeur Martin Lamm est de l’Académie suédoise ; le préfacier, Paul Valéry, est de l’Académie
1393 l’Académie suédoise ; le préfacier, Paul Valéry, est de l’Académie française. Ces deux illustrations officielles exercent
1394 eté avec mépris et pitié. Mais la gloire posthume est un « titre » ; « l’intérêt » s’accumule avec le temps ; l’œuvre enfin
1395  l’objectivité » de l’exposé… Le cas de M. Valéry est très différent. Si étranger qu’on le connaisse aux spéculations mysti
1396 amment que la doctrine théosophique de Swedenborg est le système plus ou moins disparate qu’il a déduit de ses visions fame
1397 raités mystiques de Swedenborg — dont l’influence fut si profonde sur les meilleurs esprits de la période goethéenne — sera
1398 les meilleurs esprits de la période goethéenne — seraient l’expression d’un effort admirable pour résoudre l’antinomie du ratio
1399 de ce genre extrêmement ennuyeux à lire, quel que soit l’intérêt du sujet, donc à son détriment, surtout lorsqu’il s’agit d’
1400 mportance. Ensuite, cette impartialité ne saurait être honnête — bien que l’honnêteté soit justement le prétexte qu’elle se
1401 té ne saurait être honnête — bien que l’honnêteté soit justement le prétexte qu’elle se donne — s’appliquant à un ordre de s
1402 s premières extases de S. et conclut ainsi : « Il est de toute évidence que cet incident ne fut autre chose qu’une perte de
1403  : « Il est de toute évidence que cet incident ne fut autre chose qu’une perte de connaissance, etc. » Ailleurs il parle d’
1404 la logomachie particulière à l’époque de M. Lamm serait plus « objective » et « scientifique » que la doctrine de Swedenborg,
1405 quer. Exemples : « Les visions dont il s’agit ici sont vraisemblablement des hallucinations hypnagogiques, genre de visions
1406 allucinations hypnagogiques, genre de visions qui sont loin d’être rares, même dans des états psychiques normaux. » (?) Ou :
1407 s hypnagogiques, genre de visions qui sont loin d’ être rares, même dans des états psychiques normaux. » (?) Ou : « Il est in
1408 ans des états psychiques normaux. » (?) Ou : « Il est infiniment probable que ces visions, de même que celles qu’on note ch
1409 qu’on note chez la plupart des mystiques, doivent être considérées comme des pseudo-hallucinations, qui, à la différence des
1410 u non, on nous dit seulement, modestement, que ce sont de pseudo-hallucinations. Ce genre de pseudo-explications, édictées a
1411 es et les psychologues d’avant-guerre — son livre est de 1915 — déclare que les visions intérieures de Swedenborg « ne sont
1412 re que les visions intérieures de Swedenborg « ne sont pas autre chose » que des photismes, « phénomènes d’automatisme senso
1413 wedenborg affirme que l’origine de toute matière, est un « point » sans poids ni étendue, point mathématique, donc non maté
1414 athématique, donc non matériel. Cette vue pouvait être condamnée en toute tranquillité avant les découvertes de la mécanique
1415 ceci tendait à prouver que le problème mystique n’ est nullement justiciable de « la science » d’aucune époque, et qu’il se
1416 rsonnalisation », ou d’anéantissement du moi, qui est sans conteste celui de tous les mystiques, orientaux ou occidentaux,
1417 éritable opposition. L’anéantissement du moi peut être recherché comme la suppression radicale de toute conscience personnel
1418 vocation distincte. Dans la mesure où cet effort est réel et aboutit — ce qui est encore une question — il aboutit évidemm
1419 mesure où cet effort est réel et aboutit — ce qui est encore une question — il aboutit évidemment à la négation absolue du
1420 solue du personnalisme, chrétien ou humaniste. Ce serait — je simplifie — le cas des mystiques orientales, dont l’influence es
1421 le cas des mystiques orientales, dont l’influence est loin d’être négligeable chez les jeunes écrivains français et belges,
1422 mystiques orientales, dont l’influence est loin d’ être négligeable chez les jeunes écrivains français et belges, et s’allie
1423 ctiviste. Mais l’anéantissement du moi peut aussi être compris comme un effort de l’homme pour se libérer de sa personnalité
1424 propres, individuelles, individualistes. « Le moi est anéanti, écrit M. Lamm, tous les traits de la personnalité sont volon
1425 écrit M. Lamm, tous les traits de la personnalité sont volontairement effacés. c’est ce que Madame Guyon appelle “la mort my
1426 mais où il trouve enfin sa plus profonde raison d’ être . Or il semble bien que la mystique occidentale, catholique ou protest
1427 ccidentale, catholique ou protestante (Swedenborg était luthérien72, comme Hamann) ait suivi dans l’ensemble cette deuxième v
1428 a dialectique individu-personnalité-personne, qui est fondamentale pour tout notre mouvement. Je me contenterai pour aujour
1429 n luthéranisme. Il faudrait d’abord expliquer qui était Luther, si mal connu du public « cultivé » français… Et préciser mes
38 1937, Esprit, articles (1932–1962). Neutralité oblige (octobre 1937)
1430 ur voir venir, et puis vous vous apercevez que ce sont vos réponses elles-mêmes, celles que déjà vous étiez prêt à lui donne
1431 nt vos réponses elles-mêmes, celles que déjà vous étiez prêt à lui donner, qui se trouvent mises en question par sa méfiance
1432 ises en question par sa méfiance paysanne. Cela n’ est pas sans irriter certains. Pour moi, je ne sais rien de plus salutair
1433 u « plan moral », comme nous aimons à dire. Elles sont d’usage interne, individuel. Les doutes que Ramuz nous proposent touc
1434 ut commun que la sécurité et le profit ? Pourquoi sommes -nous confédérés ? Et pourquoi, enfin, sommes-nous neutres ? Je voudr
1435 quoi sommes-nous confédérés ? Et pourquoi, enfin, sommes -nous neutres ? Je voudrais souligner ceci : que c’est aux Suisses, f
1436 garde en même temps le souci d’expliquer qui nous sommes à nos voisins, c’est peut-être que notre lot, en tant que Suisses, et
1437 n en tant que Vaudois, ou Genevois, ou Zurichois, est d’exister en fonction de ces voisins. Je vois l’équivoque de la phras
1438 ne dis pas que cette interprétation désobligeante soit toujours fausse dans le fait. Mais on peut et on doit concevoir une t
1439 it concevoir une tout autre forme d’existence qui serait « en fonction des voisins », et qui serait tout de même, ou par là mê
1440 ce qui serait « en fonction des voisins », et qui serait tout de même, ou par là même, une existence, au sens plein de ce term
1441 amuz. Cela revient à dire : a-t-elle une raison d’ être  ? J’essaierai de répondre ici du point de vue qui me paraît le plus f
1442 du personnalisme. ⁂ La question de la neutralité est peut-être la plus importante qu’il faille poser à la Suisse. Parce qu
1443 , que l’état de fait créé par le traité de Vienne est aussi mal interprété par ses garants que par ses soi-disant bénéficia
1444 l’on considère volontiers que la neutralité nous est due, comme l’air et les beautés de la nature. Privilège inconditionne
1445 s et fortes raisons de notre neutralité, celle-ci sera balayée un jour prochain avec les vieux chiffons de papier qui sont c
1446 ur prochain avec les vieux chiffons de papier qui sont censés la garantir. Quand bien même nous aurions voté des milliards d
1447 pays comme le nôtre, la conscience de sa raison d’ être , et le prestige qui s’y attache. On croit souvent, surtout chez nous,
1448 dans l’équilibre européen. Et quand bien même il serait démontré que la Suisse ne peut plus prétendre à jouer un rôle analogu
1449 analogue, croit-on que son droit à rester neutre soit suffisamment garanti du seul fait qu’elle le juge naturel ? La meille
1450 leure garantie d’un droit, la seule peut-être qui soit efficace, c’est l’exercice réel de la charge dont ce droit représente
1451 contrepartie. Le droit de propriété, par exemple, est à la fois la condition d’une entreprise personnelle, et la juste cont
1452 des coupons de papier dans une banque, ses droits sont ressentis comme des abus. Ils cessent dès lors d’être assurés en fait
1453 ressentis comme des abus. Ils cessent dès lors d’ être assurés en fait ; comme le démontre l’histoire récente du capitalisme
1454 . Trop assurés dans un statut dont les commodités sont surtout matérielles, et les obligations surtout spirituelles, ils se
1455 neutralité dans le cadre nouveau de l’Europe. Il est fatal que ces dilemmes se multiplient à l’avenir. Le fameux équilibre
1456 ement bouleversé et réorganisé, au sein duquel il est urgent que nous trouvions une place nettement redéfinie. Bref, tout n
1457 Europe d’aujourd’hui. Notre chance et nos risques sont là.   Rien ne me paraît plus frappant que la convergence finale des f
1458 lle dans ces pages une seule et même réalité, qui est la réalité fédéraliste. Or il se trouve que notre position personnali
1459 Or il se trouve que notre position personnaliste est fondamentalement liée à une forme fédérative de l’État et de la cultu
1460 te convergence, cette rencontre idéale, me paraît être la grande leçon qui doit se dégager de notre effort. La mission essen
1461 notre effort. La mission essentielle de la Suisse est une mission personnaliste au premier chef : sauvegarder une Weltansch
1462 ndent mutuellement75. Cette conception du monde n’ est pas nouvelle ; elle constitue l’apport spécifique de l’Europe à l’hum
1463 st autour d’elle et grâce à elle que l’Occident s’ est édifié, et qu’il a dominé le monde. Elle n’est nullement, comme certa
1464 s’est édifié, et qu’il a dominé le monde. Elle n’ est nullement, comme certains voudraient le croire, une espèce de juste m
1465 e bourgeois et du collectivisme dictatorial. Elle est la position centrale, à la fois naturelle et spirituelle, dont l’indi
1466 rbides. Et dès lors, la mission de la Suisse peut être définie à l’échelle de l’Europe : la Suisse doit être la gardienne de
1467 définie à l’échelle de l’Europe : la Suisse doit être la gardienne de ce principe central, fédératif ; et elle ne peut être
1468 ce principe central, fédératif ; et elle ne peut être autre chose, de par sa nature même, physique et historique. Gardiens
1469 et de celui de la Croix-Rouge, gardiens de ce qui est européen et commun à toutes les nations ; étant eux-mêmes dans la mes
1470 qui est européen et commun à toutes les nations ; étant eux-mêmes dans la mesure où ils sont cela, dans la mesure où ils exis
1471 s nations ; étant eux-mêmes dans la mesure où ils sont cela, dans la mesure où ils existent pour l’ensemble, — voilà les Sui
1472 s là je ne sais quelle manière d’idéaliser ce qui est mesquin. Car ce qui est mesquin chez nous, n’est en fait qu’une dégra
1473 anière d’idéaliser ce qui est mesquin. Car ce qui est mesquin chez nous, n’est en fait qu’une dégradation de l’idéal qui de
1474 est mesquin. Car ce qui est mesquin chez nous, n’ est en fait qu’une dégradation de l’idéal qui devrait nous unir. La premi
1475 ait nous unir. La première devise des Suisses, ce fut « Un pour tous, tous pour un ». C’est la formule la plus frappante et
1476 face à l’Europe son droit à la neutralité. Elle n’ est réellement intangible que parce qu’elle est l’expérience témoin, l’an
1477 lle n’est réellement intangible que parce qu’elle est l’expérience témoin, l’annonciatrice d’une Europe fédérée dont elle p
