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ions (22 février 1939)a La nouvelle de la mort
du
pape a répandu bien au-delà des frontières du catholicisme une émotio
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ort du pape a répandu bien au-delà des frontières
du
catholicisme une émotion dont chacun sent l’arrière-pensée, l’arrière
3
s et de leur périlleux ajustement, que l’histoire
du
réveil des religions au terme de l’ère rationaliste. Ce n’est pas le
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âché et parfois même dissout les liens « sacrés »
du
corps social. Le xixe siècle a vu la décadence des formes, conventio
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mande seulement : quels sont tes morts ? Religion
du
sol et du sang, religion sanglante et mortelle, religion des choses v
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ement : quels sont tes morts ? Religion du sol et
du
sang, religion sanglante et mortelle, religion des choses vieilles, m
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ires, jamais « passées », et qui réclament encore
du
sang, des morts, des cortèges funèbres, des cérémonies d’imprécation,
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urnée vers le pardon, le futur éternel, le rachat
du
péché d’origine ? Ce n’est pas un conflit accidentel, c’est encore mo
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des persécutions hitlériennes contre les Églises
du
Christ. C’est une opposition de nature et d’essence, radicale et insu
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radicale et insurmontable ; c’est l’affrontement
du
destin sombre et de la foi libératrice, des choses fatales et des « c
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e, des choses fatales et des « choses espérées »,
du
culte des morts et de celui du Dieu vivant. L’ère des religions s’ouv
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choses espérées », du culte des morts et de celui
du
Dieu vivant. L’ère des religions s’ouvre à nous, chargée de promesses
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urrissent l’espérance, et non la peur ou la haine
du
voisin. Il faut surtout répondre mieux que l’adversaire au problème q
14
problème qu’il tentait de résoudre, à ce problème
du
vide social, communautaire, qui dès maintenant se pose à nous aussi.
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gue, c’est une Europe qui vient de mourir. Europe
du
sentiment, patrie de nostalgie de tous ceux qu’a touchés le romantism
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i, dans ce Paris de mars 1939, les derniers jours
du
bon vieux temps européen. Jours de sursis d’une liberté dont nous avi
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cela que vient de mettre en question l’usurpateur
du
Hradschin. Et dès lors qu’il l’a mis en question, et qu’il nous force
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ver. Il faut entrer résolument dans le grand jour
du
siècle mécanique, accepter pour un temps sa loi, en préservant, s’il
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tés, petites oscillations nerveuses aux alentours
du
zéro vital. Voici la chance alors des grands meneurs, et l’heure des
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ns d’humeurs que de lexiques incompatibles. Ainsi
du
dialogue France-Allemagne. Il fut longtemps l’un des plus malaisés, à
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Il fut longtemps l’un des plus malaisés, à cause
du
pathos jacobin dont les Allemands avaient souffert pendant l’Empire.
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la violence et au bellicisme de Roosevelt le sens
du
droit et le pacifisme des dictateurs. Ce n’était donc pas plus malin
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e congrès de Nuremberg, qui célébra le réarmement
du
Reich, se soit intitulé : Journée de la liberté. Précisons : l’armeme
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t concevable… La justice est pour nous le respect
du
droit, et au-delà de la lettre d’un code, une manière objective de ja
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er mon correspondant signifie en français : droit
du
plus fort, donc injustice. Ici encore, il suffit de changer le signe.
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e replier dans la crainte, s’exalte aux approches
du
péril et s’en nourrit plus qu’on n’oserait l’avouer. Après tout, nous
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apparue comme une réalité sans précédent, à ceux
du
moins qui osaient la vivre avec lucidité. L’Europe a connu des paniqu
28
e les nôtres, au lendemain des grandes invasions,
du
ve siècle au viiie de notre ère, avant l’an mille, pendant les pest
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les guerres de religion qui obscurcissent l’image
du
monde chrétien. Quel pouvait être l’avenir pour un Allemand de la gue
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resse, de nos jours, nous prive avec acharnement.
Du
moins voudrait-on rappeler à tous ces fronts disparaissant derrière l
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ts disparaissant derrière les titres des journaux
du
soir que le malheur des temps est une vieille expression… Oui, de tou
32
e vieille expression… Oui, de tout temps, le sort
du
monde a été quasiment désespéré. Seulement, maintenant, cela se sait.
