1 1932, Esprit, articles (1932–1962). À l’index (Première liste) : Candide (octobre 1932)
1 l’index (Première liste) : Candide (octobre 1932) a Le numéro « exceptionnel » du 8 septembre de Candide nous apporte,
2 vices de propagande officieuse. M. Marcel Hutin n’ a qu’à bien se tenir. La réussite est si complète qu’on se sent pris de
3 jugement où nous place M. Hermann, tout Allemand a le crâne rasé, s’appelle Fritz, a volé des pendules et violé pour le
4 , tout Allemand a le crâne rasé, s’appelle Fritz, a volé des pendules et violé pour le moins une chaste fille de Montmart
5 comme disent les échotiers. Remercions Candide d’ avoir poussé les choses assez loin pour que la seule « réaction » possible
6 producteurs, de la haine qui se bat les flancs. a . Rougemont Denis de, « À l’index (Première liste) : Candide  », Espr
2 1932, Esprit, articles (1932–1962). On oubliera les juges (novembre 1932)
7 Les faits l’attendent : elle les juge. (Elle les avait jugés d’avance.) Et maintenant ils prennent leur revanche, dans la la
8 la crosse de leur fusil (baïonnette au canon). On a parqué le public dans le fond : des étudiants surtout, quelques casqu
9 e l’éthique, devant huit officiers corrects qui n’ ont jamais rien entendu de pareil, ainsi qu’en témoignent leurs visages a
10 si qu’en témoignent leurs visages anonymes. Ils n’ auront pas à s’exprimer, d’ailleurs, sinon par la voix de leur président, et
11 préhensible colère de fauve en cage — mais il n’y a pas de cage. Et chacun sait qu’au bout du compte il y aura un an de p
12 rière ses lunettes d’écaille. C’est lui qui juge, ayant pesé son acte. Les autres appliquent un tarif. ⁂ Je ne suis pas antim
13 cifiste. Eussè-je été tenté de le devenir qu’il m’ eût été difficile de persister après le réquisitoire du Commissaire du go
14 lama pour Martin le maximum de la peine, non sans avoir cité une pensée de Pascal en l’attribuant à Pasteur. On peut n’être p
15  à savoir si Martin, « objecteur de conscience », a donné par son acte la preuve d’une obéissance à Dieu qui devrait être
16 qui devrait être celle de tout croyant ; ou s’il a seulement manifesté sa vocation particulière —, on voudrait dégager i
17 ée par les idéologues de la Troisième République, a gardé parmi nous quelque prestige. Un je ne sais quoi de rassurant et
18 s c’est du même état, qu’ils tolèrent.) 4° Il n’y a qu’un rapport de trahison entre les idéaux pour lesquels nous nous fe
19 us feraient volontiers tuer. Jean-Richard Bloch l’ a dit à la barre des témoins : Martin fait dans la paix ce que firent à
20 e qu’il se sacrifie, avec le même courage. On les a décorés, on l’emprisonne. 5° Il n’y a qu’un rapport de trahison entre
21 age. On les a décorés, on l’emprisonne. 5° Il n’y a qu’un rapport de trahison entre la religion chrétienne et la religion
22 étienne et la religion de l’Écho de Paris. « Nous avons proposé un maître à ce jeune homme, dit le pasteur Cooreman. C’était
23 eman. C’était le Christ. Martin est coupable de l’ avoir accepté. » Sur quoi le commissaire du gouvernement croit pouvoir rema
24 -Dieu, qui veut l’obéissance aveugle… » 6° Il n’y a qu’un rapport de lâcheté entre les formes de la justice actuelle et l
25 laidoirie puissante et prophétique d’André Philip ont posé au régime la question de confiance ; et qu’ils l’ont posée sur u
26 au régime la question de confiance ; et qu’ils l’ ont posée sur un plan où nul arrêt de la justice humaine désormais ne sau
27 maine désormais ne saurait l’esquiver. Personne n’ a réfuté ces témoignages, cette plaidoirie. Le président n’avait rien t
28 ces témoignages, cette plaidoirie. Le président n’ avait rien trouvé d’autre qu’une « colle » d’examinateur. « Le cas de légit
29 ensives. Quelqu’un me demandait, à la sortie : «  Avez -vous jamais vu un soldat défensif ? Comment est-ce que c’est fait ? »
30 Martin cette justice que sa muette intransigeance a bien plus de portée. Prenons garde que la fameuse « cause de la paix 
3 1933, Esprit, articles (1932–1962). Comment rompre ? (mars 1933)
31 ux dès l’abord qu’elle vient lourdement buter. On a tout dit pour la rendormir, mais en vain : elle s’est fait mal, et la
32 s’est fait mal, et la douleur tient réveillé. On a essayé de nous faire croire que cet « ordre » social qui nous blessai
33 saire de l’« ordre chrétien » du monde. Nous ne l’ avons pas cru longtemps, — le temps de nous souvenir de la guerre. Aujourd’
34 ies de la terre contre une chrétienté qui, loin d’ avoir maudit la guerre et surtout ce qui l’a permise, prétend encore domine
35 loin d’avoir maudit la guerre et surtout ce qui l’ a permise, prétend encore dominer sur l’Europe, et ne peut maintenir ce
36 s-uns, rien ni personne ne pourra faire qu’il n’y ait eu cette preuve, aujourd’hui, d’une volonté de rupture, ce témoignage
37 s, rien ni personne ne pourra faire qu’il n’y ait eu cette preuve, aujourd’hui, d’une volonté de rupture, ce témoignage qu
38 lieu même où la collusion s’est faite. Or elle n’ a pas pu se faire entre le christianisme et l’injustice de ce monde, l’
39 exclut l’autre. Ce n’est pas le christianisme qui a confondu sa cause avec celle de la bourgeoisie capitaliste. Mais c’es
40 sie capitaliste. Mais c’est un parti de gens qui, ayant peut-être été chrétiens, veulent en tirer des intérêts, abusent de ce
41 yant sur lui, en réalité n’est plus l’Église et n’ a plus le droit de parler ; elle n’est plus qu’une précieuse auxiliaire
42 isée, patriotarde, riche et peureuse, les églises auraient beau multiplier les manifestations publiques, les assemblées pacifist
43 me, qu’elles sont incapables de rupture, qu’elles ont passé au camp de l’ennemi, et depuis si longtemps qu’elles parlent ma
44 mpre avec lui-même, de s’arracher le cœur. Il n’y a de rupture possible qu’au nom de l’Évangile2. Elle ne peut se produir
45 iation d’une imposture, partout où la chrétienté, ayant touché ses 30 deniers, voudra parler encore au nom du christianisme.
46 nce à notre disposition, puissance que les hommes auraient eu le tort, simplement, de mal utiliser, de négliger. Il n’y a pas, e
47 re disposition, puissance que les hommes auraient eu le tort, simplement, de mal utiliser, de négliger. Il n’y a pas, en v
48 simplement, de mal utiliser, de négliger. Il n’y a pas, en vérité, de « forces chrétiennes » spécifiques constituées, ex
49 ifiques constituées, existant en elles-mêmes, qui auraient été introduites dans le monde par Dieu, que nous aurions mal dirigées
50 été introduites dans le monde par Dieu, que nous aurions mal dirigées, compromises par maladresse, et que nous pourrions, par
51 encore. Toutes ces formules d’« ordre chrétien » ont été plus ou moins réalisées, et constituent dans leur ensemble, du Mo
52 l’Amérique moderne, la grande Imposture dont nous avons à dénoncer l’origine permanente et les manifestations actuelles. ⁂ Ne
53 anifestations actuelles. ⁂ Ne nous excusons pas d’ avoir recours ici à des formules théologiques, puisque précisément, à l’ori
54 bonheur terrestre. La rupture que nous voulons n’ aura de conséquences politiques que si nous posons le problème sur son pla
55 strer dans la durée. C’est une force que l’Église aurait , une fois pour toutes. Et cette possession serait en quelque sorte ga
56 ans la foi. C’est la meilleure façon que le monde ait trouvée de rejeter le Christ : feindre d’accepter la doctrine de ses
57 ccepter la doctrine de ses disciples, se faire un avoir de la Pauvreté évangélique, et bientôt ne plus vivre que sur les inté
58 bientôt ne plus vivre que sur les intérêts de cet avoir . Mais si la foi, don de Dieu, et gratuit — « afin que nul ne se glori
59 u prophète s’élève contre l’Église : « Tes amis t’ ont jouée, t’ont dominée, ceux qui mangeaient ton pain t’ont dressé des p
60 élève contre l’Église : « Tes amis t’ont jouée, t’ ont dominée, ceux qui mangeaient ton pain t’ont dressé des pièges — et tu
61 ée, t’ont dominée, ceux qui mangeaient ton pain t’ ont dressé des pièges — et tu n’as pas su t’en apercevoir ! — Toi qui t’a
62 eaient ton pain t’ont dressé des pièges — et tu n’ as pas su t’en apercevoir ! — Toi qui t’assieds sur les hauteurs et qui
63 toutes les nations. » (Abdias II, 3-4 et 15). Ils ont prétendu rendre à Dieu ce qu’en réalité ils rendaient à César. Entraî
64 ite-bourgeoise avec les ordres de la foi. Et l’on a vu Babitt. Mais n’allons pas chercher si loin. Ouvrons un journal de
65 t religieux déclara que ce concours international avait pour but de contribuer à la sauvegarde des hautes valeurs spirituelle
66 que l’Académie d’éducation et d’entraide sociale a pour mission de servir et de faire rayonner. » — L’idée de propriété,
67 lte est la mienne, mon humaine révolte. Mais j’en ai une autre plus profonde : celle de voir qualifier de « chrétienne » u
68 et tu fais bien, même si tu en souffres ; mais j’ ai encore plus à souffrir, car je suis encore plus sceptique que toi… Tu
69 prescription : l’Esprit n’est plus avec ceux qui ont intérêt à le défendre. L’Esprit n’est plus avec ceux qui ont cru pouv
70 à le défendre. L’Esprit n’est plus avec ceux qui ont cru pouvoir l’utiliser. L’esprit n’est jamais avec ceux qui le défend
71 simplement, qu’il cesse d’être « établi ». Qu’il ait pu l’être, la faute n’en est pas à lui, mais à la défection du christ
72 certes, puisque en le sanctionnant naguère, elle a perdu la seule force qui le dominait. « Car le péché n’est pas le dér
73 l’esprit à ce dérèglement8 ». Et pourtant, nous n’ avons jamais à dresser notre christianisme contre le monde, comme une force
74 ucteur ; tandis que la révolution dans ce qu’elle a de nécessairement constructif, reste le lieu d’obéissance privilégié
75 est-il aujourd’hui ? Faudrait-il attendre qu’on l’ ait trouvé ? 3. Figaro , 29 décembre 1932. 4. Figaro , 4 février 19
76 . 6. Parce qu’on ne peut pas le défendre, cela n’ a aucun sens, et ceux qui prétendent le défendre mentent, et ne défende
77 sait ce que c’est que l’esprit, en ce siècle ! Il a été admirablement défini par la Sorbonne, entre autres. 7. Traité d
4 1933, Esprit, articles (1932–1962). Protestants (mars 1933)
78 et sociales y prennent un jour l’acuité qu’elles ont , depuis la guerre, chez nos voisins. Du Front noir national-socialist
79 significatives et plus riches de possibilité. On a souvent reproché à la « théologie dialectique » de Karl Barth et de s
80 le rejette en définitive, mais ce n’est pas sans avoir reconnu que sa force persuasive vient de ce que seul, aujourd’hui, il
81 social ». Certains même parlent déjà du devoir qu’ aurait l’Église de « christianiser les mouvements radicaux » c’est-à-dire le
82 -Christ et de l’Église comme de deux choses qui n’ ont rien en commun. » Il constate que l’Église est intervenue dans la vie
83 pliste de problèmes vieux comme le monde chrétien a du moins le mérite de débarrasser le protestantisme américain de son
84 ils par « christianisation, de l’ordre social » ? Ont -ils distingué clairement le péril de sécularisation de l’Évangile imp
85 lletin très vivant que publient ces jeunes hommes a pris pour tâche de faire connaître et de critiquer toutes les tentati
86 du jeune Japon. Cet homme extraordinaire que l’on a surnommé le forki japonais mériterait à lui seul toute une chronique
87 ersonnages les plus influents du Japon, et l’on n’ a pas oublié son fameux message aux peuples chinois, publié à Tokyo pen
88 e dictatoriale. ⁂ En France, ce mouvement mondial a rencontré jusqu’ici peu d’écho. La revue Le Christianisme social qui
89 rde aux solutions réformistes et pacifistes, et n’ a pas tenté jusqu’ici d’édifier une doctrine originale. Elle semble rec
90 rs, André Philip tranche avec netteté, comme on l’ a vu plus haut. En dehors des écrits de Philip, on ne trouvera guère d’
91 ous travaillons tous ici. 9. Son autobiographie a été traduite en français sous le titre de Avant l’Aube (Éd. « Je sers
5 1933, Esprit, articles (1932–1962). Loisir ou temps vide ? (juillet 1933)
92 naît plus ni le travail ni le loisir depuis qu’il a coupé leurs liens vivants. Nous le voyons lourdement se débattre dans
93 n conflit absurde entre deux opérations dont nous avons perdu le contrôle, pour les avoir follement décrétées autonomes : la
94 tions dont nous avons perdu le contrôle, pour les avoir follement décrétées autonomes : la production et la consommation. Cet
95 ants. Ni plus ni moins efficaces d’ailleurs. ⁂ On a voulu mettre l’esprit au service du « minimum de vie » que n’importe
96 re acte nous dépasse. « Primauté du spirituel » n’ a pas d’autre sens pour nous. Bourgeois et marxistes partent de la néce
97 té, laisse s’étendre l’empire de la nécessité. On aura beau l’intensifier10 : la tâche grandira d’autant. Et la tristesse.
98 ibéral voudra bien reconnaître insuffisante, nous a valu le siècle d’égarement que nous tentons maintenant de solder. Un
99 travail, et son but ; si le labeur et le repos n’ ont plus de finalité commune ; s’il n’y a plus de loisir dans le travail
100 e repos n’ont plus de finalité commune ; s’il n’y a plus de loisir dans le travail ni de travail dans le loisir ; s’il n’
101 e travail ni de travail dans le loisir ; s’il n’y a plus rien dans l’un qui permette de saisir la nature de l’autre, il n
102 i permette de saisir la nature de l’autre, il n’y a plus alors que de l’absurdité pour l’esprit qui les confronte, il n’y
103 absurdité pour l’esprit qui les confronte, il n’y a plus que du désordre et des souffrances pour le corps qui les subit.
104 n’est pas la jouissance, mais la création. Nous n’ avons pas le goût du vide. Par cet acte, travail et loisir retrouveront leu
105   P.-S. — Cette histoire de la Chine se suffit. J’ aurais pu faire l’économie du reste. Mais nous vivons dans une époque impati
106 me que ce que l’on y met dès l’origine. 10. On aura beau l’appeler « travail de choc ». Ultime tentative pour faire aimer
107 rrage de crâne réalisé sur une échelle que Ford n’ avait imaginée qu’en rêve, c’est la tentative désespérée de Staline pour in
6 1934, Esprit, articles (1932–1962). Préface à une littérature (octobre 1934)
108 st peut-être assez faible. Et c’est pourquoi nous avons tant de peine à définir et nommer clairement les maux dont nous souff
109 de le parcourir toujours plus rageusement ? Nous avons vu plusieurs générations mener cette course épuisante, et s’abattre à
110 zines de gauche, pâture des bourgeois snobs. Nous avons vu ce spectacle indécent : le cadavre a mangé ses mouches. Certes, il
111 Nous avons vu ce spectacle indécent : le cadavre a mangé ses mouches. Certes, il faut commencer par dénoncer le mal. Mai
112 — et c’est pourquoi elle parle mal. Or ceux qui l’ ont attaquée jusqu’ici n’ont rien fait d’autre, ou n’ont rien fait de mie
113 parle mal. Or ceux qui l’ont attaquée jusqu’ici n’ ont rien fait d’autre, ou n’ont rien fait de mieux. Ils ont eu parfois de
114 attaquée jusqu’ici n’ont rien fait d’autre, ou n’ ont rien fait de mieux. Ils ont eu parfois de beaux cris, mais à qui les
115 en fait d’autre, ou n’ont rien fait de mieux. Ils ont eu parfois de beaux cris, mais à qui les adressaient-ils ? À la galer
116 ait d’autre, ou n’ont rien fait de mieux. Ils ont eu parfois de beaux cris, mais à qui les adressaient-ils ? À la galerie
117 , chantres de l’Idéal qu’on n’atteint pas, pour l’ avoir mis trop haut. Soit que l’on gruge légalement son prochain, soit que
118 , qui seront la littérature quand tous les autres auront passé. Mais la conscience bourgeoise les ignore avec une rigueur obst
119 —, la critique littéraire de cette littérature n’ a plus de sens réel, ni plus d’autorité. Critiquer, c’est d’abord possé
120 ce. Or le critère moral de l’ancienne bourgeoisie a perdu tout prestige à nos yeux. Et les critères « nouveaux » de l’imm
121 À sa façon, non moins que les littérateurs dont j’ ai parlé, elle tend à dévaloriser, à disqualifier humainement les créati
122 ait populaire, il est mort. L’immoralisme qui lui a succédé reste sans prise sur les masses, qu’il abandonne à d’autres i
123 nément : elle va se résoudre en violences. Il n’y a pas d’exemples, dans l’histoire, qu’une littérature sans nécessité in
124 ’est-à-dire sans message positif et populaire — n’ ait été finalement utilisée par des puissances qu’elle avait négligées ou
125 té finalement utilisée par des puissances qu’elle avait négligées ou dont elle s’était faite complice. Nous avons vu déjà que
126 gligées ou dont elle s’était faite complice. Nous avons vu déjà que le roman bourgeois servait à toutes fins capitalistes. No
127 ductible, au nom de quoi elle dirait non ? Elle n’ a pas de visée humaine, elle n’est plus que littérature, et les fameuse
128 « Philosophe et guerrier, écrit Rudolf Kassner, n’ ont presque plus en commun que des banalités. » Mais quelle est la nature
129 L’aventure du romantisme et l’équivoque libérale ayant rapidement achevé de disqualifier l’esprit pur, il ne reste à nos « h
130 nde est devenu impensable, c’est avouer qu’il n’y a plus de mesure commune à la pensée et à l’action, — hors la monnaie.
