1 1932, Esprit, articles (1932–1962). À l’index (Première liste) : Candide (octobre 1932)
1 ide (octobre 1932)a Le numéro « exceptionnel » du 8 septembre de Candide nous apporte, pour l’anniversaire de la Marne,
2 ne parvient pas à égaler les célèbres galipettes du père de Salavin ou le « Français chez eux ». Mais lorsqu’il croque un
2 1932, Esprit, articles (1932–1962). On oubliera les juges (novembre 1932)
3 par le milieu, fument des cigarettes en taquinant du pied la crosse de leur fusil (baïonnette au canon). On a parqué le pu
4 été difficile de persister après le réquisitoire du Commissaire du gouvernement. Non pas que ses arguments fussent bien n
5 de persister après le réquisitoire du Commissaire du gouvernement. Non pas que ses arguments fussent bien neufs, ni même h
6 oisir ses complices. Sans entrer donc dans le vif du débat — à savoir si Martin, « objecteur de conscience », a donné par
7 s déduits par accident des principes fondamentaux du régime sont en contradiction formelle avec les actes juridiques dédui
8 s gens qu’il s’agit dans les deux cas, mais c’est du même état, qu’ils tolèrent.) 4° Il n’y a qu’un rapport de trahison en
9 ble de l’avoir accepté. » Sur quoi le commissaire du gouvernement croit pouvoir remarquer « que l’on n’est pas ici pour pa
10 cet avantage d’être une véritable « manifestation du régime ». Tout aveu de cet ordre concourt à la ruine de ses auteurs.
11 e ces débats une conclusion précise : la question du service civil est ouverte. Une carrière pour les réformistes ! Mais i
3 1933, Esprit, articles (1932–1962). Comment rompre ? (mars 1933)
12 urnal). La volonté de rupture est l’origine même du christianisme ; c’est pourquoi l’apparition d’une volonté contraire d
13 tait un aspect nécessaire de l’« ordre chrétien » du monde. Nous ne l’avons pas cru longtemps, — le temps de nous souvenir
14 ont.) Il faut qu’un cri jaillisse : c’en est fait du christianisme de la chrétienté ! Car ce cri est le témoignage d’un ré
15 établie » établissant à son tour un ordre injuste du monde et s’appuyant sur lui, en réalité n’est plus l’Église et n’a pl
16 alculé, tendant à désolidariser la « chrétienté » du désordre établi. Et pourquoi ? Parce que c’est tout à fait impossible
17 e, dégager de leurs complicités avec les « forces du monde ». Le chrétien ne connaît pas d’autre force réelle que celle de
18 ins réalisées, et constituent dans leur ensemble, du Moyen Âge à l’Amérique moderne, la grande Imposture dont nous avons à
19 es théologiques, puisque précisément, à l’origine du désordre, et plus encore dans son établissement, nous trouvons ce dés
20 in de parler des choses de la foi dans le langage du bonheur terrestre. La rupture que nous voulons n’aura de conséquences
21 sans se soucier de la justice de Dieu. Et la voix du prophète s’élève contre l’Église : « Tes amis t’ont jouée, t’ont domi
22 parlent de confisquer à leur profit « la primauté du Christ et celle de l’Europe 3 ». L’on voit des von Papen, délégués pa
23 vrons un journal de Paris. Un discours chaleureux du Père de la Brière4 voudrait nous enflammer contre une espèce de bolch
24 donnent pour chrétiens ? ⁂ Quand, par la maladie du monde, la « chrétienté » se trouve menacée, c’est déjà qu’elle mérite
25 mais peut-être avec ceux qu’il excite à l’attaque du désordre. « On voit maintenant, dit Kierkegaard7, toute l’extraordina
26 lie partie sous-main avec le scandale, en faisant du christianisme quelque chose de si lamentable, qu’il faille à la fin p
27 la faute n’en est pas à lui, mais à la défection du christianisme ; à cette défection élevée au rang d’Institution ecclés
28 le péché n’est pas le dérèglement de la chair et du sang, mais le consentement de l’esprit à ce dérèglement8 ». Et pourta
29 ut. Tel est le paradoxe, qui remonte au cœur même du christianisme, si le christianisme est la foi au Christ « éternelleme
30 tout : c’est la conversion. 1. L’Église « corps du Christ », en théologie ; et en réalité : corps officiellement constit
31 e actuel, capitaliste ou marxiste. Car la révolte du chrétien est immédiate, indubitable ; mais l’ordre chrétien, dont cer
32 défini par la Sorbonne, entre autres. 7. Traité du désespoir, trad. Gateau (Gallimard), p. 178. C’est nous qui soulignon
4 1933, Esprit, articles (1932–1962). Protestants (mars 1933)
33 urgeois protestant soit actuellement le type même du capitaliste conservateur. En réalité, dans ses pires errements, le pr
34 pourquoi nous voyons aujourd’hui à l’avant-garde du mouvement révolutionnaire, dans tous les pays où le protestantisme do
35 qu’elles ont, depuis la guerre, chez nos voisins. Du Front noir national-socialiste (Otto Strasser) jusqu’au Neue Volk mar
36 ien des Révolutions européennes — dans le domaine du service civil et des camps de travailleurs. Mais les tentatives de ru
37 ne fois de plus que le paradoxe de la « politique du pessimisme actif » inspirera toujours les constructions les plus vigo
38 érer beaucoup de nos polémiques byzantines autour du marxisme. Il le rejette en définitive, mais ce n’est pas sans avoir r
39 iser l’ordre social ». Certains même parlent déjà du devoir qu’aurait l’Église de « christianiser les mouvements radicaux 
40 où il semblait qu’elle dût s’occuper de la durée du travail, de la question des salaires, etc. Cette carence subite dans
41 iste de problèmes vieux comme le monde chrétien a du moins le mérite de débarrasser le protestantisme américain de son pié
42 qui les ferait retomber dans les vieilles erreurs du capitalisme puritain qu’ils veulent combattre ? Cette critique semble
43 lement le nom de Toyohiko Kagawa, le grand leader du jeune Japon. Cet homme extraordinaire que l’on a surnommé le forki ja
44 agawa est l’un des personnages les plus influents du Japon, et l’on n’a pas oublié son fameux message aux peuples chinois,
45 ocial qui représente l’aile gauche intellectuelle du protestantisme, s’attarde aux solutions réformistes et pacifistes, et
46 politique » allemande que dans le mince bulletin du groupe Hic et Nunc , et dans certains articles du Semeur , organe d
47 u groupe Hic et Nunc , et dans certains articles du Semeur , organe de la fédération chrétienne d’étudiants. Mais il y a
48 e donner un remarquable fascicule intitulé la Fin du bourgeois, au sommaire duquel figurent entre autres les noms de Eugen
5 1933, Esprit, articles (1932–1962). Loisir ou temps vide ? (juillet 1933)
49 Le malaise De même que le « spiritualisme » du siècle dernier mérite et conditionne le « matérialisme » de ce siècle
50 tuelle des loisirs est née la présente corruption du travail. Notre siècle ne connaît plus ni le travail ni le loisir depu
51 eut dire que nous en remettons. Fausse dignité du travail Les nécessités anonymes naissent et grandissent à la mesur
52 our assurer sa subsistance matérielle. La dignité du singe alors ? Elle apparaît très supérieure. Les singes gagnent leur
53 ailleurs. ⁂ On a voulu mettre l’esprit au service du « minimum de vie » que n’importe quel animal s’assure à moins de frai
54 la mesure de notre acte nous dépasse. « Primauté du spirituel » n’a pas d’autre sens pour nous. Bourgeois et marxistes pa
55 s. Bourgeois et marxistes partent de la nécessité du gain, — gagner sa vie. Nous partons de la liberté du risque, — perdre
56 gain, — gagner sa vie. Nous partons de la liberté du risque, — perdre sa vie. Cette opposition est tellement radicale, tel
57 e prendre au tragique l’opposition toute relative du communisme et du capitalisme. ⁂ Ils partent donc de la nécessité. Ils
58 ique l’opposition toute relative du communisme et du capitalisme. ⁂ Ils partent donc de la nécessité. Ils n’arriveront jam
59 er comme sa peine. Nous assistons au triple échec du cynisme grossier — « Je gagne mon bifteck » — de la morale bourgeoise
60 se, et de l’idéalisme socialiste, démocratisation du confort moyen et de la TSF dans un monde où le libre divertissement d
61 libre divertissement de chacun sera la condition du libre abrutissement de tous par la propagande électorale. Prendre le
62 re, c’est vicier à la base toutes les conceptions du loisir qui découlent de cette erreur spirituelle ; et principalement
63 flation mécanique, si l’on convient que la mesure du travail ne peut être prise ailleurs que dans la capacité humaine d’ut
64 ue dans la capacité humaine d’utiliser les effets du travail. Mais nous savons le vrai nom du « temps vuide » et c’est chô
65 s effets du travail. Mais nous savons le vrai nom du « temps vuide » et c’est chômage. Tout le mal est venu d’une séparati
66 e mal moderne est symbolisé par cette disjonction du travail et du loisir, dont il faut maintenant déceler la lâcheté orig
67 est symbolisé par cette disjonction du travail et du loisir, dont il faut maintenant déceler la lâcheté originelle. Car c’
68 temps rempli, d’un travail sans jeu, c’est-à-dire du travail forcé. (La logique du langage ici nous guide sûrement.) Qu’un
69 s jeu, c’est-à-dire du travail forcé. (La logique du langage ici nous guide sûrement.) Qu’une classe possédante en vienne
70 res consacraient à la création de leur puissance, du même coup elle décrète « forcé » le travail des classes chargées d’as
71 tre. Car si le loisir est simplement le contraire du travail, et son but ; si le labeur et le repos n’ont plus de finalité
72 our l’esprit qui les confronte, il n’y a plus que du désordre et des souffrances pour le corps qui les subit. L’acte or
73 araît maintenant évidente : remontant à la racine du mal, nous réduirons d’abord l’erreur cartésianiste11, la séparation d
74 s avec des mains créatrices. Nous dirons : le but du travail, ce n’est pas le loisir, mais la création. Et le but du loisi
75 n’est pas le loisir, mais la création. Et le but du loisir, ce n’est pas la jouissance, mais la création. Nous n’avons pa
76 sance, mais la création. Nous n’avons pas le goût du vide. Par cet acte, travail et loisir retrouveront leur commun sens :
77 importent, et fondent l’œuvre en dignité. Dignité du temps de l’homme. ⁂ Un jour, l’empereur de la Chine fait appeler aupr
78 dant vingt ans, l’empereur subvient à l’existence du peintre. Cependant l’artiste se promène. Sur les plages, il vagabonde
79 s rien de plus néfaste que la fameuse législation du travail (c’est-à-dire à partir du travail), sinon toutefois l’organis
80 use législation du travail (c’est-à-dire à partir du travail), sinon toutefois l’organisation des loisirs, qui lui sera tô
81 tative pour faire aimer aux hommes une caricature du travail créateur, l’émulation socialiste n’est rien d’autre qu’un nou
6 1934, Esprit, articles (1932–1962). Préface à une littérature (octobre 1934)
82 us voulons n’était rien d’autre que la subversion du désordre où nous sommes nés, d’où viendrait donc l’ordre vivant ? On
83 ouvoir qui nous désigne en même temps les méfaits du désordre établi et le principe vivant du nouvel ordre. Ce pouvoir, no
84 méfaits du désordre établi et le principe vivant du nouvel ordre. Ce pouvoir, nous le connaissons, dans la mesure où nous
85 nous faut apprendre le bien par la considération du désordre. Mais cet examen misérable ne mènera-t-il qu’à des révoltes
86 ir. On les trouvait plus amusants que les acteurs du jeu classique… Ils n’étaient que le non d’un non. Dirons-nous non à n
87 unanime figure la bonne conscience conservatrice du régime. Deuxième espèce : les poètes romantiques, chantres de l’Idéal
88 le drame. Et c’est la bonne conscience idéaliste du régime. « Littérature », opium des peuples incroyants. Notre troisièm
89 e l’immoralisme bourgeois trahissent la décadence du régime plus qu’ils n’annoncent la venue d’un nouvel ordre. Une critiq
90 lle prévoit des succès ; elle s’applique à parler du livre dont on parle plutôt que de celui dont il faudrait parler, et q
91 e — et pas seulement le non-bourgeois — qui pâtit du désordre établi. Notre littérature déshumanise l’homme, soit qu’elle
92 uelle est la nature de ces banalités ? L’aventure du romantisme et l’équivoque libérale ayant rapidement achevé de disqual
93 si nous trouvons ce principe, nous aurons trouvé du même coup la mesure du monde nouveau. Cette mesure concrète, cette ré
94 incipe, nous aurons trouvé du même coup la mesure du monde nouveau. Cette mesure concrète, cette référence universelle, ce
95 Initiation au réalisme enfin total, qui est celui du combat personnel ; initiation à la vision constituante de notre vie,
96 enre, minutieuse confrontation de l’idéal rêvé et du sordide quotidien. Mais Joyce est justement le plus parfait exemple d
97 nanimes à condamner sans nul recours, c’est celui du roman à thèse. Méfiance significative ! Les thèses de Bourget ne vala
98 eurs lecteurs au hasard, aux hasards des passions du jour, sans soupçonner les conséquences, économiques ou religieuses, p
99 fin pour liquider l’une des dernières « valeurs » du romantisme, je proposerais d’ériger en vertu le mépris d’une certaine
7 1934, Esprit, articles (1932–1962). Sur une nouvelle de Jean Giono (novembre 1934)
100 chemerle que ça s’appelle, je ne sais plus le nom du type qui a écrit le bouquin. Ah ça alors ! Tenez, c’est l’histoire d’
101 construire un des trucs-là juste en face l’église du village, vous voyez d’ici ! Et toutes les combines que ça amène, ah !
