1 1939, Le Figaro, articles (1939–1953). L’ère des religions (22 février 1939)
1 u se sensibilisent… Possibilités ambiguës dont il ne faudrait pas trop vite se réjouir. Il se peut que les temps qui vienn
2 des religions au terme de l’ère rationaliste. Ce n’ est pas le phénomène en soi, mais son ampleur, qui s’annonce sans préc
3 cient désir de « ce qui lie », d’une religion. De n’ importe quelle religion. Il est temps que le monde chrétien prenne con
4 nce et des risques immenses qu’elle ouvre. Car on ne peut plus se le dissimuler : les masses modernes, privées de culture
5 sées jusqu’à un point que les chrétiens, souvent, n’ imaginent guère, se trouvent devant le fait religieux plus ignorantes,
6 nité charnelle, d’un coude à coude pathétique. Ce n’ est pas là une hypothèse : il suffit de traverser le Rhin pour ressent
7  » nationale-socialiste. L’effrayant, c’est qu’il n’ y en a pas. Il n’y a rien que des masses qui se ressentent comme telle
8 aliste. L’effrayant, c’est qu’il n’y en a pas. Il n’ y a rien que des masses qui se ressentent comme telles, à la faveur d’
9 ent théâtral et géométrique, autour d’un chef qui ne veut être que leur incarnation et leur symbole. Des masses qui commun
10 et violentes se cherchent pourtant une doctrine. N’ étant pas nées d’une création spirituelle, d’une espérance ouvrant l’a
11 rituelle, d’une espérance ouvrant l’avenir, elles ne savent justifier leur existence que par le fait qui rassemble les mas
12 ses vieilles sont passées », dit saint Paul, « il n’ y a plus ni Juif ni Grec, et tu es mon frère en la cité nouvelle si tu
13 olues, sur tout ce que l’on a derrière soi et qui ne peut plus être changé : le sang, la race, la tradition, les morts, to
14 e degré, intolérante, et plus qu’intolérante : on ne peut même pas s’y convertir ! Si l’on n’a pas le même passé, l’on ne
15 nte : on ne peut même pas s’y convertir ! Si l’on n’ a pas le même passé, l’on ne pourra jamais y entrer — si l’on n’est pa
16 y convertir ! Si l’on n’a pas le même passé, l’on ne pourra jamais y entrer — si l’on n’est pas de sang aryen, par exemple
17 e passé, l’on ne pourra jamais y entrer — si l’on n’ est pas de sang aryen, par exemple. Car cette religion n’admet pas que
18 as de sang aryen, par exemple. Car cette religion n’ admet pas que « les choses vieilles sont passées ». Elle n’admet pas c
19 as que « les choses vieilles sont passées ». Elle n’ admet pas cette nouvelle naissance, cette conversion à partir de laque
20 issance, cette conversion à partir de laquelle il n’ y a plus ni Juifs ni Grecs aux yeux de l’esprit. Elle ne demande pas :
21 plus ni Juifs ni Grecs aux yeux de l’esprit. Elle ne demande pas : que crois-tu ? qu’espères-tu ? mais elle demande seulem
22 es, d’hallucinants sabbats de nègres blancs ! Qui ne voit qu’une telle religion hait mortellement la foi chrétienne, tourn
23 futur éternel, le rachat du péché d’origine ? Ce n’ est pas un conflit accidentel, c’est encore moins un conflit politique
24 es. Ère nouvelle pour les chrétiens qui pensaient n’ avoir plus à redouter que l’incroyance et l’inertie. Peut-être vont-il
25 ue et les ramène mieux à leur vraie force. Car il ne suffit plus d’entretenir un vague sentiment religieux, vestige d’un p
26 répondu — les communistes et les fascistes — nous ne pourrons pas nous en tirer, pour notre part, en critiquant simplement
2 1939, Le Figaro, articles (1939–1953). Le bon vieux temps présent (20 mars 1939)
27 ssé, dans la légende, si loin que nul, en vérité, ne l’avait vu. Mais déjà, pour beaucoup d’entre nous, ce fut simplement
28 où ces formes de vie, qui sont encore les nôtres, ne peuvent plus apprivoiser le destin. Soit que les tyrans nous accablen
29 les cœurs… C’est le crime des dictatures : elles ne tuent pas seulement la liberté dans les pays où elles sévissent, mais
30 qu’elles secouent d’un défi grossier. La liberté ne peut survivre à de tels chocs. Car elle est vraiment comme un rêve, u