131 l’homme. Mais si nous trouvons ce principe, nous aurons trouvé du même coup la mesure du monde nouveau. Cette mesure concrète
132 dirons première heure de la personne. Ceux qui n’ ont pas en eux cette mesure de l’homme, que pourraient-ils voir d’autre,
133 ndements spirituels d’une littérature rénovée, qu’ aurions -nous la témérité et la naïveté de prévoir ? On ne prévoit pas un chef
134 nous offre la vie quotidienne des citadins : ils ont en tête trente-six morales contradictoires et autant de modèles qu’il
135 e jamais juger, avec le parti pris de n’en jamais avoir , qui est sans doute le pire des partis pris. La littérature romanesqu
136 . Les civilisations conscientes de leur mission n’ ont jamais craint d’affirmer leur morale. Elles n’ont jamais pensé qu’une
137 ont jamais craint d’affirmer leur morale. Elles n’ ont jamais pensé qu’une œuvre d’art perdrait de sa valeur à illustrer des
138 que d’un homme, prendront cette valeur humaine qu’ ont les mémoires et « livres de raison » rédigés sans littérature. Voilà
139 nal ? Je n’en suis pas fâché. Aucune révolution n’ a jamais inventé de vertu réellement nouvelle. Mais toute révolution es
140 ature » la révolte surréaliste. Une révolte qui n’ a pas su s’assigner des buts constructifs échoue toujours, et fatalemen
7 1934, Esprit, articles (1932–1962). Sur une nouvelle de Jean Giono (novembre 1934)
141 e ces feuilles une page digne de l’écrivain qui l’ a signée : Montherlant par exemple, ou Giono. Marianne a publié, le 15
142 ée : Montherlant par exemple, ou Giono. Marianne a publié, le 15 août, une nouvelle de Jean Giono intitulée « La femme m
143 e fille) — une femme de la campagne vaudoise, qui a eu des malheurs, qui les conte assez mal — Giono s’en mêle trop — et
144 fille) — une femme de la campagne vaudoise, qui a eu des malheurs, qui les conte assez mal — Giono s’en mêle trop — et qui
145 s conte assez mal — Giono s’en mêle trop — et qui a cherché à s’en tirer par ses moyens. Je cite : J’essayai de me sauve
146 urquoi, dans tout votre trésor littéraire, vous n’ avez pas de livres remèdes ? Pourquoi vous ne pensez jamais aux désespérés
147 on à la vie. C’est facile d’être négatif. Et je n’ avais pas besoin qu’on m’y aide. Pourquoi n’avez-vous jamais eu le courage,
148 je n’avais pas besoin qu’on m’y aide. Pourquoi n’ avez -vous jamais eu le courage, vous Français — ou la bonté — ou la généro
149 esoin qu’on m’y aide. Pourquoi n’avez-vous jamais eu le courage, vous Français — ou la bonté — ou la générosité de soi — d
150 Mais ne vante-t-on pas partout votre courage ? N’ aurez -vous jamais que le plus bas ? Ne penserez-vous jamais à ceux qui ont
151 le plus bas ? Ne penserez-vous jamais à ceux qui ont besoin de comprendre le monde ? — J’ai une grande dette de reconnaiss
152 ceux qui ont besoin de comprendre le monde ? — J’ ai une grande dette de reconnaissance à payer à M. Johan Bojer, et s’il
153 ymont, et Gorki. « Dites, monsieur Gorki, comment avez -vous fait pour savoir ?… » Nous voici à l’endroit de cette confession
154 clusion à cette Préface à une littérature, qu’on a pu lire ici le mois dernier. Ah ! nous sommes loin — (avec ces auteu
155 a ligne pour faire croire qu’ils sont forts. Je n’ ai pas besoin que vous me désespériez. Je le suis assez moi-même. — Aide
156 -même. — Aidez-moi… — Les uns, avec leurs livres, ont passé à côté de moi sans rien dire, sans même me voir, sans me soupço
157 éroce maraudeur rouge. — D’autres sont venus, qui ont relevé mon front de la poussière. Ils ont mis leur douce main sous mo
158 us, qui ont relevé mon front de la poussière. Ils ont mis leur douce main sous mon menton. Ils m’ont dit : — Fais voir tes
159 ls ont mis leur douce main sous mon menton. Ils m’ ont dit : — Fais voir tes yeux ! Ils se sont baissés jusqu’à moi. Ils se
160 squ’à moi. Ils se sont assis à côté de moi. Ils m’ ont dit : — Fais voir où tu as mal, petite fille. — Puis ils m’ont dit :
161 à côté de moi. Ils m’ont dit : — Fais voir où tu as mal, petite fille. — Puis ils m’ont dit : — Je m’appelle Whitman. Je
162 ais voir où tu as mal, petite fille. — Puis ils m’ ont dit : — Je m’appelle Whitman. Je m’appelle Thoreau. Voilà le camarade
163 ça s’appelle, je ne sais plus le nom du type qui a écrit le bouquin. Ah ça alors ! Tenez, c’est l’histoire d’une municip
164 savoir un peu mieux que « les gens » de quoi ils ont besoin et ce qu’ils demandent réellement ? Car les gens ne demandent
165 pensée, leurs désirs, ils n’osent pas dire, ils n’ ont pas de formules pour avouer leur peine, pour demander les « remèdes »
166 der les « remèdes » qu’il faudrait. On ne le leur a pas appris. On a préféré se payer leur tête. On les a pris pour ce qu
167  » qu’il faudrait. On ne le leur a pas appris. On a préféré se payer leur tête. On les a pris pour ce qu’ils ont l’air d’
168 s appris. On a préféré se payer leur tête. On les a pris pour ce qu’ils ont l’air d’être, ou mieux pour ce qu’ils croient
169 -il être bien fin pour le comprendre ? 15. Je n’ ai pas suivi le conseil de cet homme, et n’ai pas lu le livre. Je lui la
170 . Je n’ai pas suivi le conseil de cet homme, et n’ ai pas lu le livre. Je lui laisse donc la responsabilité du compte rendu
171 donc la responsabilité du compte rendu qu’il m’en a fait. h. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Sur une nouvelle de J
8 1934, Esprit, articles (1932–1962). Définition de la personne (décembre 1934)
172 oucher et à les voir. Car un objet que personne n’ a vu ni touché appartient à la connaissance qu’on nomme abstraite, qui
173 ercer, et la saisit. Par ces deux phrases, nous n’ avons pas encore défini le concret comme tel, mais nous avons plutôt donné
174 pas encore défini le concret comme tel, mais nous avons plutôt donné deux équations dont le concret constitue l’inconnue, et
175 t. Peut-on vraiment faire plus ? L’événement seul a la vertu de concrétiser le concret, et de manifester à l’évidence son
176 iente ; cependant que l’objet, séparé du sujet, n’ a rien en lui qui le pousse à chercher ce dont il manque, et n’a pas d’
177 qui le pousse à chercher ce dont il manque, et n’ a pas d’existence. Il ne devient objet que lorsque j’en fais mon objet.
178 e l’impression d’une impuissance. Alors l’objet n’ a pas d’autre existence que celle d’une fatalité abstraite pesant sur l
179 us-mêmes. Dans l’homme entièrement humain, il n’y aurait pas place pour la psychologie, car elle est liée à l’angoisse, c’est-
180 un visage lisible. Sur la scène du monde, où nous avons été placés, dans ce drame qu’il nous faut jouer sans le connaître, c’
181 il nous faut inventer, il y a des figurants qui n’ ont pas de visage ; mais ceux qu’on voit sont les acteurs qui jouent leur
182 oit justement l’un des lieux où l’action générale avait dessein de nous placer. Ainsi donc, encore que ce drame puisse être q
183 a vraie responsabilité. C’est à bon droit, nous l’ avons vu, que nous pouvons attribuer un sens commun, ou plus exactement une
184 ître, c’est le connaître irrésistible. Et comment ai -je su qu’il venait me saisir ? C’est parce que j’en ai témoigné par m
185 su qu’il venait me saisir ? C’est parce que j’en ai témoigné par mon acte. Admirable cercle vicieux ! Oui, rien n’est plu
186 adresse ici et maintenant, et qui nous meut. Nous avons établi que la présence est le fait de l’homme sujet à l’instant qu’il
187 es visibles qu’elle produit. Dans ce sens, elle n’ aurait aucune problématique. Or, nous nous connaissons complexes et impurs,
188 res et en objets d’autant moins résistants qu’ils ont cru concevoir, dans ce qui les attaque, une fatale loi justifiée en r
189 n, « comme substance et fondement de tout », nous avons à connaître cette vérité de la personne : qu’elle est toute dans sa c
190 u’importe, en fin de compte, l’humanité, s’il n’y a pas d’abord des hommes présents les uns aux autres ? La personne ne s
191 société parfaite, pour la simple raison qu’il n’y a de rapport humain réel que par l’apparition première de la personne,
192 nir vers les ténèbres pour les persuader qu’elles ont tort d’être obscures, notre devoir est d’éclairer. À la lumière de la
193 que la personne éclaire en eux : le matérialisme a compris qu’il y a pour l’homme un monde des objets, ce que niaient pr
194 que niaient pratiquement beaucoup de clercs ; il a compris que le phénomène homme ne se produit en fait qu’au niveau des
195 re vu, être touché, consister sous la main17 ; il a compris que l’homme n’est pas un ange, qu’il est un corps jeté au mil
196 gueil assez court que de prétendre l’ignorer ; il a compris le fait — sinon l’acte — de l’incarnation. Il y a une santé d
197 itable envers le spiritualisme : c’est qu’il nous a fait plus de mal, et que l’erreur matérialiste est bâtarde de ses exc
198 ès. Ceci pourtant doit être dit en sa faveur : il a compris le fait — sinon l’acte — de la liberté. Il a su reconnaître q
199 ompris le fait — sinon l’acte — de la liberté. Il a su reconnaître que l’homme est un sujet (au sens initiateur, et non p
200 n’est plus permis18. Mais c’est ce plan que nous avons quitté en définissant la personne comme un acte. Hors l’acte, la mati
201 e corps-à-corps. 10. Le spirituel Descartes a détruit la personne, ou plutôt son lieu naturel, en séparant le corps
202 , en séparant le corps et l’âme : c’est qu’il les a mal distingués. Du point de vue de la personne, le corps et l’âme son
203 qui se refuse à nos limites, faute parfois de les avoir assez sérieusement éprouvées, faute surtout d’une foi qui rendrait va
204 otre esclavage. — Jusqu’à cet acte, que soudain j’ ai fait ! Car je l’ai fait, et je ne sais rien d’autre. J’ai reçu l’ordr
205 usqu’à cet acte, que soudain j’ai fait ! Car je l’ ai fait, et je ne sais rien d’autre. J’ai reçu l’ordre, et ce pouvoir or
206 ! Car je l’ai fait, et je ne sais rien d’autre. J’ ai reçu l’ordre, et ce pouvoir ordonnateur, irréfutablement est là, rend
207 nnateur, irréfutablement est là, rendu visible. J’ ai fait ce pas, je puis le mesurer — mais sa grandeur pourtant n’est pas
208 instant où dans l’oubli de tout ce que je peux, j’ ai franchi l’impossible seuil. L’esprit est acte, l’acte est obéissance
209 l’acte est obéissance à la motion de l’éternel. J’ ai peut-être entendu quelque parole, on n’a rien vu qu’un corps en mouve
210 rnel. J’ai peut-être entendu quelque parole, on n’ a rien vu qu’un corps en mouvement. C’est parce que Dieu s’est révélé d
211 e, la parole qu’on n’entend ni ne voit avant de l’ avoir obéie dans un instant indescriptible et manifeste. Au commencement ét
212 rien qui fût à moi tel que j’étais, ni rien que j’ aie , mais cet abandon un instant, cette mort cachée dans la vie, cette in
213 passé, un risque est là, et ma vie est en lui. L’ ai -je accepté ? Déjà tout recommence. Car la durée n’ajoute rien à l’éte
214 strictif de l’esse est percipi des idéalistes (on aura vu tout au contraire que l’esse n’existe pour nous que in actu), mais
215 matériel. 20. La certitude de la résurrection n’ a rien à voir avec une survie de l’âme. L’homme meurt totalement, parce
9 1934, Esprit, articles (1932–1962). André Breton, Point du jour (décembre 1934)
216 s’est présenté comme révolution, et comme tel il a bénéficié pendant plusieurs années, auprès de la critique bourgeoise,
217 t-être pour l’historien de la littérature. Nous n’ avons pas le cœur à ces injures. Le surréalisme garde une valeur de fait té
218 ues hommes — je parle des meilleurs d’entre eux — ont certainement connu le désespoir de vivre, et c’est cela qu’ils ont vo
219 connu le désespoir de vivre, et c’est cela qu’ils ont voulu traduire. Mais c’est cela aussi que l’homme ne peut avouer que
220 au-delà du désespoir. Faute de le pressentir, ils ont méconnu leur angoisse ; faute du courage de la considérer en face — c
221 deste, et même de prendre de grands airs, si l’on a quelque chose de grand à dire, qu’on ne peut pas dire autrement. Que
222 u résistante par elle-même, et dont il ne saurait avoir raison en quelques tours de phrases élégants et péremptoires, et l’on
223 et l’on se demande alors si ce bel « abattage » n’ a pas dissimulé, aux yeux des jeunes gens, un défaut de culture, au sen
224 écouvrir, comme l’étymologie de leur pensée ? Ils ont essayé du marxisme ; ils retombent à l’idéalisme. La voie est sans is
10 1935, Esprit, articles (1932–1962). André Rouveyre, Singulier (janvier 1935)
225 rale soutenue. L’aîné, c’est ce Rouveyre que nous ont révélé des dessins cruellement dépouillés et des essais à coup de gri
226 st-ce ici qu’un cri d’appel à rien : les modernes ont inventé cela. On peut toutefois ne pas les croire, et le spectacle d’
227 ard sévère qui ne consent à la tendresse qu’après avoir épuisé ses rigueurs : il faut concéder à Rouveyre ces qualités dont i
228 recensé étant mal orthographié (« Ronveyre »), on a corrigé sans signalisation.
11 1935, Esprit, articles (1932–1962). Albert Soulillou, Nitro (février 1935)
229 à l’heure. Mais ici c’est un ouvrier qui parle. D’ avoir travaillé chez Ford ne donne pas forcément plus de valeur que d’avoir
230 Ford ne donne pas forcément plus de valeur que d’ avoir traîné son vague à l’âme par les rues d’une ville de province ; mais
231 arnées, saisissantes. Vous fermez le livre : vous avez vécu quelque chose, tout au moins par la sympathie, dans une communio
232 s une communion de révolte. Par malheur, l’auteur a voulu romancer ce documentaire authentique, et il en a saboté le ryth
233 lu romancer ce documentaire authentique, et il en a saboté le rythme. Dès qu’il part dans l’idéologie, la critique d’art
12 1935, Esprit, articles (1932–1962). Roger Breuil, Les Uns les Autres (avril 1935)
234 es Autres (avril 1935)o L’un des critiques qui aient parlé le mieux, je crois, avec le plus de sympathie et de pénétration
235 vre de Roger Breuil est Marcel Arland. Sans doute a-t -il reconnu dans ce roman (paru quelque temps avant les Vivants) une i
236 tie paysanne. Vivant près d’eux, pour eux, il les a vus tout autrement que ne l’eût fait un « observateur » : non dans le
237 x, pour eux, il les a vus tout autrement que ne l’ eût fait un « observateur » : non dans leur pittoresque, mais dans leur v
238 ce terme ; je ne vois pas d’écrivain français qui ait jamais su faire vibrer un tel accord des paysages et des êtres — de c
13 1935, Esprit, articles (1932–1962). Kasimir Edschmid, Destin allemand (mai 1935)
239 s notre littérature d’après-guerre. Personne n’en a parlé : on s’occupait du prix Goncourt et des travaux d’amateurs de q
240 ues dames lettrées. Pourtant, ce roman d’Edschmid aurait pu provoquer des polémiques révélatrices : il fait comprendre enfin d
241 ssions profondes le mouvement hitlérien est né et a pris son élan. C’est une admirable réussite littéraire, c’est aussi u
242 patrie pour laquelle ils se sont battus et qui n’ a plus la force d’utiliser leurs énergies, est incapable de les protége
243 pable de les protéger à l’étranger, parce qu’elle a perdu son prestige, sa puissance militaire, le droit de parler haut.