1478 naux — et spécialement dans les cantons romands — est en contradiction constante avec notre neutralité, et ce qui est pire,
1479 iction constante avec notre neutralité, et ce qui est pire, avec la mission même qui justifie cette neutralité. Elle se per
1480 elle y court moins de risques immédiats76. Rien n’ est plus agaçant pour l’étranger que cette espèce de suffisance moralisan
1481 uand nos journaux font la leçon à Léon Blum, ce n’ est pas — comme ce pourrait l’être — au nom de la démocratie réelle, comm
1482 n à Léon Blum, ce n’est pas — comme ce pourrait l’ être — au nom de la démocratie réelle, communale et fédéraliste, mais au n
1483 éraliste, mais au nom d’intérêts de classe qui ne sont ni démocratiques ni nationaux. La même critique peut d’ailleurs s’adr
1484 pourra dire que la Suisse a retrouvé sa raison d’ être , et d’être neutre. Quoi de plus comique et de plus irritant que d’adm
1485 e que la Suisse a retrouvé sa raison d’être, et d’ être neutre. Quoi de plus comique et de plus irritant que d’admirer les fa
1486 ue d’admirer les fascismes étrangers alors qu’ils sont les formes politiques les plus violemment centralistes, les plus cont
1487 but d’exalter leur mission nationale. Quelles que soient les réserves de fond qu’il y ait à faire, et je les fais, sur l’authe
1488 es missions qu’ils proclament à son de trompe, il est clair que leur force est là, et qu’en les admirant, en les enviant, n
1489 ment à son de trompe, il est clair que leur force est là, et qu’en les admirant, en les enviant, nous sommes précisément en
1490 t là, et qu’en les admirant, en les enviant, nous sommes précisément en train de perdre ce qu’ils ont trouvé, le sens de la ré
1491 ation. L’autorité qu’une certaine presse suisse s’ était acquise à l’étranger reposait justement sur le fait que nous étions s
1492 ’étranger reposait justement sur le fait que nous étions seuls à juger dans une perspective européenne. (Nos trois cultures no
1493 la manière des partisans français ou allemands, n’ est plus qu’une presse d’intérêt local. Là encore, nos chances sont uniqu
1494 ne presse d’intérêt local. Là encore, nos chances sont uniques, nous pourrions être les premiers. Mais à cette seule conditi
1495 encore, nos chances sont uniques, nous pourrions être les premiers. Mais à cette seule condition : de savoir au nom de quoi
1496 savoir au nom de quoi nous parlons. Et ce ne peut être qu’au nom de l’avenir de l’Europe, puisque c’est cela que nous sommes
1497 l’avenir de l’Europe, puisque c’est cela que nous sommes dès maintenant. 2. — La culture. D’autres en ont parlé plus longuemen
1498 ndre chez nos intellectuels à l’endroit de ce qui est « germanique » dans notre vie confédérale. Réaction de faiblesse, et
1499 les mêmes raisons de construire des Bastions de l’ Est , la situation est bien plus favorable. Mais il faudrait savoir l’envi
1500 de construire des Bastions de l’Est, la situation est bien plus favorable. Mais il faudrait savoir l’envisager dans sa gran
1501 Elles avaient d’autres choses à faire. Elles ont été grandes tour à tour, dans la musique ou la peinture, la poésie ou la
1502 ure, la poésie ou la philosophie. Et peut-être ne serons -nous jamais aussi grands qu’aucune d’entre elles dans aucun de ces do
1503 de ces domaines particuliers. Mais notre grandeur est ailleurs : elle est dans l’harmonie intime, ou dans l’opposition trag
1504 iculiers. Mais notre grandeur est ailleurs : elle est dans l’harmonie intime, ou dans l’opposition tragique à l’intérieur d
1505 vocation. Neutralité, sur le plan culturel, ce n’ est pas mélange, ni accommodation et encore moins imitation médiocre. Ce
1506 modation et encore moins imitation médiocre. Ce n’ est pas forcément cela. C’est au contraire (ou plutôt ce doit être) un co
1507 ément cela. C’est au contraire (ou plutôt ce doit être ) un combat perpétuel, exaltant, le battement du cœur de l’Europe. Vou
1508 ’Europe. Vouloir créer une « culture suisse », ce serait trahir notre mission, ce serait le péché même d’idolâtrie qui consist
1509 ture suisse », ce serait trahir notre mission, ce serait le péché même d’idolâtrie qui consiste dans son principe à adorer les
1510 je pas jusqu’à dire que notre grandeur culturelle est de n’avoir pas de culture suisse, mais seulement une culture européen
1511 essus un Gottfried Keller et un Ramuz. Ceux-là ne sont Européens que parce qu’ils sont d’abord, et génialement, Suisse allem
1512 Ramuz. Ceux-là ne sont Européens que parce qu’ils sont d’abord, et génialement, Suisse allemand et Vaudois rhodanien. Mais d
1513 « enracinés » ne font pas une culture suisse. Ce sont deux vocations personnelles, et la culture suppose une tradition, une
1514 , et je m’en irrite au moins autant que lui. (Que serait -ce si je vivais en Suisse ?) Mais je pense qu’on n’atteint la grandeu
1515 mais au niveau de la vraie culture, nous pouvons être les moyens de la grandeur future de l’Europe. (Il y a là plus qu’un c
1516 ure de l’Europe. (Il y a là plus qu’un calembour, soit dit pour essayer de rassurer ces gens sérieux que sont les Suisses mo
1517 dit pour essayer de rassurer ces gens sérieux que sont les Suisses moyens — et même les autres.) 3. — Avec l’armée, je revie
1518 ée, je reviens au concret, ou du moins à ce qu’on tient pour tel dans un pays où les valeurs intellectuelles passent plus qu’
1519 ns n’ont moins d’action sur la vie politique.) Il est clair, et on le dit assez pour que je n’aie pas à insister, que l’arm
1520 as à insister, que l’armée d’un petit pays neutre est très facilement justifiable, aux yeux du pacifiste le plus ardent. El
1521 peut livrer qu’une « guerre juste », puisqu’elle est incapable d’attaquer. Elle ne joue que le rôle d’une garde, et par là
1522 oue que le rôle d’une garde, et par là même, elle est conforme à notre vocation profonde. Garde montée autour des cols, dir
1523 ure des frontières par les habitants de la région sont absolument dans la ligne du fédéralisme réel78. Mais que valent dans
1524 s écoles militaires. Et c’est bien ce que devrait être une armée consciente de son rôle particulier de garde neutre. Mais je
1525 tus dévient ou agissent à contre-fin. Que l’armée soit proche du peuple, cela doit avoir pour effet idéal de « civiliser » l
1526 nuances dans l’atmosphère de notre pays, mais il est important de les percevoir avant qu’elles ne deviennent trop frappant
1527 avant qu’elles ne deviennent trop frappantes. Il est important de rappeler que l’armée d’une fédération n’a pas de raison
1528 que l’armée d’une fédération n’a pas de raison d’ être en soi, si l’on ne croit pas à cette fédération et à la tâche qui lui
1529 lui incombe au milieu de voisins redoutables. Il est important de rappeler que l’armée étant chose fédérale, ne peut être
1530 utables. Il est important de rappeler que l’armée étant chose fédérale, ne peut être l’armée d’une classe, de ses intérêts, d
1531 appeler que l’armée étant chose fédérale, ne peut être l’armée d’une classe, de ses intérêts, de son ordre. Il n’y aurait au
1532 t pas toujours proportionné au sens des raisons d’ être de la Suisse dont témoignent ces mêmes milieux. Ce serait à croire pa
1533 e la Suisse dont témoignent ces mêmes milieux. Ce serait à croire parfois que pour être un bon Suisse, il faut et il suffit qu
1534 êmes milieux. Ce serait à croire parfois que pour être un bon Suisse, il faut et il suffit que l’on soit un bon soldat. Peut
1535 être un bon Suisse, il faut et il suffit que l’on soit un bon soldat. Peut-être oserons-nous rappeler qu’il existe d’autres
1536 r à revêtir l’uniforme. Après tout, notre armée n’ est qu’un aspect de notre défense fédérale. Et un aspect subordonné. Si l
1537 ne crois pas d’ailleurs que les armes matérielles soient pour nous une défense suffisante. Je vois bien qu’elles sont nécessai
1538 ous une défense suffisante. Je vois bien qu’elles sont nécessaires. Mais je vois aussi qu’avec la cinquantième partie de l’a
1539 nse nationale dans un pays dont la vraie raison d’ être est en fin de compte spirituelle, devrait comporter normalement à côt
1540 ationale dans un pays dont la vraie raison d’être est en fin de compte spirituelle, devrait comporter normalement à côté du
1541 fications parfois mythiques à des réalités qui se sont constituées par le jeu d’intérêts et de routines médiocres. Vous donn
1542 des rangs devant la menace extérieure81. » Rien n’ est plus vrai, et c’est très consciemment que nous opérons ce redressemen
1543 ment que nous opérons ce redressement urgent ! Qu’ est -ce donc qu’une révolution, sinon justement un effort pour restaurer l
1544 ivant et pur contre les ennemis du dedans, afin d’ être fort au-dehors. L’esprit bourgeois, l’économie capitaliste, une pares
1545 à nous réduire à nos proportions matérielles, qui sont petites, qui sont médiocres. J’ai cité le cas de la presse, se réduis
1546 os proportions matérielles, qui sont petites, qui sont médiocres. J’ai cité le cas de la presse, se réduisant elle-même au r
1547 tent à notre action des objectifs immédiats : ils seront révolutionnaires au sens que je viens de définir. Mais avant toute ac
1548 la passion, des communications fécondes entre les êtres , une circulation des cultures, une respiration des âmes. Et ceci qui
1549 s cultures, une respiration des âmes. Et ceci qui est le plus important : des possibilités d’imaginer, donc d’innover et de
1550 ai tout ce qui précède en une seule phrase : Nous sommes chargés symboliquement de la garde du Saint-Gothard : mais c’est pour
1551 la renaissance possible de leur grandeur… 78. Il est curieux de noter, à ce propos, que le groupe de L’Ordre nouveau avait
1552 à la hiérarchie des valeurs dans la cité. 81. Ce fut le cas en 1814-1815, lorsque les députés de la Confédération demandèr
39 1938, Esprit, articles (1932–1962). La passion contre le mariage (septembre 1938)
1553 38)av Avertissement Les pages qui suivent sont extraites d’un ouvrage qui paraîtra sous ce titre : L’Amour et l’Occ
1554 gendes primitives de Tristan et Iseut, l’auteur a été conduit à rechercher les origines religieuses de ce roman, dont l’inf
1555 xactement assimilable à celle d’un mythe. Tristan est un roman « courtois ». La courtoisie est née dans le Midi au xiie si
1556 Tristan est un roman « courtois ». La courtoisie est née dans le Midi au xiie siècle, sous l’influence de l’hérésie catha
1557 fluence de l’hérésie cathare ou albigeoise. Or il est établi, de nos jours, que les cathares étaient manichéens. Selon leur
1558 Or il est établi, de nos jours, que les cathares étaient manichéens. Selon leur foi, le monde de la matière est l’œuvre d’un m
1559 anichéens. Selon leur foi, le monde de la matière est l’œuvre d’un mauvais Démiurge, retenant les âmes dans les Ténèbres. L
1560 s dans les Ténèbres. La sexualité, loi des corps, est une entrave à l’envol spirituel vers le monde incréé de la Lumière. L
1561 de la Lumière. L’Amour mystique, dont le symbole était la « Dame des pensées » dans la lyrique des troubadours, suppose donc
1562 considérée par eux comme une maladie, la passion sera désormais le grand sujet d’exaltation de la littérature occidentale.
