1
e spirituel, à la veille d’un discours qui devait
être
un acte, nous laisse tous en suspens sur le mystère de notre époque :
2
ire de l’après-guerre aux yeux de nos descendants
sera
peut-être moins l’histoire des traités et de leur périlleux ajustemen
3
es religions au terme de l’ère rationaliste. Ce n’
est
pas le phénomène en soi, mais son ampleur, qui s’annonce sans précéde
4
mes, conventions, cérémonies et lieux communs qui
étaient
les signes extérieurs d’une communion tacite entre les hommes. Nous s
5
urs d’une communion tacite entre les hommes. Nous
sommes
là, petits individus, impuissants, isolés, méfiants, posés les uns au
6
auprès des autres, à nous demander pourquoi nous
sommes
ensemble. Il s’est formé, dans la cité un sentiment encore diffus de
7
nous demander pourquoi nous sommes ensemble. Il s’
est
formé, dans la cité un sentiment encore diffus de vide social, analog
8
d’une religion. De n’importe quelle religion. Il
est
temps que le monde chrétien prenne conscience à la fois de cette chan
9
té charnelle, d’un coude à coude pathétique. Ce n’
est
pas là une hypothèse : il suffit de traverser le Rhin pour ressentir,
10
ces religions larvaires. On demande souvent quel
est
le contenu de la « mystique » nationale-socialiste. L’effrayant, c’es
11
tral et géométrique, autour d’un chef qui ne veut
être
que leur incarnation et leur symbole. Des masses qui communient avec
12
t violentes se cherchent pourtant une doctrine. N’
étant
pas nées d’une création spirituelle, d’une espérance ouvrant l’avenir
13
me d’un au-delà libérateur. « Les choses vieilles
sont
passées », dit saint Paul, « il n’y a plus ni Juif ni Grec, et tu es
14
aint Paul, « il n’y a plus ni Juif ni Grec, et tu
es
mon frère en la cité nouvelle si tu partages mon espérance. Et tu es
15
cité nouvelle si tu partages mon espérance. Et tu
es
mon frère encore si tu la refuses, parce que j’espère pour toi, mon e
16
ut ce que l’on a derrière soi et qui ne peut plus
être
changé : le sang, la race, la tradition, les morts, tout ce qui impos
17
stin sans recours. Voilà pourquoi cette religion
est
, au suprême degré, intolérante, et plus qu’intolérante : on ne peut m
18
passé, l’on ne pourra jamais y entrer — si l’on n’
est
pas de sang aryen, par exemple. Car cette religion n’admet pas que «
19
te religion n’admet pas que « les choses vieilles
sont
passées ». Elle n’admet pas cette nouvelle naissance, cette conversio
20
’espères-tu ? mais elle demande seulement : quels
sont
tes morts ? Religion du sol et du sang, religion sanglante et mortell
21
utur éternel, le rachat du péché d’origine ? Ce n’
est
pas un conflit accidentel, c’est encore moins un conflit politique qu
22
part, en critiquant simplement leurs erreurs. Il
est
facile d’avoir raison de loin ; plus difficile de découvrir une voie
23
difficile de découvrir une voie meilleure où l’on
soit
prêt à se risquer soi-même. a. Rougemont Denis de, « L’ère des rel
24
encore un paradis perdu ! Mais les vrais paradis
seront
toujours perdus : ils naissent à l’heure où on les perd. Souvenirs de
25
er rayonnants dans la lueur éternisée d’un soir d’
été
, après l’orage, avant la nuit, dans une gloire déchirante et délicieu
26
ait vu. Mais déjà, pour beaucoup d’entre nous, ce
fut
simplement l’avant-guerre, les souvenirs de notre enfance. Et voici q
27
nce. Et voici que ce Temps Perdu, tout d’un coup,
est
encore plus proche : c’est l’an passé, c’est avant-hier — peut-être m
28
est l’an passé, c’est avant-hier — peut-être même
est
-ce… aujourd’hui ? Mais oui, peut-être vivons-nous, ici, dans ce Paris
29
ont nous avions à peine conscience, parce qu’elle
était
notre manière toute naturelle de respirer et de penser, d’aller et ve
30
ère étrange et brutale, où ces formes de vie, qui
sont
encore les nôtres, ne peuvent plus apprivoiser le destin. Soit que le
31
es nôtres, ne peuvent plus apprivoiser le destin.