244 ssance militaire, le droit de parler haut. « Nous avons perdu la guerre, Bell, et dans la situation où nous sommes, nous ne p
245 u, le ministre d’Allemagne à La Paz — celui qui n’ a pas pu sauver ses camarades — se dresse devant lui dans son délire. U
246 ont « les jeunes gens qui ne possédaient rien qui ont écrit les pages héroïques de l’histoire, et non les gens âgés qui pos
247 vre, et l’on admettra bien, quelque opinion qu’on ait sur le point de vue raciste de l’auteur, qu’il est peu de problèmes p
248 èmes plus graves pour notre avenir immédiat. Je n’ ai rien dit de l’art d’Edschmid. Je ne lui vois d’analogue que dans les
249 ifice. Mais il faut se représenter un Malraux qui aurait les nerfs solides ; moins intellectuel, moins impressionniste et comp
250 plus absurde que ce livre — écrit par un juif ! —  a été condamné en Allemagne. p. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
14 1935, Esprit, articles (1932–1962). Tristan Tzara, Grains et Issues (juin 1935)
251 intérêt dépasse tout ce que les surréalistes nous ont donné jusqu’ici. Il y a là une puissance de réflexion et de synthèse,
252 onne un bon exemple, trop long à citer, la phrase ayant 18 lignes (il y en a de beaucoup plus longues). Un certain rythme mon
253 long à citer, la phrase ayant 18 lignes (il y en a de beaucoup plus longues). Un certain rythme monotone entraîne une ma
254 e. On comprend mieux la portée de ce propos après avoir lu Tzara. Mais on ne comprend plus du tout la légèreté avec laquelle
255 a physique relativiste. Mais Staline, on le sait, a condamné Einstein. Il semble bien que ces « barrages » et ce conformi
256 ramenée à un système de coordonnées sociales, on a trop oublié dans les remous de la bataille qu’à travers un nouvel ord
257 ; p. 121 (« la déformation que ces obstacles leur a imprimée ») ; p. 223 (« constate »). Je trouve l’explication de ces l
15 1935, Esprit, articles (1932–1962). « L’Esprit n’a pas son palais » (octobre 1935)
258 « L’Esprit n’ a pas son palais » (octobre 1935)r Par une belle matinée de mars 193
259 exte à maints égards révélateur ?   « L’Esprit n’ a pas son palais. L’Exposition de 1937 doit lui en donner un »   Par Hi
260 t que, parmi les palais prévus pour 1937, il y en ait un destiné à la Pensée. Qu’on nous entende bien. La pensée ne sera ab
261 ntéressés de l’esprit, ceux dont les recherches n’ ont pas pour objet immédiat les applications pratiques, la production et
262 qui, des profondeurs de la nature ou des siècles, ont amené au jour les vérités créatrices. Et, dans cette présentation sou
263 s curieux morceau lyrique, notre honorable député avait -il conscience de soulever l’un des problèmes les plus impressionnants
264 es problèmes les plus impressionnants du siècle ? Avait -il conscience de l’aveu que signifiait son entreprise ? Car enfin, po
265 l’esprit ? Quel est son champ d’action ? Doit-il avoir un lieu particulier ? De la réponse à ces questions dépendront l’exis
266 tout reconnue à des signes certains — et qui donc aurait même l’idée d’un pavillon de la Richesse ? ou du Succès ? — bref, d’u
267 eligion, c’est qu’elle est morte. Ou qu’elle n’en a plus pour longtemps. Lorsque l’État s’avise d’honorer « l’esprit créa
268 fficulté d’une telle entreprise [c’était là que j’ avais buté] : l’esprit est à l’origine de tout ; l’exposition elle-même ser
269 ont encore peu compromis dans l’univers temporel, ont , en général, une faible valeur représentative ou démonstrative. Et po
270 ignons toutefois que l’intention de nos auteurs n’ ait été pure de toute espèce d’ironie. Le plus grave, sans doute, c’est q
271 aient bien faire. Et personne à ma connaissance n’ a mis en question leur sérieux, ce qui précisément me paraît remarquabl
272 e. L’accueil flatteur — ou flatté — et poli qu’on a coutume de réserver à ces délirants pataquès, voilà le signe, plus ce
273 la défense du spirituel ? La grâce moscovite vous aurait -elle saisi ? L’utilitarisme grossier, le matérialisme du siècle vont-
274 ’enseignement officiel de la Troisième République a su répandre une doctrine de l’esprit tout à fait propre à aveugler le
275 action vraies du spirituel. On dira qu’elles ne l’ ont jamais su. Je serais prêt à l’accorder. Ce qui est nouveau, c’est qu’
276 réaction à l’aveu d’un complot si burlesque. Si j’ ai quelque peu insisté sur l’anecdote du Palais de l’Esprit, ce n’est po
277 a grossièreté même de l’écart, et le fait qu’on l’ ait négligé, me paraissent propres à fixer l’attention de quelques-uns su
278 mun28, ou bien tenue à tort pour « théorique ». J’ ai cru bon d’aller la saisir dans ses aboutissements les plus voyants, o
279 rmation tout ingénue de son origine historique. J’ avais omis d’en citer quelques lignes qui trouvent ici leur opportunité :
280 ssion de l’enseignement voudrait, comme je le lui ai proposé, que ce palais reçût le nom de « Cité René-Descartes ». L’Exp
281 à rendre Descartes responsable de tout le mal qu’ ont répandu les cartésiens. Et je sais bien que de ceux-ci au cartésianis
282 ne manquerait pas de redire le mot fameux : Je n’ ai pas voulu cela ! Il n’a jamais voulu cette séparation de la pensée et
283 ire le mot fameux : Je n’ai pas voulu cela ! Il n’ a jamais voulu cette séparation de la pensée et de l’action que le Pala
284 à la religion de l’esprit. Mais ce que Descartes a voulu, c’est que l’esprit « clair et distinct » fût séparé absolument
285 fût séparé absolument du corps. Ce que Descartes a proposé, ce que l’Église, pour son malheur, a pris en compte, c’est l
286 tes a proposé, ce que l’Église, pour son malheur, a pris en compte, c’est la doctrine « spiritualiste » de l’esprit. Voil
287 nfère au préjugé. En effet, le succès de l’erreur eût été forcément limité, si par malheur elle n’avait pas rejoint d’une m
288 r eût été forcément limité, si par malheur elle n’ avait pas rejoint d’une manière aussi naturelle le « sens commun ». Sans do
289 commun ». Sans doute ce préjugé contre l’esprit n’ a pas toujours été si fort que nous le voyons aujourd’hui, quand tout u
290 ’ouvrier et l’artisan, le paysan et le boutiquier ont une tendance naturelle à estimer que la « pensée » est incapable, en
291 Ce que je reproche à l’esprit cartésien, c’est d’ avoir formulé l’équivalent de ce préjugé en termes de philosophie. C’est d’
292 t de ce préjugé en termes de philosophie. C’est d’ avoir enseigné au peuple un culte de l’esprit intemporel — comprenez : dist
293 sses. V. Situation faite aux intellectuels a ) le culte de l’esprit gratuit. La surestimation grandiloquente de l’e
294 abandonner à sa lourdeur. Décréter que l’esprit n’ a pas de mains, c’est libérer de son pouvoir arbitral et animateur le d
295 on livre celles-ci à l’empire des intérêts. Sorel a bien montré ce jeu dans ses Illusions du progrès : le maximum d’hypoc
296 ette situation, politiciens ou affairistes, qui l’ ont froidement calculée à seule fin de donner le change sur leurs véritab
297 te une éducation culturelle, universitaire, qui l’ a sans le vouloir autorisée. Je ne crois guère aux plans machiavéliques
298 clercs « spiritualistes » l’honneur et le crime d’ avoir prémédités, avec l’appui des Loges et des Sages de Sion. Et par exemp
299 e d’une notion trop désintéressée de l’esprit, qu’ ont les clercs, et d’une notion moins désintéressée de l’action, qu’ont l
300 d’une notion moins désintéressée de l’action, qu’ ont les capitaines d’industrie ? Nous essaierons plus tard31 de saisir da
301 , mais logiques et simples. (C’est ainsi que l’on a cru pouvoir « appliquer » la méthode cartésienne de la division parce
302 e l’humanité. Pour la philosophie, non contente d’ avoir sophistiqué l’histoire, elle veut se réduire à son tour à une histoir
303 té s’occupent de psychologie. Mais là encore, ils ont trouvé le biais qui leur permet de vider cette discipline du contenu
304 isemblable irréalisme de l’étude des « facultés » ayant été démasqué par la science dès le début du xxe siècle, on a cru sau
305 ué par la science dès le début du xxe siècle, on a cru sauver l’apparence en s’occupant sous le même nom — psychologie :
306 remarques identiques peuvent être faites — elles ont été faites mille fois — au sujet de la sociologie ou de l’histoire de
307 ment « distinguée », essentiellement inactuelle. Avoir vu que les choses humaines, écrit Renan, sont un à peu près sans séri
308 une impertinence, car le mot « désintéressement » a deux sens tout à fait indépendants. Que les clercs refusent d’épouser
309 udiments de la morale de leur état. Et personne n’ a jamais contesté la grandeur d’un désintéressement de cette espèce. Ma
310 t de cette espèce. Mais on pense bien que Renan n’ aurait pas pris la peine de défendre ces lieux communs de la morale élémenta
311 battre des injustices au nom de la justice qu’ils ont cru concevoir ! M. Renan sourit avec mélancolie. Le clerc spiritualis
312 e refusant de juger. On me dira que ce gouverneur eût été dans son rôle en agissant, et qu’il trahissait sa fonction en all
313 toute responsabilité temporelle. Ce raisonnement a l’apparence du sens commun, mais il repose sur une erreur de fait : c
314 nom de clercs parfaits, c’est qu’en réalité, ils ont trahi leur fonction propre, qui était de juger, et de juger effective
315 n son nom les réalités immédiates ?38 Les clercs ont pris parti : les uns avec la foule, les autres avec Pilate. Les uns t
316 e qui les admire. Et comment cette pauvre plèbe n’ aurait -elle pas d’admiration pour la sagesse des grands docteurs qui se lave
317 des clercs de gauche, et de la foule. Pourquoi n’ a-t -il pas dit seulement : Mon royaume n’est pas de ce monde ? Ce royaume
318 Mon royaume n’est pas de ce monde ? Ce royaume n’ eût gêné personne, tout semblable à celui des clercs. On lui eût donné so
319 rsonne, tout semblable à celui des clercs. On lui eût donné son Palais. Mais que vient-il faire parmi nous ? Qu’est-ce que
320 s’occupent de choses « sérieuses » qui, elles, n’ ont pas toujours cette précision d’épure qui séduisait les clercs méticul
321 te d’implacable agencement, celui du doit et de l’ avoir , contrôlé tôt ou tard par la constatation du rendement ou de la perte
322 ui-même sa vie. C’est la seule chose qu’on ne lui ait pas apprise. Considérez ce pauvre clerc parfait tel que le livre l’Un
323 ra donc un ouvrage dans les règles de l’art qu’il a sucé. Si l’ouvrage est « sérieux et précis » selon les clercs, l’édit
324 un conformisme monstrueux, ou le silence. Il n’y a pas de solution pratique dans l’économie actuelle. Ni de solution thé
325 sent à toute critique un peu trop perspicace. Ils ont au fond raison, leur instinct a raison, qui veut qu’on n’abatte le ma
326 perspicace. Ils ont au fond raison, leur instinct a raison, qui veut qu’on n’abatte le mal, cette négation perpétuelle, q
327 ront discuter en public les questions suivantes : a ) définition de la culture, de ses moyens et de son but final. b) qu’e
328 et en pratique sous les divers régimes actuels ? a-t -elle encore un sens dans le monde d’aujourd’hui qui tend à s’établir
329 aut savoir le sens des mots. Et pour que les mots aient un sens, un sens commun, et entendu de tous, il faut que le terme — l
330 parfaitement négligeables en regard de ce qu’ils ont à dire, qui les dépasse, et personnes parfaitement responsables de ce
331 ersonnes parfaitement responsables de ce qu’elles ont à donner, qui est à tous. 24. « Pour un Palais de l’Esprit », Nouv
332 a pensée. Mais le cartésianisme du xviiie siècle a déduit pratiquement de la séparation de l’esprit et du corps, la thès
333 , d’une manière immédiate. L’idéalisme excessif n’ a pu que renforcer le préjugé matérialiste. On en est venu à concevoir
334 me si ce n’était pas justement cet « esprit » qui avait fabriqué ces « lois », dans l’espoir naïf qu’elles joueraient automat
335 ur toutes les équivoques du spiritualisme. Pilate a dit le droit : « Cet homme est juste. » Ayant dit ses raisons, il a f
336 Pilate a dit le droit : « Cet homme est juste. » Ayant dit ses raisons, il a fait tout ce qu’un clerc doit faire, selon nos
337  Cet homme est juste. » Ayant dit ses raisons, il a fait tout ce qu’un clerc doit faire, selon nos grands docteurs et leu
338 teurs et leurs petits disciples. Mais encore : il a dit le droit en spécifiant qu’il n’assumait aucune espèce de responsa
339 eur ? Ces Juifs sont en émeute : voilà le fait. J’ ai dit ce que je pensais, voilà le droit. Maintenant il faut les apaiser
340 nce est une tentation fascinante pour l’homme qui a mauvaise conscience. P.-S. Ceci fut écrit en mai de cette année ; à c
341 près nul. r. Rougemont Denis de, « L’Esprit n’ a pas son palais », Esprit, Paris, octobre 1935, p. 25-46.
