1 1932, Esprit, articles (1932–1962). À l’index (Première liste) : Candide (octobre 1932)
1 mesure de ce qu’on pourrait appeler la politique des « laquais de forges ». On nous entendra. Six grandes pages de dessins
2 u le « Français chez eux ». Mais lorsqu’il croque un Allemand, l’on doit reconnaître qu’il se surpasse et qu’il surpasse,
3 mais il y a mis 16 ans — les plus fameux produits des services de propagande officieuse. M. Marcel Hutin n’a qu’à bien se t
4 Allemand a le crâne rasé, s’appelle Fritz, a volé des pendules et violé pour le moins une chaste fille de Montmartre. C’est
5 Fritz, a volé des pendules et violé pour le moins une chaste fille de Montmartre. C’est une conception de Français né paill
6 ur le moins une chaste fille de Montmartre. C’est une conception de Français né paillard, décoré, et qui ne sait pas la géo
7 iètent à juste titre, sachent ce que nous pensons des manifestations récentes de l’état d’esprit candidard : les dessins, e
8 lus encore les légendes de M. Hermann-Paul sont d’ une imbécillité proprement répugnante et qu’il faudrait qualifier de crim
2 1932, Esprit, articles (1932–1962). On oubliera les juges (novembre 1932)
9 On oubliera les juges (novembre 1932)b c Une pensée débrayée, une action anarchique, voilà bien notre monde. Mais
10 juges (novembre 1932)b c Une pensée débrayée, une action anarchique, voilà bien notre monde. Mais une pensée qui n’agit
11 e action anarchique, voilà bien notre monde. Mais une pensée qui n’agit pas n’est plus de la pensée ; une action qu’on ne «
12 e pensée qui n’agit pas n’est plus de la pensée ; une action qu’on ne « pense » pas ne peut pas être créatrice. En tant que
13 en 1932. Est-ce à dire qu’il faille entreprendre une description méthodique des circonstances de notre vie concrète, à seu
14 il faille entreprendre une description méthodique des circonstances de notre vie concrète, à seule fin d’en démontrer l’abs
15 ngle que l’affaire Jacques Martin prend pour nous une signification précise, et que nous en parlons à cette place. André Br
16 augurait la rubrique au premier numéro, suggérait une méthode d’« observation affectueuse » des vies privées. Ah oui ! si l
17 ggérait une méthode d’« observation affectueuse » des vies privées. Ah oui ! si la Révolution était faite déjà ! Elle ne l’
18 nde, dans le monde tel qu’il est, n’est-ce pas, d’ une façon plus urgente, « l’observation révolutionnaire » de nos comporte
19 vation révolutionnaire » de nos comportements ? ⁂ Une conviction intime et péremptoire s’élabore et s’impose dans le silenc
20 remptoire s’élabore et s’impose dans le silence d’ une vie : la loi de Dieu s’oppose à cette loi des hommes qui veut qu’on t
21 e d’une vie : la loi de Dieu s’oppose à cette loi des hommes qui veut qu’on tue. Une décision se formule, peut-être pour la
22 oppose à cette loi des hommes qui veut qu’on tue. Une décision se formule, peut-être pour la première fois, dans la solitud
23 ut-être pour la première fois, dans la solitude d’ une chambre la nuit, — si c’est le lieu de sa prière. Les faits l’attende
24 obstine à nommer pompeusement « cette enceinte ». Une salle carrée, laide de cette laideur pauvre et presque abstraite qui
25 régime. Quatre gaillards en uniforme, vautrés sur un banc qui la divise par le milieu, fument des cigarettes en taquinant
26 s sur un banc qui la divise par le milieu, fument des cigarettes en taquinant du pied la crosse de leur fusil (baïonnette a
27 e au canon). On a parqué le public dans le fond : des étudiants surtout, quelques casquettes. La cour fait son entrée — man
28 on par la voix de leur président, et la mimique d’ un jeune aviateur, dont la mâchoire furieuse remâche une incompréhensibl
29 jeune aviateur, dont la mâchoire furieuse remâche une incompréhensible colère de fauve en cage — mais il n’y a pas de cage.
30 ge. Et chacun sait qu’au bout du compte il y aura un an de prison pour ce garçon sérieux et maître de lui, qui sourit parf
31 juge, ayant pesé son acte. Les autres appliquent un tarif. ⁂ Je ne suis pas antimilitariste. Je ne suis même pas pacifist
32 artin le maximum de la peine, non sans avoir cité une pensée de Pascal en l’attribuant à Pasteur. On peut n’être pas diffic
33 de conscience », a donné par son acte la preuve d’ une obéissance à Dieu qui devrait être celle de tout croyant ; ou s’il a
34 conscience. Cela prenait « dans cette enceinte » un petit air anarcho ou pleurard… Et l’on parla pourtant de la conscienc
35 conscience morale. On en parla, bien sûr, comme d’ une de ces célébrités respectables et séniles dont le nom sert encore de
36 République, a gardé parmi nous quelque prestige. Un je ne sais quoi de rassurant et d’avouable, qui fait qu’on invoque so
37 e, de conscience bourgeoise. Mais qu’elle se mêle un jour de s’affirmer par une personnalité, et par là même de ne plus co
38 e. Mais qu’elle se mêle un jour de s’affirmer par une personnalité, et par là même de ne plus coïncider avec les intérêts,
39 ise. 3° Les actes politiques déduits par accident des principes fondamentaux du régime sont en contradiction formelle avec
40 s déduits par voie de faits — si l’on peut dire — des mêmes principes. Sangnier devait relever l’anomalie : Briand met la g
41 d met la guerre hors-la-loi, aux applaudissements des braves gens, qui par ailleurs mettent en prison Martin parce qu’il re
42 use de faire la guerre. (Ça n’est pas tout à fait des mêmes braves gens qu’il s’agit dans les deux cas, mais c’est du même
43 st du même état, qu’ils tolèrent.) 4° Il n’y a qu’ un rapport de trahison entre les idéaux pour lesquels nous nous ferions
44 tiers tuer. Jean-Richard Bloch l’a dit à la barre des témoins : Martin fait dans la paix ce que firent à la guerre ses aîné
45 On les a décorés, on l’emprisonne. 5° Il n’y a qu’ un rapport de trahison entre la religion chrétienne et la religion de l’
46 religion de l’Écho de Paris. « Nous avons proposé un maître à ce jeune homme, dit le pasteur Cooreman. C’était le Christ.
47 héologie, et vous ne faites même que cela ; c’est une tout autre théologie que la chrétienne, simplement. C’est la théologi
48 , qui veut l’obéissance aveugle… » 6° Il n’y a qu’ un rapport de lâcheté entre les formes de la justice actuelle et les fin
49 t les fins que lui assigne l’« ordre » bourgeois. Une manifestation comme celle de la rue du Cherche-Midi présente cet avan
50 rue du Cherche-Midi présente cet avantage d’être une véritable « manifestation du régime ». Tout aveu de cet ordre concour
51 de cet ordre concourt à la ruine de ses auteurs. Un régime fort, usant de ses pouvoirs dans un style adéquat à ses fins,
52 teurs. Un régime fort, usant de ses pouvoirs dans un style adéquat à ses fins, jugerait de tels cas sommairement sans avoc
53 question de confiance ; et qu’ils l’ont posée sur un plan où nul arrêt de la justice humaine désormais ne saurait l’esquiv
54 irie. Le président n’avait rien trouvé d’autre qu’ une « colle » d’examinateur. « Le cas de légitime défense, répétait-il co
55 cieusement à chaque témoin, qu’en faites-vous ? » Un seul se permit de répondre que toutes les guerres sont défensives. Q
56 me demandait, à la sortie : « Avez-vous jamais vu un soldat défensif ? Comment est-ce que c’est fait ? » 7° Certes, l’on p
57 fait ? » 7° Certes, l’on peut tirer de ces débats une conclusion précise : la question du service civil est ouverte. Une ca
58 écise : la question du service civil est ouverte. Une carrière pour les réformistes ! Mais il faut rendre à Martin cette ju
59 qui ne saurait longtemps demeurer pacifiste. Dans un régime social où tout se tient, mais par la seule logique de la décom
60 hé de ses considérants individuels, s’isole comme un signal de rupture consommée. Tout homme qui agit, sa pensée est en ru
61 ie. Jacques Martin, dans sa prison, témoigne pour un ordre nouveau. b. Rougemont Denis de, « On oubliera les juges », E
3 1933, Esprit, articles (1932–1962). Comment rompre ? (mars 1933)
62 du christianisme ; c’est pourquoi l’apparition d’ une volonté contraire définit exactement, pour la chrétienté, le début de
63 r la chrétienté, le début de la décadence. Il y a des siècles de lutte sourde entre ces deux vouloirs, et tant que dure la
64 fatigués de la lutte, viennent à croire qu’il est une autre façon de vaincre, et que c’est de réduire l’adversaire à une pa
65 e vaincre, et que c’est de réduire l’adversaire à une paix avantageuse, à une paix dont ils s’imaginent pouvoir tirer bénéf
66 de réduire l’adversaire à une paix avantageuse, à une paix dont ils s’imaginent pouvoir tirer bénéfice pour la foi, — bien
67 s, que les chrétiens considèrent cette paix comme un bien supérieur à la lutte, qu’ils l’organisent, la sanctionnent d’une
68 la lutte, qu’ils l’organisent, la sanctionnent d’ une autorité que seule leur conférait la rupture initiale, — qu’enfin ils
69 e cet « ordre » social qui nous blessait, c’était un aspect nécessaire de l’« ordre chrétien » du monde. Nous ne l’avons p
70 temps de nous souvenir de la guerre. Aujourd’hui, des imprécations montent de toutes les parties de la terre contre une chr
71 montent de toutes les parties de la terre contre une chrétienté qui, loin d’avoir maudit la guerre et surtout ce qui l’a p
72 gouvernent. (On sait ce qu’ils sont.) Il faut qu’ un cri jaillisse : c’en est fait du christianisme de la chrétienté ! Car
73 de la chrétienté ! Car ce cri est le témoignage d’ un réveil. Et quand bien même il ne serait poussé que par quelques-uns,
74 ire qu’il n’y ait eu cette preuve, aujourd’hui, d’ une volonté de rupture, ce témoignage qui chaque fois qu’il est porté, ré
75 c celle de la bourgeoisie capitaliste. Mais c’est un parti de gens qui, ayant peut-être été chrétiens, veulent en tirer de
76 , ayant peut-être été chrétiens, veulent en tirer des intérêts, abusent de ce qu’ils considèrent comme un privilège, le per
77 intérêts, abusent de ce qu’ils considèrent comme un privilège, le perdent par là même, et dérogent, mais s’obstinent à po
78 r là même, et dérogent, mais s’obstinent à porter un titre désormais irrecevable. Ce parti peut être aussi nombreux que l’
79 on voudra, il peut représenter la grande majorité des prétendus croyants, l’élément le plus voyant, le plus officiel et le
80 utien, et qui, depuis, assure son succès relatif. Une église « établie » établissant à son tour un ordre injuste du monde e
81 if. Une église « établie » établissant à son tour un ordre injuste du monde et s’appuyant sur lui, en réalité n’est plus l
82 n’a plus le droit de parler ; elle n’est plus qu’ une précieuse auxiliaire de la préfecture de police. Qu’on n’attende donc
83 cture de police. Qu’on n’attende donc pas de nous un appel aux églises en tant que corps constitués et officiels1. Non, en
84 , nous attendons de nos églises qu’elles énoncent une doctrine sociale nouvelle opposée aux doctrines régnantes. Nous n’att
85 lieu de la rupture nécessaire : la dénonciation d’ une imposture, partout où la chrétienté, ayant touché ses 30 deniers, vou
86 om du christianisme. ⁂ Le christianisme n’est pas une puissance à notre disposition, puissance que les hommes auraient eu l
87 i appartient pas ; tout au plus le saisit-elle, d’ une manière imprévisible. La seule liberté qui lui soit accordée vis-à-vi
88 même raison, il ne peut s’en targuer pour fonder un « ordre chrétien » ; et s’il le fonde, c’est en réalité sur une tout
89 rétien » ; et s’il le fonde, c’est en réalité sur une tout autre force que celle de la foi. Ce peut être sur une éthique de
90 autre force que celle de la foi. Ce peut être sur une éthique de puissance et de service ; ou sur une éthique de bonheur ;
91 r une éthique de puissance et de service ; ou sur une éthique de bonheur ; ou sur un idéal humanitaire ; ou sur un idéal de
92 service ; ou sur une éthique de bonheur ; ou sur un idéal humanitaire ; ou sur un idéal de sécurité ; ou sur des intérêts
93 de bonheur ; ou sur un idéal humanitaire ; ou sur un idéal de sécurité ; ou sur des intérêts plus bassement optimistes enc
94 umanitaire ; ou sur un idéal de sécurité ; ou sur des intérêts plus bassement optimistes encore. Toutes ces formules d’« or
95 les. ⁂ Ne nous excusons pas d’avoir recours ici à des formules théologiques, puisque précisément, à l’origine du désordre,
96 ent, nous trouvons ce désir trop humain de parler des choses de la foi dans le langage du bonheur terrestre. La rupture que
97 éel. Or, le lieu de sa décision n’est pas le lieu des décisions et des calculs humains ; il est à l’intérieur de la religio
98 de sa décision n’est pas le lieu des décisions et des calculs humains ; il est à l’intérieur de la religion. Les églises qu
99 on. Les églises qui se crurent en droit d’édicter un « ordre chrétien », se fondaient toutes, et se fondent encore, sur un
100 », se fondaient toutes, et se fondent encore, sur une conception antichrétienne de la foi. La foi, pour elles, est une « fo
101 antichrétienne de la foi. La foi, pour elles, est une « force » que l’homme peut se procurer, apprivoiser, réglementer, adm
102 er, réglementer, administrer dans la durée. C’est une force que l’Église aurait, une fois pour toutes. Et cette possession
103 e possession serait en quelque sorte garantie par des institutions de plus en plus humaines, de plus en plus semblables — o
104 d’accepter la doctrine de ses disciples, se faire un avoir de la Pauvreté évangélique, et bientôt ne plus vivre que sur le
105 t gratuit — « afin que nul ne se glorifie » — est une participation instantanée à l’éternel, elle juge et condamne ceux-là
106 bord qui s’en réclament. Et c’est pourquoi il y a un imposteur dans tout homme qui se dit chrétien. (Je ne dis pas cela d’
107 homme qui se dit chrétien. (Je ne dis pas cela d’ un point de vue antichrétien.) Mais c’est aussi pourquoi il y a une supr
108 e antichrétien.) Mais c’est aussi pourquoi il y a une suprême imposture dans tout programme prétendu chrétien, dans toute p
109 ominée, ceux qui mangeaient ton pain t’ont dressé des pièges — et tu n’as pas su t’en apercevoir ! — Toi qui t’assieds sur
110 t que voit-on dès lors ? Présentement ? — On voit des Georges Goyau et autres « croyants » décorés, s’indigner de ce que le
111 uté du Christ et celle de l’Europe 3 ». L’on voit des von Papen, délégués par l’industrie lourde au gouvernement d’une nati
112 délégués par l’industrie lourde au gouvernement d’ une nation « chrétienne » revendiquer dans leurs discours la défense des
113 enne » revendiquer dans leurs discours la défense des « valeurs » chrétiennes, pour appuyer des décrets-lois. L’on voit des
114 défense des « valeurs » chrétiennes, pour appuyer des décrets-lois. L’on voit des clergymen prier pour le dollar, des évêqu
115 tiennes, pour appuyer des décrets-lois. L’on voit des clergymen prier pour le dollar, des évêques asperger des croiseurs, u
116 is. L’on voit des clergymen prier pour le dollar, des évêques asperger des croiseurs, un Te Deum à Londres et un autre à Be
117 rgymen prier pour le dollar, des évêques asperger des croiseurs, un Te Deum à Londres et un autre à Berlin pour célébrer le
118 ur le dollar, des évêques asperger des croiseurs, un Te Deum à Londres et un autre à Berlin pour célébrer le même massacre
119 s asperger des croiseurs, un Te Deum à Londres et un autre à Berlin pour célébrer le même massacre. On voit une nuée de pi
120 à Berlin pour célébrer le même massacre. On voit une nuée de piétistes et de bigots, demeurer agressifs dans leur volonté
121 bitt. Mais n’allons pas chercher si loin. Ouvrons un journal de Paris. Un discours chaleureux du Père de la Brière4 voudra
122 as chercher si loin. Ouvrons un journal de Paris. Un discours chaleureux du Père de la Brière4 voudrait nous enflammer con
123 Père de la Brière4 voudrait nous enflammer contre une espèce de bolchévisme qu’il décrit ainsi : « Dans cette philosophie e
124 « idée » soit abolie, le père de la Brière lance un vibrant appel aux écrivains : qu’ils nous écrivent des romans contre
125 ibrant appel aux écrivains : qu’ils nous écrivent des romans contre le bolchévisme, et l’on donnera 50 000 fr. au mieux pen
126 onal avait pour but de contribuer à la sauvegarde des hautes valeurs spirituelles et des vérités saintes que l’Académie d’é
127 la sauvegarde des hautes valeurs spirituelles et des vérités saintes que l’Académie d’éducation et d’entraide sociale a po
128 tion à la « sauvegarde » : 50 000 francs. Ah ! qu’ un sans-Dieu vienne me dire : je ne crois pas à vos paroles, chrétiens m
129 est la mienne, mon humaine révolte. Mais j’en ai une autre plus profonde : celle de voir qualifier de « chrétienne » une «
130 fonde : celle de voir qualifier de « chrétienne » une « idée » qui sert l’injustice établie. Tu ne crois pas à ces paroles
131 resser notre christianisme contre le monde, comme une force positive contre une force de même ordre. Assez de cette « polit
132 contre le monde, comme une force positive contre une force de même ordre. Assez de cette « politique chrétienne » où l’on
133 e cette « politique chrétienne » où l’on embarque une prétendue foi dans les plus discutables déterminations de l’avenir. L
134 de l’Église doit-il rester de porter sur le monde un jugement permanent et destructeur ; tandis que la révolution dans ce
135 Cette foi est inaliénable. Elle ne constitue pas un ordre : elle donne des ordres, simplement. Elle n’est jamais entrée e
136 able. Elle ne constitue pas un ordre : elle donne des ordres, simplement. Elle n’est jamais entrée en collusion avec aucune
137 la Troisième République… 2. Et non pas au nom d’ un « ordre social chrétien qui s’opposerait au désordre actuel, capitali
138 décembre 1932. 4. Figaro , 4 février 1933. 5. Une idée fausse, par définition, le christianisme n’étant rien d’autre qu
139 inition, le christianisme n’étant rien d’autre qu’ un événement, un drame entre Dieu et l’homme. 6. Parce qu’on ne peut pa
140 ristianisme n’étant rien d’autre qu’un événement, un drame entre Dieu et l’homme. 6. Parce qu’on ne peut pas le défendre,
4 1933, Esprit, articles (1932–1962). Protestants (mars 1933)
141 (mars 1933)e Si le christianisme primitif est une révolution — et la plus profonde de toute l’histoire —, le protestant
142 glises protestantes sont devenues les officines d’ un conformisme social et politique plus scandaleux encore que celui des
143 ial et politique plus scandaleux encore que celui des églises catholiques, puisque il se trouve condamné par la dogmatique
144 nistes. Corruptio optimi pessima : le conformisme des révoltés est le pire. Il ne suit pas de là, contrairement à ce que pr
145 , dans tous les pays où le protestantisme domine, des protestants qui loin de renier leur foi se fondent sur elle pour atta
146 les questions économiques et sociales y prennent un jour l’acuité qu’elles ont, depuis la guerre, chez nos voisins. Du Fr
147 nt dans les Neue Blätter für den Sozialismus sont des éléments protestants, et leur maître, Paul Tillich, exerce par ailleu
148 et leur maître, Paul Tillich, exerce par ailleurs une influence intellectuelle considérable sur le protestantisme de langue
149 gue allemande. Alors qu’en France l’affirmation d’ une foi religieuse personnelle fait encore sourire le petit-bourgeois « p
150 dans les revues berlinoises les plus « avancées » des professions de foi dont personne ne songe à contester l’opportunité.
151 de la foi protestante. Il faudrait nommer encore des groupes comme le Vormarsch, le Deutsche Volkstum, ou les efforts d’un
152 Vormarsch, le Deutsche Volkstum, ou les efforts d’ un Eugen Rosenstock — l’historien des Révolutions européennes — dans le
153 u les efforts d’un Eugen Rosenstock — l’historien des Révolutions européennes — dans le domaine du service civil et des cam
154 européennes — dans le domaine du service civil et des camps de travailleurs. Mais les tentatives de rupture proprement théo
155 tique » de Karl Barth et de ses amis de justifier une sorte de désintéressement radical à l’endroit des problèmes politique
156 une sorte de désintéressement radical à l’endroit des problèmes politiques et sociaux. La parution coup sur coup, de trois
157 politique pose tous les problèmes de l’heure avec une lucidité et un courage intellectuel qu’on rencontre rarement chez les
158 ous les problèmes de l’heure avec une lucidité et un courage intellectuel qu’on rencontre rarement chez les écrivains poli
159 ent, ou l’en privez-vous ? » ⁂ La caractéristique des mouvements américains de rénovation réside dans leur effort pour « ch
160 aucoup d’ampleur sur le terrain préparé par Ford. Une récente enquête publiée en volume chez Macmillan sous ce titre : Témo
161 es. Arthur A. Wharton, président de l’association des mécaniciens d’Amérique exprime ce point de vue en une phrase typique 
162 mécaniciens d’Amérique exprime ce point de vue en une phrase typique : « La grande majorité des ouvriers parle de Jésus-Chr
163 vue en une phrase typique : « La grande majorité des ouvriers parle de Jésus-Christ et de l’Église comme de deux choses qu
164 intervenue dans la vie quotidienne en promulguant des règles sur le dimanche, l’alcool et la moralité, mais qu’elle s’est a
165 s’occuper de la durée du travail, de la question des salaires, etc. Cette carence subite dans le domaine économique vient
166 se marxiste qui ne veut voir dans les Églises que des institutions de classe. Cette position simpliste de problèmes vieux c
167 . On remarque dans la liste de ses collaborateurs des noms d’évêques socialistes et d’essayistes à tendances philo-marxiste
168 mmé le forki japonais mériterait à lui seul toute une chronique de cette revue. Écrivain fécond9, évangéliste, économiste,
169 eur de grèves, chef syndicaliste, Kagawa est l’un des personnages les plus influents du Japon, et l’on n’a pas oublié son f
170 ant le bombardement de Shanghai, et qui lui valut des menaces de mort. Plus radical que les socialistes, labouristes, il se
171 cialistes, labouristes, il se distingue nettement des marxistes dont il rejette le matérialisme méthodique et le goût pour
172 pacifistes, et n’a pas tenté jusqu’ici d’édifier une doctrine originale. Elle semble reculer devant les conclusions radica
173 les conclusions radicales, par suite sans doute d’ un malentendu foncier touchant le problème de la violence et que seul pa
174 chrétienne d’étudiants. Mais il y a là le germe d’ un mouvement qui demain peut se préciser et s’amplifier. Signalons enfin
175 ns enfin la revue internationale de la Fédération des étudiants, le Student World, qui sous l’impulsion de W. A. Visser ’t
176 sous l’impulsion de W. A. Visser ’t Hooft adopte une attitude très nettement non conformiste. Elle vient de donner un rema
177 s nettement non conformiste. Elle vient de donner un remarquable fascicule intitulé la Fin du bourgeois, au sommaire duque
178 tufkens (Hollande) et F. Heuson (Amérique). C’est un document de premier ordre sur la « rupture » à laquelle nous travaill
5 1933, Esprit, articles (1932–1962). Loisir ou temps vide ? (juillet 1933)
179 si et parallèlement, de la corruption spirituelle des loisirs est née la présente corruption du travail. Notre siècle ne co
180 vants. Nous le voyons lourdement se débattre dans une amère contradiction : labeur forcé ou inaction. Et tout devient préte
181 rien ». Phrases d’esclaves, consternante misère : une misère qui nous rabat au sol. L’homme dit « j’agis », et il trouve d
182 uve dans l’acte sa mesure, son rythme et sa joie. Une totalité. Et s’il divise alors le temps de ses journées, c’est pour m
183 en 8 heures de travail et 8 heures de loisir est une dérision brutale des rythmes créateurs. Elle exprime simplement l’éta
184 il et 8 heures de loisir est une dérision brutale des rythmes créateurs. Elle exprime simplement l’état accidentel d’un con
185 eurs. Elle exprime simplement l’état accidentel d’ un conflit absurde entre deux opérations dont nous avons perdu le contrô
186 asservit. Je veux dire que nous en pâtissons dans une mesure qui n’est pas celle de la condamnation portée sur notre race.
187 re exacte de nos démissions personnelles : genèse des mythiques lois de l’économie, de l’histoire. Lorsque l’homme renonce
188 mais seulement de purger sa peine. C’est alors qu’ un Franklin, qu’un Guizot, qu’un Staline, vous camouflent cette démissio
189 e purger sa peine. C’est alors qu’un Franklin, qu’ un Guizot, qu’un Staline, vous camouflent cette démission en dignité nou
190 ine. C’est alors qu’un Franklin, qu’un Guizot, qu’ un Staline, vous camouflent cette démission en dignité nouvelle. La dign
191 elle de la Troisième République, de l’Amérique et des Soviets. Nous croyons ici que la dignité de l’homme consiste à mettre
192 isir plein. Si la liberté n’est pas à l’origine d’ un système, elle ne s’introduira jamais dans ses effets (à moins d’une r
193 ne s’introduira jamais dans ses effets (à moins d’ une révolution). Mais il y a plus. Tout travail qu’on limite à la nécessi
194 . Car la seule défense efficace, c’est l’attaque. Un travail qui néglige la création, un travail sans loisir, sans liberté
195 st l’attaque. Un travail qui néglige la création, un travail sans loisir, sans liberté, laisse s’étendre l’empire de la né
196 Il semble que la condamnation portée à l’origine des temps sur le travail-nécessité frappe toutes les règles de vie que l’
197 émocratisation du confort moyen et de la TSF dans un monde où le libre divertissement de chacun sera la condition du libre
198 orale. Prendre le travail comme point de départ d’ un système économique ou d’une culture, c’est vicier à la base toutes le
199 omme point de départ d’un système économique ou d’ une culture, c’est vicier à la base toutes les conceptions du loisir qui
200 ini comme « le temps vuide ». Cette nomination qu’ un libéral voudra bien reconnaître insuffisante, nous a valu le siècle d
201 ’égarement que nous tentons maintenant de solder. Un siècle de machinisme, ou plutôt d’inflation mécanique, si l’on convie
202 vuide » et c’est chômage. Tout le mal est venu d’ une séparation, d’une disjonction. Ou plutôt, car les choses sont toujour
203 chômage. Tout le mal est venu d’une séparation, d’ une disjonction. Ou plutôt, car les choses sont toujours plus complexes q
204 t déceler la lâcheté originelle. Car c’est bien d’ un relâchement qu’elle résulte, d’une déficience de cette tension créatr
205 ar c’est bien d’un relâchement qu’elle résulte, d’ une déficience de cette tension créatrice qui seule définit un « temps pl
206 ence de cette tension créatrice qui seule définit un « temps plein ». En sorte que le « temps vuide » de l’Encyclopédie n’
207  temps vuide » de l’Encyclopédie n’est au vrai qu’ un temps vidé, irréel renversement d’un temps rempli, d’un travail sans
208 t au vrai qu’un temps vidé, irréel renversement d’ un temps rempli, d’un travail sans jeu, c’est-à-dire du travail forcé. (
209 ps vidé, irréel renversement d’un temps rempli, d’ un travail sans jeu, c’est-à-dire du travail forcé. (La logique du langa
210 a logique du langage ici nous guide sûrement.) Qu’ une classe possédante en vienne par fatigue à décréter vides les loisirs
211 e, du même coup elle décrète « forcé » le travail des classes chargées d’assurer ce loisir. C’est créer un monde impensable
212 classes chargées d’assurer ce loisir. C’est créer un monde impensable, le nôtre. Car si le loisir est simplement le contra
213 i les confronte, il n’y a plus que du désordre et des souffrances pour le corps qui les subit. L’acte ordonnateur, ou ré
214 al de l’être, qui est l’acte. Nous penserons avec des mains créatrices. Nous dirons : le but du travail, ce n’est pas le lo
215 e, où ils ne seront plus que les temps alternés d’ une plénitude joyeusement renouvelée. L’homme tendu assume dans ses desse
216 et le jeu, les combinant selon sa loi pour créer un risque nouveau. Le temps de cet homme est plein, et nul n’y pourrait
217 t homme est plein, et nul n’y pourrait distinguer des heures « creuses » ou des efforts stériles. Est-ce un long loisir cré
218 n’y pourrait distinguer des heures « creuses » ou des efforts stériles. Est-ce un long loisir créateur ? Un long travail d’
219 eures « creuses » ou des efforts stériles. Est-ce un long loisir créateur ? Un long travail d’enfantement ? Cela ne va pas
220 fforts stériles. Est-ce un long loisir créateur ? Un long travail d’enfantement ? Cela ne va pas sans douleur, non plus qu
221 ’œuvre en dignité. Dignité du temps de l’homme. ⁂ Un jour, l’empereur de la Chine fait appeler auprès de lui son peintre.
222 ès de lui son peintre. « Peins-moi sur ce rouleau un crabe ». — « Il me faut vingt ans », dit le peintre. Et pendant vingt
223 n seigneur. « Ton tableau ? » — « Qu’on m’apporte un rouleau, des pinceaux ». On fait cela, on déroule une soie. Et d’un s
224 « Ton tableau ? » — « Qu’on m’apporte un rouleau, des pinceaux ». On fait cela, on déroule une soie. Et d’un seul trait mir
225 rouleau, des pinceaux ». On fait cela, on déroule une soie. Et d’un seul trait miraculeux…   P.-S. — Cette histoire de la C
226 nceaux ». On fait cela, on déroule une soie. Et d’ un seul trait miraculeux…   P.-S. — Cette histoire de la Chine se suffit
227 faire l’économie du reste. Mais nous vivons dans une époque impatiente : il faut tout expliquer. J’indiquerai donc encore 
228 é. 2° que dans l’ordre, immédiatement consécutif, des institutions et des lois, je ne vois rien de plus néfaste que la fame
229 re, immédiatement consécutif, des institutions et des lois, je ne vois rien de plus néfaste que la fameuse législation du t
230 artir du travail), sinon toutefois l’organisation des loisirs, qui lui sera tôt ou tard conjointe. 3° que si l’on veut sauv
231 giférer à partir de cet acte. Il ne peut sortir d’ un système que ce que l’on y met dès l’origine. 10. On aura beau l’ap
232 c ». Ultime tentative pour faire aimer aux hommes une caricature du travail créateur, l’émulation socialiste n’est rien d’a
233 eur, l’émulation socialiste n’est rien d’autre qu’ un nouvel opium. Ce bourrage de crâne réalisé sur une échelle que Ford n
234 un nouvel opium. Ce bourrage de crâne réalisé sur une échelle que Ford n’avait imaginée qu’en rêve, c’est la tentative dése
235 ée de Staline pour introduire un peu de joie dans une activité qui est la négation même de la création ; activité purement
236 lte de 17, qui décréta l’instauration en Russie d’ une civilisation américaine dont on s’efforce, à coups de plans, de satis
6 1934, Esprit, articles (1932–1962). Préface à une littérature (octobre 1934)
237 Préface à une littérature (octobre 1934)g D’un présent confus et mauvais, qu’all
238 Préface à une littérature (octobre 1934)g D’ un présent confus et mauvais, qu’allons-nous tirer, mes amis, sinon la n
239 ’allons-nous tirer, mes amis, sinon la négation d’ un mal, et ce n’est pas encore le bien sauveur ! Voici notre erreur perp
240 tre erreur perpétuelle : nous peignons notre état un peu plus noir qu’il n’est, afin d’éclairer par contraste un avenir qu
241 s noir qu’il n’est, afin d’éclairer par contraste un avenir qui devra son éclat moins à lui-même qu’à nos ombres, et moins
242 ssons bien mieux ce qui nous blesse que la nature des réalités que nous sentons, en nous, obscurément blessées. Notre consc
243 re. Mais cet examen misérable ne mènera-t-il qu’à des révoltes trop prévues ? Peut-on sortir de ce cercle vicieux à force d
244 puisante, et s’abattre à la fin dans les colonnes des magazines de gauche, pâture des bourgeois snobs. Nous avons vu ce spe
245 dans les colonnes des magazines de gauche, pâture des bourgeois snobs. Nous avons vu ce spectacle indécent : le cadavre a m
246 « littérature » moderne se résume, à mon sens, en une phrase un peu grossière : c’est une littérature qui aime parler pour
247 re » moderne se résume, à mon sens, en une phrase un peu grossière : c’est une littérature qui aime parler pour ne rien di
248 mon sens, en une phrase un peu grossière : c’est une littérature qui aime parler pour ne rien dire. Elle n’est occupée qu’
249 eurs du jeu classique… Ils n’étaient que le non d’ un non. Dirons-nous non à notre tour ? Que ce soit le non décisif de ceu
250 ceux qui savent ce qu’ils affirment ! Que ce soit un non sans pathos, car l’affirmation seule est grave. C’est à l’homme q
251 elé. Nous ne clamons pas la fin de la littérature des autres au nom d’une littérature à nous. Nous constatons la fin d’un a
252 pas la fin de la littérature des autres au nom d’ une littérature à nous. Nous constatons la fin d’un art au nom de ce qui
253 ’une littérature à nous. Nous constatons la fin d’ un art au nom de ce qui juge l’art, — et le recrée. Nos griefs ne sont p
254 res ; ils sont, ils veulent être humains. Fin d’ une littérature Je me propose de simplifier. Dans la littérature bourg
255 teurs. Première espèce : les romanciers de la vie des classes possédantes. Le bourgeois aime leurs œuvres, parce qu’il s’y
256 est bon de sentir qu’au-dessus de cette vie plane une loi meilleure, un esprit pur, une revanche, dût-on n’y parvenir jamai
257 u’au-dessus de cette vie plane une loi meilleure, un esprit pur, une revanche, dût-on n’y parvenir jamais. On lit cette li
258 cette vie plane une loi meilleure, un esprit pur, une revanche, dût-on n’y parvenir jamais. On lit cette littérature pour «
259 ience idéaliste du régime. « Littérature », opium des peuples incroyants. Notre troisième espèce est plus rare, et vaut un
260 ts. Notre troisième espèce est plus rare, et vaut un peu mieux, si l’on estime ses seuls moyens. Elle comprend la plupart
261 e comprend la plupart des auteurs qui se gaussent des deux premières, ceux qui méprisent la vie bourgeoise, l’amour et le m
262 manence, les vertus trop massives. C’est l’espèce des immoralistes. Sans les valeurs anarchiques qu’ils défendent, le jeune
263 sentirait prisonnier. Il en viendrait peut-être à des actes irréparables. Mais il y a les immoralistes : ils expriment bien
264 es propres révoltes et ses rêves. Ils lui en font une espèce de gloire. Le voilà justifié dans sa mauvaise conscience. Jeun
265 sé. Mais la conscience bourgeoise les ignore avec une rigueur obstinée. Nous pourrions simplifier encore et dire : il y a d
266 rd, entraînent les jeunes à hue et à dia, lancent des modes, les renient, se persuadent de l’importance de leurs caprices,
267 lus d’autorité. Critiquer, c’est d’abord posséder un critère, ensuite le faire valoir avec intransigeance. Or le critère m
268 ence du régime plus qu’ils n’annoncent la venue d’ un nouvel ordre. Une critique dépourvue de critère indépendant de la lit
269 us qu’ils n’annoncent la venue d’un nouvel ordre. Une critique dépourvue de critère indépendant de la littérature est conda
270 bien écrit, mal composé, intéressant ; elle dose des influences, elle prévoit des succès ; elle s’applique à parler du liv
271 éressant ; elle dose des influences, elle prévoit des succès ; elle s’applique à parler du livre dont on parle plutôt que d
272 gnore. Elle ne juge plus : elle traduit la rumeur des salons, des cafés, des antichambres d’éditeurs. À sa façon, non moins
273 ne juge plus : elle traduit la rumeur des salons, des cafés, des antichambres d’éditeurs. À sa façon, non moins que les lit
274 s : elle traduit la rumeur des salons, des cafés, des antichambres d’éditeurs. À sa façon, non moins que les littérateurs d
275 réations intellectuelles. Si l’on voulait trouver un critère général qui nous permît d’évaluer les œuvres et leur influenc
276 bien qu’il faudrait le chercher aujourd’hui dans une science que je n’aime guère, et qui s’appelle la sociologie. La grand
277 t qu’elle s’est rendue justiciable de la critique des marxistes. « L’art pour l’art » reste sa méthode, et lui tient lieu d
278 t proprement bourgeoise ; conservatrice, en fait, des valeurs établies ; liée, en fait et par ses conséquences pratiques, à
279 par ses conséquences pratiques, à l’établissement des bourgeois. Mais cette critique « de classe » reste encore négative. E
280 négative. Elle se condamne aussi à rendre compte des seules œuvres mineures, toute création réelle étant la position d’un
281 neures, toute création réelle étant la position d’ un acte indépendant des mécanismes de la société. Il nous faut faire un
282 on réelle étant la position d’un acte indépendant des mécanismes de la société. Il nous faut faire un pas de plus. Il nous
283 des mécanismes de la société. Il nous faut faire un pas de plus. Il nous faut dire enfin que c’est l’homme en tant qu’hom
284 elle refuse de l’enseigner, soit qu’elle enseigne des valeurs hasardeuses, ou périmées, ou anarchiques. Le moralisme était
285 sprit cesse d’être autorité, tombent sous le coup des lois publicitaires. Et la publicité traduit les exigences d’une class
286 citaires. Et la publicité traduit les exigences d’ une classe bourgeoise très capricieuse dans ses goûts, parce qu’elle est
287 ces. Il n’y a pas d’exemples, dans l’histoire, qu’ une littérature sans nécessité intérieure, — c’est-à-dire sans message po
288 et populaire — n’ait été finalement utilisée par des puissances qu’elle avait négligées ou dont elle s’était faite complic
289 politique. Tout ce qui n’est pas déjà au service des hommes, est déjà au service de ce qui les opprime. Notre individualis
290 e contre l’esprit. Préface à l’imprévisible Une littérature n’est valable — et son influence efficace — que si elle o
291 uence efficace — que si elle ordonne ses œuvres à une commune mesure humaine. Mais notre siècle est justement le siècle de
292 re siècle est justement le siècle de la décadence des lieux communs. L’Ordre, le Bien Public, la Richesse, la Puissance nat
293 Rudolf Kassner, n’ont presque plus en commun que des banalités. » Mais quelle est la nature de ces banalités ? L’aventure
294 une à la pensée et à l’action, — hors la monnaie. Un monde sans mesure, comme le nôtre, est aussi un monde sans grandeur.
295 . Un monde sans mesure, comme le nôtre, est aussi un monde sans grandeur. Telle est notre médiocrité. La seule mesure exté
296 s, dans les partis, dans l’État ou dans la nation un principe de grandeur qui n’est plus que dans l’homme. Mais si nous tr
297 dans la personne, et non plus dans les intérêts d’ un pouvoir ou d’une classe, voilà bien l’aboutissement de toute l’évolut
298 , et non plus dans les intérêts d’un pouvoir ou d’ une classe, voilà bien l’aboutissement de toute l’évolution démocratique,
299 tique. « Dernière heure de l’État, première heure des hommes. » Nous dirons première heure de la personne. Ceux qui n’ont p
300 ls voir d’autre, dans le monde où nous sommes, qu’ un désordre impensable, appel aux dictateurs ? Mais ceux qui connaissent
301 conscience de sa liberté. Toute création suppose une liberté, ou plus exactement, créer, c’est être libre. Un art nouveau,
302 rté, ou plus exactement, créer, c’est être libre. Un art nouveau, c’est une liberté nouvelle. Mais c’est aussi une obéissa
303 t, créer, c’est être libre. Un art nouveau, c’est une liberté nouvelle. Mais c’est aussi une obéissance nouvelle. Je ne con
304 eau, c’est une liberté nouvelle. Mais c’est aussi une obéissance nouvelle. Je ne conçois de liberté concrète que dans l’exe
305 Car l’exercice de la liberté personnelle entraîne des engagements humains ; rapidement il se concrétise en relations de res
306 responsabilité. Et voilà bien le seul fondement d’ une communauté vivante. L’écrivain sera créateur dans la mesure où il obé
307 ublic. Une fois posés ces fondements spirituels d’ une littérature rénovée, qu’aurions-nous la témérité et la naïveté de pré
308 rité et la naïveté de prévoir ? On ne prévoit pas un chef-d’œuvre, et la littérature, c’est d’abord les chefs-d’œuvre. Mai
309 Je dirai donc ce que notre désir invoque. Je vois un grand dessin véhément et humble de Rembrandt, des amas d’ombres groui
310 un grand dessin véhément et humble de Rembrandt, des amas d’ombres grouillants d’êtres révélés et saisis par le droit flot
311 , les replis de la vie quotidienne fouillés comme un cauchemar par le brusque soleil, et l’homme au centre, campé dans sa
312 ouvrant les yeux sur sa misère, portant sur elle un jugement sobre, — l’homme, vu dans l’élan peut-être chancelant qui le
313 on constituante de notre vie, celle qui unit dans un même regard les apparences actuelles et l’ordonnance finale qui les i
314 qui les juge. J’imagine d’abord ce réalisme comme une énorme satire à la Swift, quand je vois le comique jaillir à la moind
315 on de nos coutumes et de nos idéaux. Il nous faut une équipe d’écrivains qui entreprennent de confronter la vie privée des
316 ins qui entreprennent de confronter la vie privée des hommes d’aujourd’hui avec les buts qu’ils croient viser, d’une part,
317 t assignés par leur raison d’être profonde. C’est un amer divertissement que nous offre la vie quotidienne des citadins :
318 divertissement que nous offre la vie quotidienne des citadins : ils ont en tête trente-six morales contradictoires et auta
319 Certains verront peut-être dans l’Ulysse de Joyce une satire de ce genre, minutieuse confrontation de l’idéal rêvé et du so
320 ais Joyce est justement le plus parfait exemple d’ un vice fondamental de la pensée bourgeoise, vice qui le lie au monde an
321 de n’en jamais avoir, qui est sans doute le pire des partis pris. La littérature romanesque décrit depuis cent ans nos mœu
322 it depuis cent ans nos mœurs et nos malheurs avec une croissante application à la stupidité, j’entends à l’absence de jugem
323 dité, j’entends à l’absence de jugement. S’il est un genre que nos critiques sont unanimes à condamner sans nul recours, c
324 l’échec de Bourget qui peut expliquer à lui seul un refus aussi opportun de la part de nos romanciers. La vérité, c’est q
325 ’ils ne sont pas les descriptions désenchantées d’ une société en voie de dissolution atomique. Les civilisations consciente
326 affirmer leur morale. Elles n’ont jamais pensé qu’ une œuvre d’art perdrait de sa valeur à illustrer des « thèses », à dével
327 une œuvre d’art perdrait de sa valeur à illustrer des « thèses », à développer des lieux communs puissants. Nous voyons la
328 a valeur à illustrer des « thèses », à développer des lieux communs puissants. Nous voyons la Russie contemporaine restaure
329 ittérature sur les masses, parce qu’elle restaure une conscience commune. Nous voyons aussi le bourgeois s’émerveiller de c
330 s que le fascisme ne tire bénéfice, avant nous, d’ une faim trop facile à tromper. Il est bon, il est nécessaire que la litt
331 x hommes les fins de leurs activités. C’est, pour un écrivain, ordonner les moyens de son art à ces fins. Il y faut bien a
332 influencent leurs lecteurs au hasard, aux hasards des passions du jour, sans soupçonner les conséquences, économiques ou re
333 quences, économiques ou religieuses, par exemple, des « idées » qu’ils mettent en action. La littérature nouvelle, couronna
334 nt en action. La littérature nouvelle, couronnant un ordre nouveau, sera forcément plus soucieuse des échos qu’elle ébranl
335 t un ordre nouveau, sera forcément plus soucieuse des échos qu’elle ébranle, mieux informée des problèmes qu’elle incarne,
336 ucieuse des échos qu’elle ébranle, mieux informée des problèmes qu’elle incarne, parce qu’elle tiendra la mesure de l’humai
337 e, cela ne va pas à la spéculation gratuite, dans un monde personnaliste. Les « idées pures » sont des cadavres d’idées ;
338 un monde personnaliste. Les « idées pures » sont des cadavres d’idées ; les idées vivantes sont des actes. Apprenons à pen
339 nt des cadavres d’idées ; les idées vivantes sont des actes. Apprenons à penser en actes, c’est-à-dire à penser avec les ma
340 et âme sans distinction. Apprenons à penser comme des hommes responsables, non plus comme des amuseurs de salon. Il y aurai
341 ser comme des hommes responsables, non plus comme des amuseurs de salon. Il y aurait quelque chose de nouveau dans les lett
342 res si tous les essayistes étaient tenus à rendre un compte public des fins extrêmes qu’ils escomptent pour leurs spéculat
343 ssayistes étaient tenus à rendre un compte public des fins extrêmes qu’ils escomptent pour leurs spéculations les plus grat
344 ratuites en apparence. Enfin pour liquider l’une des dernières « valeurs » du romantisme, je proposerais d’ériger en vertu
345 sme, je proposerais d’ériger en vertu le mépris d’ une certaine originalité de forme. Le raffinement des moyens artistiques
346 une certaine originalité de forme. Le raffinement des moyens artistiques est toujours un assez mauvais signe dans une socié
347 e raffinement des moyens artistiques est toujours un assez mauvais signe dans une société décadente. Il est poussé à la ma
348 istiques est toujours un assez mauvais signe dans une société décadente. Il est poussé à la manie par les suiveurs des maît
349 adente. Il est poussé à la manie par les suiveurs des maîtres d’après-guerre. Les mauvais écrivains d’aujourd’hui ne valent
350 ien humainement. Ils ne font que copier les vices des meilleurs. Les plus primaires sont les moins spontanés. Partout, les
351 buts de l’écrivain et le séparent de l’humanité. Une littérature personnaliste rétablira la hiérarchie, rendra aux moyens
352 e plus fidèlement. C’est à partir d’elle seule qu’ un art original se développera naturellement en un art communautaire, et
353 u’un art original se développera naturellement en un art communautaire, et que les moindres œuvres, traduisant même sans t
354 uisant même sans talent la vocation authentique d’ un homme, prendront cette valeur humaine qu’ont les mémoires et « livres
355 ement nouvelle. Mais toute révolution est d’abord un rappel à certaines vertus négligées. Une nouvelle insistance sur la d
356 t d’abord un rappel à certaines vertus négligées. Une nouvelle insistance sur la définition de l’homme. Une nouvelle discip
357 nouvelle insistance sur la définition de l’homme. Une nouvelle discipline. Et une nouvelle aisance. 12. Un éditeur intro
358 éfinition de l’homme. Une nouvelle discipline. Et une nouvelle aisance. 12. Un éditeur introduit en ces termes une colle
359 velle discipline. Et une nouvelle aisance. 12. Un éditeur introduit en ces termes une collection de romans populaires :
360 isance. 12. Un éditeur introduit en ces termes une collection de romans populaires : « Tenter d’arracher le lecteur aux
361 ans « cette littérature » la révolte surréaliste. Une révolte qui n’a pas su s’assigner des buts constructifs échoue toujou
362 urréaliste. Une révolte qui n’a pas su s’assigner des buts constructifs échoue toujours, et fatalement, dans un conformisme
363 constructifs échoue toujours, et fatalement, dans un conformisme nouveau (AEAR). Tout de même qu’une révolution mal fondée
364 ns un conformisme nouveau (AEAR). Tout de même qu’ une révolution mal fondée en doctrine, ou qui trahit ses buts humains fin
365 ngulière est la parole que Dieu lui adresse comme un ordre ; pour l’incroyant, c’est la mission dont il se sent responsabl
366 rs lui-même. g. Rougemont Denis de, « Préface à une littérature », Esprit, Paris, octobre 1934, p. 24-33.
7 1934, Esprit, articles (1932–1962). Sur une nouvelle de Jean Giono (novembre 1934)
367 Sur une nouvelle de Jean Giono (novembre 1934)h On ne devrait jamais lire
368 ne devrait jamais lire les hebdomadaires. Ce sont des entreprises de démoralisation : 1° parce qu’ils satisfont à peu de fr
369 qu’ils incitent les écrivains de métier à écrire des stupidités, des pornographies pauvrettes, des « variétés » publicitai
370 les écrivains de métier à écrire des stupidités, des pornographies pauvrettes, des « variétés » publicitaires et en généra
371 ire des stupidités, des pornographies pauvrettes, des « variétés » publicitaires et en général de la littérature de Prisuni
372 concéderai qu’il arrive parfois qu’on trouve dans une de ces feuilles une page digne de l’écrivain qui l’a signée : Monther
373 ive parfois qu’on trouve dans une de ces feuilles une page digne de l’écrivain qui l’a signée : Montherlant par exemple, ou
374 xemple, ou Giono. Marianne a publié, le 15 août, une nouvelle de Jean Giono intitulée « La femme morte », qui n’est pas un
375 Giono intitulée « La femme morte », qui n’est pas une nouvelle bien faite, mais qui est un peu mieux que cela, une présence
376 i n’est pas une nouvelle bien faite, mais qui est un peu mieux que cela, une présence, une plainte juste, une voix d’homme
377 e bien faite, mais qui est un peu mieux que cela, une présence, une plainte juste, une voix d’homme. L’auteur entre dans le
378 mais qui est un peu mieux que cela, une présence, une plainte juste, une voix d’homme. L’auteur entre dans les confidences
379 mieux que cela, une présence, une plainte juste, une voix d’homme. L’auteur entre dans les confidences d’une femme non mar
380 ix d’homme. L’auteur entre dans les confidences d’ une femme non mariée (on ne voudrait pas dire une vieille fille) — une fe
381 s d’une femme non mariée (on ne voudrait pas dire une vieille fille) — une femme de la campagne vaudoise, qui a eu des malh
382 iée (on ne voudrait pas dire une vieille fille) — une femme de la campagne vaudoise, qui a eu des malheurs, qui les conte a
383 le) — une femme de la campagne vaudoise, qui a eu des malheurs, qui les conte assez mal — Giono s’en mêle trop — et qui a c
384 ps la citation : dire oui à la vie, c’est surtout une formule nietzschéenne, et qui signifie chez Nietzsche à peu près le c
385 ue cette femme veut expliquer à Giono. Mais voilà un trait juste, de la part du romancier, — s’il est voulu. Les mots, les
386 cier, — s’il est voulu. Les mots, les expressions des philosophes sont sans cesse repris par les simples — et aussi par les
387 , mais se chargent alors, parfois, dans la bouche des innocents, d’une humanité émouvante, — émouvante par l’erreur même. L
388 t alors, parfois, dans la bouche des innocents, d’ une humanité émouvante, — émouvante par l’erreur même. La femme poursuit 
389 ux qui ont besoin de comprendre le monde ? — J’ai une grande dette de reconnaissance à payer à M. Johan Bojer, et s’il étai
390 t à cause de sa beauté (et parce qu’il faut faire un sort à ces choses-là quand on en trouve), mais aussi par manière de c
391 ussi par manière de conclusion à cette Préface à une littérature, qu’on a pu lire ici le mois dernier. Ah ! nous sommes l
392 me me voir, sans me soupçonner. Ils jouaient avec des automobiles, des divans, des hommes et des femmes qui couchaient tell
393 me soupçonner. Ils jouaient avec des automobiles, des divans, des hommes et des femmes qui couchaient tellement ensemble qu
394 r. Ils jouaient avec des automobiles, des divans, des hommes et des femmes qui couchaient tellement ensemble qu’ils en étai
395 t avec des automobiles, des divans, des hommes et des femmes qui couchaient tellement ensemble qu’ils en étaient perpétuell
396 ient perpétuellement imbriqués comme les pièces d’ un puzzle. Dès qu’on les sépare, il faut chercher dans quel trou va la c
397 x-là, je dois la nourriture de ma maison, comme à des dieux. « Aidez-moi ! », dit cette femme. Mais la plupart des autres,
398 chez-moi la paix ! Faites-moi rigoler, donnez-moi des sensations, mais surtout ne vous occupez pas de cela en moi dont je n
399 rer et ne disposant d’aucun moyen rapide, je hèle une auto. Le conducteur est seul. Il me prend volontiers. Nous causons. C
400 seul. Il me prend volontiers. Nous causons. C’est un commerçant de Lyon, la cinquantaine, assez bavard. À certaines allusi
401 u’il est « seul dans la vie ». Pourtant, il porte une alliance. Pauvre gaieté de la vie de garçon, reprise par nécessité… N
402 vant la pissotière, ha ! ha ! ha ! Ça me rappelle une bien bonne histoire, vous devriez lire ça, Clochemerle que ça s’appel
403 bouquin. Ah ça alors ! Tenez, c’est l’histoire d’ une municipalité qui fait construire un des trucs-là juste en face l’égli
404 l’histoire d’une municipalité qui fait construire un des trucs-là juste en face l’église du village, vous voyez d’ici ! Et
405 istoire d’une municipalité qui fait construire un des trucs-là juste en face l’église du village, vous voyez d’ici ! Et tou
406 rcent de répondre à la demande du public. Il faut des livres faciles, des livres gais, etc. C’est, disent-ils, ce qu’on dem
407 la demande du public. Il faut des livres faciles, des livres gais, etc. C’est, disent-ils, ce qu’on demande. — Hé ! oui, pa
408 et pourquoi ils le demandent ? Est-ce que le rôle des éditeurs, mais surtout et d’abord des écrivains, ne serait pas justem
409 que le rôle des éditeurs, mais surtout et d’abord des écrivains, ne serait pas justement de savoir un peu mieux que « les g
410 des écrivains, ne serait pas justement de savoir un peu mieux que « les gens » de quoi ils ont besoin et ce qu’ils demand
411 it. h. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Sur une nouvelle de Jean Giono », Esprit, Paris, novembre 1934, p. 292-295.
