1 1932, Esprit, articles (1932–1962). À l’index (Première liste) : Candide (octobre 1932)
1 d’après ses souvenirs d’avant-crise sans doute — ne parvient pas à égaler les célèbres galipettes du père de Salavin ou l
2 ervices de propagande officieuse. M. Marcel Hutin n’ a qu’à bien se tenir. La réussite est si complète qu’on se sent pris d
3 onception de Français né paillard, décoré, et qui ne sait pas la géographie. Il faut tout de même que nos camarades de la
4 et qu’il faudrait qualifier de criminelle si elle n’ était avant tout veule, plate et sénile, au point de perdre toute effi
2 1932, Esprit, articles (1932–1962). On oubliera les juges (novembre 1932)
5 ique, voilà bien notre monde. Mais une pensée qui n’ agit pas n’est plus de la pensée ; une action qu’on ne « pense » pas n
6 bien notre monde. Mais une pensée qui n’agit pas n’ est plus de la pensée ; une action qu’on ne « pense » pas ne peut pas
7 it pas n’est plus de la pensée ; une action qu’on ne « pense » pas ne peut pas être créatrice. En tant que révolutionnaire
8 de la pensée ; une action qu’on ne « pense » pas ne peut pas être créatrice. En tant que révolutionnaires, c’est de ce po
9 Ah oui ! si la Révolution était faite déjà ! Elle ne l’est guère que dans nos cœurs, — et toujours à recommencer. Ce que l
10 l’instant commande, dans le monde tel qu’il est, n’ est-ce pas, d’une façon plus urgente, « l’observation révolutionnaire 
11 de l’éthique, devant huit officiers corrects qui n’ ont jamais rien entendu de pareil, ainsi qu’en témoignent leurs visage
12 insi qu’en témoignent leurs visages anonymes. Ils n’ auront pas à s’exprimer, d’ailleurs, sinon par la voix de leur préside
13 ncompréhensible colère de fauve en cage — mais il n’ y a pas de cage. Et chacun sait qu’au bout du compte il y aura un an d
14 sé son acte. Les autres appliquent un tarif. ⁂ Je ne suis pas antimilitariste. Je ne suis même pas pacifiste. Eussè-je été
15 nt un tarif. ⁂ Je ne suis pas antimilitariste. Je ne suis même pas pacifiste. Eussè-je été tenté de le devenir qu’il m’eût
16 nsée de Pascal en l’attribuant à Pasteur. On peut n’ être pas difficile : on tient tout de même à choisir ses complices. Sa
17 fondements idéologiques de ce monde sont morts ou n’ en valent guère mieux, tant ils sont enrobés de crasse hypocrisie par
18 lique, a gardé parmi nous quelque prestige. Un je ne sais quoi de rassurant et d’avouable, qui fait qu’on invoque son nom
19 ’affirmer par une personnalité, et par là même de ne plus coïncider avec les intérêts, les habitudes de la classe, et la v
20 Martin parce qu’il refuse de faire la guerre. (Ça n’ est pas tout à fait des mêmes braves gens qu’il s’agit dans les deux c
21 mais c’est du même état, qu’ils tolèrent.) 4° Il n’ y a qu’un rapport de trahison entre les idéaux pour lesquels nous nous
22 courage. On les a décorés, on l’emprisonne. 5° Il n’ y a qu’un rapport de trahison entre la religion chrétienne et la relig
23 u gouvernement croit pouvoir remarquer « que l’on n’ est pas ici pour parler de théologie et de subtile philosophie ». Andr
24 C’est faux ! Vous faites de la théologie, et vous ne faites même que cela ; c’est une tout autre théologie que la chrétien
25 État-Dieu, qui veut l’obéissance aveugle… » 6° Il n’ y a qu’un rapport de lâcheté entre les formes de la justice actuelle e
26 plan où nul arrêt de la justice humaine désormais ne saurait l’esquiver. Personne n’a réfuté ces témoignages, cette plaido
27 humaine désormais ne saurait l’esquiver. Personne n’ a réfuté ces témoignages, cette plaidoirie. Le président n’avait rien
28 é ces témoignages, cette plaidoirie. Le président n’ avait rien trouvé d’autre qu’une « colle » d’examinateur. « Le cas de
29 Prenons garde que la fameuse « cause de la paix » ne nous détourne de l’action nécessaire, qui ne saurait longtemps demeur
30 ix » ne nous détourne de l’action nécessaire, qui ne saurait longtemps demeurer pacifiste. Dans un régime social où tout s
3 1933, Esprit, articles (1932–1962). Comment rompre ? (mars 1933)
31 nécessaire de l’« ordre chrétien » du monde. Nous ne l’avons pas cru longtemps, — le temps de nous souvenir de la guerre.
32 permise, prétend encore dominer sur l’Europe, et ne peut maintenir cette apparence de règne qu’en confondant scandaleusem
33 le témoignage d’un réveil. Et quand bien même il ne serait poussé que par quelques-uns, rien ni personne ne pourra faire
34 ait poussé que par quelques-uns, rien ni personne ne pourra faire qu’il n’y ait eu cette preuve, aujourd’hui, d’une volont
35 lques-uns, rien ni personne ne pourra faire qu’il n’ y ait eu cette preuve, aujourd’hui, d’une volonté de rupture, ce témoi
36 coup ? qui dénoncer ? au nom de quoi ? La rupture ne pourra s’opérer qu’au lieu même où la collusion s’est faite. Or elle
37 au lieu même où la collusion s’est faite. Or elle n’ a pas pu se faire entre le christianisme et l’injustice de ce monde, l
38 le christianisme et l’injustice de ce monde, l’un n’ existant que pour autant qu’il exclut l’autre. Ce n’est pas le christi
39 existant que pour autant qu’il exclut l’autre. Ce n’ est pas le christianisme qui a confondu sa cause avec celle de la bour
40 ficiel et le plus puissant de la chrétienté, — il n’ est pas le christianisme, et ce n’est pas à lui de rompre avec l’injus
41 hrétienté, — il n’est pas le christianisme, et ce n’ est pas à lui de rompre avec l’injustice dont il s’est fait le soutien
42 njuste du monde et s’appuyant sur lui, en réalité n’ est plus l’Église et n’a plus le droit de parler ; elle n’est plus qu’
43 puyant sur lui, en réalité n’est plus l’Église et n’ a plus le droit de parler ; elle n’est plus qu’une précieuse auxiliair
44 us l’Église et n’a plus le droit de parler ; elle n’ est plus qu’une précieuse auxiliaire de la préfecture de police. Qu’on
45 euse auxiliaire de la préfecture de police. Qu’on n’ attende donc pas de nous un appel aux églises en tant que corps consti
46 utions, les protestations et les collectes, elles ne pourront qu’attester par là même qu’elles ne sont plus le christianis
47 lles ne pourront qu’attester par là même qu’elles ne sont plus le christianisme, qu’elles sont incapables de rupture, qu’e
48 le nouvelle opposée aux doctrines régnantes. Nous n’ attendons rien d’aucun acte délibéré, pesé et calculé, tendant à désol
49 e que la « chrétienté » est sécularisée, et qu’on ne peut demander à ce siècle de rompre avec lui-même, de s’arracher le c
50 e rompre avec lui-même, de s’arracher le cœur. Il n’ y a de rupture possible qu’au nom de l’Évangile2. Elle ne peut se prod
51 e rupture possible qu’au nom de l’Évangile2. Elle ne peut se produire qu’entre le christianisme véritable et cette « chrét
52 ncore au nom du christianisme. ⁂ Le christianisme n’ est pas une puissance à notre disposition, puissance que les hommes au
53 ort, simplement, de mal utiliser, de négliger. Il n’ y a pas, en vérité, de « forces chrétiennes » spécifiques constituées,
54 licités avec les « forces du monde ». Le chrétien ne connaît pas d’autre force réelle que celle de la foi. Or cette unique
55 réelle que celle de la foi. Or cette unique force ne lui appartient pas ; tout au plus le saisit-elle, d’une manière impré
56 rs l’utiliserait-il à son gré ? Car d’une part il ne peut pas la compromettre, et ce qu’il compromet, c’est toujours autre
57 se. Mais d’autre part, et pour la même raison, il ne peut s’en targuer pour fonder un « ordre chrétien » ; et s’il le fond
58 ine permanente et les manifestations actuelles. ⁂ Ne nous excusons pas d’avoir recours ici à des formules théologiques, pu
59 du bonheur terrestre. La rupture que nous voulons n’ aura de conséquences politiques que si nous posons le problème sur son
60 ème sur son plan réel. Or, le lieu de sa décision n’ est pas le lieu des décisions et des calculs humains ; il est à l’inté
61 e un avoir de la Pauvreté évangélique, et bientôt ne plus vivre que sur les intérêts de cet avoir. Mais si la foi, don de
62 la foi, don de Dieu, et gratuit — « afin que nul ne se glorifie » — est une participation instantanée à l’éternel, elle j
63 mposteur dans tout homme qui se dit chrétien. (Je ne dis pas cela d’un point de vue antichrétien.) Mais c’est aussi pourqu
64 ngeaient ton pain t’ont dressé des pièges — et tu n’ as pas su t’en apercevoir ! — Toi qui t’assieds sur les hauteurs et qu
65 c les ordres de la foi. Et l’on a vu Babitt. Mais n’ allons pas chercher si loin. Ouvrons un journal de Paris. Un discours
66 dée religieuse, l’idée même de Dieu est abolie… » Ne pouvant supporter l’idée que cette « idée » soit abolie, le père de l
67 francs. Ah ! qu’un sans-Dieu vienne me dire : je ne crois pas à vos paroles, chrétiens menteurs ! — et je lui répondrai :
68 e » une « idée » qui sert l’injustice établie. Tu ne crois pas à ces paroles et tu fais bien, même si tu en souffres ; mai
69 ir, car je suis encore plus sceptique que toi… Tu ne crois pas, dis-tu à ces docteurs, mais pourquoi les crois-tu soudain,
70 mort. Les uns alors défendent ses propriétés, je ne sais quelles régions spirituelles dont tout leur être — et cette mala
71 On leur répond qu’il y a prescription : l’Esprit n’ est plus avec ceux qui ont intérêt à le défendre. L’Esprit n’est plus
72 avec ceux qui ont intérêt à le défendre. L’Esprit n’ est plus avec ceux qui ont cru pouvoir l’utiliser. L’esprit n’est jama
73 vec ceux qui ont cru pouvoir l’utiliser. L’esprit n’ est jamais avec ceux qui le défendent6, mais peut-être avec ceux qu’il
74 d’être « établi ». Qu’il ait pu l’être, la faute n’ en est pas à lui, mais à la défection du christianisme ; à cette défec
75 du la seule force qui le dominait. « Car le péché n’ est pas le dérèglement de la chair et du sang, mais le consentement de
76 e l’esprit à ce dérèglement8 ». Et pourtant, nous n’ avons jamais à dresser notre christianisme contre le monde, comme une
77 l’Église est en tout temps de dire au monde : Tu ne dois pas ! Mais c’est à la foi seule de me dire : Tu dois ! En son no
78 la foi seule de me dire : Tu dois ! En son nom je ne puis engager que moi-même, hic et nunc. La politique est affaire de s
79 la foi, c’est le choix et non pas le système : il n’ est de choix que personnel. Ainsi le rôle de l’Église doit-il rester d
80 eu d’obéissance privilégié pour le chrétien, mais ne se confond pas avec l’enjeu de son salut. Tel est le paradoxe, qui re
81 llement actuel ». Cette foi est inaliénable. Elle ne constitue pas un ordre : elle donne des ordres, simplement. Elle n’es
82 n ordre : elle donne des ordres, simplement. Elle n’ est jamais entrée en collusion avec aucune durée, étant la rupture de
83 Une idée fausse, par définition, le christianisme n’ étant rien d’autre qu’un événement, un drame entre Dieu et l’homme. 6
84 , un drame entre Dieu et l’homme. 6. Parce qu’on ne peut pas le défendre, cela n’a aucun sens, et ceux qui prétendent le
85 me. 6. Parce qu’on ne peut pas le défendre, cela n’ a aucun sens, et ceux qui prétendent le défendre mentent, et ne défend
86 s, et ceux qui prétendent le défendre mentent, et ne défendent que leur esprit. On sait ce que c’est que l’esprit, en ce s
4 1933, Esprit, articles (1932–1962). Protestants (mars 1933)
87 ima : le conformisme des révoltés est le pire. Il ne suit pas de là, contrairement à ce que prétendent certains écrivains
88 « avancées » des professions de foi dont personne ne songe à contester l’opportunité. (Cette tolérance peut d’ailleurs par
89 s de ses conclusions sont nettement étatistes, il n’ en reste pas moins non conformiste par la façon dont il pose les probl
90 du marxisme. Il le rejette en définitive, mais ce n’ est pas sans avoir reconnu que sa force persuasive vient de ce que seu
91 us-Christ et de l’Église comme de deux choses qui n’ ont rien en commun. » Il constate que l’Église est intervenue dans la
92 onomique vient à l’appui de la thèse marxiste qui ne veut voir dans les Églises que des institutions de classe. Cette posi
93 personnages les plus influents du Japon, et l’on n’ a pas oublié son fameux message aux peuples chinois, publié à Tokyo pe
94 tarde aux solutions réformistes et pacifistes, et n’ a pas tenté jusqu’ici d’édifier une doctrine originale. Elle semble re
95 vu plus haut. En dehors des écrits de Philip, on ne trouvera guère d’écho à l’effort critique de la « théologie politique
5 1933, Esprit, articles (1932–1962). Loisir ou temps vide ? (juillet 1933)
96 e la présente corruption du travail. Notre siècle ne connaît plus ni le travail ni le loisir depuis qu’il a coupé leurs li
97 rétexte à récriminations : « je turbine » ou « je ne fous rien ». Phrases d’esclaves, consternante misère : une misère qui
98 la production et la consommation. Cette division n’ est pas humaine. Elle nous asservit. Je veux dire que nous en pâtisson
99 ux dire que nous en pâtissons dans une mesure qui n’ est pas celle de la condamnation portée sur notre race. On peut dire q
100 Lorsque l’homme renonce à créer, son « travail » n’ est plus que souffrance. Il ne s’agit plus d’accoucher, mais seulement
101 er, son « travail » n’est plus que souffrance. Il ne s’agit plus d’accoucher, mais seulement de purger sa peine. C’est alo
102 t très supérieure. Les singes gagnent leur vie et ne font pas d’histoires. Ils ne font pas tant de publicité et de plans q
103 gagnent leur vie et ne font pas d’histoires. Ils ne font pas tant de publicité et de plans quinquennaux. Leurs moyens son
104 tre l’esprit au service du « minimum de vie » que n’ importe quel animal s’assure à moins de frais. Sinistre farce. Morale
105 otre acte nous dépasse. « Primauté du spirituel » n’ a pas d’autre sens pour nous. Bourgeois et marxistes partent de la néc
106 italisme. ⁂ Ils partent donc de la nécessité. Ils n’ arriveront jamais à la liberté, au loisir plein. Si la liberté n’est p
107 mais à la liberté, au loisir plein. Si la liberté n’ est pas à l’origine d’un système, elle ne s’introduira jamais dans ses
108 liberté n’est pas à l’origine d’un système, elle ne s’introduira jamais dans ses effets (à moins d’une révolution). Mais
109 minimum de vie se trouve condamné par là même à ne jamais suffire à cette nécessité. Car la seule défense efficace, c’es
110 anique, si l’on convient que la mesure du travail ne peut être prise ailleurs que dans la capacité humaine d’utiliser les
111 En sorte que le « temps vuide » de l’Encyclopédie n’ est au vrai qu’un temps vidé, irréel renversement d’un temps rempli, d
112 du travail, et son but ; si le labeur et le repos n’ ont plus de finalité commune ; s’il n’y a plus de loisir dans le trava
113 et le repos n’ont plus de finalité commune ; s’il n’ y a plus de loisir dans le travail ni de travail dans le loisir ; s’il
114 ns le travail ni de travail dans le loisir ; s’il n’ y a plus rien dans l’un qui permette de saisir la nature de l’autre, i
115 n qui permette de saisir la nature de l’autre, il n’ y a plus alors que de l’absurdité pour l’esprit qui les confronte, il
116 e l’absurdité pour l’esprit qui les confronte, il n’ y a plus que du désordre et des souffrances pour le corps qui les subi
117 s créatrices. Nous dirons : le but du travail, ce n’ est pas le loisir, mais la création. Et le but du loisir, ce n’est pas
118 loisir, mais la création. Et le but du loisir, ce n’ est pas la jouissance, mais la création. Nous n’avons pas le goût du v
119 e n’est pas la jouissance, mais la création. Nous n’ avons pas le goût du vide. Par cet acte, travail et loisir retrouveron
120 commun sens : dans l’actualité de l’être, où ils ne seront plus que les temps alternés d’une plénitude joyeusement renouv
121 nouveau. Le temps de cet homme est plein, et nul n’ y pourrait distinguer des heures « creuses » ou des efforts stériles.
122 r créateur ? Un long travail d’enfantement ? Cela ne va pas sans douleur, non plus que sans volupté. Mais le sens et la fi
123 ment consécutif, des institutions et des lois, je ne vois rien de plus néfaste que la fameuse législation du travail (c’es
124 sonne, il faut légiférer à partir de cet acte. Il ne peut sortir d’un système que ce que l’on y met dès l’origine. 10.
125 ature du travail créateur, l’émulation socialiste n’ est rien d’autre qu’un nouvel opium. Ce bourrage de crâne réalisé sur
126 ourrage de crâne réalisé sur une échelle que Ford n’ avait imaginée qu’en rêve, c’est la tentative désespérée de Staline po
6 1934, Esprit, articles (1932–1962). Préface à une littérature (octobre 1934)
127 irer, mes amis, sinon la négation d’un mal, et ce n’ est pas encore le bien sauveur ! Voici notre erreur perpétuelle : nous
128 : nous peignons notre état un peu plus noir qu’il n’ est, afin d’éclairer par contraste un avenir qui devra son éclat moins
129 ent de nos décrépitudes. Si la préface à l’avenir n’ était qu’anathème au présent, où serait notre création ? Et si l’ordre
130 t notre création ? Et si l’ordre que nous voulons n’ était rien d’autre que la subversion du désordre où nous sommes nés, d
131 mmes nés, d’où viendrait donc l’ordre vivant ? On ne crée pas la vie en insultant la mort. Il faudra se tourner ailleurs.
132 ment blessées. Notre conscience à moitié endormie ne se réveille plus que sous les coups. Il nous faut apprendre le bien p
133 sidération du désordre. Mais cet examen misérable ne mènera-t-il qu’à des révoltes trop prévues ? Peut-on sortir de ce cer
134 ière : c’est une littérature qui aime parler pour ne rien dire. Elle n’est occupée qu’à « bien » dire, — et c’est pourquoi
135 ttérature qui aime parler pour ne rien dire. Elle n’ est occupée qu’à « bien » dire, — et c’est pourquoi elle parle mal. Or
136 e parle mal. Or ceux qui l’ont attaquée jusqu’ici n’ ont rien fait d’autre, ou n’ont rien fait de mieux. Ils ont eu parfois
137 nt attaquée jusqu’ici n’ont rien fait d’autre, ou n’ ont rien fait de mieux. Ils ont eu parfois de beaux cris, mais à qui l
138 us amusants que les acteurs du jeu classique… Ils n’ étaient que le non d’un non. Dirons-nous non à notre tour ? Que ce soi
139 e oui, à l’homme total, à l’homme renouvelé. Nous ne clamons pas la fin de la littérature des autres au nom d’une littérat
140 de ce qui juge l’art, — et le recrée. Nos griefs ne sont pas littéraires ; ils sont, ils veulent être humains. Fin d’un
141 les poètes romantiques, chantres de l’Idéal qu’on n’ atteint pas, pour l’avoir mis trop haut. Soit que l’on gruge légalemen
142 oi meilleure, un esprit pur, une revanche, dût-on n’ y parvenir jamais. On lit cette littérature pour « échapper aux soucis
143 ues qu’ils défendent, le jeune bourgeois émancipé ne pourrait pas « vivre sa vie ». Il se sentirait prisonnier. Il en vien
144 les immoralistes : ils expriment bien mieux qu’il ne saurait le faire ses propres révoltes et ses rêves. Ils lui en font u
145 se passe, rougeole se passe, — mais rien de grave ne se passe. C’est comme au jeu de pigeon vole. Il reste quelques écriva
146 nt de nouvelles. Quelques-uns, deux ou trois, qui ne sont pas littérateurs, qui seront la littérature quand tous les autre
147 une part les moralistes bourgeois — mais personne ne croit plus à la morale bourgeoise — d’autre part les immoralistes, ma
148 rgeoise — d’autre part les immoralistes, mais ils ne vont pas jusqu’au bout de leurs audaces. Ils sont sans foi dans leur
149 avantage de la gratuité de leurs drames. Personne ne croyant plus à rien — j’entends personne ne prouvant plus qu’il croit
150 sonne ne croyant plus à rien — j’entends personne ne prouvant plus qu’il croit à l’essentiel de ce qu’il dit —, la critiqu
151 it —, la critique littéraire de cette littérature n’ a plus de sens réel, ni plus d’autorité. Critiquer, c’est d’abord poss
152 ois trahissent la décadence du régime plus qu’ils n’ annoncent la venue d’un nouvel ordre. Une critique dépourvue de critèr
153 ère indépendant de la littérature est condamnée à ne plus critiquer que les moyens de cette littérature. Elle les juge pou
154 ui dont il faudrait parler, et qu’on ignore. Elle ne juge plus : elle traduit la rumeur des salons, des cafés, des anticha
155 t le chercher aujourd’hui dans une science que je n’ aime guère, et qui s’appelle la sociologie. La grande faiblesse de la
156 elle est incertaine de sa mission. Cette anarchie ne se développera pas impunément : elle va se résoudre en violences. Il
157 impunément : elle va se résoudre en violences. Il n’ y a pas d’exemples, dans l’histoire, qu’une littérature sans nécessité
158  c’est-à-dire sans message positif et populaire — n’ ait été finalement utilisée par des puissances qu’elle avait négligées
159 réductible, au nom de quoi elle dirait non ? Elle n’ a pas de visée humaine, elle n’est plus que littérature, et les fameus
160 dirait non ? Elle n’a pas de visée humaine, elle n’ est plus que littérature, et les fameuses « valeurs » littéraires, on
161 u de poids dans la balance politique. Tout ce qui n’ est pas déjà au service des hommes, est déjà au service de ce qui les
162 t. Préface à l’imprévisible Une littérature n’ est valable — et son influence efficace — que si elle ordonne ses œuvr
163 lisation, — les lieux communs de l’ère finissante ne sont plus que malentendus, et la seule convention qui subsiste, c’est
164 . « Philosophe et guerrier, écrit Rudolf Kassner, n’ ont presque plus en commun que des banalités. » Mais quelle est la nat
165 apidement achevé de disqualifier l’esprit pur, il ne reste à nos « hommes d’action » d’autres normes et d’autre mesure que
166 e monde est devenu impensable, c’est avouer qu’il n’ y a plus de mesure commune à la pensée et à l’action, — hors la monnai
167 tat ou dans la nation un principe de grandeur qui n’ est plus que dans l’homme. Mais si nous trouvons ce principe, nous aur
168 us dirons première heure de la personne. Ceux qui n’ ont pas en eux cette mesure de l’homme, que pourraient-ils voir d’autr
169 re nouvelle sera le fait de l’homme renouvelé, je ne dis pas de l’homme nouveau — je n’y crois pas — je dis : de l’homme r
170 renouvelé, je ne dis pas de l’homme nouveau — je n’ y crois pas — je dis : de l’homme rendu à la conscience de sa liberté.