16 1936, Esprit, articles (1932–1962). Francfort, 16 mars 1936 (avril 1936)
342 le coup d’Hitler. Simplement, un tel mouvement n’ aurait aucune justification historique dans un pays qui a fait la Révolution
343 aucune justification historique dans un pays qui a fait la Révolution de 89, et qui est déjà une nation. Mais condamner
344 nière défense contre le communisme. Ces gens-là n’ ont probablement jamais voyagé au-delà des marges du Capital. Si du moins
345 gé au-delà des marges du Capital. Si du moins ils avaient été en Russie, il y aurait quelques chances de leur faire comprendre
346 évolution de masses, au sens moderne. Et que ça n’ a pas le moindre rapport avec la « politique » au sens habituel ; mais
347 cialiste à un homme, même de bonne volonté, qui n’ aurait pas « vécu » (comme disent les Allemands : Miterlebt) une des grandes
348 s pensées, hier soir, debout parmi la foule qui n’ avait pas trouvé de places assises dans une halle de 30 000 places, et qui
349 tin, et dans 45 salles où les formations d’assaut avaient leur « appel général », des dizaines de milliers attendaient. J’étais
350 aussi de cela : « La puissance de gouverner, je l’ ai . Mais ce que je cherche, c’est la communion du cœur avec chaque homme
351 ais sans amertume ; et ses gestes sont souples, n’ ont plus rien de la brutalité des années de combat, avant 1933. Il ne s’a
17 1936, Esprit, articles (1932–1962). Vues sur C. F. Ramuz (mai 1936)
352 sont eux-mêmes enseignement », dit Goethe. Il n’y a rien à voir sous les apparences. Car rien n’existe, hors de ce qui se
353 n nous, mais devant nous. Non seulement elle doit avoir un commencement et une fin, mais des contours, et non seulement des c
354 hée, et puis embrassée, puis finalement soulevée, ayant un poids à elle et une densité », écrit Ramuz. Le peuple dit, encore
355 ion de la Parole. Les grands docteurs chrétiens l’ ont su ; et Paracelse ; et les poètes du xvie siècle ; puis Goethe et ce
356 ujours sur les traits de sa face. (Encore faut-il avoir des yeux pour voir. Encore faut-il en croire ses yeux…) Il n’est d’ar
357 saisit une forme pour la transformer. L’esprit n’ a pas son siège dans la cervelle. Ni dans le ciel. L’esprit n’a pas de
358 ège dans la cervelle. Ni dans le ciel. L’esprit n’ a pas de siège. Il est passage, prise, saisissement. L’esprit se manife
359 aque poil et des souliers qui brillent. » Il y en a dans presque tous les livres de Ramuz, de ces taupiers qui portent de
360 l’allure des pentes. « D’où cette démarche qu’ils ont , d’où encore la nécessité quelquefois de refaire son pas, parce que l
361 que la pente vous porte en arrière, parce qu’on l’ a mal calculé et il faut d’abord qu’on le corrige. » Et Ramuz ajoute :
362 point penser à ce Livre de Job — dont Ramuz nous a retraduit quelques passages — où toute une théologie s’exprime entièr
363 n’est rien qu’un droit aux choses. Mais s’il n’y a plus de choses, c’est une tromperie. C’est pourquoi nos journaux cont
364 de virulence extrême des corps. Les journalistes ont décontenancé le langage des hommes de ce temps, et par là même, ils n
365 nommerais Ramuz président de ce tribunal. Et nous aurions enfin un langage « châtié », comme on disait dans les salons, au temp
366 nifeste dans l’allure de la phrase chez Ramuz. On a pu croire qu’il n’avait pas le sens du rythme : c’est qu’il veut le r
367 e de la phrase chez Ramuz. On a pu croire qu’il n’ avait pas le sens du rythme : c’est qu’il veut le rythme formé sur la natur
368 oint sur les modèles rhétoriques que l’école nous a mis dans la tête. Presque toutes les singularités de son style s’expl
369 oi, ni même à un usage régulier ; ou plutôt ils n’ ont pas d’autre loi que cette volonté de plier l’attention aux phases d’u
370 range dans la catégorie du roman policier : il n’ a pas de psychologie. Et la critique parle beaucoup de subjectivité et
371 ectivité. Dans le monde de Ramuz, ces deux mots n’ ont plus aucun sens. Une forme donnée n’a pas à signifier autre chose que
372 ux mots n’ont plus aucun sens. Une forme donnée n’ a pas à signifier autre chose que ce qu’elle montre. Il n’y a rien à ch
373 gnifier autre chose que ce qu’elle montre. Il n’y a rien à chercher sous la forme, qui ne peut être interprétée que par s
374 ce (La Guérison des Maladies), etc. Et le roman n’ a pas d’autre mouvement que le mouvement même des images propagées par
375 avec des éléments tirés du caractère vaudois. On a , non sans comique, loué cet « artiste raffiné » d’avoir su se « raval
376 non sans comique, loué cet « artiste raffiné » d’ avoir su se « ravaler au niveau des simples ». Non, Ramuz ne descend pas au
377 plus bas, des origines créatrices de sa race. Il a cette lenteur qu’impose la nature du pays. Il participe de cette lour
378 in à travers le pays, et offre à tous la Parole «  ayant l’aspect d’une brochure à couverture bleue » où les événements actuel
379 de terreur et de prière… Puis, « la page du ciel a été tournée », ils se relèvent : « Il paraît bien qu’on n’est pas mor
380 arrêté à l’insolite du style chez Ramuz. Ce qu’il a d’insolite, ce n’est pas tant sa forme que les vertus qu’elle suppose
381 page de Ramuz — même pas très réussie, et il y en a , il faut le dire, qui ont un air raté, un air de pastiche de Ramuz —,
382 très réussie, et il y en a, il faut le dire, qui ont un air raté, un air de pastiche de Ramuz —, c’est qu’une seule page d
383 on goethéenne. Il se peut qu’en définitive, Ramuz ait fait, pour la culture, en se donnant l’air de l’attaquer, plus que ne
384 que, à nos formes habituées. Il prétend qu’il lui a fallu quinze ans pour découvrir que le « gazouillis » des oiseaux pou
385 montagnards l’appellent « le mauvais pays ». ⁂ On a vite fait d’expliquer cette esthétique de l’objet brut par une mauvai
386 parce qu’elle est la plus clairvoyante que Ramuz ait écrite sur son art, mais aussi parce qu’elle indique, à peu près seul
387 e nouveau, puis retrouvé pour un instant) : où on a en commun un Père et une Mère, où la grande parenté des hommes est en
388 emière bifurcation dont chacun des embranchements a comporté ensuite une bifurcation nouvelle, et celle-ci une autre, et
389 crois distinguer l’aveu de soi le plus direct qu’ ait jamais consenti Ramuz (c’est Une Main) je lis ceci : « Certains homme
390 e nous ramène au niveau proprement ramuzien : « J’ ai la haine du confort. J’aime que les choses vous résistent et vous con
391 n, tandis que je suis à la mienne. » ⁂ Je vois, j’ ai tenté de faire voir comment Ramuz existe à sa façon. Je vois que son
392 , — l’originalité de l’homme « radical ». Ramuz l’ a fait plus qu’aucun de nos maîtres. De lui donc, plus que d’aucun autr
393 n dépit de tout et de soi, ce qu’aucune sagesse n’ a jamais justifié… 42. Le Grand Printemps. 43. Le protestantisme d
394 lieu de se contenter de la dire. Mais le kantisme a dévié ce mouvement, détournant l’attention de l’acte — car tout acte
395 l’homme, modifie sa forme existante. « La figure a été faite sur la vérité, et la vérité a été reconnue sur la figure »
396 La figure a été faite sur la vérité, et la vérité a été reconnue sur la figure » (Pascal, cité par Ramuz). 44. Comme Ram
397 re » (Pascal, cité par Ramuz). 44. Comme Ramuz l’ a fait dans Six Cahiers. 45. Est-il nécessaire d’indiquer que rien n’e
398 ndiquer que rien n’est plus réel qu’un mythe ? Il a fallu les ténèbres du xixe siècle pour que l’on prît ce mot pour syn
399 recs, et justifié par la seule connaissance qu’on a du premier sens. 46. C’est là ce qu’il appelle sa « vie intérieure »
18 1936, Esprit, articles (1932–1962). Culture et commune mesure (novembre 1936)
400 qui leur paraissent sans gravité pratique. (Nous avons dit souvent sur quelle notion bourgeoise et libérale de l’esprit se f
401 grès indéfini et du Bonheur : la révolution russe a eu ce résultat au moins curieux de rendre à certains clercs bourgeois
402 ès indéfini et du Bonheur : la révolution russe a eu ce résultat au moins curieux de rendre à certains clercs bourgeois, h
403 nt justement en train de perdre. Et pourtant Marx avait été un peu plus loin ! Et l’on s’interdirait de rien comprendre à l’é
404 ines qui sont à sa base. Je ne dis pas qu’elles n’ aient été souvent trahies. Ni qu’elles soient actuellement plus importantes
405 essités de la polémique antispiritualiste52, Marx avait affirmé que la culture n’était rien qu’un « reflet » du processus éco
406 es conseils qualifiés de « réactionnaires » qu’il avait eu le courage de donner. Ainsi se termina, en principe du moins, l’ép
407 seils qualifiés de « réactionnaires » qu’il avait eu le courage de donner. Ainsi se termina, en principe du moins, l’épiso
408 ctature économique des prolétaires. Au début, on avait représenté les masses comme la force impulsive de l’évolution politiq
409 des déclarations de ce genre « Le niveau culturel a été élevé par le Torgsin (magasin de produits étrangers). Le Torgsin
410 gasin de produits étrangers). Le Torgsin en effet a répandu dans toute l’URSS l’usage des semelles-crêpe. C’est très bien
411 niveau de la culture à l’épaisseur des semelles n’ a rien de révolutionnaire, si toutefois l’on refuse de confondre révolu
412 ndustrielle. La seule littérature digne du nom qu’ ait produite la nouvelle Russie s’est développée en marge du Plan, par an
413 public. Autrement dit, les « écrivains de choc » ont appris à écrire en même temps qu’un peuple immense apprenait à les li
414 ire. Cette situation exceptionnelle et provisoire a créé une communauté d’intérêts immédiats et vitaux entre les producte
415 ure qualitative que le Plan ne pouvait fournir, n’ ayant pas voulu en prévoir l’irrationnelle nécessité. Faute d’expressions o
416 moins une évidence. ⁂ Les écrivains soviétiques l’ ont compris. Aussi les voit-on condamner la théorie marxiste originelle q
417 orgueil des prisonniers d’une raison brutale : il aura sans doute la vie dure, comme tout ce qui est irrationnel, et c’est l
418 ut le progrès acquis par une si dure révolution n’ aura été que de donner aux hommes, avec quelques milliers de tracteurs, d’
419 ux hommes, avec quelques milliers de tracteurs, d’ avions , de tanks et de parachutes, cette illusion philosophique ? Il est vra
420 losophique ? Il est vrai que le monde bourgeois n’ a même plus l’énergie de concevoir une illusion, une démesure ou une me
421 celle des nouveaux riches de tous les temps. Nous avons fait des expériences dont ils ne soupçonnent pas la gravité, et moins
422 tres. Toute la question est de savoir si nous les aurons résolus, dans nos catégories occidentales. Sinon, il sera toujours te
423 communs plus vénérables que vivants. L’anarchie n’ a le droit de critiquer l’ordre que lorsqu’elle est consciemment anarch
424 e volonté et d’un idéal déclaré. Le libéralisme n’ a le droit de critiquer la dictature que lorsqu’il assure une liberté r
425 des nouvelles générations, dont les chefs qui les ont formées avouent déjà qu’elles leur paraissent « incompréhensibles » ;
426 sse ici directement : les dictatures totalitaires ont échoué jusqu’ici dans leur tentative de créer par la force une commun
427 our la pensée et l’action. La démonstration que j’ ai esquissée à propos de la tentative soviétique vaut identiquement pour
428 ections très importantes. Ils me diront comme ils ont dit souvent déjà : a) Nous ne pouvions pas faire autre chose. Nos cir
429 s. Ils me diront comme ils ont dit souvent déjà : a ) Nous ne pouvions pas faire autre chose. Nos circonstances économique
430 a vie de continuer. Il est incontestable que nous avons établi cet ordre : on ne se mitraille plus dans nos rues, l’État comb
431 rues, l’État combat la misère et le chômage, nous avons supprimé les partis et leurs luttes épuisantes et stériles. Le corps
432 il fallait l’opérer d’urgence, à chaud et nous y avons porté le fer d’une main assurée. Vos critiques ne nous touchent pas,
433 u’elles ne tiennent pas compte des faits qui nous ont imposé leurs conditions. b) Vous souffrez vous aussi, dans vos démocr
434 entôt au point où nous étions quand la révolution a éclaté. Si au contraire vous essayez de surmonter votre anarchie, vou
435 urelle future. Je réponds à ces deux objections : a ) Oui, vos circonstances étaient telles que je serais incapable de vou
436 que je serais incapable de vous dire ce que vous auriez pu faire d’autre. Vous en étiez au point où l’homme ayant démissionné
437 faire d’autre. Vous en étiez au point où l’homme ayant démissionné, il fallait enregistrer cette démission. Il fallait parti
438 refait un corps. Mais les problèmes spirituels n’ ont pas été résolus pour autant. Vous avez reculé la question de dix ans
439 pirituels n’ont pas été résolus pour autant. Vous avez reculé la question de dix ans ou d’un siècle, je ne sais ; mais ce qu
440 pagande de masse abêtissante. Autrement dit, nous avons à créer un nouveau type de révolution, dont l’exemple vous sera certa
441 avec elle. L’Arche d’alliance n’est rien s’il n’y a pas le messianisme, le latin s’il n’y a pas une catholicité, le Plan
442 s’il n’y a pas le messianisme, le latin s’il n’y a pas une catholicité, le Plan s’il n’y a pas un Paradis à venir sur ce
443 s’il n’y a pas une catholicité, le Plan s’il n’y a pas un Paradis à venir sur cette terre, le Führer s’il n’y a pas l’Em
444 radis à venir sur cette terre, le Führer s’il n’y a pas l’Empire populaire. Le signe irréfutable de la présence d’un gran
445 lus facile et plus libre que les nouvelles. Elles ont gardé un certain nombre de possibilités dont les nations plus jeunes
446 e sont volontairement privées. Elles s’honorent d’ avoir une presse d’opposition, une population civile plus nombreuse que la
447 st encore qu’à la porte, mais on dirait qu’il n’y a plus rien à faire, qu’à attendre. Et l’on s’occupe en attendant à cri
448 vant. Les nations dites rajeunies sont celles qui ont fait ou subi depuis la guerre une révolution de masses. Elles mènent
449 une vie dure et s’en disent fières. Certes, elles ont sacrifié un certain nombre de possibilités théoriquement fort enviabl
450 orsqu’il était encore réel. Elles s’honorent de n’ avoir plus ni presse d’opposition, ni partis, ni civils indifférents et inu
451 sphère des nations rajeunies de l’Europe. Elles n’ ont plus de liberté, mais du travail. Elles s’en plaignent d’ailleurs de
452 a la conquête d’un avenir de joie et de force. On a touché le fond de la misère, on l’a vécue, on a cela derrière soi, ma
453 de force. On a touché le fond de la misère, on l’ a vécue, on a cela derrière soi, mais elle reste encore l’aiguillon d’u
454 n a touché le fond de la misère, on l’a vécue, on a cela derrière soi, mais elle reste encore l’aiguillon d’une angoisse
455 mauvais selon vos idées, c’est ce régime qui nous a délivrés de la misère61. Et cela suffit à le justifier pour le moment
456 même et formidable appel profond des peuples. Il a jailli de la misère, mais il exige bien davantage que la fin de cette
457 ndeur, au mépris de la faim ou de la liberté ; il a suffi qu’on lui propose, souvent sans preuve, un grand mythe de commu
458 rer. Notons aussi que cet appel profond du siècle a commencé par se manifester dans les pays les plus atteints matérielle
459 que les plus grandes nations de l’Europe moderne ont découvert le sens de leur histoire et l’avenir de leur génie. (France
460 plus aiguë, la réponse, qui devait être totale, n’ a été que « totalitaire ». Là où depuis cent ans ou plus la nation exis
461 la crise est bien moins virulente, et la réponse a plus de peine à se dégager. Pourtant, il faudra bien qu’elle soit don
462 isolement, ou du refus de se dépasser ; qu’il n’y a pas de lignes droites dans l’univers, et qu’une vitesse ou une grande
463 ndes apparitions de cette puissance communautaire ont été les révolutions communistes et nationalistes.   4. Les premières
464 nalistes.   4. Les premières réponses. C’est pour avoir deviné cet appel et pressenti l’ampleur de l’angoisse qu’il trahit, c
465 ’ampleur de l’angoisse qu’il trahit, c’est pour l’ avoir épousé et guidé, et même à demi satisfait, que triomphent les dictate
466 emi satisfait, que triomphent les dictateurs. Ils ont agi au nom de doctrines différentes, dans des circonstances matériell
467 s circonstances matérielles différentes, mais ils ont répondu à une attente universelle religieuse, l’attente d’une nouvell
468 politique ou idéologique sur les réponses qu’ils ont tenté de donner — classe ou nation — reste superficiel et arbitraire
469 ne pouvait plus soutenir les hommes, cette ruine a laissé le champ libre à des religions toutes nouvelles, communisme, n
470 hance dans l’histoire à critiquer ce que d’autres ont dû faire ; et alors, d’ici vingt ou cent ans, nous serons réduits à l
471 moins l’équivalent des dynamismes nationaux. Nous avons des valeurs à défendre. Mais nous avons surtout des valeurs à créer,
472 aux. Nous avons des valeurs à défendre. Mais nous avons surtout des valeurs à créer, et que nous seuls pouvons créer. Nous ne
473 es : c’est le seul moyen de nous reconnaître. Ils ont fondé des religions dont le but est la force commune. Ils ont su se c
474 s religions dont le but est la force commune. Ils ont su se créer des symboles grandioses. Ces symboles nous paraissent bar
475 collective, extérieure à notre personne : cela n’ a pas de sens pour nous. Elle ne sera pas non plus individuelle : on ne
476 petits groupes, non dans l’État totalitaire. Elle a pour formule réelle — même là où l’on refuse encore ce nom — la fédér
477 ure européenne. Sinon nous serons colonisés, je n’ ai pas fini de le répéter. Est-ce à dire qu’affirmer notre force en face
19 1936, Esprit, articles (1932–1962). Henri Petit, Un homme veut rester vivant (novembre 1936)
478 ester vivant (novembre 1936)x Un fonctionnaire a trois semaines de vacances : trois semaines qu’il va consacrer à pren
479 actions d’un esprit et d’une âme — le corps, ici, a peu de part, nous sommes en France — au fait social de notre époque,
480 quotidien d’une profession. Henri Petit voudrait avoir été l’ami d’Ulysse. Le bref chapitre où il nous livre cet aveu éclair
481 foi chrétienne, telle qu’il songe que ses pères l’ ont eue. Nos lecteurs se souviennent des pages sur le journalisme, la con
482 chrétienne, telle qu’il songe que ses pères l’ont eue . Nos lecteurs se souviennent des pages sur le journalisme, la conditi
483 is jamais à bout dans mon esprit. Voici : l’homme a tué Dieu. Alors est venu l’État, qui n’a plus rien au-dessus de lui p
484 l’homme a tué Dieu. Alors est venu l’État, qui n’ a plus rien au-dessus de lui pour le juger. Il faudrait au contraire qu
485 ceci dit, et maintenu, — j’admire qu’un incroyant ait su donner à notre position personnaliste sa plus solide justification
486 nouvelle. S’il écrit quelque part : « Le monde n’ a plus pour moi le caractère intelligible et nécessaire qu’il avait pou
487 moi le caractère intelligible et nécessaire qu’il avait pour mes ancêtres », il sait aussi, et il nous fait savoir, que c’est
488 nde où notre vie s’accepte. Aux premières pages j’ ai pensé : document sur les déceptions d’une génération. Puis j’ai trouv
489 ument sur les déceptions d’une génération. Puis j’ ai trouvé ce cri : « Tout me concerne », et ce sous-titre, vers la fin :
20 1936, Esprit, articles (1932–1962). Note sur nos notes (novembre 1936)
490 novembre 1936)y Il y a longtemps que Diderot l’ a dit : Tirer un peuple de l’état de barbarie, le soutenir dans sa spl
491 ssement général », symptômes imperceptibles. On n’ a qu’à se baisser, vraiment. Des éditeurs lancent chaque automne leur d
492 érature seule, mais à tout un régime social qui l’ a laissée devenir ce qu’elle est ; et plus encore à chacun de nous dans
493 orale ! Ni de condamner pour le mauvais plaisir d’ avoir raison. Mais il s’agit de refaire une amitié humaine d’où jaillisse l
494 ? Alors seulement, après cela seulement, le reste aura le droit d’être littérature. y. Rougemont Denis de, « Note sur nos
21 1936, Esprit, articles (1932–1962). Erskine Caldwell, Le Petit Arpent du Bon Dieu (novembre 1936)
495 zinga, dans son admirable Déclin du Moyen Âge 62, a là-dessus un passage qui pourrait être écrit tout exprès pour l’œuvre
22 1936, Esprit, articles (1932–1962). André Gide, Retour de l’URSS (décembre 1936)
496 d’hui je me suis longuement attardé au marché ; j’ ai observé les gens, comment ils marchandaient et achetaient avec une co
497 , la résignation de l’autre… Nathanaël, gourmand, aurait choisi Venise, en dépit du progrès historique.) ⁂ Pour qui lirait, sa
498 plus souvent admirables. » Épilogue : « L’URSS n’ a pas fini de nous instruire et de nous étonner. » Précautions, je sais
499 d’une dénonciation des slogans d’exportation qui ont fait, et font encore, les trois-quarts du succès de l’URSS auprès des
500 sourit avec scepticisme, lorsque je dis que Paris a , lui aussi, son métro. » — Égalité, société sans classes ? « Comment
501 journée”, et j’allais dire : des pauvres. Il n’y a plus de classes en URSS, c’est entendu. Mais il y a des pauvres. Il y
502 , c’est entendu. Mais il y a des pauvres. Il y en a trop, beaucoup trop. » — Suppression de la propriété privée ? « Avec
503 viations. Elle est jugée par ce que les hommes en ont fait, et par la réussite ou bien l’échec de ses prévisions pratiques.