31 d’un miracle. Elle est encore une œuvre d’art qui n’ agit que par l’atmosphère, par le « charme » qu’elle fait régner. Des
32 u’elle fait régner. Des lois adroites et humaines ne suffiront jamais à l’assurer : il y faut ce climat sentimental, cette
3 1939, Le Figaro, articles (1939–1953). Directeurs d’inconscience (11 avril 1939)
33 ièvrent d’une nostalgie d’amour-passion dont nous ne savons plus même distinguer qu’elle contredit radicalement notre mora
34 radio. Le monde moderne retentit d’En avant ! qui ne savent pas où ils vont. Et toutes ces « directions » désorientées, à
35 es. Nous avons perdu le sens de la grandeur, nous n’ avons plus de buts communs ? Ils vont nous rendre tout cela en nous re
36 en nous rendant une direction de marche. Mais ce n’ est plus à nos consciences qu’ils s’adressent, à nos petites conscienc
37 tites consciences anarchiques pour lesquelles ils n’ ont que mépris. Ce qu’ils veulent diriger, ce sont nos lourds instinct
4 1939, Le Figaro, articles (1939–1953). Une simple question de mots (24 avril 1939)
38 ne simple question de mots (24 avril 1939)d On ne fait pas de révolution sans changer le vocabulaire. Car la force prin
39 Car la force principale d’un mouvement politique n’ est pas la vérité de sa doctrine, mais l’opportunité de sa propagande.
40 n et ses voisins qui en ont fait d’autres, ou qui n’ en ont pas fait depuis longtemps. La fameuse « incompréhension » que l
41 éhension » que l’on observe entre les peuples, je ne la crois pas de nature sentimentale d’abord. Dans toutes ces querelle
42 ent les Français à la pointe de leurs baïonnettes ne correspondait pas à des notions bien claires dans le cerveau d’un pay
43 aint de se rendre à l’évidence ; décidément, cela ne prenait pas, cela n’entrait pas dans les coutumes germaniques. Alors
44 ’évidence ; décidément, cela ne prenait pas, cela n’ entrait pas dans les coutumes germaniques. Alors parut M. Hitler. Il a
45 sens du droit et le pacifisme des dictateurs. Ce n’ était donc pas plus malin que cela ? Il suffit de poser à la clé : noi
46 tout est affaire de nuances, parfois subtiles, il n’ est pas superflu d’entrer dans le détail de quelques-unes de ces trans
47 iberté. Précisons : l’armement pour les Allemands n’ est pas comme pour nous autres démocrates un moyen de protéger des lib
48 e civil. Il est en soi la liberté, et nulle autre n’ est concevable… La justice est pour nous le respect du droit, et au-de
49 e que m’écrit un hitlérien : « Juste, votre livre ne l’est certainement pas. Car la justice jaillit de la plénitude d’une
50 signe. Quant à l’espace vital des dictatures, on n’ aura pas été sans remarquer que sa qualité la plus frappante est l’éla
5 1939, Le Figaro, articles (1939–1953). « Le matin vient, et la nuit aussi » (7 juin 1939)
51 partout, depuis vingt ans. Comme si rien de pire n’ était imaginable. Comme si le désordre était sans précédent et sans le
52 aux approches du péril et s’en nourrit plus qu’on n’ oserait l’avouer. Après tout, nous ne sommes pas les premiers à croire
53 t plus qu’on n’oserait l’avouer. Après tout, nous ne sommes pas les premiers à croire que notre époque est l’époque même d
54 nique, dans sa réalité qui nous met, en question, n’ oublions pas que toute réalité, à toute époque de l’histoire des homme
55 différence. Et voilà notre chance aussi. L’homme n’ est pas fait pour vivre en état de guerre, au sens moderne de l’expres
56 guerre, au sens moderne de l’expression. Mais il n’ est pas fait davantage pour vivre en l’état d’illusion qu’on nomme gén
57 ntf qui croyait voler mieux dans le vide… L’homme n’ est pas fait pour vivre sans menaces, sans résistances, sans vigilance
58 u d’obus. Car ce qui compte, en fin de compte, ce n’ est pas le sort matériel et le bonheur plus ou moins grand de la cité,
59 es raisons de vivre des hommes qui l’habitent. Ce n’ est pas la somme de leurs soucis et de leurs plaisirs, mais le sens qu
60 offrent, le matin et la nuit qui viennent, et qui ne cesseront de venir jusqu’au Jour éternel ! Prenons notre régime de vi