171 lle. Mais c’est aussi une obéissance nouvelle. Je ne conçois de liberté concrète que dans l’exercice fidèle de ma vocation
172 ns-nous la témérité et la naïveté de prévoir ? On ne prévoit pas un chef-d’œuvre, et la littérature, c’est d’abord les che
173 e intime de l’homme moderne avec le parti pris de ne jamais juger, avec le parti pris de n’en jamais avoir, qui est sans d
174 ti pris de ne jamais juger, avec le parti pris de n’ en jamais avoir, qui est sans doute le pire des partis pris. La littér
175 e. Méfiance significative ! Les thèses de Bourget ne valaient pas grand-chose : pauvre prétexte à n’en point chercher de m
176 t ne valaient pas grand-chose : pauvre prétexte à n’ en point chercher de meilleures. Ce n’est pas l’échec de Bourget qui p
177 prétexte à n’en point chercher de meilleures. Ce n’ est pas l’échec de Bourget qui peut expliquer à lui seul un refus auss
178 s romanciers. La vérité, c’est que la bourgeoisie n’ ose plus défendre ses vrais buts, et préfère parler d’autre chose. Tou
179 et préfère parler d’autre chose. Tous nos romans ne sont que diversions, idéalistes ou immoralistes, s’ils ne sont pas le
180 que diversions, idéalistes ou immoralistes, s’ils ne sont pas les descriptions désenchantées d’une société en voie de diss
181 ue. Les civilisations conscientes de leur mission n’ ont jamais craint d’affirmer leur morale. Elles n’ont jamais pensé qu’
182 n’ont jamais craint d’affirmer leur morale. Elles n’ ont jamais pensé qu’une œuvre d’art perdrait de sa valeur à illustrer
183 r de ce rajeunissement. Craignons que le fascisme ne tire bénéfice, avant nous, d’une faim trop facile à tromper. Il est b
184 ommune. Restaurer le prestige de la culture, cela ne va pas à la spéculation gratuite, dans un monde personnaliste. Les « 
185 c’est-à-dire à penser avec les mains, ou encore à ne rien penser qui n’engage en puissance notre être tout entier, corps e
186 er avec les mains, ou encore à ne rien penser qui n’ engage en puissance notre être tout entier, corps et âme sans distinct
187 après-guerre. Les mauvais écrivains d’aujourd’hui ne valent rien humainement. Ils ne font que copier les vices des meilleu
188 ins d’aujourd’hui ne valent rien humainement. Ils ne font que copier les vices des meilleurs. Les plus primaires sont les
189 édigés sans littérature. Voilà qui est banal ? Je n’ en suis pas fâché. Aucune révolution n’a jamais inventé de vertu réell
190 banal ? Je n’en suis pas fâché. Aucune révolution n’ a jamais inventé de vertu réellement nouvelle. Mais toute révolution e
191 érature » la révolte surréaliste. Une révolte qui n’ a pas su s’assigner des buts constructifs échoue toujours, et fataleme
7 1934, Esprit, articles (1932–1962). Sur une nouvelle de Jean Giono (novembre 1934)
192 une nouvelle de Jean Giono (novembre 1934)h On ne devrait jamais lire les hebdomadaires. Ce sont des entreprises de dém
193 e de Jean Giono intitulée « La femme morte », qui n’ est pas une nouvelle bien faite, mais qui est un peu mieux que cela, u
194 e dans les confidences d’une femme non mariée (on ne voudrait pas dire une vieille fille) — une femme de la campagne vaudo
195 pourquoi, dans tout votre trésor littéraire, vous n’ avez pas de livres remèdes ? Pourquoi vous ne pensez jamais aux désesp
196 vous n’avez pas de livres remèdes ? Pourquoi vous ne pensez jamais aux désespérés ? Tous vos livres disent non à la vie. C
197 non à la vie. C’est facile d’être négatif. Et je n’ avais pas besoin qu’on m’y aide. Pourquoi n’avez-vous jamais eu le cou
198 Et je n’avais pas besoin qu’on m’y aide. Pourquoi n’ avez-vous jamais eu le courage, vous Français — ou la bonté — ou la gé
199 ante par l’erreur même. La femme poursuit : Mais ne vante-t-on pas partout votre courage ? N’aurez-vous jamais que le plu
200 : Mais ne vante-t-on pas partout votre courage ? N’ aurez-vous jamais que le plus bas ? Ne penserez-vous jamais à ceux qui
201 e courage ? N’aurez-vous jamais que le plus bas ? Ne penserez-vous jamais à ceux qui ont besoin de comprendre le monde ? —
202 la ligne pour faire croire qu’ils sont forts. Je n’ ai pas besoin que vous me désespériez. Je le suis assez moi-même. — Ai
203 i vous perdez votre temps, vous autres. Ah ! vous n’ êtes pas aimés par les pauvres. Non. Vous me laissez désespérée et san
204 s, la plupart de nos contemporains, est-ce qu’ils ne disent pas plutôt. « Fichez-moi la paix ! Faites-moi rigoler, donnez-
205 rigoler, donnez-moi des sensations, mais surtout ne vous occupez pas de cela en moi dont je ne veux pas m’occuper ! » À 1
206 urtout ne vous occupez pas de cela en moi dont je ne veux pas m’occuper ! » À 10 kilomètres de mon logis, l’autre jour, pr
207 de mon logis, l’autre jour, pressé de rentrer et ne disposant d’aucun moyen rapide, je hèle une auto. Le conducteur est s
208 devriez lire ça, Clochemerle que ça s’appelle, je ne sais plus le nom du type qui a écrit le bouquin. Ah ça alors ! Tenez,
209 éditeurs, mais surtout et d’abord des écrivains, ne serait pas justement de savoir un peu mieux que « les gens » de quoi
210 et ce qu’ils demandent réellement ? Car les gens ne demandent pas ce qu’ils ont l’air de demander, et ce qu’on se montre
211 al, ils trahissent leur pensée, leurs désirs, ils n’ osent pas dire, ils n’ont pas de formules pour avouer leur peine, pour
212 r pensée, leurs désirs, ils n’osent pas dire, ils n’ ont pas de formules pour avouer leur peine, pour demander les « remède
213 pour demander les « remèdes » qu’il faudrait. On ne le leur a pas appris. On a préféré se payer leur tête. On les a pris
214 u’ils croient devoir se donner l’air d’être ou de n’ être pas. Comme si le fin du fin, c’était de prendre au mot les pauvre
215 issotière, croyez-vous que cet homme tout de même ne disait pas lui aussi « aidez-moi ! », à sa façon vulgaire, avec son r
216 it-il être bien fin pour le comprendre ? 15. Je n’ ai pas suivi le conseil de cet homme, et n’ai pas lu le livre. Je lui
217 15. Je n’ai pas suivi le conseil de cet homme, et n’ ai pas lu le livre. Je lui laisse donc la responsabilité du compte ren
8 1934, Esprit, articles (1932–1962). Définition de la personne (décembre 1934)
218 on spirituelle. Toutefois, l’exposé qu’on va lire n’ est pas un résumé des idées défendues par les deux groupes cités (et q
219 a génération. 1. L’indéfinissable concret Il ne faut pas estimer que les objets que nous touchons de nos mains et voy
220 toucher et à les voir. Car un objet que personne n’ a vu ni touché appartient à la connaissance qu’on nomme abstraite, qui
221 elque modification sensible. Les objets matériels ne sont vraiment objets que si la connaissance d’un homme les saisit. La
222 d’un homme les saisit. La connaissance d’un homme n’ est réellement sujet que dans l’instant où elle rencontre une occasion
223 exercer, et la saisit. Par ces deux phrases, nous n’ avons pas encore défini le concret comme tel, mais nous avons plutôt d
224 nifester à l’évidence son mystère. Or l’événement ne naît jamais, comme feignent certains philosophes, du croisement de de
225 aît au seul instant de leur présence mutuelle. Il ne suit pas de là que cet instant, qui les réunit, les confonde : tout a
226 de l’objet lorsqu’il est mis en présence du sujet n’ est point passive ; elle est de résister. Mais l’objet ne peut, par lu
227 oint passive ; elle est de résister. Mais l’objet ne peut, par lui-même, provoquer aucune présence. C’est là le rôle du su
228 de manifester son pouvoir. Et son angoisse est de n’ en pas trouver ; sa joie, de provoquer le corps-à-corps avec l’objet.
229 sciente ; cependant que l’objet, séparé du sujet, n’ a rien en lui qui le pousse à chercher ce dont il manque, et n’a pas d
230 ui qui le pousse à chercher ce dont il manque, et n’ a pas d’existence. Il ne devient objet que lorsque j’en fais mon objet
231 her ce dont il manque, et n’a pas d’existence. Il ne devient objet que lorsque j’en fais mon objet. Tel étant le sujet, on
232 mon objet. Tel étant le sujet, on peut voir qu’il n’ est autre que l’homme. Seul, dans tout l’univers connu, l’homme détien
233 aginer l’objet hors de sa prise, comme absent, il ne fait à vrai dire qu’augmenter son angoisse de l’impression d’une impu
234 de l’impression d’une impuissance. Alors l’objet n’ a pas d’autre existence que celle d’une fatalité abstraite pesant sur
235 fférent, comme un objet ou comme un chiffre : ils ne savent pas de quoi ils parlent, l’homme dont ils parlent n’est pas un
236 pas de quoi ils parlent, l’homme dont ils parlent n’ est pas un homme, mais une chose faible et petite dont ils ignorent la
237 ent la nature. Ceux qui calculent avec les hommes ne calculent qu’avec leur angoisse, ils s’enfoncent dans l’incertain, di
238 signe, qui est l’étude du comportement humain. Il n’ est de science que du régulier, c’est-à-dire de l’inhumain (à la limit
239 ement de nommer homme cette dégradation, dont nul ne songe d’ailleurs à contester le fait, démontré par l’existence même d
240 à nous-mêmes. Dans l’homme entièrement humain, il n’ y aurait pas place pour la psychologie, car elle est liée à l’angoisse
241 cul par rapport à l’homme concret : mais alors il n’ est plus concret ! Et c’est ainsi que l’existence du psychologue repos
242 mple de l’humain. Le droit usage de l’entendement n’ est pas l’étude de l’homme, mais son éducation. Il n’est pas de décrir
243 st pas l’étude de l’homme, mais son éducation. Il n’ est pas de décrire, mais d’inventer. L’acte étant sujet pur, il ne ser
244 rire, mais d’inventer. L’acte étant sujet pur, il ne sera jamais un objet de l’entendement. Et c’est pourquoi rien ne peut
245 un objet de l’entendement. Et c’est pourquoi rien ne peut l’expliquer. Mais qu’il paraisse, aussitôt les objets s’ordonnen
246 e est le perpétuel auteur de notre humanité, nous ne pouvons connaître cette humanité, sinon dans la mesure où nous sommes
247 u’il nous faut inventer, il y a des figurants qui n’ ont pas de visage ; mais ceux qu’on voit sont les acteurs qui jouent l
248 nds à la présence et à l’engagement : la personne n’ est jamais seule, elle est essentiellement en communication. Le figura
249 son qui fait qu’il est lui-même, fait aussi qu’il n’ est plus un isolé, mais un prochain. 6. La personne est une vocatio
250 hain. 6. La personne est une vocation Qu’on n’ oublie pas que la scène du drame, tout bien compté, est aussi vaste qu
251 en compté, est aussi vaste que le monde, et qu’il n’ est pas de réduit si secret où l’on se cache, qui ne soit justement l’
252 est pas de réduit si secret où l’on se cache, qui ne soit justement l’un des lieux où l’action générale avait dessein de n
253 ou d’heureux ignorants, — il est le seul. Et l’on n’ en peut sortir sans quitter, du même pas, la vie. C’est pourquoi le dr
254 ’est pourquoi le drame est sérieux ; et notre vie n’ est pas une farce, pour la simple raison qu’elle est unique, et qu’on
255 our la simple raison qu’elle est unique, et qu’on ne peut changer de rôle : on peut seulement refuser de jouer. Mais cela
256 d’auteur de son propre destin ? C’est ce que l’on ne voit point. C’est ce que nul ne peut voir ni ne verra jamais, cependa
257 C’est ce que l’on ne voit point. C’est ce que nul ne peut voir ni ne verra jamais, cependant que chacun peut voir qu’il ex
258 n ne voit point. C’est ce que nul ne peut voir ni ne verra jamais, cependant que chacun peut voir qu’il existe, en fait, d
259 point que la vraie définition d’un de ces termes n’ est pas ailleurs que dans son assimilation existentielle à tous les au
260 le à tous les autres. Mais ces concepts, un à un, ne peuvent être saisis dans le temps ni dans l’espace conçus par notre e
261 ar mon acte. Admirable cercle vicieux ! Oui, rien n’ est plus vicieux pour la raison que ce beau cercle indivisible, irréfu
262 ique que la raison impersonnelle est incapable de ne pas porter sur le concret, juge en réalité la raison même, déclare sa
263 où nous sommes, tout entier. L’éternité pour nous n’ existe pas en dehors de l’appel qu’elle nous adresse ici et maintenant
264 Ainsi la voie du mystère est visible : l’éternel ne touche le temps que par l’individu en acte, et qui devient à cet inst
265 t qui devient à cet instant une personne. L’homme n’ est un vrai sujet que parce qu’il est personnellement assujetti à l’im
266 ans le temps, par le moyen de l’homme, si l’homme n’ est vraiment homme que dans l’acte qui fonde sa qualité incomparable d
267 ages visibles qu’elle produit. Dans ce sens, elle n’ aurait aucune problématique. Or, nous nous connaissons complexes et im
268 imaginons sans les saisir, et notre « individu » n’ est certes pas le moindre. Dans l’espoir incertain de nous munir contr
269 erminé de soi, puisqu’il est vu précisément comme n’ étant pas assujetti à notre action. C’est pourquoi la plupart de nos g
270 t déterminés par une mécanique impersonnelle. Ils ne sont pas les actes d’un auteur, mais les contrecoups nécessaires d’un
271 une espèce d’utopie ontologique, si la Révélation n’ en attestait l’acte historique. L’incarnation totale de Dieu dans l’Ho
272 e signe matériel. L’idée d’une personne isolée ou n’ entretenant avec les autres que des rapports distants et virtuels est
273 d’un corps quelconque. Autrement dit, l’individu n’ est conçu qu’à partir de l’ensemble du corps social, comme un élément
274 nique, puisqu’aussi bien la personne en elle-même n’ est passible d’aucune description objective. Par rapport à l’ensemble
275 à primer sur l’ensemble demeure indéfendable s’il n’ est pas imposé par le fait humain primordial. Le droit divin n’est pas
276 osé par le fait humain primordial. Le droit divin n’ est pas un droit humain élevé dans l’absolu, mais la fin de tout droit
277 -être son contraire. La formule du rapport social ne doit pas contenir une revendication de droit, mais une position de fa
278 une position de fait. La voici : le bien de tous n’ est ni concevable ni réalisable aux dépens du bien de chacun ; il n’es
279 e ni réalisable aux dépens du bien de chacun ; il n’ est que l’expression, de plus en plus abstraite à mesure qu’on s’élève
280 s grands, du pouvoir prochain de la personne ; il n’ est rien s’il n’est pas l’extension naturelle du risque et du concret
281 voir prochain de la personne ; il n’est rien s’il n’ est pas l’extension naturelle du risque et du concret de l’homme qui s
282  ? Qu’importe, en fin de compte, l’humanité, s’il n’ y a pas d’abord des hommes présents les uns aux autres ? La personne n
283 hommes présents les uns aux autres ? La personne ne sera pas au terme d’une société parfaite, pour la simple raison qu’il
284 une société parfaite, pour la simple raison qu’il n’ y a de rapport humain réel que par l’apparition première de la personn
285 la lumière de nos lumières, et le soleil que rien ne peut décrire, mais qui fait voir le monde et chasse nos fantômes, not
286 oir le monde et chasse nos fantômes, notre devoir n’ est pas de revenir vers les ténèbres pour les persuader qu’elles ont t
287 p de clercs ; il a compris que le phénomène homme ne se produit en fait qu’au niveau des objets, et que tout ce qui est do
288 nsister sous la main17 ; il a compris que l’homme n’ est pas un ange, qu’il est un corps jeté au milieu d’autres corps, et
289 e d’en choisir aucun. Il chante sa grandeur, mais n’ en témoigne pas. Il est plus dangereux que le matérialisme : il ne nie
290 s. Il est plus dangereux que le matérialisme : il ne nie pas grossièrement notre puissance — ce serait une manière de la m
291 t ce vieux débat, aucun espoir de solution réelle n’ est plus permis18. Mais c’est ce plan que nous avons quitté en définis
292 aspects de l’homme concret, dont la nature réelle n’ apparaît que dans l’acte. L’aspect corporel de l’homme est l’expressio
293 de choisir librement nos contacts, comme aussi de n’ en pas choisir. (Et c’est dans ce débat qu’apparaît la conscience.) Ma
294 araît la conscience.) Mais ni le corps de l’homme ne peut être conçu comme réel sans l’insistance particulière qui le form
295 le forme, le tient debout et le dirige, ni l’âme n’ est humainement imaginable hors de la consistance qui la révèle et l’e
296 n croit pouvoir séparer l’âme du corps — quitte à ne plus savoir comment les réunir — ce que ne font ni la vie ni la mort,
297 itte à ne plus savoir comment les réunir — ce que ne font ni la vie ni la mort, ni Dieu qui ressuscitera les morts20. En v
298 dividu et sa pressante vocation. L’âme immortelle n’ est rien que l’illusion d’un égoïsme qui se glorifie dans l’abstrait.
299 ps sont celles de la poussière ? — Rien, l’esprit n’ est plus rien, et comprendre n’est rien qu’envisager les modes de notr
300 ? — Rien, l’esprit n’est plus rien, et comprendre n’ est rien qu’envisager les modes de notre esclavage. — Jusqu’à cet acte
301 , que soudain j’ai fait ! Car je l’ai fait, et je ne sais rien d’autre. J’ai reçu l’ordre, et ce pouvoir ordonnateur, irré
302 s, je puis le mesurer — mais sa grandeur pourtant n’ est pas un nombre. J’appelle esprit cette surprise pure de mon corps q
303 e de mon corps qui se voit conduit où rien en lui n’ était nécessité d’aller. J’appelle esprit la plénitude de l’instant où
304 ternel. J’ai peut-être entendu quelque parole, on n’ a rien vu qu’un corps en mouvement. C’est parce que Dieu s’est révélé
305 é dans un corps d’homme que l’esprit, parmi nous, n’ est rien — hors la démonstration charnelle et déchiffrable d’une actio
306 é, la vocation toujours présente, la parole qu’on n’ entend ni ne voit avant de l’avoir obéie dans un instant indescriptibl
307 on toujours présente, la parole qu’on n’entend ni ne voit avant de l’avoir obéie dans un instant indescriptible et manifes
308 en moi de l’indicible réception de la parole, ce n’ est point une extase, ni une angoisse, ni toujours une plénitude de la
309 i-je accepté ? Déjà tout recommence. Car la durée n’ ajoute rien à l’éternel. Ce pas petit et triomphal à peine fait, je le
310 it et triomphal à peine fait, je le reperds si je n’ en fais pas un second. Et pourtant mon espoir est gagé sur une promess
311 la mort du temps lui-même au Jugement. Ni la foi ne court sur son erre, ni l’homme n’est rien devant sa vocation, qu’un d
312 ment. Ni la foi ne court sur son erre, ni l’homme n’ est rien devant sa vocation, qu’un doute ; mais la fidélité de la pers
313 on, qu’un doute ; mais la fidélité de la personne n’ est pas vaine. Dans la très confuse partie que nous menons, ignorants
314 cet enjeu admirable ! 16. Matthieu 7:21 : « Ce ne sont pas ceux qui me disent Seigneur ! Seigneur !… mais celui qui fai
315 mpersonnel ceux — qui agit sa vocation. 17. Ceci ne doit pas être entendu dans le sens restrictif de l’esse est percipi d
316 éalistes (on aura vu tout au contraire que l’esse n’ existe pour nous que in actu), mais bien dans le sens d’une norme éthi
317 ché seul rend inopérante ; la bonté, par exemple, n’ est rien si elle n’est pas un acte de miséricorde. 18. Politique : l’
318 rante ; la bonté, par exemple, n’est rien si elle n’ est pas un acte de miséricorde. 18. Politique : l’État est l’expressi
319 nt matériel. 20. La certitude de la résurrection n’ a rien à voir avec une survie de l’âme. L’homme meurt totalement, parc
320 ent, parce qu’il est totalement « chair » ; et ce ne sont que des morts qui ressusciteront, non pas des endormis ou des dé
9 1934, Esprit, articles (1932–1962). André Breton, Point du jour (décembre 1934)
321 eut-être pour l’historien de la littérature. Nous n’ avons pas le cœur à ces injures. Le surréalisme garde une valeur de fa
322 voulu traduire. Mais c’est cela aussi que l’homme ne peut avouer que s’il connaît un au-delà du désespoir. Faute de le pre
323 t faire encore de la littérature, certes, mais on ne pouvait faire que cela. Ce serait un jeu que de les classer dans les
324 kegaard, si nous étions assez détachés d’eux pour ne plus sentir le tragique que ce faux désespoir maquillait. Il y a dans
325 à citer, en cherchant un peu. C’est très bien de ne pas faire le modeste, et même de prendre de grands airs, si l’on a qu
326 s, si l’on a quelque chose de grand à dire, qu’on ne peut pas dire autrement. Que dit-il donc, cet homme qui le prend de s
327 me auteur responsable de son acte ? Alors qu’elle ne repose que sur l’espoir du faible : que la vie se fasse « toute seule
328 que la vie se fasse « toute seule », que l’homme ne soit plus rien qu’un spectateur de son angoisse muée en rêve ? Qu’on
329 ant soit peu résistante par elle-même, et dont il ne saurait avoir raison en quelques tours de phrases élégants et pérempt
330 , et l’on se demande alors si ce bel « abattage » n’ a pas dissimulé, aux yeux des jeunes gens, un défaut de culture, au se
10 1935, Esprit, articles (1932–1962). André Rouveyre, Singulier (janvier 1935)
331 ette fois, d’un trait classique et volontaire. Je ne sais rien de plus émouvant que l’effort vers eux-mêmes, et l’un par l
332 humain dans son effort le plus « spirituel » ? On ne sait si l’auteur veut nous pousser vers cette conclusion. Peut-être n
333 eut nous pousser vers cette conclusion. Peut-être n’ est-ce ici qu’un cri d’appel à rien : les modernes ont inventé cela. O
334 les modernes ont inventé cela. On peut toutefois ne pas les croire, et le spectacle d’un pareil tragique ne perdra rien d
335 les croire, et le spectacle d’un pareil tragique ne perdra rien de sa grandeur lucide à gagner un sens religieux. Ce livr
336 vre enfin vaut par un style inoubliable. Rouveyre ne laisse pas un instant de faire sentir qu’il écrit, et l’on aime jusqu
337 phrase ici, vraiment, réfléchit sous nos yeux. Ce n’ est pas du récit. C’est une espèce de taraudage21. De temps en temps,
338 plus avant. Fermeté de la main, regard sévère qui ne consent à la tendresse qu’après avoir épuisé ses rigueurs : il faut c
339 lque raison très personnelle de l’aimer. 21. Je ne dis pas que tout cela aille sans fatigue pour le lecteur ; ni sans qu
11 1935, Esprit, articles (1932–1962). Albert Soulillou, Nitro (février 1935)
340 un ouvrier qui parle. D’avoir travaillé chez Ford ne donne pas forcément plus de valeur que d’avoir traîné son vague à l’â
12 1935, Esprit, articles (1932–1962). Roger Breuil, Les Uns les Autres (avril 1935)
341 d’eux, pour eux, il les a vus tout autrement que ne l’eût fait un « observateur » : non dans leur pittoresque, mais dans
342 ventionnels. Pour cette raison d’abord que Breuil n’ aborde pas une « classe » définie par les sociologues. Son roman tendr
343 es sociales, d’ailleurs bien plus complexes qu’on ne le croit couramment. Au fond, son vrai sujet, c’est l’étude concrète
344 e « naturel » dans tous les sens de ce terme ; je ne vois pas d’écrivain français qui ait jamais su faire vibrer un tel ac
345 deviner trop de choses pour qu’on lui pardonne de ne pas insister ; de ne pas réaliser plus carrément ses desseins. Mais p
346 s pour qu’on lui pardonne de ne pas insister ; de ne pas réaliser plus carrément ses desseins. Mais parmi toutes ces chose
347 ve, d’autres fois si précise et heureuse, comment ne pas distinguer avec joie la plupart des thèmes humains auxquels Espri
348 qu’il appartient de le reconnaître. Un tel livre n’ est pas de ceux dont la carrière s’épuise en une saison, si j’en crois
13 1935, Esprit, articles (1932–1962). Kasimir Edschmid, Destin allemand (mai 1935)
349 mir Edschmid, Destin allemand (mai 1935)p Nous ne cesserons de protester ici contre la négligence et la frivolité désas
350 t dans notre littérature d’après-guerre. Personne n’ en a parlé : on s’occupait du prix Goncourt et des travaux d’amateurs
351 etits signes révélateurs d’une décadence que l’on n’ arrêtera pas en augmentant les dépenses de guerre. Edschmid nous conte
352 te patrie pour laquelle ils se sont battus et qui n’ a plus la force d’utiliser leurs énergies, est incapable de les protég
353 , Bell, et dans la situation où nous sommes, nous ne pouvons plus nous affirmer que par le sacrifice. » Sacrifice et fidél
354 i possède la jeunesse hitlérienne. Leurs épreuves ne seraient-elles pas comme le signe de leur élection ? Ne seront-ils pa
355 aient-elles pas comme le signe de leur élection ? Ne seront-ils pas la race de fer qui sauvera l’Europe menacée par tous l
356 lau, le ministre d’Allemagne à La Paz — celui qui n’ a pas pu sauver ses camarades — se dresse devant lui dans son délire.