504 et qu’il laisse encore en suspens. Les staliniens auront beau jeu : ils traiteront Gide de bourgeois libéral, de monsieur susc
505 ’en d’autres circonstances, l’expérience marxiste eût réussi ? Sa croyance est d’ordre mystique, contredite par les faits c
506 naire dont le marxisme s’est détourné parce qu’il a fait erreur sur l’homme. La phrase finale de ce livre sur l’URSS, c’e
507 us l’appliquerons : c’est lui, c’est Gide « qui n’ a pas fini de nous instruire et de nous étonner ». 63. Journal de voy
23 1937, Esprit, articles (1932–1962). Défense de la culture (janvier 1937)
508 ure (janvier 1937)ab Le palais des ducs d’Albe a été détruit par les obus de Franco, et Commune, par la voix d’Aragon,
509 e la culture. Car c’était le parti communiste qui avait pris soin de cette œuvre d’art, après la fuite du propriétaire. « Les
510 rutalité stupide à droite, — ou inversement ? Ils ont bien l’air de le croire, ces messieurs. Pourtant : on lit de moins en
511 erniers romans d’un jeune auteur, Ernst Wiechert, ont atteint quatre-vingts, soixante-quinze et cent-mille. Et c’est un écr
512 rière : le jeune Gerhard Schuhmann, qui est nazi, a des tirages de douze-mille, et le vieux Ch. Morgenstern, qui ne l’est
24 1937, Esprit, articles (1932–1962). La fièvre romanesque (janvier 1937)
513 personnages naissent et se nourrissent ? Mais on a convenu de n’en rien laisser paraître. Oui, c’est toujours sa fièvre
514 dira d’une voix que j’entends déjà : « Mais je n’ ai rien voulu de tout cela ! Mes personnages se sont imposés à moi etc. 
515 llusions qu’elles entraînent : Goethe ou Balzac n’ ont rien fait d’autre. Mais toutes ces feuilles de température ! (Même, j
516 de température ! (Même, je feins d’ignorer qu’on a chauffé le thermomètre…) ac. Rougemont Denis de, « La fièvre roman
25 1937, Esprit, articles (1932–1962). Jean Blanzat, Septembre (janvier 1937)
517 peut-être pour chercher, de page en page, ce qui a poussé l’auteur à publier un aussi désolant récit. On ne trouve pas…
518 at faisait un geste franc, il est clair qu’il n’y aurait pas de roman. Mais, nous dit-il : « le plus petit geste m’a toujours
519 oman. Mais, nous dit-il : « le plus petit geste m’ a toujours coûté ». ad. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Jean Bl
26 1937, Esprit, articles (1932–1962). Robert Briffaut, Europe (janvier 1937)
520 s apprend M. Briffaut, parce qu’une baronne juive avait refusé de coucher avec un certain prince Nevidoff, propriétaire de ba
521 fères. Cette thèse, après tout vraisemblable — on a bien cru à l’« honneur national » ! — est évidemment symbolique. L’on
522 u monde. L’ensemble est assez passionnant. Proust a fourni les personnages, Huxley certain cynisme de naturaliste puritai
27 1937, Esprit, articles (1932–1962). Paul Vaillant-Couturier, Au service de l’Esprit (février 1937)
523 ce de l’Esprit (février 1937)af Ce « rapport » a été approuvé à l’unanimité par le Comité central du Parti communiste
524 e peut penser et créer que s’il est libre. — Nous avons toujours admis la légitimité de la propriété. — Dans le monde capital
525 ositions d’Esprit et de l’ON depuis quatre ans, n’ avaient pas même l’excuse de la sincérité. Ou alors, c’est que M. Vaillant-Co
526 intégral. Ce serait par exemple le lecteur qui n’ aurait pas remarqué, entre autres, que cette brochure-manifeste ne touche pa
527 que les livres de Gide et de Céline.   P.-S. — On a corrigé par un erratum manuscrit la faute de la page 13 : « La paix n
528 ne se conçoit pas dans la liberté. » (Phrase qui aurait pu faire croire que l’URSS est pacifiste). Mais on a laissé figurer l
529 u faire croire que l’URSS est pacifiste). Mais on a laissé figurer le nom de Gide parmi « les plus grands écrivains de ce
28 1937, Esprit, articles (1932–1962). Albert Thibaudet, Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours (mars 1937)
530 t défini : « badaud de la République des Lettres, ayant sa place à la terrasse du café de leur commerce, emboîtant le pas à l
531 être posons-nous déjà d’autres questions, qu’il n’ a pas devinées, ou qu’il a négligées parce qu’elles lui paraissaient pe
532 utres questions, qu’il n’a pas devinées, ou qu’il a négligées parce qu’elles lui paraissaient peu littéraires, s’attaquan
533 culent, devisant à la terrasse des Deux Magots, n’ a pas eu le temps de s’apercevoir que « les grandes questions gisent da
534 , devisant à la terrasse des Deux Magots, n’a pas eu le temps de s’apercevoir que « les grandes questions gisent dans la r
535 de la critique impressionniste (après quoi elle n’ a plus qu’à mourir). Dès lors tout ce qu’on lui a reproché : désordre,
536 n’a plus qu’à mourir). Dès lors tout ce qu’on lui a reproché : désordre, omissions littéraires, chapitre bâclé sur l’aprè
537 de l’objet mais du sujet. Son chapitre sur Balzac a de la grandeur, et touche même au délire poétique : reportez-vous à l
538 16 lignes qui termine la page 229 ! Et personne n’ a jamais manié la métaphore continuée avec une fantaisie (au sens allem
29 1937, Esprit, articles (1932–1962). Jacques Benoist-Méchin, Histoire de l’armée allemande depuis l’armistice (mars 1937)
539 e l’armée allemande depuis l’armistice (mars 1937) ai Ce livre eût passionné Lénine, grand lecteur, comme on sait, de Cl
540 ande depuis l’armistice (mars 1937)ai Ce livre eût passionné Lénine, grand lecteur, comme on sait, de Clausewitz. Il pas
541 aite en vingt morceaux, si la révolte spartakiste a pu être étouffée en quelques semaines, c’est uniquement le fait d’ini
542 e Saint-Denis ! Noske, Mussolini, Doriot, Staline ont plus d’un trait commun, quoi qu’ils en pensent. ai. Rougemont Deni
543 plus d’un trait commun, quoi qu’ils en pensent. ai . Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Jacques Benoist-Méchin, Histoi
30 1937, Esprit, articles (1932–1962). Retour de Nietzsche (mai 1937)
544 confus des partis ou des classes. Si Kierkegaard a été découvert, dans ce pays, très peu de temps avant l’entrée en lice
545 …) Que nous annonce le renouveau nietzschéen ? On a vite fait de dire : fascisme. C’est une facilité que les professeurs
546 Hitler !) Mais on oublie peut-être que Nietzsche a condamné l’antisémitisme, raillé le nationalisme, dénoncé le socialis
547 le plus riche en contradictions tonifiantes qu’on ait jamais écrit à l’usage des créateurs : « Soyez humains à l’égard des
548 ion la plus féconde de l’œuvre de Nietzsche, on n’ a rien écrit de meilleur que le livre de Karl Löwith : Nietzsches Philo
31 1937, Esprit, articles (1932–1962). Journal d’un intellectuel en chômage (fragments) (juin 1937)
549 tuel en chômage (fragments) (juin 1937)ak al À A … (Gard), 15 janvier Matinées d’hiver au midi Et voici par la grâce du
550 sobre et gaie, pauvre et spirituelle… 28 janvier Avoir la veine « J’avais pris un billet de la Loterie nationale. Naturellem
551 vre et spirituelle… 28 janvier Avoir la veine « J’ avais pris un billet de la Loterie nationale. Naturellement j’ai perdu ! Mo
552 n billet de la Loterie nationale. Naturellement j’ ai perdu ! Moi vous savez… Ce n’est pas comme Céline, ah celle-là ! Elle
553 ez… Ce n’est pas comme Céline, ah celle-là ! Elle a la veine, que voulez-vous ! À la loterie, dans les tombolas des socié
554 rès, qui naît de la Science. C’est ce mari-là qui aura payé le billet, histoire de voir s’il a la chance. Seulement, avoir l
555 là qui aura payé le billet, histoire de voir s’il a la chance. Seulement, avoir la chance, avoir la veine, c’est démentir
556 et, histoire de voir s’il a la chance. Seulement, avoir la chance, avoir la veine, c’est démentir les lois les plus fondament
557 oir s’il a la chance. Seulement, avoir la chance, avoir la veine, c’est démentir les lois les plus fondamentales de notre sci
558 erstition. S’il est vrai que certains individus «  ont la veine » dans ces loteries, notre image scientifique (physico-mathé
559 du monde que cette petite phrase si courante : il a la veine. Mais notre jacobin ne croit à la Raison et à la Science mèr
560 ête furtifs, et se détourne. D’où vient-il ? On m’ a dit qu’il n’y a pas de pigeons par ici. Que vient-il attendre ? Pourq
561 se détourne. D’où vient-il ? On m’a dit qu’il n’y a pas de pigeons par ici. Que vient-il attendre ? Pourquoi feint-il de
562 ppe par la fenêtre, au-dessus du poulailler, elle a vu le pigeon et m’a appelé. — Il a vraiment l’air de vouloir dire que
563 au-dessus du poulailler, elle a vu le pigeon et m’ a appelé. — Il a vraiment l’air de vouloir dire quelque chose ! Il est
564 ulailler, elle a vu le pigeon et m’a appelé. — Il a vraiment l’air de vouloir dire quelque chose ! Il est tourné du côté
565 e l’aveu que je viens de m’en faire. Comment ne l’ ai -je pas fait plus tôt ? Pour peu que je rappelle mes souvenirs, je ret
566 en des « raisons » qui n’en sont pas, mais qui m’ ont toujours convaincu beaucoup plus vite et beaucoup mieux que les autre
567 e et beaucoup mieux que les autres. Tout ce que j’ ai fait à cause d’un chiffre, à cause de la coïncidence d’un sentiment o
568 ouer ses superstitions, ce serait avouer ce qu’on a de plus individuel, de plus irréductible au général. Mais voilà l’éto
569 haque homme est irréductible, et que chaque homme a ses aveux à faire. Et l’on comprend ainsi, soudain, que l’on est un h
570 anière d’être en vérité « réaliste ». Je crains d’ avoir créé certain malentendu en soutenant à plusieurs reprises que la poli
571 ssait de maîtriser — le singulier et le général — ont perdu l’une et l’autre leur dynamisme propre. Si l’État ne freinait p
572 encore plus frappante. Certes, nos institutions n’ ont guère changé depuis un siècle, et c’est pourquoi l’on s’imagine que l
573 sens du jeu le plus libre des superstitions que j’ ai dites, et dont l’éducation se fait très lentement sous l’influence de
574 de la même manière aux lois et aux pouvoirs qu’il aurait dû combattre. (Volonté et pouvoir des masses, fatalités économiques,
575 s » économiques ou sociologiques que nous pensons avoir récemment « découvertes » ne sont, au sens freudien du terme, que les
576 lez-vous qu’ils y fassent ? » 6 mars (de retour à A …) Contact avec le public Dans le courrier qui est arrivé en mon absen
577 cepter toutes ces invitations. Depuis deux ans, j’ ai parlé devant les auditoires les plus hétéroclites : congrès d’étudian
578 hommes, groupant des ouvriers et des bourgeois… J’ ai parlé en plein air, dans de grandes salles publiques, dans une cuisin
579 c’est une série d’hommes et de femmes isolés, qui ont chacun leurs raisons très concrètes et singulières de lire ce qu’un a
580 s concrètes et singulières de lire ce qu’un autre a écrit, d’écouter ce qu’un autre leur dit. Quand un lecteur vous écrit
581 dessus ou qu’on rassemble ses papiers. L’auditeur a eu le temps de se familiariser avec l’orateur, dont il connaissait pe
582 ssus ou qu’on rassemble ses papiers. L’auditeur a eu le temps de se familiariser avec l’orateur, dont il connaissait peut-
583 qu’il vient de voir de près une heure durant. Il a pu corriger ses préjugés. Et la première rencontre, sous l’auvent du
584 ns le cœur d’un homme. Je dois à ces rencontres d’ avoir pressenti quelquefois — assez pour en garder une inquiétude constante
585 elligent qu’on ne l’imagine quand on écrit sans l’ avoir jamais vu. Il n’est pas arrêté par nos tabous critiques. Il va tout d
586 , et c’était justement, parfois, cette idée qu’on avait timidement glissée, sans conviction — on la jugeait trop simple ou tr
587 l de mise au point, d’adaptation à l’homme réel m’ a conduit à une conclusion dont j’attends avec impatience la vérificati
588 ue parisien. Il trouve concret ce que le critique aura jugé paradoxal et gratuit, il néglige au contraire certaines qualités
589 sensible aux tics qu’à la pensée fondamentale, n’ aura pas manqué de signaler comme caractéristiques de l’ouvrage. Enfin, je
590 ct avec les masses ». Les masses, comme telles, n’ ont jamais eu de contact avec les écrivains comme tels, en aucun temps. C
591 masses ». Les masses, comme telles, n’ont jamais eu de contact avec les écrivains comme tels, en aucun temps. Ce ne sont
592 e sens de la responsabilité de l’écrivain. Pour l’ avoir négligée dans nos villes, au milieu des feuilletonistes et des snobs,
593 ux têtes qu’on montre aux foires. On dit que nous avons trahi l’esprit : mais l’esprit n’a pas besoin de nous. Il vit sans no
594 t que nous avons trahi l’esprit : mais l’esprit n’ a pas besoin de nous. Il vit sans nous. Nous le retrouverons intact. C’
595 le retrouverons intact. C’est le lecteur que nous avons trahi, c’est avec lui que nous devons retrouver un contact qui nous r
596 où nagent d’énormes bottes de radis rouges. Tout a son éclat neuf, sa densité, sa légèreté originelles. Les oliviers son
597 rimer qui en dit plus long qu’on ne croirait. « J’ ai mes brouillards et mon beau temps au-dedans de moi », note Pascal. En
598 e nouveau, après la grande semaine des chats, qui avaient fait retentir le vallon de leurs déchirements wagnériens. Et voilà qu
599 es cris et des râles presque humains. Ce matin, j’ ai trouvé des traces de sang sur le seuil de la remise. Un beau soleil l
600 ienne Marquise — c’est la mère du basset Pernod — a trottiné tout gentiment sur les restanques, en faisant tinter son gre
601 la rejoignait. Ensuite une sorte d’épagneul impur a pris sa place. Deux ou trois autres mâles faméliques reniflaient la t
602 arition au haut de la colline. Simard et moi leur avons lancé quelques pierres, pour voir. Ils s’éloignaient un peu, en se re
603 plus loin. Un ou deux se défilent en silence. « J’ ai pris la nature sur le fait. » Vertige de l’animalité. 17 avril Ça n’a
604 le fait. » Vertige de l’animalité. 17 avril Ça n’ a pas encore cessé chez les chiens. Cette nuit, les crapauds s’y sont m
605 ce n’est pas elle seulement, mais nous aussi, qui avons les prémices de l’Esprit, nous aussi nous soupirons en nous-mêmes, en
606 ent des créatures, ou plutôt c’est avouer qu’on n’ a pas su les voir. Aller demander à la Nature la révélation d’une vie s
607 n angoissée des bêtes et des plantes que l’apôtre a su percevoir. C’est la nature qui cherche en nous ce que notre délire
608 ire son nom dans ce canton.) Les partis de gauche ont fait liste commune : cela s’appelle le front antifasciste. Je recopie
609 iste. Je recopie cette phrase merveilleuse qu’ils ont fait imprimer en lettres grasses : « Tout notre programme municipal t
610 ison de Simard recèle un effrayant secret qu’on m’ avait laissé ignorer : une belle-mère. Nous apprenons son existence en même
611 qui était, pensions-nous, tout leur logis — nous avions cru comprendre que les autres pièces étaient vides ou ne servaient qu
612 t-elle. C’est Madame Bastide, la belle-mère. — Qu’ a-t -elle ? — Oh, elle m’a bien reconnue, mais elle va « passer » cette nu
613 tide, la belle-mère. — Qu’a-t-elle ? — Oh, elle m’ a bien reconnue, mais elle va « passer » cette nuit, vous savez, elle e
614 u die ! l’estomac et tout. — Mais les Simard ne m’ avaient jamais parlé d’elle ! — Peuchère ! ils languissaient de l’emballer, l
615 s languissaient de l’emballer, la vieille ! Ils n’ auront plus à languir bien longtemps. On peut dire que la chose est sûre. Et
616 us de notre chambre, et leurs éclats de voix nous ont plusieurs fois réveillés. 7 mai — Alors, Madame Calixte, comment ça v
617 e dure, elle dure… Je viens d’aller la voir. Elle a un bâton sur son lit, qu’elle ne veut pas le lâcher, c’est pour lui t
618 pas le lâcher, c’est pour lui tenir compagnie… On a été chercher le pasteur. Je le rencontre comme il sort de sa visite.