61 il suffit de savoir ce qui compte, et que la Joie ne dépend pas de nos misères. J’y songeais l’autre soir, à Orléans, en e
6 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Le mensonge allemand (16 août 1945)
62 tout son discours un cachet d’objectivité — « Je n’ en fais pas une question personnelle, vous voyez bien… » — il put s’ab
63 proverbiale en Amérique, et c’est fort bien : on ne tue les préjugés que par le ridicule ; quand on les tue. Dirai-je que
64 e que j’ai de bons amis antisémites ? Au fait, je ne voulais pas parler du peuple massacré, mais de ses massacreurs. Quelq
65 à New York depuis la guerre ou depuis 1933. Nous n’ en sortirons donc jamais par ce biais-là. Abandonnons toute prétention
66 rent que non. L’officier s’étonne, puis se fâche. Ne sait-on pas dans le monde entier que le peuple allemand plébiscita ci
67 Américain : « Ce que vous dites là, crie-t-il, ce ne sont que des mensonges propagés à l’étranger par les Juifs, les plout
68 », cette histoire vraie pose le vrai problème. Ce n’ est pas d’hier que je l’ai observé : les Allemands ne mentent pas comm
69 st pas d’hier que je l’ai observé : les Allemands ne mentent pas comme nous. Et c’est un fait fondamental dont il convient
70 uand nous mentons, nous savons bien que la vérité ne change pas pour si peu. Elle subsiste intacte et nous juge. Eux croie
7 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Un climat tempéré (22 août 1945)
71 e jour à New York, je pense à la planète. Mais je ne puis penser aujourd’hui qu’aux climats inhumains de la planète. À ces
72 n boit par jour et par personne, enfants compris, n’ est qu’une défense, d’ailleurs désespérée, contre la torpeur écrasante
73 peu d’énergie de surcroît. Où trouver un pays qui ne harcèle pas l’homme, et qui lui laisse le loisir d’être humain, au li
74 n plein été comme dans l’hémisphère sud. Pays qui ne connaît d’autres désastres que ceux qu’organise l’homme lui-même : la
75 es manuels nous apprennent dès l’enfance — et nul ne s’en étonne — qu’il possède un climat tempéré. C’est la France. Ses h
76 e climat normal de l’homme. Ils ont raison, s’ils n’ oublient pas toutefois que ce climat « normal », sur la planète, est u
8 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). La guerre est morte (5 septembre 1945)
77 oins d’avenir que les ordres de chevalerie. Et je ne dis pas que les conflits vont cesser ; que les forts vont renoncer à
78 venir végétariens. Mais je dis que les militaires n’ ont plus qu’à se consacrer aux sports. Que la guerre n’est plus leur m
79 plus qu’à se consacrer aux sports. Que la guerre n’ est plus leur métier. Et que par conséquent il n’y aura plus de guerre
80 n’est plus leur métier. Et que par conséquent il n’ y aura plus de guerre au sens classique et multimillénaire du mot. « I
81 erres ! », nous disaient-ils. Sans doute, mais ce ne seront plus les leurs, les « vraies », les héroïques, costumées et ca
82 tions de corps, le génie du poker et la cravache, n’ ont pas d’emploi dans les laboratoires. Les capitaines au grand cœur e
83 après quelques minutes sous forme de buée légère. N’ insistons pas : l’appareil militaire qu’ont chanté les Déroulède de to
84 , les MacArthur et leurs troupes même motorisées, ne pourront plus servir, à l’occasion, que pour le combat de rues, les p
85 icipal, au titre de la police et des pompiers. Il ne faut pas se dissimuler que ce déclassement brusque de la guerre va pr
86 . (L’Europe sera plus touchée que l’Amérique.) On ne se guérit pas facilement de l’ablation à chaud d’une coutume ancestra
9 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Le dernier des Mohicans (11 octobre 1945)
87 d’Œil de faucon et du dernier des Mohicans. Rien n’ a changé dans le paysage depuis Cooper, lequel notait dans sa préface
88 ’Amérique de mon enfance. Non point la vraie — il n’ y en a point — mais l’une des vraies — elles le sont presque toutes. E
89 l’an dernier restricted, signifiant que les Juifs n’ étaient pas désirés. Des lois « contre les préjugés de race » ayant pa