1563 on de la littérature occidentale. Son vocabulaire sera repris par les mystiques orthodoxes. Sa rhétorique, d’origine sacrée,
1564 e) que l’on décrit dans le présent chapitre. On s’ est efforcé de remédier par quelques notes aux obscurités qu’entraînaient
1565 en l’opposition. Aux yeux de l’Église, l’adultère était tout à la fois un sacrilège, un crime contre l’ordre naturel et un cr
1566 Testament, par exemple, une descendance nombreuse est signe d’élection, tandis que pour saint Paul, celui qui reste vierge
1567 e, même chrétiennement. L’hérésie manichéenne qui est à l’origine de la cortezia du Midi s’opposait au mariage catholique s
1568 er. Elle niait tout d’abord le sacrement, comme n’ étant établi par aucun texte univoque de l’Évangile83. Elle condamnait la p
1569 collectif84. Mais le fondement de ces trois refus était en vérité la doctrine de l’Amour, c’est-à-dire de l’Éros divinisant,
1570 l’adultère de Tristan reste une faute parce qu’il est consommé dans la chair (et non point parce qu’il lèse le mariage), ma
1571 que la morale. Ce qui, pour le croyant manichéen, était l’expression dramatique du combat de la foi et du monde, devient alor
1572 Iseut, vit un roman, et se rend admirable… Ce qui était « faute » et ne pouvait donner lieu qu’à des commentaires édifiants s
1573 e laquelle nous vivons de deux morales dont l’une est héritée de l’orthodoxie religieuse, mais ne s’appuie plus sur une foi
1574 ous les adolescents de la bourgeoisie occidentale sont élevés dans l’idée du mariage, mais en même temps se trouvent baigner
1575 ille allusions quotidiennes, dont le sous-entendu est à peu près que la passion est l’épreuve suprême, que tout homme doit
1576 ont le sous-entendu est à peu près que la passion est l’épreuve suprême, que tout homme doit un jour la connaître, et que l
1577 it un jour la connaître, et que la vie ne saurait être à plein vécue que par ceux qui « ont passé par là ». Or la passion et
1578 « ont passé par là ». Or la passion et le mariage sont par essence incompatibles. Leurs origines et leurs finalités s’exclue
1579 nos « sécurités » sociales. En d’autres temps, ce fut la fonction du mythe85 que d’ordonner cette anarchie latente et de la
1580 le d’exutoire, rôle civilisateur. Mais le mythe s’ est déprimé et profané en même temps que les formes sociales dont il tira
1581 problème, contribuent à le rendre insoluble. Ils sont les signes de la crise, mais aussi de notre impuissance à la réduire
1582 s sacrées. Le mariage, chez les peuples païens, s’ est toujours entouré d’un rituel dont nos institutions gardèrent longtemp
1583 s en haut de forme et « déclaration » officielle, est aussi démodée que les crinolines. Et la majorité des couples n’éprouv
1584 de sang, d’intérêts familiaux, et même d’argent, sont en train de passer au second plan dans les pays démocratiques, et par
1585 pithalamiques se simplifient ou disparaissent. Il est curieux de noter que des coutumes d’origine lointaine et sacrée telle
1586 e siècle, le thème du « Coucher de la mariée » n’ est plus qu’une occasion d’anodines galanteries picturales. De nos jours
1587 repousse avec horreur. Car l’engagement religieux est pris « pour le temps et l’éternité », c’est-à-dire qu’il ne tient auc
1588 r le temps et l’éternité », c’est-à-dire qu’il ne tient aucun compte des variations de tempérament, de caractère, de goûts et
1589 Idée moderne du bonheur Le mariage, cessant d’ être garanti par un système de contraintes sociales, ne peut plus se fonde
1590 conjoints dans le cas le plus favorable. Or s’il est assez difficile de définir en général le bonheur, le problème devient
1591 insoluble dès que s’y ajoute la volonté moderne d’ être le maître de son bonheur, ou ce qui revient peut-être au même, de sen
1592 i revient peut-être au même, de sentir de quoi il est fait, de l’analyser et de le goûter afin de pouvoir l’améliorer par d
1593 t le succès caractérise l’état moral de l’époque, est à la fois de nous obséder par l’idée d’un bonheur facile, et du même
1594 bonheur ne saurait s’établir, tant que l’homme ne sera pas Dieu. Le bonheur est une Eurydice : on l’a perdu dès qu’on veut l
1595 ir, tant que l’homme ne sera pas Dieu. Le bonheur est une Eurydice : on l’a perdu dès qu’on veut le saisir. Il ne peut vivr
1596 rt dans la revendication. C’est qu’il dépend de l’ être et non de l’avoir : les moralistes de tous les temps l’ont répété, et
1597 Tout bonheur que l’on veut sentir, que l’on veut tenir à sa merci — au lieu d’y être comme par grâce — se transforme instant
1598 tir, que l’on veut tenir à sa merci — au lieu d’y être comme par grâce — se transforme instantanément en une absence insuppo
1599 e morbide — ou l’intention secrète de tricher. Il est probable que cette intention, ou cet espoir, d’ailleurs le plus souve
1600 voltes de l’ennui. On n’ignore pas que la passion serait un malheur — mais on pressent que ce serait un malheur plus beau et p
1601 ssion serait un malheur — mais on pressent que ce serait un malheur plus beau et plus « vivant » que la vie normale, plus exal
1602 onheur »… Ou l’ennui résigné, ou la passion : tel est le dilemme qu’introduit dans nos vies l’idée moderne du bonheur. Cela
1603 vre ! » Dès le xiie siècle provençal, l’amour était considéré comme noble. Non seulement il ennoblissait mais encore il a
1604 ler d’une féodalité démocratique en Languedoc. Il est clair qu’un tel jugement se fonde sur une équivoque : car l’Amour don
1605 une équivoque : car l’Amour dont il s’agissait n’ était rien d’autre que la foi cathare, et l’accession d’un roturier à la ch
1606 are, et l’accession d’un roturier à la chevalerie était un symbole mystique bien plutôt qu’une dérogation aux coutumes du dro
1607 e servit aux amoureux profanes. La conséquence en fut l’extravagante idéalisation de l’attrait sexuel, sa transformation en
1608 e idée toute moderne et romantique que la passion est une noblesse morale, qu’elle nous met au-dessus des lois. Celui qui a
1609 sur l’ordre social établi. Que la passion profane soit une absurdité, une forme d’intoxication, une « maladie de l’âme » com
1610 ’âme » comme pensaient les Anciens, tout le monde est prêt à le reconnaître, c’est un des lieux communs les plus usés des m
1611 lus le croire, à l’âge du film et du roman — nous sommes tous plus ou moins intoxiqués, — et cette nuance est décisive. Le mod
1612 tous plus ou moins intoxiqués, — et cette nuance est décisive. Le moderne, l’homme de la passion, attend de l’amour fatal
1613 r ! Je vais y entrer, je vais y monter, je vais y être « transporté » ! La sempiternelle illusion, la plus naïve et — j’ai b
1614 Mais l’homme de la passion cherche au contraire à être possédé, dépossédé, jeté hors de soi, dans l’extase. Et de fait, c’es
1615 st la « beauté standard ». De nos jours — et ce n’ est qu’un début —, un homme qui se prend de passion pour une femme qu’il
1616 omme qui se prend de passion pour une femme qu’il est seul à voir belle, est présumé neurasthénique. (Dans x années, on le
1617 ssion pour une femme qu’il est seul à voir belle, est présumé neurasthénique. (Dans x années, on le fera soigner.) Certes,
1618 ion, de même que chaque époque de la mode préfère soit la tête, soit le buste, soit la croupe, soit la ligne sportive. Mais
1619 ue chaque époque de la mode préfère soit la tête, soit le buste, soit la croupe, soit la ligne sportive. Mais le panurgisme
1620 e de la mode préfère soit la tête, soit le buste, soit la croupe, soit la ligne sportive. Mais le panurgisme esthétique atte
1621 fère soit la tête, soit le buste, soit la croupe, soit la ligne sportive. Mais le panurgisme esthétique atteint de nos jours
1622 t au moins tous les six mois. Supposons, comme il est probable, qu’il se fixe enfin sur un type, compromis entre ce qu’il a
1623 plus secrète nostalgie88, l’Iseut du rêve ; elle est mariée, naturellement. Qu’elle divorce, et il l’épousera ! Avec elle,
1624 Qu’elle divorce, et il l’épousera ! Avec elle, ce sera la « vraie vie », ce sera l’épanouissement de ce Tristan qu’il porte
1625 pousera ! Avec elle, ce sera la « vraie vie », ce sera l’épanouissement de ce Tristan qu’il porte en soi comme son génie cac
1626 a révélation mythique. (Pas même la couronne s’il est roi.) Voilà le vrai « mariage d’amour » moderne : le mariage avec la
1627 fois épousée ? Une nostalgie que l’on chérissait est -elle encore désirable une fois rejointe ? Car Iseut, c’est toujours l
1628 t fuyant, évanouissant et presque hostile dans un être , cela même qui invite à la poursuite et qui éveille l’avidité de poss
1629 l’homme en proie au mythe. C’est la femme dont on est séparé, et qu’on perd en la possédant. Alors commence une « passion »
1630 e combat. On imagine différente la femme que l’on tient dans ses bras, on la déguise et on l’éloigne en rêve, on s’acharne à
1631 rêve, on s’acharne à dépayser les sentiments qui sont en train de se nouer dans une durée étale et trop sereine. C’est qu’i
1632 es où la femme perd son « attrait » parce qu’il n’ est plus d’obstacles entre elle et lui. Pitoyables victimes d’un mythe do
1633 les victimes d’un mythe dont l’horizon mystique s’ est refermé depuis longtemps. Pour Tristan, Iseut n’était rien que le sym
1634 t refermé depuis longtemps. Pour Tristan, Iseut n’ était rien que le symbole du Désir lumineux : son au-delà, c’était la mort
1635 ient tourmenter sans lui révéler son secret, il n’ est d’au-delà de la passion que dans une passion nouvelle — dans le tourm
1636 oursuite d’apparences toujours plus fugitives. Il était de la nature essentielle de la passion mystique d’être sans fin terre
1637 de la nature essentielle de la passion mystique d’ être sans fin terrestre — et c’est par là que cette passion se détachait d
1638 la conscience douloureuse — pour le moderne, ce n’ est plus que le retour sempiternel d’une ardeur constamment déçue. Le myt
1639 où se complaisent les modernes, ne sait plus même être fidèle, puisqu’elle n’a plus pour fin la transcendance. Elle épuise l
1640 tion d’un Tristan qui a plusieurs Iseut ? Or ce n’ est pas lui qu’il convient d’accuser, mais il est la victime d’un ordre s
1641 e n’est pas lui qu’il convient d’accuser, mais il est la victime d’un ordre social où les obstacles se sont dégradés. Ils c
1642 la victime d’un ordre social où les obstacles se sont dégradés. Ils cèdent trop vite, ils cèdent avant que l’expérience ait
1643 sives. Les catégories se détruisent. L’aventure n’ est plus même exemplaire. Seul le Don Juan mythique échappait à cette con
1644 ontraire de vivre ! C’est un appauvrissement de l’ être , une ascèse sans au-delà, une impuissance à aimer le présent sans l’i
1645 Mais nous avons perdu la transcendance. La mort n’ est plus qu’une métaphore, couvrant une lente consomption, une moindre-vi
1646 hez les modernes, et d’une espèce de maladie de l’ être . Presque toutes les complications qui servent d’intrigues à nos auteu
1647 non plus chez l’autre seulement — la coquetterie est un peu simple — mais on en vient à désirer que l’être aimé soit infid
1648 un peu simple — mais on en vient à désirer que l’ être aimé soit infidèle pour qu’on puisse de nouveau le poursuivre et « re
1649 mple — mais on en vient à désirer que l’être aimé soit infidèle pour qu’on puisse de nouveau le poursuivre et « ressentir »
1650 fois de plus, que le mythe des amants « ravis » s’ est dégradé en perdant sa mystique. Le ravissement n’est plus qu’une sens
1651 dégradé en perdant sa mystique. Le ravissement n’ est plus qu’une sensation, — n’aboutit pas. On retombe sans cesse au mond
1652 etombe sans cesse au monde de la comparaison, qui est le monde de la jalousie. « Hommes et femmes dès qu’ils passent leur s
1653 ’est que, passant « leur seuil », sortant de leur être propre et du présent tel qu’il leur est donné, incapables d’accepter
1654 de leur être propre et du présent tel qu’il leur est donné, incapables d’accepter l’autre tel qu’il est, parce qu’il faudr
1655 st donné, incapables d’accepter l’autre tel qu’il est , parce qu’il faudrait tout d’abord s’accepter, ils ne voient de toute
1656 i la fidélité : c’est l’acceptation décisive d’un être en soi, limité et réel, que l’on choisit non comme prétexte à s’exalt
1657 re de fatalités psychologiques dont les effets ne sont plus contestables. Que l’on soit partisan de l’une ou de l’autre, il
1658 nt les effets ne sont plus contestables. Que l’on soit partisan de l’une ou de l’autre, il faut admettre que la passion ruin
1659 aborées par une éthique de la passion. Certes, il serait excessif d’estimer que la plupart de nos contemporains sont en proie
1660 sif d’estimer que la plupart de nos contemporains sont en proie au délire de Tristan. Bien peu ont assez soif pour boire le
1661 pour boire le philtre, et j’en vois moins encore être élus par le sort pour succomber au tourment exemplaire. Mais tous ou
1662 u en rêvassent. Et si brouillée et défraîchie que soit l’empreinte du mythe primitif, c’est pourtant là qu’est le secret de
1663 empreinte du mythe primitif, c’est pourtant là qu’ est le secret de l’inquiétude qui tourmente aujourd’hui les couples. Rien
1664 t intolérables pour tout ordre social, quel qu’il soit . (Et je ne parle même pas du danger spirituel que fait courir à la pe
1665 courir à la personne l’éthique de l’évasion, qui est née du mythe.) D’où les multiples tentatives de « restauration » du m
1666 ersonnelle ; selon le second, l’union monogamique serait la forme la plus rationnelle des relations entre les sexes, dans une
1667 « conflit psychologique » et les « névroses » qui seraient à l’origine du mal (d’où l’on déduit que la médecine mentale guérirai
1668 éments d’une révolution à sa mesure. En outre, il est frappant de constater que presque tous ces sages auteurs donnent quel
1669 dire que l’amour tel qu’on l’imagine de nos jours est la négation pure et simple du mariage, que l’on prétend fonder sur lu
1670 r sur lui. C’est qu’on ne sait pas au juste ce qu’ est l’amour-passion, ni d’où il vient, ni où il va. On sent bien qu’il y
1671 s existé, elle existera donc toujours, et nous ne sommes pas des Don Quichotte… » Je le crois bien ! C’est même à cause de cel
1672 s notre histoire européenne. Quant au mariage, il fut proprement balayé durant la période des Soviets. La morale des intell
1673 gt ans plus tard, le « redressement des mœurs » s’ est opéré, non par quelque sursaut vertueux, non par l’initiative d’une l
1674 consciente des conditions de sa durée. Staline s’ est assigné pour but prochain de refaire des cadres à sa nation. Car sans
1675 ment statique et stabilisateur au premier chef qu’ est la famille. Ce fut le mécanisme de la dictature productiviste qui con
1676 abilisateur au premier chef qu’est la famille. Ce fut le mécanisme de la dictature productiviste qui contraignit l’État dit
1677 née incarnant l’idéal racial). Ces femmes doivent être blondes, de sang aryen, et mesurer au moins 1 m 73. Ainsi le « type d
1678 de la passion. Alors le cycle de l’amour courtois sera fermé. L’Europe de la passion aura vécu. Un Occident nouveau, imprévi
1679 1938, p. 186). Le sacrement catholique reposerait soit sur le récit du miracle de Cana (« simple hypothèse », dit l’auteur) 
1680 le de Cana (« simple hypothèse », dit l’auteur) ; soit sur le passage où Jésus proclame que l’homme ne doit pas séparer ce q
1681 e l’homme ne doit pas séparer ce que Dieu a uni ; soit enfin sur des entretiens de Jésus ressuscité et de ses disciples « qu
1682 ont souvent exprimé cette opinion : « Les crimes sont un tribut payé à la vie » (Carpocrates, cf. Schultz, Dokumente der Gn
1683 u chauffeur qui « mérite » la fille du patron, il est abondamment exploité par le film allemand, depuis l’hitlérisme. 88.