357 a tête haute ». Car ce sont « les jeunes gens qui ne possédaient rien qui ont écrit les pages héroïques de l’histoire, et
358 matériel incomparable. Car voyez-vous, Bell, rien ne rend aussi dur et aussi ardent que le malheur. Rien ne rend aussi bra
359 nd aussi dur et aussi ardent que le malheur. Rien ne rend aussi brave et aussi passionné, aussi modeste et aussi endurant
360 modeste et aussi endurant que le malheur. Et rien ne fonde une communauté comme le malheur. La communauté des gens qui viv
361 auté des gens qui vivent dans l’aisance, celle-là ne vaut pas un clou. Mais la communauté des gens cimentés par le malheur
362 e communauté qui puisse exister pour un peuple. » N’ est-il point là le vrai tragique de l’Allemagne actuelle, que son dest
363 e l’Allemagne actuelle, que son destin la force à n’ envisager plus le sort de l’homme que sous l’aspect de la nation ? Tel
364 blèmes plus graves pour notre avenir immédiat. Je n’ ai rien dit de l’art d’Edschmid. Je ne lui vois d’analogue que dans le
365 mmédiat. Je n’ai rien dit de l’art d’Edschmid. Je ne lui vois d’analogue que dans les derniers romans de Malraux. Même sen
14 1935, Esprit, articles (1932–1962). Tristan Tzara, Grains et Issues (juin 1935)
366 is avec le nombre des compléments : « Si les mots ne naissent que lorsque l’idée qui les désignent… » (p. 270) ou : « le p
367 ment « absorbé » par l’autre, le langage poétique ne serait plus qu’un vaste télescopage, et les livres de M. Tzara se réd
368 s mener à une société collectiviste, marxiste. Je ne comprends pas cette déduction. La revendication de Tzara est exacteme
369 portée de ce propos après avoir lu Tzara. Mais on ne comprend plus du tout la légèreté avec laquelle les surréalistes adop
370 (p. 284 et suiv.). Nous le voulons aussi. Mais ce n’ est pas là, n’est-ce pas, ce qu’on veut à Commune, revue officielle du
371 v.). Nous le voulons aussi. Mais ce n’est pas là, n’ est-ce pas, ce qu’on veut à Commune, revue officielle du PC. Il veut q
372 nd. Le style reste baroque (un rococo jésuite qui n’ économise pas sur les volutes !). Mais la pensée se dégage mieux. Quo
15 1935, Esprit, articles (1932–1962). « L’Esprit n’a pas son palais » (octobre 1935)
373 « L’Esprit n’ a pas son palais » (octobre 1935)r Par une belle matinée de mars 19
374 ans Paris ce cri d’alarme stupéfiant. Soucieux de ne point céder au goût de la catastrophe que certains plumitifs se plais
375 texte à maints égards révélateur ?   « L’Esprit n’ a pas son palais. L’Exposition de 1937 doit lui en donner un »   Par H
376 é à la Pensée. Qu’on nous entende bien. La pensée ne sera absente nulle part. Mais il faut un endroit où les travailleurs
377 sintéressés de l’esprit, ceux dont les recherches n’ ont pas pour objet immédiat les applications pratiques, la production
378 e société. C’est reconnaître enfin que ce rapport n’ est plus perçu par un chacun comme évident ni comme allant de soi, mai
379 i donne lieu à la proposition qu’on vient de lire ne saurait être celle d’une société équilibrée. Où est l’esprit ? Quel e
380 t d’une époque barbare ; d’une époque où l’esprit n’ est plus un lieu commun, comme la richesse par exemple, dont on sait b
381 ? — bref, d’une époque où ce qu’on nomme l’esprit ne s’impose plus sans discussion. Lorsque l’État vient au secours d’une
382 une religion, c’est qu’elle est morte. Ou qu’elle n’ en a plus pour longtemps. Lorsque l’État s’avise d’honorer « l’esprit
383 e la nation. « Qu’on nous entende bien. La pensée ne sera absente nulle part. Mais il faut un endroit etc. » Mais, il y a
384 nt, mais sérieusement, et dans l’intérêt général, ne vaudrait-il pas mieux le mettre à part ? Le séparer de ces réalités t
385 rop terre-à-terre où le commun risquerait fort de ne le point distinguer nettement ? À coup sûr, il lui faut un palais, si
386 et rassurante. Et qui sait, ce Palais de l’Esprit ne va-t-il pas « réaliser » un vieux rêve positiviste et donner corps à
387 nsée laïque ? Il faudra le construire « en dur ». N’ exagérons pas la portée de ces naïves fantaisies de commissions. Mais
388 es naïves fantaisies de commissions. Mais comment ne pas voir qu’elles trahissent un doute infiniment curieux sur la natur
389 ’esprit qu’on dit créateur ? Serait-ce donc qu’on ne sait plus le voir dans ses effets ? Mais alors, comment fera-t-on pou
390 leur, une manifestation sensible de l’esprit ; il n’ en faut pas moins reconnaître que l’esprit n’est pas matière exposable
391 ; il n’en faut pas moins reconnaître que l’esprit n’ est pas matière exposable : les ouvrages essentiels de l’esprit, préci
392 irmait au surplus que son « sanctuaire du livre » ne serait pas un « musée » mais bien une « ruche active ». Précaution po
393 e active » où bourdonneraient les idées pures, ce ne serait jamais qu’un musée. Et créé par l’État, et contrôlé par lui, c
394 usée. Et créé par l’État, et contrôlé par lui, ce ne serait jamais qu’un musée des lieux communs de la Troisième Républiqu
395 issant vaisseau d’idéalisme, comment douter qu’il ne dût consacrer « le triomphe des puissances d’audace ordonnée et de me
396 n moins directe. III. Le temple est vide On ne pouvait mieux se moquer de l’intelligence. Craignons toutefois que l’
397 raignons toutefois que l’intention de nos auteurs n’ ait été pure de toute espèce d’ironie. Le plus grave, sans doute, c’es
398 oyaient bien faire. Et personne à ma connaissance n’ a mis en question leur sérieux, ce qui précisément me paraît remarquab
399 de ricaner, vous que ces problèmes occupent, que ne louez-vous le désintéressement d’un député et d’un littérateur qui se
400 rit tout à fait propre à aveugler les masses, qui ne savent plus reconnaître ni la nature ni l’action vraies du spirituel.
401 ni l’action vraies du spirituel. On dira qu’elles ne l’ont jamais su. Je serais prêt à l’accorder. Ce qui est nouveau, c’e
402 re paresse, et peut-être certains intérêts, qu’il ne faut pas trop s’étonner de son triomphe universel. Professeurs, déput
403 enez inactif — ou le salon des arts ménagers. Ils ne voient pas que dès l’instant qu’on sépare l’esprit du « réel », pour
404  réel », pour le vénérer dans un temple, l’esprit n’ est plus que « la poussière des livres », et le « réel », une marchand
405 es livres », et le « réel », une marchandise. Ils ne voient pas que dès l’instant que l’on célèbre un esprit « pur » dans
406 anouit, le temple est vide. Un Palais de l’Esprit ne peut être qu’un palais vide, ou un musée. Et les objets qu’on y conse
407 nfirmer de son côté que ce Palais de l’esprit pur ne peut être en réalité qu’un palais vide. Et ce vide que d’ailleurs il
408 vide que d’ailleurs il qualifie de bibliothèque, ne lui paraît pas moins naturel. Brochant sur ces deux faits une constat
409 e : l’opinion de l’élite ni celle du grand public n’ opposent la moindre réaction à l’aveu d’un complot si burlesque. Si j’
410 insisté sur l’anecdote du Palais de l’Esprit, ce n’ est point pour me ménager une partie par trop facile. C’est que la gro
411 par une sorte de chance, que l’article du député n’ est pas seulement l’illustration de cette erreur, mais la confirmation
412 ne erreur à un préjugé. Mais enfin pour saisir je ne dis pas la racine de ce préjugé populaire, mais la raison de fait qui
413 evenant à Paris et visitant le Palais de l’Esprit ne manquerait pas de redire le mot fameux : Je n’ai pas voulu cela ! Il
414 it ne manquerait pas de redire le mot fameux : Je n’ ai pas voulu cela ! Il n’a jamais voulu cette séparation de la pensée
415 edire le mot fameux : Je n’ai pas voulu cela ! Il n’ a jamais voulu cette séparation de la pensée et de l’action que le Pal
416 eur eût été forcément limité, si par malheur elle n’ avait pas rejoint d’une manière aussi naturelle le « sens commun ». Sa
417 s commun ». Sans doute ce préjugé contre l’esprit n’ a pas toujours été si fort que nous le voyons aujourd’hui, quand tout
418 des gens peu pratiques, par suite, que la pensée n’ est guère qu’un luxe — « signe extérieur » de la richesse, ou d’une co
419 égiée — le pas est aisément franchi. Et Descartes n’ y est pour rien. Il faudrait bien plutôt s’en prendre au régime des cl
420 t d’assimiler l’homme « distingué » à l’homme qui ne fait rien de ses deux mains. Ce que je reproche à l’esprit cartésien,
421 ésultat nécessaire de la distinction cartésienne, n’ est pas demeurée sans effet. Séparer soigneusement l’esprit du corps,
422 l’abandonner à sa lourdeur. Décréter que l’esprit n’ a pas de mains, c’est libérer de son pouvoir arbitral et animateur le
423 rmera dans la « cité René Descartes », ses droits ne sauraient consister que dans l’affirmation d’un idéal : et rien n’est
424 ister que dans l’affirmation d’un idéal : et rien n’ est plus utile aux « réalistes » que la croyance commune à la valeur e
425 soi de l’idéal. Cependant ces discours hypocrites ne font en somme que célébrer une situation de fait. Je répète que celle
426 rer une situation de fait. Je répète que celle-ci n’ est devenue possible qu’en vertu d’une certaine attitude des clercs. C
427 u’en vertu d’une certaine attitude des clercs. Ce ne sont pas les bénéficiaires de cette situation, politiciens ou affairi
428 versitaire, qui l’a sans le vouloir autorisée. Je ne crois guère aux plans machiavéliques que certains écrivains de droite
429 t me paraît platement certaine. Pourtant, comment ne pas admirer la merveilleuse convergence d’une notion trop désintéress
430 de et « mal compassée » (Descartes). Et plus rien ne s’oppose alors aux spécialisations les plus artificielles, aux découp
431 s, et non plus une chronique des actes. On tend à ne garder de ceux-ci que ce qui peut s’organiser en belles séries, selon
432 e en est le fameux exemple — sous prétexte qu’ils ne répondent pas au signalement du « technicien de la pensée34 ». Quand
433 ement du « technicien de la pensée34 ». Quand ils ne sont pas historiens, les « philosophes » de l’Université s’occupent d
434 sociologie ou de l’histoire de la littérature. Je ne veux indiquer que l’amorce d’une critique générale de notre éducation
435 ce d’une critique générale de notre éducation. Je ne veux mettre en relief qu’un seul trait — à mon sens le seul décisif —
436 ation de tout rôle actif. L’avenir est à ceux qui ne sont pas désabusés36. Entendez que l’avenir appartient pratiquement
437 à cette « abdication » du rôle actif de l’esprit, n’ oublions pas qu’il la tient pour le gage du « désintéressement » des c
438 se qui seraient le prix de leur intervention : ce ne sont là que les rudiments de la morale de leur état. Et personne n’a
439 rudiments de la morale de leur état. Et personne n’ a jamais contesté la grandeur d’un désintéressement de cette espèce. M
440 ent de cette espèce. Mais on pense bien que Renan n’ aurait pas pris la peine de défendre ces lieux communs de la morale él
441 entaire. Se montrer « désintéressé » pour lui, ce n’ est pas tout bravement refuser de toucher le prix d’une noire trahison
442 passe dans le monde. C’est affirmer que l’esprit n’ est pas du monde, et que les intérêts du monde réel sont pour lui comm
443 esprit dégagé de son corps, jamais un tel esprit n’ est né dégagé de tous liens, irresponsable. Et s’il existe en apparenc
444 e vide. La dénonciation des clercs « intéressés » n’ est valable que si elle concerne ces pharisiens, ces docteurs d’Israël
445 nnocent du sang de ce juste. Cela vous regarde. » Ne vient-il pas d’avouer le dernier mot de la sagesse cléricale, le dern
446 s’engager, où ils voient le sublime de l’esprit ? Ne vient-il pas de dire : « Qu’est-ce que la vérité ? » À vingt siècles
447 : « La vérité est peut-être triste. » Réponse qui n’ est encore qu’une question déguisée. Le soupçon de Renan trahit un dou
448 blement triste, c’est que « peut-être » la vérité n’ existe pas. Et si la vérité n’existe pas, comment serions-nous donc fo
449 ut-être » la vérité n’existe pas. Et si la vérité n’ existe pas, comment serions-nous donc fondés à juger, à risquer en son
450 èbe qui les admire. Et comment cette pauvre plèbe n’ aurait-elle pas d’admiration pour la sagesse des grands docteurs qui s
451 e, des clercs de gauche, et de la foule. Pourquoi n’ a-t-il pas dit seulement : Mon royaume n’est pas de ce monde ? Ce roya
452 Pourquoi n’a-t-il pas dit seulement : Mon royaume n’ est pas de ce monde ? Ce royaume n’eût gêné personne, tout semblable à
453  : Mon royaume n’est pas de ce monde ? Ce royaume n’ eût gêné personne, tout semblable à celui des clercs. On lui eût donné
454 (Il lui tend encore cette perche !) Mais l’homme ne répond plus : il est la vérité, la réponse en chair et en os. Il faud
455 es réalités qui se payent. Donc, on nous dresse à ne servir à rien. Entendez : à ne rien servir. Le royaume de l’esprit —
456 , on nous dresse à ne servir à rien. Entendez : à ne rien servir. Le royaume de l’esprit — notre Université — n’est pas de
457 rvir. Le royaume de l’esprit — notre Université — n’ est pas de ce monde. C’est le royaume des lois « sérieuses et précises
458 t arriver à reconnaître, mais sur lesquelles elle ne saurait agir. C’est une mythologie de l’impuissance de l’esprit. Mais
459 ls s’occupent de choses « sérieuses » qui, elles, n’ ont pas toujours cette précision d’épure qui séduisait les clercs méti
460 atation du rendement ou de la perte. Le clerc qui ne sert à rien, c’est flatteur et c’est distingué, mais il faut encore l
461 e ce beau monde cartésien : on admet que l’esprit ne peut rien, et on l’en loue, parce que c’est très commode, mais on exi
462 gagne lui-même sa vie. C’est la seule chose qu’on ne lui ait pas apprise. Considérez ce pauvre clerc parfait tel que le li
463 exact de la valeur spirituelle de ces écrits. Ce n’ est pas la création, c’est le rabâchage qui rapporte. Publiez un poème
464 une revue « de haute tenue intellectuelle » vous ne serez pas payé, ou vous serez payé dix francs, vingt ou trente francs
465 rd, que l’Esprit pur et le Palais de l’Esprit pur ne sont jamais si lyriquement loués que dans la presse quotidienne… Quan
466 e cet état me permet d’affirmer sans ironie qu’il n’ en est pas de plus recommandable pour l’intellectuel soucieux d’agir p
467 oser un conformisme monstrueux, ou le silence. Il n’ y a pas de solution pratique dans l’économie actuelle. Ni de solution
468 univers spiritualiste, pauvre paravent démodé qui ne pourra plus cacher longtemps l’universel complot des « hommes de main
469 t ? S’ils y parviennent, je demande la parole. Je ne me propose pas du tout de décevoir ce goût de positif que mes contemp
470 nd raison, leur instinct a raison, qui veut qu’on n’ abatte le mal, cette négation perpétuelle, qu’à coups d’affirmations d
471 péché miséricorde, dit le peuple, mais le pardon n’ est pas l’oubli, il est toujours un acte créateur en même temps qu’une
472 se vendent ou se désintéressent ; que ce problème n’ est plus jamais posé que par des penseurs sans audience et sans presti
473 t bien grossières, celles que les clercs prudents ne posent jamais, celles que nous pose le désordre établi. On imagine di
474 es subversives, ces états généraux de la culture. Ne serait-ce pas inaugurer officiellement la révolution véritable ? Faud
475 notre action, et comment elle doit s’orienter. Je ne nie pas que les interventions passionnées et simplistes du public ne
476 interventions passionnées et simplistes du public ne puissent être un puissant rappel à la « réalité rugueuse » de ce mond
477 « réalité rugueuse » de ce monde. Mais ce rappel n’ est pas suffisant. Voir les faits n’est pas tout, il faut voir au-delà
478 ais ce rappel n’est pas suffisant. Voir les faits n’ est pas tout, il faut voir au-delà et plus profond que ne peut voir la
479 as tout, il faut voir au-delà et plus profond que ne peut voir la foule. Il faut donner un sens à sa vision. Oserons-nous
480 le, mais il faut l’interpréter : cette conception n’ est pas seulement spontanée dans le peuple — ce ne serait pas grave —
481 n’est pas seulement spontanée dans le peuple — ce ne serait pas grave — elle est inculquée au peuple par les clercs bourge
482 rissables faudra-t-il réserver son bas de laine ? N’ est-ce pas pour les plus périssables choses que nous dépensons notre a
483 5 chevaux. Quant au salut, il est gratuit. Et je ne pense pas que M. Duhamel compte acheter son « immortalité » académiqu
484 ds : à la grande masse du peuple, à tous ceux qui ne sont pas intellectuels, et qui sont les premiers à souffrir de la car
485 , que ces réflexions introduisent. 32. Voilà qui n’ est pas dans l’esprit de Descartes, lequel défend dans de nombreuses d
486 me, d’une manière immédiate. L’idéalisme excessif n’ a pu que renforcer le préjugé matérialiste. On en est venu à concevoir
487 de l’humanité). Il espère une souveraineté qu’il ne fait rien pour conquérir. Il espère que le passage du droit au fait (
488 es mains. Par malheur, le droit dont il se targue ne comportant aucune espèce de vérité pratiquement contraignante, éthiqu
489 foi), l’affirmation et la prédication de ce droit n’ entraînant aucun risque ni aucune modification concrète pour les clerc
490 dification concrète pour les clercs, « l’esprit » ne passe jamais à l’acte. Et le dieu Progrès ne rend plus. Peu à peu, Re
491 it » ne passe jamais à l’acte. Et le dieu Progrès ne rend plus. Peu à peu, Renan découvre (« grand résultat pour la philos
492 nd résultat pour la philosophie ») que la science ne saurait régner qu’in partibus, dans un monde purement « détaché ». La
493 aits obéissent à des lois sur lesquelles l’esprit ne peut rien. Comme si ce n’était pas justement cet « esprit » qui avait
494 sur lesquelles l’esprit ne peut rien. Comme si ce n’ était pas justement cet « esprit » qui avait fabriqué ces « lois », da
495 e peuple qui croit les clercs, croit aussi qu’ils ne peuvent rien faire, et bientôt les méprise cordialement, tout en les
496 e difficile et l’essentiel pour un philosophe, ce n’ est pas d’arriver le plus vite possible à la conclusion, mais au contr
497 , et en quelque sorte de se boucher les yeux pour ne la voir pas, mais de continuer à analyser sans repos ». Cette phrase
498 is encore : il a dit le droit en spécifiant qu’il n’ assumait aucune espèce de responsabilité. S’il croyait sérieusement qu
499 oser. Ils se compromettraient pour elle. Mais ils n’ y croient qu’en théorie. Si bien que leur « spiritualisme » revient à
500 u d’un parti, d’un dictateur ou d’un soviet. Cela n’ est pas invraisemblable : abdiquer toute espèce de conscience est une
501 eu près nul. r. Rougemont Denis de, « L’Esprit n’ a pas son palais », Esprit, Paris, octobre 1935, p. 25-46.