90 New York et Chicago, Pittsburg sans doute. Qu’on n’ oublie pas l’esprit qui règne encore sur les forêts et sur les lacs in
10 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Le savant et le général (8 novembre 1945)
91 la masse par le carré de la vitesse lumineuse. On n’ a jamais tant dit en si peu de signes. Mais je ne suis pas un physicie
92 n’a jamais tant dit en si peu de signes. Mais je ne suis pas un physicien, et n’ai d’autre spécialité que de réfléchir au
93 u de signes. Mais je ne suis pas un physicien, et n’ ai d’autre spécialité que de réfléchir aux conséquences générales des
94 parlementaire, loin de rendre l’armée superflue, ne peut qu’augmenter l’importance des troupes de terre. C’est bien l’avi
95 lut que les conditions fondamentales de la guerre n’ ont pas changé davantage qu’elles ne le firent lors de l’invention de
96 de la guerre n’ont pas changé davantage qu’elles ne le firent lors de l’invention de la poudre. Mais trois colonnes plus
97 us qu’à moitié détruit. Ils verront que la guerre n’ a plus de sens humain. D’ailleurs l’île qu’ils iront conquérir sera dé
98 sera déjà réduite en fine poussière, si l’ennemi n’ est pas stupide. Supposez encore que la Russie attaque l’Amérique par
99 rrain. Mais dans le cas d’une guerre atomique, il n’ est pas sûr, ni même probable, que l’agresseur juge bien utile de veni
100 ne au monde, ait mystérieusement raison ; mais ce n’ est certainement pas pour les raisons qu’il donne. Et pourquoi n’en pa
101 ent pas pour les raisons qu’il donne. Et pourquoi n’ en pas donner d’autres, si elles existent ? La guerre n’a plus d’autre
102 as donner d’autres, si elles existent ? La guerre n’ a plus d’autres secrets que ceux de l’industrie, qui sont ceux de la s
103 de l’industrie, qui sont ceux de la science, qui n’ a d’autre désir que de les publier. Je maintiens que la guerre est mor
104 — Messieurs les Anglais, tirez les premiers ! il n’ y aurait plus personne pour tirer en second, et retourner le feu, comm
105 dont la preuve, si elle était jamais administrée, ne pourrait plus intéresser qu’un auditoire brusquement raréfié. k. R
11 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Les résultats de la guerre (21 décembre 1945)
106 stupéfiée. Le temps de réfléchir est revenu. S’il n’ y a rien dans le journal, cherchons dans notre tête. Nous y trouverons
107 triomphe d’un régime. Une idée. Et une arme. (Je n’ ai guère parlé que de ces trois sujets dans mes chroniques précédentes
108 c’est la démocratie, que plus personne qui compte n’ ose attaquer, et dont toutes les puissances dignes du nom se réclament
109 nal par une des nations constituantes : la guerre ne vient-elle pas d’éliminer les dictatures impérialistes ? Ces trois no
110 t tenté d’y voir l’indication d’une fatalité : il n’ est pas d’autre voie praticable, la raison nous pousse à la suivre, no
111 lles sont les perspectives théoriques. L’Histoire n’ en a pas connu de plus vastes, ni de plus pacifiantes. Mais l’Histoire
112 t tôt ou tard elle s’imposera, malgré nous, si ce n’ est par notre action. Ensuite, il s’agit de combattre les obstacles à
113 la raison, ni dans les faits. Au premier rang, on ne manquera pas de désigner le nationalisme en plein essor, contrecoup f
12 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Un salon atomique (26 décembre 1945)
114 tomique (26 décembre 1945)m Cette capitale qui ne fait partie d’aucun des États de l’Union m’a toujours paru peu réelle
115 mme une ville d’exposition qu’on aurait décidé de ne pas détruire. Je m’y perds régulièrement, cherchant d’un œil anxieux
116 ment, cherchant d’un œil anxieux l’Obélisque, qui n’ est même pas au centre. Faut-il vous donner toute la mesure du désespo
117 penser que la Bombe allait renouveler l’hystérie, ne paraissait pas dominer l’assemblée. — C’est qu’on croyait alors, me d
118 C’est qu’on croyait alors, me dit le savant. Nous n’ avons devant nous que des faits mesurables. Et cela tue l’imagination.
