1 1928, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le péril Ford (février 1928)
1 bien, au contraire, que l’histoire n’a pas connu de période où les directions d’une civilisation apparaissent plus nettem
2 stoire n’a pas connu de période où les directions d’ une civilisation apparaissent plus nettement. Un certain ordre s’élabo
3 e, ou, pour mieux dire, une organisation générale de la vie mondiale. Toutes les forces du temps y concourent obscurément 
4 ste à jouer l’autruche aux yeux clos, l’avènement de cette organisation toute-puissante n’est plus qu’une question de quel
5 sation toute-puissante n’est plus qu’une question de quelques années. Mais peut-être est-il temps encore. Ici et là, quelq
6 Ici et là, quelques cris s’élèvent dans le désert d’ une époque déjà presque abandonnée par l’Esprit. À l’heure de toucher
7 e déjà presque abandonnée par l’Esprit. À l’heure de toucher aux buts que sa civilisation poursuit depuis près de deux siè
8 puis près de deux siècles, l’Occidental est saisi d’ un étrange malaise. Il soupçonne, par éclairs, qu’il y avait peut-être
9 aurait-il fait fausse route ? Est-il temps encore de le détourner du désastre spirituel vers lequel il entraîne l’Occident
10 prendre conscience du péril. Nous ne tentons rien d’ autre ici. Il y a une lâcheté, croyons-nous, dans cette complaisance
11 érale à proclamer le désordre du temps. On a peur de certaines évidences, on préfère affirmer que tout est incompréhensibl
12 ensible. L’homme moderne recule devant l’évidence de la banqueroute prochaine de sa civilisation. Il répugne à admettre qu
13 ule devant l’évidence de la banqueroute prochaine de sa civilisation. Il répugne à admettre qu’une époque entière ait pu s
14 r, et se tromper mortellement. Il suffit pourtant de regarder autour de nous et d’en croire nos yeux. I. L’homme qui a r
15 Il suffit pourtant de regarder autour de nous et d’ en croire nos yeux. I. L’homme qui a réussi Je prends Henry Ford
16 onne ne s’est approché plus que lui du type idéal de l’industriel et du capitaliste. Le succès immense de ses livres1, sa
17 l’industriel et du capitaliste. Le succès immense de ses livres1, sa popularité universelle sont signes que l’époque a sen
18 tion la plus parfaite. Qu’on ne m’accuse donc pas de caricaturer l’objet de ma critique pour faciliter l’accusation : je p
19 Qu’on ne m’accuse donc pas de caricaturer l’objet de ma critique pour faciliter l’accusation : je prends pour la juger ce
20 : je prends pour la juger ce que l’époque m’offre de mieux réussi. Voici la vie de Ford, telle qu’il la raconte dans Ma vi
21 ue l’époque m’offre de mieux réussi. Voici la vie de Ford, telle qu’il la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils d
22 la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils de paysan. Il passe son enfance à jouer avec des outils, « et c’est avec
23 à présent », dit‑il. Le plus mémorable événement de ces années de jeunesse, son « chemin de Damas » (comme il dit sans qu
24 dit‑il. Le plus mémorable événement de ces années de jeunesse, son « chemin de Damas » (comme il dit sans qu’on sache au j
25 événement de ces années de jeunesse, son « chemin de Damas » (comme il dit sans qu’on sache au juste quelle dose d’« humou
26 omme il dit sans qu’on sache au juste quelle dose d’ « humour » il met dans l’expression), c’est la rencontre d’une locomot
27 r » il met dans l’expression), c’est la rencontre d’ une locomotive routière. « Depuis l’instant où, enfant de 12 ans, j’ap
28 ocomotive routière. « Depuis l’instant où, enfant de 12 ans, j’aperçus cette machine de route, jusqu’au jour présent, ma g
29 ant où, enfant de 12 ans, j’aperçus cette machine de route, jusqu’au jour présent, ma grande et constante ambition a été d
30 ur présent, ma grande et constante ambition a été de construire une bonne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse so
31 nstruire une bonne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse sont : la construction d’un moteur à vapeur, puis d’un mo
32 Les étapes de sa jeunesse sont : la construction d’ un moteur à vapeur, puis d’un moteur à explosion, enfin d’une première
33 sont : la construction d’un moteur à vapeur, puis d’ un moteur à explosion, enfin d’une première automobile fabriquée, à te
34 eur à vapeur, puis d’un moteur à explosion, enfin d’ une première automobile fabriquée, à temps perdu, alors qu’il est simp
35 « et commence à réaliser son rêve, le type unique d’ automobile utilitaire »2. Dès lors, c’est une suite de chiffres indiqu
36 tomobile utilitaire »2. Dès lors, c’est une suite de chiffres indiquant le progrès de sa production, d’année en année. On
37 c’est une suite de chiffres indiquant le progrès de sa production, d’année en année. On pourrait ajouter à ces chiffres c
38 e chiffres indiquant le progrès de sa production, d’ année en année. On pourrait ajouter à ces chiffres celui des milliards
39 mais ce n’est pour lui qu’un résultat secondaire de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rê
40 qu’un résultat secondaire de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a
41 de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est don
42 it autre, il l’a réalisé comme il est donné à peu d’ hommes de le faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité d’augme
43 il l’a réalisé comme il est donné à peu d’hommes de le faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité d’augmenter enco
44 faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité d’ augmenter encore cette production. Ford est le plus puissant industrie
45 monde ; le plus riche, au point qu’il peut parler d’ égal à égal avec beaucoup d’États ; le plus parfait aussi. Son succès
46 int qu’il peut parler d’égal à égal avec beaucoup d’ États ; le plus parfait aussi. Son succès sans précédent le met à l’ab
47 aussi. Son succès sans précédent le met à l’abri de toutes les attaques, du point de vue technique. L’organisation de ses
48 taques, du point de vue technique. L’organisation de ses usines, des salaires, des conditions de travail et de repos qu’il
49 ation de ses usines, des salaires, des conditions de travail et de repos qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter
50 sines, des salaires, des conditions de travail et de repos qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter une solution
51 st un résultat qu’on n’a pas le droit humainement de sous-estimer. Les griefs que les socialistes font aux capitalistes eu
52 re. Au contraire, il a résolu la question sociale d’ une façon qui ne devrait pas déplaire aux doctrinaires de gauche, lesq
53 açon qui ne devrait pas déplaire aux doctrinaires de gauche, lesquels ont coutume de promettre à leurs électeurs une organ
54 aux doctrinaires de gauche, lesquels ont coutume de promettre à leurs électeurs une organisation complète du monde, seule
55 nisation complète du monde, seule méthode capable d’ empêcher les abus des capitalistes. Du même coup, en supprimant l’escl
56 Du même coup, en supprimant l’esclavage financier de l’ouvrier, il supprime la principale cause avouée de la lutte des cla
57 l’ouvrier, il supprime la principale cause avouée de la lutte des classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuv
58 ause avouée de la lutte des classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solid
59 la lutte des classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propre
60 la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir q
61 de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir qu’on éprouve
62 mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir qu’on éprouve toujours au
63 à cela le plaisir qu’on éprouve toujours au récit de succès mirobolants, et le charme un peu facile mais fort goûté du gra
64 me un peu facile mais fort goûté du grand public, de l’humour américain, l’on comprendra sans peine la popularité mondiale
65 a sans peine la popularité mondiale des « idées » d’ Henry Ford et des livres qui les répandent. L’on ne pourra qu’y applau
66 leur montre le chemin qu’ils seront bien obligés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ils s’y engagent dès aujour
67 ment, pendant qu’il reste quelques chances encore de régler pacifiquement le conflit du capital et du travail. « Se fordis
68 crivait récemment un économiste. Ford, perfection de l’industriel, offre au monde moderne le premier exemple de son achève
69 striel, offre au monde moderne le premier exemple de son achèvement intégral. Il a atteint l’objectif de la moderne civili
70 son achèvement intégral. Il a atteint l’objectif de la moderne civilisation occidentale. Voici donc venue l’heure de la j
71 ivilisation occidentale. Voici donc venue l’heure de la juger. Le héros de l’époque, c’est l’homme qui a réussi. Mais à qu
72 e. Voici donc venue l’heure de la juger. Le héros de l’époque, c’est l’homme qui a réussi. Mais à quoi ? C’est la plus gra
73 ps. II. M. Ford a ses idées, ou la philosophie de ceux qui n’en veulent pas Nous avons dit tout à l’heure quel fut l
74 Nous avons dit tout à l’heure quel fut le but de la vie de Ford, sa « grande et constante ambition ». Il semble que to
75 vons dit tout à l’heure quel fut le but de la vie de Ford, sa « grande et constante ambition ». Il semble que toute sa car
76 érons-la sous cet angle. Il y a d’abord la vision de l’auto routière : naissance de sa passion froide et tenace. Il s’effo
77 d’abord la vision de l’auto routière : naissance de sa passion froide et tenace. Il s’efforce d’en réaliser l’objet par s
78 ance de sa passion froide et tenace. Il s’efforce d’ en réaliser l’objet par ses propres moyens, à un exemplaire ; puis, il
79 ition, il conçoit ce mythe extravagant du bonheur de l’humanité par la possession d’automobiles Ford. Et, comme il est trè
80 vagant du bonheur de l’humanité par la possession d’ automobiles Ford. Et, comme il est très intelligent, il a vite fait de
81 Et, comme il est très intelligent, il a vite fait de démêler les conditions les plus rationnelles de la production, avec c
82 t de démêler les conditions les plus rationnelles de la production, avec cette netteté et cette décision qu’une passion co
83 ion qu’une passion contenue peut donner à l’homme d’ action. Enfin, le voici en mesure de produire des quantités énormes d’
84 ner à l’homme d’action. Enfin, le voici en mesure de produire des quantités énormes d’autos. Seulement, pour pouvoir conti
85 voici en mesure de produire des quantités énormes d’ autos. Seulement, pour pouvoir continuer, il faut vendre ; dans l’inté
86 ouvoir continuer, il faut vendre ; dans l’intérêt de la production, il faut créer la consommation. La réclame s’en charge.
87 a réclame s’en charge. Par le procédé très simple de la répétition, on fait croire aux gens qu’ils ne peuvent plus vivre h
88 eux sans auto. Voilà l’affaire lancée. La passion de Ford se donne libre cours. Il ne s’agit plus maintenant que de lui do
89 nne libre cours. Il ne s’agit plus maintenant que de lui donner une apparence d’utilité publique. À chaque page de ses liv
90 t plus maintenant que de lui donner une apparence d’ utilité publique. À chaque page de ses livres, on pourrait relever les
91 r une apparence d’utilité publique. À chaque page de ses livres, on pourrait relever les sophismes plus ou moins conscient
92 ients par lesquels il prétend ramener le bénéfice de la production à celui du consommateur. Prenons cette petite phrase qu
93 mateur. Prenons cette petite phrase qui n’a l’air de rien : « Nul ne contestera que, si l’on abaisse suffisamment les prix
94 client. Mais cherchons un peu les causes réelles de cet abaissement de prix — la concurrence n’étant bien entendu qu’une
95 hons un peu les causes réelles de cet abaissement de prix — la concurrence n’étant bien entendu qu’une cause accessoire. D
96 t trop chère ; mais surtout que le besoin qu’on a de tel objet est satisfait ou a disparu. Il semble alors que l’industrie
97 er bagage. Mais c’est ici que Ford montre le bout de l’oreille, et que son but réel est la production pour elle-même, non
98 . Elle peut amener, en se généralisant, une sorte de suicide du genre humain, par perte de son instinct de préservation, d
99 , une sorte de suicide du genre humain, par perte de son instinct de préservation, d’autorégulation et d’alternances. Tel
100 uicide du genre humain, par perte de son instinct de préservation, d’autorégulation et d’alternances. Tel est ce sophisme,
101 umain, par perte de son instinct de préservation, d’ autorégulation et d’alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du b
102 son instinct de préservation, d’autorégulation et d’ alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui de
103 est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui de la réclame a même but, mêmes effets. Mais le plus grave est peut-être
104 grand paradoxe du monde moderne »3, ce qu’il y a de profondément antihumain dans la conception fordienne de l’oisiveté. F
105 fondément antihumain dans la conception fordienne de l’oisiveté. Ford a créé un second dimanche dans la semaine, « retouch
106 cond dimanche dans la semaine, « retouché l’œuvre de la Création », comme dit Ferrero. Le bon peuple s’extasie. Il ne peut
107 e. Il ne peut voir la duperie : ce jeu du chat et de la souris ; si Ford relâche les ouvriers et leur donne une apparence
108 relâche les ouvriers et leur donne une apparence de liberté, c’est pour mieux les prendre dans son engrenage. L’emploi de
109 ur mieux les prendre dans son engrenage. L’emploi de leurs loisirs est prévu. Il est déterminé par la réclame, les produit
110 ord qu’il faut user, etc. Il a pour but véritable d’ augmenter la consommation. Il rend plus complet l’esclavage de l’ouvri
111 la consommation. Il rend plus complet l’esclavage de l’ouvrier, puisqu’il englobe jusqu’à son repos dans le cycle de la pr
112 puisqu’il englobe jusqu’à son repos dans le cycle de la production. Cercle vicieux : plus la production s’intensifie, plus
113 us la production s’intensifie, plus il faut créer de besoins et de loisirs. Or, l’industrie ne peut subsister qu’en progre
114 on s’intensifie, plus il faut créer de besoins et de loisirs. Or, l’industrie ne peut subsister qu’en progressant. Mais la
115 jusqu’à quel point Ford est conscient des buts et de l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de
116 point Ford est conscient des buts et de l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de produire peu
117 effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de produire peut très bien envahir un cerveau moderne au point d’en excl
118 eut très bien envahir un cerveau moderne au point d’ en exclure toute considération de finalité. Mais cet aveuglement fonda
119 moderne au point d’en exclure toute considération de finalité. Mais cet aveuglement fondamental n’empêche pas notre indust
120 lement fondamental n’empêche pas notre industriel de philosopher sur les sujets les plus divers. Les aphorismes sont assez
121 lus divers. Les aphorismes sont assez révélateurs de la mentalité capitaliste américaine. Voici, par exemple, une définiti
122 te américaine. Voici, par exemple, une définition de la liberté : La liberté consiste à travailler pendant le temps conve
123 nt le temps convenable et à gagner, par ce moyen, de quoi vivre convenablement tout en restant maître de régler à sa guise
124 quoi vivre convenablement tout en restant maître de régler à sa guise le détail de sa vie privée. Cette liberté particuli
125 en restant maître de régler à sa guise le détail de sa vie privée. Cette liberté particulière, et cent autres pareilles,
126 nt, au total, la grande Liberté idéale et mettent de l’huile dans les rouages de la vie quotidienne. Cette Liberté idéale
127 rté idéale et mettent de l’huile dans les rouages de la vie quotidienne. Cette Liberté idéale réduite au rôle d’huile dan
128 uotidienne. Cette Liberté idéale réduite au rôle d’ huile dans les rouages, n’est-ce pas charmant et prometteur ? Et que d
129 n’est-ce pas charmant et prometteur ? Et que dire de cette admirable simplification : « Sur quoi repose la société ? Sur l
130 e prix que nous payons à la terre la satisfaction de nos besoins. » — Ford se moque de la philosophie. Il ne peut empêcher
131 la satisfaction de nos besoins. » — Ford se moque de la philosophie. Il ne peut empêcher que son attitude ne porte un nom
132 me des machines. J’y vois la réalisation concrète d’ une théorie qui tend à faire de ce monde un séjour meilleur pour les h
133 alisation concrète d’une théorie qui tend à faire de ce monde un séjour meilleur pour les hommes. » C’est le bonheur, le s
134 réclame. « Ce que j’ai à cœur, aujourd’hui, c’est de démontrer que les idées mises en pratique chez nous ne concernent pas
135 s-nous… Mais, comment expliquer que des centaines de milliers de lecteurs, dans une Europe « chrétienne », applaudissent s
136 , comment expliquer que des centaines de milliers de lecteurs, dans une Europe « chrétienne », applaudissent sans réserve
137 rétienne », applaudissent sans réserve aux thèses de cet orgueilleux et naïf messianisme matérialiste ? Un seul doute effl
138 ialiste ? Un seul doute effleure Ford vers la fin de son livre : Le problème de la production a été brillamment résolu… M
139 eure Ford vers la fin de son livre : Le problème de la production a été brillamment résolu… Mais nous nous absorbons trop
140 t ne pensons pas assez aux raisons que nous avons de le faire. Tout notre système de concurrence, tout notre effort de cré
141 ns que nous avons de le faire. Tout notre système de concurrence, tout notre effort de création, tout le jeu de nos facult
142 t notre système de concurrence, tout notre effort de création, tout le jeu de nos facultés semblent dirigés uniquement ver
143 rence, tout notre effort de création, tout le jeu de nos facultés semblent dirigés uniquement vers la production matériell
144 ord passe outre et se remet à discuter des points de technique. Il n’a pas senti qu’il touchait là le nœud vital du problè
145 problème moderne. D’ailleurs, les idées générales de cette sorte sont rares dans son livre. En général, il se borne à parl
146 dans son livre. En général, il se borne à parler de problèmes techniques où son triomphe est facile. C’est le technicien
147 perfectionnée mérite les sacrifices qu’elle exige de l’homme moderne. Paradoxes plus ou moins intéressés, optimisme d’homm
148 ne. Paradoxes plus ou moins intéressés, optimisme d’ homme à qui tout réussit, messianisme de la machine, méconnaissance gl
149 optimisme d’homme à qui tout réussit, messianisme de la machine, méconnaissance glorieuse des forces spirituelles, le tout
150 rieuse des forces spirituelles, le tout agrémenté d’ humour et exposé avec un simplisme qui emporte à coup sûr l’adhésion d
151 l’adhésion du gros public : telle est l’idéologie de celui que M. Cambon, dans sa préface, égale aux plus grands esprits d
152 n, dans sa préface, égale aux plus grands esprits de tous les temps. On me dira que Ford a mieux à faire que de philosophe
153 es temps. On me dira que Ford a mieux à faire que de philosopher. Je le veux. Mais si j’insiste un peu sur ses « idées »,
154 ’on pourrait appeler le plus actif du monde, l’un de ceux qui influent le plus sur notre civilisation, possède la philosop
155 ffrénée, trop folle, pour être justiciable encore de nos vérités essentielles ? Il semble bien que notre temps ait prononc
156 otre temps ait prononcé définitivement le divorce de l’esprit et de l’action. III. Le fordisme contre l’Esprit La fo
157 prononcé définitivement le divorce de l’esprit et de l’action. III. Le fordisme contre l’Esprit La formidable erreur
158 fordisme contre l’Esprit La formidable erreur de la bourgeoisie moderne c’est de croire que les choses pourront aller
159 formidable erreur de la bourgeoisie moderne c’est de croire que les choses pourront aller ainsi longtemps encore. On se re
160 ler ainsi longtemps encore. On se refuse à l’idée d’ une catastrophe, pourtant plus que probable, par crainte de se voir ob
161 elle qu’on ne peut faire qu’au nom de l’Esprit et de ses exigences. Mais le « rien de nouveau sous le soleil » derrière le
162 e paresse et une légèreté inouïes, c’est le signe d’ une complicité avec un état de choses funeste pour l’Esprit. Si l’Espr
163 prise dans notre vie, il détourne la civilisation de son but véritable : aller à l’Esprit, y conduire les peuples. Ainsi,
164 Esprit, y conduire les peuples. Ainsi, détournant de l’essentiel une grande part des forces humaines, il travaille contre
165 it. Rien n’est gratuit. Nous payons notre passion de posséder la matière du prix de la seule possession véritable, la conn
166 yons notre passion de posséder la matière du prix de la seule possession véritable, la connaissance de l’Esprit. C’est déj
167 de la seule possession véritable, la connaissance de l’Esprit. C’est déjà un fait d’expérience. Et qui n’en pourrait citer
168 , la connaissance de l’Esprit. C’est déjà un fait d’ expérience. Et qui n’en pourrait citer un exemple individuel ? Nous sa
169 ’homme d’affaires à l’américaine tient les choses de l’Esprit. Dans le cas le plus favorable, « il se passera bien de cett
170 ns le cas le plus favorable, « il se passera bien de cette littérature ». Plus tard, « puisqu’elle n’est pas utile, elle e
171 ou autres œuvres destinées à charmer les loisirs de personnes oisives et raffinées, réunies pour admirer mutuellement leu
172 tout est dit ! Le simplisme arrogant avec lequel, de nos jours, on tranche les grandes questions humaines est une des mani
173 es est une des manifestations les plus frappantes de notre régression. Cette perte du sens de l’âme se nomme bon sens amér
174 appantes de notre régression. Cette perte du sens de l’âme se nomme bon sens américain. On en fait quelque chose de jovial
175 omme bon sens américain. On en fait quelque chose de jovial et d’alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereu
176 américain. On en fait quelque chose de jovial et d’ alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereux du tout. On
177 uelque chose de jovial et d’alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereux du tout. On n’en fait pas une philo
178 s’en doute, cela en prend la place. Les facultés de l’âme, inutilisées, s’atrophient. Pourvu, dit-on, que subsiste le peu
179 affaires, tout ira bien. (On pense que les formes de la morale peuvent exister sans leur substance religieuse.) L’homme mo
180 nce religieuse.) L’homme moderne manie les choses de l’âme avec une maladresse de barbare. IV. « En être » ou ne pas en
181 rne manie les choses de l’âme avec une maladresse de barbare. IV. « En être » ou ne pas en être Une fois qu’on a com
182 homme s’abandonne à des lois géométriques. Un jeu de chiffres d’horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’il sent immu
183 donne à des lois géométriques. Un jeu de chiffres d’ horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’il sent immuable comme l
184 ’à l’existence, et à une liberté qu’il s’empresse d’ aliéner au profit de plaisirs tarifés, soumis plus subtilement encore
185 une liberté qu’il s’empresse d’aliéner au profit de plaisirs tarifés, soumis plus subtilement encore que son travail aux
186 plus subtilement encore que son travail aux lois d’ une offre et d’une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont
187 nt encore que son travail aux lois d’une offre et d’ une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il subit docil
188 l’homme qui était un membre vivant dans le corps de la Nature, lié par les liens les plus subtils et les plus profonds à
189 ls et les plus profonds à tous les autres membres de la Nature, choses, bêtes et anges, — le voici devenu sourd à cette ha
190 enu sourd à cette harmonie universelle, incapable d’ en comprendre les correspondances divines et humaines, insensible même
191 onomiques et des exigences les plus rudimentaires de son corps. Il a perdu le contact avec les choses naturelles, et par l
192 te détresse, — qu’il met d’ailleurs sur le compte de sa fatigue. Neurasthénie. La conquête du confort matériel l’a laissé
193 u confort matériel l’a laissé oublier les valeurs de l’esprit au point qu’il n’éprouve plus même cette carence ; seulement
194 il découvre qu’il s’ennuie profondément ; fatigué de trop de satisfactions matérielles, il a laissé se détendre, ou il a c
195 vre qu’il s’ennuie profondément ; fatigué de trop de satisfactions matérielles, il a laissé se détendre, ou il a cassé les
196 a laissé se détendre, ou il a cassé les ressorts de sa joie : l’effort libre et généreux, le sentiment d’avoir inventé ou
197 a joie : l’effort libre et généreux, le sentiment d’ avoir inventé ou compris par soi-même, la liberté et une certaine duré
198 ale et capricieuse dans le plaisir, la conscience de ses besoins et de ses buts propres, humains et divins. Mauvais loisir
199 dans le plaisir, la conscience de ses besoins et de ses buts propres, humains et divins. Mauvais loisirs. Ford lui a donn
200 travail. Il a perdu le sens religieux, cosmique, de l’effort humain. Il ne peut plus situer son effort individuel dans le
201 , il en est l’esclave. Pour s’être exclu lui-même de l’ordre de la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rappor
202 l’esclave. Pour s’être exclu lui-même de l’ordre de la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rapports abstrait
203 mais c’est pourtant lui seul qui nous permettrait de jouir de notre liberté. La victoire mécanicienne est une victoire à l
204 t pourtant lui seul qui nous permettrait de jouir de notre liberté. La victoire mécanicienne est une victoire à la Pyrrhus
205 ignes. Nous perdons, en l’acquérant, par l’effort de l’acquérir, les forces mêmes qui nous la firent désirer. 2° Accepter
206 ses conditions. Je dis que les êtres encore doués de quelque sensibilité spirituelle deviennent par le seul fait de rester
207 nsibilité spirituelle deviennent par le seul fait de rester eux-mêmes dans un monde fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit
208 est pas une faculté destinée à amuser nos moments de loisir, il a des exigences effectives ; et ces exigences sont en cont
209 en contradiction avec celles que le développement de la technique impose au monde moderne. Ces êtres, d’une espèce de plus
210 la technique impose au monde moderne. Ces êtres, d’ une espèce de plus en plus rare, qui savent encore quelque chose de la
211 lus en plus rare, qui savent encore quelque chose de la vie profonde, qui voient encore des vérités invisibles, qui garden
212 uelle grâce ? un peu de cette connaissance active de Dieu que nos savants nomment mysticisme et considèrent comme un « cas
213  on les écarte des engrenages où ils risqueraient de faire grain de sable. Ils se réfugient dans ce qu’on pourrait appeler
214 des engrenages où ils risqueraient de faire grain de sable. Ils se réfugient dans ce qu’on pourrait appeler les classes pr
215 e qu’on pourrait appeler les classes privilégiées de l’esprit : fortunes oisives ou misères sans espoir. On en rencontre e
216 prend ». Irréguliers aux yeux du monde ; la proie d’ on ne sait quelles forces occultes sans doute dangereuses, puisqu’elle
217 ’elles les rendent inutilisables dans les rouages de la vie moderne. Le triomphe de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apan
218 s dans les rouages de la vie moderne. Le triomphe de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’une sorte de franc-maçonn
219 mphe de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’ une sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et ce
220 réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’une sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et cette franc-ma
221 devenir l’apanage d’une sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et cette franc-maçonnerie sera bientô
222 e sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines d’ individus. Et cette franc-maçonnerie sera bientôt traquée avec la dern
223 raquée avec la dernière rigueur : avec la rigueur de la nécessité — puisqu’elle est inutile au grand dessein matérialiste
224 qu’elle est inutile au grand dessein matérialiste de l’Occident. La logique, parlant par la bouche de Ford : « Inutile, do
225 de l’Occident. La logique, parlant par la bouche de Ford : « Inutile, donc à détruire. » Ford a raison, une fois de plus.
226 détruire. » Ford a raison, une fois de plus. Pas de compromis possible de ce côté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez servi
227 ison, une fois de plus. Pas de compromis possible de ce côté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon », di
228 ue. Nous avons mieux à faire, il n’est plus temps de se désintéresser simplement des buts — si bas soient-ils — d’une civi
229 éresser simplement des buts — si bas soient-ils — d’ une civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr. Il
230 bas soient-ils — d’une civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr. Il se prépare déjà des révoltes terr
231 ilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr. Il se prépare déjà des révoltes terribles4, celles d’un mystic
232 l se prépare déjà des révoltes terribles4, celles d’ un mysticisme exaspéré, devenu presque fou dans sa prison. Les intelle
233 enu presque fou dans sa prison. Les intellectuels d’ aujourd’hui ont une tâche pressante : chercher s’il est possible d’éch
234 une tâche pressante : chercher s’il est possible d’ échapper au fatal dilemme. Premiers pas vers la solution : l’existence
235 e. Pour le reste, je pense que c’est une question de foi. 1. Une enquête faite à Genève a révélé que les livres les plu
236 lus lus du grand public sont Ma vie et mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches, de Clément Vautel. Dans les pays de
237 t mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches, de Clément Vautel. Dans les pays de langue allemande, son succès est enc
238 chez les riches, de Clément Vautel. Dans les pays de langue allemande, son succès est encore plus grand, et de meilleure q
239 e allemande, son succès est encore plus grand, et de meilleure qualité. Je ne parle pas de l’Amérique. 2. Victor Cambon,
240 s grand, et de meilleure qualité. Je ne parle pas de l’Amérique. 2. Victor Cambon, préface à Henry Ford, Ma vie et mon œu
241 poussée mystique en Russie. a. Rougemont Denis de , « Le péril Ford », Foi et Vie, Paris, février 1928, p. 189-202.
2 1930, Foi et Vie, articles (1928–1977). « Pour un humanisme nouveau » [Réponse à une enquête] (1930)
242 es assiègent notre condition humaine : la liberté de l’esprit et les lois de la matière. Pris entre une anarchie et une fa
243 tion humaine : la liberté de l’esprit et les lois de la matière. Pris entre une anarchie et une fatalité également funeste
244 qui est la civilisation. Appelons humanisme l’art de composer pour la défense de l’homme et son illustration des puissance
245 nse de l’homme et son illustration des puissances de nature inhumaine. Nous pourrons définir un tel humanisme : l’organe d
246 Nous pourrons définir un tel humanisme : l’organe d’ équilibre de la civilisation. Nous tenions de l’Antiquité, et singuliè
247 s définir un tel humanisme : l’organe d’équilibre de la civilisation. Nous tenions de l’Antiquité, et singulièrement de la
248 gane d’équilibre de la civilisation. Nous tenions de l’Antiquité, et singulièrement de la Grèce, le sentiment d’une harmon
249 n. Nous tenions de l’Antiquité, et singulièrement de la Grèce, le sentiment d’une harmonie nécessaire entre nos gestes et
250 uité, et singulièrement de la Grèce, le sentiment d’ une harmonie nécessaire entre nos gestes et nos pensées, nos créations
251 os créations et notre connaissance ; le sentiment d’ une harmonie à sauvegarder au sein de nos connaissances même, et dans
252 sein de nos connaissances même, et dans l’allure de leur progrès. Les humanités nous paraissaient devoir transmettre aux
253 t devoir transmettre aux générations cette notion d’ un équilibre proprement humain. Ainsi passèrent quelques siècles ; ain
254 issa installer ses machines : elles avaient l’air de grands joujoux ; et l’on continua d’apprendre rosa : la rose, d’admir
255 vaient l’air de grands joujoux ; et l’on continua d’ apprendre rosa : la rose, d’admirer le Parthénon et le courage de Muci
256 ux ; et l’on continua d’apprendre rosa : la rose, d’ admirer le Parthénon et le courage de Mucius Scevola. On croyait au pr
257 a : la rose, d’admirer le Parthénon et le courage de Mucius Scevola. On croyait au progrès, sous n’importe quelle forme. B
258 ment, nous voici « gagnés » par l’un des éléments de notre destin. La composante matérielle vient de l’emporter. Elle est
259 matérielle vient de l’emporter. Elle est en passe de gauchir notre civilisation à tel point que l’homme, affolé, soudain,
260 me, affolé, soudain, doute s’il est encore maître de la redresser. C’est qu’il n’y a plus d’humanisme, s’il subsiste des h
261 re maître de la redresser. C’est qu’il n’y a plus d’ humanisme, s’il subsiste des humanités. L’humanisme est compromis virt
262 tonomie vis-à-vis de la métaphysique. L’équilibre de notre esprit ne comporte pas l’égalité de droit de ces deux disciplin
263 uilibre de notre esprit ne comporte pas l’égalité de droit de ces deux disciplines. Car la science à peine libérée, demand
264 e notre esprit ne comporte pas l’égalité de droit de ces deux disciplines. Car la science à peine libérée, demande la tête
265 . Car la science à peine libérée, demande la tête de la métaphysique. Elle n’entend que ses intérêts. Elle eut naguère des
266 que ses intérêts. Elle eut naguère des insolences d’ affranchi, dont les philosophes demeurent tout intimidés. Et nous vîme
267 l’ont renié. Mais pourquoi tant et toujours plus de mal à prouver la liberté humaine ? C’est que l’on s’est trop bien ass
268 C’est que l’on s’est trop bien assimilé les tours de la pensée scientifique. Cherchant des lois, la science ne peut trouve
269 méthodes, c’est en réalité le soumettre aux lois de l’ordre matériel ; c’est se condamner donc à ne l’apercevoir que dans
270 sophes des sciences fait-elle songer à l’activité de cet espion anglais qui parvint durant la guerre à diriger le service
271 qui parvint durant la guerre à diriger le service de contre-espionnage allemand chargé de sa filature6. Ah ! comme nous av
272 r le service de contre-espionnage allemand chargé de sa filature6. Ah ! comme nous avons besoin d’être purifiés d’une odeu
273 rgé de sa filature6. Ah ! comme nous avons besoin d’ être purifiés d’une odeur de laboratoire dont notre pensée reste impré
274 re6. Ah ! comme nous avons besoin d’être purifiés d’ une odeur de laboratoire dont notre pensée reste imprégnée. La science
275 mme nous avons besoin d’être purifiés d’une odeur de laboratoire dont notre pensée reste imprégnée. La science se moque de
276 ence se moque des nuages qui animaient la matière d’ intentions morales. Elle-même cependant est tout occupée à minéraliser
277 occupée à minéraliser l’esprit. La tâche urgente d’ un nouvel humanisme sera de nous dégager des fatalités dont nous voyon
278 prit. La tâche urgente d’un nouvel humanisme sera de nous dégager des fatalités dont nous voyons l’empire s’étendre dans t
279 voyons l’empire s’étendre dans tous les domaines de notre existence, inclinant nos utopies mêmes, desséchant les sources
280 clinant nos utopies mêmes, desséchant les sources de notre foi. Qui parlait donc d’un « humanisme scientifique » ? Nous av
281 échant les sources de notre foi. Qui parlait donc d’ un « humanisme scientifique » ? Nous avons été pris de vitesse par nos
282 « humanisme scientifique » ? Nous avons été pris de vitesse par nos inventions matérielles et déjà nous sentons leurs loi
283 entons leurs lois peser sur notre vie : s’agit-il d’ enrayer la science ? Non, mais que l’esprit qui l’a créée, la surpasse
284 en faveur de l’esprit peut maintenir l’équilibre de l’esprit et de la matière. L’humanisme moderne sera ce parti pris, sp
285 ’esprit peut maintenir l’équilibre de l’esprit et de la matière. L’humanisme moderne sera ce parti pris, spiritualiste — o
286 te — ou ne méritera pas son nom. … Or, la rigueur de la science ne saurait être surmontée, sinon par la rigueur au moins é
287 re surmontée, sinon par la rigueur au moins égale d’ une pensée qui par ailleurs participe de la liberté : j’entends la pen
288 ins égale d’une pensée qui par ailleurs participe de la liberté : j’entends la pensée mystique. L’expérience mystique a la
289 nsion que l’humanité. On n’en saurait dire autant de notre raison. Les faits mystiques — qu’on les prenne en l’état brut o
290 siques élaborés par la science. Mais, participant de notre volonté et de la grâce, ils échappent à cette fatalité qui est
291 la science. Mais, participant de notre volonté et de la grâce, ils échappent à cette fatalité qui est le signe du monde ma
292 ériel. Je vois l’humanisme nouveau sous l’aspect d’ une culture des facultés mystiques ; d’une technique spirituelle8 indé
293 s l’aspect d’une culture des facultés mystiques ; d’ une technique spirituelle8 indépendante de toute fin religieuse partic
294 iques ; d’une technique spirituelle8 indépendante de toute fin religieuse particulière, antérieure à n’importe quel dogme.
295 crois pas qu’il existe d’autres facultés capables d’ équilibrer en nous l’esprit de géométrie. J’imagine une méthode, une f
296 s facultés capables d’équilibrer en nous l’esprit de géométrie. J’imagine une méthode, une façon d’appréhender la vie, de
297 it de géométrie. J’imagine une méthode, une façon d’ appréhender la vie, de hiérarchiser nos entreprises, qui ne bannirait
298 gine une méthode, une façon d’appréhender la vie, de hiérarchiser nos entreprises, qui ne bannirait pas de l’existence la
299 iérarchiser nos entreprises, qui ne bannirait pas de l’existence la poésie, ce sens du Réel. Je vois se composer en cette
300 ement — ce que la « rationalisation » aura laissé de Raison à l’Occident, avec certains secrets de la méditation hindoue.
301 ssé de Raison à l’Occident, avec certains secrets de la méditation hindoue. Rêves, sans doute… Mais tout commence par des
302 s tout commence par des rêves. Et je ne vois rien d’ autre. Quoi qu’il en soit d’ailleurs du contenu d’un nouvel humanisme,
303 d’autre. Quoi qu’il en soit d’ailleurs du contenu d’ un nouvel humanisme, il est assez aisé de prévoir et de décrire une te
304 contenu d’un nouvel humanisme, il est assez aisé de prévoir et de décrire une tentation qui le guette et à laquelle tout
305 nouvel humanisme, il est assez aisé de prévoir et de décrire une tentation qui le guette et à laquelle tout humanisme para
306 t à laquelle tout humanisme paraît enclin : celle de créer un modèle de l’homme. Peut-être a-t-il existé un modèle gréco-l
307 umanisme paraît enclin : celle de créer un modèle de l’homme. Peut-être a-t-il existé un modèle gréco-latin, un canon de l
308 tre a-t-il existé un modèle gréco-latin, un canon de l’âme aussi bien que du corps. Il est possible que ce mythe ait animé
309 l est possible que ce mythe ait animé l’humanisme de nos humanités. Il est certain qu’il a perdu son ascendant. D’ailleurs
310 guère au-delà des limites du monde roman. Le type de chevalier et ses succédanés militaires et wagnériens a toujours préva
311 rabais est notable. On solde. Au rayon des idéaux de confection voici le Citoyen du Monde, voici le Bon Européen, voici l’
312 mptez que l’on poussera plus avant la dégradation de cette idole qu’est l’Homme pour l’homme. Toute décadence invente un s
313 eut celui des dieux ; nous aurons celui des races de la Terre. Non plus une foi commune, mais une moyenne de nos manières
314 Terre. Non plus une foi commune, mais une moyenne de nos manières d’être. Une sorte de commun dénominateur… (Le christiani
315 une foi commune, mais une moyenne de nos manières d’ être. Une sorte de commun dénominateur… (Le christianisme en connaît u
316 ais une moyenne de nos manières d’être. Une sorte de commun dénominateur… (Le christianisme en connaît un, depuis toujours
317 Tous les modèles que l’homme se propose ont ceci d’ insuffisant : qu’ils peuvent être atteints. Mais ce qui parfait la sta
318 ent être atteints. Mais ce qui parfait la stature de l’homme, c’est l’effort pour se dépasser — indéfiniment. L’homme ne s
319 qu’il « passe l’homme » et participe, en esprit, d’ un ordre transcendental. Un seul fut parfaitement Homme : c’était un d
320 aitement Homme : c’était un dieu. N’attendons pas d’ un nouvel humanisme qu’il nous désigne un but, ni même une direction :
321 e qui manque à l’homme moderne, c’est un principe d’ harmonie qui lui garantisse le caractère « d’humanité » de ses démarch
322 cipe d’harmonie qui lui garantisse le caractère «  d’ humanité » de ses démarches intellectuelles. Nous avons inventé trop d
323 ie qui lui garantisse le caractère « d’humanité » de ses démarches intellectuelles. Nous avons inventé trop d’êtres inhuma
324 émarches intellectuelles. Nous avons inventé trop d’ êtres inhumains : ils nous menacent et nous empêchent de voir encore l
325 s inhumains : ils nous menacent et nous empêchent de voir encore le surhumain. Être véritablement homme, c’est avoir accès
326 ement homme, c’est avoir accès au divin. Que sert de parler d’humanisme « chrétien » ? L’humanisme est de l’homme, le chri
327 e, c’est avoir accès au divin. Que sert de parler d’ humanisme « chrétien » ? L’humanisme est de l’homme, le christianisme
328 parler d’humanisme « chrétien » ? L’humanisme est de l’homme, le christianisme est du nouvel homme. Tout humanisme véritab
329 i demander de plus, s’il laisse en blanc la place de Dieu. Mais où trouver les lévites assez purs pour garder vierge parmi
330 oici déjà tant de faux dieux — le fascinant éclat de ce vide ? 5. Je songe à la « psychologie scientifique » et à ce leu
331 ste. 6. J’exagère probablement, car la sincérité de ce néo-scientisme tempéré — sinon vraiment converti — est hors de dou
332 t nets. (Cités par M. Brunschvicg dans Le Progrès de la conscience dans la philosophie occidentale, p. 695.) 8. Les human
333 mologies est l’une des garanties les plus actives de la pensée. b. Rougemont Denis de, « Pour un humanisme nouveau », Ca
334 s plus actives de la pensée. b. Rougemont Denis de , « Pour un humanisme nouveau », Cahiers de Foi et Vie , Paris, 1930,
335 Denis de, « Pour un humanisme nouveau », Cahiers de Foi et Vie , Paris, 1930, p. 242-245. c. Le texte est précédé de la
336 Paris, 1930, p. 242-245. c. Le texte est précédé de la note suivante : « M. Denis de Rougemont a poursuivi des études de
337  : « M. Denis de Rougemont a poursuivi des études de lettres à Neuchâtel, Vienne et Genève. Il a collaboré à diverses revu
3 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). André Malraux, La Voie royale (février 1931)
338 pas facilement. C’est qu’il y apporte un peu plus d’ expérience humaine qu’on n’a coutume d’en attendre aujourd’hui d’un je
339 n peu plus d’expérience humaine qu’on n’a coutume d’ en attendre aujourd’hui d’un jeune écrivain. Son premier roman, Les Co
340 maine qu’on n’a coutume d’en attendre aujourd’hui d’ un jeune écrivain. Son premier roman, Les Conquérants, décrivait la ré
341 lution communiste en Chine, et la figure centrale de Garine, anarchiste par goût de l’expérience, conférait à tout le livr
342 la figure centrale de Garine, anarchiste par goût de l’expérience, conférait à tout le livre un caractère assez directemen
343 ssez directement autobiographique. La philosophie de ce Garine, en effet, ressemblait singulièrement à celle que M. Malrau
344 lièrement à celle que M. Malraux venait justement d’ exposer dans un petit ouvrage aigu et dense intitulé La Tentation de l
345 petit ouvrage aigu et dense intitulé La Tentation de l’Occident. La Voix royale 9, est, croyons-nous, le récit des événem
346 es événements qui précédèrent l’aventure chinoise de l’auteur. C’est un roman plus dépouillé, plus inégal aussi à certains
347 s sauvage. Comme Les Conquérants, c’est une sorte de roman d’aventures significatives, et dont le tragique est décuplé par
348 . Comme Les Conquérants, c’est une sorte de roman d’ aventures significatives, et dont le tragique est décuplé par la valeu
349 ns l’esprit des héros. Un jeune Français a décidé d’ aller fouiller les temples en ruines de la Voie royale d’Angkor : il c
350 s a décidé d’aller fouiller les temples en ruines de la Voie royale d’Angkor : il compte y découvrir des bas-reliefs dont
351 fouiller les temples en ruines de la Voie royale d’ Angkor : il compte y découvrir des bas-reliefs dont il pourrait tirer
352 ix considérable. Sur le bateau qui l’amène à pied d’ œuvre, il s’associe à un aventurier danois, Perken, personnage énigmat
353 ken, personnage énigmatique qui possède une sorte de puissance militaire, sans doute irrégulière, dans le Siam, et auquel
354 , goût des actions des hommes lié à la conscience de leur vanité…, refus surtout. » Refus des « conditions » de la vie soc
355 anité…, refus surtout. » Refus des « conditions » de la vie sociale, au profit d’une volonté de puissance dont l’objet dem
356 s des « conditions » de la vie sociale, au profit d’ une volonté de puissance dont l’objet demeure assez incertain. Ce myst
357 ions » de la vie sociale, au profit d’une volonté de puissance dont l’objet demeure assez incertain. Ce mystère qui entour
358 des deux explorateurs aux prises avec les fièvres de la forêt tropicale, puis avec les sauvages Moïs, donne au personnage
359 ue à créer des obscurités que le style très tendu de M. Malraux n’est pas fait pour dissiper. Perken, dans ses conversatio
360 tre dans les affaires — qui se donnent une espèce d’ autorité en ne parlant jamais que par allusions et mots couverts. Il i
361 ide un peu le lecteur qui ne se sent pas complice de ses secrets desseins. Au reste, le livre s’achève par sa mort, sans q
362 tre qu’il n’y en a pas. Perken, comme Garine, est de ces êtres qui agissent par désespoir, parce que l’action, à tout pren
363 ort partout présente « comme l’irréfutable preuve de l’absurdité de la vie ». L’agonie lente de Perken, qui est tombé sur
364 sente « comme l’irréfutable preuve de l’absurdité de la vie ». L’agonie lente de Perken, qui est tombé sur les « pointes d
365 preuve de l’absurdité de la vie ». L’agonie lente de Perken, qui est tombé sur les « pointes de guerre » empoisonnées des
366 lente de Perken, qui est tombé sur les « pointes de guerre » empoisonnées des Moïs, est un morceau admirable et atroce où
367 le et atroce où éclate douloureusement la révolte d’ un être pour qui la mort ne peut être qu’une « défaite monstrueuse ».
368 te monstrueuse ». Ainsi les incidents pathétiques de cette aventure composent en définitive une méditation sur le destin d
369 posent en définitive une méditation sur le destin de l’homme. Chez Perken comme chez Garine, même héroïsme dépourvu d’idéa
370 Perken comme chez Garine, même héroïsme dépourvu d’ idéal, même ardeur épuisante à vivre contre la mort, même fièvre de lu
371 eur épuisante à vivre contre la mort, même fièvre de lucidité qui ne laisse subsister de tous les sentiments qu’une « frat
372 , même fièvre de lucidité qui ne laisse subsister de tous les sentiments qu’une « fraternité désespérée » devant la mort.