Soit
que les tyrans nous accablent, soit qu’un sursaut nous dresse à résis
32
er le destin. Soit que les tyrans nous accablent,
soit
qu’un sursaut nous dresse à résister, il faudra changer de rythme et
33
iberté ne peut survivre à de tels chocs. Car elle
est
vraiment comme un rêve, un rêve heureux où l’on circule avec aisance,
34
seulement l’arrière-conscience d’un miracle. Elle
est
encore une œuvre d’art qui n’agit que par l’atmosphère, par le « char
35
ous force au « réalisme » à sa manière, le charme
est
détruit dans nos vies. Nous sommes pareils à celui qui s’éveille et g
36
anière, le charme est détruit dans nos vies. Nous
sommes
pareils à celui qui s’éveille et goûte encore quelques instants les d
37
recteurs d’inconscience (11 avril 1939)c Quels
sont
nos vrais directeurs de conscience, depuis que le monde s’est, en par
38
s directeurs de conscience, depuis que le monde s’
est
, en partie, détourné de la foi chrétienne ? Cette question, qu’une re
39
lui-là même qui parviendrait à la donner. Tant il
est
vrai que bien peu d’entre nous connaissent leurs maîtres véritables,
40
avides de « bonheur » à la recette. Quoi qu’il en
soit
, deux choses me frappent dans cette enquête : le profond désarroi mor
41
e la tutelle d’une Église ou d’une foi, nous nous
sommes
soumis naïvement à d’innombrables influences incontrôlées, donc tyran
42
n nous rendant une direction de marche. Mais ce n’
est
plus à nos consciences qu’ils s’adressent, à nos petites consciences
43
s n’ont que mépris. Ce qu’ils veulent diriger, ce
sont
nos lourds instincts, nos peurs, nos haines et nos orgueils puérils,
44
troupés. Les grands meneurs, à proprement parler,
sont
des directeurs d’inconscience. Et leur succès c’est de nous délivrer
45
collective. Voilà pourquoi des millions d’hommes
sont
heureux d’être « mis au pas ». Faut-il choisir entre anarchie et dict
46
ilà pourquoi des millions d’hommes sont heureux d’
être
« mis au pas ». Faut-il choisir entre anarchie et dictature ? Mais l’
47
tre anarchie et dictature ? Mais l’une et l’autre
sont
désorientées. Car la seule direction réelle, elle est dans la marche
48
désorientées. Car la seule direction réelle, elle
est
dans la marche à l’Étoile, dans la marche unanime vers un point qui s
49
ar la force principale d’un mouvement politique n’
est
pas la vérité de sa doctrine, mais l’opportunité de sa propagande. La
50
mpatibles. Ainsi du dialogue France-Allemagne. Il
fut
longtemps l’un des plus malaisés, à cause du pathos jacobin dont les
51
de pratiquer les droits de l’homme… Et puis l’on
fut
contraint de se rendre à l’évidence ; décidément, cela ne prenait pas
52
Aujourd’hui je crois pouvoir dire que le système
est
assez simple, et qu’il consiste à peu près en ceci : reprendre le voc
53
ens du droit et le pacifisme des dictateurs. Ce n’
était
donc pas plus malin que cela ? Il suffit de poser à la clé : noir éga
54
ntendre ! Toutefois, comme en pareil domaine tout
est
affaire de nuances, parfois subtiles, il n’est pas superflu d’entrer
55
ut est affaire de nuances, parfois subtiles, il n’
est
pas superflu d’entrer dans le détail de quelques-unes de ces transpos
56
t de porter une arme et de la garder chez soi. Il
est
donc assez naturel que le congrès de Nuremberg, qui célébra le réarme
57
Nuremberg, qui célébra le réarmement du Reich, se
soit
intitulé : Journée de la liberté. Précisons : l’armement pour les All
58
erté. Précisons : l’armement pour les Allemands n’
est
pas comme pour nous autres démocrates un moyen de protéger des libert
59
moyen de protéger des libertés d’ordre civil. Il
est
en soi la liberté, et nulle autre n’est concevable… La justice est po
60
civil. Il est en soi la liberté, et nulle autre n’
est
concevable… La justice est pour nous le respect du droit, et au-delà
61
erté, et nulle autre n’est concevable… La justice
est
pour nous le respect du droit, et au-delà de la lettre d’un code, une
62
adverses. C’est dans ce sens que j’avais essayé d’
être
« juste » vis-à-vis de l’Allemagne dans un petit ouvrage paru l’autom
63
m’écrit un hitlérien : « Juste, votre livre ne l’
est
certainement pas. Car la justice jaillit de la plénitude d’une vitali
64
nt à l’espace vital des dictatures, on n’aura pas
été
sans remarquer que sa qualité la plus frappante est l’élasticité illi
65
é sans remarquer que sa qualité la plus frappante
est
l’élasticité illimitée. Plus la vitalité d’un peuple est « sûre d’ell
66
lasticité illimitée. Plus la vitalité d’un peuple
est
« sûre d’elle-même », plus ses nécessités dites vitales s’accroissent
67
u’un vain puriste pourrait croire, non pas ce qui
serait
indispensable pour préserver les Allemands de la famine, mais au cont
68
Allemands de la famine, mais au contraire ce qui
est
indispensable pour satisfaire et augmenter une « vitalité sûre d’elle
69
e et la famine, mais l’orgueil et la boulimie. Ce
sont
les blés moraves et les pétroles roumains, réserves de guerre. Ce qui
70
les pétroles roumains, réserves de guerre. Ce qui
est
vital, c’est donc tout simplement ce qui permettra de faire la guerre
71
revendiqués par le Reich dans ces termes, ce qui
est
espace vital pour un nazi risque malheureusement de s’appeler bientôt
72
artout, depuis vingt ans. Comme si rien de pire n’
était
imaginable. Comme si le désordre était sans précédent et sans lendema
73
de pire n’était imaginable. Comme si le désordre
était
sans précédent et sans lendemain prévisible. Et pourtant le désordre
74
lus qu’on n’oserait l’avouer. Après tout, nous ne
sommes
pas les premiers à croire que notre époque est l’époque même de la Cr
75
sommes pas les premiers à croire que notre époque
est
l’époque même de la Crise. S’il est juste et salutaire de la considér
76
notre époque est l’époque même de la Crise. S’il
est
juste et salutaire de la considérer dans ce qu’elle a d’unique, dans
77
réalité, à toute époque de l’histoire des hommes,
est
, apparue comme une réalité sans précédent, à ceux du moins qui osaien
78
urcissent l’image du monde chrétien. Quel pouvait
être
l’avenir pour un Allemand de la guerre de Trente Ans ? Pour les vainc
79
humaine. On me dira qu’autrefois les catastrophes
étaient
au moins localisées. Pendant qu’on massacrait jusqu’au dernier des ha
80
nt d’une quiétude parfaite. Ainsi la vie paisible
fut
toujours l’avantage d’une certaine inconscience, d’une ignorance dont
81
res des journaux du soir que le malheur des temps
est
une vieille expression… Oui, de tout temps, le sort du monde a été qu
82
xpression… Oui, de tout temps, le sort du monde a
été
quasiment désespéré. Seulement, maintenant, cela se sait. Voilà la gr
83
ifférence. Et voilà notre chance aussi. L’homme n’
est
pas fait pour vivre en état de guerre, au sens moderne de l’expressio
84
uerre, au sens moderne de l’expression. Mais il n’
est
pas fait davantage pour vivre en l’état d’illusion qu’on nomme généra
85
e de guerre qui pèse sur nous pourrait et devrait
être
le remède à cette paix-là. Tout dépend de l’usage que l’on en fait. L
86
nifeste. Tout invite à désespérer ? Mais l’espoir
est
toujours « malgré tout », et c’est alors qu’il est vraiment le gage d
87
st toujours « malgré tout », et c’est alors qu’il
est
vraiment le gage d’une vie qui vaille d’être vécue. Les générations d
88
qu’il est vraiment le gage d’une vie qui vaille d’
être
vécue. Les générations d’avant-guerre eurent sans doute l’existence p
89
f qui croyait voler mieux dans le vide… L’homme n’
est
pas fait pour vivre sans menaces, sans résistances, sans vigilance. N
90
a chance d’une grandeur qui, elle aussi, pourrait
être
sans précédent. Comme toute génération sérieusement avertie, par les
91
d’obus. Car ce qui compte, en fin de compte, ce n’
est
pas le sort matériel et le bonheur plus ou moins grand de la cité, ma
92
raisons de vivre des hommes qui l’habitent. Ce n’
est
pas la somme de leurs soucis et de leurs plaisirs, mais le sens qu’il
93
chorale, vers la fin : « Il y a l’espérance, qui
est
la plus forte ! Il y a la joie, qui est la plus forte ! Il y a Dieu !