102 Les éditeurs s’efforcent de répondre à la demande du public. Il faut des livres faciles, des livres gais, etc. C’est, dise
103 er l’air d’être ou de n’être pas. Comme si le fin du fin, c’était de prendre au mot les pauvres hommes préalablement abêti
104 lu le livre. Je lui laisse donc la responsabilité du compte rendu qu’il m’en a fait. h. Rougemont Denis de, « [Compte re
8 1934, Esprit, articles (1932–1962). Définition de la personne (décembre 1934)
105 embre 1934)i L’auteur de cet essai fait partie du comité directeur de L’Ordre nouveau . D’autre part, il dirige la rev
106 ouchons de nos mains et voyons de nos yeux soient du tout plus concrets que l’acte qui consiste à les toucher et à les voi
107 naît jamais, comme feignent certains philosophes, du croisement de deux définitions. Les philosophes se résignent très mal
108 inverse. En d’autres termes, lorsque nous parlons du concret, nous supposons le problème résolu. Seule, une valeur détermi
109 même, provoquer aucune présence. C’est là le rôle du sujet, et sa nature. La manière d’être du sujet est essentiellement p
110 le rôle du sujet, et sa nature. La manière d’être du sujet est essentiellement provocante. Il cherche partout un objet qui
111 s déjà consciente ; cependant que l’objet, séparé du sujet, n’a rien en lui qui le pousse à chercher ce dont il manque, et
112 d’une fatalité abstraite pesant sur la conscience du sujet. Mais dès que l’homme secoue ce sortilège, sort de ses ombres,
113 ile, — qu’il agit. C’est pourquoi ils se trompent du tout, ceux qui considèrent l’homme, dans leurs calculs, comme un fact
114 côté de la fin qu’elle s’assigne, qui est l’étude du comportement humain. Il n’est de science que du régulier, c’est-à-dir
115 e du comportement humain. Il n’est de science que du régulier, c’est-à-dire de l’inhumain (à la limite), et c’est encore à
116 , et pour autant elle est bien obligée de prendre du recul par rapport à l’homme concret : mais alors il n’est plus concre
117 est plus concret ! Et c’est ainsi que l’existence du psychologue repose sur un sophisme qu’il faut qualifier d’inversion p
118 , et nous sculpte un visage lisible. Sur la scène du monde, où nous avons été placés, dans ce drame qu’il nous faut jouer
119 faveur de cette image, autorisée par l’étymologie du mot personne, nous pouvons voir d’abord que de l’individu à la person
120 l’individu à la personne, la différence est celle du figurant anonyme à l’acteur, de celui qui fait nombre à celui qui fai
121 t une vocation Qu’on n’oublie pas que la scène du drame, tout bien compté, est aussi vaste que le monde, et qu’il n’est
122 t le seul. Et l’on n’en peut sortir sans quitter, du même pas, la vie. C’est pourquoi le drame est sérieux ; et notre vie
123 à se comporter tout comme s’il connaissait le fil du drame. D’où lui vient tout à coup l’assurance que ce qu’il fait est d
124 it est dans son rôle ? Pour quelle raison sort-il du chœur des anonymes résignés, pour revêtir un vrai visage, un nom et u
125 ausalité claire. Ils sont là en dépit de la forme du monde, et par eux seuls s’opèrent ces transformations qui scandent la
126 rition qui s’y insère. C’est une nouvelle qualité du concret. Mais ce mystère de la présence, si l’on peut en décrire les
127 ison que ce beau cercle indivisible, irréfutable, du concret. Mais le jugement sceptique que la raison impersonnelle est i
128 à l’instant qu’il cesse de l’être. Ainsi la voie du mystère est visible : l’éternel ne touche le temps que par l’individu
129 s de fantômes et séparés par eux de nous-mêmes et du monde. Nous nous voyons dominés fréquemment par les objets que nous i
130 ont alors les lois mêmes de notre absence, celles du monde abandonné et qui paraît déterminé de soi, puisqu’il est vu préc
131 rsonnel est participation à l’actualité éternelle du Christ. 8. Communauté Tout ainsi que dans la Communion, Jésus-C
132 e rôle que jouait l’atome aux yeux des physiciens du dernier siècle : il est l’élément insécable qui marque la limite de d
133 l’individu n’est conçu qu’à partir de l’ensemble du corps social, comme un élément numérique, indifférencié, objectif. On
134 utopie sociologique qui prophétise la dissolution du corps social en individus libres au terme d’une évolution scientifiqu
135 ire que le bien de tous doive être mis au service du bien de chacun ? Prenons garde de retomber ici dans un ordre contract
136 it humain, et peut-être son contraire. La formule du rapport social ne doit pas contenir une revendication de droit, mais
137 tous n’est ni concevable ni réalisable aux dépens du bien de chacun ; il n’est que l’expression, de plus en plus abstraite
138 à mesure qu’on s’élève à des nombres plus grands, du pouvoir prochain de la personne ; il n’est rien s’il n’est pas l’exte
139 l n’est rien s’il n’est pas l’extension naturelle du risque et du concret de l’homme qui se dépasse. Qu’importe l’honneur
140 s’il n’est pas l’extension naturelle du risque et du concret de l’homme qui se dépasse. Qu’importe l’honneur d’un pays, s’
141 orte l’ordre de l’État, s’il se maintient au prix du désordre privé ? Qu’importe, en fin de compte, l’humanité, s’il n’y a
142 ’objet soit ou non présent. Mais alors le malheur du spiritualisme fut de se replier sur cette liberté pour la chérir dans
143 s. La révolte matérialiste trouve dans la carence du spiritualisme une espèce provisoire de justification. Il y a dans cet
144 orps et l’âme : c’est qu’il les a mal distingués. Du point de vue de la personne, le corps et l’âme sont deux aspects de l
145 erreur que de nommer « esprit » l’aspect original du corps humain ; c’est une étrange erreur que de rêver l’âme immortelle
146 de cette erreur qu’on croit pouvoir séparer l’âme du corps — quitte à ne plus savoir comment les réunir — ce que ne font n
147 ’impossible, ici, devient événement », que l’idée du concret cesse d’être une idée, que la personne existe et que l’acte t
148 vie, cette insensible et peu croyable distraction du monstre moi, qui suffit bien à l’éternelle vigilance pour me pousser
149 romesse aussi certaine que ma mort et que la mort du temps lui-même au Jugement. Ni la foi ne court sur son erre, ni l’hom
150 ’il fixe sans le dépasser. 19. L’aspect animique du corps disparaît, en fait, avant l’aspect proprement matériel. 20. La
151 « résurrection de la chair », non pas de l’âme ni du corps. i. Rougemont Denis de, « Définition de la personne », Esprit
9 1934, Esprit, articles (1932–1962). André Breton, Point du jour (décembre 1934)
152 André Breton, Point du jour (décembre 1934)j Le surréalisme s’est présenté comme révoluti
153 inanité d’une pareille prétention. Que reste-t-il du beau tapage ? À défaut de chefs-d’œuvre, un mode d’expression, trop r
154 ’homme ne peut avouer que s’il connaît un au-delà du désespoir. Faute de le pressentir, ils ont méconnu leur angoisse ; fa
155 pressentir, ils ont méconnu leur angoisse ; faute du courage de la considérer en face — ce courage que donne seule la foi
156 ait un jeu que de les classer dans les catégories du désespoir analysées par Kierkegaard, si nous étions assez détachés d’
157 . On est frappé d’abord par une certaine noblesse du port, par une certaine allure hautaine de la phrase. Mais que cet hom
158 valoriser (ou de transcender ? ) « la distinction du subjectif et de l’objectif ». Idée platonicienne et surtout romantiqu
159 n acte ? Alors qu’elle ne repose que sur l’espoir du faible : que la vie se fasse « toute seule », que l’homme ne soit plu
160 jeunes gens, un défaut de culture, au sens banal du terme, qui se trahit ici fâcheusement. Iront-ils au-delà du romantism
161 qui se trahit ici fâcheusement. Iront-ils au-delà du romantisme allemand — qu’on est heureux pourtant de les voir découvri
162 omme l’étymologie de leur pensée ? Ils ont essayé du marxisme ; ils retombent à l’idéalisme. La voie est sans issue, plus
163 nt Denis de, « [Compte rendu] André Breton, Point du jour  », Esprit, Paris, décembre 1934, p. 474-476.
10 1935, Esprit, articles (1932–1962). André Rouveyre, Singulier (janvier 1935)
164 , vraiment, réfléchit sous nos yeux. Ce n’est pas du récit. C’est une espèce de taraudage21. De temps en temps, il change
165 e d’un tel livre, lente et souvent reprise, donne du cœur à l’intelligence. Et l’austérité tendre de son « inquisition » r
11 1935, Esprit, articles (1932–1962). Albert Soulillou, Nitro (février 1935)
166 ne moins autobiographique, semble-t-il, que celui du jeune homme de tout à l’heure. Mais ici c’est un ouvrier qui parle. D
167 e, la critique d’art ou l’érotisme (effréné comme du mauvais Zola), l’intérêt humain faiblit, la critique littéraire repre
168 ultanément le besoin de s’exprimer par des romans du format standard : 224 ou 600 pages exactement. Il me semble que ce co
12 1935, Esprit, articles (1932–1962). Roger Breuil, Les Uns les Autres (avril 1935)
169 rois, avec le plus de sympathie et de pénétration du deuxième livre de Roger Breuil est Marcel Arland. Sans doute a-t-il r
170 une semblable patience ingénieuse dans l’approche du secret des êtres, enfin cette qualité de discrétion qui semble ici en
171 crétion qui semble ici encore imposée par l’objet du livre. Roger Breuil nous révèle une espèce de Français dont il est, s
172 s’instituer par le jeu des passions, ou les liens du métier, ou certains accidents heureux, entre des jeunes bourgeois, de
173 la vie communautaire, ce réalisme plein, ce sens du concret spirituel, cette amitié des hommes et du pays, qui permettra
174 du concret spirituel, cette amitié des hommes et du pays, qui permettra peut-être un jour prochain, de parler de nouveau
175 , de parler de nouveau de patrie. Il y a vraiment du nouveau dans cette œuvre, et c’est à nous plus qu’à quiconque qu’il a
13 1935, Esprit, articles (1932–1962). Kasimir Edschmid, Destin allemand (mai 1935)
176 rès-guerre. Personne n’en a parlé : on s’occupait du prix Goncourt et des travaux d’amateurs de quelques dames lettrées. P
177 e l’Amérique qu’il nous reste à découvrir : celle du Sud. Enfin, c’est un livre qui mériterait, mieux que celui de Malraux
178  ? Aux dernières pages, nous voyons Bell, le chef du groupe, agoniser dans une tranchée sous les murs d’un fort brésilien.
179 élire. Une fois encore, Pillau lui montre le sens du sacrifice de « ces jeunes gens qui sont entrés dans le malheur la têt
180 doivent supporter de nos jours toutes les misères du monde au fond de leur exil, ceux-là deviendront sûrement un matériel
14 1935, Esprit, articles (1932–1962). Tristan Tzara, Grains et Issues (juin 1935)
181 cette remarque, je me mets à critiquer les formes du langage de Tzara. Je constate un certain nombre d’erreurs minimes, ma
182 ie de la métaphore qu’on trouvera p. 257. Théorie du type hégélien le plus scolaire : la signification du premier terme d’
183 type hégélien le plus scolaire : la signification du premier terme d’une métaphore, selon Tzara, est « absorbée intégralem
184 s à l’explication psychanalytique que Tzara donne du monde actuel. Monde dominé, dit-il, par l’angoisse de vivre (complexe
185 os après avoir lu Tzara. Mais on ne comprend plus du tout la légèreté avec laquelle les surréalistes adoptent les méthodes
186 rationalistes. Elles vont exactement à l’encontre du but qu’ils rêvent. Par ailleurs, si j’accepte le diagnostic de Tzara,
187 manifeste justement par l’adoption des hypothèses du matérialisme historique. Cette croyance que la vie se fera toute seul
188 ce pas, ce qu’on veut à Commune, revue officielle du PC. Il veut que le langage s’assouplisse au point de pouvoir intégrer
189 l’on retrouve parfois le ton des grandes utopies du premier romantisme allemand. Le style reste baroque (un rococo jésuit
190 l’économie psychique » ?!) Mais cette affirmation du primat de l’homme sur les dispositifs économiques, ce rappel d’une mi
191 e suivante : « Il y aura lieu de ramener l’action du poète à un phénomène de mimétisme par son assimilation à un objet ext
192 , — d’où l’erreur d’accord, d’où aussi l’adoption du matérialisme historique qui décharge le sujet de son actualité. 23.