619 rd’hui ! Vous m’entendez ! Je l’ennterdis, vous n’ avez qu’à le leur dire ! » Je passe la tête par la fenêtre. Qu’est-ce que
620 mblant de colère et gesticulant. Il crie : « Je l’ ai dit à madame Calixte, je ne veux pas qu’on lave aujourd’hui ! Ma bell
621 jouer une comédie de sympathie, d’autant qu’il n’ a vraiment pas l’air trop affecté par la perte de cette belle-mère (sau
622 rimer mes « condoléances » à madame Simard, que j’ ai trouvée hier soir devant son seuil, entourée de commères qui entretie
623 nnent son chagrin décent. Aux premiers mots que j’ ai dits, elle a pleuré, gémi d’une toute petite voix fausse, et m’a beau
624 rin décent. Aux premiers mots que j’ai dits, elle a pleuré, gémi d’une toute petite voix fausse, et m’a beaucoup remercié
625 pleuré, gémi d’une toute petite voix fausse, et m’ a beaucoup remercié. Bref, il m’a semblé que tout s’était bien passé. J
626 voix fausse, et m’a beaucoup remercié. Bref, il m’ a semblé que tout s’était bien passé. Je me trompais. C’est la mère Cal
627 nd ce matin. Le ménage Simard est furieux. Nous n’ avons pas du tout fait ce qu’il fallait. Je me récrie : mais comment, j’ai
628 ce qu’il fallait. Je me récrie : mais comment, j’ ai pourtant dit ma sympathie à Madame Simard. — Je sais, mais vous n’ête
629 , ça doit se faire dans la cuisine. Aussi, je lui ai dit, à Fernann, il aurait dû venir chez vous pour dire qu’il ne voula
630 s la cuisine. Aussi, je lui ai dit, à Fernann, il aurait dû venir chez vous pour dire qu’il ne voulait pas qu’on lave. Je le l
631 r dire qu’il ne voulait pas qu’on lave. Je le lui ai dit : c’est bien ta fôte ! Ça aurait été dans votre maison qu’il y au
632 lave. Je le lui ai dit : c’est bien ta fôte ! Ça aurait été dans votre maison qu’il y aurait eu un mort, je comprendrais, je
633 qu’il y aurait eu un mort, je comprendrais, je n’ aurais pas non plus lavé la vaisselle. Mais ce n’est pas la même maison. — J
634 ? — Je ne pense pas comme vous, Monsieur, mais il a tort pour la lessive. Voyez-vous ils sont trop orgueilleux ces gens-l
635 ous ils sont trop orgueilleux ces gens-là ! S’ils avaient eu toute la peine que j’ai eue dans ma vie, moi, ça serait autrement,
636 sont trop orgueilleux ces gens-là ! S’ils avaient eu toute la peine que j’ai eue dans ma vie, moi, ça serait autrement, je
637 s gens-là ! S’ils avaient eu toute la peine que j’ ai eue dans ma vie, moi, ça serait autrement, je vous assure ! Ils sont
638 ens-là ! S’ils avaient eu toute la peine que j’ai eue dans ma vie, moi, ça serait autrement, je vous assure ! Ils sont trop
639 vengerai d’eux en écrivant ici que leurs charmes ont cessé d’opérer. Nous avons épuisé les environs, dans un rayon d’explo
640 nt ici que leurs charmes ont cessé d’opérer. Nous avons épuisé les environs, dans un rayon d’exploration normal — mettons deu
641 eux à trois heures de marche — et vraiment il n’y a guère à signaler. Sinon peut-être les maisons vides. Il faut avouer q
642 la plus proche est à une bonne demi-heure. Il n’y a pas de route. On imagine de vivre là, dans un style colonial-moyenâge
643 jamais là-haut, ni maréchaussée ni gabelle. Nous aurions des fusils et des bibles, nous serions camisés de rouge, et l’on irai
644 Communauté », mot de passe de cette génération, n’ aurons -nous fait que l’appeler de loin, ne sera-t-elle pour nous qu’une évas
645 e, un alibi pour la mauvaise humeur de ceux qui n’ ont plus de « prochains » ? 69. À Montmartre, il y a deux ou trois ans,
32 1937, Esprit, articles (1932–1962). Marius Richard, Le Procès (juin 1937)
646 Un petit livre qui sait s’arrêter dès qu’il nous a fait voir le monde pitoyable : sans ajouter à ce qui est, dire ce qui
647 er à ce qui est, dire ce qui est comme un homme l’ a senti, — c’est assez rare. « Ce serait si bien si l’on pouvait, chaqu
648 s tard, exactement ce que l’on pense, ce que l’on a ressenti…, tout ce qui a pu vous frapper, quels qu’en soient le sens,
649 l’on pense, ce que l’on a ressenti…, tout ce qui a pu vous frapper, quels qu’en soient le sens, l’esprit, le caractère,
650 ages plus loin : « Écrire ne m’intéresse que si j’ ai le sentiment que ce que j’écris, par la forme et par le fond, serait
651 ois endormis, des malades dans les hôpitaux « qui ont des chemises de prisonniers » et « n’ont plus guère que le nom de leu
652 ux « qui ont des chemises de prisonniers » et « n’ ont plus guère que le nom de leur mal » et même « du polémiste prenant so
653 n. Une note précise : « Des fragments de ce livre ont paru dans Esprit, septembre 1936. »
33 1937, Esprit, articles (1932–1962). Paul Éluard, L’Évidence poétique (juin 1937)
654 idence poétique (juin 1937)ao Les surréalistes ont un sens typographique étonnant : pas une de leurs publications que ne
655 lé, la brochure impondérable, le papillon rose. J’ ai toujours pensé que c’étaient là les armes de l’esprit contre le comme
656 poésie doit être faite par tous. Non par un. » On a mis le poète sur un sommet. Mais voici : « Au sommet de tout, comme a
657 tant enfin accordé à la réalité qui est sienne, n’ aura plus qu’à fermer les yeux pour que s’ouvrent les portes du merveilleu
658 dans son état d’innocence et de grâce, et il n’y aurait pas de poésie — ni de prière — s’il n’y avait pas, consciente ou non,
659 ’y aurait pas de poésie — ni de prière — s’il n’y avait pas, consciente ou non, cette espérance ou cette « attente ardente de
660 des exploiteurs des hommes, tout en louant Sade d’ avoir voulu « redonner à l’homme civilisé la force de ses instincts primiti
661 omme à exploiter son semblable, pour peu qu’il en ait la force ! Comme si la civilisation, au vrai sens, ne consistait pas
662 nous combattrons ensemble. Mais avec cela nous n’ aurons pas liquidé la religion et la patrie, nous n’aurons liquidé que leur
663 rons pas liquidé la religion et la patrie, nous n’ aurons liquidé que leur « ignoble » exploitation, nous les sauverons ! (De n
664 es sont des hommes parmi les hommes, voici qu’ils ont des frères. » Et voici qu’Éluard paraît délivré de l’esthétisme arist
665 er alors de cette conclusion : « Ils (les poètes) ont leur conscience pour eux. » C’est la maxime de l’individualisme ratio
34 1937, Esprit, articles (1932–1962). M. Benda nous « cherche », mais ne nous trouve pas (juillet 1937)
666 : « L’ancienne génération, celle dont les membres avaient environ la trentaine en 1900 fut une génération heureuse ; la générat
667 erre, en appelant ainsi l’ensemble des hommes qui ont aujourd’hui de 25 à 40 ans, est une génération particulièrement éprou
668 gson, qui tous, bien qu’« heureux » (selon Benda) ont défendu les thèses que M. Benda attribue à notre jeunesse « malheureu
669 conséquences de sa vérité prouve par là qu’il en a plus de respect que celui qui s’efforce de la réaliser, — c’est que l
670 ne la mesure de la « cohérence » d’une pensée qui a pris pour idéal de « constater » purement et simplement ce qui est. A
35 1937, Esprit, articles (1932–1962). Brève introduction à quelques témoignages littéraires (septembre 1937)
671 nt ans. Ne perdons plus de temps à rechercher qui a commencé, de l’œuf ou de la poule ; et qui doit commencer, de la litt
672 de l’œuvre littéraire dans la communauté. Il n’y a pas, et il ne peut y avoir encore une école littéraire personnaliste.
673 dans la communauté. Il n’y a pas, et il ne peut y avoir encore une école littéraire personnaliste. Pas plus qu’il n’y a et qu
674 cole littéraire personnaliste. Pas plus qu’il n’y a et qu’il ne peut y avoir encore une orthodoxie de la personne, une so
675 nnaliste. Pas plus qu’il n’y a et qu’il ne peut y avoir encore une orthodoxie de la personne, une société et une économie qui
676 qui se précisera par les obstacles mêmes que nous aurons à surmonter. Quoi qu’en pensent des observateurs trop pressés ou int
677 hologie mensuelle. S’il fallait résumer ce qu’ils ont en commun, nous trouverions d’abord quelques refus (ceux que nous for
678 se préciser ou se ramifier de mois en mois, nous avons réuni d’ores et déjà un certain nombre de textes qui paraîtront au co
36 1937, Esprit, articles (1932–1962). Martin Lamm, Swedenborg (septembre 1937)
679 Martin Lamm, Swedenborg (septembre 1937) as Je ne pense pas qu’il soit utile de parler dans Esprit de tout ce
680 n illuminé que toutes les académies de son siècle eussent rejeté avec mépris et pitié. Mais la gloire posthume est un « titre »
681 le temps ; l’œuvre enfin devient présentable… On a l’impression, à lire M. Lamm, qu’il n’eût pas accordé une attention e
682 table… On a l’impression, à lire M. Lamm, qu’il n’ eût pas accordé une attention extrême à Swedenborg du vivant de ce grand
683 ’est cette étrangeté même de l’objet qui semble l’ avoir retenu, et elle lui pose des questions personnelles qu’il formule adm
684 borg est le système plus ou moins disparate qu’il a déduit de ses visions fameuses. M. Lamm démontre au contraire que ces
685 . M. Lamm démontre au contraire que ces visions n’ ont guère fait qu’illustrer, sous une forme mythologique, une constructio
686 dre de spéculation tel que le mysticisme. M. Lamm a beau s’efforcer de ne point porter de jugement de valeur sur la « réa
687 s il parle d’une préface dans laquelle Swedenborg aurait expliqué « comment il a glissé de la science dans le mysticisme ». En
688 laquelle Swedenborg aurait expliqué « comment il a glissé de la science dans le mysticisme ». Enfin, l’on ne voit pas du
689 r l’intégrité de leur image « moderne » du monde, ont coutume de tout « ramener » à des catégories scientifiques contempora
690 es de philosophie et d’éthique personnalistes. On a souvent opposé à notre attitude, et à notre conception de la personne
691 ens ou chrétiens, hétérodoxes ou orthodoxes. Je n’ ai pas la prétention de traiter un si grave problème en quelques lignes.
692 ante (Swedenborg était luthérien72, comme Hamann) ait suivi dans l’ensemble cette deuxième voie. Sans doute aurions-nous ic
693 i dans l’ensemble cette deuxième voie. Sans doute aurions -nous ici une très belle occasion de développer en profondeur la diale
694 mes propres réserves à l’endroit de la mystique. as . Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Martin Lamm, Swedenborg  », Es
37 1937, Esprit, articles (1932–1962). Neutralité oblige (octobre 1937)
695 bol de café au lait. Qu’on m’entende bien : nous avons eu Amiel, et nous ne manquons pas de douteurs, de tourmentés, de refo
696 e café au lait. Qu’on m’entende bien : nous avons eu Amiel, et nous ne manquons pas de douteurs, de tourmentés, de refoulé
697 es, ou sociales, ou nationales. Ce que personne n’ a jamais eu l’idée de mettre en question parmi nous. Par exemple, deman
698 ciales, ou nationales. Ce que personne n’a jamais eu l’idée de mettre en question parmi nous. Par exemple, demande Ramuz :
699 question parmi nous. Par exemple, demande Ramuz : Avons -nous autre chose à dire que propreté, confort et instruction ? Avons-
700 ose à dire que propreté, confort et instruction ? Avons -nous d’autre but commun que la sécurité et le profit ? Pourquoi somme
701 nce d’une mission à accomplir, et que nul autre n’ a reçue. La Suisse existe-t-elle ? nous demande Ramuz. Cela revient à d
702 -elle ? nous demande Ramuz. Cela revient à dire : a-t -elle une raison d’être ? J’essaierai de répondre ici du point de vue
703 homme en général, mais pour ce pays-ci, tel que l’ ont fait sa nature et sept siècles d’histoire : le point de vue du person
704 qui sont censés la garantir. Quand bien même nous aurions voté des milliards de crédits d’armement, et des mesures d’instructio
705 roit souvent, surtout chez nous, qu’un petit pays a , comme tel, l’obligation de rester neutre. D’où l’on déduit qu’il en
706 ussi le droit, une espèce de droit naturel. Or on a vu des États minuscules, Venise et Berne, les Pays-Bas de Guillaume d
707 e du capitalisme anonyme et des révolutions qu’il a fait naître. Or c’est une crise fort analogue qui menace la neutralit
708 nt où ceux qui en jouissent oublient pourquoi ils ont reçu ce droit. Je ne dirai pas que les Suisses l’aient déjà oublié. M
709 reçu ce droit. Je ne dirai pas que les Suisses l’ aient déjà oublié. Mais la conscience qu’ils en gardent73 paraît souvent bi
710 é européenne de la Suisse qu’on perd de vue. On l’ a senti à l’occasion des sanctions contre l’Italie : la participation d
711 sur une équivoque que la Déclaration de Londres n’ a nullement dissipée, bien au contraire. Là encore, nous avons voulu bé
712 ment dissipée, bien au contraire. Là encore, nous avons voulu bénéficier des garanties qu’offrait la SDN sans accepter les ch
713 mier avertissement que nous donnaient les faits d’ avoir à repenser notre neutralité dans le cadre nouveau de l’Europe. Il est
714 Le fameux équilibre stratégique de l’Europe qu’on a coutume d’invoquer pour justifier l’espèce d’exterritorialité dont jo
715 pant que la convergence finale des faits que l’on a rappelés dans ce numéro, des questions qu’on y a posées, des thèses q
716 a rappelés dans ce numéro, des questions qu’on y a posées, des thèses qu’on y a soutenues. La géographie et l’histoire,
717 es questions qu’on y a posées, des thèses qu’on y a soutenues. La géographie et l’histoire, l’agencement de nos instituti
718 râce à elle que l’Occident s’est édifié, et qu’il a dominé le monde. Elle n’est nullement, comme certains voudraient le c
719 émigrée, mais au nom du principe fédéral que nous avons à incarner, on pourra dire que la Suisse a retrouvé sa raison d’être,
720 us avons à incarner, on pourra dire que la Suisse a retrouvé sa raison d’être, et d’être neutre. Quoi de plus comique et
721 s sommes précisément en train de perdre ce qu’ils ont trouvé, le sens de la réalité irremplaçable d’une nation. L’autorité
722 mmes dès maintenant. 2. — La culture. D’autres en ont parlé plus longuement dans ce numéro. Je ne l’envisage ici que sous l
723 Ramuz insiste avec raison sur le fait que nous n’ avons pas une culture nationale unifiée, mais des cultures diversifiées, ré
724 à-dire de près, corps à corps. Croit-on que Ramuz eût écrit ce Chant de notre Rhône, si « roman », sans le voisinage german
725 si « roman », sans le voisinage germanique qui l’ a contraint à formuler sa différence spécifique ? En France même, quoi
726 et enrichi par le génie du Rhin ? Pour nous qui n’ avons pas les mêmes raisons de construire des Bastions de l’Est, la situati
727 me des valeurs que les nations qui nous entourent ont illustrées l’une après l’autre, mais n’ont pas pu synthétiser et reli
728 ourent ont illustrées l’une après l’autre, mais n’ ont pas pu synthétiser et relier. Elles avaient d’autres choses à faire.