8 1934, Esprit, articles (1932–1962). Définition de la personne (décembre 1934)
412 elle. Toutefois, l’exposé qu’on va lire n’est pas un résumé des idées défendues par les deux groupes cités (et qui sont ab
413 efois, l’exposé qu’on va lire n’est pas un résumé des idées défendues par les deux groupes cités (et qui sont absolument in
414 l’un de l’autre). Cet exposé traduit au contraire un effort tout à fait « personnel » pour exprimer une conscience philoso
415 un effort tout à fait « personnel » pour exprimer une conscience philosophique que l’auteur voudrait d’ailleurs considérer
416 cte qui consiste à les toucher et à les voir. Car un objet que personne n’a vu ni touché appartient à la connaissance qu’o
417 ce qu’on nomme abstraite, qui est la connaissance des choses en tant qu’absentes. Mais c’est une autre erreur que d’attribu
418 ssance des choses en tant qu’absentes. Mais c’est une autre erreur que d’attribuer à la vision, ou au toucher, ou à la conn
419 à la vision, ou au toucher, ou à la connaissance, une réalité suffisante et détachée de toute action particulière. (Ainsi r
420 lière. (Ainsi rêve l’idéalisme.) Pour qu’il y ait une réalité, pour qu’il y ait quelque chose de concret, il faut une mise
421 our qu’il y ait quelque chose de concret, il faut une mise en présence certifiée par un événement ; il faut que la rencontr
422 ncret, il faut une mise en présence certifiée par un événement ; il faut que la rencontre d’un sujet avec un objet soit at
423 iée par un événement ; il faut que la rencontre d’ un sujet avec un objet soit attestée par quelque modification sensible.
424 nement ; il faut que la rencontre d’un sujet avec un objet soit attestée par quelque modification sensible. Les objets mat
425 ne sont vraiment objets que si la connaissance d’ un homme les saisit. La connaissance d’un homme n’est réellement sujet q
426 aissance d’un homme les saisit. La connaissance d’ un homme n’est réellement sujet que dans l’instant où elle rencontre une
427 lement sujet que dans l’instant où elle rencontre une occasion de s’exercer, et la saisit. Par ces deux phrases, nous n’avo
428 oncret, nous supposons le problème résolu. Seule, une valeur déterminée de l’inconnue donne une réalité aux relations que n
429 Seule, une valeur déterminée de l’inconnue donne une réalité aux relations que nous venons de proposer, transforme l’équat
430 cette valeur précise de l’inconnue ? Examinons d’ un peu plus près les données qu’il faut mettre en présence. Sujet en ta
431 ujet en tant qu’actif, objet en tant qu’agi, sont des concepts dont le seul contenu paraît au seul instant de leur présence
432 st essentiellement provocante. Il cherche partout un objet qui lui donne occasion de manifester son pouvoir. Et son angois
433 ec l’objet. Par où l’on voit que le sujet détient une primauté de fait. Il peut s’éprouver dans l’angoisse, il y trouve, lo
434 er dans l’angoisse, il y trouve, loin de l’objet, une sorte d’existence virtuelle, incomplète mais déjà consciente ; cepend
435 dire qu’augmenter son angoisse de l’impression d’ une impuissance. Alors l’objet n’a pas d’autre existence que celle d’une
436 ors l’objet n’a pas d’autre existence que celle d’ une fatalité abstraite pesant sur la conscience du sujet. Mais dès que l’
437 secoue ce sortilège, sort de ses ombres, cherche des résistances, veut agir, trouve son objet, — la fatalité disparaît, l’
438 njointement. Et c’est ainsi que le concret naît d’ une décision de l’homme provocateur de la présence. 3. La présence de
439 de la présence. 3. La présence de l’homme est un acte La joie de l’homme, ou sa douleur, tels sont les signes de so
440 ui considèrent l’homme, dans leurs calculs, comme un facteur indifférent, comme un objet ou comme un chiffre : ils ne save
441 eurs calculs, comme un facteur indifférent, comme un objet ou comme un chiffre : ils ne savent pas de quoi ils parlent, l’
442 e un facteur indifférent, comme un objet ou comme un chiffre : ils ne savent pas de quoi ils parlent, l’homme dont ils par
443 i ils parlent, l’homme dont ils parlent n’est pas un homme, mais une chose faible et petite dont ils ignorent la nature. C
444 l’homme dont ils parlent n’est pas un homme, mais une chose faible et petite dont ils ignorent la nature. Ceux qui calculen
445 ’homme, est à jamais incalculable, si l’homme est un événement, une rupture et une création, un fauteur de nouveauté pure,
446 jamais incalculable, si l’homme est un événement, une rupture et une création, un fauteur de nouveauté pure, un poseur de q
447 able, si l’homme est un événement, une rupture et une création, un fauteur de nouveauté pure, un poseur de questions, un « 
448 me est un événement, une rupture et une création, un fauteur de nouveauté pure, un poseur de questions, un « prochain » et
449 re et une création, un fauteur de nouveauté pure, un poseur de questions, un « prochain » et non pas un problème à résoudr
450 auteur de nouveauté pure, un poseur de questions, un « prochain » et non pas un problème à résoudre à distance ; en un mot
451 n poseur de questions, un « prochain » et non pas un problème à résoudre à distance ; en un mot, si l’homme est un acte.
452 et non pas un problème à résoudre à distance ; en un mot, si l’homme est un acte. 4. L’acte est insaisissable, parce qu
453 à résoudre à distance ; en un mot, si l’homme est un acte. 4. L’acte est insaisissable, parce qu’il est saisissant T
454 inhumain (à la limite), et c’est encore à dire qu’ une « science de l’homme » qui se veut purement descriptive est exacte da
455 contester le fait, démontré par l’existence même des psychologues. L’apparition de la psychologie est à peu près contempor
456 r là même le déshumanise. Elle pose l’homme comme un problème, et pour autant elle est bien obligée de prendre du recul pa
457 t ainsi que l’existence du psychologue repose sur un sophisme qu’il faut qualifier d’inversion pure et simple de l’humain.
458 venter. L’acte étant sujet pur, il ne sera jamais un objet de l’entendement. Et c’est pourquoi rien ne peut l’expliquer. M
459 i rend l’homme visible à l’homme, et nous sculpte un visage lisible. Sur la scène du monde, où nous avons été placés, dans
460 re, c’est-à-dire qu’il nous faut inventer, il y a des figurants qui n’ont pas de visage ; mais ceux qu’on voit sont les act
461 t qu’il est lui-même, fait aussi qu’il n’est plus un isolé, mais un prochain. 6. La personne est une vocation Qu’on
462 -même, fait aussi qu’il n’est plus un isolé, mais un prochain. 6. La personne est une vocation Qu’on n’oublie pas qu
463 un isolé, mais un prochain. 6. La personne est une vocation Qu’on n’oublie pas que la scène du drame, tout bien compt
464 cret où l’on se cache, qui ne soit justement l’un des lieux où l’action générale avait dessein de nous placer. Ainsi donc,
465 uoi le drame est sérieux ; et notre vie n’est pas une farce, pour la simple raison qu’elle est unique, et qu’on ne peut cha
466 il reste à savoir pourquoi tel figurant jeté dans une intrigue insaisissable devient tout à coup un acteur, et se met à se
467 ns une intrigue insaisissable devient tout à coup un acteur, et se met à se comporter tout comme s’il connaissait le fil d
468 ns son rôle ? Pour quelle raison sort-il du chœur des anonymes résignés, pour revêtir un vrai visage, un nom et une autorit
469 t-il du chœur des anonymes résignés, pour revêtir un vrai visage, un nom et une autorité, une attitude d’auteur de son pro
470 s anonymes résignés, pour revêtir un vrai visage, un nom et une autorité, une attitude d’auteur de son propre destin ? C’e
471 résignés, pour revêtir un vrai visage, un nom et une autorité, une attitude d’auteur de son propre destin ? C’est ce que l
472 r revêtir un vrai visage, un nom et une autorité, une attitude d’auteur de son propre destin ? C’est ce que l’on ne voit po
473 ndant que chacun peut voir qu’il existe, en fait, des personnes ; cependant que chacun peut savoir en quoi consiste sa prop
474 roit, nous l’avons vu, que nous pouvons attribuer un sens commun, ou plus exactement une réalité d’existence commune à des
475 vons attribuer un sens commun, ou plus exactement une réalité d’existence commune à des concepts très diversement définis p
476 plus exactement une réalité d’existence commune à des concepts très diversement définis par les philosophes de l’école : pr
477 , personne. À tel point que la vraie définition d’ un de ces termes n’est pas ailleurs que dans son assimilation existentie
478 istentielle à tous les autres. Mais ces concepts, un à un, ne peuvent être saisis dans le temps ni dans l’espace conçus pa
479 tielle à tous les autres. Mais ces concepts, un à un , ne peuvent être saisis dans le temps ni dans l’espace conçus par not
480 le temps, mais aussi nous permettent d’en prendre une mesure humaine. Toute présence est un éclair d’éternité qui rompt le
481 en prendre une mesure humaine. Toute présence est un éclair d’éternité qui rompt le temps pour initier un temps nouveau. D
482 éclair d’éternité qui rompt le temps pour initier un temps nouveau. De cette rupture, l’Histoire peut témoigner, mais aprè
483 nérale par cette apparition qui s’y insère. C’est une nouvelle qualité du concret. Mais ce mystère de la présence, si l’on
484 l’individu en acte, et qui devient à cet instant une personne. L’homme n’est un vrai sujet que parce qu’il est personnelle
485 devient à cet instant une personne. L’homme n’est un vrai sujet que parce qu’il est personnellement assujetti à l’impulsio
486 elons l’éternel. La personne est le témoignage d’ une vocation reçue et obéie. Je suis personne dans la mesure où mon actio
487 s venons de parcourir, il faut ajouter maintenant un dernier terme qui la résume tout entière : c’est le terme d’incarnati
488 erait ainsi la coïncidence absolue et manifeste d’ une vocation et d’un individu, dans chaque action de cet individu. Ou bie
489 ncidence absolue et manifeste d’une vocation et d’ un individu, dans chaque action de cet individu. Ou bien encore l’appari
490 on de cet individu. Ou bien encore l’apparition d’ une vocation en lieu et place d’un individu. La psychologie de la personn
491 re l’apparition d’une vocation en lieu et place d’ un individu. La psychologie de la personne parfaite se réduirait puremen
492 purement et simplement à son histoire, à l’énoncé des témoignages visibles qu’elle produit. Dans ce sens, elle n’aurait auc
493 eurs et créateurs, sont simplement déterminés par une mécanique impersonnelle. Ils ne sont pas les actes d’un auteur, mais
494 anique impersonnelle. Ils ne sont pas les actes d’ un auteur, mais les contrecoups nécessaires d’un procès initié par d’aut
495 s d’un auteur, mais les contrecoups nécessaires d’ un procès initié par d’autres, d’un procès anonyme étranger à notre être
496 ps nécessaires d’un procès initié par d’autres, d’ un procès anonyme étranger à notre être, et que nous baptisons fatalité,
497 très peu personnels. Nous sommes aliénés au monde des objets. Nous sommes surtout les jouets humiliés de ce qui nie notre d
498 u’ils ont cru concevoir, dans ce qui les attaque, une fatale loi justifiée en raison. D’où vient alors l’idée de la personn
499 vient alors l’idée de la personne, et ce regret d’ une dignité que la raison des peuples et des clercs s’accorde à révoquer
500 ersonne, et ce regret d’une dignité que la raison des peuples et des clercs s’accorde à révoquer en doute ? L’imagination d
501 regret d’une dignité que la raison des peuples et des clercs s’accorde à révoquer en doute ? L’imagination de la personne à
502 de la personne à l’état pur resterait à nos yeux une espèce d’utopie ontologique, si la Révélation n’en attestait l’acte h
503 rsonne par excellence : or, cette foi consiste en une action16. (Ce qui confirme nos propositions sur la nature actuelle de
504 ’est-à-dire présent à lui-même et aux autres dans un même élan. Tout acte personnel est participation à l’actualité éterne
505 re certifiée par quelque signe matériel. L’idée d’ une personne isolée ou n’entretenant avec les autres que des rapports dis
506 sonne isolée ou n’entretenant avec les autres que des rapports distants et virtuels est une contradiction in terminis. L’a
507 autres que des rapports distants et virtuels est une contradiction in terminis. L’aspect communautaire de la personne, en
508 u est le terme dernier de la division objective d’ une société au sens des sociologues. Il joue, sur le plan politique, le r
509 er de la division objective d’une société au sens des sociologues. Il joue, sur le plan politique, le rôle que jouait l’ato
510 an politique, le rôle que jouait l’atome aux yeux des physiciens du dernier siècle : il est l’élément insécable qui marque
511 insécable qui marque la limite de décomposition d’ un corps quelconque. Autrement dit, l’individu n’est conçu qu’à partir d
512 qu’à partir de l’ensemble du corps social, comme un élément numérique, indifférencié, objectif. On l’obtient par un proce
513 érique, indifférencié, objectif. On l’obtient par un processus d’isolation. Quel rôle peut jouer la personne dans cette im
514 ce, c’est-à-dire de la puissance de combinaison d’ un atome. Mais il nous faut laisser ce modèle mécanique, puisqu’aussi bi
515 on du corps social en individus libres au terme d’ une évolution scientifique et organisée (thèse de Marx et de Lasalle) la
516 alle) la conception personnaliste oppose mieux qu’ un scepticisme : elle renverse de fond en comble l’ordre des valeurs éta
517 ticisme : elle renverse de fond en comble l’ordre des valeurs établies par le rationalisme et le collectivisme, elle prend
518 en de chacun ? Prenons garde de retomber ici dans un ordre contractuel où la personne abritée par la loi perde à la fois s
519 fait humain primordial. Le droit divin n’est pas un droit humain élevé dans l’absolu, mais la fin de tout droit humain, e
520 La formule du rapport social ne doit pas contenir une revendication de droit, mais une position de fait. La voici : le bien
521 oit pas contenir une revendication de droit, mais une position de fait. La voici : le bien de tous n’est ni concevable ni r
522 e plus en plus abstraite à mesure qu’on s’élève à des nombres plus grands, du pouvoir prochain de la personne ; il n’est ri
523 de l’homme qui se dépasse. Qu’importe l’honneur d’ un pays, s’il est le fruit de la déshumanisation des citoyens ? Qu’impor
524 ’un pays, s’il est le fruit de la déshumanisation des citoyens ? Qu’importe une « assurance-vie », si la seule réalité viva
525 t de la déshumanisation des citoyens ? Qu’importe une « assurance-vie », si la seule réalité vivante est dans le risque ? Q
526 e est dans le risque ? Qu’importe la multiplicité des relations, si elle entraîne l’irresponsabilité des hommes reliés ? Qu
527 es relations, si elle entraîne l’irresponsabilité des hommes reliés ? Qu’importe l’ordre de l’État, s’il se maintient au pr
528 fin de compte, l’humanité, s’il n’y a pas d’abord des hommes présents les uns aux autres ? La personne ne sera pas au terme
529 s aux autres ? La personne ne sera pas au terme d’ une société parfaite, pour la simple raison qu’il n’y a de rapport humain
530 i s’entrebattent dans la confusion et nourrissent des haines bavardes. Je veux parler ici de deux d’entre elles seulement,
531 veux parler ici de deux d’entre elles seulement, des fameux jumeaux ennemis qu’on voit partout inséparables : matérialisme
532 le matérialisme a compris qu’il y a pour l’homme un monde des objets, ce que niaient pratiquement beaucoup de clercs ; il
533 ialisme a compris qu’il y a pour l’homme un monde des objets, ce que niaient pratiquement beaucoup de clercs ; il a compris
534 hénomène homme ne se produit en fait qu’au niveau des objets, et que tout ce qui est doit pouvoir être vu, être touché, con
535 us la main17 ; il a compris que l’homme n’est pas un ange, qu’il est un corps jeté au milieu d’autres corps, et que c’est
536 compris que l’homme n’est pas un ange, qu’il est un corps jeté au milieu d’autres corps, et que c’est un orgueil assez co
537 corps jeté au milieu d’autres corps, et que c’est un orgueil assez court que de prétendre l’ignorer ; il a compris le fait
538 le fait — sinon l’acte — de l’incarnation. Il y a une santé dans le matérialisme, et une humilité où la personne retrouve l
539 nation. Il y a une santé dans le matérialisme, et une humilité où la personne retrouve l’un des pôles de sa tension. Peut-ê
540 sme, et une humilité où la personne retrouve l’un des pôles de sa tension. Peut-être est-il plus difficile d’être équitable
541 e la liberté. Il a su reconnaître que l’homme est un sujet (au sens initiateur, et non pas ironique !) et qu’il dépend de
542 force, il refuse de l’exercer, de l’engager dans des limites objectives. Il veut se garder pur, et reste virtuel. Il se cr
543 nie pas grossièrement notre puissance — ce serait une manière de la mieux provoquer — mais glorifiant le sujet pur comme te
544 érialiste trouve dans la carence du spiritualisme une espèce provisoire de justification. Il y a dans cette révolte un cert
545 soire de justification. Il y a dans cette révolte un certain ascétisme : celui des lendemains amers de débauche. Il y a au
546 a dans cette révolte un certain ascétisme : celui des lendemains amers de débauche. Il y a aussi dans la doctrine détermini
547 trine déterministe qu’elle édicte, l’expression d’ un ressentiment contre l’« esprit » demeuré incapable de témoigner de no
548 ous avons quitté en définissant la personne comme un acte. Hors l’acte, la matière demeure abstraite ou tyrannique. Hors l
549 st l’expression de notre solidarité avec le monde des objets ; l’aspect de l’âme est notre orientation, l’originalité essen
550 iginalité essentielle de l’homme au sein du monde des objets, c’est-à-dire notre capacité de choisir librement nos contacts
551 ce qui la révèle et l’effectue. Corps et âme sont un seul et même être ; ils naissent ensemble et meurent ensemble, ils so
552 s naissent ensemble et meurent ensemble, ils sont une seule et même « chair ». C’est une étrange erreur que de nommer « esp
553 mble, ils sont une seule et même « chair ». C’est une étrange erreur que de nommer « esprit » l’aspect original du corps hu
554 sprit » l’aspect original du corps humain ; c’est une étrange erreur que de rêver l’âme immortelle19 ; et c’est au nom de c
555 les morts20. En vérité, cette illusion provient d’ une pensée qui se refuse à nos limites, faute parfois de les avoir assez
556 oir assez sérieusement éprouvées, faute surtout d’ une foi qui rendrait vain le plus consolant de nos rêves. C’est une tenta
557 ndrait vain le plus consolant de nos rêves. C’est une tentative impie pour substituer la conscience à la vocation personnel
558 erté à l’exercice concret de cette liberté. C’est une usurpation de l’éternel par la conscience contingente, par cette cons
559 contingente, par cette conscience insinuée comme un retard entre l’individu et sa pressante vocation. L’âme immortelle n’
560 ion. L’âme immortelle n’est rien que l’illusion d’ un égoïsme qui se glorifie dans l’abstrait. Qu’est-ce alors, parmi nous
561 le mesurer — mais sa grandeur pourtant n’est pas un nombre. J’appelle esprit cette surprise pure de mon corps qui se voit
562 ut-être entendu quelque parole, on n’a rien vu qu’ un corps en mouvement. C’est parce que Dieu s’est révélé dans un corps d
563 mouvement. C’est parce que Dieu s’est révélé dans un corps d’homme que l’esprit, parmi nous, n’est rien — hors la démonstr
564 hors la démonstration charnelle et déchiffrable d’ une action. Jésus-Christ est le verbe incarné, la vocation toujours prése
565 n n’entend ni ne voit avant de l’avoir obéie dans un instant indescriptible et manifeste. Au commencement était le Verbe,
566 t événement », que l’idée du concret cesse d’être une idée, que la personne existe et que l’acte transforme. Ce qui témoign
567 ’indicible réception de la parole, ce n’est point une extase, ni une angoisse, ni toujours une plénitude de la joie, ni jam
568 ption de la parole, ce n’est point une extase, ni une angoisse, ni toujours une plénitude de la joie, ni jamais rien qui fû
569 st point une extase, ni une angoisse, ni toujours une plénitude de la joie, ni jamais rien qui fût à moi tel que j’étais, n
570 que j’étais, ni rien que j’aie, mais cet abandon un instant, cette mort cachée dans la vie, cette insensible et peu croya
571 ffit bien à l’éternelle vigilance pour me pousser un peu plus loin que tout calcul, un peu plus près de l’homme que je pui
572 pour me pousser un peu plus loin que tout calcul, un peu plus près de l’homme que je puis être pour les hommes — pour me j
573 es hommes — pour me jeter dans le fait accompli d’ une évidente nouveauté. Maintenant quelque chose s’est passé, un risque e
574 nouveauté. Maintenant quelque chose s’est passé, un risque est là, et ma vie est en lui. L’ai-je accepté ? Déjà tout reco
575 as un second. Et pourtant mon espoir est gagé sur une promesse aussi certaine que ma mort et que la mort du temps lui-même
576 rre, ni l’homme n’est rien devant sa vocation, qu’ un doute ; mais la fidélité de la personne n’est pas vaine. Dans la très
577 ndu dans le sens restrictif de l’esse est percipi des idéalistes (on aura vu tout au contraire que l’esse n’existe pour nou
578 pour nous que in actu), mais bien dans le sens d’ une norme éthique, que le péché seul rend inopérante ; la bonté, par exem
579 bonté, par exemple, n’est rien si elle n’est pas un acte de miséricorde. 18. Politique : l’État est l’expression fatale
580 certitude de la résurrection n’a rien à voir avec une survie de l’âme. L’homme meurt totalement, parce qu’il est totalement
581 u’il est totalement « chair » ; et ce ne sont que des morts qui ressusciteront, non pas des endormis ou des désincarnés. L’
582 ne sont que des morts qui ressusciteront, non pas des endormis ou des désincarnés. L’Église chrétienne, dans son Credo, par
583 morts qui ressusciteront, non pas des endormis ou des désincarnés. L’Église chrétienne, dans son Credo, parle d’une « résur
584 nés. L’Église chrétienne, dans son Credo, parle d’ une « résurrection de la chair », non pas de l’âme ni du corps. i. Roug
9 1934, Esprit, articles (1932–1962). André Breton, Point du jour (décembre 1934)
585 ieurs années, auprès de la critique bourgeoise, d’ une attention d’autant plus sympathique qu’il criait fort et bien, mais m
586 le surréalisme, en somme, qui demeure responsable des premières graves confusions commises depuis la guerre sur le mot de r
587 le mot de révolution. Le public littéraire rendit un très mauvais service aux écrivains surréalistes en les prenant pour c
588 es en les prenant pour ce qu’ils croyaient être : des novateurs, des créateurs, des révolutionnaires enfin. Le fâcheux essa
589 nt pour ce qu’ils croyaient être : des novateurs, des créateurs, des révolutionnaires enfin. Le fâcheux essai d’action comm
590 ls croyaient être : des novateurs, des créateurs, des révolutionnaires enfin. Le fâcheux essai d’action communiste, auquel
591 uire cette attitude, fit voir bientôt l’inanité d’ une pareille prétention. Que reste-t-il du beau tapage ? À défaut de chef
592 -t-il du beau tapage ? À défaut de chefs-d’œuvre, un mode d’expression, trop rapidement vulgarisé d’ailleurs en une espèce
593 pression, trop rapidement vulgarisé d’ailleurs en une espèce de bavardage lyrique dont Breton sera, je crois, le tout premi
594 tre qu’il sue le plus insupportable ennui. Ouvrez une revue de province si vous pensez que j’exagère. Faut-il donc mettre u
595 si vous pensez que j’exagère. Faut-il donc mettre une barre sous la rubrique surréalisme, et verser tout cela au compte des
596 brique surréalisme, et verser tout cela au compte des profits et pertes d’une « élite » bourgeoise en faillite ? Comptabili
597 erser tout cela au compte des profits et pertes d’ une « élite » bourgeoise en faillite ? Comptabilité bonne peut-être pour
598 s pas le cœur à ces injures. Le surréalisme garde une valeur de fait témoin, d’ordre spirituel ; à ce titre, il marque une
599 témoin, d’ordre spirituel ; à ce titre, il marque une époque, bien plus qu’une littérature. Ces quelques hommes — je parle
600  ; à ce titre, il marque une époque, bien plus qu’ une littérature. Ces quelques hommes — je parle des meilleurs d’entre eux
601 u’une littérature. Ces quelques hommes — je parle des meilleurs d’entre eux — ont certainement connu le désespoir de vivre,
602 aussi que l’homme ne peut avouer que s’il connaît un au-delà du désespoir. Faute de le pressentir, ils ont méconnu leur an
603 e donne seule la foi — ils se sont mis à déclamer un désespoir décoratif, un désespoir postiche et stylisé, à l’abri duque
604 ls se sont mis à déclamer un désespoir décoratif, un désespoir postiche et stylisé, à l’abri duquel on pouvait faire encor
605 tes, mais on ne pouvait faire que cela. Ce serait un jeu que de les classer dans les catégories du désespoir analysées par
606 maquillait. Il y a dans tout ce qu’ils écrivent, une espèce de bluff inconscient, dont le dernier livre d’André Breton fou
607 trop nombreux exemples. On est frappé d’abord par une certaine noblesse du port, par une certaine allure hautaine de la phr
608 pé d’abord par une certaine noblesse du port, par une certaine allure hautaine de la phrase. Mais que cet homme est empêtré
609 , je me refuse… Je demande à ce qu’on tienne pour un crétin celui qui… » Je prends ces trois débuts de phrases dans une se
610 qui… » Je prends ces trois débuts de phrases dans une seule demi-page, au hasard (p. 73). On trouverait sans doute mieux en
611 ait sans doute mieux encore à citer, en cherchant un peu. C’est très bien de ne pas faire le modeste, et même de prendre d
612 e qui le prend de si haut ? Son livre s’ouvre par un discours lyrique « sur le peu de réalité » et se termine par des cons
613 rique « sur le peu de réalité » et se termine par des considérations décousues sur quelques résultats récents d’une science
614 ations décousues sur quelques résultats récents d’ une science entre toutes suspecte, la psychologie de laboratoire. Il s’ag
615 Mais pourquoi nous glisser ce vieux problème avec des airs de conspirateur traqué ? Alors que cette confusion désirée revie
616 « toute seule », que l’homme ne soit plus rien qu’ un spectateur de son angoisse muée en rêve ? Qu’on prenne un ton trancha
617 ateur de son angoisse muée en rêve ? Qu’on prenne un ton tranchant lorsqu’on attaque, lorsqu’on crée, je serais le dernier
618 ais il s’agit ici, tout simplement, de s’évader d’ une réalité qu’on craint. Le ton bien plus modeste (trop modeste) des dis
619 n craint. Le ton bien plus modeste (trop modeste) des discours de Breton devant les communistes conviendrait mieux, peut-êt
620 . Tant que Breton invente son sujet, en partant d’ un donné très réduit et de quelques rythmes lyriques, son style est larg
621 odes font la roue. Mais il se débrouille mal avec des données scientifiques ; sa syntaxe s’embarrasse et s’alourdit dès qu’
622 ntaxe s’embarrasse et s’alourdit dès qu’il aborde une matière tant soit peu résistante par elle-même, et dont il ne saurait
623 i ce bel « abattage » n’a pas dissimulé, aux yeux des jeunes gens, un défaut de culture, au sens banal du terme, qui se tra
624 ge » n’a pas dissimulé, aux yeux des jeunes gens, un défaut de culture, au sens banal du terme, qui se trahit ici fâcheuse
625  ? Et qu’il y va vraiment de tout, c’est-à-dire d’ un peu plus que de la plus profonde révolte. j. Rougemont Denis de, «
10 1935, Esprit, articles (1932–1962). André Rouveyre, Singulier (janvier 1935)
626 ouveyre, Singulier (janvier 1935)k l L’amour d’ un homme de cinquante ans et d’une jeune femme forme l’unique sujet de c
627 5)k l L’amour d’un homme de cinquante ans et d’ une jeune femme forme l’unique sujet de cette méditation. Deux êtres très
628 itation. Deux êtres très divers se sont unis dans une passion grave, exigeante, à l’écart d’une société hostile, dans une a
629 is dans une passion grave, exigeante, à l’écart d’ une société hostile, dans une ascèse morale soutenue. L’aîné, c’est ce Ro
630 exigeante, à l’écart d’une société hostile, dans une ascèse morale soutenue. L’aîné, c’est ce Rouveyre que nous ont révélé
631 ue. L’aîné, c’est ce Rouveyre que nous ont révélé des dessins cruellement dépouillés et des essais à coup de griffes sur Gi
632 ont révélé des dessins cruellement dépouillés et des essais à coup de griffes sur Gide et Balthazar Gracian. La jeune femm
633 duire à la maîtrise de soi-même, il nous en donne un portrait minutieux, tendre cette fois, d’un trait classique et volont
634 donne un portrait minutieux, tendre cette fois, d’ un trait classique et volontaire. Je ne sais rien de plus émouvant que l
635 ion paraît inséparable de l’amour qui les domine. Une analyse racinienne des sentiments s’unit ici à la rigueur d’un idéal
636 de l’amour qui les domine. Une analyse racinienne des sentiments s’unit ici à la rigueur d’un idéal orgueilleux, ombrageux.
637 cinienne des sentiments s’unit ici à la rigueur d’ un idéal orgueilleux, ombrageux. Tout cela se perd d’ailleurs, dans l’am
638 perd d’ailleurs, dans l’amertume « désertique » d’ un tête-à-tête de l’auteur avec sa mort. Négation de l’humain trop purem
639 vers cette conclusion. Peut-être n’est-ce ici qu’ un cri d’appel à rien : les modernes ont inventé cela. On peut toutefois
640 ut toutefois ne pas les croire, et le spectacle d’ un pareil tragique ne perdra rien de sa grandeur lucide à gagner un sens
641 que ne perdra rien de sa grandeur lucide à gagner un sens religieux. Ce livre enfin vaut par un style inoubliable. Rouveyr
642 gagner un sens religieux. Ce livre enfin vaut par un style inoubliable. Rouveyre ne laisse pas un instant de faire sentir
643 par un style inoubliable. Rouveyre ne laisse pas un instant de faire sentir qu’il écrit, et l’on aime jusqu’au retors de
644 échit sous nos yeux. Ce n’est pas du récit. C’est une espèce de taraudage21. De temps en temps, il change de mèche et recom
645 à Rouveyre ces qualités dont il fait tant de cas. Une lucidité virile forme la leçon de ces pages, tantôt généreuse, tantôt
646 nergie exploratrice et le repliement amer. Enfin, un courage sérieux, nietzschéen sans exaltation. La lecture d’un tel liv
647 érieux, nietzschéen sans exaltation. La lecture d’ un tel livre, lente et souvent reprise, donne du cœur à l’intelligence.
648 Et l’austérité tendre de son « inquisition » rend un sens à l’amour humain, disqualifié dans la littérature d’aujourd’hui
649 excitées et vulgaires. Que dire encore qui fasse un peu sentir la qualité, voisine de la grandeur, de cet ouvrage ? Je cr
11 1935, Esprit, articles (1932–1962). Maurice Meunier, Idoles (février 1935)
650 Idoles (février 1935)m Où l’on apprend comment un nommé Jean aima, de loin et à 15 ans, des petites filles ; d’un peu p
651 comment un nommé Jean aima, de loin et à 15 ans, des petites filles ; d’un peu plus près et à vingt ans, une étudiante ; e
652 aima, de loin et à 15 ans, des petites filles ; d’ un peu plus près et à vingt ans, une étudiante ; et pour de bon, deux an
653 tites filles ; d’un peu plus près et à vingt ans, une étudiante ; et pour de bon, deux ans plus tard, une femme mariée. Enf
654 e étudiante ; et pour de bon, deux ans plus tard, une femme mariée. Enfin il retrouve l’étudiante et l’épouse en vitesse au
655 use en vitesse au dernier paragraphe. Tout cela d’ une vérité proprement désarmante. M. Meunier atteint sans effort apparent
656 rfection dans la banalité aimable. Son livre pose une seule question : quel dessein vaguement subversif peut bien poursuivr
657 l’éditeur qui publia ce résumé de la vie nulle d’ un jeune bourgeois ? m. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Maurice
12 1935, Esprit, articles (1932–1962). Albert Soulillou, Nitro (février 1935)
658 du jeune homme de tout à l’heure. Mais ici c’est un ouvrier qui parle. D’avoir travaillé chez Ford ne donne pas forcément
659 e d’avoir traîné son vague à l’âme par les rues d’ une ville de province ; mais cela donne au moins une matière. Les pages d
660 ’une ville de province ; mais cela donne au moins une matière. Les pages de Soulillou qui décrivent les conditions de trava
661 elque chose, tout au moins par la sympathie, dans une communion de révolte. Par malheur, l’auteur a voulu romancer ce docum
662 ience de laisser mûrir ses livres ; d’attendre qu’ un sujet impose sa forme propre, ses proportions et ses « valeurs », dir
663 ropre, ses proportions et ses « valeurs », dirait un peintre. Il est remarquable que presque tous les écrivains de ces ann
664 rouvent simultanément le besoin de s’exprimer par des romans du format standard : 224 ou 600 pages exactement. Il me semble
665 mes… Mais Adolphe ou l’Idiot seraient aujourd’hui des « compte d’auteur ». n. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Alber
13 1935, Esprit, articles (1932–1962). Roger Breuil, Les Uns les Autres (avril 1935)
666 Breuil, Les Uns les Autres (avril 1935)o L’un des critiques qui aient parlé le mieux, je crois, avec le plus de sympath
667 s ce roman (paru quelque temps avant les Vivants) une intention toute voisine de la sienne, une semblable patience ingénieu
668 ivants) une intention toute voisine de la sienne, une semblable patience ingénieuse dans l’approche du secret des êtres, en
669 ble patience ingénieuse dans l’approche du secret des êtres, enfin cette qualité de discrétion qui semble ici encore imposé
670 ée par l’objet du livre. Roger Breuil nous révèle une espèce de Français dont il est, sauf erreur, le premier à parler : un
671 s dont il est, sauf erreur, le premier à parler : une élite, une espèce d’aristocratie paysanne. Vivant près d’eux, pour eu
672 st, sauf erreur, le premier à parler : une élite, une espèce d’aristocratie paysanne. Vivant près d’eux, pour eux, il les a
673 ux, il les a vus tout autrement que ne l’eût fait un « observateur » : non dans leur pittoresque, mais dans leur vie intim
674 Pour cette raison d’abord que Breuil n’aborde pas une « classe » définie par les sociologues. Son roman tendrait à prouver
675 man tendrait à prouver au contraire l’inexistence des classes dans la réalité campagnarde. Il met en évidence un fait dont
676 s dans la réalité campagnarde. Il met en évidence un fait dont il faut souligner dans cette revue toute l’importance : c’e
677 de la communauté qui peut s’instituer par le jeu des passions, ou les liens du métier, ou certains accidents heureux, entr
678 s du métier, ou certains accidents heureux, entre des jeunes bourgeois, des jeunes paysans et ouvriers plus ou moins « décl
679 ns accidents heureux, entre des jeunes bourgeois, des jeunes paysans et ouvriers plus ou moins « déclassés » comme le sont
680 aient à déconcerter toute « étude ». Par exemple, un chapitre comme la Promenade au marais est une merveille de « naturel 
681 ple, un chapitre comme la Promenade au marais est une merveille de « naturel » dans tous les sens de ce terme ; je ne vois
682 ’écrivain français qui ait jamais su faire vibrer un tel accord des paysages et des êtres — de ces vastes paysages maritim
683 çais qui ait jamais su faire vibrer un tel accord des paysages et des êtres — de ces vastes paysages maritimes des Charente
684 ais su faire vibrer un tel accord des paysages et des êtres — de ces vastes paysages maritimes des Charentes et de ces âmes
685 s et des êtres — de ces vastes paysages maritimes des Charentes et de ces âmes et de ces corps tout frémissants de nostalgi
686 lyriques — le « je » de Marcel dans Proust — rend un tout autre son que le « je » des Vivants : plus complice et plus frat
687 ans Proust — rend un tout autre son que le « je » des Vivants : plus complice et plus fraternel. Le défaut de Les Uns les A
688 ’est peut-être qu’il donne parfois l’impression d’ un livre plus profondément rêvé qu’écrit (fort bien écrit du reste). Il
689 s parmi toutes ces choses vivantes qu’il évoque d’ une touche parfois trop furtive, d’autres fois si précise et heureuse, co
690 plein, ce sens du concret spirituel, cette amitié des hommes et du pays, qui permettra peut-être un jour prochain, de parle
691 ié des hommes et du pays, qui permettra peut-être un jour prochain, de parler de nouveau de patrie. Il y a vraiment du nou
692 u’à quiconque qu’il appartient de le reconnaître. Un tel livre n’est pas de ceux dont la carrière s’épuise en une saison,
693 re n’est pas de ceux dont la carrière s’épuise en une saison, si j’en crois l’amitié, les visages, et les couleurs si pures
14 1935, Esprit, articles (1932–1962). Kasimir Edschmid, Destin allemand (mai 1935)
694 se de la critique littéraire d’aujourd’hui. Voici un roman qui pose les questions les plus tragiques de l’heure avec une p
695 les questions les plus tragiques de l’heure avec une puissance dont on cherche en vain l’équivalent dans notre littérature
696 n’en a parlé : on s’occupait du prix Goncourt et des travaux d’amateurs de quelques dames lettrées. Pourtant, ce roman d’E
697 Pourtant, ce roman d’Edschmid aurait pu provoquer des polémiques révélatrices : il fait comprendre enfin dans quelles passi
698 vement hitlérien est né et a pris son élan. C’est une admirable réussite littéraire, c’est aussi un roman d’aventures, et u
699 st une admirable réussite littéraire, c’est aussi un roman d’aventures, et un roman d’idées, et une description étonnante
700 littéraire, c’est aussi un roman d’aventures, et un roman d’idées, et une description étonnante de l’Amérique qu’il nous
701 ssi un roman d’aventures, et un roman d’idées, et une description étonnante de l’Amérique qu’il nous reste à découvrir : ce
702 us reste à découvrir : celle du Sud. Enfin, c’est un livre qui mériterait, mieux que celui de Malraux, de s’intituler : la
703 ar hasard de parler de chefs-d’œuvre, de rétablir un peu l’échelle de nos jugements ? La critique se tait sur Edschmid, l’
704 te française en 1935. Petits signes révélateurs d’ une décadence que l’on n’arrêtera pas en augmentant les dépenses de guerr
705 ue ce fut le sort de Röhm, entre autres.) Mêlés à des révolutions, disloqués, emprisonnés, blessés, malades, ces hommes déc
706 dernière dignité d’Allemands dans les tortures qu’ un destin absurde leur réserve. « Il découvrit pour la première fois une
707 eur réserve. « Il découvrit pour la première fois une forme nouvelle de patriotisme, une façon silencieuse, profonde, boule
708 première fois une forme nouvelle de patriotisme, une façon silencieuse, profonde, bouleversée, broyée, souffrante, et pour
709 t de participer au destin qui lui était échu pour un temps. » Pour un temps… Il y a dans ces trois mots le secret de l’esp
710 u destin qui lui était échu pour un temps. » Pour un temps… Il y a dans ces trois mots le secret de l’espérance insensée q
711 ous voyons Bell, le chef du groupe, agoniser dans une tranchée sous les murs d’un fort brésilien. Et la haute statue de Pil
712 roupe, agoniser dans une tranchée sous les murs d’ un fort brésilien. Et la haute statue de Pillau, le ministre d’Allemagne
713 u fond de leur exil, ceux-là deviendront sûrement un matériel incomparable. Car voyez-vous, Bell, rien ne rend aussi dur e
714 t aussi endurant que le malheur. Et rien ne fonde une communauté comme le malheur. La communauté des gens qui vivent dans l
715 de une communauté comme le malheur. La communauté des gens qui vivent dans l’aisance, celle-là ne vaut pas un clou. Mais la
716 s qui vivent dans l’aisance, celle-là ne vaut pas un clou. Mais la communauté des gens cimentés par le malheur, ça c’est l
717 celle-là ne vaut pas un clou. Mais la communauté des gens cimentés par le malheur, ça c’est la seule vraie communauté qui
718 la seule vraie communauté qui puisse exister pour un peuple. » N’est-il point là le vrai tragique de l’Allemagne actuelle,
719 x. Même sens de la fraternité tragique, même goût des situations extrêmes (tortures en prison, folie des combats à la mitra
720 es situations extrêmes (tortures en prison, folie des combats à la mitrailleuse presque à bout portant, etc.), où l’homme a
721 sources de sacrifice. Mais il faut se représenter un Malraux qui aurait les nerfs solides ; moins intellectuel, moins impr
722 mpressionniste et complaisant dans la description des douleurs physiques. Au total, Edschmid est plus fort. Attendrons-nous
723 ine guerre pour lire dans ce Destin allemand l’un des secrets de notre destin à tous ? L’ostracisme de nos critiques est d’
724 rs d’autant plus absurde que ce livre — écrit par un juif ! — a été condamné en Allemagne. p. Rougemont Denis de, « [Co
15 1935, Esprit, articles (1932–1962). Tristan Tzara, Grains et Issues (juin 1935)
725 rains et Issues (juin 1935)q Ce livre comporte une partie poétique précieuse et somnifère, et une partie critique dont l
726 te une partie poétique précieuse et somnifère, et une partie critique dont l’intérêt dépasse tout ce que les surréalistes n
727 surréalistes nous ont donné jusqu’ici. Il y a là une puissance de réflexion et de synthèse, dont les ouvrages de Breton il
728 ent glorieusement l’absence. Mais il y a là aussi une certaine erreur exemplaire de pensée dont il vaudra la peine de cherc
729 iquer les formes du langage de Tzara. Je constate un certain nombre d’erreurs minimes, mais constantes, de « lapsus révéla
730 r le verbe non avec le sujet, mais avec le nombre des compléments : « Si les mots ne naissent que lorsque l’idée qui les dé
731 gnent… » (p. 270) ou : « le processus… projettent des faits » (p. 282)22. Erreurs infimes, que l’on devrait peut-être attri
732 Suivons-le. La syntaxe de Tzara est commandée par des associations verbales d’un type particulier, dont la page 39 donne un
733 ara est commandée par des associations verbales d’ un type particulier, dont la page 39 donne un bon exemple, trop long à c
734 ales d’un type particulier, dont la page 39 donne un bon exemple, trop long à citer, la phrase ayant 18 lignes (il y en a
735 t 18 lignes (il y en a de beaucoup plus longues). Un certain rythme monotone entraîne une matière vocabulaire disparate, f
736 lus longues). Un certain rythme monotone entraîne une matière vocabulaire disparate, faite de grandiloquence imagée et de c
737 explique les fautes d’accord relevées plus haut : un linguiste dirait que la formule de ce style est la contagion. Je mets
738 us scolaire : la signification du premier terme d’ une métaphore, selon Tzara, est « absorbée intégralement » par le second
739 e intégralement » par le second terme, « en vue d’ une conciliation » dans laquelle la qualité de ce premier terme deviendra
740 a métaphore dans son Proust) que la métaphore est un acte, j’entends par acte, justement, la position d’une qualité incomp
741 cte, j’entends par acte, justement, la position d’ une qualité incomparable, jaillie de l’opposition de deux termes aux noya
742 de deux termes aux noyaux irréductibles. Si l’un des termes était réellement « absorbé » par l’autre, le langage poétique
743 ar l’autre, le langage poétique ne serait plus qu’ un vaste télescopage, et les livres de M. Tzara se réduiraient peut-être
744 réduiraient peut-être, logiquement et en fait, à un seul mot. Je force le raisonnement à l’absurde pour faire apparaître
745 êve et veille, et de ressusciter le type primitif des sociétés irrationnelles, « sous une forme supérieure ». Selon Tzara,
746 type primitif des sociétés irrationnelles, « sous une forme supérieure ». Selon Tzara, ceci doit nous mener à une société c
747 supérieure ». Selon Tzara, ceci doit nous mener à une société collectiviste, marxiste. Je ne comprends pas cette déduction.
748 lérisme sous ses formes les plus virulentes. Dans une anticipation lyrique (tout au début) il glorifie la révolte des puiss
749 on lyrique (tout au début) il glorifie la révolte des puissances obscures, les crimes gratuits, les enthousiasmes collectif
750 , bref tout ce que Keyserling appelle l’irruption des forces telluriques. Keyserling disait un jour qu’il considérait à cet
751 ruption des forces telluriques. Keyserling disait un jour qu’il considérait à cet égard la révolution hitlérienne comme un
752 érait à cet égard la révolution hitlérienne comme un phénomène incomparablement plus important que l’établissement brutal
753 ce complexe se manifeste justement par l’adoption des hypothèses du matérialisme historique. Cette croyance que la vie se f
754 te croyance que la vie se fera toute seule et que des « lois » inexorables se chargent de transformer le monde, cette démis
755 émission de la personne23 est en effet le signe d’ une castration psychique caractérisée. Il est troublant de constater cett
756 eur capitale, et stérilisante pour l’action, chez un homme dont la pensée paraît souvent plus audacieuse et subversive. Tz
757 urité » qu’elle trahit. Il veut que l’esprit soit un risque (p. 284 et suiv.). Nous le voulons aussi. Mais ce n’est pas là
758 me brutal soient en train de provoquer chez Tzara une prise de conscience toute nouvelle, et qu’à cette réflexion, plus rée
759 ages de ce livre, où l’on retrouve parfois le ton des grandes utopies du premier romantisme allemand. Le style reste baroqu
760 mier romantisme allemand. Le style reste baroque ( un rococo jésuite qui n’économise pas sur les volutes !). Mais la pensée
761 uoique toute douleur morale puisse être ramenée à un système de coordonnées sociales, on a trop oublié dans les remous de
762 ublié dans les remous de la bataille qu’à travers un nouvel ordre économique, c’est l’homme et sa libération qui en reste
763 terrain de l’économie psychique, l’on s’attaque à un système général de choses en ignorant cette misère morale qui, trop p
764 nt ancrée en l’homme pour qu’elle disparaisse par une simple incantation de mots d’ordre, détermine néanmoins… la composant
765 a volonté de changer radicalement le monde. Bien des confusions traînent encore dans cette phrase. (« solide terrain de l’
766 omme sur les dispositifs économiques, ce rappel d’ une misère qu’ignorent tous les partis, voilà qui rend un son que nous re
767 isère qu’ignorent tous les partis, voilà qui rend un son que nous reconnaissons. Voilà qui appelle enfin la réalité. 22.
768 : « Il y aura lieu de ramener l’action du poète à un phénomène de mimétisme par son assimilation à un objet extérieur » (p
769 un phénomène de mimétisme par son assimilation à un objet extérieur » (p. 283). Autrement dit, le sujet se désiste de sa
770 et de son actualité. 23. Voir toutefois page 297 un essai de réaffirmation de la responsabilité « individuelle ». Mais je
771 lle ». Mais je me méfie de cet « individu », pour des raisons sur lesquelles il est inutile de revenir une fois de plus dan
16 1935, Esprit, articles (1932–1962). « L’Esprit n’a pas son palais » (octobre 1935)
772 sprit n’a pas son palais » (octobre 1935)r Par une belle matinée de mars 1935, le journal Le Journal répandait brusqueme
773 n palais. L’Exposition de 1937 doit lui en donner un  »   Par Hippolyte Ducos Député, ancien ministre, président de la com
774 on de 1937   L’Exposition de 1937 en est au stade des réalisations. Les idées fermentent. Les plans s’ordonnent. Les volont
775 le mieux-être et le mieux-connaître avec l’effort des autres peuples. Dans un cadre chargé d’histoire et rayonnant de beaut
776 -connaître avec l’effort des autres peuples. Dans un cadre chargé d’histoire et rayonnant de beauté, au bord de la Seine r
777 ntements et les tentations feront pâlir les rêves des conteurs. Ce sera, dans la féerie de l’eau des lumières et des couleu
778 es des conteurs. Ce sera, dans la féerie de l’eau des lumières et des couleurs, le ballet vertigineux des ondes. Ce sera au
779 Ce sera, dans la féerie de l’eau des lumières et des couleurs, le ballet vertigineux des ondes. Ce sera aussi la fête de l
780 s lumières et des couleurs, le ballet vertigineux des ondes. Ce sera aussi la fête de l’esprit. Elle doit dépasser en splen
781 ui déconcerte le monde, elle consacre le triomphe des puissances d’audace ordonnée et de mesure, celles de l’intelligence…
782 e, parmi les palais prévus pour 1937, il y en ait un destiné à la Pensée. Qu’on nous entende bien. La pensée ne sera absen
783 a pensée ne sera absente nulle part. Mais il faut un endroit où les travailleurs désintéressés de l’esprit, ceux dont les
784 gie, les mathématiques, l’archéologie, l’histoire des arts, des techniques, des littératures, depuis Lavoisier, Faraday et
785 athématiques, l’archéologie, l’histoire des arts, des techniques, des littératures, depuis Lavoisier, Faraday et Champollio
786 archéologie, l’histoire des arts, des techniques, des littératures, depuis Lavoisier, Faraday et Champollion, jusqu’aux maî
787 jourd’hui, se sont déroulées les « chaînes » qui, des profondeurs de la nature ou des siècles, ont amené au jour les vérité
788 « chaînes » qui, des profondeurs de la nature ou des siècles, ont amené au jour les vérités créatrices. Et, dans cette pré
789 ités créatrices. Et, dans cette présentation sous un même toit de ces activités intellectuelles, si éloignées en apparence
790 tellectuelles, si éloignées en apparence les unes des autres, éclatera l’unité de l’esprit, qui fonde l’originalité puissan
791 lité puissante de notre culture. Peut-on imaginer un spectacle plus propre à éveiller l’imagination, à attirer la curiosit
792 nation, à attirer la curiosité, à susciter l’élan des intelligences, à attacher les foules ? […] Ce Palais doit être constr
793 . Il doit survivre à l’Exposition. Pourvu, à côté des pavillons où se présenteront les grandes découvertes, de salles desti
794 la pensée. Après l’Exposition il restera le foyer des chercheurs, toujours prêt à accueillir les savants et leurs découvert
795 illir les savants et leurs découvertes, à ajouter des maillons à la chaîne sans fin. Nous le léguerons à l’avenir comme le
796 rable député avait-il conscience de soulever l’un des problèmes les plus impressionnants du siècle ? Avait-il conscience de
797 te pratique, de l’emplacement et de la dotation d’ un palais consacré à l’esprit, c’est poser en réalité, sous une forme à
798 consacré à l’esprit, c’est poser en réalité, sous une forme à peine allégorique, la question des relations qu’entretiennent
799 , sous une forme à peine allégorique, la question des relations qu’entretiennent notre cité et la nation des clercs. C’est
800 elations qu’entretiennent notre cité et la nation des clercs. C’est mettre en discussion l’un des rapports fondamentaux qui
801 ation des clercs. C’est mettre en discussion l’un des rapports fondamentaux qui définissent une société. C’est reconnaître
802 on l’un des rapports fondamentaux qui définissent une société. C’est reconnaître enfin que ce rapport n’est plus perçu par
803 nnaître enfin que ce rapport n’est plus perçu par un chacun comme évident ni comme allant de soi, mais qu’à la faveur d’un
804 ent ni comme allant de soi, mais qu’à la faveur d’ un désordre dont on découvre alors la profondeur, il devient à son tour
805 couvre alors la profondeur, il devient à son tour un problème, il se trouve mis en question. Il faut voir, en effet, que l
806 ition qu’on vient de lire ne saurait être celle d’ une société équilibrée. Où est l’esprit ? Quel est son champ d’action ? D
807 rit ? Quel est son champ d’action ? Doit-il avoir un lieu particulier ? De la réponse à ces questions dépendront l’existen
808 est clair que de telles questions sont le fait d’ une époque barbare ; d’une époque où l’esprit n’est plus un lieu commun,
809 s questions sont le fait d’une époque barbare ; d’ une époque où l’esprit n’est plus un lieu commun, comme la richesse par e
810 que barbare ; d’une époque où l’esprit n’est plus un lieu commun, comme la richesse par exemple, dont on sait bien qu’elle
811 ’elle est partout chez elle et partout reconnue à des signes certains — et qui donc aurait même l’idée d’un pavillon de la
812 ignes certains — et qui donc aurait même l’idée d’ un pavillon de la Richesse ? ou du Succès ? — bref, d’une époque où ce q
813 avillon de la Richesse ? ou du Succès ? — bref, d’ une époque où ce qu’on nomme l’esprit ne s’impose plus sans discussion. L
814 ans discussion. Lorsque l’État vient au secours d’ une religion, c’est qu’elle est morte. Ou qu’elle n’en a plus pour longte
815 a pensée ne sera absente nulle part. Mais il faut un endroit etc. » Mais, il y a un mais, justement. Certes, l’esprit sera
816 part. Mais il faut un endroit etc. » Mais, il y a un mais, justement. Certes, l’esprit sera partout : une espèce de décenc
817 mais, justement. Certes, l’esprit sera partout : une espèce de décence le veut. Mais pratiquement, mais sérieusement, et d
818 nt distinguer nettement ? À coup sûr, il lui faut un palais, signe évident d’une « distinction » tout à la fois flatteuse
819 coup sûr, il lui faut un palais, signe évident d’ une « distinction » tout à la fois flatteuse et rassurante. Et qui sait,
820 ce Palais de l’Esprit ne va-t-il pas « réaliser » un vieux rêve positiviste et donner corps à l’utopie d’un sanctuaire de
821 eux rêve positiviste et donner corps à l’utopie d’ un sanctuaire de la Pensée laïque ? Il faudra le construire « en dur ».