94
ance, qui est la plus forte ! Il y a la joie, qui
est
la plus forte ! Il y a Dieu ! Il y a Dieu qui est le plus fort ! » C’
95
est la plus forte ! Il y a Dieu ! Il y a Dieu qui
est
le plus fort ! » C’était l’invincible évidence, la délivrance, le « m
96
York, août. « Quelques-uns de mes meilleurs amis
sont
des Juifs… » commença le bonhomme antisémite, affirmant son humanité
97
humanité et sa parfaite liberté d’esprit. Puis s’
étant
excepté de la commune sottise, ayant sauvé l’honneur pour ainsi dire,
98
« Some of my best friends are Jews… ». La phrase
est
devenue proverbiale en Amérique, et c’est fort bien : on ne tue les p
99
u hasard de la rue, et se met à les interroger. «
Êtes
-vous nazis ? » Tous jurent que non. L’officier s’étonne, puis se fâch
100
ricain : « Ce que vous dites là, crie-t-il, ce ne
sont
que des mensonges propagés à l’étranger par les Juifs, les ploutocrat
101
cette histoire vraie pose le vrai problème. Ce n’
est
pas d’hier que je l’ai observé : les Allemands ne mentent pas comme n
102
changé dans le monde. Les critères mêmes du vrai
sont
modifiés. Menteur, celui qui s’y réfère encore ; sincère, celui qui s
103
légale et objective de quelques mots. Responsable
est
celui qui a tiré le premier. Battu, celui qui touche des deux épaules
104
boit par jour et par personne, enfants compris, n’
est
qu’une défense, d’ailleurs désespérée, contre la torpeur écrasante qu
105
des arbres et du ciel. Aux régions polaires sans
été
. Au faux printemps perpétuel de carte postale qui baigne la cuvette c
106
ouvrent neuf dixièmes des continents… Notre terre
est
à peine habitable, dans l’ensemble ! Et dans les régions plutôt rares
107
arcèle pas l’homme, et qui lui laisse le loisir d’
être
humain, au lieu de le forcer sans trêve à défendre sa vie d’animal ?
108
classique. Noël tombe en hiver, non pas en plein
été
comme dans l’hémisphère sud. Pays qui ne connaît d’autres désastres q
109
abitants croient que la nature dont ils jouissent
est
le climat normal de l’homme. Ils ont raison, s’ils n’oublient pas tou
110
utefois que ce climat « normal », sur la planète,
est
une exception surprenante. Tout ce que nos pères considéraient comme
111
siècle comme autant de cas d’exception, dont il
est
stupéfiant qu’ils se produisent si l’on parcourt les statistiques. La
112
s normalement adaptés à une nature jugée normale,
est
une réussite hautement improbable. Mais c’est par cela même qu’elle s
113
La guerre
est
morte (5 septembre 1945)i La principale victime de la bombe atomiq
114
i La principale victime de la bombe atomique a
été
la guerre, qui en est morte en trois jours. Sous sa forme militaire —
115
time de la bombe atomique a été la guerre, qui en
est
morte en trois jours. Sous sa forme militaire — c’était la guerre tou
116
lus qu’à se consacrer aux sports. Que la guerre n’
est
plus leur métier. Et que par conséquent il n’y aura plus de guerre au
117
es ! », nous disaient-ils. Sans doute, mais ce ne
seront
plus les leurs, les « vraies », les héroïques, costumées et casquées,
118
que post-einsteinienne. La question de compétence
est
tranchée sans réplique au détriment définitif des généraux, au bénéfi
119
entiment de vague et vaste frustration. (L’Europe
sera
plus touchée que l’Amérique.) On ne se guérit pas facilement de l’abl
120
» qui firent le principal de notre Histoire ? Tel
est
l’un des problèmes psychologiques que pose au siècle la bipartition d
121
e au siècle la bipartition d’un seul atome. Il en
est
d’autres, dont nous avons parlé abondamment ces derniers jours : les
122
leur seule défense imaginable — et la circulation
sera
dégorgée dans l’invisible stratosphère… Quant aux voyages ? Ils vont
123
du silence. i. Rougemont Denis de, « La guerre
est
morte », Le Figaro, Paris, 5 septembre 1945, p. 1.
