1 1939, Le Figaro, articles (1939–1953). L’ère des religions (22 février 1939)
1 ons endormies de la conscience humaine de nouveau se sensibilisent… Possibilités ambiguës dont il ne faudrait pas trop vit
2 ilités ambiguës dont il ne faudrait pas trop vite se réjouir. Il se peut que les temps qui viennent voient s’éveiller dans
3 dont il ne faudrait pas trop vite se réjouir. Il se peut que les temps qui viennent voient s’éveiller dans l’âme des mass
4 uir. Il se peut que les temps qui viennent voient s’ éveiller dans l’âme des masses une grande faim élémentaire trop longte
5 st pas le phénomène en soi, mais son ampleur, qui s’ annonce sans précédent. Le siècle des Lumières, puis le siècle individ
6 à nous demander pourquoi nous sommes ensemble. Il s’ est formé, dans la cité un sentiment encore diffus de vide social, ana
7 n peu partout, plus simplement : à des raisons de se regrouper, c’est l’affleurement d’un inconscient désir de « ce qui li
8 sques immenses qu’elle ouvre. Car on ne peut plus se le dissimuler : les masses modernes, privées de culture spirituelle,
9 rs rites et leurs sorciers. Si la faim religieuse s’ éveille dans ces masses, elles risquent aussi bien de se satisfaire pa
10 lle dans ces masses, elles risquent aussi bien de se satisfaire par les moyens les plus grossiers, et par exemple par le s
11 il n’y en a pas. Il n’y a rien que des masses qui se ressentent comme telles, à la faveur d’un déploiement théâtral et géo
12 dans un cri. Or ces religions vagues et violentes se cherchent pourtant une doctrine. N’étant pas nées d’une création spir
13 nte, et plus qu’intolérante : on ne peut même pas s’ y convertir ! Si l’on n’a pas le même passé, l’on ne pourra jamais y e
14 s et de celui du Dieu vivant. L’ère des religions s’ ouvre à nous, chargée de promesses, mais aussi de menaces. Ère nouvell
15 on dans sa jeunesse virulente et affamée. Il faut se réduire aux vérités solides. À celles qui nourrissent l’espérance, et
16 du vide social, communautaire, qui dès maintenant se pose à nous aussi. Car si d’autres y ont mal répondu — les communiste
17 découvrir une voie meilleure où l’on soit prêt à se risquer soi-même. a. Rougemont Denis de, « L’ère des religions »,
2 1939, Le Figaro, articles (1939–1953). Le bon vieux temps présent (20 mars 1939)
18 es nations sous l’uniforme barbarie — je les vois s’ élever rayonnants dans la lueur éternisée d’un soir d’été, après l’ora
19 ophe. Tout un âge, un climat de musiques, soudain se fixe en nos mémoires, s’idéalise. Un « bon vieux temps » de plus, tou
20 mat de musiques, soudain se fixe en nos mémoires, s’ idéalise. Un « bon vieux temps » de plus, tout près de nous… Le bon vi
21 it dans nos vies. Nous sommes pareils à celui qui s’ éveille et goûte encore quelques instants les délices d’un rêve inache
22 que c’est fini. Brève dispense, le temps d’un peu se souvenir… Il faut se lever. Il faut entrer résolument dans le grand j
23 dispense, le temps d’un peu se souvenir… Il faut se lever. Il faut entrer résolument dans le grand jour du siècle mécaniq
24 ue, accepter pour un temps sa loi, en préservant, s’ il se peut, dans nos cœurs, ce droit d’aimer, cette bonté humaine, plu
25 ccepter pour un temps sa loi, en préservant, s’il se peut, dans nos cœurs, ce droit d’aimer, cette bonté humaine, plus « i
3 1939, Le Figaro, articles (1939–1953). Directeurs d’inconscience (11 avril 1939)
26 ais directeurs de conscience, depuis que le monde s’ est, en partie, détourné de la foi chrétienne ? Cette question, qu’une
27 tre nous connaissent leurs maîtres véritables, ou s’ en soucient. Meneurs de foules, savants, écrivains, journalistes, méde
