1 1939, Le Figaro, articles (1939–1953). L’ère des religions (22 février 1939)
1 mort en plein combat dans l’invisible spirituel, à la veille d’un discours qui devait être un acte, nous laisse tous en
2 ans doute comme moi dans les salles d’actualités, à considérer le public quand passe le film des funérailles romaines. Qu
3 solés, méfiants, posés les uns auprès des autres, à nous demander pourquoi nous sommes ensemble. Il s’est formé, dans la
4 sentiment encore diffus de vide social, analogue à celui qui dut marquer la décadence de l’Empire romain. Mais de ce vid
5 main. Mais de ce vide naît un appel. Et cet appel à une communauté nouvelle, à une « mystique » comme on le répète un peu
6 un appel. Et cet appel à une communauté nouvelle, à une « mystique » comme on le répète un peu partout, plus simplement :
7 me on le répète un peu partout, plus simplement : à des raisons de se regrouper, c’est l’affleurement d’un inconscient dé
8 , privées de culture spirituelle, athéisées jusqu’ à un point que les chrétiens, souvent, n’imaginent guère, se trouvent d
9 sentiment d’une fraternité charnelle, d’un coude à coude pathétique. Ce n’est pas là une hypothèse : il suffit de traver
10 en que des masses qui se ressentent comme telles, à la faveur d’un déploiement théâtral et géométrique, autour d’un chef
11 re moins un conflit politique qu’il faut chercher à l’origine réelle des persécutions hitlériennes contre les Églises du
12 celui du Dieu vivant. L’ère des religions s’ouvre à nous, chargée de promesses, mais aussi de menaces. Ère nouvelle pour
13 lle pour les chrétiens qui pensaient n’avoir plus à redouter que l’incroyance et l’inertie. Peut-être vont-ils découvrir
14 défie mieux que le sceptique et les ramène mieux à leur vraie force. Car il ne suffit plus d’entretenir un vague sentime
15 gieux, vestige d’un passé touchant, pour répondre à une religion dans sa jeunesse virulente et affamée. Il faut se réduir
16 affamée. Il faut se réduire aux vérités solides. À celles qui nourrissent l’espérance, et non la peur ou la haine du voi
17 adversaire au problème qu’il tentait de résoudre, à ce problème du vide social, communautaire, qui dès maintenant se pose
18 social, communautaire, qui dès maintenant se pose à nous aussi. Car si d’autres y ont mal répondu — les communistes et le
2 1939, Le Figaro, articles (1939–1953). Le bon vieux temps présent (20 mars 1939)
19 ais paradis seront toujours perdus : ils naissent à l’heure où on les perd. Souvenirs de Salzbourg et de Prague, Mozart e
20 ague, Mozart et Rilke, et la Vienne de Schubert — à l’heure où sombrent des nations sous l’uniforme barbarie — je les voi
21 ns nous accablent, soit qu’un sursaut nous dresse à résister, il faudra changer de rythme et rectifier la tenue, bander t
22 t d’un défi grossier. La liberté ne peut survivre à de tels chocs. Car elle est vraiment comme un rêve, un rêve heureux o
23 Des lois adroites et humaines ne suffiront jamais à l’assurer : il y faut ce climat sentimental, cette espèce de naturel
24 en question, et qu’il nous force au « réalisme » à sa manière, le charme est détruit dans nos vies. Nous sommes pareils
25 me est détruit dans nos vies. Nous sommes pareils à celui qui s’éveille et goûte encore quelques instants les délices d’u
3 1939, Le Figaro, articles (1939–1953). Directeurs d’inconscience (11 avril 1939)
26 étonnerait souvent celui-là même qui parviendrait à la donner. Tant il est vrai que bien peu d’entre nous connaissent leu
27 ations pour leurs lectrices avides de « bonheur » à la recette. Quoi qu’il en soit, deux choses me frappent dans cette en
28 e ou d’une foi, nous nous sommes soumis naïvement à d’innombrables influences incontrôlées, donc tyranniques, et au surpl
29 ipline, nous avons vingt tyrans qui nous poussent à hue et à dia. Au lieu d’un directeur qui nous parle à mi-voix, ces ap