1684 mme que l’on désire, la femme de notre nostalgie) est la meilleure définition d’Iseut. C’est la femme que l’on perd du seul
1685 maines) ont également abordé le problème. 92. Il serait curieux de retrouver quel est l’auteur — évidemment moderne — qui a p
1686 roblème. 92. Il serait curieux de retrouver quel est l’auteur — évidemment moderne — qui a parlé le premier d’un « problèm
40 1938, Esprit, articles (1932–1962). Revue des revues (septembre 1938)
1687 Combat (juin). — Un souffle révolutionnaire, ce serait trop dire, mais un bon courant d’air passe dans les derniers numéros
1688 enfin l’on s’apercevra bientôt que le capitalisme est une doctrine centriste, modérée-radicale, et non pas une doctrine de
1689 nrichir M. Renault ou M. Michelin, Je doute qu’il soit assez sot pour se contenter de cette révolution. Je doute que ce qu’i
1690 ette révolution. Je doute que ce qu’il demande ce soit l’honneur d’être exploité par ses propres compatriotes. » Robert Fran
1691 Je doute que ce qu’il demande ce soit l’honneur d’ être exploité par ses propres compatriotes. » Robert Francis, après Bernan
1692 los, et Lamartine par Rimbaud. Un tel « signe » n’ est pas négligeable : la vieille droite s’est toujours définie en termes
1693 gne » n’est pas négligeable : la vieille droite s’ est toujours définie en termes de littérature, et l’Action française a ét
1694 en termes de littérature, et l’Action française a été surtout un mouvement de conservatisme littéraire (comme l’a fait voir
1695 n prend parti contre le racisme et l’étatisme. Il est intéressant de souligner l’opposition très vive des auteurs de ce Man
1696 égralement fédéraliste (et non régionaliste) doit être considéré comme l’un des premiers actes du réveil « pluraliste » que
1697 ahl. À retenir cette petite charade : mon premier est ce qu’il y a de plus bas ; mon second ce qu’il y a de plus haut ; mon
1698 ; mon second ce qu’il y a de plus haut ; mon tout est peut-être un attrape-nigaud. Réponse : matérialisme dialectique. (Jui
1699 e. Et après ? « Vous n’allez pas me dire que vous êtes fasciste ? — Heu… » C’est la dernière réplique. — Francis Jammes cont
1700 le courrier, renchérit encore, et prétend qu’on a tenu au cacho[t], durant près d’un demi-siècle, la poésie de la France »,
41 1938, Esprit, articles (1932–1962). L’amour action, ou de la fidélité (novembre 1938)
1701 n dessein le plus secret m’échappe encore. L’aveu sera jugé insolite. Mais je pressens d’assez profondes raisons de le conse
1702 ieux déterminés, et sous des astres dont le cours est calculable. (Au xiie siècle). J’ai cru cerner le secret de son mythe
1703 u cerner le secret de son mythe. La découverte ne serait pas négligeable. Mais peut-on décrire la passion ? On ne décrit pas u
1704 crit pas une forme d’existence sans y participer, fût -ce même par une révolte contre la décision dont elle est née. Et pour
1705 même par une révolte contre la décision dont elle est née. Et pour tout dire, j’ignore encore si cela peut avoir un sens :
1706 n sens : approuver ou rejeter la passion. Combien serait vaine l’attitude intellectuelle qui se définirait elle-même comme une
1707 cevoir, d’observer que la passion, quelle qu’elle soit , ne peut ni ne veut « avoir raison ». Contre elle, on a toujours rais
1708 ant qu’on parle raison. Car l’homme de la passion est justement celui qui choisit d’être dans son tort, aux yeux du monde —
1709 e de la passion est justement celui qui choisit d’ être dans son tort, aux yeux du monde — et dans ce tort majeur, irrévocabl
1710 is encore plus agressive, sans doute, puisqu’il n’ est plus question pour nous de recourir au bras séculier. (Sans compter q
1711 éculier. (Sans compter que la Croisade, au total, fut un échec dont la passion sut profiter.) C’est qu’avant tout et après
1712 is une décision fondamentale de l’homme, qui veut être lui-même son dieu93. La passion brûle dans notre cœur sitôt que le se
1713 tous nos arts de vivre, quand c’est la terre qui est méprisée, et la vie qui est la faute à racheter ! Mais tuer l’homme a
1714 nd c’est la terre qui est méprisée, et la vie qui est la faute à racheter ! Mais tuer l’homme avant qu’il ne se tue, et le
1715 l ne se tue, et le tuer autrement qu’il ne veut l’ être , c’est bien de cela, de cela seul qu’il s’agit, pour qui veut surpass
1716 ieu culturel où la passion plonge ses racines, il est probable que l’État s’en chargera, c’est son hygiène. Il y a toutes l
1717 pas d’échappatoire dans le temps à venir. S’il n’ est peut-être pas possible à l’homme — à un homme déterminé — de connaîtr
1718 oup, tel que je le reconnais dans ma vie. Et ce n’ est à aucun degré une solution que je propose. Car outre qu’une telle sol
1719 on probablement n’existe pas, si elle existait ce serait pour moi seul : on ne se décide jamais que pour son compte, et le res
1720 se décide jamais que pour son compte, et le reste est indiscrétion. Mais je ne pouvais écrire un livre entier sur la passio
1721 la passion ne peut exister — et alors en parler n’ est qu’une farce — mais dans le choix qui détermine une existence. 2.
1722 que du mariage Si je ne vois pas de raison qui tienne contre la passion véritable, il m’apparaît en second lieu que la rais
1723 ble, il m’apparaît en second lieu que la raison n’ est guère plus efficace pour légitimer le mariage ; et que les arguments
1724 ence devant les ironies du romantique. Mais elles sont mises en pleine déroute par la simple véracité. La fameuse « paix du
1725 « enfer ». Et je lui fais un plus large crédit ! Étant donné que les humains des deux sexes, pris un à un, sont généralement
1726 nné que les humains des deux sexes, pris un à un, sont généralement des coquins, pourquoi seraient-ils des anges une fois ap
1727 un à un, sont généralement des coquins, pourquoi seraient -ils des anges une fois appariés ? Ignore-t-on la réalité, ou n’a-t-on
1728 la première porte venue ! Ce silence que l’épouse est censée ménager autour du vaillant travailleur qui rentre le soir, har
1729 ux tous, lui qui d’abord exalte la passion, comme étant la suprême valeur du « stade esthétique » de la vie ; puis la surmont
1730 l’homme pieux qui estimait que la religion devait être un amour heureux, un mariage avec sa vertu. Car l’amour du pécheur po
1731 e avec sa vertu. Car l’amour du pécheur pour Dieu est « essentiellement malheureux », et cette passion chrétienne est la se
1732 llement malheureux », et cette passion chrétienne est la seule vérité, et tous nos « devoirs » humains (dont le bonheur) ne
1733 !) Et comment réfuter ce furieux ? Les incroyants sont renvoyés aux arguments des romantiques, qui valent contre leur morali
1734 r humanisme. Que dit l’Apôtre ? « Je pense qu’il est bon pour l’homme de ne point toucher de femme. Toutefois, pour éviter
1735 emme. Ne vous privez pas l’un de l’autre, si ce n’ est d’un commun accord pour un temps, afin de vaquer à la prière ; puis r
1736 un, frères, demeure devant Dieu dans l’état où il était lorsqu’il a été appelé (vierge ou marié)… usant du monde comme n’en u
1737 e devant Dieu dans l’état où il était lorsqu’il a été appelé (vierge ou marié)… usant du monde comme n’en usant pas, car la
1738 -32). Et voici le coup de grâce : « Celui qui n’ est pas marié s’inquiète des choses du Seigneur, des moyens de plaire au
1739 r, des moyens de plaire au Seigneur, et celui qui est marié s’inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme
1740 32). ⁂ Tout ce qu’on peut dire contre le mariage est vrai, par conséquent doit être dit, soit du point de vue des romantiq
1741 e contre le mariage est vrai, par conséquent doit être dit, soit du point de vue des romantiques — si l’on croit à Iseut —,
1742 e mariage est vrai, par conséquent doit être dit, soit du point de vue des romantiques — si l’on croit à Iseut —, soit du po
1743 de vue des romantiques — si l’on croit à Iseut —, soit du point de vue du clerc parfait — si l’on croit à son œuvre —, soit
1744 e du clerc parfait — si l’on croit à son œuvre —, soit du point de vue spirituel pur, pour ceux qui croient. Il n’est possib
1745 de vue spirituel pur, pour ceux qui croient. Il n’ est possible alors d’affirmer le mariage qu’au-delà des deux premières cr
1746 femme dépend d’un certain nombre de raisons qu’il serait possible de peser. Cette erreur du bon sens est tout à fait grossière
1747 erait possible de peser. Cette erreur du bon sens est tout à fait grossière. Vous aurez beau tenter de mettre au départ tou
1748 ns celle du couple formé. Les facteurs mis en jeu sont trop hétéroclites. À supposer que vous puissiez les calculer dans le
1749 es calculer dans le présent (comme si leur nombre était fini), et que vous disposiez d’une telle science de l’humain que leur
1750 telle science de l’humain que leurs valeurs vous soient connues et leur hiérarchie évidente, encore ne sauriez-vous prévoir l
1751 ne seule vie, le problème de l’adaptation de deux êtres physiques et moraux des plus hautement organisés ! (C’est pourtant à
1752 ors que tout nous montre que cent-mille essais ne seraient pas encore assez pour constituer les premiers éléments, tout balbutia
1753 le reconnaître honnêtement : le problème qui nous est posé par la nécessité pratique du mariage apparaît d’autant plus inso
1754 mariage apparaît d’autant plus insoluble que l’on tient davantage à le « résoudre » au sens rationnel de ce terme. Certes, il
1755 es impondérables deviennent décisifs. Le sophisme est alors du côté du bon sens, qui recommandait un choix mûri et raisonné
1756 selon des critères impersonnels. Mais enfin ce n’ est pas l’erreur logique qui est grave, c’est l’erreur morale qu’elle sup
1757 els. Mais enfin ce n’est pas l’erreur logique qui est grave, c’est l’erreur morale qu’elle suppose. Lorsqu’on incite les je
1758 t non pas à une décision. Or ce savoir ne pouvant être qu’imparfait, et provisoire, devrait se doubler d’une garantie. Et la
1759 r d’une garantie. Et la seule garantie concevable est dans la force de la décision en vertu de laquelle on s’engage pour to
1760 ’agit avant tout de calcul… D’où je conclus qu’il serait plus conforme à l’essence du mariage, et au réel, d’enseigner aux jeu
1761 gent à assumer les suites, heureuses ou non. Ce n’ est pas là un éloge du « coup de tête » : car tant que l’on peut calculer
1762 : car tant que l’on peut calculer, j’admets qu’il est stupide de s’en priver. Mais je dis que la garantie d’une union raiso
1763 garantie d’une union raisonnable en apparences n’ est jamais dans ces apparences. Elle est dans l’événement irrationnel d’u
1764 apparences n’est jamais dans ces apparences. Elle est dans l’événement irrationnel d’une décision prise en dépit de tout, e
1765 Choisir une femme pour en faire son épouse, ce n’ est pas dire à Mademoiselle Untel : « Vous êtes l’idéal de mes rêves, vou
1766 , ce n’est pas dire à Mademoiselle Untel : « Vous êtes l’idéal de mes rêves, vous comblez et au-delà tous mes désirs, vous ê
1767 es, vous comblez et au-delà tous mes désirs, vous êtes l’Iseut toute belle et désirable — et munie d’une dot adéquate — dont
1768 able — et munie d’une dot adéquate — dont je veux être le Tristan ». Car ce serait là mentir et l’on ne peut rien fonder qui
1769 adéquate — dont je veux être le Tristan ». Car ce serait là mentir et l’on ne peut rien fonder qui dure sur le mensonge. Il n’