119 t envisagé l’hypothèse, et sont de l’avis qu’elle n’ est pas improbable. D’autres, comme moi, pensent qu’on ne fera sauter
120 as improbable. D’autres, comme moi, pensent qu’on ne fera sauter que des tranches de l’écorce terrestre, comme si vous pel
121 énérale. Le savant se montrait plein d’humour. On n’ avait jamais été plus plaisant à propos de massacres en masses. Ce que
122 telligence conduit-elle au suicide, alors qu’elle ne croit pas à la survie, tandis que la foi des anciens temps redoutait
123 nements qui dépassent l’imagination — et celui-ci ne saurait être dépassé lui-même — n’intéressent ou n’inquiètent que sup
124 — et celui-ci ne saurait être dépassé lui-même — n’ intéressent ou n’inquiètent que superficiellement. À vrai dire, ils am
125 saurait être dépassé lui-même — n’intéressent ou n’ inquiètent que superficiellement. À vrai dire, ils amusent plus qu’ils
126 iciellement. À vrai dire, ils amusent plus qu’ils n’ angoissent. D’ailleurs, l’idée d’un naufrage commun ou d’une explosion
127 ssibilité de comparaison. Les événements mondiaux ne nous saisissent que par les franges de notre vanité, ou par quelques
128 es sur nos amours ou notre compte en banque. Rien ne laisse les hommes aussi indifférents que le sort de l’humanité, dont
129 ntaient le détail de leurs campagnes. Aucun d’eux ne donnait l’impression de s’être battu pour l’idéal démocratique. Ils m
130 ndé le résultat du dernier match Armée-Marine. Je ne savais pas. Et j’étais en civil ! Voilà comment l’arrière trahit !
13 1946, Le Figaro, articles (1939–1953). Pour la suppression des visas (23 avril 1946)
131 oute que je ferais bien de rentrer, sous peine de ne pas comprendre la réalité européenne en général, et française en part
132 est plutôt vous qui devriez sortir, sous peine de ne pas comprendre la réalité mondiale. Après tout, il y a quarante milli
133 réels, guère moins accablés de problèmes. Mais je ne cherche pas à m’en tirer par une réplique, même de bon sens, et j’ai
134 ieux, plus au tragique, que les chiffres stupides n’ y inviteraient. Je reprends la question dans les termes où l’on me dit
135 ntages de l’Amérique et ses défauts, mieux qu’ils ne sont en mesure de les imaginer. Cela se discuterait à l’infini. Il n’
136 les imaginer. Cela se discuterait à l’infini. Il n’ est qu’une solution, qui est d’aller voir, et d’essayer le pays comme
137 me. Et je me dis que le problème est mal posé. Il ne s’agit ni de « partir » ni de rester, au sens pathétique de ces mots.
138 de ces mots. Il s’agit simplement de circuler. Ce n’ est pas très facile, pratiquement ? Mais partir, ou rester, ne le sont
139 ès facile, pratiquement ? Mais partir, ou rester, ne le sont pas non plus, apparemment, puisqu’on pose le problème. Suppos
140 er à notre guise. Je répondrais sans hésiter : il ne s’agit ni de choisir une terre et ses morts contre le globe et ses vi
141 nde qui change beaucoup plus vite que Jules Verne n’ a pu le rêver. C’est cela, et c’est aussi le cauchemar des visas. Si c
142 mar des visas. Si cette folie furieuse et inutile ne régnait pas sur le monde d’après-guerre, le problème partir ou rester
143 ge de l’humain, une conception de la fidélité qui ne soit plus exclusive de la curiosité, un accueil plus ferme et plus so