124
ses eaux, se nomme aujourd’hui le Lake George et
fut
le Horicon de Fenimore Cooper, le lieu des aventures et de la mort d’
125
is Cooper, lequel notait dans sa préface que tout
était
resté pareil depuis l’époque des Iroquois et des Hurons. Les villages
126
es : Saratoga, Mohawk ou Ticonderoga. Les maisons
sont
presque invisibles, dissimulées à l’ombrage des pins cascadant en dés
127
n’y en a point — mais l’une des vraies — elles le
sont
presque toutes. Entre les pages de l’exemplaire de Cooper trouvé dans
128
e de visite jaunie porte le nom d’un révérend qui
fut
évêque anglican d’Albany. Je connais bien son petit-fils. Roi du pays
129
plupart des maisons riveraines, dont celle où je
suis
, la plus vieille : elle aura cent ans l’an prochain. Mr T… fut jadis
130
vieille : elle aura cent ans l’an prochain. Mr T…
fut
jadis candidat républicain contre Roosevelt pour l’élection au poste
131
l’élection au poste de gouverneur de cet État. Il
est
tanné comme un Indien, juste juge, roublard, riche et pieux. Sa femme
132
ouser un avocat socialiste et sportif. La seconde
est
femme de pasteur. La cadette rêvant d’être actrice, on lui a bâti sur
133
seconde est femme de pasteur. La cadette rêvant d’
être
actrice, on lui a bâti sur le Sommet du Monde un amphithéâtre de pier
134
la guerre. Les deux fils, officiers de marine, se
sont
battus dans le Pacifique. Les disputes politiques, à la table des T…,
135
t pleins d’idées nouvelles. La vie de ce district
est
restée communale, patriarcale et paroissiale, dans la vraie tradition
136
ition républicaine que « ces gens » de Washington
sont
en train de détruire à coups de décrets socialisants, capitalistes et
137
diste. Un curé canadien prêche en français : nous
sommes
ici un peu plus près de Montréal que de New York. L’hôtel se nomme le
138
an dernier restricted, signifiant que les Juifs n’
étaient
pas désirés. Des lois « contre les préjugés de race » ayant passé cet
139
ns l’État, la pancarte porte aujourd’hui : « Nous
sommes
catholiques et protestants. » Les rives, les îles s’ornent de monumen
140
res. Il me semble avoir lu parfois que l’Amérique
est
un pays sans traditions ni religion, où toutes les races se mêlent, o
141
5)k À une heure de New York, à Princeton où je
suis
en train de m’installer, tout respire une paix claustrale. Les bâtime
142
a petite fille. À quoi pense-t-il ? De ce cerveau
est
sortie l’équation qui est en train de bouleverser le monde. Je me la
143
se-t-il ? De ce cerveau est sortie l’équation qui
est
en train de bouleverser le monde. Je me la répète chaque fois que je
144
e chaque fois que je le vois : E = mc2. L’énergie
est
égale au produit de la masse par le carré de la vitesse lumineuse. On
145
a jamais tant dit en si peu de signes. Mais je ne
suis
pas un physicien, et n’ai d’autre spécialité que de réfléchir aux con
146
éfendent-ils tous l’idée que la guerre des bombes
serait
la fin des hommes, et que le seul moyen de l’empêcher est un gouverne
147
in des hommes, et que le seul moyen de l’empêcher
est
un gouvernement mondial. Ils partagent mon avis sur l’inutilité des a
148
service des recherches atomiques à Los Alamos, a
été
interrogé hier par un comité du Sénat. À la question : “Est-il vraise
149
ogé hier par un comité du Sénat. À la question : “
Est
-il vraisemblable qu’un seul raid atomique contre les centres populeux
150
troupes partiront, un tiers de la population aura
été
tué. Pendant le voyage, un autre tiers subira probablement le même so
151
s humain. D’ailleurs l’île qu’ils iront conquérir
sera
déjà réduite en fine poussière, si l’ennemi n’est pas stupide. Suppos
152
era déjà réduite en fine poussière, si l’ennemi n’
est
pas stupide. Supposez encore que la Russie attaque l’Amérique par la
153
ain. Mais dans le cas d’une guerre atomique, il n’
est
pas sûr, ni même probable, que l’agresseur juge bien utile de venir d
154
ruines encore radioactives. De même, si la Russie
est
attaquée par l’Amérique, ou encore si l’une des deux attaque l’Europe
155
Américains pour débarquer en Europe, et leur pays
était
resté à l’abri des bombardements. Même s’il leur faut seulement deux
156
au monde, ait mystérieusement raison ; mais ce n’
est
certainement pas pour les raisons qu’il donne. Et pourquoi n’en pas d
157
lus d’autres secrets que ceux de l’industrie, qui
sont
ceux de la science, qui n’a d’autre désir que de les publier. Je main
158
ir que de les publier. Je maintiens que la guerre
est
morte, la guerre des militaires, la vraie. Parce que nous avons passé
159
r il s’agit d’un problème dont la preuve, si elle
était
jamais administrée, ne pourrait plus intéresser qu’un auditoire brusq
160
e longue torpeur stupéfiée. Le temps de réfléchir
est
revenu. S’il n’y a rien dans le journal, cherchons dans notre tête. N
161
ous y trouverons d’abord une grande question : qu’
est
-il donc sorti de cette guerre ? Quelles nouveautés ? Aucune, réponden
162
t mondial court deux risques principaux : celui d’
être
trop faible pour gouverner effectivement, et celui d’être trop fort p
163