16 1936, Esprit, articles (1932–1962). Francfort, 16 mars 1936 (avril 1936)
502 i, le coup d’Hitler. Simplement, un tel mouvement n’ aurait aucune justification historique dans un pays qui a fait la Révo
503 ernière défense contre le communisme. Ces gens-là n’ ont probablement jamais voyagé au-delà des marges du Capital. Si du mo
504 révolution de masses, au sens moderne. Et que ça n’ a pas le moindre rapport avec la « politique » au sens habituel ; mais
505 socialiste à un homme, même de bonne volonté, qui n’ aurait pas « vécu » (comme disent les Allemands : Miterlebt) une des g
506 ces pensées, hier soir, debout parmi la foule qui n’ avait pas trouvé de places assises dans une halle de 30 000 places, et
507 ail, de jeunes filles, de femmes mal vêtues : ils ne disaient presque rien. On se passait un journal, une lorgnette. On se
508 us un tonnerre assourdissant de heil rythmés — je n’ entendais plus que les cris de mes voisins sur un fond de tempête et d
509 ce matin écrit : « Lorsque le Führer s’écria : Je ne puis vivre que si ma foi puissante dans le Peuple allemand est sans c
510 né exploitant les haines les plus anormales. Nous n’ irons pas loin avec ces innocentes caricatures. Il ne s’agit pas d’hys
511 rons pas loin avec ces innocentes caricatures. Il ne s’agit pas d’hystérie : rien n’est plus discipliné que ces foules. Il
512 s caricatures. Il ne s’agit pas d’hystérie : rien n’ est plus discipliné que ces foules. Il ne s’agit pas d’un tribun décha
513 e : rien n’est plus discipliné que ces foules. Il ne s’agit pas d’un tribun déchaîné ; il élève rarement la voix, sauf à l
514 é ; il élève rarement la voix, sauf à la fin ; il ne dit que des choses simples, raisonnables, parfois avec ironie, mais s
515 mais sans amertume ; et ses gestes sont souples, n’ ont plus rien de la brutalité des années de combat, avant 1933. Il ne
516 la brutalité des années de combat, avant 1933. Il ne s’agit pas de haine : il s’agit d’amour. Il ne s’agit pas de politiqu
517 Il ne s’agit pas de haine : il s’agit d’amour. Il ne s’agit pas de politique, mais de religion, mais de cérémonies monumen
518 , vos chants traînants, tout cela sera balayé. Il ne vous restera que la foi. La vraie lutte commence là. s. Rougemont
17 1936, Esprit, articles (1932–1962). Vues sur C. F. Ramuz (mai 1936)
519 de dire qu’elle s’ordonne par avance à sa fin. On n’ imagine pas d’aborder l’œuvre et la personne de Ramuz d’une façon syst
520 stématique. Non que cette œuvre et cette personne ne comportent aucun système : mais il est si totalement exprimé qu’on ne
521 système : mais il est si totalement exprimé qu’on ne peut plus le distinguer des formes qu’il propose à notre vue. Il s’es
522 e : autant de synonymes ou presque.42 » ⁂ « Qu’on n’ aille pas chercher derrière les phénomènes : ils sont eux-mêmes enseig
523 ils sont eux-mêmes enseignement », dit Goethe. Il n’ y a rien à voir sous les apparences. Car rien n’existe, hors de ce qui
524 l n’y a rien à voir sous les apparences. Car rien n’ existe, hors de ce qui se manifeste ; rien ne se manifeste hors d’un m
525 rien n’existe, hors de ce qui se manifeste ; rien ne se manifeste hors d’un mouvement. Et tout mouvement provient de la lu
526 pour voir. Encore faut-il en croire ses yeux…) Il n’ est d’art que physionomique. Il n’est d’esprit que dans l’action qui s
527 e ses yeux…) Il n’est d’art que physionomique. Il n’ est d’esprit que dans l’action qui saisit une forme pour la transforme
528 ui saisit une forme pour la transformer. L’esprit n’ a pas son siège dans la cervelle. Ni dans le ciel. L’esprit n’a pas de
529 siège dans la cervelle. Ni dans le ciel. L’esprit n’ a pas de siège. Il est passage, prise, saisissement. L’esprit se manif
530 d’eux44. Et l’on verrait alors que ces bonshommes ne sont point décrits « de l’extérieur » — comme le voudrait certaine fo
531 mais qu’ils sont décrits dans leur forme, ce qui n’ est pas du tout la même chose. La forme humaine, si l’homme est « auth
532 ient, avec son imagination, dans cette région qui n’ est ni du dedans ni du dehors, qui est contact, et littéralement drame
533 rt est un phénomène d’incarnation (ce que l’école ne comprend pas). » Toute l’esthétique de Ramuz me paraît centrée sur ce
534 bord. Cette abondance de noms de choses ! Comment ne point penser à ce Livre de Job — dont Ramuz nous a retraduit quelques
535 om : mais c’est aussi ce qu’une certaine critique ne veut point pardonner à Ramuz. Un écrivain français de la tradition de
536 , il ajoute aussitôt : — « comme ils disent ». Il ne manque jamais de s’excuser des mots abstraits, des termes nobles auxq
537 s billets représentent l’or de la réserve. Le mot n’ est rien qu’un droit aux choses. Mais s’il n’y a plus de choses, c’est
538 mot n’est rien qu’un droit aux choses. Mais s’il n’ y a plus de choses, c’est une tromperie. C’est pourquoi nos journaux c
539 la vérité. Contre cette inflation nominaliste, il n’ est pas de défense plus sûre que le recours à l’étymologie. Car le sen
540 là même, ils nous démoralisent plus sûrement que ne le font les scandales qu’ils dénoncent. Il me semble parfois que la m
541 ure de la phrase chez Ramuz. On a pu croire qu’il n’ avait pas le sens du rythme : c’est qu’il veut le rythme formé sur la
542 ents de temps à l’intérieur d’une même phrase. Je ne crois pas qu’il soit possible de les ramener à une loi, ni même à un
543 loi, ni même à un usage régulier ; ou plutôt ils n’ ont pas d’autre loi que cette volonté de plier l’attention aux phases
544 par quoi va-t-elle s’exprimer dans une vision qui ne veut rien connaître hors de la forme ? La psychologie d’école, qui do
545 s âmes. Il est entendu désormais qu’un auteur qui n’ utilise que des faits se range dans la catégorie du roman policier : i
546 se range dans la catégorie du roman policier : il n’ a pas de psychologie. Et la critique parle beaucoup de subjectivité et
547 bjectivité. Dans le monde de Ramuz, ces deux mots n’ ont plus aucun sens. Une forme donnée n’a pas à signifier autre chose
548 deux mots n’ont plus aucun sens. Une forme donnée n’ a pas à signifier autre chose que ce qu’elle montre. Il n’y a rien à c
549 à signifier autre chose que ce qu’elle montre. Il n’ y a rien à chercher sous la forme, qui ne peut être interprétée que pa
550 ntre. Il n’y a rien à chercher sous la forme, qui ne peut être interprétée que par ses relations organiques à d’autres for
551 ance (La Guérison des Maladies), etc. Et le roman n’ a pas d’autre mouvement que le mouvement même des images propagées par
552 d’intrigues pour laquelle il est clair que Ramuz n’ est pas doué. La forme même que revêt chez Ramuz la faculté d’imaginer
553 se « ravaler au niveau des simples ». Non, Ramuz ne descend pas au peuple, on devrait dire plutôt qu’il y remonte. Son ar
554 me d’un peuple en communion avec les éléments. Ce n’ est point là un art « d’après le peuple », mais on dirait plus justeme
555 urnée », ils se relèvent : « Il paraît bien qu’on n’ est pas morts ! » Le monde renaît dans une soirée pure et le baiser d’
556 style tellement têtue qu’elle évoque peu à peu on ne sait quelle puissance naturelle, dans sa fascinante monotonie. Un art
557 ns sa fascinante monotonie. Un art dont la mesure ne doit pas être cherchée dans le pittoresque, ni dans l’ingéniosité, ni
558 robité particulière. La surimpression par exemple n’ est jamais pour Ramuz un moyen de créer du mystère en brouillant les p
559 t, par ailleurs, indique chez Ramuz la volonté de ne pas faire prendre une chose pour une autre, ni certain aspect convenu
560 puérilité que lui adressent ceux qui par exemple n’ hésitent pas à prendre au sérieux l’intrigue d’un roman bourgeois. On
561 te du style chez Ramuz. Ce qu’il a d’insolite, ce n’ est pas tant sa forme que les vertus qu’elle suppose : la sobriété, la
562 ie. 2. Formule d’une personne « Leur poésie ne commence pas pour eux avec le commencement de leur personne ; elle ne
563 eux avec le commencement de leur personne ; elle ne commence à vrai dire que là où leur personne prend fin. Elle n’est pa
564 vrai dire que là où leur personne prend fin. Elle n’ est pas dans le contact aussi direct que possible avec l’objet ; elle
565 te différence capitale que chez Goethe le contact n’ est jamais « aussi direct que possible ». Goethe sait mal le grec, et
566 Tout l’appareil de la culture les sépare. Mais il ne faut pas oublier que la culture de notre temps n’est plus du tout ce
567 ne faut pas oublier que la culture de notre temps n’ est plus du tout ce qu’elle était au temps de Goethe. Plus encore que
568 a fin qui est contestable, dès lors que cette fin n’ est plus la plénitude de l’humain. Il se peut que l’effort réactionnai
569 les contingences où nous sommes, soit, plus qu’il n’ y paraît, conforme à l’éducation goethéenne. Il se peut qu’en définiti
570 ture, en se donnant l’air de l’attaquer, plus que ne font les défenseurs d’une intelligence sans prises, d’une pensée sans
571 de coups de pioche ou de marteau ». Les glaciers ne sont pas « sublimes » comme on chante dans les écoles suisses. Et il
572 es que soient les conventions dans un pays, elles ne peuvent pas nourrir une réaction créatrice. Et ce n’est point en hain
573 peuvent pas nourrir une réaction créatrice. Et ce n’ est point en haine de la facilité qu’un homme recherchera jamais l’eff
574 ène proprette, leur idéal du bon écolier type, ce n’ est jamais au nom d’un naturisme romantique48. C’est parce que toutes
575 risque de l’homme créateur de sa forme. Si Ramuz n’ aime pas les machines, s’il refuse l’économie d’efforts qu’elles repré
576 et la définition de sa personne en exercice. « Je ne distingue l’être qu’aux racines de l’élémentaire. » Parce que le crit
577 ù on sent bien qu’on est (car rien autour de nous n’ est vraiment éclos, vraiment abouti ; aucune musique n’est parfaite, a
578 vraiment éclos, vraiment abouti ; aucune musique n’ est parfaite, aucun livre n’est parfait, aucun tableau n’est parfait ;
579 outi ; aucune musique n’est parfaite, aucun livre n’ est parfait, aucun tableau n’est parfait ; et tout travail d’abord est
580 arfaite, aucun livre n’est parfait, aucun tableau n’ est parfait ; et tout travail d’abord est dur, tout travail difficile,
581 n tout ce qui leur apporte une facilité ; moi, je ne tiens pour un gain que ce qui m’apporte un exemple. » Comment, ici en
582 qui m’apporte un exemple. » Comment, ici encore, ne point songer à Goethe ? Mais à sa seule leçon, à l’équation fondament
583 e vois, j’apprends, j’entends la voix d’un homme. N’ est-ce pas assez ? Cette voix n’est-elle pas émouvante ? — Oui, c’est
584 voix d’un homme. N’est-ce pas assez ? Cette voix n’ est-elle pas émouvante ? — Oui, c’est beaucoup, la voix d’un homme. C’
585 pose d’autres questions, des questions que Ramuz ne veut pas esquiver. Voici le temps où tout homme se voit mis en demeur
586 e silence perd alors son pouvoir ; mais la parole n’ appartient plus à l’homme. Au comble de nous-mêmes, il s’agit d’autre
587 utre chose que de nous. « Tout notre embrassement n’ est qu’une question51 ». Mais une question ne peut être sérieuse que s
588 ment n’est qu’une question51 ». Mais une question ne peut être sérieuse que si l’on sait que la réponse existe… Il fallait
589 en dépit de tout et de soi, ce qu’aucune sagesse n’ a jamais justifié… 42. Le Grand Printemps. 43. Le protestantisme
590 hiers. 45. Est-il nécessaire d’indiquer que rien n’ est plus réel qu’un mythe ? Il a fallu les ténèbres du xixe siècle po
591 e l’on prît ce mot pour synonyme de mensonge, qui n’ est qu’un sens dérivé, purement polémique, dirigé contre la religion d
592 térieure », même s’il est résolument laïque. Rien n’ est plus facile à concevoir, dans notre état social, qu’un patriote qu
593 48. Il dit des personnages de ses romans : « Je ne les aime pas en tant que “primitifs” comme on semble le croire : il n
594 nt que “primitifs” comme on semble le croire : il ne faut pas être seulement un primitif, il faut être aussi un primitif »
595 ut être aussi un primitif ». C’est ce que l’école ne peut pas admettre. 49. Pour autant, bien entendu, qu’il implique une
18 1936, Esprit, articles (1932–1962). Culture et commune mesure (novembre 1936)
596 e santé énorme, une joie au travail dont rien ici ne peut donner l’idée ; mais c’est aussi et d’une manière fort imprévue,
597 solides vertus de la bourgeoisie conquérante. Ce n’ est point par hasard que ces amis de l’URSS citent souvent Diderot, He
598 s et Voltaire, à l’appui de leur foi nouvelle. Ce n’ est pas sans raison qu’ils se remettent à glorifier les mythes du Prog
599 men critique des doctrines qui sont à sa base. Je ne dis pas qu’elles n’aient été souvent trahies. Ni qu’elles soient actu
600 trines qui sont à sa base. Je ne dis pas qu’elles n’ aient été souvent trahies. Ni qu’elles soient actuellement plus import
601 s que la critique d’un clerc y perd ses droits et n’ est plus à l’échelle du phénomène… Raison de plus, chance de plus, d’e
602 piritualiste52, Marx avait affirmé que la culture n’ était rien qu’un « reflet » du processus économique, et de la lutte de
603 ort de la lutte des classes au mouvement culturel n’ obéit pas à la loi de cause à effet. Leur unité n’est pas quelque chos
604 n’obéit pas à la loi de cause à effet. Leur unité n’ est pas quelque chose de donné, mais quelque chose qu’il faut créer, q
605 aut créer, quelque chose qu’il faut vouloir. Elle ne peut être réalisée que si l’on ordonne les deux tâches, lutte des cla
606 e la vie, dont l’activité économique et politique ne constitue qu’une partie tout comme la production scientifique et arti
607 tive à quoi s’ordonne toute la construction russe n’ est plus la doctrine orthodoxe, dont les marxistes d’Occident se sont
608 u niveau de la culture à l’épaisseur des semelles n’ a rien de révolutionnaire, si toutefois l’on refuse de confondre révol
609 pidité crasse. Or le danger de cette assimilation n’ est pas niable. Il est clair que les masses soviétiques sont toujours
610 communistes, que la littérature conforme au Plan n’ est pas un art, mais une forme assez basse de propagande politique, et
611 n sur les « décrets culturels » de Staline. Et je ne dis pas, ou pas encore contre le Plan, mais en vertu de tout autres r
612 rs et les consommateurs de la culture. Tant qu’il ne s’agissait que de construire des tracteurs, les poètes du tracteur et
613 ais recourir à une mesure qualitative que le Plan ne pouvait fournir, n’ayant pas voulu en prévoir l’irrationnelle nécessi
614 esure qualitative que le Plan ne pouvait fournir, n’ ayant pas voulu en prévoir l’irrationnelle nécessité. Faute d’expressi
615 u Plan en tant que tel dans le domaine littéraire n’ en est pas moins une évidence. ⁂ Les écrivains soviétiques l’ont compr
616 école soviétique, l’unité du peuple et des clercs n’ est pas « quelque chose de donné »… mais « quelque chose qu’il faut vo
617 t-on, il faut parer au plus pressé, et la culture ne vient qu’après. Ainsi tout se trouva soumis à des fins purement matér
618 à son emprise et à sa prétention totalitaire. Il ne veut pas se laisser mutiler. Fût-ce au prix de salaires merveilleux58
619 que la mesure qu’on voulait imposer à son orgueil n’ est encore qu’une immense caricature ; et que les fins qu’elle lui pro
620 caricature ; et que les fins qu’elle lui propose ne valent pas le prix qu’on les paye. Mais d’autre part, il ne peut reno
621 pas le prix qu’on les paye. Mais d’autre part, il ne peut renoncer à ses conquêtes matérielles. Alors il met son espoir et
622 tout le progrès acquis par une si dure révolution n’ aura été que de donner aux hommes, avec quelques milliers de tracteurs
623 hilosophique ? Il est vrai que le monde bourgeois n’ a même plus l’énergie de concevoir une illusion, une démesure ou une m
624 ion. Elle est déjà divisée contre elle-même. Elle n’ est plus réellement commune, encore qu’elle soit réellement imposée. E
625 ne, encore qu’elle soit réellement imposée. Et je ne préjuge rien de l’avenir d’un peuple qui dispose de ressources mystiq
626 sa malfaisance « culturelle ». Mais pour nous il ne s’agit plus de découvrir les semelles-crêpe et le métro. Notre espéra
627 tiles. Vis-à-vis de la jeune Russie, notre devoir n’ est pas de railler des naïvetés plus sympathiques que nos astuces, mai
628 ïvetés plus sympathiques que nos astuces, mais il n’ est pas non plus de les admirer ; il n’est pas de dire non à tout, ni
629 s, mais il n’est pas non plus de les admirer ; il n’ est pas de dire non à tout, ni oui à tout ; c’est un devoir de critiqu
630 s temps. Nous avons fait des expériences dont ils ne soupçonnent pas la gravité, et moins encore la vanité. Ils les feront
631 Ces entreprises, d’une envergure sans précédent, ne sont pas justiciables des critiques qu’on leur adresse d’ordinaire en
632 x communs plus vénérables que vivants. L’anarchie n’ a le droit de critiquer l’ordre que lorsqu’elle est consciemment anarc
633 une volonté et d’un idéal déclaré. Le libéralisme n’ a le droit de critiquer la dictature que lorsqu’il assure une liberté
634 taine facilité sénile, dont la jeunesse française n’ est pas toujours indemne, facilité qui consiste à assimiler dictature
635 ermination, ou tout au moins de facteurs que nous ne sommes pas outillés pour mesurer dès maintenant. Le seul fait qui par
636 ve que la mesure réelle, dans l’un et l’autre cas n’ est pas la doctrine mais la technique de l’action sur les masses. C’es
637 nfigurer la culture. 2. Or cette mesure partielle ne peut pas réussir à créer une communion vraiment vivante. En fait, ell
638 éer une communion vraiment vivante. En fait, elle n’ y réussit pas. Le schématisme de la propagande est par nature contrair
639 e diront comme ils ont dit souvent déjà : a) Nous ne pouvions pas faire autre chose. Nos circonstances économiques et hist
640 ncontestable que nous avons établi cet ordre : on ne se mitraille plus dans nos rues, l’État combat la misère et le chômag
641 ns porté le fer d’une main assurée. Vos critiques ne nous touchent pas, parce qu’elles ne tiennent pas compte des faits qu
642 os critiques ne nous touchent pas, parce qu’elles ne tiennent pas compte des faits qui nous ont imposé leurs conditions. b
643 ement, et dix morales contradictoires dont aucune ne sait plus, ou n’ose plus avouer à quelle fin elle conduit ses adeptes
644 ales contradictoires dont aucune ne sait plus, ou n’ ose plus avouer à quelle fin elle conduit ses adeptes. Si vous ne fait
645 er à quelle fin elle conduit ses adeptes. Si vous ne faites rien, que de nous critiquer, vous en serez bientôt au point où
646 es refait un corps. Mais les problèmes spirituels n’ ont pas été résolus pour autant. Vous avez reculé la question de dix a
647 reculé la question de dix ans ou d’un siècle, je ne sais ; mais ce que je sais, c’est que tous nos pays se trouveront un
648 à la pensée et à l’action. Car un ordre extérieur n’ est solide et fécond que s’il résulte d’un ordre intérieur. Et cet ord
649 ulte d’un ordre intérieur. Et cet ordre intérieur ne se crée pas à coups de décrets d’urgence et de propagande de masses.
650 u spirituel. C’est encore là une évidence, et qui n’ est pas moins actuelle. III. L’appel à la commune mesure, ou l’Euro
651 commune mesure, ou l’Europe du xxe siècle Je ne connais qu’un moyen de résister à l’Europe, c’est de lui opposer le g
652 t les lieux, ou les astres. Cependant, une mesure n’ est rien, et ses symboles ne signifient rien, si l’on oublie les fins
653 Cependant, une mesure n’est rien, et ses symboles ne signifient rien, si l’on oublie les fins dernières, le grand dessein,
654 éent et qui meurent avec elle. L’Arche d’alliance n’ est rien s’il n’y a pas le messianisme, le latin s’il n’y a pas une ca
655 ent avec elle. L’Arche d’alliance n’est rien s’il n’ y a pas le messianisme, le latin s’il n’y a pas une catholicité, le Pl
656 rien s’il n’y a pas le messianisme, le latin s’il n’ y a pas une catholicité, le Plan s’il n’y a pas un Paradis à venir sur
657 atin s’il n’y a pas une catholicité, le Plan s’il n’ y a pas un Paradis à venir sur cette terre, le Führer s’il n’y a pas l
658 n Paradis à venir sur cette terre, le Führer s’il n’ y a pas l’Empire populaire. Le signe irréfutable de la présence d’un g
659 e toute problématique culturelle. Mais une mesure n’ est en soi ni vraie ni fausse ; elle n’est que plus ou moins fidèle à
660 une mesure n’est en soi ni vraie ni fausse ; elle n’ est que plus ou moins fidèle à la fin qu’elle prépare et représente. S
661 tains signes créés par d’autres pour des fins qui ne sont pas les nôtres. On ne refait une culture qu’en retrouvant une fo
662 tres pour des fins qui ne sont pas les nôtres. On ne refait une culture qu’en retrouvant une foi. Mais on ne retrouve une
663 ait une culture qu’en retrouvant une foi. Mais on ne retrouve une foi qu’en discernant sa vocation concrète. Or toute voca
664 , comme un jugement porté sur cette situation. Je ne crois pas aux voix mystérieuses mais je crois à l’appel des faits. Co
665 nos buts prochains au nom d’une vérité finale qui ne connaît pas nos contingences. Voilà la tension créatrice : réalité et
666 sphère des nations libérales d’aujourd’hui. Elles ne savent trop que faire de cette liberté dont elles se vantent. Elles s
667 terre, en Suisse, en Belgique, en Scandinavie, il n’ est question que du « désarroi général ». Liberté d’opinion, c’est pra
668 s de se plaindre sans passion profonde. La misère n’ est encore qu’à la porte, mais on dirait qu’il n’y a plus rien à faire
669 n’est encore qu’à la porte, mais on dirait qu’il n’ y a plus rien à faire, qu’à attendre. Et l’on s’occupe en attendant à
670 lorsqu’il était encore réel. Elles s’honorent de n’ avoir plus ni presse d’opposition, ni partis, ni civils indifférents e
671 grandeur digne de tous les sacrifices. Et comment ne croirait-on pas à la grandeur, même ou surtout la plus mythique, quan
672 mosphère des nations rajeunies de l’Europe. Elles n’ ont plus de liberté, mais du travail. Elles s’en plaignent d’ailleurs
673 en moins. En Russie, en Allemagne, en Italie, il n’ est question que de renaissance et de construction. « Dictature », « t
674 me brutal », tout cela qui épouvante les libéraux n’ est en fait que l’ensemble des conditions pratiquement nécessaires pou
675 i sait même si cette crainte, comme tout vertige, ne cache pas une secrète attirance, une secrète espérance dans le malheu
676 e est morte parmi nous, et que nulle mesure vraie n’ est encore restaurée.   3. L’appel. De ces deux Europes d’aujourd’hui
677 n de cette misère et de ses causes immédiates. Il n’ exige pas seulement le bien-être physique, mais aussi une grandeur nou
678 ls révèlent l’existence d’un appel que la culture ne peut plus ignorer. Notons aussi que cet appel profond du siècle a com
679 a plus aiguë, la réponse, qui devait être totale, n’ a été que « totalitaire ». Là où depuis cent ans ou plus la nation exi
680 artésienne. Nous savons aujourd’hui que la raison n’ est pas un idéal, mais un outil ; que l’individu n’est rien que la lib
681 ’est pas un idéal, mais un outil ; que l’individu n’ est rien que la liberté du désespoir et qu’il meurt de son isolement,
682 son isolement, ou du refus de se dépasser ; qu’il n’ y a pas de lignes droites dans l’univers, et qu’une vitesse ou une gra
683 e sentir à la mesure des temps nouveaux. Sinon il n’ est qu’angoisse et arbitraire, isolement, irréalité. Cette situation c
684 commune, communautaire. La puissance de cet appel ne saurait être comparée qu’au soulèvement de la Renaissance, à la monté
685 s de vacances ou de service civil. Mais tout cela n’ est encore que prodromes. Les premières grandes apparitions de cette p
686 tion — reste superficiel et arbitraire tant qu’il ne tient pas compte des dimensions profondes du phénomène collectiviste,
687 ries libérales à l’adresse des grandes dictatures ne sont dangereuses que pour ceux qui s’y livrent. Ils n’arrêteront pas
688 nt dangereuses que pour ceux qui s’y livrent. Ils n’ arrêteront pas la tempête à l’aide de leurs filets à papillons. Par co
689 ’individualisme. Là où nulle conscience nationale ne pouvait plus soutenir les hommes, cette ruine a laissé le champ libre
690 existait depuis un ou deux siècles, ces religions ne sauraient combler l’attente réelle. Elles ne sont pas une réponse néc
691 ions ne sauraient combler l’attente réelle. Elles ne sont pas une réponse nécessaire. Elles ne sont qu’une tentation super
692 . Elles ne sont pas une réponse nécessaire. Elles ne sont qu’une tentation superficielle et passagère, elles se réduisent
693 e ou idéologique. Mais si ces religions nouvelles ne constituent pas un danger interne pour les vieilles nations libérales
694 itation. À la force vivante de destins impériaux, n’ opposons pas des droits que justement toute la crise dénonce et rend c
695 rs à créer, et que nous seuls pouvons créer. Nous ne sommes pas en retard sur les Soviets ou sur l’Allemagne, tout au cont
696 sur l’Allemagne, tout au contraire. Mais si nous ne marquons pas notre avance historique par des créations aussi fortes q
697 un monde étrange, ici règne une nation dont nous ne sommes pas, et qui nous est hostile, non point par volonté méchante,
698 mais par nature, par le seul fait que sa religion n’ est pas la nôtre. Étudions les doctrines provisoires ou les tactiques
699 rtaines erreurs que commettent leurs chefs : nous ne pourrons jamais faire davantage, nous ne pourrons jamais en être, nou
700 s : nous ne pourrons jamais faire davantage, nous ne pourrons jamais en être, nous sommes nés sous d’autres astres, et not
701 es astres, et notre vocation est différente. Nous ne sommes pas de ces religions. Leur lieu saint nous demeure impénétrabl
702 d’autres fins, et la mesure qui doit les incarner ne sera inventée que par nous. Non seulement nos meilleures traditions,
703 , celle que donne la vérité. Notre mesure commune ne sera pas collective, extérieure à notre personne : cela n’a pas de se
704 as collective, extérieure à notre personne : cela n’ a pas de sens pour nous. Elle ne sera pas non plus individuelle : on n
705 e personne : cela n’a pas de sens pour nous. Elle ne sera pas non plus individuelle : on ne peut pas ressusciter des mesur
706 nous. Elle ne sera pas non plus individuelle : on ne peut pas ressusciter des mesures mortes. Je dis qu’elle sera personne
707 lture européenne. Sinon nous serons colonisés, je n’ ai pas fini de le répéter. Est-ce à dire qu’affirmer notre force en fa
708 antes. Contre les brutales poussées de masses qui ne se connaissent plus, seule la violence de l’esprit est pacifiante. No
709 écialement à l’édification de la culture. 56. On n’ ignore pas que les partisans du « matérialisme dialectique » ou Diamat
19 1936, Esprit, articles (1932–1962). Henri Petit, Un homme veut rester vivant (novembre 1936)
710 et aveu éclaire une bonne part de son œuvre. Rien n’ est plus redoutable pour notre société que le regard tranquille, appar
711 la résumer en trois formules, mais autrement, je n’ en finirais pas, dans cette note, et j’ignore même si j’en viendrais j
712  : l’homme a tué Dieu. Alors est venu l’État, qui n’ a plus rien au-dessus de lui pour le juger. Il faudrait au contraire q
713 ait au contraire que vienne l’homme. Chrétien, je ne puis voir dans l’émouvant effort d’Henri Petit pour sauver d’une foi
714 ié nouvelle. S’il écrit quelque part : « Le monde n’ a plus pour moi le caractère intelligible et nécessaire qu’il avait po
20 1936, Esprit, articles (1932–1962). Note sur nos notes (novembre 1936)
715 aissement général », symptômes imperceptibles. On n’ a qu’à se baisser, vraiment. Des éditeurs lancent chaque automne leur
716 trois, la critique se montrait attentive. Mais on n’ aime pas que « l’afflux des jeunes talents » soit si visiblement déter
717 jourd’hui pose à chaque instant des questions qui ne sont pas du tout littéraires. Le monarque caduc c’est la culture, c’e
718 de concret, ni pour aucune communauté, — pour on ne sait quel « prestige » évanouissant, ou quels bénéfices commerciaux…
719 le mal « presque impossible à réparer ». La faute n’ est pas à la littérature seule, mais à tout un régime social qui l’a l
720 régime plonge ses dernières racines vivantes. Il ne s’agit pas de morale ! Ni de condamner pour le mauvais plaisir d’avoi
721 créatrice. Il faut bien constater d’abord qu’elle n’ est plus là. Nous ne sommes pas une école littéraire. Nous ne pensons
722 ien constater d’abord qu’elle n’est plus là. Nous ne sommes pas une école littéraire. Nous ne pensons pas que le temps soi
723 là. Nous ne sommes pas une école littéraire. Nous ne pensons pas que le temps soit venu d’inventer des canons esthétiques,
724 rhétorique commune, ou un jargon d’équipe, ou je ne sais quel sabir personnaliste. Au jour où nous en sommes, on ne refai
725 abir personnaliste. Au jour où nous en sommes, on ne refait pas un art avec un point de vue d’art, ou de philosophie, ou d
726 se crée, il faut qu’une base commune existe, qui n’ existe plus aujourd’hui, qu’il faut commencer par refaire et qui suppo
727 us les plans de la révolution personnaliste. Nous ne répétons ces choses, ici, que pour mieux définir notre rôle, notre « 
728 écrivez-vous ? et pour quoi, et pour qui ? Or on ne peut poser ces questions-là que si l’on sait, pour son compte, y répo
729 pas talent, original, influencé, etc., tout cela n’ importe qu’à partir des réponses que l’on donne au problème éternel :
21 1936, Esprit, articles (1932–1962). Erskine Caldwell, Le Petit Arpent du Bon Dieu (novembre 1936)
730 le, la vision d’une jouissance infinie, tout cela ne fait que donner satisfaction au besoin humain de substituer à la réal
22 1936, Esprit, articles (1932–1962). André Gide, Retour de l’URSS (décembre 1936)
731 n vocabulaire sauvera Gide du journalisme. Car ce n’ est pas l’actualité toute passagère de son objet qui fait la faiblesse
732 que d’humaniser l’anecdote, l’aperçu. C’est qu’il ne cherche pas le pittoresque, ni le sentiment pour lui-même, mais l’ens
733 nement objectif, au sens goethéen de ce terme. Ce n’ est pas là, je crois, sa pente naturelle ; plutôt l’effet d’une perman
734  » Je me souviens alors de Goethe à Venise : « Je ne suis encore entré dans aucun bâtiment, excepté Saint-Marc. Il y a de
735 le plus souvent admirables. » Épilogue : « L’URSS n’ a pas fini de nous instruire et de nous étonner. » Précautions, je sai
736 ien, plus que cet état d’esprit (de la même URSS) ne met en péril la culture. » Naturellement, c’est plus complexe que cel
737 est aussi plus clair que la préface et l’épilogue ne le donneraient à penser. Parlons net : il s’agit ici d’un dégonflage
738 u’il faut bien appeler le bluff stalinien ; et je ne dis pas du tout : d’une critique de ce qu’il y a de profond dans le m
739 n est moins heureux qu’eux partout ailleurs. L’on n’ y peut arriver qu’en empêchant soigneusement toute communication avec
740 ro. » — Égalité, société sans classes ? « Comment n’ être pas choqué par le mépris, ou tout au moins l’indifférence, que ce
741 “de journée”, et j’allais dire : des pauvres. Il n’ y a plus de classes en URSS, c’est entendu. Mais il y a des pauvres. I
742 té petite-bourgeoise. Mais Gide : « Je crains que ne se reforme bientôt une nouvelle sorte de bourgeoisie ouvrière satisfa
743 reproche à la fameuse autocritique soviétique de ne consister « qu’à se demander si ceci ou cela est dans la ligne ou ne
744 se demander si ceci ou cela est dans la ligne ou ne l’est pas. Ce n’est pas elle, la ligne, que l’on discute. Ce que l’on
745 eci ou cela est dans la ligne ou ne l’est pas. Ce n’ est pas elle, la ligne, que l’on discute. Ce que l’on discute, c’est d
746 antistalinien, il se met dans une situation qu’on ne peut comparer qu’à celle du chrétien anticlérical. Seulement, la diss
747 ientation [le stalinisme par rapport au marxisme] n’ est peut-être qu’apparent, et si ce qui nous apparaît comme une déroga
748 , et si ce qui nous apparaît comme une dérogation n’ est pas une conséquence fatale de certaines dispositions antérieures. 