822 ons. Mais comment ne pas voir qu’elles trahissent un doute infiniment curieux sur la nature et sur le rôle de l’esprit qu’
823 le voir « en soi », dans son temple ? Cela paraît une bien autre gageure. II. Pour un musée des lieux communs À quelq
824 ? Cela paraît une bien autre gageure. II. Pour un musée des lieux communs À quelques semaines de là, un article de M
825 raît une bien autre gageure. II. Pour un musée des lieux communs À quelques semaines de là, un article de M. Duhamel2
826 e des lieux communs À quelques semaines de là, un article de M. Duhamel24 vint apporter toutes les précisions que l’on
827 dit, tout le monde perçoit l’extrême difficulté d’ une telle entreprise [c’était là que j’avais buté] : l’esprit est à l’ori
828 xposition elle-même sera, dans toute son ampleur, une manifestation sensible de l’esprit ; il n’en faut pas moins reconnaît
829 mpromis dans l’univers temporel, ont, en général, une faible valeur représentative ou démonstrative. Et pourtant, c’est l’e
830 faut honorer, c’est bien à lui qu’il faut élever un sanctuaire et non à telle ou telle de ses extrêmes applications. L’a
831 e de ses extrêmes applications. L’accord parfait des « vues » de nos deux commissaires me remplit d’aise. Mais je goûtai s
832 ple. L’esprit s’exprime par l’écrit et la parole. Un sanctuaire de l’esprit sera donc un sanctuaire du livre et de la paro
833 et la parole. Un sanctuaire de l’esprit sera donc un sanctuaire du livre et de la parole. » Il y aurait donc une bibliothè
834 aire du livre et de la parole. » Il y aurait donc une bibliothèque et un palais de la parole. M. Duhamel affirmait au surpl
835 la parole. » Il y aurait donc une bibliothèque et un palais de la parole. M. Duhamel affirmait au surplus que son « sanctu
836 lus que son « sanctuaire du livre » ne serait pas un « musée » mais bien une « ruche active ». Précaution pour le moins ma
837 e du livre » ne serait pas un « musée » mais bien une « ruche active ». Précaution pour le moins maladroite. Il fallait évi
838 nneraient les idées pures, ce ne serait jamais qu’ un musée. Et créé par l’État, et contrôlé par lui, ce ne serait jamais q
839 État, et contrôlé par lui, ce ne serait jamais qu’ un musée des lieux communs de la Troisième République. Non point de ceux
840 contrôlé par lui, ce ne serait jamais qu’un musée des lieux communs de la Troisième République. Non point de ceux que l’on
841 de « basse » réalité qui alimentent les discours des parlements et des académies. La bibliothèque-sanctuaire-ruche active
842 ité qui alimentent les discours des parlements et des académies. La bibliothèque-sanctuaire-ruche active offrirait donc aux
843 mment douter qu’il ne dût consacrer « le triomphe des puissances d’audace ordonnée et de mesure » que le Palais-Bourbon, po
844 is-Bourbon, pour les raisons qu’on sait, honore d’ une façon moins directe. III. Le temple est vide On ne pouvait mieu
845 , plus certain que le « bolchévisme de salon », d’ un abandon, voire d’un mépris de la culture et de l’esprit qui marque à
846 e « bolchévisme de salon », d’un abandon, voire d’ un mépris de la culture et de l’esprit qui marque à son insu l’élite bou
847 occupent, que ne louez-vous le désintéressement d’ un député et d’un littérateur qui se consacrent à la défense du spiritue
848 e louez-vous le désintéressement d’un député et d’ un littérateur qui se consacrent à la défense du spirituel ? La grâce mo
849 éponds simplement que dans l’action et les écrits des commissaires susnommés, l’utilitarisme grossier trouve une espèce de
850 ssaires susnommés, l’utilitarisme grossier trouve une espèce de justification, assez piteuse en théorie, je le concède, mai
851 on, assez piteuse en théorie, je le concède, mais des plus efficace dans la pratique. Piteuse en théorie, car les caricatur
852 héorie, car les caricatures que l’on nous offre d’ une réalité — ici l’esprit — sont des arguments de misère contre cette ré
853 on nous offre d’une réalité — ici l’esprit — sont des arguments de misère contre cette réalité tant qu’elle dispense par ai
854 cette réalité tant qu’elle dispense par ailleurs des témoignages éclatants de sa force. Très efficace dans la pratique, ca
855 officiel de la Troisième République a su répandre une doctrine de l’esprit tout à fait propre à aveugler les masses, qui ne
856 encombre tout l’horizon populaire26. Le succès d’ une caricature tient à ce qu’elle est une simplification. Celle qu’on nou
857 Le succès d’une caricature tient à ce qu’elle est une simplification. Celle qu’on nous présente de l’esprit comble si bien
858 ls croient tous tant qu’ils sont que l’esprit est une espèce de luxe vénérable et volatil, une entité qui plane au-dessus d
859 prit est une espèce de luxe vénérable et volatil, une entité qui plane au-dessus de nos vies, abandonnées, il faut l’avouer
860 sus de nos vies, abandonnées, il faut l’avouer, à des soucis d’un tout autre ordre27. L’esprit paraît d’autant plus spiritu
861 es, abandonnées, il faut l’avouer, à des soucis d’ un tout autre ordre27. L’esprit paraît d’autant plus spirituel, et parta
862 ou l’esprit pur — comprenez inactif — ou le salon des arts ménagers. Ils ne voient pas que dès l’instant qu’on sépare l’esp
863 sépare l’esprit du « réel », pour le vénérer dans un temple, l’esprit n’est plus que « la poussière des livres », et le « 
864 un temple, l’esprit n’est plus que « la poussière des livres », et le « réel », une marchandise. Ils ne voient pas que dès
865 que « la poussière des livres », et le « réel », une marchandise. Ils ne voient pas que dès l’instant que l’on célèbre un
866 ne voient pas que dès l’instant que l’on célèbre un esprit « pur » dans un temple construit par l’État, la pensée s’évano
867 l’instant que l’on célèbre un esprit « pur » dans un temple construit par l’État, la pensée s’évanouit, le temple est vide
868 l’État, la pensée s’évanouit, le temple est vide. Un Palais de l’Esprit ne peut être qu’un palais vide, ou un musée. Et le
869 e est vide. Un Palais de l’Esprit ne peut être qu’ un palais vide, ou un musée. Et les objets qu’on y conservera, et les di
870 is de l’Esprit ne peut être qu’un palais vide, ou un musée. Et les objets qu’on y conservera, et les discours qu’on y « di
871 re De tout ceci, retirons deux faits simples : un personnage consulaire, président d’une commission d’État pour une exp
872 s simples : un personnage consulaire, président d’ une commission d’État pour une exposition promise à la publicité universe
873 onsulaire, président d’une commission d’État pour une exposition promise à la publicité universelle, trouve naturel de prop
874 te entreprise, soit mis à part, et honoré en soi. Un écrivain fameux, gloire du roman français à l’étranger, vient confirm
875 Palais de l’esprit pur ne peut être en réalité qu’ un palais vide. Et ce vide que d’ailleurs il qualifie de bibliothèque, n
876 ît pas moins naturel. Brochant sur ces deux faits une constatation évidente : l’opinion de l’élite ni celle du grand public
877 public n’opposent la moindre réaction à l’aveu d’ un complot si burlesque. Si j’ai quelque peu insisté sur l’anecdote du P
878 alais de l’Esprit, ce n’est point pour me ménager une partie par trop facile. C’est que la grossièreté même de l’écart, et
879 t propres à fixer l’attention de quelques-uns sur une erreur très générale. Erreur métaphysique à l’origine : mais comme te
880 on excès le plus monumental. Or il se trouve, par une sorte de chance, que l’article du député n’est pas seulement l’illust
881 tement, publiait le Discours de la méthode. C’est une attention bienveillante de la chronologie. L’hommage rendu à l’auteur
882 teur de ce petit livre qui, condensant la sagesse des vieux artisans passionnés du travail bien fait et les conquêtes des h
883 passionnés du travail bien fait et les conquêtes des humanistes, ouvre les temps modernes et reste la charte de la clarté
884 ans tous les journaux, il y a toute la distance d’ une erreur à un préjugé. Mais enfin pour saisir je ne dis pas la racine d
885 journaux, il y a toute la distance d’une erreur à un préjugé. Mais enfin pour saisir je ne dis pas la racine de ce préjugé
886 i nous, il faut bien remonter à l’erreur initiale des clercs. Descartes revenant à Paris et visitant le Palais de l’Esprit
887 marquer les causes internes de son succès auprès des clercs, soit pour rappeler au passage quels intérêts temporels concou
888 limité, si par malheur elle n’avait pas rejoint d’ une manière aussi naturelle le « sens commun ». Sans doute ce préjugé con
889 i fort que nous le voyons aujourd’hui, quand tout un siècle d’enseignement s’est appliqué à le fixer et à l’étendre. Mais
890 rier et l’artisan, le paysan et le boutiquier ont une tendance naturelle à estimer que la « pensée » est incapable, en fait
891 omie générale29. De là à se figurer, d’ailleurs d’ une façon vague, que les penseurs sont des gens peu pratiques, par suite,
892 ailleurs d’une façon vague, que les penseurs sont des gens peu pratiques, par suite, que la pensée n’est guère qu’un luxe —
893 ratiques, par suite, que la pensée n’est guère qu’ un luxe — « signe extérieur » de la richesse, ou d’une condition sociale
894 n luxe — « signe extérieur » de la richesse, ou d’ une condition sociale privilégiée — le pas est aisément franchi. Et Desca
895 n. Il faudrait bien plutôt s’en prendre au régime des classes sociales, qui codifia cette distinction, au point d’assimiler
896 de philosophie. C’est d’avoir enseigné au peuple un culte de l’esprit intemporel — comprenez : distingué, oisif — tout co
897 isme borné en disqualifiant l’esprit pur aux yeux des laïques laborieux. Exiler l’esprit dans les nuages, c’est le vouer au
898 esprit dans les nuages, c’est le vouer au culte d’ une élite inféconde, et au juste mépris des masses. V. Situation faite
899 u culte d’une élite inféconde, et au juste mépris des masses. V. Situation faite aux intellectuels a) le culte de l’
900 quotidienne. Plus on élève le spirituel au-dessus des humaines contingences, plus sûrement on livre celles-ci à l’empire de
901 nces, plus sûrement on livre celles-ci à l’empire des intérêts. Sorel a bien montré ce jeu dans ses Illusions du progrès :
902 e au maximum de spiritualisme distingué. Le culte des principes en soi : voilà ce qu’il faut au régime des requins. La preu
903 principes en soi : voilà ce qu’il faut au régime des requins. La preuve en est administrée chaque fois qu’un député ou un
904 uins. La preuve en est administrée chaque fois qu’ un député ou un ministre, un directeur de grand journal à la solde des m
905 ve en est administrée chaque fois qu’un député ou un ministre, un directeur de grand journal à la solde des maîtres de for
906 inistrée chaque fois qu’un député ou un ministre, un directeur de grand journal à la solde des maîtres de forges, ou un ch
907 inistre, un directeur de grand journal à la solde des maîtres de forges, ou un chef de service aux finances prennent la par
908 rand journal à la solde des maîtres de forges, ou un chef de service aux finances prennent la parole au cours d’un banquet
909 ervice aux finances prennent la parole au cours d’ un banquet politique pour célébrer les droits de l’esprit. En effet, l’e
910 s ne sauraient consister que dans l’affirmation d’ un idéal : et rien n’est plus utile aux « réalistes » que la croyance co
911 discours hypocrites ne font en somme que célébrer une situation de fait. Je répète que celle-ci n’est devenue possible qu’e
912 que celle-ci n’est devenue possible qu’en vertu d’ une certaine attitude des clercs. Ce ne sont pas les bénéficiaires de cet
913 enue possible qu’en vertu d’une certaine attitude des clercs. Ce ne sont pas les bénéficiaires de cette situation, politici
914 e sur leurs véritables desseins, mais c’est toute une éducation culturelle, universitaire, qui l’a sans le vouloir autorisé
915 neur et le crime d’avoir prémédités, avec l’appui des Loges et des Sages de Sion. Et par exemple, la bonne foi des inventeu
916 ime d’avoir prémédités, avec l’appui des Loges et des Sages de Sion. Et par exemple, la bonne foi des inventeurs du Palais
917 t des Sages de Sion. Et par exemple, la bonne foi des inventeurs du Palais de l’Esprit me paraît platement certaine. Pourta
918 ment ne pas admirer la merveilleuse convergence d’ une notion trop désintéressée de l’esprit, qu’ont les clercs, et d’une no
919 ésintéressée de l’esprit, qu’ont les clercs, et d’ une notion moins désintéressée de l’action, qu’ont les capitaines d’indus
920 s romantiques) peut encore figurer la foi commune des clercs, pourtant molestés par l’époque avec une vigueur qui devrait,
921 e des clercs, pourtant molestés par l’époque avec une vigueur qui devrait, semble-t-il, les réveiller. Toute notre formatio
922 re formation scolaire et universitaire repose sur une maxime d’autant plus efficace qu’elle est inavouée et peut-être incon
923 inavouée et peut-être inconsciente : l’esprit est une pure description 32. On assure ainsi à bon compte la rigueur des cons
924 ption 32. On assure ainsi à bon compte la rigueur des constructions intellectuelles allégées de toute responsabilité concrè
925 tière » vivante et organique, à la multiplication des points de vue irréels, mais logiques et simples. (C’est ainsi que l’o
926 de la pensée. C’est ainsi que l’histoire devient un ensemble de lois, et non plus une chronique des actes. On tend à ne g
927 histoire devient un ensemble de lois, et non plus une chronique des actes. On tend à ne garder de ceux-ci que ce qui peut s
928 nt un ensemble de lois, et non plus une chronique des actes. On tend à ne garder de ceux-ci que ce qui peut s’organiser en
929 organiser en belles séries, selon les exigences d’ une philosophie tantôt matérialiste, tantôt idéaliste, tantôt marxiste et
930 absurde et magnifique, enseignante et désordonnée des gestes de l’humanité. Pour la philosophie, non contente d’avoir sophi
931 qué l’histoire, elle veut se réduire à son tour à une histoire des doctrines, à une filiation de systèmes, qu’elle décrit s
932 e, elle veut se réduire à son tour à une histoire des doctrines, à une filiation de systèmes, qu’elle décrit sortant les un
933 éduire à son tour à une histoire des doctrines, à une filiation de systèmes, qu’elle décrit sortant les uns des autres, par
934 ation de systèmes, qu’elle décrit sortant les uns des autres, par un jeu purement dialectique. Procès rarement troublé — le
935 s, qu’elle décrit sortant les uns des autres, par un jeu purement dialectique. Procès rarement troublé — le moins possible
936 Procès rarement troublé — le moins possible — par des inventions personnelles, passionnées et irréductibles, auxquelles on
937 t inconvenantes. On cherche à réduire la pensée à des « courants » non à des hommes. On allègue un « progrès » continu des
938 rche à réduire la pensée à des « courants » non à des hommes. On allègue un « progrès » continu des « problèmes » où le tra
939 e à des « courants » non à des hommes. On allègue un « progrès » continu des « problèmes » où le tragique se résorbe en er
940 n à des hommes. On allègue un « progrès » continu des « problèmes » où le tragique se résorbe en erreurs. Cette obsession d
941 mbrasser. L’invraisemblable irréalisme de l’étude des « facultés » ayant été démasqué par la science dès le début du xxe s
942 le même nom — psychologie : science de l’âme — d’ un tout autre ordre de problèmes : à savoir la physiologie des sensation
943 utre ordre de problèmes : à savoir la physiologie des sensations et la classification des maladies nerveuses. Pour la psych
944 a physiologie des sensations et la classification des maladies nerveuses. Pour la psychologie concrète, c’est-à-dire consti
945 ète, c’est-à-dire constituée dans la lutte contre une réalité qu’il s’agit de modifier et non pas seulement de décrire, on
946 e, on fera bien d’aller la chercher à cent lieues des « sanctuaires de l’esprit » : chez un révolutionnaire comme Sorel ou
947 ent lieues des « sanctuaires de l’esprit » : chez un révolutionnaire comme Sorel ou chez un thérapeute comme C. G. Jung35.
948 t » : chez un révolutionnaire comme Sorel ou chez un thérapeute comme C. G. Jung35. Des remarques identiques peuvent être
949 a littérature. Je ne veux indiquer que l’amorce d’ une critique générale de notre éducation. Je ne veux mettre en relief qu’
950 e notre éducation. Je ne veux mettre en relief qu’ un seul trait — à mon sens le seul décisif — commun à toutes les discipl
951 e la pensée. La seule critique solide et efficace des doctrines intellectualistes, c’est celle qui consisterait dans une ps
952 ellectualistes, c’est celle qui consisterait dans une psychanalyse du sérieux universitaire, considéré comme traduisant une
953 sérieux universitaire, considéré comme traduisant une fuite devant l’actualité de la pensée, autrement dit : devant le risq
954 èbre sous le nom d’esprit, c’est l’image épurée d’ un monde fait de lois. Cette image s’interpose entre la pensée « pure »
955 oir vu que les choses humaines, écrit Renan, sont un à peu près sans sérieux et sans précision, c’est un grand résultat po
956 à peu près sans sérieux et sans précision, c’est un grand résultat pour la philosophie ; mais c’est une abdication de tou
957 n grand résultat pour la philosophie ; mais c’est une abdication de tout rôle actif. L’avenir est à ceux qui ne sont pas dé
958 ppartient pratiquement aux barbares, à ces clercs un peu méprisables qui croient que la pensée doit entrer en action, c’es
959 ’il la tient pour le gage du « désintéressement » des clercs parfaits. Mais c’est jouer sur une impertinence, car le mot « 
960 ement » des clercs parfaits. Mais c’est jouer sur une impertinence, car le mot « désintéressement » a deux sens tout à fait
961 perte ; qu’ils refusent de se faire les complices des folies collectives, des égoïsmes criminels, des « intérêts » injustes
962 de se faire les complices des folies collectives, des égoïsmes criminels, des « intérêts » injustes des puissants, qu’ils r
963 s des folies collectives, des égoïsmes criminels, des « intérêts » injustes des puissants, qu’ils refusent la gloire, ou le
964 des égoïsmes criminels, des « intérêts » injustes des puissants, qu’ils refusent la gloire, ou le pouvoir, ou la richesse q
965 at. Et personne n’a jamais contesté la grandeur d’ un désintéressement de cette espèce. Mais on pense bien que Renan n’aura
966 t pas tout bravement refuser de toucher le prix d’ une noire trahison. Se montrer désintéressé, au sens subtil où il l’enten
967 t, à refuser pratiquement de s’intéresser au sort des hommes. Que d’autres, moins désabusés, perdent leur temps et leur esp
968 leur temps et leur esprit peu raffiné à combattre des injustices au nom de la justice qu’ils ont cru concevoir ! M. Renan s
969 être de l’esprit pur, s’adonne au culte solitaire des choses « sérieuses et précises ». Et que le monde suive le cours de s
970 ant, et qu’il trahissait sa fonction en alléguant un argument de clerc. Il y aurait donc une différence profonde entre le
971 alléguant un argument de clerc. Il y aurait donc une différence profonde entre le refus de Pilate, chargé d’un pouvoir séc
972 rence profonde entre le refus de Pilate, chargé d’ un pouvoir séculier, et le refus de l’intellectuel, dégagé par nature de
973 a l’apparence du sens commun, mais il repose sur une erreur de fait : car l’intellectuel, comme tout autre homme, et parce
974 t, est bel et bien engagé dans le monde. Supposer un clerc pur, c’est encore une fois supposer un esprit dégagé de son cor
975 oser un clerc pur, c’est encore une fois supposer un esprit dégagé de son corps, jamais un tel esprit n’est né dégagé de t
976 is supposer un esprit dégagé de son corps, jamais un tel esprit n’est né dégagé de tous liens, irresponsable. Et s’il exis
977 liens, irresponsable. Et s’il existe en apparence des êtres qui méritent le nom de clercs parfaits, c’est qu’en réalité, il
978 e juger, et de juger effectivement, dans le monde des corps et des sanctions de fait, non pas seulement de « dire le vrai »
979 e juger effectivement, dans le monde des corps et des sanctions de fait, non pas seulement de « dire le vrai » dans le vide
980 de « dire le vrai » dans le vide. La dénonciation des clercs « intéressés » n’est valable que si elle concerne ces pharisie
981 ens, ces docteurs d’Israël qui prêtent à la folie des masses leur voix : Crucifie, relâche Barrabas ! Voilà la trahison gro
982 a sagesse cléricale, le dernier mot de la sagesse des philosophes, celui qui excuse en fin de compte — à leurs yeux seuls —
983  » À vingt siècles de là, la voix « désabusée » d’ un autre clerc parfait lui donnera cette réplique fameuse : « La vérité
984 t peut-être triste. » Réponse qui n’est encore qu’ une question déguisée. Le soupçon de Renan trahit un doute, et un doute s
985 une question déguisée. Le soupçon de Renan trahit un doute, et un doute sur la vérité : ce qui est « peut-être triste », i
986 déguisée. Le soupçon de Renan trahit un doute, et un doute sur la vérité : ce qui est « peut-être triste », insondablement
987 rement, les autres « se désintéressant » non sans un hochement de tête sur la plèbe qui les admire. Et comment cette pauvr
988 be n’aurait-elle pas d’admiration pour la sagesse des grands docteurs qui se lavent les mains avec tant d’élégance, — et l’
989 re témoignage à la vérité. » Unanimité contre lui des clercs de droite, des clercs de gauche, et de la foule. Pourquoi n’a-
990 ité. » Unanimité contre lui des clercs de droite, des clercs de gauche, et de la foule. Pourquoi n’a-t-il pas dit seulement
991 yaume n’eût gêné personne, tout semblable à celui des clercs. On lui eût donné son Palais. Mais que vient-il faire parmi no
992 le monde. Non pas en planant hors du temps, comme un dieu, comme un « idéal » ou comme l’esprit « sublime » des clercs, ma
993 as en planant hors du temps, comme un dieu, comme un « idéal » ou comme l’esprit « sublime » des clercs, mais au contraire
994 comme un « idéal » ou comme l’esprit « sublime » des clercs, mais au contraire en s’abaissant. Telle est la parabole du sp
995 e est la parabole du spirituel. VII. Situation des intellectuels dans la cité (suite) b) Les réalités qui se payent.
996 versité — n’est pas de ce monde. C’est le royaume des lois « sérieuses et précises » que la pensée peut arriver à reconnaît
997 , mais sur lesquelles elle ne saurait agir. C’est une mythologie de l’impuissance de l’esprit. Mais les hommes, qui sont bi
998 Ils le vénèrent officiellement, déléguant le soin des discours à ces touchants et graves coryphées parlementaires ou bicorn
999 s dont on vient d’estimer la prose. Ils observent une minute de silence. Puis ils s’occupent de choses « sérieuses » qui, e
1000 re qui séduisait les clercs méticuleux, mais bien une sorte d’implacable agencement, celui du doit et de l’avoir, contrôlé
1001 c’est distingué, mais il faut encore le nourrir. Une logique vulgaire voudrait que l’État, qui l’honore, se charge aussi d
1002 C’est tout juste s’il sait écrire. Il écrira donc un ouvrage dans les règles de l’art qu’il a sucé. Si l’ouvrage est « sér
1003 clercs, l’éditeur, le jugeant invendable, exigera des arrhes jamais récupérées sur la très maigre vente et le mépris du dir
1004 Deux espèces de carrières s’ouvrent à lui : celle des accommodements et celle du chômage. La carrière des accommodements of
1005 s accommodements et celle du chômage. La carrière des accommodements offre à « l’esprit » des perspectives innombrables, et
1006 carrière des accommodements offre à « l’esprit » des perspectives innombrables, et très diversement rétribuées, de démissi
1007 e ou à l’antifascisme. À quoi s’ajoute depuis peu une possibilité nouvelle et symbolique : les licenciés seuls peuvent brig
1008 tôt l’absence d’esprit qu’on rétribue, en vertu d’ une coutume qui tend à se préciser en loi. L’échelle des valeurs matériel
1009 coutume qui tend à se préciser en loi. L’échelle des valeurs matérielles que « touchent » les clercs pour leurs écrits se
1010 réation, c’est le rabâchage qui rapporte. Publiez un poème, un essai, un roman, dans une revue « de haute tenue intellectu
1011 ’est le rabâchage qui rapporte. Publiez un poème, un essai, un roman, dans une revue « de haute tenue intellectuelle » vou
1012 bâchage qui rapporte. Publiez un poème, un essai, un roman, dans une revue « de haute tenue intellectuelle » vous ne serez
1013 porte. Publiez un poème, un essai, un roman, dans une revue « de haute tenue intellectuelle » vous ne serez pas payé, ou vo
1014 ingt ou trente francs la page au maximum. Publiez un article dans un hebdomadaire, sur un sujet littéraire à la mode, et t
1015 rancs la page au maximum. Publiez un article dans un hebdomadaire, sur un sujet littéraire à la mode, et tenant compte de
1016 mum. Publiez un article dans un hebdomadaire, sur un sujet littéraire à la mode, et tenant compte de la frivolité du genre
1017 ormation, les prix seront encore supérieurs, pour un « papier » bâclé en une demi-heure à l’aide d’un répertoire de lieux
1018 nt encore supérieurs, pour un « papier » bâclé en une demi-heure à l’aide d’un répertoire de lieux communs et d’idées fauss
1019 un « papier » bâclé en une demi-heure à l’aide d’ un répertoire de lieux communs et d’idées fausses mais courantes39. Or i
1020 es fausses mais courantes39. Or il se trouve, par un curieux hasard, que l’Esprit pur et le Palais de l’Esprit pur ne sont
1021 Quant à la carrière du chômage, je lui vois bien des agréments, s’il est vrai que la liberté de penser et d’écrire à sa gu
1022 our l’esprit autant de gains certains lui offrant une chance admirable de se guérir de son irréalisme. Une pratique assez l
1023 chance admirable de se guérir de son irréalisme. Une pratique assez longue, et d’ailleurs imposée, de cet état me permet d
1024 deus impare gaudet ; le génie créateur se réjouit des impairs que le sort commet dans l’agencement d’une existence d’intell
1025 es impairs que le sort commet dans l’agencement d’ une existence d’intellectuel. Mais j’hésiterais à conseiller cette cure à
1026 tuel. Mais j’hésiterais à conseiller cette cure à des jeunes gens en mal de bohème prolétarienne. Le spectacle de la cultur
1027 qu’ils sont en assez grand nombre pour constituer un parti, préparent les voies d’un fascisme culturel, de droite ou de ga
1028 e pour constituer un parti, préparent les voies d’ un fascisme culturel, de droite ou de gauche, et qui saura leur imposer
1029 de droite ou de gauche, et qui saura leur imposer un conformisme monstrueux, ou le silence. Il n’y a pas de solution prati
1030 pourra plus cacher longtemps l’universel complot des « hommes de main ». VIII. Où peut agir l’esprit ? Commettra-t-o
1031 s, à tort et à travers, opposent à toute critique un peu trop perspicace. Ils ont au fond raison, leur instinct a raison,
1032 mais le pardon n’est pas l’oubli, il est toujours un acte créateur en même temps qu’une critique radicale. Je crois aperce
1033 il est toujours un acte créateur en même temps qu’ une critique radicale. Je crois apercevoir d’ici une possibilité de repêc
1034 ’une critique radicale. Je crois apercevoir d’ici une possibilité de repêchage du projet de nos commissaires. Voici donc mo
1035 é par l’élite bourgeoise, visant à faire du clerc un inutile ; vu la situation économique inaugurée par le krach de Wall S
1036 e et la puissance de la publicité ; vu le chômage des intellectuels et ses suites politiques inévitables et prochaines ; vu
1037 urd’hui, sans détriment du prestige de la France, une restauration de l’esprit dans sa charge effective, créatrice et régul
1038 cations de la jeunesse qui repousse à l’unanimité un spiritualisme complice d’intérêts devenus criminels ; — constate : qu
1039 trer, d’humaniser et de transmettre les doctrines des clercs de tous ordres qui devaient régir la cité et qui se vendent ou
1040  ; que ce problème n’est plus jamais posé que par des penseurs sans audience et sans prestige dans l’État ; — et décide en
1041  ; — et décide en conséquence : la construction d’ un Palais de l’Esprit destiné à servir de club à tous ceux qui voudront
1042 sous les divers régimes actuels ? a-t-elle encore un sens dans le monde d’aujourd’hui qui tend à s’établir sur de tout aut
1043 ions seront introduites chaque matin par l’exposé des principales tendances qui s’affirment dans l’Europe d’aujourd’hui. Ce
1044 ’Europe d’aujourd’hui. Ce projet positif présente un gros défaut pratique : il conduit à poser de vraies questions sérieus
1045 uestions sérieuses. Il est donc irréalisable sous un patronage officiel. Exposer les dernières inventions mécaniques, ouvr
1046 poser les dernières inventions mécaniques, ouvrir une bibliothèque de plus, chatouiller avec de grands mots dépréciés et ab
1047 mots dépréciés et abstraits la plaque sensible d’ un micro devant une foule élégante et muette, — c’est une chose, c’est m
1048 et abstraits la plaque sensible d’un micro devant une foule élégante et muette, — c’est une chose, c’est même celle qu’on f
1049 icro devant une foule élégante et muette, — c’est une chose, c’est même celle qu’on fera. Mais c’est tout autre chose que d
1050 ce jeu. Les utopies sont nécessaires, mais il y a un temps pour les rêver et un temps pour les appliquer, un temps pour cr
1051 cessaires, mais il y a un temps pour les rêver et un temps pour les appliquer, un temps pour critiquer finement ce qui s’e
1052 ps pour les rêver et un temps pour les appliquer, un temps pour critiquer finement ce qui s’est fait, et un temps pour sai
1053 mps pour critiquer finement ce qui s’est fait, et un temps pour saisir à pleines mains les instruments de construction, qu
1054 instruments de construction, qui sont aussi ceux des démolitions préparatoires. L’important, c’est de voir hic et nunc où
1055 sionnées et simplistes du public ne puissent être un puissant rappel à la « réalité rugueuse » de ce monde. Mais ce rappel
1056 profond que ne peut voir la foule. Il faut donner un sens à sa vision. Oserons-nous dire que c’est la vocation d’Esprit ?
1057 nous dire que c’est la vocation d’Esprit ? Donner un sens à la vision d’une réalité, c’est montrer à quelle fin doit tendr
1058 vocation d’Esprit ? Donner un sens à la vision d’ une réalité, c’est montrer à quelle fin doit tendre cette réalité, — notr
1059 t non pas les poètes — peuvent en vérité « donner un sens plus pur aux mots de la tribu », — condition nécessaire de toute
1060 lture. Car avant de parler il faut savoir le sens des mots. Et pour que les mots aient un sens, un sens commun, et entendu
1061 voir le sens des mots. Et pour que les mots aient un sens, un sens commun, et entendu de tous, il faut que le terme — la f
1062 ens des mots. Et pour que les mots aient un sens, un sens commun, et entendu de tous, il faut que le terme — la fin — soit
1063 il faut que le terme — la fin — soit proclamé par des prophètes. Non pas des hommes grandiloquents ou excités, mais simplem
1064 la fin — soit proclamé par des prophètes. Non pas des hommes grandiloquents ou excités, mais simplement des hommes de foi s
1065 hommes grandiloquents ou excités, mais simplement des hommes de foi solide. Individus parfaitement négligeables en regard d
1066 elles ont à donner, qui est à tous. 24. « Pour un Palais de l’Esprit », Nouvelles littéraires du 6 avril 1935. 25. De
1067  Cette façon de dégrader la culture et d’en faire une chose à côté, tout en l’“élevant” au rang de suprastructure et en la
1068 e », Henri de Man y voit « la conception courante des masses populaires ». (L’Idée socialiste, p. 33). Le fait est incontes
1069 ais, je répugne à dépenser beaucoup d’argent pour un ouvrage périssable, surtout quand il s’agit d’une bibliothèque. » C’e
1070 un ouvrage périssable, surtout quand il s’agit d’ une bibliothèque. » C’est pourquoi « notre bibliothèque sera construite e
1071 argent ? L’Éthique de Spinoza coûte moins cher qu’ une petite 5 chevaux. Quant au salut, il est gratuit. Et je ne pense pas
1072 l’esprit. 29. De ce mépris de la pensée pure et des discours vient l’engouement pour ceux qu’on nomme les « techniciens »
1073 Cette mode, parfois heureuse, repose en fait sur un malentendu. On respecte le technicien et on le pousse dans les consei
1074 plupart de ceux qu’on nomme ainsi sont justement des théoriciens — ingénieurs ou économistes — et de l’espèce la plus amie
1075 eurs ou économistes — et de l’espèce la plus amie des abstractions, des solutions mathématiques, des statistiques et des pl
1076 s — et de l’espèce la plus amie des abstractions, des solutions mathématiques, des statistiques et des plans fabuleux. 30.
1077 ie des abstractions, des solutions mathématiques, des statistiques et des plans fabuleux. 30. « Ford, c’est Descartes desc
1078 des solutions mathématiques, des statistiques et des plans fabuleux. 30. « Ford, c’est Descartes descendu dans la rue »,
1079 on et Dandieu dans Le Cancer américain. 31. Dans un ouvrage intitulé Penser avec les mains , que ces réflexions introdui
1080 ite inapte à modifier le réel par son jeu même, d’ une manière immédiate. L’idéalisme excessif n’a pu que renforcer le préju
1081 On en est venu à concevoir l’action de l’esprit d’ une manière purement médiate : comme étant l’application des résultats du
1082 ière purement médiate : comme étant l’application des résultats du raisonnement à notre action. Sur le mystère de cette opé
1083 est soumis aux sanctions de la loi, ce qui exige une décision prise par une personne responsable. 34. « Nous éprouvons un
1084 ns de la loi, ce qui exige une décision prise par une personne responsable. 34. « Nous éprouvons une sorte de honte à pose
1085 r une personne responsable. 34. « Nous éprouvons une sorte de honte à poser les questions philosophiques : la tâche du phi
1086 ilosophe sincère est, de nos jours, suspendue par un fait, l’existence de la science. » Cet aveu est de Rauh (Avant-propos
1087 la science. » Cet aveu est de Rauh (Avant-propos des Études de morale). 35. Et sans doute d’abord chez les grands convert
1088 enan symbolise celle de notre culture : il part d’ une conception spiritualiste dont il escompte le triomphe temporel automa
1089 agique (par l’évolution de l’humanité). Il espère une souveraineté qu’il ne fait rien pour conquérir. Il espère que le pass
1090 la science ne saurait régner qu’in partibus, dans un monde purement « détaché ». La belle ruse de ces prétendants déçus co
1091 ors à nous faire croire que les faits obéissent à des lois sur lesquelles l’esprit ne peut rien. Comme si ce n’était pas ju
1092 usurpés. 37. « Le difficile et l’essentiel pour un philosophe, ce n’est pas d’arriver le plus vite possible à la conclus
1093 la pensée universitaire aboutit nécessairement à un faux (« se boucher les yeux »). Elle postule que le philosophe est dé
1094 te. » Ayant dit ses raisons, il a fait tout ce qu’ un clerc doit faire, selon nos grands docteurs et leurs petits disciples
1095 apaiser, il faut relâcher Barrabas. « Mieux vaut une injustice qu’un désordre. » — Malgré l’indignation que ce mot soulève
1096 relâcher Barrabas. « Mieux vaut une injustice qu’ un désordre. » — Malgré l’indignation que ce mot soulève chez nos clercs
1097 e échelle est aussi valable dans l’édition. Moins un livre comporte d’idées, de création, d’esprit actif, mieux il se vend
1098 s de ces débats et sous la pression populaire, en une espèce de nuit du 4 août de la pensée, abdiquant tous ses privilèges
1099 privilèges pêle-mêle, entre les mains du bureau d’ un parti, d’un dictateur ou d’un soviet. Cela n’est pas invraisemblable 
1100 êle-mêle, entre les mains du bureau d’un parti, d’ un dictateur ou d’un soviet. Cela n’est pas invraisemblable : abdiquer t
1101 s mains du bureau d’un parti, d’un dictateur ou d’ un soviet. Cela n’est pas invraisemblable : abdiquer toute espèce de con
1102 mblable : abdiquer toute espèce de conscience est une tentation fascinante pour l’homme qui a mauvaise conscience. P.-S. Ce
17 1936, Esprit, articles (1932–1962). Francfort, 16 mars 1936 (avril 1936)
1103 Francfort, 16 mars 1936 (avril 1936)s Un témoin de nos amis nous envoie ces notes. Nous les publions à titre d
1104 , s’il s’agit de prendre parti, en France, contre un mouvement politico-social qui voudrait refaire le coup de Mussolini,
1105 coup de Mussolini, le coup d’Hitler. Simplement, un tel mouvement n’aurait aucune justification historique dans un pays q
1106 ent n’aurait aucune justification historique dans un pays qui a fait la Révolution de 89, et qui est déjà une nation. Mais
1107 s qui a fait la Révolution de 89, et qui est déjà une nation. Mais condamner le « fascisme » allemand, et fonder sur cette
1108 isme » allemand, et fonder sur cette condamnation une politique européenne, c’est à peu près aussi intelligent que de se dé
1109 aussi intelligent que de se déclarer l’adversaire des avalanches et des marées, pour des raisons idéologiques. On entend de
1110 que de se déclarer l’adversaire des avalanches et des marées, pour des raisons idéologiques. On entend des gens à Paris, qu
1111 r l’adversaire des avalanches et des marées, pour des raisons idéologiques. On entend des gens à Paris, qui soutiennent que
1112 marées, pour des raisons idéologiques. On entend des gens à Paris, qui soutiennent que le fait-nation est une méchante far
1113 s à Paris, qui soutiennent que le fait-nation est une méchante farce inventée par la bourgeoisie, en guise de dernière défe
1114 gens-là n’ont probablement jamais voyagé au-delà des marges du Capital. Si du moins ils avaient été en Russie, il y aurait
1115 chances de leur faire comprendre ce que c’est qu’ une révolution de masses, au sens moderne. Et que ça n’a pas le moindre r
1116 peut comparer à quoi que ce soit de supposé connu des mouvements aussi totalement « étranges » et « profonds », et qui tran
1117 dre « idée » de la réalité nationale-socialiste à un homme, même de bonne volonté, qui n’aurait pas « vécu » (comme disent
1118 « vécu » (comme disent les Allemands : Miterlebt) une des grandes cérémonies de la religion nouvelle. Par exemple un discou
1119 cu » (comme disent les Allemands : Miterlebt) une des grandes cérémonies de la religion nouvelle. Par exemple un discours d
1120 s cérémonies de la religion nouvelle. Par exemple un discours du Führer à son peuple. Je roulais ces pensées, hier soir, d
1121 ule qui n’avait pas trouvé de places assises dans une halle de 30 000 places, et qui attendait, massée au fond, dans les tr
1122 rmations d’assaut avaient leur « appel général », des dizaines de milliers attendaient. J’étais venu pour écouter aussi la
1123 ues : ils ne disaient presque rien. On se passait un journal, une lorgnette. On se demandait l’heure. Des fifres jouaient,
1124 disaient presque rien. On se passait un journal, une lorgnette. On se demandait l’heure. Des fifres jouaient, accompagnés
1125 journal, une lorgnette. On se demandait l’heure. Des fifres jouaient, accompagnés par le roulement monotone des tambours a
1126 s jouaient, accompagnés par le roulement monotone des tambours au rythme lent, deux coups très espacés, trois coups espacés
1127 t heures sonnant, les lampes à arc s’éteignirent. Des flèches lumineuses gigantesques s’allumèrent sur la voûte, convergean
1128 ent sur la voûte, convergeant vers le couloir qui des premières galeries menait à la tribune, et dans la lueur d’un faible
1129 galeries menait à la tribune, et dans la lueur d’ un faible projecteur, il parut. Souriant comme en extase, saluant lentem
1130 ement, s’avançant peu à peu vers la tribune, sous un tonnerre assourdissant de heil rythmés — je n’entendais plus que les
1131 n’entendais plus que les cris de mes voisins sur un fond de tempête et de battements sourds — avec des gestes de prêtre,
1132 un fond de tempête et de battements sourds — avec des gestes de prêtre, avec une sorte de douceur… Pendant six minutes. Et
1133 ttements sourds — avec des gestes de prêtre, avec une sorte de douceur… Pendant six minutes. Et quand ce hurlement d’amour
1134 e hurlement d’amour s’apaisa, on entendait encore une rumeur d’océan au-dehors. Le journal de ce matin écrit : « Lorsque le
1135 e par la foi et la confiance du Peuple en moi ! —  un seul cri des masses confessant leur fidélité lui répondit. » Cri dési
1136 et la confiance du Peuple en moi ! — un seul cri des masses confessant leur fidélité lui répondit. » Cri désignant ici la
1137 la clameur instantanée de 30 000 hommes dressés d’ un seul élan. Je me souviens aussi de cela : « La puissance de gouverner
1138 aluant à la romaine, ils pleuraient, ils râlaient des heil ! la face énergiquement tendue vers lui. ⁂ Les journalistes en F
1139 me germanique, etc., et représentent Hitler comme un tribun déchaîné exploitant les haines les plus anormales. Nous n’iron
1140 lus discipliné que ces foules. Il ne s’agit pas d’ un tribun déchaîné ; il élève rarement la voix, sauf à la fin ; il ne di
1141 e rarement la voix, sauf à la fin ; il ne dit que des choses simples, raisonnables, parfois avec ironie, mais sans amertume
1142 tes sont souples, n’ont plus rien de la brutalité des années de combat, avant 1933. Il ne s’agit pas de haine : il s’agit d
1143 érémonies monumentales et sacrales en l’honneur d’ un Dieu nouveau, l’âme de la masse, l’obscur et puissant esprit de la na
1144 , le simple, l’ami et le libérateur invincible… «  Une ère nouvelle commence ici. » ⁂ Chrétiens, retournez aux catacombes !
18 1936, Esprit, articles (1932–1962). Vues sur C. F. Ramuz (mai 1936)
1145 mythologue Toute méthode féconde est basée sur une intuition des faits qu’elle veut appréhender ; dans cette mesure, il
1146 Toute méthode féconde est basée sur une intuition des faits qu’elle veut appréhender ; dans cette mesure, il est exact de d
1147 e pas d’aborder l’œuvre et la personne de Ramuz d’ une façon systématique. Non que cette œuvre et cette personne ne comporte
1148 talement exprimé qu’on ne peut plus le distinguer des formes qu’il propose à notre vue. Il s’est transformé en domaine. Il
1149 ’est transformé en domaine. Il faut le lire comme un visage. Qu’est-ce qu’un domaine, qu’est-ce qu’une propriété réelle, s
1150 ne. Il faut le lire comme un visage. Qu’est-ce qu’ un domaine, qu’est-ce qu’une propriété réelle, sinon l’extension dans l’
1151 un visage. Qu’est-ce qu’un domaine, qu’est-ce qu’ une propriété réelle, sinon l’extension dans l’espace d’une loi personnel
1152 opriété réelle, sinon l’extension dans l’espace d’ une loi personnelle, de la loi du propriétaire ? (Toute autre forme de pr
1153 a critique de Proudhon.) Décrire le « domaine » d’ un auteur authentique, c’est aussi décrire sa personne, à la manière du
1154 ce qui se manifeste ; rien ne se manifeste hors d’ un mouvement. Et tout mouvement provient de la lumière qui crée les form
1155 rmes en même temps que notre œil. « La vérité est une pensée matérialisée, la vérité doit exister non seulement en nous, ma
1156 , mais devant nous. Non seulement elle doit avoir un commencement et une fin, mais des contours, et non seulement des cont
1157 Non seulement elle doit avoir un commencement et une fin, mais des contours, et non seulement des contours, mais un relief
1158 elle doit avoir un commencement et une fin, mais des contours, et non seulement des contours, mais un relief et un volume.
1159 t et une fin, mais des contours, et non seulement des contours, mais un relief et un volume. Elle doit non seulement être v
1160 des contours, et non seulement des contours, mais un relief et un volume. Elle doit non seulement être vue, mais touchée,
1161 et non seulement des contours, mais un relief et un volume. Elle doit non seulement être vue, mais touchée, et puis embra
1162 t puis embrassée, puis finalement soulevée, ayant un poids à elle et une densité », écrit Ramuz. Le peuple dit, encore plu
1163 uis finalement soulevée, ayant un poids à elle et une densité », écrit Ramuz. Le peuple dit, encore plus simplement : « Si
1164 rait. » Telle est la loi nouvelle et la réalité d’ une ère dominée par ce fait historique : l’Incarnation de la Parole. Les
1165 uis Rimbaud qui voulait « posséder la vérité dans une âme et un corps ». Aujourd’hui, c’est un Rilke, un Claudel, un Ramuz
1166 qui voulait « posséder la vérité dans une âme et un corps ». Aujourd’hui, c’est un Rilke, un Claudel, un Ramuz qui détien
1167 té dans une âme et un corps ». Aujourd’hui, c’est un Rilke, un Claudel, un Ramuz qui détiennent les simples par quoi nous
1168 e âme et un corps ». Aujourd’hui, c’est un Rilke, un Claudel, un Ramuz qui détiennent les simples par quoi nous guérirons
1169 corps ». Aujourd’hui, c’est un Rilke, un Claudel, un Ramuz qui détiennent les simples par quoi nous guérirons du platonism
1170 toute création est dans le visage de l’homme. Qu’ un homme détienne un pouvoir créateur, c’est-à-dire un pouvoir d’incarna
1171 t dans le visage de l’homme. Qu’un homme détienne un pouvoir créateur, c’est-à-dire un pouvoir d’incarnation, vous le lire
1172 homme détienne un pouvoir créateur, c’est-à-dire un pouvoir d’incarnation, vous le lirez toujours sur les traits de sa fa
1173 sur les traits de sa face. (Encore faut-il avoir des yeux pour voir. Encore faut-il en croire ses yeux…) Il n’est d’art qu
1174 e. Il n’est d’esprit que dans l’action qui saisit une forme pour la transformer. L’esprit n’a pas son siège dans la cervell
1175 t. L’esprit se manifeste dans la main qui réalise une vision. Et dans le visage qui conditionne le regard, et se modèle sel
1176 visage, vision, et vue au sens d’idée.) ⁂ Ouvrez un livre de Ramuz : les choses « viennent », le monde « vient » (à nous)
1177 t » : et on les voit venir ainsi à la rencontre d’ un regard qui les invente et les dénombre et les connaît dans leur sens
1178 a genèse et l’ambition secrète de l’art de Ramuz. Un personnage de Ramuz, c’est d’abord une apparition, — une image venant
1179 t de Ramuz. Un personnage de Ramuz, c’est d’abord une apparition, — une image venant à nous. « … on les voit sortir des boi
1180 sonnage de Ramuz, c’est d’abord une apparition, —  une image venant à nous. « … on les voit sortir des bois dans le rose du
1181 — une image venant à nous. « … on les voit sortir des bois dans le rose du lever du jour et ils sont roses dans le ciel ros
1182 du jour et ils sont roses dans le ciel rose, avec des gouttes de rosée qui leur pendent à chaque poil et des souliers qui b
1183 outtes de rosée qui leur pendent à chaque poil et des souliers qui brillent. » Il y en a dans presque tous les livres de Ra
1184 les livres de Ramuz, de ces taupiers qui portent des bonnets de poil de lapin. On pourrait s’amuser à recomposer le pays a
1185 si l’homme est « authentique », est microcosme d’ un pays, d’un paysage et d’un ensemble de coutumes. Les rythmes du temps
1186 est « authentique », est microcosme d’un pays, d’ un paysage et d’un ensemble de coutumes. Les rythmes du temps s’y inscri
1187 ue », est microcosme d’un pays, d’un paysage et d’ un ensemble de coutumes. Les rythmes du temps s’y inscrivent aussi bien
1188 s du temps s’y inscrivent aussi bien que l’allure des pentes. « D’où cette démarche qu’ils ont, d’où encore la nécessité qu
1189 n langage avec les rythmes qu’elles traduisent. ⁂ Une forme, une image vivante : est-ce extérieur ou intérieur ? L’artiste
1190 vec les rythmes qu’elles traduisent. ⁂ Une forme, une image vivante : est-ce extérieur ou intérieur ? L’artiste répondra :
1191 de la forme toute faite, cadre imposé aux jeux d’ une invention prévue, mais de la forme en devenir, expressive du dedans e
1192 ficatif. Nous sommes ici au lieu de l’incarnation des images — ou de la création imaginée. Il faut rendre à ce mot d’imagin
1193 st la natura naturans. (Nous pourrons dire aussi, un peu plus tard, que c’est la faculté du concret chez un homme.) ⁂ « Ca
1194 u plus tard, que c’est la faculté du concret chez un homme.) ⁂ « Car le phénomène de l’art est un phénomène d’incarnation
1195 chez un homme.) ⁂ « Car le phénomène de l’art est un phénomène d’incarnation (ce que l’école ne comprend pas). » Toute l’e
1196 muz nous a retraduit quelques passages — où toute une théologie s’exprime entièrement par des choses (s’agît-il du profond
1197 où toute une théologie s’exprime entièrement par des choses (s’agît-il du profond mystère de la liberté des humains en pré
1198 hoses (s’agît-il du profond mystère de la liberté des humains en présence de « l’absurdité » du Tout-Puissant). Entre deux
1199 e moins « lyrique » et le plus matériel, parler d’ un ciel au bleu de lessive, plutôt que de l’azur du firmament, c’est, à
1200 sens littéral de ce nom : mais c’est aussi ce qu’ une certaine critique ne veut point pardonner à Ramuz. Un écrivain frança
1201 ertaine critique ne veut point pardonner à Ramuz. Un écrivain français de la tradition des classiques, comme ils le sont t
1202 ner à Ramuz. Un écrivain français de la tradition des classiques, comme ils le sont tous plus ou moins, paraît toujours s’e
1203 s’excuser de l’emploi qu’il fait, par occasion, d’ un terme roturier, commun, non littéraire. Ramuz, c’est le contraire : s
1204 me ils disent ». Il ne manque jamais de s’excuser des mots abstraits, des termes nobles auxquels il faut bien recourir lors
1205 ne manque jamais de s’excuser des mots abstraits, des termes nobles auxquels il faut bien recourir lorsqu’on veut dénoncer
1206 s couvrent. Les mots abstraits sont nécessaires à une certaine circulation d’idées qui « représentent » les choses et le co
1207 ésentent l’or de la réserve. Le mot n’est rien qu’ un droit aux choses. Mais s’il n’y a plus de choses, c’est une tromperie
1208 aux choses. Mais s’il n’y a plus de choses, c’est une tromperie. C’est pourquoi nos journaux contiennent tant de mensonges,
1209 ogie. Car le sens étymologique est toujours lié à une chose (ou à une action sur les choses). Utiliser les mots dans leur s
1210 s étymologique est toujours lié à une chose (ou à une action sur les choses). Utiliser les mots dans leur sens étymologique
1211 ie nous dit qu’il est l’état de virulence extrême des corps. Les journalistes ont décontenancé le langage des hommes de ce
1212 rps. Les journalistes ont décontenancé le langage des hommes de ce temps, et par là même, ils nous démoralisent plus sûreme
1213 illeure éducation du genre humain consisterait en une éducation de son langage. Un tribunal muni des pleins pouvoirs, insti
1214 ain consisterait en une éducation de son langage. Un tribunal muni des pleins pouvoirs, institué pour juger des cas de lan
1215 en une éducation de son langage. Un tribunal muni des pleins pouvoirs, institué pour juger des cas de langage délictueux, i
1216 nal muni des pleins pouvoirs, institué pour juger des cas de langage délictueux, inactuel, erroné ou inutilement abstrait,
1217 inactuel, erroné ou inutilement abstrait, ferait un bien meilleur travail — il faudrait qu’il donnât de fortes peines ! —
1218 il faudrait qu’il donnât de fortes peines ! — qu’ une cour d’assises occupée à juger des meurtres dont le vol est le mobile
1219 peines ! — qu’une cour d’assises occupée à juger des meurtres dont le vol est le mobile. Je dis qu’il ferait un meilleur t
1220 es dont le vol est le mobile. Je dis qu’il ferait un meilleur travail éducatif. Car il porterait l’attention des hommes su
1221 ur travail éducatif. Car il porterait l’attention des hommes sur le concret de l’existence, les détournant de ce fameux « p
1222 z président de ce tribunal. Et nous aurions enfin un langage « châtié », comme on disait dans les salons, au temps où le s
1223 e seul tribunal était celui du goût (c’est-à-dire des poncifs imposés par la cour de Louis XIV). ⁂ La même volonté d’incarn
1224  : c’est qu’il veut le rythme formé sur la nature des choses qu’il évoque, non point sur les modèles rhétoriques que l’écol
1225 e. Ainsi les changements de temps à l’intérieur d’ une même phrase. Je ne crois pas qu’il soit possible de les ramener à une
1226 ne crois pas qu’il soit possible de les ramener à une loi, ni même à un usage régulier ; ou plutôt ils n’ont pas d’autre lo
1227 soit possible de les ramener à une loi, ni même à un usage régulier ; ou plutôt ils n’ont pas d’autre loi que cette volont
1228 e cette volonté de plier l’attention aux phases d’ un geste, d’une action ou d’une pensée. ⁂ Il reste la fameuse psychologi
1229 nté de plier l’attention aux phases d’un geste, d’ une action ou d’une pensée. ⁂ Il reste la fameuse psychologie des personn
1230 ttention aux phases d’un geste, d’une action ou d’ une pensée. ⁂ Il reste la fameuse psychologie des personnages. Que peut-e
1231 u d’une pensée. ⁂ Il reste la fameuse psychologie des personnages. Que peut-elle signifier dans ce monde physionomique, et
1232 sionomique, et par quoi va-t-elle s’exprimer dans une vision qui ne veut rien connaître hors de la forme ? La psychologie d
1233 à rattacher par convention, presque par accident, une série d’attitudes et de causes « morales » à une série parallèle d’at
1234 une série d’attitudes et de causes « morales » à une série parallèle d’attitudes et de faits visibles ; l’accent étant por
1235 sant peu à peu au rôle de simples vérifications d’ une algèbre conventionnelle. À mesure que cette psychologie s’assure dava
1236 se raréfient : anecdotes ou exemples à l’appui d’ une laborieuse et schématique reconstruction des âmes. Il est entendu dés
1237 ui d’une laborieuse et schématique reconstruction des âmes. Il est entendu désormais qu’un auteur qui n’utilise que des fai
1238 onstruction des âmes. Il est entendu désormais qu’ un auteur qui n’utilise que des faits se range dans la catégorie du roma
1239 entendu désormais qu’un auteur qui n’utilise que des faits se range dans la catégorie du roman policier : il n’a pas de ps
1240 de de Ramuz, ces deux mots n’ont plus aucun sens. Une forme donnée n’a pas à signifier autre chose que ce qu’elle montre. I
1241 ythologie, chez Ramuz, déloge l’analyse abstraite des psychologues. Et l’on découvre à chacune de ses œuvres une significat
1242 ologues. Et l’on découvre à chacune de ses œuvres une signification mythologique. C’est en général l’irruption d’une forme
1243 tion mythologique. C’est en général l’irruption d’ une forme d’imagination nouvelle dans un village ou une contrée, plus rar
1244 irruption d’une forme d’imagination nouvelle dans un village ou une contrée, plus rarement chez un individu, qui constitue
1245 e forme d’imagination nouvelle dans un village ou une contrée, plus rarement chez un individu, qui constitue le vrai sujet
1246 ans un village ou une contrée, plus rarement chez un individu, qui constitue le vrai sujet de ses romans. Passage du Poète
1247 e de la rédemption par la souffrance (La Guérison des Maladies), etc. Et le roman n’a pas d’autre mouvement que le mouvemen
1248 n n’a pas d’autre mouvement que le mouvement même des images propagées par l’apparition du mythe au sein d’une communauté.