28 issance pratique des organes de « direction » qui se disputent nos consciences. Sous prétexte de nous libérer de la tutell
29 es ces « directions » désorientées, à courte vue, se neutralisent en velléités, petites oscillations nerveuses aux alentou
30 s, et l’heure des Guides. Un Duce, un Führer vont se dresser et nous cingler de grosses ironies. Nous avons perdu le sens
31 rche. Mais ce n’est plus à nos consciences qu’ils s’ adressent, à nos petites consciences anarchiques pour lesquelles ils n
4 1939, Le Figaro, articles (1939–1953). Une simple question de mots (24 avril 1939)
32 cas particulier de cette science de l’opinion qui s’ appelle la Publicité. C’est pourquoi la conversation devient parfois s
33 d’abord. Dans toutes ces querelles de ménage que se font les nations d’Europe, il s’agit moins d’humeurs que de lexiques
34 es de ménage que se font les nations d’Europe, il s’ agit moins d’humeurs que de lexiques incompatibles. Ainsi du dialogue
35 droits de l’homme… Et puis l’on fut contraint de se rendre à l’évidence ; décidément, cela ne prenait pas, cela n’entrait
36 e blanc, et ainsi de suite. Enfin l’on va pouvoir s’ entendre ! Toutefois, comme en pareil domaine tout est affaire de nuan
37 de Nuremberg, qui célébra le réarmement du Reich, se soit intitulé : Journée de la liberté. Précisons : l’armement pour le
38 uoi les notions française et allemande de justice s’ opposeront pendant plusieurs décades encore. » Effectivement la défin
39 d’elle-même », plus ses nécessités dites vitales s’ accroissent. Que signifie alors le mot vital ? Non pas ce qu’un vain p
40 pace vital pour un nazi risque malheureusement de s’ appeler bientôt champ de bataille, ou espace mortel. d. Rougemont D
5 1939, Le Figaro, articles (1939–1953). « Le matin vient, et la nuit aussi » (7 juin 1939)
41 main prévisible. Et pourtant le désordre dure. Il se confond avec notre vie même, avec la Vie ! Certes, l’anarchie des mœu
42 a Vie ! Certes, l’anarchie des mœurs et des idées s’ accroît d’une anxiété de jour en jour plus justifiée, à cause des cris
43 . Et pourtant nous vivons ! Et notre vie, loin de se replier dans la crainte, s’exalte aux approches du péril et s’en nour
44 Et notre vie, loin de se replier dans la crainte, s’ exalte aux approches du péril et s’en nourrit plus qu’on n’oserait l’a
45 ns la crainte, s’exalte aux approches du péril et s’ en nourrit plus qu’on n’oserait l’avouer. Après tout, nous ne sommes p
46 e que notre époque est l’époque même de la Crise. S’ il est juste et salutaire de la considérer dans ce qu’elle a d’unique,
47 quasiment désespéré. Seulement, maintenant, cela se sait. Voilà la grande et la seule différence. Et voilà notre chance a
48 tastrophes où nous vivons, une profonde ambiguïté se manifeste. Tout invite à désespérer ? Mais l’espoir est toujours « ma
49 est toujours le même drame que nous vivons, qu’il s’ agisse de flèches ou d’obus. Car ce qui compte, en fin de compte, ce n
6 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Le mensonge allemand (16 août 1945)
50 on humanité et sa parfaite liberté d’esprit. Puis s’ étant excepté de la commune sottise, ayant sauvé l’honneur pour ainsi
51 question personnelle, vous voyez bien… » — il put s’ abandonner avec ivresse aux délices d’une diatribe que chacun sait par
52 ts personnels. Prenons la situation telle qu’elle s’ offre en Allemagne et aujourd’hui, aux yeux de ceux qui doivent en déc
53 il réunit cent personnes, au hasard de la rue, et se met à les interroger. « Êtes-vous nazis ? » Tous jurent que non. L’of
54 es-vous nazis ? » Tous jurent que non. L’officier s’ étonne, puis se fâche. Ne sait-on pas dans le monde entier que le peup
55  » Tous jurent que non. L’officier s’étonne, puis se fâche. Ne sait-on pas dans le monde entier que le peuple allemand plé