1770 Untel : « Je veux vivre avec vous telle que vous êtes . » Car cela signifie en vérité : « c’est vous que je choisis pour par
1771 e que je vous aime ». (Vraiment, pour dire : Ce n’ est que cela ! — comme le diront beaucoup de jeunes gens qui s’attendent,
1772 lité réelle ; et je ne dis pas à une fidélité qui soit une recette de « bonheur », mais bien à une fidélité qui soit possibl
1773 ette de « bonheur », mais bien à une fidélité qui soit possible, n’étant pas compromise en germe par un calcul forcément ine
1774  », mais bien à une fidélité qui soit possible, n’ étant pas compromise en germe par un calcul forcément inexact. 4. Sur la
1775 érée comme absolue. La problématique du mariage n’ est pas du cur, mais du quomodo. « L’éthique ne commence pas, dit Kierkeg
1776 s dans un savoir qui exige sa réalisation. » Ce n’ est pas l’engagement qui est problématique, mais les conséquences qu’il e
1777 e sa réalisation. » Ce n’est pas l’engagement qui est problématique, mais les conséquences qu’il entraîne. (De même on faus
1778 ne croyait pas — alors que le seul vrai problème est de savoir comment Lui obéir.) Car la fidélité est sans raisons — ou e
1779 est de savoir comment Lui obéir.) Car la fidélité est sans raisons — ou elle n’est pas — comme tout ce qui porte une chance
1780 ir.) Car la fidélité est sans raisons — ou elle n’ est pas — comme tout ce qui porte une chance de grandeur. (Comme la passi
1781 nt Engels) ont essayé de prouver que la monogamie est naturelle, et de plus qu’elle est salutaire. Cela se discute à l’infi
1782 ue la monogamie est naturelle, et de plus qu’elle est salutaire. Cela se discute à l’infini. Et cela nous sera des plus uti
1783 lutaire. Cela se discute à l’infini. Et cela nous sera des plus utile dès que les hommes se régleront sur la raison et l’int
1784 yeux et dans leur langage, la fidélité conjugale est le succès d’un effort « inhumain ». Leur revendication fondamentale :
1785 e, en fait, l’idée de fidélité. Mais l’obstacle n’ est pas sérieux, on le tourne de tous les côtés. Voyez les excuses invoqu
1786 é observée en vertu de l’absurde, parce qu’on s’y est engagé, simplement, et que c’est un fait absolu, sur quoi se fonde la
1787 e des époux. Il faut bien voir que cette fidélité est à contre-courant des valeurs aujourd’hui vénérées par presque tous. E
1788 e la multiplicité des expériences. Elle nie que l’ être aimé doive réunir, pour être ou pour rester aimable, le plus grand no
1789 nces. Elle nie que l’être aimé doive réunir, pour être ou pour rester aimable, le plus grand nombre de qualités possible. El
1790 ités possible. Elle nie que le but de la fidélité soit le bonheur. Elle affirme scandaleusement que c’est avant tout l’obéis
1791 la volonté de faire une œuvre. Car la fidélité n’ est pas du tout une espèce de conservatisme. Elle est plutôt une construc
1792 est pas du tout une espèce de conservatisme. Elle est plutôt une construction. « Absurde » au moins autant que la passion,
1793 r ses rêves, par un besoin constant d’agir pour l’ être aimé, par une constante prise sur le réel, qu’elle cherche à dominer,
1794 œuvre, et aux mêmes conditions, dont la première est la fidélité à quelque chose qui n’était pas, mais que l’on crée. Pers
1795 la première est la fidélité à quelque chose qui n’ était pas, mais que l’on crée. Personne, œuvre, et fidélité : les trois mot
1796 Personne, œuvre, et fidélité : les trois mots ne sont point séparables ou concevables isolément. Et tous les trois supposen
1797 . (À condition bien entendu que cette promesse ne soit pas faite pour des « raisons » que l’on se réserve de répudier un jou
1798 paraître raisonnables ! Si la promesse du mariage est le type même de l’acte sérieux, c’est dans la mesure où elle est fait
1799 e de l’acte sérieux, c’est dans la mesure où elle est faite une fois pour toutes. Seul l’irrévocable est sérieux.) Toute vi
1800 st faite une fois pour toutes. Seul l’irrévocable est sérieux.) Toute vie, fût-elle la plus déshéritée, détient sa chance i
1801 utes. Seul l’irrévocable est sérieux.) Toute vie, fût -elle la plus déshéritée, détient sa chance immédiate de grandeur, et
1802 homme découvre que la folie du sacrifice consenti était la plus grande sagesse ; et que le bonheur qu’il a renoncé lui est re
1803 e sagesse ; et que le bonheur qu’il a renoncé lui est rendu, comme Isaac fut rendu à Abraham. Mais alors il n’y songeait pa
1804 onheur qu’il a renoncé lui est rendu, comme Isaac fut rendu à Abraham. Mais alors il n’y songeait pas ! Et il se peut aussi
1805 e peut aussi que rien ne compense la perte : nous sommes ici dans un ordre de grandeur où nos mesures et nos équivalences n’on
1806 ne grandeur qui n’ait rien de romantique ? Et qui soit le contraire d’une ardeur exaltée ? La fidélité dont je parle est une
1807 d’une ardeur exaltée ? La fidélité dont je parle est une folie, mais la plus sobre et quotidienne. Une folie de sobriété q
1808 sobriété qui mime assez bien la raison — et qui n’ est pas un héroïsme, ni un défi, mais une patiente et tendre application.
1809 au sens moderne de ces mots… ⁂ Cependant, tout n’ est pas encore clair. Tristan lui aussi fut fidèle ! Et toute passion vér
1810 t, tout n’est pas encore clair. Tristan lui aussi fut fidèle ! Et toute passion véritable est fidèle. (Pour ne rien dire de
1811 lui aussi fut fidèle ! Et toute passion véritable est fidèle. (Pour ne rien dire des successives fidélités de nos « liaison
1812 nos « liaisons », et de tous ces Tristans qui ne sont au vrai que des Don Juan au ralenti.) Où est alors la différence ? Et
1813 ne sont au vrai que des Don Juan au ralenti.) Où est alors la différence ? Et le mari fidèle, ne serait-ce pas simplement
1814 ù est alors la différence ? Et le mari fidèle, ne serait -ce pas simplement celui qui a reconnu dans sa femme une Iseut ? Lorsq
1815 uissante » qui l’accueille par ces paroles : « Je suis toi-même ! » Ainsi de la fidélité du mythe, et de Tristan. C’est un n
1816 e, mais qui s’ignore, naturellement, et qui croit être un vrai amour pour l’autre. L’analyse des légendes courtoises nous a
1817 délivrance du moi coupable et asservi. Tristan n’ est pas fidèle à une promesse, ni à cet être symbolique, ce beau prétexte
1818 Tristan n’est pas fidèle à une promesse, ni à cet être symbolique, ce beau prétexte qui s’appelle Iseut, mais à sa plus prof
1819 ychologues peuvent y lire. ⁂ « Notre engagement n’ était pas pris pour ce monde », écrivait Novalis songeant à sa fiancée perd
1820 etour de la vie. Mais la fidélité dans le mariage est au contraire un engagement absolument pris pour ce monde. Partant d’u
1821 sa fidélité. Et tandis que la fidélité de Tristan était un perpétuel refus, une volonté d’exclure et de nier la création dans
1822 r le monde d’envahir l’âme, la fidélité des époux est l’accueil de la créature, la volonté d’accepter l’autre tel qu’il est
1823 créature, la volonté d’accepter l’autre tel qu’il est , dans son intime singularité. Insistons : la fidélité dans le mariage
1824 sistons : la fidélité dans le mariage ne peut pas être cette attitude négative qu’on imagine habituellement ; elle ne peut ê
1825 ative qu’on imagine habituellement ; elle ne peut être qu’une action. Se contenter de ne pas tromper sa femme serait une pre
1826 e action. Se contenter de ne pas tromper sa femme serait une preuve d’indigence et non d’amour. La fidélité veut bien plus : e
1827 fidélité veut bien plus : elle veut le bien de l’ être aimé, et lorsqu’elle agit pour ce bien, elle crée devant elle le proc
1828 e son propre bonheur. Ainsi la personne des époux est une mutuelle création, elle est le double aboutissement de « l’amour-
1829 ersonne des époux est une mutuelle création, elle est le double aboutissement de « l’amour-action ». Ce qui niait l’individ
1830 me, on découvrira que la fidélité dans le mariage est la loi d’une vie nouvelle ; et non point de la vie naturelle (ce sera
1831 e nouvelle ; et non point de la vie naturelle (ce serait la polygamie) — et non plus de la vie pour la mort (c’était la passio
1832 nté de Dieu, même quand elle ruine notre bonheur, est salutaire. L’amour de Tristan et d’Iseut c’était l’angoisse d’être de
1833 ’amour de Tristan et d’Iseut c’était l’angoisse d’ être deux ; et son aboutissement suprême, c’était la chute dans l’illimité
1834 m qui nous sépare ! » Il faut que l’autre cesse d’ être l’autre, donc ne soit plus, pour qu’il cesse de me faire souffrir, et
1835 Il faut que l’autre cesse d’être l’autre, donc ne soit plus, pour qu’il cesse de me faire souffrir, et qu’il n’y ait plus qu
1836 s que « moi-le-monde » ! Mais l’amour du mariage est la fin de l’angoisse, l’acceptation de l’être limité, aimé parce qu’i
1837 iage est la fin de l’angoisse, l’acceptation de l’ être limité, aimé parce qu’il m’appelle à le créer, et qu’il se tourne ave
1838 r afin d’attester notre alliance. ⁂ Une vie qui m’ est alliée — pour toute la vie, voilà le miracle du mariage. Une vie qui
1839 ne vie qui ne veut plus que mon bien, parce qu’il est confondu avec le sien : et si ce n’était pour toute la vie, ce serait
1840 arce qu’il est confondu avec le sien : et si ce n’ était pour toute la vie, ce serait encore une menace. (Il y a toujours une
1841 le sien : et si ce n’était pour toute la vie, ce serait encore une menace. (Il y a toujours une telle menace dans l’échange d
1842 Alors l’amour de charité, l’amour chrétien, qui est Agapè, paraît enfin dans sa pleine stature : il est l’affirmation de
1843 t Agapè, paraît enfin dans sa pleine stature : il est l’affirmation de l’être. Et c’est Éros, l’amour-passion, l’amour païe
1844 ans sa pleine stature : il est l’affirmation de l’ être . Et c’est Éros, l’amour-passion, l’amour païen, qui a répandu dans no
1845 ue la vie terrestre et temporelle ne mérite pas d’ être adorée, ni même tuée, mais peut être acceptée dans l’obéissance à l’É
1846 mérite pas d’être adorée, ni même tuée, mais peut être acceptée dans l’obéissance à l’Éternel. Voilà le sens de la Révélatio
1847 nel. Voilà le sens de la Révélation ; l’au-delà n’ est pas la mort divinisante, mais le Jugement du Créateur. C’est ici-bas
1848 n. L’homme naturel ne pouvait pas l’imaginer. Il était donc condamné à croire Éros, c’est-à-dire à se confier dans son désir
1849 n de l’Agapè voit soudain le cercle s’ouvrir : il est délivré par la foi de sa religion naturelle. Il peut maintenant espér
1850 eut maintenant espérer autre chose, il sait qu’il est une autre délivrance. Et voici que l’Éros à son tour se voit relevé d
1851 telle et délivré de son destin. Dès qu’il cesse d’ être un dieu, il cesse d’être un démon 97. Et il retrouve sa juste place,
1852 estin. Dès qu’il cesse d’être un dieu, il cesse d’ être un démon 97. Et il retrouve sa juste place, et vivifiante, dans l’éco
1853 a séduction du Rien. Mais dès lors que le Verbe s’ est fait chair et qu’il nous a parlé en mots humains, nous avons appris c
1854 humains, nous avons appris cette nouvelle : ce n’ est pas l’homme qui doit se délivrer lui-même, c’est Dieu qui l’a aimé le
1855 ême, c’est Dieu qui l’a aimé le premier, et qui s’ est approché de lui. Le salut n’est plus au-delà, toujours plus haut, dan
1856 premier, et qui s’est approché de lui. Le salut n’ est plus au-delà, toujours plus haut, dans l’ascension interminable du Dé
1857 orps, mais c’est la femme. (I. Cor. 7.) La femme étant l’égale de l’homme, elle ne peut donc être le but idéal de l’homme98.