373 que sa portée ne saurait déborder un petit cercle d’ esprits aventureux et atteints jusque dans leur goût de l’action par u
374 rits aventureux et atteints jusque dans leur goût de l’action par un intellectualisme anarchique. Je tiens au contraire le
375 traire le cas Malraux pour hautement significatif de notre époque post-nietzschéenne et pré-communiste. Le cas Malraux, — 
376 , — le cas Perken si vous voulez. Les personnages de M. Malraux se ressemblent dans le souvenir du lecteur : leur tempéram
377 s extérieures, et c’est sans doute le tempérament de leur auteur. Qui n’a pas remarqué que les portraits des meilleurs pei
378 à ces peintres sous les traits du modèle. Cet air de famille qu’ont tous les personnages peints par Rembrandt, et qui perm
379 s personnages peints par Rembrandt, et qui permet de les identifier au premier coup d’œil, ce « commun dénominateur » d’ex
380 au premier coup d’œil, ce « commun dénominateur » d’ expression et de masques si dissemblables, n’est-ce point cela qui for
381 d’œil, ce « commun dénominateur » d’expression et de masques si dissemblables, n’est-ce point cela qui forme l’autoportrai
382 paraissent au travers des actions et des discours d’ un Garine, d’un Perken, les traits d’une individualité morale qui n’es
383 travers des actions et des discours d’un Garine, d’ un Perken, les traits d’une individualité morale qui n’est sans doute
384 des discours d’un Garine, d’un Perken, les traits d’ une individualité morale qui n’est sans doute que l’idée la plus forte
385 e que l’idée la plus forte que M. Malraux se fait de lui-même. Je suis tenté de dire : son moi idéal, celui auquel il donn
386 que M. Malraux se fait de lui-même. Je suis tenté de dire : son moi idéal, celui auquel il donne sa plus profonde et intim
387 fonde et intime adhésion. Nous avons tous en nous de quoi composer un semblable personnage, plus vrai que nous-mêmes parce
388 -Garine est la personnification la plus frappante d’ un certain « homme moderne », — l’homme sans Dieu, qui n’attend rien q
389 rne », — l’homme sans Dieu, qui n’attend rien que de cette vie, mais auquel cette vie même, en fin de compte, paraît absur
390 fin de compte, paraît absurde, parce qu’il refuse de lui trouver un sens dans la mort. L’homme qui pourrait se définir : «
391 ur lui n’existe aucune transcendance où s’abîmer, d’ où renaître. Je ne sais pas aujourd’hui le livre « bien pensant » qui
392 pose avec une pareille acuité le problème central de notre civilisation. À ce titre, l’œuvre anarchiste et antichrétienne
393 sque agressif qu’elle apporte à décrire la figure de l’homme moderne en proie au seul orgueil de vivre, dénonce la paresse
394 igure de l’homme moderne en proie au seul orgueil de vivre, dénonce la paresse de la religion qui n’est qu’un refuge contr
395 roie au seul orgueil de vivre, dénonce la paresse de la religion qui n’est qu’un refuge contre la vie. Elle nous amène à u
396 refuge contre la vie. Elle nous amène à un point de jugement d’où les facilités de certaine foi apparaissent aussi « faus
397 re la vie. Elle nous amène à un point de jugement d’ où les facilités de certaine foi apparaissent aussi « fausses » que l’
398 s amène à un point de jugement d’où les facilités de certaine foi apparaissent aussi « fausses » que l’effort désespéré de
399 raissent aussi « fausses » que l’effort désespéré de ces conquérants de désert. 9. Chez Grasset. 10. La Voie royale n’
400 usses » que l’effort désespéré de ces conquérants de désert. 9. Chez Grasset. 10. La Voie royale n’est que l’introduct
401 Voie royale n’est que l’introduction à une série de romans intitulés Les Puissances du désert. 11. Le prix Goncourt, dit
402 ins règlements concernant la propriété officielle de bas-reliefs cambodgiens. Je donne l’histoire comme une fable. Il est
403 istoire comme une fable. Il est peut-être curieux de noter que les pires blasphèmes, de la pornographie en outre violation
404 t-être curieux de noter que les pires blasphèmes, de la pornographie en outre violations des lois divines et humaines, n’e
405 reil ostracisme. Mais notre monde ne connaît plus de sacré que la propriété matérielle. d. Rougemont Denis de, « [Compte
406 que la propriété matérielle. d. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] André Malraux, La Voie royale  », Foi et Vie, Paris
4 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Sécularisme (mars 1931)
407 Sécularisme (mars 1931)e Il nous plaît de faire converser ici les gens les moins faits pour s’entendre : ce n’e
408 s pour s’entendre : ce n’est pas un mauvais moyen de dégager la mentalité d’une époque — selon la dialectique de cet Hegel
409 ’est pas un mauvais moyen de dégager la mentalité d’ une époque — selon la dialectique de cet Hegel auquel on revient parce
410 la mentalité d’une époque — selon la dialectique de cet Hegel auquel on revient parce qu’au contraire de M. Léon Brunschv
411 M. Léon Brunschvicg, il avait le sens du tragique de la vie. De pareilles « conversations » ne ressortent nullement de la
412 nschvicg, il avait le sens du tragique de la vie. De pareilles « conversations » ne ressortent nullement de la critique li
413 reilles « conversations » ne ressortent nullement de la critique littéraire ; il arrive qu’elles mettent en jeu de gros pr
414 ue littéraire ; il arrive qu’elles mettent en jeu de gros problèmes à propos d’ouvrages bien minces. C’est qu’aujourd’hui
415  ». L’on mesure ici l’écart d’avec la littérature d’ avant-guerre, qui était avant tout un art. La nôtre ayant voix au foru
416 te ou qu’elle ne stylise. On peut dire, avec plus de louange d’ailleurs que d’ironie, qu’elle touche à tout dans l’homme e
417 On peut dire, avec plus de louange d’ailleurs que d’ ironie, qu’elle touche à tout dans l’homme et dans la société. Elle a
418 dans l’homme et dans la société. Elle a l’absence de scrupules des gens qui ont une mission urgente à remplir. Ces quelque
419 ous l’angle qu’il faut pour situer le petit livre de M. P. Nizan12, dans sa perspective la plus équitable. C’est le type d
420 ’il manifeste et commente. Son sujet : le voyage d’ un jeune normalien marxiste. Citons quelques phrases qui donneront le
421 laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie… — Où était placé notre mal ? dans quelle partie de notre vie.
422 … — Où était placé notre mal ? dans quelle partie de notre vie. Voici ce que nous savons : les hommes ne vivent pas comme
423 alisme, plus-value. — Qui donc nous aurait révélé de bonnes raisons brutales, de bonnes raisons humaines, de nous intéress
424 nc nous aurait révélé de bonnes raisons brutales, de bonnes raisons humaines, de nous intéresser à l’Asie : les grèves à B
425 nes raisons brutales, de bonnes raisons humaines, de nous intéresser à l’Asie : les grèves à Bombay, les révolutions et le
426 liberté est un pouvoir réel et une volonté réelle de vouloir être soi. Ayant ainsi esquissé ses positions éthiques, l’aut
427 eur part pour Aden. Quel n’est pas son étonnement de découvrir que ce lieu n’est qu’une « image fortement concentrée de no
428 ce lieu n’est qu’une « image fortement concentrée de notre mère l’Europe », un lieu où la vie occidentale se trouve « déca
429 la vie des hommes se trouve « réduite à son état de pureté extrême qui est l’état économique ». Si les mœurs sont occiden
430 iennent de tout l’Orient. « On pense à une Genève de l’islam. » Il semble, à lire notre auteur, que ce mélange de représen
431  » Il semble, à lire notre auteur, que ce mélange de représentants de ne ordre de toutes les races compose quelque chose d
432 ire notre auteur, que ce mélange de représentants de ne ordre de toutes les races compose quelque chose d’assez hideusemen
433 teur, que ce mélange de représentants de ne ordre de toutes les races compose quelque chose d’assez hideusement provincial
434 e ordre de toutes les races compose quelque chose d’ assez hideusement provincial, au pire sens du terme. M. Nizan se refus
435 la philosophie, la politique étant absents, faute d’ emploi, il n’y avait aucune correction à faire ». D’ailleurs, il ne ve
436 ar, pour lui, « être poétique, c’est avoir besoin d’ illusions ». Je soutiendrais volontiers le contraire, mais M. Nizan es
437 ndrais volontiers le contraire, mais M. Nizan est de ces gens, si nombreux aujourd’hui (Freud, etc.), qui croient que le p
438 iècle qui consiste dans une large mesure à éviter d’ appeler les choses par leur nom, à préférer toujours le « distingué »
439 conforme » au vrai. Mais n’est-il pas grand temps de dépasser une réaction de vulgarité non moins artificielle que le lâch
440 n’est-il pas grand temps de dépasser une réaction de vulgarité non moins artificielle que le lâche idéalisme qu’elle comba
441 aison ? D’ailleurs, si je vois bien que le propos de M. Nizan n’est pas de nous rendre le goût de ce qui, en Europe, « all
442 je vois bien que le propos de M. Nizan n’est pas de nous rendre le goût de ce qui, en Europe, « allongeait la solution »,
443 opos de M. Nizan n’est pas de nous rendre le goût de ce qui, en Europe, « allongeait la solution », je ne puis m’empêcher
444 « allongeait la solution », je ne puis m’empêcher de penser que cette peinture d’Aden est assez faite pour y contribuer :
445 e ne puis m’empêcher de penser que cette peinture d’ Aden est assez faite pour y contribuer : si grande est en effet l’horr
446 descriptible et sec ». Mais est-il bien légitime de voir dans un tel « résidu » l’essence de l’Europe, — « son état de pu
447 légitime de voir dans un tel « résidu » l’essence de l’Europe, — « son état de pureté extrême, qui est l’économique » ? On
448 el « résidu » l’essence de l’Europe, — « son état de pureté extrême, qui est l’économique » ? On reconnaît ici la thèse ma
449 ransformation radicale des conditions matérielles de la vie humaine. Je crois que l’homme ne peut être transformé que spir
450 rituellement. Et cette révolution-là a l’avantage d’ être possible dès maintenant. Mais M. Nizan a trop de préjugés pour se
451 tre possible dès maintenant. Mais M. Nizan a trop de préjugés pour sentir la force neuve perpétuellement de la vérité reli
452 éjugés pour sentir la force neuve perpétuellement de la vérité religieuse. Il parle des religions avec une incroyable légè
453 teur qui cherche l’effet pittoresque. « Les curés de tous les dieux blancs se sont mis à convertir ces idolâtres, ces féti
454 tir ces idolâtres, ces fétichistes, à leur parler de Luther et de la Vierge de Lourdes, à leur révéler les culottes de che
455 tres, ces fétichistes, à leur parler de Luther et de la Vierge de Lourdes, à leur révéler les culottes de chez Esders. » N
456 ichistes, à leur parler de Luther et de la Vierge de Lourdes, à leur révéler les culottes de chez Esders. » N’insistons pa
457 la Vierge de Lourdes, à leur révéler les culottes de chez Esders. » N’insistons pas sur ce Luther prêché par nos missions
458 si vraisemblable !) mais un normalien se devrait de savoir que l’œuvre missionnaire a consisté, dès le début, à combattre
459 té, dès le début, à combattre les funestes effets de la civilisation athée qu’apportaient les Européens. Autre trait plus
460 fiant encore : l’auteur rentrant à Marseille voit de loin le château d’If et N.-D. de la Garde : « J’étais servi — s’écrie
461 teur rentrant à Marseille voit de loin le château d’ If et N.-D. de la Garde : « J’étais servi — s’écrie-t-il. — Les premie
462 ent justement les deux objets les plus révoltants de la terre : une église, une prison. » Triste carence d’un jugement qui
463 terre : une église, une prison. » Triste carence d’ un jugement qui se prétend humain ! Pensez-y M. Nizan : quelle que soi
464 soit la Tchéka régnante, il y aura toujours plus d’ hommes dans les églises que dans les prisons, — et des hommes qui vien
465 é. Mais pourquoi dira-t-on, s’arrêter à ces cris d’ une révolte égarée par la haine ? C’est qu’ils caractérisent une attit
466 fréquente chez les jeunes intellectuels : orgueil de la Vie, haine de cette vie-ci, mépris de la religion et ferveur pour
467 s jeunes intellectuels : orgueil de la Vie, haine de cette vie-ci, mépris de la religion et ferveur pour des « valeurs nou
468 orgueil de la Vie, haine de cette vie-ci, mépris de la religion et ferveur pour des « valeurs nouvelles » encore plus vag
469 vagues d’ailleurs que ce qu’ils peuvent imaginer de la religion. C’est une forme aiguë de ce que les Anglais appellent « 
470 nt imaginer de la religion. C’est une forme aiguë de ce que les Anglais appellent « sécularisme ». Ce terme qui sans doute
471 sans doute reviendra souvent dans les chroniques de Foi et Vie , « résume commodément cette volonté d’émancipation de la
472 Foi et Vie , « résume commodément cette volonté d’ émancipation de la civilisation moderne à l’égard de toute autorité di
473 « résume commodément cette volonté d’émancipation de la civilisation moderne à l’égard de toute autorité divine qui est le
474 e toute autorité divine qui est le trait dominant de notre époque » — pour reprendre la définition qu’en donnait ici même
475 ès dans le même sens que M. René Gillouin parle14 de l’effort de notre monde pour « se séculariser, pour se constituer en
476 ême sens que M. René Gillouin parle14 de l’effort de notre monde pour « se séculariser, pour se constituer en dehors de Di
477 érimée. Avec M. Brunschvicg, il pense qu’un homme de 1931 a dépassé ce « stade », qu’il n’est plus permis de nos jours… br
478 1 a dépassé ce « stade », qu’il n’est plus permis de nos jours… bref, que la science a changé tout cela. C’est précisément
479 sécularistes : la philosophie des lumières, celle de la technique, celle du primat de la Vie. Ce lui est une occasion de r
480 lumières, celle de la technique, celle du primat de la Vie. Ce lui est une occasion de réduire à ses justes proportions l
481 elle du primat de la Vie. Ce lui est une occasion de réduire à ses justes proportions l’idéalisme scientifique de M. Bruns
482 à ses justes proportions l’idéalisme scientifique de M. Brunschvicg, philosophe officiel des lumières. De quelles prises,
483 M. Brunschvicg, philosophe officiel des lumières. De quelles prises, en effet, dispose cet idéalisme ? se demande M. G. Ma
484 ont M. Brunschvicg nous entretient n’est l’Esprit de personne. Je répondrai tout d’abord que c’est ou que cela veut être l
485 d’abord que c’est ou que cela veut être l’Esprit de tout le monde ; et nous savons depuis Platon ce que la démocratie don
486 isme n’est après tout qu’une transposition recèle de flatterie. Ce n’est pas tout : en fait l’idéaliste se substitue inévi
487 e à l’Incarnation ou aller à la Messe ? On n’aura d’ autre ressource que de nous opposer un distinguo : en tant qu’astronom
488 ller à la Messe ? On n’aura d’autre ressource que de nous opposer un distinguo : en tant qu’astronome, ce monstre, cet amp
489 mme du xiiie siècle — ou en enfant : il y a lieu de s’attrister. Si vous demandez au philosophe de quel droit il pratique
490 eu de s’attrister. Si vous demandez au philosophe de quel droit il pratique cet étrange sectionnement, il aura beau se rec
491 trange sectionnement, il aura beau se recommander de la Raison ou de l’Esprit, nous resterons inquiets, d’autant que, s’il
492 ment, il aura beau se recommander de la Raison ou de l’Esprit, nous resterons inquiets, d’autant que, s’il ne s’interdit n
493 uiets, d’autant que, s’il ne s’interdit nullement de rendre compte par des considérations psychologiques ou même sociologi
494 nsidérations psychologiques ou même sociologiques de ces survivances chez l’astronome, il nous interdira formellement de p
495 chez l’astronome, il nous interdira formellement de procéder en ce qui le concerne lui-même, à des analyses ou à des rédu
496 même ordre. Lui est des pieds à la tête un homme de 1930 ; et en même temps il se réclame d’un Esprit éternel qui cependa
497 un homme de 1930 ; et en même temps il se réclame d’ un Esprit éternel qui cependant est né et dont on ne saurait prévoir l
498 les avatars. Tout cela, disons-le nettement, est d’ une singulière incohérence. Et il est évident que si cet idéaliste se
499 s exsangues. Je pense quant à moi qu’un idéalisme de cette espèce est inévitablement coincé entre une philosophie religieu
500 oncrète d’une part, et le matérialisme historique de l’autre. La preuve, je m’amuse à la voir dans le fait que le pamphle
501 je m’amuse à la voir dans le fait que le pamphlet de M. Nizan, communiste, est encore plus dur que l’article de M. Marcel,
502 an, communiste, est encore plus dur que l’article de M. Marcel, catholique, à l’endroit d’un philosophe caractérisé, nous
503 e l’article de M. Marcel, catholique, à l’endroit d’ un philosophe caractérisé, nous dit-on, par « sa terreur sincère de la
504 aractérisé, nous dit-on, par « sa terreur sincère de la vérité qui menace ». Mais partout ailleurs, qu’en cette commune an
505 M. Marcel et M. Nizan s’opposent avec une netteté d’ autant plus significative qu’ils touchent des problèmes identiques, ce
506 e qu’ils touchent des problèmes identiques, celui de la puissance de l’homme, celui de la valeur de son action, celui, en
507 t des problèmes identiques, celui de la puissance de l’homme, celui de la valeur de son action, celui, en somme, de l’impe
508 entiques, celui de la puissance de l’homme, celui de la valeur de son action, celui, en somme, de l’imperfection du monde.
509 ui de la puissance de l’homme, celui de la valeur de son action, celui, en somme, de l’imperfection du monde. Je pense que
510 elui de la valeur de son action, celui, en somme, de l’imperfection du monde. Je pense que tout chrétien conscient des pro
511 e pense que tout chrétien conscient des problèmes de ce temps, souscrirait aux critiques que M. Nizan fait à l’actuelle ci
512 it à l’actuelle civilisation, souffrant comme lui de ce que « les hommes ne vivent pas comme un homme devrait vivre ». Mai
513 nt les critiques marxistes — et c’est ici le nœud de divergence entre eux et nous — si le mal est si grand qu’ils le montr
514 cal soit-il. Un pessimisme aussi féroce que celui de MM. Malraux, Nizan, etc., ne laisse plus subsister assez d’idéal pour
515 raux, Nizan, etc., ne laisse plus subsister assez d’ idéal pour nourrir une révolution. Par là même, il postule une réalité
516 e une réalité transcendante — ou alors le suicide d’ un monde empoisonné par sa propre haine. Le séculariste « constructivi
517 ructiviste » répondra qu’il croit en la puissance de l’homme pour se dégager des servitudes provisoires de la technique. M
518 ’homme pour se dégager des servitudes provisoires de la technique. Mais rien n’est plus hasardeux qu’une telle mystique, —
519 objet. Comme il est déchirant en vérité, le chant d’ orgueil que le siècle entonne pour annoncer son morne triomphe : « Vou
520 e-t-on de toutes parts aux chrétiens. Assez parlé de Vérité, ce sont des réussites qu’il nous faut. Saluons enfin le règne
521 réussites qu’il nous faut. Saluons enfin le règne de l’homme ! » Mais le chrétien, qui sait un peu ce qu’est ce monstre, s
522 littéraires du 20 février, inaugurant une série d’ études sur un nouvel humanisme, à laquelle nous renvoyons tous ceux qu
523 s renvoyons tous ceux qu’aura passionné l’enquête de M. Paul Arbousse-Bastide publiée par Foi et Vie l’an dernier. 15.
524 ’irréligion contemporaine ». e. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Sécularisme », Foi et Vie, Paris, mars 1931, p. 184
5 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Une exposition d’artistes protestants modernes (avril 1931)
525 Une exposition d’ artistes protestants modernes (avril 1931)f C’est donc qu’il y en a
526 itoire pour toute carrière artistique, un facteur de stérilité ou tout au moins de sécheresse. Et voici que s’alignent sur
527 istique, un facteur de stérilité ou tout au moins de sécheresse. Et voici que s’alignent sur une même affiche et sous la d
528 sur une même affiche et sous la double étiquette de protestants et de modernes des noms de peintres comme Bosshardt, Raou
529 che et sous la double étiquette de protestants et de modernes des noms de peintres comme Bosshardt, Raoul Dufy, Lotiron, Z
530 étiquette de protestants et de modernes des noms de peintres comme Bosshardt, Raoul Dufy, Lotiron, Zingg, le sculpteur Gi
531 mystère ; demandons-en l’explication à la Préface d’ un si brillant catalogue. Parce qu’ils parlent un peu pour nous et pa
532 s nous parlent, nous avons demandé à ces artistes de venir dans notre cercle. Héritiers du plus grand affranchissement et
533 rcle. Héritiers du plus grand affranchissement et de la plus héroïque résistance, nous voulons aller de l’avant, nous n’av
534 e la plus héroïque résistance, nous voulons aller de l’avant, nous n’avons pas peur d’essayer vers la beauté de nouvelles
535 s voulons aller de l’avant, nous n’avons pas peur d’ essayer vers la beauté de nouvelles routes. On nous connaît mal. Derri
536 t, nous n’avons pas peur d’essayer vers la beauté de nouvelles routes. On nous connaît mal. Derrière le mur de notre maiso
537 lles routes. On nous connaît mal. Derrière le mur de notre maison on nous croyait peut-être enfermés dans un moralisme étr
538 housiasmes en désordre s’agitaient entre les murs d’ où nous arrachions les moulures et les vieux papiers à fleurs. La conf
539 rrondissaient autour des livres dont nous savions de grands morceaux avec notre cœur. On remuait un climat de poèmes, une
540 ds morceaux avec notre cœur. On remuait un climat de poèmes, une spiritualité un peu grave, on touchait avec notre jeuness
541 e et le fou, semait en nous toutes les curiosités de la couleur et de la vie. Nous reprenions toutes les mesures, tout red
542 it en nous toutes les curiosités de la couleur et de la vie. Nous reprenions toutes les mesures, tout redevenait neuf : le
543 ait une place plus grande dans la joyeuse lumière de notre ciel simplifié. Et voilà, n’est-ce pas, un ton et une ferveur
544 n ton et une ferveur qui rendront vaines beaucoup d’ objections, ou qui expliqueront dès l’abord, et légitimeront aux yeux
545 choix des œuvres exposées. Il ne s’agit nullement de présenter l’ensemble des artistes protestants, il s’agit de manifeste
546 er l’ensemble des artistes protestants, il s’agit de manifester les préférences d’une jeunesse. À cet égard particulièreme
547 testants, il s’agit de manifester les préférences d’ une jeunesse. À cet égard particulièrement, ce salon fut une réussite.
548 e réussite. La curiosité d’abord un peu sceptique de certains critiques, artistes ou écrivains, s’est muée le soir du prem
549 thie sincère et souvent fort admirative. Le titre de l’exposition, si l’on y prend bien garde, éludait dans une certaine m
550 ait dans une certaine mesure la question délicate de l’existence d’un « art protestant ». En effet, on ne parlait ici que
551 rtaine mesure la question délicate de l’existence d’ un « art protestant ». En effet, on ne parlait ici que d’« artistes pr
552 art protestant ». En effet, on ne parlait ici que d’ « artistes protestants ». Mais cela n’empêche pas de rechercher ce que
553 « artistes protestants ». Mais cela n’empêche pas de rechercher ce que ces artistes peuvent avoir de commun, ce qu’ils doi
554 s de rechercher ce que ces artistes peuvent avoir de commun, ce qu’ils doivent à leur origine ou à leur foi réformée, — et
555 s ne constituent pas, en définitive, les éléments d’ un art protestant. Il eût fallu peut-être qu’un plus grand nombre d’ar
556 t. Il eût fallu peut-être qu’un plus grand nombre d’ artistes exposassent pour qu’une réponse valable pût être esquissée. C
557 pût être esquissée. Car, avouons-le, du fait même de la nouveauté que représentait une telle exposition, le caractère d’av
558 e représentait une telle exposition, le caractère d’ avant-garde des toiles frappait le visiteur avant qu’il eût songé à di
559 er accès à un ensemble aussi complet que possible d’ artistes nés dans le protestantisme. Et l’on pourra se demander alors 
560 e. Et l’on pourra se demander alors : qu’y a-t-il de spécifiquement protestant chez ces peintres ? — Certaines rigidités,
561 ines rigidités, pensez-vous, certaines austérités de style ? — On s’y serait attendu. Une visite au salon de la rue de Vau
562 le ? — On s’y serait attendu. Une visite au salon de la rue de Vaugirard nous invite à renoncer à ces clichés. Pas de trac
563 ugirard nous invite à renoncer à ces clichés. Pas de trace de « puritanisme » chez des artistes si différents les uns des
564 ous invite à renoncer à ces clichés. Pas de trace de « puritanisme » chez des artistes si différents les uns des autres. A
565 des artistes contemporains, avec une « Peinture » d’ un intense lyrisme de couleurs. Zingg avec un « Enterrement au Pays de
566 rains, avec une « Peinture » d’un intense lyrisme de couleurs. Zingg avec un « Enterrement au Pays de Montbéliard » grave
567 de couleurs. Zingg avec un « Enterrement au Pays de Montbéliard » grave et serein. Deux petits Lotiron font un coin de ca
568 grave et serein. Deux petits Lotiron font un coin de campagne lumineuse, et le « Douarnenez » de Mac-Avoy est tout animé d
569 coin de campagne lumineuse, et le « Douarnenez » de Mac-Avoy est tout animé de blancs vivants. Très plaisant « Essai pour
570 , et le « Douarnenez » de Mac-Avoy est tout animé de blancs vivants. Très plaisant « Essai pour une Italie protestante » d
571 ès plaisant « Essai pour une Italie protestante » de P. Romane-Musculus. Des lithographies spirituelles de Ch. Clément et
572 . Romane-Musculus. Des lithographies spirituelles de Ch. Clément et des illustrations de F.-L. Schmied pour « Ruth et Booz
573 spirituelles de Ch. Clément et des illustrations de F.-L. Schmied pour « Ruth et Booz » ouvrent des perspectives pour de
574 ur « Ruth et Booz » ouvrent des perspectives pour de futures éditions d’art protestantes. La sculpture est brillamment rep
575 ouvrent des perspectives pour de futures éditions d’ art protestantes. La sculpture est brillamment représentée par un « To
576 lpture est brillamment représentée par un « Torse de femme » de Marcel Gimond, des animaux pleins d’innocence et de drôler
577 brillamment représentée par un « Torse de femme » de Marcel Gimond, des animaux pleins d’innocence et de drôlerie de Peter
578 e de femme » de Marcel Gimond, des animaux pleins d’ innocence et de drôlerie de Petersen. André Kertész, l’un des rénovate
579 Marcel Gimond, des animaux pleins d’innocence et de drôlerie de Petersen. André Kertész, l’un des rénovateurs de l’art ph
580 nd, des animaux pleins d’innocence et de drôlerie de Petersen. André Kertész, l’un des rénovateurs de l’art photographique
581 de Petersen. André Kertész, l’un des rénovateurs de l’art photographique, expose un portrait frappant de réalité humaine.
582 l’art photographique, expose un portrait frappant de réalité humaine. Mais l’œuvre maîtresse de l’exposition est sans dout
583 appant de réalité humaine. Mais l’œuvre maîtresse de l’exposition est sans doute la « Crucifixion » de R.-Th. Bosshardt. C
584 de l’exposition est sans doute la « Crucifixion » de R.-Th. Bosshardt. C’est un véritable renouvellement de la peinture à
585 -Th. Bosshardt. C’est un véritable renouvellement de la peinture à sujet religieux qu’annonce cette grande composition : t
586 bole mystique sur le ciel vert du plus grand jour de l’Histoire. On a beaucoup remarqué la part importante ménagée aux œuv
587 up remarqué la part importante ménagée aux œuvres de décorateurs : paravents, vitrines, coffrets, objets ouvragés. Il y a
588 ent est bien huguenote : elle remonte aux meubles de Boulle, aux Gobelins, aux poteries de Palissy. Ce goût de la belle ma
589 aux meubles de Boulle, aux Gobelins, aux poteries de Palissy. Ce goût de la belle matière mise en valeur dans sa pureté, s
590 e, aux Gobelins, aux poteries de Palissy. Ce goût de la belle matière mise en valeur dans sa pureté, sa nudité, ce sens de
591 mise en valeur dans sa pureté, sa nudité, ce sens de l’artisanat qui se refuse aux truquages, aux trompe-l’œil, ne dissoci
592 c’est le trait le plus évidemment « protestant » de l’art français.   Mais s’il est malaisé de décrire, dès à présent, un
593 tant » de l’art français.   Mais s’il est malaisé de décrire, dès à présent, un art protestant de fait, peut-on, par contr
594 aisé de décrire, dès à présent, un art protestant de fait, peut-on, par contre, le définir idéalement ? Il nous semble que
595 que cela supposerait d’abord une définition nette de notre foi : il faut qu’on sache sans équivoque ce qu’est le protestan
596 u’est le protestantisme avant de pouvoir trancher de ce que doit être un art qui l’exprime. En d’autres termes, la définit
597 qui l’exprime. En d’autres termes, la définition d’ un art protestant est liée à une conception dogmatique de la foi. Nous
598 t protestant est liée à une conception dogmatique de la foi. Nous pensons même que la renaissance et l’épanouissement d’un
599 nsons même que la renaissance et l’épanouissement d’ un tel art seront conditionnés par un renouveau doctrinal. Car, et c’e
600 paradoxe qui n’étonnera pas ceux que le problème de la création intéresse, l’artiste a besoin plus que quiconque de princ
601 intéresse, l’artiste a besoin plus que quiconque de principes définis — je ne dis pas de cadres — qui lui servent de thèm
602 ue quiconque de principes définis — je ne dis pas de cadres — qui lui servent de thèmes dans ses variations, d’appui dans
603 finis — je ne dis pas de cadres — qui lui servent de thèmes dans ses variations, d’appui dans ses tâtonnements, de réactif
604 — qui lui servent de thèmes dans ses variations, d’ appui dans ses tâtonnements, de réactif, de contrainte, de stimulant d
605 ns ses variations, d’appui dans ses tâtonnements, de réactif, de contrainte, de stimulant dans l’atmosphère spirituelle qu
606 tions, d’appui dans ses tâtonnements, de réactif, de contrainte, de stimulant dans l’atmosphère spirituelle qui préside à
607 dans ses tâtonnements, de réactif, de contrainte, de stimulant dans l’atmosphère spirituelle qui préside à l’élaboration d
608 tmosphère spirituelle qui préside à l’élaboration d’ une œuvre. Pas de style religieux sans doctrine. Et plus la doctrine s
609 elle qui préside à l’élaboration d’une œuvre. Pas de style religieux sans doctrine. Et plus la doctrine se relâche et s’es
610 trine se relâche et s’estompe, moins l’art montre d’ accent et de vivante inspiration. Une remarque encore. Certains critiq
611 âche et s’estompe, moins l’art montre d’accent et de vivante inspiration. Une remarque encore. Certains critiques de cette
612 piration. Une remarque encore. Certains critiques de cette exposition se sont demandé non sans ironie où était le calvinis
613 tout ceci. Eussent-ils posé, à propos d’un salon d’ art catholique, la même question, en remplaçant calvinisme par thomism
614 , il y a des « sujets catholiques », il n’y a pas de « sujets protestants ». Mais, dira-t-on, il y a tous les sujets chrét
615 ulant (une difficulté) non pas un poncif. L’idéal d’ un artiste protestant, le seul auquel sa foi puisse prétendre, ce n’es
616 seul auquel sa foi puisse prétendre, ce n’est pas de réaliser un art « protestant » conforme à une doctrine, mais un art a
617 e pour transcender la confession qui lui a permis de naître. La grandeur d’un art protestant, c’est de n’être qu’un art ch
618 onfession qui lui a permis de naître. La grandeur d’ un art protestant, c’est de n’être qu’un art chrétien. f. Rougemont
619 de naître. La grandeur d’un art protestant, c’est de n’être qu’un art chrétien. f. Rougemont Denis de, « Une exposition
620 n’être qu’un art chrétien. f. Rougemont Denis de , « Une exposition d’artistes protestants modernes », Foi et Vie, Pari
621 étien. f. Rougemont Denis de, « Une exposition d’ artistes protestants modernes », Foi et Vie, Paris, avril 1931, p. 274
6 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Conférences du comte Keyserling (avril 1931)
622 e Keyserling (avril 1931)g L’auteur du Journal de voyage d’un philosophe, d’Analyse spectrale de l’Europe, de Psychanal
623 ng (avril 1931)g L’auteur du Journal de voyage d’ un philosophe, d’Analyse spectrale de l’Europe, de Psychanalyse de l’A
624 L’auteur du Journal de voyage d’un philosophe, d’ Analyse spectrale de l’Europe, de Psychanalyse de l’Amérique, le célèb
625 al de voyage d’un philosophe, d’Analyse spectrale de l’Europe, de Psychanalyse de l’Amérique, le célèbre philosophe fondat
626 d’un philosophe, d’Analyse spectrale de l’Europe, de Psychanalyse de l’Amérique, le célèbre philosophe fondateur de l’Écol
627 d’Analyse spectrale de l’Europe, de Psychanalyse de l’Amérique, le célèbre philosophe fondateur de l’École de la Sagesse
628 se de l’Amérique, le célèbre philosophe fondateur de l’École de la Sagesse de Darmstadt vient de donner au Trocadéro trois
629 rique, le célèbre philosophe fondateur de l’École de la Sagesse de Darmstadt vient de donner au Trocadéro trois conférence
630 bre philosophe fondateur de l’École de la Sagesse de Darmstadt vient de donner au Trocadéro trois conférences sur les prob
631 trois conférences sur les problèmes fondamentaux de la civilisation moderne. Décidément, le goût du colossal — transmis a
632 transmis aux Américains — reste un trait marquant de l’âme allemande : le choix de la salle, les sujets abordés, jusqu’à l
633 e un trait marquant de l’âme allemande : le choix de la salle, les sujets abordés, jusqu’à la stature du conférencier en t
634 . Accueilli avec quelque perplexité par le public de la première conférence, sifflé à la seconde, ovationné à la dernière,
635 haleine une salle énorme en parlant avec sérieux de problèmes essentiels : c’est une performance qui vaut d’être enregist
636 lèmes essentiels : c’est une performance qui vaut d’ être enregistrée. Rien de très neuf dans cette trilogie philosophique,
637 une performance qui vaut d’être enregistrée. Rien de très neuf dans cette trilogie philosophique, mais un bel ensemble d’o
638 ette trilogie philosophique, mais un bel ensemble d’ observations justes et souvent profondes sur les grandeurs et les misè
639 ouvent profondes sur les grandeurs et les misères d’ une ère mécanicienne qui prélude à l’organisation du monde-termitière
640 du monde-termitière type Lénine ou Ford. Soucieux de comprendre notre temps avant de le condamner ou de l’absoudre, défens
641 e comprendre notre temps avant de le condamner ou de l’absoudre, défenseur convaincu d’une spiritualité dont il annonce le
642 e condamner ou de l’absoudre, défenseur convaincu d’ une spiritualité dont il annonce le réveil au sein même du triomphe de
643 serling apparaît comme un type très représentatif de l’Occident. Il n’a rien du prophète oriental contre lequel des Massis
644 Keyserling voit la cause du développement exagéré de la technique dans le fait qu’aujourd’hui les masses veulent conquérir
645 Il faut organiser la conquête et la distribution de ces biens : d’où la technique. Cette prétention des masses, légitime
646 ser la conquête et la distribution de ces biens : d’ où la technique. Cette prétention des masses, légitime d’ailleurs, a e
647 , légitime d’ailleurs, a entraîné le renversement de presque tous les buts de civilisation. C’est ainsi que la pauvreté, c
648 entraîné le renversement de presque tous les buts de civilisation. C’est ainsi que la pauvreté, considérée par les civilis
649 istianisme primitif) — la pauvreté est considérée de nos jours comme un mal absolu et honteux. C’est ainsi encore que l’id
650 honteux. C’est ainsi encore que l’idéal chrétien de l’amour du prochain a tourné pratiquement à la méfiance systématique
651 res, ajoute Keyserling. Nous traversons une crise d’ adaptation, et il s’agit de la résoudre dans le sens d’une philosophie
652 s traversons une crise d’adaptation, et il s’agit de la résoudre dans le sens d’une philosophie de la vie qui rende aux va
653 ptation, et il s’agit de la résoudre dans le sens d’ une philosophie de la vie qui rende aux valeurs spirituelles leur prim
654 git de la résoudre dans le sens d’une philosophie de la vie qui rende aux valeurs spirituelles leur primauté : car c’est à
655 fication. En somme, on pourrait résumer la pensée de Keyserling en disant qu’il oppose à l’idéal actuel d’assurances à tou
656 eyserling en disant qu’il oppose à l’idéal actuel d’ assurances à tous les degrés — idéal antispirituel, mécanique et « for
657 canique et « formidablement ennuyeux » — un idéal de risque qui redonne à toutes choses leur vivante réalité. Mais tout ce
658 sons connaissance mystique. g. Rougemont Denis de , « Conférences du comte Keyserling », Foi et Vie, Paris, avril 1931,
7 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Au sujet d’un grand roman : La Princesse Blanche par Maurice Baring (mai 1931)
659 Au sujet d’ un grand roman : La Princesse Blanche par Maurice Baring (mai 1931)h
660 )h M. Maurice Baring est entré dans l’intimité de milliers de lecteurs français avec un livre d’un rare prestige, Daphn
661 rice Baring est entré dans l’intimité de milliers de lecteurs français avec un livre d’un rare prestige, Daphné Adeane. On
662 té de milliers de lecteurs français avec un livre d’ un rare prestige, Daphné Adeane. On vient de traduire un autre roman d
663 teur16, et il nous aide à mieux définir le charme de cette œuvre inoubliable. Antérieur de quelques années à Daphné, beauc
664 r le charme de cette œuvre inoubliable. Antérieur de quelques années à Daphné, beaucoup plus long, — il compte plus de 600
665 es à Daphné, beaucoup plus long, — il compte plus de 600 pages dans l’édition française — d’un rythme plus inégal aussi, i
666 mpte plus de 600 pages dans l’édition française — d’ un rythme plus inégal aussi, il ne lui est pas inférieur par l’intérêt
667 pas inférieur par l’intérêt humain, et sa qualité d’ émotion n’est pas moins pure. C’est l’histoire de la vie d’une femme,
668 d’émotion n’est pas moins pure. C’est l’histoire de la vie d’une femme, et de la vie d’une société aujourd’hui presque di
669 n’est pas moins pure. C’est l’histoire de la vie d’ une femme, et de la vie d’une société aujourd’hui presque disparue, « 
670 pure. C’est l’histoire de la vie d’une femme, et de la vie d’une société aujourd’hui presque disparue, « roman-fleuve » q
671 st l’histoire de la vie d’une femme, et de la vie d’ une société aujourd’hui presque disparue, « roman-fleuve » que deux da
672 les deux éléments dont l’antagonisme fait le fond de presque toutes les grandes œuvres romanesques : une individualité et
673 e Baring exprime ce troisième sujet par deux vers de son ami Hilaire Belloc dont voici la traduction : L’amour de Dieu qui
674 Hilaire Belloc dont voici la traduction : L’amour de Dieu qui mène aux royaumes d’en-haut est contrecarré par le dieu de l
675 raduction : L’amour de Dieu qui mène aux royaumes d’ en-haut est contrecarré par le dieu de l’Amour. « Si vous désirez sav
676 ux royaumes d’en-haut est contrecarré par le dieu de l’Amour. « Si vous désirez savoir comment cela s’applique à mon hist
677 ! non, c’est au contraire décharger ces critiques d’ une tâche impossible. Car toute la valeur de l’œuvre de Baring réside
678 iques d’une tâche impossible. Car toute la valeur de l’œuvre de Baring réside dans sa durée, dans son atmosphère et dans l
679 tâche impossible. Car toute la valeur de l’œuvre de Baring réside dans sa durée, dans son atmosphère et dans le son qu’el
680 t intérieur ; la passion ne s’y manifeste que par de très petits gestes qui, échappant soudain à des êtres d’ordinaire adm
681 petits gestes qui, échappant soudain à des êtres d’ ordinaire admirablement corrects et maîtres d’eux-mêmes, laissent devi
682 res d’ordinaire admirablement corrects et maîtres d’ eux-mêmes, laissent deviner une souffrance profonde, longtemps contenu
683 cette retenue mondaine ce que perd le pittoresque de l’action, encore que l’évocation de cette haute société anglaise ne s
684 e pittoresque de l’action, encore que l’évocation de cette haute société anglaise ne soit pas dépourvue d’un charme qui at
685 ette haute société anglaise ne soit pas dépourvue d’ un charme qui attirera certains lecteurs, qui agacera un peu les autre
686 dans la libéralité avec laquelle il nous invite à de multiples week-ends… » Il y aurait beaucoup à dire pour et contre le
687 personnages, non par l’inspiration. (Dans le cas de Baring, elle serait plutôt religieuse.) Il est incontestable que l’ar
688 mple. La Société dans laquelle évoluent les héros de Baring est riche, « conformiste » à l’extrême, mais internationale. C
689 Cela permet à l’auteur autant qu’aux personnages de ne pas s’attarder à des considérations matérielles fastidieuses ; cel
690 ions matérielles fastidieuses ; cela permet aussi de résoudre certains conflits apparemment sans issues : les acteurs du d
691 ur notre agrément. Mais surtout, cette vie dénuée d’ aventures ou de difficultés extérieures, permet à notre intérêt de se
692 nt. Mais surtout, cette vie dénuée d’aventures ou de difficultés extérieures, permet à notre intérêt de se concentrer uniq
693 e difficultés extérieures, permet à notre intérêt de se concentrer uniquement sur les sentiments, et dès lors elle constit
694 rivilégié pour l’étude du cœur humain. Si le rôle de l’art est d’affiner nos âmes au contact de réalités plus pures que ce
695 r l’étude du cœur humain. Si le rôle de l’art est d’ affiner nos âmes au contact de réalités plus pures que celles de la vi
696 e rôle de l’art est d’affiner nos âmes au contact de réalités plus pures que celles de la vie courante, on peut dire que l
697 âmes au contact de réalités plus pures que celles de la vie courante, on peut dire que les romans « mondains » de Baring n
698 ourante, on peut dire que les romans « mondains » de Baring ne manquent pas à cette tâche, et c’est là l’important. Le mér
699 , et c’est là l’important. Le mérite le plus rare de ce livre est sans doute de faire sentir et « réaliser » au lecteur le
700 Le mérite le plus rare de ce livre est sans doute de faire sentir et « réaliser » au lecteur le tragique de la durée d’une
701 ire sentir et « réaliser » au lecteur le tragique de la durée d’une vie. M. Baring nous fait suivre de sa naissance à sa m
702 t « réaliser » au lecteur le tragique de la durée d’ une vie. M. Baring nous fait suivre de sa naissance à sa mort toute l’
703 de la durée d’une vie. M. Baring nous fait suivre de sa naissance à sa mort toute l’existence de Blanche Clifford, sa vie
704 uivre de sa naissance à sa mort toute l’existence de Blanche Clifford, sa vie de jeune fille, son mariage avec le prince R
705 ort toute l’existence de Blanche Clifford, sa vie de jeune fille, son mariage avec le prince Roccapalumba, puis avec un je
706 umba, puis avec un jeune lord ; toute l’existence d’ une femme qui ne cesse, jusqu’à sa dernière heure, d’aimer et de souff
707 ne femme qui ne cesse, jusqu’à sa dernière heure, d’ aimer et de souffrir par son amour. C’était là choisir un sujet inévit
708 i ne cesse, jusqu’à sa dernière heure, d’aimer et de souffrir par son amour. C’était là choisir un sujet inévitablement tr
709 sujet inévitablement tragique. Car si l’histoire de l’ascension d’un caractère, d’une volonté, d’une âme virile, trouve d
710 lement tragique. Car si l’histoire de l’ascension d’ un caractère, d’une volonté, d’une âme virile, trouve dans sa durée mê
711 Car si l’histoire de l’ascension d’un caractère, d’ une volonté, d’une âme virile, trouve dans sa durée même l’élément le
712 ire de l’ascension d’un caractère, d’une volonté, d’ une âme virile, trouve dans sa durée même l’élément le plus convaincan
713 dans sa durée même l’élément le plus convaincant de sa grandeur, et le plus tonique17, — il en va tout autrement de l’his
714 , et le plus tonique17, — il en va tout autrement de l’histoire d’une vie sentimentale. La durée est l’élément tragique pa
715 onique17, — il en va tout autrement de l’histoire d’ une vie sentimentale. La durée est l’élément tragique par excellence d
716 s sommes attachés surtout à des instants parfaits de nos affections ; parce que le sentiment ne souffre pas une ascension
717 cension continue, mais une fois atteint le moment de sa perfection, ne peut plus que se souvenir, c’est-à-dire souffrir, v
718 r, c’est-à-dire souffrir, vieillir. L’amour étant d’ essence éternelle, ses manifestations dans notre vie — dans la durée —
719 e du roman. Mais nous ne croyons pas qu’une œuvre de cette envergure comporte à proprement parler de morale, malgré ce que
720 e de cette envergure comporte à proprement parler de morale, malgré ce que dit l’auteur dans sa préface. Bien plutôt, elle
721 face. Bien plutôt, elle est l’expression concrète d’ une loi divine et humaine, et c’est ici que l’on peut voir sa profonde
722 rofonde ressemblance avec les Affinités électives de Goethe. Aucune arrière-pensée de jugement moral ne perce dans le ton
723 inités électives de Goethe. Aucune arrière-pensée de jugement moral ne perce dans le ton ni dans l’agencement des incident
724 un auteur qui s’arroge un petit jugement dernier de ses personnages, comme le moraliste s’arroge le pouvoir de séparer le
725 rsonnages, comme le moraliste s’arroge le pouvoir de séparer le bien du mal parmi les actions d’autrui qu’il estime connaî
726 uvoir de séparer le bien du mal parmi les actions d’ autrui qu’il estime connaître. Simplement, il enregistre les effets d’
727 e connaître. Simplement, il enregistre les effets d’ une justice immanente. En même temps que les actions de ses héros, il
728 justice immanente. En même temps que les actions de ses héros, il note les jugements contradictoires qu’elles provoquent.