56 Elle subsiste intacte et nous juge. Eux croient, s’ ils changent d’avis par « intérêt vital », que tout a changé dans le m
57 s mêmes du vrai sont modifiés. Menteur, celui qui s’ y réfère encore ; sincère, celui qui se conforme à la nouvelle vérité
58 celui qui s’y réfère encore ; sincère, celui qui se conforme à la nouvelle vérité germanique, car le droit, leur a-t-on e
59 mier. Battu, celui qui touche des deux épaules et se met à faire le bon apôtre. Nazi, celui qui accuse dans la même phrase
7 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Un climat tempéré (22 août 1945)
60 es jardins suspendus jusqu’au trentième étage qui se couvrent d’un peuple nu, quêtant un souffle de la mer, un courant d’a
61 ant d’air de l’East River, quelque soupir… La vie s’ arrête. Le business même s’alourdit et s’endort. Dans la rue des gens
62 quelque soupir… La vie s’arrête. Le business même s’ alourdit et s’endort. Dans la rue des gens tombent. Le veston sur le b
63 … La vie s’arrête. Le business même s’alourdit et s’ endort. Dans la rue des gens tombent. Le veston sur le bras, on erre d
64 dissolvantes. Les quatre saisons bien distinctes s’ y succèdent dans un ordre classique. Noël tombe en hiver, non pas en p
65 manuels nous apprennent dès l’enfance — et nul ne s’ en étonne — qu’il possède un climat tempéré. C’est la France. Ses habi
66 est le climat normal de l’homme. Ils ont raison, s’ ils n’oublient pas toutefois que ce climat « normal », sur la planète,
67 ne, la géométrie d’Euclide, ou le Français moyen, se révèle à l’analyse du xxe siècle comme autant de cas d’exception, do
68 de cas d’exception, dont il est stupéfiant qu’ils se produisent si l’on parcourt les statistiques. La France au climat tem
69 ons qu’on attend d’elle dans tous les ordres, que se passera-t-il ? On verra le reste du monde, et pendant des siècles peu
70 reste du monde, et pendant des siècles peut-être, s’ efforcer de reproduire et de rejoindre par les plus coûteux artifices,
8 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). La guerre est morte (5 septembre 1945)
71 flits vont cesser ; que les forts vont renoncer à se montrer forts, ou les faibles à s’agglutiner pour les abattre ; que l
72 ont renoncer à se montrer forts, ou les faibles à s’ agglutiner pour les abattre ; que les classes vont se fondre, les fron
73 gglutiner pour les abattre ; que les classes vont se fondre, les frontières s’évanouir, les gangsters de tous ordres modér
74  ; que les classes vont se fondre, les frontières s’ évanouir, les gangsters de tous ordres modérer leurs ardeurs ; que les
75 s. Mais je dis que les militaires n’ont plus qu’à se consacrer aux sports. Que la guerre n’est plus leur métier. Et que pa
76 ines au grand cœur et les armées en bel arroi qui s’ avanceraient avec une mâle vertu au-devant de la bombe atomique, nous
77 itre de la police et des pompiers. Il ne faut pas se dissimuler que ce déclassement brusque de la guerre va provoquer dans
78 L’Europe sera plus touchée que l’Amérique.) On ne se guérit pas facilement de l’ablation à chaud d’une coutume ancestrale,
9 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Le dernier des Mohicans (11 octobre 1945)
79 pied du rocher où j’écris. Deux voiles inclinées se croisent lentement entre les troncs des pins sur un vert d’eau limpid
80 nt-Sacrement pour la pureté lustrale de ses eaux, se nomme aujourd’hui le Lake George et fut le Horicon de Fenimore Cooper
81 ’elle a nommé le « Sommet du Monde », parce qu’il s’ étend sur une colline dominant le lac aux cent îles. L’aînée des fille
82 nt la guerre. Les deux fils, officiers de marine, se sont battus dans le Pacifique. Les disputes politiques, à la table de