749 inien l’entendra comme une excuse : le changement n’ est qu’apparent, la ligne sauvée. Mais cela peut signifier aussi : le
750 ctique qui paraît seule capable de l’imposer ? Ce n’ est pas là toucher le fond réel de la situation historique. Et la droi
751 foi chrétien. Si l’enfant se brûle, ou si Staline ne peut le sauver qu’au prix de la vie du Dieu qui est en lui, c’est que
752 qui est en lui, c’est que l’homme est pécheur, et ne peut pas outrepasser les limites de sa condition. Qui veut faire l’an
753 au — appelle la bête, le dictateur. Gide voudrait ne pas croire au péché. Mais moi, je ne crois pas aux dieux. Pour nous,
754 ide voudrait ne pas croire au péché. Mais moi, je ne crois pas aux dieux. Pour nous, la révolution ne créera pas un homme
755 ne crois pas aux dieux. Pour nous, la révolution ne créera pas un homme nouveau ou un surhomme, mais un ordre nouveau à h
756 d’homme. Voilà le point de notre différend. Nous n’ y insisterons jamais assez. Mais il faut dire aussi la joie que nous é
757 nous l’appliquerons : c’est lui, c’est Gide « qui n’ a pas fini de nous instruire et de nous étonner ». 63. Journal de vo
758 et si les nazis savaient cela ! 65. Certes, Gide ne se prive pas d’admirer bien des choses en URSS (les « parcs d’enfants
23 1937, Esprit, articles (1932–1962). Défense de la culture (janvier 1937)
759 qui jouent avec lui avec une infinie gentillesse. Ne donne-t-on pas au canari de la duchesse chaque jour sa feuille de sal
760 nt : on lit de moins en moins, en France, où rien n’ entrave la liberté d’éditer et de vendre tout ce que l’on imagine. Ce
761 ’éditer et de vendre tout ce que l’on imagine. Ce n’ est pas le « fascisme » qui expliquera cela. Nous savons, nous aussi,
762 ner sa feuille de salade verte au canari. Et nous ne sommes pas « communistes » pour si peu. Je constate simplement ceci :
763 a lecture de Paris-Soir et Paris-Sports, quand ce n’ est pas Paris-Soir-Dimanche. Quels chiffres nos éditeurs pourraient-il
764 e-mille un an après sa publication. Et les poètes ne restent pas en arrière : le jeune Gerhard Schuhmann, qui est nazi, a
765 de douze-mille, et le vieux Ch. Morgenstern, qui ne l’est pas, un tirage de cinquante-mille. Repère : le dernier Lagerlöf
766 ture sont un peu moins simplets que ces partisans ne le croient. Et que ce n’est pas d’abord contre le fascisme à l’étrang
767 mplets que ces partisans ne le croient. Et que ce n’ est pas d’abord contre le fascisme à l’étranger, mais d’abord contre l
24 1937, Esprit, articles (1932–1962). La fièvre romanesque (janvier 1937)
768 propos du roman d’un débutant : « Les personnages n’ y semblent naître et se nourrir que de la fièvre de l’auteur. » N’est-
769 tre et se nourrir que de la fièvre de l’auteur. » N’ est-ce pas, en somme, toujours ainsi que les personnages naissent et s
770 naissent et se nourrissent ? Mais on a convenu de n’ en rien laisser paraître. Oui, c’est toujours sa fièvre que le romanci
771 ndant l’opération, et de nous faire croire que ce n’ est pas lui qui agit… Pourtant ses personnages ne sont pas plus vrais
772 n’est pas lui qui agit… Pourtant ses personnages ne sont pas plus vrais que lui ; le mieux qu’on puisse attendre, c’est q
773 me dira d’une voix que j’entends déjà : « Mais je n’ ai rien voulu de tout cela ! Mes personnages se sont imposés à moi etc
774 ! Mes personnages se sont imposés à moi etc. » Je n’ ignore pas que des visions parfois bizarres et amusantes, ou émouvante
775 illusions qu’elles entraînent : Goethe ou Balzac n’ ont rien fait d’autre. Mais toutes ces feuilles de température ! (Même
25 1937, Esprit, articles (1932–1962). Jean Blanzat, Septembre (janvier 1937)
776 d’une infidélité qu’elle pourrait faire. Or elle n’ y songeait pas… Qu’est-ce que ce livre ? Un document clinique ? Trop d
777 lent destinés à faire vrai, et à prouver que l’on n’ invente rien de ce tourment. Est-ce donc un témoignage pur et simple —
778 lade ou mon admiration pour son auteur ? Le livre n’ est ni passionnant, ni indifférent, habile et sensible à la fois. On l
779 sé l’auteur à publier un aussi désolant récit. On ne trouve pas… Autrefois il fallait instruire ou amuser. (Comme on l’exi
780 nouveau en URSS et en Allemagne.) Mais nos romans ne veulent plus de morale — à cause de « l’art » — et l’art consiste à v
781 lanzat faisait un geste franc, il est clair qu’il n’ y aurait pas de roman. Mais, nous dit-il : « le plus petit geste m’a t
26 1937, Esprit, articles (1932–1962). Paul Vaillant-Couturier, Au service de l’Esprit (février 1937)
782 rieux. Tout d’abord quelques citations : L’homme ne peut penser et créer que s’il est libre. — Nous avons toujours admis
783 ls placent l’homme. — Notre sens de la solidarité ne nous empêche pas de voir — bien au contraire — ce qu’il y a d’humain
784 iberté et du pain des hommes. » Autant dire qu’il ne fait plus confiance à Marx. Autant dire qu’il ne se fait plus confian
785 ne fait plus confiance à Marx. Autant dire qu’il ne se fait plus confiance à lui-même. Autant dire que toutes les attaque
786 positions d’Esprit et de l’ON depuis quatre ans, n’ avaient pas même l’excuse de la sincérité. Ou alors, c’est que M. Vail
787 rs, c’est que M. Vaillant-Couturier, qui pourtant n’ hésite pas à déclarer que « les intellectuels sont en quelque sorte (s
788 du Français cultivé une idée plus marxiste qu’on ne croyait : ce serait le gogo intégral. Ce serait par exemple le lecteu
789 go intégral. Ce serait par exemple le lecteur qui n’ aurait pas remarqué, entre autres, que cette brochure-manifeste ne tou
790 arqué, entre autres, que cette brochure-manifeste ne touche pas un traître-mot (sans calembour) des problèmes que pose le
791 -ce que l’Esprit qu’il veut servir ? La majuscule ne suffit pas à le définir. Page 20, on croirait bien que c’est « la rai
792 est plutôt la tactique… Si le Français, né malin, ne doit pas mourir gogo, la brochure de Vaillant-Couturier fera plus de
793 atum manuscrit la faute de la page 13 : « La paix ne se conçoit pas dans la liberté. » (Phrase qui aurait pu faire croire
27 1937, Esprit, articles (1932–1962). Albert Thibaudet, Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours (mars 1937)
794 à nos jours (mars 1937)ah Comment juger ce qui ne veut pas être jugement, mais dégustation, claquements de langue, savo
795 t-être posons-nous déjà d’autres questions, qu’il n’ a pas devinées, ou qu’il a négligées parce qu’elles lui paraissaient p
796 u fondement de toute littérature… Célibataire qui ne voulut épouser que l’élan vital de la littérature (sans se demander d
797 ucculent, devisant à la terrasse des Deux Magots, n’ a pas eu le temps de s’apercevoir que « les grandes questions gisent d
798 d’élan vital. (Heidegger succède à Bergson.) Nous n’ aimons plus cette autarchie des Lettres, où les problèmes réels, socia
799 urnir un « rapprochement », une « référence », et ne sont qualifiés, en passant, que par rapport au snobisme furtif d’une
800 e de la critique impressionniste (après quoi elle n’ a plus qu’à mourir). Dès lors tout ce qu’on lui a reproché : désordre,
801 c’est-à-dire, dans ce cas, ordonnée à une loi qui n’ est pas celle de l’objet mais du sujet. Son chapitre sur Balzac a de l
802 e 16 lignes qui termine la page 229 ! Et personne n’ a jamais manié la métaphore continuée avec une fantaisie (au sens alle
28 1937, Esprit, articles (1932–1962). Jacques Benoist-Méchin, Histoire de l’armée allemande depuis l’armistice (mars 1937)
803 état réel des forces dans le monde présent. Qu’on n’ aille pas se figurer qu’il s’agit d’un bouquin d’érudition ou d’un tra
804 araît aussi solide qu’inattendue : si l’Allemagne ne s’est pas défaite en vingt morceaux, si la révolte spartakiste a pu ê
805 que révolutionnaire et contre-révolutionnaire, je ne connais pas d’ouvrage plus riche et plus précis, sinon les mémoires d
806 révolution avec une brutalité qu’aucun bourgeois ne se serait permise. Avis à ceux de Saint-Denis ! Noske, Mussolini, Dor
29 1937, Esprit, articles (1932–1962). Retour de Nietzsche (mai 1937)
807 temps avant l’entrée en lice du personnalisme, ce n’ est pas un hasard ni une coïncidence qu’il faut y voir, ni d’ailleurs
808 ion, cependant que leur cause générale et commune n’ apparaîtra sans doute qu’à nos après-venants. Ce qui semble certain, d
809 uste que celle des masses ou des politiciens. (Je ne dis pas qu’elle est plus efficace…) Que nous annonce le renouveau nie
810 eu l’Éternel, première personne de la Trinité, je ne vois plus, pour ma part, dans les déclarations de Bataille que de la
811 ans le plan politico-social. Historiquement, l’on ne peut voir dans ce mouvement de pensée que l’annonce d’une réaction vi
812 « hommes de quarante ans » et certains jeunes qui ne les valent pas. Je ne pressens rien de créateur, ni rien de réellemen
813 ns » et certains jeunes qui ne les valent pas. Je ne pressens rien de créateur, ni rien de réellement destructeur dans cet
814 Celui qui connaît, celui qui crée, celui qui aime ne font qu’un ». (Les deux sont justes.) ⁂ Sur la contradiction fondamen
815 nsion la plus féconde de l’œuvre de Nietzsche, on n’ a rien écrit de meilleur que le livre de Karl Löwith : Nietzsches Phil
30 1937, Esprit, articles (1932–1962). Journal d’un intellectuel en chômage (fragments) (juin 1937)
816 s oliviers et par sa jeune nudité. Pas une vapeur ne s’élève de l’herbe pauvre des terrasses, ni de ces arbres moirés et a
817 le. Naturellement j’ai perdu ! Moi vous savez… Ce n’ est pas comme Céline, ah celle-là ! Elle a la veine, que voulez-vous !
818 s ! À la loterie, dans les tombolas des sociétés, n’ importe où, elle est sûre de gagner quelque chose à tous les coups. »
819 laïcard, il accuse les curés d’obscurantisme, il ne veut pas d’ennemis à gauche parce que la gauche, c’est le parti de la
820 n contre les entreprises rétrogrades de l’Église, n’ hésite pas à tirer bénéfice de la culture de cette superstition. S’il
821 e si courante : il a la veine. Mais notre jacobin ne croit à la Raison et à la Science mère du Progrès, que dans la mesure
822 Progrès, que dans la mesure où cela lui permet de ne pas aller à l’église. Pour le reste, il demeure la proie du charlatan
823 et se détourne. D’où vient-il ? On m’a dit qu’il n’ y a pas de pigeons par ici. Que vient-il attendre ? Pourquoi feint-il
824 ici. Que vient-il attendre ? Pourquoi feint-il de ne pas me voir ? Il se tient là des heures, sans bouger, et s’envole d’u
825 que je dois donner à Marseille dans 15 jours. Je ne voulais pas la préparer avant le dernier jour. Est-ce que cela signif
826 cela signifie qu’elle est plus importante que je ne croyais ? Qu’il y a quelque chose de sérieux à faire là-bas ? Je vais
827 la rédaction de ma conférence. Ce matin le pigeon n’ est pas revenu. C’est évidemment absurde, cette histoire. Je le vois b
828 ps, je vois que je mentirais si j’écrivais que je n’ y crois pas. Superstition ! Je m’étonne de ce que ce « reproche », que
829 habitude scolaire de critique, me touche si peu, ne trouble pas du tout ma bonne conscience. Au fond, je me sens assez he
830 eux de l’aveu que je viens de m’en faire. Comment ne l’ai-je pas fait plus tôt ? Pour peu que je rappelle mes souvenirs, j
831 ces spontanées et absolues en des « raisons » qui n’ en sont pas, mais qui m’ont toujours convaincu beaucoup plus vite et b
832 rop le savoir, avec bien plus de vigilance que je n’ en apporte à la défense de mes intérêts « objectifs »… Et ce jeu-là, j
833 connaître les règles et les interdictions que je n’ imagine pas pouvoir jamais m’en « rendre compte » en langage ordinaire
834 ttent les dés avant leurs grandes décisions, mais n’ est-ce pas une étrangeté plus aiguë que nous révèle cette foi toute qu
835 type spécial, différent de tous les autres… Et ce n’ est guère qu’à l’instant où l’on découvre que tous les autres en croie
836 masse abstraite, intimidante ou méprisable. Pour ne prendre qu’un seul exemple : que de tourments et de secrets désespoir
837 é dans l’anarchie la plus sanglante. La politique ne doit jamais partir de la réalité irrationnelle de l’homme : d’ailleur
838 éalité irrationnelle de l’homme : d’ailleurs elle ne le pourrait pas. Ma loi vaut tout juste pour moi. (Et s’il fallait te
839 ais seulement de l’extérieur. Une politique saine ne saurait donc partir de la personne, mais au contraire de l’impersonne
840 l’une et l’autre leur dynamisme propre. Si l’État ne freinait plus, si la personne ne cherchait plus à triompher de tout c
841 ropre. Si l’État ne freinait plus, si la personne ne cherchait plus à triompher de tout ce qui n’est pas elle, le simulacr
842 onne ne cherchait plus à triompher de tout ce qui n’ est pas elle, le simulacre d’équilibre que l’on constaterait alors ne
843 simulacre d’équilibre que l’on constaterait alors ne serait en fait que la limite du pire désordre, et c’est la mort. Cas
844 as purement idéal bien entendu puisque l’histoire ne connaît pas d’arrêt. En réalité, sous le couvert d’un équilibre appar
845 e encore plus frappante. Certes, nos institutions n’ ont guère changé depuis un siècle, et c’est pourquoi l’on s’imagine qu
846 réalité sentimentale, mystique ou sensuelle, qui ne saurait se traduire en termes de raison. Mais je la tiens pour néfast
847 alitaire. « Là où l’homme veut être total, l’État ne sera jamais totalitaire. » Or l’État, c’est un fait patent, devient p
848 (son quant-à-soi), vaincues par une crise dont ce n’ est pas ici le lieu de mentionner les causes profondes, cessent d’agir
849 que nous pensons avoir récemment « découvertes » ne sont, au sens freudien du terme, que les phantasmes de notre peur de
850 questions, celui qui vous attend à la sortie, et ne sait trop comment vous aborder, celui qui vous entraîne dans sa chamb
851 ux hommes : c’est toujours une raison unique, qui ne vaut qu’entre lui et moi, et qui ne prend son vrai sens que dans cett
852 n unique, qui ne vaut qu’entre lui et moi, et qui ne prend son vrai sens que dans cette rencontre effective. Ce sont de te
853 uditeur, où l’on se voit naturellement contraint, ne fût-ce que par la proximité matérielle70, de se mettre moralement à l
854 normalement, sans surprises et sans illusion. Ce n’ est plus une pensée lointaine qui anime un rêve, dans une chambre noct
855 ur réel, est toujours autrement intelligent qu’on ne l’imagine quand on écrit sans l’avoir jamais vu. Il n’est pas arrêté
856 imagine quand on écrit sans l’avoir jamais vu. Il n’ est pas arrêté par nos tabous critiques. Il va tout droit à ce qui le
857 us sensible aux tics qu’à la pensée fondamentale, n’ aura pas manqué de signaler comme caractéristiques de l’ouvrage. Enfin
858 es les classes et de tous les métiers. Certes, ce n’ est jamais qu’avec des êtres singuliers, par le biais de leur singular
859 ément créateur, spirituellement actif du pays. Il ne saurait être question de ce cliché importé d’URSS ou d’Allemagne hitl
860 tact avec les masses ». Les masses, comme telles, n’ ont jamais eu de contact avec les écrivains comme tels, en aucun temps
861 avec les écrivains comme tels, en aucun temps. Ce ne sont pas des abstractions qui achètent nos livres. Ce qu’il s’agit de
862 , nous en sommes arrivés à parler dans le vide, à ne parler qu’à ces lecteurs qui achètent les livres pour remplir les ray
863 blicité, des académiciens, des journalistes. Nous ne sommes plus des gens utiles. Nous ne sommes plus des hommes normaux c
864 listes. Nous ne sommes plus des gens utiles. Nous ne sommes plus des hommes normaux chargés d’une vocation d’expression et
865 dit que nous avons trahi l’esprit : mais l’esprit n’ a pas besoin de nous. Il vit sans nous. Nous le retrouverons intact. C
866 Je leur réponds : « Que voulez-vous, les saisons ne sont plus ce qu’elles étaient »,— pour montrer que je sais vivre… Par
867 manière de s’exprimer qui en dit plus long qu’on ne croirait. « J’ai mes brouillards et mon beau temps au-dedans de moi »
868 ur le fait. » Vertige de l’animalité. 17 avril Ça n’ a pas encore cessé chez les chiens. Cette nuit, les crapauds s’y sont
869 gémit dans les angoisses de l’enfantement. Et ce n’ est pas elle seulement, mais nous aussi, qui avons les prémices de l’E
870 ement des créatures, ou plutôt c’est avouer qu’on n’ a pas su les voir. Aller demander à la Nature la révélation d’une vie
871 ntre » et sur celles de la gauche. (Car la droite n’ ose pas dire son nom dans ce canton.) Les partis de gauche ont fait li
872 huit mois que nous sommes ici, et combien de fois ne sommes-nous pas entrés dans la grande cuisine qui était, pensions-nou
873 comprendre que les autres pièces étaient vides ou ne servaient que de débarras —, et rien ne pouvait nous faire soupçonner
874 vides ou ne servaient que de débarras —, et rien ne pouvait nous faire soupçonner cette présence, à côté. Hier matin, la
875 e, bou die ! l’estomac et tout. — Mais les Simard ne m’avaient jamais parlé d’elle ! — Peuchère ! ils languissaient de l’e
876 ils languissaient de l’emballer, la vieille ! Ils n’ auront plus à languir bien longtemps. On peut dire que la chose est sû
877 ler la voir. Elle a un bâton sur son lit, qu’elle ne veut pas le lâcher, c’est pour lui tenir compagnie… On a été chercher
878 i apostrophe la mère Calixte près du bassin. « Je ne veux pas qu’on lave aujourd’hui ! Vous m’entendez ! Je l’ennterdis, v
879 ourd’hui ! Vous m’entendez ! Je l’ennterdis, vous n’ avez qu’à le leur dire ! » Je passe la tête par la fenêtre. Qu’est-ce
880 ant. Il crie : « Je l’ai dit à madame Calixte, je ne veux pas qu’on lave aujourd’hui ! Ma belle-mère est morte cette nuit.
881 ourd’hui ! Ma belle-mère est morte cette nuit. Il ne faut pas se moquer des gens en deuil ! » — Mais, monsieur Simard… — I
882 à 50 mètres de la maison, sur une terrasse qu’on ne peut voir d’ici. Je ne comprends pas très bien. S’il s’agit de respec
883 on, sur une terrasse qu’on ne peut voir d’ici. Je ne comprends pas très bien. S’il s’agit de respect, ne vaudrait-il pas m
884 comprends pas très bien. S’il s’agit de respect, ne vaudrait-il pas mieux respecter les vieux pendant qu’ils vivent ? — D
885 lé avec Simard. Après l’algarade d’hier matin, je ne me sentais pas le cœur à lui jouer une comédie de sympathie, d’autant
886 ui jouer une comédie de sympathie, d’autant qu’il n’ a vraiment pas l’air trop affecté par la perte de cette belle-mère (sa
887 rend ce matin. Le ménage Simard est furieux. Nous n’ avons pas du tout fait ce qu’il fallait. Je me récrie : mais comment,
888 a sympathie à Madame Simard. — Je sais, mais vous n’ êtes pas entré chez eux. — Entré chez eux ? — Il faut que je vous expl
889 ann, il aurait dû venir chez vous pour dire qu’il ne voulait pas qu’on lave. Je le lui ai dit : c’est bien ta fôte ! Ça au
890 on qu’il y aurait eu un mort, je comprendrais, je n’ aurais pas non plus lavé la vaisselle. Mais ce n’est pas la même maiso
891 n’aurais pas non plus lavé la vaisselle. Mais ce n’ est pas la même maison. — Je ne comprends pas. Madame Calixte. Pourquo
892 vaisselle. Mais ce n’est pas la même maison. — Je ne comprends pas. Madame Calixte. Pourquoi ne peut-on pas laver la vaiss
893 . — Je ne comprends pas. Madame Calixte. Pourquoi ne peut-on pas laver la vaisselle quand il y a un mort dans la maison ?