p faible pour gouverner effectivement, et celui d’
être
trop fort pour que survivent les libertés nationales ou régionales. M
164
e arme proportionnée à l’ampleur de sa tâche, qui
est
de faire la police des nations, et d’une arme qui, par nature, serait
165
olice des nations, et d’une arme qui, par nature,
serait
démesurée pour un seul peuple, tandis qu’elle devient effective à l’é
166
ique d’un gouvernement fédéral de la planète nous
sont
apparues simultanément. Elles se proposent à l’esprit avec tant de cl
167
se proposent à l’esprit avec tant de clarté qu’on
est
tenté d’y voir l’indication d’une fatalité : il n’est pas d’autre voi
168
tenté d’y voir l’indication d’une fatalité : il n’
est
pas d’autre voie praticable, la raison nous pousse à la suivre, nous
169
nous devons donc arriver très vite au but… Telles
sont
les perspectives théoriques. L’Histoire n’en a pas connu de plus vast
170
s. Mais l’Histoire nous apprend aussi que l’homme
est
stupide et mauvais, qu’il a peur de voir grand, et qu’il préfère en g
171
sion simple des possibilités d’union mondiale qui
sont
ouvertes désormais, et insister sur le caractère inévitable de cette
172
tôt ou tard elle s’imposera, malgré nous, si ce n’
est
par notre action. Ensuite, il s’agit de combattre les obstacles à cet
173
git de combattre les obstacles à cette union. Ils
sont
dans l’étroitesse de nos esprits, non pas dans la raison, ni dans les
174
nt, cherchant d’un œil anxieux l’Obélisque, qui n’
est
même pas au centre. Faut-il vous donner toute la mesure du désespoir
175
a mesure du désespoir qui fond sur moi dès que je
suis
à Washington ? Je vous avouerai que je m’y réfugie dans les salons. L
176
e avait des salons littéraires. À Washington, ils
sont
tous politiques. Celui dont je sors, qui est l’un des mieux courus, e
177
ils sont tous politiques. Celui dont je sors, qui
est
l’un des mieux courus, est aussi le plus atomique. Parmi les sous-sec
178
elui dont je sors, qui est l’un des mieux courus,
est
aussi le plus atomique. Parmi les sous-secrétaires d’État, les diplom
179
ins de mes collègues ont envisagé l’hypothèse, et
sont
de l’avis qu’elle n’est pas improbable. D’autres, comme moi, pensent
180
envisagé l’hypothèse, et sont de l’avis qu’elle n’
est
pas improbable. D’autres, comme moi, pensent qu’on ne fera sauter que
181
estre, comme si vous peliez une orange. Les dames
étaient
ravies, les hommes pensifs. On eût dit qu’ils réfléchissaient. La con
182
ant se montrait plein d’humour. On n’avait jamais
été
plus plaisant à propos de massacres en masses. Ce que j’aime, dans le
183
st qu’on part quand on veut. À peine sorti, je me
suis
mis à réfléchir, et m’étant égaré comme de coutume, j’ai eu le temps
184
. À peine sorti, je me suis mis à réfléchir, et m’
étant
égaré comme de coutume, j’ai eu le temps de trouver une ou deux concl
185
n de mes hôtes, d’où je vous écris. En fait, nous
sommes
devant l’an mille. Tous les problèmes derniers nous sont posés, dans
186
vant l’an mille. Tous les problèmes derniers nous
sont
posés, dans des termes urgents et concrets. Quel est le sens de la vi
187
posés, dans des termes urgents et concrets. Quel
est
le sens de la vie si elle finit demain ? Qu’est-ce que cette mort de
188
l est le sens de la vie si elle finit demain ? Qu’
est
-ce que cette mort de l’homme causée par son génie ? Pourquoi l’intell
189
dépassent l’imagination — et celui-ci ne saurait
être
dépassé lui-même — n’intéressent ou n’inquiètent que superficiellemen
190
mpagnes. Aucun d’eux ne donnait l’impression de s’
être
battu pour l’idéal démocratique. Ils m’ont demandé le résultat du der
191
ernier match Armée-Marine. Je ne savais pas. Et j’
étais
en civil ! Voilà comment l’arrière trahit ! m. Rougemont Denis de,
192
a question dans les termes où l’on me dit qu’elle
est
posée dans nos pays : Faut-il partir ? (Peut-on partir est une tout a
193
dans nos pays : Faut-il partir ? (Peut-on partir
est
une tout autre affaire.) Il se trouve que j’habite, pour quelques sem
194
ges de l’Amérique et ses défauts, mieux qu’ils ne
sont
en mesure de les imaginer. Cela se discuterait à l’infini. Il n’est q
195
es imaginer. Cela se discuterait à l’infini. Il n’
est
qu’une solution, qui est d’aller voir, et d’essayer le pays comme un
196
uterait à l’infini. Il n’est qu’une solution, qui
est
d’aller voir, et d’essayer le pays comme un nouveau costume. Et je me
197
un nouveau costume. Et je me dis que le problème
est
mal posé. Il ne s’agit ni de « partir » ni de rester, au sens pathéti
198
ces mots. Il s’agit simplement de circuler. Ce n’
est
pas très facile, pratiquement ? Mais partir, ou rester, ne le sont pa
199
ile, pratiquement ? Mais partir, ou rester, ne le
sont
pas non plus, apparemment, puisqu’on pose le problème. Supposez que n
200
nt, puisqu’on pose le problème. Supposez que nous
soyons
libres de circuler à notre guise. Je répondrais sans hésiter : il ne
201
vent pratiquement en mesure de le vivre ? Combien
sont
-ils encore du Moyen Âge, ou du bourgeois et lent xixe siècle ! Serai
202
Moyen Âge, ou du bourgeois et lent xixe siècle !
