1 1939, Le Figaro, articles (1939–1953). L’ère des religions (22 février 1939)
1 la veille d’un discours qui devait être un acte, nous laisse tous en suspens sur le mystère de notre époque : un mystère de
2 te, nous laisse tous en suspens sur le mystère de notre époque : un mystère de nature religieuse. Vous l’éprouverez sans dout
3 et niée. L’histoire de l’après-guerre aux yeux de nos descendants sera peut-être moins l’histoire des traités et de leur pé
4 térieurs d’une communion tacite entre les hommes. Nous sommes là, petits individus, impuissants, isolés, méfiants, posés les
5 lés, méfiants, posés les uns auprès des autres, à nous demander pourquoi nous sommes ensemble. Il s’est formé, dans la cité
6 s uns auprès des autres, à nous demander pourquoi nous sommes ensemble. Il s’est formé, dans la cité un sentiment encore dif
7 lui du Dieu vivant. L’ère des religions s’ouvre à nous , chargée de promesses, mais aussi de menaces. Ère nouvelle pour les c
8 cial, communautaire, qui dès maintenant se pose à nous aussi. Car si d’autres y ont mal répondu — les communistes et les fas
9 mal répondu — les communistes et les fascistes — nous ne pourrons pas nous en tirer, pour notre part, en critiquant simplem
10 mmunistes et les fascistes — nous ne pourrons pas nous en tirer, pour notre part, en critiquant simplement leurs erreurs. Il
11 cistes — nous ne pourrons pas nous en tirer, pour notre part, en critiquant simplement leurs erreurs. Il est facile d’avoir r
2 1939, Le Figaro, articles (1939–1953). Le bon vieux temps présent (20 mars 1939)
12 un âge, un climat de musiques, soudain se fixe en nos mémoires, s’idéalise. Un « bon vieux temps » de plus, tout près de no
13 ise. Un « bon vieux temps » de plus, tout près de nous … Le bon vieux temps, pour nos ancêtres, c’était très loin dans le pas
14 plus, tout près de nous… Le bon vieux temps, pour nos ancêtres, c’était très loin dans le passé, dans la légende, si loin q
15 , ne l’avait vu. Mais déjà, pour beaucoup d’entre nous , ce fut simplement l’avant-guerre, les souvenirs de notre enfance. Et
16 e fut simplement l’avant-guerre, les souvenirs de notre enfance. Et voici que ce Temps Perdu, tout d’un coup, est encore plus
17 est-ce… aujourd’hui ? Mais oui, peut-être vivons- nous , ici, dans ce Paris de mars 1939, les derniers jours du bon vieux tem
18 emps européen. Jours de sursis d’une liberté dont nous avions à peine conscience, parce qu’elle était notre manière toute na
19 us avions à peine conscience, parce qu’elle était notre manière toute naturelle de respirer et de penser, d’aller et venir, e
20 r et de penser, d’aller et venir, et d’entretenir nos soucis, nos plaisirs personnels. Combien de temps encore, combien de
21 er, d’aller et venir, et d’entretenir nos soucis, nos plaisirs personnels. Combien de temps encore, combien de semaines pou
22 ien de temps encore, combien de semaines pourrons- nous goûter ce répit, et sentir que nous prolongeons une existence que nos
23 ines pourrons-nous goûter ce répit, et sentir que nous prolongeons une existence que nos fils appelleront douceur de vivre ?