894 vre, et à manger, et à laver, il me semble ? — Je ne pense pas comme vous, Monsieur, mais il a tort pour la lessive. Voyez
895 s de rites de protection très compliqués dont ils n’ arriveraient pas à concevoir qu’on puisse même s’étonner. Et ne pas cr
896 t pas à concevoir qu’on puisse même s’étonner. Et ne pas croire, surtout, qu’il s’agit là de « préjugés », comme disent le
897 ns deux à trois heures de marche — et vraiment il n’ y a guère à signaler. Sinon peut-être les maisons vides. Il faut avoue
898 son la plus proche est à une bonne demi-heure. Il n’ y a pas de route. On imagine de vivre là, dans un style colonial-moyen
899 en du monde. Des initiés, naturellement. Personne ne monte jamais là-haut, ni maréchaussée ni gabelle. Nous aurions des fu
900 « Communauté », mot de passe de cette génération, n’ aurons-nous fait que l’appeler de loin, ne sera-t-elle pour nous qu’un
901 ration, n’aurons-nous fait que l’appeler de loin, ne sera-t-elle pour nous qu’une évasion hors de cette société maussade,
902 ite, un alibi pour la mauvaise humeur de ceux qui n’ ont plus de « prochains » ? 69. À Montmartre, il y a deux ou trois a
903 contre le christianisme. « Ils prétendent qu’ils ne croient qu’à un seul Dieu, s’écriait l’orateur, et ils adorent la Tri
904 ls disent que le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne font qu’un. Vous voyez que l’Église est réfutée par l’arithmétique. E
905 on : un, plus un, plus un, cela fait trois, si je ne me trompe, et non pas un », — Prenez la multiplication ! cria l’abbé
906 cria l’abbé V. qui était dans la salle. 70. Que ne connaît pas le grand conférencier littéraire ou politique « en tourné
31 1937, Esprit, articles (1932–1962). Marius Richard, Le Procès (juin 1937)
907 ffirait. » Et quelques pages plus loin : « Écrire ne m’intéresse que si j’ai le sentiment que ce que j’écris, par la forme
908 taux « qui ont des chemises de prisonniers » et «  n’ ont plus guère que le nom de leur mal » et même « du polémiste prenant
909 rchant le long du quai aux Fleurs. Mais la prière n’ est pas un refuge ; elle est un acte d’accusation, et un aveu de chaqu
910 à cette profondeur, donne la mesure d’un art qui ne se prend pas pour idole. am. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
32 1937, Esprit, articles (1932–1962). Paul Éluard, L’Évidence poétique (juin 1937)
911 ique étonnant : pas une de leurs publications que ne marque une invention heureuse et une audace très raisonnable. Ils res
912 ie « s’applique… à refuser de servir un ordre qui n’ est pas le sien ». C’est donc qu’elle veut instaurer un ordre plus gra
913 ’étant enfin accordé à la réalité qui est sienne, n’ aura plus qu’à fermer les yeux pour que s’ouvrent les portes du mervei
914 tion dans son état d’innocence et de grâce, et il n’ y aurait pas de poésie — ni de prière — s’il n’y avait pas, consciente
915 il n’y aurait pas de poésie — ni de prière — s’il n’ y avait pas, consciente ou non, cette espérance ou cette « attente ard
916 urquoi retomber dans le poncif onirique 1925 ? Ce n’ était pas la peine de lire Feuerbach, cité à la page suivante. Voilà q
917 stincts primitifs ». Comme si l’instinct primitif ne poussait pas l’homme à exploiter son semblable, pour peu qu’il en ait
918 a force ! Comme si la civilisation, au vrai sens, ne consistait pas justement à réfréner ou à détourner cet instinct d’exp
919 s, nous combattrons ensemble. Mais avec cela nous n’ aurons pas liquidé la religion et la patrie, nous n’aurons liquidé que
920 aurons pas liquidé la religion et la patrie, nous n’ aurons liquidé que leur « ignoble » exploitation, nous les sauverons !
33 1937, Esprit, articles (1932–1962). M. Benda nous « cherche », mais ne nous trouve pas (juillet 1937)
921 M. Benda nous « cherche », mais ne nous trouve pas (juillet 1937)ap aq M. Benda décrivait l’autre jou
922 jeunes, les malheureux, respectent la politique, ne veulent la vérité qu’au service de l’action, vénèrent la force, et pr
923 e fit observer, en mathématicien, que la gratuité n’ est pas une méthode scientifique, et que toute pensée est un acte, M.
924 toute pensée est un acte, M. Benda répliqua qu’il ne s’agissait pas du tout de cela, et que la pensée des jeunes se veut a
925 s traits au « malheur » de notre jeunesse, lequel ne saurait, en bonne logique, expliquer les doctrines d’un Barrès ou d’u
926 e Dreyfus. Il se vante d’être intemporel, mais il n’ est guère qu’anachronique. Partisan qui survit à sa cause ; et pensée
927 ougemont Denis de, « M. Benda nous “cherche” mais ne nous trouve pas », Esprit, Paris, juillet 1937, p. 616-618. aq. Sign
34 1937, Esprit, articles (1932–1962). Brève introduction à quelques témoignages littéraires (septembre 1937)
928 tique » dont tout le monde parle depuis cent ans. Ne perdons plus de temps à rechercher qui a commencé, de l’œuf ou de la
929 la littérature ou de l’ordre social. Notre effort ne saurait porter, avec quelque efficacité, que sur la réalisation conco
930 de l’une et de l’autre, de l’une par l’autre. Ce n’ est donc pas à une enquête que nous allons nous livrer cette année, ma
931 re — de l’œuvre littéraire dans la communauté. Il n’ y a pas, et il ne peut y avoir encore une école littéraire personnalis
932 ittéraire dans la communauté. Il n’y a pas, et il ne peut y avoir encore une école littéraire personnaliste. Pas plus qu’i
933 ne école littéraire personnaliste. Pas plus qu’il n’ y a et qu’il ne peut y avoir encore une orthodoxie de la personne, une
934 aire personnaliste. Pas plus qu’il n’y a et qu’il ne peut y avoir encore une orthodoxie de la personne, une société et une
935 e que certains le désirent…) Pour l’instant, nous ne pouvons que militer dans une direction générale qui se précisera par
936 enons ces termes au sens le plus large — qui pour n’ être point asservis aux disciplines extérieures d’un parti, ne considè
937 asservis aux disciplines extérieures d’un parti, ne considèrent pas l’acte d’écrire comme un divertissement sans conséque
938 s conséquence. Il existe des jeunes écrivains qui ne sont pas embrigadés mais qui savent que toute œuvre engage, et qui ac
939 onditions de leur création. Et nous pensons qu’il n’ est pas vain de le prouver en les réunissant ici, fût-ce par le lien t
940 de dans lequel et contre lequel elle s’édifie. Je ne pense pas qu’il soit souhaitable d’en dire plus, au seuil de la série
941 mont, Michel Seuphor, Jean Tardieu. On voit qu’il ne s’agit pas d’une école ; encore moins d’une orthodoxie personnaliste.
35 1937, Esprit, articles (1932–1962). Martin Lamm, Swedenborg (septembre 1937)
942 Martin Lamm, Swedenborg (septembre 1937)as Je ne pense pas qu’il soit utile de parler dans Esprit de tout ce qui vient
943 (La discontinuité de notre chronique des Lettres ne traduit d’ailleurs pas nécessairement des intermittences de la produc
944 lque chose, même s’ils préfèrent l’ignorer — nous ne pensons pas que cette limitation normale — et normative — doive se tr
945 nier roman, dont tout le monde parle, parce qu’il n’ apporte rien. On ne peut pas recommencer chaque mois le procès d’une l
946 ut le monde parle, parce qu’il n’apporte rien. On ne peut pas recommencer chaque mois le procès d’une littérature qui se v
947 — c’est-à-dire sans but, privée de « sens » — et n’ y réussit que trop bien. Mais cela nous donne justement de la place po
948 ous en offre un exemple idéal. À tel point que je ne puis aujourd’hui qu’indiquer les pistes qu’il nous ouvre ; il faudrai
949 entable… On a l’impression, à lire M. Lamm, qu’il n’ eût pas accordé une attention extrême à Swedenborg du vivant de ce gra
950 us donne des principaux écrits de son compatriote ne prend quelque chaleur qu’aux endroits où il s’agit de réfuter les hyp
951 éfuter les hypothèses d’un collègue historien. Je ne nie pas la valeur intrinsèque de la thèse que défend M. Lamm et qui m
952 fend, et pourquoi il s’occupe d’un personnage qui ne semble exciter ni sa réprobation ni son enthousiasme. C’est ce que l’
953 es. M. Lamm démontre au contraire que ces visions n’ ont guère fait qu’illustrer, sous une forme mythologique, une construc
954 comparable à celle d’un Pic de la Mirandole, pour ne prendre que l’un des auteurs les plus souvent cités par Lamm. Je voud
955 première importance. Ensuite, cette impartialité ne saurait être honnête — bien que l’honnêteté soit justement le prétext
956 l que le mysticisme. M. Lamm a beau s’efforcer de ne point porter de jugement de valeur sur la « réalité » des visions de
957 nsi : « Il est de toute évidence que cet incident ne fut autre chose qu’une perte de connaissance, etc. » Ailleurs il parl
958 é de la science dans le mysticisme ». Enfin, l’on ne voit pas du tout en quoi la logomachie particulière à l’époque de M.
959 llucinations dites psychosensorielles…, etc. » On ne nous dit pas si l’on juge ces visions réelles ou non, on nous dit seu
960 urance doctorale, me paraissant prêcher par un je ne sais quoi qui rappelle d’une double manière la fameuse « vertu dormit
961 clare que les visions intérieures de Swedenborg «  ne sont pas autre chose » que des photismes, « phénomènes d’automatisme
962 t ceci tendait à prouver que le problème mystique n’ est nullement justiciable de « la science » d’aucune époque, et qu’il
963 aïens ou chrétiens, hétérodoxes ou orthodoxes. Je n’ ai pas la prétention de traiter un si grave problème en quelques ligne
964 ue Madame Guyon appelle “la mort mystique”. L’âme ne vit plus désormais de sa vie propre, c’est Dieu qui vit et agit en el
965 Vers une cosmologie, Éditions F. Aubier. 72. Je ne puis m’étendre ici sur les aspects hétérodoxes et orthodoxes de son l
36 1937, Esprit, articles (1932–1962). Neutralité oblige (octobre 1937)
966 mises en question par sa méfiance paysanne. Cela n’ est pas sans irriter certains. Pour moi, je ne sais rien de plus salut
967 ela n’est pas sans irriter certains. Pour moi, je ne sais rien de plus salutaire, parfois de plus libérateur, que cette ma
968 ’on m’entende bien : nous avons eu Amiel, et nous ne manquons pas de douteurs, de tourmentés, de refoulés et d’hésitants f
969 lles, ou sociales, ou nationales. Ce que personne n’ a jamais eu l’idée de mettre en question parmi nous. Par exemple, dema
970 Ramuz, plus dur, parle de portier d’hôtel…) Et je ne dis pas que cette interprétation désobligeante soit toujours fausse d
971 ience d’une mission à accomplir, et que nul autre n’ a reçue. La Suisse existe-t-elle ? nous demande Ramuz. Cela revient à
972 sse se figure justement que c’est la question qui ne se pose pas. Que nous le voulions ou non, notre neutralité caractéris
973 gale prudence, égoïsme, ambitions mesquines. Cela n’ augmente pas précisément notre prestige. Chez nous, l’on considère vol
974 ’Europe dans les leaders de nos journaux. Et cela ne contribue guère à nous donner un sens actif de nos chances et de nos
975 un jour. Les événements nous y obligeront si nous ne savons pas les prévenir. Si nous nous refusons à voir, à dire, à illu
976 s enfants au berceau. Car aucune force matérielle ne pourra jamais remplacer, pour un petit pays comme le nôtre, la consci
977 quand bien même il serait démontré que la Suisse ne peut plus prétendre à jouer un rôle analogue, croit-on que son droit
978 ssent oublient pourquoi ils ont reçu ce droit. Je ne dirai pas que les Suisses l’aient déjà oublié. Mais la conscience qu’
979 e sur une équivoque que la Déclaration de Londres n’ a nullement dissipée, bien au contraire. Là encore, nous avons voulu b
980 ’hui. Notre chance et nos risques sont là.   Rien ne me paraît plus frappant que la convergence finale des faits que l’on
981 condent mutuellement75. Cette conception du monde n’ est pas nouvelle ; elle constitue l’apport spécifique de l’Europe à l’
982 nt s’est édifié, et qu’il a dominé le monde. Elle n’ est nullement, comme certains voudraient le croire, une espèce de just
983 ienne de ce principe central, fédératif ; et elle ne peut être autre chose, de par sa nature même, physique et historique.
984 pe, et mainteneurs de ses communes mesures. Qu’on ne voie pas là je ne sais quelle manière d’idéaliser ce qui est mesquin.
985 de ses communes mesures. Qu’on ne voie pas là je ne sais quelle manière d’idéaliser ce qui est mesquin. Car ce qui est me
986 ui est mesquin. Car ce qui est mesquin chez nous, n’ est en fait qu’une dégradation de l’idéal qui devrait nous unir. La pr
987 r face à l’Europe son droit à la neutralité. Elle n’ est réellement intangible que parce qu’elle est l’expérience témoin, l
988 u’elle y court moins de risques immédiats76. Rien n’ est plus agaçant pour l’étranger que cette espèce de suffisance morali
989 » du monde entier. D’autant plus que ce magistère ne paraît nullement s’exercer au nom d’une vocation bien définie et de p
990 Quand nos journaux font la leçon à Léon Blum, ce n’ est pas — comme ce pourrait l’être — au nom de la démocratie réelle, c
991 fédéraliste, mais au nom d’intérêts de classe qui ne sont ni démocratiques ni nationaux. La même critique peut d’ailleurs
992 alistes, les plus contraires à nos statuts ! Nous ne pourrions en tirer qu’une seule leçon : les fascismes se donnent pour
993 à la manière des partisans français ou allemands, n’ est plus qu’une presse d’intérêt local. Là encore, nos chances sont un
994 on : de savoir au nom de quoi nous parlons. Et ce ne peut être qu’au nom de l’avenir de l’Europe, puisque c’est cela que n
995 s en ont parlé plus longuement dans ce numéro. Je ne l’envisage ici que sous l’angle particulier de nos responsabilités co
996 s. Ramuz insiste avec raison sur le fait que nous n’ avons pas une culture nationale unifiée, mais des cultures diversifiée
997 é et enrichi par le génie du Rhin ? Pour nous qui n’ avons pas les mêmes raisons de construire des Bastions de l’Est, la si
998 hèse, et non point dans la crainte perpétuelle de n’ aboutir qu’à des mélanges bâtards. Notre unité existe, mais sur un pla
999 ons, nos vingt-cinq républiques. Et surtout qu’on ne déplore pas le fait que les cultures des Suisses ne forment pas une c
1000 déplore pas le fait que les cultures des Suisses ne forment pas une culture homogène. Elles forment quelque chose de moin
1001 ntourent ont illustrées l’une après l’autre, mais n’ ont pas pu synthétiser et relier. Elles avaient d’autres choses à fair
1002 inture, la poésie ou la philosophie. Et peut-être ne serons-nous jamais aussi grands qu’aucune d’entre elles dans aucun de
1003 re vocation. Neutralité, sur le plan culturel, ce n’ est pas mélange, ni accommodation et encore moins imitation médiocre.
1004 ommodation et encore moins imitation médiocre. Ce n’ est pas forcément cela. C’est au contraire (ou plutôt ce doit être) un
1005 ulte, oubliant le dieu qu’il célèbre. Et pourquoi n’ irais-je pas jusqu’à dire que notre grandeur culturelle est de n’avoir
1006 jusqu’à dire que notre grandeur culturelle est de n’ avoir pas de culture suisse, mais seulement une culture européenne ? O
1007 r-dessus un Gottfried Keller et un Ramuz. Ceux-là ne sont Européens que parce qu’ils sont d’abord, et génialement, Suisse
1008 Vaudois rhodanien. Mais deux poètes « enracinés » ne font pas une culture suisse. Ce sont deux vocations personnelles, et
1009 iie et xviiie , l’horizon se resserre un peu, on ne voit guère que Berne et le « grand Haller », et ce premier cosmopolit
1010 Suisse, une assez belle culture européenne77. Je ne vois pas pourquoi nous douterions d’une tradition que tout nous pouss
1011 out nous pousse à continuer, et qui, je le crois, n’ a pas encore réalisé ses possibilités extrêmes. Nous avons le goût du
1012 -ce si je vivais en Suisse ?) Mais je pense qu’on n’ atteint la grandeur qu’en utilisant ses défauts, en s’élevant au point
1013 our un luxe. (Nulle part, je crois, les écrivains n’ ont moins d’action sur la vie politique.) Il est clair, et on le dit a
1014 ue.) Il est clair, et on le dit assez pour que je n’ aie pas à insister, que l’armée d’un petit pays neutre est très facile
1015 iable, aux yeux du pacifiste le plus ardent. Elle ne peut livrer qu’une « guerre juste », puisqu’elle est incapable d’atta
1016 ste », puisqu’elle est incapable d’attaquer. Elle ne joue que le rôle d’une garde, et par là même, elle est conforme à not
1017 de son rôle particulier de garde neutre. Mais je ne sens pas cette conscience très vivace. Et dès lors toutes ces belles
1018 s des buts et du rôle de l’armée dans la cité. Il ne s’agit ici que de nuances dans l’atmosphère de notre pays, mais il es
1019 il est important de les percevoir avant qu’elles ne deviennent trop frappantes. Il est important de rappeler que l’armée
1020 mportant de rappeler que l’armée d’une fédération n’ a pas de raison d’être en soi, si l’on ne croit pas à cette fédération
1021 dération n’a pas de raison d’être en soi, si l’on ne croit pas à cette fédération et à la tâche qui lui incombe au milieu
1022 ant de rappeler que l’armée étant chose fédérale, ne peut être l’armée d’une classe, de ses intérêts, de son ordre. Il n’y
1023 e d’une classe, de ses intérêts, de son ordre. Il n’ y aurait aucun avantage à combattre l’esprit de caste si c’était pour
1024 x79 autour de ce qu’on y appelle « le militaire » ne me paraît pas toujours proportionné au sens des raisons d’être de la
1025 eur à revêtir l’uniforme. Après tout, notre armée n’ est qu’un aspect de notre défense fédérale. Et un aspect subordonné. S
1026 à la fédération, donc à l’armée qui la défend. Je ne crois pas d’ailleurs que les armes matérielles soient pour nous une d
1027 ilitaire80, un important budget de la culture. Je ne dis pas de l’instruction, mais de la culture. Et je l’appellerais vol
1028 une valeur positive à un principe fédéraliste qui ne traduit historiquement — de même que la neutralité — qu’une crainte,
1029 t des rangs devant la menace extérieure81. » Rien n’ est plus vrai, et c’est très consciemment que nous opérons ce redresse
1030 éer tout cela à partir des formes existantes ? Il ne s’agit pas pour nous de « révolutionner », au sens que le bourgeois c
1031 n intention, les « utopies » personnalistes. Nous n’ avons donc pas à renverser l’ordre politique existant — comme c’est le
1032 à une limitation des horizons, bien plutôt qu’il ne favorise de fécondes oppositions. Notre neutralité, conçue comme une
1033 uisse romande. 74. Les guerres qui nous menacent n’ opposeront pas seulement des colonnes motorisées, mais des conceptions
1034 n conclure la Paix, mais la Gazette de Lausanne ne le permet pas. » 77. La Genève des beaux jours de la SDN semblait de
1035 e (Institut Rousseau) et de psychanalyse… Mais il ne semble pas que les Genevois aient su reconnaître à cette heure-là la
1036 isme démocratique. 80. Qu’on entende bien que je ne demande pas de faire concourir l’éducation et l’instruction à notre p
1037 ignait que de nouvelles guerres franco-allemandes ne dissocient le lien des cantons, et l’on avait par trop souffert de la
37 1938, Esprit, articles (1932–1962). La passion contre le mariage (septembre 1938)
1038 hasteté, chante Guilhem Montanhagol. Un tel Amour n’ admet point le mariage, car il n’a pas pour fin suprême la vie, mais b
1039 ol. Un tel Amour n’admet point le mariage, car il n’ a pas pour fin suprême la vie, mais bien la mort libératrice des liens
1040 té. Celui qui contrevenait à ce triple engagement ne se rendait pas « intéressant », mais pitoyable ou méprisable. La synt
1041 eler. Elle niait tout d’abord le sacrement, comme n’ étant établi par aucun texte univoque de l’Évangile83. Elle condamnait
1042 sur l’adultère. Certes, la pure doctrine cathare ne prétendait pas légitimer la faute en soi, puisqu’au contraire elle or
1043 fication mystique de ses symboles, et que ceux-ci ne paraissent plus révélateurs que d’un mystère vague et flatteur. Comme
1044 , et se rend admirable… Ce qui était « faute » et ne pouvait donner lieu qu’à des commentaires édifiants sur le danger de
1045 rature) en aventure troublante et attirante. ⁂ Je n’ entends pas un instant ramener la crise actuelle du mariage au conflit
1046 résie médiévale. Car cette dernière, comme telle, n’ existe plus ; et si l’orthodoxie existe encore, il faut avouer qu’elle
1047 ’une est héritée de l’orthodoxie religieuse, mais ne s’appuie plus sur une foi vivante, et dont l’autre dérive d’une hérés
1048 ut homme doit un jour la connaître, et que la vie ne saurait être à plein vécue que par ceux qui « ont passé par là ». Or
1049 nt il tentait de se recomposer, on pressent qu’il ne trouverait plus de résistances assez solides pour lui servir de masqu
1050 conomique. Les coutumes rappelant le rapt nuptial n’ existent plus que sous forme de plaisanteries paysannes86. La demande
1051 ée que les crinolines. Et la majorité des couples n’ éprouve plus même le besoin « superstitieux » d’aller se faire bénir p
1052 iie siècle, le thème du « Coucher de la mariée » n’ est plus qu’une occasion d’anodines galanteries picturales. De nos jou
1053 pour le temps et l’éternité », c’est-à-dire qu’il ne tient aucun compte des variations de tempérament, de caractère, de go
1054 caractère, de goûts et de conditions externes qui ne manqueront pas de se produire un jour ou l’autre dans la vie du coupl
1055 t ridicule : elle prend figure de conformisme. Il n’ y a plus, à proprement parler, conflit de deux morales hostiles — et p
1056 e garanti par un système de contraintes sociales, ne peut plus se fonder, désormais, que sur des déterminations individuel
1057 t dans le monde de la comparaison, où nul bonheur ne saurait s’établir, tant que l’homme ne sera pas Dieu. Le bonheur est
1058 ul bonheur ne saurait s’établir, tant que l’homme ne sera pas Dieu. Le bonheur est une Eurydice : on l’a perdu dès qu’on v
1059 ydice : on l’a perdu dès qu’on veut le saisir. Il ne peut vivre que dans l’acceptation, et meurt dans la revendication. C’
1060 es de tous les temps l’ont répété, et notre temps n’ apporte rien qui doive nous faire changer d’avis. Tout bonheur que l’o
1061 manente, anesthésiant les révoltes de l’ennui. On n’ ignore pas que la passion serait un malheur — mais on pressent que ce
1062 ur une équivoque : car l’Amour dont il s’agissait n’ était rien d’autre que la foi cathare, et l’accession d’un roturier à
1063 muns les plus usés des moralistes : mais personne ne peut plus le croire, à l’âge du film et du roman — nous sommes tous p
1064 l’homme qui veut trouver son « type de femme » et n’ aimer qu’elle. Souvenez-vous du rêve de Nerval, l’apparition d’une nob
1065 es cela peut signifier. Mais l’exemple d’un poète ne vaut rien, ou vaut trop. J’entends décrire une illusion apprise par l
1066 ’est la « beauté standard ». De nos jours — et ce n’ est qu’un début —, un homme qui se prend de passion pour une femme qu’
1067 e mesure — et disqualifie le mariage, si l’épouse ne ressemble pas à la star la plus obsédante. (Encore la femme pourra-t-
1068 porte en soi comme son génie caché ! Et plus rien ne compte en regard de la révélation mythique. (Pas même la couronne s’i
1069 Tristan emmène Iseut dans la forêt, où plus rien ne s’oppose à leur union, le génie de la passion dépose entre leurs corp
1070 s et sa femme, voici le rêve sournois du mari qui ne peut plus désirer sa femme qu’en l’imaginant sa maîtresse. (Balzac dé
1071 imes où la femme perd son « attrait » parce qu’il n’ est plus d’obstacles entre elle et lui. Pitoyables victimes d’un mythe
1072 est refermé depuis longtemps. Pour Tristan, Iseut n’ était rien que le symbole du Désir lumineux : son au-delà, c’était la
1073 vient tourmenter sans lui révéler son secret, il n’ est d’au-delà de la passion que dans une passion nouvelle — dans le to
1074 t la conscience douloureuse — pour le moderne, ce n’ est plus que le retour sempiternel d’une ardeur constamment déçue. Le
1075 Le mythe décrivait une fatalité dont ses victimes ne pouvaient se délivrer qu’en échappant au monde fini. Mais la passion
1076 — c’est l’alibi — où se complaisent les modernes, ne sait plus même être fidèle, puisqu’elle n’a plus pour fin la transcen
1077 ernes, ne sait plus même être fidèle, puisqu’elle n’ a plus pour fin la transcendance. Elle épuise l’une après l’autre les
1078 ener à la mort, elle se dénoue en infidélité. Qui ne sent la dégradation d’un Tristan qui a plusieurs Iseut ? Or ce n’est
1079 dation d’un Tristan qui a plusieurs Iseut ? Or ce n’ est pas lui qu’il convient d’accuser, mais il est la victime d’un ordr
1080 essives. Les catégories se détruisent. L’aventure n’ est plus même exemplaire. Seul le Don Juan mythique échappait à cette
1081 ique échappait à cette consomption. Mais Don Juan ne connaît pas d’Iseut, ni de passion inaccessible, ni de passé ni d’ave
1082 s voluptueux. Il vit toujours dans l’immédiat, il n’ a jamais le temps d’aimer — d’attendre et de se souvenir — et rien de
1083 re et de se souvenir — et rien de ce qu’il désire ne lui résiste, puisqu’il n’aime pas ce qui lui résiste. ⁂ Aimer, au sen
1084 rien de ce qu’il désire ne lui résiste, puisqu’il n’ aime pas ce qui lui résiste. ⁂ Aimer, au sens de la passion, c’est alo
1085 . Mais nous avons perdu la transcendance. La mort n’ est plus qu’une métaphore, couvrant une lente consomption, une moindre
1086 st dégradé en perdant sa mystique. Le ravissement n’ est plus qu’une sensation, — n’aboutit pas. On retombe sans cesse au m
1087 ue. Le ravissement n’est plus qu’une sensation, —  n’ aboutit pas. On retombe sans cesse au monde de la comparaison, qui est
1088 parce qu’il faudrait tout d’abord s’accepter, ils ne voient de toutes parts que choses à envier, qualités dont ils se sent
1089 ême si tous la jugent la plus belle). C’est qu’il ne sait plus posséder ni plus aimer ce qu’il a dans le réel. Il a perdu
1090 nome à son côté, une exigence d’amour actif. ⁂ Je n’ entends pas ici attaquer la passion : je me borne à la décrire et à la
1091 r » comme dit Montaigne, sachant fort bien que je ne convaincrai pas une seule victime du mythe profané. Mais il fallait f
1092 ombre de fatalités psychologiques dont les effets ne sont plus contestables. Que l’on soit partisan de l’une ou de l’autre
1093 étude qui tourmente aujourd’hui les couples. Rien ne répugne autant à un esprit moderne que l’idée d’une limitation volont
1094 d’une limitation volontairement assumée ; et rien ne le flatte davantage que le mirage d’infini dépassement entretenu par
1095 s pour tout ordre social, quel qu’il soit. (Et je ne parle même pas du danger spirituel que fait courir à la personne l’ét
1096 é (d’après les recettes). Personne, que je sache, n’ a encore osé dire que l’amour tel qu’on l’imagine de nos jours est la
1097 age, que l’on prétend fonder sur lui. C’est qu’on ne sait pas au juste ce qu’est l’amour-passion, ni d’où il vient, ni où
1098 Il faut se faire lire et gagner la confiance ; on ne remonte pas le courant de toute l’époque ; la passion a toujours exis
1099 ours existé, elle existera donc toujours, et nous ne sommes pas des Don Quichotte… » Je le crois bien ! C’est même à cause
1100 crois bien ! C’est même à cause de cela que vous ne ferez rien de sérieux. Et comme il faut pourtant que quelque chose se
1101 elle qu’il qualifie de « petite-bourgeoise ». (On n’ ignore pas le sens marxiste de l’expression.) Vingt ans plus tard, le
1102 économie périclitait, et la « défense nationale » ne pouvait pas s’organiser sans un constant recours à la passion des pre
1103 archisante. Certes, l’Allemagne de l’après-guerre n’ atteignit pas un stade d’anarchie sexuelle comparable à celui de la Ru
1104 es sociaux, développé sans violences extérieures, n’ avait que plus gravement miné l’éthique matrimoniale de la jeunesse. L
1105 logues pour toutes les femmes allemandes, et l’on ne manquera pas de les rendre obligatoires à bref délai. Le but dernier
1106 ires à bref délai. Le but dernier de l’entreprise ne fait pas de doute : on en viendra à n’autoriser plus que les unions c
1107 entreprise ne fait pas de doute : on en viendra à n’ autoriser plus que les unions contractées sur une base eugénique, selo
1108 soit sur le passage où Jésus proclame que l’homme ne doit pas séparer ce que Dieu a uni ; soit enfin sur des entretiens de
1109 tionnent sans les rapporter en détail ». L’auteur n’ indique rien de plus précis que ces trois « hypothèses » humaines… 84
1110 me que l’on perd du seul fait qu’on l’obtient. On ne peut l’aimer que lointaine — comme la princesse de Jaufré Rudel. D’où
1111 sité des obstacles au désir — on les invente s’il n’ y en a pas — et toute la dialectique de la passion qui se distingue de
1112 du désir en ce qu’elle refuse la satisfaction. On n’ aime pas Iseut, on aime l’amour. On ne veut pas se satisfaire, on veut
1113 faction. On n’aime pas Iseut, on aime l’amour. On ne veut pas se satisfaire, on veut brûler. 89. Le Dict de Padma. 90.