729 rovoquent. Et le tragique qui se dégage lentement de cette longue confusion de plaisirs mondains, d’égoïsmes déçus, d’égoï
730 qui se dégage lentement de cette longue confusion de plaisirs mondains, d’égoïsmes déçus, d’égoïsmes comblés, ce n’est pas
731 t de cette longue confusion de plaisirs mondains, d’ égoïsmes déçus, d’égoïsmes comblés, ce n’est pas le tragique d’une con
732 confusion de plaisirs mondains, d’égoïsmes déçus, d’ égoïsmes comblés, ce n’est pas le tragique d’une condamnation, mais ce
733 çus, d’égoïsmes comblés, ce n’est pas le tragique d’ une condamnation, mais celui, combien plus amer et noble, du consentem
734 bien plus amer et noble, du consentement aux lois de la vie. Seule épreuve qui permette de nous en libérer. Car au-dessus
735 nt aux lois de la vie. Seule épreuve qui permette de nous en libérer. Car au-dessus des fatalités humaines, ce qui compte
736 ités humaines, ce qui compte chez les personnages de Baring, c’est la manière d’accepter une destinée, de la transfigurer
737 chez les personnages de Baring, c’est la manière d’ accepter une destinée, de la transfigurer ou d’y succomber. C’est cela
738 Baring, c’est la manière d’accepter une destinée, de la transfigurer ou d’y succomber. C’est cela qui forme le sujet impli
739 re d’accepter une destinée, de la transfigurer ou d’ y succomber. C’est cela qui forme le sujet implicite, nous l’avons dit
740 a qui forme le sujet implicite, nous l’avons dit, de son œuvre romanesque. Et c’est par tout ce qu’elle contient d’inexpri
741 romanesque. Et c’est par tout ce qu’elle contient d’ inexprimé qu’elle atteint en certains passages à une intensité presque
742 e les faits, agit comme un « moraliste » désireux de justifier une thèse plus que de faire comprendre la réalité. Et c’est
743 aliste » désireux de justifier une thèse plus que de faire comprendre la réalité. Et c’est au cours des quarante pages qu’
744 u’il consacre à la « conversion » au catholicisme de la princesse Blanche. Arrêtons-nous un peu à l’examen de ce passage a
745 rincesse Blanche. Arrêtons-nous un peu à l’examen de ce passage auquel on sent que Baring attache une importance qui n’est
746 la phrase par quoi se termine un précédent livre de notre auteur : « La veille de la Chandeleur 1909, je fus reçu dans le
747 un précédent livre de notre auteur : « La veille de la Chandeleur 1909, je fus reçu dans le sein de l’Église catholique…
748 e de la Chandeleur 1909, je fus reçu dans le sein de l’Église catholique… le seul acte de ma vie que je suis parfaitement
749 dans le sein de l’Église catholique… le seul acte de ma vie que je suis parfaitement certain de n’avoir jamais regretté. »
750 l acte de ma vie que je suis parfaitement certain de n’avoir jamais regretté. » Blanche, anglicane « de naissance », a don
751 e n’avoir jamais regretté. » Blanche, anglicane «  de naissance », a donc épousé un Italien et vit dans un milieu catholiqu
752 u’il soit difficile, quelquefois, me semble-t-il, de savoir exactement quelle foi on a. » Plus tard elle avoue franchement
753 ent : « … dans nos églises j’éprouve un sentiment de détresse aiguë, ou bien je m’y ennuie. » Et l’on découvre soudain que
754 mais en question les exigences les plus terribles de la société insulaire, possède un sens critique assuré qu’elle appliqu
755 acuité aux pratiques anglicanes. On serait tenté de soupçonner ici quelque invraisemblance psychologique si l’on ne s’ape
756 que M. Baring, lui-même, manifeste cette tournure d’ esprit au cours de ses romans. Le trait satirique, ailleurs presque im
757 ement appuyé dès qu’il s’agit des vieilles tantes de la Princesse, chargées ici de représenter deux églises anglaises. Ces
758 des vieilles tantes de la Princesse, chargées ici de représenter deux églises anglaises. Ces deux respectables ladies, qui
759 . Ces deux respectables ladies, qui ne jouent pas d’ autre rôle dans l’histoire, sont ridicules et conventionnelles à souha
760 ouhait (ni plus ni moins que la majorité des gens de cette sorte, mais est-ce à eux que l’on demande de définir la doctrin
761 e cette sorte, mais est-ce à eux que l’on demande de définir la doctrine ?). Voici quelques traits amusants ou cruels qui
762 Harriet, j’y vais. — Tante Harriet eut un soupir de soulagement. La question était réglée : du moment qu’on allait à l’ég
763 à l’église le dimanche, tout était bien ; inutile d’ en demander plus. » Parlant de son pasteur préféré, la même tante Harr
764 tait bien ; inutile d’en demander plus. » Parlant de son pasteur préféré, la même tante Harriet a ce mot exquis : « Il prê
765 ant catholique…, puis Edmund Lely, cousin germain de votre père, qui est devenu moine, et qui marche pieds nus, à l’étrang
766 catholiques qu’elle rencontre et qui lui parlent de leur foi se distinguent par une humanité charmante, « une façon natur
767 par une humanité charmante, « une façon naturelle de traiter les questions religieuses, sans fausse honte ». (Seuls, parmi
768 le pas attirée par la Rome papale, qui la console de la Rome de son mari et la venge de l’Angleterre de ses tantes. Elle a
769 rée par la Rome papale, qui la console de la Rome de son mari et la venge de l’Angleterre de ses tantes. Elle abjure secrè
770 qui la console de la Rome de son mari et la venge de l’Angleterre de ses tantes. Elle abjure secrètement, à Londres. C’es
771 e la Rome de son mari et la venge de l’Angleterre de ses tantes. Elle abjure secrètement, à Londres. C’est peut-être à l’
772 de cette œuvre où l’on parle le plus directement de Dieu que Dieu est le plus absent. Car nous y sommes à chaque page inc
773 s en discussion. Je sais bien que tout changement de confession ramène les mêmes arguments qui retiennent l’esprit à la pé
774 nétrer, à les approfondir jusqu’à l’unité. Il est d’ autant plus regrettable de voir Baring se départir ici de la sagesse q
775 jusqu’à l’unité. Il est d’autant plus regrettable de voir Baring se départir ici de la sagesse qu’il montre ailleurs, gros
776 t plus regrettable de voir Baring se départir ici de la sagesse qu’il montre ailleurs, grossir les traits, découvrir la th
777 enser d’ailleurs, car en définitive la conversion de son héroïne nous paraît être à tel point la seule solution possible q
778 ièrement suffisants et rendent superflue l’action de la grâce). Mais quoi ? Nous laisserons-nous vraiment « tenter » par c
779 sserons-nous vraiment « tenter » par cette erreur de Baring ? Cherchons plutôt le secret d’une communion que rompent les d
780 tte erreur de Baring ? Cherchons plutôt le secret d’ une communion que rompent les discussions, et qu’en tant d’autres page
781 ent les discussions, et qu’en tant d’autres pages de cette belle œuvre, d’une simple indication tranquille et profonde sur
782 t qu’en tant d’autres pages de cette belle œuvre, d’ une simple indication tranquille et profonde sur l’état d’âme d’un de
783 ndication tranquille et profonde sur l’état d’âme d’ un de ses héros, comme sans le savoir, il établit. En vérité, l’entrée
784 tion tranquille et profonde sur l’état d’âme d’un de ses héros, comme sans le savoir, il établit. En vérité, l’entrée de B
785 e sans le savoir, il établit. En vérité, l’entrée de Blanche dans l’Église catholique n’est pas une conversion18, c’est un
786 qu’elle trouve, à force de souffrance, le courage de sacrifier son amour. Mais elle ne peut survivre à cet acte suprême, à
787 bonheur humain n’est-il en aucune mesure le signe de la vérité. Personne, peut-être, n’a répété avec autant de force que B
788 rité. Personne, peut-être, n’a répété avec autant de force que Baring le fameux, l’irrépressible argument du bonheur, fond
789 pressible argument du bonheur, fondement pratique de la morale courante. Presque tous les événements de son roman le contr
790 e la morale courante. Presque tous les événements de son roman le contredisent. Ceci entraîne cela — bonheur ou catastroph
791 e, inéluctable, amorale, tout à fait indépendante de nos appréciations. Nous sommes naturellement portés à confondre notre
792 nfondre notre bonheur avec notre bien, et à taxer d’ immoralisme tout acte qui entraîne des ruines humaines. Mais la vérité
793 ou malheur. Et c’est la vérité seule qu’il s’agit d’ attendre. Dans Daphné Adeane, dans La Princesse Blanche, ce sont deux
794 décisif, viennent apporter ce dur message à l’âme de celle qui demandait d’être apaisée. Admirables dialogues, déchirants
795 ter ce dur message à l’âme de celle qui demandait d’ être apaisée. Admirables dialogues, déchirants et triomphants, qui com
796 triomphants, qui comptent parmi les chefs-d’œuvre de la littérature religieuse. Celui de La Princesse Blanche 20 donne sa
797 chefs-d’œuvre de la littérature religieuse. Celui de La Princesse Blanche 20 donne sans aucun doute l’accord le plus prof
798 0 donne sans aucun doute l’accord le plus profond de l’œuvre de Baring. En voici la conclusion. (C’est Blanche qui parle a
799 s aucun doute l’accord le plus profond de l’œuvre de Baring. En voici la conclusion. (C’est Blanche qui parle au père Mich
800 mprenez tout à présent. Je vous demande seulement de prier pour moi, car j’ai parfois la sensation que ma misère est plus
801 is des erreurs irréparables. — Vous avez le droit de vous laisser mener par le remords au bord du désespoir, mais pas plus
802 ésespoir, mais pas plus loin. Et c’est ainsi que de ce roman au charme pénétrant et presque trop certain, sourd, comme di
803 « Tristesse, par-delà la tristesse »… Un tel état de l’âme n’est plus très éloigné peut-être de cette joie qui, elle aussi
804 l état de l’âme n’est plus très éloigné peut-être de cette joie qui, elle aussi, est « par-delà », — cette joie « qui surp
805 n lise, par exemple, l’admirable Goethe, histoire d’ un homme, d’Émile Ludwig (Attinger, éd.), ouvrage sur lequel nous auro
806 exemple, l’admirable Goethe, histoire d’un homme, d’ Émile Ludwig (Attinger, éd.), ouvrage sur lequel nous aurons l’occasio
807 , éd.), ouvrage sur lequel nous aurons l’occasion de revenir. 18. Il est absurde, voire aux yeux de la foi scandaleux de
808 est absurde, voire aux yeux de la foi scandaleux de parler de conversion d’un protestantisme au catholicisme ou l’inverse
809 de, voire aux yeux de la foi scandaleux de parler de conversion d’un protestantisme au catholicisme ou l’inverse. On ne se
810 yeux de la foi scandaleux de parler de conversion d’ un protestantisme au catholicisme ou l’inverse. On ne se convertit pas
811 trement. 20. Pages 495-499. h. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Au sujet d’un grand roman : La Princesse Blanche pa
812 h. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Au sujet d’ un grand roman : La Princesse Blanche par Maurice Baring », Foi et Vie
8 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Kierkegaard (mai 1931)
813 Kierkegaard (mai 1931)i j L’entrée de l’œuvre de Kierkegaard dans le monde intellectuel et religieux frança
814 Kierkegaard (mai 1931)i j L’entrée de l’œuvre de Kierkegaard dans le monde intellectuel et religieux français, est un
815 t religieux français, est un événement qui mérite d’ être signalé et qui aura un profond retentissement dans le protestanti
816 me en particulier. Depuis quelques années, le nom de Kierkegaard reparaît de loin en loin dans des revues comme Commerce,
817 s quelques années, le nom de Kierkegaard reparaît de loin en loin dans des revues comme Commerce, la Nouvelle Revue franç
818 ommerce, la Nouvelle Revue française , la Revue de Genève . Diverses études lui ont été consacrées, en particulier dans
819 ont été consacrées, en particulier dans la Revue d’ histoire et de philosophie religieuses de Strasbourg (Pascal et Kierke
820 crées, en particulier dans la Revue d’histoire et de philosophie religieuses de Strasbourg (Pascal et Kierkegaard), et dan
821 la Revue d’histoire et de philosophie religieuses de Strasbourg (Pascal et Kierkegaard), et dans la Revue de métaphysique
822 asbourg (Pascal et Kierkegaard), et dans la Revue de métaphysique et de morale. Et voici que l’on annonce de plusieurs côt
823 Kierkegaard), et dans la Revue de métaphysique et de morale. Et voici que l’on annonce de plusieurs côtés21, la publicatio
824 aphysique et de morale. Et voici que l’on annonce de plusieurs côtés21, la publication prochaine des œuvres principales de
825 , la publication prochaine des œuvres principales de l’un des plus grands esprits du xixe siècle, du plus méconnu peut-êt
826 , — du plus actuel, je dirais même du plus urgent de tous. Søren Kierkegaard naquit à Copenhague en 1813, et y mourut en 1
827 existence (Commerce, n° XII). Le grand événement de sa vie fut la mort de l’Évêque Mynster qui avait été très estimé au D
828 ° XII). Le grand événement de sa vie fut la mort de l’Évêque Mynster qui avait été très estimé au Danemark et que Kierkeg
829 rkegaard lui-même avait aimé et honoré, comme ami de son père. Martensen, le successeur présumé de Mynster, prononçant un
830 ami de son père. Martensen, le successeur présumé de Mynster, prononçant un discours sur la tombe de l’évêque, le loua d’a
831 é de Mynster, prononçant un discours sur la tombe de l’évêque, le loua d’avoir été l’un des « grands détenteurs de la véri
832 ant un discours sur la tombe de l’évêque, le loua d’ avoir été l’un des « grands détenteurs de la vérité, dont la longue ch
833 le loua d’avoir été l’un des « grands détenteurs de la vérité, dont la longue chaîne part des apôtres ». Mais Kierkegaard
834 rkegaard reste soucieux : Mynster est-il vraiment de la lignée des Apôtres, se demande-t-il ? Les prêtres sont-ils, dans l
835 tôt des fonctionnaires payés par l’État et avides d’ avancement ? Les écrits polémiques de Kierkegaard, Le Moment et les At
836 at et avides d’avancement ? Les écrits polémiques de Kierkegaard, Le Moment et les Attaques contre le christianisme offici
837 es contre le christianisme officiel furent l’acte de Kierkegaard. Après cet acte, il mourut. Comme Hamlet. » Et voici com
838 estant pouvait trouver pareille formule. Le héros de la foi, Kierkegaard, « l’Isolé », n’a plus rien en lui ni de Faust, n
839 Kierkegaard, « l’Isolé », n’a plus rien en lui ni de Faust, ni du Caïn de Byron, il a dépassé le romantisme. Ou plutôt, le
840 u plutôt, le romantisme fut la jeunesse, le passé de « l’Isolé ». Et l’expression la plus caractéristique de ce nouvel hom
841 ’Isolé ». Et l’expression la plus caractéristique de ce nouvel homme, qui a dépassé le romantisme, est la nouvelle psychol
842 ie. L’œuvre la plus profonde et la plus originale de Kierkegaard est sa Psychologie de l’Angoisse, à laquelle on ne peut t
843 plus originale de Kierkegaard est sa Psychologie de l’Angoisse, à laquelle on ne peut trouver d’analogie que chez Dostoïe
844 ogie de l’Angoisse, à laquelle on ne peut trouver d’ analogie que chez Dostoïevski. Kierkegaard d’ailleurs ne peut être pla
845 lacé qu’à côté du poète russe. Tous deux marchent de pair et aucun autre esprit du siècle ne les dépasse. On peut déplore
846 le ne les dépasse. On peut déplorer qu’une œuvre de cette envergure ait pénétré d’abord en France, sous les espèces du fr
847 les espèces du fragment le moins caractéristique de Kierkegaard : Le Journal du séducteur (Stock éd.). Kierkegaard lui-mê
848 ormel que l’on n’ouvrît pas par ce roman la série de traductions de ses livres. Mais ce Journal, s’il est l’œuvre la moins
849 n’ouvrît pas par ce roman la série de traductions de ses livres. Mais ce Journal, s’il est l’œuvre la moins forte du Danoi
850 s, n’en est pas moins, dans son dosage pré-gidien de cynisme et d’humanité un document peut-être d’autant plus intéressant
851 s moins, dans son dosage pré-gidien de cynisme et d’ humanité un document peut-être d’autant plus intéressant qu’il émane d
852 en de cynisme et d’humanité un document peut-être d’ autant plus intéressant qu’il émane d’un grand théologien. Il s’agit m
853 t peut-être d’autant plus intéressant qu’il émane d’ un grand théologien. Il s’agit maintenant de nous révéler ce « héros d
854 émane d’un grand théologien. Il s’agit maintenant de nous révéler ce « héros de la foi », ce maître de la pensée chrétienn
855 . Il s’agit maintenant de nous révéler ce « héros de la foi », ce maître de la pensée chrétienne tragique, paradoxale et v
856 de nous révéler ce « héros de la foi », ce maître de la pensée chrétienne tragique, paradoxale et virulente. Qu’une telle
857 action en France au moment où l’intérêt passionné de beaucoup se porte à la rencontre du message de Karl Barth, disciple f
858 né de beaucoup se porte à la rencontre du message de Karl Barth, disciple fervent de Kierkegaard, — nous pouvons y attache
859 contre du message de Karl Barth, disciple fervent de Kierkegaard, — nous pouvons y attacher la valeur d’un signe. Kierkega
860 Kierkegaard, — nous pouvons y attacher la valeur d’ un signe. Kierkegaard sera pour beaucoup d’esprits en quête d’absolus,
861 valeur d’un signe. Kierkegaard sera pour beaucoup d’ esprits en quête d’absolus, le maître que fut Nietzsche pour leurs aîn
862 Kierkegaard sera pour beaucoup d’esprits en quête d’ absolus, le maître que fut Nietzsche pour leurs aînés. Il n’est pas sû
863 agnent, mais la foi, certainement. Et « l’honneur de Dieu ». 21. Aux Éditions de la Nouvelle Revue française , chez Fou
864 ent. Et « l’honneur de Dieu ». 21. Aux Éditions de la Nouvelle Revue française , chez Fourcade et aux Éditions « Je ser
865 et aux Éditions « Je sers ». i. Rougemont Denis de , « Kierkegaard », Foi et Vie, Paris, mai 1931, p. 351-352. j. Texte
9 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Littérature alpestre (juillet 1931)
866 maint sommet du massif du Mont-Blanc, et un grade de docteur ès lettres, vient de nous donner un livre bien utile22. En vé
867 vre bien utile22. En vérité, il fallait une sorte d’ intrépidité pour entreprendre cette « traversée » de deux littératures
868 intrépidité pour entreprendre cette « traversée » de deux littératures. Combien d’heures de marche monotone à travers des
869 cette « traversée » de deux littératures. Combien d’ heures de marche monotone à travers des moraines et des névés intermin
870 raversée » de deux littératures. Combien d’heures de marche monotone à travers des moraines et des névés interminables, po
871 vés interminables, pour mériter quelques instants de plénitude dans la contemplation de sommets assez rares. Personne, à n
872 lques instants de plénitude dans la contemplation de sommets assez rares. Personne, à notre connaissance, ne s’était risqu
873 rsonne même n’avait signalé cette curieuse lacune de notre histoire littéraire : pour nos critiques, les Alpes n’avaient p
874 ire : pour nos critiques, les Alpes n’avaient pas d’ histoire. Enfin, voici ce livre, point trop volumineux — il trouvera s
875 eux — il trouvera sa place dans votre valise — et d’ une érudition très aérée. Comment ne point partager, en le lisant, ce
876 ux Goethe pour les ouvrages documentaires, pleins d’ analyses précises, de citations, de planches hors-texte ? C’est un rep
877 vrages documentaires, pleins d’analyses précises, de citations, de planches hors-texte ? C’est un repos de l’esprit en mêm
878 taires, pleins d’analyses précises, de citations, de planches hors-texte ? C’est un repos de l’esprit en même temps qu’une
879 itations, de planches hors-texte ? C’est un repos de l’esprit en même temps qu’une nourriture pour l’imagination. On goûte
880 ssent intéressantes par tout ce qu’elles révèlent de la mentalité des écrivains et des peuples dont elles émanent. La mont
881 illeux réactif, au contact duquel certains traits de caractères nationaux s’accusent d’une manière imprévue et significati
882 ertains traits de caractères nationaux s’accusent d’ une manière imprévue et significative. On regrettera seulement que l’a
883 ortant et radicalement différent. Nous essaierons de l’esquisser plus loin. ⁂ Ce qui frappe dès l’abord, c’est la pauvreté
884 n. ⁂ Ce qui frappe dès l’abord, c’est la pauvreté de la littérature alpestre en France. À part Sénancour, aucun de nos écr
885 ature alpestre en France. À part Sénancour, aucun de nos écrivains n’a su puiser dans le thème de la montagne une inspirat
886 ucun de nos écrivains n’a su puiser dans le thème de la montagne une inspiration lyrique ou philosophique génératrice d’œu
887 inspiration lyrique ou philosophique génératrice d’ œuvres marquantes. Qu’aurions-nous à opposer à un Shelley, à un Byron,
888 aubriand, devant le Mont-Blanc, clame son horreur de tant de démesure, et ses descriptions des Alpes constituent « le plus
889 s vallées, — si l’on ose dire, — où il fait vivre d’ imaginaires bons sauvages. Et pour la grande majorité de ceux qui, apr
890 inaires bons sauvages. Et pour la grande majorité de ceux qui, après lui, feront intervenir la montagne dans leurs œuvres,
891 n’est guère qu’un décor conventionnel, un élément de pittoresque, un sublime tout fait, dont on agrémente des digressions
892 autes vallées, seul avec la nature dans une sorte d’ ivresse morne, il parvenait à oublier la fuite des heures et de la vie
893 ne, il parvenait à oublier la fuite des heures et de la vie : l’existence perd sa fièvre au cours des longues heures silen
894 euses qui s’égrènent une à une dans les solitudes de rocs et de glace. » Sénancour éprouvait ce qu’il appela, d’un mot adm
895 ’égrènent une à une dans les solitudes de rocs et de glace. » Sénancour éprouvait ce qu’il appela, d’un mot admirable, « l
896 de glace. » Sénancour éprouvait ce qu’il appela, d’ un mot admirable, « la lenteur des choses ». C’est qu’il a pénétré dan
897 é dans ces solitudes que les autres contemplaient d’ en bas ; non pas en curieux : en mystique. Pareille attitude ne surpre
898 e anglaise, au contraire, a donné toute une suite de chefs-d’œuvre lyriques à sujets alpestres. « Toute une tradition d’in
899 yriques à sujets alpestres. « Toute une tradition d’ individualisme lui frayait la voie », note fort justement notre auteur
900 mmets, qu’écrira-t-il ? — Shelley : « L’immensité de ces sommets aériens excite, lorsqu’ils frappent la vue, un sentiment
901 excite, lorsqu’ils frappent la vue, un sentiment d’ extase émerveillée auquel la folie n’est pas étrangère. » — « Cependan
902 u encore (Wordsworth) « les types et les symboles de l’Éternité ». Du panthéisme d’un Shelley au mysticisme d’un Ruskin, c
903 es et les symboles de l’Éternité ». Du panthéisme d’ un Shelley au mysticisme d’un Ruskin, c’est un cantique d’adoration sp
904 rnité ». Du panthéisme d’un Shelley au mysticisme d’ un Ruskin, c’est un cantique d’adoration spirituelle que chante la poé
905 lley au mysticisme d’un Ruskin, c’est un cantique d’ adoration spirituelle que chante la poésie anglaise en de véritables «
906 tion spirituelle que chante la poésie anglaise en de véritables « élévations ». Mais tout ce lyrisme n’est pas dépourvu de
907 ations ». Mais tout ce lyrisme n’est pas dépourvu de grandiloquence ni de pieuse fadeur. La montagne, ne serait-elle jamai
908 e lyrisme n’est pas dépourvu de grandiloquence ni de pieuse fadeur. La montagne, ne serait-elle jamais qu’un écrasant symb
909 gne, ne serait-elle jamais qu’un écrasant symbole de l’éternité ? — C’est aussi quelque chose qui devrait être surmonté, n
910 résonances vraiment altières, celle-là : la voix de Nietzsche. ⁂ Ici, nous changeons de monde. À vrai dire, nous quittons
911 -là : la voix de Nietzsche. ⁂ Ici, nous changeons de monde. À vrai dire, nous quittons la littérature. « Celui qui sait re
912 ttérature. « Celui qui sait respirer l’atmosphère de mon œuvre sait que c’est une atmosphère des hauteurs, que l’air y est
913 our la première fois, le ton des hauteurs, le ton de celui qui les a conquises, physiquement aussi. Toute l’œuvre de Nietz
914 es a conquises, physiquement aussi. Toute l’œuvre de Nietzsche est pleine de repères alpestres. « Comme ces vues précises,
915 ment aussi. Toute l’œuvre de Nietzsche est pleine de repères alpestres. « Comme ces vues précises, aiguës, et qu’inspire l
916 inspire l’escarpement, nous changent des rêveries de Rousseau. Celui-ci se promène, l’autre escalade. Et comme elles s’opp
917 littérature qui transforme les sommets en images d’ un Dieu vertueux, ou en remparts de la liberté. La montagne n’est ni b
918 mets en images d’un Dieu vertueux, ou en remparts de la liberté. La montagne n’est ni bienveillante ni maternelle ; elle p
919 sommes peuvent trouver sur ses flancs l’occasion d’ une lutte… elle ignorera toujours ces victoires. » Nous empruntons ces
920 e du tableau franco-anglais, fournit un contraste de haut goût. Là, les montagnes se prêtaient successivement à des inter
921 nt une éthique. Là, elles prêtaient le romantisme de leur décor ; ici, par l’effort de discipline qu’elles exigent de qui
922 t le romantisme de leur décor ; ici, par l’effort de discipline qu’elles exigent de qui veut les vaincre, c’est un classic
923 ici, par l’effort de discipline qu’elles exigent de qui veut les vaincre, c’est un classicisme héroïque qu’elles inspiren
924 pestre. Il contient en puissance toute une morale de l’effort individuel et désintéressé, un constructivisme assez austère
925 leur inégalable : il y trouvait tous les symboles de la vie dangereuse, du risque, du triomphe conquis par la dureté. Mais
926 as informer d’autres pensées que les malédictions de Zarathoustra ? Quand nos écrivains, lassés de la circulation des idée
927 ons de Zarathoustra ? Quand nos écrivains, lassés de la circulation des idées citadines, éprouveront le besoin de créer vé
928 lation des idées citadines, éprouveront le besoin de créer véritablement quelques valeurs nouvelles, il se peut que certai
929 se tournent vers ces derniers symboles physiques de la solitude et de la grandeur, les Alpes. Nous souffrons d’une carenc
930 ces derniers symboles physiques de la solitude et de la grandeur, les Alpes. Nous souffrons d’une carence inquiétante de l
931 tude et de la grandeur, les Alpes. Nous souffrons d’ une carence inquiétante de l’héroïsme. Dans la lutte pour la vie que n
932 s Alpes. Nous souffrons d’une carence inquiétante de l’héroïsme. Dans la lutte pour la vie que nous impose le monde contem
933 où s’exercer. Et ce n’est guère qu’au plus obscur de certains cœurs, et dans le secret de certains renoncements, que le re
934 plus obscur de certains cœurs, et dans le secret de certains renoncements, que le regard spirituel saurait encore en déce
935 Peut-être le goût du sport trahit-il la nostalgie d’ une vie qui comporterait des risques extérieurs. Mais c’est là se cont
936 bon marché, et personne ne croit plus à la vertu de simulacres à ce point galvaudés. (Un Montherlant lui-même, récemment,
937 .) Deux chances sont encore offertes aux amateurs de risques authentiques : l’aviation et l’alpinisme. On commence à nous
938 isme. On commence à nous donner quelques « romans de l’air », et certains sont remarquables. Se trouvera-t-il un romancier
939 r des « hauts lieux » autre chose qu’une intrigue de palaces ? 22. La Littérature alpestre en France et en Angleterre,
940 s et Analyses. (Crès, 1926.) k. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Littérature alpestre », Foi et Vie, Paris, juillet
10 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Avant l’Aube, par Kagawa (septembre 1931)
941 nt l’Aube, par Kagawa (septembre 1931)l m Dire de ce livre qu’il ne ressemble à rien serait une louange trop littéraire
942 nt simple qui nous introduit dans la connaissance de la misère, et par là même nous fait sentir combien nous sommes mesqui
943 est-il réellement impossible à une âme chrétienne d’ atteindre la grandeur morale si elle n’a pas connu, ne fût-ce que par
944 lle n’a pas connu, ne fût-ce que par sa puissance de sympathie, la misère physique et matérielle du monde où nous vivons.
945 un terrible péché du christianisme européen, que d’ avoir pratiquement abandonné à une doctrine de haine le sort de ceux q
946 que d’avoir pratiquement abandonné à une doctrine de haine le sort de ceux que le Christ aima, parce que leur dénuement ét
947 quement abandonné à une doctrine de haine le sort de ceux que le Christ aima, parce que leur dénuement était ce qu’il y av
948 us proche de sa grandeur. L’existence et l’action de Kagawa, telles qu’il les raconte dans ces deux volumes, témoignent qu
949 isme, comme son bien propre. Mais il n’y a pas là de quoi nous rassurer. Si la vie de Kagawa glorifie l’Évangile, elle acc
950 il n’y a pas là de quoi nous rassurer. Si la vie de Kagawa glorifie l’Évangile, elle accuse formellement la grande majori
951 it surtout qu’il nous trouble. ⁂ L’autobiographie de Toyohiko Kagawa, publiée au Japon sous le titre d’Au-delà de la ligne
952 e Toyohiko Kagawa, publiée au Japon sous le titre d’ Au-delà de la ligne de la mort, en Amérique, en Angleterre, en Allemag
953 Kagawa, publiée au Japon sous le titre d’Au-delà de la ligne de la mort, en Amérique, en Angleterre, en Allemagne, et en
954 liée au Japon sous le titre d’Au-delà de la ligne de la mort, en Amérique, en Angleterre, en Allemagne, et en France, sous
955 ngleterre, en Allemagne, et en France, sous celui d’ Avant l’Aube, est un des livres les plus significatifs de ce temps. No
956 l’Aube, est un des livres les plus significatifs de ce temps. Non pas que nous manquions de témoignages sur les condition
957 ificatifs de ce temps. Non pas que nous manquions de témoignages sur les conditions d’existence du prolétariat mondial, ni
958 nous manquions de témoignages sur les conditions d’ existence du prolétariat mondial, ni que nous ignorions que notre sièc
959 est celui des meneurs. Mais le rare, c’est qu’un de ces meneurs écrive un livre pour nous dire comment il voit le peuple,
960 peuple, comment il l’aime, et quel est le secret de son autorité sur lui. L’état d’esprit de l’homme d’action s’accommode
961 e secret de son autorité sur lui. L’état d’esprit de l’homme d’action s’accommode rarement d’une réflexion impartiale et d
962 son autorité sur lui. L’état d’esprit de l’homme d’ action s’accommode rarement d’une réflexion impartiale et d’une descri
963 d’esprit de l’homme d’action s’accommode rarement d’ une réflexion impartiale et d’une description, plume en main, des mobi
964 ’accommode rarement d’une réflexion impartiale et d’ une description, plume en main, des mobiles personnels, affectifs, voi
965 affectifs, voire religieux, qui sont à l’origine de son entreprise. C’est même un des malheurs de notre temps, que l’acti
966 ine de son entreprise. C’est même un des malheurs de notre temps, que l’action devenue trop rapide suppose une cécité part
967 igieusement par exemple. Que l’on songe à l’œuvre d’ un Ford, ou à celle de presque tous nos hommes d’État. Le privilège ad
968 e. Que l’on songe à l’œuvre d’un Ford, ou à celle de presque tous nos hommes d’État. Le privilège admirable de Kagawa, c’e
969 ue tous nos hommes d’État. Le privilège admirable de Kagawa, c’est qu’il poursuit son action en pleine connaissance de cau
970 uit son action en pleine connaissance de cause et de buts, en plein accord avec son expérience intime (je dirais même sent
971 chrétienne. Il peut livrer sans crainte le secret d’ une telle action ; sans crainte et sans vanité non plus, car son œuvre
972 us, car son œuvre écrite n’est encore qu’un moyen de servir et d’agir. C’est un homme sans partage et sans failles. Quelqu
973 uvre écrite n’est encore qu’un moyen de servir et d’ agir. C’est un homme sans partage et sans failles. Quelques articles p
974 nt appris à connaître les résultats considérables de l’œuvre sociale, politique et religieuse suscitée par Kagawa. Nous sa
975 suscitée par Kagawa. Nous savions que ce pasteur d’ une petite paroisse presbytérienne était le chef du Jeune Japon, l’ini
976 rienne était le chef du Jeune Japon, l’initiateur de réformes de grande envergure, commencées dans les bas-fonds de la vil
977 le chef du Jeune Japon, l’initiateur de réformes de grande envergure, commencées dans les bas-fonds de la ville de Kobé e
978 e grande envergure, commencées dans les bas-fonds de la ville de Kobé et peu à peu élargies à tout ce vaste empire moderne
979 ergure, commencées dans les bas-fonds de la ville de Kobé et peu à peu élargies à tout ce vaste empire moderne si rapideme
980 moderne si rapidement envahi par la civilisation d’ une Europe dont il rejette la religion24. Nous savions aussi que ce le
981 , cet économiste et cet évangéliste se doublaient d’ un écrivain extrêmement fécond, dont l’autobiographie en particulier a
982 ître une nouvelle. C’est, en effet, sous la forme d’ un roman dont le héros, Eiichi, est évidemment l’auteur lui-même, le r
983 iichi, est évidemment l’auteur lui-même, le récit de l’adolescence et de la jeunesse de notre héros ; mais ce récit prend
984 t l’auteur lui-même, le récit de l’adolescence et de la jeunesse de notre héros ; mais ce récit prend fin au moment où Kag
985 même, le récit de l’adolescence et de la jeunesse de notre héros ; mais ce récit prend fin au moment où Kagawa débouche da
986 nnante, et qui nous fait pénétrer dans l’intimité d’ une vie, aux sources mêmes de ses déterminations. ⁂ Ce qui frappe, dès
987 trer dans l’intimité d’une vie, aux sources mêmes de ses déterminations. ⁂ Ce qui frappe, dès les premières pages, c’est l
988 s auteurs qui écrivent leurs mémoires s’attachent d’ ordinaire aux faits pittoresques ou exceptionnels qui marquèrent leur
989 nous assistons à l’existence la plus quotidienne d’ Eiichi, à ces mille petites difficultés précises et humiliantes, à ces
990 ifficultés précises et humiliantes, à ces moments de doute, de désir ou d’ennui qui constituent la trame réelle de notre a
991 précises et humiliantes, à ces moments de doute, de désir ou d’ennui qui constituent la trame réelle de notre activité et
992 humiliantes, à ces moments de doute, de désir ou d’ ennui qui constituent la trame réelle de notre activité et qui différe
993 désir ou d’ennui qui constituent la trame réelle de notre activité et qui différencient radicalement notre vie d’un conte
994 ivité et qui différencient radicalement notre vie d’ un conte de fées. Il n’y a là, de la part de l’auteur, nul parti pris
995 i différencient radicalement notre vie d’un conte de fées. Il n’y a là, de la part de l’auteur, nul parti pris de « réalis
996 n’y a là, de la part de l’auteur, nul parti pris de « réalisme » littéraire, mais bien le signe d’une absence d’hypocrisi
997 is de « réalisme » littéraire, mais bien le signe d’ une absence d’hypocrisie tout à fait insolite, et qui dans certains ca
998 me » littéraire, mais bien le signe d’une absence d’ hypocrisie tout à fait insolite, et qui dans certains cas, paraîtra pr
999 e à maints lecteurs. Kagawa ne « décolle » jamais de la réalité psychologique et matérielle, et c’est par là que dans sa s
1000 gros volumes si nourris, il n’y a pas deux lignes d’ allure conventionnelle, deux lignes qui ne traduisent une vérité vécue
1001 e. Telle est la certitude qui se dégage lentement d’ une profusion peu commune de petits faits, de personnages et de descri
1002 i se dégage lentement d’une profusion peu commune de petits faits, de personnages et de descriptions des lieux où ils vive
1003 ment d’une profusion peu commune de petits faits, de personnages et de descriptions des lieux où ils vivent. C’est dire qu
1004 on peu commune de petits faits, de personnages et de descriptions des lieux où ils vivent. C’est dire que l’œuvre mérite l
1005 ls vivent. C’est dire que l’œuvre mérite l’effort d’ attention soutenue que plusieurs chapitres du premier tome risqueraien
1006 plusieurs chapitres du premier tome risqueraient de lasser, par une multiplicité de notations touchant à la monotonie. Au
1007 tome risqueraient de lasser, par une multiplicité de notations touchant à la monotonie. Au reste, à mesure qu’on avance, l
1008 ure qu’on avance, l’on comprend mieux les raisons de la popularité d’une telle œuvre : c’est toute la vie du Japon actuel
1009 l’on comprend mieux les raisons de la popularité d’ une telle œuvre : c’est toute la vie du Japon actuel qu’elle concrétis
1010 sous nos yeux. Certes, ce n’est pas une japonerie d’ estampe ! Voici un échantillon du pays, au travers duquel nous emmène
1011 ’eût été bien agréable si le wagon entier eût été de verre. À partir de Tennoji, le train s’arrêta à un nombre incalculabl
1012 nnoji, le train s’arrêta à un nombre incalculable de stations. Regardant par la fenêtre, il vit d’affreux noms de gares te
1013 ble de stations. Regardant par la fenêtre, il vit d’ affreux noms de gares tels que Tenman, Tamazukuri, tout à fait dans le
1014 . Regardant par la fenêtre, il vit d’affreux noms de gares tels que Tenman, Tamazukuri, tout à fait dans le genre d’Osaka,
1015 que Tenman, Tamazukuri, tout à fait dans le genre d’ Osaka, écrits sur des lampes carrées. Entre les stations, des étendues
1016 lampes carrées. Entre les stations, des étendues de toits de tuiles, avec de la fumée noire qui s’en échappait. Osaka, la
1017 arrées. Entre les stations, des étendues de toits de tuiles, avec de la fumée noire qui s’en échappait. Osaka, la nuit, av
1018 s stations, des étendues de toits de tuiles, avec de la fumée noire qui s’en échappait. Osaka, la nuit, avait un air étran
1019 a tempête. Tandis que le train longeait les bords de la rivière Yodogawa, il se rappela soudain que c’était un endroit cél
1020 un jour, au théâtre, à Kobé, le drame du suicide de Akaneya et Sankatsu, sa bien-aimée. Suicide et Osaka la nuit ! Il ne
1021 Nous trouvons d’abord Eiichi Niimi à l’Université de Meiji Gakuin, près de Tokyo, dans une atmosphère de discussions philo
1022 Meiji Gakuin, près de Tokyo, dans une atmosphère de discussions philosophiques fort curieuse, où les doctrines bouddhiste
1023 is sont oubliées, comme partout, dès qu’il s’agit d’ embarras d’argent, de difficultés sentimentales, ou de mauvaises nouve
1024 liées, comme partout, dès qu’il s’agit d’embarras d’ argent, de difficultés sentimentales, ou de mauvaises nouvelles qu’on
1025 me partout, dès qu’il s’agit d’embarras d’argent, de difficultés sentimentales, ou de mauvaises nouvelles qu’on reçoit de
1026 barras d’argent, de difficultés sentimentales, ou de mauvaises nouvelles qu’on reçoit de sa famille. À la suite d’une disc
1027 imentales, ou de mauvaises nouvelles qu’on reçoit de sa famille. À la suite d’une discussion vive avec des étudiants chrét
1028 nouvelles qu’on reçoit de sa famille. À la suite d’ une discussion vive avec des étudiants chrétiens au sujet d’un de leur
1029 ussion vive avec des étudiants chrétiens au sujet d’ un de leurs camarades, Eiichi se décide soudain à quitter l’Université
1030 n vive avec des étudiants chrétiens au sujet d’un de leurs camarades, Eiichi se décide soudain à quitter l’Université. Ce
1031 s, farouchement idéaliste et pourtant jamais dupe de ses beaux sentiments lorsqu’il s’y mêle des motifs tout matériels. S
1032 Ses larmes augmentèrent en pensant à la pauvreté de sentiments des chrétiens ; il pensait aussi que lui-même, à la fin du
1033 d idéal. Que pouvait-il y avoir de plus noble que de partager la vie quotidienne des gens de la campagne. Il serait auprès
1034 noble que de partager la vie quotidienne des gens de la campagne. Il serait auprès de sa sœur, que personne n’aimait. Il d
1035 près de sa sœur, que personne n’aimait. Il décida de retourner chez lui la nuit même, et après s’être demandé avec quelque
1036 il ferait face aux dépenses du voyage, il décida de vendre ses livres. Mais son retour au foyer provoque des scènes terr
1037 s avec son père, riche commerçant que l’on accuse de malhonnêteté, caractère impérieux, esprit étroit, et qui défend avec
1038 défend avec violence contre les idées subversives de son fils un ordre social dont l’avantage évident est de le mettre à l
1039 fils un ordre social dont l’avantage évident est de le mettre à l’abri de la véritable justice. Il finit par mettre Eiich
1040 dont l’avantage évident est de le mettre à l’abri de la véritable justice. Il finit par mettre Eiichi à la porte. Il lui r
1041 ttre Eiichi à la porte. Il lui reste la ressource de se faire instituteur. Il assiste un soir, par hasard, à une réunion d
1042 ur. Il assiste un soir, par hasard, à une réunion d’ évangélisation dont la description serait tout entière à citer, dans s
1043 ment concilier son bonheur personnel avec l’idéal de rénovation sociale qu’il a conçu ? Et comment trouver le courage de s
1044 ale qu’il a conçu ? Et comment trouver le courage de se donner à cet idéal, dont la réalisation pratique lui répugne encor
1045 iichi était partagé entre deux désirs. L’un était de se sauver au plus vite de cet horrible endroit et de jeter les princi
1046 deux désirs. L’un était de se sauver au plus vite de cet horrible endroit et de jeter les principes philanthropiques à tou
1047 se sauver au plus vite de cet horrible endroit et de jeter les principes philanthropiques à tous les vents ; de rentrer bi
1048 les principes philanthropiques à tous les vents ; de rentrer bien vite dans sa maison garnie de belles nattes et de se plo
1049 ents ; de rentrer bien vite dans sa maison garnie de belles nattes et de se plonger dans ses livres de philosophie. Il ent
1050 en vite dans sa maison garnie de belles nattes et de se plonger dans ses livres de philosophie. Il entendait une voix inté
1051 de belles nattes et de se plonger dans ses livres de philosophie. Il entendait une voix intérieure qui lui disait : « Si t
1052 voix intérieure qui lui disait : « Si tu te mêles de ces affaires, tu ne seras toi-même, à la fin, pas bien éloigné du vul
1053 re voix intérieure disait : « La bonté est le sel de la vie. L’organisme social demande des sacrifices pour l’amour des vi
1054 nsifie bientôt jusqu’à provoquer en lui une sorte de folie. Tsuruko est obligée de le quitter. Alors dans un accès de dése
1055 er en lui une sorte de folie. Tsuruko est obligée de le quitter. Alors dans un accès de désespoir, il tente de mettre le f
1056 ko est obligée de le quitter. Alors dans un accès de désespoir, il tente de mettre le feu à sa maison. Il s’enfuit, et s’e
1057 itter. Alors dans un accès de désespoir, il tente de mettre le feu à sa maison. Il s’enfuit, et s’engage comme manœuvre da
1058 t s’engage comme manœuvre dans les docks. La mort de son père l’oblige à en sortir, mais en même temps décide de l’orienta
1059 e l’oblige à en sortir, mais en même temps décide de l’orientation de sa vie : Il avait vu mourir Sanuki au logement ouvr
1060 ortir, mais en même temps décide de l’orientation de sa vie : Il avait vu mourir Sanuki au logement ouvrier, et il ne pen
1061 ogement ouvrier, et il ne pensait pas que la mort de son père fût particulièrement importante. Il avait appris qu’il faut
1062 nte. Il avait appris qu’il faut avoir une volonté de fer, lorsqu’on tombe dans la lie de la société. Le jour des funéraill
1063 r une volonté de fer, lorsqu’on tombe dans la lie de la société. Le jour des funérailles, Eiichi essaya de garder tout son
1064 a société. Le jour des funérailles, Eiichi essaya de garder tout son sang-froid, mais au cimetière du Temple de Zuigan, qu
1065 tout son sang-froid, mais au cimetière du Temple de Zuigan, quand les prêtres de douze temples et Eiichi à leur suite ent
1066 cimetière du Temple de Zuigan, quand les prêtres de douze temples et Eiichi à leur suite entourèrent le cercueil, il ne p
1067 panorama devant ses yeux. Au-delà des sentiments de Hamlet, voyant la procession funèbre d’Ophélie, pensa Eiichi, il y av
1068 entiments de Hamlet, voyant la procession funèbre d’ Ophélie, pensa Eiichi, il y avait la redoutable réalité, et il pleura
1069 i, il y avait la redoutable réalité, et il pleura de crainte et de tristesse. Tout inspirait le respect : le bruit discord
1070 la redoutable réalité, et il pleura de crainte et de tristesse. Tout inspirait le respect : le bruit discordant des cymbal
1071 tout lien avec le passé, comme on franchit le pas de la mort, il lutterait contre les conventions établies, les traditions
1072 ant lui était le monde : le monde, l’énorme asile de fous dont Eiichi avait parlé à son père — mort maintenant —, tourment
1073 prise du militarisme et du capitalisme ; un asile de fous qui s’étend sur toute la terre. Sans se préoccuper si c’était le
1074 nde ou lui-même qui était fou, Eiichi décida que, de ce jour-là, il entrerait en bataille contre cet ordre de choses. Il
1075 our-là, il entrerait en bataille contre cet ordre de choses. Il se délivre progressivement de tous ses intérêts matériels
1076 t ordre de choses. Il se délivre progressivement de tous ses intérêts matériels et familiaux. Sa misère et son désespoir
1077 familiaux. Sa misère et son désespoir grandissent de jour en jour en même temps que sa révolte contre ce monde. Il se conv
1078 enfin, brusquement, au moment où il avait décidé de se suicider. Mais un soir qu’il prêche au carrefour, la maladie qui d
1079 r se donner tout entier à la misère des bas-fonds de Kobé. Il fait siennes toutes les épreuves d’un peuple misérable, des
1080 onds de Kobé. Il fait siennes toutes les épreuves d’ un peuple misérable, des pires brutes qu’il recueille dans sa chambre,
1081 qu’il recueille dans sa chambre, et qu’il couvre de ses propres habits, des prostituées qu’il soigne, des ivrognes qui lu
1082 squ’à lui tirer dessus, — ce qui ne l’empêche pas de les reprendre ensuite, chez lui, car il professe avec fanatisme la no
1083 la non-résistance au mal. Bientôt il prend figure de saint parmi le peuple qui le respecte, l’exploite et subit l’empire d
1084 ple qui le respecte, l’exploite et subit l’empire de sa douceur. Cette deuxième partie de l’ouvrage est extraordinaire de
1085 bit l’empire de sa douceur. Cette deuxième partie de l’ouvrage est extraordinaire de vie et de pathétique, sobre et direct
1086 e deuxième partie de l’ouvrage est extraordinaire de vie et de pathétique, sobre et directe plus que tout ce qu’on a pu li
1087 partie de l’ouvrage est extraordinaire de vie et de pathétique, sobre et directe plus que tout ce qu’on a pu lire de plus
1088 ces milieux. Finalement, la police accuse Eiichi d’ avoir prêté son appui à une grève, et le récit se termine par une scèn
1089 scène entre le procureur et le prévenu, qui vaut d’ être citée : — Pourquoi me regardez-vous ainsi ? tonna le Procureur,
1090 e étude psychologique, en observant sur le visage de celui-ci les expressions changeantes qu’y imprimait la passion. Il lu
1091 Il lui semblait qu’il faisait une étude pratique de désordre mental dans une classe d’école, tant il était calme et loin
1092 étude pratique de désordre mental dans une classe d’ école, tant il était calme et loin d’être troublé. En regardant les ch
1093 s une classe d’école, tant il était calme et loin d’ être troublé. En regardant les choses de près, il conclut que la profe
1094 e et loin d’être troublé. En regardant les choses de près, il conclut que la profession de procureur devait être vraiment
1095 les choses de près, il conclut que la profession de procureur devait être vraiment bien désagréable, puisqu’elle exigeait
1096 e vraiment bien désagréable, puisqu’elle exigeait de celui qui s’y livrait de se fâcher, de se poser comme juste et de jug
1097 le, puisqu’elle exigeait de celui qui s’y livrait de se fâcher, de se poser comme juste et de juger ses semblables. Pire q
1098 e exigeait de celui qui s’y livrait de se fâcher, de se poser comme juste et de juger ses semblables. Pire que cela, elle
1099 livrait de se fâcher, de se poser comme juste et de juger ses semblables. Pire que cela, elle portait à croire que tous l
1100 bles. Ceci acquit au Procureur toute la sympathie d’ Eiichi… Si c’est à des tâches aussi inutiles que les procureurs passen
1101 ssent leur vie, pensait Eiichi, il est impossible de ne pas leur témoigner de la sympathie. — Qu’est-ce que cela veut dire
1102 iichi, il est impossible de ne pas leur témoigner de la sympathie. — Qu’est-ce que cela veut dire ? Pourquoi me regardez-v
1103 si ce n’est par une révolution ? Je vous demande de me dire clairement votre pensée à ce sujet. Eiichi se taisait. Une mi
1104 s s’écoulèrent. Quatre ou cinq moineaux sautaient de branche en branche sur le camphrier du jardin, joyeux et insouciants.