15 1935, Esprit, articles (1932–1962). « L’Esprit n’a pas son palais » (octobre 1935)
193 s’empressait d’ailleurs de faire suivre l’annonce du mal de celle de son remède. Pourquoi résister au plaisir de proposer
194 lle doit dépasser en splendeur les manifestations du même ordre dont s’est illuminé le passé. Mais nous entendons lui donn
195 lever l’un des problèmes les plus impressionnants du siècle ? Avait-il conscience de l’aveu que signifiait son entreprise 
196 questions dépendront l’existence et l’emplacement du Palais de l’Esprit. Il est clair que de telles questions sont le fait
197 ait même l’idée d’un pavillon de la Richesse ? ou du Succès ? — bref, d’une époque où ce qu’on nomme l’esprit ne s’impose
198 s que l’on cherchait en vain parmi les métaphores du député. Il est juste, il est nécessaire de mettre l’esprit à sa plac
199 Un sanctuaire de l’esprit sera donc un sanctuaire du livre et de la parole. » Il y aurait donc une bibliothèque et un pala
200 Duhamel affirmait au surplus que son « sanctuaire du livre » ne serait pas un « musée » mais bien une « ruche active ». Pr
201 t d’un littérateur qui se consacrent à la défense du spirituel ? La grâce moscovite vous aurait-elle saisi ? L’utilitarism
202 saisi ? L’utilitarisme grossier, le matérialisme du siècle vont-ils trouver en vous leur défenseur ? » — Je réponds simpl
203 plus reconnaître ni la nature ni l’action vraies du spirituel. On dira qu’elles ne l’ont jamais su. Je serais prêt à l’ac
204 d’autant plus respectable, qu’il est plus dégagé du réel, ou comme ils disent avec dégoût, « de ses applications pratique
205 oient pas que dès l’instant qu’on sépare l’esprit du « réel », pour le vénérer dans un temple, l’esprit n’est plus que « l
206 art, et honoré en soi. Un écrivain fameux, gloire du roman français à l’étranger, vient confirmer de son côté que ce Palai
207 tatation évidente : l’opinion de l’élite ni celle du grand public n’opposent la moindre réaction à l’aveu d’un complot si
208 esque. Si j’ai quelque peu insisté sur l’anecdote du Palais de l’Esprit, ce n’est point pour me ménager une partie par tro
209 se trouve, par une sorte de chance, que l’article du député n’est pas seulement l’illustration de cette erreur, mais la co
210  ». L’Exposition va se dérouler sous le patronage du grand génie, savant, philosophe, écrivain, homme d’action qui, trois-
211 ndensant la sagesse des vieux artisans passionnés du travail bien fait et les conquêtes des humanistes, ouvre les temps mo
212 sprit « clair et distinct » fût séparé absolument du corps. Ce que Descartes a proposé, ce que l’Église, pour son malheur,
213 à bon droit les seuls juges de l’aspect technique du métier, peu soucieux par exemple de qui l’inventa, et de la place qui
214 , oisif — tout conforme, d’une part, à l’illusion du praticisme, d’autre part, à l’éthique bourgeoise. « Descartes descend
215 meurée sans effet. Séparer soigneusement l’esprit du corps, et glorifier cet esprit distingué, c’est aussi laisser ce corp
216 ts. Sorel a bien montré ce jeu dans ses Illusions du progrès : le maximum d’hypocrisie sociale — ou « injustice » — corres
217 Sion. Et par exemple, la bonne foi des inventeurs du Palais de l’Esprit me paraît platement certaine. Pourtant, comment ne
218 s prétexte qu’ils ne répondent pas au signalement du « technicien de la pensée34 ». Quand ils ne sont pas historiens, les
219 e biais qui leur permet de vider cette discipline du contenu concret qu’elle menaçait d’embrasser. L’invraisemblable irréa
220  » ayant été démasqué par la science dès le début du xxe siècle, on a cru sauver l’apparence en s’occupant sous le même n
221 ’est celle qui consisterait dans une psychanalyse du sérieux universitaire, considéré comme traduisant une fuite devant l’
222 enan se résigne sans peine à cette « abdication » du rôle actif de l’esprit, n’oublions pas qu’il la tient pour le gage du
223 sprit, n’oublions pas qu’il la tient pour le gage du « désintéressement » des clercs parfaits. Mais c’est jouer sur une im
224 s le monde. C’est affirmer que l’esprit n’est pas du monde, et que les intérêts du monde réel sont pour lui comme inexista
225 l’esprit n’est pas du monde, et que les intérêts du monde réel sont pour lui comme inexistants. Ce qui revient d’une part
226 abilité temporelle. Ce raisonnement a l’apparence du sens commun, mais il repose sur une erreur de fait : car l’intellectu
227 en présence de la foule et dit : Je suis innocent du sang de ce juste. Cela vous regarde. » Ne vient-il pas d’avouer le de
228 il peut changer le monde. Non pas en planant hors du temps, comme un dieu, comme un « idéal » ou comme l’esprit « sublime 
229 u contraire en s’abaissant. Telle est la parabole du spirituel. VII. Situation des intellectuels dans la cité (suite)
230 ais bien une sorte d’implacable agencement, celui du doit et de l’avoir, contrôlé tôt ou tard par la constatation du rende
231 l’avoir, contrôlé tôt ou tard par la constatation du rendement ou de la perte. Le clerc qui ne sert à rien, c’est flatteur
232 récupérées sur la très maigre vente et le mépris du directeur commercial. Je suppose mon clerc peu fortuné. Deux espèces
233 ouvrent à lui : celle des accommodements et celle du chômage. La carrière des accommodements offre à « l’esprit » des pers
234 raire à la mode, et tenant compte de la frivolité du genre, vous serez payé 200 fr. la colonne. Et si vous descendez jusqu
235 e dans la presse quotidienne… Quant à la carrière du chômage, je lui vois bien des agréments, s’il est vrai que la liberté
236 uvantes, enfin l’espèce d’incertitude insouciante du lendemain dans laquelle on parvient assez vite à composer son équilib
237 de l’esprit créateur que le détachement méditatif du clerc parfait — du clerc renté. Numero deus impare gaudet ; le génie
238 r que le détachement méditatif du clerc parfait — du clerc renté. Numero deus impare gaudet ; le génie créateur se réjouit
239 nnent, je demande la parole. Je ne me propose pas du tout de décevoir ce goût de positif que mes contemporains, à tort et
240 e négation perpétuelle, qu’à coups d’affirmations du bien prépondérantes. À tout péché miséricorde, dit le peuple, mais le
241 ois apercevoir d’ici une possibilité de repêchage du projet de nos commissaires. Voici donc mon contre-projet, sous forme
242 créée par le décret de séparation de l’esprit et du corps, de la raison pure et de la morale pratique, décret prononcé pa
243 , exploité par l’élite bourgeoise, visant à faire du clerc un inutile ; vu la situation économique inaugurée par le krach
244 ines ; vu la panique nationaliste dont la culture du dernier siècle est responsable ; vu l’intérêt que présenterait pour l
245 ait pour l’humanité d’aujourd’hui, sans détriment du prestige de la France, une restauration de l’esprit dans sa charge ef
246 s que les interventions passionnées et simplistes du public ne puissent être un puissant rappel à la « réalité rugueuse »
247 ur un Palais de l’Esprit », Nouvelles littéraires du 6 avril 1935. 25. De deux choses l’une : ou bien l’institution proje
248 eois, dont l’enseignement converge ici avec celui du marxisme vulgaire. 27. Dont l’un au moins paraît préoccuper M. Duham
249  » académique. 28. J’entends : à la grande masse du peuple, à tous ceux qui ne sont pas intellectuels, et qui sont les pr
250 le pousse dans les conseils de la cité sur la foi du seul nom qu’on lui donne, et en vertu du préjugé praticiste : technic
251 constitutive de la pensée. Mais le cartésianisme du xviiie siècle a déduit pratiquement de la séparation de l’esprit et
252 duit pratiquement de la séparation de l’esprit et du corps, la thèse suivante : l’esprit représente dans l’homme la foncti
253 spectaculaire, « distinguée » dans tous les sens du terme, par suite inapte à modifier le réel par son jeu même, d’une ma
254 médiate : comme étant l’application des résultats du raisonnement à notre action. Sur le mystère de cette opération magiqu
255 e à poser les questions philosophiques : la tâche du philosophe sincère est, de nos jours, suspendue par un fait, l’existe
256 rit se moque de nos psychologies. 36. Histoire du peuple d’Israël, t. III, p. 497. Le vieillard qui écrit cela, est-ce
257 ait rien pour conquérir. Il espère que le passage du droit au fait (du droit de la philosophie au fait de son gouvernement
258 uérir. Il espère que le passage du droit au fait ( du droit de la philosophie au fait de son gouvernement) s’opérera sans q
259 ce mépris cordial et ces honneurs rendus au mythe du Progrès, plus qu’à eux-mêmes, sont au fond la meilleure protection po
260 re. Il résume une fois pour toutes les équivoques du spiritualisme. Pilate a dit le droit : « Cet homme est juste. » Ayant
261 ise force les éditeurs à se faire les interprètes du public auprès de l’auteur, et non l’inverse, qui serait normal. Tout
262 sous la pression populaire, en une espèce de nuit du 4 août de la pensée, abdiquant tous ses privilèges pêle-mêle, entre l
263 nt tous ses privilèges pêle-mêle, entre les mains du bureau d’un parti, d’un dictateur ou d’un soviet. Cela n’est pas invr
264 mai de cette année ; à ce moment j’ignorais tout du « congrès pour la défense de la culture », qui se préparait. Le rôle
265 éfense de la culture », qui se préparait. Le rôle du public y fut d’ailleurs à peu près nul. r. Rougemont Denis de, « L
16 1936, Esprit, articles (1932–1962). Francfort, 16 mars 1936 (avril 1936)
266 itre documentaire. Il faut mesurer tout le volume du fanatisme hitlérien pour savoir penser au bout du compte : « La vraie
267 ont probablement jamais voyagé au-delà des marges du Capital. Si du moins ils avaient été en Russie, il y aurait quelques
268 t jamais voyagé au-delà des marges du Capital. Si du moins ils avaient été en Russie, il y aurait quelques chances de leur
269 de la religion nouvelle. Par exemple un discours du Führer à son peuple. Je roulais ces pensées, hier soir, debout parmi
270 porches, depuis quatre grandes heures, l’arrivée du Führer. Et au-dehors, battant les murs de la halle, cent-mille hommes
271 rouvais au milieu d’ouvriers, de jeunes miliciens du Service de travail, de jeunes filles, de femmes mal vêtues : ils ne d
272 nt, deux coups très espacés, trois coups espacés… Du plafond pendaient cent bannières rouges. La tribune avancée au centre
273 au centre de l’ovale énorme se dressait au-dessus du parterre, violemment éclairée, fascinante. À huit heures moins cinq,
274 nger sur les escaliers de la tribune, aux accents du Deutschland über alles chanté debout, le bras levé. À huit heures son
275 t sans cesse renforcée par la foi et la confiance du Peuple en moi ! — un seul cri des masses confessant leur fidélité lui
276 l’ai. Mais ce que je cherche, c’est la communion du cœur avec chaque homme de la nation allemande. » De nouveau dressés,
17 1936, Esprit, articles (1932–1962). Vues sur C. F. Ramuz (mai 1936)
277 on dans l’espace d’une loi personnelle, de la loi du propriétaire ? (Toute autre forme de propriété demeurant justiciable
278 la manière du physiognomoniste plutôt qu’à celle du psychologue. Méthode qui paraîtra d’autant plus opportune, appliquée
279 chrétiens l’ont su ; et Paracelse ; et les poètes du xvie siècle ; puis Goethe et certains romantiques allemands ; puis R
280 ui détiennent les simples par quoi nous guérirons du platonisme et du cartésianisme. Les clercs s’écrient : Esprit ! Espri
281 simples par quoi nous guérirons du platonisme et du cartésianisme. Les clercs s’écrient : Esprit ! Esprit43 ! Mais je reg
282 ditionne le regard, et se modèle selon les prises du regard. (En allemand, le seul mot Gesicht signifie à la fois visage,
283 ous. « … on les voit sortir des bois dans le rose du lever du jour et ils sont roses dans le ciel rose, avec des gouttes d
284 on les voit sortir des bois dans le rose du lever du jour et ils sont roses dans le ciel rose, avec des gouttes de rosée q
285 ls sont décrits dans leur forme, ce qui n’est pas du tout la même chose. La forme humaine, si l’homme est « authentique »,
286 paysage et d’un ensemble de coutumes. Les rythmes du temps s’y inscrivent aussi bien que l’allure des pentes. « D’où cette
287 c son imagination, dans cette région qui n’est ni du dedans ni du dehors, qui est contact, et littéralement drame entre la
288 tion, dans cette région qui n’est ni du dedans ni du dehors, qui est contact, et littéralement drame entre la vision et l’
289 t, entre la position de l’homme et la proposition du monde. C’est la région de la rencontre et de la forme. Et non point d
290 n prévue, mais de la forme en devenir, expressive du dedans et du dehors en même temps, dans le temps de leur lutte. Ici l
291 s de la forme en devenir, expressive du dedans et du dehors en même temps, dans le temps de leur lutte. Ici le spirituel d
292 ire aussi, un peu plus tard, que c’est la faculté du concret chez un homme.) ⁂ « Car le phénomène de l’art est un phénomèn
293 e s’exprime entièrement par des choses (s’agît-il du profond mystère de la liberté des humains en présence de « l’absurdit
294 iberté des humains en présence de « l’absurdité » du Tout-Puissant). Entre deux mots possibles, choisir le moins savant, l
295 ’un ciel au bleu de lessive, plutôt que de l’azur du firmament, c’est, à vrai dire, le parti pris de tout poète, au sens l
296 . Il me semble parfois que la meilleure éducation du genre humain consisterait en une éducation de son langage. Un tribuna
297 à mesure que le « pratique » s’éloigne davantage du concret pour se confondre avec l’artificiel créé par la publicité. (O
298 salons, au temps où le seul tribunal était celui du goût (c’est-à-dire des poncifs imposés par la cour de Louis XIV). ⁂ L
299 z Ramuz. On a pu croire qu’il n’avait pas le sens du rythme : c’est qu’il veut le rythme formé sur la nature des choses qu
300 le tend à les substituer à l’imagination concrète du réel. Les faits se raréfient : anecdotes ou exemples à l’appui d’une
301 ’utilise que des faits se range dans la catégorie du roman policier : il n’a pas de psychologie. Et la critique parle beau
302 t-à-dire de l’activité qui préside à la formation du réel. Ici plus de concepts, plus d’idées générales. Tout est images e
303 ui constitue le vrai sujet de ses romans. Passage du Poète — ou du diable (dans le Règne de l’esprit malin), entrée du cin
304 e vrai sujet de ses romans. Passage du Poète — ou du diable (dans le Règne de l’esprit malin), entrée du cinéma (l’Amour d
305 diable (dans le Règne de l’esprit malin), entrée du cinéma (l’Amour du Monde), approche de la fin du monde (Présence de l
306 gne de l’esprit malin), entrée du cinéma (l’Amour du Monde), approche de la fin du monde (Présence de la Mort, Les Signes
307 du cinéma (l’Amour du Monde), approche de la fin du monde (Présence de la Mort, Les Signes parmi nous), mythe de l’or (Fa
308 ignes parmi nous), mythe de l’or (Farinet), mythe du génie racial, mythe de la rédemption par la souffrance (La Guérison d
309 vement même des images propagées par l’apparition du mythe au sein d’une communauté. Le bourgeois reste justiciable de la
310 le peuple ramuzien, peuple créé d’abord à l’image du Ramuz créateur, avec des éléments tirés du caractère vaudois. On a, n
311 ’image du Ramuz créateur, avec des éléments tirés du caractère vaudois. On a, non sans comique, loué cet « artiste raffiné
312 e sa race. Il a cette lenteur qu’impose la nature du pays. Il participe de cette lourdeur originelle et unanime d’un peupl
313 dirait plus justement : d’avant. Un art qui vient du fonds mythologique de la race. (Si Ramuz par exemple nous parle d’une
314 Antiquité, il faut entendre qu’il s’agit de celle du pays de Vaud : non pas la grecque, qui est scolaire — pour eux — mais
315 ls travaillent. Tous participent de l’incarnation du mythe. ⁂ Voyez Les Signes parmi nous. Dans la simplicité de son sujet
316 de heure de terreur et de prière… Puis, « la page du ciel a été tournée », ils se relèvent : « Il paraît bien qu’on n’est
317 amuziens : juxtapositions brusques, interférences du récit, surimpressions, changements de temps, sont ici largement mis e
318 exemple n’est jamais pour Ramuz un moyen de créer du mystère en brouillant les plans du réel, mais un moyen de rendre plus
319 moyen de créer du mystère en brouillant les plans du réel, mais un moyen de rendre plus totale la vision. Tout, par ailleu
320 oman bourgeois. On s’est trop arrêté à l’insolite du style chez Ramuz. Ce qu’il a d’insolite, ce n’est pas tant sa forme q
321 t dans la volonté, dans l’amour, dans la création du contact avec l’objet. » Mais on peut dire cela de Goethe aussi ? Et d
322 ux origines élémentaires. C’est limiter l’ampleur du fait humain mais aussi garantir son unité concrète, esprit et corps.