30 ous avons vingt tyrans qui nous poussent à hue et à dia. Au lieu d’un directeur qui nous parle à mi-voix, ces appels path
31 e et à dia. Au lieu d’un directeur qui nous parle à mi-voix, ces appels pathétiques à la radio. Le monde moderne retentit
32 qui nous parle à mi-voix, ces appels pathétiques à la radio. Le monde moderne retentit d’En avant ! qui ne savent pas où
33 vont. Et toutes ces « directions » désorientées, à courte vue, se neutralisent en velléités, petites oscillations nerveu
34 ndant une direction de marche. Mais ce n’est plus à nos consciences qu’ils s’adressent, à nos petites consciences anarchi
35 n’est plus à nos consciences qu’ils s’adressent, à nos petites consciences anarchiques pour lesquelles ils n’ont que mép
36 a seule direction réelle, elle est dans la marche à l’Étoile, dans la marche unanime vers un point qui se trouve au-delà
4 1939, Le Figaro, articles (1939–1953). Une simple question de mots (24 avril 1939)
37 lemagne. Il fut longtemps l’un des plus malaisés, à cause du pathos jacobin dont les Allemands avaient souffert pendant l
38 re. Cette « liberté » qu’apportaient les Français à la pointe de leurs baïonnettes ne correspondait pas à des notions bie
39 pointe de leurs baïonnettes ne correspondait pas à des notions bien claires dans le cerveau d’un paysan prussien. D’où l
40 l’homme… Et puis l’on fut contraint de se rendre à l’évidence ; décidément, cela ne prenait pas, cela n’entrait pas dans
41 un de ses termes. Exemples : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes signifie, dans le langage totalitaire ; le droit
42 totalitaire ; le droit des peuples les plus forts à disposer de leurs voisins les plus faibles ; consolider la paix signi
43 ; consolider la paix signifiera : envahir un pays à dix contre un sans avoir à tirer un obus. La presse italienne, dans s
44 iera : envahir un pays à dix contre un sans avoir à tirer un obus. La presse italienne, dans son ardeur de néophyte, vend
45 eur de néophyte, vend la mèche lorsqu’elle oppose à la violence et au bellicisme de Roosevelt le sens du droit et le paci
46 donc pas plus malin que cela ? Il suffit de poser à la clé : noir égale blanc, et ainsi de suite. Enfin l’on va pouvoir s
47 Ici encore, il suffit de changer le signe. Quant à l’espace vital des dictatures, on n’aura pas été sans remarquer que s
48 même » et de « consolider la paix »… Bornons-nous à remarquer qu’aux yeux des peuples revendiqués par le Reich dans ces t
5 1939, Le Figaro, articles (1939–1953). « Le matin vient, et la nuit aussi » (7 juin 1939)
49 oît d’une anxiété de jour en jour plus justifiée, à cause des crises sociales et politiques. Et pourtant nous vivons ! Et
50 ouer. Après tout, nous ne sommes pas les premiers à croire que notre époque est l’époque même de la Crise. S’il est juste
51 t, en question, n’oublions pas que toute réalité, à toute époque de l’histoire des hommes, est, apparue comme une réalité
52 s, est, apparue comme une réalité sans précédent, à ceux du moins qui osaient la vivre avec lucidité. L’Europe a connu de
53 des guerres modernes, cette technique de la mort à grande distance, les moyens de propagande et de pression morale tels
54 e avec acharnement. Du moins voudrait-on rappeler à tous ces fronts disparaissant derrière les titres des journaux du soi
55 pèse sur nous pourrait et devrait être le remède à cette paix-là. Tout dépend de l’usage que l’on en fait. Le même poiso
56 une profonde ambiguïté se manifeste. Tout invite à désespérer ? Mais l’espoir est toujours « malgré tout », et c’est alo
57 l ont-elles payé l’illusion du Progrès ? Je songe à la colombe de Kantf qui croyait voler mieux dans le vide… L’homme n’e
58 de leurs plaisirs, mais le sens qu’ils découvrent à l’existence, à la faveur de ces vicissitudes acceptées. Acceptons no