144 tre fois, selon l’arithmétique du cœur. Le nomade n’ aime pas sa terre, n’y revient donc jamais vraiment. Le paysan n’aime
145 thmétique du cœur. Le nomade n’aime pas sa terre, n’ y revient donc jamais vraiment. Le paysan n’aime que sa terre, ne l’ai
146 erre, n’y revient donc jamais vraiment. Le paysan n’ aime que sa terre, ne l’aime donc pas de la meilleure manière, s’il re
147 c jamais vraiment. Le paysan n’aime que sa terre, ne l’aime donc pas de la meilleure manière, s’il refuse tout le reste, e
148 us en dit. Mais je sais bien qu’il y a les visas. N’ acceptons pas que cet accident tardif de la démence nationaliste dénat
149 de tampons ? Comment peut-on les justifier ? Ils n’ ont pas arrêté un seul espion, tout en causant la perte de milliers d’
14 1946, Le Figaro, articles (1939–1953). Les nouveaux aspects du problème allemand (30 mai 1946)
150 Débarquant en Europe après cinq ans d’absence, je n’ y trouve plus d’Allemagne mais une question allemande. Et ce qui me fr
151 elà. Mais je m’aperçois aussitôt que ce contraste n’ est si net qu’entre les opinions que l’on publie. Un Gallup-poll me ré
152 que ça, et qui, maintenant que Hitler est abattu, ne pensent qu’à se protéger contre un réveil allemand. Et des Suisses, d
153 nce. Et soudain je me demande non sans angoisse : n’ est-on pas en train de préparer, politiquement, la dernière guerre ? N
154 de préparer, politiquement, la dernière guerre ? N’ est-on pas en train d’adopter l’attitude ferme qu’il eût fallu prendre
155 maintenir en dépit des Anglais, de 1919 à 1938 ? N’ est-on pas en train de bien poser, mais avec toute une guerre de retar
156 avec toute une guerre de retard, une question qui n’ existe plus ? Ou qui s’est totalement transformée ? Quand je disais da
157 l d’Allemagne  : attention, c’est très grave, ils ne songent qu’à la guerre, toute leur pensée et tous leurs actes y tende
158 e d’Hitler, au lieu d’en rire et de répéter qu’il n’ avait pas l’appui des masses prolétariennes. C’était en 1938… Aujourd’
159 n trembler devant le fantôme d’un empire que l’on n’ avait pas su redouter de la bonne manière quand il vivait ? Les grands
160 pposait l’Allemagne et la France. À vrai dire, on ne voit plus de conflit. La France n’est plus en face d’une Puissance, m
161 vrai dire, on ne voit plus de conflit. La France n’ est plus en face d’une Puissance, mais d’un vaste glacis désolé sur le
162 spective les craintes de ceux qui vont disant : «  Ne retombons pas dans les erreurs anciennes ! Nous sommes payés pour les
163 lions de Russes. Que se passera-t-il ? Seuls, ils ne peuvent attaquer la France. Même forts, même réarmés, même n’ayant ri
164 ttaquer la France. Même forts, même réarmés, même n’ ayant rien appris, et justifiant les pires méfiances qu’inspire l’hist
165 nspire l’histoire des vingt dernières années, ils ne peuvent être plus rien d’autre que la pointe d’une offensive russe, o
166 s d’Hitler. C’est un enfer à notre porte. Et rien n’ est aussi contagieux. Il s’agirait de l’exorciser. Mais l’attitude que
167 ces vives de sa culture et de sa langue. Ce qu’on ne pardonnait pas à Hitler et à Goebbels, c’était de dénaturer le german
168 n de pitié. Non pas de pitié sentimentale. (Qu’on ne pense pas un instant que la Suisse s’est mise à aimer les Allemands !