323 oublier que la culture de notre temps n’est plus du tout ce qu’elle était au temps de Goethe. Plus encore que sa valeur,
324 rs assurances, leur hygiène proprette, leur idéal du bon écolier type, ce n’est jamais au nom d’un naturisme romantique48.
325 racines de l’élémentaire. » Parce que le critère du réel, c’est l’effort ; parce que la chose brute exige le plus dur eff
326 t au décor de son apparition. Aussi bien la suite du passage nous ramène au niveau proprement ramuzien : « J’ai la haine d
327 e au niveau proprement ramuzien : « J’ai la haine du confort. J’aime que les choses vous résistent et vous contredisent, c
328 42. Le Grand Printemps. 43. Le protestantisme du xixe , à la suite du Réveil, en réaction contre le dogmatisme abstrai
329 emps. 43. Le protestantisme du xixe , à la suite du Réveil, en réaction contre le dogmatisme abstrait, insista puissammen
330 ulier — pour la porter sur l’intention qui relève du général. Ainsi le moralisme fut une doctrine abstraite du concret. Ma
331 al. Ainsi le moralisme fut une doctrine abstraite du concret. Mais ses racines plongent dans la vérité. Nous aussi, nous d
332 t plus réel qu’un mythe ? Il a fallu les ténèbres du xixe siècle pour que l’on prît ce mot pour synonyme de mensonge, qui
333 cs, et justifié par la seule connaissance qu’on a du premier sens. 46. C’est là ce qu’il appelle sa « vie intérieure », m
334 es capitaux à l’étranger pour les mettre à l’abri du fisc. Ce qui est plus difficile, c’est d’expliquer rationnellement un
335 n dire. C’est le ton de la musique de Stravinsky, du Sacre et des Noces. Le ton de la création du monde. 48. Il dit des p
336 sky, du Sacre et des Noces. Le ton de la création du monde. 48. Il dit des personnages de ses romans : « Je ne les aime p
337 paraître dans un recueil intitulé Les Personnes du Drame . »
18 1936, Esprit, articles (1932–1962). Culture et commune mesure (novembre 1936)
338 e Lorsqu’on critique les fondements doctrinaux du régime de l’URSS l’on s’attire d’ordinaire les reproches de tout un g
339 énile qui paraît bien s’être emparée d’une partie du peuple russe ; assez ignorants au surplus des théories de Marx et de
340 raison qu’ils se remettent à glorifier les mythes du Progrès indéfini et du Bonheur : la révolution russe a eu ce résultat
341 ent à glorifier les mythes du Progrès indéfini et du Bonheur : la révolution russe a eu ce résultat au moins curieux de re
342 plus dignes de nous retenir que l’élan titanique du Troisième Plan. Je comprends très bien qu’en présence des « réalisati
343 clerc y perd ses droits et n’est plus à l’échelle du phénomène… Raison de plus, chance de plus, d’essayer d’élargir cette
344 irmé que la culture n’était rien qu’un « reflet » du processus économique, et de la lutte des classes qui en résulte. De l
345 ulture considérée comme une simple superstructure du dynamisme matériel. On sait à quel échec conduisit cette théorie, étr
346 courage de donner. Ainsi se termina, en principe du moins, l’épisode du Proletkult, autrement dit de la culture prolétari
347 Ainsi se termina, en principe du moins, l’épisode du Proletkult, autrement dit de la culture prolétarienne, censée naître
348 fond l’œuvre d’une minorité, que le gouvernement du prolétariat est au fond un gouvernement pour le prolétariat… Dans la
349 ure communiste pour unifier la pensée et l’action du peuple et de ses conducteurs en vue d’une fin à laquelle tout doit s’
350 l’ascension culturelle des masses la construction du métro de Moscou, le plus beau du monde disaient-ils. Et l’on peut lir
351 la construction du métro de Moscou, le plus beau du monde disaient-ils. Et l’on peut lire chaque jour dans la presse russ
352 ques. Mais la conception qui assimile l’élévation du niveau de la culture à l’épaisseur des semelles n’a rien de révolutio
353 ivons donc avec sérieux notre examen de la valeur du Plan considéré comme mesure culturelle, sans plus tenir compte de ces
354 ue nous possédons sur l’état d’esprit des membres du Parti communiste d’une part, sur la puissance de l’inquisition intell
355 néralement des buts obscurs, peut-être criminels, du nôtre. 2) Mais le Plan possède-t-il vraiment cette actualité intrinsè
356 ines, le caractère d’une mesure vivante ? L’idéal du Plan soviétique, qui est le monde intégralement socialisé, embrasse-t
357 ublicité industrielle. La seule littérature digne du nom qu’ait produite la nouvelle Russie s’est développée en marge du P
358 remière faille dans la construction si rigoureuse du stalinisme, commence seulement d’apparaître aux yeux des partisans si
359 ment d’apparaître aux yeux des partisans sincères du régime. On comprend fort bien les raisons qui les empêchaient jusqu’i
360 i les empêchaient jusqu’ici de prendre conscience du danger. La littérature soviétique est née de la révolution. Elle s’es
361 ssait que de construire des tracteurs, les poètes du tracteur et ceux qui le conduisaient parlaient naturellement le même
362 aturellement le même langage qui était le langage du Plan. Mais cet accord était en somme très limité et ce langage essent
363 lutionnaire » ou « réalisme socialiste », l’échec du Plan en tant que tel dans le domaine littéraire n’en est pas moins un
364 ocialiste naisse comme une production automatique du triomphe de la classe ouvrière. La phrase de de Man que nous citions
365 hode : pour la nouvelle école soviétique, l’unité du peuple et des clercs n’est pas « quelque chose de donné »… mais « que
366 stitue dans les esprits les plus vivants à l’idée du Plan scientifique. Mais avec cette idée nietzschéenne, c’est l’aventu
367 viendra par-dessus. » Telle fut la grande maxime du Plan. Car, disait-on, il faut parer au plus pressé, et la culture ne
368 oi dans ce miracle qui résoudrait seul le conflit du calcul et du rêve, du matériel et de l’humain, de la nécessité et de
369 racle qui résoudrait seul le conflit du calcul et du rêve, du matériel et de l’humain, de la nécessité et de l’orgueil59 :
370 résoudrait seul le conflit du calcul et du rêve, du matériel et de l’humain, de la nécessité et de l’orgueil59 : l’appari
371 t-ce inévitable. Peut-être les bienfaits concrets du Plan surpassent-ils largement pour l’heure sa malfaisance « culturell
372 contrainte. Les surréalistes sont fondés à parler du « vent de crétinisation qui souffle de l’URSS », mais les magnats de
373 ressemblance formelle entre les moyens d’approche du problème culturel mis en œuvre par les deux régimes, alors que leurs
374 onne, de l’aventure personnelle, de la liberté et du risque personnels. 3. La constatation de cet échec s’impose non seule
375 ices économiques, décadence d’une culture séparée du peuple et divisée contre elle-même, grabuge des factions partisanes,
376 cer par rétablir l’ordre extérieur. Et vous ferez du collectivisme. C’est la seule « base commune » puissante pour toute a
377 s pas d’ordre total sans une soumission organique du matériel au spirituel. C’est encore là une évidence, et qui n’est pas
378 III. L’appel à la commune mesure, ou l’Europe du xxe siècle Je ne connais qu’un moyen de résister à l’Europe, c’es
379 n Belgique, en Scandinavie, il n’est question que du « désarroi général ». Liberté d’opinion, c’est pratiquement liberté d
380 es de l’Europe. Elles n’ont plus de liberté, mais du travail. Elles s’en plaignent d’ailleurs de moins en moins. En Russie
381 tiquement nécessaires pour assurer à chaque homme du travail et pour supprimer finalement les raisons matérielles de se pl
382 raux.   2. Situation qui nous est faite. Au terme du libéralisme, à l’origine des dictatures, une seule et même situation
383 mpuissance pratique à l’heure où il faudra donner du pain si l’on veut prendre ou garder le pouvoir. Qui sait même si cett
384 t se rappeler deux faits récents : l’enthousiasme du peuple russe pour le premier plan quinquennal, alors que la famine ré
385 ajorité en faveur de l’Allemagne hitlérienne lors du plébiscite de la Sarre. Prenons-y garde ! Ces deux faits sont spiritu
386 plus ignorer. Notons aussi que cet appel profond du siècle a commencé par se manifester dans les pays les plus atteints m
387 oire et l’avenir de leur génie. (France de la fin du xviiie , Russie de 1917, Allemagne et Italie de l’après-guerre.) Ains
388 ruine plus grave est apparue : celle d’une image du monde, d’une conception du monde fondée sur la raison, l’individu et
389 ue : celle d’une image du monde, d’une conception du monde fondée sur la raison, l’individu et la science cartésienne. Nou
390 outil ; que l’individu n’est rien que la liberté du désespoir et qu’il meurt de son isolement, ou du refus de se dépasser
391 du désespoir et qu’il meurt de son isolement, ou du refus de se dépasser ; qu’il n’y a pas de lignes droites dans l’unive
392 ur quelconques dépendent à la fois des mesures et du lieu et du temps où on les mesure. Seuls donc les groupes de forces o
393 ues dépendent à la fois des mesures et du lieu et du temps où on les mesure. Seuls donc les groupes de forces ou d’hommes,
394 ontée de la conscience individuelle dans l’Europe du xvie siècle. Mais elle agit en sens inverse. Elle agit tout d’abord
395 de ceux qui croient, et qui revient à la doctrine du bien commun. Elle agit dans le mouvement œcuménique. Et dans le mouve
396 tente d’une nouvelle mesure, d’une nouvelle image du monde où l’homme s’éprouve de nouveau réel, actif, nécessaire et reli
397 u’il ne tient pas compte des dimensions profondes du phénomène collectiviste, et de la nécessité cosmique qu’il exprime. L
398 appelle toujours certains courants. Je parle ici du vide ou du vertige que crée en nous la ruine de l’individualisme. Là
399 ujours certains courants. Je parle ici du vide ou du vertige que crée en nous la ruine de l’individualisme. Là où nulle co
400 et nous voulons la vérité. Elles veulent la force du grand nombre, et nous voulons la force personnelle, celle que donne l
401 a culture. 56. On n’ignore pas que les partisans du « matérialisme dialectique » ou Diamat, refusent avec indignation l’é
402 t : de l’oppression tsariste ; et les Allemands : du déshonneur. v. Rougemont Denis de, « Culture et commune mesure », E
19 1936, Esprit, articles (1932–1962). Henri Petit, Un homme veut rester vivant (novembre 1936)
403 écrire, de « jouer sa provision de bon air contre du papier noirci », et il rapporte 300 pages, qui resteront sans doute c
404 ion, créée par notre société, entre les deux sens du mot « vivre » : gagner sa vie et mériter sa vie ; et peut-être entre
405 mériter sa vie ; et peut-être entre les deux sens du mot « gagner » : gagner le monde ou gagner contre lui. Livre trop ple
406 au contraire parce qu’ici tout porte, et nous met du coup en présence du concret d’une vie située. Il faut s’arrêter, conf
407 encore une pensée plus inquiétante. (La division du livre en aphorismes d’une ou deux pages facilite heureusement ce genr
408 ennent des pages sur le journalisme, la condition du fonctionnaire et le « moyen de parvenir » qui parurent ici même l’an
409 te patience, de cette justice dans la description du médiocre, de cette mesure constamment observée — voilà sa ruse— et qu
410 peu moins les pages sur Barrès, peut-être à cause du modèle, peut-être aussi à cause de l’influence qu’il exerce encore su
20 1936, Esprit, articles (1932–1962). Note sur nos notes (novembre 1936)
411 se à chaque instant des questions qui ne sont pas du tout littéraires. Le monarque caduc c’est la culture, c’est l’art, c’
412 d’une passion de construire, d’une vision grande du but commun. Bien écrit, mal écrit, talent ou pas talent, original, in
21 1936, Esprit, articles (1932–1962). Erskine Caldwell, Le Petit Arpent du Bon Dieu (novembre 1936)
413 Erskine Caldwell, Le Petit Arpent du Bon Dieu (novembre 1936)z Les descendants des puritains sont en tr
414 ndroit de la gauloiserie : on s’imagine que c’est du réalisme, que c’est enfin la « vraie » nature délivrée de la contrain
415 la contrainte « artificielle » des convenances ou du sentiment… Huizinga, dans son admirable Déclin du Moyen Âge 62, a là-
416 du sentiment… Huizinga, dans son admirable Déclin du Moyen Âge 62, a là-dessus un passage qui pourrait être écrit tout exp
417 vie sublime, tout comme l’autre, mais cette fois du côté animal. C’est un idéal quand même : celui de la luxure. Et c’es
418  [Compte rendu] Erskine Caldwell, Le Petit Arpent du Bon Dieu  », Esprit, Paris, novembre 1936, p. 355-356.