59 rs, mais le sens qu’ils découvrent à l’existence, à la faveur de ces vicissitudes acceptées. Acceptons notre chance de v
60 nd pas de nos misères. J’y songeais l’autre soir, à Orléans, en entendant la Jeanne d’Arc au bûcher de Paul Claudel et Ar
6 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Le mensonge allemand (16 août 1945)
61 , ayant sauvé l’honneur pour ainsi dire, et donné à tout son discours un cachet d’objectivité — « Je n’en fais pas une qu
62 part, quelques très bons amis allemands réfugiés à New York depuis la guerre ou depuis 1933. Nous n’en sortirons donc ja
63 ais par ce biais-là. Abandonnons toute prétention à l’objectivité stellaire, comme tous aménagements personnels. Prenons
64 it cent personnes, au hasard de la rue, et se met à les interroger. « Êtes-vous nazis ? » Tous jurent que non. L’officier
65 le du groupe allemand — vite désigné — interrompt à ce point l’Américain : « Ce que vous dites là, crie-t-il, ce ne sont
66 crie-t-il, ce ne sont que des mensonges propagés à l’étranger par les Juifs, les ploutocrates américains, les démocrates
67 ’y réfère encore ; sincère, celui qui se conforme à la nouvelle vérité germanique, car le droit, leur a-t-on enseigné, c’
68 attu, celui qui touche des deux épaules et se met à faire le bon apôtre. Nazi, celui qui accuse dans la même phrase « les
7 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Un climat tempéré (22 août 1945)
69 re et tout son équipement d’appareils électriques à chauffer, à glacer, à tempérer, en état de mobilisation permanente, d
70 on équipement d’appareils électriques à chauffer, à glacer, à tempérer, en état de mobilisation permanente, d’un bout à l
71 ent d’appareils électriques à chauffer, à glacer, à tempérer, en état de mobilisation permanente, d’un bout à l’autre de
72 er, en état de mobilisation permanente, d’un bout à l’autre de l’année. Une bonne partie de ses soucis, de ses inventions
73 soucis, de ses inventions, de ses dépenses, vont à neutraliser les sautes d’humeur d’un climat fantaisiste à l’extrême,
74 liser les sautes d’humeur d’un climat fantaisiste à l’extrême, souvent brutal. Comme chaque jour à New York, je pense à l
75 te à l’extrême, souvent brutal. Comme chaque jour à New York, je pense à la planète. Mais je ne puis penser aujourd’hui q
76 nt brutal. Comme chaque jour à New York, je pense à la planète. Mais je ne puis penser aujourd’hui qu’aux climats inhumai
77 jourd’hui qu’aux climats inhumains de la planète. À ces îles des tropiques où le litre de rhum qu’on boit par jour et par
78 éalité fade et flatteuse de tant de films tournés à Hollywood. Aux toundras, steppes, déserts, pampas, glaciers, et jungl
79 ir d’être humain, au lieu de le forcer sans trêve à défendre sa vie d’animal ? J’en vois un, c’est peut-être le seul. Là,
80 d’invasions de sauterelles ou de termites ; rien à craindre des tremblements de terre, des fleuves envahissants, des séc
81 métrie d’Euclide, ou le Français moyen, se révèle à l’analyse du xxe siècle comme autant de cas d’exception, dont il est
82 péré, avec son type d’humains normalement adaptés à une nature jugée normale, est une réussite hautement improbable. Mais
83 siècles, l’homme a pu y consacrer son ingéniosité à faire des arts, des armes et des lois, de la politique, des robes et
84 ture, plus quelques âmes de climat dur, de Pascal à Rimbaud, de Calvin à Saint-Just. Chance anormale : chance de créer, p
85 mes de climat dur, de Pascal à Rimbaud, de Calvin à Saint-Just. Chance anormale : chance de créer, pour l’ensemble du gen
86 artifices, ce climat qu’un Français moyen reçoit à son berceau, cadeau des fées, comme point de départ d’une vie vraimen
8 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). La guerre est morte (5 septembre 1945)
87 onflits vont cesser ; que les forts vont renoncer à se montrer forts, ou les faibles à s’agglutiner pour les abattre ; qu