1858 femme étant l’égale de l’homme, elle ne peut donc être le but idéal de l’homme98. En même temps, elle échappe à l’abaissemen
1859 e échappe à l’abaissement bestial qui tôt ou tard est la rançon d’une divinisation de la créature. Mais cette égalité ne do
1860 on de la créature. Mais cette égalité ne doit pas être entendue au sens moderne et revendicateur. Elle procède du mystère de
1861 ateur. Elle procède du mystère de l’amour, elle n’ est que le signe et la démonstration du triomphe d’Agapè sur Éros. Car l’
1862 te son amour pour l’homme en exigeant que l’homme soit saint comme Dieu est saint. Et l’homme témoigne de son amour pour une
1863 mme en exigeant que l’homme soit saint comme Dieu est saint. Et l’homme témoigne de son amour pour une femme en la traitant
1864 moderne — du moins perd-elle son efficace : ce n’ est plus elle qui détermine la personne. En d’autres termes, on pourrait
1865 Car si le désir va vite et n’importe où, l’amour est lent et difficile, il engage vraiment toute une vie, et il n’exige pa
1866 « fatalité » de la passion. Le « coup de foudre » est sans doute une légende accréditée par Don Juan, comme la « fatalité »
1867 par Don Juan, comme la « fatalité » de la passion est accréditée par Tristan. Excuse et alibi qui ne peuvent tromper que ce
1868 t alibi qui ne peuvent tromper que celui qui veut être trompé, parce qu’il y trouve son intérêt ; figures de rhétorique roma
1869 romanesque, et acceptables à ce titre, mais qu’il serait assez absurde de confondre avec des vérités psychologiques. Notre ana
1870 voir pourquoi l’on aime croire à la fatalité, qui est l’alibi de la culpabilité : « Ce n’est pas moi qui ai commis la faute
1871 alité, qui est l’alibi de la culpabilité : « Ce n’ est pas moi qui ai commis la faute, je n’y étais pas, c’est cette puissan
1872 « Ce n’est pas moi qui ai commis la faute, je n’y étais pas, c’est cette puissance fatale qui agissait en lieu et place de ma
1873 se une « fatalité » ! Quant au coup de foudre, il est censé justifier les écarts de Don Juan. Toute la littérature nous eng
1874 me des coups de foudre et de la vie « orageuse », serait une sorte de surhomme, de surmâle. Mythe d’une puissance indéfinie et
1875 ine les contingences morales. Mais alors, on peut être certain qu’un pareil mythe est né de la rêverie des impuissants. Et e
1876 is alors, on peut être certain qu’un pareil mythe est né de la rêverie des impuissants. Et en effet, la conduite de Don Jua
1877 impuissants. Et en effet, la conduite de Don Juan est bien typique d’une certaine déficience sexuelle. C’est dans l’état de
1878 corps et de l’esprit, le risque de coup de foudre est à peu près éliminé. Il apparaît ainsi que la monogamie, normalisant l
1879 e la monogamie, normalisant les rapports sexuels, est la meilleure garantie du plaisir, c’est-à-dire de l’Éros purement cha
1880 divinisé100. ⁂ On objecte alors que le mariage ne serait plus que le « tombeau de l’amour ». Mais c’est encore le mythe, natur
1881 oire, avec son obsession de l’amour contrarié. Il serait plus vrai de dire avec Benedetto Croce que « le mariage est le tombea
1882 rai de dire avec Benedetto Croce que « le mariage est le tombeau de l’amour sauvage »101 (et plus communément du sentimenta
1883 le viol, comme la polygamie, révèle que l’homme n’ est pas encore en mesure de concevoir la réalité de la personne chez la f
1884 humaines. Par contre, l’homme qui se domine, ce n’ est pas faute de « passion » (au sens de tempérament) mais c’est qu’il ai
1885 istianisme et le secret de notre dynamisme. Et il est vrai que ces trois termes : christianisme, passion, dynamisme, corres
1886 les conclusions de notre examen du mythe courtois sont justes, il faudra corriger sensiblement ce schéma de l’Occident chrét
1887 chéma de l’Occident chrétien. Tout d’abord : ce n’ est pas le christianisme qui a fait naître la passion, mais c’est une hér
1888 une hérésie d’origine orientale. Cette hérésie s’ est répandue d’abord dans les contrées les moins christianisées, précisém
1889 enaient encore une vie secrète. L’amour-passion n’ est pas l’amour chrétien, ni même le « sous-produit du christianisme » ou
1890 anisme a réveillée et orientée vers Dieu »102. Il est plutôt le sous-produit de la religion manichéenne. Plus exactement, i
1891 t de la religion manichéenne. Plus exactement, il est né de la complicité de cette religion avec nos plus vieilles croyance
1892 e. Première correction d’importance. Ensuite, il est urgent de rappeler que le fameux « dynamisme occidental » procède de
1893 re procède d’une conception de la vie ardente qui est un masque du désir de mort. Dynamisme inverti, et autodestructeur. Ma
1894 ntal, j’entends notre génie technique, ne saurait être un seul instant ramené à la passion. L’attitude humaine qu’il révèle
1895 ené à la passion. L’attitude humaine qu’il révèle est l’antithèse exacte de la passion : c’est une affirmation de la valeur
1896 visible. La passion ni la foi hérétique dont elle est née ne sauraient proposer comme but à notre vie la maîtrise de la Nat
1897 ction originelle du Démiurge, et puisque le salut est justement d’échapper à sa loi démoniaque.104 Faut-il voir à la sourc
1898 s (c’est-à-dire créateurs) du dynamisme européen, sont orientés par une volonté exactement contraire à celle de passion. Ce
1899 devenant mortelle, trahit les ambitions dont elle est née. Il se peut que l’Occident succombe à ce destin qu’il s’est forgé
1900 peut que l’Occident succombe à ce destin qu’il s’ est forgé. Mais il est clair que ce n’est pas le christianisme — comme le
1901 t succombe à ce destin qu’il s’est forgé. Mais il est clair que ce n’est pas le christianisme — comme le répètent tant de p
1902 tin qu’il s’est forgé. Mais il est clair que ce n’ est pas le christianisme — comme le répètent tant de publicistes — qui es
1903 sme — comme le répètent tant de publicistes — qui est responsable de la catastrophe. L’esprit catastrophique de l’Occident
1904 astrophe. L’esprit catastrophique de l’Occident n’ est pas chrétien105. Il est tout au contraire manichéen. C’est ce qu’igno
1905 trophique de l’Occident n’est pas chrétien105. Il est tout au contraire manichéen. C’est ce qu’ignorent communément ceux qu
1906 stianisme et l’Occident, comme si tout l’Occident était chrétien. Si donc l’Europe succombe à son mauvais génie, ce sera pour
1907 Si donc l’Europe succombe à son mauvais génie, ce sera pour avoir trop longtemps cultivé la religion antichrétienne de la pa
1908 de la passion. ⁂ Faut-il conclure que la passion serait la tentation orientale de l’Occident ? S’il est vrai qu’elle ne s’est
1909 erait la tentation orientale de l’Occident ? S’il est vrai qu’elle ne s’est développée dans notre histoire et nos cultures
1910 entale de l’Occident ? S’il est vrai qu’elle ne s’ est développée dans notre histoire et nos cultures qu’à partir des xiie
1911 l’Iran, sources certaines de l’hérésie, que nous sont venues nos « mortelles » croyances. Mais dira-t-on, ces mêmes croyanc
1912 s mêmes obstacles. Ainsi notre chance dramatique est d’avoir résisté à la passion par des moyens prédestinés à l’exalter.
1913 ion par des moyens prédestinés à l’exalter. Telle fut la tension permanente d’où jaillirent nos plus belles créations. Mais
1914 a plus typique de leur morale : le mariage, qu’il sera désormais possible de repérer avec assez de précision ce déplacement
1915 sion ce déplacement d’accent dont tout dépend. Il est certain que l’Occidental christianisé se distingue du mystique orient
1916 mystique oriental par son pouvoir d’approfondir l’ être créé dans ce qu’il a de particulier. C’est tout le secret de notre fi
1917 e du divers. Nous, nous cherchons la densité de l’ être dans la personne distincte, sans cesse approfondie comme telle. « D’a
1918 limitations. Le chrétien prend le monde tel qu’il est , et non point tel qu’il peut le rêver. Son activité « créatrice » con
1919 rt. Et c’est pourquoi la crise moderne du mariage est le signe le moins trompeur d’une décadence occidentale. Il en est d’a
1920 moins trompeur d’une décadence occidentale. Il en est d’autres, certes, dans les domaines les plus divers : le culte du nom
1921  : tout ce qui tend à ruiner la personne. Mais ce sont là des phénomènes complexes et collectifs, qui échappent en partie au
1922 nous parle et nous avertit mieux : aucun autre n’ est plus sensible et quotidien, plus intimement vérifiable. 7. Au-delà
1923 r la destruction de notre civilisation. Tout cela est , tout cela nous menace, et d’autant plus qu’on voudrait le nier. Cepe
1924 menant alors un âge classique… Mais après tout, n’ est -ce pas encore une tentation de la passion que ce souci des lendemains
1925  la figure de ce monde passe », mais l’obéissance est toujours hic et nunc, dans l’acte de l’Éternel où notre espoir se fon
1926 es constatations tout objectives auxquelles je me suis vu conduit ne sont pas suffisantes en soi. Elles commandent certaines
1927 ut objectives auxquelles je me suis vu conduit ne sont pas suffisantes en soi. Elles commandent certaines décisions. Elles i
1928 troduisent à une problématique nouvelle, et qui n’ est pas toujours aussi simpliste que le dilemme passion-fidélité peut nou
1929 Or le moyen de dépasser notre dilemme ne saurait être la pure et simple négation de l’un de ses termes. Je l’ai dit et j’y
1930 ste encore : condamner la passion en principe, ce serait vouloir supprimer l’un des pôles de notre tension créatrice. De fait,
1931 pôles de notre tension créatrice. De fait, cela n’ est pas possible. Le philistin qui « condamne » de la sorte et à priori t
1932 assion, c’est qu’il n’en a connu aucune, et qu’il est en deçà du conflit. Pour cet homme-là le seul progrès concevable est
1933 lit. Pour cet homme-là le seul progrès concevable est dans la crise de sa sécurité, c’est-à-dire dans le drame passionnel.
1934 e inhérent à tout exposé. ⁂ Le premier thème peut être situé par rapport à un drame personnel dont les données biographiques
1935 ame personnel dont les données biographiques nous sont suffisamment connues. On sait que l’événement qui devint pour Kierkeg
1936 kegaard le point de départ de toute sa réflexion, fut la rupture de ses fiançailles avec Régine. La cause intime de cette r
1937 monde. Ici l’obstacle indispensable à la passion est d’une nature à tel point subjective, singulière et incomparable, qu’o
1938 écheur ne saurait entretenir avec son Dieu, — qui est l’Éternel et le Saint— que des relations d’amour mortellement malheur
1939 gine pure de la Passion, — mais du même coup nous sommes jetés au cœur même de la foi chrétienne ! Car voici : cet homme mort
1940 initie une vie nouvelle, où la passion ne cesse d’ être présente, mais sous l’incognito le plus jaloux : car elle est bien pl
1941 , mais sous l’incognito le plus jaloux : car elle est bien plus que royale, elle est divine. Et dans l’analogie de la foi,
1942 jaloux : car elle est bien plus que royale, elle est divine. Et dans l’analogie de la foi, l’on peut alors concevoir que l
1943 on peut alors concevoir que la passion — quel que soit l’ordre où elle se manifeste — ne trouve son au-delà réel et son salu
1944 t son salut que par cette action d’obéissance qui est la vie de fidélité. Vivre alors « comme tout le monde », mais « en ve
1945 hose qu’une « solution », pour qui croit que Dieu est fidèle, et que l’amour ne trompe jamais l’aimé. Certes, Kierkegaard n
1946 ute son œuvre. Et c’est peut-être que cette œuvre était le lieu de sa fidélité la plus réelle. Pourquoi chercher ailleurs que
1947 nnent chaque jour de leur bonheur. (Ces choses-là sont trop simples et totales pour qu’un discours vienne mettre ses délais
1948 notre vie.) ⁂ Le second thème que j’esquisserai n’ est peut-être pas d’une nature essentiellement hétérogène. Peut-être même
1949 ssentiellement hétérogène. Peut-être même doit-il être conçu comme un aspect particulier du mouvement de retour de la passio
1950 avec une sorte d’indifférence quasi divine. Elle est au-delà du doute et de la distinction ressentie comme un déchirement 
1951 e désire plus rien que son amour ne veuille, elle est une avec lui dans la dualité, qui n’est plus qu’un dialogue de grâce
1952 lle, elle est une avec lui dans la dualité, qui n’ est plus qu’un dialogue de grâce et d’obéissance. Et le désir de la plus
1953 cesse dans l’acte même d’obéir, en sorte qu’il n’ est plus en l’âme de brûlure, ni même de conscience de l’amour, mais seul
1954 née du mortel désir d’union mystique, ne saurait être dépassée et accomplie que par la rencontre d’un autre, par l’admissio
1955 uffrir, acceptent notre jour. Et alors le mariage est possible. Nous sommes deux dans le contentement. ⁂ Une dernière fois
1956 otre jour. Et alors le mariage est possible. Nous sommes deux dans le contentement. ⁂ Une dernière fois pourtant nous reprendr
1957 s reprendrons un parti de sobriété. Les mariés ne sont pas des saints, et le péché n’est pas comme une erreur à laquelle on
1958 Les mariés ne sont pas des saints, et le péché n’ est pas comme une erreur à laquelle on renoncerait un beau jour pour adop
1959 beau jour pour adopter une vérité meilleure. Nous sommes sans fin ni cesse dans le combat de la nature et de la grâce. Sans fi
1960 cesse, malheureux puis heureux. Mais l’horizon n’ est plus le même. Une fidélité gardée au nom de ce qui ne change pas comm
1961 c’est lui qui transforme le monde. 93. Je m’en tiens au « cas-limite » de Tristan ; j’ai connu des amants chrétiens qui eu
1962 devient singulier. À cette personnalisation de l’ être aimé correspond d’ailleurs une spécification croissante de l’instinct
1963 en faveur de la monogamie. 95. La gauloiserie n’ étant pas moins que la passion une évasion hors du réel, une façon de l’idé
1964 et justement pas en tant qu’Éros sublimé. Éros n’ est pas le péché ; le péché, c’est la sublimation d’Éros. » 98. Comme le
1965 le prends ici ? En ce que l’on reconnaît dans un être la totalité d’une personne. La personne selon la fameuse définition k
1966 ameuse définition kantienne, c’est ce qui ne peut être utilisé par l’homme comme une chose, comme un instrument. 100. Je ré
1967 00. Je répète toutefois que le mariage ne saurait être fondé sur des « arguments » de ce genre. Il s’agit ici, simplement, d
1968 e son négatif donjuanesque. Mais cette « raison » est tout à fait inefficace aux yeux de qui préfère le mythe, et veut croi
1969 eo Ferrero, Désespoirs. Le problème de la passion est admirablement défini par ce petit livre, dans ses données actuelles,
1970 tte règle commune à la passion et à la guerre que fut la chevalerie médiévale. 104. « L’idée antique du travail indigne de
1971 notre châtiment et non pas notre délivrance. Ce n’ est pas la mort, la désincarnation, qui est le salut, mais l’acte de la g
1972 nce. Ce n’est pas la mort, la désincarnation, qui est le salut, mais l’acte de la grâce, accompli par Dieu seul. 106. Ce d
1973 accompli par Dieu seul. 106. Ce dernier chapitre est la conclusion de L’Amour et l’Occident , plus encore que des deux fr
1974 « La passion contre le mariage ». Ces deux essais sont extraits d’un ouvrage à paraître sous le titre : L’Amour et l’Occide
42 1938, Esprit, articles (1932–1962). Suite à « La passion contre le mariage » (décembre 1938)
1975 nom de Lawrence parmi les premiers de ceux qui se sont attaqués à la fausse passion) et la réponse de Rougemont. La voici :
1976 général on l’a compris comme je le pensais : ce n’ est point le sacrement qui « fait question », selon M. Lavaud, mais bien
43 1939, Esprit, articles (1932–1962). D’une critique stérile (mai 1939)
1977 ba Dans un certain sens, et aujourd’hui, nul n’ est plus mal placé que les personnalistes pour critiquer le régime des pa
1978 , avec une pertinence et une violence qui alors n’ étaient pas sans mérites. Ils ont prédit l’évolution actuelle, l’usure de la
1979 res, dans Esprit et dans L’Ordre nouveau . Ils étaient les premiers à le dire. Et l’on pensait qu’ils seraient les premiers
1980 nt les premiers à le dire. Et l’on pensait qu’ils seraient les premiers à y croire, et à le prouver. Or, il ne paraît pas qu’à c
1981 comparable. Les partisans de droite et de gauche seraient fondés à nous dire aujourd’hui : « Vous avez très bien vu pourquoi no
1982 s erreurs, n’avez rien fait de mieux ? » Certains seront tentés de répondre que l’espèce de paralysie dont souffre le mouvemen
1983  : « intellectualiste ». Je ne pense pas que cela soit décisif. Je crains bien qu’au contraire le mouvement ait péché par dé
1984 in un vrai parti, un parti vrai, dont la doctrine soit plus complète et sympathique que celle des « formations traditionnell
1985 el : la création de moyens d’action neufs, et qui seraient efficaces justement parce qu’ils ne seraient pas à l’échelle démesuré
1986 qui seraient efficaces justement parce qu’ils ne seraient pas à l’échelle démesurée de l’action des partis politiques. 9. L’act
1987 upes personnalistes, en tant que tels, ne saurait être que réduite au regard de l’action des partis : elle veut être une act
1988 uite au regard de l’action des partis : elle veut être une action à hauteur d’homme, et non pas au niveau de l’opinion. 10.