22 1936, Esprit, articles (1932–1962). André Gide, Retour de l’URSS (décembre 1936)
419 illeuse précision de son vocabulaire sauvera Gide du journalisme. Car ce n’est pas l’actualité toute passagère de son obje
420 ’insuffisance ou le mensonge d’une langue — celle du reporter par exemple — inapte à traduire le concret, le particulier d
421 de son côté, observant les acheteurs et l’étalage du bazar de Moscou : « Les marchandises sont, à bien peu près, rebutante
422 ’agit là d’une description un peu plus qu’amicale du régime de l’URSS, d’une fervente autocritique, voire d’un éloge adroi
423 d’abuser des textes les plus clairs, ni personne, du côté stalinien, de crier au trotskiste, au bourgeois ? (Si toutefois
424 e donneraient envie de simplifier le contenu réel du texte en deux petites phrases : l’une prononcée par Gide au début de
425 ien appeler le bluff stalinien ; et je ne dis pas du tout : d’une critique de ce qu’il y a de profond dans le marxisme, ma
426 on qui ont fait, et font encore, les trois-quarts du succès de l’URSS auprès des intellectuels français. Liberté en URSS 
427 aintif (terrorisé), plus vassalisé. » — Dictature du prolétariat ? « Nous sommes loin de compte. Oui, dictature, évidemmen
428 indifférence, que ceux qui sont et qui se sentent du “bon côté”, marquent à l’égard des “inférieurs”, des domestiques, des
429 tant que « cellule sociale »), de l’héritage, et du legs64, le goût du lucre, de la possession particulière, reprennent l
430 sociale »), de l’héritage, et du legs64, le goût du lucre, de la possession particulière, reprennent le pas sur le besoin
431 s une situation qu’on ne peut comparer qu’à celle du chrétien anticlérical. Seulement, la dissociation de la foi et des œu
432 si Staline ne peut le sauver qu’au prix de la vie du Dieu qui est en lui, c’est que l’homme est pécheur, et ne peut pas ou
433 utarchie nécessaire, p. 50 et 51, démocratisation du luxe, p. 60, etc.). aa. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] André
23 1937, Esprit, articles (1932–1962). Défense de la culture (janvier 1937)
434 it pris soin de cette œuvre d’art, après la fuite du propriétaire. « Les domestiques sont restés ici avec les communistes,
435 les communistes, écrit Aragon. Et le petit chien du duc, qui figure sur le portrait du gentilhomme, fait fête à ses nouve
436 le petit chien du duc, qui figure sur le portrait du gentilhomme, fait fête à ses nouveaux camarades, les miliciens, qui j
437 en verte ? » Si tout cela est fini, c’est à cause du fascisme ! Si vous aimez Goya, adhérez au PC ! Voilà qui est simple.
438 Gedat intitulé Un chrétien découvre les problèmes du monde approche du trois-centième-mille un an après sa publication. Et
439 chrétien découvre les problèmes du monde approche du trois-centième-mille un an après sa publication. Et les poètes ne res
24 1937, Esprit, articles (1932–1962). Jean Blanzat, Septembre (janvier 1937)
440 primants que gratuits. Car en effet, si ce « je » du récit de M. Blanzat faisait un geste franc, il est clair qu’il n’y au
25 1937, Esprit, articles (1932–1962). Robert Briffaut, Europe (janvier 1937)
441 enne qu’une telle classe est la vraie responsable du cafouillage de 1914. Le héros principal — il y a bien une centaine de
26 1937, Esprit, articles (1932–1962). Paul Vaillant-Couturier, Au service de l’Esprit (février 1937)
442 été approuvé à l’unanimité par le Comité central du Parti communiste français, le 16 octobre 1936. C’est donc un manifest
443 ormer le chômage en loisir. Je résume : primauté du spirituel ; primauté de l’homme sur l’économique ; affirmation de la
444 comme valeur spirituelle absolue, par suite rejet du capitalisme et du fascisme ; liberté nécessaire de la culture ; enfin
445 tuelle absolue, par suite rejet du capitalisme et du fascisme ; liberté nécessaire de la culture ; enfin, subordination du
446 é nécessaire de la culture ; enfin, subordination du machinisme, perfectionné, aux besoins humains. Toutes ces thèses fig
447 qualifiées de « fascistes » par les doctrinaires du PC. Mais nous nous garderons bien de marquer le point. (Ce qui équiva
448 p. 11), sur « l’indépendance financière absolue » du Parti (p. 16) — curieusement appuyées par ce mot d’ordre qu’on lit p.
449 soudre les problèmes de la paix, de la liberté et du pain des hommes. » Autant dire qu’il ne fait plus confiance à Marx. A
450 (sic) les idées incarnées », se fait par ailleurs du Français cultivé une idée plus marxiste qu’on ne croyait : ce serait
451 ait bien que c’est « la raison ». Mais l’ensemble du manifeste donne penser que c’est plutôt la tactique… Si le Français,
27 1937, Esprit, articles (1932–1962). Vassily Photiadès, Marylène ou à qui le dire ? (février 1937)
452 oilé, énigmatique par endroits. On croit assister du jardin à quelque scène intime, entrevue dans une chambre, à travers u
28 1937, Esprit, articles (1932–1962). Albert Thibaudet, Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours (mars 1937)
453 ublique des Lettres, ayant sa place à la terrasse du café de leur commerce, emboîtant le pas à leurs musiques militaires,
454 ., m’apparaît au contraire comme l’un des charmes du livre. Réjouissante désinvolture ! Thibaudet fut bien moins critique
455 née à une loi qui n’est pas celle de l’objet mais du sujet. Son chapitre sur Balzac a de la grandeur, et touche même au dé
456 donnent la mesure de l’écrivain et de l’artiste, du conteur, du fabulateur d’idées que reste pour nous Thibaudet. Dans ce
457 mesure de l’écrivain et de l’artiste, du conteur, du fabulateur d’idées que reste pour nous Thibaudet. Dans cette critique
458 s sens de l’expression), c’est l’euphorie géniale du dessert ! ah. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Albert Thibaude
29 1937, Esprit, articles (1932–1962). Jacques Benoist-Méchin, Histoire de l’armée allemande depuis l’armistice (mars 1937)
459 (1918-1919) qui se recompose autour de l’aventure du GQG prussien, au lendemain de l’armistice. La thèse de l’auteur paraî
460 iatives follement risquées par quelques officiers du grand état-major. Du point de vue de la tactique révolutionnaire et c
461 quées par quelques officiers du grand état-major. Du point de vue de la tactique révolutionnaire et contre-révolutionnaire
462 uvrières et séparatistes, — et Noske, commissaire du peuple devenu ministre de la Guerre, figure classique du marxiste au
463 le devenu ministre de la Guerre, figure classique du marxiste au pouvoir, de « l’homme à poigne » touché par la grâce nati
30 1937, Esprit, articles (1932–1962). Retour de Nietzsche (mai 1937)
464 ce pays, très peu de temps avant l’entrée en lice du personnalisme, ce n’est pas un hasard ni une coïncidence qu’il faut y
465 les professeurs cultivent : Nietzsche précurseur du national-socialisme, ou « à quoi mène le mépris des valeurs de père d
466 force, qui sont devenus les valeurs fondamentales du stalinisme, au moins autant que du national-socialisme à la Rosenberg
467 fondamentales du stalinisme, au moins autant que du national-socialisme à la Rosenberg. C’est ce que démontre avec toute
468 le signe de l’antiétatisme radical, c’est-à-dire du seul antifascisme digne de ce nom. « La seule société pleine de vie e
469 nietzschéennes d’Acéphale et de certains membres du groupe d’Inquisitions, comme R. Caillois, c’est l’appel à un « ordre 
470 ulier de situer à sa place centrale la conception du « retour éternel » et de la volonté d’éternisation, qui est le vérita
471 orismes traduits pour la première fois à la suite du Zarathoustra constituent le manuel le plus riche en contradictions to
472 éateurs ! C’est leur fait d’être pauvres en amour du prochain » ; et : « Toute création est communication. Celui qui conna
473 (résultant de la « mort de Dieu ») par la pensée du Retour éternel. Mais en même temps, il s’acharne à compenser ce fatal
31 1937, Esprit, articles (1932–1962). Journal d’un intellectuel en chômage (fragments) (juin 1937)
474 er Matinées d’hiver au midi Et voici par la grâce du soleil de janvier qu’un mot devient le plus beau de la langue : matin
475 ni de ces arbres moirés et allègres. Tout est vu du premier regard, doucement compris, approuvé. Une familiarité, une con
476 ciel est d’un bleu sec et pur, tranché au sommet du vallon par un cyprès grandiloquent. Et cette maison couleur de terre
477 trent les femmes de la nation la plus raisonnable du monde. Le mari est un vieux laïcard, il accuse les curés d’obscuranti
478 rce que la gauche, c’est le parti de la Raison et du Progrès, qui naît de la Science. C’est ce mari-là qui aura payé le bi
479 , notre image scientifique (physico-mathématique) du monde, est fausse. Il est totalement impossible de concevoir la vérit
480 osent infiniment moins à notre image scientifique du monde que cette petite phrase si courante : il a la veine. Mais notre
481 er à l’église. Pour le reste, il demeure la proie du charlatanisme éternel. Mesure de la raison humaine : ils refusent la
482 osée piqué de cyprès, c’est la seule couleur vive du paysage desséché. Ciel gris mouvant, une barre jaune à l’horizon. Et
483 ain je vois un pigeon violet immobile. Les plumes du cou sont un peu hérissées par le vent. Voici trois jours que je le vo
484 les miettes de la nappe par la fenêtre, au-dessus du poulailler, elle a vu le pigeon et m’a appelé. — Il a vraiment l’air
485 ire de critique, me touche si peu, ne trouble pas du tout ma bonne conscience. Au fond, je me sens assez heureux de cette
486 isonnable. Il faut que je montre aussi les droits du général. Qu’est-ce que la politique, sinon le général en tant qu’il s
487 onstaterait alors ne serait en fait que la limite du pire désordre, et c’est la mort. Cas purement idéal bien entendu puis
488 andissante révèle pourtant l’empiètement excessif du général dans la vie réelle. Telle est notre situation — celle du mond
489 la vie réelle. Telle est notre situation — celle du monde bourgeois-capitaliste, mais aussi celle des dictatures, d’une m
490 onnes. (Au profit des irréductibles, dans le sens du jeu le plus libre des superstitions que j’ai dites, et dont l’éducati
491 es deux faits définis, revenons à la superstition du peuple. Je l’approuve et je la partage en fait le plus souvent, quand
492 on. Mais je la tiens pour néfaste quand elle sort du domaine personnel et déborde dans la politique. On devine peut-être p
493 re, mythes de la gauche et de la droite, divinité du Führer, omniscience du Duce, etc.) Toutes ces puissances mythiques de
494 et de la droite, divinité du Führer, omniscience du Duce, etc.) Toutes ces puissances mythiques deviennent l’objet anorma
495 cemment « découvertes » ne sont, au sens freudien du terme, que les phantasmes de notre peur de vivre. On les ramènerait a
496 l’éducation de la personnalité ; le cercle social du mouvement personnaliste. J’irai. Je me fais une règle d’accepter tout
497 ainement. C’est une joie qui vaut bien les ennuis du voyage, le temps perdu et les fatigues, bien qu’elles paraissent souv
498 préjugés. Et la première rencontre, sous l’auvent du local que l’on quitte, est en réalité la suite de quelque chose ; le
499 èses qui paraîtraient très difficiles au jugement du clerc en chambre. Le lecteur réel, l’auditeur réel, est toujours autr
500 blème — juge à peu près régulièrement à l’inverse du critique parisien. Il trouve concret ce que le critique aura jugé par
501 nstitue l’élément créateur, spirituellement actif du pays. Il ne saurait être question de ce cliché importé d’URSS ou d’Al
502 nnelles : empruntées à l’Astre invisible. Matinée du lundi de Pâques, 7 heures Tout est trempé et ruisselant de lumière bl
503 eue, les feuillages encore translucides au-dessus du bassin bleu de ciel où nagent d’énormes bottes de radis rouges. Tout
504 d soleil. Et les bonnes femmes disaient, au seuil du temple : « Voyez-vous ça, comme tout est dérangé ! Les autres années,
505 oyances de son groupe en « parlant de la pluie et du beau temps ». (Je dis bien groupe, car il y a peu de « personnes »).