83 ions, en apparence. On dit le benedicite avant de s’ asseoir et l’on pose au café des problèmes de roman détective. Les Eur
84 eu plus près de Montréal que de New York. L’hôtel se nomme le Sagamore. Un avis discret à l’entrée disait l’an dernier res
85 catholiques et protestants. » Les rives, les îles s’ ornent de monuments souvent couverts de noms français : morts de Montc
86 e quelque chose d’élémentaire : la possibilité de se mettre à l’abri des menaces naturelles et matérielles, d’une sauvager
87 sans traditions ni religion, où toutes les races se mêlent, où l’argent seul existe… On voit New York et Chicago, Pittsbu
10 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Le savant et le général (8 novembre 1945)
88 , en style néogothique d’Oxford, dernier confort, s’ espacent dans des parcs dont l’automne encore tiède glorifie le luxe s
89 se conscience les a rendus prudents et sages. Ils se sentent accusés sourdement d’avoir causé trois-cent-mille morts et cr
90 pèse sur un bouton, et une terrifiante explosion se produit dans le territoire de l’autre. Le processus se poursuit, jusq
91 oduit dans le territoire de l’autre. Le processus se poursuit, jusqu’au jour où quelqu’un s’empare d’un des boutons : et v
92 processus se poursuit, jusqu’au jour où quelqu’un s’ empare d’un des boutons : et voilà qui suppose une force armée. » Le g
93 instruments en position, il faut des troupes pour s’ emparer d’une île qui nous servira de base de tir. » Et il conclut que
94 ’infanterie américaine ? Attaquer ? Où et quand ? Se défendre ? Contre qui ? On dit : « C’est toujours l’infanterie qui te
95 es franchir, et les conditions dans lesquelles il s’ ébranlera. Il a fallu deux ans aux Américains pour débarquer en Europe
96 pays était resté à l’abri des bombardements. Même s’ il leur faut seulement deux heures la prochaine fois, ils arriveront u
97 aine fois, ils arriveront une heure trop tard. Il se peut que le général Marshall, qui a su tout cela mieux que personne a
98 il parle tout tranquillement d’« un processus qui se poursuit » ? La discussion, comme on dit, reste ouverte. Souhaitons q
99 te. Souhaitons qu’elle le reste longtemps. Car il s’ agit d’un problème dont la preuve, si elle était jamais administrée, n
11 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Les résultats de la guerre (21 décembre 1945)
100 n depuis six ans ses énormes péripéties, l’esprit se sent soudain menacé d’ennui. Mais en même temps, c’est comme s’il s’é
101 n menacé d’ennui. Mais en même temps, c’est comme s’ il s’éveillait d’une longue torpeur stupéfiée. Le temps de réfléchir e
102 acé d’ennui. Mais en même temps, c’est comme s’il s’ éveillait d’une longue torpeur stupéfiée. Le temps de réfléchir est re
103 peur stupéfiée. Le temps de réfléchir est revenu. S’ il n’y a rien dans le journal, cherchons dans notre tête. Nous y trouv
104 quer, et dont toutes les puissances dignes du nom se réclament aujourd’hui par les bouches officielles. Cette idée, c’est
105 e que toutes les autres jouent dans le même sens, se prêtent appui et se renforcent mutuellement. Voici comment. Un gouver
106 res jouent dans le même sens, se prêtent appui et se renforcent mutuellement. Voici comment. Un gouvernement mondial court
107 t devient seul détenteur de la bombe atomique, il se voit doté du même coup d’une arme proportionnée à l’ampleur de sa tâc
108 a planète nous sont apparues simultanément. Elles se proposent à l’esprit avec tant de clarté qu’on est tenté d’y voir l’i
109 solution : tout nous y mène, et tôt ou tard elle s’ imposera, malgré nous, si ce n’est par notre action. Ensuite, il s’agi
110 é nous, si ce n’est par notre action. Ensuite, il s’ agit de combattre les obstacles à cette union. Ils sont dans l’étroite