1989 e l’opinion. 10. Ceux qui doutent de son efficace sont victimes de l’optique des partis. 11. Ceux qui demandent des directiv
1990 . 11. Ceux qui demandent des directives au centre sont victimes de l’optique des partis. 12. Et de même, ceux qui attendent
1991 Et de même, ceux qui attendent pour agir que nous soyons « suffisamment nombreux ». 13. Pour former une communauté, il vaut mi
1992 . 13. Pour former une communauté, il vaut mieux n’ être qu’une douzaine. 14. Pour se risquer personnellement, il suffit de cr
1993 ment à ce qu’on affirme. 15. L’attrait du parti n’ est qu’en apparence l’attrait de la plus grande puissance ; en réalité, i
1994 rait de la plus grande puissance ; en réalité, il est la fuite devant la véritable puissance de l’homme, qui est sa respons
1995 ite devant la véritable puissance de l’homme, qui est sa responsabilité personnelle. 16. Les partis sont mauvais non point
1996 est sa responsabilité personnelle. 16. Les partis sont mauvais non point parce qu’ils sont trop puissants dans l’État, mais
1997 6. Les partis sont mauvais non point parce qu’ils sont trop puissants dans l’État, mais parce qu’ils n’ont aucune puissance
1998 des lâchetés de tous les citoyens. 19. Tout parti est totalitaire dans son essence, et préfigure l’État totalitaire, brutal
1999 autres groupes. 22. C’est pourquoi le fédéralisme est la seule forme humaine de la justice. 23. Le but du personnalisme n’
2000 ine de la justice. 23. Le but du personnalisme n’ est pas de s’emparer des « centrales » pour établir ensuite un régime per
2001 des réalités que l’on maîtrise. 26. Si peu que ce soit , c’est tout ce qu’il y a de réel. 27. Une seule main qui travaille fa
2002 mains qui se lèvent. 28. La critique des partis n’ est stérile que dans la mesure où elle n’est pas radicale. ba. Rougemo
2003 partis n’est stérile que dans la mesure où elle n’ est pas radicale. ba. Rougemont Denis de, « D’une critique stérile »,
44 1939, Esprit, articles (1932–1962). Autour de L’Amour et l’Occident (septembre 1939)
2004 m’y soustraire que les chapitres de mon livre qui furent publiés ici même sont, avec ceux ou plutôt celui que vous critiquez d
2005 hapitres de mon livre qui furent publiés ici même sont , avec ceux ou plutôt celui que vous critiquez dans un rapport quelque
2006 tillesse désarmante et si rare !) que mon livre «  est un livre d’histoire » et que je ne suis pas un historien. Je vois bie
2007 on livre « est un livre d’histoire » et que je ne suis pas un historien. Je vois bien que vous non plus ne voulez pas l’être
2008 n. Je vois bien que vous non plus ne voulez pas l’ être comme tant d’autres le furent et le restent. Toutefois, c’est bien co
2009 plus ne voulez pas l’être comme tant d’autres le furent et le restent. Toutefois, c’est bien comme « historien » que vous m’a
2010 victoire » et « bataille de la Marne ». Le sonnet sera critiquable si l’ordre des rimes et des strophes n’est pas strictemen
2011 ritiquable si l’ordre des rimes et des strophes n’ est pas strictement respecté. La composition historique sera critiquable
2012 s strictement respecté. La composition historique sera critiquable au même titre : si par exemple on appelle pape un Léon II
2013  : si par exemple on appelle pape un Léon III qui fut empereur. Je ne songe pas à défendre l’inexactitude ni les erreurs ty
2014 ou les négligences de copie. Mais ceci dit, il ne serait pas « exact » non plus d’appliquer les mêmes critères à ce qui ne rel
2015 r en fait, je ne prétends nullement que mon livre soit un livre d’histoire, dans ce sens « critiquable » du terme. Ce n’est
2016 oire, dans ce sens « critiquable » du terme. Ce n’ est pas même de l’histoire littéraire. C’est bien plutôt, s’il faut une é
2017 ue proprement par le refus d’admettre quoi que ce soit de ce genre. Elle se condamne à l’enregistrement sans intervention de
2018 Or seul le créateur connaît la création, seul il est en mesure de la reconnaître là où elle est apparue dans le passé, et
2019 eul il est en mesure de la reconnaître là où elle est apparue dans le passé, et là où elle sévit dans le présent. Croyez bi
2020 terprète et théologien de l’histoire, je n’ai pas été sans découvrir dans votre article une faculté d’interprétation créatr
2021 desquelles nous portons nos jugements, et qui ne sont autres que les dogmes. — Ça existe, l’amour courtois !… dites-vous. M
2022 ’un argument de tortionnaire. Vous ajoutez que je suis insensible à « cette éloquence passionnée, à cette beauté intérieure 
2023 e passionnée, à cette beauté intérieure », que je tiens tout cela pour une « conception dépassée » ; et que j’en parle enfin
2024 justifier en remarquant que mon objet principal n’ était pas de décrire les différents aspects de l’amour courtois, mais seule
2025 é (et un peu plus…) sur l’aventure de Rudel, si j’ étais insensible à cette éloquence passionnée et à cette beauté intérieure,
2026 érieur », si « riche », si « émouvant », que ce n’ était pas trop de tout un pesant livre pour essayer de formuler ce qu’il y
2027 e, dans la perspective de mon ouvrage, ne pouvait être que littérature (la plus belle qui soit, nous le savons à Neuchâtel c
2028 e pouvait être que littérature (la plus belle qui soit , nous le savons à Neuchâtel comme à Marseille). C’est à cela, c’est à
2029 out ce reste, mes conclusions, à votre sens, s’en fussent -elles trouvées modifiées ? J’entends mes conclusions religieuses et m
2030 on telle ou telle hypothèse « historique » que je suis tout prêt à réviser s’il y a lieu. Voilà le point. Voilà le terrain d
2031 e. « Je ne puis, moi, renoncer à rien de ce qui a été humain », dites-vous. « Il me faut à tout prix que je puisse l’assume
2032 que je puisse l’assumer. » Eh bien quoi ? Nous en sommes tous là ! Mais faut-il vraiment s’en réjouir ? Si l’on appelle cathol
2033 r à rien d’humain, sans distinction, je veux bien être appelé sectaire. (Huguenot, cela va sans dire, mais ce n’est pas syno
2034 sectaire. (Huguenot, cela va sans dire, mais ce n’ est pas synonyme.) Et même dissonant, s’il le faut. Dans ma dissonance ob
2035 ns tout ce que l’on appelle l’Humain, et qui ne l’ est plus depuis la Chute d’Adam. Oui certes, rien d’humain ne peut m’être
2036 Chute d’Adam. Oui certes, rien d’humain ne peut m’ être étranger ; reste à savoir si j’ai lieu de m’en vanter ; reste à savoi
2037 j’ai lieu de m’en vanter ; reste à savoir si ce n’ est pas là, précisément la solidarité dans le péché, l’irrémédiable « con
2038 le reste », m’amène à me demander pourquoi vous y tenez tant. Je crois voir la réponse dans votre conclusion. Et force m’est
2039 voir la réponse dans votre conclusion. Et force m’ est alors de reconnaître qu’à l’origine de ce débat il n’y a pas seulemen
2040 « dissonante » de l’amour courtois tel qu’il put être vécu au xiie siècle, mais une certaine compréhension des dogmes esse
2041 ansjordanie profère une vérité première. (J’avais été tenté de citer l’anecdote dans mon livre.) Placée comme cela, en conc
2042 e paraît écrasante pour ma thèse. Seulement, nous sommes dans le monde concret de la chute, le monde des vérités secondes, équ
2043 , mêlées de mensonge. Dans ce monde concret, il n’ est pas vrai que tout amour tende vers Dieu. Il n’est pas vrai non plus q
2044 est pas vrai que tout amour tende vers Dieu. Il n’ est pas vrai non plus que tout l’humain soit humain. « Je trouve deux hom
2045 ieu. Il n’est pas vrai non plus que tout l’humain soit humain. « Je trouve deux hommes en moi », écrit l’Apôtre. Nous trouvo
2046 du corps ?) Un amour dont l’exaltation cependant, était considérée par les anciens comme une maladie de l’âme. Mais à partir
2047 ions mystiques, l’exaltation de cet amour naturel est subitement considérée comme vertueuse, ennoblissante. C’est en tant q
2048 tueuse, ennoblissante. C’est en tant que le désir est exalté, et d’une certaine manière « chaste » et spirituelle, qu’il de
2049 s le vrai Dieu, ni vers la créature telle qu’elle est , mais vers le moi rêvé de celui qui s’exalte. C’est une espèce de nar
2050 ne à travers la vraie créature, c’est l’amour qui est venu de Dieu, rendu aux hommes par le Christ, cette Agapè qui seule s
2051 main. Ma thèse centrale présentée de la sorte — n’ est -ce pas assez clair dans mon livre ? — me direz-vous encore que vous ê
2052 dans mon livre ? — me direz-vous encore que vous êtes « plutôt contre » ? Voilà toute notre opposition : catholique et plat
2053 s dit que si nous la gardons « tout le reste nous sera donné par-dessus » ; mais l’inverse n’est pas prévu.   Post-Scriptum.