506 eures, la petite chienne Marquise — c’est la mère du basset Pernod — a trottiné tout gentiment sur les restanques, en fais
507 iflaient la trace de la chienne à tous les étages du vallon. Ils grimpaient les escaliers, redescendaient, parcouraient la
508 ’ailleurs, à peu de choses près, sur les affiches du « centre » et sur celles de la gauche. (Car la droite n’ose pas dire
509 a peut-être des réflexions fécondes dans l’esprit du lecteur philosophe. Déjà huit mois que nous sommes ici, et combien de
510 onter « là-haut », pour s’aider ! 8 mai Il y a eu du bruit toute la nuit. Vers 2 heures, nous nous réveillons. Une âcre fu
511 ntends Simard qui apostrophe la mère Calixte près du bassin. « Je ne veux pas qu’on lave aujourd’hui ! Vous m’entendez ! J
512 n. Le ménage Simard est furieux. Nous n’avons pas du tout fait ce qu’il fallait. Je me récrie : mais comment, j’ai pourtan
513 style colonial-moyenâgeux. On pourrait loger bien du monde. Des initiés, naturellement. Personne ne monte jamais là-haut,
514 temps à autre arraisonner les féodaux d’industrie du pays. « Communauté », mot de passe de cette génération, n’aurons-nous
32 1937, Esprit, articles (1932–1962). Marius Richard, Le Procès (juin 1937)
515 t où tout le monde en fait est coupable de tout : du sort des filles publiques, des bourgeois endormis, des malades dans l
516 ont plus guère que le nom de leur mal » et même «  du polémiste prenant son chien à témoin de la lâcheté des hommes, qu’il
517 e, présentent au pardon de Dieu. Il y a le refuge du rêve, tout en marchant le long du quai aux Fleurs. Mais la prière n’e
33 1937, Esprit, articles (1932–1962). Paul Éluard, L’Évidence poétique (juin 1937)
518 u’à fermer les yeux pour que s’ouvrent les portes du merveilleux. » Phrase étonnante à la fois par la grandeur de l’espéra
519 délivré de l’esthétisme aristocratique des débuts du surréalisme. Mais que penser alors de cette conclusion : « Ils (les p
34 1937, Esprit, articles (1932–1962). M. Benda nous « cherche », mais ne nous trouve pas (juillet 1937)
520 n acte, M. Benda répliqua qu’il ne s’agissait pas du tout de cela, et que la pensée des jeunes se veut active en ce sens q
35 1937, Esprit, articles (1932–1962). Brève introduction à quelques témoignages littéraires (septembre 1937)
521 , et pour les mêmes raisons, les réponses varient du tout au nul. C’est dire qu’une réflexion patiente — mais urgente — s’
522 s, — ou « signes » simplement, mais qui prendront du fait de leur confrontation une valeur autre que documentaire, ou « li
523 ue documentaire, ou « littéraire » au sens étroit du mot. Quelques noms pour finir (mais nous comptons bien en donner proc
36 1937, Esprit, articles (1932–1962). Martin Lamm, Swedenborg (septembre 1937)
524 au contraire. Il est totalement inutile de parler du dernier roman, dont tout le monde parle, parce qu’il n’apporte rien.
525 tion ni son enthousiasme. C’est ce que l’on nomme du beau travail d’universitaire : l’absence de tout intérêt existentiel
526 cyclopédique, formé aux disciplines rationalistes du xviiie siècle, qui aboutit — c’est la thèse de Lamm —, par une évolu
527 n d’un effort admirable pour résoudre l’antinomie du rationalisme et du néo-platonisme sous l’égide de la foi chrétienne.
528 able pour résoudre l’antinomie du rationalisme et du néo-platonisme sous l’égide de la foi chrétienne. Entreprise en tous
529 rêmement ennuyeux à lire, quel que soit l’intérêt du sujet, donc à son détriment, surtout lorsqu’il s’agit d’un phénomène
530 et révèle un parti pris assez brutal de réduction du mystique à l’illusoire. Par exemple, il relate une des premières exta
531 nce dans le mysticisme ». Enfin, l’on ne voit pas du tout en quoi la logomachie particulière à l’époque de M. Lamm serait
532 étants pour l’intégrité de leur image « moderne » du monde, ont coutume de tout « ramener » à des catégories scientifiques
533 on sens la partie la plus intéressante de l’œuvre du Suédois, devait apparaître purement fantaisiste et périmée à un savan
534 al de « dépersonnalisation », ou d’anéantissement du moi, qui est sans conteste celui de tous les mystiques, orientaux ou
535 lieu de la véritable opposition. L’anéantissement du moi peut être recherché comme la suppression radicale de toute consci
536 ion — il aboutit évidemment à la négation absolue du personnalisme, chrétien ou humaniste. Ce serait — je simplifie — le c
537 ec l’éthique collectiviste. Mais l’anéantissement du moi peut aussi être compris comme un effort de l’homme pour se libére
538 d’abord expliquer qui était Luther, si mal connu du public « cultivé » français… Et préciser mes propres réserves à l’end
37 1937, Esprit, articles (1932–1962). Neutralité oblige (octobre 1937)
539 l’idéal que Keyserling juge à notre mesure, celui du tenancier de grand palace. (Ramuz, plus dur, parle de portier d’hôtel
540 e une raison d’être ? J’essaierai de répondre ici du point de vue qui me paraît le plus fécond non seulement pour l’esprit
541 ture et sept siècles d’histoire : le point de vue du personnalisme. ⁂ La question de la neutralité est peut-être la plus i
542 n pense généralement : la Suisse tire son épingle du jeu. Neutralité égale prudence, égoïsme, ambitions mesquines. Cela n’
543 n droit à rester neutre soit suffisamment garanti du seul fait qu’elle le juge naturel ? La meilleure garantie d’un droit,
544 la juste contrepartie des risques qu’on y court, du travail qu’on y donne. Si le propriétaire laisse ses terres en friche
545 és en fait ; comme le démontre l’histoire récente du capitalisme anonyme et des révolutions qu’il a fait naître. Or c’est
546 ef : sauvegarder une Weltanschauung où les droits du particulier et les devoirs envers le général se fécondent mutuellemen
547 ral se fécondent mutuellement75. Cette conception du monde n’est pas nouvelle ; elle constitue l’apport spécifique de l’Eu
548 xcès déplorables de l’individualisme bourgeois et du collectivisme dictatorial. Elle est la position centrale, à la fois n
549 rdiens des cols, gardiens de la papauté, gardiens du siège de la SDN et de celui de la Croix-Rouge, gardiens de ce qui est
550 ’esprit fédéral de l’Occident — en même temps que du personnalisme. Et c’est au nom de cette mission de gardienne du princ
551 me. Et c’est au nom de cette mission de gardienne du principe commun que la Suisse peut et doit maintenant revendiquer fac
552 e politique étrangère, ou de politique intérieure du voisin, avec d’autant plus de violence qu’elle y court moins de risqu
553 r aux « nationaux » de tel pays ou aux « rouges » du monde entier. D’autant plus que ce magistère ne paraît nullement s’ex
554 nous-mêmes, et de nos singularités sinon latines, du moins romanes. On se découvre en s’opposant, mais en s’opposant réell
555 Barrès, constamment tenté et enrichi par le génie du Rhin ? Pour nous qui n’avons pas les mêmes raisons de construire des
556 être) un combat perpétuel, exaltant, le battement du cœur de l’Europe. Vouloir créer une « culture suisse », ce serait tra
557 isé ses possibilités extrêmes. Nous avons le goût du moyen, c’est entendu, et je l’accorde à Ramuz, et je m’en irrite au m
558 es.) 3. — Avec l’armée, je reviens au concret, ou du moins à ce qu’on tient pour tel dans un pays où les valeurs intellect
559 neutre est très facilement justifiable, aux yeux du pacifiste le plus ardent. Elle ne peut livrer qu’une « guerre juste »
560 our des cols, dirait Liehburg ; milice au service du principe constituant de la fédération — et c’est pourquoi elle appart
561 itants de la région sont absolument dans la ligne du fédéralisme réel78. Mais que valent dans le fait, dans le concret, ce
562 ou agissent à contre-fin. Que l’armée soit proche du peuple, cela doit avoir pour effet idéal de « civiliser » la milice ;
563 ic, voilà l’indice qu’on perd le sens des buts et du rôle de l’armée dans la cité. Il ne s’agit ici que de nuances dans l’
564 spirituelle, devrait comporter normalement à côté du budget militaire80, un important budget de la culture. Je ne dis pas
565 ui le maintienne vivant et pur contre les ennemis du dedans, afin d’être fort au-dehors. L’esprit bourgeois, l’économie ca
566 de cette mission, et le grand air de l’Europe et du monde reviendra vivifier nos pays. Il y aura de nouveau du jeu, de la
567 reviendra vivifier nos pays. Il y aura de nouveau du jeu, de la passion, des communications fécondes entre les êtres, une
568  : Nous sommes chargés symboliquement de la garde du Saint-Gothard : mais c’est pour assurer la liberté de passage, et non
569 75. Par exemple : les droits des communes et ceux du canton ; les droits des cantons et ceux de la Confédération ; les dro
570 able Revue de Genève de Robert de Traz ; centre du renouveau calviniste ; laboratoire de pédagogie (Institut Rousseau) e
38 1938, Esprit, articles (1932–1962). La passion contre le mariage (septembre 1938)
571 igines religieuses de ce roman, dont l’influence, du xiie siècle jusqu’à nos jours, se révèle exactement assimilable à ce
572 ture, guerre, mariage. C’est l’influence actuelle du mythe manichéen (mais « profané » par la littérature) que l’on décrit
573 ’entraînaient trop d’allusions à d’autres parties du livre. 1. Crise moderne du mariage Deux morales s’affrontaient
574 à d’autres parties du livre. 1. Crise moderne du mariage Deux morales s’affrontaient au Moyen Âge : celle de la soc
575 ait — en principe tout au moins — la condamnation du mariage. Le jugement porté sur l’adultère, dans l’une et l’autre pers
576 ie manichéenne qui est à l’origine de la cortezia du Midi s’opposait au mariage catholique sur les trois chefs que l’on vi
577 ondamnait la procréation comme relevant de la loi du Prince des ténèbres, c’est-à-dire du Démiurge auteur du monde visible
578 nt de la loi du Prince des ténèbres, c’est-à-dire du Démiurge auteur du monde visible. Elle tendait enfin à détruire un or
579 nce des ténèbres, c’est-à-dire du Démiurge auteur du monde visible. Elle tendait enfin à détruire un ordre social qui perm
580 ermettait et exigeait la guerre, comme expression du vouloir-vivre collectif84. Mais le fondement de ces trois refus était
581 croyant manichéen, était l’expression dramatique du combat de la foi et du monde, devient alors pour le lecteur non avert
582 it l’expression dramatique du combat de la foi et du monde, devient alors pour le lecteur non averti une « poésie » équivo
583 , dont la puissance de séduction s’accroît encore du fait que l’on ignore la signification mystique de ses symboles, et qu
584 flatteur. Comment expliquer autrement qu’à partir du xiie siècle, celui qui commet l’adultère devienne soudain un personn
585 ’entends pas un instant ramener la crise actuelle du mariage au conflit de l’orthodoxie et d’une hérésie médiévale. Car ce
586 a bourgeoisie occidentale sont élevés dans l’idée du mariage, mais en même temps se trouvent baigner dans une atmosphère r
587 » sociales. En d’autres temps, ce fut la fonction du mythe85 que d’ordonner cette anarchie latente et de la composer symbo
588 nse littérature paraît chaque mois sur la « crise du mariage ». Mais je doute fort qu’il en résulte aucune espèce de solut
589 es livres aggravant au contraire notre conscience du problème, contribuent à le rendre insoluble. Ils sont les signes de l
590 dèrent longtemps les éléments : rites de l’achat, du rapt, de la quête et de l’exorcisme. Mais de nos jours, la dot perd d
591 lointaine et sacrée telles que la quasi-publicité du lit nuptial subsistèrent, dans certaines provinces, jusqu’en plein xv
592 s rites gardaient pour effet de socialiser l’acte du mariage, de l’intégrer dans l’existence communautaire. À partir du xv
593 intégrer dans l’existence communautaire. À partir du xviiie siècle, le thème du « Coucher de la mariée » n’est plus qu’un
594 mmunautaire. À partir du xviiie siècle, le thème du « Coucher de la mariée » n’est plus qu’une occasion d’anodines galant
595 pas de se produire un jour ou l’autre dans la vie du couple. Or c’est de tout cela, justement, que les modernes font dépen
596 n transcendées mais déprimées. 2. Idée moderne du bonheur Le mariage, cessant d’être garanti par un système de contr
597 re qu’il repose en fait sur une idée individuelle du bonheur, idée que l’on suppose commune aux deux conjoints dans le cas
598 e nous obséder par l’idée d’un bonheur facile, et du même coup de nous rendre inaptes à le posséder. Car tout ce qu’on nou
599 dilemme qu’introduit dans nos vies l’idée moderne du bonheur. Cela va de toute manière à la ruine du mariage en tant qu’in
600 e du bonheur. Cela va de toute manière à la ruine du mariage en tant qu’institution sociale. 3. « Aimer, c’est vivre ! 
601 stique bien plutôt qu’une dérogation aux coutumes du droit féodal. Mais là-dessus se produisit la confusion inévitable de
602 e « adaptation » moderne — pour parler le langage du cinéma, seul adéquat en l’occurrence — de la primauté de l’amour sur
603 s : mais personne ne peut plus le croire, à l’âge du film et du roman — nous sommes tous plus ou moins intoxiqués, — et ce
604 rsonne ne peut plus le croire, à l’âge du film et du roman — nous sommes tous plus ou moins intoxiqués, — et cette nuance
605 e qui le « démeine » — pour parler comme l’auteur du Tristan — cette nostalgie dont il ignore l’origine autant que la fin.