1105 Il se taisait, car il savait qu’il était inutile de dire quoi que ce soit à cet homme en colère. Trois, quatre, cinq minu
1106 . Le Procureur regardait distraitement son carnet de notes. Il tremblait jusqu’au bout des doigts. Il eut été impossible d
1107 t jusqu’au bout des doigts. Il eut été impossible de dire lequel des deux était le juge de l’autre. Eiichi est provisoire
1108 impossible de dire lequel des deux était le juge de l’autre. Eiichi est provisoirement libéré. Les enfants des bas-fonds
1109 conclusions qu’impose cette œuvre avec l’autorité d’ une action, arrêtons-nous quelques instants devant la beauté singulièr
1110 ous quelques instants devant la beauté singulière de l’âme qu’elle révèle. Une âme qui sent tout avec force et délicatesse
1111 lligent qui est plus émouvant que bien des chants de victoire de « sauvés ». Une âme parfaitement consciente, claire et de
1112 est plus émouvant que bien des chants de victoire de « sauvés ». Une âme parfaitement consciente, claire et de bonne volon
1113 vés ». Une âme parfaitement consciente, claire et de bonne volonté. Une âme à la fois sobre et extrême. Tous les excès lui
1114 ans la sainteté, mais toujours ils s’accompagnent d’ une mesure parfaite dans l’appréciation. Il semble qu’il n’ait aucune
1115 a critique et sans nulle complaisance. Il n’a pas de terribles remords, il a des remords. Il ne cherche pas à se rendre in
1116 es actions. Il les note, simplement, sans oublier d’ indiquer ses hésitations, les traverses souvent fortuites qui les prov
1117 ouvent fortuites qui les provoquent. Et pas trace d’ ostentation dans son humilité ou dans son impartialité. C’est toujours
1118 artialité. C’est toujours à l’effarante sincérité de ce récit qu’il faut revenir, si l’on veut d’un mot le caractériser. P
1119 rité de ce récit qu’il faut revenir, si l’on veut d’ un mot le caractériser. Parmi les innombrables sentiments : doutes, pa
1120 u’il met en jeu, c’est toujours l’absence absolue d’ hypocrisie de sa part qui donne aux choses les plus banales une nouvea
1121 eu, c’est toujours l’absence absolue d’hypocrisie de sa part qui donne aux choses les plus banales une nouveauté frappante
1122 éclate particulièrement dans l’analyse des motifs de ses actions journalières. Par là, il fait souvent penser aux grands R
1123 ï surtout. Et par tous les revirements intérieurs de ses personnages également. Quant à lui, la complexité vivante de sa v
1124 ges également. Quant à lui, la complexité vivante de sa vie morale n’a d’égale que la violence de ses réactions. Une fois,
1125 à lui, la complexité vivante de sa vie morale n’a d’ égale que la violence de ses réactions. Une fois, désespéré, — « heure
1126 ante de sa vie morale n’a d’égale que la violence de ses réactions. Une fois, désespéré, — « heureusement, personne ne reg
1127  !”, mais sans résultat ». C’est dans un tel état de désespoir que soudain l’amour de la vie revient s’emparer de lui et d
1128 dans un tel état de désespoir que soudain l’amour de la vie revient s’emparer de lui et décide de sa conversion : Il se d
1129 r que soudain l’amour de la vie revient s’emparer de lui et décide de sa conversion : Il se décida à tout accepter, oui,
1130 mour de la vie revient s’emparer de lui et décide de sa conversion : Il se décida à tout accepter, oui, tout. Il accepter
1131 manifestations dans le temps. Il était ressuscité de l’abîme du désespoir et revenu au monde merveilleux. Il résolut de vi
1132 espoir et revenu au monde merveilleux. Il résolut de vivre fermement dans sa sphère actuelle, enrichi par la force de la m
1133 ent dans sa sphère actuelle, enrichi par la force de la mort. Tout était merveilleux, la mort, lui-même, la terre, les pie
1134 ut était étonnement. Il acceptait tout. Il décida de vivre fermement, de prendre courage et de lutter bravement à l’avenir
1135 Il acceptait tout. Il décida de vivre fermement, de prendre courage et de lutter bravement à l’avenir, et pour cela il ac
1136 décida de vivre fermement, de prendre courage et de lutter bravement à l’avenir, et pour cela il accepterait tout de l’ex
1137 ment à l’avenir, et pour cela il accepterait tout de l’existence. Il accepterait aussi la religion avec le courage du suic
1138 e, le 14 février, il se décida à faire profession de disciple du Christ. Page étrange, en vérité, et dont l’accent presqu
1139 i eussent préféré l’habituelle effusion en patois de Chanaan. Mais ce qui me frappe ici, c’est de voir le reste du chapitr
1140 tois de Chanaan. Mais ce qui me frappe ici, c’est de voir le reste du chapitre consacré au récit des actes qu’immédiatemen
1141 tes qu’immédiatement Eiichi produit en témoignage de sa conversion. En mystique véritable, il évite rigoureusement les exp
1142 s derrière Nunobiki, au milieu des arbres, à côté d’ un ruisseau, il passa trois heures et demie à lire tout l’Évangile sel
1143 ier, priant continuellement pour obtenir la grâce de devenir capable de suivre Jésus. Une autre fois, à midi, il monta sur
1144 ellement pour obtenir la grâce de devenir capable de suivre Jésus. Une autre fois, à midi, il monta sur le sommet d’une mo
1145 s. Une autre fois, à midi, il monta sur le sommet d’ une montagne en face du mont Maya et pria Dieu de lui donner Kobé et l
1146 d’une montagne en face du mont Maya et pria Dieu de lui donner Kobé et les bas-fonds. La nature, le sommeil et les enfant
1147 Comment et par quoi mesurer la valeur chrétienne d’ une âme ? L’action même est souvent trompeuse. Mais la qualité du rega
1148 tel est le signe et la mesure certaine. Au cours d’ un livre où il se peint, aux prises avec toutes les formes du mal, jam
1149 aineux des communistes. Et c’est l’un des secrets de sa puissance. ⁂ Mais il est temps de tirer de ce livre une conclusion
1150 des secrets de sa puissance. ⁂ Mais il est temps de tirer de ce livre une conclusion capitale qui, sans doute, fut l’obje
1151 ets de sa puissance. ⁂ Mais il est temps de tirer de ce livre une conclusion capitale qui, sans doute, fut l’objet détermi
1152 capitale qui, sans doute, fut l’objet déterminant de son auteur. Elle concerne la question sociale. Il s’attache à cette e
1153 es réformes socialistes — mais cela dispense-t-il de chercher d’autres solutions ? Quant à ceux qui acceptent d’étudier à
1154 r d’autres solutions ? Quant à ceux qui acceptent d’ étudier à fond ces problèmes, ils ne les rendent, en général, guère at
1155 s le devraient.). Pour celui qui referme le livre de Kagawa, une certitude s’impose. Je la formulerai brièvement : Tant qu
1156 ctible. Car la question sociale n’admet peut-être de solution que personnelle. Il ne s’agit plus de la poser, sur le plan
1157 re de solution que personnelle. Il ne s’agit plus de la poser, sur le plan intellectuel, pour les autres, mais de la résou
1158 , sur le plan intellectuel, pour les autres, mais de la résoudre d’abord pour son compte et par un acte intérieur contraig
1159 te et par un acte intérieur contraignant, un acte d’ incarnation. Il y a là une exigence immédiate et par conséquent plus t
1160 ose n’importe quelle attitude politique. Aux yeux d’ un incroyant, ceci peut sembler vague. Mais le sens chrétien primitif
1161 rétien primitif n’est-il pas, avant tout, le sens de la pauvreté ? Qu’un Kagawa nous force à méditer chrétiennement le fai
1162 agawa nous force à méditer chrétiennement le fait de la misère humaine, — cela ne saurait être sans fruits. 24. Ceux qui
1163 imiler christianisme et capitalisme feraient bien de ne pas perdre de vue cet exemple. l. Rougemont Denis de, « [Compte
1164 sme et capitalisme feraient bien de ne pas perdre de vue cet exemple. l. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Toyohiko K
1165 s perdre de vue cet exemple. l. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Toyohiko Kagawa, Avant l’Aube  », Foi et Vie, Paris
11 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). André Gide ou le style exquis (à propos de Divers) (octobre 1931)
1166 bre 1931)n o La manière est toujours l’indice d’ une complaisance, et vite elle en devient la rançon. (Divers, p. 75.)
1167 « manière » gidienne, et je m’excuse dès l’abord de la rapidité avec laquelle je suis décidé à les formuler. Si l’on y vo
1168 ’on y voit une regrettable désinvolture vis-à-vis d’ un des écrivains les plus justement célèbres de ce temps, elle aura du
1169 is d’un des écrivains les plus justement célèbres de ce temps, elle aura du moins le mérite de la spontanéité, qualité don
1170 élèbres de ce temps, elle aura du moins le mérite de la spontanéité, qualité dont Gide aime à douer les héros de ses récit
1171 tanéité, qualité dont Gide aime à douer les héros de ses récits, mais dont lui-même se révèle dépourvu dans une mesure qui
1172 pourvu dans une mesure qui est celle, exactement, de son art, — considérable. Art de ruses, de pondérations et de nuances
1173 elle, exactement, de son art, — considérable. Art de ruses, de pondérations et de nuances sarcastiques (celles du serpent
1174 tement, de son art, — considérable. Art de ruses, de pondérations et de nuances sarcastiques (celles du serpent qui charme
1175 — considérable. Art de ruses, de pondérations et de nuances sarcastiques (celles du serpent qui charme à froid) — art qui
1176 se définit et se limite par l’épithète valéryenne d’ exquis. On sait quels « jugements » Gide s’attira naguère, dont la « s
1177 ne pense pas qu’il faille opposer aux suggestions d’ un moraliste trop subtil les vaniteux verdicts d’une moralité toute fa
1178 d’un moraliste trop subtil les vaniteux verdicts d’ une moralité toute faite. Je ne me récrie pas et ne compte nullement d
1179 crie pas et ne compte nullement désigner l’auteur de l’Immoraliste à la vindicte des « honnêtes gens ». D’abord parce que
1180 sait qu’il y a dans le monde moderne trois sortes de gens, les pécheurs, les sauvés et les honnêtes gens.) Ensuite, parce
1181 ral où Gide provoque ses lecteurs à le juger, sûr d’ avance que l’intelligence sera de son côté. — « Causons un peu », dit
1182 à le juger, sûr d’avance que l’intelligence sera de son côté. — « Causons un peu », dit le serpent… ⁂ Divers, recueil d’
1183 sons un peu », dit le serpent… ⁂ Divers, recueil d’ aphorismes, de « caractères » et de lettres, est en somme un plaidoyer
1184 dit le serpent… ⁂ Divers, recueil d’aphorismes, de « caractères » et de lettres, est en somme un plaidoyer pour André Gi
1185 ivers, recueil d’aphorismes, de « caractères » et de lettres, est en somme un plaidoyer pour André Gide. J’avoue qu’il sai
1186 dré Gide. J’avoue qu’il sait dans un grand nombre de cas me convaincre ; et que, dans la plupart des autres, il est si adm
1187 ves. Non seulement Gide a presque toujours raison de ses juges, mais il sait avoir raison comme en s’excusant. Il apporte
1188 ourdine. Car il sait que la modestie est la vertu de choix du classicisme. Et qu’il est le dernier de nos classiques… Pare
1189 de choix du classicisme. Et qu’il est le dernier de nos classiques… Pareille modestie est, d’ailleurs, signe de force : l
1190 ssiques… Pareille modestie est, d’ailleurs, signe de force : les critiques auxquels il adressa les lettres reproduites dan
1191 avent quelque chose, et le Père jésuite qui tenta de soutenir la controverse prit une leçon de distinguo magistrale et cru
1192 i tenta de soutenir la controverse prit une leçon de distinguo magistrale et cruellement ironique. Je ne tiens pas du tout
1193 ne tiens pas du tout à imiter ce Père. Nul besoin de citer à la barre d’un jugement dernier anticipé un esprit qui s’honor
1194 à imiter ce Père. Nul besoin de citer à la barre d’ un jugement dernier anticipé un esprit qui s’honore — on excusera le j
1195 icipé un esprit qui s’honore — on excusera le jeu de mots — d’être « non-prévenu ». Mais voici ce qu’il y a : l’on éprouve
1196 sprit qui s’honore — on excusera le jeu de mots — d’ être « non-prévenu ». Mais voici ce qu’il y a : l’on éprouve une gêne
1197 tojustification obsédante que les derniers écrits de cet auteur reprennent et fignolent avec un talent disproportionné à s
1198 donner l’air — je suis prêt à le concéder au-delà de ce qu’il espère. Par incompétence radicale. Ce qu’il faut certainemen
1199 icale. Ce qu’il faut certainement déplorer, c’est de le voir utiliser des dons incomparables et une sorte subtile de loyau
1200 liser des dons incomparables et une sorte subtile de loyauté à des fins rien moins que grandes. Car l’excès même de ces sc
1201 des fins rien moins que grandes. Car l’excès même de ces scrupules les fait tourner soudain, les fait cailler en coquetter
1202 iller en coquetteries. Et voici que l’explication de soi pareillement tourne en indiscrétion, et cette retenue trop consci
1203 en indiscrétion, et cette retenue trop consciente de ses effets n’est plus qu’une impudeur raffinée. « Celui qui veut sau
1204 e inlassablement M. Gide25. Seulement, celui qui, de propos délibéré, veut perdre sa vie, et non pas pour Christ, mais pou
1205 e du sacrifice ; et c’est en vain qu’il tenterait d’ y loger autre chose que son égoïsme et sa coquetterie profonde. Tels s
1206 ige en dialectique indépendante. Si des sophismes de ce genre n’apparaissent pas plus souvent chez d’autres « moralistes »
1207 s que M. Gide, ou qu’ils reculent devant l’audace de conclusions en toute logique inévitables. Car ce qui naît de l’Évangi
1208 ons en toute logique inévitables. Car ce qui naît de l’Évangile n’a de sens que par le jaillissement vers Dieu. Et tout pr
1209 ue inévitables. Car ce qui naît de l’Évangile n’a de sens que par le jaillissement vers Dieu. Et tout précepte évangélique
1210 eu. Et tout précepte évangélique une fois détaché de la grâce se décompose avec virulence en sophismes, ou bien engendre d
1211 on est d’abord séduit par la finesse et la mesure de leur argumentation, par leur côté vraiment « non-prévenu », et puis,
1212 on-prévenu », et puis, soudain, l’on s’impatiente d’ être ramené sans cesse dans un cercle de paradoxes et de malentendus o
1213 mpatiente d’être ramené sans cesse dans un cercle de paradoxes et de malentendus où il semble qu’un esprit de cette classe
1214 ramené sans cesse dans un cercle de paradoxes et de malentendus où il semble qu’un esprit de cette classe ne devrait pas
1215 doxes et de malentendus où il semble qu’un esprit de cette classe ne devrait pas supporter qu’on l’engage. Mais qu’est-ce
1216 t-ce à dire lorsqu’on comprend que, non satisfait de s’y complaire, il croit y découvrir son originalité, ou comme il le d
1217 as à moi-même que je m’intéresse, mais au conflit de certaines idées, dont mon âme n’est que le théâtre, et où je fais fon
1218 ’est que le théâtre, et où je fais fonction moins d’ acteur que de spectateur, de témoin. » (p. 31.) Mais un témoin si déta
1219 héâtre, et où je fais fonction moins d’acteur que de spectateur, de témoin. » (p. 31.) Mais un témoin si détaché de soi-mê
1220 e fais fonction moins d’acteur que de spectateur, de témoin. » (p. 31.) Mais un témoin si détaché de soi-même, n’est-ce pa
1221 , de témoin. » (p. 31.) Mais un témoin si détaché de soi-même, n’est-ce pas nécessairement un faux témoin ? Étendons la si
1222 rement un faux témoin ? Étendons la signification de ce terme. On sait que protestant veut dire témoin (protestari), jamai
1223 sereinement contradictoire, où il voit l’essence de sa « réforme » et de sa nouveauté. Luther disait : « Je ne puis autre
1224 ctoire, où il voit l’essence de sa « réforme » et de sa nouveauté. Luther disait : « Je ne puis autrement. » Gide, lui, se
1225 s autrement. » Gide, lui, se préoccupe sans cesse de faire entendre qu’il « pourrait autrement ». Que rien de ce qu’il écr
1226 e entendre qu’il « pourrait autrement ». Que rien de ce qu’il écrit ne l’engage tout entier. Qu’il n’est que spectateur de
1227 l’engage tout entier. Qu’il n’est que spectateur de ses antagonismes. Dès lors, la morale qui, pourtant, seule l’intéress
1228 pourtant, seule l’intéresse, n’est plus qu’un jeu d’ équilibres relatifs, variables et réversibles. Plus de sanctions trans
1229 uilibres relatifs, variables et réversibles. Plus de sanctions transcendantes et irrévocables dans un tel univers. Suppres
1230 me qui s’efforce vers l’unité, vers l’unification de ses aspirations et de ses actes ; dans une âme responsable de ses con
1231 l’unité, vers l’unification de ses aspirations et de ses actes ; dans une âme responsable de ses contradictions. Sans dout
1232 ations et de ses actes ; dans une âme responsable de ses contradictions. Sans doute, la psychologie moderne a-t-elle montr
1233 imple qu’il ne le croyait. Mais la question reste de savoir si cette division interne, une fois reconnue, doit être accept
1234 our moi je tiens que le seul problème éthique est de se réaliser comme unité. Non point parce qu’une morale stoïcienne et
1235 commande. Non point à cause de la logique ni même d’ une norme sociale. Mais à cause de la grandeur. ⁂ Ce livre manque d’an
1236 e. Mais à cause de la grandeur. ⁂ Ce livre manque d’ ange et de bête. Il est merveilleusement intelligent. On n’y parle str
1237 cause de la grandeur. ⁂ Ce livre manque d’ange et de bête. Il est merveilleusement intelligent. On n’y parle strictement q
1238 usement intelligent. On n’y parle strictement que de psychologie et des ruses de l’art, sans que ne s’ouvre jamais une per
1239 parle strictement que de psychologie et des ruses de l’art, sans que ne s’ouvre jamais une perspective poétique ou métaphy
1240 xprimé et mûri. Mais comme aussi tout cela manque d’ enthousiasme, d’« endieusement », selon l’étymologie de Unamuno. Ne dé
1241 Mais comme aussi tout cela manque d’enthousiasme, d’ « endieusement », selon l’étymologie de Unamuno. Ne détermine rien en
1242 housiasme, d’« endieusement », selon l’étymologie de Unamuno. Ne détermine rien en nous. Ne nous met en demeure ni d’agir,
1243 détermine rien en nous. Ne nous met en demeure ni d’ agir, ni d’aimer, ni même de douter fortement. C’est constamment mesur
1244 ien en nous. Ne nous met en demeure ni d’agir, ni d’ aimer, ni même de douter fortement. C’est constamment mesuré, conscien
1245 ous met en demeure ni d’agir, ni d’aimer, ni même de douter fortement. C’est constamment mesuré, conscient, exquis, mais,
1246 omplaisant à sa propre modestie. Et, par là même, d’ une étrange indiscrétion. Gide saura-t-il rester un maître pour cette
1247 jeunesse qui aimait sa ferveur, mais que le monde de demain va contraindre, contraint déjà à des choix dramatiques ? Certa
1248 supposer qu’il écrivit en préface au livre récent d’ un jeune aviateur, Antoine de Saint-Exupéry. (Mais par quoi tiendra-t-
1249 is par quoi tiendra-t-il à les « équilibrer », un de ces jours, à les « gauchir »…) Le héros de Vol de nuit, non déshuman
1250 », un de ces jours, à les « gauchir »…) Le héros de Vol de nuit, non déshumanisé certes, s’élève à une vertu surhumaine.
1251 e ces jours, à les « gauchir »…) Le héros de Vol de nuit, non déshumanisé certes, s’élève à une vertu surhumaine. Je croi
1252 sse. Les faiblesses, les abandons, les déchéances de l’homme, nous les connaissons de reste et la littérature de nos jours
1253 , les déchéances de l’homme, nous les connaissons de reste et la littérature de nos jours n’est que trop habile à les déno
1254 , nous les connaissons de reste et la littérature de nos jours n’est que trop habile à les dénoncer ; mais le surpassement
1255 trop habile à les dénoncer ; mais le surpassement de soi qu’obtient la volonté tendue, c’est là ce que nous avons surtout
1256 ’on nous montre… Je lui sais gré particulièrement d’ éclairer cette vérité paradoxale, pour moi d’une importance psychologi
1257 ment d’éclairer cette vérité paradoxale, pour moi d’ une importance psychologique considérable : que le bonheur de l’homme
1258 tance psychologique considérable : que le bonheur de l’homme n’est pas dans la liberté, mais dans l’acceptation d’un devoi
1259 ’est pas dans la liberté, mais dans l’acceptation d’ un devoir. Gide aurait-il pressenti que l’ère n’est plus de certaines
1260 r. Gide aurait-il pressenti que l’ère n’est plus de certaines complaisances ? Pourquoi faut-il que l’image de cet aviateu
1261 ines complaisances ? Pourquoi faut-il que l’image de cet aviateur m’évoque la fable : « Je suis oiseau, voyez mes ailes. »
1262 ayant épuisé leurs saveurs. La question n’est pas d’ être vertueux, mais de faire la volonté de Dieu. Et ce que nous voulon
1263 eurs. La question n’est pas d’être vertueux, mais de faire la volonté de Dieu. Et ce que nous voulons ce ne sont pas des e
1264 est pas d’être vertueux, mais de faire la volonté de Dieu. Et ce que nous voulons ce ne sont pas des exemples édifiants, m
1265 pas des exemples édifiants, mais des témoignages de responsabilités acceptées devant Dieu, avec l’incommensurable tragiqu
1266 homme qui ne vous lâche plus. Il a beaucoup parlé de lui-même. Mais là où d’autres produisent l’impression pénible de se m
1267 is là où d’autres produisent l’impression pénible de se montrer, il arrive chez Kierkegaard une chose extraordinaire : sou
1268 ui me regarde et qui me perce, — et me fait honte d’ oublier la grandeur. 25. Remarquons le tour qu’il adopte : « mais ce
1269 celui qui veut la perdre… » n. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] André Gide ou le style exquis », Foi et Vie, Paris,
12 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le protestantisme jugé (octobre 1931)
1270 ment, dans un article des Nouvelles littéraires d’ un ouvrage de M. Édouard Martinet, intitulé André Gide, l’amour et la
1271 article des Nouvelles littéraires d’un ouvrage de M. Édouard Martinet, intitulé André Gide, l’amour et la divinité, M.
1272 divinité, M. Albert Thibaudet exprime son regret de ce qu’un tel titre ne réponde pas à son attente. Selon lui, c’est un
1273 son attente. Selon lui, c’est un « André Gide vu de Genève » qu’il nous faudrait. M. Martinet a pris pour épigraphe la ci
1274 rivain protestant26, non exilé, non réfugié, mais d’ éducation et de nature toute française. M. Thibaudet ajoute à ce prop
1275 nt26, non exilé, non réfugié, mais d’éducation et de nature toute française. M. Thibaudet ajoute à ce propos : On m’a fa
1276 nt. Et précisément il y aurait lieu à une manière de Loti vu de Genève. Loti appartient à ce pays de Saintonge, qui, si la
1277 isément il y aurait lieu à une manière de Loti vu de Genève. Loti appartient à ce pays de Saintonge, qui, si la force de l
1278 e de Loti vu de Genève. Loti appartient à ce pays de Saintonge, qui, si la force de l’unité française n’avait été irrésist
1279 partient à ce pays de Saintonge, qui, si la force de l’unité française n’avait été irrésistible, avait ce qu’il fallait po
1280 , avait ce qu’il fallait pour devenir une manière de Genève maritime, de Hollande atlantique : le maire Guiton, le héros,
1281 lait pour devenir une manière de Genève maritime, de Hollande atlantique : le maire Guiton, le héros, avec Rohan, de la ré
1282 lantique : le maire Guiton, le héros, avec Rohan, de la résistance protestante contre le Cardinal, était corsaire de son m
1283 ce protestante contre le Cardinal, était corsaire de son métier. N’oublions pas que depuis la destruction de l’Invincible
1284 métier. N’oublions pas que depuis la destruction de l’Invincible Armada la mer devient aux trois quarts protestante — et
1285 uf-mille marins). Loti est un protestant français de la vieille souche maritime. Évidemment, cela n’en fait pas un Genevoi
1286 contraire ! Mais n’oublions pas que toute l’œuvre de Loti est faite du morcellement et de l’adaptation d’un livre unique,
1287 oute l’œuvre de Loti est faite du morcellement et de l’adaptation d’un livre unique, son journal intime — que Loti est un
1288 Loti est faite du morcellement et de l’adaptation d’ un livre unique, son journal intime — que Loti est un journal intime,
1289 la littérature intime sont un produit autochtone de la terre protestante et de l’esprit protestant. Ces intéressantes re
1290 un produit autochtone de la terre protestante et de l’esprit protestant. Ces intéressantes remarques, où l’on retrouve l
1291 intéressantes remarques, où l’on retrouve le goût de l’analogie historico-littéraire qui caractérise la critique de M. Alb
1292 historico-littéraire qui caractérise la critique de M. Albert Thibaudet, nous ont fait penser qu’il existe bel et bien un
1293 t fait penser qu’il existe bel et bien un Loti vu de Genève, non pas sous la forme d’un ouvrage complet, mais d’un essai t
1294 bien un Loti vu de Genève, non pas sous la forme d’ un ouvrage complet, mais d’un essai très fouillé et profond de Gaston
1295 non pas sous la forme d’un ouvrage complet, mais d’ un essai très fouillé et profond de Gaston Frommel, dans ses Études li
1296 complet, mais d’un essai très fouillé et profond de Gaston Frommel, dans ses Études littéraires et morales. Nous sommes c
1297 udes littéraires et morales. Nous sommes certains d’ intéresser les lecteurs de cette revue en citant ici quelques passages
1298 s. Nous sommes certains d’intéresser les lecteurs de cette revue en citant ici quelques passages de l’étude de Frommel. N
1299 rs de cette revue en citant ici quelques passages de l’étude de Frommel. Nous assistons, chez Pierre Loti, à ce spectacle
1300 revue en citant ici quelques passages de l’étude de Frommel. Nous assistons, chez Pierre Loti, à ce spectacle étrange d’
1301 sistons, chez Pierre Loti, à ce spectacle étrange d’ une vie toute pleine de nobles penchants et d’affections élevées, tand
1302 ti, à ce spectacle étrange d’une vie toute pleine de nobles penchants et d’affections élevées, tandis que déjà la conscien
1303 nge d’une vie toute pleine de nobles penchants et d’ affections élevées, tandis que déjà la conscience éteinte ne la dirige
1304 re dans la jouissance présente. La structure même de ses romans est un indice révélateur, car quoi qu’on dise de la différ
1305 ans est un indice révélateur, car quoi qu’on dise de la différence entre la vie et le roman, la composition de celui-ci dé
1306 fférence entre la vie et le roman, la composition de celui-ci dépend toujours de la manière de concevoir celle-là. Tant qu
1307 roman, la composition de celui-ci dépend toujours de la manière de concevoir celle-là. Tant que la vie était considérée co
1308 osition de celui-ci dépend toujours de la manière de concevoir celle-là. Tant que la vie était considérée comme le lieu où
1309 ient ; la vie n’est plus aujourd’hui qu’une suite d’ événements qui se succèdent, et les livres sont fragmentaires, ils se
1310 t les livres sont fragmentaires, ils se composent d’ une série de tableaux parallèles. Les parties n’en sont plus dérivées
1311 sont fragmentaires, ils se composent d’une série de tableaux parallèles. Les parties n’en sont plus dérivées les unes des
1312 an moderne ; ne serait-il pas frappant, en effet, d’ appliquer ses dernières lignes à des œuvres récentes comme les Faux-mo
1313 s à des œuvres récentes comme les Faux-monnayeurs de Gide, ou Contrepoint d’Aldous Huxley. Combien actuelles aussi ces rem
1314 comme les Faux-monnayeurs de Gide, ou Contrepoint d’ Aldous Huxley. Combien actuelles aussi ces remarques sur le déclin de
1315 mbien actuelles aussi ces remarques sur le déclin de la personnalité, la profondeur des sentiments et leur tristesse, que
1316 , je pense, depuis qu’elle existe, n’a pas changé de nature, et, si elle paraissait autrefois plus simple, c’est qu’elle é
1317 temps où le domaine intérieur du recueillement et de l’adoration lui demeurait ouvert, les secrets de la vie intime n’étai
1318 de l’adoration lui demeurait ouvert, les secrets de la vie intime n’étaient pas révélés parce qu’on les cachait en Dieu e
1319 it plus calme parce qu’elle n’était qu’une partie de l’existence et qu’on cachait la meilleure ; les désespérances dont no
1320 ion, loin des oreilles des hommes, jusqu’au trône de Dieu. Il n’en est plus ainsi maintenant ; l’âme est restée semblable,
1321 nces sont encore là, mais non plus les espérances de la religion, et l’âme, qui montait autrefois, est retombée sur la ter
1322 t autrefois, est retombée sur la terre et l’anime de tout l’effort qu’elle portait sur les choses invisibles. La vie, déso
1323 et, dans leur tumulte intérieur, les forces vives de l’être ont déchiré leur enveloppe, les âmes se sont ouvertes à tous l
1324 uffrance s’est écrite dans les pages innombrables de notre littérature. L’ouverture s’est faite, mais non du bon côté ; l’
1325 bon côté ; l’âme, que tourmente un suprême besoin d’ épanchement, s’est déversée, mais elle a mal choisi son confident : el
1326 protestants du xixe siècle. L’on serait surpris de constater à ce sujet que les jugements d’un Vinet sur le romantisme,
1327 surpris de constater à ce sujet que les jugements d’ un Vinet sur le romantisme, ceux d’un Frommel sur les écrivains qu’il
1328 les jugements d’un Vinet sur le romantisme, ceux d’ un Frommel sur les écrivains qu’il appelle « positivistes » restent à
1329 souvent sans les connaître. Et « le point de vue de Genève » — c’est-à-dire protestant — nous paraît avoir doué ceux qui
1330 x qui le professèrent (en dépit de certain défaut de sympathie avec leurs sujets) d’une perspicacité prophétique. 26. Di
1331 de certain défaut de sympathie avec leurs sujets) d’ une perspicacité prophétique. 26. Dire de Gide qu’il est un écrivain
1332 ujets) d’une perspicacité prophétique. 26. Dire de Gide qu’il est un écrivain protestant est une façon de parler que bea
1333 de qu’il est un écrivain protestant est une façon de parler que beaucoup contesteront, Gide sans doute le premier. 27. Pa
1334 : Désespoir en Dieu, p. 264. p. Rougemont Denis de , « Le protestantisme jugé », Foi et Vie, Paris, octobre 1931, p. 751-
13 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Romanciers protestants (janvier 1932)
1335 Nos gloires nous jugent C’est un fait digne d’ intérêt, et que personne, croyons-nous, n’a relevé, que les grands « s
1336 n’a relevé, que les grands « succès » littéraires de l’année 1931 soient allés à trois romans d’écrivains protestants : Pi
1337 aires de l’année 1931 soient allés à trois romans d’ écrivains protestants : Pierre Bost, Jacques Chardonne et Jean Schlumb
1338 anime a salué dans Le Scandale la meilleure œuvre de M. Bost, une espèce de somme romanesque des errements de la jeunesse
1339 candale la meilleure œuvre de M. Bost, une espèce de somme romanesque des errements de la jeunesse d’après-guerre. La Clai
1340 ost, une espèce de somme romanesque des errements de la jeunesse d’après-guerre. La Claire de M. Chardonne a rallié tous l
1341 de somme romanesque des errements de la jeunesse d’ après-guerre. La Claire de M. Chardonne a rallié tous les suffrages fé
1342 rrements de la jeunesse d’après-guerre. La Claire de M. Chardonne a rallié tous les suffrages féminins, et classe son aute
1343 ges féminins, et classe son auteur dans la lignée de ces fameux « moralistes français » auxquels nous pardonnons souvent d
1344 istes français » auxquels nous pardonnons souvent d’ être des romanciers assez ternes, pour le plaisir que par ailleurs ils
1345 donnent à notre intelligence plus avide, au fond, de formules adroites que de drames vivants. Saint-Saturnin enfin, vaste
1346 nce plus avide, au fond, de formules adroites que de drames vivants. Saint-Saturnin enfin, vaste et pathétique tableau d’u
1347 Saint-Saturnin enfin, vaste et pathétique tableau d’ un domaine et d’une famille dont la mystique se révèle au cours d’un é
1348 nfin, vaste et pathétique tableau d’un domaine et d’ une famille dont la mystique se révèle au cours d’un épisode central t
1349 d’une famille dont la mystique se révèle au cours d’ un épisode central traité en profondeur — roman-plongée pourrait-on di
1350 en profondeur — roman-plongée pourrait-on dire —, d’ une sourde et hautaine gravité, apparaît comme le premier chef-d’œuvre
1351 e gravité, apparaît comme le premier chef-d’œuvre d’ une sorte de renaissance cornélienne. Dans la discordante après-guerr
1352 pparaît comme le premier chef-d’œuvre d’une sorte de renaissance cornélienne. Dans la discordante après-guerre, Jean Schl
1353 ais voici qu’on proclame au contraire l’avènement d’ une littérature nouvelle28, dont cette œuvre serait comme le frontispi
1354 observer que les romanciers protestants montrent de préférence la famille dans sa force de conservation morale, alors que
1355 s montrent de préférence la famille dans sa force de conservation morale, alors que le catholique Mauriac s’attarde au spe
1356 là la famille qui se défait30. Mais gardons-nous de voir dans ce contraste autre chose que la vieille opposition du sacri
1357 e la vieille opposition du sacrifice cornélien et de la passion racinienne, — opposition qui se prolonge et trouve son exp
1358 oderne dans des œuvres bien plus caractéristiques d’ une éducation protestante ou catholique, que d’une inspiration vraimen
1359 es d’une éducation protestante ou catholique, que d’ une inspiration vraiment chrétienne. Car c’est à juste titre, croyons-
1360 est à juste titre, croyons-nous, qu’on put écrire de Saint-Saturnin qu’un tel roman exprime « toute la grandeur — et toute
1361 stants sans foi »31. Quoi qu’il en fût d’ailleurs de la portée religieuse des trois œuvres, l’on se sentait tenté de marqu
1362 eligieuse des trois œuvres, l’on se sentait tenté de marquer ici d’une pierre blanche « l’année du roman protestant ». À l
1363 rois œuvres, l’on se sentait tenté de marquer ici d’ une pierre blanche « l’année du roman protestant ». À la réflexion, l’
1364 , n’était-ce point, d’abord, céder à la tentation d’ un nationalisme religieux plus injustifiable que l’autre ? Je sais bie
1365 s » nous y pousseraient, à force de reniements et d’ ignorance de nos richesses, de fausses hontes et de sourires complices
1366 ousseraient, à force de reniements et d’ignorance de nos richesses, de fausses hontes et de sourires complices. La questio
1367 ce de reniements et d’ignorance de nos richesses, de fausses hontes et de sourires complices. La question toutefois doit ê
1368 ’ignorance de nos richesses, de fausses hontes et de sourires complices. La question toutefois doit être portée sur un pla
1369 ique : s’agit-il jamais en effet pour les témoins d’ une confession, de faire le compte de leurs gloires ? Ne doivent-ils p
1370 amais en effet pour les témoins d’une confession, de faire le compte de leurs gloires ? Ne doivent-ils pas au contraire co
1371 les témoins d’une confession, de faire le compte de leurs gloires ? Ne doivent-ils pas au contraire considérer celles-ci
1372 e question qu’elles posent, chrétiennement, c’est de savoir si nous les méritons encore. Comme le disait un homme d’esprit
1373 ous les méritons encore. Comme le disait un homme d’ esprit, plus l’ancêtre dont on se réclame est éloigné, moins on a de c
1374 ncêtre dont on se réclame est éloigné, moins on a de chances d’en tenir… C’est ainsi que nos gloires passées, martyrs, ca
1375 on se réclame est éloigné, moins on a de chances d’ en tenir… C’est ainsi que nos gloires passées, martyrs, camisards et
1376 ns pour notre protestantisme un jugement indirect d’ une impitoyable et significative sévérité. Et dès lors, c’est cela qu’
1377 ’il nous paraît utile et nécessaire, aujourd’hui, de confesser. Aussi bien, la force qui nous est promise doit-elle nous r
1378 e moralisme nous trahit Partons du cas concret de nos trois auteurs. Le problème, à vrai dire, les dépasse, mais il n’e
1379 vrai dire, les dépasse, mais il n’est pas mauvais de l’actualiser, de le rétrécir, si de la sorte nous sentons mieux sa po
1380 passe, mais il n’est pas mauvais de l’actualiser, de le rétrécir, si de la sorte nous sentons mieux sa pointe. Les héros d
1381 t pas mauvais de l’actualiser, de le rétrécir, si de la sorte nous sentons mieux sa pointe. Les héros du Scandale, provinc
1382 Scandale, provinciaux énervés par la vie des bars de la capitale nous apparaissent incapables de transporter dans ce décor
1383 bars de la capitale nous apparaissent incapables de transporter dans ce décor les dilemmes religieux d’une vie intérieure
1384 transporter dans ce décor les dilemmes religieux d’ une vie intérieure que l’on sent parfois sous-jacente, mais trop timid
1385 souvent l’angoisse, ou pis encore : un sentiment d’ indifférence et d’inutilité. Quant à l’auteur de Saint-Saturnin, il se
1386 e, ou pis encore : un sentiment d’indifférence et d’ inutilité. Quant à l’auteur de Saint-Saturnin, il semble qu’une vérita
1387 t d’indifférence et d’inutilité. Quant à l’auteur de Saint-Saturnin, il semble qu’une véritable préméditation — où l’on n’
1388 endroits où la vraisemblance voudrait que le nom de Dieu fût invoqué (je pense au testament de la mère par exemple), c’es
1389 le nom de Dieu fût invoqué (je pense au testament de la mère par exemple), c’est au « sort » que l’on s’en remet, ni plus
1390 ent chez Jean Schlumberger une volonté consciente de réduire l’homme à sa seule virtu. Donc : refus ou ignorance des catég
1391 e virtu. Donc : refus ou ignorance des catégories de la grâce et du péché ; un certain ascétisme de la forme, mais jamais
1392 es de la grâce et du péché ; un certain ascétisme de la forme, mais jamais rien d’explicitement religieux : cela n’a point
1393 n certain ascétisme de la forme, mais jamais rien d’ explicitement religieux : cela n’a point empêché ces trois romans de f
1394 ligieux : cela n’a point empêché ces trois romans de faire figure, aux yeux de beaucoup, de livres « bien protestants ». J
1395 ois romans de faire figure, aux yeux de beaucoup, de livres « bien protestants ». Je serais même tenté de dire, forçant un
1396 livres « bien protestants ». Je serais même tenté de dire, forçant un peu ma thèse, que ces traits négatifs, alliés à d’év
1397 n peu ma thèse, que ces traits négatifs, alliés à d’ évidentes préoccupations morales, composent précisément ce que beaucou
1398 re protestant »32. Et c’est cela qui est grave, —  d’ autant plus grave que nombre de protestants tiennent à honneur de comp
1399 a qui est grave, — d’autant plus grave que nombre de protestants tiennent à honneur de compromettre la Réforme avec cette
1400 rave que nombre de protestants tiennent à honneur de compromettre la Réforme avec cette attitude, et de prolonger un malen
1401 e compromettre la Réforme avec cette attitude, et de prolonger un malentendu qu’ils jugent peut-être flatteur, ou commode.
