1 1939, Le Figaro, articles (1939–1953). L’ère des religions (22 février 1939)
1 L’ère des religions (22 février 1939) a La nouvelle de la mort du pape a répandu bien au-delà des frontièr
2 février 1939)a La nouvelle de la mort du pape a répandu bien au-delà des frontières du catholicisme une émotion dont
3 ècle des Lumières, puis le siècle individualiste, ont relâché et parfois même dissout les liens « sacrés » du corps social.
4 liens « sacrés » du corps social. Le xixe siècle a vu la décadence des formes, conventions, cérémonies et lieux communs
5 onale-socialiste. L’effrayant, c’est qu’il n’y en a pas. Il n’y a rien que des masses qui se ressentent comme telles, à l
6 te. L’effrayant, c’est qu’il n’y en a pas. Il n’y a rien que des masses qui se ressentent comme telles, à la faveur d’un
7 vieilles sont passées », dit saint Paul, « il n’y a plus ni Juif ni Grec, et tu es mon frère en la cité nouvelle si tu pa
8 n ennemi… » Mais le national-socialisme se trouve avoir donné le type d’une communauté régressive, fondée sur les seules chos
9 les seules choses révolues, sur tout ce que l’on a derrière soi et qui ne peut plus être changé : le sang, la race, la t
10 e : on ne peut même pas s’y convertir ! Si l’on n’ a pas le même passé, l’on ne pourra jamais y entrer — si l’on n’est pas
11 nce, cette conversion à partir de laquelle il n’y a plus ni Juifs ni Grecs aux yeux de l’esprit. Elle ne demande pas : qu
12 . Ère nouvelle pour les chrétiens qui pensaient n’ avoir plus à redouter que l’incroyance et l’inertie. Peut-être vont-ils déc
13 aintenant se pose à nous aussi. Car si d’autres y ont mal répondu — les communistes et les fascistes — nous ne pourrons pas
14 tiquant simplement leurs erreurs. Il est facile d’ avoir raison de loin ; plus difficile de découvrir une voie meilleure où l’
15 lleure où l’on soit prêt à se risquer soi-même. a . Rougemont Denis de, « L’ère des religions », Le Figaro, Paris, 22 f
2 1939, Le Figaro, articles (1939–1953). Le bon vieux temps présent (20 mars 1939)
16 ieux temps présent (20 mars 1939)b « Le Führer a passé la nuit au Hradschin. » Après Vienne, avec Prague, c’est une Eu
17 du sentiment, patrie de nostalgie de tous ceux qu’ a touchés le romantisme — encore un paradis perdu ! Mais les vrais para
18 dans la légende, si loin que nul, en vérité, ne l’ avait vu. Mais déjà, pour beaucoup d’entre nous, ce fut simplement l’avant-
19 européen. Jours de sursis d’une liberté dont nous avions à peine conscience, parce qu’elle était notre manière toute naturelle
20 uceur de vivre ? Déjà nous éprouvons que le monde a glissé dans une ère étrange et brutale, où ces formes de vie, qui son
21 on l’usurpateur du Hradschin. Et dès lors qu’il l’ a mis en question, et qu’il nous force au « réalisme » à sa manière, le
3 1939, Le Figaro, articles (1939–1953). Directeurs d’inconscience (11 avril 1939)
22 ment notre morale. Au lieu d’une discipline, nous avons vingt tyrans qui nous poussent à hue et à dia. Au lieu d’un directeur
23 dresser et nous cingler de grosses ironies. Nous avons perdu le sens de la grandeur, nous n’avons plus de buts communs ? Ils
24 . Nous avons perdu le sens de la grandeur, nous n’ avons plus de buts communs ? Ils vont nous rendre tout cela en nous rendant
25 tes consciences anarchiques pour lesquelles ils n’ ont que mépris. Ce qu’ils veulent diriger, ce sont nos lourds instincts,
4 1939, Le Figaro, articles (1939–1953). Une simple question de mots (24 avril 1939)
26 on devient parfois si difficile entre un pays qui a fait une révolution et ses voisins qui en ont fait d’autres, ou qui n
27 s qui a fait une révolution et ses voisins qui en ont fait d’autres, ou qui n’en ont pas fait depuis longtemps. La fameuse
28 ses voisins qui en ont fait d’autres, ou qui n’en ont pas fait depuis longtemps. La fameuse « incompréhension » que l’on ob
29 sés, à cause du pathos jacobin dont les Allemands avaient souffert pendant l’Empire. Cette « liberté » qu’apportaient les Franç
30 s coutumes germaniques. Alors parut M. Hitler. Il a fallu cinq ou six ans pour déchiffrer la clé de son langage. Les réce
31 r la clé de son langage. Les récents événements y ont beaucoup aidé. Aujourd’hui je crois pouvoir dire que le système est a