38 1938, Esprit, articles (1932–1962). Revue des revues (septembre 1938)
1114 çais éprouve une joie particulière à savoir qu’il ne travaille plus pour enrichir M. Citroën ou M. Louis-Louis Dreyfus, ma
1115 aclos, et Lamartine par Rimbaud. Un tel « signe » n’ est pas négligeable : la vieille droite s’est toujours définie en term
1116 e Friedland, nouvelle de Drieu la Rochelle. « Qui n’ a pas connu les années d’après-guerre n’a pas connu la douceur de vivr
1117 le. « Qui n’a pas connu les années d’après-guerre n’ a pas connu la douceur de vivre ». Illustration : « Il y avait de char
1118 , en manière d’oraison funèbre. Et après ? « Vous n’ allez pas me dire que vous êtes fasciste ? — Heu… » C’est la dernière
39 1938, Esprit, articles (1932–1962). L’amour action, ou de la fidélité (novembre 1938)
1119 cru cerner le secret de son mythe. La découverte ne serait pas négligeable. Mais peut-on décrire la passion ? On ne décri
1120 négligeable. Mais peut-on décrire la passion ? On ne décrit pas une forme d’existence sans y participer, fût-ce même par u
1121 , d’observer que la passion, quelle qu’elle soit, ne peut ni ne veut « avoir raison ». Contre elle, on a toujours raison,
1122 r que la passion, quelle qu’elle soit, ne peut ni ne veut « avoir raison ». Contre elle, on a toujours raison, dès l’insta
1123 mais encore plus agressive, sans doute, puisqu’il n’ est plus question pour nous de recourir au bras séculier. (Sans compte
1124 s tout, à l’origine et à la fin de la passion, il n’ y a pas une « erreur » sur l’homme ou Dieu — a fortiori pas une erreur
1125 faute à racheter ! Mais tuer l’homme avant qu’il ne se tue, et le tuer autrement qu’il ne veut l’être, c’est bien de cela
1126 avant qu’il ne se tue, et le tuer autrement qu’il ne veut l’être, c’est bien de cela, de cela seul qu’il s’agit, pour qui
1127  ! Mais pour moi, ici et maintenant, le problème ne comporte pas d’échappatoire dans le temps à venir. S’il n’est peut-êt
1128 te pas d’échappatoire dans le temps à venir. S’il n’ est peut-être pas possible à l’homme — à un homme déterminé — de conna
1129 coup, tel que je le reconnais dans ma vie. Et ce n’ est à aucun degré une solution que je propose. Car outre qu’une telle
1130 ose. Car outre qu’une telle solution probablement n’ existe pas, si elle existait ce serait pour moi seul : on ne se décide
1131 as, si elle existait ce serait pour moi seul : on ne se décide jamais que pour son compte, et le reste est indiscrétion. M
1132 son compte, et le reste est indiscrétion. Mais je ne pouvais écrire un livre entier sur la passion sans achever ma descrip
1133 enfin la situe, non dans l’abstrait où la passion ne peut exister — et alors en parler n’est qu’une farce — mais dans le c
1134 ù la passion ne peut exister — et alors en parler n’ est qu’une farce — mais dans le choix qui détermine une existence.
1135 une existence. 2. Critique du mariage Si je ne vois pas de raison qui tienne contre la passion véritable, il m’appar
1136 table, il m’apparaît en second lieu que la raison n’ est guère plus efficace pour légitimer le mariage ; et que les argumen
1137 la simple véracité. La fameuse « paix du foyer » n’ existe guère qu’au niveau d’une certaine éloquence moyenne, politicien
1138 es une fois appariés ? Ignore-t-on la réalité, ou n’ a-t-on rien à dire de plus sérieux ? Poussez la première porte venue !
1139 veut l’éternité ! Que répondre à cet homme qu’il n’ ait déjà mieux dit ? Il a su louer le philistin et le romantique, et l
1140 voir parfois douté d’eux-mêmes ; mais à la fin il n’ écrase pas seulement ce philistin qui se contente d’épouser la veuve d
1141 et tous nos « devoirs » humains (dont le bonheur) ne peuvent que nous en détourner. Kierkegaard condamna d’abord les paste
1142 pôtre ? « Je pense qu’il est bon pour l’homme de ne point toucher de femme. Toutefois, pour éviter l’impudicité, que chac
1143 femme, et que chaque femme ait son mari… La femme n’ a pas autorité sur son propre corps, mais c’est le mari ; et pareillem
1144 ps, mais c’est le mari ; et pareillement, le mari n’ a pas autorité sur son propre corps, mais c’est la femme. Ne vous priv
1145 torité sur son propre corps, mais c’est la femme. Ne vous privez pas l’un de l’autre, si ce n’est d’un commun accord pour
1146 femme. Ne vous privez pas l’un de l’autre, si ce n’ est d’un commun accord pour un temps, afin de vaquer à la prière ; pui
1147 rière ; puis retournez ensemble de peur que Satan ne vous tente par votre incontinence. Je dis cela par condescendance, je
1148 incontinence. Je dis cela par condescendance, je n’ en fais pas un ordre… Car il vaut mieux se marier que de brûler… Que c
1149 té appelé (vierge ou marié)… usant du monde comme n’ en usant pas, car la figure de ce monde passe. » (I. Cor. 7, 1-32). E
1150 1-32). Et voici le coup de grâce : « Celui qui n’ est pas marié s’inquiète des choses du Seigneur, des moyens de plaire
1151 t de vue spirituel pur, pour ceux qui croient. Il n’ est possible alors d’affirmer le mariage qu’au-delà des deux premières
1152 re humain, qui s’appelle le Royaume de Dieu (« Il n’ y aura plus ni hommes ni femmes »), je borne ma vision et mon espoir à
1153 erfection que représente le mariage. Alors, si je ne puis l’atteindre, il ne me reste que la révolte contre ma condition d
1154 le mariage. Alors, si je ne puis l’atteindre, il ne me reste que la révolte contre ma condition de créature ; et au contr
1155 ie vous laisse le temps de calculer — jamais vous ne pourrez prévoir votre future évolution, et encore moins celle de l’ép
1156 oient connues et leur hiérarchie évidente, encore ne sauriez-vous prévoir la fin d’une union faite en connaissance de caus
1157 Alors que tout nous montre que cent-mille essais ne seraient pas encore assez pour constituer les premiers éléments, tout
1158 é, selon des critères impersonnels. Mais enfin ce n’ est pas l’erreur logique qui est grave, c’est l’erreur morale qu’elle
1159 savoir ; et non pas à une décision. Or ce savoir ne pouvant être qu’imparfait, et provisoire, devrait se doubler d’une ga
1160 gagent à assumer les suites, heureuses ou non. Ce n’ est pas là un éloge du « coup de tête » : car tant que l’on peut calcu
1161 la garantie d’une union raisonnable en apparences n’ est jamais dans ces apparences. Elle est dans l’événement irrationnel
1162 nouveau. ⁂ Écartons tout malentendu : irrationnel ne signifie nullement sentimental. Choisir une femme pour en faire son é
1163 l. Choisir une femme pour en faire son épouse, ce n’ est pas dire à Mademoiselle Untel : « Vous êtes l’idéal de mes rêves,
1164 tre le Tristan ». Car ce serait là mentir et l’on ne peut rien fonder qui dure sur le mensonge. Il n’y a personne au monde
1165 ne peut rien fonder qui dure sur le mensonge. Il n’ y a personne au monde qui puisse me combler : à peine comblé je change
1166 uve que je vous aime ». (Vraiment, pour dire : Ce n’ est que cela ! — comme le diront beaucoup de jeunes gens qui s’attende
1167 nes gens qui s’attendent, en vertu du mythe, à je ne sais quels transports divins — il faut n’avoir connu que peu de solit
1168 e, à je ne sais quels transports divins — il faut n’ avoir connu que peu de solitude et peu d’angoisse, très peu de solitai
1169 de point de départ à une fidélité réelle ; et je ne dis pas à une fidélité qui soit une recette de « bonheur », mais bien
1170 ur », mais bien à une fidélité qui soit possible, n’ étant pas compromise en germe par un calcul forcément inexact. 4. S
1171 se de fidélité un problème, alors que le problème ne devrait se poser qu’à partir de cette promesse, considérée comme abso
1172 idérée comme absolue. La problématique du mariage n’ est pas du cur, mais du quomodo. « L’éthique ne commence pas, dit Kier
1173 ge n’est pas du cur, mais du quomodo. « L’éthique ne commence pas, dit Kierkegaard, dans une ignorance qu’il faudrait muer
1174 ais dans un savoir qui exige sa réalisation. » Ce n’ est pas l’engagement qui est problématique, mais les conséquences qu’i
1175 u « problème de Dieu » — exactement comme si l’on ne croyait pas — alors que le seul vrai problème est de savoir comment L
1176 béir.) Car la fidélité est sans raisons — ou elle n’ est pas — comme tout ce qui porte une chance de grandeur. (Comme la pa
1177 régleront sur la raison et l’intérêt : quand ils n’ auront plus de passions, quand ils cesseront de préférer l’erreur comm
1178 ore, en fait, l’idée de fidélité. Mais l’obstacle n’ est pas sérieux, on le tourne de tous les côtés. Voyez les excuses inv
1179 mari qui trompe sa femme ; il dit tantôt : « Cela n’ a pas d’importance, cela ne change rien à nos rapports, c’est une pass
1180 il dit tantôt : « Cela n’a pas d’importance, cela ne change rien à nos rapports, c’est une passade, une erreur sans lendem
1181 urgeois ! » Du cynisme au tragique romantique, il n’ y a pas de contradiction profonde, nous l’avons vu95. Dans les deux ca
1182 ée à toute apologie rationaliste ou hédoniste, je ne parlerai que d’une fidélité observée en vertu de l’absurde, parce qu’
1183 eu la volonté de faire une œuvre. Car la fidélité n’ est pas du tout une espèce de conservatisme. Elle est plutôt une const
1184 t la première est la fidélité à quelque chose qui n’ était pas, mais que l’on crée. Personne, œuvre, et fidélité : les troi
1185 ée. Personne, œuvre, et fidélité : les trois mots ne sont point séparables ou concevables isolément. Et tous les trois sup
1186 nne. (À condition bien entendu que cette promesse ne soit pas faite pour des « raisons » que l’on se réserve de répudier u
1187 u, comme Isaac fut rendu à Abraham. Mais alors il n’ y songeait pas ! Et il se peut aussi que rien ne compense la perte : n
1188 l n’y songeait pas ! Et il se peut aussi que rien ne compense la perte : nous sommes ici dans un ordre de grandeur où nos
1189 re de grandeur où nos mesures et nos équivalences n’ ont plus cours.) Mais savons-nous encore imaginer une grandeur qui n’a
1190 Mais savons-nous encore imaginer une grandeur qui n’ ait rien de romantique ? Et qui soit le contraire d’une ardeur exaltée
1191 e sobriété qui mime assez bien la raison — et qui n’ est pas un héroïsme, ni un défi, mais une patiente et tendre applicati
1192 , au sens moderne de ces mots… ⁂ Cependant, tout n’ est pas encore clair. Tristan lui aussi fut fidèle ! Et toute passion
1193 le ! Et toute passion véritable est fidèle. (Pour ne rien dire des successives fidélités de nos « liaisons », et de tous c
1194 de nos « liaisons », et de tous ces Tristans qui ne sont au vrai que des Don Juan au ralenti.) Où est alors la différence
1195 ) Où est alors la différence ? Et le mari fidèle, ne serait-ce pas simplement celui qui a reconnu dans sa femme une Iseut 
1196 des légendes courtoises nous a révélé que Tristan n’ aime pas Iseut mais l’amour même, et au-delà de cet amour, la mort, ap
1197 la délivrance du moi coupable et asservi. Tristan n’ est pas fidèle à une promesse, ni à cet être symbolique, ce beau préte
1198 es origines mystiques, la « fidélité passionnée » n’ a gardé parmi nous que l’illusion d’accéder à une vie plus ardente. Ma
1199 psychologues peuvent y lire. ⁂ « Notre engagement n’ était pas pris pour ce monde », écrivait Novalis songeant à sa fiancée
1200 r au monde réel, tandis que la fidélité courtoise ne signifiait qu’une évasion. Dans le mariage, c’est à l’autre d’abord,
1201 gularité. Insistons : la fidélité dans le mariage ne peut pas être cette attitude négative qu’on imagine habituellement ;
1202 tude négative qu’on imagine habituellement ; elle ne peut être qu’une action. Se contenter de ne pas tromper sa femme sera
1203 elle ne peut être qu’une action. Se contenter de ne pas tromper sa femme serait une preuve d’indigence et non d’amour. La
1204  » Il faut que l’autre cesse d’être l’autre, donc ne soit plus, pour qu’il cesse de me faire souffrir, et qu’il n’y ait pl
1205 , pour qu’il cesse de me faire souffrir, et qu’il n’ y ait plus que « moi-le-monde » ! Mais l’amour du mariage est la fin
1206 la vie, voilà le miracle du mariage. Une vie qui ne veut plus que mon bien, parce qu’il est confondu avec le sien : et si
1207 parce qu’il est confondu avec le sien : et si ce n’ était pour toute la vie, ce serait encore une menace. (Il y a toujours
1208 is Agapè se venge d’Éros en le sauvant. Car Agapè ne sait pas détruire et ne veut même pas détruire ce qui détruit. « Je n
1209 en le sauvant. Car Agapè ne sait pas détruire et ne veut même pas détruire ce qui détruit. « Je ne veux pas la mort du pé
1210 et ne veut même pas détruire ce qui détruit. « Je ne veux pas la mort du pécheur, mais sa vie. » ⁂ Éros s’asservit à la mo
1211 re. Agapè sait que la vie terrestre et temporelle ne mérite pas d’être adorée, ni même tuée, mais peut être acceptée dans
1212 ernel. Voilà le sens de la Révélation ; l’au-delà n’ est pas la mort divinisante, mais le Jugement du Créateur. C’est ici-b
1213 aut aimer et recevoir le pardon. L’homme naturel ne pouvait pas l’imaginer. Il était donc condamné à croire Éros, c’est-à
1214 puissant, à lui demander la délivrance. Et l’Éros ne pouvait le conduire qu’à la mort. Mais l’homme qui croit à la révélat
1215 provisoire de la Création, de l’humain. Le païen ne pouvait autrement que de faire un dieu de l’Éros : c’était son pouvoi
1216 ts humains, nous avons appris cette nouvelle : ce n’ est pas l’homme qui doit se délivrer lui-même, c’est Dieu qui l’a aimé
1217 e premier, et qui s’est approché de lui. Le salut n’ est plus au-delà, toujours plus haut, dans l’ascension interminable du
1218 t cela de la manière la plus précise : La femme n’ a pas autorité sur son propre corps, mais c’est le mari ; et pareillem
1219 rps, mais c’est le mari ; et pareillement le mari n’ a pas autorité sur son propre corps, mais c’est la femme. (I. Cor. 7.)
1220 Cor. 7.) La femme étant l’égale de l’homme, elle ne peut donc être le but idéal de l’homme98. En même temps, elle échappe
1221 e divinisation de la créature. Mais cette égalité ne doit pas être entendue au sens moderne et revendicateur. Elle procède
1222 icateur. Elle procède du mystère de l’amour, elle n’ est que le signe et la démonstration du triomphe d’Agapè sur Éros. Car
1223 raire de l’homme érotique, l’homme de la fidélité ne cherche plus à voir dans une femme seulement ce corps intéressant ou
1224 nce autonome, étrangère, d’une vie totale dont il n’ a désiré vraiment qu’un illusoire ou fugitif aspect, projeté peut-être
1225 me moderne — du moins perd-elle son efficace : ce n’ est plus elle qui détermine la personne. En d’autres termes, on pourra
1226 re l’infidélité, du simple fait qu’elle habitue à ne plus séparer le désir et l’amour. Car si le désir va vite et n’import
1227 r le désir et l’amour. Car si le désir va vite et n’ importe où, l’amour est lent et difficile, il engage vraiment toute un
1228 ifficile, il engage vraiment toute une vie, et il n’ exige pas moins que cet engagement pour révéler sa vérité. Et c’est po
1229 é. Et c’est pourquoi l’homme qui croit au mariage ne peut plus croire sérieusement au « coup de foudre », et encore moins
1230 n est accréditée par Tristan. Excuse et alibi qui ne peuvent tromper que celui qui veut être trompé, parce qu’il y trouve
1231 atalité, qui est l’alibi de la culpabilité : « Ce n’ est pas moi qui ai commis la faute, je n’y étais pas, c’est cette puis
1232 é : « Ce n’est pas moi qui ai commis la faute, je n’ y étais pas, c’est cette puissance fatale qui agissait en lieu et plac
1233 ut divinisé100. ⁂ On objecte alors que le mariage ne serait plus que le « tombeau de l’amour ». Mais c’est encore le mythe
1234 s le viol, comme la polygamie, révèle que l’homme n’ est pas encore en mesure de concevoir la réalité de la personne chez l
1235 a personne chez la femme. C’est autant dire qu’il ne sait pas encore aimer. Le viol et la polygamie privent la femme de sa
1236 s humaines. Par contre, l’homme qui se domine, ce n’ est pas faute de « passion » (au sens de tempérament) mais c’est qu’il
1237 schéma de l’Occident chrétien. Tout d’abord : ce n’ est pas le christianisme qui a fait naître la passion, mais c’est une
1238 menaient encore une vie secrète. L’amour-passion n’ est pas l’amour chrétien, ni même le « sous-produit du christianisme »
1239 isme occidental, j’entends notre génie technique, ne saurait être un seul instant ramené à la passion. L’attitude humaine
1240 La passion ni la foi hérétique dont elle est née ne sauraient proposer comme but à notre vie la maîtrise de la Nature, pu
1241 , y eût produit les mêmes effets. Mais la réponse n’ importe pas ici : il nous suffit de marquer que les éléments occidenta
1242 estin qu’il s’est forgé. Mais il est clair que ce n’ est pas le christianisme — comme le répètent tant de publicistes — qui
1243 atastrophe. L’esprit catastrophique de l’Occident n’ est pas chrétien105. Il est tout au contraire manichéen. C’est ce qu’i
1244 n orientale de l’Occident ? S’il est vrai qu’elle ne s’est développée dans notre histoire et nos cultures qu’à partir des
1245  » croyances. Mais dira-t-on, ces mêmes croyances n’ ont pas produit les mêmes effets parmi les peuples de l’Orient ? C’est
1246 ts parmi les peuples de l’Orient ? C’est qu’elles n’ y ont pas trouvé les mêmes obstacles. Ainsi notre chance dramatique e
1247 ge nous parle et nous avertit mieux : aucun autre n’ est plus sensible et quotidien, plus intimement vérifiable. 7. Au-d
1248 , après une crise totalitaire (et supposé qu’elle n’ y succombe point), retrouve le sens d’une fidélité gagée au moins sur
1249 ramenant alors un âge classique… Mais après tout, n’ est-ce pas encore une tentation de la passion que ce souci des lendema
1250 qui obsède aujourd’hui tant de fronts ? Notre vie ne se joue pas dans l’au-delà temporel, mais dans les décisions toujours
1251 tout objectives auxquelles je me suis vu conduit ne sont pas suffisantes en soi. Elles commandent certaines décisions. El
1252 introduisent à une problématique nouvelle, et qui n’ est pas toujours aussi simpliste que le dilemme passion-fidélité peut
1253 n-fidélité peut nous le faire croire. De fait, on ne connaît jamais que les problèmes dont on pressent au moins la solutio
1254 épassement. Or le moyen de dépasser notre dilemme ne saurait être la pure et simple négation de l’un de ses termes. Je l’a
1255 s pôles de notre tension créatrice. De fait, cela n’ est pas possible. Le philistin qui « condamne » de la sorte et à prior
1256 e la sorte et à priori toute passion, c’est qu’il n’ en a connu aucune, et qu’il est en deçà du conflit. Pour cet homme-là
1257 int subjective, singulière et incomparable, qu’on ne saurait en pressentir la gravité sans invoquer la foi de Kierkegaard.