24 et sentir que nous prolongeons une existence que nos fils appelleront douceur de vivre ? Déjà nous éprouvons que le monde
25 que nos fils appelleront douceur de vivre ? Déjà nous éprouvons que le monde a glissé dans une ère étrange et brutale, où c
26 et brutale, où ces formes de vie, qui sont encore les nôtres , ne peuvent plus apprivoiser le destin. Soit que les tyrans nous acca
27 t plus apprivoiser le destin. Soit que les tyrans nous accablent, soit qu’un sursaut nous dresse à résister, il faudra chang
28 que les tyrans nous accablent, soit qu’un sursaut nous dresse à résister, il faudra changer de rythme et rectifier la tenue,
29 . Et dès lors qu’il l’a mis en question, et qu’il nous force au « réalisme » à sa manière, le charme est détruit dans nos vi
30 alisme » à sa manière, le charme est détruit dans nos vies. Nous sommes pareils à celui qui s’éveille et goûte encore quelq
31 sa manière, le charme est détruit dans nos vies. Nous sommes pareils à celui qui s’éveille et goûte encore quelques instant
32 n temps sa loi, en préservant, s’il se peut, dans nos cœurs, ce droit d’aimer, cette bonté humaine, plus « inutile » que ja
3 1939, Le Figaro, articles (1939–1953). Directeurs d’inconscience (11 avril 1939)
33 urs d’inconscience (11 avril 1939)c Quels sont nos vrais directeurs de conscience, depuis que le monde s’est, en partie,
34 la donner. Tant il est vrai que bien peu d’entre nous connaissent leurs maîtres véritables, ou s’en soucient. Meneurs de fo
35  : ils dirigent en partie l’opinion, mais non pas nos actions personnelles. Je réserve les cas des meneurs. Et j’ajoute aux
36 que des organes de « direction » qui se disputent nos consciences. Sous prétexte de nous libérer de la tutelle d’une Église
37 ui se disputent nos consciences. Sous prétexte de nous libérer de la tutelle d’une Église ou d’une foi, nous nous sommes sou
38 libérer de la tutelle d’une Église ou d’une foi, nous nous sommes soumis naïvement à d’innombrables influences incontrôlées
39 rer de la tutelle d’une Église ou d’une foi, nous nous sommes soumis naïvement à d’innombrables influences incontrôlées, don
40 donc tyranniques, et au surplus contradictoires. Nous croyons aux recettes de la Science avec la plus touchante superstitio
41 e la Science avec la plus touchante superstition. Nous emboîtons le pas de la mode les yeux fermés. Mais quand la Science vo
42 s impose des bas de soie. Les romans et les films nous enfièvrent d’une nostalgie d’amour-passion dont nous ne savons plus m
43 s enfièvrent d’une nostalgie d’amour-passion dont nous ne savons plus même distinguer qu’elle contredit radicalement notre m
44 us même distinguer qu’elle contredit radicalement notre morale. Au lieu d’une discipline, nous avons vingt tyrans qui nous po
45 icalement notre morale. Au lieu d’une discipline, nous avons vingt tyrans qui nous poussent à hue et à dia. Au lieu d’un dir
46 ieu d’une discipline, nous avons vingt tyrans qui nous poussent à hue et à dia. Au lieu d’un directeur qui nous parle à mi-v
47 ussent à hue et à dia. Au lieu d’un directeur qui nous parle à mi-voix, ces appels pathétiques à la radio. Le monde moderne
48 des Guides. Un Duce, un Führer vont se dresser et nous cingler de grosses ironies. Nous avons perdu le sens de la grandeur,
49 nt se dresser et nous cingler de grosses ironies. Nous avons perdu le sens de la grandeur, nous n’avons plus de buts communs
50 ironies. Nous avons perdu le sens de la grandeur, nous n’avons plus de buts communs ? Ils vont nous rendre tout cela en nous
51 eur, nous n’avons plus de buts communs ? Ils vont nous rendre tout cela en nous rendant une direction de marche. Mais ce n’e
52 buts communs ? Ils vont nous rendre tout cela en nous rendant une direction de marche. Mais ce n’est plus à nos consciences
53 ant une direction de marche. Mais ce n’est plus à nos consciences qu’ils s’adressent, à nos petites consciences anarchiques
54 ’est plus à nos consciences qu’ils s’adressent, à nos petites consciences anarchiques pour lesquelles ils n’ont que mépris.