88 vont renoncer à se montrer forts, ou les faibles à s’agglutiner pour les abattre ; que les classes vont se fondre, les f
89 ens. Mais je dis que les militaires n’ont plus qu’ à se consacrer aux sports. Que la guerre n’est plus leur métier. Et que
90 parti : l’ère des militaires a pris fin le 6 août à Hiroshima. L’arithmétique élémentaire qui suffisait à combiner grosso
91 roshima. L’arithmétique élémentaire qui suffisait à combiner grosso modo des kilomètres, des bataillons, des trajectoires
92 tif des généraux, au bénéfice des « intellectuels à lunettes ». La bravoure, la prestance, la discipline aveugle, les gra
93 troupes même motorisées, ne pourront plus servir, à l’occasion, que pour le combat de rues, les petites guerres civiles e
94 ue.) On ne se guérit pas facilement de l’ablation à chaud d’une coutume ancestrale, du goût des uniformes, du jeu des sol
95 ores guerrières, intimement lié, depuis Lancelot, à la sexualité occidentale. Quelles fêtes, quels carnavals mondiaux rem
96 arlé abondamment ces derniers jours : les maisons à hélicoptères vont rétablir le nomadisme ; les grandes cités deviendro
9 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Le dernier des Mohicans (11 octobre 1945)
97 Les maisons sont presque invisibles, dissimulées à l’ombrage des pins cascadant en désordre des hauteurs, jusqu’aux boul
98 attus dans le Pacifique. Les disputes politiques, à la table des T…, semblent passées depuis longtemps au rang de taquine
99 es gens » de Washington sont en train de détruire à coups de décrets socialisants, capitalistes et centralisateurs. Point
100 rk. L’hôtel se nomme le Sagamore. Un avis discret à l’entrée disait l’an dernier restricted, signifiant que les Juifs n’é
101 chose d’élémentaire : la possibilité de se mettre à l’abri des menaces naturelles et matérielles, d’une sauvagerie profon
102 urelles et matérielles, d’une sauvagerie profonde à portée de la main. D’où la méticuleuse propreté des maisons de bois b
10 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Le savant et le général (8 novembre 1945)
103 Le savant et le général (8 novembre 1945)k À une heure de New York, à Princeton où je suis en train de m’installer
104 al (8 novembre 1945)k À une heure de New York, à Princeton où je suis en train de m’installer, tout respire une paix c
105 ques-uns des esprits qui auront le plus contribué à transformer la condition du siècle. Hier soir, au cinéma, un hello de
106 iciens qui a mis au point la bombe atomique. Tout à l’heure, devant ma fenêtre, un homme en sweater bleu et pantalon de f
107 vent, et son aspect met en fuite ma petite fille. À quoi pense-t-il ? De ce cerveau est sortie l’équation qui est en trai
108 it-il, deux savants, l’un en Allemagne et l’autre à Washington. Chacun pèse sur un bouton, et une terrifiante explosion s
109 nheimer, chef du service des recherches atomiques à Los Alamos, a été interrogé hier par un comité du Sénat. À la questio
110 mos, a été interrogé hier par un comité du Sénat. À la question : “Est-il vraisemblable qu’un seul raid atomique contre l
111 transporter l’infanterie et les chars nécessaires à la conquête d’une île ou des bases ennemies, il faudra plusieurs heur
112 s renforts et des munitions de leur pays, plus qu’ à moitié détruit. Ils verront que la guerre n’a plus de sens humain. D’
113 que l’agresseur juge bien utile de venir disputer à ses victimes des ruines encore radioactives. De même, si la Russie es
114 culez les distances. Supputez le temps qu’il faut à un corps expéditionnaire pour les franchir, et les conditions dans le
115 our débarquer en Europe, et leur pays était resté à l’abri des bombardements. Même s’il leur faut seulement deux heures l
116 eux réglés. Si l’un des partis en présence disait à l’autre : — Messieurs les Anglais, tirez les premiers ! il n’y aurait