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généralement la paix : cette ignorance satisfaite
du
désordre et des injustices établies. La menace de guerre qui pèse sur
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de quel prix spirituel ont-elles payé l’illusion
du
Progrès ? Je songe à la colombe de Kantf qui croyait voler mieux dans
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ration trouve, au contraire, dans la connaissance
du
désordre et des périls inhérents au progrès, la chance d’une grandeur
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s antisémites ? Au fait, je ne voulais pas parler
du
peuple massacré, mais de ses massacreurs. Quelques-uns des Américains
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de occupée par les Américains, un officier chargé
du
gouvernement civil réunit cent personnes, au hasard de la rue, et se
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et même en assez grande quantité… Le porte-parole
du
groupe allemand — vite désigné — interrompt à ce point l’Américain :
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l dont il convient de tenir compte quand on parle
du
« problème allemand ». Ils mentent avec sincérité, et nous mentons av
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e tout a changé dans le monde. Les critères mêmes
du
vrai sont modifiés. Menteur, celui qui s’y réfère encore ; sincère, c
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ntre la torpeur écrasante qui tombe des arbres et
du
ciel. Aux régions polaires sans été. Au faux printemps perpétuel de c
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lide, ou le Français moyen, se révèle à l’analyse
du
xxe siècle comme autant de cas d’exception, dont il est stupéfiant q
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hance anormale : chance de créer, pour l’ensemble
du
genre humain, des normes idéales de l’homme, le luxe même. La France,
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s ordres, que se passera-t-il ? On verra le reste
du
monde, et pendant des siècles peut-être, s’efforcer de reproduire et
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us de guerre au sens classique et multimillénaire
du
mot. « Il y aura toujours des guerres ! », nous disaient-ils. Sans do
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tes stratégiques, mordant de l’infanterie, ordres
du
jour électrisants et grands chefs adulés par des effectifs considérab
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oups de gueule, les traditions de corps, le génie
du
poker et la cravache, n’ont pas d’emploi dans les laboratoires. Les c
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t de l’ablation à chaud d’une coutume ancestrale,
du
goût des uniformes, du jeu des soldats de plomb, et de l’usage quotid
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d’une coutume ancestrale, du goût des uniformes,
du
jeu des soldats de plomb, et de l’usage quotidien de métaphores guerr
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trahit seul le glissement d’un canoë vers le pied
du
rocher où j’écris. Deux voiles inclinées se croisent lentement entre
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sillon d’or neigeux. Sur l’autre rive, la cloche
du
couvent des frères paulistes — joyeux nageurs, plongeurs bruyants — s
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s. Ce lac clair, qu’un jésuite français, au début
du
xviie siècle, baptisa lac du Saint-Sacrement pour la pureté lustrale
53
français, au début du xviie siècle, baptisa lac
du
Saint-Sacrement pour la pureté lustrale de ses eaux, se nomme aujourd
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eu des aventures et de la mort d’Œil de faucon et
du
dernier des Mohicans. Rien n’a changé dans le paysage depuis Cooper,
55
’exemplaire de Cooper trouvé dans la bibliothèque
du
salon, une petite carte de visite jaunie porte le nom d’un révérend q
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can d’Albany. Je connais bien son petit-fils. Roi
du
pays et chef de tribu politique, il possède la plupart des maisons ri
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ulets dans un domaine qu’elle a nommé le « Sommet
du
Monde », parce qu’il s’étend sur une colline dominant le lac aux cent
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êvant d’être actrice, on lui a bâti sur le Sommet
du
Monde un amphithéâtre de pierre où les amateurs du pays jouaient du S
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u Monde un amphithéâtre de pierre où les amateurs
du
pays jouaient du Shakespeare avant la guerre. Les deux fils, officier
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héâtre de pierre où les amateurs du pays jouaient
du
Shakespeare avant la guerre. Les deux fils, officiers de marine, se s
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ncore sur les forêts et sur les lacs innombrables
du
continent, l’esprit subtil et ombrageux de l’éternel dernier des Mohi
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ront le plus contribué à transformer la condition
du
siècle. Hier soir, au cinéma, un hello derrière moi, c’était N., l’un
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a, un hello derrière moi, c’était N., l’un des as
du
très petit groupe de mathématiciens et de physiciens qui a mis au poi
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un de mes voisins, Albert Einstein, le patriarche
du
nouvel âge, le Moïse de la Terre atomique. Il passe ainsi chaque jour
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que. Il passe ainsi chaque jour, vers onze heures
du
matin. Quand il fait froid il porte un manteau noir. Sa chevelure m’i
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manteau noir. Sa chevelure m’indique la direction
du
vent, et son aspect met en fuite ma petite fille. À quoi pense-t-il ?