32 signifiera : envahir un pays à dix contre un sans avoir à tirer un obus. La presse italienne, dans son ardeur de néophyte, ve
33 e deux parties adverses. C’est dans ce sens que j’ avais essayé d’être « juste » vis-à-vis de l’Allemagne dans un petit ouvrag
34 igne. Quant à l’espace vital des dictatures, on n’ aura pas été sans remarquer que sa qualité la plus frappante est l’élastic
5 1939, Le Figaro, articles (1939–1953). « Le matin vient, et la nuit aussi » (7 juin 1939)
35 ste et salutaire de la considérer dans ce qu’elle a d’unique, dans sa réalité qui nous met, en question, n’oublions pas q
36 oins qui osaient la vivre avec lucidité. L’Europe a connu des paniques et des nuits plus terribles que les nôtres, au len
37 expression… Oui, de tout temps, le sort du monde a été quasiment désespéré. Seulement, maintenant, cela se sait. Voilà l
38 ille d’être vécue. Les générations d’avant-guerre eurent sans doute l’existence plus facile, mais de quel prix spirituel ont-e
39 xistence plus facile, mais de quel prix spirituel ont -elles payé l’illusion du Progrès ? Je songe à la colombe de Kantf qui
6 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Le mensonge allemand (16 août 1945)
40 prit. Puis s’étant excepté de la commune sottise, ayant sauvé l’honneur pour ainsi dire, et donné à tout son discours un cach
41 ar le ridicule ; quand on les tue. Dirai-je que j’ ai de bons amis antisémites ? Au fait, je ne voulais pas parler du peupl
42 dans un roman intitulé Appartements d’Athènes (l’ a-t -on publié en français ?). Nous avons en commun, d’autre part, quelque
43 s d’Athènes (l’a-t-on publié en français ?). Nous avons en commun, d’autre part, quelques très bons amis allemands réfugiés à
44 par d’écrasantes majorités ? Il doit donc bien y avoir des nazis en Allemagne et même en assez grande quantité… Le porte-par
45 se le vrai problème. Ce n’est pas d’hier que je l’ ai observé : les Allemands ne mentent pas comme nous. Et c’est un fait f
46 s changent d’avis par « intérêt vital », que tout a changé dans le monde. Les critères mêmes du vrai sont modifiés. Mente
47 la nouvelle vérité germanique, car le droit, leur a-t -on enseigné, c’est « ce qui sert le peuple allemand ». Plan d’éducati
48 ctive de quelques mots. Responsable est celui qui a tiré le premier. Battu, celui qui touche des deux épaules et se met à
7 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Un climat tempéré (22 août 1945)
49 ls jouissent est le climat normal de l’homme. Ils ont raison, s’ils n’oublient pas toutefois que ce climat « normal », sur
50 mission universelle. Pendant des siècles, l’homme a pu y consacrer son ingéniosité à faire des arts, des armes et des loi
8 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). La guerre est morte (5 septembre 1945)
51 5)i La principale victime de la bombe atomique a été la guerre, qui en est morte en trois jours. Sous sa forme militai
52 e militaire — c’était la guerre tout court — elle a moins de chances de renaître et moins d’avenir que les ordres de chev
53 nir végétariens. Mais je dis que les militaires n’ ont plus qu’à se consacrer aux sports. Que la guerre n’est plus leur méti
54 st plus leur métier. Et que par conséquent il n’y aura plus de guerre au sens classique et multimillénaire du mot. « Il y au
55 faut en prendre son parti : l’ère des militaires a pris fin le 6 août à Hiroshima. L’arithmétique élémentaire qui suffis
56 es bataillons, des trajectoires et des vitesses d’ avions , fait place aux raffinements ultramathématiques de la physique post-e
57 ons de corps, le génie du poker et la cravache, n’ ont pas d’emploi dans les laboratoires. Les capitaines au grand cœur et l
58 légère. N’insistons pas : l’appareil militaire qu’ ont chanté les Déroulède de tous les temps, appartient en principe aux mu
59 on d’un seul atome. Il en est d’autres, dont nous avons parlé abondamment ces derniers jours : les maisons à hélicoptères von
9 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Le dernier des Mohicans (11 octobre 1945)
60 ’Œil de faucon et du dernier des Mohicans. Rien n’ a changé dans le paysage depuis Cooper, lequel notait dans sa préface q
61 ue de mon enfance. Non point la vraie — il n’y en a point — mais l’une des vraies — elles le sont presque toutes. Entre l