1249 ges propagées par l’apparition du mythe au sein d’ une communauté. Le bourgeois reste justiciable de la seule psychologie, e
1250 e divorce de ses idées et de ses actes. D’où naît une certaine littérature d’intrigues pour laquelle il est clair que Ramuz
1251 rdre de l’incarnation, devait le conduire à créer un milieu où tout « être » se traduisît immédiatement par un « paraître 
1252 u où tout « être » se traduisît immédiatement par un « paraître » ; en sorte qu’on pût faire l’économie des relations abst
1253  paraître » ; en sorte qu’on pût faire l’économie des relations abstraites inventées par les psychologues, et dans lesquell
1254 le créé d’abord à l’image du Ramuz créateur, avec des éléments tirés du caractère vaudois. On a, non sans comique, loué cet
1255 tiste raffiné » d’avoir su se « ravaler au niveau des simples ». Non, Ramuz ne descend pas au peuple, on devrait dire plutô
1256 lutôt qu’il y remonte. Son art vient de plus bas, des origines créatrices de sa race. Il a cette lenteur qu’impose la natur
1257 rticipe de cette lourdeur originelle et unanime d’ un peuple en communion avec les éléments. Ce n’est point là un art « d’a
1258 en communion avec les éléments. Ce n’est point là un art « d’après le peuple », mais on dirait plus justement : d’avant. U
1259 euple », mais on dirait plus justement : d’avant. Un art qui vient du fonds mythologique de la race. (Si Ramuz par exemple
1260 ue de la race. (Si Ramuz par exemple nous parle d’ une Antiquité, il faut entendre qu’il s’agit de celle du pays de Vaud : n
1261 la biblique, qui est vivante.) Ainsi tous parlent un même langage, qu’ils l’inscrivent sur le papier ou dans la terre qu’i
1262 ns la simplicité de son sujet, ce récit réalise d’ une manière exemplaire l’accord des éléments dont se nourrit l’art de Ram
1263 e récit réalise d’une manière exemplaire l’accord des éléments dont se nourrit l’art de Ramuz. Voici Caille, le colporteur
1264 ays, et offre à tous la Parole « ayant l’aspect d’ une brochure à couverture bleue » où les événements actuels — cela se pas
1265 bleue » où les événements actuels — cela se passe un jour d’été de 1918 — sont expliqués à la lumière des Écritures. La Fi
1266 sont expliqués à la lumière des Écritures. La Fin des temps est proche, il faut en témoigner. Caille pénètre dans les cours
1267 en qu’on n’est pas morts ! » Le monde renaît dans une soirée pure et le baiser d’un couple heureux. Rarement la forme authe
1268 monde renaît dans une soirée pure et le baiser d’ un couple heureux. Rarement la forme authentique de Ramuz atteignit une
1269 Rarement la forme authentique de Ramuz atteignit une autorité comparable à celle qui éclate dans cet ouvrage entièrement c
1270 vrage entièrement créé, entièrement « autorisé ». Un art, qui rend les choses à l’état naissant, rugueux, décapé de toute
1271 ute explication intellectuelle, atteignant par là une unité de style tellement têtue qu’elle évoque peu à peu on ne sait qu
1272 uissance naturelle, dans sa fascinante monotonie. Un art dont la mesure ne doit pas être cherchée dans le pittoresque, ni
1273 resque, ni dans l’ingéniosité, ni dans l’harmonie des sons, mais bien dans la pesée. Tous les procédés ramuziens : juxtapos
1274 emps, sont ici largement mis en œuvre ; mais avec une probité particulière. La surimpression par exemple n’est jamais pour
1275 surimpression par exemple n’est jamais pour Ramuz un moyen de créer du mystère en brouillant les plans du réel, mais un mo
1276 du mystère en brouillant les plans du réel, mais un moyen de rendre plus totale la vision. Tout, par ailleurs, indique ch
1277 que chez Ramuz la volonté de ne pas faire prendre une chose pour une autre, ni certain aspect convenu de la chose pour tout
1278 la volonté de ne pas faire prendre une chose pour une autre, ni certain aspect convenu de la chose pour toute la chose. C’e
1279 ’est pourquoi il s’attarde à décrire le concret d’ une façon concrète ; ainsi le maniement d’un outil. D’où le reproche de p
1280 ncret d’une façon concrète ; ainsi le maniement d’ un outil. D’où le reproche de puérilité que lui adressent ceux qui par e
1281 n’hésitent pas à prendre au sérieux l’intrigue d’ un roman bourgeois. On s’est trop arrêté à l’insolite du style chez Ramu
1282 t détaillés. Mais l’important, je pense, c’est qu’ une page de Ramuz — même pas très réussie, et il y en a, il faut le dire,
1283 s réussie, et il y en a, il faut le dire, qui ont un air raté, un air de pastiche de Ramuz —, c’est qu’une seule page de c
1284 il y en a, il faut le dire, qui ont un air raté, un air de pastiche de Ramuz —, c’est qu’une seule page de ce livre lue a
1285 air raté, un air de pastiche de Ramuz —, c’est qu’ une seule page de ce livre lue avec cette lenteur qu’elle impose, nous re
1286 e, nous replace dans la vision grande et efficace des gestes les plus simples de la vie. 2. Formule d’une personne « 
1287 estes les plus simples de la vie. 2. Formule d’ une personne « Leur poésie ne commence pas pour eux avec le commenceme
1288 de tout contact avec l’objet. » Ainsi parle Ramuz des faux poètes, des nominalistes. On croit voir transparaître dans ce pa
1289 vec l’objet. » Ainsi parle Ramuz des faux poètes, des nominalistes. On croit voir transparaître dans ce passage des Six Cah
1290 stes. On croit voir transparaître dans ce passage des Six Cahiers le « négatif », admirablement pris, d’un portrait de Ramu
1291 Six Cahiers le « négatif », admirablement pris, d’ un portrait de Ramuz, dont il est bien facile de tirer une épreuve posit
1292 rtrait de Ramuz, dont il est bien facile de tirer une épreuve positive : « Sa poésie commence avec le commencement de sa pe
1293 es intermédiaires de la culture, les assurances d’ une noblesse entérinée, tout un système délicat de conventions et de prud
1294 re, les assurances d’une noblesse entérinée, tout un système délicat de conventions et de prudences… Ramuz commence là où
1295 les intermédiaires sont supprimés. Goethe cherche une économie des moyens, qui permette d’aller au-delà de ce que la civili
1296 aires sont supprimés. Goethe cherche une économie des moyens, qui permette d’aller au-delà de ce que la civilisation lui do
1297 corps. Les niveaux respectifs auxquels se placent un Goethe et un Ramuz déterminent deux formes d’expérience apparemment i
1298 veaux respectifs auxquels se placent un Goethe et un Ramuz déterminent deux formes d’expérience apparemment incomparables.
1299 de l’attaquer, plus que ne font les défenseurs d’ une intelligence sans prises, d’une pensée sans risques, et d’un art sans
1300 les défenseurs d’une intelligence sans prises, d’ une pensée sans risques, et d’un art sans pitié. ⁂ Ramuz en veut à l’écol
1301 ence sans prises, d’une pensée sans risques, et d’ un art sans pitié. ⁂ Ramuz en veut à l’école, aux journaux, au langage n
1302 u quinze ans pour découvrir que le « gazouillis » des oiseaux pouvait être et était souvent le plus brutal des tintamarres,
1303 eaux pouvait être et était souvent le plus brutal des tintamarres, fait « d’un bruit de vitres cassées, de grincements pare
1304 souvent le plus brutal des tintamarres, fait « d’ un bruit de vitres cassées, de grincements pareils à ceux d’un clou sur
1305 e vitres cassées, de grincements pareils à ceux d’ un clou sur un caillou, d’un mélange de toux sèches ou rauques et de cou
1306 sées, de grincements pareils à ceux d’un clou sur un caillou, d’un mélange de toux sèches ou rauques et de coups de pioche
1307 ements pareils à ceux d’un clou sur un caillou, d’ un mélange de toux sèches ou rauques et de coups de pioche ou de marteau
1308 d’expliquer cette esthétique de l’objet brut par une mauvaise humeur d’artiste en réaction contre l’académisme. Si puissan
1309 me. Si puissantes que soient les conventions dans un pays, elles ne peuvent pas nourrir une réaction créatrice. Et ce n’es
1310 ntions dans un pays, elles ne peuvent pas nourrir une réaction créatrice. Et ce n’est point en haine de la facilité qu’un h
1311 ice. Et ce n’est point en haine de la facilité qu’ un homme recherchera jamais l’effort ; mais par goût de l’effort. Si Ram
1312 éal du bon écolier type, ce n’est jamais au nom d’ un naturisme romantique48. C’est parce que toutes ces aides tendent à su
1313 , dégradés, désunis, informes ; et par l’effort d’ une imagination qui retrouve leur raison d’être, les pousser jusqu’à l’ex
1314 le retour au Paradis perdu. ⁂ Il faut citer ici une page des Souvenirs sur Stravinsky qui me paraît d’une importance extr
1315 r au Paradis perdu. ⁂ Il faut citer ici une page des Souvenirs sur Stravinsky qui me paraît d’une importance extrême, non
1316 page des Souvenirs sur Stravinsky qui me paraît d’ une importance extrême, non seulement parce qu’elle est la plus clairvoya
1317 qu’elle indique, à peu près seule dans son œuvre, une perspective qui est, je crois, celle de la plénitude de cette œuvre.
1318 trouvé, puis perdu de nouveau, puis retrouvé pour un instant) : où on a en commun un Père et une Mère, où la grande parent
1319 uis retrouvé pour un instant) : où on a en commun un Père et une Mère, où la grande parenté des hommes est entr’aperçue po
1320 é pour un instant) : où on a en commun un Père et une Mère, où la grande parenté des hommes est entr’aperçue pour un instan
1321 commun un Père et une Mère, où la grande parenté des hommes est entr’aperçue pour un instant. Car c’est à la ré-apercevoir
1322 a grande parenté des hommes est entr’aperçue pour un instant. Car c’est à la ré-apercevoir pour un instant que tendent tou
1323 our un instant. Car c’est à la ré-apercevoir pour un instant que tendent tous les arts, et à nulle autre chose ; à quoi te
1324 à cela, à nulle autre chose. Nous atteignons pour un instant à l’homme des commencements, à l’homme d’avant la malédiction
1325 chose. Nous atteignons pour un instant à l’homme des commencements, à l’homme d’avant la malédiction, d’avant la grande pr
1326 ’avant la grande première bifurcation dont chacun des embranchements a comporté ensuite une bifurcation nouvelle, et celle-
1327 dont chacun des embranchements a comporté ensuite une bifurcation nouvelle, et celle-ci une autre, et ainsi de suite à l’in
1328 rté ensuite une bifurcation nouvelle, et celle-ci une autre, et ainsi de suite à l’infini, de sorte que pour finir on est c
1329 est malédiction), jusqu’à ce que tout à coup, par une espèce de renversement, la bénédiction intervienne, tout à coup il y
1330 ption par l’effort créateur… Autant de formules d’ un art dont la genèse se confond avec celle de la personne. Dans un essa
1331 genèse se confond avec celle de la personne. Dans un essai où je crois distinguer l’aveu de soi le plus direct qu’ait jama
1332 e plus direct qu’ait jamais consenti Ramuz (c’est Une Main) je lis ceci : « Certains hommes tiennent pour un gain tout ce q
1333 in) je lis ceci : « Certains hommes tiennent pour un gain tout ce qui leur apporte une facilité ; moi, je ne tiens pour un
1334 es tiennent pour un gain tout ce qui leur apporte une facilité ; moi, je ne tiens pour un gain que ce qui m’apporte un exem
1335 leur apporte une facilité ; moi, je ne tiens pour un gain que ce qui m’apporte un exemple. » Comment, ici encore, ne point
1336 oi, je ne tiens pour un gain que ce qui m’apporte un exemple. » Comment, ici encore, ne point songer à Goethe ? Mais à sa
1337 résistent et vous contredisent, comme par exemple une maison trop grande, un feu de bois vert qu’on s’ingénie à allumer dan
1338 disent, comme par exemple une maison trop grande, un feu de bois vert qu’on s’ingénie à allumer dans une cheminée qui tire
1339 n feu de bois vert qu’on s’ingénie à allumer dans une cheminée qui tire mal. J’aime les choses qui sont à leur façon, tandi
1340 ige à être présent »). Je vois ce grand exemple d’ une volonté tendue vers l’origine d’où procèdent à la fois les lois d’un
1341 ers l’origine d’où procèdent à la fois les lois d’ un art, la coutume d’un peuple, et l’authentique raison d’être, l’identi
1342 ocèdent à la fois les lois d’un art, la coutume d’ un peuple, et l’authentique raison d’être, l’identité d’une personne en
1343 ple, et l’authentique raison d’être, l’identité d’ une personne en communion, je vois, j’apprends, j’entends la voix d’un ho
1344 mmunion, je vois, j’apprends, j’entends la voix d’ un homme. N’est-ce pas assez ? Cette voix n’est-elle pas émouvante ? — O
1345 pas émouvante ? — Oui, c’est beaucoup, la voix d’ un homme. C’est assez rare dans la littérature. Qui voudrait exiger dava
1346 vertu. Mais notre siècle pose d’autres questions, des questions que Ramuz ne veut pas esquiver. Voici le temps où tout homm
1347 s fins. Voici le temps où l’homme est attaqué par des puissances qui veulent son abdication totale, — ou sa révolte, mais a
1348 abdication totale, — ou sa révolte, mais au nom d’ une vérité qu’il faudrait dire. Maintenant il y va de notre tout. La ques
1349 e que de nous. « Tout notre embrassement n’est qu’ une question51 ». Mais une question ne peut être sérieuse que si l’on sai
1350 otre embrassement n’est qu’une question51 ». Mais une question ne peut être sérieuse que si l’on sait que la réponse existe
1351 ait nous apprendre cet embrassement, cette saisie des choses et des êtres, cette présence au monde et à soi-même, — l’origi
1352 ndre cet embrassement, cette saisie des choses et des êtres, cette présence au monde et à soi-même, — l’originalité de l’ho
1353 ion qui relève du général. Ainsi le moralisme fut une doctrine abstraite du concret. Mais ses racines plongent dans la véri
1354 fait se voit. L’acte le plus secret, fût-il même un silence, laisse une trace au visage de l’homme, modifie sa forme exis
1355 te le plus secret, fût-il même un silence, laisse une trace au visage de l’homme, modifie sa forme existante. « La figure a
1356 nécessaire d’indiquer que rien n’est plus réel qu’ un mythe ? Il a fallu les ténèbres du xixe siècle pour que l’on prît ce
1357 ît ce mot pour synonyme de mensonge, qui n’est qu’ un sens dérivé, purement polémique, dirigé contre la religion des Grecs,
1358 vé, purement polémique, dirigé contre la religion des Grecs, et justifié par la seule connaissance qu’on a du premier sens.
1359 us facile à concevoir, dans notre état social, qu’ un patriote qui, entre deux discours nationalistes, s’occupe à faire pas
1360 plus difficile, c’est d’expliquer rationnellement une telle conduite. C’est alors que le psychologue entre en action. 47.
1361 t le ton de la musique de Stravinsky, du Sacre et des Noces. Le ton de la création du monde. 48. Il dit des personnages de
1362 oces. Le ton de la création du monde. 48. Il dit des personnages de ses romans : « Je ne les aime pas en tant que “primiti
1363 semble le croire : il ne faut pas être seulement un primitif, il faut être aussi un primitif ». C’est ce que l’école ne p
1364 as être seulement un primitif, il faut être aussi un primitif ». C’est ce que l’école ne peut pas admettre. 49. Pour auta
1365 e. 49. Pour autant, bien entendu, qu’il implique une création, qu’il résulte d’une mise en présence effective de l’homme e
1366 ndu, qu’il implique une création, qu’il résulte d’ une mise en présence effective de l’homme et de ce qui résiste à l’homme.
1367 Ramuz », Esprit, Paris, mai 1936, p. 154-168. u. Une note précise : « Fragments d’une étude à paraître dans un recueil int
1368 p. 154-168. u. Une note précise : « Fragments d’ une étude à paraître dans un recueil intitulé Les Personnes du Drame . »
1369 précise : « Fragments d’une étude à paraître dans un recueil intitulé Les Personnes du Drame . »
19 1936, Esprit, articles (1932–1962). Culture et commune mesure (novembre 1936)
1370 S l’on s’attire d’ordinaire les reproches de tout un groupe d’intellectuels bourgeois qui sympathisent avec la jeune révol
1371 uphorie juvénile qui paraît bien s’être emparée d’ une partie du peuple russe ; assez ignorants au surplus des théories de M
1372 rtie du peuple russe ; assez ignorants au surplus des théories de Marx et de Lénine, ces intellectuels estiment injuste et
1373 timent injuste et ridicule de reprocher au régime des Soviets certaines erreurs d’ordre métaphysique, qui leur paraissent s
1374 otion bourgeoise et libérale de l’esprit se fonde une pareille indulgence.) L’important, à leurs yeux, c’est l’enthousiasme
1375 r leurs discours, au lieu de croire aux sornettes des popes. En somme, ce qu’ils admirent dans la Russie nouvelle, c’est un
1376 ce qu’ils admirent dans la Russie nouvelle, c’est une santé énorme, une joie au travail dont rien ici ne peut donner l’idée
1377 dans la Russie nouvelle, c’est une santé énorme, une joie au travail dont rien ici ne peut donner l’idée ; mais c’est auss
1378 ici ne peut donner l’idée ; mais c’est aussi et d’ une manière fort imprévue, la renaissance d’un certain humanisme, d’un ce
1379 et d’une manière fort imprévue, la renaissance d’ un certain humanisme, d’un certain orgueil humaniste, d’une certaine ins
1380 mprévue, la renaissance d’un certain humanisme, d’ un certain orgueil humaniste, d’une certaine insolence joyeuse à nier le
1381 tain humanisme, d’un certain orgueil humaniste, d’ une certaine insolence joyeuse à nier les valeurs transcendantes, d’une c
1382 ence joyeuse à nier les valeurs transcendantes, d’ une certaine âpreté rationaliste qui rappelle les solides vertus de la bo
1383 nt en train de perdre. Et pourtant Marx avait été un peu plus loin ! Et l’on s’interdirait de rien comprendre à l’évolutio
1384 oviétique si l’on se refusait à l’examen critique des doctrines qui sont à sa base. Je ne dis pas qu’elles n’aient été souv
1385 ons » impressionnantes que l’URSS, étale aux yeux des visiteurs, ceux-ci reviennent persuadés que la critique d’un clerc y
1386 s, ceux-ci reviennent persuadés que la critique d’ un clerc y perd ses droits et n’est plus à l’échelle du phénomène… Raiso
1387 Marx avait affirmé que la culture n’était rien qu’ un « reflet » du processus économique, et de la lutte des classes qui en
1388 . De là sa théorie de la culture considérée comme une simple superstructure du dynamisme matériel. On sait à quel échec con
1389 tarienne, censée naître automatiquement, et comme un produit accessoire de la dictature économique des prolétaires. Au dé
1390 un produit accessoire de la dictature économique des prolétaires. Au début, on avait représenté les masses comme la force
1391 peu à peu que la révolution est au fond l’œuvre d’ une minorité, que le gouvernement du prolétariat est au fond un gouvernem
1392 é, que le gouvernement du prolétariat est au fond un gouvernement pour le prolétariat… Dans la théorie de la culture, l’id
1393 ès le début : culture socialiste, configuration d’ une Idée par des hommes qui y croient, et qui, à cause de cette foi, voud
1394 culture socialiste, configuration d’une Idée par des hommes qui y croient, et qui, à cause de cette foi, voudraient en rem
1395 C’était substituer au dogme de la toute-puissance des faits économiques, la croyance au pouvoir créateur d’une élite guidan
1396 ts économiques, la croyance au pouvoir créateur d’ une élite guidant les masses. Et cette évolution s’est trouvée confirmée
1397 ionnèrent les débats de ces congrès, il se dégage une seule conclusion claire, à vrai dire de première importance : Le ra
1398 alisme. Il faut alors définir la culture comme «  une forme commune de la vie, dont l’activité économique et politique ne c
1399 ’activité économique et politique ne constitue qu’ une partie tout comme la production scientifique et artistique »54. Ceci
1400 requiert surtout la pensée — doivent s’ordonner à une mesure commune en vue de réaliser cette fin commune qu’est l’univers
1401 d’Occident se sont faits les conservateurs. C’est un plan beaucoup plus opportuniste que doctrinal, plus « russe » et plus
1402 plus léniniste que marxiste, et qui comporte même une négation précise de la croyance originelle en l’évolution « mécanique
1403 rapprochements et les oppositions sommaires. Mais un fait demeure hors de doute et surpasse l’ordre des erreurs possibles 
1404 un fait demeure hors de doute et surpasse l’ordre des erreurs possibles : c’est que le Plan est l’instrument forgé par la d
1405 l’action du peuple et de ses conducteurs en vue d’ une fin à laquelle tout doit s’ordonner. L’assimilation de la culture (et
1406 Soviets en sont venus à confondre sans l’ombre d’ un doute « culture » et « production » en général. Étonnante réaction co
1407 de plus en plus la culture à la « jouissance » d’ un consommateur distingué. Mais ici l’équivoque matérialiste se manifest
1408 is ici l’équivoque matérialiste se manifeste avec une impudeur gênante pour les subtils « dialecticiens »56. Les écrivains
1409 exemple impressionnant de l’ascension culturelle des masses la construction du métro de Moscou, le plus beau du monde disa
1410 t l’on peut lire chaque jour dans la presse russe des déclarations de ce genre « Le niveau culturel a été élevé par le Torg
1411 gsin en effet a répandu dans toute l’URSS l’usage des semelles-crêpe. C’est très bien que d’établir un rapport entre la qua
1412 des semelles-crêpe. C’est très bien que d’établir un rapport entre la qualité des semelles et la culture générale. C’est t
1413 ès bien que d’établir un rapport entre la qualité des semelles et la culture générale. C’est très bien de pousser jusque-là
1414 n — ou Gleichschaltung comme diraient les nazis — des activités spirituelles et pratiques. Mais la conception qui assimile
1415 l’élévation du niveau de la culture à l’épaisseur des semelles n’a rien de révolutionnaire, si toutefois l’on refuse de con
1416 ques sont toujours plus tentées de l’opérer, avec une bonne humeur et une bonne volonté qui devraient empêcher que l’on en
1417 lus tentées de l’opérer, avec une bonne humeur et une bonne volonté qui devraient empêcher que l’on en rie… Poursuivons don
1418 joue-t-il parmi les communistes russes le rôle d’ un permanent rappel de la finalité commune à toutes les œuvres spirituel
1419 émoignages que nous possédons sur l’état d’esprit des membres du Parti communiste d’une part, sur la puissance de l’inquisi
1420 ou de force, le Plan est bien ce rappel permanent des fins dernières conçues par le Parti : l’établissement dans cent ans o
1421 ti : l’établissement dans cent ans ou mille ans d’ un paradis universel. C’est au nom de ces fins dernières, et de la consc
1422 jeunes komsomols et brigadiers de choc s’imposent une morale ascétique, acceptent des privations de toute nature, et suppor
1423 e choc s’imposent une morale ascétique, acceptent des privations de toute nature, et supportent avec enthousiasme un régime
1424 de toute nature, et supportent avec enthousiasme un régime de travail parfois beaucoup plus dur que celui qui existe enco
1425 e encore dans les pays capitalistes. L’avantage d’ une commune mesure donnant un sens aux moindres tâches individuelles qu’e
1426 talistes. L’avantage d’une commune mesure donnant un sens aux moindres tâches individuelles qu’elle situe dans un tout gra
1427 moindres tâches individuelles qu’elle situe dans un tout grandiose et coloré ainsi d’héroïsme, éclate alors à tous les ye
1428 ur travail, et que nous nous méfions généralement des buts obscurs, peut-être criminels, du nôtre. 2) Mais le Plan possède-
1429 i doit être, en tous les domaines, le caractère d’ une mesure vivante ? L’idéal du Plan soviétique, qui est le monde intégra
1430 éation, d’espérance, d’amour ? Pour nous borner à un exemple : les disciplines imposées par le Plan à la création artistiq
1431 Plan à la création artistique sont-elles vraiment des disciplines fécondes, ou au contraire, des conformismes et des poncif
1432 aiment des disciplines fécondes, ou au contraire, des conformismes et des poncifs ? Il ressort des aveux mêmes, faits à tit
1433 es fécondes, ou au contraire, des conformismes et des poncifs ? Il ressort des aveux mêmes, faits à titre d’autocritique pa
1434 ire, des conformismes et des poncifs ? Il ressort des aveux mêmes, faits à titre d’autocritique par divers écrivains commun
1435 es, que la littérature conforme au Plan n’est pas un art, mais une forme assez basse de propagande politique, et de public
1436 ttérature conforme au Plan n’est pas un art, mais une forme assez basse de propagande politique, et de publicité industriel
1437 linisme, commence seulement d’apparaître aux yeux des partisans sincères du régime. On comprend fort bien les raisons qui l
1438 ns de choc » ont appris à écrire en même temps qu’ un peuple immense apprenait à les lire. Cette situation exceptionnelle e
1439 tte situation exceptionnelle et provisoire a créé une communauté d’intérêts immédiats et vitaux entre les producteurs et le
1440 lture. Tant qu’il ne s’agissait que de construire des tracteurs, les poètes du tracteur et ceux qui le conduisaient parlaie
1441 avant tout, conformément à la doctrine marxiste, un schéma de la production industrielle quantitative. Le succès même des
1442 duction industrielle quantitative. Le succès même des premiers plans de cinq ans devait manifester l’insuffisance d’un prin
1443 ns de cinq ans devait manifester l’insuffisance d’ un principe de communion aussi pauvre. Car une fois le pain assuré, quan
1444 technicien, on éprouva naturellement le besoin d’ une langue plus riche et plus vivante, apte à décrire les passions, et la
1445 écrire les passions, et la nature et la diversité des êtres. Il fallait désormais recourir à une mesure qualitative que le
1446 ersité des êtres. Il fallait désormais recourir à une mesure qualitative que le Plan ne pouvait fournir, n’ayant pas voulu
1447 hodoxes pour l’exprimer ou l’inventer, on chercha des modèles et des trucs dans les littératures bourgeoises, au hasard des
1448 exprimer ou l’inventer, on chercha des modèles et des trucs dans les littératures bourgeoises, au hasard des tendances poli
1449 rucs dans les littératures bourgeoises, au hasard des tendances politiques affichées par leurs grands auteurs. C’était réin
1450 tel dans le domaine littéraire n’en est pas moins une évidence. ⁂ Les écrivains soviétiques l’ont compris. Aussi les voit-o
1451 e qui veut que la culture socialiste naisse comme une production automatique du triomphe de la classe ouvrière. La phrase d
1452 a nouvelle école soviétique, l’unité du peuple et des clercs n’est pas « quelque chose de donné »… mais « quelque chose qu’
1453 on emphatique de ce qu’ils appellent la « volonté des hommes »57, mythe nietzschéen sournoisement introduit dans une sociét
1454 7, mythe nietzschéen sournoisement introduit dans une société marxiste, dont il trahit les présuppositions fondamentales. A
1455 les présuppositions fondamentales. Ainsi l’idée d’ un Homme nouveau, imprévisible, en vue duquel la culture communiste devr
1456 par le Plan et qui régit encore l’action pratique des communistes, est d’ores et déjà combattue par une mesure spirituelle
1457 des communistes, est d’ores et déjà combattue par une mesure spirituelle toute différente, et à certains égards, contraire.
1458 « insérer de l’extérieur » ; en dépit de la Force des Choses ; en vertu d’un esprit étranger… ⁂ Résumons les données de ce
1459  » ; en dépit de la Force des Choses ; en vertu d’ un esprit étranger… ⁂ Résumons les données de ce drame. Le communisme es
1460 es données de ce drame. Le communisme est parti d’ un principe qu’il tirait logiquement de Marx, et dont il entendait faire
1461 ne vient qu’après. Ainsi tout se trouva soumis à des fins purement matérielles, dont on espérait qu’il naîtrait spontanéme
1462 les, dont on espérait qu’il naîtrait spontanément une culture populaire. C’était viser trop court, et sous-estimer l’ennemi
1463 re. De cette insuffisance de l’idéal — et non pas des moyens mis en œuvre pour l’atteindre — devait résulter une scission,
1464 s mis en œuvre pour l’atteindre — devait résulter une scission, et le désir d’une mesure plus vivante. La scission vient de
1465 dre — devait résulter une scission, et le désir d’ une mesure plus vivante. La scission vient de s’opérer, et seule l’inquis
1466 étiques réussit à masquer son étendue. Le désir d’ une mesure plus vivante se manifeste bien souvent à l’insu de ceux qu’il
1467 isement. Mythe plus vaste et plus vague que celui des économistes, mythe créé par l’angoisse et l’orgueil des prisonniers d
1468 onomistes, mythe créé par l’angoisse et l’orgueil des prisonniers d’une raison brutale : il aura sans doute la vie dure, co
1469 réé par l’angoisse et l’orgueil des prisonniers d’ une raison brutale : il aura sans doute la vie dure, comme tout ce qui es
1470 ’on voulait imposer à son orgueil n’est encore qu’ une immense caricature ; et que les fins qu’elle lui propose ne valent pa
1471 e la nécessité et de l’orgueil59 : l’apparition d’ un homme nouveau au faîte de l’édifice matérialiste. Est-ce que tout le
1472 térialiste. Est-ce que tout le progrès acquis par une si dure révolution n’aura été que de donner aux hommes, avec quelques
1473 de bourgeois n’a même plus l’énergie de concevoir une illusion, une démesure ou une mesure qui fasse battre pendant cinq an
1474 ’a même plus l’énergie de concevoir une illusion, une démesure ou une mesure qui fasse battre pendant cinq ans le cœur d’un
1475 nergie de concevoir une illusion, une démesure ou une mesure qui fasse battre pendant cinq ans le cœur d’un peuple. Cela su
1476 esure qui fasse battre pendant cinq ans le cœur d’ un peuple. Cela suffira sans doute à rendre vaines toutes mes critiques
1477 ute à rendre vaines toutes mes critiques aux yeux des intellectuels bourgeois justement tourmentés dans leur conscience, et
1478 SS. Pour moi, je me bornerai à tirer de tout cela une conclusion concrète, qui peut nous être utile pour une future constru
1479 onclusion concrète, qui peut nous être utile pour une future construction : la mesure pseudo-marxiste que les Soviets propo
1480 ment imposée. Et je ne préjuge rien de l’avenir d’ un peuple qui dispose de ressources mystiques aussi puissantes. Peut-êtr
1481 a jeune Russie, notre devoir n’est pas de railler des naïvetés plus sympathiques que nos astuces, mais il n’est pas non plu
1482 est pas de dire non à tout, ni oui à tout ; c’est un devoir de critique lucide, et j’ajouterai de critique méfiante, dans
1483 sait naguère américaine, et qui ressemble à celle des nouveaux riches de tous les temps. Nous avons fait des expériences do
1484 ouveaux riches de tous les temps. Nous avons fait des expériences dont ils ne soupçonnent pas la gravité, et moins encore l
1485 qui précède, il serait ridicule et vain de tirer une « condamnation » des conceptions culturelles russes ou allemandes60.
1486 it ridicule et vain de tirer une « condamnation » des conceptions culturelles russes ou allemandes60. Ces entreprises, d’un
1487 relles russes ou allemandes60. Ces entreprises, d’ une envergure sans précédent, ne sont pas justiciables des critiques qu’o
1488 nvergure sans précédent, ne sont pas justiciables des critiques qu’on leur adresse d’ordinaire en France au nom de quelques
1489 rsqu’elle est consciemment anarchique, en vertu d’ une volonté et d’un idéal déclaré. Le libéralisme n’a le droit de critiqu
1490 sciemment anarchique, en vertu d’une volonté et d’ un idéal déclaré. Le libéralisme n’a le droit de critiquer la dictature
1491 it de critiquer la dictature que lorsqu’il assure une liberté réelle et plus féconde que la contrainte. Les surréalistes so
1492 industrie lourde sont hypocrites quand ils payent des auteurs pour dénoncer le « sans-dieuisme » soviétique. Il faudrait au
1493 uisme » soviétique. Il faudrait aussi se garder d’ une certaine facilité sénile, dont la jeunesse française n’est pas toujou
1494 ciale et brutalité, volonté de servir et trahison des clercs, etc., tout cela au nom d’une conception de l’esprit pur dont
1495 et trahison des clercs, etc., tout cela au nom d’ une conception de l’esprit pur dont la faiblesse philosophique égale l’hy
1496 e tout pronostic global quant à l’avenir culturel des régimes totalitaires. Le composé hitlérien d’irrationalisme romantiqu
1497 core exploitées dont dispose l’URSS ; la pression des nouvelles générations, dont les chefs qui les ont formées avouent déj
1498 usqu’à présent, de grandes œuvres représentatives des nouvelles conceptions proclamées, — autant de facteurs d’indéterminat
1499 et déjà acquis, le seul qui tombe sous le coup d’ une critique générale, indépendamment de tout jugement politique, est aus
1500 squ’ici dans leur tentative de créer par la force une commune mesure pour la pensée et l’action. La démonstration que j’ai
1501 r maintenant par trois remarques, qui se dégagent des pages précédentes. 1. La ressemblance formelle entre les moyens d’app
1502 is la technique de l’action sur les masses. C’est une mesure partielle, valable pour la seule action au cours de laquelle e
1503 ette mesure partielle ne peut pas réussir à créer une communion vraiment vivante. En fait, elle n’y réussit pas. Le schémat
1504 peut au plus favoriser l’instruction élémentaire des masses. Mais il est totalement impuissant à provoquer la création, et
1505 n, et à la régler, étant de par son origine coupé des sources mêmes de toute création culturelle, qui jaillissent de la per
1506 ’observateur étranger que je suis, mais aux chefs des partis dictatoriaux eux-mêmes. De là toute la passion avec laquelle i
1507 ssion avec laquelle ils parlent de la nécessité d’ un homme nouveau — en Allemagne aussi bien qu’en URSS. ⁂ Les partisans d
1508 iques et historiques étaient telles qu’il fallait une dictature pour y mettre un minimum d’ordre et permettre à la vie de c
1509 telles qu’il fallait une dictature pour y mettre un minimum d’ordre et permettre à la vie de continuer. Il est incontesta
1510 d’urgence, à chaud et nous y avons porté le fer d’ une main assurée. Vos critiques ne nous touchent pas, parce qu’elles ne t
1511 uchent pas, parce qu’elles ne tiennent pas compte des faits qui nous ont imposé leurs conditions. b) Vous souffrez vous aus
1512 dans vos démocraties libérales et parlementaires, des maux qui étaient devenus aigus chez nous : luttes sociales, injustice
1513 tes sociales, injustices économiques, décadence d’ une culture séparée du peuple et divisée contre elle-même, grabuge des fa
1514 ée du peuple et divisée contre elle-même, grabuge des factions partisanes, vieillards aux commandes, presse « libre » aux o
1515 llards aux commandes, presse « libre » aux ordres des grands trusts, anarchie dans l’enseignement, et dix morales contradic
1516 de la classe ou de la race. Vous vous êtes refait un corps. Mais les problèmes spirituels n’ont pas été résolus pour autan
1517 ant. Vous avez reculé la question de dix ans ou d’ un siècle, je ne sais ; mais ce que je sais, c’est que tous nos pays se
1518 ue je sais, c’est que tous nos pays se trouveront un jour futur en face des mêmes tâches décisives dans le domaine culture
1519 cisives dans le domaine culturel. Vous disposez d’ un matériel de base beaucoup plus puissant que le nôtre ; mais nous gard
1520 nôtre ; mais nous gardons l’avantage important d’ une tradition de liberté. Et vos premières expériences nous enseignent. T
1521 reste, pour calculer et préparer spirituellement une révolution qui soit nôtre, sans brutalités extérieures, sans destruct
1522 se abêtissante. Autrement dit, nous avons à créer un nouveau type de révolution, dont l’exemple vous sera certainement plu
1523 Dans cette tâche-là, je vois le seul fondement d’ une nouvelle culture européenne… b) Il est faux que nous soyons obligés d
1524 mmencer par l’extérieur, si nous voulons rétablir une mesure commune à la pensée et à l’action. Car un ordre extérieur n’es
1525 une mesure commune à la pensée et à l’action. Car un ordre extérieur n’est solide et fécond que s’il résulte d’un ordre in
1526 térieur n’est solide et fécond que s’il résulte d’ un ordre intérieur. Et cet ordre intérieur ne se crée pas à coups de déc
1527 propagande de masses. Pas d’ordre spirituel sans un minimum matériel, c’est l’évidence. Mais pas d’ordre total sans une s
1528 el, c’est l’évidence. Mais pas d’ordre total sans une soumission organique du matériel au spirituel. C’est encore là une év
1529 ganique du matériel au spirituel. C’est encore là une évidence, et qui n’est pas moins actuelle. III. L’appel à la commu
1530 e, ou l’Europe du xxe siècle Je ne connais qu’ un moyen de résister à l’Europe, c’est de lui opposer le génie de la lib
1531 s exemples de civilisations anciennes fondées sur des mesures déterminées, et tirant justement de ces mesures ce que nous a
1532 rèce d’Homère et la Grèce de Périclès, et la Rome des Césars, et la France de Louis XIV, et les empires égyptiens et aztèqu
1533 et les empires égyptiens et aztèques, et la Chine des longues dynasties : grands empires et grandes cultures qu’un grand de
1534 dynasties : grands empires et grandes cultures qu’ un grand dessein pouvait seul maintenir. Mais pour attester la présence
1535 la présence universelle de ce dessein, il fallait des symboles visibles et dont le sens fût reconnu de tous, prince et suje
1536 teurs et pédagogues. Ainsi l’histoire ou l’action des « grands desseins » peut être déchiffrée précisément dans l’histoire
1537 échiffrée précisément dans l’histoire ou l’action des signes visibles qui symbolisaient leur grandeur. Et l’histoire des me
1538 es qui symbolisaient leur grandeur. Et l’histoire des mesures communes ordonnées à ces grands desseins et ordonnant toutes
1539 nt toutes choses à leur service, c’est l’histoire des objets, des langages, des génies ou des organismes en lesquels s’inca
1540 oses à leur service, c’est l’histoire des objets, des langages, des génies ou des organismes en lesquels s’incarnèrent des
1541 rvice, c’est l’histoire des objets, des langages, des génies ou des organismes en lesquels s’incarnèrent des mesures, selon
1542 ’histoire des objets, des langages, des génies ou des organismes en lesquels s’incarnèrent des mesures, selon les temps et
1543 énies ou des organismes en lesquels s’incarnèrent des mesures, selon les temps et les lieux, ou les astres. Cependant, une
1544 les temps et les lieux, ou les astres. Cependant, une mesure n’est rien, et ses symboles ne signifient rien, si l’on oublie
1545 n’y a pas le messianisme, le latin s’il n’y a pas une catholicité, le Plan s’il n’y a pas un Paradis à venir sur cette terr
1546 n’y a pas une catholicité, le Plan s’il n’y a pas un Paradis à venir sur cette terre, le Führer s’il n’y a pas l’Empire po
1547 populaire. Le signe irréfutable de la présence d’ un grand dessein, c’est l’incarnation d’une mesure commune à tous les or
1548 résence d’un grand dessein, c’est l’incarnation d’ une mesure commune à tous les ordres et qui les harmonise. La question de
1549 et qui les harmonise. La question de la mesure d’ une civilisation est sans nul doute la question mère de toute problématiq
1550 tion mère de toute problématique culturelle. Mais une mesure n’est en soi ni vraie ni fausse ; elle n’est que plus ou moins
1551 sur cette mesure. Si donc nous voulons restaurer une civilisation défaite, il faudra commencer par ce qui détermine toute
1552 étranger, certains signes créés par d’autres pour des fins qui ne sont pas les nôtres. On ne refait une culture qu’en retro
1553 des fins qui ne sont pas les nôtres. On ne refait une culture qu’en retrouvant une foi. Mais on ne retrouve une foi qu’en d
1554 nôtres. On ne refait une culture qu’en retrouvant une foi. Mais on ne retrouve une foi qu’en discernant sa vocation concrèt
1555 ure qu’en retrouvant une foi. Mais on ne retrouve une foi qu’en discernant sa vocation concrète. Or toute vocation est situ
1556 ocation concrète. Or toute vocation est située en un lieu circonscrit de la terre, en un temps limité de l’Histoire, sous
1557 est située en un lieu circonscrit de la terre, en un temps limité de l’Histoire, sous les figures d’un ciel unique. C’est
1558 un temps limité de l’Histoire, sous les figures d’ un ciel unique. C’est là seulement qu’elle se révèle à nous, comme un ju
1559 ’est là seulement qu’elle se révèle à nous, comme un jugement porté sur cette situation. Je ne crois pas aux voix mystérie
1560 pas aux voix mystérieuses mais je crois à l’appel des faits. Considérons les temps et les lieux où nous vivons, la situatio
1561 st-à-dire choisissons nos buts prochains au nom d’ une vérité finale qui ne connaît pas nos contingences. Voilà la tension c
1562 nsion créatrice : réalité et vérité assumées dans une seule volonté. Il reste à remplacer chacun des termes abstraits de ce
1563 ns une seule volonté. Il reste à remplacer chacun des termes abstraits de cette formule par un fait ou un nom contemporains
1564 chacun des termes abstraits de cette formule par un fait ou un nom contemporains.   1. Temps et lieux : l’Europe d’aujour
1565 termes abstraits de cette formule par un fait ou un nom contemporains.   1. Temps et lieux : l’Europe d’aujourd’hui. Dans
1566 ent rajeunies. Les vieilles nations mènent encore une vie à bien des égards plus facile et plus libre que les nouvelles. El
1567 Les vieilles nations mènent encore une vie à bien des égards plus facile et plus libre que les nouvelles. Elles ont gardé u
1568 et plus libre que les nouvelles. Elles ont gardé un certain nombre de possibilités dont les nations plus jeunes se sont v
1569 volontairement privées. Elles s’honorent d’avoir une presse d’opposition, une population civile plus nombreuse que la mili
1570 Elles s’honorent d’avoir une presse d’opposition, une population civile plus nombreuse que la militaire, un gouvernement fa
1571 opulation civile plus nombreuse que la militaire, un gouvernement faible et des vieillards puissants. Leur opinion publiqu
1572 reuse que la militaire, un gouvernement faible et des vieillards puissants. Leur opinion publique est incertaine, facilemen
1573 e fait : ces deux traits définissent l’atmosphère des nations libérales d’aujourd’hui. Elles ne savent trop que faire de ce
1574 sont celles qui ont fait ou subi depuis la guerre une révolution de masses. Elles mènent une vie dure et s’en disent fières
1575 la guerre une révolution de masses. Elles mènent une vie dure et s’en disent fières. Certes, elles ont sacrifié un certain
1576 et s’en disent fières. Certes, elles ont sacrifié un certain nombre de possibilités théoriquement fort enviables. Mais c’e
1577 ent, ni vieillards cramponnés aux commandes, mais une jeunesse disciplinée, fanatisée, toute puissante et toute dévouée aux
1578 e et toute dévouée aux seuls intérêts de l’État. ( Des « soldats politiques » comme on dit en Allemagne.) Leur opinion publi
1579 mal gré, se rapporte à ces seuls décrets. Partout des gênes et des interdictions, mais toujours présentées aux masses comme
1580 apporte à ces seuls décrets. Partout des gênes et des interdictions, mais toujours présentées aux masses comme les gages d’
1581 toujours présentées aux masses comme les gages d’ un bonheur à venir et d’une grandeur digne de tous les sacrifices. Et co
1582 masses comme les gages d’un bonheur à venir et d’ une grandeur digne de tous les sacrifices. Et comment ne croirait-on pas
1583 imposé, ces deux traits définissent l’atmosphère des nations rajeunies de l’Europe. Elles n’ont plus de liberté, mais du t
1584 ouvante les libéraux n’est en fait que l’ensemble des conditions pratiquement nécessaires pour assurer à chaque homme du tr
1585 plaindre. Et après cela, commencera la conquête d’ un avenir de joie et de force. On a touché le fond de la misère, on l’a
1586 errière soi, mais elle reste encore l’aiguillon d’ une angoisse que l’on apprend à fuir dans les mystiques collectives. Et l
1587 n attendant par de faciles railleries à l’adresse des États libéraux.   2. Situation qui nous est faite. Au terme du libéra
1588 s est faite. Au terme du libéralisme, à l’origine des dictatures, une seule et même situation matérielle : la misère. L’un
1589 terme du libéralisme, à l’origine des dictatures, une seule et même situation matérielle : la misère. L’un des systèmes la
1590 le et même situation matérielle : la misère. L’un des systèmes la redoute et la prépare, l’autre en résulte et s’en souvien
1591 cette angoisse avant tout qui explique la carence des gouvernants, la timidité de leurs réformes, l’incohérence de leurs dé
1592 oi la jeunesse bourgeoise hésite à s’engager dans une révolution spirituelle dont elle redoute l’impuissance pratique à l’h
1593 i cette crainte, comme tout vertige, ne cache pas une secrète attirance, une secrète espérance dans le malheur total, où pe
1594 tout vertige, ne cache pas une secrète attirance, une secrète espérance dans le malheur total, où peut-être on touchera de
1595 ra de nouveau le réel, où peut-être on retrouvera des raisons sérieuses et urgentes, enfin solides de s’aimer ? La commune
1596 tes, enfin solides de s’aimer ? La commune mesure des États neufs, c’est au contraire une mystique conquérante. Mais là enc
1597 ommune mesure des États neufs, c’est au contraire une mystique conquérante. Mais là encore, derrière les grandes façades au
1598 cette seule crainte qui les unit encore, s’élève un même et formidable appel profond des peuples. Il a jailli de la misèr
1599 core, s’élève un même et formidable appel profond des peuples. Il a jailli de la misère, mais il exige bien davantage que l
1600 e pas seulement le bien-être physique, mais aussi une grandeur nouvelle. Même, il se jette d’abord vers cette grandeur, au
1601 l a suffi qu’on lui propose, souvent sans preuve, un grand mythe de communauté : nation unie, ou société sans classe… Si l
1602 faits sont spirituels. Ils révèlent l’existence d’ un appel que la culture ne peut plus ignorer. Notons aussi que cet appel
1603 us atteints matériellement. La misère est douée d’ une mystérieuse propriété : elle agit comme une sorte de révélateur chimi
1604 uée d’une mystérieuse propriété : elle agit comme une sorte de révélateur chimique de la vocation d’une nation. C’est à la
1605 une sorte de révélateur chimique de la vocation d’ une nation. C’est à la faveur d’une famine que les plus grandes nations d
1606 de la vocation d’une nation. C’est à la faveur d’ une famine que les plus grandes nations de l’Europe moderne ont découvert
1607 et Italie de l’après-guerre.) Ainsi l’opposition des deux Europes se ramène à l’opposition de deux réponses différentes à
1608 es différentes à l’appel jailli de la crise, vers une communauté nouvelle. Là où cette crise était la plus aiguë, la répons
1609 oit donnée partout. Derrière la ruine matérielle, une autre ruine plus grave est apparue : celle d’une image du monde, d’un
1610 une autre ruine plus grave est apparue : celle d’ une image du monde, d’une conception du monde fondée sur la raison, l’ind
1611 grave est apparue : celle d’une image du monde, d’ une conception du monde fondée sur la raison, l’individu et la science ca
1612 . Nous savons aujourd’hui que la raison n’est pas un idéal, mais un outil ; que l’individu n’est rien que la liberté du dé
1613 ujourd’hui que la raison n’est pas un idéal, mais un outil ; que l’individu n’est rien que la liberté du désespoir et qu’i
1614 n’y a pas de lignes droites dans l’univers, et qu’ une vitesse ou une grandeur quelconques dépendent à la fois des mesures e
1615 gnes droites dans l’univers, et qu’une vitesse ou une grandeur quelconques dépendent à la fois des mesures et du lieu et du
1616 e ou une grandeur quelconques dépendent à la fois des mesures et du lieu et du temps où on les mesure. Seuls donc les group
1617 s dans le temps ou l’espace, peuvent en appeler à une mesure commune. Seul l’homme déterminé par ses relations prochaines e
1618 prochaines et actives peut se sentir à la mesure des temps nouveaux. Sinon il n’est qu’angoisse et arbitraire, isolement,
1619 mondiale, de l’appel qui surgit de l’inconscient des peuples vers une réalité commune, communautaire. La puissance de cet
1620 ppel qui surgit de l’inconscient des peuples vers une réalité commune, communautaire. La puissance de cet appel ne saurait
1621 agit tout d’abord dans la philosophie : la ruine des grands idéalismes est consommée par le triomphe des philosophes « exi
1622 s grands idéalismes est consommée par le triomphe des philosophes « existentiels » qui cherchent à saisir l’homme dans son
1623 ans le mouvement œcuménique. Et dans le mouvement des Groupes d’Oxford et dans le domaine pédagogique. C’est elle enfin qui
1624 domaine pédagogique. C’est elle enfin qui pousse des milliers de jeunes gens dans les camps de vacances ou de service civi
1625 Ils ont agi au nom de doctrines différentes, dans des circonstances matérielles différentes, mais ils ont répondu à une att
1626 s matérielles différentes, mais ils ont répondu à une attente universelle religieuse, l’attente d’une nouvelle mesure, d’un
1627 à une attente universelle religieuse, l’attente d’ une nouvelle mesure, d’une nouvelle image du monde où l’homme s’éprouve d
1628 le religieuse, l’attente d’une nouvelle mesure, d’ une nouvelle image du monde où l’homme s’éprouve de nouveau réel, actif,
1629 ciel et arbitraire tant qu’il ne tient pas compte des dimensions profondes du phénomène collectiviste, et de la nécessité c
1630 xprime. Les criticailleries libérales à l’adresse des grandes dictatures ne sont dangereuses que pour ceux qui s’y livrent.
1631 . Par contre il est aisé de prévoir à coup sûr qu’ une certaine dépression atmosphérique appelle toujours certains courants.
1632 les hommes, cette ruine a laissé le champ libre à des religions toutes nouvelles, communisme, national-socialisme. Mais là
1633 sme. Mais là où le cadre national existait depuis un ou deux siècles, ces religions ne sauraient combler l’attente réelle.
1634 aient combler l’attente réelle. Elles ne sont pas une réponse nécessaire. Elles ne sont qu’une tentation superficielle et p
1635 sont pas une réponse nécessaire. Elles ne sont qu’ une tentation superficielle et passagère, elles se réduisent à des poussé
1636 superficielle et passagère, elles se réduisent à des poussées de fièvre politique ou idéologique. Mais si ces religions no
1637 ais si ces religions nouvelles ne constituent pas un danger interne pour les vieilles nations libérales, elles constituent
1638 es nations libérales, elles constituent cependant une menace extérieure matériellement considérable. Elles impriment aux ma
1639 rable. Elles impriment aux masses qui les suivent un invincible dynamisme. Et dans leur communion avec ces masses, les che
1640 leur communion avec ces masses, les chefs puisent une énergie occulte, une efficacité d’action et d’agression qui désarme i
1641 es masses, les chefs puisent une énergie occulte, une efficacité d’action et d’agression qui désarme instantanément les hom
1642 els, coupés de la nation vivante et prisonniers d’ une tradition qui survit sans grandeur à ses racines. Notre seule chance
1643 autres nations libérales, est dans la création d’ une communauté libre. Notre chance est dans l’invention, et non dans la d
1644 orce vivante de destins impériaux, n’opposons pas des droits que justement toute la crise dénonce et rend caducs, mais une
1645 ement toute la crise dénonce et rend caducs, mais une force nouvelle qui résolve la crise dans le sens de notre destin.  