12 1945, Le Figaro, articles (1939–1953). Un salon atomique (26 décembre 1945)
111 ue la Bombe puisse faire sauter la terre ? — Cela se discute… Certains de mes collègues ont envisagé l’hypothèse, et sont
112 aient. La conversation devint générale. Le savant se montrait plein d’humour. On n’avait jamais été plus plaisant à propos
113 un taxi. Trois militaires, rentrant du Pacifique, s’ y racontaient le détail de leurs campagnes. Aucun d’eux ne donnait l’i
114 campagnes. Aucun d’eux ne donnait l’impression de s’ être battu pour l’idéal démocratique. Ils m’ont demandé le résultat du
13 1946, Le Figaro, articles (1939–1953). Pour la suppression des visas (23 avril 1946)
115 , du côté où les jeunes Européens devraient aller s’ il s’agissait pour eux de partir. Je vois les avantages de l’Amérique
116 côté où les jeunes Européens devraient aller s’il s’ agissait pour eux de partir. Je vois les avantages de l’Amérique et se
117 ux qu’ils ne sont en mesure de les imaginer. Cela se discuterait à l’infini. Il n’est qu’une solution, qui est d’aller voi
118 Et je me dis que le problème est mal posé. Il ne s’ agit ni de « partir » ni de rester, au sens pathétique de ces mots. Il
119 ni de rester, au sens pathétique de ces mots. Il s’ agit simplement de circuler. Ce n’est pas très facile, pratiquement ?
120 à notre guise. Je répondrais sans hésiter : il ne s’ agit ni de choisir une terre et ses morts contre le globe et ses vivan
121 mpte des réalités que nous avons créées ou laissé s’ imposer ; de la rapidité des transports, par exemple. Combien d’hommes
122  ? Certes, il en faut une dose non ordinaire pour se rendre contemporain d’un monde qui change beaucoup plus vite que Jule
123 onde d’après-guerre, le problème partir ou rester se résoudrait en termes simples : on verrait vite que c’est un faux dile
124 ânes des ancêtres un choix farouche, irrévocable. Se déplacer devient un geste naturel, et partir annonce revenir comme on
125 erre, ne l’aime donc pas de la meilleure manière, s’ il refuse tout le reste, et la comparaison. Il faut s’ouvrir. Il faut
126 refuse tout le reste, et la comparaison. Il faut s’ ouvrir. Il faut aimer. Il faut cesser de trouver cela nigaud, et de fa
127 rogrès matériels dont notre époque pourrait enfin s’ enorgueillir. Ils représentent dans l’esprit des modernes la Fatalité
14 1946, Le Figaro, articles (1939–1953). Les nouveaux aspects du problème allemand (30 mai 1946)
128 érente. Beaucoup de Français, rentrant de Suisse, s’ étonnent de voir que chez des neutres on manifeste tant de haine pour
129 haine pour les Allemands. Et beaucoup de Suisses s’ étonnent de voir des résistants parler avec humanité de leurs bourreau
130 maintenant que Hitler est abattu, ne pensent qu’à se protéger contre un réveil allemand. Et des Suisses, dont le sens démo
131 l’Allemand autant qu’à la brutalité de ses chefs, se préoccupent, aujourd’hui, de le « guérir » plutôt que de l’enfermer d
132 emand », nombre de journaux parisiens me semblent s’ occuper principalement du statut de la Ruhr, d’alliances préventives e
133 e retard, une question qui n’existe plus ? Ou qui s’ est totalement transformée ? Quand je disais dans mon Journal d’Allem
134 hui le colosse est à terre et deux super-colosses se sont levés, projetant leurs ombres démesurées — l’un de tout près — s
135 issance, mais d’un vaste glacis désolé sur lequel s’ allonge et se cherchent les deux grandes ombres que j’ai dites. Consid
136 d’un vaste glacis désolé sur lequel s’allonge et se cherchent les deux grandes ombres que j’ai dites. Considérons dans ce
137 ayés pour les connaître, ces Allemands ! ils vont s’ armer de nouveau en secret. Ils trouveront des appuis partout, comme l