62 es, dont celle où je suis, la plus vieille : elle aura cent ans l’an prochain. Mr T… fut jadis candidat républicain contre R
63 e des milliers de poulets dans un domaine qu’elle a nommé le « Sommet du Monde », parce qu’il s’étend sur une colline dom
64 pasteur. La cadette rêvant d’être actrice, on lui a bâti sur le Sommet du Monde un amphithéâtre de pierre où les amateurs
65 désirés. Des lois « contre les préjugés de race » ayant passé cet hiver dans l’État, la pancarte porte aujourd’hui : « Nous s
66 morale, de ses préjugés séculaires. Il me semble avoir lu parfois que l’Amérique est un pays sans traditions ni religion, où
67 ux de l’éternel dernier des Mohicans ! Vaincu, il a conquis l’âme des pionniers et gouverne par elle une Amérique secrète
10 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Le savant et le général (8 novembre 1945)
68 ue vivent et pensent quelques-uns des esprits qui auront le plus contribué à transformer la condition du siècle. Hier soir, au
69 néma, un hello derrière moi, c’était N., l’un des as du très petit groupe de mathématiciens et de physiciens qui a mis au
70 tit groupe de mathématiciens et de physiciens qui a mis au point la bombe atomique. Tout à l’heure, devant ma fenêtre, un
71 masse par le carré de la vitesse lumineuse. On n’ a jamais tant dit en si peu de signes. Mais je ne suis pas un physicien
72 de signes. Mais je ne suis pas un physicien, et n’ ai d’autre spécialité que de réfléchir aux conséquences générales des dé
73 savants domine tout. Leur mauvaise conscience les a rendus prudents et sages. Ils se sentent accusés sourdement d’avoir c
74 nts et sages. Ils se sentent accusés sourdement d’ avoir causé trois-cent-mille morts et créé une menace planétaire. Aussi déf
75 t que les conditions fondamentales de la guerre n’ ont pas changé davantage qu’elles ne le firent lors de l’invention de la
76 du service des recherches atomiques à Los Alamos, a été interrogé hier par un comité du Sénat. À la question : “Est-il vr
77 uisse tuer 40 millions d’Américains ?”, le savant a répondu : “Je crains que oui.” » Or ceci tue cela, me semble-t-il. Si
78 ris Alexandre », je pense que le général Marshall a tort, si le docteur Oppenheimer a raison. Mettons-nous dans la situat
79 énéral Marshall a tort, si le docteur Oppenheimer a raison. Mettons-nous dans la situation. Pour transporter l’infanterie
80 ces troupes partiront, un tiers de la population aura été tué. Pendant le voyage, un autre tiers subira probablement le mêm
81 inons le moral de ces soldats. Ils sauront qu’ils ont peu de chances de recevoir des renforts et des munitions de leur pays
82 qu’à moitié détruit. Ils verront que la guerre n’ a plus de sens humain. D’ailleurs l’île qu’ils iront conquérir sera déj
83 les conditions dans lesquelles il s’ébranlera. Il a fallu deux ans aux Américains pour débarquer en Europe, et leur pays
84 rop tard. Il se peut que le général Marshall, qui a su tout cela mieux que personne au monde, ait mystérieusement raison 
85 , qui a su tout cela mieux que personne au monde, ait mystérieusement raison ; mais ce n’est certainement pas pour les rais
86 donner d’autres, si elles existent ? La guerre n’ a plus d’autres secrets que ceux de l’industrie, qui sont ceux de la sc
87 e l’industrie, qui sont ceux de la science, qui n’ a d’autre désir que de les publier. Je maintiens que la guerre est mort
88 a guerre des militaires, la vraie. Parce que nous avons passé l’âge des guerres considérées comme jeux réglés. Si l’un des pa
89 essieurs les Anglais, tirez les premiers ! il n’y aurait plus personne pour tirer en second, et retourner le feu, comme on dis
90 u, comme on disait naguère. Le général Marshall l’ aurait -il oublié, lorsqu’il parle tout tranquillement d’« un processus qui s
11 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Les résultats de la guerre (21 décembre 1945)
91 es mois, les grandes manchettes sur huit colonnes ont disparu de la première page des journaux américains. Libéré de la pre
92 éfiée. Le temps de réfléchir est revenu. S’il n’y a rien dans le journal, cherchons dans notre tête. Nous y trouverons d’
93 riomphe d’un régime. Une idée. Et une arme. (Je n’ ai guère parlé que de ces trois sujets dans mes chroniques précédentes.)