1646 tout à la fois politiques et culturels. L’Europe des religions nouvelles nous met au défi de résoudre sur tous les plans l
1647 ons notre commune mesure originale, à la faveur d’ une révolution qui nous apporte au moins l’équivalent des dynamismes nati
1648 révolution qui nous apporte au moins l’équivalent des dynamismes nationaux. Nous avons des valeurs à défendre. Mais nous av
1649 l’équivalent des dynamismes nationaux. Nous avons des valeurs à défendre. Mais nous avons surtout des valeurs à créer, et q
1650 s des valeurs à défendre. Mais nous avons surtout des valeurs à créer, et que nous seuls pouvons créer. Nous ne sommes pas
1651 nous ne marquons pas notre avance historique par des créations aussi fortes que celles qui nous défient là-bas, nous seron
1652 le seul moyen de nous reconnaître. Ils ont fondé des religions dont le but est la force commune. Ils ont su se créer des s
1653 le but est la force commune. Ils ont su se créer des symboles grandioses. Ces symboles nous paraissent barbares, et cela e
1654 otestation totale de notre esprit nous avertira d’ un danger : ici commence un monde étrange, ici règne une nation dont nou
1655 e esprit nous avertira d’un danger : ici commence un monde étrange, ici règne une nation dont nous ne sommes pas, et qui n
1656 danger : ici commence un monde étrange, ici règne une nation dont nous ne sommes pas, et qui nous est hostile, non point pa
1657 ns ces religions, c’est dans leur terme, au nom d’ un acte de foi contraire. Elles veulent la force et nous voulons la véri
1658 on plus individuelle : on ne peut pas ressusciter des mesures mortes. Je dis qu’elle sera personnelle, qu’elle sera la mesu
1659 a fédération, non la masse ; et non la tyrannie d’ un seul, et non le gigantisme national. La société doit être un corps, n
1660 non le gigantisme national. La société doit être un corps, non pas une construction mécanisée. Et la santé et la force d’
1661 national. La société doit être un corps, non pas une construction mécanisée. Et la santé et la force d’un corps supposent
1662 construction mécanisée. Et la santé et la force d’ un corps supposent l’harmonie de fonctions diversifiées, saines et forte
1663 e fonctions diversifiées, saines et fortes. C’est une harmonie « fédérale ». Restaurer, recréer cette force, bâtir cette fé
1664 impériaux est là. L’avenir dira si la révolution des « libéraux » peut influencer, à force égale, les révolutions religieu
1665 ercer la vocation de vérité qui est la nôtre avec un maximum de violence créatrice. 52. C’était, à cette époque plus en
1666 était, à cette époque plus encore qu’aujourd’hui, une polémique antichrétienne. Voir David Strauss et L. Feuerbach. 53. D
1667 s pages sont extraites figure avant ce paragraphe un chapitre sur la culture nationale-socialiste, dont on montre le paral
1668  », Esprit, Paris, novembre 1936, p. 251-273. w. Une note précise : « Chapitres extraits de Penser avec les mains , à par
20 1936, Esprit, articles (1932–1962). Henri Petit, Un homme veut rester vivant (novembre 1936)
1669 Henri Petit, Un homme veut rester vivant (novembre 1936)x Un fonctionnaire a trois
1670 , Un homme veut rester vivant (novembre 1936)x Un fonctionnaire a trois semaines de vacances : trois semaines qu’il va
1671 te 300 pages, qui resteront sans doute comme l’un des documents humains les plus féconds et authentiques de ce siècle. J’im
1672 ventaire de Petit, comme nous lisons le Journal d’ un bourgeois de Paris pour essayer de « voir » le xve siècle. Il verra
1673 e « voir » le xve siècle. Il verra bien plus que des faits : les réactions d’un esprit et d’une âme — le corps, ici, a peu
1674 l verra bien plus que des faits : les réactions d’ un esprit et d’une âme — le corps, ici, a peu de part, nous sommes en Fr
1675 us que des faits : les réactions d’un esprit et d’ une âme — le corps, ici, a peu de part, nous sommes en France — au fait s
1676 notre époque, affronté dans le détail quotidien d’ une profession. Henri Petit voudrait avoir été l’ami d’Ulysse. Le bref ch
1677 e bref chapitre où il nous livre cet aveu éclaire une bonne part de son œuvre. Rien n’est plus redoutable pour notre sociét
1678 que le regard tranquille, apparemment modeste, d’ un homme que son métier contraint à dissimuler sa vraie force. Car de l’
1679 ave, nourriture trop complexe pour être épuisée d’ un seul trait : non qu’il faille reprocher à Henri Petit nulle lourdeur
1680 rte, et nous met du coup en présence du concret d’ une vie située. Il faut s’arrêter, confronter, se reprendre, aussi se méf
1681 parences d’intimité qui cachent sans doute encore une pensée plus inquiétante. (La division du livre en aphorismes d’une ou
1682 nquiétante. (La division du livre en aphorismes d’ une ou deux pages facilite heureusement ce genre de lecture.) Trois thème
1683 ns exercées de journaliste ou de fonctionnaire) ; une longue médiation sur les maîtres d’une génération et le passé de la r
1684 onnaire) ; une longue médiation sur les maîtres d’ une génération et le passé de la race qu’ils prolongent (Barrès, Péguy, R
1685 , Romain Rolland) ; enfin le débat plus profond d’ un humaniste avec la foi chrétienne, telle qu’il songe que ses pères l’o
1686 ses pères l’ont eue. Nos lecteurs se souviennent des pages sur le journalisme, la condition du fonctionnaire et le « moyen
1687 ans le volume, faisant suite à ces documentaires, une critique de l’État — « Le Tous contre un » — et de son emprise sur no
1688 taires, une critique de l’État — « Le Tous contre un  » — et de son emprise sur nos vies. Critique dont la portée directe e
1689 et l’évidence insupportable naissent non point d’ une vue théorique sur quelque régime idéal, mais de la seule exactitude d
1690 elque régime idéal, mais de la seule exactitude d’ une enquête menée dans sa vie quotidienne par un Français lucide qui veut
1691 e d’une enquête menée dans sa vie quotidienne par un Français lucide qui veut rester humain. J’aime un peu moins les pages
1692 un Français lucide qui veut rester humain. J’aime un peu moins les pages sur Barrès, peut-être à cause du modèle, peut-êtr
1693 erce encore sur Petit : le barrésisme souffre mal une aussi consciencieuse application. (Beau chapitre, tout de même, sur l
1694 r », où l’auteur s’efforce de sauver les restes d’ un fédéralisme dont il faudrait pourtant refaire les bases…) Quant à la
1695 ans l’émouvant effort d’Henri Petit pour sauver d’ une foi perdue tous les trésors de la « spiritualité », qu’une dernière,
1696 erdue tous les trésors de la « spiritualité », qu’ une dernière, et subtile, et modeste défense — la plus orgueilleuse sans
1697 -homme. Mais ceci dit, et maintenu, — j’admire qu’ un incroyant ait su donner à notre position personnaliste sa plus solide
1698 veut parler pour lui seul : mais il sait bien qu’ une certaine approche de soi-même, qu’un certain recueillement viril dans
1699 ait bien qu’une certaine approche de soi-même, qu’ un certain recueillement viril dans le concret intime d’une vie, c’est a
1700 tain recueillement viril dans le concret intime d’ une vie, c’est aussi le chemin de l’universel. S’il veut rester vivant, c
1701 l’universel. S’il veut rester vivant, c’est dans un amitié nouvelle. S’il écrit quelque part : « Le monde n’a plus pour m
1702 il nous fait savoir, que c’est à nous de recréer un monde où notre vie s’accepte. Aux premières pages j’ai pensé : docume
1703 pages j’ai pensé : document sur les déceptions d’ une génération. Puis j’ai trouvé ce cri : « Tout me concerne », et ce sou
1704 Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Henri Petit, Un homme veut rester vivant  », Esprit, Paris, novembre 1936, p. 331-333
21 1936, Esprit, articles (1932–1962). Note sur nos notes (novembre 1936)
1705 Il y a longtemps que Diderot l’a dit : Tirer un peuple de l’état de barbarie, le soutenir dans sa splendeur, l’arrête
1706 la dernière est la plus difficile… On décline par un affaissement général auquel on s’est acheminé par des symptômes imper
1707 affaissement général auquel on s’est acheminé par des symptômes imperceptibles répandus sur toute la durée fastidieuse d’un
1708 ptibles répandus sur toute la durée fastidieuse d’ un long règne. La longue imbécilité d’un monarque caduc prépare à son su
1709 stidieuse d’un long règne. La longue imbécilité d’ un monarque caduc prépare à son successeur des maux presque impossibles
1710 lité d’un monarque caduc prépare à son successeur des maux presque impossibles à réparer. S’il s’agit de littérature, la t
1711 parer. S’il s’agit de littérature, la traduction des métaphores de Diderot est trop aisée. « Affaissement général », sympt
1712 imperceptibles. On n’a qu’à se baisser, vraiment. Des éditeurs lancent chaque automne leur douzaine de nouveaux romanciers.
1713 rait attentive. Mais on n’aime pas que « l’afflux des jeunes talents » soit si visiblement déterminé par les clauses d’un c
1714 » soit si visiblement déterminé par les clauses d’ un contrat commercial. La littérature d’aujourd’hui pose à chaque instan
1715 a littérature d’aujourd’hui pose à chaque instant des questions qui ne sont pas du tout littéraires. Le monarque caduc c’es
1716 ute n’est pas à la littérature seule, mais à tout un régime social qui l’a laissée devenir ce qu’elle est ; et plus encore
1717 plaisir d’avoir raison. Mais il s’agit de refaire une amitié humaine d’où jaillisse la joie créatrice. Il faut bien constat
1718 d’abord qu’elle n’est plus là. Nous ne sommes pas une école littéraire. Nous ne pensons pas que le temps soit venu d’invent
1719 ne pensons pas que le temps soit venu d’inventer des canons esthétiques, ni même une rhétorique commune, ou un jargon d’éq
1720 t venu d’inventer des canons esthétiques, ni même une rhétorique commune, ou un jargon d’équipe, ou je ne sais quel sabir p
1721 s esthétiques, ni même une rhétorique commune, ou un jargon d’équipe, ou je ne sais quel sabir personnaliste. Au jour où n
1722 iste. Au jour où nous en sommes, on ne refait pas un art avec un point de vue d’art, ou de philosophie, ou de morale, mais
1723 r où nous en sommes, on ne refait pas un art avec un point de vue d’art, ou de philosophie, ou de morale, mais en refaisan
1724 u de philosophie, ou de morale, mais en refaisant une société où l’art exerce une fonction nécessaire. Toutes les grandes l
1725 le, mais en refaisant une société où l’art exerce une fonction nécessaire. Toutes les grandes littératures sont nées d’une
1726 aire. Toutes les grandes littératures sont nées d’ une révolution, non d’une émeute dans les lettres. Pour qu’une école se c
1727 es littératures sont nées d’une révolution, non d’ une émeute dans les lettres. Pour qu’une école se crée, il faut qu’une ba
1728 ution, non d’une émeute dans les lettres. Pour qu’ une école se crée, il faut qu’une base commune existe, qui n’existe plus
1729 es lettres. Pour qu’une école se crée, il faut qu’ une base commune existe, qui n’existe plus aujourd’hui, qu’il faut commen
1730 pour son compte, y répondre. Elles jaillissent d’ une passion de construire, d’une vision grande du but commun. Bien écrit,
1731 Elles jaillissent d’une passion de construire, d’ une vision grande du but commun. Bien écrit, mal écrit, talent ou pas tal
1732 influencé, etc., tout cela n’importe qu’à partir des réponses que l’on donne au problème éternel : où sommes-nous, d’où ve
22 1936, Esprit, articles (1932–1962). Erskine Caldwell, Le Petit Arpent du Bon Dieu (novembre 1936)
1733 t du Bon Dieu (novembre 1936)z Les descendants des puritains sont en train de prendre une revanche qui fait pâlir toutes
1734 escendants des puritains sont en train de prendre une revanche qui fait pâlir toutes nos petites pornographies romancées. L
1735 nature délivrée de la contrainte « artificielle » des convenances ou du sentiment… Huizinga, dans son admirable Déclin du M
1736 son admirable Déclin du Moyen Âge 62, a là-dessus un passage qui pourrait être écrit tout exprès pour l’œuvre de Caldwell 
1737 la gauloiserie, aussi bien que la courtoisie, est une fiction romantique. La pensée érotique, pour acquérir une valeur de c
1738 ion romantique. La pensée érotique, pour acquérir une valeur de culture, doit être stylisée. Elle doit représenter la réali
1739 t représenter la réalité complexe et pénible sous une forme simplifiée et illusoire. Tout ce qui constitue la gauloiserie :
1740 s et les égoïsmes de la vie sexuelle, la vision d’ une jouissance infinie, tout cela ne fait que donner satisfaction au beso
1741 esoin humain de substituer à la réalité le rêve d’ une vie plus « heureuse ». C’est encore une aspiration à la vie sublime,
1742 le rêve d’une vie plus « heureuse ». C’est encore une aspiration à la vie sublime, tout comme l’autre, mais cette fois du c
1743 me l’autre, mais cette fois du côté animal. C’est un idéal quand même : celui de la luxure. Et c’est encore une évasion,
1744 quand même : celui de la luxure. Et c’est encore une évasion, encore un exotisme à l’usage d’une génération sans foi. 62
1745 e la luxure. Et c’est encore une évasion, encore un exotisme à l’usage d’une génération sans foi. 62. Payot, 1932, page
1746 ncore une évasion, encore un exotisme à l’usage d’ une génération sans foi. 62. Payot, 1932, page 135. z. Rougemont Deni
23 1936, Esprit, articles (1932–1962). André Gide, Retour de l’URSS (décembre 1936)
1747 te passagère de son objet qui fait la faiblesse d’ un ouvrage, mais bien l’insuffisance ou le mensonge d’une langue — celle
1748 uvrage, mais bien l’insuffisance ou le mensonge d’ une langue — celle du reporter par exemple — inapte à traduire le concret
1749 , je crois, sa pente naturelle ; plutôt l’effet d’ une permanente correction que par scrupule humain, et par prudence aussi,
1750 ens, comment ils marchandaient et achetaient avec une convoitise, une attention et une astuce inexprimables…63 » Mais voic
1751 marchandaient et achetaient avec une convoitise, une attention et une astuce inexprimables…63 » Mais voici Gide de son cô
1752 achetaient avec une convoitise, une attention et une astuce inexprimables…63 » Mais voici Gide de son côté, observant les
1753 rnier paragraphe, il paraîtrait qu’il s’agit là d’ une description un peu plus qu’amicale du régime de l’URSS, d’une fervent
1754 , il paraîtrait qu’il s’agit là d’une description un peu plus qu’amicale du régime de l’URSS, d’une fervente autocritique,
1755 ion un peu plus qu’amicale du régime de l’URSS, d’ une fervente autocritique, voire d’un éloge adroitement pimenté de réserv
1756 e de l’URSS, d’une fervente autocritique, voire d’ un éloge adroitement pimenté de réserves. Préface : « Les réalisations d
1757  ? Empêcheront-elles personne, à droite, d’abuser des textes les plus clairs, ni personne, du côté stalinien, de crier au t
1758 skiste, au bourgeois ? (Si toutefois c’est encore une injure…) Pour moi, elles me donneraient envie de simplifier le conten
1759 nneraient à penser. Parlons net : il s’agit ici d’ un dégonflage impitoyable de ce qu’il faut bien appeler le bluff stalini
1760 le bluff stalinien ; et je ne dis pas du tout : d’ une critique de ce qu’il y a de profond dans le marxisme, mais d’une déno
1761 ce qu’il y a de profond dans le marxisme, mais d’ une dénonciation des slogans d’exportation qui ont fait, et font encore,
1762 profond dans le marxisme, mais d’une dénonciation des slogans d’exportation qui ont fait, et font encore, les trois-quarts
1763 core, les trois-quarts du succès de l’URSS auprès des intellectuels français. Liberté en URSS ? « Je doute qu’en aucun aut
1764 compte. Oui, dictature, évidemment ; mais celle d’ un homme, non plus celle des prolétaires unis, des Soviets. » — Internat
1765 videmment ; mais celle d’un homme, non plus celle des prolétaires unis, des Soviets. » — Internationalisme ? « L’important,
1766 d’un homme, non plus celle des prolétaires unis, des Soviets. » — Internationalisme ? « L’important, ici, c’est de persuad
1767 “bon côté”, marquent à l’égard des “inférieurs”, des domestiques, des manœuvres, des hommes et femmes “de journée”, et j’a
1768 uent à l’égard des “inférieurs”, des domestiques, des manœuvres, des hommes et femmes “de journée”, et j’allais dire : des
1769 des “inférieurs”, des domestiques, des manœuvres, des hommes et femmes “de journée”, et j’allais dire : des pauvres. Il n’y
1770 hommes et femmes “de journée”, et j’allais dire : des pauvres. Il n’y a plus de classes en URSS, c’est entendu. Mais il y a
1771 us de classes en URSS, c’est entendu. Mais il y a des pauvres. Il y en a trop, beaucoup trop. » — Suppression de la proprié
1772 v prophétisait l’apparition prochaine, en URSS, d’ une mentalité petite-bourgeoise. Mais Gide : « Je crains que ne se reform
1773 Mais Gide : « Je crains que ne se reforme bientôt une nouvelle sorte de bourgeoisie ouvrière satisfaite…, trop comparable à
1774 arxiste en devenant antistalinien, il se met dans une situation qu’on ne peut comparer qu’à celle du chrétien anticlérical.
1775 clérical. Seulement, la dissociation de la foi et des œuvres de l’Église est relativement aisée pour un esprit qui reconnaî
1776 es œuvres de l’Église est relativement aisée pour un esprit qui reconnaît la transcendance de Dieu, seul auteur de la foi.
1777 iquer le marxisme lui-même. En effet, dès lors qu’ une doctrine se veut purement humaine, et historiquement valable, elle es
1778 tre qu’apparent, et si ce qui nous apparaît comme une dérogation n’est pas une conséquence fatale de certaines dispositions
1779 qui nous apparaît comme une dérogation n’est pas une conséquence fatale de certaines dispositions antérieures. » Phrase éq
1780 e, malheureusement. Le stalinien l’entendra comme une excuse : le changement n’est qu’apparent, la ligne sauvée. Mais cela
1781 cepte vraiment le marxisme, pourquoi s’indigner d’ une tactique qui paraît seule capable de l’imposer ? Ce n’est pas là touc
1782 nnalistes, que dirons-nous ? Le livre s’ouvre par une fable. L’enfant Démophon est soigné par Déméter, déguisée en nourrice
1783 Déméter, déguisée en nourrice. Elle veut en faire un dieu, et pour cela le couche chaque soir sur un lit de braises. « Il
1784 e un dieu, et pour cela le couche chaque soir sur un lit de braises. « Il supporte l’ardeur des charbons, et cette épreuve
1785 oir sur un lit de braises. « Il supporte l’ardeur des charbons, et cette épreuve le fortifie. » Mais la mère, Métaneire, fa
1786 nt, perdit le dieu. » La légende est belle. C’est une légende… Elle traduit à mes yeux ce fait d’expérience : toute tentati
1787 oute tentative de déification (ici, la création d’ un « homme nouveau ») se termine par d’horribles brûlures — ou par l’int
1788 mystique, contredite par les faits connus. C’est une espèce d’acte de foi. Ou mieux : un négatif de l’acte de foi chrétien
1789 onnus. C’est une espèce d’acte de foi. Ou mieux : un négatif de l’acte de foi chrétien. Si l’enfant se brûle, ou si Stalin
1790 aux dieux. Pour nous, la révolution ne créera pas un homme nouveau ou un surhomme, mais un ordre nouveau à hauteur d’homme
1791 , la révolution ne créera pas un homme nouveau ou un surhomme, mais un ordre nouveau à hauteur d’homme. Voilà le point de
1792 créera pas un homme nouveau ou un surhomme, mais un ordre nouveau à hauteur d’homme. Voilà le point de notre différend. N
1793 courage malgré tant de prudences, persévérer dans une volonté révolutionnaire dont le marxisme s’est détourné parce qu’il a
1794 65. Certes, Gide ne se prive pas d’admirer bien des choses en URSS (les « parcs d’enfants » surtout) ; mais la plupart de
24 1937, Esprit, articles (1932–1962). Défense de la culture (janvier 1937)
1795 fense de la culture (janvier 1937)ab Le palais des ducs d’Albe a été détruit par les obus de Franco, et Commune, par la
1796 amarades, les miliciens, qui jouent avec lui avec une infinie gentillesse. Ne donne-t-on pas au canari de la duchesse chaqu
1797 aucoup moins menacée en France ? Est-ce seulement une question de régime ? Est-ce d’abord une question politique ? Culture
1798 seulement une question de régime ? Est-ce d’abord une question politique ? Culture à gauche, brutalité stupide à droite, — 
1799 xpliquera cela. Nous savons, nous aussi, caresser un petit chien, donner sa feuille de salade verte au canari. Et nous ne
1800 ît spécialement dangereux pour la culture, achète des livres, fréquente les théâtres et les concerts, bref, se cultive avec
1801 urraient-ils opposer aux tirages invraisemblables des Allemands ? Un roman historique en 3 volumes sur Paracelse, coûtant 2
1802 oser aux tirages invraisemblables des Allemands ? Un roman historique en 3 volumes sur Paracelse, coûtant 25 marks, soit p
1803 ingt-treizième-mille. Les trois derniers romans d’ un jeune auteur, Ernst Wiechert, ont atteint quatre-vingts, soixante-qui
1804 e-vingts, soixante-quinze et cent-mille. Et c’est un écrivain de classe ! L’essai de Gedat intitulé Un chrétien découvre l
1805 un écrivain de classe ! L’essai de Gedat intitulé Un chrétien découvre les problèmes du monde approche du trois-centième-m
1806 oblèmes du monde approche du trois-centième-mille un an après sa publication. Et les poètes ne restent pas en arrière : le
1807 ère : le jeune Gerhard Schuhmann, qui est nazi, a des tirages de douze-mille, et le vieux Ch. Morgenstern, qui ne l’est pas
1808 e, et le vieux Ch. Morgenstern, qui ne l’est pas, un tirage de cinquante-mille. Repère : le dernier Lagerlöf fait en Allem
1809 ., etc. Conclusion ? Si l’on mesurait la valeur d’ une culture selon des normes soviétiques, il faudrait en conclure que le
1810  ? Si l’on mesurait la valeur d’une culture selon des normes soviétiques, il faudrait en conclure que le régime allemand es
1811 de l’économie de la nation et de la culture sont un peu moins simplets que ces partisans ne le croient. Et que ce n’est p
25 1937, Esprit, articles (1932–1962). La fièvre romanesque (janvier 1937)
1812 1937)ac Marcel Arland note à propos du roman d’ un débutant : « Les personnages n’y semblent naître et se nourrir que de
1813 ’ils le soient, à la limite, autant. Il me dira d’ une voix que j’entends déjà : « Mais je n’ai rien voulu de tout cela ! Me
1814 se sont imposés à moi etc. » Je n’ignore pas que des visions parfois bizarres et amusantes, ou émouvantes, souvent fort in
1815 s sont anxieusement souhaitées, et cultivées avec des soins jaloux, si par hasard on les obtient.) Qu’on publie ses victoir
1816 mémorables, c’est dans l’ordre. Qu’on atteste par une publication tel acte victorieux de l’homme contre ses servitudes natu
26 1937, Esprit, articles (1932–1962). Jean Blanzat, Septembre (janvier 1937)
1817 an Blanzat, Septembre (janvier 1937)ad Roman d’ une jalousie qui se crée son objet, par masochisme. Un jeune mari trouble
1818 e jalousie qui se crée son objet, par masochisme. Un jeune mari trouble sa femme, et la perd enfin, à force de souffrir d’
1819 sa femme, et la perd enfin, à force de souffrir d’ une infidélité qu’elle pourrait faire. Or elle n’y songeait pas… Qu’est-c
1820 r elle n’y songeait pas… Qu’est-ce que ce livre ? Un document clinique ? Trop d’élégances littéraires. Ou une histoire ima
1821 ument clinique ? Trop d’élégances littéraires. Ou une histoire imaginée pour le plaisir de conter ? Trop de détails intimes
1822 e l’on n’invente rien de ce tourment. Est-ce donc un témoignage pur et simple — ni si pur ni si simple d’ailleurs, — la re
1823 la relation volontairement privée de « morale » d’ un lamentable cas individuel ? Mais alors : veut-on ma compassion pour u
1824 ividuel ? Mais alors : veut-on ma compassion pour un héros malade ou mon admiration pour son auteur ? Le livre n’est ni pa
1825 page en page, ce qui a poussé l’auteur à publier un aussi désolant récit. On ne trouve pas… Autrefois il fallait instruir
1826 l’art » — et l’art consiste à vous faire partager des tourments aussi déprimants que gratuits. Car en effet, si ce « je » d
1827 ffet, si ce « je » du récit de M. Blanzat faisait un geste franc, il est clair qu’il n’y aurait pas de roman. Mais, nous d
27 1937, Esprit, articles (1932–1962). Robert Briffaut, Europe (janvier 1937)
1828 e (janvier 1937)ae On se souvient de la guerre des Balkans. Elle éclata, nous apprend M. Briffaut, parce qu’une baronne
1829 . Elle éclata, nous apprend M. Briffaut, parce qu’ une baronne juive avait refusé de coucher avec un certain prince Nevidoff
1830 qu’une baronne juive avait refusé de coucher avec un certain prince Nevidoff, propriétaire de bassins pétrolifères. Cette
1831 e. L’on est censé conclure de ce brillant tableau des vices de l’aristocratie européenne qu’une telle classe est la vraie r
1832 tableau des vices de l’aristocratie européenne qu’ une telle classe est la vraie responsable du cafouillage de 1914. Le héro
1833 uillage de 1914. Le héros principal — il y a bien une centaine de personnages tous nobles ou riches — finira certainement d
1834 p de discrétion, anticipant d’au moins 20 ans sur un mouvement de sensibilité qui fit naguère quelques ravages dans le bea
1835 olte contre sa bourgeoisie, Dos Passos le procédé des biographies parallèles, et Franz Lehar les décors d’opérette. Catalog
1836 z Lehar les décors d’opérette. Catalogue illustré des vices les plus connus, revue à grand spectacle où Jaurès, Mussolini,
1837 une fois, sans tricher. Mais non : pour condamner une société, il faudrait plus de charité réelle, c’est-à-dire plus de rad
28 1937, Esprit, articles (1932–1962). Paul Vaillant-Couturier, Au service de l’Esprit (février 1937)
1838 mmuniste français, le 16 octobre 1936. C’est donc un manifeste, et un texte officiel. Il convient d’en parler avec sérieux
1839 , le 16 octobre 1936. C’est donc un manifeste, et un texte officiel. Il convient d’en parler avec sérieux. Tout d’abord qu
1840 mité de la propriété. — Dans le monde capitaliste des monopoles privés, la personne humaine, cette grande force spirituelle
1841 équivaudrait à reconnaître la conversion globale des communistes au personnalisme.) D’abord parce que Vaillant-Couturier c
1842 illant-Couturier combine ce personnalisme-là avec un chauvinisme que je vous laisse qualifier : C’est la générosité franç
1843 la volonté française de paix. — Le communisme est un moment de la France éternelle. — Nous continuons la France, la France
1844 es problèmes de la paix, de la liberté et du pain des hommes. » Autant dire qu’il ne fait plus confiance à Marx. Autant dir
1845 rnées », se fait par ailleurs du Français cultivé une idée plus marxiste qu’on ne croyait : ce serait le gogo intégral. Ce
1846 utres, que cette brochure-manifeste ne touche pas un traître-mot (sans calembour) des problèmes que pose le marxisme : éta
1847 ste ne touche pas un traître-mot (sans calembour) des problèmes que pose le marxisme : étatisme, dictature, déterminisme éc
1848 atisme, dictature, déterminisme économique et pas un mot de l’oppression stalinienne. Et pas un mot de la « dialectique ».
1849 et pas un mot de l’oppression stalinienne. Et pas un mot de la « dialectique ». Et puis, qu’est-ce que l’Esprit qu’il veut
1850 de Gide et de Céline.   P.-S. — On a corrigé par un erratum manuscrit la faute de la page 13 : « La paix ne se conçoit pa
29 1937, Esprit, articles (1932–1962). Vassily Photiadès, Marylène ou à qui le dire ? (février 1937)
1851 ier 1937)ag On le dira donc au public. Ce sont des souvenirs d’enfance, fort bien réinventés, et contés dans un style un
1852 s d’enfance, fort bien réinventés, et contés dans un style un peu chantant, voilé, énigmatique par endroits. On croit assi
1853 ce, fort bien réinventés, et contés dans un style un peu chantant, voilé, énigmatique par endroits. On croit assister du j
1854 r du jardin à quelque scène intime, entrevue dans une chambre, à travers un rideau de pluie. ag. Rougemont Denis de, « [
1855 cène intime, entrevue dans une chambre, à travers un rideau de pluie. ag. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Vassily
30 1937, Esprit, articles (1932–1962). Albert Thibaudet, Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours (mars 1937)
1856 e langue, savoureuse bouillabaisse d’idées, carte des vins commentée, bonhomie et rosseries négligentes, vagabondages, pass
1857 t parfaitement défini : « badaud de la République des Lettres, ayant sa place à la terrasse du café de leur commerce, emboî
1858 mboîtant le pas à leurs musiques militaires, fier des mouvements de sa ville… ». Voilà l’anti-Lanson qu’on attendait depuis
1859 dait depuis la guerre. Mais peut-être arrive-t-il un peu tard. Peut-être posons-nous déjà d’autres questions, qu’il n’a pa
1860 pittoresque et succulent, devisant à la terrasse des Deux Magots, n’a pas eu le temps de s’apercevoir que « les grandes qu
1861 de à Bergson.) Nous n’aimons plus cette autarchie des Lettres, où les problèmes réels, sociaux, métaphysiques, viennent tou
1862 ciaux, métaphysiques, viennent tout juste fournir un « rapprochement », une « référence », et ne sont qualifiés, en passan
1863 viennent tout juste fournir un « rapprochement », une « référence », et ne sont qualifiés, en passant, que par rapport au s
1864 en passant, que par rapport au snobisme furtif d’ une génération littéraire. Nous sommes heureux de lire enfin un manuel où
1865 ion littéraire. Nous sommes heureux de lire enfin un manuel où Rimbaud, Sénancour et Stendhal trouvent leur place. Mais qu
1866 -guerre, etc., m’apparaît au contraire comme l’un des charmes du livre. Réjouissante désinvolture ! Thibaudet fut bien moin
1867 ersonnelle, c’est-à-dire, dans ce cas, ordonnée à une loi qui n’est pas celle de l’objet mais du sujet. Son chapitre sur Ba
1868 onne n’a jamais manié la métaphore continuée avec une fantaisie (au sens allemand) plus baroque, plus « triomphante ». Voic
1869 st la colonne de Juillet de la poésie française : une suite de tableautins sentimentaux, libertins, patriotiques, anticléri
1870 pinçant l’autre, le calicot et la grisette, vers un génie prétentieux qui est lui-même sujet de chanson, vers une plate-f
1871 étentieux qui est lui-même sujet de chanson, vers une plate-forme d’où s’étale à la vue tout un quartier d’histoire populai
1872 , vers une plate-forme d’où s’étale à la vue tout un quartier d’histoire populaire, celui de Juillet 1789 et de Juillet 18
1873 udet. Dans cette critique que je voudrais appeler une critique de consommateur (dans tous les sens de l’expression), c’est
31 1937, Esprit, articles (1932–1962). Jacques Benoist-Méchin, Histoire de l’armée allemande depuis l’armistice (mars 1937)
1874 s tous ceux qui cherchent à connaître l’état réel des forces dans le monde présent. Qu’on n’aille pas se figurer qu’il s’ag
1875 sent. Qu’on n’aille pas se figurer qu’il s’agit d’ un bouquin d’érudition ou d’un traité classique d’officier en retraite.
1876 igurer qu’il s’agit d’un bouquin d’érudition ou d’ un traité classique d’officier en retraite. C’est toute l’histoire de la
1877 ment l’attention : le colonel Maercker, fondateur des fameux corps francs qui réduisirent les révoltes ouvrières et séparat
1878 le, et qui se charge d’écraser la révolution avec une brutalité qu’aucun bourgeois ne se serait permise. Avis à ceux de Sai
1879 is ! Noske, Mussolini, Doriot, Staline ont plus d’ un trait commun, quoi qu’ils en pensent. ai. Rougemont Denis de, « [C
32 1937, Esprit, articles (1932–1962). Retour de Nietzsche (mai 1937)
1880 aj Après la vague kierkegaardienne, qui marque un léger retrait dans les revues et la librairie — en attendant la publi
1881 librairie — en attendant la publication en volume des importantes Études de Jean Wahl — voici une nouvelle vague nietzschée
1882 olume des importantes Études de Jean Wahl — voici une nouvelle vague nietzschéenne. Il faut suivre de près ces pulsations d
1883 métaphysique en France : elles précèdent toujours des événements politiques et sociaux plus profonds que le jeu apparent et
1884 ciaux plus profonds que le jeu apparent et confus des partis ou des classes. Si Kierkegaard a été découvert, dans ce pays,
1885 fonds que le jeu apparent et confus des partis ou des classes. Si Kierkegaard a été découvert, dans ce pays, très peu de te
1886 t l’entrée en lice du personnalisme, ce n’est pas un hasard ni une coïncidence qu’il faut y voir, ni d’ailleurs une relati
1887 lice du personnalisme, ce n’est pas un hasard ni une coïncidence qu’il faut y voir, ni d’ailleurs une relation de cause à
1888 une coïncidence qu’il faut y voir, ni d’ailleurs une relation de cause à effet, mais la relation de deux effets, ou leur i
1889 certain, dès aujourd’hui, c’est que les effets d’ une cause de cet ordre se manifestent en premier lieu dans la culture d’a
1890 en France, beaucoup plus vive et juste que celle des masses ou des politiciens. (Je ne dis pas qu’elle est plus efficace…)
1891 aucoup plus vive et juste que celle des masses ou des politiciens. (Je ne dis pas qu’elle est plus efficace…) Que nous anno
1892 schéen ? On a vite fait de dire : fascisme. C’est une facilité que les professeurs cultivent : Nietzsche précurseur du nati
1893 u national-socialisme, ou « à quoi mène le mépris des valeurs de père de famille ». (On dit aussi, pour la rime sans doute 
1894 cialisme, et déclaré que l’État est le plus froid des monstres froids. À part cela, il reste son exaltation de la volonté h
1895 qui donne aux antagonismes fondamentaux de la vie une issue explosive constante mais limitée aux formes les plus riches. »
1896 Bataille et ses amis, l’« acéphalité » est aussi une doctrine métaphysique antichrétienne — qui, assimilant selon un mot d
1897 taphysique antichrétienne — qui, assimilant selon un mot de Nietzsche « Dieu » à « la plus parfaite organisation de l’Univ
1898 lle d’ailleurs). Ce qui résulte le plus nettement des tendances nietzschéennes d’Acéphale et de certains membres du groupe
1899 ’Inquisitions, comme R. Caillois, c’est l’appel à un « ordre » aristocratique, ésotérique, mais « sévissant à travers la t
1900 voir dans ce mouvement de pensée que l’annonce d’ une réaction violente, peut-être assez prochaine, contre le « misérabilis
1901 sme », l’humanitarisme, le démocratisme électoral des staliniens, les divers collectivismes, etc., auxquels succombent avec
1902 rs collectivismes, etc., auxquels succombent avec une masochique volupté les « hommes de quarante ans » et certains jeunes
1903 1934 par H.-J. Bolle68, ces trois volumes donnent une image définitive et nouvelle de la pensée nietzschéenne. Ils permette
1904 ions tonifiantes qu’on ait jamais écrit à l’usage des créateurs : « Soyez humains à l’égard des créateurs ! C’est leur fait
1905 onnaît, celui qui crée, celui qui aime ne font qu’ un  ». (Les deux sont justes.) ⁂ Sur la contradiction fondamentale qui co
1906 h : Nietzsches Philosophie der ewigen Wiederkunft des Gleichen (Berlin, 1935, Die Runde). Nietzsche tente de surmonter le n
1907 s’acharne à compenser ce fatalisme mécanique par une glorification de la volonté humaine, qui doit vouloir son destin éter
1908 livre à ceux qui lisent l’allemand, en attendant une traduction, aussi nécessaire d’ailleurs que peu probable, dans l’état
1909 pseudo-personnalisme hitlérien. (Voir notre revue des revues, sur les Cahiers franco-allemands.) 67. Zarathoustra en 1 vo
33 1937, Esprit, articles (1932–1962). Journal d’un intellectuel en chômage (fragments) (juin 1937)
1910 Journal d’ un intellectuel en chômage (fragments) (juin 1937)ak al À A… (Gard),
1911 idi Et voici par la grâce du soleil de janvier qu’ un mot devient le plus beau de la langue : matinée. Tout ce qu’il y a de
1912 imensions de la joie, est dit aussi par le vallon des oliviers et par sa jeune nudité. Pas une vapeur ne s’élève de l’herbe
1913 e vallon des oliviers et par sa jeune nudité. Pas une vapeur ne s’élève de l’herbe pauvre des terrasses, ni de ces arbres m
1914 dité. Pas une vapeur ne s’élève de l’herbe pauvre des terrasses, ni de ces arbres moirés et allègres. Tout est vu du premie
1915 u du premier regard, doucement compris, approuvé. Une familiarité, une confiance, une proximité des choses vues, un langage
1916 rd, doucement compris, approuvé. Une familiarité, une confiance, une proximité des choses vues, un langage innocent et rais
1917 ompris, approuvé. Une familiarité, une confiance, une proximité des choses vues, un langage innocent et raisonnable ; voilà
1918 vé. Une familiarité, une confiance, une proximité des choses vues, un langage innocent et raisonnable ; voilà le monde à so
1919 té, une confiance, une proximité des choses vues, un langage innocent et raisonnable ; voilà le monde à son contentement ;
1920 ment ; à la mesure de l’amitié humaine. J’entends un bruit de bêche sur une terrasse invisible, au-dessous. Je vois un chi
1921 l’amitié humaine. J’entends un bruit de bêche sur une terrasse invisible, au-dessous. Je vois un chien qui se promène de so
1922 e sur une terrasse invisible, au-dessous. Je vois un chien qui se promène de son petit pas élastique sur les restanques ét
1923 e par ces petits escaliers tout simplets, suivant une piste par jeu. Le ciel est d’un bleu sec et pur, tranché au sommet du
1924 implets, suivant une piste par jeu. Le ciel est d’ un bleu sec et pur, tranché au sommet du vallon par un cyprès grandiloqu
1925 bleu sec et pur, tranché au sommet du vallon par un cyprès grandiloquent. Et cette maison couleur de terre et festonnée d
1926 de tuiles roses, elle est bien à la ressemblance des vieilles paysannes de par ici, recuite et mordue par le temps, sobre
1927 ituelle… 28 janvier Avoir la veine « J’avais pris un billet de la Loterie nationale. Naturellement j’ai perdu ! Moi vous s
1928 que voulez-vous ! À la loterie, dans les tombolas des sociétés, n’importe où, elle est sûre de gagner quelque chose à tous
1929 nation la plus raisonnable du monde. Le mari est un vieux laïcard, il accuse les curés d’obscurantisme, il ne veut pas d’
1930 la plus sûre, l’arithmétique. Mais qui s’avise d’ une telle contradiction ? Le gouvernement de la Troisième République, ce
1931 entaire69 puis s’en vont prendre l/10e de billet. Un fort vent doux passe de grandes caresses sur le pelage d’oliviers de
1932 leur vive du paysage desséché. Ciel gris mouvant, une barre jaune à l’horizon. Et sur le petit toit au-dessous de moi, tout
1933 oit au-dessous de moi, tout près, soudain je vois un pigeon violet immobile. Les plumes du cou sont un peu hérissées par l
1934 un pigeon violet immobile. Les plumes du cou sont un peu hérissées par le vent. Voici trois jours que je le vois chaque ma
1935 rquoi feint-il de ne pas me voir ? Il se tient là des heures, sans bouger, et s’envole d’un coup vers le soir. Le lendemain
1936 e tient là des heures, sans bouger, et s’envole d’ un coup vers le soir. Le lendemain, il est là de nouveau, posé sur une t
1937 oir. Le lendemain, il est là de nouveau, posé sur une tuile ronde. Il y a quelque chose à comprendre… 23 février Au moment
1938 que ce « reproche », que je me formule en vertu d’ une habitude scolaire de critique, me touche si peu, ne trouble pas du to
1939 e sens assez heureux de cette découverte en moi d’ une superstition réelle, capable de me faire agir, ou plus exactement, je
1940 le mes souvenirs, je retrouve partout dans ma vie des déterminations non moins précisément « superstitieuses ». En y regard
1941 est faite de croyances spontanées et absolues en des « raisons » qui n’en sont pas, mais qui m’ont toujours convaincu beau
1942 x que les autres. Tout ce que j’ai fait à cause d’ un chiffre, à cause de la coïncidence d’un sentiment ou d’un pressentime
1943 à cause d’un chiffre, à cause de la coïncidence d’ un sentiment ou d’un pressentiment et d’un hasard tout extérieur, à caus
1944 re, à cause de la coïncidence d’un sentiment ou d’ un pressentiment et d’un hasard tout extérieur, à cause d’un certain jeu
1945 cidence d’un sentiment ou d’un pressentiment et d’ un hasard tout extérieur, à cause d’un certain jeu que je poursuis, sans
1946 entiment et d’un hasard tout extérieur, à cause d’ un certain jeu que je poursuis, sans trop le savoir, avec bien plus de v
1947 avant leurs grandes décisions, mais n’est-ce pas une étrangeté plus aiguë que nous révèle cette foi toute quotidienne aux
1948 e de Rubicons imaginaires ? Comme toujours, c’est une étrangeté, une singularité irréductible qui m’introduit au général :
1949 maginaires ? Comme toujours, c’est une étrangeté, une singularité irréductible qui m’introduit au général : je découvre, en
1950 a règle. Oui, mais il faut entendre le proverbe d’ une manière tout à fait précise : l’exception vécue, reconnue, c’est cela
1951 en effet la condition commune, c’est de se sentir une exception, un type spécial, différent de tous les autres… Et ce n’est
1952 dition commune, c’est de se sentir une exception, un type spécial, différent de tous les autres… Et ce n’est guère qu’à l’
1953 en croient autant, que ces autres cessent d’être une menace, une masse abstraite, intimidante ou méprisable. Pour ne prend
1954 autant, que ces autres cessent d’être une menace, une masse abstraite, intimidante ou méprisable. Pour ne prendre qu’un seu
1955 te, intimidante ou méprisable. Pour ne prendre qu’ un seul exemple : que de tourments et de secrets désespoirs chez les ado
1956 lescents troublés par le désir, s’apaisent tout d’ un coup le jour où ils découvrent que leur état jugé par eux « exception
1957 t l’état de l’homme vraiment homme, et le signe d’ une accession à la condition générale ! Avouer ses superstitions, ce sera
1958 c’est qu’il peut faire comprendre à d’autres, en un éclair, que chaque homme est irréductible, et que chaque homme a ses
1959 re. Et l’on comprend ainsi, soudain, que l’on est un homme « comme les autres » par cela même que l’on s’éprouve absolumen
1960 et ses superstitions, c’est sans doute en vertu d’ une prudence qui est le fondement même de toute « politique ». Et si j’av
1961 ns, il faut tout de suite que j’oppose à cet aveu une contrepartie raisonnable. Il faut que je montre aussi les droits du g
1962 et finalement favoriser son développement, mais d’ une manière négative, dialectique, ou mieux encore : pédagogique. Il est
1963 que est normative, mais seulement de l’extérieur. Une politique saine ne saurait donc partir de la personne, mais au contra
1964 libre stable et sclérosé produirait immédiatement des désordres sans nombre. Une telle stabilité prouverait en effet que le
1965 oduirait immédiatement des désordres sans nombre. Une telle stabilité prouverait en effet que les deux puissances contraire
1966 onnaît pas d’arrêt. En réalité, sous le couvert d’ un équilibre apparemment stabilisé, le désordre est toujours à sens uniq
1967 du monde bourgeois-capitaliste, mais aussi celle des dictatures, d’une manière encore plus frappante. Certes, nos institut
1968 s-capitaliste, mais aussi celle des dictatures, d’ une manière encore plus frappante. Certes, nos institutions n’ont guère c
1969 ertes, nos institutions n’ont guère changé depuis un siècle, et c’est pourquoi l’on s’imagine que l’équilibre s’est stabil
1970 umanise rapidement parce qu’il cesse de se croire des droits « irrationnels » et immédiats contre l’État. Le sens de la rév
1971 C’est cela que je nomme démoralisation à l’abri d’ un faux équilibre, — d’un équilibre sans tension. Ici interviendra le se
1972 démoralisation à l’abri d’un faux équilibre, — d’ un équilibre sans tension. Ici interviendra le second fait : l’équilibre
1973 mouvant, tendu, doit être orienté constamment par un léger excès de la composante « personnelle ». Il doit en permanence s
1974 le ». Il doit en permanence se déplacer au profit des personnes. (Au profit des irréductibles, dans le sens du jeu le plus
1975 e se déplacer au profit des personnes. (Au profit des irréductibles, dans le sens du jeu le plus libre des superstitions qu
1976 irréductibles, dans le sens du jeu le plus libre des superstitions que j’ai dites, et dont l’éducation se fait très lentem
1977 éducation se fait très lentement sous l’influence des résistances assimilées, créatrices de disciplines.) Ainsi le but fina
1978 ue, c’est la suppression de l’État, la libération des personnes au moment où leurs disciplines se seront enfin harmonisées.
1979 rs disciplines se seront enfin harmonisées. (Dans un temps que j’accorde aussi lointain qu’on le voudra.) Ces deux faits d
1980 rtage en fait le plus souvent, quand elle exprime une réalité sentimentale, mystique ou sensuelle, qui ne saurait se tradui
1981 mouvant, réellement progressif. Si par l’effet d’ une perversion, elle se met à jouer au profit de la politique et des doct
1982 elle se met à jouer au profit de la politique et des doctrines d’État qui doivent justement la combattre, le désordre s’in
1983 at ne sera jamais totalitaire. » Or l’État, c’est un fait patent, devient partout de plus en plus totalitaire. C’est donc
1984 ns » personnelles (son quant-à-soi), vaincues par une crise dont ce n’est pas ici le lieu de mentionner les causes profonde
1985 rs qu’il aurait dû combattre. (Volonté et pouvoir des masses, fatalités économiques, évolution de l’Histoire, mythes de la
1986 ont les affecte notre démission. Et c’est ainsi d’ un refoulement, puis d’un transfert fatal de nos superstitions les plus
1987 émission. Et c’est ainsi d’un refoulement, puis d’ un transfert fatal de nos superstitions les plus valables que naissent p
1988 de la personne se retourne contre elle, au profit des tyrannies impersonnelles. C’est l’instant où l’homme dit : « Que voul
1989 eux nouvelles demandes de « causeries » : l’une à un congrès d’instituteurs, l’autre à un cercle d’études sociales. Les in
1990  » : l’une à un congrès d’instituteurs, l’autre à un cercle d’études sociales. Les instituteurs voudraient que je leur par
1991 al du mouvement personnaliste. J’irai. Je me fais une règle d’accepter toutes ces invitations. Depuis deux ans, j’ai parlé
1992 philosophes, paysans, cercles d’hommes, groupant des ouvriers et des bourgeois… J’ai parlé en plein air, dans de grandes s
1993 ysans, cercles d’hommes, groupant des ouvriers et des bourgeois… J’ai parlé en plein air, dans de grandes salles publiques,
1994 plein air, dans de grandes salles publiques, dans une cuisine de paysans, dans un temple, dans un café, dans une salle d’Un
1995 lles publiques, dans une cuisine de paysans, dans un temple, dans un café, dans une salle d’Université. Cui bono ? À qui
1996 dans une cuisine de paysans, dans un temple, dans un café, dans une salle d’Université. Cui bono ? À qui le bénéfice ? À
1997 ne de paysans, dans un temple, dans un café, dans une salle d’Université. Cui bono ? À qui le bénéfice ? À moi d’abord, tr
1998 énéfice ? À moi d’abord, très certainement. C’est une joie qui vaut bien les ennuis du voyage, le temps perdu et les fatigu
1999 pour qui l’on écrivait sans le savoir. Découverte des diversités merveilleuses que proposent ces visages attentifs, éclairé
2000 rés ou butés, douloureux, tendus ou épanouis dans une compréhension amicale et directe. Je vois cette abstraction : le Publ
2001 évanouir et renaître, incarnée à chaque fois dans une seule figure précise, qui porte un nom, des vêtements d’une certaine
2002 que fois dans une seule figure précise, qui porte un nom, des vêtements d’une certaine sorte, etc. Peu à peu, je découvre
2003 dans une seule figure précise, qui porte un nom, des vêtements d’une certaine sorte, etc. Peu à peu, je découvre que le pu
2004 figure précise, qui porte un nom, des vêtements d’ une certaine sorte, etc. Peu à peu, je découvre que le public, c’est une
2005 etc. Peu à peu, je découvre que le public, c’est une série d’hommes et de femmes isolés, qui ont chacun leurs raisons très
2006 isons très concrètes et singulières de lire ce qu’ un autre a écrit, d’écouter ce qu’un autre leur dit. Quand un lecteur vo
2007 s de lire ce qu’un autre a écrit, d’écouter ce qu’ un autre leur dit. Quand un lecteur vous écrit, il s’exprime le plus sou
2008 a écrit, d’écouter ce qu’un autre leur dit. Quand un lecteur vous écrit, il s’exprime le plus souvent dans un langage conv
2009 eur vous écrit, il s’exprime le plus souvent dans un langage conventionnel qu’il croit de mise, s’adressant à un écrivain.
2010 conventionnel qu’il croit de mise, s’adressant à un écrivain. Ou bien il se répand en confidences exagérées ; il s’excite
2011 afé, celui-là peut vous révéler la vraie raison d’ une communion entre deux hommes : c’est toujours une raison unique, qui n
2012 ’une communion entre deux hommes : c’est toujours une raison unique, qui ne vaut qu’entre lui et moi, et qui ne prend son v
2013 tre déjà la pensée et qu’il vient de voir de près une heure durant. Il a pu corriger ses préjugés. Et la première rencontre
2014 t, sans surprises et sans illusion. Ce n’est plus une pensée lointaine qui anime un rêve, dans une chambre nocturne. C’est
2015 ion. Ce n’est plus une pensée lointaine qui anime un rêve, dans une chambre nocturne. C’est un homme qui rencontre un autr
2016 plus une pensée lointaine qui anime un rêve, dans une chambre nocturne. C’est un homme qui rencontre un autre homme dans sa
2017 i anime un rêve, dans une chambre nocturne. C’est un homme qui rencontre un autre homme dans sa situation concrète et ses
2018 ne chambre nocturne. C’est un homme qui rencontre un autre homme dans sa situation concrète et ses habits de tous les jour
2019 u sa faiblesse, touche à son terme dans le cœur d’ un homme. Je dois à ces rencontres d’avoir pressenti quelquefois — assez
2020 voir pressenti quelquefois — assez pour en garder une inquiétude constante — ce qu’il y a d’inhumain dans la plupart de nos
2021 point, d’adaptation à l’homme réel m’a conduit à une conclusion dont j’attends avec impatience la vérification in concreto
2022 : le lecteur sérieux, personnellement intéressé à un problème — juge à peu près régulièrement à l’inverse du critique pari
2023 ornements de la pensée que le critique, blasé par des lectures trop rapides, et plus sensible aux tics qu’à la pensée fonda
2024 e au vif l’urgence, pour l’écrivain, de retrouver une commune mesure de langage et de sensibilité avec des hommes de toutes
2025 commune mesure de langage et de sensibilité avec des hommes de toutes les classes et de tous les métiers. Certes, ce n’est
2026 tous les métiers. Certes, ce n’est jamais qu’avec des êtres singuliers, par le biais de leur singularité même, qu’on entre
2027 ivains comme tels, en aucun temps. Ce ne sont pas des abstractions qui achètent nos livres. Ce qu’il s’agit de retrouver, c
2028 vec l’homme qui réfléchit et qui fait la critique des idées non point à l’aide des opinions de son journal, mais à l’aide d
2029 qui fait la critique des idées non point à l’aide des opinions de son journal, mais à l’aide de sa vie concrète. Celui-là s
2030 dans nos villes, au milieu des feuilletonistes et des snobs, nous en sommes arrivés à parler dans le vide, à ne parler qu’à
2031 qui achètent les livres pour remplir les rayons d’ un studio-divan. Nous sommes des ingénieux, des amuseurs, des spécialist
2032 remplir les rayons d’un studio-divan. Nous sommes des ingénieux, des amuseurs, des spécialistes, des éléments de publicité,
2033 ons d’un studio-divan. Nous sommes des ingénieux, des amuseurs, des spécialistes, des éléments de publicité, des académicie
2034 o-divan. Nous sommes des ingénieux, des amuseurs, des spécialistes, des éléments de publicité, des académiciens, des journa
2035 es des ingénieux, des amuseurs, des spécialistes, des éléments de publicité, des académiciens, des journalistes. Nous ne so
2036 urs, des spécialistes, des éléments de publicité, des académiciens, des journalistes. Nous ne sommes plus des gens utiles.
2037 tes, des éléments de publicité, des académiciens, des journalistes. Nous ne sommes plus des gens utiles. Nous ne sommes plu
2038 adémiciens, des journalistes. Nous ne sommes plus des gens utiles. Nous ne sommes plus des hommes normaux chargés d’une voc
2039 sommes plus des gens utiles. Nous ne sommes plus des hommes normaux chargés d’une vocation d’expression et de réflexion. N
2040 Nous ne sommes plus des hommes normaux chargés d’ une vocation d’expression et de réflexion. Nous sommes des hommes spéciau
2041 ocation d’expression et de réflexion. Nous sommes des hommes spéciaux exploitant leur spécialité pour arriver à un succès s
2042 péciaux exploitant leur spécialité pour arriver à un succès sur le marché. Combien de nos romanciers devraient être classé
2043 manciers devraient être classés dans la catégorie des femmes à barbe et des veaux à deux têtes qu’on montre aux foires. On
2044 e classés dans la catégorie des femmes à barbe et des veaux à deux têtes qu’on montre aux foires. On dit que nous avons tra
2045 s trahi, c’est avec lui que nous devons retrouver un contact qui nous renverra, plus sûrement que toutes les diatribes, au
2046 lus sûrement que toutes les diatribes, au respect des valeurs spirituelles. Nuit de Pâques Clair de lune, à minuit, après l
2047 us soyeux et plus moirés sur le vert plus violent des terrasses, la colline plus riche d’ombres et de lueurs doucement étag
2048 ins de plaine évoquent l’instant de la séparation des eaux et de la terre, dans un chaos brillant d’où montent des vapeurs
2049 nt de la séparation des eaux et de la terre, dans un chaos brillant d’où montent des vapeurs d’aube d’été. « Un vrai temps
2050 de la terre, dans un chaos brillant d’où montent des vapeurs d’aube d’été. « Un vrai temps de Pâques ! », me crie Simard.
2051 brillant d’où montent des vapeurs d’aube d’été. «  Un vrai temps de Pâques ! », me crie Simard. ⁂ Hier il pleuvait. Vendred
2052 rler du temps qu’il fait, occupation fondamentale des paysans et des bourgeois, c’est une manière de s’exprimer qui en dit
2053 u’il fait, occupation fondamentale des paysans et des bourgeois, c’est une manière de s’exprimer qui en dit plus long qu’on
2054 fondamentale des paysans et des bourgeois, c’est une manière de s’exprimer qui en dit plus long qu’on ne croirait. « J’ai
2055 s de moi », note Pascal. En sorte que s’étonner d’ une pluie « intempestive » c’est une manière de dire : « Je m’attendais à
2056 que s’étonner d’une pluie « intempestive » c’est une manière de dire : « Je m’attendais à autre chose, mon calendrier mora
2057 ouvoir dormir de nouveau, après la grande semaine des chats, qui avaient fait retentir le vallon de leurs déchirements wagn
2058 t dans la cour, et sur toutes les terrasses. Avec des cris et des râles presque humains. Ce matin, j’ai trouvé des traces d
2059 ur, et sur toutes les terrasses. Avec des cris et des râles presque humains. Ce matin, j’ai trouvé des traces de sang sur l
2060 des râles presque humains. Ce matin, j’ai trouvé des traces de sang sur le seuil de la remise. Un beau soleil luit sur ce
2061 uvé des traces de sang sur le seuil de la remise. Un beau soleil luit sur ce lendemain de bataille. Pendant des heures, la
2062 soleil luit sur ce lendemain de bataille. Pendant des heures, la petite chienne Marquise — c’est la mère du basset Pernod —
2063 tinter son grelot, respectueusement talonnée par un grand flandrin de métis aux oreilles pendantes. De temps en temps il
2064 ntes. De temps en temps il la rejoignait. Ensuite une sorte d’épagneul impur a pris sa place. Deux ou trois autres mâles fa
2065 . Soudain, l’un relevait la tête, et s’en allait. Un nouveau faisait son apparition au haut de la colline. Simard et moi l
2066 cé quelques pierres, pour voir. Ils s’éloignaient un peu, en se retournant à chaque saut, et puis cela revenait bientôt de
2067 rasse, et voilà que je découvre au-dessous de moi un spectacle étrange et presque « atterrant ». La petite chienne est cou
2068 rière-train tuméfié. Autour d’elle éparpillés sur une aire de quelques mètres, reposent les mâles repus, pesamment allongés
2069 plus grands que leur Marquise, mais il y a aussi un insolent petit blanc aux pattes fines. Tout cela vautré comme sur une
2070 lanc aux pattes fines. Tout cela vautré comme sur une plage mondaine. Après un certain temps, je jette quelques poignées de
2071 t cela vautré comme sur une plage mondaine. Après un certain temps, je jette quelques poignées de terre sur tous ces ventr
2072 e terre sur tous ces ventres. Ils vont se coucher un peu plus loin. Un ou deux se défilent en silence. « J’ai pris la natu
2073 es ventres. Ils vont se coucher un peu plus loin. Un ou deux se défilent en silence. « J’ai pris la nature sur le fait. »
2074 es chiens. Cette nuit, les crapauds s’y sont mis. Un vieux mâle coasse des notes basses, et le chœur lui répond deux octav
2075 , les crapauds s’y sont mis. Un vieux mâle coasse des notes basses, et le chœur lui répond deux octaves au-dessus. Toujours
2076 La chienne se traîne. La chatte est déjà grosse. Une puissance inexorable s’est emparée de l’espèce, tourmente les bêtes,
2077 i tremblent sous la pluie, groupés au maigre abri des buissons de lauriers. Ah ! les beaux « instincts primitifs » ! Le bon
2078 d’extase religieuse, c’est se moquer cruellement des créatures, ou plutôt c’est avouer qu’on n’a pas su les voir. Aller de
2079 voir. Aller demander à la Nature la révélation d’ une vie saine et délivrée de toute contrainte mauvaise, c’est trahir cett
2080 tte « attente ardente », cette question angoissée des bêtes et des plantes que l’apôtre a su percevoir. C’est la nature qui
2081 ardente », cette question angoissée des bêtes et des plantes que l’apôtre a su percevoir. C’est la nature qui cherche en n
2082 notre délire allait lui demander : les prémices d’ une nouvelle création, et la « révélation des enfants de lumière » ! 21 a
2083 mices d’une nouvelle création, et la « révélation des enfants de lumière » ! 21 avril Voici les affiches des partis, pour l
2084 nfants de lumière » ! 21 avril Voici les affiches des partis, pour la campagne d’élections municipales. Quelle bouillabaiss
2085 asses : « Tout notre programme municipal tient en un seul mot : nous sommes antifascistes ! » Après quoi viennent les reve
2086 e deux nouvelles boîtes aux lettres ; ouverture d’ un chalet de nécessité pour hommes et dames sur la place principale. Si
2087 érémonies dans le Gard La maison de Simard recèle un effrayant secret qu’on m’avait laissé ignorer : une belle-mère. Nous
2088 n effrayant secret qu’on m’avait laissé ignorer : une belle-mère. Nous apprenons son existence en même temps que l’imminenc
2089 nce de sa mort — et voici qui éveillera peut-être des réflexions fécondes dans l’esprit du lecteur philosophe. Déjà huit mo
2090 froyables discussions nous parvient de la cuisine des Simard. Un beau-frère est arrivé, et on partage. C’est toujours assez
2091 scussions nous parvient de la cuisine des Simard. Un beau-frère est arrivé, et on partage. C’est toujours assez compliqué.