1402 gent peut-être flatteur, ou commode. Cette espèce de stoïcisme moral, dans lequel nous voyons se complaire beaucoup de « p
1403 radition », pourtant cache assez mal la faiblesse d’ un compromis foncier. Le fort est celui qui refuse la louange approxim
1404 approximative. Nous ne saurions assez nous garder d’ accepter des adhésions qui vont aux produits déviés de notre foi. Il e
1405 cepter des adhésions qui vont aux produits déviés de notre foi. Il est vrai que ceux-ci sont souvent les plus éclatants. C
1406 e, une doctrine, une éthique, s’ils s’abandonnent de tout leur poids à quelque erreur interne, ne vont pas forcément à la
1407 le plus durement jugés. Était-ce affaiblissement de notre foi dans l’avenir de la Réforme, besoin minoritaire de trouver
1408 ait-ce affaiblissement de notre foi dans l’avenir de la Réforme, besoin minoritaire de trouver des alliés à bon compte sur
1409 i dans l’avenir de la Réforme, besoin minoritaire de trouver des alliés à bon compte sur un terrain où la compromission se
1410 originale. Le siècle, hélas, décorait du beau nom de libéralisme l’absence de toute exigence unifiante entre la pensée et
1411 as, décorait du beau nom de libéralisme l’absence de toute exigence unifiante entre la pensée et l’action. Certes, nos pré
1412 s des mains complices à des œuvres qui relevaient de conceptions nettement a-chrétiennes de la « moralité publique » par e
1413 relevaient de conceptions nettement a-chrétiennes de la « moralité publique » par exemple. Et quelles qu’aient été les aff
1414 s qu’aient été les affirmations souvent indignées de nos docteurs, un fait prit corps, irréfutable : dans l’esprit du Fran
1415 du Français moyen, « protestant » devint synonyme de « moraliste ». Était-ce qu’il y avait dans l’accent de ces docteurs-l
1416 moraliste ». Était-ce qu’il y avait dans l’accent de ces docteurs-là quelque chose qui les empêchait de convaincre ? Tel é
1417 e ces docteurs-là quelque chose qui les empêchait de convaincre ? Tel étant l’état des choses, suffira-t-il de déplorer un
1418 incre ? Tel étant l’état des choses, suffira-t-il de déplorer une incompréhension publique dont nous sommes en grande part
1419 responsables ? Nous montrons-nous assez soucieux de nous désolidariser de certaines formes de pensée ou d’action dans les
1420 ontrons-nous assez soucieux de nous désolidariser de certaines formes de pensée ou d’action dans lesquelles nos pères crur
1421 oucieux de nous désolidariser de certaines formes de pensée ou d’action dans lesquelles nos pères crurent trouver des appu
1422 us désolidariser de certaines formes de pensée ou d’ action dans lesquelles nos pères crurent trouver des appuis, mais dont
1423 rent trouver des appuis, mais dont nous souffrons d’ autant plus vivement que le monde actuel nous met en demeure d’abandon
1424 vivement que le monde actuel nous met en demeure d’ abandonner tout ce qui, dans notre éthique, s’inspire d’un conformisme
1425 donner tout ce qui, dans notre éthique, s’inspire d’ un conformisme bourgeois plutôt que de l’héroïsme chrétien ? En partic
1426 , s’inspire d’un conformisme bourgeois plutôt que de l’héroïsme chrétien ? En particulier, sommes-nous toujours assez cons
1427 mes-nous toujours assez conscients des fondements de notre foi pour récuser, dans « l’esprit protestant », tout ce qui ren
1428 t ce qui rend inutile la grâce ? Il y va pourtant de notre force de conquête. Que nous le voulions ou non, en fait, sinon
1429 nutile la grâce ? Il y va pourtant de notre force de conquête. Que nous le voulions ou non, en fait, sinon toujours en dro
1430 alisme libéral. Nous savons ce qu’une telle vue a d’ injuste, c’est-à-dire d’incomplet. Mais comment n’être point frappés d
1431 ons ce qu’une telle vue a d’injuste, c’est-à-dire d’ incomplet. Mais comment n’être point frappés de sa généralité, de son
1432 re d’incomplet. Mais comment n’être point frappés de sa généralité, de son insistance… Et de ce fait qui paraît bien la co
1433 is comment n’être point frappés de sa généralité, de son insistance… Et de ce fait qui paraît bien la confirmer : le dessè
1434 t frappés de sa généralité, de son insistance… Et de ce fait qui paraît bien la confirmer : le dessèchement distingué de n
1435 aît bien la confirmer : le dessèchement distingué de notre art. Toute forme religieuse donne lieu à des formes d’art qui m
1436 t. Toute forme religieuse donne lieu à des formes d’ art qui manifestent ses traits spécifiques. On peut donc poser que le
1437 ifiques. On peut donc poser que le protestantisme de la fin du xixe siècle, tel que nos contemporains se le représentent,
1438 ui par ailleurs flattait un penchant traditionnel de l’esprit français). Cela pouvait donner soit des œuvres d’analyse ten
1439 it français). Cela pouvait donner soit des œuvres d’ analyse tendant à dissoudre les affirmations massives de la foi ; soit
1440 yse tendant à dissoudre les affirmations massives de la foi ; soit des œuvres d’édification morale, au sens littéral du te
1441 affirmations massives de la foi ; soit des œuvres d’ édification morale, au sens littéral du terme : tendance stoïcienne ;
1442 du terme : tendance stoïcienne ; soit des œuvres de révolte contre cette morale — tendance nietzschéenne. Tout ceci ne pa
1443 . Tout ceci ne participant que très indirectement d’ une atmosphère proprement chrétienne. Or voici que les faits confirmen
1444 de vue purement littéraire, si l’on tient compte de la faiblesse numérique des protestants français. Bilan terriblement d
1445 sme. Or nous n’hésitons plus à rendre responsable de cette carence de la poésie et du rayonnement spirituel notre fameux m
1446 sitons plus à rendre responsable de cette carence de la poésie et du rayonnement spirituel notre fameux moralisme, traître
1447 fameux moralisme, traître à ses origines, et vidé de toute théologie efficace. Peut-être vaut-il la peine de préciser ici
1448 te théologie efficace. Peut-être vaut-il la peine de préciser ici et de pousser dans le détail une accusation que certains
1449 ce. Peut-être vaut-il la peine de préciser ici et de pousser dans le détail une accusation que certains, déjà, disent bana
1450 force, je le crains. ⁂ Le puritanisme, expression d’ une doctrine héroïque, pouvait provoquer dans les âmes des complexités
1451 e prétendit conserver, fut bientôt réduit au rôle d’ une censure tatillonne et qui flattait curieusement certaine notion de
1452 onne et qui flattait curieusement certaine notion de « correction » bourgeoise. Nullement chrétienne d’ailleurs, puisqu’el
1453 se. Elle « craint » la vérité ; non point au sens de ce verbe qui signifie la révérence, mais comme on craint le risque, q
1454 craint. Et c’est en quoi elle révèle la faiblesse de sa théologie. Car il est certains cas où celui qui craint de dire tou
1455 ogie. Car il est certains cas où celui qui craint de dire toute la vérité n’exprime par là rien d’autre que sa méfiance vi
1456 int de dire toute la vérité n’exprime par là rien d’ autre que sa méfiance vis-à-vis de la grâce et son optimisme vis-à-vis
1457 hodoxe ne saurait l’être sans renier le fondement de sa croyance34. Or nous voyons le moralisme se développer précisément
1458 développer précisément à l’époque où la théologie de Calvin, pessimiste quant à l’homme, mais confiante dans la grâce, cèd
1459 confiante dans la grâce, cède le champ aux idées de Rousseau, optimistes quant à l’homme et pratiquement athées. Voici do
1460 e, c’est-à-dire à son pire ennemi. Morne triomphe de l’analyse psychologique. Un siècle de ce régime suffit à nous mener à
1461 ne triomphe de l’analyse psychologique. Un siècle de ce régime suffit à nous mener à ce trouble gâchis intérieur où Freud
1462 ieur où Freud naguère porta l’impitoyable lumière de l’observation scientifique. Reflet du siècle, le roman bientôt s’affa
1463 comment animer des êtres, lorsqu’à chaque moment de la création intervient une autocritique à la fois peureuse et agressi
1464 he. Ainsi l’atmosphère moraliste a tué les germes de l’imagination créatrice chez les protestants, qui lui furent plus que
1465 étouffer, elle a souvent faussé le développement de ces germes ; les produits d’une terre ingrate grandissent comme une d
1466 ssé le développement de ces germes ; les produits d’ une terre ingrate grandissent comme une dérision de la pauvreté matern
1467 ’une terre ingrate grandissent comme une dérision de la pauvreté maternelle, comme une caricature de la sécheresse à laque
1468 n de la pauvreté maternelle, comme une caricature de la sécheresse à laquelle ils s’opposent, mais qu’ils manifestent en m
1469 elle souvent que la stérilité. Sécheresse désolée de Benjamin Constant, impuissance et bavardage d’Amiel, désespérance van
1470 ée de Benjamin Constant, impuissance et bavardage d’ Amiel, désespérance vaniteuse de Loti : telles sont les réactions irré
1471 ance et bavardage d’Amiel, désespérance vaniteuse de Loti : telles sont les réactions irrécusables et célèbres que provoqu
1472 t conduit le protestantisme à la négation absolue de son essence35, si l’humanité ne possédait d’autres recours que ceux q
1473 tion bourgeoise et ces blasphématoires « hygiènes de l’esprit » dont les ravages ne prendront fin qu’au jour où nous auron
1474 s aurons compris que la santé est dans l’humilité de la prière, dans la reconnaissance éperdue de notre incapacité à faire
1475 lité de la prière, dans la reconnaissance éperdue de notre incapacité à faire par nous-mêmes le bien, dans l’abandon aux m
1476 par nous-mêmes le bien, dans l’abandon aux mains de Dieu, — aux violentes mains de Dieu. Un cantique nouveau Nous v
1477 ’abandon aux mains de Dieu, — aux violentes mains de Dieu. Un cantique nouveau Nous voici loin de nos auteurs. Si lo
1478 s par tout ceci. Mais quoi ? Le but ne fut jamais de démolir, mais bien plutôt de dénoncer un principe destructeur. C’est
1479 Le but ne fut jamais de démolir, mais bien plutôt de dénoncer un principe destructeur. C’est au nom d’une foi positive que
1480 rande espérance. Que devons-nous attendre ? Tout, d’ un réveil dogmatique qui, s’il traduit et porte un réveil de la foi, n
1481 l dogmatique qui, s’il traduit et porte un réveil de la foi, ne peut manquer de libérer des forces créatrices. Or les temp
1482 uit et porte un réveil de la foi, ne peut manquer de libérer des forces créatrices. Or les temps vont nous y contraindre.
1483 n Andersen et Søren Kierkegaard. (Féerie du Conte de ma vie d’Andersen, où l’on voit ce « poète des poètes » à la sensibil
1484 et Søren Kierkegaard. (Féerie du Conte de ma vie d’ Andersen, où l’on voit ce « poète des poètes » à la sensibilité si aut
1485 lité si authentiquement évangélique — comme celle d’ une Lagerlöf — se lier d’amitiés spirituelles avec Charles Dickens, Je
1486 vangélique — comme celle d’une Lagerlöf — se lier d’ amitiés spirituelles avec Charles Dickens, Jenny Lind, Thorwaldsen.) L
1487 us grandes, par le sentiment tragique du péché et de la grâce souveraine. C’est cela qui donne aux romans de Dostoïevski o
1488 grâce souveraine. C’est cela qui donne aux romans de Dostoïevski ou d’Émily Brontë ces prolongements poétiques, ces perspe
1489 C’est cela qui donne aux romans de Dostoïevski ou d’ Émily Brontë ces prolongements poétiques, ces perspectives bouleversan
1490 u moralisme. La grande poésie naît du tragique et de la joie surabondante : verrons-nous quelque jour en France surgir une
1491 elque jour en France surgir une poésie chrétienne d’ inspiration évangélique ? Souhaitons qu’il n’y faille pas les conjonct
1492 qu’il n’y faille pas les conjonctures sanglantes d’ où naquirent les Tragiques d’un d’Aubigné. Aussi bien avons-nous d’aut
1493 jonctures sanglantes d’où naquirent les Tragiques d’ un d’Aubigné. Aussi bien avons-nous d’autres raisons d’espérer. Car si
1494 ures sanglantes d’où naquirent les Tragiques d’un d’ Aubigné. Aussi bien avons-nous d’autres raisons d’espérer. Car si la f
1495 d’Aubigné. Aussi bien avons-nous d’autres raisons d’ espérer. Car si la forme artistique adéquate au libéralisme fut l’anal
1496 artistique adéquate au libéralisme fut l’analyse d’ états d’âme dans le doute, il est permis d’attendre de la violence mêm
1497 que adéquate au libéralisme fut l’analyse d’états d’ âme dans le doute, il est permis d’attendre de la violence même d’une
1498 nalyse d’états d’âme dans le doute, il est permis d’ attendre de la violence même d’une théologie du Dieu Tout-Puissant qu’
1499 ats d’âme dans le doute, il est permis d’attendre de la violence même d’une théologie du Dieu Tout-Puissant qu’elle suscit
1500 ute, il est permis d’attendre de la violence même d’ une théologie du Dieu Tout-Puissant qu’elle suscite de nouveaux psaume
1501 e théologie du Dieu Tout-Puissant qu’elle suscite de nouveaux psaumes36, qu’elle enflamme des chants prophétiques. Et l’Ét
1502 Et l’Éternel enfin sera loué « selon l’immensité de sa grandeur » comme il est dit au dernier psaume. 28. Denis Saurat
1503 rit » ne saurait être qu’en révolte contre la foi de ses pères. Le jeu consiste uniquement à retrouver dans son œuvre des
1504 ent ses origines. Triste jeu. 33. Représentatifs d’ une atmosphère moraliste, quelles que soient les opinions qu’ils adopt
1505 nt souffert. 34. Tout ceci appellerait une foule de nuances. Mais il ne s’agit pas d’édulcorer. 35. Cf. A.-N. Bertrand,
1506 erait une foule de nuances. Mais il ne s’agit pas d’ édulcorer. 35. Cf. A.-N. Bertrand, Protestantisme, p. 102, et tout le
1507 isme, p. 102, et tout le chapitre sur le Principe d’ humilité. Également : Jean de Saussure : À l’École de Calvin, passim.
1508 umilité. Également : Jean de Saussure : À l’École de Calvin, passim. 36. Cf. dans le dernier numéro de cette revue l’arti
1509 e Calvin, passim. 36. Cf. dans le dernier numéro de cette revue l’article de E. Hæin, et particulièrement la citation de
1510 . dans le dernier numéro de cette revue l’article de E. Hæin, et particulièrement la citation de F. Münch relative à la mu
1511 ticle de E. Hæin, et particulièrement la citation de F. Münch relative à la musique religieuse d’Honegger. q. Rougemont
1512 tion de F. Münch relative à la musique religieuse d’ Honegger. q. Rougemont Denis de, « Romanciers protestants », Foi et
1513 sique religieuse d’Honegger. q. Rougemont Denis de , « Romanciers protestants », Foi et Vie, Paris, janvier 1932, p. 56-6
14 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Goethe, chrétien, païen (avril 1932)
1514 rétien, païen (avril 1932)r Imaginez un membre de l’Académie des sciences qui serait aussi directeur de la Comédie fran
1515 ’Académie des sciences qui serait aussi directeur de la Comédie française et ministre de l’Intérieur, et qui, en marge des
1516 marge des expériences accumulées dans l’exercice de ces activités, composerait des poèmes d’amour, des romans, des drames
1517 exercice de ces activités, composerait des poèmes d’ amour, des romans, des drames philosophiques, les meilleurs de son épo
1518 romans, des drames philosophiques, les meilleurs de son époque. Cela ne donnera pas un portrait de Goethe, certes, mais u
1519 rs de son époque. Cela ne donnera pas un portrait de Goethe, certes, mais une idée de l’importance du phénomène Goethe. Ma
1520 pas un portrait de Goethe, certes, mais une idée de l’importance du phénomène Goethe. Maintenant ajoutons que l’homme fut
1521 ant ajoutons que l’homme fut supérieur à la somme de toutes ces activités et domina constamment sa vie et son œuvre. Il n’
1522 mment sa vie et son œuvre. Il n’y a peut-être pas d’ individu plus significatif dans l’histoire de l’Occident moderne, c’es
1523 pas d’individu plus significatif dans l’histoire de l’Occident moderne, c’est-à-dire dans l’histoire des peuples qui vive
1524 Foi et Vie , aborder cette question sous l’angle de la curiosité littéraire ou historique. Elle pose cependant un problèm
1525 rétiens ne peut et ne doit éviter. Goethe est une de ces « questions au christianisme » comme dit Barth, une de ces questi
1526 questions au christianisme » comme dit Barth, une de ces questions qui nous sont posées comme autant d’accusations, et qu’
1527 e ces questions qui nous sont posées comme autant d’ accusations, et qu’il est de notre devoir d’envisager avec toute la bo
1528 t posées comme autant d’accusations, et qu’il est de notre devoir d’envisager avec toute la bonne foi que nécessite un exa
1529 utant d’accusations, et qu’il est de notre devoir d’ envisager avec toute la bonne foi que nécessite un examen de conscienc
1530 r avec toute la bonne foi que nécessite un examen de conscience. ⁂ Goethe s’est toujours affirmé chrétien, mais d’une faço
1531 e. ⁂ Goethe s’est toujours affirmé chrétien, mais d’ une façon si particulière que les ennemis du christianisme, depuis un
1532 ne prouve-t-il pas suffisamment l’inauthenticité de son christianisme ? Qu’est-ce qu’un chrétien que l’athéisme annexe av
1533 Goethe et la part active qu’il prit aux réunions de « belles âmes » suscitées par l’apostolat du comte de Zinzendorf. C’é
1534 us parfaite avec Werther. Et nous ne manquons pas de témoignages écrits de cette époque qui permettent d’imaginer ce qu’eû
1535 er. Et nous ne manquons pas de témoignages écrits de cette époque qui permettent d’imaginer ce qu’eût pu être le pendant c
1536 témoignages écrits de cette époque qui permettent d’ imaginer ce qu’eût pu être le pendant chrétien du Werther : — « J’ai s
1537 nouveau, écrit Goethe à un ami en 1768, au sortir d’ une grave maladie — ; cette calcination a été très profitable à mon âm
1538 où il vous rattrapera ; mais je ne puis répondre de la manière. Je suis parfois bien tranquille à ce sujet, parfois, quan
1539 s bien-aimé. C’est vous dire que j’ai acquis plus de raison et d’expérience : la crainte du Seigneur est le commencement d
1540 C’est vous dire que j’ai acquis plus de raison et d’ expérience : la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse.
1541 ence : la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse. » Par quel concours de circonstances cette « sagesse » de
1542 e commencement de la sagesse. » Par quel concours de circonstances cette « sagesse » devint-elle chez Goethe quelque chose
1543 e si étrangement à une indifférence non dépourvue d’ orgueil vis-à-vis du Seigneur ? L’on ne saurait ici exagérer la respon
1544 es, tels qu’ils apparurent à ce jeune homme plein d’ une exigeante ferveur mystique. « Mes rapports avec les dévots — écrit
1545 stique. « Mes rapports avec les dévots — écrit-il de Strasbourg — ne sont pas très fréquents ici. Au début, je m’étais tou
1546 ma vivacité n’y saurait tenir. Rien que des gens d’ esprit médiocre, qui n’ont eu de pensée raisonnable qu’avec leur premi
1547 Rien que des gens d’esprit médiocre, qui n’ont eu de pensée raisonnable qu’avec leur première sensation religieuse, et cro
1548 ui causent les effusions piétistes trop verbeuses d’ un Lavater ou d’un Jacobi. Mais ce « reste », cette connaissance mysti
1549 ffusions piétistes trop verbeuses d’un Lavater ou d’ un Jacobi. Mais ce « reste », cette connaissance mystique, il ne tarde
1550 y atteint qu’en outrepassant les limites normales de l’esprit humain. La transcendance de Dieu est absolue, par rapport à
1551 tes normales de l’esprit humain. La transcendance de Dieu est absolue, par rapport à notre pensée naturelle. Dès lors, pou
1552 r dans notre vie une recherche qui risque surtout d’ être nuisible à la vie ? Bornons-nous à l’utile. Bornons-nous à « réal
1553 réaliser » dans nos actions ce que Dieu jugea bon de nous révéler dans l’Évangile. Et en présence de l’intempérance de lan
1554 dans l’Évangile. Et en présence de l’intempérance de langage qui trop souvent caractérise les chrétiens, affirmons que nou
1555 étiens, affirmons que nous ne savons presque rien de Dieu, ou plutôt qu’il est vain de chercher à en savoir plus que ce qu
1556 ns presque rien de Dieu, ou plutôt qu’il est vain de chercher à en savoir plus que ce que la nature visible nous en révèle
1557 que Goethe avance en âge. Nous voici à ces années de la vieillesse, dont Eckermann nous a livré les confidences, et où la
1558 nn nous a livré les confidences, et où la volonté de sobriété spirituelle paraît avoir produit chez le poète une sorte de
1559 elle paraît avoir produit chez le poète une sorte de sécheresse religieuse. Ce qui à l’origine, n’était qu’humilité de la
1560 ligieuse. Ce qui à l’origine, n’était qu’humilité de la raison devant l’insondable mystère de Dieu devient, vu de l’extéri
1561 humilité de la raison devant l’insondable mystère de Dieu devient, vu de l’extérieur, orgueil de la raison qui juge ce mon
1562 n devant l’insondable mystère de Dieu devient, vu de l’extérieur, orgueil de la raison qui juge ce monde comme si Dieu n’e
1563 stère de Dieu devient, vu de l’extérieur, orgueil de la raison qui juge ce monde comme si Dieu n’existait pas, ou encore :
1564 stait pas, ou encore : comme si Dieu n’était rien d’ autre que l’ensemble des lois de la nature. Ainsi la conception de la
1565 Dieu n’était rien d’autre que l’ensemble des lois de la nature. Ainsi la conception de la transcendance divine aboutit pra
1566 semble des lois de la nature. Ainsi la conception de la transcendance divine aboutit pratiquement, chez Goethe, à des affi
1567 es, ou comme on disait alors, panthéistes. Source de malentendus perpétuellement renaissants, et que les adversaires de la
1568 rpétuellement renaissants, et que les adversaires de la religion eurent beau jeu d’exploiter, on le sait. Mais, comme l’ét
1569 ue les adversaires de la religion eurent beau jeu d’ exploiter, on le sait. Mais, comme l’établit fort justement Curtius « 
1570 et rien que païen est une légende, et une légende d’ origine juive, car elle remonte à Heine. Elle est un mythe, au moyen d
1571 Elle est un mythe, au moyen duquel on peut faire de l’agitation et de la propagande antireligieuse ». En vérité, Goethe q
1572 , au moyen duquel on peut faire de l’agitation et de la propagande antireligieuse ». En vérité, Goethe qui prêcha l’utile,
1573 ’inutilisable, si nous le jugeons du point de vue d’ un parti. Il n’est pas païen, pour la raison péremptoire qu’il n’y a p
1574 aïen, pour la raison péremptoire qu’il n’y a plus de païen, au sens antique du mot, depuis que la venue du Christ a modifi
1575 s que la venue du Christ a modifié la nature même de l’homme et l’ensemble des données religieuses. Mais, d’autre part, il
1576 ntons incapables pour admettre dans la communauté de la foi chrétienne l’homme qui a pu dire qu’il s’inclinait devant le C
1577 vant la « révélation divine du plus haut principe de la morale », tout en vénérant également le soleil, comme une « révéla
1578 e qu’il nous ait jamais été donné, à nous enfants de la terre, de percevoir. » Et certes, on ne voit guère en quoi pareill
1579 ait jamais été donné, à nous enfants de la terre, de percevoir. » Et certes, on ne voit guère en quoi pareille conception
1580 exemple. Mais c’est précisément dans la facilité d’ interprétation qu’offre Goethe dans cette espèce de sagesse large et o
1581 ’interprétation qu’offre Goethe dans cette espèce de sagesse large et optimiste si contraire au scandale chrétien, que gît
1582 candale chrétien, que gît la faiblesse religieuse de sa position. Ce qui, plus que tout, fait défaut à ce génie, c’est le
1583 ’irréductible, c’est-à-dire le tragique essentiel de notre condition. C’est bien là que réside l’élément transcendant qui
1584 anscendant qui interdit à la pensée la plus probe de se passer de Dieu quand elle juge le monde séparé de Dieu. Il n’est p
1585 i interdit à la pensée la plus probe de se passer de Dieu quand elle juge le monde séparé de Dieu. Il n’est pas vrai de di
1586 se passer de Dieu quand elle juge le monde séparé de Dieu. Il n’est pas vrai de dire qu’un monde séparé de Dieu doit ou pe
1587 e juge le monde séparé de Dieu. Il n’est pas vrai de dire qu’un monde séparé de Dieu doit ou peut être envisagé comme un m
1588 ieu. Il n’est pas vrai de dire qu’un monde séparé de Dieu doit ou peut être envisagé comme un monde autonome. Il doit être
1589 de autonome. Il doit être envisagé comme manquant de quelque chose. Or, ce « quelque chose » aux yeux de la foi, constitue
1590 e chose » aux yeux de la foi, constitue sa raison d’ être. Il n’y a pas de neutralité du monde vis-à-vis de Dieu — à cause
1591 la foi, constitue sa raison d’être. Il n’y a pas de neutralité du monde vis-à-vis de Dieu — à cause du péché. La réalité
1592 éalité visible du péché entraîne la considération de la grâce. Et c’est en quoi la transcendance divine, sans cesse, se mê
1593 bien même il fait intervenir, à la fin, « l’amour d’ En-Haut » venant à sa rencontre — Goethe nous apparaît comme non chrét
1594 raît comme non chrétien, comme antichrétien, mais d’ une tout autre sorte que ne l’ont cru nos athées qui s’arrêtaient à de
1595 t à des boutades anticatholiques ou à des moments d’ humeur provoqués par les bavardages piétistes. Ici, nous confesserons
1596 dages piétistes. Ici, nous confesserons un doute. De quel droit refusons-nous donc d’appeler chrétien, un homme qui se pré
1597 serons un doute. De quel droit refusons-nous donc d’ appeler chrétien, un homme qui se prétendit tel en maintes occasions,
1598 homme qui se prétendit tel en maintes occasions, de la façon la plus expresse ? Sera-ce sur la foi de certains biographes
1599 de la façon la plus expresse ? Sera-ce sur la foi de certains biographes ? Mais comment juger les actions d’un être que no
1600 tains biographes ? Mais comment juger les actions d’ un être que nous n’avons pas connu, alors que nous-même… Alors que Die
1601 Alors que Dieu seul juge. Si nous refusons le nom de chrétien à cet homme dont l’éthique, en définitive, apparaît comme fo
1602 raît comme fondée sur deux des réalités centrales de l’Évangile : le renoncement et la réalisation personnelle, n’est-ce p
1603 théories et les systèmes dont nous jugeons urgent d’ accentuer actuellement, la vérité ? N’est-ce point là porter un jugeme
1604 ? Certes, hic et nunc, dans la situation du monde de 1932, en présence du déchaînement orgueilleux et misérable d’une huma
1605 présence du déchaînement orgueilleux et misérable d’ une humanité qui croit pouvoir fabriquer son bonheur par ses propres f
1606 nt justement les valeurs que le « christianisme » de Goethe paraît avoir négligées ou niées : le scandale divin, le péché
1607 e scandale divin, le péché radical. Mais un homme de l’envergure de Goethe, s’il ne peut être un argument pour nul parti,
1608 n, le péché radical. Mais un homme de l’envergure de Goethe, s’il ne peut être un argument pour nul parti, ne saurait, pou
1609 parti, ne saurait, pour les mêmes raisons, servir d’ objet à notre jugement. Bien plutôt c’est lui qui nous juge. Il y a da
1610 i nous juge. Il y a dans le Faust, et dans la vie de cet homme, dont le Faust n’est qu’une figuration symbolique, une leço
1611 ust n’est qu’une figuration symbolique, une leçon d’ activité, de réalisation, d’actualisation de la pensée, dont la vertu
1612 ’une figuration symbolique, une leçon d’activité, de réalisation, d’actualisation de la pensée, dont la vertu et la grande
1613 symbolique, une leçon d’activité, de réalisation, d’ actualisation de la pensée, dont la vertu et la grandeur devraient s’i
1614 leçon d’activité, de réalisation, d’actualisation de la pensée, dont la vertu et la grandeur devraient s’imposer à nous to
1615 Goethe inutilisable, certes. Mais nous ne sommes d’ aucun parti et n’avons pas à utiliser qui que ce soit. Il suffit que n
1616 chrétien » ou « païen » ? Nous n’avons pas besoin d’ avoir raison (contre lui, contre les athées) ; nous n’avons pas besoin
1617 lui, contre les athées) ; nous n’avons pas besoin d’ avoir beaucoup de grands hommes — ni même d’avoir quoi que ce soit —, 
1618 esoin d’avoir beaucoup de grands hommes — ni même d’ avoir quoi que ce soit —, mais seulement d’être, efficacement. Et qu’i
1619 i même d’avoir quoi que ce soit —, mais seulement d’ être, efficacement. Et qu’il nous y aide ! 37. Numéro d’hommage à Go
1620 efficacement. Et qu’il nous y aide ! 37. Numéro d’ hommage à Goethe de la Nouvelle Revue française (mars 1932). r. Roug
1621 Revue française (mars 1932). r. Rougemont Denis de , « Goethe, chrétien, païen », Foi et Vie, Paris, avril–mai 1932, p. 3
15 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Penser dangereusement (juin 1932)
1622 C’en est fait, les clercs ont trahi, et les cris de M. Benda sont couverts par la rumeur de la place. Dans toute la jeune
1623 les cris de M. Benda sont couverts par la rumeur de la place. Dans toute la jeune génération littéraire et philosophique,
1624 l’on chercherait un « esprit libre » selon le vœu de ce prêtre de l’abstentionnisme et du célibat spirituel. Ils ont tous
1625 ait un « esprit libre » selon le vœu de ce prêtre de l’abstentionnisme et du célibat spirituel. Ils ont tous épousé une ca
1626 bat spirituel. Ils ont tous épousé une cause, une de ces causes qui engagent bien plus que l’adhésion des idées, une de ce
1627 engagent bien plus que l’adhésion des idées, une de ces causes qui doivent être gagnées. Chose étrange, et que l’on eût d
1628 et que l’on eût difficilement prévue au lendemain de la guerre, c’est sur la notion — et la pratique — du service nécessai
1629 e — du service nécessaire que se fait l’unanimité de la nouvelle génération. Quels que soient par ailleurs les antagonisme
1630 sée n’est plus pour elle une justification idéale de l’égoïsme ou de l’indifférence, mais une obligation urgente à se risq
1631 our elle une justification idéale de l’égoïsme ou de l’indifférence, mais une obligation urgente à se risquer en faveur de
1632 uer en faveur des hommes, un acte, un combat. Fin de l’esprit désintéressé, cela signifierait pour les clercs, selon M. Be
1633 nifierait pour les clercs, selon M. Benda, la fin de l’esprit. Et pour nous, cela signifie : le renouveau, le sacrifice sa
1634 le sacrifice salutaire et l’unique justification de la pensée. Une telle évolution peut paraître favorable à la pensée ch
1635 lier, s’est toujours montrée soucieuse avant tout de réalisation personnelle, d’action éthique. Il n’a pas échappé à M. Be
1636 soucieuse avant tout de réalisation personnelle, d’ action éthique. Il n’a pas échappé à M. Benda que « le clerc moderne »
1637 se montre préoccupé des conséquences nécessaires de la pensée dans l’ordre pratique) « est protestant ». Mais, d’autre pa
1638  est protestant ». Mais, d’autre part, cette soif d’ action directe et de service peut porter aussi bien, par exemple, à mi
1639 ais, d’autre part, cette soif d’action directe et de service peut porter aussi bien, par exemple, à militer en faveur du m
1640 te, dans l’action qu’elle commande à des millions de nos contemporains. Il y a aussi ceux qui se bornent à affirmer la néc
1641 aussi ceux qui se bornent à affirmer la nécessité d’ une pensée active, mais qui n’ont pas vu — qui n’ont pas encore vu — t
1642 out ce que cela implique. Ils voient bien le vice de la « pensée désintéressée », et qu’il faut s’affranchir d’une « liber
1643 ensée désintéressée », et qu’il faut s’affranchir d’ une « liberté » stérilisante. Ils ne voient pas à quel prix cet affran
1644 ’ils le sont, ont des raisons réelles et valables de récuser une pensée et une action tout entières dirigées vers l’organi
1645 s-nous aujourd’hui à deux livres caractéristiques de ce double péril qui menace une génération : péril de gauche et péril
1646 ce double péril qui menace une génération : péril de gauche et péril de droite, pourrait-on dire, afin de simplifier. M. T
1647 menace une génération : péril de gauche et péril de droite, pourrait-on dire, afin de simplifier. M. Thierry Maulnier vie
1648 erry Maulnier vient de réunir en volume une suite d’ études parues pour la plupart dans les pages de l’Action française, ma
1649 te d’études parues pour la plupart dans les pages de l’Action française, mais qui, marquons-le tout de suite, ne comporten
1650 comportent nulle allusion à la position politique de ce journal. Le titre : La Crise est dans l’homme 38, s’oppose d’emblé
1651 ique un monde qui selon lui tend à la suppression de la personne humaine. Sa critique nous paraît pertinente, mais elle se
1652 entait inspirée par un principe spirituel capable de rendre une force offensive à cette personne humaine. Le choix des suj
1653 livre montre un esprit averti des vraies valeurs de ce temps. Il réfute MM. Berl et Guéhenno, sur la question de la cultu
1654 . Il réfute MM. Berl et Guéhenno, sur la question de la culture dans ses rapports avec le peuple. Il discute M. Malraux et
1655 uple. Il discute M. Malraux et son goût désespéré de l’action pour elle-même. Il condamne le populisme de M. Thérive, il c
1656 l’action pour elle-même. Il condamne le populisme de M. Thérive, il condamne le pacifisme de M. Thomas Mann, il condamne l
1657 populisme de M. Thérive, il condamne le pacifisme de M. Thomas Mann, il condamne l’Amérique de Ford et la Russie de Stalin
1658 line ; il adopte enfin une position assez voisine de celle de MM. Aron et Dandieu, sans aller jusqu’à prôner comme ils le
1659 adopte enfin une position assez voisine de celle de MM. Aron et Dandieu, sans aller jusqu’à prôner comme ils le font « la
1660 re ». Certes, on ne saurait demander à un recueil d’ essais réunis après coup de fournir une doctrine. Mais il est inquiéta
1661 demander à un recueil d’essais réunis après coup de fournir une doctrine. Mais il est inquiétant d’entendre M. Maulnier,
1662 p de fournir une doctrine. Mais il est inquiétant d’ entendre M. Maulnier, dans sa préface, se déclarer satisfait d’indique
1663 Maulnier, dans sa préface, se déclarer satisfait d’ indiquer « des positions de résistance », une « ligne de retranchement
1664 se déclarer satisfait d’indiquer « des positions de résistance », une « ligne de retranchement ». Ce négativisme m’appara
1665 quer « des positions de résistance », une « ligne de retranchement ». Ce négativisme m’apparaît caractéristique de la pens
1666 ment ». Ce négativisme m’apparaît caractéristique de la pensée dite « de droite », et c’est par là surtout que M. Thierry
1667 me m’apparaît caractéristique de la pensée dite «  de droite », et c’est par là surtout que M. Thierry Maulnier révèle ses
1668 ligieuses, sont donc abstraites. Il ne suffit pas de dire à ses contemporains qu’ils ont tort de penser ceci ou cela avec
1669 t pas de dire à ses contemporains qu’ils ont tort de penser ceci ou cela avec passion. Il faut encore leur donner d’autres
1670 ssion. Il faut encore leur donner d’autres objets de passion. Ou bien il faut leur rappeler des vérités d’un ordre tel que
1671 assion. Ou bien il faut leur rappeler des vérités d’ un ordre tel que leur seule existence — si elles existent — rende vain
1672 nes les passions égarées, rende visible l’origine de l’égarement, rende efficace et créatrice la critique de tout cela qui
1673 garement, rende efficace et créatrice la critique de tout cela qui agite le cœur des hommes. Ce n’est pas une férule : c’e
1674 je reproche à M. Thierry Maulnier. (Il serait fou de ne pas le partager.) Je lui reproche de manquer d’exigence vis-à-vis
1675 erait fou de ne pas le partager.) Je lui reproche de manquer d’exigence vis-à-vis de l’homme ; de se borner à sa défense ;
1676 e ne pas le partager.) Je lui reproche de manquer d’ exigence vis-à-vis de l’homme ; de se borner à sa défense ; de ne pas
1677 oche de manquer d’exigence vis-à-vis de l’homme ; de se borner à sa défense ; de ne pas voir que la vraie défense, c’est l
1678 is-à-vis de l’homme ; de se borner à sa défense ; de ne pas voir que la vraie défense, c’est l’attaque. Nous avons moins b
1679 défense, c’est l’attaque. Nous avons moins besoin d’ idées justes que d’idées efficacement justes ; moins besoin de notions
1680 taque. Nous avons moins besoin d’idées justes que d’ idées efficacement justes ; moins besoin de notions « correctes » que
1681 es que d’idées efficacement justes ; moins besoin de notions « correctes » que de notions dynamiques. Nietzsche réclamait
1682 ustes ; moins besoin de notions « correctes » que de notions dynamiques. Nietzsche réclamait une « philosophie à coups de
1683 es. Nietzsche réclamait une « philosophie à coups de marteau ». Ce peut être le marteau du constructeur, aussi bien que ce
1684 eur. ⁂ M. Paul Nizan, lui, critique moins à coups de marteau qu’à coups d’épingle. Ce qu’il veut dégonfler, c’est la philo
1685 lui, critique moins à coups de marteau qu’à coups d’ épingle. Ce qu’il veut dégonfler, c’est la philosophie avec grand P, l
1686 philosophie avec grand P, la doctrine officielle de la Sorbonne, cette pensée fabriquée par des bourgeois, pour des bourg
1687 inée à défendre et illustrer la notion bourgeoise de la vie, et payée — en la personne de ses grands maîtres — par l’État
1688 n bourgeoise de la vie, et payée — en la personne de ses grands maîtres — par l’État bourgeois. Les Chiens de garde 39, te
1689 grands maîtres — par l’État bourgeois. Les Chiens de garde 39, tel est le titre de son pamphlet — ce sont les philosophes
1690 urgeois. Les Chiens de garde 39, tel est le titre de son pamphlet — ce sont les philosophes de la Troisième République. On
1691 e titre de son pamphlet — ce sont les philosophes de la Troisième République. On peut recommander la lecture de ce livre,
1692 isième République. On peut recommander la lecture de ce livre, parce qu’il a le mérite de poser simplement, brutalement, u
1693 r la lecture de ce livre, parce qu’il a le mérite de poser simplement, brutalement, une de ces grandes questions que la pe
1694 a le mérite de poser simplement, brutalement, une de ces grandes questions que la pensée moderne a convenu d’appeler « naï
1695 grandes questions que la pensée moderne a convenu d’ appeler « naïves », parce qu’elles sont trop gênantes. Le livre est ma
1696 et hargneux. Elles redisent trois ou quatre fois de suite la même chose, sans ajouter aucune clarté au dessein général. M
1697 i, par bonheur, est très simple : Il n’y a point de questions plus grossières que celles qui sont posées ici, qui sont re
1698 nte qui dit et croit qu’elle se déroule au profit de l’homme, est-elle dirigée réellement, et non plus en discours et croy
1699 ilosophie régnante est caractérisée par son refus d’ aborder les questions dites vulgaires, qui conduiraient à des conclusi
1700 hilosophes s’abstiennent. Ils vivent dans un état de scandaleuse absence. Il existe un scandaleux écart, une scandaleuse d
1701 urs sur la technique du passage à l’absolu, parle de noumènes, d’immanence, de contingence, et l’on ne voit pas, dit M. Ni
1702 chnique du passage à l’absolu, parle de noumènes, d’ immanence, de contingence, et l’on ne voit pas, dit M. Nizan, « commen
1703 ssage à l’absolu, parle de noumènes, d’immanence, de contingence, et l’on ne voit pas, dit M. Nizan, « comment ces produit
1704 t M. Nizan, « comment ces produits tératologiques de la méditation pourraient expliquer aux hommes vulgaires … la tubercul
1705 t expliquer aux hommes vulgaires … la tuberculose de leurs filles, les colères de leurs femmes, leur service militaire et
1706 res … la tuberculose de leurs filles, les colères de leurs femmes, leur service militaire et ses humiliations, leur travai
1707 acances, les guerres, les grèves, les pourritures de leurs parlements et l’insolence des pouvoirs ; on ne voit pas à quoi
1708 sans rime ni raison » … « Il n’y a aucune raison d’ écarter ce genre de questions. Il n’y a aucune raison de ne pas leur d
1709 n » … « Il n’y a aucune raison d’écarter ce genre de questions. Il n’y a aucune raison de ne pas leur donner de réponses »
1710 ter ce genre de questions. Il n’y a aucune raison de ne pas leur donner de réponses ». Au fond, M. Nizan reproche à nos ph
1711 ons. Il n’y a aucune raison de ne pas leur donner de réponses ». Au fond, M. Nizan reproche à nos philosophes d’exclure de
1712 s ». Au fond, M. Nizan reproche à nos philosophes d’ exclure de leurs recherches tout ce qui intéresse chaque homme et tout
1713 nd, M. Nizan reproche à nos philosophes d’exclure de leurs recherches tout ce qui intéresse chaque homme et tout l’homme,
1714 ce qui intéresse chaque homme et tout l’homme, et de déclarer « non philosophique » tout ce qui ne tombe pas sous le coup
1715 osophique » tout ce qui ne tombe pas sous le coup de leurs techniques. On dira sans doute que l’auteur exagère quand il dé
1716 te que l’auteur exagère quand il dénonce le péril d’ une pensée que l’on peut bien appeler scolastique, pensée purement con
1717 stique, pensée purement conceptuelle et dépourvue d’ intérêt humain concret. On lui dira que ce n’est pas si grave, que le
1718 ne action, ne fût-ce que sur les étudiants forcés de s’y intéresser au lieu de s’intéresser à notre situation concrète, M.
1719 que le sien à l’endroit des résultats « humains » de toute philosophie.) Mais ensuite, et à notre tour, nous demanderons :
1720 moins clair qu’il tombe par là même sous le coup d’ une critique semblable à celle que M. Nizan adresse à M. Brunschvicg.
1721 u’une extension orgueilleuse et démesurée du type d’ homme qui intéresse tel groupe de philosophes, et qui vient se substit
1722 émesurée du type d’homme qui intéresse tel groupe de philosophes, et qui vient se substituer à la réelle humanité. C’est,
1723 eois. C’est le prolétaire pour Marx. Il s’en faut de beaucoup que la notion du prolétaire marxiste, fondée sur des considé
1724 iscutables que la plus-value, recouvre la réalité de tel homme concret et réel que vous ou moi pouvons connaître. Mais, en
1725 s connaître. Mais, en vérité, la lecture du livre de M. Nizan n’inspire pas la certitude qu’il aime les hommes, qu’il aime
1726 l et concret. Au contraire, il en émane une sorte de mépris satisfait qui révèle un intellectuel déchaîné plus qu’un parti
1727 partisan convaincu. On sent bien que le triomphe de M. Nizan est dans l’insolence plus que dans le sacrifice à une cause.