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ions qui les soutiennent. Voici d’abord l’opinion
du
chef suprême des forces américaines, le général Marshall. La bombe at
68
. Mais trois colonnes plus loin, sur la même page
du
New York Times, je lis ceci : « Le docteur Oppenheimer, chef du servi
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mes, je lis ceci : « Le docteur Oppenheimer, chef
du
service des recherches atomiques à Los Alamos, a été interrogé hier p
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à Los Alamos, a été interrogé hier par un comité
du
Sénat. À la question : “Est-il vraisemblable qu’un seul raid atomique
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nouveautés ? Aucune, répondent beaucoup. Rien que
du
négatif : l’écrasement matériel des nazis, et des ruines. Trois grand
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se attaquer, et dont toutes les puissances dignes
du
nom se réclament aujourd’hui par les bouches officielles. Cette idée,
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l détenteur de la bombe atomique, il se voit doté
du
même coup d’une arme proportionnée à l’ampleur de sa tâche, qui est d
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lesse écarté. D’autre part, le triomphe universel
du
principe démocratique fournit une garantie de contrôle des autorités
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qu’il appelle utopies. La grande tâche politique
du
siècle, dans ces conditions, paraît claire. Il faut d’abord dresser d
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as au centre. Faut-il vous donner toute la mesure
du
désespoir qui fond sur moi dès que je suis à Washington ? Je vous avo
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ne place dans un taxi. Trois militaires, rentrant
du
Pacifique, s’y racontaient le détail de leurs campagnes. Aucun d’eux
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idéal démocratique. Ils m’ont demandé le résultat
du
dernier match Armée-Marine. Je ne savais pas. Et j’étais en civil ! V
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ouve que j’habite, pour quelques semaines encore,
du
côté où les jeunes Européens devraient aller s’il s’agissait pour eux
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t en mesure de le vivre ? Combien sont-ils encore
du
Moyen Âge, ou du bourgeois et lent xixe siècle ! Serait-ce manque d’
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vivre ? Combien sont-ils encore du Moyen Âge, ou
du
bourgeois et lent xixe siècle ! Serait-ce manque d’imagination ? Cer
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enez-y trois et quatre fois, selon l’arithmétique
du
cœur. Le nomade n’aime pas sa terre, n’y revient donc jamais vraiment
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Les nouveaux aspects
du
problème allemand (30 mai 1946)o p Faut-il « les » craindre ?