55 nt que mépris. Ce qu’ils veulent diriger, ce sont nos lourds instincts, nos peurs, nos haines et nos orgueils puérils, nos
56 ls veulent diriger, ce sont nos lourds instincts, nos peurs, nos haines et nos orgueils puérils, nos réflexes d’animaux att
57 diriger, ce sont nos lourds instincts, nos peurs, nos haines et nos orgueils puérils, nos réflexes d’animaux attroupés. Les
58 nt nos lourds instincts, nos peurs, nos haines et nos orgueils puérils, nos réflexes d’animaux attroupés. Les grands meneur
59 s, nos peurs, nos haines et nos orgueils puérils, nos réflexes d’animaux attroupés. Les grands meneurs, à proprement parler
60 irecteurs d’inconscience. Et leur succès c’est de nous délivrer de nos contradictions morales, par anesthésie collective. Vo
61 science. Et leur succès c’est de nous délivrer de nos contradictions morales, par anesthésie collective. Voilà pourquoi des
62 lointain de chacun, également proche de chacun de nos cœurs. c. Rougemont Denis de, « Directeurs d’inconscience », Le Fi
4 1939, Le Figaro, articles (1939–1953). Une simple question de mots (24 avril 1939)
63 l’opportunité de sa propagande. La révolution, de nos jours, c’est d’abord une question de mots, une question de slogans, u
64 rois termes : liberté et justice, qui viennent de notre fonds, et le néologisme espace vital. On ignore trop souvent que la l
65 ’armement pour les Allemands n’est pas comme pour nous autres démocrates un moyen de protéger des libertés d’ordre civil. Il
66 nulle autre n’est concevable… La justice est pour nous le respect du droit, et au-delà de la lettre d’un code, une manière o
67 elle-même » et de « consolider la paix »… Bornons- nous à remarquer qu’aux yeux des peuples revendiqués par le Reich dans ces
5 1939, Le Figaro, articles (1939–1953). « Le matin vient, et la nuit aussi » (7 juin 1939)
68 ssi » (7 juin 1939)e Le désarroi de l’époque — nous lisons cela partout, depuis vingt ans. Comme si rien de pire n’était
69 Et pourtant le désordre dure. Il se confond avec notre vie même, avec la Vie ! Certes, l’anarchie des mœurs et des idées s’a
70 se des crises sociales et politiques. Et pourtant nous vivons ! Et notre vie, loin de se replier dans la crainte, s’exalte a
71 iales et politiques. Et pourtant nous vivons ! Et notre vie, loin de se replier dans la crainte, s’exalte aux approches du pé
72 ourrit plus qu’on n’oserait l’avouer. Après tout, nous ne sommes pas les premiers à croire que notre époque est l’époque mêm
73 out, nous ne sommes pas les premiers à croire que notre époque est l’époque même de la Crise. S’il est juste et salutaire de
74 r dans ce qu’elle a d’unique, dans sa réalité qui nous met, en question, n’oublions pas que toute réalité, à toute époque de
75 onnu des paniques et des nuits plus terribles que les nôtres , au lendemain des grandes invasions, du ve siècle au viiie de notre
76 des grandes invasions, du ve siècle au viiie de notre ère, avant l’an mille, pendant les pestes noires, pendant les guerres
77 inconscience, d’une ignorance dont la presse, de nos jours, nous prive avec acharnement. Du moins voudrait-on rappeler à t
78 ce, d’une ignorance dont la presse, de nos jours, nous prive avec acharnement. Du moins voudrait-on rappeler à tous ces fron
79 Voilà la grande et la seule différence. Et voilà notre chance aussi. L’homme n’est pas fait pour vivre en état de guerre, au
80 stices établies. La menace de guerre qui pèse sur nous pourrait et devrait être le remède à cette paix-là. Tout dépend de l’
81 ou tonifie. Dans l’atmosphère de catastrophes où nous vivons, une profonde ambiguïté se manifeste. Tout invite à désespérer
82 e sans menaces, sans résistances, sans vigilance. Notre génération trouve, au contraire, dans la connaissance du désordre et
83 a nuit aussi ! » C’est toujours le même drame que nous vivons, qu’il s’agisse de flèches ou d’obus. Car ce qui compte, en fi
84 faveur de ces vicissitudes acceptées. Acceptons notre chance de vivre une vie plus consciente et réelle. Quoi qu’il advienn
85 esseront de venir jusqu’au Jour éternel ! Prenons notre régime de vie tendue ; il suffit de savoir ce qui compte, et que la J
86 ir ce qui compte, et que la Joie ne dépend pas de nos misères. J’y songeais l’autre soir, à Orléans, en entendant la Jeanne
87 évidence, la délivrance, le « malgré tout » dont nous vivrons ! e. Rougemont Denis de, « ‟Le matin vient et la nuit auss
6 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Le mensonge allemand (16 août 1945)