1728 n, qui est marxiste, si la lecture et la pratique de Marx peut apporter une certitude intime, une réalité directe, une obl
1729 itude intime, une réalité directe, une obligation de choisir à chaque instant, une humiliation rénovatrice, une joie au se
1730 vatrice, une joie au sein de la douleur, la force de supporter des souffrances physiques, la force et la joie d’envisager
1731 er des souffrances physiques, la force et la joie d’ envisager la mort comme une transfiguration tragique, la force et la j
1732 une transfiguration tragique, la force et la joie d’ envisager la vie comme un combat perpétuel dont l’enjeu est à chaque i
1733 ées concernent chaque homme dans chaque situation de sa vie de chaque jour, si cet appel n’a pas trouvé la seule réponse p
1734 nent chaque homme dans chaque situation de sa vie de chaque jour, si cet appel n’a pas trouvé la seule réponse possible et
1735 cherché auprès de philosophes secrètement avides de prêtrise, ou même prêtres, ou même canonisés, une sécurité spirituell
1736 canonisés, une sécurité spirituelle que la Parole de Dieu désigne comme une lâcheté. Car en présence de l’athéisme militan
1737 témoigner. Épreuve dangereuse et salutaire, germe de cette « révolution permanente » qui doit être l’état du chrétien vis-
1738 être l’état du chrétien vis-à-vis de lui-même et de son passé. C’est le danger qui nous purifiera. « Toute plante que n’a
1739 a révolution menaçante viendra comme le châtiment de ceux-là mêmes, de ceux-là justement qui refusèrent de « penser danger
1740 ante viendra comme le châtiment de ceux-là mêmes, de ceux-là justement qui refusèrent de « penser dangereusement ». Mais l
1741 eux-là mêmes, de ceux-là justement qui refusèrent de « penser dangereusement ». Mais les marxistes n’y échapperont pas. Ca
1742 rxistes n’y échapperont pas. Car celui qui refuse de penser le péché, refuse d’envisager l’ultime et le plus « grossier »
1743 . Car celui qui refuse de penser le péché, refuse d’ envisager l’ultime et le plus « grossier » des dangers inhérents à l’ê
1744 morales, ni leurs prêtres, ni tout leur appareil d’ assurance dans le monde et contre Dieu —, seul l’Évangile est radicale
1745 lement dangereux, — salutaire. 38. Aux Éditions de la Revue française, chez Alexis Rédier, Paris 1932. 39. Chez Rieder,
1746 Europe ». 40. Et pourtant, M. Nizan cite pas mal de textes qui prouveraient le contraire. s. Rougemont Denis de, « Pens
1747 i prouveraient le contraire. s. Rougemont Denis de , « Penser dangereusement », Foi et Vie, Paris, juin 1932, p. 478-484.
16 1933, Foi et Vie, articles (1928–1977). « Histoires du monde, s’il vous plaît ! » (janvier 1933)
1748 répondra-t-on, sans doute. Je ne suis pas du tout de cet avis. Et je crois distinguer à divers signes que mes contemporain
1749 s plus tonifiants et plus actuels, je veux parler de la vogue récente des essais, genre assurément fort ancien, mais auque
1750 ive nouveauté. Il est bien remarquable, en effet, de constater, en parcourant les catalogues de librairie allemande, par e
1751 effet, de constater, en parcourant les catalogues de librairie allemande, par exemple, que la proportion des ouvrages pure
1752 nt romanesques va en diminuant, et cela au profit d’ une littérature qui tient à la fois de l’histoire, de la politique, de
1753 a au profit d’une littérature qui tient à la fois de l’histoire, de la politique, de la morale et de la religion. Des livr
1754 ne littérature qui tient à la fois de l’histoire, de la politique, de la morale et de la religion. Des livres comme l’Essa
1755 i tient à la fois de l’histoire, de la politique, de la morale et de la religion. Des livres comme l’Essai sur la France,
1756 s de l’histoire, de la politique, de la morale et de la religion. Des livres comme l’Essai sur la France, de E. R. Curtius
1757 religion. Des livres comme l’Essai sur la France, de E. R. Curtius, dont il fut parlé ici même, ou le Dieu est-il Français
1758 l fut parlé ici même, ou le Dieu est-il Français, de F. Sieburg, donneront une idée assez juste du genre. Son succès en Al
1759 succès en Allemagne remonte aux premières années de l’après-guerre, illustrées par les livres monumentaux de Spengler (Le
1760 rès-guerre, illustrées par les livres monumentaux de Spengler (Le Déclin de l’Occident) et du comte Keyserling. Il faut re
1761 par les livres monumentaux de Spengler (Le Déclin de l’Occident) et du comte Keyserling. Il faut reconnaître que l’état gé
1762 vivent « la crise » depuis 1919, et l’atmosphère de crise baigne toutes leurs activités, à un degré bien plus profond qu’
1763 , à un degré bien plus profond qu’on ne l’imagine d’ ordinaire en France. En ceci, les Allemands se trouvent être en quelqu
1764 and. Il est bien naturel qu’une société qui jouit d’ une relative sécurité cherche son divertissement dans des fictions rom
1765 . Le bourgeois qui rentre chez lui après 8 heures de bureau demande aux livres une évasion facile hors de la médiocre exis
1766 contemporain voit bien que la question n’est plus de s’évader, de se distraire en oubliant un monde qu’on serait sûr de re
1767 voit bien que la question n’est plus de s’évader, de se distraire en oubliant un monde qu’on serait sûr de retrouver bien
1768 e distraire en oubliant un monde qu’on serait sûr de retrouver bien en place le lendemain. L’angoisse qui plane vaguement,
1769 as quelque chose qu’on esquive comme l’ennui, par de petits moyens. L’homme menacé cherche à se rassurer, et d’abord en es
1770 acé cherche à se rassurer, et d’abord en essayant de comprendre la menace. Il veut des documents, des explications, des di
1771 ver l’appartenance à un parti, ou pour se fournir d’ arguments précis et « sérieux » qu’on exhibera dans un cercle aussi ex
1772 ibera dans un cercle aussi excité qu’incompétent. De là cette multitude d’écrits, dont le propos général est d’élucider le
1773 ussi excité qu’incompétent. De là cette multitude d’ écrits, dont le propos général est d’élucider les causes lointaines ou
1774 te multitude d’écrits, dont le propos général est d’ élucider les causes lointaines ou prochaines de la crise sans précéden
1775 st d’élucider les causes lointaines ou prochaines de la crise sans précédent où s’engage l’humanité tout entière. ⁂ En Fra
1776 urs, le « grand public » considéra que la lecture d’ un livre n’était qu’un moyen de « passer une heure agréablement ». Le
1777 éra que la lecture d’un livre n’était qu’un moyen de « passer une heure agréablement ». Le goût des idées, même et surtout
1778 des cercles littéraires raffinés, était une sorte d’ atteinte au « goût » tout court, c’est-à-dire à la mode. Il fallut la
1779 a mode. Il fallut la petite équipe des fondateurs de la Nouvelle Revue française pour imposer, par l’effet d’un snobisme i
1780 ouvelle Revue française pour imposer, par l’effet d’ un snobisme inattendu, la mode des discussions éthiques, d’ailleurs pu
1781 mans qui posent des problèmes ». On appelait cela de la « littérature difficile », non pas qu’une intelligence moyenne épr
1782 difficultés à suivre les développements lumineux d’ un André Gide, par exemple, mais simplement parce que ces écrits faisa
1783 isaient penser. J’exagère à peine. La littérature de l’après-guerre, faite en grande partie par des hommes qui n’avaient p
1784 rtie par des hommes qui n’avaient pas eu le temps de se cultiver, est caractérisée par une facilité foncière et bien décev
1785 foncière et bien décevante, sitôt écarté le voile d’ obscurité purement formelle dont la mode d’alors recommandait qu’on ha
1786 voile d’obscurité purement formelle dont la mode d’ alors recommandait qu’on habillât la moindre historiette sentimentale.
1787 emble-t-il, s’évanouit en fumée, comme les fusées d’ une fête intempestive. On demande des lumières qui ne soient plus seul
1788 is, en ce sens que dans le monde bourgeois, privé de risques et d’aventures réelles, il représentait une évasion, une reva
1789 que dans le monde bourgeois, privé de risques et d’ aventures réelles, il représentait une évasion, une revanche nécessair
1790 nécessaire contre l’ennui, — le royaume illusoire de la fantaisie, de l’héroïsme et des grands sentiments bouleversants. C
1791 l’ennui, — le royaume illusoire de la fantaisie, de l’héroïsme et des grands sentiments bouleversants. C’était ce qu’il y
1792 t de plus subversif dans les salons. « Se nourrir de romans », dans certains milieux, c’était le commencement de la fin, c
1793 », dans certains milieux, c’était le commencement de la fin, c’était se préparer à « mal finir ». Est-ce le cinéma qui a c
1794 une époque qui a vu les frontières et les peuples de l’Europe bouleversés ; les régimes choir ; le plan quinquennal s’édif
1795 ir ; le plan quinquennal s’édifier sur les ruines d’ un continent ; l’Amérique s’enrichir au-delà de toute raison européenn
1796 es d’un continent ; l’Amérique s’enrichir au-delà de toute raison européenne, puis s’affoler, entrer en décadence, et rêve
1797 révolution ; dans une époque où l’humanité risque de mourir pour la réalisation même de ses désirs matériels, dans cette é
1798 umanité risque de mourir pour la réalisation même de ses désirs matériels, dans cette énorme aventure qui « règne » sur le
1799 vies, ou s’il n’y pénètre pas encore, les baigne d’ une atmosphère menaçante dont il devient impossible de ne pas prendre
1800 e atmosphère menaçante dont il devient impossible de ne pas prendre conscience. Alors, toutes les nouvelles qui nous parvi
1801 s qui nous parviennent du monde sont comme autant d’ épisodes d’un drame qui intéresse chacun de nous. L’homme se prend d’u
1802 parviennent du monde sont comme autant d’épisodes d’ un drame qui intéresse chacun de nous. L’homme se prend d’un intérêt p
1803 autant d’épisodes d’un drame qui intéresse chacun de nous. L’homme se prend d’un intérêt passionné pour la vie du monde. E
1804 me qui intéresse chacun de nous. L’homme se prend d’ un intérêt passionné pour la vie du monde. Et ce fait est nouveau dans
1805 ase mille fois entendue. Les journaux se couvrent de photos. La couverture photographique triomphe chez tous les éditeurs.
1806 s, des reportages à grande distance, les mémoires d’ Alain Gerbault, les aventures d’Henri de Monfreid, cinquante volumes s
1807 nce, les mémoires d’Alain Gerbault, les aventures d’ Henri de Monfreid, cinquante volumes sur l’URSS et sur le Plan de cinq
1808 reid, cinquante volumes sur l’URSS et sur le Plan de cinq ans, autant sur les formes américaines de la vie sociale, des al
1809 an de cinq ans, autant sur les formes américaines de la vie sociale, des albums de photos qui pour la première fois, nous
1810 formes américaines de la vie sociale, des albums de photos qui pour la première fois, nous semble-t-il, mettent sur notre
1811 uel romancier pourrait nous apporter l’équivalent de cette vision directe, exaltante et dépaysante ? Voici le monde en vra
1812 sprit ne pouvait le concevoir. C’est l’expérience de la Renaissance, étendue à toute la planète. Et c’est ici que j’en rev
1813 tre qui veut penser le monde. Incapable désormais de s’en distraire en le fuyant, il cherche à l’expliquer, avec une passi
1814 l y a quelque dix ans, les premières Explications de notre temps. Et depuis lors, que de volumes à grand succès qui pourra
1815 Explications de notre temps. Et depuis lors, que de volumes à grand succès qui pourraient reprendre le titre fameux de Pa
1816 d succès qui pourraient reprendre le titre fameux de Paul Valéry : Regards sur le monde actuel. Les grandes controverses m
1817 our de la Trahison des clercs, autour du problème de l’humanisme (Conversion à l’humain, de J. Guéhenno, enquête de Foi e
1818 u problème de l’humanisme (Conversion à l’humain, de J. Guéhenno, enquête de Foi et Vie sur l’humanisme nouveau, ouvrage
1819 e (Conversion à l’humain, de J. Guéhenno, enquête de Foi et Vie sur l’humanisme nouveau, ouvrages de Ramon Fernandez, de
1820 de Foi et Vie sur l’humanisme nouveau, ouvrages de Ramon Fernandez, de Drieu la Rochelle, de Benjamin Crémieux), autour
1821 l’humanisme nouveau, ouvrages de Ramon Fernandez, de Drieu la Rochelle, de Benjamin Crémieux), autour du problème, plus ai
1822 uvrages de Ramon Fernandez, de Drieu la Rochelle, de Benjamin Crémieux), autour du problème, plus aigu encore, de la cultu
1823 Crémieux), autour du problème, plus aigu encore, de la culture bourgeoise et des valeurs révolutionnaires. (Mort de la pe
1824 bourgeoise et des valeurs révolutionnaires. (Mort de la pensée et Mort de la morale bourgeoise d’E. Berl, manifestes de gr
1825 eurs révolutionnaires. (Mort de la pensée et Mort de la morale bourgeoise d’E. Berl, manifestes de groupements de jeunes t
1826 Mort de la pensée et Mort de la morale bourgeoise d’ E. Berl, manifestes de groupements de jeunes tels que Esprit, Plans, l
1827 ort de la morale bourgeoise d’E. Berl, manifestes de groupements de jeunes tels que Esprit, Plans, l’Ordre nouveau, et tou
1828 e bourgeoise d’E. Berl, manifestes de groupements de jeunes tels que Esprit, Plans, l’Ordre nouveau, et tout récemment le
1829 s, l’Ordre nouveau, et tout récemment le « Cahier de revendications » publié dans la NRF ). Lorsqu’il y a deux ans, Berna
1830 ns un article retentissant, annonça son intention de « casser les reins au roman », on put croire à un mouvement de mauvai
1831 es reins au roman », on put croire à un mouvement de mauvaise humeur, voire à une tentative publicitaire. En réalité, la s
1832 aire. En réalité, la suite prouva la clairvoyance de l’éditeur, habile à saisir dès leur naissance les désirs à peine cons
1833 nts du grand public. On n’a pas cessé pour autant de publier des romans nouveaux, mais le fait est que le seul grand succè
1834 l grand succès, dans cet ordre, est allé au livre de Céline, Voyage au bout de la nuit, chef-d’œuvre de « documentaire »,
1835 e Céline, Voyage au bout de la nuit, chef-d’œuvre de « documentaire », mauvais roman… Autre signe : les jeunes maisons, fo
1836 spécialisent de plus en plus dans la publication de collections d’essais : Denoël et Steele lancent des séries sur la psy
1837 e plus en plus dans la publication de collections d’ essais : Denoël et Steele lancent des séries sur la psychanalyse et su
1838 rrêa publie presque exclusivement des « écrivains d’ idées », les Éditions du Cavalier poursuivent une enquête européenne s
1839 l’Esprit des nations 41. » Et l’on pense au titre de cet album de photos paru récemment en Allemagne : « Weltgeschichte ge
1840 nations 41. » Et l’on pense au titre de cet album de photos paru récemment en Allemagne : « Weltgeschichte gefälligst », H
1841 ⁂ Retour à l’essai rendu nécessaire par le besoin de mettre en ordre l’énorme quantité de faits nouveaux que nous découvro
1842 ar le besoin de mettre en ordre l’énorme quantité de faits nouveaux que nous découvrons. Retour à l’intelligence ? Oui, ma
1843 ère que le lecteur m’aura compris — ce n’est plus de jeux de l’esprit, d’acrobaties de psychologues, de curiosités académi
1844 le lecteur m’aura compris — ce n’est plus de jeux de l’esprit, d’acrobaties de psychologues, de curiosités académiques ou
1845 aura compris — ce n’est plus de jeux de l’esprit, d’ acrobaties de psychologues, de curiosités académiques ou de mandarinad
1846 — ce n’est plus de jeux de l’esprit, d’acrobaties de psychologues, de curiosités académiques ou de mandarinades qu’il s’ag
1847 e jeux de l’esprit, d’acrobaties de psychologues, de curiosités académiques ou de mandarinades qu’il s’agit, mais c’est du
1848 ies de psychologues, de curiosités académiques ou de mandarinades qu’il s’agit, mais c’est du sort de l’homme tel qu’il es
1849 de mandarinades qu’il s’agit, mais c’est du sort de l’homme tel qu’il est, dans son effarante et magnifique diversité. So
1850 agnifique diversité. Sort menacé, comme il le fut de tout temps, certes, mais de nos jours, plus visiblement, plus univers
1851 nacé, comme il le fut de tout temps, certes, mais de nos jours, plus visiblement, plus universellement. Quand il y va de t
1852 visiblement, plus universellement. Quand il y va de tous, il y va de chacun. 41. Dont le meilleur volume, à ce jour, es
1853 s universellement. Quand il y va de tous, il y va de chacun. 41. Dont le meilleur volume, à ce jour, est sans doute le r
1854 leur volume, à ce jour, est sans doute le recueil d’ Essais espagnols, du grand écrivain qu’est José Ortega y Gasset, l’un
1855 qu’est José Ortega y Gasset, l’un des fondateurs de la République espagnole, et l’un des meilleurs exemples de l’influenc
1856 ublique espagnole, et l’un des meilleurs exemples de l’influence réelle et directe que peut exercer un essayiste sur la ma
1857 livre brillant et séduisant. t. Rougemont Denis de , « Histoires du monde, s’il vous plaît ! », Foi et Vie, Paris, janvie
17 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Destin du siècle ou vocation personnelle ? (février 1934)
1858 ns toutes les conférences, dans tous les journaux d’ opinion, dans tous les manifestes de partis ou de ligues, une expressi
1859 les journaux d’opinion, dans tous les manifestes de partis ou de ligues, une expression revient comme une véritable hanti
1860 d’opinion, dans tous les manifestes de partis ou de ligues, une expression revient comme une véritable hantise, comme le
1861 une véritable hantise, comme le grand lieu commun de la peur qui s’est emparée des hommes. On ne nous parle plus que du « 
1862 rle plus que du « désarroi actuel ». Il n’est pas d’ expression plus juste, pour qui se borne à considérer notre époque et
1863 s’affrontent au milieu du désordre. Il n’est pas d’ expression plus fausse, et même plus dangereuse, pour qui veut prendre
1864 ent pour une dictature qui tire son seul prestige de la misère et de la lâcheté publique. Des provinces entières sont ruin
1865 tature qui tire son seul prestige de la misère et de la lâcheté publique. Des provinces entières sont ruinées par des expl
1866 dont les bénéfices s’engloutissent en deux heures de panique boursière. Les inventeurs se voient refuser des brevets parce
1867 eurs, crée du chômage. Et, cependant, les peuples de toute la terre continuent de croire au Progrès et aux bienfaits de la
1868 pendant, les peuples de toute la terre continuent de croire au Progrès et aux bienfaits de la richesse. Les campagnes se v
1869 continuent de croire au Progrès et aux bienfaits de la richesse. Les campagnes se vident ; les jeunes gens n’ont plus goû
1870 misère fiévreuse. Et, cependant, les politiciens de tous bords consacrent leur astuce à équilibrer des budgets, dont ils
1871 e avec grandiloquence par des journaux qui vivent de fonds secrets. C’est à tout cela que l’on pense lorsqu’on nous parle
1872 ue, jusqu’à ces dernières années, la civilisation de l’Occident ait permis plus d’espoirs, favorisé plus de vertu, mieux a
1873 es, la civilisation de l’Occident ait permis plus d’ espoirs, favorisé plus de vertu, mieux assuré la paix du monde et les
1874 Occident ait permis plus d’espoirs, favorisé plus de vertu, mieux assuré la paix du monde et les rapports normaux entre le
1875  » soit seulement « actuel » et ne veut-on parler de « désarroi » que lorsque les valeurs boursières et la tranquillité pu
1876 La vérité, c’est que la situation du monde a été de tout temps désespérée. Seulement, maintenant, cela se voit. Depuis la
1877 ériodes dites « prospères » ne sont que les temps de répit, souvent déshonorés par la culture des illusions et la dégradat
1878 a culture des illusions et la dégradation du sens de la révolte. L’histoire du monde, bien loin d’être l’histoire d’un pro
1879 ens de la révolte. L’histoire du monde, bien loin d’ être l’histoire d’un progrès continu, nous apparaît plutôt comme une s
1880 L’histoire du monde, bien loin d’être l’histoire d’ un progrès continu, nous apparaît plutôt comme une solennelle dégringo
1881 comme une solennelle dégringolade, une contagion de déséquilibres dévorant successivement toutes les possibilités d’aména
1882 s dévorant successivement toutes les possibilités d’ aménagement de la terre. Pourtant, certaines époques ont connu la gran
1883 cessivement toutes les possibilités d’aménagement de la terre. Pourtant, certaines époques ont connu la grandeur. Ce ne fu
1884 a grandeur. Ce ne furent pas les moins corrompues de l’histoire, mais celles où la corruption permanente fut ouvertement r
1885 èche. Notre époque, elle aussi, possède sa chance de grandeur. Je dirai même qu’elle a plus de chances qu’aucune autre. Le
1886 chance de grandeur. Je dirai même qu’elle a plus de chances qu’aucune autre. Le vieux « désordre » qui couvait sous des a
1887 soudain devenu flagrant. Il promène par les rues de nos villes européennes de grands panneaux-réclame qui parlent un lang
1888 Il promène par les rues de nos villes européennes de grands panneaux-réclame qui parlent un langage clair. Jamais il ne fu
1889 nt un langage clair. Jamais il ne fut plus facile de reconnaître les choix nécessaires. Désordre, oui, et plus grand que j
1890 s presque impossibles ? Oui, certes ! Sur le plan de la connaissance désintéressée, nous ne trouvons jamais aucun principe
1891 u contraire, dès que nous nous posons la question de l’homme, du rôle de l’homme, du destin de l’homme en face du destin d
1892 nous nous posons la question de l’homme, du rôle de l’homme, du destin de l’homme en face du destin du siècle, tout se si
1893 uestion de l’homme, du rôle de l’homme, du destin de l’homme en face du destin du siècle, tout se simplifie aussitôt ; et
1894 , faisant un pas de plus, nous posons la question de notre destin personnel en face des destins collectifs, le choix néces
1895 avec une netteté qui, je le répète, est la chance de notre époque. Je voudrais décrire cette époque, telle qu’elle nous ap
1896 décrire cette époque, telle qu’elle nous apparaît de ce point de vue, en quelques traits fort simples. J’insiste sur le mo
1897 es simplifier. Ce qui est difficile, ce n’est pas de voir le vrai, c’est d’oser les actes qu’il faut, et que nous connaiss
1898 st difficile, ce n’est pas de voir le vrai, c’est d’ oser les actes qu’il faut, et que nous connaissons très bien. Trop sou
1899 souvent, nos maîtres nous ont fourni des méthodes d’ évasion dans la complexité. Trop souvent ils nous ont mis en garde con
1900 in esprit simpliste », qui est, au vrai, l’esprit de décision et d’engagement concret dont nous avons le plus besoin. Cess
1901 iste », qui est, au vrai, l’esprit de décision et d’ engagement concret dont nous avons le plus besoin. Cessons de nous réf
1902 t concret dont nous avons le plus besoin. Cessons de nous réfugier derrière des complexités que nous créons à plaisir, qui
1903 ne sont pas dans la situation et qui sont autant de prétextes à refuser de prendre position, comme si ce n’était pas là,
1904 tuation et qui sont autant de prétextes à refuser de prendre position, comme si ce n’était pas là, déjà, prendre une posit
1905 és ont été trop souvent pour nous des professeurs d’ abstention distinguée, des grands prêtres de l’Insoluble. Mais, un bea
1906 seurs d’abstention distinguée, des grands prêtres de l’Insoluble. Mais, un beau jour, les événements nous réveillent brusq
1907 hoisir. La pensée redevient un danger, un facteur de choix et de risque, et non plus un refuge idéal. Ne nous en plaignons
1908 ensée redevient un danger, un facteur de choix et de risque, et non plus un refuge idéal. Ne nous en plaignons pas : le ri
1909 Ne nous en plaignons pas : le risque est la santé de la pensée. ⁂ Destin du siècle ! Expression curieuse et bien moderne 
1910 on curieuse et bien moderne ! Si nous y regardons de près, nous allons voir que le simple assemblage de ces deux mots, des
1911 e près, nous allons voir que le simple assemblage de ces deux mots, destin et siècle, contient peut-être le secret de tout
1912 s, destin et siècle, contient peut-être le secret de tout le mal dont nous souffrons. Il suffit, pour le faire apparaître,
1913 s souffrons. Il suffit, pour le faire apparaître, de poser cette simple question : comment un siècle peut-il avoir un dest
1914 le peut-il avoir un destin ? En réalité, il n’y a de destin que personnel. Seul un homme peut avoir un destin, un homme se
1915 n, César, Lénine ont un destin. Mais aussi chacun de nous a un destin ; dans la mesure où chacun de nous possède une raiso
1916 un de nous a un destin ; dans la mesure où chacun de nous possède une raison d’être, quelle qu’elle soit, une servitude pa
1917 ns la mesure où chacun de nous possède une raison d’ être, quelle qu’elle soit, une servitude particulière, une passion qui
1918 ien à lui, une vocation. Si l’on admet facilement de nos jours, qu’un siècle ait un destin, c’est que l’on a pris l’habitu
1919 e ait un destin, c’est que l’on a pris l’habitude d’ attribuer une sorte de valeur indépendante à des êtres collectifs. Je
1920 que l’on a pris l’habitude d’attribuer une sorte de valeur indépendante à des êtres collectifs. Je m’explique. Quand nous
1921 ’humanité, et dont les éléments sont presque tous de nature collective. L’histoire d’un siècle, c’est l’histoire des colle
1922 ont presque tous de nature collective. L’histoire d’ un siècle, c’est l’histoire des collectivités, c’est l’histoire des pe
1923 que très accessoirement l’histoire des personnes, de quelques génies, par exemple. Quand nous disons destin du siècle, nou
1924 un destin, il faut que nous ayons pris l’habitude de les considérer comme autant de réalités autonomes, possédant leurs lo
1925 ns pris l’habitude de les considérer comme autant de réalités autonomes, possédant leurs lois propres, échappant à notre d
1926 e, leur destinée. Autant dire que nous avons fait de toutes les réalités collectives des divinités nouvelles, des divinité
1927 s menaçantes, et dont nous essayons avec angoisse de scruter les caractères, les habitudes, les intentions secrètes, les d
1928 uperstitieux au dernier degré. La grande majorité de nos contemporains ne croit pas en Dieu et sait qu’elle n’y croit pas.
1929 t pas. Mais elle garde chevillé au cœur le besoin d’ obéir à des forces invisibles et de leur rendre un culte de latrie. To
1930 cœur le besoin d’obéir à des forces invisibles et de leur rendre un culte de latrie. Tous, nous servons ces dieux, tous, n
1931 des forces invisibles et de leur rendre un culte de latrie. Tous, nous servons ces dieux, tous, nous leur obéissons, et c
1932 nt prêts à leur sacrifier leur vie même. Les noms de ces divinités, vous les connaissez bien : ce sont l’État, la nation,
1933 … Sans doute n’avons-nous pas toujours conscience de les servir. Vous me direz peut-être que, pour votre compte, la classe
1934 . Vous jouez, vis-à-vis de ces divinités, le rôle d’ incroyants, de sceptiques ou même d’adversaires. Mais il y a d’autres
1935 vis-à-vis de ces divinités, le rôle d’incroyants, de sceptiques ou même d’adversaires. Mais il y a d’autres dieux pour cet
1936 ités, le rôle d’incroyants, de sceptiques ou même d’ adversaires. Mais il y a d’autres dieux pour cette espèce-là d’incroya
1937 . Mais il y a d’autres dieux pour cette espèce-là d’ incroyants, et ce sont, par exemple, l’opinion publique et la presse,
1938 a race : voilà peut-être les divinités maîtresses de cette première moitié du siècle. Qu’il s’agisse bien là de dieux, c’e
1939 première moitié du siècle. Qu’il s’agisse bien là de dieux, c’est ce que nous prouvent abondamment leurs exigences, qui so
1940 ciologie. Nous trouverons les meilleurs exemples de cette théologie dans les écrits marxistes, plus intelligents et plus
1941 fascistes et racistes. Prenez le dernier article de Trotski contre Hitler. C’est d’une logique parfaite. Tout s’y enchaîn
1942 e dernier article de Trotski contre Hitler. C’est d’ une logique parfaite. Tout s’y enchaîne en une démonstration inattaqua
1943 oltes, toute notre attitude pratique s’expliquent d’ une manière suffisante par notre appartenance à une classe déterminée.
1944 que entièrement par le fait qu’il était, à la fin de la guerre, caporal dans l’armée allemande. Son idéologie n’a rien de
1945 al dans l’armée allemande. Son idéologie n’a rien de personnel, c’est l’idéologie des petits gradés d’une armée vaincue. L
1946 de personnel, c’est l’idéologie des petits gradés d’ une armée vaincue. L’hypothèse est séduisante, vraisemblable même. Que
1947 e [ou] notre race. Destin du siècle contre destin de l’homme. Il faut bien reconnaître qu’en cette année 1934, l’homme se
1948 irent une conclusion inattendue. Reprenant le mot de Goethe, sans le savoir, ils nous enseignent que la loi seule nous con
1949 ous conduit à la liberté. Adhérez au déterminisme de l’histoire, abandonnez votre cher petit moi, fondez votre destin dans
1950 fondez votre destin dans celui du prolétariat ou de la race aryenne, et toutes vos inquiétudes s’apaiseront. Bien. Mais
1951 seront. Bien. Mais il faut prendre garde d’abord de confondre le sacrifice et le suicide. L’élan qui jette des millions d
1952 fice et le suicide. L’élan qui jette des millions de nos contemporains dans les destins du siècle, c’est peut-être l’élan
1953 ans les destins du siècle, c’est peut-être l’élan d’ une fuite devant le destin particulier et la responsabilité de chacun.
1954 devant le destin particulier et la responsabilité de chacun. Les brigadiers de choc et les miliciens hitlériens s’indignen
1955 er et la responsabilité de chacun. Les brigadiers de choc et les miliciens hitlériens s’indignent de ce reproche. Ils nous
1956 s de choc et les miliciens hitlériens s’indignent de ce reproche. Ils nous répondent, avec raison, que leur action n’a pas
1957 ec raison, que leur action n’a pas les apparences d’ une évasion, d’une démission ; qu’ils n’ont pas fui les risques et qu’
1958 leur action n’a pas les apparences d’une évasion, d’ une démission ; qu’ils n’ont pas fui les risques et qu’ils ont exposé
1959 fonde-t-elle ? Quelles réalités sont à la base ? De l’aveu même des sociologues marxistes ou hitlériens, ce sont des réal
1960 es ou hitlériens, ce sont des réalités générales, d’ ordre statistique ; des considérations, par exemple, sur le développem
1961 les passés, quand ce ne sont pas des statistiques de phrénologues. Ce sont toujours des réalités passées, historiques, ach
1962 nd du terme, la seule chose qui intéresse chacune de nos vies —, c’est qu’il y ait parfois, par exemple, un ivrogne qui s’
1963 ait parfois, par exemple, un ivrogne qui s’arrête de boire, ne fût-ce que pour faire mentir le proverbe. Les lois générale
1964 ours justes, dans la mesure où nous démissionnons de notre rôle d’hommes responsables et créateurs. Leur rigueur mesure ex
1965 ans la mesure où nous démissionnons de notre rôle d’ hommes responsables et créateurs. Leur rigueur mesure exactement notre
1966 se disputent énormément. Je crois qu’ils ont tort de se disputer, parce qu’ils ont raison les uns et les autres. Ma théori
1967 e s’applique pas seulement aux partisans attardés de Darwin, mais aussi bien aux partisans de Marx et de Gobineau. Il est
1968 attardés de Darwin, mais aussi bien aux partisans de Marx et de Gobineau. Il est tout à fait vrai que les adeptes du marxi
1969 Darwin, mais aussi bien aux partisans de Marx et de Gobineau. Il est tout à fait vrai que les adeptes du marxisme et du r
1970 classe ou la race, et c’est perdre son temps que de contester leur croyance. Ces hommes-là savent au moins ce qui les mèn
1971 lettantes qui tombent, eux aussi, mais continuent d’ évoquer la liberté et les idéaux supérieurs dont ils s’éloignent de pl
1972 beau ne pas croire, pour mon compte, à la réalité de tous ces mythes, j’ai beau ne pas croire qu’ils aient le droit de dis
1973 es, j’ai beau ne pas croire qu’ils aient le droit de disposer de nos vies, je suis bien obligé de reconnaître qu’en fait,
1974 u ne pas croire qu’ils aient le droit de disposer de nos vies, je suis bien obligé de reconnaître qu’en fait, ils nous dom
1975 roit de disposer de nos vies, je suis bien obligé de reconnaître qu’en fait, ils nous dominent. Ne fût-ce que par le moyen
1976 it, ils nous dominent. Ne fût-ce que par le moyen de la presse. On peut dire, sans exagérer, que les journaux disposent de
1977 t dire, sans exagérer, que les journaux disposent de nos vies. Sans eux, la préparation des esprits qui prélude à toute gu
1978 du siècle, et peut-être aurions-nous un peu plus d’ attention pour les vrais problèmes de nos vies. Mais si les journaux d
1979 un peu plus d’attention pour les vrais problèmes de nos vies. Mais si les journaux disposent de nos vies, l’argent dispos
1980 lèmes de nos vies. Mais si les journaux disposent de nos vies, l’argent dispose des journaux. Et voilà le dernier anneau d
1981 dispose des journaux. Et voilà le dernier anneau de la chaîne de notre destin. Abrégeons, car, avec l’argent nous n’en fi
1982 journaux. Et voilà le dernier anneau de la chaîne de notre destin. Abrégeons, car, avec l’argent nous n’en finirions pas.
1983 cette description a pu faire naître dans l’esprit de quelques-uns. Je sais que le bon ton, dans certains milieux bien-pens
1984 ilieux bien-pensants, veut qu’on dénonce le règne de la masse. On s’indigne du nivellement universel, à quoi doit aboutir
1985 ents sont pareils et qu’un homme n’a pas le droit de sortir dans la rue coiffé d’un chapeau de paille avant la date fixée
1986 mme n’a pas le droit de sortir dans la rue coiffé d’ un chapeau de paille avant la date fixée par les grands fournisseurs.
1987 e droit de sortir dans la rue coiffé d’un chapeau de paille avant la date fixée par les grands fournisseurs. On prétend qu
1988 nonyme. Je crois que c’est là ce qu’il peut faire de mieux. L’individu, tel que le concevait le dernier siècle, l’homme is
1989 it jalousement sa petite vie intérieure, à l’abri de la Déclaration des droits de l’homme, ne mérite pas qu’on le pleure.
1990 mme sans destin, un homme sans vocation ni raison d’ être, un homme dont le monde n’exigeait rien. Cet être-là, fatalement,
1991 rien. Cet être-là, fatalement, devait désespérer de soi-même et de tout. Et nous vîmes, tôt après la guerre, reparaître l
1992 -là, fatalement, devait désespérer de soi-même et de tout. Et nous vîmes, tôt après la guerre, reparaître le fameux « mal
1993 radant qui soit. On vit alors, chez les meilleurs de ces jeunes gens, se déclarer une épidémie de suicides, qui ne prit pa
1994 eurs de ces jeunes gens, se déclarer une épidémie de suicides, qui ne prit pas toujours la forme romantique du coup de rev
1995 ne prit pas toujours la forme romantique du coup de revolver, qui prit même beaucoup plus souvent la forme d’un enrôlemen
1996 ver, qui prit même beaucoup plus souvent la forme d’ un enrôlement dans quelque troupe d’assaut. En vérité, ce serait une e
1997 vent la forme d’un enrôlement dans quelque troupe d’ assaut. En vérité, ce serait une erreur insondable que de voir le salu
1998 t. En vérité, ce serait une erreur insondable que de voir le salut de notre époque dans un retour à l’individu. L’individu
1999 serait une erreur insondable que de voir le salut de notre époque dans un retour à l’individu. L’individu est l’origine la
2000 destin des autres ; c’est parce qu’il n’avait pas de vocation, qu’il a voulu servir la vocation de sa race. La meilleure p
2001 pas de vocation, qu’il a voulu servir la vocation de sa race. La meilleure preuve, d’ailleurs, de l’origine individualiste
2002 tion de sa race. La meilleure preuve, d’ailleurs, de l’origine individualiste des mythes collectifs, je la vois dans l’abo
2003 ythes collectifs, je la vois dans l’aboutissement de ces mythes. On a cru trouver en eux les principes d’une communauté no
2004 ces mythes. On a cru trouver en eux les principes d’ une communauté nouvelle que l’individualisme avait dissoute. Il n’y a
2005 ualisme avait dissoute. Il n’y a jamais eu autant de ligues, de groupements, de partis et d’associations qu’aujourd’hui, m
2006 it dissoute. Il n’y a jamais eu autant de ligues, de groupements, de partis et d’associations qu’aujourd’hui, mais aussi j
2007 n’y a jamais eu autant de ligues, de groupements, de partis et d’associations qu’aujourd’hui, mais aussi jamais moins d’ac
2008 eu autant de ligues, de groupements, de partis et d’ associations qu’aujourd’hui, mais aussi jamais moins d’accord réel, ja
2009 ais aussi jamais moins d’accord réel, jamais plus de haine déclarée. L’amour des hommes, transposé dans la collectivité, d
2010 osé dans la collectivité, devient automatiquement de la haine. On me dira que la solidarité entre les peuples est désormai
2011 ue désormais le globe entier apparaisse solidaire d’ une même civilisation. Mais cette solidarité, que vaut-elle ? Le premi
2012 dans le monde, c’est l’exemple suivant : le krach d’ une banque à Paris peut ruiner des petits rentiers belges et jeter sur
2013 ntiers belges et jeter sur la paille des milliers d’ ouvriers annamites. Oui, certes, tout se tient désormais. Mais la soli
2014 le destin des ismes, ne nous laisse rien prévoir d’ autre qu’un monde chaotique hautement organisé, une monstrueuse agglom
2015 hautement organisé, une monstrueuse agglomération d’ individus assemblés par la peur et la faim, et la haine, parqués dans
2016 la haine, parqués dans des casernes ou des camps de travail, — et mourant de solitude. J’ai terminé ma description du siè
2017 es casernes ou des camps de travail, — et mourant de solitude. J’ai terminé ma description du siècle. Est-elle pessimiste
2018 à l’excès ? Ce n’est pas cela qu’il nous importe de savoir. Si j’ai simplifié le tableau, c’est que je veux maintenant dé
2019 nous peut prendre. ⁂ Destin du siècle ou destin de l’homme ? Loi historique ou acte personnel ? Irresponsable ou respons
2020 et simplement, ou désirer leur destruction, c’est de l’utopie. Ils sont là, et ils ont probablement leur raison d’être. La
2021 Ils sont là, et ils ont probablement leur raison d’ être. La classe, la race, jouent dans le monde le même rôle que l’inst
2022 ignorés. Les voilà qui reviennent sous le couvert de ce cheval de Troie qui se nomme déterminisme historique. Il faut croi
2023 voilà qui reviennent sous le couvert de ce cheval de Troie qui se nomme déterminisme historique. Il faut croire qu’ils ont
2024 , et que le mieux à faire pour nous, c’est encore de compter avec eux. Mais compter avec eux, ce n’est pas les diviser, ni
2025 e qui les poussait, je vois bien ce qu’il y avait d’ émouvant dans leur élan vers une nouvelle communauté humaine. Mais ils
2026 uté humaine. Mais ils se sont cruellement trompés de porte en s’adressant aux mythes collectifs. C’était l’homme qu’il fal
2027 t très simple : que la société doit être composée d’ hommes réels. Nous avons tout calculé, sauf ce qui est en effet incalc
2028 é, sauf ce qui est en effet incalculable : l’acte de l’homme. Mais le temps vient où les hommes se lassent de théories qui
2029 mme. Mais le temps vient où les hommes se lassent de théories qui expliquent tout sauf l’essentiel. Voici notre dilemme :
2030 ci notre dilemme : voulons-nous être des éléments de statistique, ou bien des hommes de chair et de sang, reconnaissant le
2031 e des éléments de statistique, ou bien des hommes de chair et de sang, reconnaissant leur condition concrète, mais connais
2032 ts de statistique, ou bien des hommes de chair et de sang, reconnaissant leur condition concrète, mais connaissant aussi l
2033 mais connaissant aussi leur dignité, leur raison d’ être personnelle ? Voulons-nous être des personnes ? Voilà le mot lâch
2034 s années dans les jeunes groupes révolutionnaires de France et de Belgique, dans la revue Esprit, et surtout dans les cerc
2035 les jeunes groupes révolutionnaires de France et de Belgique, dans la revue Esprit, et surtout dans les cercles de L’Ordr
2036 dans la revue Esprit, et surtout dans les cercles de L’Ordre nouveau. Qu’est-ce que la personne ? Permettez-moi de renvers
2037 ouveau. Qu’est-ce que la personne ? Permettez-moi de renverser la question : Qu’est-ce que ces dieux et ces mythes collect
2038 ces dieux et ces mythes collectifs ? J’ai essayé de vous montrer qu’ils sont des créations de l’homme, et particulièremen
2039 essayé de vous montrer qu’ils sont des créations de l’homme, et particulièrement de ce personnage égoïste et, en somme, a
2040 ont des créations de l’homme, et particulièrement de ce personnage égoïste et, en somme, assez lâche, qu’on appelle l’indi
2041 ’une certaine attitude, l’attitude démissionnaire de l’homme en fuite devant son destin. Eh bien ! la personne à son tour
2042 stin. Eh bien ! la personne à son tour n’est rien d’ autre que l’attitude créatrice de l’homme. Tout, en définitive, se jou
2043 tour n’est rien d’autre que l’attitude créatrice de l’homme. Tout, en définitive, se joue dans l’homme et se rapporte à l
2044 pporte à lui. Dans l’homme, la masse n’a pas plus de puissance que la personne. Dans l’homme, le choix peut avoir lieu, ef
2045 oix peut avoir lieu, effectivement. Et votre rôle d’ étudiants, c’est-à-dire d’intellectuels, m’apparaît alors dans toute s
2046 tivement. Et votre rôle d’étudiants, c’est-à-dire d’ intellectuels, m’apparaît alors dans toute sa grandeur. C’est à vous d
2047 paraît alors dans toute sa grandeur. C’est à vous de rechercher dans vos pensées les origines concrètes de ces grands fait
2048 echercher dans vos pensées les origines concrètes de ces grands faits qui bouleversent le monde. C’est à vous de déceler,
2049 nds faits qui bouleversent le monde. C’est à vous de déceler, par exemple, l’origine permanente et virtuelle des dictature
2050 ctatures, dans un fléchissement, en vous, du sens de votre destinée personnelle. À l’origine de tout, il y a une attitude
2051 u sens de votre destinée personnelle. À l’origine de tout, il y a une attitude de l’homme, j’ai essayé de vous montrer l’a
2052 onnelle. À l’origine de tout, il y a une attitude de l’homme, j’ai essayé de vous montrer l’attitude de celui qui se réfug
2053 tout, il y a une attitude de l’homme, j’ai essayé de vous montrer l’attitude de celui qui se réfugie dans l’Histoire42, qu
2054 e l’homme, j’ai essayé de vous montrer l’attitude de celui qui se réfugie dans l’Histoire42, qui pense par périodes sécula
2055 ul éveillé et conscient des réalités. ]’ai essayé de vous montrer qu’en pensant historiquement, il fonde, dès maintenant,
2056 dès maintenant, en lui, la dictature du nombre et de l’irresponsable. Je pourrais maintenant vous donner une contrepartie,
2057 s maintenant vous donner une contrepartie, tenter de vous décrire la pensée personnaliste, la pensée qui ne veut s’attache
2058 les tâches immédiates. La personne, au contraire, de l’individu perdu dans l’Histoire, vit d’instant en instant, d’une tâc
2059 ntraire, de l’individu perdu dans l’Histoire, vit d’ instant en instant, d’une tâche à une autre, d’un acte à un autre acte
2060 perdu dans l’Histoire, vit d’instant en instant, d’ une tâche à une autre, d’un acte à un autre acte, toujours imprévisibl
2061 it d’instant en instant, d’une tâche à une autre, d’ un acte à un autre acte, toujours imprévisible, toujours aventureuse.