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je passe une frontière. Sujet de crainte en deçà
du
Jura, occasion de pitié au-delà. Mais je m’aperçois aussitôt que ce c
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ux parisiens me semblent s’occuper principalement
du
statut de la Ruhr, d’alliances préventives et de garanties à obtenir
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e garanties à obtenir contre un réarmement secret
du
Reich. Les aspects politiques et militaires apparaissent donc comme d
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iennes. C’était en 1938… Aujourd’hui, les données
du
problème ont changé. Trouvera-t-on de nouveau désagréable que j’attir
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vant la guerre la plus grande puissance militaire
du
monde, avec son armée motorisée, son industrie prête pour la lutte, e
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onne manière quand il vivait ? Les grands vivants
du
jour sont l’URSS et l’Amérique. Voilà qui modifie radicalement les pr
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e. Voilà qui modifie radicalement les proportions
du
conflit séculaire qui opposait l’Allemagne et la France. À vrai dire,
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retenait peu d’illusions, jusqu’en 1939, au sujet
du
régime hitlérien. Zurich et Bâle étaient sans doute les villes d’Euro
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appelle ces écoles de Zurich rétablissant l’usage
du
dialecte cantonal, en haine de l’allemand officiel ; et la méfiance g
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ble d’une catastrophe continentale et responsable
du
sort effrayant qu’il subit par un juste retour. Pour les Suisses, ou
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l subit par un juste retour. Pour les Suisses, ou
du
moins pour leur élite, si j’en crois les nombreux articles que je vie
95
pays ne le fut ; voici un peuple qui se réveille
du
cauchemar d’un bombardement moral, politique et physique dont chaque
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on l’accuse formellement de s’être rendu coupable
du
crime le plus énorme de l’Histoire. Une conception réaliste et pru
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rale, l’ouvrir aux grands courants de l’Europe et
du
Monde ; enfin, il faut lui proposer un rôle normal, ni tyran ni victi
98
ns une doctrine de conquête, ou dans une religion
du
sang. Le danger allemand aujourd’hui, c’est qu’il ne crée au centre d
99
o. Rougemont Denis de, « Les nouveaux aspects
du
problème allemand », Le Figaro, Paris, 30 mai 1946, p. 3. p. Le text
100
aris, 30 mai 1946, p. 3. p. Le texte est précédé
du
chapeau suivant : « Notre brillant collaborateur, Denis de Rougemont,
101
ction. Herman Melville, grand romancier américain
du
dernier siècle, décrivant les Îles enchantées d’un archipel du Pacifi
102
ècle, décrivant les Îles enchantées d’un archipel
du
Pacifique, disait qu’elles « évoquent assez bien l’image que ce monde
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dont un grand nombre s’élèvent à quelque distance
du
rivage parmi les blancs remous et les brisants, forment un spectacle
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celle, beaucoup plus grave, projetée pour la fin
du
mois —, mais encore nous sommes dans un doute entretenu par nombre de
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de nuages radioactifs qui se promèneraient autour
du
globe, semant la mort et la consomption lente dans les pays les plus
106
nt trop claire, si l’un des risques en est la fin
du
monde. Personne ne rit, ne ricane, ou ne hurle. Serait-ce qu’au fond
107
és de la vie, de la prospérité et de la poursuite
du
bonheur » (termes empruntés, comme on sait, au préambule de la Consti
108
on différente. De même, l’opposition aux théories
du
parti au pouvoir, chez les totalitaires, se voit qualifiée non point
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eligion. Toute religion vivante s’oppose au train
du
monde. « Ne vous conformez pas à ce siècle présent, mais soyez transf
110
ture ; près de trois cinquièmes de l’industrie et
du
commerce. Ces deux chiffres détruisent l’idylle, évoquent les luttes
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partie stérile, mais qui parvient à exporter près
du
tiers de sa production, à n’importer que 20 % de sa consommation en c
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fou d’être aussi sage ? On en revient à la maxime
du
moraliste. Je voudrais en déduire des conclusions qu’André Siegfried
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alisation. Qu’il me permette ici de jouer le rôle
du
Français. Il est fou d’être sage tout seul, mais non moins fou de ren
114
andis bien entendu : c’est précisément la méthode
du
fédéralisme authentique. La Suisse vient de fêter le centenaire de sa
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jouent aussitôt un rôle de premier plan. L’Europe
du
xxe siècle est l’image agrandie de la Suisse à la veille de sa fédér
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lus d’énergie. » Les adversaires de la fédération
du
continent (peu s’avouent tels) et les sceptiques (dont l’espèce est c
117
nchis aux petites fenêtres myopes des privilégiés
du
régime, le palais de marbre rose de l’ambassade de l’URSS, seul batta
118
leurs petits-fils en uniforme, passés aux ordres
du
Kremlin, qui ont tiré sur leurs camarades, les ouvriers sans armes de
119
sée dans le sang, marque la fin d’une ère : celle
du
mythe communiste qui, pendant trente-six ans, domina la conscience pr
120
vantiez la violence ouvrière, substance et force
du
PC », allez redire aux Berlinois que « la classe ouvrière se reconnaî
121
s’en servir… On savait aussi qu’il était le parti
du
travail forcé, celui qui venait de « réaliser », par les mains de cen
122
pour le même prix. Quand les capitalistes, honnis
du
xixe siècle, exigeaient de telles normes, ou trois fois plus, ils le