94 sont les perspectives théoriques. L’Histoire n’en a pas connu de plus vastes, ni de plus pacifiantes. Mais l’Histoire nou
95 d aussi que l’homme est stupide et mauvais, qu’il a peur de voir grand, et qu’il préfère en général ses vieux litiges loc
12 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Un salon atomique (26 décembre 1945)
96 qui ne fait partie d’aucun des États de l’Union m’ a toujours paru peu réelle : c’est comme une ville d’exposition qu’on a
97 réelle : c’est comme une ville d’exposition qu’on aurait décidé de ne pas détruire. Je m’y perds régulièrement, cherchant d’un
98 erai que je m’y réfugie dans les salons. L’Europe avait des salons littéraires. À Washington, ils sont tous politiques. Celui
99 taires d’État, les diplomates et les virtuoses, j’ ai trouvé deux ou trois prix Nobel, très entourés. — Une campagne atomiq
100 est qu’on croyait alors, me dit le savant. Nous n’ avons devant nous que des faits mesurables. Et cela tue l’imagination. — Pe
101 re ? — Cela se discute… Certains de mes collègues ont envisagé l’hypothèse, et sont de l’avis qu’elle n’est pas improbable.
102 Les dames étaient ravies, les hommes pensifs. On eût dit qu’ils réfléchissaient. La conversation devint générale. Le savan
103 érale. Le savant se montrait plein d’humour. On n’ avait jamais été plus plaisant à propos de massacres en masses. Ce que j’ai
104 à réfléchir, et m’étant égaré comme de coutume, j’ ai eu le temps de trouver une ou deux conclusions avant la maison de mes
105 éfléchir, et m’étant égaré comme de coutume, j’ai eu le temps de trouver une ou deux conclusions avant la maison de mes hô
106 la foi des anciens temps redoutait une fin qui l’ eût pourtant jetée dans l’Éternel ? J’arpentais des avenues interminables
107 l’humanité, dont les chefs d’État parlent tant… J’ ai fini par trouver une place dans un taxi. Trois militaires, rentrant d
108 de s’être battu pour l’idéal démocratique. Ils m’ ont demandé le résultat du dernier match Armée-Marine. Je ne savais pas.
13 1946, Le Figaro, articles (1939–1953). Pour la suppression des visas (23 avril 1946)
109 en tirer par une réplique, même de bon sens, et j’ ai quelques raisons de prendre la France plus au sérieux, plus au tragiq
110 e siècle, en tenant compte des réalités que nous avons créées ou laissé s’imposer ; de la rapidité des transports, par exemp
111 e qui change beaucoup plus vite que Jules Verne n’ a pu le rêver. C’est cela, et c’est aussi le cauchemar des visas. Si ce
112 ontinent comme on part en week-end. Le mot partir a donc changé de sens. Il a perdu son aura dramatique. Plus question de
113 week-end. Le mot partir a donc changé de sens. Il a perdu son aura dramatique. Plus question de couper les ponts, de brûl
114 mot partir a donc changé de sens. Il a perdu son aura dramatique. Plus question de couper les ponts, de brûler ses pénates,
115 n billet d’aller et retour. La poésie des voyages a vécu, la tragédie des départs a vécu. Mais ce qui naît, ce qui peut n
116 oésie des voyages a vécu, la tragédie des départs a vécu. Mais ce qui naît, ce qui peut naître parmi nous, c’est un amour
117 e tampons ? Comment peut-on les justifier ? Ils n’ ont pas arrêté un seul espion, tout en causant la perte de milliers d’inn
14 1946, Le Figaro, articles (1939–1953). Les nouveaux aspects du problème allemand (30 mai 1946)
118 lemand. Et des Suisses, dont le sens démocratique a toujours violemment répugné à la lâcheté civique de l’Allemand autant
119 -on pas en train d’adopter l’attitude ferme qu’il eût fallu prendre, et maintenir en dépit des Anglais, de 1919 à 1938 ? N’
120 d’Hitler, au lieu d’en rire et de répéter qu’il n’ avait pas l’appui des masses prolétariennes. C’était en 1938… Aujourd’hui,
121 ait en 1938… Aujourd’hui, les données du problème ont changé. Trouvera-t-on de nouveau désagréable que j’attire l’attention
122 trembler devant le fantôme d’un empire que l’on n’ avait pas su redouter de la bonne manière quand il vivait ? Les grands viva