2092 age. C’est toujours assez compliqué. La nuit, par un dernier respect pour la moribonde qu’ils veillent à tour de rôle, ils
2093 dure, elle dure… Je viens d’aller la voir. Elle a un bâton sur son lit, qu’elle ne veut pas le lâcher, c’est pour lui teni
2094 ute la nuit. Vers 2 heures, nous nous réveillons. Une âcre fumée remplit la chambre, des lueurs d’incendie passent devant l
2095 us réveillons. Une âcre fumée remplit la chambre, des lueurs d’incendie passent devant la fenêtre. Je me précipite : ce son
2096 e me précipite : ce sont les deux Simard qui font un grand feu dans la cour. Est-ce qu’ils la rôtissent ? On distingue des
2097 a cour. Est-ce qu’ils la rôtissent ? On distingue des étoffes noires qui se gonflent sur le brasier… Je me suis réveillé ta
2098 re est morte cette nuit. Il ne faut pas se moquer des gens en deuil ! » — Mais, monsieur Simard… — Il est parti. Le bassin
2099 arti. Le bassin est à 50 mètres de la maison, sur une terrasse qu’on ne peut voir d’ici. Je ne comprends pas très bien. S’i
2100 r matin, je ne me sentais pas le cœur à lui jouer une comédie de sympathie, d’autant qu’il n’a vraiment pas l’air trop affe
2101 remiers mots que j’ai dits, elle a pleuré, gémi d’ une toute petite voix fausse, et m’a beaucoup remercié. Bref, il m’a semb
2102  Entré chez eux ? — Il faut que je vous explique. Une visite de deuil, chez nous, ça doit se faire dans la cuisine. Aussi,
2103 Ça aurait été dans votre maison qu’il y aurait eu un mort, je comprendrais, je n’aurais pas non plus lavé la vaisselle. Ma
2104 oi ne peut-on pas laver la vaisselle quand il y a un mort dans la maison ? II faut bien continuer à vivre, et à manger, et
2105 eur demander de s’expliquer. Tout cela repose sur un vieux fonds de rites de protection très compliqués dont ils n’arriver
2106 est aussi grave que les questions d’argent. C’est un fait d’ordre religieux. Et la colère de Simard en témoigne. 15 mai Co
2107 sé d’opérer. Nous avons épuisé les environs, dans un rayon d’exploration normal — mettons deux à trois heures de marche —
2108 avouer qu’on en trouve d’assez belles. Au fond d’ un val qui paraît sans issue, ce grand mas nommé Montaigu… (Pourquoi ce
2109 m ?) On dit que cela ressemble à l’Albanie. C’est un groupe de hautes bâtisses compliquées, en pierre ocrée, enfermant une
2110 bâtisses compliquées, en pierre ocrée, enfermant une cour à deux étages. On devine un reste de jardin, avec quelques cyprè
2111 crée, enfermant une cour à deux étages. On devine un reste de jardin, avec quelques cyprès, une pierre tombale, et la marg
2112 devine un reste de jardin, avec quelques cyprès, une pierre tombale, et la margelle d’un puits. La plupart des vitres sont
2113 ques cyprès, une pierre tombale, et la margelle d’ un puits. La plupart des vitres sont cassées. Une poule blanche se promè
2114 e d’un puits. La plupart des vitres sont cassées. Une poule blanche se promène quelquefois dans la cour. Mais on m’assure q
2115 ées depuis deux ans. Plus haut, dans la montagne, un autre mas dit « le Château ». C’est à l’orée d’un bois de châtaignier
2116 un autre mas dit « le Château ». C’est à l’orée d’ un bois de châtaigniers. On y accède par une rampe monumentale coupée ré
2117 l’orée d’un bois de châtaigniers. On y accède par une rampe monumentale coupée régulièrement de marches nobles. La rampe co
2118 gulièrement de marches nobles. La rampe conduit à une vaste terrasse herbue. Une maison de maître d’assez beau style, ornée
2119 es. La rampe conduit à une vaste terrasse herbue. Une maison de maître d’assez beau style, ornée d’un perron à double escal
2120 Une maison de maître d’assez beau style, ornée d’ un perron à double escalier, forme l’extrémité nord d’un bâtiment consid
2121 erron à double escalier, forme l’extrémité nord d’ un bâtiment considérable, à trois étages, qui devait servir de communs,
2122 , de magnanerie, de cellier et de grange. Au sud, une tour à cadran solaire, surmontée d’une girouette. Derrière la maison
2123 e. Au sud, une tour à cadran solaire, surmontée d’ une girouette. Derrière la maison de maître, sur le flanc de la montagne,
2124 la maison de maître, sur le flanc de la montagne, un jardin en terrasses, enclos de très hauts murs. À travers la grille o
2125 hauts murs. À travers la grille ouvragée, on voit une profusion de fleurs violentes et d’orties. L’ensemble est imposant et
2126 mmets rocheux. Soudain la girouette fait entendre un long cri presque humain. La maison la plus proche est à une bonne dem
2127 ri presque humain. La maison la plus proche est à une bonne demi-heure. Il n’y a pas de route. On imagine de vivre là, dans
2128 n’y a pas de route. On imagine de vivre là, dans un style colonial-moyenâgeux. On pourrait loger bien du monde. Des initi
2129 nial-moyenâgeux. On pourrait loger bien du monde. Des initiés, naturellement. Personne ne monte jamais là-haut, ni maréchau
2130 là-haut, ni maréchaussée ni gabelle. Nous aurions des fusils et des bibles, nous serions camisés de rouge, et l’on irait de
2131 réchaussée ni gabelle. Nous aurions des fusils et des bibles, nous serions camisés de rouge, et l’on irait de temps à autre
2132 ue l’appeler de loin, ne sera-t-elle pour nous qu’ une évasion hors de cette société maussade, défaite, un alibi pour la mau
2133 évasion hors de cette société maussade, défaite, un alibi pour la mauvaise humeur de ceux qui n’ont plus de « prochains »
2134 ntmartre, il y a deux ou trois ans, j’assistais à une conférence contradictoire contre le christianisme. « Ils prétendent q
2135 tianisme. « Ils prétendent qu’ils ne croient qu’à un seul Dieu, s’écriait l’orateur, et ils adorent la Trinité ! Ils disen
2136 ue le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne font qu’ un . Vous voyez que l’Église est réfutée par l’arithmétique. En effet, pr
2137 par l’arithmétique. En effet, prenez l’addition : un , plus un, plus un, cela fait trois, si je ne me trompe, et non pas un
2138 thmétique. En effet, prenez l’addition : un, plus un , plus un, cela fait trois, si je ne me trompe, et non pas un », — Pre
2139 . En effet, prenez l’addition : un, plus un, plus un , cela fait trois, si je ne me trompe, et non pas un », — Prenez la mu
2140 , cela fait trois, si je ne me trompe, et non pas un  », — Prenez la multiplication ! cria l’abbé V. qui était dans la sall
2141 tournée ». ak. Rougemont Denis de, «  Journal d’ un intellectuel en chômage (fragments) », Esprit, Paris, juin 1937, p. 3
2142 ts) », Esprit, Paris, juin 1937, p. 368-387. al. Une note précise : « Extraits d’un ouvrage à paraître prochainement, sous
2143 p. 368-387. al. Une note précise : « Extraits d’ un ouvrage à paraître prochainement, sous ce titre, chez Albin Michel. »
34 1937, Esprit, articles (1932–1962). Marius Richard, Le Procès (juin 1937)
2144 Marius Richard, Le Procès (juin 1937)am an Un petit livre qui sait s’arrêter dès qu’il nous a fait voir le monde pi
2145 sans ajouter à ce qui est, dire ce qui est comme un homme l’a senti, — c’est assez rare. « Ce serait si bien si l’on pouv
2146 celle-ci pouvait être modifiée. » Nulle fiction ; un journal de méditations dans la vie, de rêves dans l’affreuse vie, où
2147 t le monde en fait est coupable de tout : du sort des filles publiques, des bourgeois endormis, des malades dans les hôpita
2148 coupable de tout : du sort des filles publiques, des bourgeois endormis, des malades dans les hôpitaux « qui ont des chemi
2149 ort des filles publiques, des bourgeois endormis, des malades dans les hôpitaux « qui ont des chemises de prisonniers » et
2150 endormis, des malades dans les hôpitaux « qui ont des chemises de prisonniers » et « n’ont plus guère que le nom de leur ma
2151 olémiste prenant son chien à témoin de la lâcheté des hommes, qu’il exploite ». Ce procès Stavisky, que l’auteur suit au jo
2152 , de misères médiocres, que quelques femmes, dans une église, présentent au pardon de Dieu. Il y a le refuge du rêve, tout
2153 long du quai aux Fleurs. Mais la prière n’est pas un refuge ; elle est un acte d’accusation, et un aveu de chaque homme po
2154 rs. Mais la prière n’est pas un refuge ; elle est un acte d’accusation, et un aveu de chaque homme pour tous les autres :
2155 pas un refuge ; elle est un acte d’accusation, et un aveu de chaque homme pour tous les autres : « Je suis plus près de le
2156 r que de ma vérité. » Parfois l’on songe au Rilke des Cahiers, — sans la vibration slave, métaphysique. Mais c’est une symp
2157 sans la vibration slave, métaphysique. Mais c’est une sympathie peut-être plus virile que l’auteur demande au lecteur pour
2158 l’obtienne à cette profondeur, donne la mesure d’ un art qui ne se prend pas pour idole. am. Rougemont Denis de, « [Com
2159 ès  », Esprit, Paris, juin 1937, p. 479-480. an. Une note précise : « Des fragments de ce livre ont paru dans Esprit, sept
2160 juin 1937, p. 479-480. an. Une note précise : «  Des fragments de ce livre ont paru dans Esprit, septembre 1936. »
35 1937, Esprit, articles (1932–1962). Paul Éluard, L’Évidence poétique (juin 1937)
2161 ce poétique (juin 1937)ao Les surréalistes ont un sens typographique étonnant : pas une de leurs publications que ne ma
2162 éalistes ont un sens typographique étonnant : pas une de leurs publications que ne marque une invention heureuse et une aud
2163 ant : pas une de leurs publications que ne marque une invention heureuse et une audace très raisonnable. Ils restaurent dep
2164 lications que ne marque une invention heureuse et une audace très raisonnable. Ils restaurent depuis quelques années le tra
2165 l’esprit contre le commerce. Deux-mille pages ou un feuillet, mais non pas cet « in-16 » standard. Le feuillet qui nous a
2166 t : « La poésie doit être faite par tous. Non par un . » On a mis le poète sur un sommet. Mais voici : « Au sommet de tout,
2167 ite par tous. Non par un. » On a mis le poète sur un sommet. Mais voici : « Au sommet de tout, comme ailleurs, plus qu’ail
2168 qui voit, le malheur défait et refait sans cesse un monde banal, vulgaire, insupportable, impossible. » La poésie est cho
2169 autaire. (Éluard dit d’ailleurs : égalitaire, — d’ une manière incompréhensible.) La poésie « s’applique… à refuser de servi
2170 ble.) La poésie « s’applique… à refuser de servir un ordre qui n’est pas le sien ». C’est donc qu’elle veut instaurer un o
2171 pas le sien ». C’est donc qu’elle veut instaurer un ordre plus grand et pur. « Toutes les tours d’ivoire seront démolies,
2172 ées », c’est la volonté proprement eschatologique des poètes chrétiens et des romantiques allemands, c’est la volonté de ré
2173 proprement eschatologique des poètes chrétiens et des romantiques allemands, c’est la volonté de réintégration générale de
2174 à la page suivante. Voilà qui est antimarxiste d’ une manière plus valable : « C’est l’espoir ou le désespoir qui détermine
2175 peu après l’on dénonce les « ignobles appétits » des exploiteurs des hommes, tout en louant Sade d’avoir voulu « redonner
2176 dénonce les « ignobles appétits » des exploiteurs des hommes, tout en louant Sade d’avoir voulu « redonner à l’homme civili
2177 tique). Éluard parle, comme nous, de « construire un monde à la taille de l’homme » et de « mettre l’homme debout », — mai
2178 le faut.) Et enfin : « Voici que les poètes sont des hommes parmi les hommes, voici qu’ils ont des frères. » Et voici qu’É
2179 ont des hommes parmi les hommes, voici qu’ils ont des frères. » Et voici qu’Éluard paraît délivré de l’esthétisme aristocra
2180 ard paraît délivré de l’esthétisme aristocratique des débuts du surréalisme. Mais que penser alors de cette conclusion : « 
2181 isme rationalo-bourgeois. Voir Léon Bloy (Exégèse des lieux communs). Je pense que la pureté dont parlent les surréalistes
2182 les surréalistes devrait impliquer la rigueur. Et une exigence d’« évidence ». ao. Rougemont Denis de, « [Compte rendu]
36 1937, Esprit, articles (1932–1962). M. Benda nous « cherche », mais ne nous trouve pas (juillet 1937)
2183 décrivait l’autre jour à l’Union pour la vérité, une « querelle des générations » dont il définissait comme suit les éléme
2184 tre jour à l’Union pour la vérité, une « querelle des générations » dont il définissait comme suit les éléments : « L’ancie
2185 membres avaient environ la trentaine en 1900 fut une génération heureuse ; la génération d’après-guerre, en appelant ainsi
2186 tion d’après-guerre, en appelant ainsi l’ensemble des hommes qui ont aujourd’hui de 25 à 40 ans, est une génération particu
2187 es hommes qui ont aujourd’hui de 25 à 40 ans, est une génération particulièrement éprouvée par les circonstances. » D’où ré
2188 ue les jeunes se voient contraints par la logique des circonstances à se montrer plutôt… « moraux ». On goûta beaucoup l’eu
2189 ux ». On goûta beaucoup l’euphémisme. Mais lorsqu’ un « jeune » fit remarquer que la génération des anciens est essentielle
2190 rsqu’un « jeune » fit remarquer que la génération des anciens est essentiellement celle de Barrès, de Maurras, de Sorel, de
2191 e », — M. Benda refusa de répondre. La génération des anciens, des heureux, des intellectuels riches, c’est M. Benda, et pe
2192 da refusa de répondre. La génération des anciens, des heureux, des intellectuels riches, c’est M. Benda, et personne d’autr
2193 répondre. La génération des anciens, des heureux, des intellectuels riches, c’est M. Benda, et personne d’autre. Et lorsqu’
2194 s, c’est M. Benda, et personne d’autre. Et lorsqu’ un autre fit observer, en mathématicien, que la gratuité n’est pas une m
2195 rver, en mathématicien, que la gratuité n’est pas une méthode scientifique, et que toute pensée est un acte, M. Benda répli
2196 une méthode scientifique, et que toute pensée est un acte, M. Benda répliqua qu’il ne s’agissait pas du tout de cela, et q
2197 s’agissait pas du tout de cela, et que la pensée des jeunes se veut active en ce sens qu’elle vénère « ce qui rapporte »,
2198 ent qu’on leur attribuait. Cette tempête autour d’ un verre d’eau, dans la salle étouffante de la rue Visconti, nous appren
2199 à gagner de l’argent, M. Benda est auprès de nous un grand penseur, mais M. Dekobra est notre maître à tous. Et s’il est v
2200 le pas mal au néant. Soyons sérieux : la majorité des traits que M. Benda attribue à la jeunesse, convient en fait à la gén
2201 e à la jeunesse, convient en fait à la génération des « anciens ». À cette erreur totale sur les faits, M. Benda ajoute une
2202 ette erreur totale sur les faits, M. Benda ajoute une erreur non moins grave d’interprétation, lorsqu’il rattache ces diver
2203 rait, en bonne logique, expliquer les doctrines d’ un Barrès ou d’un Sorel, — qu’au surplus nous renions en bonne partie. C
2204 logique, expliquer les doctrines d’un Barrès ou d’ un Sorel, — qu’au surplus nous renions en bonne partie. Ce pataquès donn
2205 Ce pataquès donne la mesure de la « cohérence » d’ une pensée qui a pris pour idéal de « constater » purement et simplement
37 1937, Esprit, articles (1932–1962). Brève introduction à quelques témoignages littéraires (septembre 1937)
2206 de donner à la littérature, dans Esprit , c’est une question qui se pose à nos lecteurs, parce que, sous une forme plus g
2207 stion qui se pose à nos lecteurs, parce que, sous une forme plus générale, la question de la littérature en soi et de la pl
2208 es réponses varient du tout au nul. C’est dire qu’ une réflexion patiente — mais urgente — s’impose à nous sur ce point comm
2209 dans la mesure où le personnalisme entend refaire un ordre humain qui soit assez organique et complet pour pouvoir s’oppos
2210 ittérature agit sur l’époque, c’est évident, mais une littérature donnée, en tant qu’ensemble caractérisé par certaines for
2211 ertaines formes, par certains partis pris, et par un certain ordre d’objets qu’elle se choisit, est aussi le produit d’une
2212 objets qu’elle se choisit, est aussi le produit d’ une époque. C’est pourquoi la question d’une littérature personnaliste re
2213 roduit d’une époque. C’est pourquoi la question d’ une littérature personnaliste reste pour nous inséparable de la création,
2214 e de la création, de l’avènement et de la durée d’ un ordre social personnaliste. Elle se fait en faisant, par ce mouvement
2215 ’autre, de l’une par l’autre. Ce n’est donc pas à une enquête que nous allons nous livrer cette année, mais à une réflexion
2216 e que nous allons nous livrer cette année, mais à une réflexion active et créatrice sur les conditions actuelles — et actua
2217 nauté. Il n’y a pas, et il ne peut y avoir encore une école littéraire personnaliste. Pas plus qu’il n’y a et qu’il ne peut
2218 plus qu’il n’y a et qu’il ne peut y avoir encore une orthodoxie de la personne, une société et une économie qui la soutien
2219 eut y avoir encore une orthodoxie de la personne, une société et une économie qui la soutiennent, et qu’elle maintienne. (L
2220 ore une orthodoxie de la personne, une société et une économie qui la soutiennent, et qu’elle maintienne. (La question se p
2221 nt, et qu’elle maintienne. (La question se posera un jour aussi lointain peut-être que certains le désirent…) Pour l’insta
2222 Pour l’instant, nous ne pouvons que militer dans une direction générale qui se précisera par les obstacles mêmes que nous
2223 que nous aurons à surmonter. Quoi qu’en pensent des observateurs trop pressés ou intéressés, il existe une « génération »
2224 bservateurs trop pressés ou intéressés, il existe une « génération » d’écrivains — prenons ces termes au sens le plus large
2225 être point asservis aux disciplines extérieures d’ un parti, ne considèrent pas l’acte d’écrire comme un divertissement san
2226 n parti, ne considèrent pas l’acte d’écrire comme un divertissement sans conséquence. Il existe des jeunes écrivains qui n
2227 mme un divertissement sans conséquence. Il existe des jeunes écrivains qui ne sont pas embrigadés mais qui savent que toute
2228 re engage, et qui acceptent cette nécessité comme une des conditions de leur création. Et nous pensons qu’il n’est pas vain
2229 ngage, et qui acceptent cette nécessité comme une des conditions de leur création. Et nous pensons qu’il n’est pas vain de
2230 nissant ici, fût-ce par le lien tout provisoire d’ une sorte d’anthologie mensuelle. S’il fallait résumer ce qu’ils ont en c
2231 ntes de construction, de reprise à pied d’œuvre ; un souci de l’action possible ou nécessaire, mais par les moyens propres
2232 écessaire, mais par les moyens propres de l’art ; une considération constante des tenants et aboutissants de l’œuvre d’art
2233 ns propres de l’art ; une considération constante des tenants et aboutissants de l’œuvre d’art (sources métaphysiques, corr
2234 hologiques, influence morale et sociale…), bref : une gravité (un poids) qui suffit presque à distinguer cette « génération
2235 nfluence morale et sociale…), bref : une gravité ( un poids) qui suffit presque à distinguer cette « génération » nouvelle
2236 de mois en mois, nous avons réuni d’ores et déjà un certain nombre de textes qui paraîtront au cours de cet hiver. Romans
2237 mais qui prendront du fait de leur confrontation une valeur autre que documentaire, ou « littéraire » au sens étroit du mo
2238 (mais nous comptons bien en donner prochainement un plus grand nombre) : Roger Breuil, R. Caillois, A. Miatlev, Brice Par
2239 phor, Jean Tardieu. On voit qu’il ne s’agit pas d’ une école ; encore moins d’une orthodoxie personnaliste. Mais de « person
2240 qu’il ne s’agit pas d’une école ; encore moins d’ une orthodoxie personnaliste. Mais de « personnes » qui savent que l’exer
2241 savent que l’exercice de leurs libertés implique des engagements concrets. ar. Rougemont Denis de, « Brève introduction
38 1937, Esprit, articles (1932–1962). Martin Lamm, Swedenborg (septembre 1937)
2242 de talent ». (La discontinuité de notre chronique des Lettres ne traduit d’ailleurs pas nécessairement des intermittences d
2243 Lettres ne traduit d’ailleurs pas nécessairement des intermittences de la production littéraire. Celle-ci se trouve être e
2244 ion littéraire. Celle-ci se trouve être en fait d’ une inquiétante continuité, pour des raisons plus commerciales que spirit
2245 e être en fait d’une inquiétante continuité, pour des raisons plus commerciales que spirituelles, on le sait bien.) Mais si
2246 imiter notre critique aux ouvrages qui présentent un sens quelconque pour notre action — soit qu’ils militent pour ou cont
2247 on normale — et normative — doive se traduire par un appauvrissement de notre curiosité intellectuelle. Bien au contraire.
2248 n ne peut pas recommencer chaque mois le procès d’ une littérature qui se vante d’être « insignifiante » — c’est-à-dire sans
2249 t le monde passe sous silence, et qui se trouvent des plus aptes à illustrer ou élargir notre vision personnaliste. Le Swed
2250 liste. Le Swedenborg de Martin Lamm nous en offre un exemple idéal. À tel point que je ne puis aujourd’hui qu’indiquer les
2251 ndiquer les pistes qu’il nous ouvre ; il faudrait une équipe pour les suivre. Le professeur Martin Lamm est de l’Académie s
2252 officielles exercent leur sagacité sur l’œuvre d’ un illuminé que toutes les académies de son siècle eussent rejeté avec m
2253 avec mépris et pitié. Mais la gloire posthume est un « titre » ; « l’intérêt » s’accumule avec le temps ; l’œuvre enfin de
2254 pression, à lire M. Lamm, qu’il n’eût pas accordé une attention extrême à Swedenborg du vivant de ce grand mystique. L’exce
2255 d mystique. L’excellente analyse qu’il nous donne des principaux écrits de son compatriote ne prend quelque chaleur qu’aux
2256 endroits où il s’agit de réfuter les hypothèses d’ un collègue historien. Je ne nie pas la valeur intrinsèque de la thèse q
2257 pourquoi il la défend, et pourquoi il s’occupe d’ un personnage qui ne semble exciter ni sa réprobation ni son enthousiasm
2258 ment dans sa préface. Morceau brillant, disert, d’ une élégance trop aisée, mais non point vide, — l’une des expressions les
2259 élégance trop aisée, mais non point vide, — l’une des expressions les plus « pures » de la rhétorique valéryenne. Swedenbor
2260 enne. Swedenborg présente le cas très singulier d’ un savant encyclopédique, formé aux disciplines rationalistes du xviiie
2261 ècle, qui aboutit — c’est la thèse de Lamm —, par une évolution très raisonnable, à des « rêveries » purement mystiques. On
2262 de Lamm —, par une évolution très raisonnable, à des « rêveries » purement mystiques. On s’imagine couramment que la doctr
2263 e ces visions n’ont guère fait qu’illustrer, sous une forme mythologique, une construction d’origine scientifique, remarqua
2264 e fait qu’illustrer, sous une forme mythologique, une construction d’origine scientifique, remarquablement cohérente. En so
2265 e la période goethéenne — seraient l’expression d’ un effort admirable pour résoudre l’antinomie du rationalisme et du néo-
2266 e. Entreprise en tous points comparable à celle d’ un Pic de la Mirandole, pour ne prendre que l’un des auteurs les plus so
2267 ’un Pic de la Mirandole, pour ne prendre que l’un des auteurs les plus souvent cités par Lamm. Je voudrais dégager ici troi
2268 e pour l’intelligence. D’abord en ce qu’elle rend un livre de ce genre extrêmement ennuyeux à lire, quel que soit l’intérê
2269 donc à son détriment, surtout lorsqu’il s’agit d’ un phénomène spirituel et culturel de première importance. Ensuite, cett
2270 ent le prétexte qu’elle se donne — s’appliquant à un ordre de spéculation tel que le mysticisme. M. Lamm a beau s’efforcer
2271 t porter de jugement de valeur sur la « réalité » des visions de Swedenborg, son expression le trahit à chaque page, et rév
2272 son expression le trahit à chaque page, et révèle un parti pris assez brutal de réduction du mystique à l’illusoire. Par e
2273 du mystique à l’illusoire. Par exemple, il relate une des premières extases de S. et conclut ainsi : « Il est de toute évid
2274 ystique à l’illusoire. Par exemple, il relate une des premières extases de S. et conclut ainsi : « Il est de toute évidence
2275 e évidence que cet incident ne fut autre chose qu’ une perte de connaissance, etc. » Ailleurs il parle d’une préface dans la
2276 perte de connaissance, etc. » Ailleurs il parle d’ une préface dans laquelle Swedenborg aurait expliqué « comment il a gliss
2277 visions dont il s’agit ici sont vraisemblablement des hallucinations hypnagogiques, genre de visions qui sont loin d’être r
2278 de visions qui sont loin d’être rares, même dans des états psychiques normaux. » (?) Ou : « Il est infiniment probable que
2279 art des mystiques, doivent être considérées comme des pseudo-hallucinations, qui, à la différence des hallucinations dites
2280 e des pseudo-hallucinations, qui, à la différence des hallucinations dites psychosensorielles…, etc. » On ne nous dit pas s
2281 s. Ce genre de pseudo-explications, édictées avec une assurance doctorale, me paraissant prêcher par un je ne sais quoi qui
2282 ne assurance doctorale, me paraissant prêcher par un je ne sais quoi qui rappelle d’une double manière la fameuse « vertu
2283 ant prêcher par un je ne sais quoi qui rappelle d’ une double manière la fameuse « vertu dormitive »… 2. Les auteurs qui s’o
2284  vertu dormitive »… 2. Les auteurs qui s’occupent des mystiques et, en général, d’objets religieux qui leur paraissent inqu
2285 rne » du monde, ont coutume de tout « ramener » à des catégories scientifiques contemporaines. Or ces catégories se trouven
2286 res de Swedenborg « ne sont pas autre chose » que des photismes, « phénomènes d’automatisme sensoriel de nature hallucinato
2287 nature hallucinatoire ou pseudo-hallucinatoire » des plus fréquents chez les mystiques, et qui « expliqueraient » physiolo
2288 oration avec Arnaud Dandieu) permettent de donner une interprétation totalement différente de ces « visions intérieures » ;
2289 vait apparaître purement fantaisiste et périmée à un savant de l’avant-guerre. Swedenborg affirme que l’origine de toute m
2290 nborg affirme que l’origine de toute matière, est un « point » sans poids ni étendue, point mathématique, donc non matérie
2291 orthodoxes. Je n’ai pas la prétention de traiter un si grave problème en quelques lignes. Mais il me semble nécessaire de
2292 et effort est réel et aboutit — ce qui est encore une question — il aboutit évidemment à la négation absolue du personnalis
2293 n ou humaniste. Ce serait — je simplifie — le cas des mystiques orientales, dont l’influence est loin d’être négligeable ch
2294 éantissement du moi peut aussi être compris comme un effort de l’homme pour se libérer de sa personnalité (ou de son indiv
2295 cette deuxième voie. Sans doute aurions-nous ici une très belle occasion de développer en profondeur la dialectique indivi
2296 our aujourd’hui de marquer le point d’insertion d’ un problème qu’il faudra, évidemment, que nous traitions un jour en tout
2297 lème qu’il faudra, évidemment, que nous traitions un jour en toute franchise, entre croyants de confessions différentes et
2298 ntes et incroyants personnalistes. 71. Cf. Vers une cosmologie, Éditions F. Aubier. 72. Je ne puis m’étendre ici sur les
39 1937, Esprit, articles (1932–1962). Neutralité oblige (octobre 1937)
2299 Neutralité oblige (octobre 1937)at au C’est un redoutable questionneur que C. F. Ramuz. Vous croyez tout d’abord qu’
2300 qu’il interroge simplement par curiosité, ou par une sorte de prudence, pour voir venir, et puis vous vous apercevez que c
2301 r des questions, et de jouer le scepticisme, dans un pays où tant de choses vont de soi. Il nous faut un homme comme Ramuz
2302 pays où tant de choses vont de soi. Il nous faut un homme comme Ramuz pour nous tirer de l’optimisme assez épais où s’end
2303 t Cingria, de trouver chaque matin sur leur table un gros bol de café au lait. Qu’on m’entende bien : nous avons eu Amiel,
2304 is l’équivoque de la phrase : exister en fonction des voisins, on pourrait croire que c’est à peu près l’idéal que Keyserli
2305 e dans le fait. Mais on peut et on doit concevoir une tout autre forme d’existence qui serait « en fonction des voisins »,
2306 autre forme d’existence qui serait « en fonction des voisins », et qui serait tout de même, ou par là même, une existence,
2307 ns », et qui serait tout de même, ou par là même, une existence, au sens plein de ce terme ; avec tout ce que cela comporte
2308 essité, de réalité irremplaçable, de conscience d’ une mission à accomplir, et que nul autre n’a reçue. La Suisse existe-t-e
2309 ous demande Ramuz. Cela revient à dire : a-t-elle une raison d’être ? J’essaierai de répondre ici du point de vue qui me pa
2310 ournaux. Et cela ne contribue guère à nous donner un sens actif de nos chances et de nos destins, dans une époque où des c
2311 sens actif de nos chances et de nos destins, dans une époque où des choses plus anciennes et plus grandes que notre statut
2312 nos chances et de nos destins, dans une époque où des choses plus anciennes et plus grandes que notre statut se trouvent re
2313 s. De ce double malentendu, il faudra bien sortir un jour. Les événements nous y obligeront si nous ne savons pas les prév
2314 aisons de notre neutralité, celle-ci sera balayée un jour prochain avec les vieux chiffons de papier qui sont censés la ga
2315 és la garantir. Quand bien même nous aurions voté des milliards de crédits d’armement, et des mesures d’instruction militai
2316 ions voté des milliards de crédits d’armement, et des mesures d’instruction militaire prenant les enfants au berceau. Car a
2317 force matérielle ne pourra jamais remplacer, pour un petit pays comme le nôtre, la conscience de sa raison d’être, et le p
2318 attache. On croit souvent, surtout chez nous, qu’ un petit pays a, comme tel, l’obligation de rester neutre. D’où l’on déd
2319 D’où l’on déduit qu’il en possède aussi le droit, une espèce de droit naturel. Or on a vu des États minuscules, Venise et B
2320 le droit, une espèce de droit naturel. Or on a vu des États minuscules, Venise et Berne, les Pays-Bas de Guillaume d’Orange
2321 qu’elle le juge naturel ? La meilleure garantie d’ un droit, la seule peut-être qui soit efficace, c’est l’exercice réel de
2322 priété, par exemple, est à la fois la condition d’ une entreprise personnelle, et la juste contrepartie des risques qu’on y
2323 entreprise personnelle, et la juste contrepartie des risques qu’on y court, du travail qu’on y donne. Si le propriétaire l
2324 s rien créer, tout simplement parce qu’il possède des coupons de papier dans une banque, ses droits sont ressentis comme de
2325 nt parce qu’il possède des coupons de papier dans une banque, ses droits sont ressentis comme des abus. Ils cessent dès lor
2326 dans une banque, ses droits sont ressentis comme des abus. Ils cessent dès lors d’être assurés en fait ; comme le démontre
2327 ntre l’histoire récente du capitalisme anonyme et des révolutions qu’il a fait naître. Or c’est une crise fort analogue qui
2328 et des révolutions qu’il a fait naître. Or c’est une crise fort analogue qui menace la neutralité, dès l’instant où ceux q
2329 paraît souvent bien somnolente. Trop assurés dans un statut dont les commodités sont surtout matérielles, et les obligatio
2330 se persuadent petit à petit qu’on pourrait jouir des premières sans se soucier trop des secondes. Sous prétexte de réalism
2331 pourrait jouir des premières sans se soucier trop des secondes. Sous prétexte de réalisme, et de défense des intérêts écono
2332 econdes. Sous prétexte de réalisme, et de défense des intérêts économiques, c’est la réalité européenne de la Suisse qu’on
2333 isse qu’on perd de vue. On l’a senti à l’occasion des sanctions contre l’Italie : la participation de la Suisse à la Sociét
2334 de la Suisse à la Société des Nations repose sur une équivoque que la Déclaration de Londres n’a nullement dissipée, bien
2335 contraire. Là encore, nous avons voulu bénéficier des garanties qu’offrait la SDN sans accepter les charges qui s’y trouvai
2336 liées. D’où le malaise provoqué par l’application des sanctions, premier avertissement que nous donnaient les faits d’avoir
2337 e en année. Et nous voyons que lui aussi dépend d’ un équilibre spirituel74 totalement bouleversé et réorganisé, au sein du
2338 , au sein duquel il est urgent que nous trouvions une place nettement redéfinie. Bref, tout nous pousse à un réveil de notr
2339 ace nettement redéfinie. Bref, tout nous pousse à un réveil de notre conscience fédérale. Tout nous met au défi d’agrandir
2340 randir cette conscience aux proportions nouvelles des mystiques qui régissent l’Europe d’aujourd’hui. Notre chance et nos r
2341 me paraît plus frappant que la convergence finale des faits que l’on a rappelés dans ce numéro, des questions qu’on y a pos
2342 ale des faits que l’on a rappelés dans ce numéro, des questions qu’on y a posées, des thèses qu’on y a soutenues. La géogra
2343 s dans ce numéro, des questions qu’on y a posées, des thèses qu’on y a soutenues. La géographie et l’histoire, l’agencement
2344 Liehburg, tout indique et appelle dans ces pages une seule et même réalité, qui est la réalité fédéraliste. Or il se trouv
2345 osition personnaliste est fondamentalement liée à une forme fédérative de l’État et de la culture, voire même de l’économie
2346 e effort. La mission essentielle de la Suisse est une mission personnaliste au premier chef : sauvegarder une Weltanschauun
2347 ssion personnaliste au premier chef : sauvegarder une Weltanschauung où les droits du particulier et les devoirs envers le
2348 t nullement, comme certains voudraient le croire, une espèce de juste milieu entre les excès déplorables de l’individualism
2349 sa nature même, physique et historique. Gardiens des cols, gardiens de la papauté, gardiens du siège de la SDN et de celui
2350 ar ce qui est mesquin chez nous, n’est en fait qu’ une dégradation de l’idéal qui devrait nous unir. La première devise des
2351 l’idéal qui devrait nous unir. La première devise des Suisses, ce fut « Un pour tous, tous pour un ». C’est la formule la p
2352 us unir. La première devise des Suisses, ce fut «  Un pour tous, tous pour un ». C’est la formule la plus frappante et la p
2353 ise des Suisses, ce fut « Un pour tous, tous pour un  ». C’est la formule la plus frappante et la plus juste de l’esprit fé
2354 u’elle est l’expérience témoin, l’annonciatrice d’ une Europe fédérée dont elle prouve la réalité en assemblant dans un État
2355 ée dont elle prouve la réalité en assemblant dans un État nos trois plus grandes civilisations, la germanique, la latine e
2356 intérieur de confédération de cantons, découlent des conséquences précises dans les ordres les plus divers. Je voudrais en
2357 magistère ne paraît nullement s’exercer au nom d’ une vocation bien définie et de portée européenne. Quand nos journaux fon
2358 gauche lorsqu’elle défend le même Léon Blum pour des raisons symétriquement inverses, et par suite non moins étrangères à
2359 res à nos statuts ! Nous ne pourrions en tirer qu’ une seule leçon : les fascismes se donnent pour but d’exalter leur missio
2360 ont trouvé, le sens de la réalité irremplaçable d’ une nation. L’autorité qu’une certaine presse suisse s’était acquise à l’
2361 réalité irremplaçable d’une nation. L’autorité qu’ une certaine presse suisse s’était acquise à l’étranger reposait justemen
2362 nt sur le fait que nous étions seuls à juger dans une perspective européenne. (Nos trois cultures nous y préparaient, nous
2363 us y contraignaient même en quelque mesure.) Mais une presse suisse partisane, à la manière des partisans français ou allem
2364 es partisans français ou allemands, n’est plus qu’ une presse d’intérêt local. Là encore, nos chances sont uniques, nous pou
2365 iste avec raison sur le fait que nous n’avons pas une culture nationale unifiée, mais des cultures diversifiées, régionales
2366 s n’avons pas une culture nationale unifiée, mais des cultures diversifiées, régionales ou étrangères. Une fois de plus, c’
2367 ance. Mais savons-nous l’utiliser ? Il y faudrait une conscience très forte de la réalité fédéraliste et de ce qu’elle impl
2368 nationalisme unitaire et antiallemand, l’on voit une méfiance hostile poindre chez nos intellectuels à l’endroit de ce qui
2369 confédérale. Réaction de faiblesse, et néfaste à un double titre. Car d’une part nous y perdons ce qui fait notre valeur
2370 — jusqu’à l’excès, voire jusqu’à la grimace — qu’ un Barrès, constamment tenté et enrichi par le génie du Rhin ? Pour nous
2371 s qui n’avons pas les mêmes raisons de construire des Bastions de l’Est, la situation est bien plus favorable. Mais il faud
2372 sans crispation de méfiance ou de timidité ; dans une volonté de synthèse, et non point dans la crainte perpétuelle de n’ab
2373 int dans la crainte perpétuelle de n’aboutir qu’à des mélanges bâtards. Notre unité existe, mais sur un plan à la fois plus
2374 es mélanges bâtards. Notre unité existe, mais sur un plan à la fois plus élevé et plus vaste que celui de « l’unification 
2375 ’unité originelle, et peut-être future et finale, des diversités de l’Europe, symbolisées par nos trois langues, nos deux r
2376 out qu’on ne déplore pas le fait que les cultures des Suisses ne forment pas une culture homogène. Elles forment quelque ch
2377 fait que les cultures des Suisses ne forment pas une culture homogène. Elles forment quelque chose de moins grandiose, mai
2378 de plus conforme à l’essence même de la culture : un microcosme des valeurs que les nations qui nous entourent ont illustr
2379 me à l’essence même de la culture : un microcosme des valeurs que les nations qui nous entourent ont illustrées l’une après
2380 me, ou dans l’opposition tragique à l’intérieur d’ une même « personne », des vocations spéciales d’autres nations. Et c’est
2381 n tragique à l’intérieur d’une même « personne », des vocations spéciales d’autres nations. Et c’est là notre vocation. Neu
2382 cela. C’est au contraire (ou plutôt ce doit être) un combat perpétuel, exaltant, le battement du cœur de l’Europe. Vouloir
2383 , le battement du cœur de l’Europe. Vouloir créer une « culture suisse », ce serait trahir notre mission, ce serait le péch
2384 iste dans son principe à adorer les instruments d’ un culte, oubliant le dieu qu’il célèbre. Et pourquoi n’irais-je pas jus
2385 de n’avoir pas de culture suisse, mais seulement une culture européenne ? On nous a donné par-dessus un Gottfried Keller e
2386 e culture européenne ? On nous a donné par-dessus un Gottfried Keller et un Ramuz. Ceux-là ne sont Européens que parce qu’
2387 On nous a donné par-dessus un Gottfried Keller et un Ramuz. Ceux-là ne sont Européens que parce qu’ils sont d’abord, et gé
2388 anien. Mais deux poètes « enracinés » ne font pas une culture suisse. Ce sont deux vocations personnelles, et la culture su
2389 eux vocations personnelles, et la culture suppose une tradition, une vocation communautaire. Mais je me représente volontie
2390 ersonnelles, et la culture suppose une tradition, une vocation communautaire. Mais je me représente volontiers une Suisse c
2391 n communautaire. Mais je me représente volontiers une Suisse culturelle pluraliste, avec ses centres successifs ou parfois
2392 es successifs ou parfois même simultanés, offrant un asile provisoire aux grands errants de l’esprit et des passions occid
2393 sile provisoire aux grands errants de l’esprit et des passions occidentales : Bâle et Genève au temps de la Réforme, Érasme
2394 urs. Aux xviie et xviiie , l’horizon se resserre un peu, on ne voit guère que Berne et le « grand Haller », et ce premier
2395 sur la grande scène de l’Europe. De Genève, c’est une autre « école suisse » qui domine les lettres françaises ; après Rous
2396 bon, Schlegel et Sismondi. Ce foyer s’éteint pour un temps. Il en renaît un autre à Bâle : Jacob Burckhardt, Overbeck, le
2397 di. Ce foyer s’éteint pour un temps. Il en renaît un autre à Bâle : Jacob Burckhardt, Overbeck, le jeune Nietzsche. Et tou
2398 he. Et tout cela fait, par le moyen de la Suisse, une assez belle culture européenne77. Je ne vois pas pourquoi nous douter
2399 enne77. Je ne vois pas pourquoi nous douterions d’ une tradition que tout nous pousse à continuer, et qui, je le crois, n’a
2400 evant au point où ils deviennent les conditions d’ une création unique. Au niveau de l’instruction publique, nous étouffons
2401 a grandeur future de l’Europe. (Il y a là plus qu’ un calembour, soit dit pour essayer de rassurer ces gens sérieux que son
2402 ncret, ou du moins à ce qu’on tient pour tel dans un pays où les valeurs intellectuelles passent plus qu’ailleurs pour un
2403 urs intellectuelles passent plus qu’ailleurs pour un luxe. (Nulle part, je crois, les écrivains n’ont moins d’action sur l
2404 z pour que je n’aie pas à insister, que l’armée d’ un petit pays neutre est très facilement justifiable, aux yeux du pacifi
2405 pacifiste le plus ardent. Elle ne peut livrer qu’ une « guerre juste », puisqu’elle est incapable d’attaquer. Elle ne joue
2406 incapable d’attaquer. Elle ne joue que le rôle d’ une garde, et par là même, elle est conforme à notre vocation profonde. G
2407 me à notre vocation profonde. Garde montée autour des cols, dirait Liehburg ; milice au service du principe constituant de
2408 mesures toutes récentes organisant la couverture des frontières par les habitants de la région sont absolument dans la lig
2409 les militaires. Et c’est bien ce que devrait être une armée consciente de son rôle particulier de garde neutre. Mais je ne
2410 ’esprit public, voilà l’indice qu’on perd le sens des buts et du rôle de l’armée dans la cité. Il ne s’agit ici que de nuan
2411 antes. Il est important de rappeler que l’armée d’ une fédération n’a pas de raison d’être en soi, si l’on ne croit pas à ce
2412 rmée étant chose fédérale, ne peut être l’armée d’ une classe, de ses intérêts, de son ordre. Il n’y aurait aucun avantage à
2413 ’esprit de caste si c’était pour le remplacer par un esprit de classe bourgeois (d’une valeur militaire d’ailleurs bien mo
2414 le remplacer par un esprit de classe bourgeois (d’ une valeur militaire d’ailleurs bien moindre). Enfin cette espèce d’entho
2415  » ne me paraît pas toujours proportionné au sens des raisons d’être de la Suisse dont témoignent ces mêmes milieux. Ce ser
2416 milieux. Ce serait à croire parfois que pour être un bon Suisse, il faut et il suffit que l’on soit un bon soldat. Peut-êt
2417 un bon Suisse, il faut et il suffit que l’on soit un bon soldat. Peut-être oserons-nous rappeler qu’il existe d’autres man
2418 êtir l’uniforme. Après tout, notre armée n’est qu’ un aspect de notre défense fédérale. Et un aspect subordonné. Si l’on né
2419 n’est qu’un aspect de notre défense fédérale. Et un aspect subordonné. Si l’on néglige à son profit « le reste », on fait
2420 uisse, car c’est ce « reste » justement qui donne un sens à la fédération, donc à l’armée qui la défend. Je ne crois pas d
2421 lleurs que les armes matérielles soient pour nous une défense suffisante. Je vois bien qu’elles sont nécessaires. Mais je v
2422 tistes ou écrivains, les moyens d’assurer au pays un prestige international qui nous donnerait peut-être davantage qu’une
2423 ational qui nous donnerait peut-être davantage qu’ une garantie d’économie : une existence vraiment autonome. Le budget de l
2424 peut-être davantage qu’une garantie d’économie : une existence vraiment autonome. Le budget de la défense nationale dans u
2425 autonome. Le budget de la défense nationale dans un pays dont la vraie raison d’être est en fin de compte spirituelle, de
2426 mporter normalement à côté du budget militaire80, un important budget de la culture. Je ne dis pas de l’instruction, mais
2427 eprésentatifs, dans ce pays, de l’opinion moyenne des citoyens, ont retrouvé le sens de notre destinée, et notre chance uni
2428 is ce que l’on peut m’objecter : « Vous attribuez des justifications parfois mythiques à des réalités qui se sont constitué
2429 attribuez des justifications parfois mythiques à des réalités qui se sont constituées par le jeu d’intérêts et de routines
2430 et de routines médiocres. Vous donnez par exemple une valeur positive à un principe fédéraliste qui ne traduit historiqueme
2431 es. Vous donnez par exemple une valeur positive à un principe fédéraliste qui ne traduit historiquement — de même que la n
2432 t historiquement — de même que la neutralité — qu’ une crainte, un resserrement des rangs devant la menace extérieure81. » R
2433 ent — de même que la neutralité — qu’une crainte, un resserrement des rangs devant la menace extérieure81. » Rien n’est pl
2434 e la neutralité — qu’une crainte, un resserrement des rangs devant la menace extérieure81. » Rien n’est plus vrai, et c’est
2435 pérons ce redressement urgent ! Qu’est-ce donc qu’ une révolution, sinon justement un effort pour restaurer l’actualité perd
2436 Qu’est-ce donc qu’une révolution, sinon justement un effort pour restaurer l’actualité perdue d’une tradition ou d’une ins
2437 ent un effort pour restaurer l’actualité perdue d’ une tradition ou d’une institution ? Pour réveiller leurs pouvoirs créate
2438 restaurer l’actualité perdue d’une tradition ou d’ une institution ? Pour réveiller leurs pouvoirs créateurs, leur perpétuel
2439 uveauté ? Ou encore pour créer tout cela à partir des formes existantes ? Il ne s’agit pas pour nous de « révolutionner »,
2440 f prête à ce terme. Nous partons, dans ce pays, d’ un certain nombre de structures politiques et morales, et d’une traditio
2441 nombre de structures politiques et morales, et d’ une tradition fédéraliste, qui se trouvent réaliser, en théorie, parfois
2442 r exemple — mais à donner ou à rendre à cet ordre une signification qui le maintienne vivant et pur contre les ennemis du d
2443 hors. L’esprit bourgeois, l’économie capitaliste, une paresse spirituelle entretenue tyranniquement par nos écoles, la tent
2444 alisme tend à se réduire à l’esprit de clocher, à une limitation des horizons, bien plutôt qu’il ne favorise de fécondes op
2445 e réduire à l’esprit de clocher, à une limitation des horizons, bien plutôt qu’il ne favorise de fécondes oppositions. Notr
2446 ondes oppositions. Notre neutralité, conçue comme une prudence, devient la pire des imprudences au milieu de l’Europe fasci
2447 alité, conçue comme une prudence, devient la pire des imprudences au milieu de l’Europe fasciste. Notre instruction publiqu
2448 rès développée à tous les degrés, mais fondée sur une conception de l’homme incroyablement étriquée, devient une espèce d’a
2449 ption de l’homme incroyablement étriquée, devient une espèce d’asepsie qui tue les germes de toute création. (La culture su
2450 ation. (La culture suppose plus de folie, suppose des contaminations multipliées, des inégalités favorisées et protégées82.
2451 de folie, suppose des contaminations multipliées, des inégalités favorisées et protégées82.) Seule notre économie cherche à
2452 ) Seule notre économie cherche à se mettre au pas des grandes économies européennes, mais de la manière la plus fatale à ce
2453 utant de constatations qui dictent à notre action des objectifs immédiats : ils seront révolutionnaires au sens que je vien
2454 se, il importe de rendre à notre peuple le sens d’ un destin qui le dépasse. Petit peuple chargé d’une grande mission : s’i
2455 d’un destin qui le dépasse. Petit peuple chargé d’ une grande mission : s’il l’oublie, il étouffe bientôt dans le confort et
2456 pays. Il y aura de nouveau du jeu, de la passion, des communications fécondes entre les êtres, une circulation des cultures
2457 ion, des communications fécondes entre les êtres, une circulation des cultures, une respiration des âmes. Et ceci qui est l
2458 cations fécondes entre les êtres, une circulation des cultures, une respiration des âmes. Et ceci qui est le plus important
2459 es entre les êtres, une circulation des cultures, une respiration des âmes. Et ceci qui est le plus important : des possibi
2460 es, une circulation des cultures, une respiration des âmes. Et ceci qui est le plus important : des possibilités d’imaginer
2461 ion des âmes. Et ceci qui est le plus important : des possibilités d’imaginer, donc d’innover et de voir grand. ⁂ Je résume
2462 voir grand. ⁂ Je résumerai tout ce qui précède en une seule phrase : Nous sommes chargés symboliquement de la garde du Sain
2463 rres qui nous menacent n’opposeront pas seulement des colonnes motorisées, mais des conceptions de l’homme, de l’État, et d
2464 eront pas seulement des colonnes motorisées, mais des conceptions de l’homme, de l’État, et des religions, des partis pris
2465 s, mais des conceptions de l’homme, de l’État, et des religions, des partis pris spirituels bien plus puissants que les arm
2466 ceptions de l’homme, de l’État, et des religions, des partis pris spirituels bien plus puissants que les armées. 75. Par e
2467 nts que les armées. 75. Par exemple : les droits des communes et ceux du canton ; les droits des cantons et ceux de la Con
2468 roits des communes et ceux du canton ; les droits des cantons et ceux de la Confédération ; les droits de la Suisse et ceux
2469 e de Lausanne ne le permet pas. » 77. La Genève des beaux jours de la SDN semblait devoir renouveler son rayonnement. Asi
2470 veau avait déduit, de ses principes fondamentaux, une organisation tout analogue pour l’armée d’un État personnaliste. 79.
2471 ux, une organisation tout analogue pour l’armée d’ un État personnaliste. 79. La place occupée dans nos journaux par les m
2472 yriques d’allure nationale-socialiste se mêlent à des déclarations de loyalisme démocratique. 80. Qu’on entende bien que j
2473 le réclament déjà certains ! S’il fallait établir un rapport, je choisirais naturellement l’inverse, plus conforme à la hi
2474 ellement l’inverse, plus conforme à la hiérarchie des valeurs dans la cité. 81. Ce fut le cas en 1814-1815, lorsque les dé
2475 s guerres franco-allemandes ne dissocient le lien des cantons, et l’on avait par trop souffert de la grande politique des v
2476 on avait par trop souffert de la grande politique des voisins. 82. Dans toutes les classes sociales, bien entendu ! at.
2477 p. 22-35. au. Cet article prend place au sein d’ un numéro spécial d’Esprit intitulé « Le problème suisse : personne et f
2478 », coordonné par Denis de Rougemont et ouvert par une lettre de C. F. Ramuz, que Rougemont commente ici en introduction.