2062 el. Quel est donc, nous dit-on, le fondement réel de la personne ? Est-ce une vue philosophique ? Est-ce une attitude niet
2063 réponse à toutes ces questions, c’est la réponse de l’Évangile. Faites toutes les sociétés que vous voudrez, bouleversez
2064 seul nous le désigne, bien plus : il nous ordonne de l’être. Et voilà la réalité décisive. Tous, nous avons reçu de Dieu c
2065 voilà la réalité décisive. Tous, nous avons reçu de Dieu cet ordre : tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tous donc, n
2066 s deux ne sont possibles que dans cet acte unique d’ obéissance à l’ordre de Dieu, qui s’appelle l’amour du prochain. Je di
2067 s que dans cet acte unique d’obéissance à l’ordre de Dieu, qui s’appelle l’amour du prochain. Je dis bien : acte, et il fa
2068 rance à l’égard du voisin, une façon plus commode de vivre en société. On a transporté dans l’histoire cet amour qui doit
2069 onne, mais aussi ce que Jésus-Christ nous ordonne d’ être : le prochain. Lorsque les docteurs de la loi voulurent éprouver
2070 rdonne d’être : le prochain. Lorsque les docteurs de la loi voulurent éprouver Jésus, l’un d’entre eux se leva et lui dit 
2071 parabole, celle du Bon Samaritain. Et le docteur de la loi découvrit cette vérité que toute sa religion n’avait pas pu lu
2072 ce, en actes, la miséricorde. Cet acte, en chacun de nous, peut être vainqueur de l’Histoire. Cet acte, à chaque fois qu’i
2073 Cet acte, en chacun de nous, peut être vainqueur de l’Histoire. Cet acte, à chaque fois qu’il nous est donné de le faire,
2074 ire. Cet acte, à chaque fois qu’il nous est donné de le faire, rétablit le rapport humain, fonde notre destin personnel, e
2075 société possible. Ne nous y trompons pas : l’acte de la miséricorde, c’est l’acte le plus révolutionnaire qui ait jamais p
2076 mal à sa racine, qui est en nous, qui est au fond de notre désespoir. Les grandes lois historiques et révolutionnaires peu
2077 ques et révolutionnaires peuvent bien nous servir de refuge, de prétextes et d’arguments au service de nos passions, au se
2078 olutionnaires peuvent bien nous servir de refuge, de prétextes et d’arguments au service de nos passions, au secours de no
2079 uvent bien nous servir de refuge, de prétextes et d’ arguments au service de nos passions, au secours de notre misère matér
2080 de refuge, de prétextes et d’arguments au service de nos passions, au secours de notre misère matérielle. Mais elles ne pé
2081 ’arguments au service de nos passions, au secours de notre misère matérielle. Mais elles ne pénètrent jamais dans l’intimi
2082 e. Mais elles ne pénètrent jamais dans l’intimité de notre être, là où réside le désespoir de l’homme qui ne connaît pas s
2083 intimité de notre être, là où réside le désespoir de l’homme qui ne connaît pas son destin. Après tout, l’homme désespéré,
2084 ’est pas la connaissance intellectuelle du destin de sa classe ou de sa race qui va suffire pour l’arracher à sa misère ;
2085 aissance intellectuelle du destin de sa classe ou de sa race qui va suffire pour l’arracher à sa misère ; il lui faut une
2086 ant. Nous ne rencontrons personne au monde, avant d’ avoir rencontré Dieu. 42. L’Histoire au sens hégélien du mot, c’est
2087 us exactement : l’Évolution. u. Rougemont Denis de , « Destin du siècle ou vocation personnelle ? », Foi et Vie, Paris, f
18 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Deux essais de philosophes chrétiens (mai 1934)
2088 Deux essais de philosophes chrétiens (mai 1934)v Combien existe-t-il en France de
2089 iens (mai 1934)v Combien existe-t-il en France de personnes intelligentes ? Pour le juger il ne faudrait sans doute pas
2090 e faudrait sans doute pas se fier au tirage moyen d’ un ouvrage « difficile ». Seul, Bergson, avec ses Deux Sources pourrai
2091 un honnête romancier. On s’étonnera, sans doute, de m’en voir étonné. Je m’étonne davantage de ce qu’on trouve cela norma
2092 doute, de m’en voir étonné. Je m’étonne davantage de ce qu’on trouve cela normal. Ce fut toujours le cas, me dira-t-on ? M
2093 n ? Mais ce n’est point partout le cas. L’exemple de l’Allemagne peut nous faire réfléchir. Les philosophes y connaissent
2094 l’idée ; et même les théologiens. Le Römerbrief, de Barth, en est au 20e mille. Un Keyserling, un Heidegger, un Karl Jasp
2095 bord, et, en particulier, à cette espèce nouvelle de critiques qu’on nomme les « courriéristes littéraires ». Ce n’est un
2096 t pour beaucoup à déterminer le succès ou l’échec d’ une œuvre. Il semblerait, dès lors, que leur autorité — sinon de droit
2097 l semblerait, dès lors, que leur autorité — sinon de droit, du moins de fait — dût s’exercer au bénéfice des auteurs réput
2098 ors, que leur autorité — sinon de droit, du moins de fait — dût s’exercer au bénéfice des auteurs réputés « difficiles ».
2099 ontraire qu’on peut voir. Le critique qui dispose d’ un feuilleton régulier dans un hebdomadaire ou un quotidien n’est, en
2100 , pas un critique, mais un commentateur des goûts de son public. Bien loin d’avoir à cœur de signaler les œuvres qui risqu
2101 n commentateur des goûts de son public. Bien loin d’ avoir à cœur de signaler les œuvres qui risqueraient, sans lui, d’être
2102 des goûts de son public. Bien loin d’avoir à cœur de signaler les œuvres qui risqueraient, sans lui, d’être incomprises ou
2103 e signaler les œuvres qui risqueraient, sans lui, d’ être incomprises ou ignorées, il se contente, la plupart du temps, d’ê
2104 ou ignorées, il se contente, la plupart du temps, d’ être l’écho de la vague rumeur entretenue par la publicité autour d’un
2105 l se contente, la plupart du temps, d’être l’écho de la vague rumeur entretenue par la publicité autour d’un « succès » de
2106 a vague rumeur entretenue par la publicité autour d’ un « succès » de saison. Mais l’insuccès notoire des philosophes auprè
2107 ntretenue par la publicité autour d’un « succès » de saison. Mais l’insuccès notoire des philosophes auprès du grand publi
2108 vere se trouve être réalisé, et quel besoin alors d’ un deinde. Que demander aux hommes, sinon qu’ils vivent bien ! On se s
2109 hommes, sinon qu’ils vivent bien ! On se souvient de la noble réponse de ce proscrit de la Révolution auquel on demandait
2110 vivent bien ! On se souvient de la noble réponse de ce proscrit de la Révolution auquel on demandait à son retour en Fran
2111 On se souvient de la noble réponse de ce proscrit de la Révolution auquel on demandait à son retour en France ce qu’il ava
2112 ui se montre. Sous prétexte de science, la pensée de nos maîtres s’est tellement détachée du concret de nos vies que l’on
2113 e nos maîtres s’est tellement détachée du concret de nos vies que l’on comprend sans peine l’indifférence où le public la
2114 es qui se posent en fait. Mais que faut-il penser de ces techniques d’abstention ? ⁂ Tel est l’état des choses. Public et
2115 n fait. Mais que faut-il penser de ces techniques d’ abstention ? ⁂ Tel est l’état des choses. Public et philosophes ont si
2116 Public et philosophes ont si bien pris l’habitude de s’ignorer, qu’on est en droit de se demander si leur rencontre, à sup
2117 pris l’habitude de s’ignorer, qu’on est en droit de se demander si leur rencontre, à supposer qu’elle se produise, ne sig
2118 seurs ? On verrait éclater, je pense, l’absurdité d’ une pensée inhumaine, en même temps que l’incohérence d’une action tro
2119 pensée inhumaine, en même temps que l’incohérence d’ une action trop longtemps dépourvue de tout contrôle spirituel. N’est-
2120 incohérence d’une action trop longtemps dépourvue de tout contrôle spirituel. N’est-ce point l’obscur pressentiment d’un t
2121 spirituel. N’est-ce point l’obscur pressentiment d’ un tel péril qui explique, en dernière analyse, la méfiance réciproque
2122 ère analyse, la méfiance réciproque dont je viens d’ indiquer l’un des symptômes les plus extérieurs ? Supposez, maintenant
2123 n sait l’influence qu’il exerça sur les prodromes de l’hitlérisme.) Les risques qu’elle entraîne sont proprement incalcula
2124 ux-là seuls qui n’ont pas à subordonner la vérité de leur message aux calculs de l’opportunisme. Quelques exaltés, pensera
2125 subordonner la vérité de leur message aux calculs de l’opportunisme. Quelques exaltés, pensera-t-on ? Quelques cyniques, o
2126 ller quelques chrétiens. Leur office n’est-il pas de rappeler aux peuples où se trouvent les vraies valeurs, sans attendre
2127 rieuse ni plus nette vocation. Le lieu, les modes de son obéissance sont plus visibles qu’ils ne le furent jamais. Si la p
2128 et action se confondent. Si elle veut être digne de son nom, c’est à elle seule d’oser ce que les autres ne peuvent pas o
2129 le veut être digne de son nom, c’est à elle seule d’ oser ce que les autres ne peuvent pas oser. C’est à elle seule d’entre
2130 es autres ne peuvent pas oser. C’est à elle seule d’ entreprendre la confrontation générale des valeurs dont le monde croit
2131 nt. Car elle seule, si toutefois elle reste digne de sa charge, elle seule n’a rien à y perdre. Faut-il rappeler ici les
2132 . Faut-il rappeler ici les graves avertissements de Berdiaev ? Faut-il une fois de plus évoquer les menaces qui pèsent su
2133 ffrayer le chrétien, mais le risque plus immédiat de faillir à sa vocation. Ces réflexions nous serviront, pour aujourd’h
2134 Ces réflexions nous serviront, pour aujourd’hui, d’ introduction à deux essais de philosophes chrétiens : L’Homme du resse
2135 t, pour aujourd’hui, d’introduction à deux essais de philosophes chrétiens : L’Homme du ressentiment, de Max Scheler44, Po
2136 philosophes chrétiens : L’Homme du ressentiment, de Max Scheler44, Position et approches concrètes du mystère ontologique
2137 et approches concrètes du mystère ontologique 45, de Gabriel Marcel. L’un et l’autre, ils répondent au vœu que j’ai tenté
2138 n et l’autre, ils répondent au vœu que j’ai tenté de formuler. Ils s’attaquent à cette « transmutation des valeurs » que t
2139 sserl et Martin Heidegger. On sait que la coutume de ces philosophes est de fonder leurs analyses sur des totalités, sur d
2140 er. On sait que la coutume de ces philosophes est de fonder leurs analyses sur des totalités, sur des unités d’expérience
2141 leurs analyses sur des totalités, sur des unités d’ expérience sensible, saisies telles qu’elles se présentent au sein d’u
2142 grand service rendu par la phénoménologie, c’est de nous avoir délivrés d’une psychologie qui dissociait les unités vivan
2143 r la phénoménologie, c’est de nous avoir délivrés d’ une psychologie qui dissociait les unités vivantes en éléments abstrai
2144 ensuite ces éléments sans tenir compte du sens et de l’intention de l’ensemble. La « totalité d’expérience et d’actions vé
2145 ments sans tenir compte du sens et de l’intention de l’ensemble. La « totalité d’expérience et d’actions vécues » que Sche
2146 ns et de l’intention de l’ensemble. La « totalité d’ expérience et d’actions vécues » que Scheler étudie dans ce petit livr
2147 tion de l’ensemble. La « totalité d’expérience et d’ actions vécues » que Scheler étudie dans ce petit livre, c’est le phén
2148 s aristocratiques. La haine jalouse et rancunière de l’esclave opprimé, a trouvé, selon Nietzsche, son expression détourné
2149 enversement des valeurs « nobles » qu’il ne cesse de reprocher au christianisme. Voici comment il le décrit : … l’impuiss
2150 ent il le décrit : … l’impuissance qui n’use pas de représailles devient par un mensonge, la « bonté » ; la craintive bas
2151 soumission : ils l’appellent Dieu). Ce qu’il y a d’ inoffensif chez l’être faible, sa lâcheté, cette lâcheté dont il est r
2152 porte, inévitablement, cette lâcheté se pare ici d’ un nom bien sonnant, et s’appelle « patience », parfois même « vertu »
2153 us seuls savons ce qu’ils font »). On parle aussi de l’« amour de ses ennemis » et l’on « sue à grosses gouttes ». Il est
2154 ns ce qu’ils font »). On parle aussi de l’« amour de ses ennemis » et l’on « sue à grosses gouttes ». Il est facile de di
2155 et l’on « sue à grosses gouttes ». Il est facile de dire que Nietzsche exagère ; plus difficile de contester la cruelle p
2156 le de dire que Nietzsche exagère ; plus difficile de contester la cruelle pénétration dont témoigne un passage de ce genre
2157 r la cruelle pénétration dont témoigne un passage de ce genre. Mais si l’on donne raison à sa description du ressentiment
2158 ue Nietzsche allègue. Pour Scheler, les reproches de Nietzsche s’adressent en vérité à l’humanitarisme, et nullement à l’É
2159 humanitaires, qui me paraît renfermer l’essentiel de son livre. Le lecteur se sent pris de vertige à découvrir la profonde
2160 l’essentiel de son livre. Le lecteur se sent pris de vertige à découvrir la profondeur et la gravité des confusions morale
2161 nais pas de plus salutaire leçon pour un chrétien d’ aujourd’hui que ce chapitre impitoyable et précis. Voici sa thèse cent
2162 ale : nous en sommes venus à substituer « l’amour de l’humanité » à l’amour du prochain commandé par le Christ : et c’est
2163 andé par le Christ : et c’est au nom de cet amour de l’humanité que nous revendiquons les fausses valeurs décrites par Nie
2164 crites par Nietzsche. Nous ne voulons plus l’acte d’ amour personnel — qui est une valeur héroïque —, mais nous prônons tou
2165 ons tout simplement un sentiment que nous jugeons d’ autant plus « idéal » qu’il exige de nous un moindre sacrifice. (On él
2166 nous jugeons d’autant plus « idéal » qu’il exige de nous un moindre sacrifice. (On éloigne l’amour : ainsi l’amour de la
2167 re sacrifice. (On éloigne l’amour : ainsi l’amour de la patrie passe avant celui du prochain, l’amour du genre humain avan
2168 du prochain, l’amour du genre humain avant celui de la patrie.) Cet humanitarisme entraîne toute une série de perversions
2169 trie.) Cet humanitarisme entraîne toute une série de perversions : un certain altruisme d’abord, qui prend la place de l’a
2170 un certain altruisme d’abord, qui prend la place de l’acte de miséricorde ; une pitié veule et platonique qui est le cont
2171 n altruisme d’abord, qui prend la place de l’acte de miséricorde ; une pitié veule et platonique qui est le contraire du c
2172 onique qui est le contraire du courage et non pas de la cruauté ; un internationalisme qui n’est qu’une rancune contre la
2173 e ; un pacifisme qui traduit bien plus la crainte de « se faire des ennemis » que la surnaturelle paix annoncée par le Chr
2174 ceux qui luttent (dans leurs luttes et au-dessus d’ elles) ; un égalitarisme qui renie la réalité chrétienne de la vocatio
2175 ; un égalitarisme qui renie la réalité chrétienne de la vocation… Je suis loin d’épuiser la liste. L’extrême gravité que p
2176 a réalité chrétienne de la vocation… Je suis loin d’ épuiser la liste. L’extrême gravité que présentent ces perversions de
2177 L’extrême gravité que présentent ces perversions de l’Évangile vient de ce que les chrétiens s’y sont laissés prendre. C’
2178 ns s’y sont laissés prendre. C’est tout le procès de la morale laïque, ou kantienne, qu’amorce ici Scheler. Je ne veux don
2179 ’il propose. L’Épargne, autrefois participation de l’idéal évangélique de la pauvreté volontaire, c’est-à-dire de la not
2180 e, autrefois participation de l’idéal évangélique de la pauvreté volontaire, c’est-à-dire de la notion de sacrifice, et, p
2181 angélique de la pauvreté volontaire, c’est-à-dire de la notion de sacrifice, et, par ailleurs, qualité pratique (et non pa
2182 la pauvreté volontaire, c’est-à-dire de la notion de sacrifice, et, par ailleurs, qualité pratique (et non pas vertu) reco
2183 est désormais une vertu sans lien avec la notion de sacrifice ou avec l’idéal évangélique et, pour comble, vertu de riche
2184 u avec l’idéal évangélique et, pour comble, vertu de riche, mais qui retient encore le pathos chrétien que renferme le mot
2185 lignes décrivent assez bien le mouvement général de la critique de Scheler. À l’origine de toutes les valeurs bourgeoises
2186 nt assez bien le mouvement général de la critique de Scheler. À l’origine de toutes les valeurs bourgeoises il n’y a pas l
2187 nt général de la critique de Scheler. À l’origine de toutes les valeurs bourgeoises il n’y a pas la Loi, ni l’Évangile, il
2188 e, il y a tout au contraire une sournoise révolte de l’homme naturel, une poussée de ressentiment contre l’héroïsme chréti
2189 sournoise révolte de l’homme naturel, une poussée de ressentiment contre l’héroïsme chrétien ; à l’origine de l’amour de l
2190 entiment contre l’héroïsme chrétien ; à l’origine de l’amour de l’humanité, il y a, comme Fichte l’avait vu, une haine des
2191 ntre l’héroïsme chrétien ; à l’origine de l’amour de l’humanité, il y a, comme Fichte l’avait vu, une haine des hommes ; b
2192 a morale usurpe l’apparence évangélique, en haine de l’Évangile et de ses exigences concrètes. Est-il besoin de marquer, p
2193 ’apparence évangélique, en haine de l’Évangile et de ses exigences concrètes. Est-il besoin de marquer, pour finir, que ce
2194 gile et de ses exigences concrètes. Est-il besoin de marquer, pour finir, que cette critique de l’esprit bourgeois englobe
2195 besoin de marquer, pour finir, que cette critique de l’esprit bourgeois englobe également le socialisme humanitaire et le
2196 isme humanitaire et le marxisme, qui sont, à tant d’ égards, de simples aveux des tendances plus ou moins déguisées du bour
2197 itaire et le marxisme, qui sont, à tant d’égards, de simples aveux des tendances plus ou moins déguisées du bourgeois ? ⁂
2198 ait publiée depuis sa conversion. On est heureux de constater qu’elle marque un élargissement en même temps qu’une simpli
2199 élargissement en même temps qu’une simplification de sa pensée, par rapport au Journal métaphysique. M. Marcel est un de c
2200 rapport au Journal métaphysique. M. Marcel est un de ceux dont nous devons attendre qu’il fasse passer de l’air dans la ph
2201 ceux dont nous devons attendre qu’il fasse passer de l’air dans la philosophie française ; un de ceux pour lesquels philos
2202 asser de l’air dans la philosophie française ; un de ceux pour lesquels philosopher ne figure pas l’activité de ceux qui n
2203 our lesquels philosopher ne figure pas l’activité de ceux qui n’en veulent point avoir. Son essai manifeste une volonté tr
2204 avoir. Son essai manifeste une volonté très nette de passer outre aux prudences intéressées de la scolastique laïque. Nos
2205 s nette de passer outre aux prudences intéressées de la scolastique laïque. Nos après-venants seront sans doute fort étonn
2206 Nos après-venants seront sans doute fort étonnés d’ apprendre qu’il fallait, en 1934, un courage véritable pour utiliser e
2207 ce, la présence ou la fidélité. Certes, l’exemple de la phénoménologie a ouvert la voie à une nouvelle liberté de la pensé
2208 ménologie a ouvert la voie à une nouvelle liberté de la pensée ; mais, jusqu’ici, peu l’ont suivie, en France. Sachons gré
2209 uivie, en France. Sachons gré à M. Gabriel Marcel de nous donner l’exemple d’une « présence » et d’une « fidélité » vraime
2210 gré à M. Gabriel Marcel de nous donner l’exemple d’ une « présence » et d’une « fidélité » vraiment chrétienne. « Philosop
2211 el de nous donner l’exemple d’une « présence » et d’ une « fidélité » vraiment chrétienne. « Philosopher, c’est apprendre à
2212 é permanente du suicide est en ce sens48 le point d’ amorçage peut-être essentiel de toute pensée métaphysique » (p. 276).
2213 ce sens48 le point d’amorçage peut-être essentiel de toute pensée métaphysique » (p. 276). Je ne puis résumer que les thèm
2214 que » (p. 276). Je ne puis résumer que les thèmes d’ une méditation qui se propose pour objet d’approcher le mystère indéfi
2215 thèmes d’une méditation qui se propose pour objet d’ approcher le mystère indéfinissable de l’être. « Il faut qu’il y ait,
2216 pour objet d’approcher le mystère indéfinissable de l’être. « Il faut qu’il y ait, dit M. Marcel, ou il faudrait qu’il y
2217 y ait, dit M. Marcel, ou il faudrait qu’il y eût de l’être, que tout ne se réduisît pas à un jeu d’apparences successives
2218 t de l’être, que tout ne se réduisît pas à un jeu d’ apparences successives et inconsistantes — ce dernier mot est essentie
2219 mot est essentiel — ou, pour reprendre la phrase de Shakespeare, à une histoire racontée par un idiot » (p. 261). C’est u
2220 ontée par un idiot » (p. 261). C’est une histoire de ce genre qui caractérise malheureusement l’existence de l’homme moder
2221 genre qui caractérise malheureusement l’existence de l’homme moderne, emprisonné dans la catégorie du « tout naturel » inc
2222 tégorie du « tout naturel » incapable, par suite, de s’interroger sur les sources de son être. Les philosophes lui sont de
2223 pable, par suite, de s’interroger sur les sources de son être. Les philosophes lui sont de peu de recours. Ils ont fait de
2224 les sources de son être. Les philosophes lui sont de peu de recours. Ils ont fait de l’être un problème qu’ils placent dev
2225 losophes lui sont de peu de recours. Ils ont fait de l’être un problème qu’ils placent devant eux et qu’ils se mettent à c
2226 u ! Mais, dit l’auteur, « je ne puis me dispenser de me demander du même coup : qui suis-je, moi qui questionne sur l’être
2227 ’en approcher figure déjà par elle-même une sorte de participation concrète à l’être. Démarche négative du désespoir, posi
2228 l’être. Démarche négative du désespoir, positive de l’espérance, — elles sont inséparables jusqu’au bout, note M. Marcel,
2229 ui m’apparaît ici très « dialectique » — démarche de la création qui va toujours dans le sens de l’être, à condition qu’el
2230 arche de la création qui va toujours dans le sens de l’être, à condition qu’elle soit soutenue par une fidélité que l’aute
2231 l usage entièrement légitime qu’elle puisse faire de sa liberté consiste précisément à reconnaître qu’elle ne s’appartient
2232 rçu si schématique fait tort au caractère concret de cette méditation. Si son mérite principal est à mes yeux d’avoir reva
2233 éditation. Si son mérite principal est à mes yeux d’ avoir revalorisé un certain nombre de motifs vitaux négligés par la te
2234 t à mes yeux d’avoir revalorisé un certain nombre de motifs vitaux négligés par la technique idéaliste, d’autre part, il f
2235 te, d’autre part, il faut vivement louer l’auteur de conserver à chaque page le souci des références à l’actuel. La descri
2236 références à l’actuel. La description qu’il fait de l’homme moderne réduit à un complexe de fonctions ; ses allusions au
2237 u’il fait de l’homme moderne réduit à un complexe de fonctions ; ses allusions au désordre social ; la corrélation qu’il i
2238 chnique et une philosophie du désespoir, — autant de traits qui nous assurent que les problèmes débattus dans ce livre son
2239 ent que les problèmes débattus dans ce livre sont de ceux qui se posent ; non point de ceux que l’on se plaît à poser grat
2240 s ce livre sont de ceux qui se posent ; non point de ceux que l’on se plaît à poser gratuitement pour esquiver les choix c
2241 démarche assez sinueuse, le titre un peu rebutant de cet essai, ne nous empêcheront pas de voir qu’il y a là les éléments
2242 eu rebutant de cet essai, ne nous empêcheront pas de voir qu’il y a là les éléments d’une critique pénétrante de nos modes
2243 empêcheront pas de voir qu’il y a là les éléments d’ une critique pénétrante de nos modes de vivre, je dirai plus : quelque
2244 ’il y a là les éléments d’une critique pénétrante de nos modes de vivre, je dirai plus : quelques-uns des fondements d’une
2245 s éléments d’une critique pénétrante de nos modes de vivre, je dirai plus : quelques-uns des fondements d’une éthique de l
2246 ivre, je dirai plus : quelques-uns des fondements d’ une éthique de l’être qu’il est urgent que les chrétiens opposent à la
2247 plus : quelques-uns des fondements d’une éthique de l’être qu’il est urgent que les chrétiens opposent à la « morale des
2248 é. 43. On trouvera dans les excellents articles d’ Henry Corbin, publiés par Hic et Nunc (n° 1 et 2), le développement de
2249 iés par Hic et Nunc (n° 1 et 2), le développement de cette thèse : que philosopher ne peut être qu’une forme de vivre. 44
2250 thèse : que philosopher ne peut être qu’une forme de vivre. 44. Librairie Gallimard, collect. Les Essais. Traduit de l’al
2251 Librairie Gallimard, collect. Les Essais. Traduit de l’allemand par un anonyme. 45. Cet essai constitue la seconde partie
2252 onyme. 45. Cet essai constitue la seconde partie d’ un volume intitulé le Monde cassé. La première partie est un drame en
2253 ui n’est pas à proprement parler une illustration de l’essai, mais qui est né dans le même temps, et participe de la même
2254 mais qui est né dans le même temps, et participe de la même problématique (Desclée, De Brouwer). 46. Cf. Généalogie de l
2255 , et participe de la même problématique (Desclée, De Brouwer). 46. Cf. Généalogie de la Morale (Mercure de France). 47.
2256 atique (Desclée, De Brouwer). 46. Cf. Généalogie de la Morale (Mercure de France). 47. Converti au catholicisme après av
2257 it percer par endroits, dans ce livre, une espèce de ressentiment à l’égard de la Réforme : d’où une série d’erreurs assez
2258 espèce de ressentiment à l’égard de la Réforme : d’ où une série d’erreurs assez grossières sur Luther. 48. L’auteur ente
2259 entiment à l’égard de la Réforme : d’où une série d’ erreurs assez grossières sur Luther. 48. L’auteur entend : relativeme
2260 me paraît dangereusement lié à certain idéalisme de la « vie intérieure ». Je ne vois pas où le recueillement décrit par
2261 a place, entre la prière et l’acte, seuls moments d’ unité dans la vie du chrétien. v. Rougemont Denis de, « Deux essais
2262 ité dans la vie du chrétien. v. Rougemont Denis de , « Deux essais de philosophes chrétiens », Foi et Vie, Paris, mai 193
2263 chrétien. v. Rougemont Denis de, « Deux essais de philosophes chrétiens », Foi et Vie, Paris, mai 1934, p. 415-422.
19 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Notice biographique [Kierkegaard] (août 1934)
2264 t en 1855. Presque toute son œuvre, une vingtaine de volumes, à quoi nous pouvons ajouter dix-huit volumes de papiers post
2265 mes, à quoi nous pouvons ajouter dix-huit volumes de papiers posthumes, fut composée en l’espace de douze années. Le père
2266 es de papiers posthumes, fut composée en l’espace de douze années. Le père de Kierkegaard avait passé son enfance à garder
2267 udit le Dieu tout-puissant qui le laissait mourir de faim. Ce blasphème assombrit toute sa vie ; il ne l’empêcha pas de fa
2268 hème assombrit toute sa vie ; il ne l’empêcha pas de faire fortune. Et c’est ainsi que Kierkegaard reçut en héritage de so
2269 Et c’est ainsi que Kierkegaard reçut en héritage de son père, après une sévère éducation piétiste, un secret terrifiant e
2270 tira son œuvre ; sa fortune, il la confia à l’un de ses frères, ne voulant pas avoir affaire aux banques. Lorsqu’il mouru
2271 ans, il n’en subsistait rien. L’argent provenait d’ une malédiction, pensait-il, il l’avait donc dilapidé, surtout en dons
2272 ait très simple. Il travaillait une grande partie de la nuit. Il aimait se promener à l’aube. Puis il se remettait à écrir
2273 idi, on le voyait parcourir la rue la plus animée de la ville, parler, rire et discuter avec des bourgeois, des jeunes fil
2274 ilhouette, ses plaisanteries, il avait sa légende d’ « original ». On savait aussi qu’il était le meilleur écrivain de son
2275 On savait aussi qu’il était le meilleur écrivain de son pays. Sa première œuvre eut un immense succès ; mais à mesure qu’
2276 rta, effrayé. Lorsqu’en 1854 il se mit à attaquer de front, avec une extrême violence, le christianisme officiel et les év
2277 nt tous les hommes ». Le seul événement extérieur de sa vie fut la rupture de ses fiançailles avec Régine Olsen. Mais son
2278 seul événement extérieur de sa vie fut la rupture de ses fiançailles avec Régine Olsen. Mais son acte, après lequel il put
2279 ais son acte, après lequel il put mourir, certain d’ avoir accompli sa mission, ce fut son attaque contre le christianisme
2280 Christ de l’Évangile. Il avait terminé les études de théologie, mais il ne fut jamais pasteur. Il lui arriva pourtant de p
2281 il ne fut jamais pasteur. Il lui arriva pourtant de prêcher, et ses sermons, réunis sous le titre général de Discours d’é
2282 sermons, réunis sous le titre général de Discours d’ édification, remplissent plusieurs volumes. Ce furent les seuls écrits
2283 Tous ses ouvrages esthétiques et philosophiques, de la Répétition à l’Exercice du christianisme, en passant par la Maladi
2284 passant par la Maladie mortelle 50 et le Concept d’ angoisse, parurent sous divers pseudonymes symboliques. Il voulait sig
2285 ces ouvrages n’exprimaient pas encore la totalité de son message chrétien, et qu’il ne pouvait pas en assumer l’entière re
2286 Dieu et devant les hommes. Ce ne fut qu’à la fin de sa vie qu’il s’offrit sans masques à la lutte contre l’Église établie
2287 te à tendance religieuse » et non pas un « témoin de la vérité » ; c’est qu’il se faisait du christianisme une idée si pur
2288 eux grands maîtres, Heidegger et Jaspers, procède de sa philosophie de l’existence. La théologie barthienne se réclame de
2289 , Heidegger et Jaspers, procède de sa philosophie de l’existence. La théologie barthienne se réclame de sa thèse principal
2290 e l’existence. La théologie barthienne se réclame de sa thèse principale : « Il y a une différence qualitative infinie ent
2291 entre Dieu et l’homme. » Le sens réel et profond de toute son œuvre réside dans sa protestation à la fois violente et hum
2292 . Voici le jugement qu’un des meilleurs critiques de ce temps51 a porté sur l’ensemble de ses écrits : Kierkegaard fut le
2293 rs critiques de ce temps51 a porté sur l’ensemble de ses écrits : Kierkegaard fut le dernier grand protestant. On ne peut
2294 le… L’œuvre la plus profonde et la plus originale de Kierkegaard est son Concept de l’angoisse, auquel on ne peut trouver
2295 la plus originale de Kierkegaard est son Concept de l’angoisse, auquel on ne peut trouver d’analogie que chez Dostoïevski
2296 Concept de l’angoisse, auquel on ne peut trouver d’ analogie que chez Dostoïevski. Kierkegaard, d’ailleurs, ne peut être p
2297 lacé qu’à côté du poète russe. Tous deux marchent de pair, et aucun autre esprit du siècle ne les dépasse. 50. Traduite
2298 épasse. 50. Traduite en français sous le titre de Traité du désespoir. 51. Rudolf Kassner, dans Commerce, n° XII. w.
2299 sner, dans Commerce, n° XII. w. Rougemont Denis de , « Notice biographique [Kierkegaard] », Foi et Vie, Paris, août–septe
20 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Nécessité de Kierkegaard (août 1934)
2300 Nécessité de Kierkegaard (août 1934)x On appelle l’esprit… De quoi se plai
2301 kegaard (août 1934)x On appelle l’esprit… De quoi se plaint l’intelligence ? Si l’on en croit les écrits les plus
2302 nce ? Si l’on en croit les écrits les plus dignes de formuler son opinion, et qui sont pleins d’amères protestations contr
2303 ignes de formuler son opinion, et qui sont pleins d’ amères protestations contre le règne de la masse et les outrages diver
2304 ont pleins d’amères protestations contre le règne de la masse et les outrages divers encourus par l’individu, les Puissanc
2305 issances anonymes et le Standard seraient en voie de triompher, et ce serait aux dépens de l’humain. Au sein de cette cris
2306 xistence vient-il produire ? Car il est excellent de défendre son moi, surtout lorsqu’il détient plus de réalité que l’ano
2307 défendre son moi, surtout lorsqu’il détient plus de réalité que l’anonyme. Mais encore, il faudrait que ce moi fût fondé.
2308 udrait que ce moi fût fondé. Ce n’est pas évident de soi, si l’on peut dire : les marxistes le nient avec plus de passion
2309 l’on peut dire : les marxistes le nient avec plus de passion que les bourgeois n’apportent à l’affirmer. D’un côté, nous v
2310 ssion que les bourgeois n’apportent à l’affirmer. D’ un côté, nous voyons une foi, de l’autre, une mauvaise humeur, et cert
2311 ent à l’affirmer. D’un côté, nous voyons une foi, de l’autre, une mauvaise humeur, et certains pensent : une mauvaise cons
2312 ombre est plus précieux que le petit : Que la vie de l’esprit n’est possible que si l’on a d’abord assuré l’autre vie, la
2313 e vie, la vie des corps, les conditions physiques de l’existence. Que la justice est dans l’égalité de tous, et la vertu d
2314 de l’existence. Que la justice est dans l’égalité de tous, et la vertu dans l’opinion publique. Que l’histoire évolue selo
2315 évolue selon des lois fatales, et que la volonté de quelques-uns n’y changera rien. Que la révolte, enfin, d’un seul cont
2316 ues-uns n’y changera rien. Que la révolte, enfin, d’ un seul contre la foule serait la marque d’un affreux orgueil, si d’ab
2317 enfin, d’un seul contre la foule serait la marque d’ un affreux orgueil, si d’abord elle ne témoignait d’un ridicule défaut
2318 un affreux orgueil, si d’abord elle ne témoignait d’ un ridicule défaut de sens pratique. Et que disent alors les bourgeois
2319 i d’abord elle ne témoignait d’un ridicule défaut de sens pratique. Et que disent alors les bourgeois ? Les mêmes phrases,
2320 par le fait qu’ils y croient. Il s’agirait alors de croire à quelque chose qui légitime ce scepticisme ou cette « mesure 
2321 »… Sinon la foi des uns, fatalement, va triompher de la mauvaise humeur défensive des autres. Certes, on y a pensé. Les pl
2322 ertes, on y a pensé. Les plus hardis parlent déjà de rendre sa place à « l’esprit »… Mais, quel esprit ? Et qui l’a laissé
2323 e est plus grand que la foule anonyme, que la vie de l’esprit n’est possible que si l’on a d’abord renoncé à l’autre vie ;
2324 on a d’abord renoncé à l’autre vie ; que les lois de l’histoire ne sont rien si l’acte de l’homme les dément ; que la foi
2325 que les lois de l’histoire ne sont rien si l’acte de l’homme les dément ; que la foi d’un seul est plus forte, dans son hu
2326 rien si l’acte de l’homme les dément ; que la foi d’ un seul est plus forte, dans son humilité et devant Dieu, — car c’est
2327 si chacun n’est pas à sa place là où la vocation de Dieu l’a mis. Supposez qu’un tel homme existe. Que va-t-on faire de l
2328 upposez qu’un tel homme existe. Que va-t-on faire de lui, de ce héros, n’est-ce pas, des valeurs de l’esprit que justement
2329 qu’un tel homme existe. Que va-t-on faire de lui, de ce héros, n’est-ce pas, des valeurs de l’esprit que justement l’on fa
2330 re de lui, de ce héros, n’est-ce pas, des valeurs de l’esprit que justement l’on fait profession de défendre ? La biograph
2331 rs de l’esprit que justement l’on fait profession de défendre ? La biographie de Kierkegaard va nous l’apprendre. On comme
2332 l’on fait profession de défendre ? La biographie de Kierkegaard va nous l’apprendre. On commencera par mettre en doute so
2333 octeur Søren Kierkegaard ? C’est l’homme dépourvu de sérieux », lit-on dans un journal du temps. On se moquera de son aspe
2334 », lit-on dans un journal du temps. On se moquera de son aspect physique et de ses pantalons trop longs. On montrera sans
2335 du temps. On se moquera de son aspect physique et de ses pantalons trop longs. On montrera sans trop de peine que ses idée
2336 e ses pantalons trop longs. On montrera sans trop de peine que ses idées sont faites pour rendre la vie impossible, puisqu
2337 rtyre des braves chrétiens, comme si la religion, de toute éternité, n’était pas au contraire la façon la plus sage de sup
2338 é, n’était pas au contraire la façon la plus sage de supporter les maux de ce bas monde tel qu’il est ! L’Église, par la v
2339 raire la façon la plus sage de supporter les maux de ce bas monde tel qu’il est ! L’Église, par la voix de ses évêques, te
2340 e bas monde tel qu’il est ! L’Église, par la voix de ses évêques, tentera de prouver qu’il extravague ; on proposera en pu
2341 t ! L’Église, par la voix de ses évêques, tentera de prouver qu’il extravague ; on proposera en public de l’interdire d’ac
2342 prouver qu’il extravague ; on proposera en public de l’interdire d’accès au temple ; l’opinion unanime accablera son fol o
2343 xtravague ; on proposera en public de l’interdire d’ accès au temple ; l’opinion unanime accablera son fol orgueil : n’a-t-
2344 ol orgueil : n’a-t-il pas écrit que la presse est de nos jours l’obstacle décisif à la prédication du christianisme vérita
2345 qu’elles sont au pire, mais il faut prendre garde de laisser croire à nos contemporains que ce pire ne puisse être aggravé
2346 Qu’est-ce que l’esprit ? Donc, on nous parle de sauver l’esprit. Qu’est-ce que l’esprit ? « L’esprit, dit Kierkegaard
2347 dit Kierkegaard, c’est la puissance que le savoir d’ un homme exerce sur sa vie.52 » Ce n’est pas le savoir ; ce n’est pas
2348 s la puissance du savoir en exercice. Il y a bien de la différence. Le savoir autonome, ou la puissance, font décorer celu
2349 tre même au martyre. Ne soyez donc pas si pressés de défendre les « droits » de l’esprit : ce n’est pas une distinction. E
2350 ez donc pas si pressés de défendre les « droits » de l’esprit : ce n’est pas une distinction. Et lequel d’entre nous peut
2351 il a calculé la dépense ? Il faudrait bien savoir de quoi l’on parle, et ce n’est peut-être possible que si l’on sait bien
2352 l’on sait bien où l’on va. À quoi tend la pensée… de Kierkegaard ? Contre la presse et l’opinion publique, il proteste en
2353 multitudes, il revendique la charité mystérieuse de l’ironie ; contre l’histoire, il pose l’acte de l’homme responsable d
2354 e de l’ironie ; contre l’histoire, il pose l’acte de l’homme responsable de son destin. Mais tout cela va au martyre, dans
2355 l’histoire, il pose l’acte de l’homme responsable de son destin. Mais tout cela va au martyre, dans le monde qu’on nous pr
2356 Il se peut, si pourtant Dieu le veut. L’exigence de Kierkegaard se limite à l’instant du choix, où l’homme s’engage, « en
2357 chemin que Dieu lui montre, seul. Cette primauté de la foi sur les vérités qui font vivre, cette solitude première devant
2358 en cela que revendiquent les défenseurs du primat de l’esprit ? L’esprit est drame, attaque et risque. Et l’on peut douter
2359 rober, mais c’est une triste réponse à la révolte de ces pauvres qu’on redoute plus qu’on ne les aime… Si l’on voulait vra
2360 ne les aime… Si l’on voulait vraiment un champion de l’esprit, on ferait bien d’aller le prendre parmi ceux-là pour qui l’
2361 vraiment un champion de l’esprit, on ferait bien d’ aller le prendre parmi ceux-là pour qui l’esprit n’a pas à se défendre
2362 prit n’a pas à se défendre, mais bien à témoigner de son incarnation ; on ferait bien d’aller à ceux pour qui l’esprit n’e
2363 n à témoigner de son incarnation ; on ferait bien d’ aller à ceux pour qui l’esprit n’est pas une espèce de confort, mais u
2364 ler à ceux pour qui l’esprit n’est pas une espèce de confort, mais une aventure absolue et comme un jugement de l’homme ;
2365 t, mais une aventure absolue et comme un jugement de l’homme ; ainsi Pascal, Nietzsche, Dostoïevski. On pourrait en citer
2366 ourrait en citer quelques autres. Qu’ont-ils donc de commun, génie à part ? Peut-être leurs souffrances seulement. Mais s’
2367 leurs souffrances seulement. Mais s’il n’est pas de hiérarchie possible en ces parages, le sacrifice y tient lieu de mesu
2368 elle est la nouvelle grandeur, la nouvelle mesure de l’esprit. Nous irons donc à ce grand solitaire, à ce témoin extrême e
2369 n extrême et décisif dont la mort, comme un sceau d’ éternité, attesta dans sa plénitude la primauté de l’acte spirituel :
2370 d’éternité, attesta dans sa plénitude la primauté de l’acte spirituel : Kierkegaard. Le grand mal de l’époque, et la terre
2371 é de l’acte spirituel : Kierkegaard. Le grand mal de l’époque, et la terreur que commencent d’y semer nos faux dieux, ont
2372 and mal de l’époque, et la terreur que commencent d’ y semer nos faux dieux, ont réveillé quelques esprits, dont témoigne l
2373 e, ou pour mieux dire, la découverte, parmi nous, de cette pensée impitoyable. Remède du pire ? Il fallait bien qu’on se s
2374 her le médecin sévère que la santé moins déprimée d’ un autre siècle avait tué. C’est aussi qu’il est devenu possible de sa
2375 avait tué. C’est aussi qu’il est devenu possible de saisir, dans le déploiement des faits, et des plus marquants de l’épo
2376 s le déploiement des faits, et des plus marquants de l’époque, la vérité des anathèmes dont Kierkegaard salua leur naissan
2377 ur naissance. Nous nous tournons vers ce prophète de nos malheurs, nous retournons à l’origine où il se tient, nous metton
2378 où il se tient, nous mettons en lui notre espoir de trouver un autre chemin : un chemin qui ne mène à Rome, ni à Berlin,
2379 ren Kierkegaard est sans doute le penseur capital de notre époque, nous voulons dire : l’objection la plus absolue, la plu
2380 presque insupportable à la présence dans ce temps de l’éternel. Car il ne suffit pas d’applaudir à ses thèses pour apaiser
2381 dans ce temps de l’éternel. Car il ne suffit pas d’ applaudir à ses thèses pour apaiser ce regard qui nous perce, et si no
2382 es sourds à sa voix, comment étouffer le scandale de cette mort qui définit le destin de l’esprit parmi nous ? Si l’Opinio
2383 r le scandale de cette mort qui définit le destin de l’esprit parmi nous ? Si l’Opinion publique a tué Kierkegaard, elle n
2384 inion publique a tué Kierkegaard, elle n’a pas eu de prise sur les sarcasmes dont il l’a flétrie, plus charitables cependa
2385 cours en l’honneur du progrès, car tout l’honneur de notre temps sera peut-être, par une compensation mystérieuse, d’avoir
2386 sera peut-être, par une compensation mystérieuse, d’ avoir compris mieux qu’aucun autre le message du « solitaire devant Di
2387 , reparaître les traits ironiques du grand visage de Kierkegaard, il me vient à l’esprit une image dont le burlesque n’aur
2388 que n’aurait pas déplu à l’humeur shakespearienne de notre philosophe. C’est l’image du chat d’Alice in Wonderland. Souven
2389 rienne de notre philosophe. C’est l’image du chat d’ Alice in Wonderland. Souvenez-vous de ce chat, immense et subversif, d
2390 mage du chat d’Alice in Wonderland. Souvenez-vous de ce chat, immense et subversif, dont le rire a le don d’exaspérer la R
2391 chat, immense et subversif, dont le rire a le don d’ exaspérer la Reine. Elle tempête et hurle son cri favori : « Qu’on lui
2392 pose autour de cette angoissante mimique. Le rire de Kierkegaard sur notre temps ! Dans un monde où règne la masse, règne
2393 evant le dictateur, ni dans les rangs des troupes d’ assaut. Ah ! si le rire est le propre de l’homme, nous voici devenus b
2394 s troupes d’assaut. Ah ! si le rire est le propre de l’homme, nous voici devenus bien inhumains ! Il semble que chacun por
2395 blé par tous les malheurs du temps, dont il feint de se croire victime ou responsable53. De cet homme, justement, que l’Hi
2396 t il feint de se croire victime ou responsable53. De cet homme, justement, que l’Histoire fait trembler et qui se réfugie
2397 voir un film pour s’oublier dans un drame fictif, de cet homme affolé par la lecture de son journal, — mais qui porte l’en
2398 drame fictif, de cet homme affolé par la lecture de son journal, — mais qui porte l’enfer dans son âme ! — Kierkegaard a
2399 ini ». Il faut risquer cette expression : le rire de la charité chrétienne. « Le christianisme a découvert une misère dont
2400 rire scandaleux ? Parce que « la crainte infinie d’ un seul danger nous rendrait tous les autres inexistants ». Mais cette
2401 us les autres inexistants ». Mais cette « crainte d’ un seul danger » peut-elle encore, sérieusement, caractériser le chrét
2402 ore, sérieusement, caractériser le chrétien moyen de ce temps ? C’est ici que l’ironie de Kierkegaard tourne son aiguillon
2403 rétien moyen de ce temps ? C’est ici que l’ironie de Kierkegaard tourne son aiguillon contre le « monde chrétien », celui
2404 ontre le « monde chrétien », celui qui se réclame de l’esprit, ou qui fait profession de l’appeler. « Le Nouveau Testament
2405 ui se réclame de l’esprit, ou qui fait profession de l’appeler. « Le Nouveau Testament ressemble à une satire de l’homme.