138 au plus, que touchent 200 millions de Russes. Que se passera-t-il ? Seuls, ils ne peuvent attaquer la France. Même forts,
139 r les plans politique et militaire exclusivement, se ramène au problème des relations entre l’URSS et les États-Unis. Mais
140 à notre porte. Et rien n’est aussi contagieux. Il s’ agirait de l’exorciser. Mais l’attitude que je viens de décrire me par
141 t Bâle étaient sans doute les villes d’Europe qui se sentaient les plus directement menacées, non seulement en vertu de la
142 connaissait par l’intérieur, et l’on savait qu’il s’ agissait de vie ou de mort, sans compromis imaginable. Je me rappelle
143 ale. (Qu’on ne pense pas un instant que la Suisse s’ est mise à aimer les Allemands !) mais de pitié active, j’entends par
144 alémaniques, la question allemande, aujourd’hui, se pose de la manière suivante : Voici un pays abattu comme jamais pays
145 comme jamais pays ne le fut ; voici un peuple qui se réveille du cauchemar d’un bombardement moral, politique et physique
146 oin qu’on le plaigne, on l’accuse formellement de s’ être rendu coupable du crime le plus énorme de l’Histoire. Une conc
147 humain. Il faut premièrement lui expliquer ce qui s’ est passé, et lui montrer comment il fut complice des crimes qu’il rej
148 re en mesure de reconnaître sa culpabilité, et de se guérir de sa névrose. Cette conception me paraît réaliste, et prudent
15 1946, Le Figaro, articles (1939–1953). Demain la bombe, ou une chance d’en finir avec la terre (30 juin 1946)
149 s sombres masses vitrifiées, dont un grand nombre s’ élèvent à quelque distance du rivage parmi les blancs remous et les br
150 ageant dans l’Océan. Ou de nuages radioactifs qui se promèneraient autour du globe, semant la mort et la consomption lente
151 ort en masse, ou la menace d’une mort instantanée s’ abattant au hasard sur tout un peuple, effraye moins qu’une séance che
152 her de jouer avec les allumettes. Et tant de gens s’ ennuient sur la Terre, qu’ils la verraient bien volontiers sauter pour
153 ls la verraient bien volontiers sauter pour qu’il se passe quelque chose. Mais la troisième raison est la plus remarquable
154 uestion grave et malicieuse. Que pense-t-on qu’il se produirait si quelque groupe privé faisait savoir au monde qu’il va s
155 que groupe privé faisait savoir au monde qu’il va se livrer à des expériences de cet ordre, « dans un but » de connaissanc
16 1947, Le Figaro, articles (1939–1953). Le droit d’opposition (3 avril 1947)
156 Le droit d’opposition (3 avril 1947)r Il s’ agissait de « démocratiser » l’Allemagne. On en parlait depuis des ann
157 a dictature, en l’occurrence celle d’un parti qui se fût nommé démocratique pour éviter toute confusion. C’était cependant
158 nettement l’objectif. Et c’est un Américain : il se souvient de l’œuf de Colomb. De plus, il voudrait bien que les Russes
159 Colomb. De plus, il voudrait bien que les Russes s’ expliquent. M. Molotov demande le temps de réfléchir. Pour occuper l’a
160 hir. Pour occuper l’attente, la presse soviétique se livre à d’habiles variations sur un thème prévu : « Entre la théorie
161 collectifs, comme celui des Noirs ou des Koulaks, se liquide plus facilement dans une dictature que dans une démocratie… L
162 Constitution américaine). Pendant que M. Molotov se prépare à donner sa propre définition de la démocratie, je me permett
163 rniers, en effet, quelle que soit leur idéologie, se comportent en réalité comme des Églises. L’opposition aux dogmes d’un
164 des Églises. L’opposition aux dogmes d’une Église s’ est toujours vue qualifiée d’hérésie, et non d’opinion différente. De