40 1938, Esprit, articles (1932–1962). La passion contre le mariage (septembre 1938)
2479 ssement Les pages qui suivent sont extraites d’ un ouvrage qui paraîtra sous ce titre : L’Amour et l’Occident . Partant
2480 ous ce titre : L’Amour et l’Occident . Partant d’ une analyse approfondie des cinq légendes primitives de Tristan et Iseut,
2481 et l’Occident . Partant d’une analyse approfondie des cinq légendes primitives de Tristan et Iseut, l’auteur a été conduit
2482 jours, se révèle exactement assimilable à celle d’ un mythe. Tristan est un roman « courtois ». La courtoisie est née dans
2483 ement assimilable à celle d’un mythe. Tristan est un roman « courtois ». La courtoisie est née dans le Midi au xiie siècl
2484 on leur foi, le monde de la matière est l’œuvre d’ un mauvais Démiurge, retenant les âmes dans les Ténèbres. La sexualité,
2485 ant les âmes dans les Ténèbres. La sexualité, loi des corps, est une entrave à l’envol spirituel vers le monde incréé de la
2486 ns les Ténèbres. La sexualité, loi des corps, est une entrave à l’envol spirituel vers le monde incréé de la Lumière. L’Amo
2487 L’Amour mystique, dont le symbole était la « Dame des pensées » dans la lyrique des troubadours, suppose donc la chasteté,
2488 ole était la « Dame des pensées » dans la lyrique des troubadours, suppose donc la chasteté, ou la non-possession des corps
2489 s, suppose donc la chasteté, ou la non-possession des corps. D’Amor mou castitaz : d’Amour vient la chasteté, chante Guilhe
2490 ur vient la chasteté, chante Guilhem Montanhagol. Un tel Amour n’admet point le mariage, car il n’a pas pour fin suprême l
2491 fin suprême la vie, mais bien la mort libératrice des liens terrestres : comme l’a magnifiquement montré Wagner. C’est cet
2492 ture, qui donne naissance, dès le xiie siècle, à une forme toute nouvelle de l’amour humain : la passion. Ignorée des Anci
2493 nouvelle de l’amour humain : la passion. Ignorée des Anciens, ou considérée par eux comme une maladie, la passion sera dés
2494 Ignorée des Anciens, ou considérée par eux comme une maladie, la passion sera désormais le grand sujet d’exaltation de la
2495 formera peu à peu nos sentiments, en leur prêtant des « couleurs » religieuses. Et cette immense « mystification » de l’ins
2496 . L’une impliquait le mariage, dont elle fit même un sacrement ; l’autre exaltait un ensemble de valeurs d’où résultait —
2497 ont elle fit même un sacrement ; l’autre exaltait un ensemble de valeurs d’où résultait — en principe tout au moins — la c
2498 yeux de l’Église, l’adultère était tout à la fois un sacrilège, un crime contre l’ordre naturel et un crime contre l’ordre
2499 se, l’adultère était tout à la fois un sacrilège, un crime contre l’ordre naturel et un crime contre l’ordre social. Car l
2500 un sacrilège, un crime contre l’ordre naturel et un crime contre l’ordre social. Car le sacrement unissait tout à la fois
2501 t de marier l’eau et le feu, car on pouvait tirer des Écritures et des Pères les thèses les plus contradictoires sur la sai
2502 et le feu, car on pouvait tirer des Écritures et des Pères les thèses les plus contradictoires sur la sainteté de la procr
2503 e l’esprit. Pour l’Ancien Testament, par exemple, une descendance nombreuse est signe d’élection, tandis que pour saint Pau
2504 la procréation comme relevant de la loi du Prince des ténèbres, c’est-à-dire du Démiurge auteur du monde visible. Elle tend
2505 r du monde visible. Elle tendait enfin à détruire un ordre social qui permettait et exigeait la guerre, comme expression d
2506 ns montré que le symbole courtois de l’amour pour une Dame spirituelle, amour évidemment incompatible avec le mariage dans
2507 ible avec le mariage dans la chair, devait amener des confusions inextricables. Pour l’amateur non initié des poèmes proven
2508 nfusions inextricables. Pour l’amateur non initié des poèmes provençaux et des romans bretons, l’adultère de Tristan reste
2509 our l’amateur non initié des poèmes provençaux et des romans bretons, l’adultère de Tristan reste une faute parce qu’il est
2510 t des romans bretons, l’adultère de Tristan reste une faute parce qu’il est consommé dans la chair (et non point parce qu’i
2511 ais il se trouve revêtir en même temps l’aspect d’ une aventure plus belle que la morale. Ce qui, pour le croyant manichéen,
2512 u monde, devient alors pour le lecteur non averti une « poésie » équivoque et brûlante. Poésie toute profane d’apparences,
2513 que ceux-ci ne paraissent plus révélateurs que d’ un mystère vague et flatteur. Comment expliquer autrement qu’à partir du
2514 cle, celui qui commet l’adultère devienne soudain un personnage intéressant ? Le roi David en volant Bethsabé commet un cr
2515 éressant ? Le roi David en volant Bethsabé commet un crime et se rend méprisable. Mais Tristan, s’il enlève Iseut, vit un
2516 méprisable. Mais Tristan, s’il enlève Iseut, vit un roman, et se rend admirable… Ce qui était « faute » et ne pouvait don
2517 ui était « faute » et ne pouvait donner lieu qu’à des commentaires édifiants sur le danger de pécher et le remords, devient
2518 nture troublante et attirante. ⁂ Je n’entends pas un instant ramener la crise actuelle du mariage au conflit de l’orthodox
2519 tuelle du mariage au conflit de l’orthodoxie et d’ une hérésie médiévale. Car cette dernière, comme telle, n’existe plus ; e
2520 ’orthodoxie religieuse, mais ne s’appuie plus sur une foi vivante, et dont l’autre dérive d’une hérésie dont l’expression «
2521 lus sur une foi vivante, et dont l’autre dérive d’ une hérésie dont l’expression « essentiellement lyrique » nous parvient t
2522 turée. Voici les forces en présence : d’une part, une morale de l’espèce et de la société en général, mais plus ou moins em
2523 e l’on nomme la morale bourgeoise ; d’autre part, une morale inspirée par l’ambiance culturelle, littéraire, artistique — c
2524 iage, mais en même temps se trouvent baigner dans une atmosphère romantique entretenue par leurs lectures, par les spectacl
2525 assion est l’épreuve suprême, que tout homme doit un jour la connaître, et que la vie ne saurait être à plein vécue que pa
2526 eur coexistence dans nos vies surgissent sans fin des problèmes insolubles, et ce conflit menace en permanence toutes nos «
2527 solides pour lui servir de masque et de prétexte. Une immense littérature paraît chaque mois sur la « crise du mariage ». M
2528 dire l’inconscience pourrait fournir à la passion une espèce de modus vivendi, et tous ces livres aggravant au contraire no
2529 chez les peuples païens, s’est toujours entouré d’ un rituel dont nos institutions gardèrent longtemps les éléments : rites
2530 aussi démodée que les crinolines. Et la majorité des couples n’éprouve plus même le besoin « superstitieux » d’aller se fa
2531 soin « superstitieux » d’aller se faire bénir par un prêtre.   2. — Contraintes sociales. Les questions de rang, de sang,
2532 s déterminent de plus en plus le choix réciproque des conjoints. D’où le nombre croissant de divorces. En même temps, les c
2533 ent ou disparaissent. Il est curieux de noter que des coutumes d’origine lointaine et sacrée telles que la quasi-publicité
2534 e thème du « Coucher de la mariée » n’est plus qu’ une occasion d’anodines galanteries picturales. De nos jours enfin, le « 
2535 e de noces », pour autant qu’il subsiste et garde une signification, représente bien plutôt une volonté de s’évader de l’am
2536 t garde une signification, représente bien plutôt une volonté de s’évader de l’ambiance sociale, et de souligner le caractè
2537 le caractère privé de ce qu’on appelle le bonheur des époux.   3. — Contraintes religieuses. Dans la mesure où la conscienc
2538 mme telle sait encore distinguer le christianisme des contraintes sacrées et sociales, elle le repousse avec horreur. Car l
2539 rnité », c’est-à-dire qu’il ne tient aucun compte des variations de tempérament, de caractère, de goûts et de conditions ex
2540 ons externes qui ne manqueront pas de se produire un jour ou l’autre dans la vie du couple. Or c’est de tout cela, justeme
2541 te notion centrale). Cette dépréciation générale des obstacles institutionnels entraîne une chute de tension morale d’où r
2542 n générale des obstacles institutionnels entraîne une chute de tension morale d’où résulte une immense confusion. L’adultèr
2543 entraîne une chute de tension morale d’où résulte une immense confusion. L’adultère devient un sujet de délicates analyses
2544 résulte une immense confusion. L’adultère devient un sujet de délicates analyses psychologiques, ou de plaisanteries vaude
2545 suite plus de mythe possible — mais on approche d’ un état de neutralisation mutuelle au terme de la consomption des vieill
2546 eutralisation mutuelle au terme de la consomption des vieilles valeurs, non transcendées mais déprimées. 2. Idée moderne
2547 bonheur Le mariage, cessant d’être garanti par un système de contraintes sociales, ne peut plus se fonder, désormais, q
2548 iales, ne peut plus se fonder, désormais, que sur des déterminations individuelles. C’est-à-dire qu’il repose en fait sur u
2549 ividuelles. C’est-à-dire qu’il repose en fait sur une idée individuelle du bonheur, idée que l’on suppose commune aux deux
2550 r et de le goûter afin de pouvoir l’améliorer par des retouches bien calculées. Votre bonheur, répètent les prêches des mag
2551 en calculées. Votre bonheur, répètent les prêches des magazines, dépend de ceci, exige cela — et ceci ou cela, c’est toujou
2552 poque, est à la fois de nous obséder par l’idée d’ un bonheur facile, et du même coup de nous rendre inaptes à le posséder.
2553 tant que l’homme ne sera pas Dieu. Le bonheur est une Eurydice : on l’a perdu dès qu’on veut le saisir. Il ne peut vivre qu
2554 comme par grâce — se transforme instantanément en une absence insupportable. Fonder le mariage sur un pareil « bonheur » su
2555 une absence insupportable. Fonder le mariage sur un pareil « bonheur » suppose de la part des modernes une capacité d’enn
2556 areil « bonheur » suppose de la part des modernes une capacité d’ennui presque morbide — ou l’intention secrète de tricher.
2557 oire ». Le rêve de la passion possible agit comme une distraction permanente, anesthésiant les révoltes de l’ennui. On n’ig
2558 de l’ennui. On n’ignore pas que la passion serait un malheur — mais on pressent que ce serait un malheur plus beau et plus
2559 erait un malheur — mais on pressent que ce serait un malheur plus beau et plus « vivant » que la vie normale, plus exaltan
2560 niveau de l’aristocratie, qui les traitait comme des égaux. On peut citer de très nombreux exemples de vilains armés cheva
2561 t c’est pourquoi certains auteurs ont pu parler d’ une féodalité démocratique en Languedoc. Il est clair qu’un tel jugement
2562 dalité démocratique en Languedoc. Il est clair qu’ un tel jugement se fonde sur une équivoque : car l’Amour dont il s’agiss
2563 doc. Il est clair qu’un tel jugement se fonde sur une équivoque : car l’Amour dont il s’agissait n’était rien d’autre que l
2564 rien d’autre que la foi cathare, et l’accession d’ un roturier à la chevalerie était un symbole mystique bien plutôt qu’une
2565 t l’accession d’un roturier à la chevalerie était un symbole mystique bien plutôt qu’une dérogation aux coutumes du droit
2566 evalerie était un symbole mystique bien plutôt qu’ une dérogation aux coutumes du droit féodal. Mais là-dessus se produisit
2567 ée toute moderne et romantique que la passion est une noblesse morale, qu’elle nous met au-dessus des lois. Celui qui aime
2568 t une noblesse morale, qu’elle nous met au-dessus des lois. Celui qui aime de passion accède à une humanité plus haute, où
2569 ssus des lois. Celui qui aime de passion accède à une humanité plus haute, où les barrières sociales, entre autres, s’évano
2570 chance de devenir comtesse ou milliardaire. C’est une « adaptation » moderne — pour parler le langage du cinéma, seul adéqu
2571 ’ordre social établi. Que la passion profane soit une absurdité, une forme d’intoxication, une « maladie de l’âme » comme p
2572 tabli. Que la passion profane soit une absurdité, une forme d’intoxication, une « maladie de l’âme » comme pensaient les An
2573 ane soit une absurdité, une forme d’intoxication, une « maladie de l’âme » comme pensaient les Anciens, tout le monde est p
2574 s, tout le monde est prêt à le reconnaître, c’est un des lieux communs les plus usés des moralistes : mais personne ne peu
2575 tout le monde est prêt à le reconnaître, c’est un des lieux communs les plus usés des moralistes : mais personne ne peut pl
2576 nnaître, c’est un des lieux communs les plus usés des moralistes : mais personne ne peut plus le croire, à l’âge du film et
2577 u flatteuses. C’est tout le possible qui s’ouvre, un destin qui acquiesce au désir ! Je vais y entrer, je vais y monter, j
2578 rté. Et illusion de plénitude. Je nommerais libre un homme qui se possède. Mais l’homme de la passion cherche au contraire
2579 . Souvenez-vous du rêve de Nerval, l’apparition d’ une noble Dame dans le paysage des souvenirs d’enfance : Blonde, aux yeu
2580 al, l’apparition d’une noble Dame dans le paysage des souvenirs d’enfance : Blonde, aux yeux noirs, en ses habits anciens
2581 e, aux yeux noirs, en ses habits anciens Que dans une autre existence peut-être J’ai déjà vue, et dont je me souviens… Ima
2582 s tragiques cela peut signifier. Mais l’exemple d’ un poète ne vaut rien, ou vaut trop. J’entends décrire une illusion appr
2583 ète ne vaut rien, ou vaut trop. J’entends décrire une illusion apprise par la majorité des hommes du xxe siècle : or plus
2584 ends décrire une illusion apprise par la majorité des hommes du xxe siècle : or plus encore que l’image de la Mère, ce qui
2585  beauté standard ». De nos jours — et ce n’est qu’ un début —, un homme qui se prend de passion pour une femme qu’il est se
2586 dard ». De nos jours — et ce n’est qu’un début —, un homme qui se prend de passion pour une femme qu’il est seul à voir be
2587 un début —, un homme qui se prend de passion pour une femme qu’il est seul à voir belle, est présumé neurasthénique. (Dans
2588 , on le fera soigner.) Certes, la standardisation des types de femmes admis pour « beaux » se produit normalement dans chaq
2589 ais le panurgisme esthétique atteint de nos jours une puissance inconnue, développée par tous les moyens techniques, et bie
2590 s, et bientôt politiques, en sorte que le choix d’ un type de femme échappe de plus en plus au mystère personnel, et se tro
2591 ore la femme pourra-t-elle s’efforcer de se faire une tête à la Garbo, mais alors il s’agit que le mari ressemble à Gable o
2592 ylor !) Ainsi la « liberté » de la passion relève des statistiques publicitaires. L’homme qui croit désirer « son » type de
2593 type de femme se trouve intimement déterminé par des facteurs de mode ou de commerce qui changent au moins tous les six mo
2594 s, comme il est probable, qu’il se fixe enfin sur un type, compromis entre ce qu’il aime et ce que le film le persuade d’a
2595 le mariage avec la passion ! Mais aussitôt paraît une anxiété dans l’entourage (ou le public) : l’amant comblé va-t-il enco
2596 -t-il encore aimer cette Iseut une fois épousée ? Une nostalgie que l’on chérissait est-elle encore désirable une fois rejo
2597 ment fuyant, évanouissant et presque hostile dans un être, cela même qui invite à la poursuite et qui éveille l’avidité de
2598 ré, et qu’on perd en la possédant. Alors commence une « passion » nouvelle. On s’ingénie à renouveler l’obstacle et le comb
2599 les sentiments qui sont en train de se nouer dans une durée étale et trop sereine. C’est qu’il faut recréer des obstacles p
2600 e étale et trop sereine. C’est qu’il faut recréer des obstacles pour pouvoir de nouveau désirer et pour exalter ce désir au
2601 ésirer et pour exalter ce désir aux proportions d’ une passion consciente, intense, infiniment intéressante… Or c’est la dou
2602 , le génie de la passion dépose entre leurs corps une épée nue. Descendons quelques siècles et toute l’échelle qui va de l’
2603 donne la recette dans sa Physiologie du mariage.) Une innombrable et écœurante littérature romanesque nous peint ce type du
2604 mari qui redoute la « platitude », le train-train des liens légitimes où la femme perd son « attrait » parce qu’il n’est pl
2605 bstacles entre elle et lui. Pitoyables victimes d’ un mythe dont l’horizon mystique s’est refermé depuis longtemps. Pour Tr
2606 au-delà, c’était la mort divinisante, libération des liens terrestres. Mais pour celui que le mythe vient tourmenter sans
2607 secret, il n’est d’au-delà de la passion que dans une passion nouvelle — dans le tourment nouveau de la poursuite d’apparen
2608 — et c’est par là que cette passion se détachait des rythmes du désir charnel ; mais tandis que pour Tristan l’infini, c’e
2609 oderne, ce n’est plus que le retour sempiternel d’ une ardeur constamment déçue. Le mythe décrivait une fatalité dont ses vi
2610 ’une ardeur constamment déçue. Le mythe décrivait une fatalité dont ses victimes ne pouvaient se délivrer qu’en échappant a
2611 énoue en infidélité. Qui ne sent la dégradation d’ un Tristan qui a plusieurs Iseut ? Or ce n’est pas lui qu’il convient d’
2612 u’il convient d’accuser, mais il est la victime d’ un ordre social où les obstacles se sont dégradés. Ils cèdent trop vite,
2613 assion, c’est alors le contraire de vivre ! C’est un appauvrissement de l’être, une ascèse sans au-delà, une impuissance à
2614 re de vivre ! C’est un appauvrissement de l’être, une ascèse sans au-delà, une impuissance à aimer le présent sans l’imagin
2615 pauvrissement de l’être, une ascèse sans au-delà, une impuissance à aimer le présent sans l’imaginer comme absent, une fuit
2616 à aimer le présent sans l’imaginer comme absent, une fuite sans fin devant la possession. Aimer d’amour-passion signifiait
2617 ons perdu la transcendance. La mort n’est plus qu’ une métaphore, couvrant une lente consomption, une moindre-vie. À cette l
2618 ce. La mort n’est plus qu’une métaphore, couvrant une lente consomption, une moindre-vie. À cette lumière que jette sur nos
2619 qu’une métaphore, couvrant une lente consomption, une moindre-vie. À cette lumière que jette sur nos psychologies la connai
2620 du film apparaissent comme les signes certains d’ une décadence de la personne chez les modernes, et d’une espèce de maladi
2621 décadence de la personne chez les modernes, et d’ une espèce de maladie de l’être. Presque toutes les complications qui ser
2622 gues à nos auteurs se ramènent au schéma monotone des ruses de la passion pour s’« entretenir », — des ruses d’une passion
2623 des ruses de la passion pour s’« entretenir », —  des ruses d’une passion débile pour s’inventer de plus secrets obstacles.
2624 e la passion pour s’« entretenir », — des ruses d’ une passion débile pour s’inventer de plus secrets obstacles. Je songe à
2625 plus chez l’autre seulement — la coquetterie est un peu simple — mais on en vient à désirer que l’être aimé soit infidèle
2626 out cela signifie, une fois de plus, que le mythe des amants « ravis » s’est dégradé en perdant sa mystique. Le ravissement
2627 perdant sa mystique. Le ravissement n’est plus qu’ une sensation, — n’aboutit pas. On retombe sans cesse au monde de la comp
2628 s passent leur seuil souffrent de jalousie », dit un poème tibétain89. C’est que, passant « leur seuil », sortant de leur
2629 ujours tournent à leur détriment. Le mari souffre des beautés qu’il aperçoit à d’autres femmes, et dont la sienne se trouve
2630 oici la fidélité : c’est l’acceptation décisive d’ un être en soi, limité et réel, que l’on choisit non comme prétexte à s’
2631 ou comme « objet de contemplation »90, mais comme une existence incomparable et autonome à son côté, une exigence d’amour a
2632 ne existence incomparable et autonome à son côté, une exigence d’amour actif. ⁂ Je n’entends pas ici attaquer la passion :
2633 igne, sachant fort bien que je ne convaincrai pas une seule victime du mythe profané. Mais il fallait faire voir, par quelq
2634 quelques traits, comment cette passion développe un certain nombre de fatalités psychologiques dont les effets ne sont pl
2635 que la passion ruine l’idée même du mariage dans une époque où l’on tente la gageure de fonder le mariage, précisément, su
2636 riage, précisément, sur les valeurs élaborées par une éthique de la passion. Certes, il serait excessif d’estimer que la pl
2637 aujourd’hui les couples. Rien ne répugne autant à un esprit moderne que l’idée d’une limitation volontairement assumée ; e
2638 e répugne autant à un esprit moderne que l’idée d’ une limitation volontairement assumée ; et rien ne le flatte davantage qu
2639 e du phénomène, c’est à quoi se résume l’ambition des analyses qui précèdent ; mais je sens bien qu’elles m’ont porté déjà
2640 ar antiphrase — sur les débris du mythe, entraîne des menaces évidemment intolérables pour tout ordre social, quel qu’il so
2641 nous assistons depuis la guerre. Les églises font un honorable effort de redéfinition de l’institution et des devoirs mora
2642 orable effort de redéfinition de l’institution et des devoirs moraux qu’elle implique91. Les humanistes reprennent les argu
2643 ique91. Les humanistes reprennent les arguments d’ un Goethe ou d’un Engels en faveur du mariage : selon le premier, il fau
2644 anistes reprennent les arguments d’un Goethe ou d’ un Engels en faveur du mariage : selon le premier, il faut y voir la gra
2645 n monogamique serait la forme la plus rationnelle des relations entre les sexes, dans une société libérée des contraintes d
2646 s rationnelle des relations entre les sexes, dans une société libérée des contraintes de classe et d’argent. D’autres enfin
2647 lations entre les sexes, dans une société libérée des contraintes de classe et d’argent. D’autres enfin s’efforcent de fond
2648 et d’argent. D’autres enfin s’efforcent de fonder une science des rapports conjugaux. Jung analyse le « conflit psychologiq
2649 D’autres enfin s’efforcent de fonder une science des rapports conjugaux. Jung analyse le « conflit psychologique » et les
2650 Van de Velde ou Hirschfeld voient le remède dans une connaissance plus exacte et largement vulgarisée des phénomènes sexue
2651 connaissance plus exacte et largement vulgarisée des phénomènes sexuels. L’abondance même de ces recherches92 et de ces re
2652 étendue du désastre, sans apporter les éléments d’ une révolution à sa mesure. En outre, il est frappant de constater que pr
2653 , ou tout au moins affectent de la tolérer : pour des raisons trop faciles à concevoir, on craint d’attaquer le lecteur dan
2654 nter la passion amoureuse comme le couronnement d’ un hymen idéalement réalisé (d’après les recettes). Personne, que je sac
2655 mais on a peur, en le combattant, de parler comme un philistin. (Ce qui se produirait fatalement !) Ainsi l’on passe avec
2656 se produirait fatalement !) Ainsi l’on passe avec une feinte légèreté à côté du problème fondamental. « Il faut se faire li
2657 lle existera donc toujours, et nous ne sommes pas des Don Quichotte… » Je le crois bien ! C’est même à cause de cela que vo
2658 Deux exemples de grande envergure nous indiquent un type de réponse, une solution peut-être inévitable. La Russie de la R
2659 ande envergure nous indiquent un type de réponse, une solution peut-être inévitable. La Russie de la Révolution connut un «
2660 tre inévitable. La Russie de la Révolution connut un « déchaînement » sexuel de la jeunesse et presque de l’enfance, proba
2661 riage, il fut proprement balayé durant la période des Soviets. La morale des intellectuels nihilistes ou romantiques, qui i
2662 t balayé durant la période des Soviets. La morale des intellectuels nihilistes ou romantiques, qui inspirait les jeunes che
2663 fs bolchéviques, se traduisit dans la réalité par une généralisation de l’union libre, de l’avortement, de l’abandon des en
2664 n de l’union libre, de l’avortement, de l’abandon des enfants, bref de tout ce qu’on croyait contraire aux préjugés réactio
2665 bien à tort, entretenus par le capitalisme. Dans une lettre fameuse adressée par Lénine à la camarade Zetkin, le chef décr
2666 à la camarade Zetkin, le chef décrit ce désastre des mœurs, et il proteste avec toute l’énergie d’un « révolutionnaire pro
2667 des mœurs, et il proteste avec toute l’énergie d’ un « révolutionnaire professionnel » — donc puritain — contre cette anar
2668 pression.) Vingt ans plus tard, le « redressement des mœurs » s’est opéré, non par quelque sursaut vertueux, non par l’init
2669 quelque sursaut vertueux, non par l’initiative d’ une ligue philanthropique, mais par les soins d’une dictature exactement
2670 d’une ligue philanthropique, mais par les soins d’ une dictature exactement consciente des conditions de sa durée. Staline s
2671 r les soins d’une dictature exactement consciente des conditions de sa durée. Staline s’est assigné pour but prochain de re
2672 taline s’est assigné pour but prochain de refaire des cadres à sa nation. Car sans cadres, l’économie périclitait, et la « 
2673 fense nationale » ne pouvait pas s’organiser sans un constant recours à la passion des premiers révolutionnaires : or c’ét
2674 s’organiser sans un constant recours à la passion des premiers révolutionnaires : or c’était cette passion précisément que
2675 e qui contraignit l’État dit socialiste à édicter une série de lois contre le divorce (qu’on rendit extrêmement onéreux), c
2676 onéreux), contre l’avortement et contre l’abandon des enfants nés hors du mariage. La rigueur subite de ces lois, le choc p
2677 an de cinq ans. Le mariage se trouva restauré sur des bases strictement utilitaires, collectivistes et eugéniques, et dans
2678 tilitaires, collectivistes et eugéniques, et dans une atmosphère où les problèmes individuels tendaient à perdre toute espè
2679 es, l’Allemagne de l’après-guerre n’atteignit pas un stade d’anarchie sexuelle comparable à celui de la Russie jusqu’à Sta
2680 ussie jusqu’à Staline. Mais le processus de ruine des obstacles sociaux, développé sans violences extérieures, n’avait que
2681 s la patrie du romantisme entraînait d’autre part des conséquences bien plus complexes que chez nous, et d’apparences fort
2682 de l’après-guerre allemande, la Neue Sachlichkeit des avant-gardes littéraires et artistiques, l’homosexualité très général
2683 éludèrent à l’hitlérisme, le déchaînement sadique des corps francs dans les pays baltes, les crimes dits « politiques » exé
2684 ltes, les crimes dits « politiques » exécutés par des ligues de jeunes gens, certaines formes de naturisme, les « fiançaill
2685 de la panique sexuelle provoquée par la décadence des contraintes matrimoniales et du mythe de l’amour mortel. Déjà l’on vo
2686 érienne, du fait qu’elle prétendait se fonder sur une base raciste et militaire, devait se donner pour première tâche de su
2687 nner pour première tâche de surmonter cette crise des mœurs. On commença par opposer à l’idéal antisocial de « bonheur » et
2688 ntisocial de « bonheur » et de « vie dangereuse » un idéal collectiviste. Gemeinnutz geht vor Eigennutz ! Le bien commun p
2689 : on la réduit à sa fonction matrimoniale : faire des enfants, puis les élever jusqu’au moment où le Parti s’en chargera (c
2690 est-à-dire pendant 6 ou 7 ans). De là, on passe à des mesures d’ordre eugénique. On ouvre une « école de fiancés » pour les
2691 n passe à des mesures d’ordre eugénique. On ouvre une « école de fiancés » pour les futures femmes des SS (Schütz Staffeln 
2692 une « école de fiancés » pour les futures femmes des SS (Schütz Staffeln : escouades de protection du régime, troupe sélec
2693 escrit non par les souvenirs inconscients, ni par des modes étrangères, mais par la section scientifique du ministère de la
2694 ministère de la Propagande. En 1938, on institue des écoles analogues pour toutes les femmes allemandes, et l’on ne manque
2695 à n’autoriser plus que les unions contractées sur une base eugénique, selon certains critères statistiques : sociaux, racia
2696 iaux, physiologiques, rigoureusement indépendants des « goûts » individuels, donc des passions. À chacun sa « fiche de mari
2697 ment indépendants des « goûts » individuels, donc des passions. À chacun sa « fiche de mariage ». Alors la science matrimon
2698 esprit de Lycurgue et de Sparte : on en fera l’un des chapitres de la préparation militaire. ⁂ Trois hypothèses demeurent a
2699 . Mais alors elle retrouvera pour s’exprimer dans un langage symbolique (ésotérique et d’extérieur rassurant) les éléments
2700 . Sa dialectique mortelle pourra de nouveau mimer des intrigues épiques ou politiques. Et l’aventure reprendra son départ d
2701 litiques. Et l’aventure reprendra son départ dans une tension incalculablement plus forte que celle qui s’institua au xiie
2702 . Mais l’éventualité de la guerre, c’est-à-dire d’ une décharge passionnelle au niveau collectif et national, paraît aujourd
2703 ois sera fermé. L’Europe de la passion aura vécu. Un Occident nouveau, imprévisible, naîtra dans les laboratoires. (à suiv
2704 i, qui paraîtra en octobre, on tentera de définir une forme d’amour exactement opposée à l’amour-passion : l’amour-action.
2705 it pas séparer ce que Dieu a uni ; soit enfin sur des entretiens de Jésus ressuscité et de ses disciples « que les évangéli
2706 souvent exprimé cette opinion : « Les crimes sont un tribut payé à la vie » (Carpocrates, cf. Schultz, Dokumente der Gnosi
2707 morale chevaleresque pour exprimer sans l’avouer une conception tout hérétique de l’amour. 86. Sauf peut-être aux États-U
2708 croire certains échos de presse sur la vie privée des stars et des magnats de la finance. 87. L’aventure fameuse de la pri
2709 ns échos de presse sur la vie privée des stars et des magnats de la finance. 87. L’aventure fameuse de la princesse de C.
2710 se de C. C. donna lieu au début du siècle à toute une littérature romanesque. Quant au thème de l’ouvrier ou du chauffeur q
2711 lm allemand, depuis l’hitlérisme. 88. Le titre d’ un roman de Max Brod : Die Frau nach der man sich sehnt (La femme que l’
2712 e la princesse de Jaufré Rudel. D’où la nécessité des obstacles au désir — on les invente s’il n’y en a pas — et toute la d
2713 brûler. 89. Le Dict de Padma. 90. C’est l’une des définitions d’Iseut dans la mythologie celtique. 91. L’Encyclique Ca
2714 Encyclique Casti connubii a répondu à la décision des évêques anglicans dite de Lambeth. Les congrès œcuméniques de Stockho
2715 r — évidemment moderne — qui a parlé le premier d’ un « problème sexuel » — idée comique pour un Ancien. av. Rougemont De
2716 mier d’un « problème sexuel » — idée comique pour un Ancien. av. Rougemont Denis de, « La passion contre le mariage », E
41 1938, Esprit, articles (1932–1962). Revue des revues (septembre 1938)
2717 Revue des revues (septembre 1938)aw Combat (juin). — Un souffle révolution
2718 s revues (septembre 1938)aw Combat (juin). —  Un souffle révolutionnaire, ce serait trop dire, mais un bon courant d’a
2719 ouffle révolutionnaire, ce serait trop dire, mais un bon courant d’air passe dans les derniers numéros de ces cahiers. L’e
2720 n l’on s’apercevra bientôt que le capitalisme est une doctrine centriste, modérée-radicale, et non pas une doctrine de droi
2721 doctrine centriste, modérée-radicale, et non pas une doctrine de droite. D. Bertin attaque violemment M. Claude Farrère, a
2722  : « Je doute que le prolétariat français éprouve une joie particulière à savoir qu’il ne travaille plus pour enrichir M. C
2723 rès Bernanos, met en garde ses camarades contre «  une aventure d’intolérance et d’inquisition où nous avons à peu près tout
2724 aint-Pierre par Laclos, et Lamartine par Rimbaud. Un tel « signe » n’est pas négligeable : la vieille droite s’est toujour
2725 littérature, et l’Action française a été surtout un mouvement de conservatisme littéraire (comme l’a fait voir la toute r
2726 au trône, dans la hiérarchie de ses vénérations). Une droite qui abandonne Boileau pour Rimbaud, c’est un parti nouveau. Po
2727 droite qui abandonne Boileau pour Rimbaud, c’est un parti nouveau. Pourquoi faut-il qu’elle conclue une enquête sur le ca
2728 n parti nouveau. Pourquoi faut-il qu’elle conclue une enquête sur le capitalisme sur les positions grotesques (économiqueme
2729 nce ?   Le Fédéraliste (n° 2, 1938). — Manifeste des Bretons fédéralistes. On s’y réclame très curieusement de la « nation
2730 la « nation » bretonne, du manifeste de Mounier, des droits de l’homme, de Jaurès, de la Commune, et l’on prend parti cont
2731 t intéressant de souligner l’opposition très vive des auteurs de ce Manifeste à l’égard du Parti national Breton et de ses
2732 non régionaliste) doit être considéré comme l’un des premiers actes du réveil « pluraliste » que nous appelons ici depuis
2733 e qu’il y a de plus haut ; mon tout est peut-être un attrape-nigaud. Réponse : matérialisme dialectique. (Juin). — La Duch
2734 parnasse se mêlaient à merveille. Le déhanchement des inversions et l’odeur sournoise de l’opium se faisaient à peine remar
2735 sant et lucide, mais non l’air de défi. Cela fait un curieux ricanement, en manière d’oraison funèbre. Et après ? « Vous n
2736 t prétend qu’on a tenu au cacho[t], durant près d’ un demi-siècle, la poésie de la France », mais qu’il nous la ramène (san
2737 888. C’est donc lui qui l’avait cloîtrée ? — Pour un collège de sociologie : Nous y reviendrons. aw. Rougemont Denis de
2738 y reviendrons. aw. Rougemont Denis de, « Revue des revues », Esprit, Paris, septembre 1938, p. 747-748.
42 1938, Esprit, articles (1932–1962). L’amour action, ou de la fidélité (novembre 1938)
2739 fidélité (novembre 1938)ax ay 1. Nécessité d’ un parti pris À l’heure où cet ouvrage touche à sa conclusion, il me
2740 le consentir. J’ai voulu décrire la passion comme une entité historique, née dans un temps et dans des lieux déterminés, et
2741 la passion comme une entité historique, née dans un temps et dans des lieux déterminés, et sous des astres dont le cours
2742 une entité historique, née dans un temps et dans des lieux déterminés, et sous des astres dont le cours est calculable. (A
2743 ns un temps et dans des lieux déterminés, et sous des astres dont le cours est calculable. (Au xiie siècle). J’ai cru cern
2744 ais peut-on décrire la passion ? On ne décrit pas une forme d’existence sans y participer, fût-ce même par une révolte cont
2745 me d’existence sans y participer, fût-ce même par une révolte contre la décision dont elle est née. Et pour tout dire, j’ig
2746 our tout dire, j’ignore encore si cela peut avoir un sens : approuver ou rejeter la passion. Combien serait vaine l’attitu
2747 intellectuelle qui se définirait elle-même comme une condamnation de la passion : il suffit, pour l’apercevoir, d’observer
2748 r la passion dans l’amour, il faudrait développer une violence spirituelle qui tue mieux que la passion d’amour : celle au
2749 ier. (Sans compter que la Croisade, au total, fut un échec dont la passion sut profiter.) C’est qu’avant tout et après tou
2750 l’origine et à la fin de la passion, il n’y a pas une « erreur » sur l’homme ou Dieu — a fortiori pas une erreur « morale »
2751 e « erreur » sur l’homme ou Dieu — a fortiori pas une erreur « morale » — mais une décision fondamentale de l’homme, qui ve
2752 ieu — a fortiori pas une erreur « morale » — mais une décision fondamentale de l’homme, qui veut être lui-même son dieu93.
2753 ne. Il y a toutes les raisons de le prévoir, dans une époque où l’on confond thérapeutique et sotériologie (lois de l’hygiè
2754 . S’il n’est peut-être pas possible à l’homme — à un homme déterminé — de connaître ses propres désirs et de sonder en vér
2755 effets les décisions qu’il a risquées. C’est donc un parti pris tout personnel que je vais tenter de définir maintenant, e
2756 reconnais dans ma vie. Et ce n’est à aucun degré une solution que je propose. Car outre qu’une telle solution probablement
2757 n degré une solution que je propose. Car outre qu’ une telle solution probablement n’existe pas, si elle existait ce serait
2758 reste est indiscrétion. Mais je ne pouvais écrire un livre entier sur la passion sans achever ma description par ce trait
2759 ion ne peut exister — et alors en parler n’est qu’ une farce — mais dans le choix qui détermine une existence. 2. Critiqu
2760 t qu’une farce — mais dans le choix qui détermine une existence. 2. Critique du mariage Si je ne vois pas de raison q
2761 t absolument valables. De tous temps, les raisons des philistins ont eu mauvaise conscience devant les ironies du romantiqu
2762 e « paix du foyer » n’existe guère qu’au niveau d’ une certaine éloquence moyenne, politicienne, bourgeoise ou édifiante. To
2763 eoise ou édifiante. Tolstoï, lui, la décrit comme un « enfer ». Et je lui fais un plus large crédit ! Étant donné que les
2764 lui, la décrit comme un « enfer ». Et je lui fais un plus large crédit ! Étant donné que les humains des deux sexes, pris
2765 n plus large crédit ! Étant donné que les humains des deux sexes, pris un à un, sont généralement des coquins, pourquoi ser
2766 Étant donné que les humains des deux sexes, pris un à un, sont généralement des coquins, pourquoi seraient-ils des anges
2767 t donné que les humains des deux sexes, pris un à un , sont généralement des coquins, pourquoi seraient-ils des anges une f
2768 s des deux sexes, pris un à un, sont généralement des coquins, pourquoi seraient-ils des anges une fois appariés ? Ignore-t
2769 t généralement des coquins, pourquoi seraient-ils des anges une fois appariés ? Ignore-t-on la réalité, ou n’a-t-on rien à
2770 ez que cela va, neuf fois sur dix, de l’agitation des petits soins à la criaillerie délirante. Enregistrez sur disque, au h
2771 rie délirante. Enregistrez sur disque, au hasard, un de ces entretiens « paisibles » qui agrémentent le « foyer domestique
2772 ibles » qui agrémentent le « foyer domestique » d’ un bourgeois ou d’un ouvrier : la censure pour un coup trouverait à se j
2773 ntent le « foyer domestique » d’un bourgeois ou d’ un ouvrier : la censure pour un coup trouverait à se justifier. Oui, les
2774 d’un bourgeois ou d’un ouvrier : la censure pour un coup trouverait à se justifier. Oui, les romantiques ont raison ; et
2775 nom de leur vocation qu’il faut choisir de faire des livres ou des enfants : aut liberi aut libri disait Nietzsche. Et Kie
2776 ocation qu’il faut choisir de faire des livres ou des enfants : aut liberi aut libri disait Nietzsche. Et Kierkegaard a rai
2777 me pieux qui estimait que la religion devait être un amour heureux, un mariage avec sa vertu. Car l’amour du pécheur pour
2778 ait que la religion devait être un amour heureux, un mariage avec sa vertu. Car l’amour du pécheur pour Dieu est « essenti
2779 ieux ? Les incroyants sont renvoyés aux arguments des romantiques, qui valent contre leur moralisme ; et les croyants aux a
2780 Ne vous privez pas l’un de l’autre, si ce n’est d’ un commun accord pour un temps, afin de vaquer à la prière ; puis retour
2781 n de l’autre, si ce n’est d’un commun accord pour un temps, afin de vaquer à la prière ; puis retournez ensemble de peur q
2782 Je dis cela par condescendance, je n’en fais pas un ordre… Car il vaut mieux se marier que de brûler… Que chacun marche s
2783 e grâce : « Celui qui n’est pas marié s’inquiète des choses du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur, et celui qui es
2784 ’est pas marié s’inquiète des choses du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur, et celui qui est marié s’inquiète des c
2785 re au Seigneur, et celui qui est marié s’inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme. » (v. 32). ⁂ Tout
2786 lui qui est marié s’inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme. » (v. 32). ⁂ Tout ce qu’on peut dire co
2787 ar conséquent doit être dit, soit du point de vue des romantiques — si l’on croit à Iseut —, soit du point de vue du clerc
2788 t possible alors d’affirmer le mariage qu’au-delà des deux premières critiques et en chemin vers la troisième, c’est-à-dire
2789 résente l’exigence inhumaine de perfection, comme une question perpétuelle, un aiguillon qui empêche de retomber sous le co
2790 ne de perfection, comme une question perpétuelle, un aiguillon qui empêche de retomber sous le coup des objections humaine
2791 un aiguillon qui empêche de retomber sous le coup des objections humaines. Si j’oublie cet au-delà du mariage, mais aussi d
2792 ni femmes »), je borne ma vision et mon espoir à une perfection relative, à l’équilibre dans l’imperfection que représente
2793 idère alors l’équilibre imparfait du mariage dans une perspective ouverte et dans l’attente — heureuse ou malheureuse — du
2794 ou malheureuse — du parfait. Je sais que je tente une entreprise folle (et en même temps toute naturelle !) pour vivre le p
2795 e sais néanmoins que cet effort porte en lui-même une vérité imperturbable s’il témoigne sans cesse en faveur de ce qui tra
2796 ion Si l’on songe à ce que signifie le choix d’ une femme pour toute la vie, l’on en vient à cette conclusion : choisir u
2797 a vie, l’on en vient à cette conclusion : choisir une femme, c’est parier. Or la sagesse populaire et bourgeoise recommande
2798 au jeune homme de « réfléchir » avant de prendre une décision : elle l’entretient ainsi dans l’illusion que le choix d’une
2799 l’entretient ainsi dans l’illusion que le choix d’ une femme dépend d’un certain nombre de raisons qu’il serait possible de
2800 dans l’illusion que le choix d’une femme dépend d’ un certain nombre de raisons qu’il serait possible de peser. Cette erreu
2801 leur nombre était fini), et que vous disposiez d’ une telle science de l’humain que leurs valeurs vous soient connues et le
2802 évidente, encore ne sauriez-vous prévoir la fin d’ une union faite en connaissance de causes. Il a fallu, dit-on, des millén
2803 te en connaissance de causes. Il a fallu, dit-on, des millénaires à la nature pour sélectionner les espèces qui nous parais
2804 tées. Et nous aurions la prétention de résoudre d’ un coup, en une seule vie, le problème de l’adaptation de deux êtres phy
2805 s aurions la prétention de résoudre d’un coup, en une seule vie, le problème de l’adaptation de deux êtres physiques et mor
2806 de l’adaptation de deux êtres physiques et moraux des plus hautement organisés ! (C’est pourtant à cette utopie qu’obéit sa
2807 miers éléments, tout balbutiants et empiriques, d’ une science du « mariage heureux »). Il faut le reconnaître honnêtement :
2808 car tout se passe d’ordinaire comme si le bonheur des époux dépendait en réalité d’un nombre fini de facteurs : caractère,
2809 me si le bonheur des époux dépendait en réalité d’ un nombre fini de facteurs : caractère, beauté, fortune, rang social… Ma
2810 e est alors du côté du bon sens, qui recommandait un choix mûri et raisonné, selon des critères impersonnels. Mais enfin c
2811 qui recommandait un choix mûri et raisonné, selon des critères impersonnels. Mais enfin ce n’est pas l’erreur logique qui e
2812 uler le caractère de pari que revêt objectivement un choix de cet ordre, on donne à croire que tout se ramène à une sagess
2813 cet ordre, on donne à croire que tout se ramène à une sagesse, à un savoir ; et non pas à une décision. Or ce savoir ne pou
2814 onne à croire que tout se ramène à une sagesse, à un savoir ; et non pas à une décision. Or ce savoir ne pouvant être qu’i
2815 ramène à une sagesse, à un savoir ; et non pas à une décision. Or ce savoir ne pouvant être qu’imparfait, et provisoire, d
2816 qu’imparfait, et provisoire, devrait se doubler d’ une garantie. Et la seule garantie concevable est dans la force de la déc
2817 aux jeunes gens que leur choix relève toujours d’ une sorte d’arbitraire, dont ils s’engagent à assumer les suites, heureus
2818 mer les suites, heureuses ou non. Ce n’est pas là un éloge du « coup de tête » : car tant que l’on peut calculer, j’admets
2819 ide de s’en priver. Mais je dis que la garantie d’ une union raisonnable en apparences n’est jamais dans ces apparences. Ell
2820 parences. Elle est dans l’événement irrationnel d’ une décision prise en dépit de tout, et qui fonde une nouvelle existence,
2821 une décision prise en dépit de tout, et qui fonde une nouvelle existence, initiant un risque nouveau. ⁂ Écartons tout malen
2822 ut, et qui fonde une nouvelle existence, initiant un risque nouveau. ⁂ Écartons tout malentendu : irrationnel ne signifie
2823 ionnel ne signifie nullement sentimental. Choisir une femme pour en faire son épouse, ce n’est pas dire à Mademoiselle Unte
2824 tes l’Iseut toute belle et désirable — et munie d’ une dot adéquate — dont je veux être le Tristan ». Car ce serait là menti
2825 combler : à peine comblé je changerais ! Choisir une femme pour en faire son épouse, c’est dire à Mademoiselle Untel : « J
2826 ngoisse, très peu de solitaire angoisse.) ⁂ Seule une décision de cet ordre, irrationnelle mais non sentimentale, sobre mai
2827 s aucun cynisme, peut servir de point de départ à une fidélité réelle ; et je ne dis pas à une fidélité qui soit une recett
2828 départ à une fidélité réelle ; et je ne dis pas à une fidélité qui soit une recette de « bonheur », mais bien à une fidélit
2829 réelle ; et je ne dis pas à une fidélité qui soit une recette de « bonheur », mais bien à une fidélité qui soit possible, n
2830 qui soit une recette de « bonheur », mais bien à une fidélité qui soit possible, n’étant pas compromise en germe par un ca
2831 oit possible, n’étant pas compromise en germe par un calcul forcément inexact. 4. Sur la fidélité On fausse l’éthiqu
2832 du mariage en faisant de la promesse de fidélité un problème, alors que le problème ne devrait se poser qu’à partir de ce
2833  L’éthique ne commence pas, dit Kierkegaard, dans une ignorance qu’il faudrait muer en savoir, mais dans un savoir qui exig
2834 gnorance qu’il faudrait muer en savoir, mais dans un savoir qui exige sa réalisation. » Ce n’est pas l’engagement qui est
2835 ons — ou elle n’est pas — comme tout ce qui porte une chance de grandeur. (Comme la passion !) ⁂ Les moralistes et certains
2836 re. Cela se discute à l’infini. Et cela nous sera des plus utile dès que les hommes se régleront sur la raison et l’intérêt
2837 e la fidélité se définit comme la moins naturelle des vertus, et la plus désavantageuse pour le « Bonheur ». À leurs yeux e
2838 ur langage, la fidélité conjugale est le succès d’ un effort « inhumain ». Leur revendication fondamentale : leur religion
2839 diamétralement. Ils considèrent la fidélité comme une discipline imposée (aux humeurs et désirs spontanés) par un absurde e
2840 ine imposée (aux humeurs et désirs spontanés) par un absurde et cruel parti pris ; ou comme une abstention prudente… Ou en
2841 és) par un absurde et cruel parti pris ; ou comme une abstention prudente… Ou encore ils y voient l’effet d’une impuissance
2842 ention prudente… Ou encore ils y voient l’effet d’ une impuissance à vivre largement, d’un goût mesquin pour le confort et l
2843 nt l’effet d’une impuissance à vivre largement, d’ un goût mesquin pour le confort et le conforme ; d’un défaut d’imaginati
2844 n goût mesquin pour le confort et le conforme ; d’ un défaut d’imagination ; d’une timidité méprisable ; d’un calcul d’inté
2845 rt et le conforme ; d’un défaut d’imagination ; d’ une timidité méprisable ; d’un calcul d’intérêt sordide… L’habitude des m
2846 aut d’imagination ; d’une timidité méprisable ; d’ un calcul d’intérêt sordide… L’habitude des modernes, leur nature acquis
2847 sable ; d’un calcul d’intérêt sordide… L’habitude des modernes, leur nature acquise, c’est d’exploiter chaque situation au
2848 qui « mesure » la jouissance qu’on en tire. Seul un respect acquis de l’ordre social soutient encore, en fait, l’idée de
2849 rtance, cela ne change rien à nos rapports, c’est une passade, une erreur sans lendemain » et tantôt : « C’est tellement vi
2850 ne change rien à nos rapports, c’est une passade, une erreur sans lendemain » et tantôt : « C’est tellement vital pour moi,
2851 hors de tout engagement concret, considéré comme une odieuse limitation. ⁂ Pour moi, renonçant d’emblée à toute apologie r
2852 e rationaliste ou hédoniste, je ne parlerai que d’ une fidélité observée en vertu de l’absurde, parce qu’on s’y est engagé,
2853 ce qu’on s’y est engagé, simplement, et que c’est un fait absolu, sur quoi se fonde la personne même des époux. Il faut bi
2854 n fait absolu, sur quoi se fonde la personne même des époux. Il faut bien voir que cette fidélité est à contre-courant des
2855 bien voir que cette fidélité est à contre-courant des valeurs aujourd’hui vénérées par presque tous. Elle représente le plu
2856 eur révélatrice du spontané et de la multiplicité des expériences. Elle nie que l’être aimé doive réunir, pour être ou pour
2857 obéissance, et en second lieu la volonté de faire une œuvre. Car la fidélité n’est pas du tout une espèce de conservatisme.
2858 aire une œuvre. Car la fidélité n’est pas du tout une espèce de conservatisme. Elle est plutôt une construction. « Absurde 
2859 tout une espèce de conservatisme. Elle est plutôt une construction. « Absurde » au moins autant que la passion, elle se dis
2860 e la passion, elle se distingue de la passion par un refus constant de subir ses rêves, par un besoin constant d’agir pour
2861 ion par un refus constant de subir ses rêves, par un besoin constant d’agir pour l’être aimé, par une constante prise sur
2862 r un besoin constant d’agir pour l’être aimé, par une constante prise sur le réel, qu’elle cherche à dominer, non pas à fui
2863 elle cherche à dominer, non pas à fuir. Je dis qu’ une telle fidélité fonde la personne. Car la personne se manifeste comme
2864 e la personne. Car la personne se manifeste comme une œuvre, au sens le plus large du terme. Elle s’édifie à la manière d’u
2865 plus large du terme. Elle s’édifie à la manière d’ une œuvre, à la faveur d’une œuvre, et aux mêmes conditions, dont la prem
2866 s’édifie à la manière d’une œuvre, à la faveur d’ une œuvre, et aux mêmes conditions, dont la première est la fidélité à qu
2867 oncevables isolément. Et tous les trois supposent un parti pris96, une attitude fondamentale de créateur. Ainsi, dans la p
2868 ent. Et tous les trois supposent un parti pris96, une attitude fondamentale de créateur. Ainsi, dans la plus humble vie, la
2869 lus humble vie, la promesse de fidélité introduit une chance de faire œuvre, et d’accéder au plan de la personne. (À condit
2870 entendu que cette promesse ne soit pas faite pour des « raisons » que l’on se réserve de répudier un jour, quand elles cess
2871 r des « raisons » que l’on se réserve de répudier un jour, quand elles cesseront de paraître raisonnables ! Si la promesse
2872 nte, — dire non en vertu de l’absurde, en vertu d’ une promesse ancienne, d’une déraison humaine, d’une raison de foi, d’une
2873 de l’absurde, en vertu d’une promesse ancienne, d’ une déraison humaine, d’une raison de foi, d’une promesse faite à Dieu, g
2874 ’une promesse ancienne, d’une déraison humaine, d’ une raison de foi, d’une promesse faite à Dieu, gagée par Dieu… (Et peut-
2875 e, d’une déraison humaine, d’une raison de foi, d’ une promesse faite à Dieu, gagée par Dieu… (Et peut-être, plus tard, aprè
2876 rien ne compense la perte : nous sommes ici dans un ordre de grandeur où nos mesures et nos équivalences n’ont plus cours
2877 ont plus cours.) Mais savons-nous encore imaginer une grandeur qui n’ait rien de romantique ? Et qui soit le contraire d’un
2878 t rien de romantique ? Et qui soit le contraire d’ une ardeur exaltée ? La fidélité dont je parle est une folie, mais la plu
2879 ne ardeur exaltée ? La fidélité dont je parle est une folie, mais la plus sobre et quotidienne. Une folie de sobriété qui m
2880 est une folie, mais la plus sobre et quotidienne. Une folie de sobriété qui mime assez bien la raison — et qui n’est pas un
2881 qui mime assez bien la raison — et qui n’est pas un héroïsme, ni un défi, mais une patiente et tendre application. Le con
2882 bien la raison — et qui n’est pas un héroïsme, ni un défi, mais une patiente et tendre application. Le contraire absolu de
2883 — et qui n’est pas un héroïsme, ni un défi, mais une patiente et tendre application. Le contraire absolu de toute littérat
2884 passion véritable est fidèle. (Pour ne rien dire des successives fidélités de nos « liaisons », et de tous ces Tristans qu
2885 , et de tous ces Tristans qui ne sont au vrai que des Don Juan au ralenti.) Où est alors la différence ? Et le mari fidèle,
2886 pas simplement celui qui a reconnu dans sa femme une Iseut ? Lorsque l’amant de la légende manichéenne a traversé les gran
2887 nsi de la fidélité du mythe, et de Tristan. C’est un narcissisme mystique, mais qui s’ignore, naturellement, et qui croit
2888 is qui s’ignore, naturellement, et qui croit être un vrai amour pour l’autre. L’analyse des légendes courtoises nous a rév
2889 croit être un vrai amour pour l’autre. L’analyse des légendes courtoises nous a révélé que Tristan n’aime pas Iseut mais l
2890 i coupable et asservi. Tristan n’est pas fidèle à une promesse, ni à cet être symbolique, ce beau prétexte qui s’appelle Is
2891 te vie créée, et il le transfigure en lui donnant un but essentiellement spirituel. Se détruire, mépriser son bonheur, c’e
2892 l. Se détruire, mépriser son bonheur, c’est alors une manière de se sauver et d’accéder à une vie supérieure, la « joie sup
2893 est alors une manière de se sauver et d’accéder à une vie supérieure, la « joie suprême » d’Isolde agonisante. Fidélité qui
2894 vie, mais qui consume aussi la faute, et divinise un moi purifié, « innocent » ! De ces origines mystiques, la « fidélité
2895 » n’a gardé parmi nous que l’illusion d’accéder à une vie plus ardente. Mais l’emprise de cette illusion trahit encore l’ob
2896 st l’émouvante formule de la fidélité courtoise ; une négation sans retour de la vie. Mais la fidélité dans le mariage est
2897 Mais la fidélité dans le mariage est au contraire un engagement absolument pris pour ce monde. Partant d’une déraison « my
2898 gagement absolument pris pour ce monde. Partant d’ une déraison « mystique » (si l’on veut), indifférente, sinon hostile au
2899 tile au bonheur et à l’instinct vital, elle exige un retour au monde réel, tandis que la fidélité courtoise ne signifiait
2900 tandis que la fidélité courtoise ne signifiait qu’ une évasion. Dans le mariage, c’est à l’autre d’abord, et non pas à son m
2901 élité. Et tandis que la fidélité de Tristan était un perpétuel refus, une volonté d’exclure et de nier la création dans sa
2902 la fidélité de Tristan était un perpétuel refus, une volonté d’exclure et de nier la création dans sa diversité, d’empêche
2903 d’empêcher le monde d’envahir l’âme, la fidélité des époux est l’accueil de la créature, la volonté d’accepter l’autre tel
2904 ’on imagine habituellement ; elle ne peut être qu’ une action. Se contenter de ne pas tromper sa femme serait une preuve d’i
2905 n. Se contenter de ne pas tromper sa femme serait une preuve d’indigence et non d’amour. La fidélité veut bien plus : elle
2906 au-delà de son propre bonheur. Ainsi la personne des époux est une mutuelle création, elle est le double aboutissement de
2907 n propre bonheur. Ainsi la personne des époux est une mutuelle création, elle est le double aboutissement de « l’amour-acti
2908 rira que la fidélité dans le mariage est la loi d’ une vie nouvelle ; et non point de la vie naturelle (ce serait la polygam
2909 oi vers le Jour afin d’attester notre alliance. ⁂ Une vie qui m’est alliée — pour toute la vie, voilà le miracle du mariage
2910 — pour toute la vie, voilà le miracle du mariage. Une vie qui ne veut plus que mon bien, parce qu’il est confondu avec le s
2911 si ce n’était pour toute la vie, ce serait encore une menace. (Il y a toujours une telle menace dans l’échange de plaisir d
2912 ie, ce serait encore une menace. (Il y a toujours une telle menace dans l’échange de plaisir d’une « liaison ». Mais les mo
2913 ours une telle menace dans l’échange de plaisir d’ une « liaison ». Mais les modernes savent-ils encore la différence entre
2914 es modernes savent-ils encore la différence entre un destin que l’on assume et une obsession que l’on subit ?) 5. Éros
2915 la différence entre un destin que l’on assume et une obsession que l’on subit ?) 5. Éros sauvé par Agapè Alors l’amo
2916 l le poison de l’ascèse idéaliste — et tout ce qu’ un Nietzsche absurdement reproche à l’Évangile. C’est Éros, et non pas A
2917 maintenant espérer autre chose, il sait qu’il est une autre délivrance. Et voici que l’Éros à son tour se voit relevé de sa
2918 et délivré de son destin. Dès qu’il cesse d’être un dieu, il cesse d’être un démon 97. Et il retrouve sa juste place, et
2919 . Dès qu’il cesse d’être un dieu, il cesse d’être un démon 97. Et il retrouve sa juste place, et vivifiante, dans l’économ
2920 umain. Le païen ne pouvait autrement que de faire un dieu de l’Éros : c’était son pouvoir le plus fort, le plus dangereux
2921 ns païennes divinisent le Désir. Toutes cherchent un appui et un salut dans le Désir, qui devient aussitôt, et par là même
2922 divinisent le Désir. Toutes cherchent un appui et un salut dans le Désir, qui devient aussitôt, et par là même, le pire en
2923 ver » les illusions de la passion, de leur rendre un culte secret, et d’en attendre un mystérieux surcroît de vie. J’essa
2924 de leur rendre un culte secret, et d’en attendre un mystérieux surcroît de vie. J’essaierai de le faire concevoir par l’
2925 J’essaierai de le faire concevoir par l’examen d’ un fait connu. Le christianisme a proclamé l’égalité parfaite des sexes,
2926 u. Le christianisme a proclamé l’égalité parfaite des sexes, et cela de la manière la plus précise : La femme n’a pas aut
2927 aissement bestial qui tôt ou tard est la rançon d’ une divinisation de la créature. Mais cette égalité ne doit pas être ente
2928 est saint. Et l’homme témoigne de son amour pour une femme en la traitant comme une personne humaine totale, — non comme u
2929 de son amour pour une femme en la traitant comme une personne humaine totale, — non comme une fée de la légende mi-déesse
2930 nt comme une personne humaine totale, — non comme une fée de la légende mi-déesse mi-bacchante, rêve et sexe. Mais remonton
2931 à la psychologie la plus concrète de la relation des égaux. L’exercice de la fidélité envers une femme accoutume à considé
2932 ation des égaux. L’exercice de la fidélité envers une femme accoutume à considérer les autres femmes d’une manière tout à f
2933 femme accoutume à considérer les autres femmes d’ une manière tout à fait nouvelle, inconnue au monde de l’Éros : comme des
2934 ait nouvelle, inconnue au monde de l’Éros : comme des personnes, non plus comme des reflets ou des objets. Cet « exercice s
2935 e de l’Éros : comme des personnes, non plus comme des reflets ou des objets. Cet « exercice spirituel » développe des facul
2936 omme des personnes, non plus comme des reflets ou des objets. Cet « exercice spirituel » développe des facultés neuves de j
2937 des objets. Cet « exercice spirituel » développe des facultés neuves de jugement, de possession de soi et de respect99. Au
2938 ’homme de la fidélité ne cherche plus à voir dans une femme seulement ce corps intéressant ou désirable, seulement ce geste
2939 t, à peine tenté, le mystère difficile et grave d’ une existence autonome, étrangère, d’une vie totale dont il n’a désiré vr
2940 e et grave d’une existence autonome, étrangère, d’ une vie totale dont il n’a désiré vraiment qu’un illusoire ou fugitif asp
2941 , d’une vie totale dont il n’a désiré vraiment qu’ un illusoire ou fugitif aspect, projeté peut-être par sa seule rêverie.