11 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Les résultats de la guerre (21 décembre 1945)
117 e voit doté du même coup d’une arme proportionnée à l’ampleur de sa tâche, qui est de faire la police des nations, et d’u
118 un seul peuple, tandis qu’elle devient effective à l’échelle planétaire, précisément. Voici donc le danger de faiblesse
119 s sont apparues simultanément. Elles se proposent à l’esprit avec tant de clarté qu’on est tenté d’y voir l’indication d’
120 as d’autre voie praticable, la raison nous pousse à la suivre, nous devons donc arriver très vite au but… Telles sont les
121 ses vieux litiges locaux, qu’il appelle intérêts, à ses vrais intérêts, qu’il appelle utopies. La grande tâche politique
122 on. Ensuite, il s’agit de combattre les obstacles à cette union. Ils sont dans l’étroitesse de nos esprits, non pas dans
12 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Un salon atomique (26 décembre 1945)
123 ure du désespoir qui fond sur moi dès que je suis à Washington ? Je vous avouerai que je m’y réfugie dans les salons. L’E
124 es salons. L’Europe avait des salons littéraires. À Washington, ils sont tous politiques. Celui dont je sors, qui est l’u
125 part quand on veut. À peine sorti, je me suis mis à réfléchir, et m’étant égaré comme de coutume, j’ai eu le temps de tro
126 nduit-elle au suicide, alors qu’elle ne croit pas à la survie, tandis que la foi des anciens temps redoutait une fin qui
13 1946, Le Figaro, articles (1939–1953). Pour la suppression des visas (23 avril 1946)
127 ins accablés de problèmes. Mais je ne cherche pas à m’en tirer par une réplique, même de bon sens, et j’ai quelques raiso
128 nt en mesure de les imaginer. Cela se discuterait à l’infini. Il n’est qu’une solution, qui est d’aller voir, et d’essaye
129 lème. Supposez que nous soyons libres de circuler à notre guise. Je répondrais sans hésiter : il ne s’agit ni de choisir
130 it est là : nous allons en dix heures de Lisbonne à New York au Pacifique. Un très long voyage aujourd’hui nous ramènerai
131 er et d’user de ses dons. Forçons les gouvernants à nous répondre : à quoi servent ces barrages de tampons ? Comment peut
132 s dons. Forçons les gouvernants à nous répondre : à quoi servent ces barrages de tampons ? Comment peut-on les justifier 
14 1946, Le Figaro, articles (1939–1953). Les nouveaux aspects du problème allemand (30 mai 1946)
133 , maintenant que Hitler est abattu, ne pensent qu’ à se protéger contre un réveil allemand. Et des Suisses, dont le sens d
134 e sens démocratique a toujours violemment répugné à la lâcheté civique de l’Allemand autant qu’à la brutalité de ses chef
135 ugné à la lâcheté civique de l’Allemand autant qu’ à la brutalité de ses chefs, se préoccupent, aujourd’hui, de le « guéri
136 la Ruhr, d’alliances préventives et de garanties à obtenir contre un réarmement secret du Reich. Les aspects politiques
137 endre, et maintenir en dépit des Anglais, de 1919 à 1938 ? N’est-on pas en train de bien poser, mais avec toute une guerr
138  : attention, c’est très grave, ils ne songent qu’ à la guerre, toute leur pensée et tous leurs actes y tendent, et ils so
139 uvaient cela désagréable. Certains allèrent jusqu’ à me reprocher de servir la cause ennemie en décrivant la puissance d’H
140 millions d’habitants. Aujourd’hui le colosse est à terre et deux super-colosses se sont levés, projetant leurs ombres dé
141 Europe. Et c’est cela que je crains qu’on oublie, à trop parler Ruhr, garanties, réarmement. Dans l’état où menace de la
142 aussi grave qu’au temps d’Hitler. C’est un enfer à notre porte. Et rien n’est aussi contagieux. Il s’agirait de l’exorci
143 attitude que je viens de décrire me paraît propre à maintenir le mal. Comment le guérir là-bas, et le prévenir ici ?