1258 e Kierkegaard. Selon lui, l’homme fini et pécheur ne saurait entretenir avec son Dieu, — qui est l’Éternel et le Saint— qu
1259 cher maintenant et vivre dans le monde comme s’il n’ avait pas d’autre tâche ni plus urgente ni plus haute. Ce « chevalier
1260 e « chevalier de la foi », quand on le rencontre, n’ a l’air de rien de surhumain : « il ressemble à un percepteur » et se
1261 l ressemble à un percepteur » et se conduit comme n’ importe quel honnête bourgeois. Et pourtant « il a tout renoncé dans u
1262 e qu’il retombe sans cesse dans le fini, et qu’on ne remarque en lui rien que de fini108… » Ainsi l’extrême de la passion,
1263 t d’amour, initie une vie nouvelle, où la passion ne cesse d’être présente, mais sous l’incognito le plus jaloux : car ell
1264 on — quel que soit l’ordre où elle se manifeste — ne trouve son au-delà réel et son salut que par cette action d’obéissanc
1265 , c’est une scandaleuse tricherie aux yeux de qui ne croit pas à l’absurde ; mais c’est plus qu’une synthèse, et infinimen
1266 our qui croit que Dieu est fidèle, et que l’amour ne trompe jamais l’aimé. Certes, Kierkegaard ne parvint à « ressaisir »
1267 mour ne trompe jamais l’aimé. Certes, Kierkegaard ne parvint à « ressaisir » le monde fini que dans la conscience de sa pe
1268 sa perte, infiniment féconde pour son génie ; il ne recouvra pas Régine, mais ne cessa jamais de l’aimer et de lui dédier
1269 pour son génie ; il ne recouvra pas Régine, mais ne cessa jamais de l’aimer et de lui dédier toute son œuvre. Et c’est pe
1270 e notre vie.) ⁂ Le second thème que j’esquisserai n’ est peut-être pas d’une nature essentiellement hétérogène. Peut-être m
1271 distinction ressentie comme un déchirement ; elle ne désire plus rien que son amour ne veuille, elle est une avec lui dans
1272 hirement ; elle ne désire plus rien que son amour ne veuille, elle est une avec lui dans la dualité, qui n’est plus qu’un
1273 uille, elle est une avec lui dans la dualité, qui n’ est plus qu’un dialogue de grâce et d’obéissance. Et le désir de la pl
1274 ns cesse dans l’acte même d’obéir, en sorte qu’il n’ est plus en l’âme de brûlure, ni même de conscience de l’amour, mais s
1275 la passion, née du mortel désir d’union mystique, ne saurait être dépassée et accomplie que par la rencontre d’un autre, p
1276 nous reprendrons un parti de sobriété. Les mariés ne sont pas des saints, et le péché n’est pas comme une erreur à laquell
1277 é. Les mariés ne sont pas des saints, et le péché n’ est pas comme une erreur à laquelle on renoncerait un beau jour pour a
1278 ni cesse, malheureux puis heureux. Mais l’horizon n’ est plus le même. Une fidélité gardée au nom de ce qui ne change pas c
1279 lus le même. Une fidélité gardée au nom de ce qui ne change pas comme nous, révèle peu à peu son mystère : c’est qu’au-del
1280 ur. Un bonheur qui ressemble à l’ancien, mais qui n’ appartient plus à la forme du monde, car c’est lui qui transforme le m
1281 on en faveur de la monogamie. 95. La gauloiserie n’ étant pas moins que la passion une évasion hors du réel, une façon de
1282 s, et justement pas en tant qu’Éros sublimé. Éros n’ est pas le péché ; le péché, c’est la sublimation d’Éros. » 98. Comme
1283 lon la fameuse définition kantienne, c’est ce qui ne peut être utilisé par l’homme comme une chose, comme un instrument.
1284 trument. 100. Je répète toutefois que le mariage ne saurait être fondé sur des « arguments » de ce genre. Il s’agit ici,
1285 t notre châtiment et non pas notre délivrance. Ce n’ est pas la mort, la désincarnation, qui est le salut, mais l’acte de l
1286 nalyse en particulier. Aucune de ces explications ne me paraît rendre compte, le moins du monde, de la singularité du cas.
1287 arité du cas. Elles s’appliqueraient aussi bien à n’ importe quel malade sans génie. 108. Crainte et Tremblement, trad. d
40 1938, Esprit, articles (1932–1962). Suite à « La passion contre le mariage » (décembre 1938)
1288 er la seconde (où notre ami Miatlev protestait de ne pas lire le nom de Lawrence parmi les premiers de ceux qui se sont at
1289 oici : Au sujet de la lettre du R. P. Lavaud — je n’ ai rien voulu dire d’autre que cela même que précise l’auteur : à savo
1290 n général on l’a compris comme je le pensais : ce n’ est point le sacrement qui « fait question », selon M. Lavaud, mais bi
1291 ique. À propos de la lettre de Miatlev. — Non, je ne « prétends pas classer Lawrence parmi ceux qui ont méconnu » le probl
1292 position : on a pu voir les motifs que j’avais de ne point en appeler à Lawrence pour appuyer une thèse chrétienne. az.
41 1939, Esprit, articles (1932–1962). D’une critique stérile (mai 1939)
1293 9)ba Dans un certain sens, et aujourd’hui, nul n’ est plus mal placé que les personnalistes pour critiquer le régime des
1294 32, avec une pertinence et une violence qui alors n’ étaient pas sans mérites. Ils ont prédit l’évolution actuelle, l’usure
1295 les premiers à y croire, et à le prouver. Or, il ne paraît pas qu’à cette critique ait répondu jusqu’à présent un dynamis
1296 ourd’hui : « Vous avez très bien vu pourquoi nous ne ferions rien. Mais dites-nous maintenant pourquoi vous-mêmes, connais
1297 ant pourquoi vous-mêmes, connaissant nos erreurs, n’ avez rien fait de mieux ? » Certains seront tentés de répondre que l’e
1298 taire, ou comme on dit : « intellectualiste ». Je ne pense pas que cela soit décisif. Je crains bien qu’au contraire le mo
1299 séances d’études et de mises au point. 3. Car on ne croit pas suffisamment à ce qu’on affirme, à savoir la mort des parti
1300 es. 6. On croit si peu à la mort des partis qu’on n’ imagine pas d’autre action possible qu’au moyen des partis existants,
1301 et qui seraient efficaces justement parce qu’ils ne seraient pas à l’échelle démesurée de l’action des partis politiques.
1302 ion des groupes personnalistes, en tant que tels, ne saurait être que réduite au regard de l’action des partis : elle veut
1303  ». 13. Pour former une communauté, il vaut mieux n’ être qu’une douzaine. 14. Pour se risquer personnellement, il suffit d
1304 lement à ce qu’on affirme. 15. L’attrait du parti n’ est qu’en apparence l’attrait de la plus grande puissance ; en réalité
1305 ont trop puissants dans l’État, mais parce qu’ils n’ ont aucune puissance véritable, créatrice. 17. Ce que l’on nomme la pu
1306 maine de la justice. 23. Le but du personnalisme n’ est pas de s’emparer des « centrales » pour établir ensuite un régime
1307 C’est un but essentiellement fédéraliste. 25. Il ne s’agit pas de s’emparer d’un pouvoir impuissant, mais d’exercer le po
1308 e mains qui se lèvent. 28. La critique des partis n’ est stérile que dans la mesure où elle n’est pas radicale. ba. Roug
1309 s partis n’est stérile que dans la mesure où elle n’ est pas radicale. ba. Rougemont Denis de, « D’une critique stérile 
42 1939, Esprit, articles (1932–1962). Autour de L’Amour et l’Occident (septembre 1939)
1310 e mon livre « est un livre d’histoire » et que je ne suis pas un historien. Je vois bien que vous non plus ne voulez pas l
1311 pas un historien. Je vois bien que vous non plus ne voulez pas l’être comme tant d’autres le furent et le restent. Toutef
1312 e « historien » que vous m’attaquez, et certes je ne fais pas de ce mot une injure, mais simplement je constate que vous p
1313 et qui escompte que le lecteur y croit. Or moi je n’ y crois pas du tout. Je ne crois pas aux « faits objectifs » dont l’hi
1314 teur y croit. Or moi je n’y crois pas du tout. Je ne crois pas aux « faits objectifs » dont l’historien prétend communémen
1315 critiquable si l’ordre des rimes et des strophes n’ est pas strictement respecté. La composition historique sera critiquab
1316 on appelle pape un Léon III qui fut empereur. Je ne songe pas à défendre l’inexactitude ni les erreurs typographiques, ou
1317 s, ou les négligences de copie. Mais ceci dit, il ne serait pas « exact » non plus d’appliquer les mêmes critères à ce qui
1318 non plus d’appliquer les mêmes critères à ce qui ne relève pas du même ordre. C’est à savoir : le sens d’une interprétati
1319 l’erreur commune, bien moins des historiens — qui ne peuvent plus se faire d’illusions — que du public qui croit aux manue
1320 lusions — que du public qui croit aux manuels. Je ne dis pas cela contre vous. Je le dis pour situer vos critiques dans l’
1321 it de votre lecteur — et du mien. Car en fait, je ne prétends nullement que mon livre soit un livre d’histoire, dans ce se
1322 stoire, dans ce sens « critiquable » du terme. Ce n’ est pas même de l’histoire littéraire. C’est bien plutôt, s’il faut un
1323 plutôt le moment décisif. Par exemple, l’histoire n’ a pour moi d’autre sens que d’illustrer certaines décisions actuelles.
1324 trer certaines décisions actuelles. Cette méthode n’ a rien d’objectif au sens qu’a pris le mot pendant le xixe siècle. En
1325 le xixe siècle. En effet, l’objectivité érudite ne rencontre jamais de décision ou d’acte parmi les renseignements qu’el
1326 ant qu’interprète et théologien de l’histoire, je n’ ai pas été sans découvrir dans votre article une faculté d’interprétat
1327 nom desquelles nous portons nos jugements, et qui ne sont autres que les dogmes. — Ça existe, l’amour courtois !… dites-vo
1328 itez la légende de Rudel, et vous me reprochez de n’ avoir pas rêvé là-dessus et de n’en avoir tiré qu’un argument de torti
1329 me reprochez de n’avoir pas rêvé là-dessus et de n’ en avoir tiré qu’un argument de tortionnaire. Vous ajoutez que je suis
1330 e justifier en remarquant que mon objet principal n’ était pas de décrire les différents aspects de l’amour courtois, mais
1331 isme. Je pourrais, je devrais vous dire que si je n’ avais pas rêvé (et un peu plus…) sur l’aventure de Rudel, si j’étais i
1332 eure, si je croyais cette conception dépassée, je n’ aurais pas écrit mon livre. L’amour courtois, ça existe tellement que
1333 ntérieur », si « riche », si « émouvant », que ce n’ était pas trop de tout un pesant livre pour essayer de formuler ce qu’
1334 out le reste, dans la perspective de mon ouvrage, ne pouvait être que littérature (la plus belle qui soit, nous le savons
1335 C’est à cela, c’est à ce « reste » que vous dites ne pouvoir renoncer. C’est cela que vous me reprochez de n’avoir pas ass
1336 oir renoncer. C’est cela que vous me reprochez de n’ avoir pas assez exalté. Mais alors, je vous pose cette question : si j
1337 de ma défense et aussi de ma contre-attaque. « Je ne puis, moi, renoncer à rien de ce qui a été humain », dites-vous. « Il
1338 é sectaire. (Huguenot, cela va sans dire, mais ce n’ est pas synonyme.) Et même dissonant, s’il le faut. Dans ma dissonance
1339 t, dans tout ce que l’on appelle l’Humain, et qui ne l’est plus depuis la Chute d’Adam. Oui certes, rien d’humain ne peut
1340 depuis la Chute d’Adam. Oui certes, rien d’humain ne peut m’être étranger ; reste à savoir si j’ai lieu de m’en vanter ; r
1341 i j’ai lieu de m’en vanter ; reste à savoir si ce n’ est pas là, précisément la solidarité dans le péché, l’irrémédiable « 
1342 n disait au temps des troubadours. Croyez-moi, je ne cherche pas à esquiver des objections précises111 par un recours aux
1343 lors de reconnaître qu’à l’origine de ce débat il n’ y a pas seulement en cause une certaine conception « dissonante » de l
1344 es, mêlées de mensonge. Dans ce monde concret, il n’ est pas vrai que tout amour tende vers Dieu. Il n’est pas vrai non plu
1345 n’est pas vrai que tout amour tende vers Dieu. Il n’ est pas vrai non plus que tout l’humain soit humain. « Je trouve deux
1346 du cœur humain » — si vous voulez… (Mais pourquoi ne pas dire du corps ?) Un amour dont l’exaltation cependant, était cons
1347 l’origine de l’amour-passion. Or cette exaltation ne tend pas vers le vrai Dieu, ni vers la créature telle qu’elle est, ma
1348 humain. Ma thèse centrale présentée de la sorte — n’ est-ce pas assez clair dans mon livre ? — me direz-vous encore que vou
1349 un corpus de conceptions réputées « adéquates », ne fasse parfois perdre de vue « la seule chose nécessaire ». Car l’Écri
1350 ste nous sera donné par-dessus » ; mais l’inverse n’ est pas prévu.   Post-Scriptum. — J’avais commencé de lire le numéro d
1351 mauvais résumé des idées de Raymond Aron, que je ne connaissais pas, et que vous approuvez ! (C’est aussi, en réalité, le
1352 lière d’expédier les problèmes, mais à présent je ne sais plus. Puisque aucune patience historique ne conduit à la certitu
1353 ne sais plus. Puisque aucune patience historique ne conduit à la certitude, il est peut-être au moins aussi sage de faire
1354 iance à l’intuition. » — Tristesse de l’historien n’ est-ce pas ? Et c’est pourtant celui-là même qu’avec combien de raison
1355 sur Dante et Ibn Arabi, que vous jugez sommaire, ne prétendait qu’à signaler en passant la thèse d’Asin Palacios que l’on
1356 on peut discuter — et on l’a fait ! — mais que je n’ avais pas le droit d’ignorer. bb. Rougemont Denis de, « Autour de L’
43 1946, Esprit, articles (1932–1962). « Un divorce entre le christianisme et le monde ? » (août-septembre 1946)
1357 et le monde ? » (août-septembre 1946)bd be Je ne vois pas le divorce en question. Pour qu’il y ait divorce, il faut qu
1358 quête elle-même qu’il faut mettre en question. On n’ imagine pas saint Paul proposant un questionnaire sur le fossé entre l
1359 u christianisme. L’état d’Esprit qui fait enquête n’ est pas celui d’une conquête. Attention. bd. Rougemont Denis de, « 
44 1946, Esprit, articles (1932–1962). Épilogue (novembre 1946)
1360 et à Paris, un Américain me disait : — En France, n’ importe quel problème d’ajustement économique devient aussitôt politiq
1361 s ou moins littéraires, un torrent de clichés qui n’ ont aucun rapport avec la question, et des affirmations grandiloquente
1362 ainmise moscoutaire. Ces commissions, d’ailleurs, ne seront occupées qu’à clamer, la cravate en bataille, des résolutions
1363 mort. Plus question du savon. Brossez-vous. Nous ne posons pas de question de principe à propos de ce produit utile et hy
1364 s raisons bien évidentes, connues de tous, et qui ne relevaient point de la lutte des partis. C’est pourquoi les partis ne
1365 de la lutte des partis. C’est pourquoi les partis ne s’en sont point occupés, et n’ont point jugé nécessaire de proclamer
1366 ourquoi les partis ne s’en sont point occupés, et n’ ont point jugé nécessaire de proclamer l’union sacrée, au terme de nég
1367 venu, encore tout étourdi de sa puissance, et qui ne sait pas où l’on cache les dossiers, doit juger plus sagement en 24 h
1368 r plus sagement en 24 heures que le vieux routier n’ avait su le faire en plusieurs mois. Les Anglais ont ce proverbe : « N
1369 n plusieurs mois. Les Anglais ont ce proverbe : «  Ne changez pas de chevaux au milieu du fleuve ». Les Français prétendent
1370 rouvé de la tradition dite nationale… Et si nous ne sommes pas là pour consentir un prêt, payant la casse, vous parlez de
1371 l autre pays du monde. Le sentez-vous ? À vous de n’ en point abuser. C’est d’ailleurs très facile, me semble-t-il. Soyez h
1372 mporte qu’elles réussissent matériellement, elles n’ achèteront jamais notre respect. L’Europe centrale et les Balkans, liv
1373 a Guardia, que nous baptisions la Fleurette. Nous n’ avons jamais admiré Mussolini, comme l’ont fait les bourgeois d’Europe
1374 ini, comme l’ont fait les bourgeois d’Europe : ce n’ était pas un regular guy. Le Vatican a la plus vieille diplomatie secr
1375 quand ils viennent chez nous. Cette moitié de moi n’ irait peut-être pas jusqu’à demander une guerre préventive, mais elle
1376 ouveau Pearl Harbor. Quant à l’autre moitié, elle ne demande qu’à s’ouvrir à l’amitié de ce grand peuple des plaines, qui
1377 ui se met à vous ressembler si curieusement. Nous n’ avons guère plus que lui le sens de la vie privée, nous avons le même
1378 se gâter… Quant à nos bons voisins « latins », je ne sais pourquoi, chaque fois que nous leur serrons la main, ils pincent
1379 te du Bonheur, ce sont là mes trois idéaux. Et je ne les vois réalisés qu’en Amérique. Comment l’Europe peut aider l’Am
1380 lle énergie et beaucoup moins de naïveté que nous ne le pensons, ils embrassent mieux que nous la confusion du siècle, ils
1381 ar stylisation. Ajouter des nuances à mon tableau n’ arrangerait pas grand-chose à cet égard. Ce qui échappe par définition
1382 ave incohérence interne. Mais je vois bien que je n’ ai pas su la faire sentir autant que je la sens et peut-être n’y parvi
1383 a faire sentir autant que je la sens et peut-être n’ y parviendrai-je que d’une manière négative : en suggérant certaines m
1384 es masses chez eux les fuient et que leurs élites ne s’en approchent qu’en hésitant. Ils nous sont supérieurs à tant d’aut
1385 s symboles, des signes et des correspondances. On ne peut pas impunément se vêtir de n’importe quelle couleur, sous prétex
1386 spondances. On ne peut pas impunément se vêtir de n’ importe quelle couleur, sous prétexte que cela « fait bien », construi
1387 t une église qui a l’air gothique quand plus rien ne l’est en nous ni autour d’elle. Un peuple, s’il éduque son sens des f
1388 hiffres et se sent aussitôt rassuré. Mais un fait n’ est qu’un signe dans une équation, une lettre ou une virgule dans une
1389 on, une lettre ou une virgule dans une phrase, on ne peut le lire qu’avec tout le contexte. S’en tenir aux faits seuls, au
1390 a douleur, mais ils préfèrent l’anesthésie. Aussi n’ ont-ils pas de philosophes, ni de mystiques, mais beaucoup de paradis
1391 is, luisants, emballés dans de la cellophane, qui n’ offrent plus d’aspérités et ne posent plus aucune question ; de mécani
1392 la cellophane, qui n’offrent plus d’aspérités et ne posent plus aucune question ; de mécanismes qui répondent à leur plac
1393 s — suffiraient pour que chacun gagne. Enfin, ils ne croient pas au Mal… Le krach de 1928, Hitler, la guerre, et quelques
1394 sses extérieures. Qui sait si une loi de l’esprit ne les rend pas d’autant plus fortes et fréquentes que les poussées inti
1395 urs historiques un réveil spirituel de l’Amérique ne pourrait pas lui épargner ? Si l’Europe peut y contribuer, elle aura
1396 s’améliorer. J’y vois la marque de sa force. Qui n’ a pas lu les éreintements de l’esprit américain auxquels se livrent av
1397 exubérance les revues et les journaux américains ne sait pas ce que c’est que la confiance en soi. Ceci dit, je me retour
1398 dure encore — et le reste du monde en a besoin — ne vous contentez pas d’appeler périodiquement l’Amérique à votre secour
1399 nous laver, à boire du lait, à être à l’heure, à ne pas couper les files par principe, à observer les règles du jeu dans
1400 attitude détient le secret de la liberté. Car il n’ est de liberté réelle qu’en avant, dans tous les ordres, à chaque inst
45 1948, Esprit, articles (1932–1962). Thèses du fédéralisme (novembre 1948)
1401 perdue pour tous et non seulement pour nous ! Ce n’ est donc pas au nom de je ne sais quel nationalisme européen qu’il nou
1402 lement pour nous ! Ce n’est donc pas au nom de je ne sais quel nationalisme européen qu’il nous faut défendre l’Europe, ma
1403 egardent vers l’Amérique. À tort ou à raison — je n’ en juge pas ici — ils s’imaginent que ces pays réalisent mieux que leu
1404 ce qu’ils attendent eux-mêmes de la vie. Ainsi ce ne sont pas seulement les idéaux de progrès collectiviste ou de progrès
1405 écadence, ou la déplore mais sans faire mieux. Je ne vois plus, pour tenir vitalement aux conceptions et aux coutumes euro
1406 et les conservateurs par profession ou position. Ne demandons pas l’instauration d’une fédération européenne pour que se
1407 loc-tampon, ou un bloc opposé aux deux autres. Ce ne serait résoudre, et, au contraire, ce serait exalter le nationalisme
1408 s des virus dont il a infesté le monde entier. Il n’ y a de fédération européenne imaginable qu’en vue d’une fédération mon
1409 maginable qu’en vue d’une fédération mondiale. Il n’ y a de paix et donc d’avenir imaginable que dans l’effort pour instaur
1410 e son sens inventif. […] La fédération européenne ne sera pas l’œuvre des gouvernants chargés de défendre les intérêts de
1411 nes qui formeront le gouvernement de l’Europe. Il n’ y a pas d’autre voie possible et praticable. Les USA ne sont pas dirig
1412 pas d’autre voie possible et praticable. Les USA ne sont pas dirigés par une assemblée des gouverneurs des quarante-huit
1413 n carcan. Ce qui est la politique par excellence, n’ en déplaise aux sectaires de tous bords. […] À l’homme considéré comme
46 1962, Esprit, articles (1932–1962). Lettre à Jean-Marie Domenach, à propos de « Sartre et l’Europe » (mai 1962)
1414 que lorsque Sartre attaque l’Europe « au fond, il ne fait que penser à l’Algérie ». J’avais dit pour ma part deux mois plu
1415 et vous me citez : « Quand Sartre écrit Europe il ne pense qu’à la France, et quand il pense France, il ne voit que le dra
1416 ense qu’à la France, et quand il pense France, il ne voit que le drame algérien. » Les deux phrases semblent dire la même
1417 ’une déchéance et d’un reniement », tandis que je ne m’occupe comme chacun sait que d’une Europe des « règlements de douan
1418 pensants d’une certaine gauche, sectaire comme on ne l’est qu’à vingt ans. Ceci dit, je voudrais que vos lecteurs sachent
1419 is que vos lecteurs sachent aussi que mon article ne traitait pas de l’Algérie, ni de « l’Europe » mythique qu’injurie Sar
1420 et la fièvre nationaliste du tiers-monde, l’heure n’ est pas de cracher sur nos valeurs, mais de les prendre nous-mêmes au
1421 que nous devons offrir au monde et à nos fils, ce n’ est pas notre mauvaise conscience, notre rage autopunitive ou l’allian
1422 us est loisible de juger bassement matérialistes, n’ étant ni Russe ni du tiers-monde. bk. Rougemont Denis de, « Lettre
1423 un “Européen” aussi convaincu que D. de Rougemont ne sente pas ce scandale de l’Europe qui inspirait la fureur de Sartre.
1424 erté par certaine psychanalyse des intentions, et ne parviens pas à me trouver tant d’astuce. Je me contente donc d’assure