123 nge et se cherchent les deux grandes ombres que j’ ai dites. Considérons dans cette perspective les craintes de ceux qui vo
124 nt même l’eau froide. Supposons dans ce cas qu’il ait raison. Supposons une Allemagne réarmée, dans ses limites rétrécies e
125 aquer la France. Même forts, même réarmés, même n’ ayant rien appris, et justifiant les pires méfiances qu’inspire l’histoire
126 rer le germanisme et de ravager l’espace vital qu’ avait toujours été l’Allemagne pour les savants, les écrivains, les théolog
127 active Aujourd’hui, je découvre qu’à la haine a succédé chez les meilleurs et les mieux informés un élan de pitié. No
128 nt moral, politique et physique dont chaque phase a duré quatre ans. Il remonte des abris, dans les ruines de ses villes,
129 les ruines de ses villes, pour découvrir qu’il n’ a plus de gouvernement, qu’il est entièrement occupé par quatre armées
130 rement occupé par quatre armées étrangères, qu’il a perdu un tiers de son territoire à l’Est, qu’il n’a plus de quoi mang
131 perdu un tiers de son territoire à l’Est, qu’il n’ a plus de quoi manger et qu’au surplus, loin qu’on le plaigne, on l’acc
132 e pressens que l’exercice de la seconde méthode n’ aurait pas seulement pour effet de rendre à l’Europe une nation, mais aussi
133 Notre brillant collaborateur, Denis de Rougemont, avait publié avant la guerre de prophétiques études sur l’Allemagne hitléri
134 nt, avec un œil neuf, regarder l’Europe. Nous lui avons demandé ses impressions sur l’Allemagne d’aujourd’hui. De Suisse, son
15 1946, Le Figaro, articles (1939–1953). Demain la bombe, ou une chance d’en finir avec la terre (30 juin 1946)
135 l y a près de trois quarts de siècle que Melville eut cette vision prophétique, et d’une peu croyable précision, de Bikini
136 eaux de guerre et les cochons en uniforme qu’on y a mis en place d’équipages. Opération-carrefour vraiment. Carrefour de
137 imensions continentales. Un physicien de New York a cru de son devoir d’avertir son gouvernement que l’évaporation instan
138 tel raz-de-marée que le Déluge, en comparaison, n’ aurait été qu’un bain de pieds. D’autres nous parlent d’une contamination de
139 e dans les pays les plus lointains, aveuglant les avions , affolant les boussoles, rendant chauve ou stérile, rongeant les moel
140 fait peur à personne. Le fait est que personne n’ a protesté, et la première des expériences est pour demain. À cette apa
141 al — pour si faibles qu’en soient les chances — n’ a pas déclenché en retour un raz-de-marée de protestations dans le mond
142 i tôle ni murmures. Le sérieux le plus méthodique a présidé à la préparation d’une expérience dont l’utilité n’est point
143 ne nous ennuie jamais... Si c’était vrai, il n’y aurait pas de guerres. (Je ne parle pas de tel ou tel pays, mais de l’ensemb
16 1947, Le Figaro, articles (1939–1953). Le droit d’opposition (3 avril 1947)
144 e. On en parlait depuis des années. Divers moyens avaient été proposés ou essayés, tels que la déportation en masse, la destruc
145 ux routier de la politique. C’est un général : il a gardé le réflexe de désigner nettement l’objectif. Et c’est un Améric
146 ate pas la question nègre. Et, sur ce point, elle a beau jeu. Car il faut bien avouer que certains problèmes collectifs,
147 ans une démocratie… Le secrétaire d’État Marshall a proposé une sorte de credo démocratique, exigeant une presse libre, d
148 s élections libres et des syndicats libres. Et il a conclu en affirmant qu’« une société n’est pas libre tant que ses loy
149 appelle totalitaires, mais je vois aussi qu’ils n’ ont jamais eu le sens de l’opposition organique. L’autorité suprême de le
150 alitaires, mais je vois aussi qu’ils n’ont jamais eu le sens de l’opposition organique. L’autorité suprême de leur Église
151 t au nom d’une doctrine semblable que les Soviets ont exigé le veto dans tous les cas où l’unanimité ne pourrait pas s’étab
17 1948, Le Figaro, articles (1939–1953). Sagesse et folie de la Suisse (13 octobre 1948)