169 suivante : Voici un pays abattu comme jamais pays ne le fut ; voici un peuple qui se réveille du cauchemar d’un bombardeme
170 ns les ruines de ses villes, pour découvrir qu’il n’ a plus de gouvernement, qu’il est entièrement occupé par quatre armées
171 a perdu un tiers de son territoire à l’Est, qu’il n’ a plus de quoi manger et qu’au surplus, loin qu’on le plaigne, on l’ac
172 ienne. Car le vrai danger allemand, en l’an 1946, ne réside plus dans un état-major, dans un parti, dans une doctrine de c
173 sang. Le danger allemand aujourd’hui, c’est qu’il ne crée au centre de l’Europe un terrain vague, non pas peuplé, mais han
174 Je pressens que l’exercice de la seconde méthode n’ aurait pas seulement pour effet de rendre à l’Europe une nation, mais
15 1946, Le Figaro, articles (1939–1953). Demain la bombe, ou une chance d’en finir avec la terre (30 juin 1946)
175 voque celle d’une incertitude. Non seulement nous ne savons pas dans quelles voies nous engagent ces expériences — celle d
176 n tel raz-de-marée que le Déluge, en comparaison, n’ aurait été qu’un bain de pieds. D’autres nous parlent d’une contaminat
177 ou stérile, rongeant les moelles… Mais tout cela ne fait peur à personne. Le fait est que personne n’a protesté, et la pr
178 ne fait peur à personne. Le fait est que personne n’ a protesté, et la première des expériences est pour demain. À cette ap
179 ’opinion publique est un enfant que rien au monde ne saurait empêcher de jouer avec les allumettes. Et tant de gens s’ennu
180 ntal — pour si faibles qu’en soient les chances — n’ a pas déclenché en retour un raz-de-marée de protestations dans le mon
181 à la préparation d’une expérience dont l’utilité n’ est point trop claire, si l’un des risques en est la fin du monde. Per
182 l’un des risques en est la fin du monde. Personne ne rit, ne ricane, ou ne hurle. Serait-ce qu’au fond de nous-mêmes, à l’
183 risques en est la fin du monde. Personne ne rit, ne ricane, ou ne hurle. Serait-ce qu’au fond de nous-mêmes, à l’insu de
184 t la fin du monde. Personne ne rit, ne ricane, ou ne hurle. Serait-ce qu’au fond de nous-mêmes, à l’insu de nous-mêmes, au
185 clair que nous jurons tous, sans exception, qu’il n’ en est rien. À nous en croire, et nous sommes sincères, nous n’aimons
186 . À nous en croire, et nous sommes sincères, nous n’ aimons vraiment que la paix. La paix nous comble. La paix ne nous ennu
187 raiment que la paix. La paix nous comble. La paix ne nous ennuie jamais... Si c’était vrai, il n’y aurait pas de guerres.
188 paix ne nous ennuie jamais... Si c’était vrai, il n’ y aurait pas de guerres. (Je ne parle pas de tel ou tel pays, mais de
189 i c’était vrai, il n’y aurait pas de guerres. (Je ne parle pas de tel ou tel pays, mais de l’ensemble de l’humanité.) Et m
190 comme certains le prévoient, je vous conseille de n’ en pas rire, ou pas si vite : attendons le grand concert de la fin de
16 1947, Le Figaro, articles (1939–1953). Le droit d’opposition (3 avril 1947)
191 e que l’auteur de cette proposition déconcertante n’ est pas un vieux routier de la politique. C’est un général : il a gard
192 rque les différences qu’on voit en Amérique, mais ne dit rien de celles qu’on observe ailleurs. Elle ne rate pas la questi
193 e dit rien de celles qu’on observe ailleurs. Elle ne rate pas la question nègre. Et, sur ce point, elle a beau jeu. Car il
194 res. Et il a conclu en affirmant qu’« une société n’ est pas libre tant que ses loyaux citoyens vivent dans la crainte d’êt
195 e d’agir comme telle. Je sais bien que les Russes n’ aiment guère qu’on les appelle totalitaires, mais je vois aussi qu’ils
196 s appelle totalitaires, mais je vois aussi qu’ils n’ ont jamais eu le sens de l’opposition organique. L’autorité suprême de
197 tion organique. L’autorité suprême de leur Église ne réside pas dans la majorité, mais bien dans l’unanimité (le sobornots
198 nt exigé le veto dans tous les cas où l’unanimité ne pourrait pas s’établir à l’ONU. Appelons donc démocratique un régime
199 te religion vivante s’oppose au train du monde. «  Ne vous conformez pas à ce siècle présent, mais soyez transformés », dit
200  », dit saint Paul. La liberté de parole. Si elle ne consiste qu’à hurler avec les loups, à réciter les slogans officiels,
201 ue, si l’on diffère d’opinion avec le Pouvoir, on n’ en mourra pas. r. Rougemont Denis de, « Le droit d’opposition », Le