2942 isse jamais sans laisser de traces dans le cœur d’ un homme moderne — du moins perd-elle son efficace : ce n’est plus elle
2943 r est lent et difficile, il engage vraiment toute une vie, et il n’exige pas moins que cet engagement pour révéler sa vérit
2944 la passion. Le « coup de foudre » est sans doute une légende accréditée par Don Juan, comme la « fatalité » de la passion
2945 mais qu’il serait assez absurde de confondre avec des vérités psychologiques. Notre analyse du mythe nous a fait voir pourq
2946 s de combien de complaisances secrètes se compose une « fatalité » ! Quant au coup de foudre, il est censé justifier les éc
2947 e la littérature nous engage à y voir la preuve d’ une très puissante nature sensuelle. Don Juan, l’homme des coups de foudr
2948 rès puissante nature sensuelle. Don Juan, l’homme des coups de foudre et de la vie « orageuse », serait une sorte de surhom
2949 coups de foudre et de la vie « orageuse », serait une sorte de surhomme, de surmâle. Mythe d’une puissance indéfinie et qui
2950 serait une sorte de surhomme, de surmâle. Mythe d’ une puissance indéfinie et qui domine les contingences morales. Mais alor
2951 nces morales. Mais alors, on peut être certain qu’ un pareil mythe est né de la rêverie des impuissants. Et en effet, la co
2952 e certain qu’un pareil mythe est né de la rêverie des impuissants. Et en effet, la conduite de Don Juan est bien typique d’
2953 effet, la conduite de Don Juan est bien typique d’ une certaine déficience sexuelle. C’est dans l’état de fatigue générale,
2954 s écarts, comparables aux calembours qui obsèdent un esprit fatigué : on se laisse aller à des « rapprochements » idiots.
2955 obsèdent un esprit fatigué : on se laisse aller à des « rapprochements » idiots. Par contre, dans un état normal du corps e
2956 à des « rapprochements » idiots. Par contre, dans un état normal du corps et de l’esprit, le risque de coup de foudre est
2957 cet amour, il refuse de s’imposer, il se refuse à une violence qui nie et détruit la personne. Il prouve ainsi qu’il veut d
2958 égoïsme passe par l’autre. On admettra que c’est une révolution sérieuse. Et nous pourrons maintenant dépasser la formule
2959 ondamentale de l’Éros et de l’Agapè, c’est-à-dire des deux religions qui se disputent notre Occident. La connaissance de ce
2960 irituel, me paraît devoir entraîner la révision d’ un certain nombre de jugements courants, dans le domaine de l’éthique d’
2961 tianisme qui a fait naître la passion, mais c’est une hérésie d’origine orientale. Cette hérésie s’est répandue d’abord dan
2962 ent, là où les religions païennes menaient encore une vie secrète. L’amour-passion n’est pas l’amour chrétien, ni même le «
2963 du christianisme » ou le « changement d’adresse d’ une force que le christianisme a réveillée et orientée vers Dieu »102. Il
2964 Comme la passion, le goût de la guerre procède d’ une conception de la vie ardente qui est un masque du désir de mort. Dyna
2965 rocède d’une conception de la vie ardente qui est un masque du désir de mort. Dynamisme inverti, et autodestructeur. Mais
2966 j’entends notre génie technique, ne saurait être un seul instant ramené à la passion. L’attitude humaine qu’il révèle est
2967 vèle est l’antithèse exacte de la passion : c’est une affirmation de la valeur des choses créées, de la matière, et une app
2968 e la passion : c’est une affirmation de la valeur des choses créées, de la matière, et une application de l’esprit au monde
2969 de la valeur des choses créées, de la matière, et une application de l’esprit au monde visible. La passion ni la foi héréti
2970 e cet aspect le plus réel de l’activisme européen une sorte de tempérament continental ? Ou quelque influence indirecte de
2971 éateurs) du dynamisme européen, sont orientés par une volonté exactement contraire à celle de passion. Ce qui peut induire
2972 induire en erreur, et ce qui a introduit de fait une fatale erreur dans l’activisme moderne, c’est la collusion de la guer
2973 is 1915. Mais cette union tout à fait monstrueuse des forces de mort et des forces créatrices va dénaturer à la fois la gue
2974 ion tout à fait monstrueuse des forces de mort et des forces créatrices va dénaturer à la fois la guerre et le génie techni
2975 e dans notre histoire et nos cultures qu’à partir des xiie et xiiie siècles, et par l’impulsion décisive de l’hérésie mér
2976 e dramatique est d’avoir résisté à la passion par des moyens prédestinés à l’exalter. Telle fut la tension permanente d’où
2977 roduit la vie produit aussi la mort. Il suffit qu’ un accent se déplace pour que le dynamisme change de signe. ⁂ C’est en
2978 C’est en fin de compte dans l’attitude religieuse des Occidentaux, et dans l’institution la plus typique de leur morale : l
2979 c’est ainsi que la Renaissance définit l’homme : un microcosme. Tout ce qui détruit cette volonté centrale, ou en dévie,
2980 ale, ou en dévie, compromet la fidélité, et donne des chances nouvelles à la passion. C’est notre vie et notre mort. Et c’e
2981 derne du mariage est le signe le moins trompeur d’ une décadence occidentale. Il en est d’autres, certes, dans les domaines
2982 ce qui tend à ruiner la personne. Mais ce sont là des phénomènes complexes et collectifs, qui échappent en partie aux vues
2983 -delà de la tragédie106 Ce diagnostic, à bien des égards, peut apparaître comme le bilan d’une décadence : mythe dégrad
2984 bien des égards, peut apparaître comme le bilan d’ une décadence : mythe dégradé, mariage en crise, formes et conventions dé
2985 connaissance de ces périls nous a fait entrevoir des possibilités de les surmonter. Par exemple, il se peut que l’Europe,
2986 nter. Par exemple, il se peut que l’Europe, après une crise totalitaire (et supposé qu’elle n’y succombe point), retrouve l
2987 é qu’elle n’y succombe point), retrouve le sens d’ une fidélité gagée au moins sur des institutions solides, à la mesure de
2988 etrouve le sens d’une fidélité gagée au moins sur des institutions solides, à la mesure de la personne. Il se peut que les
2989 excès mêmes de la passion provoquent et recréent des résistances, c’est-à-dire des formes nouvelles, ramenant alors un âge
2990 voquent et recréent des résistances, c’est-à-dire des formes nouvelles, ramenant alors un âge classique… Mais après tout, n
2991 c’est-à-dire des formes nouvelles, ramenant alors un âge classique… Mais après tout, n’est-ce pas encore une tentation de
2992 e classique… Mais après tout, n’est-ce pas encore une tentation de la passion que ce souci des lendemains qui obsède aujour
2993 s encore une tentation de la passion que ce souci des lendemains qui obsède aujourd’hui tant de fronts ? Notre vie ne se jo
2994 mandent certaines décisions. Elles introduisent à une problématique nouvelle, et qui n’est pas toujours aussi simpliste que
2995 ion en principe, ce serait vouloir supprimer l’un des pôles de notre tension créatrice. De fait, cela n’est pas possible. L
2996 ⁂ Le premier thème peut être situé par rapport à un drame personnel dont les données biographiques nous sont suffisamment
2997 dicible, qui s’opposait aux yeux de Kierkegaard à un mariage heureux selon le monde. Ici l’obstacle indispensable à la pas
2998 . Ici l’obstacle indispensable à la passion est d’ une nature à tel point subjective, singulière et incomparable, qu’on ne s
2999 ec son Dieu, — qui est l’Éternel et le Saint— que des relations d’amour mortellement malheureux. « Dieu crée tout ex nihilo
3000 n’a l’air de rien de surhumain : « il ressemble à un percepteur » et se conduit comme n’importe quel honnête bourgeois. Et
3001 e bourgeois. Et pourtant « il a tout renoncé dans une infinie résignation, et s’il a tout ressaisi par la suite, c’est en v
3002 fait sans cesse le saut dans l’infini, mais avec une telle correction et une telle certitude qu’il retombe sans cesse dans
3003 dans l’infini, mais avec une telle correction et une telle certitude qu’il retombe sans cesse dans le fini, et qu’on ne re
3004 l’extrême de la passion, la mort d’amour, initie une vie nouvelle, où la passion ne cesse d’être présente, mais sous l’inc
3005 le monde », mais « en vertu de l’absurde », c’est une scandaleuse tricherie aux yeux de qui ne croit pas à l’absurde ; mais
3006 qui ne croit pas à l’absurde ; mais c’est plus qu’ une synthèse, et infiniment plus et autre chose qu’une « solution », pour
3007 ne synthèse, et infiniment plus et autre chose qu’ une « solution », pour qui croit que Dieu est fidèle, et que l’amour ne t
3008 e secret de son échec humain ? D’autres reçoivent une autre vocation, épousent Régine, et la passion revit dans leur mariag
3009 es choses-là sont trop simples et totales pour qu’ un discours vienne mettre ses délais entre la question qu’elles nous pos
3010 ond thème que j’esquisserai n’est peut-être pas d’ une nature essentiellement hétérogène. Peut-être même doit-il être conçu
3011 térogène. Peut-être même doit-il être conçu comme un aspect particulier du mouvement de retour de la passion, tel que l’a
3012 saint Jean de la Croix connaît que l’âme atteint un état de présence parfaite à l’objet aimant de l’amour, et c’est ce qu
3013 e se comporte alors à l’endroit de son amour avec une sorte d’indifférence quasi divine. Elle est au-delà du doute et de la
3014 elà du doute et de la distinction ressentie comme un déchirement ; elle ne désire plus rien que son amour ne veuille, elle
3015 sire plus rien que son amour ne veuille, elle est une avec lui dans la dualité, qui n’est plus qu’un dialogue de grâce et d
3016 t une avec lui dans la dualité, qui n’est plus qu’ un dialogue de grâce et d’obéissance. Et le désir de la plus haute passi
3017 être dépassée et accomplie que par la rencontre d’ un autre, par l’admission de sa vie étrangère, de sa personne à tout jam
3018 personne à tout jamais distincte, mais qui offre une alliance sans fin, initiant un dialogue vrai. Alors l’angoisse comblé
3019 e, mais qui offre une alliance sans fin, initiant un dialogue vrai. Alors l’angoisse comblée par la réponse, la nostalgie
3020 stalgie comblée par la présence cessent d’appeler un bonheur sensible, cessent de souffrir, acceptent notre jour. Et alors
3021 ossible. Nous sommes deux dans le contentement. ⁂ Une dernière fois pourtant nous reprendrons un parti de sobriété. Les mar
3022 nt. ⁂ Une dernière fois pourtant nous reprendrons un parti de sobriété. Les mariés ne sont pas des saints, et le péché n’e
3023 rons un parti de sobriété. Les mariés ne sont pas des saints, et le péché n’est pas comme une erreur à laquelle on renoncer
3024 sont pas des saints, et le péché n’est pas comme une erreur à laquelle on renoncerait un beau jour pour adopter une vérité
3025 st pas comme une erreur à laquelle on renoncerait un beau jour pour adopter une vérité meilleure. Nous sommes sans fin ni
3026 laquelle on renoncerait un beau jour pour adopter une vérité meilleure. Nous sommes sans fin ni cesse dans le combat de la
3027 puis heureux. Mais l’horizon n’est plus le même. Une fidélité gardée au nom de ce qui ne change pas comme nous, révèle peu
3028 elà de la tragédie, il y a de nouveau le bonheur. Un bonheur qui ressemble à l’ancien, mais qui n’appartient plus à la for
3029 n tiens au « cas-limite » de Tristan ; j’ai connu des amants chrétiens qui eussent considéré cette phrase comme une cynique
3030 hrétiens qui eussent considéré cette phrase comme une cynique méconnaissance de leur piété… 94. Plus on s’écarte de l’espè
3031 onnalisation de l’être aimé correspond d’ailleurs une spécification croissante de l’instinct, à mesure que l’homme se viril
3032 . La gauloiserie n’étant pas moins que la passion une évasion hors du réel, une façon de l’idéaliser. 96. J’emploie ce ter
3033 as moins que la passion une évasion hors du réel, une façon de l’idéaliser. 96. J’emploie ce terme au sens actif et littér
3034 mes de la sexualité (collection « Présences »). «  Un chrétien peut et doit accepter Éros, en tant qu’Éros, et justement pa
3035 je le prends ici ? En ce que l’on reconnaît dans un être la totalité d’une personne. La personne selon la fameuse définit
3036 ce que l’on reconnaît dans un être la totalité d’ une personne. La personne selon la fameuse définition kantienne, c’est ce
3037 est ce qui ne peut être utilisé par l’homme comme une chose, comme un instrument. 100. Je répète toutefois que le mariage
3038 t être utilisé par l’homme comme une chose, comme un instrument. 100. Je répète toutefois que le mariage ne saurait être
3039 outefois que le mariage ne saurait être fondé sur des « arguments » de ce genre. Il s’agit ici, simplement, d’un fait d’obs
3040 ments » de ce genre. Il s’agit ici, simplement, d’ un fait d’observation qui réfute les croyances courantes, nées du mythe
3041 usion de L’Amour et l’Occident , plus encore que des deux fragments publiés dans Esprit. 107. Malgré les tentatives multi
3042 », Esprit, Paris, novembre 1938, p. 231-256. ay. Une note précise : « Voir Esprit, septembre : « La passion contre le mar
3043 tre le mariage ». Ces deux essais sont extraits d’ un ouvrage à paraître sous le titre : L’Amour et l’Occident . »
43 1938, Esprit, articles (1932–1962). Suite à « La passion contre le mariage » (décembre 1938)
3044 nnoncions deux lettres dans notre dernier numéro. Une erreur de montage a fait sauter la seconde (où notre ami Miatlev prot
3045 is de ne point en appeler à Lawrence pour appuyer une thèse chrétienne. az. Rougemont Denis de, « Suite à “La passion co
44 1939, Esprit, articles (1932–1962). D’une critique stérile (mai 1939)
3046 D’ une critique stérile (mai 1939)ba Dans un certain sens, et aujourd’hui
3047 D’une critique stérile (mai 1939)ba Dans un certain sens, et aujourd’hui, nul n’est plus mal placé que les person
3048 é que les personnalistes pour critiquer le régime des partis. Ils ont mené cette critique dès leurs débuts, dès les années
3049 ès leurs débuts, dès les années 1930 à 1932, avec une pertinence et une violence qui alors n’étaient pas sans mérites. Ils
3050 ès les années 1930 à 1932, avec une pertinence et une violence qui alors n’étaient pas sans mérites. Ils ont prédit l’évolu
3051 à l’épreuve alternée du pouvoir, la décomposition des « blocs », celle des Ligues trop peu novatrices, la naissance d’une d
3052 du pouvoir, la décomposition des « blocs », celle des Ligues trop peu novatrices, la naissance d’une dictature qui s’affirm
3053 le des Ligues trop peu novatrices, la naissance d’ une dictature qui s’affirmerait malgré elle, non par volonté mais par cra
3054 s qu’à cette critique ait répondu jusqu’à présent un dynamisme constructeur d’une intensité comparable. Les partisans de d
3055 pondu jusqu’à présent un dynamisme constructeur d’ une intensité comparable. Les partisans de droite et de gauche seraient f
3056 souffre le mouvement personnaliste s’explique par un excès de critique négative, d’origine universitaire, ou comme on dit 
3057 alisme dans sa critique négative. Mon expérience des groupes et des congrès personnalistes m’amène à formuler les thèses s
3058 critique négative. Mon expérience des groupes et des congrès personnalistes m’amène à formuler les thèses suivantes : 1. C
3059 suivantes : 1. C’est le désir de « sortir du plan des vieux partis » qui rassemble ordinairement les premiers éléments d’un
3060 i rassemble ordinairement les premiers éléments d’ un groupe local. 2. C’est l’impuissance à « sortir du plan des vieux par
3061 local. 2. C’est l’impuissance à « sortir du plan des vieux partis » qui paralyse l’action de ce groupe, après quelques séa
3062 suffisamment à ce qu’on affirme, à savoir la mort des partis. 4. On garde le secret désir — avoué parfois dans le feu de la
3063 voué parfois dans le feu de la discussion, lors d’ un congrès — de constituer enfin un vrai parti, un parti vrai, dont la d
3064 scussion, lors d’un congrès — de constituer enfin un vrai parti, un parti vrai, dont la doctrine soit plus complète et sym
3065 d’un congrès — de constituer enfin un vrai parti, un parti vrai, dont la doctrine soit plus complète et sympathique que ce
3066 trine soit plus complète et sympathique que celle des « formations traditionnelles », un parti où l’on puisse « militer » a
3067 que que celle des « formations traditionnelles », un parti où l’on puisse « militer » avec une bonne conscience intellectu
3068 elles », un parti où l’on puisse « militer » avec une bonne conscience intellectuelle impossible partout ailleurs. 5. On ga
3069 ailleurs. 5. On garde le secret désir d’arriver à une « prise du pouvoir » de type léniniste ou fasciste, c’est-à-dire de t
3070 sciste, c’est-à-dire de type partisan, impliquant une discipline, une tactique, des mots d’ordre tactiques, un appareil cen
3071 dire de type partisan, impliquant une discipline, une tactique, des mots d’ordre tactiques, un appareil centralisé — la nég
3072 artisan, impliquant une discipline, une tactique, des mots d’ordre tactiques, un appareil centralisé — la négation parfaite
3073 ipline, une tactique, des mots d’ordre tactiques, un appareil centralisé — la négation parfaite de nos doctrines. 6. On cr
3074 te de nos doctrines. 6. On croit si peu à la mort des partis qu’on n’imagine pas d’autre action possible qu’au moyen des pa
3075 n’imagine pas d’autre action possible qu’au moyen des partis existants, et l’on propose la colonisation du socialisme ou de
3076 u socialisme ou de la CGT — qui pratiquement vaut un parti — par les groupes ou par des « isolés ». 7. Ainsi l’écart entre
3077 atiquement vaut un parti — par les groupes ou par des « isolés ». 7. Ainsi l’écart entre action et doctrine s’accentue d’an
3078 ne seraient pas à l’échelle démesurée de l’action des partis politiques. 9. L’action des groupes personnalistes, en tant qu
3079 ée de l’action des partis politiques. 9. L’action des groupes personnalistes, en tant que tels, ne saurait être que réduite
3080 ne saurait être que réduite au regard de l’action des partis : elle veut être une action à hauteur d’homme, et non pas au n
3081 au regard de l’action des partis : elle veut être une action à hauteur d’homme, et non pas au niveau de l’opinion. 10. Ceux
3082 outent de son efficace sont victimes de l’optique des partis. 11. Ceux qui demandent des directives au centre sont victimes
3083 s de l’optique des partis. 11. Ceux qui demandent des directives au centre sont victimes de l’optique des partis. 12. Et de
3084 s directives au centre sont victimes de l’optique des partis. 12. Et de même, ceux qui attendent pour agir que nous soyons
3085 soyons « suffisamment nombreux ». 13. Pour former une communauté, il vaut mieux n’être qu’une douzaine. 14. Pour se risquer
3086 ur former une communauté, il vaut mieux n’être qu’ une douzaine. 14. Pour se risquer personnellement, il suffit de croire pe
3087 , créatrice. 17. Ce que l’on nomme la puissance d’ un parti, c’est la somme des abdications de tous ses membres. 18. Lorsqu
3088 ’on nomme la puissance d’un parti, c’est la somme des abdications de tous ses membres. 18. Lorsqu’un parti — comme ils le d
3089 e des abdications de tous ses membres. 18. Lorsqu’ un parti — comme ils le désirent tous plus ou moins courageusement — s’e
3090 la puissance de cet État devient la totalisation des lâchetés de tous les citoyens. 19. Tout parti est totalitaire dans so
3091 et stérilisant. 20. D’où l’incapacité essentielle des partis à collaborer dans l’État : au lieu de se complémenter, ils s’e
3092 que le tout. 21. L’injustice, c’est la justice d’ un groupe imposée uniformément à d’autres groupes. 22. C’est pourquoi le
3093 3. Le but du personnalisme n’est pas de s’emparer des « centrales » pour établir ensuite un régime personnaliste ; mais de
3094 s’emparer des « centrales » pour établir ensuite un régime personnaliste ; mais de créer sur place des foyers communautai
3095 un régime personnaliste ; mais de créer sur place des foyers communautaires. 24. C’est un but essentiellement fédéraliste.
3096 er sur place des foyers communautaires. 24. C’est un but essentiellement fédéraliste. 25. Il ne s’agit pas de s’emparer d’
3097 fédéraliste. 25. Il ne s’agit pas de s’emparer d’ un pouvoir impuissant, mais d’exercer le pouvoir sur place, à l’échelle
3098 mais d’exercer le pouvoir sur place, à l’échelle des réalités que l’on maîtrise. 26. Si peu que ce soit, c’est tout ce qu’
3099 que ce soit, c’est tout ce qu’il y a de réel. 27. Une seule main qui travaille fait plus que cent-mille mains qui se lèvent
3100 e cent-mille mains qui se lèvent. 28. La critique des partis n’est stérile que dans la mesure où elle n’est pas radicale.
3101 ’est pas radicale. ba. Rougemont Denis de, « D’ une critique stérile », Esprit, Paris, mai 1939, p. 264-267.
45 1939, Esprit, articles (1932–1962). Autour de L’Amour et l’Occident (septembre 1939)
3102 postrophe amicale et ironique, provoque et engage un dialogue. J’ai d’autant moins envie de m’y soustraire que les chapitr
3103 avec ceux ou plutôt celui que vous critiquez dans un rapport quelque peu équivoque, qu’il m’importe d’élucider. Vous me di
3104 , qu’il m’importe d’élucider. Vous me dites (avec une gentillesse désarmante et si rare !) que mon livre « est un livre d’h
3105 esse désarmante et si rare !) que mon livre « est un livre d’histoire » et que je ne suis pas un historien. Je vois bien q
3106 « est un livre d’histoire » et que je ne suis pas un historien. Je vois bien que vous non plus ne voulez pas l’être comme
3107 us m’attaquez, et certes je ne fais pas de ce mot une injure, mais simplement je constate que vous parlez de l’histoire com
3108 end communément « partir »109. Je crois qu’il y a un matériel hétéroclite de textes, de dates, de noms de personnes et de
3109 , matériel avec l’aide duquel l’historien compose des faits, comme le poète une poésie. Que faut-il pour écrire un sonnet ?
3110 uel l’historien compose des faits, comme le poète une poésie. Que faut-il pour écrire un sonnet ? Des contraintes rhétoriqu
3111 omme le poète une poésie. Que faut-il pour écrire un sonnet ? Des contraintes rhétoriques et de la liberté, disons de l’im
3112 e une poésie. Que faut-il pour écrire un sonnet ? Des contraintes rhétoriques et de la liberté, disons de l’imagination. De
3113 , disons de l’imagination. De même, pour composer un « fait » d’histoire, il faut un certain nombre de renseignements fixe
3114 me, pour composer un « fait » d’histoire, il faut un certain nombre de renseignements fixes et une capacité fabulatrice qu
3115 faut un certain nombre de renseignements fixes et une capacité fabulatrice qui leur donne un sens et un nom, comme « victoi
3116 fixes et une capacité fabulatrice qui leur donne un sens et un nom, comme « victoire » et « bataille de la Marne ». Le so
3117 ne capacité fabulatrice qui leur donne un sens et un nom, comme « victoire » et « bataille de la Marne ». Le sonnet sera c
3118 la Marne ». Le sonnet sera critiquable si l’ordre des rimes et des strophes n’est pas strictement respecté. La composition
3119 e sonnet sera critiquable si l’ordre des rimes et des strophes n’est pas strictement respecté. La composition historique se
3120 le au même titre : si par exemple on appelle pape un Léon III qui fut empereur. Je ne songe pas à défendre l’inexactitude
3121 ève pas du même ordre. C’est à savoir : le sens d’ une interprétation. Or c’est l’erreur commune, bien moins des historiens
3122 rprétation. Or c’est l’erreur commune, bien moins des historiens — qui ne peuvent plus se faire d’illusions — que du public
3123 fait, je ne prétends nullement que mon livre soit un livre d’histoire, dans ce sens « critiquable » du terme. Ce n’est pas
3124 histoire littéraire. C’est bien plutôt, s’il faut une étiquette, un livre de théologie morale, et c’est sur ce terrain que
3125 aire. C’est bien plutôt, s’il faut une étiquette, un livre de théologie morale, et c’est sur ce terrain que je puis le déf
3126 je n’ai pas été sans découvrir dans votre article une faculté d’interprétation créatrice au moins égale à la mienne. C’est
3127 avoir pas rêvé là-dessus et de n’en avoir tiré qu’ un argument de tortionnaire. Vous ajoutez que je suis insensible à « cet
3128 beauté intérieure », que je tiens tout cela pour une « conception dépassée » ; et que j’en parle enfin comme on peut en pa
3129 inverse : celui d’avoir donné de l’amour courtois une description si enthousiaste qu’à la fin, la conception chrétienne que
3130 devrais vous dire que si je n’avais pas rêvé (et un peu plus…) sur l’aventure de Rudel, si j’étais insensible à cette élo
3131 si « émouvant », que ce n’était pas trop de tout un pesant livre pour essayer de formuler ce qu’il y a, au cœur de cet am
3132 nce obstinée, je considère que le chrétien, c’est un homme qui choisit sans retour, et qui décide de renoncer, comme malgr
3133 dans le péché, l’irrémédiable « consonance » dont un miracle seul peut nous sauver, en même temps qu’il sauvera ou restaur
3134 niveau notre « tenson », comme on disait au temps des troubadours. Croyez-moi, je ne cherche pas à esquiver des objections
3135 badours. Croyez-moi, je ne cherche pas à esquiver des objections précises111 par un recours aux vérités les plus redoutable
3136 che pas à esquiver des objections précises111 par un recours aux vérités les plus redoutables de la loi. Mais il faut bien
3137 igine de ce débat il n’y a pas seulement en cause une certaine conception « dissonante » de l’amour courtois tel qu’il put
3138 ois tel qu’il put être vécu au xiie siècle, mais une certaine compréhension des dogmes essentiels du christianisme. « L’Am
3139 au xiie siècle, mais une certaine compréhension des dogmes essentiels du christianisme. « L’Amour vient de Dieu, appartie
3140 ers Dieu. » Le vieux fou de Transjordanie profère une vérité première. (J’avais été tenté de citer l’anecdote dans mon livr
3141 ommes dans le monde concret de la chute, le monde des vérités secondes, équivoques, mêlées de mensonge. Dans ce monde concr
3142 c’est l’amour sensuel, sa fièvre et son bonheur, un « aspect éternel du cœur humain » — si vous voulez… (Mais pourquoi ne
3143 us voulez… (Mais pourquoi ne pas dire du corps ?) Un amour dont l’exaltation cependant, était considérée par les anciens c
3144 cependant, était considérée par les anciens comme une maladie de l’âme. Mais à partir du xiie siècle, et par l’effet de co
3145 ante. C’est en tant que le désir est exalté, et d’ une certaine manière « chaste » et spirituelle, qu’il devient un symbole
3146 manière « chaste » et spirituelle, qu’il devient un symbole religieux : et voilà le deuxième amour, l’origine de l’amour-
3147 ais vers le moi rêvé de celui qui s’exalte. C’est une espèce de narcissisme. Le seul amour qui tende vers Dieu et qui l’att
3148 ez sur la nécessité d’englober toute réalité dans une synthèse transcendante, de tout sauver. Protestant, j’insiste d’abord
3149 ico-mirandolesque d’assumer tout ce qui existe en un corpus de conceptions réputées « adéquates », ne fasse parfois perdre
3150 elative à l’histoire « objective » se trouve être un mauvais résumé des idées de Raymond Aron, que je ne connaissais pas,
3151 re « objective » se trouve être un mauvais résumé des idées de Raymond Aron, que je ne connaissais pas, et que vous approuv
3152 ure, je vous citerai en confidence deux phrases d’ une lettre reçue hier, et relative à mon Amour  : « Quand j’étais jeune,
3153 l’historien !) 109. Je lisais hier encore dans une étude de Lucien Febvre : « La méthode de l’historien, c’est partir de
3154 ebvre : « La méthode de l’historien, c’est partir des faits… modestement ». Dans la mesure où c’est réellement « modeste »,
3155 c’est réellement « modeste », — très bien. 110. Un de mes étudiants allemands me contait qu’après 5 ans de travail sur l
3156 ’Ibn Dawoud que vous m’opposez, par exemple, pose un problème délicat. Par contre, le paragraphe sur Dante et Ibn Arabi, q
3157 , Esprit, Paris, septembre 1939, p. 760-765. bc. Une note précise avant la lettre : « Le dialogue qui s’est poursuivi entr
3158 u propre à intéresser nos lecteurs. Voici d’abord une lettre de Rougemont. »
46 1946, Esprit, articles (1932–1962). « Un divorce entre le christianisme et le monde ? » (août-septembre 1946)
3159 «  Un divorce entre le christianisme et le monde ? » (août-septembre 1946)b
3160 n question. On n’imagine pas saint Paul proposant un questionnaire sur le fossé entre le christianisme et le monde romain 
3161 « massivement en dehors d’eux », c’est-à-dire sur des bases capitalistes, nationalistes et libérales, avec quelques emprunt
3162 ’état d’Esprit qui fait enquête n’est pas celui d’ une conquête. Attention. bd. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enqu
3163 ttention. bd. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] Un divorce entre le christianisme et le monde ? », Esprit, P
3164 d. Rougemont Denis de, « [Réponse à une enquête] Un divorce entre le christianisme et le monde ? », Esprit, Paris, août–s
3165 bre 1946, p. 188-189. be. Rougemont répond ici à une enquête d’Esprit sur le thème « Monde chrétien, monde moderne ». Le t
3166 os correspondants ont posé la question préalable. Un divorce entre le christianisme et le monde ? Mais il est de toujours 
47 1946, Esprit, articles (1932–1962). Épilogue (novembre 1946)
3167 Épilogue (novembre 1946)bf bg Comment un Américain juge la France Au lendemain de la démission d’un nième c
3168 juge la France Au lendemain de la démission d’ un nième cabinet à Paris, un Américain me disait : — En France, n’import
3169 emain de la démission d’un nième cabinet à Paris, un Américain me disait : — En France, n’importe quel problème d’ajusteme
3170 t aussitôt politique, c’est-à-dire qu’il provoque des discours plus ou moins littéraires, un torrent de clichés qui n’ont a
3171 provoque des discours plus ou moins littéraires, un torrent de clichés qui n’ont aucun rapport avec la question, et des a
3172 chés qui n’ont aucun rapport avec la question, et des affirmations grandiloquentes d’attachement indéfectible aux principes
3173 de la gauche ou de la droite. Posez la question d’ une répartition des huiles et savons par l’État, et vous serez bientôt en
3174 de la droite. Posez la question d’une répartition des huiles et savons par l’État, et vous serez bientôt en plein délire :
3175 entôt en plein délire : tous les partis nommeront des commissions pour savoir si l’usage du savon favorise sournoisement le
3176 ont occupées qu’à clamer, la cravate en bataille, des résolutions farouchement patriotiques ou républicaines jusqu’à la mor
3177 n parle. Notre tendance est de nous en remettre à une agence d’État, qui généralement fait le travail à la satisfaction du
3178 œuvre aux entreprises publiques et privées, celle des matières premières et d’une façon générale toute l’économie de guerre
3179 ues et privées, celle des matières premières et d’ une façon générale toute l’économie de guerre, laquelle représentait envi
3180 Japon ont été battus. Et les agences de contrôle des prix, de la main-d’œuvre et des matières premières se dissolvent l’un
3181 ences de contrôle des prix, de la main-d’œuvre et des matières premières se dissolvent l’une après l’autre, sans trop d’his
3182 ommerce, sans dépense de salive patriotique, pour des raisons bien évidentes, connues de tous, et qui ne relevaient point d
3183 s de tous, et qui ne relevaient point de la lutte des partis. C’est pourquoi les partis ne s’en sont point occupés, et n’on
3184 dramatiques, coupées de pathétiques interventions des vieux chefs, et de bouillantes interruptions de la jeune garde. Les p
3185 missions du Congrès et du Sénat, se sont bornés à des échanges d’arguments souvent brutaux, au cours d’enquêtes rétrospecti
3186 pes respectifs sont incompatibles. Cela conduit à des crises mortelles. Alors les chefs de partis baissent le nez, font app
3187 èguent tout pouvoir à l’État, qui est en l’espèce un nouveau chef de gouvernement. Ce dernier pris au dépourvu change subi
3188 ction — crise ministérielle, c’est-à-dire vidange des responsabilités — et repart dans une politique nécessairement improvi
3189 dire vidange des responsabilités — et repart dans une politique nécessairement improvisée, puisqu’il a reçu ses pouvoirs au
3190 ses pouvoirs au moment même où il devait en faire un usage maximum, de toute urgence. Ainsi le système français suppose qu
3191 ieu du fleuve ». Les Français prétendent empêcher un accident de chemin de fer en votant avec émotion le renvoi de l’ingén
3192 t son remplacement à la dernière seconde soit par un antifasciste convaincu, soit par un bénéficiaire éprouvé de la tradit
3193 onde soit par un antifasciste convaincu, soit par un bénéficiaire éprouvé de la tradition dite nationale… Et si nous ne s
3194 nale… Et si nous ne sommes pas là pour consentir un prêt, payant la casse, vous parlez de notre hypocrisie… Avec tout cel
3195 emande bien pourquoi nous adorons la France comme une femme ! Pour sa grâce et pour ses faiblesses de grande coquette bless
3196 ande coquette blessée, peut-être. Mais aussi pour une certaine sagesse, une certaine retenue ou rigueur, un certain équilib
3197 peut-être. Mais aussi pour une certaine sagesse, une certaine retenue ou rigueur, un certain équilibre élégant et hardi, q
3198 ertaine sagesse, une certaine retenue ou rigueur, un certain équilibre élégant et hardi, qui nous en imposent encore… Nous
3199 nous en imposent encore… Nous faisons à la France un crédit démesuré, plus qu’à nul autre pays du monde. Le sentez-vous ?
3200 respectons. Et cessez de répéter sur notre compte des sottises pittoresques ou méprisantes. Nous sommes adultes. Comment
3201 s ou méprisantes. Nous sommes adultes. Comment un Américain moyen voit le Monde — Quels sont, se dit-il, les pays qu
3202 isse, la Hollande, et la Grande-Bretagne. Ce sont des démocraties en majorité socialistes, ce qui peut inquiéter, mais auss
3203 uis ? L’Espagne et le Portugal, parce que ce sont des dictatures, et peu importe qu’elles réussissent matériellement, elles
3204 ’ont fait les bourgeois d’Europe : ce n’était pas un regular guy. Le Vatican a la plus vieille diplomatie secrète du monde
3205 de savoir ce que je pense de l’URSS ? Mais aussi… Une moitié de moi-même se révolte au spectacle de la mauvaise volonté int
3206 u spectacle de la mauvaise volonté internationale des Soviets, de cette brutalité vis-à-vis de leurs sujets, de ce mépris d
3207 se, et de l’orgueil de parvenus de l’industrie et des sciences appliquées dont ils font montre même quand ils viennent chez
3208 tié de moi n’irait peut-être pas jusqu’à demander une guerre préventive, mais elle l’accepterait sans doute dans le cas d’u
3209 mais elle l’accepterait sans doute dans le cas d’ un nouveau Pearl Harbor. Quant à l’autre moitié, elle ne demande qu’à s’
3210 mande qu’à s’ouvrir à l’amitié de ce grand peuple des plaines, qui se met à vous ressembler si curieusement. Nous n’avons g
3211 de trop près, du travail par équipes, pour battre un record, du gaspillage, des chants et des beuveries. On dit que c’est
3212 ar équipes, pour battre un record, du gaspillage, des chants et des beuveries. On dit que c’est la question de l’Asie qui n
3213 ur battre un record, du gaspillage, des chants et des beuveries. On dit que c’est la question de l’Asie qui nous sépare. Ca
3214 r en réalité, nous touchons à l’Asie. Nous sommes une puissance maritime et cela compense la proximité géographique de la R
3215 oute épreuve, les expériences de Bikini ? C’était un clair avertissement aux Russes. La Chine est un de nos grands marchés
3216 t un clair avertissement aux Russes. La Chine est un de nos grands marchés, le Japon un de nos gros clients. C’est là que
3217 . La Chine est un de nos grands marchés, le Japon un de nos gros clients. C’est là que les choses pourraient se gâter… Qua
3218 all, de pédants logiciens ; ces grands souriants, des névrosés ; ces dynamiques, des timorés ; ces commerçants, des utopist
3219 grands souriants, des névrosés ; ces dynamiques, des timorés ; ces commerçants, des utopistes généreux ; ces « fondamental
3220  ; ces dynamiques, des timorés ; ces commerçants, des utopistes généreux ; ces « fondamentalistes » des déistes hérétiques 
3221 des utopistes généreux ; ces « fondamentalistes » des déistes hérétiques ; et ces pieux catholiques des amateurs réjouis de
3222 des déistes hérétiques ; et ces pieux catholiques des amateurs réjouis de confessionnaux climatisés munis d’une « grille dé
3223 eurs réjouis de confessionnaux climatisés munis d’ une « grille désodorisante »… Ils sont modernes. Car avec une belle énerg
3224 ille désodorisante »… Ils sont modernes. Car avec une belle énergie et beaucoup moins de naïveté que nous ne le pensons, il
3225 installés carrément, et ils l’exploitent non sans une sorte de bon sens pour que le plus grand nombre en tire le plus de pr
3226 le plus de profit. Comme tous ceux qui décrivent une nation étrangère, j’ai péché par stylisation. Ajouter des nuances à m
3227 on étrangère, j’ai péché par stylisation. Ajouter des nuances à mon tableau n’arrangerait pas grand-chose à cet égard. Ce q
3228 r justement, la civilisation américaine souffre d’ une grave incohérence interne. Mais je vois bien que je n’ai pas su la fa
3229 je la sens et peut-être n’y parviendrai-je que d’ une manière négative : en suggérant certaines mesures et attitudes spirit
3230 oignent de l’esprit et de sa présence active dans une culture. Les meilleurs d’entre nous les ont encore, tandis que les ma
3231 a tendance à simplifier, à géométriser, typique d’ une civilisation mécanisée, est signe de lourdeur d’esprit, de paresse d’
3232 nt de la vitalité. En politique, c’est le respect des complexités organiques qui peut seul ménager des libertés réelles. L
3233 des complexités organiques qui peut seul ménager des libertés réelles. Le sens de l’échec, de sa nécessité métaphysique e
3234 croyance exclusive et la réussite est le signe d’ une vue bornée de notre condition humaine, de même que le goût des formes
3235 e de notre condition humaine, de même que le goût des formes parfaitement arrondies révèle une pauvre conception de l’art.
3236 le goût des formes parfaitement arrondies révèle une pauvre conception de l’art. Le sens des formes, des symboles, des si
3237 s révèle une pauvre conception de l’art. Le sens des formes, des symboles, des signes et des correspondances. On ne peut p
3238 pauvre conception de l’art. Le sens des formes, des symboles, des signes et des correspondances. On ne peut pas impunémen
3239 tion de l’art. Le sens des formes, des symboles, des signes et des correspondances. On ne peut pas impunément se vêtir de
3240 Le sens des formes, des symboles, des signes et des correspondances. On ne peut pas impunément se vêtir de n’importe quel
3241 sous prétexte que cela « fait bien », construire une banque qui a l’air d’une église, et une église qui a l’air gothique q
3242  fait bien », construire une banque qui a l’air d’ une église, et une église qui a l’air gothique quand plus rien ne l’est e
3243 onstruire une banque qui a l’air d’une église, et une église qui a l’air gothique quand plus rien ne l’est en nous ni autou
3244 uand plus rien ne l’est en nous ni autour d’elle. Un peuple, s’il éduque son sens des formes, cesse d’imiter et se met à c
3245 ni autour d’elle. Un peuple, s’il éduque son sens des formes, cesse d’imiter et se met à créer. La réduction du fait à une
3246 imiter et se met à créer. La réduction du fait à une signification. L’Américain croit aux faits, dur comme fer. Il les réd
3247 urs en chiffres et se sent aussitôt rassuré. Mais un fait n’est qu’un signe dans une équation, une lettre ou une virgule d
3248 t se sent aussitôt rassuré. Mais un fait n’est qu’ un signe dans une équation, une lettre ou une virgule dans une phrase, o
3249 itôt rassuré. Mais un fait n’est qu’un signe dans une équation, une lettre ou une virgule dans une phrase, on ne peut le li
3250 Mais un fait n’est qu’un signe dans une équation, une lettre ou une virgule dans une phrase, on ne peut le lire qu’avec tou
3251 ’est qu’un signe dans une équation, une lettre ou une virgule dans une phrase, on ne peut le lire qu’avec tout le contexte.
3252 dans une équation, une lettre ou une virgule dans une phrase, on ne peut le lire qu’avec tout le contexte. S’en tenir aux f
3253 ’en tenir aux faits seuls, aux faits bruts, c’est une timidité de l’esprit qui recule devant son acte propre : donner un se
3254 esprit qui recule devant son acte propre : donner un sens, voir au-delà, relier les moyens aux fins. La volonté de prendr
3255 pêchent d’entendre le silence. Ils s’imaginent qu’ un certain nombre de recettes et de martingales, — d’ailleurs communiqué
3256 it à rendre étanche, — inconsciemment. Ce sont là des secousses extérieures. Qui sait si une loi de l’esprit ne les rend pa
3257 Ce sont là des secousses extérieures. Qui sait si une loi de l’esprit ne les rend pas d’autant plus fortes et fréquentes qu
3258 t refoulées ? Qui sait quels malheurs historiques un réveil spirituel de l’Amérique ne pourrait pas lui épargner ? Si l’Eu
3259 s critiques avec mieux que de la tolérance : avec une volonté souriante mais sérieuse d’apprendre et de s’améliorer. J’y vo
3260 s Américains ont beaucoup mieux à nous donner que des frigidaires, des capitaux et des avions. Ils ont libéré nos villages.
3261 beaucoup mieux à nous donner que des frigidaires, des capitaux et des avions. Ils ont libéré nos villages. Libérons-nous à
3262 nous donner que des frigidaires, des capitaux et des avions. Ils ont libéré nos villages. Libérons-nous à leur contact, à
3263 les, à faire crédit, à payer nos impôts, à exiger des fonctionnaires décents, à trouver drôles plutôt que ridicules ceux qu
3264 s que nous. Apprenons d’eux la valeur créatrice d’ un certain gaspillage lyrique, dans tous les domaines de la vie ; car no
3265 omaines de la vie ; car notre économie minutieuse des moyens, surestimée par l’École et l’État, et par toute la morale bour
3266 , et par toute la morale bourgeoise, trahit aussi un vice de l’âme. Apprenons d’eux le sens spirituel de la mise en pratiq
3267 spirituel de la mise en pratique à tous risques d’ un idéal même imparfait ; car notre rigorisme intellectuel masque souven
3268 ; car notre rigorisme intellectuel masque souvent des lâchetés de frileux. Enfin, apprenons d’eux le souci d’être dignes no
3269 nons d’eux le souci d’être dignes non seulement d’ un passé qui nous a faits, mais surtout d’un avenir qu’il dépend de nous
3270 ement d’un passé qui nous a faits, mais surtout d’ un avenir qu’il dépend de nous de faire. Cette attitude détient le secre
3271 s, novembre 1946, p. 741-748. bg. L’article clôt un numéro spécial d’Esprit sur le thème de « L’homme américain ». bh. I
48 1948, Esprit, articles (1932–1962). Thèses du fédéralisme (novembre 1948)
3272 ’Europe absente, démissionnaire, colonisée, c’est un certain sens de la vie, une certaine « conscience » de l’humain, oui,
3273 aire, colonisée, c’est un certain sens de la vie, une certaine « conscience » de l’humain, oui, l’âme d’une civilisation qu
3274 certaine « conscience » de l’humain, oui, l’âme d’ une civilisation qui serait perdue, perdue pour tous et non seulement pou
3275 urope, de ses complexités vitales, de sa culture. Une analyse sociologique assez grossière suffit à révéler dans tout le co
3276 grossière suffit à révéler dans tout le continent une sorte de clivage et un double tropisme. Les masses industrielles, dan
3277 er dans tout le continent une sorte de clivage et un double tropisme. Les masses industrielles, dans leur partie active, r
3278 ent, mais, à leur suite, les espoirs et les rêves des plus actifs d’entre nous ont émigré. La bourgeoisie, dans son ensembl
3279 La bourgeoisie, dans son ensemble, se contente d’ un double refus de la Russie et de l’Amérique, se résigne à la décadence
3280 on ou position. Ne demandons pas l’instauration d’ une fédération européenne pour que se crée un troisième bloc, un bloc-tam
3281 on européenne pour que se crée un troisième bloc, un bloc-tampon, ou un bloc opposé aux deux autres. Ce ne serait résoudre
3282 que se crée un troisième bloc, un bloc-tampon, ou un bloc opposé aux deux autres. Ce ne serait résoudre, et, au contraire,
3283 eurtrier de la souveraineté absolue, créent ainsi une attitude nouvelle, une confiance — ouvrent l’Europe au monde, du même
3284 neté absolue, créent ainsi une attitude nouvelle, une confiance — ouvrent l’Europe au monde, du même coup. Ce qu’il nous fa
3285 ’Europe découvre et qu’il propage les antitoxines des virus dont il a infesté le monde entier. Il n’y a de fédération europ
3286 a de fédération européenne imaginable qu’en vue d’ une fédération mondiale. Il n’y a de paix et donc d’avenir imaginable que
3287 venir imaginable que dans l’effort pour instaurer un vrai gouvernement mondial. Et le monde, pour ce faire, a besoin de l’
3288 […] La fédération européenne ne sera pas l’œuvre des gouvernants chargés de défendre les intérêts de leur nation contre le
3289 le et praticable. Les USA ne sont pas dirigés par une assemblée des gouverneurs des quarante-huit États, ni la Suisse par l
3290 le. Les USA ne sont pas dirigés par une assemblée des gouverneurs des quarante-huit États, ni la Suisse par les délégués de
3291 ont pas dirigés par une assemblée des gouverneurs des quarante-huit États, ni la Suisse par les délégués des vingt-deux can
3292 uarante-huit États, ni la Suisse par les délégués des vingt-deux cantons. Ce serait impraticable. Ces deux fédérations sont
3293 au-dessus de leurs États, et en dehors d’eux, par un exécutif et un législatif issus des peuples. […] Seul, le fédéralisme
3294 urs États, et en dehors d’eux, par un exécutif et un législatif issus des peuples. […] Seul, le fédéralisme ouvre des voie
3295 ors d’eux, par un exécutif et un législatif issus des peuples. […] Seul, le fédéralisme ouvre des voies nouvelles. Seul il
3296 issus des peuples. […] Seul, le fédéralisme ouvre des voies nouvelles. Seul il peut surmonter — voyez la Suisse — les vieux
3297 ons sclérosés dans le nationalisme et le problème des minorités. Et surtout, il peut dépasser l’opposition chaque jour moin
3298 ser l’opposition chaque jour moins convaincante d’ une gauche qui défend la contrainte et d’une droite qui revendique les li
3299 ncante d’une gauche qui défend la contrainte et d’ une droite qui revendique les libertés : le but, l’essence de la pensée f
3300 rdres (politiques aussi bien qu’économiques) dans un corps, non dans un carcan. Ce qui est la politique par excellence, n’
3301 ussi bien qu’économiques) dans un corps, non dans un carcan. Ce qui est la politique par excellence, n’en déplaise aux sec
3302 e pur individu, libre mais non engagé, correspond un régime démocratique tendant vers l’anarchie, et débouchant dans le dé
3303 en jeu . Ils sont reproduits ici dans le cadre d’ un numéro spécial d’Esprit sur le thème « Les deux visages du fédéralism
49 1962, Esprit, articles (1932–1962). Lettre à Jean-Marie Domenach, à propos de « Sartre et l’Europe » (mai 1962)
3304 . » Les deux phrases semblent dire la même chose. Un lecteur non prévenu s’y tromperait, mais pas vous. Car ma phrase sign
3305 flattez d’avoir en commun avec Sartre « le sens d’ une responsabilité européenne », sens qui me fait évidemment défaut s’il
3306 qu’il se définit par « la conscience épouvantée d’ une déchéance et d’un reniement », tandis que je ne m’occupe comme chacun
3307 r « la conscience épouvantée d’une déchéance et d’ un reniement », tandis que je ne m’occupe comme chacun sait que d’une Eu
3308 tandis que je ne m’occupe comme chacun sait que d’ une Europe des « règlements de douanes » et du « foie gras » : c’est en s
3309 je ne m’occupe comme chacun sait que d’une Europe des « règlements de douanes » et du « foie gras » : c’est en son nom, dit
3310 s donc ! Je vois bien qu’il vous est nécessaire d’ un peu me calomnier d’abord pour couvrir vos réserves sur le point de vu
3311 rvi : l’attaquer dépannait vos critiques aux yeux des bien-pensants d’une certaine gauche, sectaire comme on ne l’est qu’à
3312 annait vos critiques aux yeux des bien-pensants d’ une certaine gauche, sectaire comme on ne l’est qu’à vingt ans. Ceci dit,
3313 e l’Europe historique dans le monde, et notamment des tâches dont elle est responsable — au sens actif du mot, cette fois —
3314 utopunitive ou l’alliance de nos reniements, mais un exemple réussi de dépassement de l’ère nationaliste — et donc de l’èr
3315 — et donc de l’ère colonialiste — par le moyen d’ une grande fédération. Ceux qui perdront la face aux yeux de l’histoire,
3316 artre et l’Europe” (Esprit, mars 1962), j’ai reçu une lettre de Denis de Rougemont dont on trouvera le texte ci-dessous. To
3317 era le texte ci-dessous. Toute polémique comporte une part de grossissement. J’avais pris l’article de Rougemont comme symb
3318 avais pris l’article de Rougemont comme symbole d’ un “européanisme” obsédé par le progrès économique ; je m’étais étonné q
3319 par le progrès économique ; je m’étais étonné qu’ un “Européen” aussi convaincu que D. de Rougemont ne sente pas ce scanda
3320 nt souligne lui-même ce qui était, effectivement, un aspect de son article. Pour le reste, il se peut que son texte m’ait
3321 remier jour, déconcerté par certaine psychanalyse des intentions, et ne parviens pas à me trouver tant d’astuce. Je me cont