144 lture et de sa langue. Ce qu’on ne pardonnait pas à Hitler et à Goebbels, c’était de dénaturer le germanisme et de ravage
145 sa langue. Ce qu’on ne pardonnait pas à Hitler et à Goebbels, c’était de dénaturer le germanisme et de ravager l’espace v
146 e et si astucieusement prudente. On était presque à la merci de l’ennemi, mais on le connaissait par l’intérieur, et l’on
147 La pitié active Aujourd’hui, je découvre qu’ à la haine a succédé chez les meilleurs et les mieux informés un élan d
148 ne pense pas un instant que la Suisse s’est mise à aimer les Allemands !) mais de pitié active, j’entends par là : de vo
149 angères, qu’il a perdu un tiers de son territoire à l’Est, qu’il n’a plus de quoi manger et qu’au surplus, loin qu’on le
150 faire vis-à-vis d’un tel peuple ? Il faut l’aider à redevenir humain. Il faut premièrement lui expliquer ce qui s’est pas
151 dans la communauté européenne. Tout cela revient à le mettre en mesure de reconnaître sa culpabilité, et de se guérir de
152 esponsables et sans espoir, candidats au suicide, à la stupidité, à l’illuminisme et au crime. Les Alliés sauront-ils cho
153 ans espoir, candidats au suicide, à la stupidité, à l’illuminisme et au crime. Les Alliés sauront-ils choisir entre une p
154 entre une politique de camisole de force, propre à créer des fous furieux, et une politique de cure sévère, propre à gué
155 furieux, et une politique de cure sévère, propre à guérir un peuple intoxiqué ? Je pressens que l’exercice de la seconde
156 thode n’aurait pas seulement pour effet de rendre à l’Europe une nation, mais aussi de prévenir chez les vainqueurs la co
15 1946, Le Figaro, articles (1939–1953). Demain la bombe, ou une chance d’en finir avec la terre (30 juin 1946)
157 flagration punitive ». Il ajoute qu’elles donnent à songer « à des choses vivantes et vermeilles, malignement réduites en
158 punitive ». Il ajoute qu’elles donnent à songer «  à des choses vivantes et vermeilles, malignement réduites en cendres :
159 masses vitrifiées, dont un grand nombre s’élèvent à quelque distance du rivage parmi les blancs remous et les brisants, f
160 rongeant les moelles… Mais tout cela ne fait peur à personne. Le fait est que personne n’a protesté, et la première des e
161 , et la première des expériences est pour demain. À cette apathie plus qu’étrange de l’opinion et de ses organes, je dist
162 privé faisait savoir au monde qu’il va se livrer à des expériences de cet ordre, « dans un but » de connaissance pure, d
163 ôt ! Quel fracas de cris au fou ! au gaspillage ! à l’existentialisme ou au surréalisme ! et pire encore : à l’hitléro-tr
164 stentialisme ou au surréalisme ! et pire encore : à l’hitléro-trotskisme, à l’anarcho-cléricalisme sournoisement soutenu
165 alisme ! et pire encore : à l’hitléro-trotskisme, à l’anarcho-cléricalisme sournoisement soutenu par Wall Street ! Mais n
166 murmures. Le sérieux le plus méthodique a présidé à la préparation d’une expérience dont l’utilité n’est point trop clair
167 ou ne hurle. Serait-ce qu’au fond de nous-mêmes, à l’insu de nous-mêmes, au tréfonds de notre inconscient, la guerre nou
168 jurons tous, sans exception, qu’il n’en est rien. À nous en croire, et nous sommes sincères, nous n’aimons vraiment que l
16 1947, Le Figaro, articles (1939–1953). Le droit d’opposition (3 avril 1947)
169 ion. C’était cependant un peu confus. Subitement, à la conférence de Moscou, quelqu’un propose une méthode, aussi simple
170 occuper l’attente, la presse soviétique se livre à d’habiles variations sur un thème prévu : « Entre la théorie de la dé
171 on américaine). Pendant que M. Molotov se prépare à donner sa propre définition de la démocratie, je me permettrai d’offr
172 selon le modèle anglo-saxon. Ce caractère suffit à distinguer d’un seul coup d’œil les régimes démocratiques des régimes
173 les cas où l’unanimité ne pourrait pas s’établir à l’ONU. Appelons donc démocratique un régime où l’opposition est libre