17 1948, Le Figaro, articles (1939–1953). Sagesse et folie de la Suisse (13 octobre 1948)
202 tion. Mais il s’est gardé d’y répondre, ou plutôt n’ y répond que par la bande, la bande rouge qui orne le livre : « C’est
203 e sage tout seul. » (La Rochefoucauld) Maxime qui n’ est pas aussi claire qu’il y paraît à première vue. M. Siegfried n’a p
204 laire qu’il y paraît à première vue. M. Siegfried n’ a pas collectionné des impressions. Il raisonne sur l’irréfutable. Il
205 s d’importance inégale elles aussi. (Et tout cela n’ est rien encore, car les frontières de ces États et de ces religions,
206 religions, ou de ces religions et de ces langues ne coïncident presque jamais : calculez les combinaisons !) Il nous décr
207 ient à exporter près du tiers de sa production, à n’ importer que 20 % de sa consommation en calories, vrai tour de force t
208 ggérer que certains le sont davantage… » Personne n’ a mieux marqué les différences entre le Suisse alémanique et le Suisse
209 e romand, entre celui-ci et le Français. Personne n’ a mieux montré pourquoi la politique se confond, chez ce peuple insoli
210 e, à cette « démocratie-témoin », André Siegfried n’ adresse d’autre critique — si c’en est une — que d’avoir résolu ses pr
211 . Dans le monde où nous vivons, semble-t-il dire, n’ est-il pas fou d’être aussi sage ? On en revient à la maxime du morali
212 sagesse suisse, qui est le bon sens fédéraliste, n’ est pas objet d’exportation, n’a pas de valeur universelle. C’est ce q
213 sens fédéraliste, n’est pas objet d’exportation, n’ a pas de valeur universelle. C’est ce que pensent encore trop de Suiss
214 le fédéralisme est le contraire d’un système. Ce n’ est pas une structure abstraite et géométrique, ce n’est pas un poncif
215 st pas une structure abstraite et géométrique, ce n’ est pas un poncif à transporter. Mais il ne va pas sans principes, et
216 ue, ce n’est pas un poncif à transporter. Mais il ne va pas sans principes, et ceux-ci m’apparaissent susceptibles d’être
217 ter le centenaire de sa constitution présente. Je ne sais pas d’histoire plus instructive, pour l’Européen d’aujourd’hui,
218 s est la même. « Oui, l’idée d’une commune patrie ne nous est plus étrangère ! s’écriait l’un des précurseurs de la Consti
219 s) et les sceptiques (dont l’espèce est courante) ne peuvent pourtant pas nier l’existence de la Suisse. C’est un fait qui
220 eux qui militent pour l’union de nos peuples, ils ne sauraient étudier d’assez près cette expérience de laboratoire, pours
18 1953, Le Figaro, articles (1939–1953). « Nous ne sommes pas des esclaves ! » (25 juin 1953)
221 « Nous ne sommes pas des esclaves ! » (25 juin 1953)t « Ils ont tiré ! Ils t
222 e rassembler, sans armes, pour proclamer : « Nous ne sommes pas des esclaves ! » Ainsi, les Soviétiques ont perpétré le pr
223 nt tiré sur la foule ouvrière. Cette phrase qu’on n’ a pas lue dans la presse communiste, nos enfants la liront dans leurs
224 tte phrase a été dite, une fois pour toutes. Elle n’ est pas mensongère, elle est gagée sur des centaines de morts et de bl
225 ase crie sur la terre entière une vérité que l’on n’ éteindra plus : la tyrannie totalitaire est un crime contre l’homme et
226 ent prétexte qu’en régime socialiste les ouvriers n’ auraient plus l’occasion de s’en servir… On savait aussi qu’il était l
227 haine contre le fascisme et les provocateurs. Qui ne voit aujourd’hui quels furent à Berlin-Est ces « provocateurs étrange
228 ique les communistes ? Pouvaient-ils pratiquement n’ être pas Russes ou à la solde de Moscou ? On demande aux ouvriers de l
229 t fait avec éclat le 17 juin ! En criant : « Nous ne sommes pas des esclaves ! » les ouvriers de Berlin ont rétabli d’un c
230 L’imposture communiste est devenue manifeste. Il ne reste à ses partisans, dans nos démocraties, qu’à nier les faits. Il
231 semble vers la liberté ! » Mais rien de tout cela ne sera plus effacé. Rien ne peut plus faire que les héros de Berlin soi
232 Mais rien de tout cela ne sera plus effacé. Rien ne peut plus faire que les héros de Berlin soient morts en vain. Aux jou
233 ir à Berlin, surgissant d’un peuple écrasé. Et ce n’ est pas l’Europe des marchandages entre nations qui entendent chacune
234 de la Liberté. t. Rougemont Denis de, « “Nous ne sommes pas des esclaves !” », Le Figaro, Paris, 25 juin 1953, p. 1 et