Serait
-ce manque d’imagination ? Certes, il en faut une dose non ordinaire p
203
n verrait vite que c’est un faux dilemme. Le fait
est
là : nous allons en dix heures de Lisbonne à New York au Pacifique. U
204
de l’humain, une conception de la fidélité qui ne
soit
plus exclusive de la curiosité, un accueil plus ferme et plus souple
205
eil plus ferme et plus souple de la diversité des
êtres
et des coutumes. Aimez votre terre et quittez-la. Quittez-la trois fo
206
à. Mais je m’aperçois aussitôt que ce contraste n’
est
si net qu’entre les opinions que l’on publie. Un Gallup-poll me révèl
207
i dangereux que ça, et qui, maintenant que Hitler
est
abattu, ne pensent qu’à se protéger contre un réveil allemand. Et des
208
e. Et soudain je me demande non sans angoisse : n’
est
-on pas en train de préparer, politiquement, la dernière guerre ? N’es
209
e préparer, politiquement, la dernière guerre ? N’
est
-on pas en train d’adopter l’attitude ferme qu’il eût fallu prendre, e
210
aintenir en dépit des Anglais, de 1919 à 1938 ? N’
est
-on pas en train de bien poser, mais avec toute une guerre de retard,
211
retard, une question qui n’existe plus ? Ou qui s’
est
totalement transformée ? Quand je disais dans mon Journal d’Allemagn
212
leur pensée et tous leurs actes y tendent, et ils
sont
forts ! — beaucoup trouvaient cela désagréable. Certains allèrent jus
213
e je les vois. Un glacis désolé L’Allemagne
était
avant la guerre la plus grande puissance militaire du monde, avec son
214
s 80 millions d’habitants. Aujourd’hui le colosse
est
à terre et deux super-colosses se sont levés, projetant leurs ombres
215
le colosse est à terre et deux super-colosses se
sont
levés, projetant leurs ombres démesurées — l’un de tout près — sur le
216
ière quand il vivait ? Les grands vivants du jour
sont
l’URSS et l’Amérique. Voilà qui modifie radicalement les proportions
217
rai dire, on ne voit plus de conflit. La France n’
est
plus en face d’une Puissance, mais d’un vaste glacis désolé sur leque
218
e retombons pas dans les erreurs anciennes ! Nous
sommes
payés pour les connaître, ces Allemands ! ils vont s’armer de nouveau
219
stoire des vingt dernières années, ils ne peuvent
être
plus rien d’autre que la pointe d’une offensive russe, ou d’une offen
220
répression négative et anachronique, l’Allemagne
est
un danger nouveau bien aussi grave qu’au temps d’Hitler. C’est un enf
221
d’Hitler. C’est un enfer à notre porte. Et rien n’
est
aussi contagieux. Il s’agirait de l’exorciser. Mais l’attitude que je
222
939, au sujet du régime hitlérien. Zurich et Bâle
étaient
sans doute les villes d’Europe qui se sentaient les plus directement
223
me et de ravager l’espace vital qu’avait toujours
été
l’Allemagne pour les savants, les écrivains, les théologiens, les com
224
, cernés par les totalitaires pendant quatre ans,
fut
à la fois si unanime et si astucieusement prudente. On était presque
225
fois si unanime et si astucieusement prudente. On
était
presque à la merci de l’ennemi, mais on le connaissait par l’intérieu
226
e. (Qu’on ne pense pas un instant que la Suisse s’
est
mise à aimer les Allemands !) mais de pitié active, j’entends par là
227
te : Voici un pays abattu comme jamais pays ne le
fut
; voici un peuple qui se réveille du cauchemar d’un bombardement mora
228
r découvrir qu’il n’a plus de gouvernement, qu’il
est
entièrement occupé par quatre armées étrangères, qu’il a perdu un tie
229
res, qu’il a perdu un tiers de son territoire à l’
Est
, qu’il n’a plus de quoi manger et qu’au surplus, loin qu’on le plaign
230
n qu’on le plaigne, on l’accuse formellement de s’
être
rendu coupable du crime le plus énorme de l’Histoire. Une concepti
231
main. Il faut premièrement lui expliquer ce qui s’
est
passé, et lui montrer comment il fut complice des crimes qu’il rejett
232
uer ce qui s’est passé, et lui montrer comment il
fut
complice des crimes qu’il rejette sur Himmler ; ensuite il faut détru
233
Le Figaro, Paris, 30 mai 1946, p. 3. p. Le texte
est
précédé du chapeau suivant : « Notre brillant collaborateur, Denis de
234
ce d’en finir avec la terre (30 juin 1946)q Il
est
des lieux où souffle l’esprit de destruction. Herman Melville, grand
235
tact flétrisseur… Le principal bruit vivant, ici,
est
le sifflement… Les sombres masses vitrifiées, dont un grand nombre s’
236
e peu croyable précision, de Bikini telle qu’elle
sera
demain, après le « sifflement » d’une bombe « plutonienne » qui « réd
237
projetée pour la fin du mois —, mais encore nous
sommes
dans un doute entretenu par nombre de savants quant à leurs effets im
238
-de-marée que le Déluge, en comparaison, n’aurait
été
qu’un bain de pieds. D’autres nous parlent d’une contamination des at
239
… Mais tout cela ne fait peur à personne. Le fait
est
que personne n’a protesté, et la première des expériences est pour de
240
onne n’a protesté, et la première des expériences
est
pour demain. À cette apathie plus qu’étrange de l’opinion et de ses o
241
z le dentiste. La seconde, c’est que la curiosité
est
plus forte que la crainte chez les enfants. Or l’opinion publique est
242
a crainte chez les enfants. Or l’opinion publique
est
un enfant que rien au monde ne saurait empêcher de jouer avec les all
243
se passe quelque chose. Mais la troisième raison
est
la plus remarquable. Si la menace d’un raz-de-marée continental — pou
244
raz-de-marée continental — pour si faibles qu’en
soient
les chances — n’a pas déclenché en retour un raz-de-marée de protesta
245
monde entier, c’est qu’on affirme que l’opération
sera
faite « dans un but militaire ». Ces quatre mots (et cette faute de f
246
la préparation d’une expérience dont l’utilité n’
est
point trop claire, si l’un des risques en est la fin du monde. Person
247
é n’est point trop claire, si l’un des risques en
est
la fin du monde. Personne ne rit, ne ricane, ou ne hurle. Serait-ce q
248
u monde. Personne ne rit, ne ricane, ou ne hurle.