152 ire qu’il y paraît à première vue. M. Siegfried n’ a pas collectionné des impressions. Il raisonne sur l’irréfutable. Il j
153 binaisons !) Il nous décrit un pays que la Nature a privé de matières premières et dont le sol est en partie stérile, mai
154 érer que certains le sont davantage… » Personne n’ a mieux marqué les différences entre le Suisse alémanique et le Suisse
155 romand, entre celui-ci et le Français. Personne n’ a mieux montré pourquoi la politique se confond, chez ce peuple insolit
156 dresse d’autre critique — si c’en est une — que d’ avoir résolu ses problèmes par des moyens valables pour elle seule. Dans le
157 ens fédéraliste, n’est pas objet d’exportation, n’ a pas de valeur universelle. C’est ce que pensent encore trop de Suisse
158 c’est une des gloires de ces temps que cette idée ait acquis plus de netteté, ce sentiment plus d’énergie. » Les adversaire
18 1953, Le Figaro, articles (1939–1953). « Nous ne sommes pas des esclaves ! » (25 juin 1953)
159 mes pas des esclaves ! » (25 juin 1953)t « Ils ont tiré ! Ils tirent sur les ouvriers ! » Le vieux cri de douleur des vi
160 viétiques, l’Armée rouge, la police « populaire » ont tiré sur les ouvriers qui avaient osé se rassembler, sans armes, pour
161 olice « populaire » ont tiré sur les ouvriers qui avaient osé se rassembler, sans armes, pour proclamer : « Nous ne sommes pas
162 ommes pas des esclaves ! » Ainsi, les Soviétiques ont perpétré le premier massacre de grévistes que l’Europe ait connu depu
163 tré le premier massacre de grévistes que l’Europe ait connu depuis 1905 ; depuis ce Dimanche Rouge, où le tsar fit tirer su
164 ls en uniforme, passés aux ordres du Kremlin, qui ont tiré sur leurs camarades, les ouvriers sans armes de la Staline-Allee
165 armes de la Staline-Allee. Les tanks soviétiques ont tiré sur la foule ouvrière. Cette phrase qu’on n’a pas lue dans la pr
166 tiré sur la foule ouvrière. Cette phrase qu’on n’ a pas lue dans la presse communiste, nos enfants la liront dans leurs l
167 liront dans leurs livres d’histoire. Cette phrase a été dite, une fois pour toutes. Elle n’est pas mensongère, elle est g
168 rts, en bleus de travail, que le parti communiste a forcément raison, puisqu’il est le parti des travailleurs ! On savait
169 travailleurs ! On savait qu’il était le parti qui avait supprimé le droit de grève, sous l’impudent prétexte qu’en régime soc
170 t prétexte qu’en régime socialiste les ouvriers n’ auraient plus l’occasion de s’en servir… On savait aussi qu’il était le parti
171 de la Volga au Don. Mais les journées de Berlin l’ ont démasqué comme le parti de la répression sanglante et de la déportati
172 e le répéter ou jamais : d’autres que les Soviets ont tiré sur la foule des prolétaires revendiquant leur droit de vivre. D
173 eur droit de vivre. D’autres massacres d’ouvriers ont sali notre Histoire depuis le xviiie siècle. Au nom de l’Ordre et de
174 duction, les policiers de toutes nos bourgeoisies ont tué des travailleurs qui, eux, se révoltaient au nom de la Liberté et
175 s par celui des Soviets ; mais la seconde, nous l’ avons sous les yeux, consiste à s’emparer de la cause ouvrière, à se parer
176 e son nom, pour l’écraser ensuite, une fois qu’on a le Pouvoir, en répétant ses vieux mots d’ordre d’unité, d’amélioratio
177 ricain » au milieu du secteur soviétique, comme l’ ont écrit dans leur panique les communistes ? Pouvaient-ils pratiquement
178 demande aux ouvriers de les dénoncer. Mais ils l’ ont fait avec éclat le 17 juin ! En criant : « Nous ne sommes pas des esc
179 ommes pas des esclaves ! » les ouvriers de Berlin ont rétabli d’un coup la vérité profonde de toute la situation, une vérit
180 des pays satellites et de l’URSS, et les tyrans l’ ont confirmé en ouvrant le feu. L’imposture communiste est devenue manife
181 Aux jours les plus découragés de l’Occident, ils ont fait renaître l’espoir. Le sursaut de l’Europe nouvelle, on vient de