88 ements d’Athènes (l’a-t-on publié en français ?). Nous avons en commun, d’autre part, quelques très bons amis allemands réfu
89 ugiés à New York depuis la guerre ou depuis 1933. Nous n’en sortirons donc jamais par ce biais-là. Abandonnons toute prétent
90 l’ai observé : les Allemands ne mentent pas comme nous . Et c’est un fait fondamental dont il convient de tenir compte quand
91 oblème allemand ». Ils mentent avec sincérité, et nous mentons avec mauvaise conscience. Quand nous mentons, nous savons bie
92 , et nous mentons avec mauvaise conscience. Quand nous mentons, nous savons bien que la vérité ne change pas pour si peu. El
93 ons avec mauvaise conscience. Quand nous mentons, nous savons bien que la vérité ne change pas pour si peu. Elle subsiste in
94 change pas pour si peu. Elle subsiste intacte et nous juge. Eux croient, s’ils changent d’avis par « intérêt vital », que t
7 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Un climat tempéré (22 août 1945)
95 ungles qui couvrent neuf dixièmes des continents… Notre terre est à peine habitable, dans l’ensemble ! Et dans les régions pl
96 et la révolution. Seul pays dont tous les manuels nous apprennent dès l’enfance — et nul ne s’en étonne — qu’il possède un c
97 anète, est une exception surprenante. Tout ce que nos pères considéraient comme simple, typique, évident et « normal », la
8 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). La guerre est morte (5 septembre 1945)
98 ire du mot. « Il y aura toujours des guerres ! », nous disaient-ils. Sans doute, mais ce ne seront plus les leurs, les « vra
99 ec une mâle vertu au-devant de la bombe atomique, nous reviendraient après quelques minutes sous forme de buée légère. N’ins
100 s carnavals mondiaux remplaceront désormais, pour nous et nos enfants, les « grandes parades » qui firent le principal de no
101 als mondiaux remplaceront désormais, pour nous et nos enfants, les « grandes parades » qui firent le principal de notre His
102 es « grandes parades » qui firent le principal de notre Histoire ? Tel est l’un des problèmes psychologiques que pose au sièc
103 rtition d’un seul atome. Il en est d’autres, dont nous avons parlé abondamment ces derniers jours : les maisons à hélicoptèr
9 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Le dernier des Mohicans (11 octobre 1945)
104 méthodiste. Un curé canadien prêche en français : nous sommes ici un peu plus près de Montréal que de New York. L’hôtel se n
105 er dans l’État, la pancarte porte aujourd’hui : «  Nous sommes catholiques et protestants. » Les rives, les îles s’ornent de
10 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Le savant et le général (8 novembre 1945)
106 affectent. Comme partout en Amérique — mais dans notre réserve d’intellectuels avec plus de compétence qu’ailleurs — la disc
107 il faut des troupes pour s’emparer d’une île qui nous servira de base de tir. » Et il conclut que les conditions fondamenta
108 tort, si le docteur Oppenheimer a raison. Mettons- nous dans la situation. Pour transporter l’infanterie et les chars nécessa
109 te, la guerre des militaires, la vraie. Parce que nous avons passé l’âge des guerres considérées comme jeux réglés. Si l’un
11 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Les résultats de la guerre (21 décembre 1945)
110 . S’il n’y a rien dans le journal, cherchons dans notre tête. Nous y trouverons d’abord une grande question : qu’est-il donc
111 rien dans le journal, cherchons dans notre tête. Nous y trouverons d’abord une grande question : qu’est-il donc sorti de ce
112 utés, ces trois grands résultats de la lutte dont nous sortons, semblent donc converger vers un seul et même but, indiquer u
113 pratique d’un gouvernement fédéral de la planète nous sont apparues simultanément. Elles se proposent à l’esprit avec tant
114 : il n’est pas d’autre voie praticable, la raison nous pousse à la suivre, nous devons donc arriver très vite au but… Telles
115 ie praticable, la raison nous pousse à la suivre, nous devons donc arriver très vite au but… Telles sont les perspectives th
116 s vastes, ni de plus pacifiantes. Mais l’Histoire nous apprend aussi que l’homme est stupide et mauvais, qu’il a peur de voi
117 le caractère inévitable de cette solution : tout nous y mène, et tôt ou tard elle s’imposera, malgré nous, si ce n’est par
118 us y mène, et tôt ou tard elle s’imposera, malgré nous , si ce n’est par notre action. Ensuite, il s’agit de combattre les ob
119 ard elle s’imposera, malgré nous, si ce n’est par notre action. Ensuite, il s’agit de combattre les obstacles à cette union.