606 type de femme » et n’aimer qu’elle. Souvenez-vous du rêve de Nerval, l’apparition d’une noble Dame dans le paysage des sou
607 e une illusion apprise par la majorité des hommes du xxe siècle : or plus encore que l’image de la Mère, ce qui les tyran
608 désir et de sa plus secrète nostalgie88, l’Iseut du rêve ; elle est mariée, naturellement. Qu’elle divorce, et il l’épous
609 onfusion sans grandeur où se débattent les hommes du temps profane : au lieu de l’épée du chevalier, entre le bourgeois et
610 t les hommes du temps profane : au lieu de l’épée du chevalier, entre le bourgeois et sa femme, voici le rêve sournois du
611 le bourgeois et sa femme, voici le rêve sournois du mari qui ne peut plus désirer sa femme qu’en l’imaginant sa maîtresse
612 (Balzac déjà donne la recette dans sa Physiologie du mariage.) Une innombrable et écœurante littérature romanesque nous pe
613 œurante littérature romanesque nous peint ce type du mari qui redoute la « platitude », le train-train des liens légitimes
614 . Pour Tristan, Iseut n’était rien que le symbole du Désir lumineux : son au-delà, c’était la mort divinisante, libération
615 par là que cette passion se détachait des rythmes du désir charnel ; mais tandis que pour Tristan l’infini, c’est l’éterni
616 le Tristan moderne glisse vers le type contraire du Don Juan, de l’homme aux amours successives. Les catégories se détrui
617 re que jette sur nos psychologies la connaissance du mythe primitif, le succès du roman et du film apparaissent comme les
618 gies la connaissance du mythe primitif, le succès du roman et du film apparaissent comme les signes certains d’une décaden
619 aissance du mythe primitif, le succès du roman et du film apparaissent comme les signes certains d’une décadence de la per
620 nt « leur seuil », sortant de leur être propre et du présent tel qu’il leur est donné, incapables d’accepter l’autre tel q
621 bien que je ne convaincrai pas une seule victime du mythe profané. Mais il fallait faire voir, par quelques traits, comme
622 il faut admettre que la passion ruine l’idée même du mariage dans une époque où l’on tente la gageure de fonder le mariage
623 t si brouillée et défraîchie que soit l’empreinte du mythe primitif, c’est pourtant là qu’est le secret de l’inquiétude qu
624 ge d’infini dépassement entretenu par le souvenir du mythe. Essayer de prendre conscience de la nature du phénomène, c’est
625 mythe. Essayer de prendre conscience de la nature du phénomène, c’est à quoi se résume l’ambition des analyses qui précède
626 e sens bien qu’elles m’ont porté déjà aux limites du désobligeant : nous aimons trop nos illusions pour souffrir même qu’o
627 e moderne fondé — par antiphrase — sur les débris du mythe, entraîne des menaces évidemment intolérables pour tout ordre s
628 social, quel qu’il soit. (Et je ne parle même pas du danger spirituel que fait courir à la personne l’éthique de l’évasion
629 à la personne l’éthique de l’évasion, qui est née du mythe.) D’où les multiples tentatives de « restauration » du mariage
630 D’où les multiples tentatives de « restauration » du mariage auxquelles nous assistons depuis la guerre. Les églises font
631 ue » et les « névroses » qui seraient à l’origine du mal (d’où l’on déduit que la médecine mentale guérirait tout). Van de
632 e quant à leur efficacité : elle révèle l’étendue du désastre, sans apporter les éléments d’une révolution à sa mesure. En
633 aître « puritain ». On s’efforce de faire la part du feu, et l’on va même parfois jusqu’à ce paradoxe de présenter la pass
634 agine de nos jours est la négation pure et simple du mariage, que l’on prétend fonder sur lui. C’est qu’on ne sait pas au
635 Ainsi l’on passe avec une feinte légèreté à côté du problème fondamental. « Il faut se faire lire et gagner la confiance 
636 ortement et contre l’abandon des enfants nés hors du mariage. La rigueur subite de ces lois, le choc psychologique qu’elle
637 lement l’ambiance morale de la Russie vers la fin du premier plan de cinq ans. Le mariage se trouva restauré sur des bases
638 éthique matrimoniale de la jeunesse. La décadence du mythe de la passion dans la patrie du romantisme entraînait d’autre p
639 a décadence du mythe de la passion dans la patrie du romantisme entraînait d’autre part des conséquences bien plus complex
640 par la décadence des contraintes matrimoniales et du mythe de l’amour mortel. Déjà l’on voyait affleurer le fond de désesp
641 oir et d’anarchie intime que suppose toute morale du « bonheur » strictement individuelle. Or la dictature hitlérienne, du
642 tement individuelle. Or la dictature hitlérienne, du fait qu’elle prétendait se fonder sur une base raciste et militaire,
643 des SS (Schütz Staffeln : escouades de protection du régime, troupe sélectionnée incarnant l’idéal racial). Ces femmes doi
644 odes étrangères, mais par la section scientifique du ministère de la Propagande. En 1938, on institue des écoles analogues
645 tions externes indispensables à la reconstitution du mythe. La passion, officiellement éliminée, disqualifiée, et définie
646 orales échouent, entraînant l’effective abolition du besoin « spirituel », et donc artificiel, de la passion. Alors le cyc
647 Voir sur ce point : R. P. Lavaud, « L’idée divine du mariage », Études carmélitaines, avril 1938, p. 186). Le sacrement ca
648 sacrement catholique reposerait soit sur le récit du miracle de Cana (« simple hypothèse », dit l’auteur) ; soit sur le pa
649 hultz, Dokumente der Gnosis). 85. En particulier du mythe de Tristan, utilisant les formes de la morale chevaleresque pou
650 euse de la princesse de C. C. donna lieu au début du siècle à toute une littérature romanesque. Quant au thème de l’ouvrie
651 rature romanesque. Quant au thème de l’ouvrier ou du chauffeur qui « mérite » la fille du patron, il est abondamment explo
652 l’ouvrier ou du chauffeur qui « mérite » la fille du patron, il est abondamment exploité par le film allemand, depuis l’hi
653 définition d’Iseut. C’est la femme que l’on perd du seul fait qu’on l’obtient. On ne peut l’aimer que lointaine — comme l
654 alectique de la passion qui se distingue de celle du désir en ce qu’elle refuse la satisfaction. On n’aime pas Iseut, on a
39 1938, Esprit, articles (1932–1962). Revue des revues (septembre 1938)
655 attaque violemment M. Claude Farrère, apologiste du brigandage japonais, Th. Maulnier dénonce les équivoques de l’antisém
656 comme l’a fait voir la toute récente substitution du fauteuil académique au trône, dans la hiérarchie de ses vénérations).
657 lame très curieusement de la « nation » bretonne, du manifeste de Mounier, des droits de l’homme, de Jaurès, de la Commune
658 doit être considéré comme l’un des premiers actes du réveil « pluraliste » que nous appelons ici depuis nos débuts.   NR
40 1938, Esprit, articles (1932–1962). L’amour action, ou de la fidélité (novembre 1938)
659 celui qui choisit d’être dans son tort, aux yeux du monde — et dans ce tort majeur, irrévocable, que signifie le choix de
660 lement trahie : eritis sicut dei. Infinie naïveté du moraliste qui prétendait détourner l’homme de cette voie mortelle, di
661 ue et sotériologie (lois de l’hygiène et doctrine du salut). À vues humaines, la guérison de nos passions viendra de l’Éta
662 es glorifier dans la guerre au nom de l’innocence du Peuple ! Mais pour moi, ici et maintenant, le problème ne comporte p
663 nder en vérité ses préférences les plus secrètes, du moins peut-il connaître ses actions, et reconnaître à leurs effets le
664 choix qui détermine une existence. 2. Critique du mariage Si je ne vois pas de raison qui tienne contre la passion v
665 ins ont eu mauvaise conscience devant les ironies du romantique. Mais elles sont mises en pleine déroute par la simple vér
666 déroute par la simple véracité. La fameuse « paix du foyer » n’existe guère qu’au niveau d’une certaine éloquence moyenne,
667 Ce silence que l’épouse est censée ménager autour du vaillant travailleur qui rentre le soir, harassé, se retremper dans l
668 exalte la passion, comme étant la suprême valeur du « stade esthétique » de la vie ; puis la surmonte en exaltant le mari
669 a surmonte en exaltant le mariage, suprême valeur du « stade éthique » (c’est la « plénitude du temps ») ; puis condamne e
670 valeur du « stade éthique » (c’est la « plénitude du temps ») ; puis condamne enfin ce mariage, suprême obstacle du « stad
671 puis condamne enfin ce mariage, suprême obstacle du « stade religieux », puisqu’il nous lie au temps, précisément, quand
672 t ce philistin qui se contente d’épouser la veuve du brasseur, ou ce jeune fou qui aime la fille du roi, mais l’homme pieu
673 ve du brasseur, ou ce jeune fou qui aime la fille du roi, mais l’homme pieux qui estimait que la religion devait être un a
674 ur heureux, un mariage avec sa vertu. Car l’amour du pécheur pour Dieu est « essentiellement malheureux », et cette passio
675 t lorsqu’il a été appelé (vierge ou marié)… usant du monde comme n’en usant pas, car la figure de ce monde passe. » (I. Co
676 « Celui qui n’est pas marié s’inquiète des choses du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur, et celui qui est marié s’
677 eur, et celui qui est marié s’inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme. » (v. 32). ⁂ Tout ce qu’on p
678 iage est vrai, par conséquent doit être dit, soit du point de vue des romantiques — si l’on croit à Iseut —, soit du point
679 e des romantiques — si l’on croit à Iseut —, soit du point de vue du clerc parfait — si l’on croit à son œuvre —, soit du
680 s — si l’on croit à Iseut —, soit du point de vue du clerc parfait — si l’on croit à son œuvre —, soit du point de vue spi
681 clerc parfait — si l’on croit à son œuvre —, soit du point de vue spirituel pur, pour ceux qui croient. Il n’est possible
682 des objections humaines. Si j’oublie cet au-delà du mariage, mais aussi de tout ordre humain, qui s’appelle le Royaume de
683 accepte, je considère alors l’équilibre imparfait du mariage dans une perspective ouverte et dans l’attente — heureuse ou
684 rte et dans l’attente — heureuse ou malheureuse — du parfait. Je sais que je tente une entreprise folle (et en même temps
685 sons qu’il serait possible de peser. Cette erreur du bon sens est tout à fait grossière. Vous aurez beau tenter de mettre
686 elle de l’épouse choisie, encore bien moins celle du couple formé. Les facteurs mis en jeu sont trop hétéroclites. À suppo
687 ts, tout balbutiants et empiriques, d’une science du « mariage heureux »). Il faut le reconnaître honnêtement : le problèm
688 blème qui nous est posé par la nécessité pratique du mariage apparaît d’autant plus insoluble que l’on tient davantage à l
689 e » au sens rationnel de ce terme. Certes, il y a du sophisme dans mon raisonnement : car tout se passe d’ordinaire comme
690 rables deviennent décisifs. Le sophisme est alors du côté du bon sens, qui recommandait un choix mûri et raisonné, selon d
691 eviennent décisifs. Le sophisme est alors du côté du bon sens, qui recommandait un choix mûri et raisonné, selon des critè
692 rs chances de bonheur, on détourne leur attention du problème proprement éthique. En tentant de réduire ou de dissimuler l
693 je conclus qu’il serait plus conforme à l’essence du mariage, et au réel, d’enseigner aux jeunes gens que leur choix relèv
694 uites, heureuses ou non. Ce n’est pas là un éloge du « coup de tête » : car tant que l’on peut calculer, j’admets qu’il es
695 act. 4. Sur la fidélité On fausse l’éthique du mariage en faisant de la promesse de fidélité un problème, alors que
696 messe, considérée comme absolue. La problématique du mariage n’est pas du cur, mais du quomodo. « L’éthique ne commence pa
697 me absolue. La problématique du mariage n’est pas du cur, mais du quomodo. « L’éthique ne commence pas, dit Kierkegaard, d
698 a problématique du mariage n’est pas du cur, mais du quomodo. « L’éthique ne commence pas, dit Kierkegaard, dans une ignor
699 raîne. (De même on fausse la théologie en partant du « problème de Dieu » — exactement comme si l’on ne croyait pas — alor
700 iétant nom d’homme, au sens actuel. Car pour ceux du siècle présent, je pense que la fidélité se définit comme la moins na
701 tes morales et garanties de bonheur bourgeois ! » Du cynisme au tragique romantique, il n’y a pas de contradiction profond
702 nie la croyance commune en la valeur révélatrice du spontané et de la multiplicité des expériences. Elle nie que l’être a
703 nté de faire une œuvre. Car la fidélité n’est pas du tout une espèce de conservatisme. Elle est plutôt une construction. «
704 manifeste comme une œuvre, au sens le plus large du terme. Elle s’édifie à la manière d’une œuvre, à la faveur d’une œuvr
705 sseront de paraître raisonnables ! Si la promesse du mariage est le type même de l’acte sérieux, c’est dans la mesure où e
706 a réaliser : quand il y aurait toutes les raisons du monde de dire oui à cette passion éblouissante, — dire non en vertu d
707 s tard, après coup, l’homme découvre que la folie du sacrifice consenti était la plus grande sagesse ; et que le bonheur q
708 les : « Je suis toi-même ! » Ainsi de la fidélité du mythe, et de Tristan. C’est un narcissisme mystique, mais qui s’ignor
709 e cet amour, la mort, appelée comme la délivrance du moi coupable et asservi. Tristan n’est pas fidèle à une promesse, ni
710 pour témoigner en faveur de la Nuit, c’est-à-dire du moi glorifié. L’amour fidèle dans le mariage chrétien témoigne que la
711 n’y ait plus que « moi-le-monde » ! Mais l’amour du mariage est la fin de l’angoisse, l’acceptation de l’être limité, aim