Serait
-ce qu’au fond de nous-mêmes, à l’insu de nous-mêmes, au tréfonds de n
249
s de notre inconscient, la guerre nous plaît ? Il
est
clair que nous jurons tous, sans exception, qu’il n’en est rien. À no
250
que nous jurons tous, sans exception, qu’il n’en
est
rien. À nous en croire, et nous sommes sincères, nous n’aimons vraime
251
n, qu’il n’en est rien. À nous en croire, et nous
sommes
sincères, nous n’aimons vraiment que la paix. La paix nous comble. La
252
parlait depuis des années. Divers moyens avaient
été
proposés ou essayés, tels que la déportation en masse, la destruction
253
ictature, en l’occurrence celle d’un parti qui se
fût
nommé démocratique pour éviter toute confusion. C’était cependant un
254
que l’auteur de cette proposition déconcertante n’
est
pas un vieux routier de la politique. C’est un général : il a gardé l
255
s. Et il a conclu en affirmant qu’« une société n’
est
pas libre tant que ses loyaux citoyens vivent dans la crainte d’être
256
que ses loyaux citoyens vivent dans la crainte d’
être
privés de la vie, de la prospérité et de la poursuite du bonheur » (t
257
ère le plus spécifique d’une démocratie me paraît
être
le droit d’opposition. Et je parle d’une opposition non seulement tol
258
totalitaires. Ces derniers, en effet, quelle que
soit
leur idéologie, se comportent en réalité comme des Églises. L’opposit
259
s Églises. L’opposition aux dogmes d’une Église s’
est
toujours vue qualifiée d’hérésie, et non d’opinion différente. De mêm
260
n. On la punit comme telle et, dans le fait, elle
est
forcée d’agir comme telle. Je sais bien que les Russes n’aiment guère
261
elons donc démocratique un régime où l’opposition
est
libre de jouer son rôle. Appelons ensuite totalitaire un régime où l’
262
« Ne vous conformez pas à ce siècle présent, mais
soyez
transformés », dit saint Paul. La liberté de parole. Si elle ne consi
263
les loups, à réciter les slogans officiels, elle
est
vide. La libération de la misère. Je pense qu’elle s’est rarement pro
264
e. La libération de la misère. Je pense qu’elle s’
est
rarement produite dans les pays où la revendication des miséreux est
265
te dans les pays où la revendication des miséreux
est
étouffée comme subversive, ou qualifiée de sabotage. La libération de
266
sa vache et vit paisiblement. » La carte postale
est
de Victor Hugo et date d’il y a près de cent ans. Aujourd’hui, ce qui
267
epuis cent ans, elle vit paisiblement. Le miracle
est
patent. Va-t-il durer ? La Suisse est-elle une survivance ou bien le
268
Le miracle est patent. Va-t-il durer ? La Suisse
est
-elle une survivance ou bien le signe avant-coureur d’un avenir possib
269
, La Suisse, démocratie-témoin, André Siegfried s’
est
posé la question. Mais il s’est gardé d’y répondre, ou plutôt n’y rép
270
André Siegfried s’est posé la question. Mais il s’
est
gardé d’y répondre, ou plutôt n’y répond que par la bande, la bande r
271
e : « C’est une grande folie de croire qu’on peut
être
sage tout seul. » (La Rochefoucauld) Maxime qui n’est pas aussi clair
272
sage tout seul. » (La Rochefoucauld) Maxime qui n’
est
pas aussi claire qu’il y paraît à première vue. M. Siegfried n’a pas
273
e formule. Il nous montre la Suisse telle qu’elle
est
: prospère, mécanisée, démocrate à l’extrême (beaucoup plus en fait q
274
d’importance inégale elles aussi. (Et tout cela n’
est
rien encore, car les frontières de ces États et de ces religions, ou
275
ture a privé de matières premières et dont le sol
est
en partie stérile, mais qui parvient à exporter près du tiers de sa p
276
enfin, un jeu d’institutions dont la complexité s’
est
révélée pratique, parce qu’elle sert les diversités au lieu de préten
277
au lieu de prétendre à les réduire. M. Siegfried
est
, je crois bien, le seul auteur non suisse qui soit allé si loin dans
278
est, je crois bien, le seul auteur non suisse qui
soit
allé si loin dans l’analyse des variétés de l’expérience fédérale, sa
279
qui en chérissent toutes les nuances. Sa prudence
est
d’ailleurs égale aux périls qu’il affronte à chaque pas, écoutez-le :
280
Je me garderai bien de dire que certains cantons
sont
moins authentiquement suisses que d’autres, mais peut-être pourrait-o
281
is peut-être pourrait-on suggérer que certains le
sont
davantage… » Personne n’a mieux marqué les différences entre le Suiss
282
ne administration bien entendue, dont le seul but
est
d’assurer aux hommes plus de bien-être et d’avantages sociaux. En som
283
ré Siegfried n’adresse d’autre critique — si c’en
est
une — que d’avoir résolu ses problèmes par des moyens valables pour e
284
Dans le monde où nous vivons, semble-t-il dire, n’
est
-il pas fou d’être aussi sage ? On en revient à la maxime du moraliste
285
nous vivons, semble-t-il dire, n’est-il pas fou d’
être
aussi sage ? On en revient à la maxime du moraliste. Je voudrais en d
286
s en déduire des conclusions qu’André Siegfried s’
est
interdit de suggérer. Influencé, pourrait-on croire, par l’objet de s
287
me permette ici de jouer le rôle du Français. Il
est
fou d’être sage tout seul, mais non moins fou de renoncer à cette sag
288
te ici de jouer le rôle du Français. Il est fou d’
être
sage tout seul, mais non moins fou de renoncer à cette sagesse parce
289
école. En d’autres termes si l’Europe continue d’
être
folle à l’unanimité, la Suisse est perdue sans nul doute. Mais l’Euro
290
pe continue d’être folle à l’unanimité, la Suisse
est
perdue sans nul doute. Mais l’Europe aussi sera perdue. Or je crois q
291
se est perdue sans nul doute. Mais l’Europe aussi
sera
perdue. Or je crois qu’elle peut être sauvée d’une balkanisation pres
292
urope aussi sera perdue. Or je crois qu’elle peut
être
sauvée d’une balkanisation presque fatale si elle accepte de s’helvét
293