120 cles à cette union. Ils sont dans l’étroitesse de nos esprits, non pas dans la raison, ni dans les faits. Au premier rang,
12 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Un salon atomique (26 décembre 1945)
121 e. — C’est qu’on croyait alors, me dit le savant. Nous n’avons devant nous que des faits mesurables. Et cela tue l’imaginati
122 yait alors, me dit le savant. Nous n’avons devant nous que des faits mesurables. Et cela tue l’imagination. — Pensez-vous, d
123 maison de mes hôtes, d’où je vous écris. En fait, nous sommes devant l’an mille. Tous les problèmes derniers nous sont posés
124 es devant l’an mille. Tous les problèmes derniers nous sont posés, dans des termes urgents et concrets. Quel est le sens de
125 e d’un naufrage commun ou d’une explosion unanime nous paraît plutôt rassurante. C’est le danger ou le malheur individuel qu
126 bilité de comparaison. Les événements mondiaux ne nous saisissent que par les franges de notre vanité, ou par quelques réper
127 ondiaux ne nous saisissent que par les franges de notre vanité, ou par quelques répercussions accidentelles sur nos amours ou
128 , ou par quelques répercussions accidentelles sur nos amours ou notre compte en banque. Rien ne laisse les hommes aussi ind
129 ues répercussions accidentelles sur nos amours ou notre compte en banque. Rien ne laisse les hommes aussi indifférents que le
13 1946, Le Figaro, articles (1939–1953). Pour la suppression des visas (23 avril 1946)
130 les termes où l’on me dit qu’elle est posée dans nos pays : Faut-il partir ? (Peut-on partir est une tout autre affaire.)
131 remment, puisqu’on pose le problème. Supposez que nous soyons libres de circuler à notre guise. Je répondrais sans hésiter :
132 me. Supposez que nous soyons libres de circuler à notre guise. Je répondrais sans hésiter : il ne s’agit ni de choisir une te
133 au xxe siècle, en tenant compte des réalités que nous avons créées ou laissé s’imposer ; de la rapidité des transports, par
134 vite que c’est un faux dilemme. Le fait est là : nous allons en dix heures de Lisbonne à New York au Pacifique. Un très lon
135 ork au Pacifique. Un très long voyage aujourd’hui nous ramènerait nécessairement au point de départ, après un petit tour de
136 point de départ, après un petit tour de planète. Nous changeons de continent comme on part en week-end. Le mot partir a don
137 vécu. Mais ce qui naît, ce qui peut naître parmi nous , c’est un amour plus large de l’humain, une conception de la fidélité
138 on des visas, de ces anachronismes scandaleux qui nous empêchent de rejoindre le siècle, de l’habiter et d’user de ses dons.
139 et d’user de ses dons. Forçons les gouvernants à nous répondre : à quoi servent ces barrages de tampons ? Comment peut-on l
140 nts. Ils rendent vains les progrès matériels dont notre époque pourrait enfin s’enorgueillir. Ils représentent dans l’esprit
141 la Fatalité imbécile. Pourquoi donc les acceptons- nous comme des moutons, sans qu’une seule voix proteste ? n. Rougemont
14 1946, Le Figaro, articles (1939–1953). Les nouveaux aspects du problème allemand (30 mai 1946)
142 : « Ne retombons pas dans les erreurs anciennes ! Nous sommes payés pour les connaître, ces Allemands ! ils vont s’armer de
143 ussi grave qu’au temps d’Hitler. C’est un enfer à notre porte. Et rien n’est aussi contagieux. Il s’agirait de l’exorciser. M
144 . p. Le texte est précédé du chapeau suivant : «  Notre brillant collaborateur, Denis de Rougemont, avait publié avant la gue
145 il revient, avec un œil neuf, regarder l’Europe. Nous lui avons demandé ses impressions sur l’Allemagne d’aujourd’hui. De S
146 ys natal, plateforme d’observation excellente, il nous envoie l’article que nous publions ici. »
147 ervation excellente, il nous envoie l’article que nous publions ici. »
15 1946, Le Figaro, articles (1939–1953). Demain la bombe, ou une chance d’en finir avec la terre (30 juin 1946)
148 our évoque celle d’une incertitude. Non seulement nous ne savons pas dans quelles voies nous engagent ces expériences — cell
149 n seulement nous ne savons pas dans quelles voies nous engagent ces expériences — celle de demain et celle, beaucoup plus gr
150 rave, projetée pour la fin du mois —, mais encore nous sommes dans un doute entretenu par nombre de savants quant à leurs ef