712 ’est alliée — pour toute la vie, voilà le miracle du mariage. Une vie qui ne veut plus que mon bien, parce qu’il est confo
713 détruire ce qui détruit. « Je ne veux pas la mort du pécheur, mais sa vie. » ⁂ Éros s’asservit à la mort parce qu’il veut
714 à n’est pas la mort divinisante, mais le Jugement du Créateur. C’est ici-bas que notre sort se joue. C’est sur la terre qu
715 r là même, le pire ennemi de la vie, la séduction du Rien. Mais dès lors que le Verbe s’est fait chair et qu’il nous a par
716 toujours plus haut, dans l’ascension interminable du Désir qui consume la vie, mais ici-bas, dans l’obéissance à la Parole
717 la Parole. ⁂ Et qu’aurions-nous alors à craindre du désir ? Cela seulement : qu’il nous détourne d’obéir. Mais il perd sa
718 ue au sens moderne et revendicateur. Elle procède du mystère de l’amour, elle n’est que le signe et la démonstration du tr
719 mour, elle n’est que le signe et la démonstration du triomphe d’Agapè sur Éros. Car l’amour réellement réciproque exige et
720 ntit par la lucidité qu’elle développe. L’emprise du mythe faiblit d’autant ; et s’il reste improbable qu’elle s’abolisse
721 isser de traces dans le cœur d’un homme moderne — du moins perd-elle son efficace : ce n’est plus elle qui détermine la pe
722 délité se garantit elle-même contre l’infidélité, du simple fait qu’elle habitue à ne plus séparer le désir et l’amour. Ca
723 re avec des vérités psychologiques. Notre analyse du mythe nous a fait voir pourquoi l’on aime croire à la fatalité, qui e
724 en lieu et place de ma personne. » Pieux mensonge du servant d’Éros. Mais de combien de complaisances secrètes se compose
725 hements » idiots. Par contre, dans un état normal du corps et de l’esprit, le risque de coup de foudre est à peu près élim
726 t les rapports sexuels, est la meilleure garantie du plaisir, c’est-à-dire de l’Éros purement charnel, et non du tout divi
727 , c’est-à-dire de l’Éros purement charnel, et non du tout divinisé100. ⁂ On objecte alors que le mariage ne serait plus qu
728 beau de l’amour sauvage »101 (et plus communément du sentimentalisme). L’amour sauvage et naturel se manifeste par le viol
729 aux forces passionnelles. Ils y voient l’héritage du christianisme et le secret de notre dynamisme. Et il est vrai que ces
730 ts. Cependant, si les conclusions de notre examen du mythe courtois sont justes, il faudra corriger sensiblement ce schéma
731 t pas l’amour chrétien, ni même le « sous-produit du christianisme » ou le « changement d’adresse d’une force que le chris
732 tte religion avec nos plus vieilles croyances, et du conflit de l’hérésie qui en résulta avec l’orthodoxie chrétienne. Pre
733 ne conception de la vie ardente qui est un masque du désir de mort. Dynamisme inverti, et autodestructeur. Mais l’autre as
734 inverti, et autodestructeur. Mais l’autre aspect du dynamisme occidental, j’entends notre génie technique, ne saurait êtr
735 puisque c’est là le but et la fonction originelle du Démiurge, et puisque le salut est justement d’échapper à sa loi démon
736 ts occidentaux-chrétiens (c’est-à-dire créateurs) du dynamisme européen, sont orientés par une volonté exactement contrair
737 e de l’hérésie méridionale, il apparaît que c’est du Proche-Orient et de l’Iran, sources certaines de l’hérésie, que nous
738 ertain que l’Occidental christianisé se distingue du mystique oriental par son pouvoir d’approfondir l’être créé dans ce q
739 rche la connaissance dans l’abolition progressive du divers. Nous, nous cherchons la densité de l’être dans la personne di
740 ditions profondes de la fidélité, de la personne, du mariage, — et du refus de la passion. Elle suppose l’acceptation du d
741 de la fidélité, de la personne, du mariage, — et du refus de la passion. Elle suppose l’acceptation du différent, et donc
742 u refus de la passion. Elle suppose l’acceptation du différent, et donc de l’incomplet, la prise sur le concret dans ses l
743 lors à retrouver en profondeur toute la diversité du monde créé ; et c’est ainsi que la Renaissance définit l’homme : un m
744 et notre mort. Et c’est pourquoi la crise moderne du mariage est le signe le moins trompeur d’une décadence occidentale. I
745 tes, dans les domaines les plus divers : le culte du nombre, la poésie de l’évasion, l’envahissement de la culture par les
746 aux vues individuelles. Le « signe » de la crise du mariage nous parle et nous avertit mieux : aucun autre n’est plus sen
747 crise, formes et conventions décriées, extension du délire passionnel aux domaines où il peut entraîner la destruction de
748 lité. Quoi qu’il arrive, heur ou malheur, le sort du monde nous importe bien moins que la connaissance de nos devoirs prés
749 t qu’il n’en a connu aucune, et qu’il est en deçà du conflit. Pour cet homme-là le seul progrès concevable est dans la cri
750 ement, dans la ligne de cet ouvrage, mais au-delà du schématisme inhérent à tout exposé. ⁂ Le premier thème peut être situ
751 on amour, « il commence par le réduire à néant ». Du point de vue du monde et de la vie naturelle, Dieu apparaît alors com
752 ommence par le réduire à néant ». Du point de vue du monde et de la vie naturelle, Dieu apparaît alors comme « mon ennemi
753 me limite, à l’origine pure de la Passion, — mais du même coup nous sommes jetés au cœur même de la foi chrétienne ! Car v
754 her ailleurs que dans la vocation vraiment unique du Solitaire, le secret de son échec humain ? D’autres reçoivent une aut
755 me doit-il être conçu comme un aspect particulier du mouvement de retour de la passion, tel que l’a décrit Kierkegaard. Au
756 rte d’indifférence quasi divine. Elle est au-delà du doute et de la distinction ressentie comme un déchirement ; elle ne d
757 oi, l’on peut alors concevoir que la passion, née du mortel désir d’union mystique, ne saurait être dépassée et accomplie
758 à l’ancien, mais qui n’appartient plus à la forme du monde, car c’est lui qui transforme le monde. 93. Je m’en tiens au
759 mesure que l’homme se virilise : c’est l’argument du Dr Maranon en faveur de la monogamie. 95. La gauloiserie n’étant pas
760 n’étant pas moins que la passion une évasion hors du réel, une façon de l’idéaliser. 96. J’emploie ce terme au sens actif
761 ervation qui réfute les croyances courantes, nées du mythe de Tristan et de son négatif donjuanesque. Mais cette « raison 
762 t la chevalerie médiévale. 104. « L’idée antique du travail indigne de l’homme libre se retrouve dans la chevalerie », éc
763 explications ne me paraît rendre compte, le moins du monde, de la singularité du cas. Elles s’appliqueraient aussi bien à
764 ndre compte, le moins du monde, de la singularité du cas. Elles s’appliqueraient aussi bien à n’importe quel malade sans g
41 1938, Esprit, articles (1932–1962). Suite à « La passion contre le mariage » (décembre 1938)
765 se de Rougemont. La voici : Au sujet de la lettre du R. P. Lavaud — je n’ai rien voulu dire d’autre que cela même que préc
766 teur : à savoir que « les modalités d’institution du sacrement » restent, selon lui, hypothétiques. Pour l’objet de mon es
42 1939, Esprit, articles (1932–1962). D’une critique stérile (mai 1939)
767 la droite, puis de la gauche à l’épreuve alternée du pouvoir, la décomposition des « blocs », celle des Ligues trop peu no
768 thèses suivantes : 1. C’est le désir de « sortir du plan des vieux partis » qui rassemble ordinairement les premiers élém
769 n groupe local. 2. C’est l’impuissance à « sortir du plan des vieux partis » qui paralyse l’action de ce groupe, après que
770 On garde le secret désir d’arriver à une « prise du pouvoir » de type léniniste ou fasciste, c’est-à-dire de type partisa
771 partis existants, et l’on propose la colonisation du socialisme ou de la CGT — qui pratiquement vaut un parti — par les gr
772 personnellement à ce qu’on affirme. 15. L’attrait du parti n’est qu’en apparence l’attrait de la plus grande puissance ; e
773 la seule forme humaine de la justice. 23. Le but du personnalisme n’est pas de s’emparer des « centrales » pour établir e
43 1939, Esprit, articles (1932–1962). Autour de L’Amour et l’Occident (septembre 1939)
774 e que le lecteur y croit. Or moi je n’y crois pas du tout. Je ne crois pas aux « faits objectifs » dont l’historien préten
775 pliquer les mêmes critères à ce qui ne relève pas du même ordre. C’est à savoir : le sens d’une interprétation. Or c’est l
776 — qui ne peuvent plus se faire d’illusions — que du public qui croit aux manuels. Je ne dis pas cela contre vous. Je le d
777 vos critiques dans l’esprit de votre lecteur — et du mien. Car en fait, je ne prétends nullement que mon livre soit un liv
778 un livre d’histoire, dans ce sens « critiquable » du terme. Ce n’est pas même de l’histoire littéraire. C’est bien plutôt,
779 que j’en ai fait la cause principale de la crise du mariage moderne ! Et c’est si « beau », si « éloquent », si « intérie
780 une certaine compréhension des dogmes essentiels du christianisme. « L’Amour vient de Dieu, appartient à Dieu et tend ver
781 el, sa fièvre et son bonheur, un « aspect éternel du cœur humain » — si vous voulez… (Mais pourquoi ne pas dire du corps ?
782 in » — si vous voulez… (Mais pourquoi ne pas dire du corps ?) Un amour dont l’exaltation cependant, était considérée par l
783 anciens comme une maladie de l’âme. Mais à partir du xiie siècle, et par l’effet de confusions mystiques, l’exaltation de
784 me reprocherez de sacrifier la richesse émouvante du réel ; et moi, je crains que l’ambition scolastico-mirandolesque d’as
44 1946, Esprit, articles (1932–1962). « Un divorce entre le christianisme et le monde ? » (août-septembre 1946)
785 t eu mariage. Or l’Église chrétienne est l’Épouse du Christ. Quand elle s’arrange trop bien avec le monde (Constantin et l
786 fois sur la fonction de l’Église et sur la nature du monde. Le fait que leur incompatibilité se voit mieux aujourd’hui qu’
787 le monde romain ; ni les staliniens s’inquiétant du « divorce actuel entre le marxisme et le monde moderne », lequel s’es
788 e chrétien, monde moderne ». Le texte est précédé du chapeau suivant : « Certains de nos correspondants ont posé la questi
45 1946, Esprit, articles (1932–1962). Épilogue (novembre 1946)
789 nommeront des commissions pour savoir si l’usage du savon favorise sournoisement le fascisme, ou bien la mainmise moscout
790 s ou républicaines jusqu’à la mort. Plus question du savon. Brossez-vous. Nous ne posons pas de question de principe à pro
791 ui généralement fait le travail à la satisfaction du plus grand nombre, puis se dissout. C’est ainsi que de 1942 à 1946, l
792 la jeune garde. Les partis, dans les commissions du Congrès et du Sénat, se sont bornés à des échanges d’arguments souven
793 e. Les partis, dans les commissions du Congrès et du Sénat, se sont bornés à des échanges d’arguments souvent brutaux, au
794 ance un crédit démesuré, plus qu’à nul autre pays du monde. Le sentez-vous ? À vous de n’en point abuser. C’est d’ailleurs
795 e et travailleur, et mon arrière-grand-mère était du Wurtemberg. Les Italiens ? Nous en aurons bientôt autant chez nous qu
796 . Le Vatican a la plus vieille diplomatie secrète du monde : c’est sans doute lui qui sait le mieux comment traiter ces Ét
797 duction en masse et sans y regarder de trop près, du travail par équipes, pour battre un record, du gaspillage, des chants
798 s, du travail par équipes, pour battre un record, du gaspillage, des chants et des beuveries. On dit que c’est la question
799 le… To sum up : Liberté, Prospérité et Poursuite du Bonheur, ce sont là mes trois idéaux. Et je ne les vois réalisés qu’e
800 nsons, ils embrassent mieux que nous la confusion du siècle, ils y sont installés carrément, et ils l’exploitent non sans
801 ormule ou forme d’expression, c’est l’incohérence du réel. (Tout ce que l’on peut en dire, c’est qu’on l’éprouve.) Or just
802 , cesse d’imiter et se met à créer. La réduction du fait à une signification. L’Américain croit aux faits, dur comme fer.
803 ous voulez que l’Europe dure encore — et le reste du monde en a besoin — ne vous contentez pas d’appeler périodiquement l’
804 enons d’eux à tenir parole, à nous laver, à boire du lait, à être à l’heure, à ne pas couper les files par principe, à obs
805 per les files par principe, à observer les règles du jeu dans la mesure où elles sont raisonnables, à faire crédit, à paye
46 1948, Esprit, articles (1932–1962). Thèses du fédéralisme (novembre 1948)
806 Thèses du fédéralisme (novembre 1948)bi bj L’Europe absente, démissionnaire,
807 velle, une confiance — ouvrent l’Europe au monde, du même coup. Ce qu’il nous faut demander et obtenir — obtenir de nous-m
808 endre les intérêts de leur nation contre le reste du monde. La fédération sera l’œuvre de groupes et de personnes qui pren
809 fédéraliste. bi. Rougemont Denis de, « Thèses du fédéralisme », Esprit, Paris, novembre 1948, p. 608-610. bj. Il s’ag
810 spécial d’Esprit sur le thème « Les deux visages du fédéralisme européen ».
47 1962, Esprit, articles (1932–1962). Lettre à Jean-Marie Domenach, à propos de « Sartre et l’Europe » (mai 1962)
811 que d’une Europe des « règlements de douanes » et du « foie gras » : c’est en son nom, dites-vous, que je répondais à Sart
812 de « l’Europe » mythique qu’injurie Sartre, mais du rôle de l’Europe historique dans le monde, et notamment des tâches do
813 tâches dont elle est responsable — au sens actif du mot, cette fois — à l’égard des peuples décolonisés. Je concluais en
814 ant la crise économique et la fièvre nationaliste du tiers-monde, l’heure n’est pas de cracher sur nos valeurs, mais de le
815 uger bassement matérialistes, n’étant ni Russe ni du tiers-monde. bk. Rougemont Denis de, « Lettre à Jean-Marie Domenac