165 ories du parti au pouvoir, chez les totalitaires, se voit qualifiée non point d’opinion minoritaire, mais de trahison. On
166 dans tous les cas où l’unanimité ne pourrait pas s’ établir à l’ONU. Appelons donc démocratique un régime où l’opposition
167 régime où l’opposition équivaut à la trahison, et se paye tôt ou tard de la vie. Que si l’on estime trop étroites les défi
168 s. La liberté de religion. Toute religion vivante s’ oppose au train du monde. « Ne vous conformez pas à ce siècle présent,
169 ide. La libération de la misère. Je pense qu’elle s’ est rarement produite dans les pays où la revendication des miséreux e
17 1948, Le Figaro, articles (1939–1953). Sagesse et folie de la Suisse (13 octobre 1948)
170 poussées de fièvre politique… Mais non, la Suisse s’ obstine et, presque seule dans le monde depuis cent ans, elle vit pais
171 ys, La Suisse, démocratie-témoin, André Siegfried s’ est posé la question. Mais il s’est gardé d’y répondre, ou plutôt n’y
172 , André Siegfried s’est posé la question. Mais il s’ est gardé d’y répondre, ou plutôt n’y répond que par la bande, la band
173 iste, neutre et armée… Il nous fait voir que tout se tient, que tout s’engrène avec nécessité dans ce beau mouvement d’hor
174 ée… Il nous fait voir que tout se tient, que tout s’ engrène avec nécessité dans ce beau mouvement d’horlogerie que compose
175 , enfin, un jeu d’institutions dont la complexité s’ est révélée pratique, parce qu’elle sert les diversités au lieu de pré
176 alyse des variétés de l’expérience fédérale, sans s’ exposer aux démentis amers de ceux qui en vivent et qui en chérissent
177 . Personne n’a mieux montré pourquoi la politique se confond, chez ce peuple insolite, avec une administration bien entend
178 ais en déduire des conclusions qu’André Siegfried s’ est interdit de suggérer. Influencé, pourrait-on croire, par l’objet d
179 moins fou de renoncer à cette sagesse parce qu’on se voit seul à la professer. Voici donc le sage condamné à périr ou à fa
180 e balkanisation presque fatale si elle accepte de s’ helvétiser. Dans ce cas, la Suisse aussi serait sauvée. Le dilemme sui
181 menaces, les mêmes espoirs, les mêmes objections s’ y retrouvent. Les cantons disent : nos industries seront ruinées si no
182 d’une commune patrie ne nous est plus étrangère ! s’ écriait l’un des précurseurs de la Constitution de 1848. Et quoi qu’en
183 es adversaires de la fédération du continent (peu s’ avouent tels) et les sceptiques (dont l’espèce est courante) ne peuven
18 1953, Le Figaro, articles (1939–1953). « Nous ne sommes pas des esclaves ! » (25 juin 1953)
184 lles européennes, le cri de douleur des faubourgs s’ est propagé dans les avenues lugubres de Berlin, entre leurs façades s
185 laire » ont tiré sur les ouvriers qui avaient osé se rassembler, sans armes, pour proclamer : « Nous ne sommes pas des esc
186 lez redire aux Berlinois que « la classe ouvrière se reconnaît dans les épreuves de force que le PC institue en son nom ! 
187 aliste les ouvriers n’auraient plus l’occasion de s’ en servir… On savait aussi qu’il était le parti du travail forcé, celu
188 s bourgeoisies ont tué des travailleurs qui, eux, se révoltaient au nom de la Liberté et de leur dignité d’homme. C’était
189 a seconde, nous l’avons sous les yeux, consiste à s’ emparer de la cause ouvrière, à se parer de sa justice et de son nom,
190 eux, consiste à s’emparer de la cause ouvrière, à se parer de sa justice et de son nom, pour l’écraser ensuite, une fois q
191 Brandebourg, le vieux chant populaire socialiste s’ est fait entendre pour la première fois depuis vingt ans de silence, v
192 r et justifie sa raison d’être par des hommes qui se sacrifient au service de la Liberté. t. Rougemont Denis de, « “Nou