729 e, mais n’ont pas pu synthétiser et relier. Elles avaient d’autres choses à faire. Elles ont été grandes tour à tour, dans la m
730 ier. Elles avaient d’autres choses à faire. Elles ont été grandes tour à tour, dans la musique ou la peinture, la poésie ou
731 squ’à dire que notre grandeur culturelle est de n’ avoir pas de culture suisse, mais seulement une culture européenne ? On nou
732 , mais seulement une culture européenne ? On nous a donné par-dessus un Gottfried Keller et un Ramuz. Ceux-là ne sont Eur
733 t nous pousse à continuer, et qui, je le crois, n’ a pas encore réalisé ses possibilités extrêmes. Nous avons le goût du m
734 as encore réalisé ses possibilités extrêmes. Nous avons le goût du moyen, c’est entendu, et je l’accorde à Ramuz, et je m’en
735 r un luxe. (Nulle part, je crois, les écrivains n’ ont moins d’action sur la vie politique.) Il est clair, et on le dit asse
736 .) Il est clair, et on le dit assez pour que je n’ aie pas à insister, que l’armée d’un petit pays neutre est très facilemen
737 fin. Que l’armée soit proche du peuple, cela doit avoir pour effet idéal de « civiliser » la milice ; que cela ait pour effet
738 effet idéal de « civiliser » la milice ; que cela ait pour effet concret de militariser l’esprit public, voilà l’indice qu’
739 ortant de rappeler que l’armée d’une fédération n’ a pas de raison d’être en soi, si l’on ne croit pas à cette fédération
740 une classe, de ses intérêts, de son ordre. Il n’y aurait aucun avantage à combattre l’esprit de caste si c’était pour le rempl
741 dans ce pays, de l’opinion moyenne des citoyens, ont retrouvé le sens de notre destinée, et notre chance unique de grandeu
742 intention, les « utopies » personnalistes. Nous n’ avons donc pas à renverser l’ordre politique existant — comme c’est le cas
743 érielles, qui sont petites, qui sont médiocres. J’ ai cité le cas de la presse, se réduisant elle-même au rôle de presse lo
744 chanalyse… Mais il ne semble pas que les Genevois aient su reconnaître à cette heure-là la renaissance possible de leur grand
745 er, à ce propos, que le groupe de L’Ordre nouveau avait déduit, de ses principes fondamentaux, une organisation tout analogue
746 mandes ne dissocient le lien des cantons, et l’on avait par trop souffert de la grande politique des voisins. 82. Dans toute
38 1938, Esprit, articles (1932–1962). La passion contre le mariage (septembre 1938)
747 légendes primitives de Tristan et Iseut, l’auteur a été conduit à rechercher les origines religieuses de ce roman, dont l
748 . Un tel Amour n’admet point le mariage, car il n’ a pas pour fin suprême la vie, mais bien la mort libératrice des liens
749 a mort libératrice des liens terrestres : comme l’ a magnifiquement montré Wagner. C’est cet Amour mystique, bientôt sécul
750 u contraire elle ordonnait la chasteté. Mais nous avons montré que le symbole courtois de l’amour pour une Dame spirituelle,
751 ne saurait être à plein vécue que par ceux qui «  ont passé par là ». Or la passion et le mariage sont par essence incompat
752 ines provinces, jusqu’en plein xviie siècle : on avait oublié les mystères originels, mais les rites gardaient pour effet de
753 dicule : elle prend figure de conformisme. Il n’y a plus, à proprement parler, conflit de deux morales hostiles — et par
754 sera pas Dieu. Le bonheur est une Eurydice : on l’ a perdu dès qu’on veut le saisir. Il ne peut vivre que dans l’acceptati
755 ication. C’est qu’il dépend de l’être et non de l’ avoir  : les moralistes de tous les temps l’ont répété, et notre temps n’app
756 n de l’avoir : les moralistes de tous les temps l’ ont répété, et notre temps n’apporte rien qui doive nous faire changer d’
757 anter l’Amour. Et c’est pourquoi certains auteurs ont pu parler d’une féodalité démocratique en Languedoc. Il est clair qu’
758 épouser l’héritière87. De même, le Prix de Beauté a quelque chance de devenir comtesse ou milliardaire. C’est une « adapt
759 ! La sempiternelle illusion, la plus naïve et — j’ ai beau dire ! — la plus « naturelle » pensera-t-on… Illusion de liberté
760 anciens Que dans une autre existence peut-être J’ ai déjà vue, et dont je me souviens… Image de la mère, sans nul doute,
761 nes, ne sait plus même être fidèle, puisqu’elle n’ a plus pour fin la transcendance. Elle épuise l’une après l’autre les i
762 lité. Qui ne sent la dégradation d’un Tristan qui a plusieurs Iseut ? Or ce n’est pas lui qu’il convient d’accuser, mais
763 dent trop vite, ils cèdent avant que l’expérience ait abouti. Sans cesse, il faut recommencer cette ascension de l’âme dres
764 voluptueux. Il vit toujours dans l’immédiat, il n’ a jamais le temps d’aimer — d’attendre et de se souvenir — et rien de c
765 pelait, c’était la mort transfigurante. Mais nous avons perdu la transcendance. La mort n’est plus qu’une métaphore, couvrant
766 u’il ne sait plus posséder ni plus aimer ce qu’il a dans le réel. Il a perdu la seule chose nécessaire : le sens de la fi
767 osséder ni plus aimer ce qu’il a dans le réel. Il a perdu la seule chose nécessaire : le sens de la fidélité. Car voici l
768 ains sont en proie au délire de Tristan. Bien peu ont assez soif pour boire le philtre, et j’en vois moins encore être élus
769 yses qui précèdent ; mais je sens bien qu’elles m’ ont porté déjà aux limites du désobligeant : nous aimons trop nos illusio
770 s plus intimes et les plus solidement ancrées. On a peur de paraître « puritain ». On s’efforce de faire la part du feu,
771 (d’après les recettes). Personne, que je sache, n’ a encore osé dire que l’amour tel qu’on l’imagine de nos jours est la n
772 qu’il y a là quelque chose d’inquiétant, mais on a peur, en le combattant, de parler comme un philistin. (Ce qui se prod
773 nte pas le courant de toute l’époque ; la passion a toujours existé, elle existera donc toujours, et nous ne sommes pas d
774 sociaux, développé sans violences extérieures, n’ avait que plus gravement miné l’éthique matrimoniale de la jeunesse. La déc
775 amour courtois sera fermé. L’Europe de la passion aura vécu. Un Occident nouveau, imprévisible, naîtra dans les laboratoires
776 clame que l’homme ne doit pas séparer ce que Dieu a uni ; soit enfin sur des entretiens de Jésus ressuscité et de ses dis
777 rois « hypothèses » humaines… 84. Les gnostiques ont souvent exprimé cette opinion : « Les crimes sont un tribut payé à la
778 s obstacles au désir — on les invente s’il n’y en a pas — et toute la dialectique de la passion qui se distingue de celle
779 ologie celtique. 91. L’Encyclique Casti connubii a répondu à la décision des évêques anglicans dite de Lambeth. Les cong
780 olm et d’Oxford (toutes les églises non romaines) ont également abordé le problème. 92. Il serait curieux de retrouver que
781 uver quel est l’auteur — évidemment moderne — qui a parlé le premier d’un « problème sexuel » — idée comique pour un Anci
39 1938, Esprit, articles (1932–1962). Revue des revues (septembre 1938)
782 e aventure d’intolérance et d’inquisition où nous avons à peu près tout à perdre ». Enfin M. Haedens demande que l’on remplac
783 e en termes de littérature, et l’Action française a été surtout un mouvement de conservatisme littéraire (comme l’a fait
784 un mouvement de conservatisme littéraire (comme l’ a fait voir la toute récente substitution du fauteuil académique au trô
785 Friedland, nouvelle de Drieu la Rochelle. « Qui n’ a pas connu les années d’après-guerre n’a pas connu la douceur de vivre
786 . « Qui n’a pas connu les années d’après-guerre n’ a pas connu la douceur de vivre ». Illustration : « Il y avait de charm
787 artificiel, et de cette « douceur de vivre », en a gardé — tout au moins dans son style — la sécheresse aiguë, mais non
788 u le courrier, renchérit encore, et prétend qu’on a tenu au cacho[t], durant près d’un demi-siècle, la poésie de la Franc
789 ur la première fois en 1888. C’est donc lui qui l’ avait cloîtrée ? — Pour un collège de sociologie : Nous y reviendrons. aw
40 1938, Esprit, articles (1932–1962). L’amour action, ou de la fidélité (novembre 1938)
790 sens d’assez profondes raisons de le consentir. J’ ai voulu décrire la passion comme une entité historique, née dans un tem
791 ont le cours est calculable. (Au xiie siècle). J’ ai cru cerner le secret de son mythe. La découverte ne serait pas néglig
792 . Et pour tout dire, j’ignore encore si cela peut avoir un sens : approuver ou rejeter la passion. Combien serait vaine l’att
793 assion, quelle qu’elle soit, ne peut ni ne veut «  avoir raison ». Contre elle, on a toujours raison, dès l’instant qu’on parl
794 peut ni ne veut « avoir raison ». Contre elle, on a toujours raison, dès l’instant qu’on parle raison. Car l’homme de la
795 ut, à l’origine et à la fin de la passion, il n’y a pas une « erreur » sur l’homme ou Dieu — a fortiori pas une erreur « 
796 il n’y a pas une « erreur » sur l’homme ou Dieu — a fortiori pas une erreur « morale » — mais une décision fondamentale d
797 et reconnaître à leurs effets les décisions qu’il a risquées. C’est donc un parti pris tout personnel que je vais tenter
798 lables. De tous temps, les raisons des philistins ont eu mauvaise conscience devant les ironies du romantique. Mais elles s
799 es. De tous temps, les raisons des philistins ont eu mauvaise conscience devant les ironies du romantique. Mais elles sont
800 une fois appariés ? Ignore-t-on la réalité, ou n’ a-t -on rien à dire de plus sérieux ? Poussez la première porte venue ! Ce
801 p trouverait à se justifier. Oui, les romantiques ont raison ; et les réalistes ont raison ; et les clercs aussi ont raison
802 ui, les romantiques ont raison ; et les réalistes ont raison ; et les clercs aussi ont raison, quand ils déclarent au nom d
803 et les réalistes ont raison ; et les clercs aussi ont raison, quand ils déclarent au nom de leur vocation qu’il faut choisi
804 liberi aut libri disait Nietzsche. Et Kierkegaard a raison plus qu’eux tous, lui qui d’abord exalte la passion, comme éta
805 eut l’éternité ! Que répondre à cet homme qu’il n’ ait déjà mieux dit ? Il a su louer le philistin et le romantique, et leur
806 ondre à cet homme qu’il n’ait déjà mieux dit ? Il a su louer le philistin et le romantique, et leur donner raison au poin
807 leur donner raison au point de leur faire honte d’ avoir parfois douté d’eux-mêmes ; mais à la fin il n’écrase pas seulement c
808 et Calvin, tous deux mariés ; puis les Pères pour avoir loué le mariage ; enfin saint Paul, pour l’avoir toléré… (Seul le Chr
809 avoir loué le mariage ; enfin saint Paul, pour l’ avoir toléré… (Seul le Christ a vécu en chrétien !) Et comment réfuter ce f
810 saint Paul, pour l’avoir toléré… (Seul le Christ a vécu en chrétien !) Et comment réfuter ce furieux ? Les incroyants so
811 . Toutefois, pour éviter l’impudicité, que chacun ait sa femme, et que chaque femme ait son mari… La femme n’a pas autorité
812 ité, que chacun ait sa femme, et que chaque femme ait son mari… La femme n’a pas autorité sur son propre corps, mais c’est
813 mme, et que chaque femme ait son mari… La femme n’ a pas autorité sur son propre corps, mais c’est le mari ; et pareilleme
814 , mais c’est le mari ; et pareillement, le mari n’ a pas autorité sur son propre corps, mais c’est la femme. Ne vous prive
815 e chacun marche selon la part que le Seigneur lui a faite, selon l’appel qu’il a reçu de Dieu… Que chacun, frères, demeur
816 que le Seigneur lui a faite, selon l’appel qu’il a reçu de Dieu… Que chacun, frères, demeure devant Dieu dans l’état où
817 ure devant Dieu dans l’état où il était lorsqu’il a été appelé (vierge ou marié)… usant du monde comme n’en usant pas, ca
818 umain, qui s’appelle le Royaume de Dieu (« Il n’y aura plus ni hommes ni femmes »), je borne ma vision et mon espoir à une p
819 nt parle Nietzsche. Mais si je sais que l’Apôtre a raison, et si je l’accepte, je considère alors l’équilibre imparfait
820 rreur du bon sens est tout à fait grossière. Vous aurez beau tenter de mettre au départ toutes les chances de votre côté — et
821 n d’une union faite en connaissance de causes. Il a fallu, dit-on, des millénaires à la nature pour sélectionner les espè
822 les espèces qui nous paraissent adaptées. Et nous aurions la prétention de résoudre d’un coup, en une seule vie, le problème de
823 peut rien fonder qui dure sur le mensonge. Il n’y a personne au monde qui puisse me combler : à peine comblé je changerai
824 à je ne sais quels transports divins — il faut n’ avoir connu que peu de solitude et peu d’angoisse, très peu de solitaire an
825 moralistes et certains sociologues (dont Engels) ont essayé de prouver que la monogamie est naturelle, et de plus qu’elle
826 égleront sur la raison et l’intérêt : quand ils n’ auront plus de passions, quand ils cesseront de préférer l’erreur comme tell
827 ri qui trompe sa femme ; il dit tantôt : « Cela n’ a pas d’importance, cela ne change rien à nos rapports, c’est une passa
828 ois ! » Du cynisme au tragique romantique, il n’y a pas de contradiction profonde, nous l’avons vu95. Dans les deux cas,
829 e, il n’y a pas de contradiction profonde, nous l’ avons vu95. Dans les deux cas, il s’agit de s’évader hors de tout engagemen
830 la plus grande sagesse ; et que le bonheur qu’il a renoncé lui est rendu, comme Isaac fut rendu à Abraham. Mais alors il
831 de grandeur où nos mesures et nos équivalences n’ ont plus cours.) Mais savons-nous encore imaginer une grandeur qui n’ait
832 is savons-nous encore imaginer une grandeur qui n’ ait rien de romantique ? Et qui soit le contraire d’une ardeur exaltée ?
833 ari fidèle, ne serait-ce pas simplement celui qui a reconnu dans sa femme une Iseut ? Lorsque l’amant de la légende manic
834 Iseut ? Lorsque l’amant de la légende manichéenne a traversé les grandes épreuves d’initiation, souvenez-vous de la « jeu
835 r l’autre. L’analyse des légendes courtoises nous a révélé que Tristan n’aime pas Iseut mais l’amour même, et au-delà de
836 origines mystiques, la « fidélité passionnée » n’ a gardé parmi nous que l’illusion d’accéder à une vie plus ardente. Mai
837 ur qu’il cesse de me faire souffrir, et qu’il n’y ait plus que « moi-le-monde » ! Mais l’amour du mariage est la fin de l’
838 t c’est Éros, l’amour-passion, l’amour païen, qui a répandu dans notre monde occidental le poison de l’ascèse idéaliste —
839 e à l’Évangile. C’est Éros, et non pas Agapè, qui a glorifié notre instinct de mort, et qui a voulu le « spiritualiser ».
840 pè, qui a glorifié notre instinct de mort, et qui a voulu le « spiritualiser ». Mais Agapè se venge d’Éros en le sauvant.
841 lors que le Verbe s’est fait chair et qu’il nous a parlé en mots humains, nous avons appris cette nouvelle : ce n’est pa
842 chair et qu’il nous a parlé en mots humains, nous avons appris cette nouvelle : ce n’est pas l’homme qui doit se délivrer lui
843 e qui doit se délivrer lui-même, c’est Dieu qui l’ a aimé le premier, et qui s’est approché de lui. Le salut n’est plus au
844 s ici-bas, dans l’obéissance à la Parole. ⁂ Et qu’ aurions -nous alors à craindre du désir ? Cela seulement : qu’il nous détourne
845 ir par l’examen d’un fait connu. Le christianisme a proclamé l’égalité parfaite des sexes, et cela de la manière la plus
846 cela de la manière la plus précise : La femme n’ a pas autorité sur son propre corps, mais c’est le mari ; et pareilleme
847 s, mais c’est le mari ; et pareillement le mari n’ a pas autorité sur son propre corps, mais c’est la femme. (I. Cor. 7.)