174 te totalitaire un régime où l’opposition équivaut à la trahison, et se paye tôt ou tard de la vie. Que si l’on estime tro
175 oppose au train du monde. « Ne vous conformez pas à ce siècle présent, mais soyez transformés », dit saint Paul. La liber
176 aul. La liberté de parole. Si elle ne consiste qu’ à hurler avec les loups, à réciter les slogans officiels, elle est vide
177 . Si elle ne consiste qu’à hurler avec les loups, à réciter les slogans officiels, elle est vide. La libération de la mis
178 a libération de la crainte, enfin. Elle consiste, à mon sens, en premier lieu, dans la certitude que, si l’on diffère d’o
17 1948, Le Figaro, articles (1939–1953). Sagesse et folie de la Suisse (13 octobre 1948)
179 Maxime qui n’est pas aussi claire qu’il y paraît à première vue. M. Siegfried n’a pas collectionné des impressions. Il r
180 elle qu’elle est : prospère, mécanisée, démocrate à l’extrême (beaucoup plus en fait qu’en doctrine), jalouse de ses dive
181 t le sol est en partie stérile, mais qui parvient à exporter près du tiers de sa production, à n’importer que 20 % de sa
182 rvient à exporter près du tiers de sa production, à n’importer que 20 % de sa consommation en calories, vrai tour de forc
183 qu’elle sert les diversités au lieu de prétendre à les réduire. M. Siegfried est, je crois bien, le seul auteur non suis
184 ce est d’ailleurs égale aux périls qu’il affronte à chaque pas, écoutez-le : « Je me garderai bien de dire que certains c
185 us de bien-être et d’avantages sociaux. En somme, à cette « démocratie-témoin », André Siegfried n’adresse d’autre critiq
186 ’est-il pas fou d’être aussi sage ? On en revient à la maxime du moraliste. Je voudrais en déduire des conclusions qu’And
187 re sage tout seul, mais non moins fou de renoncer à cette sagesse parce qu’on se voit seul à la professer. Voici donc le
188 renoncer à cette sagesse parce qu’on se voit seul à la professer. Voici donc le sage condamné à périr ou à faire école. E
189 seul à la professer. Voici donc le sage condamné à périr ou à faire école. En d’autres termes si l’Europe continue d’êtr
190 professer. Voici donc le sage condamné à périr ou à faire école. En d’autres termes si l’Europe continue d’être folle à l
191 d’autres termes si l’Europe continue d’être folle à l’unanimité, la Suisse est perdue sans nul doute. Mais l’Europe aussi
192 abstraite et géométrique, ce n’est pas un poncif à transporter. Mais il ne va pas sans principes, et ceux-ci m’apparaiss
193 x-ci m’apparaissent susceptibles d’être appliqués à l’échelle de l’Europe, mutatis mutandis bien entendu : c’est précisém
194 du xxe siècle est l’image agrandie de la Suisse à la veille de sa fédération. En plus tragique, bien sûr. L’urgence est
195 urs arguments contre le fédéralisme en soi. Quant à ceux qui militent pour l’union de nos peuples, ils ne sauraient étudi
18 1953, Le Figaro, articles (1939–1953). « Nous ne sommes pas des esclaves ! » (25 juin 1953)
196 la seconde, nous l’avons sous les yeux, consiste à s’emparer de la cause ouvrière, à se parer de sa justice et de son no
197 yeux, consiste à s’emparer de la cause ouvrière, à se parer de sa justice et de son nom, pour l’écraser ensuite, une foi
198 rovocateurs. Qui ne voit aujourd’hui quels furent à Berlin-Est ces « provocateurs étrangers » que dénonce rageusement Gro
199 ? Pouvaient-ils pratiquement n’être pas Russes ou à la solde de Moscou ? On demande aux ouvriers de les dénoncer. Mais il
200 ure communiste est devenue manifeste. Il ne reste à ses partisans, dans nos démocraties, qu’à nier les faits. Il leur res
201 e reste à ses partisans, dans nos démocraties, qu’ à nier les faits. Il leur reste à nier ceci : devant la porte de Brande
202 s démocraties, qu’à nier les faits. Il leur reste à nier ceci : devant la porte de Brandebourg, le vieux chant populaire
203 rsaut de l’Europe nouvelle, on vient de le sentir à Berlin, surgissant d’un peuple écrasé. Et ce n’est pas l’Europe des m