2054 e nous sera donné par-dessus » ; mais l’inverse n’ est pas prévu.   Post-Scriptum. — J’avais commencé de lire le numéro d’Es
2055 tre relative à l’histoire « objective » se trouve être un mauvais résumé des idées de Raymond Aron, que je ne connaissais pa
2056 reçue hier, et relative à mon Amour  : « Quand j’ étais jeune, j’aurais parfaitement méprisé votre manière si cavalière d’exp
2057 patience historique ne conduit à la certitude, il est peut-être au moins aussi sage de faire confiance à l’intuition. » — T
2058 nce à l’intuition. » — Tristesse de l’historien n’ est -ce pas ? Et c’est pourtant celui-là même qu’avec combien de raison vo
2059 ravail sur les troubadours, à Francfort, il avait tenu à faire deux semestres à Toulouse. Il y arrive tout excité. Le profes
2060 ote précise avant la lettre : « Le dialogue qui s’ est poursuivi entre Rougemont et Davenson, après la note de ce dernier da
45 1946, Esprit, articles (1932–1962). « Un divorce entre le christianisme et le monde ? » (août-septembre 1946)
2061 ut qu’il y ait eu mariage. Or l’Église chrétienne est l’Épouse du Christ. Quand elle s’arrange trop bien avec le monde (Con
2062 ssurant. Car le pire danger pour le christianisme serait de cesser d’être chrétien, sans s’en apercevoir, et c’est le risque q
2063 e danger pour le christianisme serait de cesser d’ être chrétien, sans s’en apercevoir, et c’est le risque qu’il court dans l
2064 entre le marxisme et le monde moderne », lequel s’ est cependant constitué « massivement en dehors d’eux », c’est-à-dire sur
2065 christianisme. L’état d’Esprit qui fait enquête n’ est pas celui d’une conquête. Attention. bd. Rougemont Denis de, « [Ré
2066 thème « Monde chrétien, monde moderne ». Le texte est précédé du chapeau suivant : « Certains de nos correspondants ont pos
2067 orce entre le christianisme et le monde ? Mais il est de toujours ! Non sans quelque hauteur, Denis de Rougemont pulvérise
46 1946, Esprit, articles (1932–1962). Épilogue (novembre 1946)
2068 artition des huiles et savons par l’État, et vous serez bientôt en plein délire : tous les partis nommeront des commissions p
2069 mise moscoutaire. Ces commissions, d’ailleurs, ne seront occupées qu’à clamer, la cravate en bataille, des résolutions farouch
2070 udre, non pas pour qu’on en parle. Notre tendance est de nous en remettre à une agence d’État, qui généralement fait le tra
2071 ntait environ les 9/10 de la production. Le job a été bien fait : l’Allemagne et le Japon ont été battus. Et les agences de
2072 job a été bien fait : l’Allemagne et le Japon ont été battus. Et les agences de contrôle des prix, de la main-d’œuvre et de
2073 tte des partis. C’est pourquoi les partis ne s’en sont point occupés, et n’ont point jugé nécessaire de proclamer l’union sa
2074 , dans les commissions du Congrès et du Sénat, se sont bornés à des échanges d’arguments souvent brutaux, au cours d’enquête
2075 stration de ces agences. Peu importe : le travail était fait. En France, les partis s’arrangent en général pour rendre tous l
2076 s aussi insolubles que leurs principes respectifs sont incompatibles. Cela conduit à des crises mortelles. Alors les chefs d
2077 n sacrée, et délèguent tout pouvoir à l’État, qui est en l’espèce un nouveau chef de gouvernement. Ce dernier pris au dépou
2078 en chef et son remplacement à la dernière seconde soit par un antifasciste convaincu, soit par un bénéficiaire éprouvé de la
2079 nière seconde soit par un antifasciste convaincu, soit par un bénéficiaire éprouvé de la tradition dite nationale… Et si no
2080 vé de la tradition dite nationale… Et si nous ne sommes pas là pour consentir un prêt, payant la casse, vous parlez de notre
2081 er. C’est d’ailleurs très facile, me semble-t-il. Soyez honnêtes dans les négociations, comme le fut votre Herriot, que nous
2082 l. Soyez honnêtes dans les négociations, comme le fut votre Herriot, que nous respectons. Et cessez de répéter sur notre co
2083 te des sottises pittoresques ou méprisantes. Nous sommes adultes. Comment un Américain moyen voit le Monde — Quels sont,
2084 mment un Américain moyen voit le Monde — Quels sont , se dit-il, les pays qui marchent le mieux en Europe ? Les États scan
2085 la Suisse, la Hollande, et la Grande-Bretagne. Ce sont des démocraties en majorité socialistes, ce qui peut inquiéter, mais
2086 , ceux qui ont fondé nos vieilles familles. Quels sont les pays qui marchent mal et qui nous créent le plus d’ennuis ? L’Esp
2087 d’ennuis ? L’Espagne et le Portugal, parce que ce sont des dictatures, et peu importe qu’elles réussissent matériellement, e
2088 és aux Russes, qui les mettent au pillage, ce qui est peu rationnel : ils feraient mieux de les équiper, puisque ce sont le
2089 l : ils feraient mieux de les équiper, puisque ce sont leurs colonies. L’Allemagne nous plaît mieux que la Pologne : pays de
2090 ieux que la Pologne : pays de blonds et les noirs sont suspects, tous les villains de nos films ont les cheveux noirs. De pl
2091 s films ont les cheveux noirs. De plus l’Allemand est propre et travailleur, et mon arrière-grand-mère était du Wurtemberg.
2092 propre et travailleur, et mon arrière-grand-mère était du Wurtemberg. Les Italiens ? Nous en aurons bientôt autant chez nous
2093 i, comme l’ont fait les bourgeois d’Europe : ce n’ était pas un regular guy. Le Vatican a la plus vieille diplomatie secrète d
2094 et toujours prêts et se battre. Oui, l’Europe, ce sont nos Balkans. Mais il y a l’Amérique du Sud, il y a les Russes, il y a
2095 d’ouvrir leurs frontières, de l’esclavage où ils tiennent leur presse, et de l’orgueil de parvenus de l’industrie et des scienc
2096 are. Car en réalité, nous touchons à l’Asie. Nous sommes une puissance maritime et cela compense la proximité géographique de
2097 était un clair avertissement aux Russes. La Chine est un de nos grands marchés, le Japon un de nos gros clients. C’est là q
2098 trois de leurs États, les dernières élections se sont passées presque sans coups de fusil. Peut-être atteindront-ils bientô
2099 : Liberté, Prospérité et Poursuite du Bonheur, ce sont là mes trois idéaux. Et je ne les vois réalisés qu’en Amérique. Co
2100 rique ! Car le contraire, chaque fois, peut aussi être vrai. Car ces rêveurs sont aussi, et souvent, de vieux cornichons à l
2101 haque fois, peut aussi être vrai. Car ces rêveurs sont aussi, et souvent, de vieux cornichons à lunettes, aux lèvres minces,
2102 matisés munis d’une « grille désodorisante »… Ils sont modernes. Car avec une belle énergie et beaucoup moins de naïveté que
2103 sent mieux que nous la confusion du siècle, ils y sont installés carrément, et ils l’exploitent non sans une sorte de bon se
2104 lites ne s’en approchent qu’en hésitant. Ils nous sont supérieurs à tant d’autres égards ; saurons-nous garder au moins cela
2105 éométriser, typique d’une civilisation mécanisée, est signe de lourdeur d’esprit, de paresse d’âme, d’appauvrissement de la
2106 t spirituel. La croyance exclusive et la réussite est le signe d’une vue bornée de notre condition humaine, de même que le
2107 église qui a l’air gothique quand plus rien ne l’ est en nous ni autour d’elle. Un peuple, s’il éduque son sens des formes,
2108 ffres et se sent aussitôt rassuré. Mais un fait n’ est qu’un signe dans une équation, une lettre ou une virgule dans une phr
2109 on ne peut le lire qu’avec tout le contexte. S’en tenir aux faits seuls, aux faits bruts, c’est une timidité de l’esprit qui
2110 s détestent celui qui vient les réveiller. Ils le tiennent pour pervers et masochiste. Et il est vrai que la conscience s’éveill
2111 Ils le tiennent pour pervers et masochiste. Et il est vrai que la conscience s’éveille généralement dans la douleur, mais i
2112 ’ingéniait à rendre étanche, — inconsciemment. Ce sont là des secousses extérieures. Qui sait si une loi de l’esprit ne les
2113 quentes que les poussées intimes de la conscience sont plus méthodiquement refoulées ? Qui sait quels malheurs historiques u
2114 gagner sans écœurer le vaincu. Apprenons d’eux à tenir parole, à nous laver, à boire du lait, à être à l’heure, à ne pas cou
2115 à tenir parole, à nous laver, à boire du lait, à être à l’heure, à ne pas couper les files par principe, à observer les règ
2116 bserver les règles du jeu dans la mesure où elles sont raisonnables, à faire crédit, à payer nos impôts, à exiger des foncti
2117 tés de frileux. Enfin, apprenons d’eux le souci d’ être dignes non seulement d’un passé qui nous a faits, mais surtout d’un a
2118 ttitude détient le secret de la liberté. Car il n’ est de liberté réelle qu’en avant, dans tous les ordres, à chaque instant
47 1948, Esprit, articles (1932–1962). Thèses du fédéralisme (novembre 1948)
2119  » de l’humain, oui, l’âme d’une civilisation qui serait perdue, perdue pour tous et non seulement pour nous ! Ce n’est donc p
2120 erdue pour tous et non seulement pour nous ! Ce n’ est donc pas au nom de je ne sais quel nationalisme européen qu’il nous f
2121 …] Or, il s’en faut de beaucoup que les Européens soient unanimes à tenir activement le parti de cette Europe, de ses complexi
2122 t de beaucoup que les Européens soient unanimes à tenir activement le parti de cette Europe, de ses complexités vitales, de s
2123 qu’ils attendent eux-mêmes de la vie. Ainsi ce ne sont pas seulement les idéaux de progrès collectiviste ou de progrès capit
2124 lore mais sans faire mieux. Je ne vois plus, pour tenir vitalement aux conceptions et aux coutumes européennes, que deux clas
2125 -tampon, ou un bloc opposé aux deux autres. Ce ne serait résoudre, et, au contraire, ce serait exalter le nationalisme aux dim
2126 tres. Ce ne serait résoudre, et, au contraire, ce serait exalter le nationalisme aux dimensions continentales. Ce qu’il nous f
2127 on sens inventif. […] La fédération européenne ne sera pas l’œuvre des gouvernants chargés de défendre les intérêts de leur
2128 ur nation contre le reste du monde. La fédération sera l’œuvre de groupes et de personnes qui prendront l’initiative de se f
2129 érer en dehors des gouvernements nationaux. Et ce sont ces groupes et ces personnes qui formeront le gouvernement de l’Europ
2130 s d’autre voie possible et praticable. Les USA ne sont pas dirigés par une assemblée des gouverneurs des quarante-huit États
2131 uisse par les délégués des vingt-deux cantons. Ce serait impraticable. Ces deux fédérations sont gouvernées, au-dessus de leur
2132 ons. Ce serait impraticable. Ces deux fédérations sont gouvernées, au-dessus de leurs États, et en dehors d’eux, par un exéc
2133 rtés : le but, l’essence de la pensée fédéraliste étant précisément de trouver les moyens d’articuler, d’arranger sans les tu
2134 miques) dans un corps, non dans un carcan. Ce qui est la politique par excellence, n’en déplaise aux sectaires de tous bord
2135 Rougemont, et réunis dans L’Europe en jeu . Ils sont reproduits ici dans le cadre d’un numéro spécial d’Esprit sur le thèm
48 1962, Esprit, articles (1932–1962). Lettre à Jean-Marie Domenach, à propos de « Sartre et l’Europe » (mai 1962)
2136 acées, la torture et « notre désastre spirituel » sont sans importance à mes yeux « quand le foie gras circule » en Europe.
2137 péenne », sens qui me fait évidemment défaut s’il est vrai qu’il se définit par « la conscience épouvantée d’une déchéance
2138 s à Sartre. Allons donc ! Je vois bien qu’il vous est nécessaire d’un peu me calomnier d’abord pour couvrir vos réserves su
2139 nts d’une certaine gauche, sectaire comme on ne l’ est qu’à vingt ans. Ceci dit, je voudrais que vos lecteurs sachent aussi
2140 dans le monde, et notamment des tâches dont elle est responsable — au sens actif du mot, cette fois — à l’égard des peuple
2141 la fièvre nationaliste du tiers-monde, l’heure n’ est pas de cracher sur nos valeurs, mais de les prendre nous-mêmes au sér
2142 e nous devons offrir au monde et à nos fils, ce n’ est pas notre mauvaise conscience, notre rage autopunitive ou l’alliance
2143 x qui perdront la face aux yeux de l’histoire, ce seront ceux qui auront dit que l’Europe était finie, quand il s’agissait de
2144 toire, ce seront ceux qui auront dit que l’Europe était finie, quand il s’agissait de la faire. » C’était cela, l’essentiel d
2145 », qu’il vous plaît de m’attribuer, et qu’il vous est loisible de juger bassement matérialistes, n’étant ni Russe ni du tie
2146 est loisible de juger bassement matérialistes, n’ étant ni Russe ni du tiers-monde. bk. Rougemont Denis de, « Lettre à Jea
2147 mai 1962, p. 877-878. bl. La lettre de Rougemont est précédée de l’introduction suivante de Jean-Marie Domenach : « À la s
2148 péanisme” obsédé par le progrès économique ; je m’ étais étonné qu’un “Européen” aussi convaincu que D. de Rougemont ne sente
2149 de l’Europe qui inspirait la fureur de Sartre. Je suis heureux que Rougemont souligne lui-même ce qui était, effectivement,
2150 is heureux que Rougemont souligne lui-même ce qui était , effectivement, un aspect de son article. Pour le reste, il se peut q
2151 j’en ai faite. » L’article de Rougemont auquel il est fait allusion, intitulé « Sartre contre l’Europe », paru dans Arts le
2152 re l’Europe », paru dans Arts le 17 janvier 1962, est également reproduit dans Les Chances de l’Europe .