848 e autonome, étrangère, d’une vie totale dont il n’ a désiré vraiment qu’un illusoire ou fugitif aspect, projeté peut-être
849 rités psychologiques. Notre analyse du mythe nous a fait voir pourquoi l’on aime croire à la fatalité, qui est l’alibi de
850 ’alibi de la culpabilité : « Ce n’est pas moi qui ai commis la faute, je n’y étais pas, c’est cette puissance fatale qui a
851 Tout d’abord : ce n’est pas le christianisme qui a fait naître la passion, mais c’est une hérésie d’origine orientale. C
852 gement d’adresse d’une force que le christianisme a réveillée et orientée vers Dieu »102. Il est plutôt le sous-produit d
853 ormer le pécheur dans son âme et dans sa conduite a entraîné en Occident l’idée de transformer le milieu humain (d’où le
854 stianisme, accueilli par les Indes ou la Chine, y eût produit les mêmes effets. Mais la réponse n’importe pas ici : il nous
855 passion. Ce qui peut induire en erreur, et ce qui a introduit de fait une fatale erreur dans l’activisme moderne, c’est l
856 principal moteur de la recherche mécanique : on l’ a bien vu depuis 1915. Mais cette union tout à fait monstrueuse des for
857 Europe succombe à son mauvais génie, ce sera pour avoir trop longtemps cultivé la religion antichrétienne de la passion. ⁂ Fa
858 croyances. Mais dira-t-on, ces mêmes croyances n’ ont pas produit les mêmes effets parmi les peuples de l’Orient ? C’est qu
859 armi les peuples de l’Orient ? C’est qu’elles n’y ont pas trouvé les mêmes obstacles. Ainsi notre chance dramatique est d’
860 s obstacles. Ainsi notre chance dramatique est d’ avoir résisté à la passion par des moyens prédestinés à l’exalter. Telle fu
861 n pouvoir d’approfondir l’être créé dans ce qu’il a de particulier. C’est tout le secret de notre fidélité. La sagesse or
862 eurs reprises, la connaissance de ces périls nous a fait entrevoir des possibilités de les surmonter. Par exemple, il se
863 , pourront en constituer la conclusion ouverte. J’ ai tenté de débrouiller certains problèmes posés en termes d’histoire et
864 re et simple négation de l’un de ses termes. Je l’ ai dit et j’y insiste encore : condamner la passion en principe, ce sera
865 sorte et à priori toute passion, c’est qu’il n’en a connu aucune, et qu’il est en deçà du conflit. Pour cet homme-là le s
866 er maintenant et vivre dans le monde comme s’il n’ avait pas d’autre tâche ni plus urgente ni plus haute. Ce « chevalier de la
867 ’importe quel honnête bourgeois. Et pourtant « il a tout renoncé dans une infinie résignation, et s’il a tout ressaisi pa
868 out renoncé dans une infinie résignation, et s’il a tout ressaisi par la suite, c’est en vertu de l’absurde (c’est-à-dire
869 r du mouvement de retour de la passion, tel que l’ a décrit Kierkegaard. Au sommet de l’ascension spirituelle qu’il nous r
870 3. Je m’en tiens au « cas-limite » de Tristan ; j’ ai connu des amants chrétiens qui eussent considéré cette phrase comme u
871 de Tristan ; j’ai connu des amants chrétiens qui eussent considéré cette phrase comme une cynique méconnaissance de leur piété
41 1938, Esprit, articles (1932–1962). Suite à « La passion contre le mariage » (décembre 1938)
872 dans notre dernier numéro. Une erreur de montage a fait sauter la seconde (où notre ami Miatlev protestait de ne pas lir
873 ci : Au sujet de la lettre du R. P. Lavaud — je n’ ai rien voulu dire d’autre que cela même que précise l’auteur : à savoir
874 point à marquer. Il me semble qu’en général on l’ a compris comme je le pensais : ce n’est point le sacrement qui « fait
875 ne « prétends pas classer Lawrence parmi ceux qui ont méconnu » le problème que j’aborde. Mais le chapitre qui paraît aujou
876 paraît aujourd’hui précise assez ma position : on a pu voir les motifs que j’avais de ne point en appeler à Lawrence pour
877 assez ma position : on a pu voir les motifs que j’ avais de ne point en appeler à Lawrence pour appuyer une thèse chrétienne.
42 1939, Esprit, articles (1932–1962). D’une critique stérile (mai 1939)
878 nalistes pour critiquer le régime des partis. Ils ont mené cette critique dès leurs débuts, dès les années 1930 à 1932, ave
879 iolence qui alors n’étaient pas sans mérites. Ils ont prédit l’évolution actuelle, l’usure de la droite, puis de la gauche
880 e, pour assurer le « salut » de nos libertés… Ils ont écrit et dit tout cela, avant les autres, dans Esprit et dans L’Or
881 prouver. Or, il ne paraît pas qu’à cette critique ait répondu jusqu’à présent un dynamisme constructeur d’une intensité com
882 seraient fondés à nous dire aujourd’hui : « Vous avez très bien vu pourquoi nous ne ferions rien. Mais dites-nous maintenan
883 t pourquoi vous-mêmes, connaissant nos erreurs, n’ avez rien fait de mieux ? » Certains seront tentés de répondre que l’espèc
884 isif. Je crains bien qu’au contraire le mouvement ait péché par défaut de radicalisme dans sa critique négative. Mon expér
885 t trop puissants dans l’État, mais parce qu’ils n’ ont aucune puissance véritable, créatrice. 17. Ce que l’on nomme la puiss
43 1939, Esprit, articles (1932–1962). Autour de L’Amour et l’Occident (septembre 1939)
886 le et ironique, provoque et engage un dialogue. J’ ai d’autant moins envie de m’y soustraire que les chapitres de mon livre
887 utôt le moment décisif. Par exemple, l’histoire n’ a pour moi d’autre sens que d’illustrer certaines décisions actuelles.
888 er certaines décisions actuelles. Cette méthode n’ a rien d’objectif au sens qu’a pris le mot pendant le xixe siècle. En
889 les. Cette méthode n’a rien d’objectif au sens qu’ a pris le mot pendant le xixe siècle. En effet, l’objectivité érudite
890 t qu’interprète et théologien de l’histoire, je n’ ai pas été sans découvrir dans votre article une faculté d’interprétatio
891 ez la légende de Rudel, et vous me reprochez de n’ avoir pas rêvé là-dessus et de n’en avoir tiré qu’un argument de tortionnai
892 eprochez de n’avoir pas rêvé là-dessus et de n’en avoir tiré qu’un argument de tortionnaire. Vous ajoutez que je suis insensi
893 lle110. Or il se trouve que plusieurs critiques m’ ont adressé le reproche inverse : celui d’avoir donné de l’amour courtois
894 iques m’ont adressé le reproche inverse : celui d’ avoir donné de l’amour courtois une description si enthousiaste qu’à la fin
895 me. Je pourrais, je devrais vous dire que si je n’ avais pas rêvé (et un peu plus…) sur l’aventure de Rudel, si j’étais insens
896 re, si je croyais cette conception dépassée, je n’ aurais pas écrit mon livre. L’amour courtois, ça existe tellement que j’en a
897 e. L’amour courtois, ça existe tellement que j’en ai fait la cause principale de la crise du mariage moderne ! Et c’est si
898 r renoncer. C’est cela que vous me reprochez de n’ avoir pas assez exalté. Mais alors, je vous pose cette question : si j’avai
899 é. Mais alors, je vous pose cette question : si j’ avais exalté davantage tout ce reste, mes conclusions, à votre sens, s’en f
900 que. « Je ne puis, moi, renoncer à rien de ce qui a été humain », dites-vous. « Il me faut à tout prix que je puisse l’as
901 psychographes). Votre insistance à me reprocher d’ avoir sous-estimé ce que j’appelle insolemment « le reste », m’amène à me d
902 de reconnaître qu’à l’origine de ce débat il n’y a pas seulement en cause une certaine conception « dissonante » de l’am
903 de Transjordanie profère une vérité première. (J’ avais été tenté de citer l’anecdote dans mon livre.) Placée comme cela, en
904 s l’inverse n’est pas prévu.   Post-Scriptum. — J’ avais commencé de lire le numéro d’Esprit par la fin, comme tout le monde.
905 fin, comme tout le monde. Cette réponse écrite, j’ ai lu votre « Tristesse de l’historien ». (Mounier et Niklaus, qui sorte
906 s dans Penser avec les mains . Indications que j’ ai d’ailleurs retrouvées à leur tour chez Hamann ! L’Histoire comme prop
907 relative à mon Amour  : « Quand j’étais jeune, j’ aurais parfaitement méprisé votre manière si cavalière d’expédier les problè
908 rez en modèle à vos disciples. (Mais oui, vous en avez , et je les souhaite nombreux : car avec de tels maîtres, ils auront b
909 souhaite nombreux : car avec de tels maîtres, ils auront bientôt fait de retrouver la joie de l’historien !) 109. Je lisais
910 s de travail sur les troubadours, à Francfort, il avait tenu à faire deux semestres à Toulouse. Il y arrive tout excité. Le p
911 d’Asin Palacios que l’on peut discuter — et on l’ a fait ! — mais que je n’avais pas le droit d’ignorer. bb. Rougemont
912 peut discuter — et on l’a fait ! — mais que je n’ avais pas le droit d’ignorer. bb. Rougemont Denis de, « Autour de L’Amour
913 s la note de ce dernier dans Esprit d’avril, nous a paru propre à intéresser nos lecteurs. Voici d’abord une lettre de Ro
44 1946, Esprit, articles (1932–1962). « Un divorce entre le christianisme et le monde ? » (août-septembre 1946)
914 hapeau suivant : « Certains de nos correspondants ont posé la question préalable. Un divorce entre le christianisme et le m
45 1946, Esprit, articles (1932–1962). Épilogue (novembre 1946)
915 ou moins littéraires, un torrent de clichés qui n’ ont aucun rapport avec la question, et des affirmations grandiloquentes d
916 C’est ainsi que de 1942 à 1946, l’État américain a contrôlé les prix, la répartition de la main-d’œuvre aux entreprises
917 sentait environ les 9/10 de la production. Le job a été bien fait : l’Allemagne et le Japon ont été battus. Et les agence
918 Le job a été bien fait : l’Allemagne et le Japon ont été battus. Et les agences de contrôle des prix, de la main-d’œuvre e
919 qui veut dire que pendant quatre ans, l’Amérique a « nationalisé » (ou plus exactement étatisé) toute son industrie et t
920 rquoi les partis ne s’en sont point occupés, et n’ ont point jugé nécessaire de proclamer l’union sacrée, au terme de négoci
921 ne politique nécessairement improvisée, puisqu’il a reçu ses pouvoirs au moment même où il devait en faire un usage maxim
922 plus sagement en 24 heures que le vieux routier n’ avait su le faire en plusieurs mois. Les Anglais ont ce proverbe : « Ne cha
923 ’avait su le faire en plusieurs mois. Les Anglais ont ce proverbe : « Ne changez pas de chevaux au milieu du fleuve ». Les
924 majorité protestantes, ce qui doit rassurer. Ils ont donné nos meilleurs immigrants, ceux qui ont fondé nos vieilles famil
925 Ils ont donné nos meilleurs immigrants, ceux qui ont fondé nos vieilles familles. Quels sont les pays qui marchent mal et
926 irs sont suspects, tous les villains de nos films ont les cheveux noirs. De plus l’Allemand est propre et travailleur, et m
927 -mère était du Wurtemberg. Les Italiens ? Nous en aurons bientôt autant chez nous qu’il en reste là-bas. Nous aimions beaucoup
928 Guardia, que nous baptisions la Fleurette. Nous n’ avons jamais admiré Mussolini, comme l’ont fait les bourgeois d’Europe : ce
929 te. Nous n’avons jamais admiré Mussolini, comme l’ ont fait les bourgeois d’Europe : ce n’était pas un regular guy. Le Vatic
930 urope : ce n’était pas un regular guy. Le Vatican a la plus vieille diplomatie secrète du monde : c’est sans doute lui qu
931 our le commerce et pour l’avenir de la paix. Vous avez bien envie de savoir ce que je pense de l’URSS ? Mais aussi… Une moit
932 se met à vous ressembler si curieusement. Nous n’ avons guère plus que lui le sens de la vie privée, nous avons le même goût
933 guère plus que lui le sens de la vie privée, nous avons le même goût de la production en masse et sans y regarder de trop prè
934 roximité géographique de la Russie. Pourquoi donc aurions -nous organisé, par les soins de la marine de guerre, et comme pour dé
935 e si l’on venait de leur marcher sur le pied. Ils ont les cheveux noirs, attention. Mais dans trois de leurs États, les der
936 e tous ceux qui décrivent une nation étrangère, j’ ai péché par stylisation. Ajouter des nuances à mon tableau n’arrangerai
937 e incohérence interne. Mais je vois bien que je n’ ai pas su la faire sentir autant que je la sens et peut-être n’y parvien
938 dans une culture. Les meilleurs d’entre nous les ont encore, tandis que les masses chez eux les fuient et que leurs élites
939 ns aux fins. La volonté de prendre conscience. J’ ai dit qu’ils rêvent. J’ajouterai qu’ils détestent celui qui vient les r
940 douleur, mais ils préfèrent l’anesthésie. Aussi n’ ont -ils pas de philosophes, ni de mystiques, mais beaucoup de paradis art
941 e 1928, Hitler, la guerre, et quelques privations ont causé les premières fissures dans cet édifice d’inconscience que chac
942 ui épargner ? Si l’Europe peut y contribuer, elle aura bien mérité de la planète. Comment l’Amérique peut aider l’Europe
943 ique les quelques pages qui précèdent. L’Amérique a les reins solides. Elle a, sur tout autre pays que je connaisse, l’av
944 i précèdent. L’Amérique a les reins solides. Elle a , sur tout autre pays que je connaisse, l’avantage d’accueillir les cr
945 ’améliorer. J’y vois la marque de sa force. Qui n’ a pas lu les éreintements de l’esprit américain auxquels se livrent ave
946 ue l’Europe dure encore — et le reste du monde en a besoin — ne vous contentez pas d’appeler périodiquement l’Amérique à
947 sitôt le travail fait. Sachez que les Américains ont beaucoup mieux à nous donner que des frigidaires, des capitaux et des
948 s donner que des frigidaires, des capitaux et des avions . Ils ont libéré nos villages. Libérons-nous à leur contact, à leur ex
949 des frigidaires, des capitaux et des avions. Ils ont libéré nos villages. Libérons-nous à leur contact, à leur exemple, de
950 s, à trouver drôles plutôt que ridicules ceux qui ont d’autres allures que nous. Apprenons d’eux la valeur créatrice d’un c
951 i d’être dignes non seulement d’un passé qui nous a faits, mais surtout d’un avenir qu’il dépend de nous de faire. Cette
46 1948, Esprit, articles (1932–1962). Thèses du fédéralisme (novembre 1948)
952 ogrès collectiviste ou de progrès capitaliste qui ont quitté notre continent, mais, à leur suite, les espoirs et les rêves
953 espoirs et les rêves des plus actifs d’entre nous ont émigré. La bourgeoisie, dans son ensemble, se contente d’un double re
954 t qu’il propage les antitoxines des virus dont il a infesté le monde entier. Il n’y a de fédération européenne imaginable
955 s virus dont il a infesté le monde entier. Il n’y a de fédération européenne imaginable qu’en vue d’une fédération mondia
956 nable qu’en vue d’une fédération mondiale. Il n’y a de paix et donc d’avenir imaginable que dans l’effort pour instaurer
957 gouvernement mondial. Et le monde, pour ce faire, a besoin de l’Europe, j’entends de son esprit critique autant que de so
958 qui formeront le gouvernement de l’Europe. Il n’y a pas d’autre voie possible et praticable. Les USA ne sont pas dirigés
47 1962, Esprit, articles (1932–1962). Lettre à Jean-Marie Domenach, à propos de « Sartre et l’Europe » (mai 1962)
959 « au fond, il ne fait que penser à l’Algérie ». J’ avais dit pour ma part deux mois plus tôt, et vous me citez : « Quand Sartr
960 ie gras circule » en Europe. Vous vous flattez d’ avoir en commun avec Sartre « le sens d’une responsabilité européenne », se
961 s sur le point de vue de Sartre. Mon article vous a servi : l’attaquer dépannait vos critiques aux yeux des bien-pensants
962 a face aux yeux de l’histoire, ce seront ceux qui auront dit que l’Europe était finie, quand il s’agissait de la faire. » C’ét
963 rie Domenach : « À la suite de la chronique que j’ avais consacrée à “Sartre et l’Europe” (Esprit, mars 1962), j’ai reçu une l
964 rée à “Sartre et l’Europe” (Esprit, mars 1962), j’ ai reçu une lettre de Denis de Rougemont dont on trouvera le texte ci-de
965 e polémique comporte une part de grossissement. J’ avais pris l’article de Rougemont comme symbole d’un “européanisme” obsédé
966 rticle. Pour le reste, il se peut que son texte m’ ait “servi”, comme il dit. Après quinze ans de métier, je reste, comme au
967 ntente donc d’assurer Rougemont que son article m’ a agacé et m’a mis en colère, d’où l’interprétation polémique que j’en
968 ’assurer Rougemont que son article m’a agacé et m’ a mis en colère, d’où l’interprétation polémique que j’en ai faite. » L
969 colère, d’où l’interprétation polémique que j’en ai faite. » L’article de Rougemont auquel il est fait allusion, intitulé