151 puis des mois, en Amérique, et hier en France, on nous prédit des catastrophes possibles, de dimensions continentales. Un ph
152 aison, n’aurait été qu’un bain de pieds. D’autres nous parlent d’une contamination des atomes d’uranium nageant dans l’Océan
153 ous-mêmes, à l’insu de nous-mêmes, au tréfonds de notre inconscient, la guerre nous plaît ? Il est clair que nous jurons tous
154 êmes, au tréfonds de notre inconscient, la guerre nous plaît ? Il est clair que nous jurons tous, sans exception, qu’il n’en
155 onscient, la guerre nous plaît ? Il est clair que nous jurons tous, sans exception, qu’il n’en est rien. À nous en croire, e
156 rons tous, sans exception, qu’il n’en est rien. À nous en croire, et nous sommes sincères, nous n’aimons vraiment que la pai
157 eption, qu’il n’en est rien. À nous en croire, et nous sommes sincères, nous n’aimons vraiment que la paix. La paix nous com
158 rien. À nous en croire, et nous sommes sincères, nous n’aimons vraiment que la paix. La paix nous comble. La paix ne nous e
159 ères, nous n’aimons vraiment que la paix. La paix nous comble. La paix ne nous ennuie jamais... Si c’était vrai, il n’y aura
160 ment que la paix. La paix nous comble. La paix ne nous ennuie jamais... Si c’était vrai, il n’y aurait pas de guerres. (Je n
16 1948, Le Figaro, articles (1939–1953). Sagesse et folie de la Suisse (13 octobre 1948)
161 ut au long de l’ouvrage exemplaire qu’il vient de nous donner sur ce pays, La Suisse, démocratie-témoin, André Siegfried s’e
162 économique et dans la synthèse en une formule. Il nous montre la Suisse telle qu’elle est : prospère, mécanisée, démocrate à
163 aditionnelle et progressiste, neutre et armée… Il nous fait voir que tout se tient, que tout s’engrène avec nécessité dans c
164 presque jamais : calculez les combinaisons !) Il nous décrit un pays que la Nature a privé de matières premières et dont le
165 culture », c’est-à-dire de science appliquée. Il nous fait suivre, enfin, un jeu d’institutions dont la complexité s’est ré
166 moyens valables pour elle seule. Dans le monde où nous vivons, semble-t-il dire, n’est-il pas fou d’être aussi sage ? On en
167 e cette charte exemplaire. C’est le microcosme de nos vrais débats. Les mêmes menaces, les mêmes espoirs, les mêmes objecti
168 s objections s’y retrouvent. Les cantons disent : nos industries seront ruinées si nous supprimons les péages. On les suppr
169 cantons disent : nos industries seront ruinées si nous supprimons les péages. On les supprime : c’est la prospérité. Les min
170 ime : c’est la prospérité. Les minorités disent : nous serons écrasés si l’on admet un pouvoir fédéral. On l’admet, et ces m
171 st la même. « Oui, l’idée d’une commune patrie ne nous est plus étrangère ! s’écriait l’un des précurseurs de la Constitutio
172 en soi. Quant à ceux qui militent pour l’union de nos peuples, ils ne sauraient étudier d’assez près cette expérience de la
173 nt confirmée, l’une des rares bonnes nouvelles de notre temps. Et vous pourrez y lire dans le concret une histoire qui dément
17 1953, Le Figaro, articles (1939–1953). « Nous ne sommes pas des esclaves ! » (25 juin 1953)
174 «  Nous ne sommes pas des esclaves ! » (25 juin 1953)t « Ils ont tiré ! Il
175 osé se rassembler, sans armes, pour proclamer : «  Nous ne sommes pas des esclaves ! » Ainsi, les Soviétiques ont perpétré le
176 rase qu’on n’a pas lue dans la presse communiste, nos enfants la liront dans leurs livres d’histoire. Cette phrase a été di
177 de vivre. D’autres massacres d’ouvriers ont sali notre Histoire depuis le xviiie siècle. Au nom de l’Ordre et de la Loi, au
178 ntérêts de la Production, les policiers de toutes nos bourgeoisies ont tué des travailleurs qui, eux, se révoltaient au nom
179 é et de leur dignité d’homme. C’était ignoble, et nous voyons bien pis. Il était réservé au régime communiste de faire ce mé
180 ourgeois par celui des Soviets ; mais la seconde, nous l’avons sous les yeux, consiste à s’emparer de la cause ouvrière, à s
181 l’ont fait avec éclat le 17 juin ! En criant : «  Nous ne sommes pas des esclaves ! » les ouvriers de Berlin ont rétabli d’u
182 enue manifeste. Il ne reste à ses partisans, dans nos démocraties, qu’à nier les faits. Il leur reste à nier ceci : devant
183 rvice de la Liberté. t. Rougemont Denis de, « “ Nous ne sommes pas des esclaves !” », Le Figaro, Paris, 25 juin 1953, p. 1