pte de s’helvétiser. Dans ce cas, la Suisse aussi
serait
sauvée. Le dilemme suisse est donc : mission ou démission. M. Siegfr
294
la Suisse aussi serait sauvée. Le dilemme suisse
est
donc : mission ou démission. M. Siegfried pense que la sagesse suiss
295
n. M. Siegfried pense que la sagesse suisse, qui
est
le bon sens fédéraliste, n’est pas objet d’exportation, n’a pas de va
296
agesse suisse, qui est le bon sens fédéraliste, n’
est
pas objet d’exportation, n’a pas de valeur universelle. C’est ce que
297
l’on admire leur solution. Certes, le fédéralisme
est
le contraire d’un système. Ce n’est pas une structure abstraite et gé
298
e fédéralisme est le contraire d’un système. Ce n’
est
pas une structure abstraite et géométrique, ce n’est pas un poncif à
299
pas une structure abstraite et géométrique, ce n’
est
pas un poncif à transporter. Mais il ne va pas sans principes, et ceu
300
incipes, et ceux-ci m’apparaissent susceptibles d’
être
appliqués à l’échelle de l’Europe, mutatis mutandis bien entendu : c’
301
y retrouvent. Les cantons disent : nos industries
seront
ruinées si nous supprimons les péages. On les supprime : c’est la pro
302
c’est la prospérité. Les minorités disent : nous
serons
écrasés si l’on admet un pouvoir fédéral. On l’admet, et ces minorité
303
un rôle de premier plan. L’Europe du xxe siècle
est
l’image agrandie de la Suisse à la veille de sa fédération. En plus t
304
fédération. En plus tragique, bien sûr. L’urgence
est
donc plus grande. Mais les problèmes sont analogues, et l’attente des
305
’urgence est donc plus grande. Mais les problèmes
sont
analogues, et l’attente des peuples est la même. « Oui, l’idée d’une
306
roblèmes sont analogues, et l’attente des peuples
est
la même. « Oui, l’idée d’une commune patrie ne nous est plus étrangèr
307
même. « Oui, l’idée d’une commune patrie ne nous
est
plus étrangère ! s’écriait l’un des précurseurs de la Constitution de
308
s’avouent tels) et les sceptiques (dont l’espèce
est
courante) ne peuvent pourtant pas nier l’existence de la Suisse. C’es
309
« Nous ne
sommes
pas des esclaves ! » (25 juin 1953)t « Ils ont tiré ! Ils tirent s
310
es européennes, le cri de douleur des faubourgs s’
est
propagé dans les avenues lugubres de Berlin, entre leurs façades sur
311
assembler, sans armes, pour proclamer : « Nous ne
sommes
pas des esclaves ! » Ainsi, les Soviétiques ont perpétré le premier m
312
la foule qui marchait vers le Palais d’Hiver. Ce
sont
les descendants des ouvriers d’alors, ce sont leurs petits-fils en un
313
Ce sont les descendants des ouvriers d’alors, ce
sont
leurs petits-fils en uniforme, passés aux ordres du Kremlin, qui ont
314
ront dans leurs livres d’histoire. Cette phrase a
été
dite, une fois pour toutes. Elle n’est pas mensongère, elle est gagée
315
e phrase a été dite, une fois pour toutes. Elle n’
est
pas mensongère, elle est gagée sur des centaines de morts et de bless
316
fois pour toutes. Elle n’est pas mensongère, elle
est
gagée sur des centaines de morts et de blessés. Étant dite, et de cet
317
t gagée sur des centaines de morts et de blessés.
Étant
dite, et de cette manière, non par certains pour les besoins d’une po
318
ue l’on n’éteindra plus : la tyrannie totalitaire
est
un crime contre l’homme et ses jours, désormais, sont comptés. L’insu
319
un crime contre l’homme et ses jours, désormais,
sont
comptés. L’insurrection de toutes les villes de la zone Est, bien qu’
320
s. L’insurrection de toutes les villes de la zone
Est
, bien qu’écrasée dans le sang, marque la fin d’une ère : celle du myt
321
le parti communiste a forcément raison, puisqu’il
est
le parti des travailleurs ! On savait qu’il était le parti qui avait
322
l est le parti des travailleurs ! On savait qu’il
était
le parti qui avait supprimé le droit de grève, sous l’impudent prétex
323
l’occasion de s’en servir… On savait aussi qu’il
était
le parti du travail forcé, celui qui venait de « réaliser », par les
324
mme. C’était ignoble, et nous voyons bien pis. Il
était
réservé au régime communiste de faire ce métier-là au nom des ouvrier
325
des ouvriers — d’ajouter l’imposture au crime. Il
était
réservé au régime communiste d’aggraver d’un contrôle policier la con
326
choses pires que la pire injustice : la première
serait
d’excuser le péché des bourgeois par celui des Soviets ; mais la seco
327
t les provocateurs. Qui ne voit aujourd’hui quels
furent
à Berlin-Est ces « provocateurs étrangers » que dénonce rageusement G
328
que dénonce rageusement Grotewohl ? Pouvaient-ils
être
« en uniforme américain » au milieu du secteur soviétique, comme l’on
329
ue les communistes ? Pouvaient-ils pratiquement n’
être
pas Russes ou à la solde de Moscou ? On demande aux ouvriers de les d
330
ait avec éclat le 17 juin ! En criant : « Nous ne
sommes
pas des esclaves ! » les ouvriers de Berlin ont rétabli d’un coup la
331
onfirmé en ouvrant le feu. L’imposture communiste
est
devenue manifeste. Il ne reste à ses partisans, dans nos démocraties,
332
randebourg, le vieux chant populaire socialiste s’
est
fait entendre pour la première fois depuis vingt ans de silence, ving
333
ble vers la liberté ! » Mais rien de tout cela ne
sera
plus effacé. Rien ne peut plus faire que les héros de Berlin soient m
334
. Rien ne peut plus faire que les héros de Berlin
soient
morts en vain. Aux jours les plus découragés de l’Occident, ils ont f
335
à Berlin, surgissant d’un peuple écrasé. Et ce n’
est
pas l’Europe des marchandages entre nations qui entendent chacune rec
336
urope qui crée son avenir et justifie sa raison d’
être
par des hommes qui se sacrifient au service de la Liberté. t. Roug
337
la Liberté. t. Rougemont Denis de, « “Nous ne
sommes
pas des esclaves !” », Le Figaro, Paris, 25 juin 1953, p. 1 et 12.