2406 er. « Le Nouveau Testament ressemble à une satire de l’homme. Il contient des consolations et encore des consolations pour
2407 ine… » Et c’est la tragi-comédie du christianisme de la chrétienté. Pauvre chrétien moyen, qu’as-tu souffert pour ta doctr
2408 endant choisir. Ou bien tu crois à la seule grâce de Dieu, dans l’abîme infini où tu te vois, ou bien tu crois aussi à ce
2409 ù tu te vois, ou bien tu crois aussi à ce sérieux de l’existence symbolisé par la caisse d’épargne. Ou bien tu joues toute
2410 ce sérieux de l’existence symbolisé par la caisse d’ épargne. Ou bien tu joues toute ta vie sur le pardon, ou bien tu te re
2411 . Ou bien tu vois que la question brûlante, c’est de savoir si toi, tu es chrétien, ou bien tu vitupères les sans-Dieu de
2412 u es chrétien, ou bien tu vitupères les sans-Dieu de Russie. Mais sais-tu bien de quoi tu souffres ? De ton péché ou de ce
2413 upères les sans-Dieu de Russie. Mais sais-tu bien de quoi tu souffres ? De ton péché ou de celui des autres ? Comique amer
2414 e Russie. Mais sais-tu bien de quoi tu souffres ? De ton péché ou de celui des autres ? Comique amer et infini de ce « cro
2415 ais-tu bien de quoi tu souffres ? De ton péché ou de celui des autres ? Comique amer et infini de ce « croyant » qui tremb
2416 é ou de celui des autres ? Comique amer et infini de ce « croyant » qui tremble pour le sort de l’esprit dans le monde, et
2417 infini de ce « croyant » qui tremble pour le sort de l’esprit dans le monde, et pour son sort dans le monde sans esprit, e
2418 craintifs ? Attendrons-nous toujours le « réveil de la masse » pour affirmer que tous ces dieux sont des faux dieux ? Mai
2419 ent l’esprit ? Mais non, nous appelons le « règne de l’esprit », c’est bien moins dangereux ; tous en seront… « Deux quest
2420 x questions — dit encore Kierkegaard — témoignent de l’esprit : 1) Ce qu’on nous prêche, est-ce possible ? 2) Puis-je le f
2421 ? 2) Puis-je le faire ? Deux questions témoignent de l’absence de l’esprit : 1) Est-ce réel ? 2) Mon voisin Christofersen
2422 le faire ? Deux questions témoignent de l’absence de l’esprit : 1) Est-ce réel ? 2) Mon voisin Christofersen l’a-t-il fait
2423 sa doctrine… » (Mais non ! il souffre simplement de ce que tous ne l’ont pas admise) « … et il apporte sa consolation, et
2424 société ; il paraît devant une assemblée choisie d’ élus, et prêche avec émotion sur ce texte qu’il a choisi lui-même : “D
2425 nne ne rit ! »56. C’est alors que paraît le rire de Kierkegaard. Ce n’est pas le rire d’un Molière : Molière fait rire la
2426 raît le rire de Kierkegaard. Ce n’est pas le rire d’ un Molière : Molière fait rire la foule au dépens de l’extravagant. Ma
2427 un Molière : Molière fait rire la foule au dépens de l’extravagant. Mais Kierkegaard rit tout seul de la foule, de son sér
2428 de l’extravagant. Mais Kierkegaard rit tout seul de la foule, de son sérieux théâtral et fervent, et de sa peur de toute
2429 gant. Mais Kierkegaard rit tout seul de la foule, de son sérieux théâtral et fervent, et de sa peur de toute extravagance.
2430 la foule, de son sérieux théâtral et fervent, et de sa peur de toute extravagance. « On peut leur faire faire ce qu’on ve
2431 de son sérieux théâtral et fervent, et de sa peur de toute extravagance. « On peut leur faire faire ce qu’on veut, que ce
2432 il veut l’originalité. « Voilà pourquoi la Parole de Dieu est telle qu’on y trouve quelque passage qui dise le contraire d
2433 on y trouve quelque passage qui dise le contraire d’ un autre. » Car l’apparence de la contradiction nous oblige à choisir,
2434 i dise le contraire d’un autre. » Car l’apparence de la contradiction nous oblige à choisir, fait à la foi sa place, nous
2435 tion : c’est pourquoi ils se sentent unis en elle d’ une manière si touchante, et c’est ce qu’ils appellent l’amour.57 » Ri
2436 e, qui ressemble peut-être à la pitié énigmatique d’ un Dostoïevski. Ici tout le visage de Kierkegaard se recompose. Et l’o
2437 énigmatique d’un Dostoïevski. Ici tout le visage de Kierkegaard se recompose. Et l’on voit que son rire n’est rien que la
2438 que son rire n’est rien que la douleur du témoin de l’Esprit au milieu de la foule. L’originalité Qu’entend-il par
2439 oule. L’originalité Qu’entend-il par ce mot d’ originalité ? Il faut en rapporter le sens au centre même de sa pensée
2440 ité ? Il faut en rapporter le sens au centre même de sa pensée, ou si l’on veut, de son action. Et ce centre, c’est « la c
2441 ens au centre même de sa pensée, ou si l’on veut, de son action. Et ce centre, c’est « la catégorie du solitaire ». Bien d
2442 ut : anarchie, romantisme, individu. Il n’est que de les mesurer à la réalité dernière de l’homme. Qu’est-ce que l’homme ?
2443 Il n’est que de les mesurer à la réalité dernière de l’homme. Qu’est-ce que l’homme ? Une créature. Qu’est-ce que son ordr
2444 . Mais comment cela se peut-il, sinon par l’effet de la foi ? Il faut que Dieu l’appelle, qu’il le nomme et par là le sépa
2445 ui qui répond à la foi, cet appel. Quand on parle de romantisme, d’anarchie, d’individualisme, on ne parle jamais que de r
2446 la foi, cet appel. Quand on parle de romantisme, d’ anarchie, d’individualisme, on ne parle jamais que de révolte, mais d’
2447 appel. Quand on parle de romantisme, d’anarchie, d’ individualisme, on ne parle jamais que de révolte, mais d’une révolte,
2448 narchie, d’individualisme, on ne parle jamais que de révolte, mais d’une révolte, en fin de compte, imaginaire. Car l’ordr
2449 dualisme, on ne parle jamais que de révolte, mais d’ une révolte, en fin de compte, imaginaire. Car l’ordre de ce monde est
2450 évolte, en fin de compte, imaginaire. Car l’ordre de ce monde est lui-même en révolte contre l’ordre reçu de Dieu, qui ser
2451 monde est lui-même en révolte contre l’ordre reçu de Dieu, qui sera l’Ordre du Royaume. Et nier une négation, c’est s’enfo
2452 hrétien est position, obéissance. Si donc l’appel de Dieu isole du monde un homme, c’est que le monde, dans sa forme déchu
2453 devant Dieu, c’est celui qui se tient à l’origine de sa réalité. Celui-là seul connaît sa fin et l’ordre éternel de sa vie
2454 . Celui-là seul connaît sa fin et l’ordre éternel de sa vie. Celui-là seul peut juger de ce monde, et s’y tenir comme n’ét
2455 ordre éternel de sa vie. Celui-là seul peut juger de ce monde, et s’y tenir comme n’étant pas tenu. Il n’est pas d’autre «
2456 et s’y tenir comme n’étant pas tenu. Il n’est pas d’ autre « réaction » contre « le siècle », pas d’autre révolution créatr
2457 as d’autre « réaction » contre « le siècle », pas d’ autre révolution créatrice. Et tous nos appels à l’esprit, s’ils ne so
2458 ciétés), à la révolution, au capital, au jugement de l’opinion publique ; nous croyons au passé, au collectif, à l’avenir,
2459 istence qu’on leur prête : hélas ! il serait faux de dire qu’ils n’en ont pas… Mais encore une fois, ce n’est pas échapper
2460 ce n’est pas échapper aux chimères publiques que de les dénoncer pour telles en vertu d’une idée de l’homme que la raison
2461 e de les dénoncer pour telles en vertu d’une idée de l’homme que la raison païenne admet fort bien : nietzschéisme agressi
2462 du démoniaque qui veut être soi-même, « en haine de l’existence et selon sa misère ». Cette révolte n’est pas fondée dans
2463 rmation effective du monde. Elle participe encore de la dégradation. « Une objection vraiment méchante s’arcboute toujours
2464 i qui recourt à son moi révolté contre les forces d’ anéantissement, s’appuie sur le néant et précipite sa propre ruine. Le
2465 u’il ne peut être lui-même que par le droit divin de la Parole qui le distingue. Suprême humilité du solitaire ! Il ne sau
2466 ce n’est point qu’il la craigne, ou qu’il craigne d’ y perdre le pauvre moi des psychologues, son reproche à la foule, c’es
2467 n reproche à la foule, c’est qu’elle n’exige rien de lui. La foule nous veut tout simplement irresponsables, par cela seul
2468 elle nous reconnaît pour siens. Elle est le lieu de rendez-vous des hommes qui se fuient, eux et leur vocation. Elle n’es
2469 ux et leur vocation. Elle n’est personne, et tire de là son assurance dans le crime. « Il ne s’est pas trouvé un seul sold
2470 ité. Mais trois ou quatre femmes, dans l’illusion d’ être une foule et que personne peut-être ne saurait dire qui l’avait f
2471 ! Ô mensonge ! » La foule n’est rien que la fuite de chaque homme devant la responsabilité de son acte. « Car une foule es
2472 la fuite de chaque homme devant la responsabilité de son acte. « Car une foule est une abstraction, qui n’a pas de mains,
2473 « Car une foule est une abstraction, qui n’a pas de mains, mais chaque homme isolé a, dans la règle, deux mains, et lorsq
2474 x mains sur Marius, ce sont ses mains, non celles de son voisin et non celles de la foule qui n’a pas de mains. » Tout seu
2475 ses mains, non celles de son voisin et non celles de la foule qui n’a pas de mains. » Tout seul en face du Christ, un homm
2476 son voisin et non celles de la foule qui n’a pas de mains. » Tout seul en face du Christ, un homme oserait-il s’avancer e
2477 oserait-il s’avancer et cracher au visage du Fils de Dieu ? Mais qu’il soit foule, il aura ce « courage », — il l’a eu. Il
2478 rue seulement. Elle est dans la pensée des hommes de ce temps. Tout le génie paradoxal et réaliste de Kierkegaard consiste
2479 de ce temps. Tout le génie paradoxal et réaliste de Kierkegaard consiste à l’avoir dénoncée au plus intime de l’existence
2480 egaard consiste à l’avoir dénoncée au plus intime de l’existence individuelle. Chaque fois que nous disons d’un de nos die
2481 istence individuelle. Chaque fois que nous disons d’ un de nos dieux qu’il est puissant, nous témoignons de notre démission
2482 ce individuelle. Chaque fois que nous disons d’un de nos dieux qu’il est puissant, nous témoignons de notre démission. La
2483 de nos dieux qu’il est puissant, nous témoignons de notre démission. La foule n’a pas d’autre existence et pas d’autre po
2484 s témoignons de notre démission. La foule n’a pas d’ autre existence et pas d’autre pouvoir que mon refus d’exister devant
2485 ission. La foule n’a pas d’autre existence et pas d’ autre pouvoir que mon refus d’exister devant Dieu et d’exercer le pouv
2486 re existence et pas d’autre pouvoir que mon refus d’ exister devant Dieu et d’exercer le pouvoir que je suis. Elle n’est qu
2487 re pouvoir que mon refus d’exister devant Dieu et d’ exercer le pouvoir que je suis. Elle n’est que ma dégradation. Et tout
2488 oriques ou sociologiques sont comme une inversion de la théologie, sont une théologie de la dégradation. L’opposition de K
2489 une inversion de la théologie, sont une théologie de la dégradation. L’opposition de Kierkegaard et de Hegel59 trouve ici
2490 ont une théologie de la dégradation. L’opposition de Kierkegaard et de Hegel59 trouve ici son sens à la fois le plus profo
2491 de la dégradation. L’opposition de Kierkegaard et de Hegel59 trouve ici son sens à la fois le plus profond et le plus évid
2492 annir la possibilité scandaleuse des actes libres de la Providence. Entreprise effroyable et vaine, qui serait d’un comiqu
2493 dence. Entreprise effroyable et vaine, qui serait d’ un comique insondable si seulement l’homme des masses ne venait aujour
2494 Comment lui échapper ? N’est-il pas la voix même de cette Âme du monde, cet Esprit de la Forme qui se croit le Réel et qu
2495 as la voix même de cette Âme du monde, cet Esprit de la Forme qui se croit le Réel et qui pourtant n’est rien que le péché
2496 té, notre réalité sans cesse menacée par l’Esprit de transformation ? Notre réalité fuyarde et qui pourtant, par un artifi
2497 réalité fuyarde et qui pourtant, par un artifice de l’angoisse, se proclame autonome, s’absolutise, et s’adore elle-même 
2498 udrait se tenir, dans l’instant, « sous le regard de Dieu », comme disent les chrétiens. (Est-ce facile ? ou bien même pos
2499 facile ? ou bien même possible ? Est-ce un effet de notre choix, ou un moment de notre vie ? Ils en parlent bien aisément
2500 le ? Est-ce un effet de notre choix, ou un moment de notre vie ? Ils en parlent bien aisément…) Certains des plus lucides
2501 tends, à l’homme tel qu’il est, dans l’ordre même de son péché. Ainsi Maurras, lorsqu’il dénonce les mythes de l’hégéliani
2502 éché. Ainsi Maurras, lorsqu’il dénonce les mythes de l’hégélianisme social. « Le meilleur moyen de s’en affranchir sera d’
2503 hes de l’hégélianisme social. « Le meilleur moyen de s’en affranchir sera d’en revoir l’origine. Pour voiler le présent ce
2504 cial. « Le meilleur moyen de s’en affranchir sera d’ en revoir l’origine. Pour voiler le présent certain, ils hypothèquent
2505 , mais pour gagner ce dernier gage, les habitudes de l’esprit religieux leur font concevoir une Âme du Monde qu’ils se fig
2506 is sans franchise, ni précision) comme une espèce de vertébré monstre, invisible, mystérieusement répandu et vaporisé dans
2507 r (comment et pourquoi ?) nos désirs. Cette sorte de providence brute tout à fait inintelligible est le simple succédané d
2508 out à fait inintelligible est le simple succédané de l’intelligible providence surnaturelle.61 » Mais qui ne voit que cett
2509 se vivre. Et comment vivrait-il sinon par l’appel de la Providence ? Et comment se rendre à l’appel, si l’on pose ses cond
2510 Toute-puissance des mythes ! « Le meilleur moyen de s’en affranchir sera d’en revoir l’origine. » Seul, Kierkegaard sait
2511 hes ! « Le meilleur moyen de s’en affranchir sera d’ en revoir l’origine. » Seul, Kierkegaard sait nous la désigner, dans l
2512 Kierkegaard sait nous la désigner, dans le refus de cette « catégorie du solitaire », de l’homme qui vit de la Parole seu
2513 ans le refus de cette « catégorie du solitaire », de l’homme qui vit de la Parole seulement, entre les temps, dans l’insta
2514 te « catégorie du solitaire », de l’homme qui vit de la Parole seulement, entre les temps, dans l’instant éternel. Le s
2515 ce hégélien, c’est l’objectivité : cette attitude de l’homme qui ne veut plus être sujet de son action, qui l’abandonne au
2516 e attitude de l’homme qui ne veut plus être sujet de son action, qui l’abandonne aux lois mythiques de l’histoire. Kierkeg
2517 de son action, qui l’abandonne aux lois mythiques de l’histoire. Kierkegaard au contraire nous répète : « La subjectivité
2518 jectivité est la vérité. » La liberté, la dignité de l’homme, c’est qu’il soit seul le sujet de sa vie. Mais encore faut-i
2519 ignité de l’homme, c’est qu’il soit seul le sujet de sa vie. Mais encore faut-il se garder d’entendre l’expression au sens
2520 le sujet de sa vie. Mais encore faut-il se garder d’ entendre l’expression au sens des romantiques. Je suis sujet, mais il
2521 omantiques. Je suis sujet, mais il reste à savoir d’ où vient ce je, comment il peut agir. S’agit-il d’un impérialisme du m
2522 d’où vient ce je, comment il peut agir. S’agit-il d’ un impérialisme du moi pur, tel que Fichte l’a follement rêvé ? Si c’e
2523 du désespoir total. Maintenant, tu vas témoigner de la puissance que ton savoir exerce sur ta vie. Tu te croyais un moi :
2524 tombe du « héros », dernière insulte62. Il s’agit de savoir maintenant au nom de quoi tu agiras, si tu agis. Un « moi pur 
2525 u agis. Un « moi pur », son premier devoir, c’est de persévérer dans son être agissant : en cette extrémité, le compromis
2526 évoltante que rien au monde ne pourrait permettre d’ accepter, quand le martyr reçoit sa mort avec une sorte de sobriété… L
2527 er, quand le martyr reçoit sa mort avec une sorte de sobriété… Le croyant seul agit, et seul il peut être sujet de son act
2528 Le croyant seul agit, et seul il peut être sujet de son action, mais c’est qu’il est, dans l’autre sens du terme, « assuj
2529 qui vit en lui. C’est dans ce sens que la formule de Kierkegaard est vraie. La sujétion totale est seule active. Elle est
2530 . Elle est aussi présence au monde. Dans ce temps de la masse, où nous vivons, le « solitaire devant Dieu » est aussi l’ho
2531 lui, il peut réellement et jusqu’au bout accepter de vivre hic et nunc, quand la foule est ubiquité et fuite sans fin dans
2532 ou l’avenir. Un seul utile à tous La phrase de Carlyle est connue, résumant l’utilitarisme de Bentham : « Étant donn
2533 se de Carlyle est connue, résumant l’utilitarisme de Bentham : « Étant donné un monde plein de coquins, montrer que la ver
2534 tarisme de Bentham : « Étant donné un monde plein de coquins, montrer que la vertu est le résultat de leurs aspirations co
2535 de coquins, montrer que la vertu est le résultat de leurs aspirations collectives. » Renversant ce rapport il ne resterai
2536 » Renversant ce rapport il ne resterait à montrer de Kierkegaard que sa « catégorie du solitaire » est le seul fondement p
2537 rie du solitaire » est le seul fondement pratique d’ une collectivité vraiment vivante. Cependant, il vaut mieux se garder
2538 iment vivante. Cependant, il vaut mieux se garder d’ insister sur un tel rétablissement. Pour deux raisons, je crois. Qui,
2539 ans autre, comme donnée ? La tentation est forte, de passer d’une critique des collectivités mensongères de ce temps à l’u
2540 comme donnée ? La tentation est forte, de passer d’ une critique des collectivités mensongères de ce temps à l’utopie d’un
2541 sser d’une critique des collectivités mensongères de ce temps à l’utopie d’une communauté chrétienne, par l’artifice indis
2542 collectivités mensongères de ce temps à l’utopie d’ une communauté chrétienne, par l’artifice indispensable, mais peut-êtr
2543 indispensable, mais peut-être aussi tout formel, de l’isolement devant Dieu. Et, d’autre part, l’acte du « solitaire » n’
2544 , d’autre part, l’acte du « solitaire » n’est pas de ceux dont nous ayons à développer les conséquences. Ou bien il est, e
2545 les conséquences. Ou bien il est, et c’est l’acte de Dieu, ou bien je l’imagine, et mon discours est vain. À qui pressent,
2546 kegaard a témoigné, il n’apparaît plus nécessaire de réfuter les objections du « sens social ». Plusieurs ouvrages de Kier
2547 objections du « sens social ». Plusieurs ouvrages de Kierkegaard portent cette dédicace fameuse : « Au solitaire que j’app
2548 se sent atteint, mais si l’on parle au solitaire de son angoisse, c’est de la mienne. Kierkegaard s’adresse au chrétien,
2549 si l’on parle au solitaire de son angoisse, c’est de la mienne. Kierkegaard s’adresse au chrétien, comme au seul responsab
2550 i nous. Il sait bien qu’en tous temps, le malheur de l’époque ne provient pas de ce qu’elle est « sans Dieu », car nul siè
2551 ous temps, le malheur de l’époque ne provient pas de ce qu’elle est « sans Dieu », car nul siècle, comme tel, ne fut jamai
2552 mme tel, ne fut jamais chrétien, mais bien plutôt de ce qu’elle est sans maîtres, c’est-à-dire sans martyrs pour l’enseign
2553 saveur, c’est à lui seul que l’on peut reprocher d’ être insipide. Rien ne sera jamais réel pour tous, si rien d’abord n’e
2554 aider ?). Ou bien seulement nous a-t-il délivrés de nos derniers prétextes, de nos dernières incertitudes sur la nature e
2555 t nous a-t-il délivrés de nos derniers prétextes, de nos dernières incertitudes sur la nature et sur les exigences concrèt
2556 udes sur la nature et sur les exigences concrètes de l’esprit ? Mais ne fallait-il pas qu’il ait connu de grandes aides po
2557 l’esprit ? Mais ne fallait-il pas qu’il ait connu de grandes aides pour oser nous montrer la vanité de toutes les nôtres ?
2558 de grandes aides pour oser nous montrer la vanité de toutes les nôtres ? Somnium narrare vigilantis est. L’aveu total de n
2559 es ? Somnium narrare vigilantis est. L’aveu total de notre désespoir témoigne seul de la consolation. 52. Journal, tom
2560 st. L’aveu total de notre désespoir témoigne seul de la consolation. 52. Journal, tome X. 53. « Là encore, le clerc m
2561 e est protestant », ajoute M. Benda, qui, en fait de protestants, ne connaît guère que Renouvier, son maître… 54. Jean XI
2562 ître… 54. Jean XI, 4. 55. Stades sur le chemin de la vie. 56. L’instant. 57. Journal. 58. Traité du désespoir, p.
2563 e reviendrai pas, ici, sur l’aspect philosophique de cette opposition, que Jean Wahl a remarquablement exposé dans un arti
2564 ean Wahl a remarquablement exposé dans un article de la Revue philosophique (nov.-déc. 1931). 60. Journal. 61. Le chem
2565 ire : « “Moi, je ne le puis pas.” Et s’il est fou de penser que tous doivent l’être, il est encore beaucoup plus fou qu’au
2566 ux nécessités quotidiennes est encore un prétexte de l’angoisse. Si la vie quotidienne est si peu dramatique, cela ne sign
2567 fameuse « vie quotidienne » n’est peut-être rien d’ autre qu’un dernier méfait de « la foule » dans notre existence morale
2568 n’est peut-être rien d’autre qu’un dernier méfait de « la foule » dans notre existence morale. Une question mal posée. Un
2569 rouble porté sur la réalité. x. Rougemont Denis de , « Nécessité de Kierkegaard », Foi et Vie, Paris, août–septembre 1934
2570 la réalité. x. Rougemont Denis de, « Nécessité de Kierkegaard », Foi et Vie, Paris, août–septembre 1934, p. 605-620.
21 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Kasimir Edschmid, Destin allemand (octobre 1934)
2571 tin allemand (octobre 1934)y Le meilleur livre de l’année. Je crois bien pouvoir l’affirmer. Le roman le plus fort, le
2572 le plus impressionnant, celui qui apporte le plus de nouveauté, d’humanité, de grandeur. J’ai d’autant plus envie de le di
2573 sionnant, celui qui apporte le plus de nouveauté, d’ humanité, de grandeur. J’ai d’autant plus envie de le dire qu’on n’a p
2574 lui qui apporte le plus de nouveauté, d’humanité, de grandeur. J’ai d’autant plus envie de le dire qu’on n’a pas annoncé s
2575 plus de nouveauté, d’humanité, de grandeur. J’ai d’ autant plus envie de le dire qu’on n’a pas annoncé sa parution à grand
2576 d’humanité, de grandeur. J’ai d’autant plus envie de le dire qu’on n’a pas annoncé sa parution à grand fracas, et qu’à ma
2577 ui n’est pas très étonnant, d’ailleurs. Il s’agit d’ une œuvre allemande, d’un auteur inconnu en France jusqu’ici, d’un rom
2578 ant, d’ailleurs. Il s’agit d’une œuvre allemande, d’ un auteur inconnu en France jusqu’ici, d’un roman qui veut dire quelqu
2579 lemande, d’un auteur inconnu en France jusqu’ici, d’ un roman qui veut dire quelque chose — quelque chose qui ne plaira pas
2580 rmée bolivienne, mais sans contrat, car le traité de Versailles interdit à la Bolivie d’utiliser les services des Allemand
2581 car le traité de Versailles interdit à la Bolivie d’ utiliser les services des Allemands. Pendant leur traversée, un coup d
2582 es des Allemands. Pendant leur traversée, un coup d’ État renverse le gouvernement qui les avait appelés officieusement. Il
2583 hercher fortune en Argentine, dans une plantation de thé où, d’ailleurs, la crise mondiale l’aura précédé. Les quatre autr
2584 s quatre autres atteignent enfin La Paz, capitale de la Bolivie, ville étrange, perdue à 4000 mètres d’altitude dans un dé
2585 e la Bolivie, ville étrange, perdue à 4000 mètres d’ altitude dans un désert glacé, dominé par d’énormes cimes neigeuses. L
2586 ètres d’altitude dans un désert glacé, dominé par d’ énormes cimes neigeuses. Le ministre de la Guerre, un métis assez susp
2587 dominé par d’énormes cimes neigeuses. Le ministre de la Guerre, un métis assez suspect, les paye mais ne leur donne rien à
2588 ne rien à faire ; finalement, pour se débarrasser d’ eux, il les fait tomber dans un piège grossier : un agent provocateur
2589 un engagement au Paraguay, qu’ils ont la naïveté d’ accepter. Accusés de haute trahison, ils sont jetés aussitôt dans une
2590 raguay, qu’ils ont la naïveté d’accepter. Accusés de haute trahison, ils sont jetés aussitôt dans une prison infecte, avec
2591 on infecte, avec des Indiens lépreux. Le ministre d’ Allemagne à La Paz, Pillau, réussit à les tirer de là après des semain
2592 d’Allemagne à La Paz, Pillau, réussit à les tirer de là après des semaines d’efforts fiévreux, durant lesquelles il éprouv
2593 lau, réussit à les tirer de là après des semaines d’ efforts fiévreux, durant lesquelles il éprouve amèrement la faiblesse
2594 rant lesquelles il éprouve amèrement la faiblesse de son autorité, c’est-à-dire la faiblesse de l’Allemagne sur le plan in
2595 blesse de son autorité, c’est-à-dire la faiblesse de l’Allemagne sur le plan international. Les quatre hommes s’en vont à
2596 os Aires, et, là, à bout de ressources, acceptent de collaborer à une révolution qui va bouleverser le Brésil. Ils retrouv
2597 n qui va bouleverser le Brésil. Ils retrouvent un de leurs compagnons du début, celui qui était parti pour le Venezuela, e
2598 ire tuer ensemble devant Rio de Janeiro, au cours d’ un combat acharné contre une section des troupes régulières, dont le c
2599 ulières, dont le chef n’est autre que le planteur de thé, le sixième camarade. Voilà qui donne l’idée d’un roman d’aventur
2600 thé, le sixième camarade. Voilà qui donne l’idée d’ un roman d’aventures. Destin allemand est bien, entre autres, un roman
2601 xième camarade. Voilà qui donne l’idée d’un roman d’ aventures. Destin allemand est bien, entre autres, un roman d’aventure
2602 Destin allemand est bien, entre autres, un roman d’ aventures, et même d’une intensité peu commune. Mais cet aspect-là, qu
2603 bien, entre autres, un roman d’aventures, et même d’ une intensité peu commune. Mais cet aspect-là, qui suffit d’ailleurs à
2604 obsédant, ne suffit pas à expliquer l’impression de grandeur brutale et grave à la fois qui demeure dans l’esprit, bien a
2605 ésumé laisse à peine entrevoir le véritable sujet de l’œuvre, celui que désigne le titre. Ces six hommes63 ont été chassés
2606 ésigne le titre. Ces six hommes63 ont été chassés de leur pays par une crise qui n’est pas seulement économique, par une c
2607 nd. Ce dont ils souffrent, ce n’est pas seulement de manquer de travail et de ne pas gagner leur pain, mais c’est surtout
2608 ils souffrent, ce n’est pas seulement de manquer de travail et de ne pas gagner leur pain, mais c’est surtout de constate
2609 , ce n’est pas seulement de manquer de travail et de ne pas gagner leur pain, mais c’est surtout de constater que l’Allema
2610 et de ne pas gagner leur pain, mais c’est surtout de constater que l’Allemagne, pour laquelle ils se sont battus, n’a plus
2611 ur laquelle ils se sont battus, n’a plus la force d’ utiliser leurs énergies, leurs vocations humaines. L’un d’eux est arch
2612 er leurs énergies, leurs vocations humaines. L’un d’ eux est architecte, et il rêvait d’entreprises coloniales : mais on ne
2613 humaines. L’un d’eux est architecte, et il rêvait d’ entreprises coloniales : mais on ne construit plus, là-bas, et il n’y
2614 is on ne construit plus, là-bas, et il n’y a plus de colonies. D’autres étaient mécaniciens, aviateurs ; un autre encore,
2615 mécaniciens, aviateurs ; un autre encore, employé de bureau ; le dernier, paysan. On n’a pas voulu d’eux, là-bas. Et les v
2616 de bureau ; le dernier, paysan. On n’a pas voulu d’ eux, là-bas. Et les voici lancés dans une vie d’aventures qu’ils n’ava
2617 u d’eux, là-bas. Et les voici lancés dans une vie d’ aventures qu’ils n’avaient pas voulue, qui les détourne de toutes leur
2618 res qu’ils n’avaient pas voulue, qui les détourne de toutes leurs espérances. Ce n’est point qu’ils aient peur, mais tout
2619 oce à supporter que ce sentiment-là ; l’absurdité de sa vie, l’absurdité du destin qu’on subit. Arrachés de leur terre et
2620 vie, l’absurdité du destin qu’on subit. Arrachés de leur terre et de leur peuple, ils s’en vont au-devant d’une existence
2621 du destin qu’on subit. Arrachés de leur terre et de leur peuple, ils s’en vont au-devant d’une existence qui n’a plus auc
2622 terre et de leur peuple, ils s’en vont au-devant d’ une existence qui n’a plus aucun but, au-devant de souffrances qui ne
2623 d’une existence qui n’a plus aucun but, au-devant de souffrances qui ne servent à rien. Ce sont des hommes très simples et
2624 cilement. Seul Pillau, le ministre, l’incarnation de leur nation, saura leur dire le mot de ce destin. « Nous avons perdu
2625 ncarnation de leur nation, saura leur dire le mot de ce destin. « Nous avons perdu la guerre, Bell, et dans la situation o
2626 s affirmer que par le sacrifice… Il ne s’agit pas de ces sacrifices dont on s’acquitte avec son argent ou avec son travail
2627 cquitte avec son argent ou avec son travail, mais de sacrifices pour lesquels on joue sa propre existence intérieure. » Le
2628 joue sa propre existence intérieure. » Le destin de ces déracinés, ce sera désormais de porter en eux-mêmes l’image tragi
2629 . » Le destin de ces déracinés, ce sera désormais de porter en eux-mêmes l’image tragique de leur patrie, l’idée profonde
2630 désormais de porter en eux-mêmes l’image tragique de leur patrie, l’idée profonde de leur nation, que Pillau définit comme
2631 l’image tragique de leur patrie, l’idée profonde de leur nation, que Pillau définit comme la fidélité, et de tout sacrifi
2632 nation, que Pillau définit comme la fidélité, et de tout sacrifier à cette fidélité. À mesure qu’ils s’éloignent de leur
2633 ier à cette fidélité. À mesure qu’ils s’éloignent de leur patrie, cette image grandit en eux, prend forme et puissance, et
2634 ent. Mais leur drame s’exprime dans la méditation de Pillau, d’une manière non moins tragique. « Il découvrit, pour la pre
2635 eur drame s’exprime dans la méditation de Pillau, d’ une manière non moins tragique. « Il découvrit, pour la première fois,
2636 ouvrit, pour la première fois, une forme nouvelle de patriotisme, une façon silencieuse, profonde, bouleversée, broyée, so
2637 uleversée, broyée, souffrante, et pourtant fière, d’ être Allemand, de garder la tête haute pour l’Allemagne, et de partici
2638 , souffrante, et pourtant fière, d’être Allemand, de garder la tête haute pour l’Allemagne, et de participer au destin qui
2639 and, de garder la tête haute pour l’Allemagne, et de participer au destin qui lui était échu pour un temps. Ce destin qui
2640 ’Allemagne, après la guerre, à vivre dans un état de guerre encore plus cruel qu’auparavant, et qui en faisait un pays pau
2641 ue Bell, le chef du petit groupe, agonise au fond d’ une tranchée, sous les murs du fort de Capocabana, il a soudain la vis
2642 ise au fond d’une tranchée, sous les murs du fort de Capocabana, il a soudain la vision d’une Allemagne future renaissant
2643 urs du fort de Capocabana, il a soudain la vision d’ une Allemagne future renaissant de son calvaire, purifiée et galvanisé
2644 udain la vision d’une Allemagne future renaissant de son calvaire, purifiée et galvanisée par ses sacrifices. La haute sta
2645 t galvanisée par ses sacrifices. La haute stature de Pillau se dresse devant lui. Une fois encore, Pillau lui montre le se
2646 is encore, Pillau lui montre le sens du sacrifice de « ces jeunes gens qui sont entrés dans le malheur la tête haute ». Ca
2647 ssédaient rien, qui ont écrit les pages héroïques de l’histoire, et non les gens âgés qui possédaient tout. Ces jeunes All
2648 tout. Ces jeunes Allemands qui doivent supporter, de nos jours, toutes les misères du monde au fond de leur exil, ceux-là
2649 de nos jours, toutes les misères du monde au fond de leur exil, ceux-là deviendront sûrement un matériel incomparable. Car
2650 r faire sentir à quelle hauteur se situe le drame de ce livre. Nous sommes bien loin de la « propagande » nationaliste et
2651 hitlériennes64. Nous sommes ici au nœud tragique de ce problème allemand qui domine l’après-guerre, et dont le dénouement
2652 s-guerre, et dont le dénouement doit nous laisser d’ autant moins indifférents que notre sort à tous, Européens, y est enga
2653 opéens, y est engagé. À vrai dire, il est malaisé de faire la part, dans ce drame, de ce qui est national et de ce qui est
2654 , il est malaisé de faire la part, dans ce drame, de ce qui est national et de ce qui est plus généralement humain. Destin
2655 la part, dans ce drame, de ce qui est national et de ce qui est plus généralement humain. Destin allemand pourrait aussi s
2656  La condition humaine ». Et plusieurs des paroles de Pillau, — les plus belles peut-être — pourraient s’appliquer au desti
2657 lles peut-être — pourraient s’appliquer au destin de n’importe quelle nation, de n’importe quelle communauté. Le « fait na
2658 s’appliquer au destin de n’importe quelle nation, de n’importe quelle communauté. Le « fait nation », dans les dernières p
2659 é. Le « fait nation », dans les dernières phrases de Pillau, n’apparaît-il pas lié au seul malheur des hommes ? Et n’est-c
2660 es hommes ? Et n’est-ce point là le vrai tragique de l’Allemagne actuelle, que son destin la force à n’envisager plus le s
2661 ue son destin la force à n’envisager plus le sort de l’homme que sous l’aspect du sort de la nation ? Tel est, je crois, l
2662 plus le sort de l’homme que sous l’aspect du sort de la nation ? Tel est, je crois, le problème central qu’impose ce livre
2663 ait sur le point de vue strictement « allemand » de l’auteur, qu’il est peu de problèmes plus graves pour notre avenir im
2664 enfoncé profondément dans la vie africaine ; et, de toutes ces enquêtes passionnées, il rapporte une certitude assez impr
2665 essionnante : partout où il se crée quelque chose de durable dans le monde, c’est l’œuvre d’un blanc. Les blancs seuls ont
2666 que chose de durable dans le monde, c’est l’œuvre d’ un blanc. Les blancs seuls ont su créer des empires solides, des valeu
2667 des empires solides, des valeurs morales stables, de la fidélité. Les blancs seuls savent tenir une parole, se sacrifier à
2668 re anglais se dissocie lentement. La France doute de sa mission. L’Espagne est morte, et le spectacle de la vie politique
2669 sa mission. L’Espagne est morte, et le spectacle de la vie politique en Amérique du Sud fait mesurer la déchéance d’une r
2670 ique en Amérique du Sud fait mesurer la déchéance d’ une race qui n’a pas su se garder pure. Alors ? Serait-ce bientôt l’he
2671 se garder pure. Alors ? Serait-ce bientôt l’heure de l’Allemagne ? On sent partout cette interrogation, cette anxieuse esp
2672 rogation, cette anxieuse espérance, dans le livre d’ Edschmid. Et l’on découvre, pour la première fois peut-être, l’arrière
2673 allemand, comme on lirait dans la conscience même d’ un peuple. Il faut avoir éprouvé par ce livre la grandeur d’une telle
2674 e. Il faut avoir éprouvé par ce livre la grandeur d’ une telle espérance, si l’on veut juger sainement la politique étrange
2675 si l’on veut juger sainement la politique étrange de cette nation. Mais j’ai dit que cette œuvre pourrait s’intituler tout
2676 ecteurs français en soient choqués — le sentiment d’ une fraternité humaine que le roman d’André Malraux, qui porte précisé
2677 e sentiment d’une fraternité humaine que le roman d’ André Malraux, qui porte précisément ce titre, était loin d’évoquer av
2678 lraux, qui porte précisément ce titre, était loin d’ évoquer avec une pareille puissance. J’ai eu l’occasion de dire, ici m
2679 r avec une pareille puissance. J’ai eu l’occasion de dire, ici même, mon admiration pour les livres de M. Malraux. Je suis
2680 de dire, ici même, mon admiration pour les livres de M. Malraux. Je suis d’autant plus libre pour affirmer aujourd’hui que
2681 admiration pour les livres de M. Malraux. Je suis d’ autant plus libre pour affirmer aujourd’hui que le roman d’Edschmid es
2682 plus libre pour affirmer aujourd’hui que le roman d’ Edschmid est d’une classe nettement supérieure. J’ajouterai même que c
2683 affirmer aujourd’hui que le roman d’Edschmid est d’ une classe nettement supérieure. J’ajouterai même que c’est un bel élo
2684 J’ajouterai même que c’est un bel éloge du talent de M. Malraux que de constater que ses livres sont les seuls ouvrages fr
2685 ue c’est un bel éloge du talent de M. Malraux que de constater que ses livres sont les seuls ouvrages français qu’on puiss
2686 lus sain ; moins complaisant surtout aux voluptés de l’aventure, à la psychologie de la douleur physique. Ses héros subiss
2687 tout aux voluptés de l’aventure, à la psychologie de la douleur physique. Ses héros subissent, avec un héroïsme et une rév
2688 t, avec un héroïsme et une révolte plus émouvants d’ être silencieux, des tortures dont les héros de Malraux n’ont pas touj
2689 ts d’être silencieux, des tortures dont les héros de Malraux n’ont pas toujours renoncé à faire de la littérature. On comp
2690 ros de Malraux n’ont pas toujours renoncé à faire de la littérature. On comprend bien que je n’oppose pas ici le nationali
2691 uniste. Je ne partage pas plus les idées racistes d’ Edschmid que les idées marxistes de Malraux (encore que l’un et l’autr
2692 idées racistes d’Edschmid que les idées marxistes de Malraux (encore que l’un et l’autre fassent figure d’hérétiques dans
2693 alraux (encore que l’un et l’autre fassent figure d’ hérétiques dans leurs camps respectifs). Mais sur le plan de l’art rom
2694 es dans leurs camps respectifs). Mais sur le plan de l’art romanesque, autant que sur le plan généralement humain, je suis
2695 ur le plan généralement humain, je suis contraint de reconnaître qu’Edschmid est le plus authentique. Il y a, dans Destin
2696 hentique. Il y a, dans Destin allemand, un timbre de voix métallique, une sobriété amère et courageuse, un souffle, une gr
2697 ndeur enfin qui nous ramènent puissamment au sens de la réalité humaine, au sens de la dégradation humaine, au sens du péc
2698 uissamment au sens de la réalité humaine, au sens de la dégradation humaine, au sens du péché concret de l’homme. Et qui r
2699 la dégradation humaine, au sens du péché concret de l’homme. Et qui rendent à notre jugement une rigueur qui se perdait à
2700 eser des objets trop petits. 63. Il est curieux de noter que pas une seule femme n’apparaît dans tout le roman. 64. Je
2701 vé à ce livre, qui parut au moment de l’avènement d’ Hitler. Mais je le crois trop franc et trop complexe à la fois pour av
2702 chmid, il en a tiré des conclusions sur le destin de la race blanche, qui forment l’arrière-plan idéologique de son œuvre.
2703 e blanche, qui forment l’arrière-plan idéologique de son œuvre. Leurs manières de décrire des combats où, entre deux bande
2704 ère-plan idéologique de son œuvre. Leurs manières de décrire des combats où, entre deux bandes de mitrailleuses, le héros
2705 ères de décrire des combats où, entre deux bandes de mitrailleuses, le héros médite sur son sort, sont presque identiques.
2706 situations extrêmes, où se dénude le fond secret d’ un être, sa sauvagerie ou sa bonté fondamentale. L’homme ne s’avouera-
2707 même que dans les tortures ? y. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Kasimir Edschmid, Destin allemand  », Foi et Vie, P
22 1935, Foi et Vie, articles (1928–1977). Notes en marge de Nietzsche (mars 1935)
2708 paraître au Mercure de France un volumineux choix de sentences, aphorismes et notes tirés des papiers posthumes de Nietzsc
2709 , aphorismes et notes tirés des papiers posthumes de Nietzsche. On ne saurait surestimer l’importance de ces écrits demeur
2710 Nietzsche. On ne saurait surestimer l’importance de ces écrits demeurés longtemps inédits, et dont M. Henri-Jean Bolle, q
2711 ous affirme qu’ils constituent le texte véritable d’ une œuvre dont les volumes parus du vivant de Nietzsche ne seraient gu
2712 e le commentaire. Je ne sais ce qu’il faut penser d’ une allégation qui paraît à première vue aussi exorbitante : je n’ai l
2713 à première vue aussi exorbitante : je n’ai lu que de courts fragments des posthuma nietzschéens 66. Ce qui est certain, c’
2714 nous donner, nous restitue la totalité des thèmes de l’œuvre, sous une forme souvent beaucoup plus directe que celle qu’ad
2715 raître. On ne saurait trop recommander la lecture de ce recueil aux esprits suffisamment armés de sens critique, de certit
2716 ture de ce recueil aux esprits suffisamment armés de sens critique, de certitudes théologiques, et de cette liberté spirit
2717 aux esprits suffisamment armés de sens critique, de certitudes théologiques, et de cette liberté spirituelle que confère
2718 de sens critique, de certitudes théologiques, et de cette liberté spirituelle que confère la connaissance vivante de « la
2719 é spirituelle que confère la connaissance vivante de « la seule chose nécessaire ». Rien de grand, dans l’ordre humain, ne
2720 ce vivante de « la seule chose nécessaire ». Rien de grand, dans l’ordre humain, ne peut être vraiment dangereux pour un c
2721 usement éprouvées ? La foi vraie suppose la ruine de toutes les pauvres constructions où nous pensions pouvoir nous abrite
2722 sophe, le moraliste, le politique. Je ne vois pas de meilleur moyen de donner aux lecteurs de Foi et Vie une idée, même
2723 e, le politique. Je ne vois pas de meilleur moyen de donner aux lecteurs de Foi et Vie une idée, même assez grossière, d
2724 vois pas de meilleur moyen de donner aux lecteurs de Foi et Vie une idée, même assez grossière, de la richesse de cet en
2725 s de Foi et Vie une idée, même assez grossière, de la richesse de cet ensemble, que de lire avec eux les quelques pages
2726 e une idée, même assez grossière, de la richesse de cet ensemble, que de lire avec eux les quelques pages de la première
2727 ez grossière, de la richesse de cet ensemble, que de lire avec eux les quelques pages de la première partie intitulées Rel
2728 ensemble, que de lire avec eux les quelques pages de la première partie intitulées Religion et christianisme. Je ne puis t
2729 e que celui-là même des aphorismes dans l’édition de M. Bolle. ⁂ Le sens historique n’est qu’une théologie masquée : “nou
2730 gnifiques”. Un but final plane devant les regards de l’homme. Le christianisme, qui maudit l’humanité et en sort quelques
2731 en sort quelques spécimens rares et réussis, est de fond en comble non historique, parce qu’il nie que les millénaires à
2732 s maintenant et depuis 1800 ans, à la disposition de chacun. Si malgré cela, l’époque actuelle est, dans son esprit, tout
2733 ietzsche, partait en guerre contre la philosophie de l’Évolution selon Hegel, et dénonçait en elle non seulement un succéd
2734 énonçait en elle non seulement un succédané païen de l’idée de Providence, mais surtout une négation de la foi ? Car la fo
2735 n elle non seulement un succédané païen de l’idée de Providence, mais surtout une négation de la foi ? Car la foi est, sel
2736 e l’idée de Providence, mais surtout une négation de la foi ? Car la foi est, selon Kierkegaard, cette opération paradoxal
2737 Christ incarné, et qui nie par là même la valeur de tous les siècles qui nous séparent apparemment de cet événement étern
2738 de tous les siècles qui nous séparent apparemment de cet événement éternel. N’est-il pas fort étrange et humiliant, qu’il
2739 r le chrétien, n’est pas dans le Progrès indéfini de notre histoire, mais qu’il est venu sur la terre, et qu’il est dès ma
2740 reproche terrible au christianisme en le traitant d’ agent « non historique ». Il faut croire que cet adversaire de Hegel é
2741 n historique ». Il faut croire que cet adversaire de Hegel était encore bien mal purgé de ses superstitions pseudo-scienti
2742 t adversaire de Hegel était encore bien mal purgé de ses superstitions pseudo-scientifiques ! Mais il n’importe. Ce qui es
2743 cidité avec laquelle Nietzsche décèle l’idolâtrie de notre temps, même s’il y participe pour son compte. Il est très vrai
2744 Il est très vrai que nos contemporains ont cessé de croire, dans l’ensemble, que le salut était déjà venu. Ils se sont mi
2745 nt mis à croire de nouveau que le Messie naîtrait de leurs efforts indéfinis vers le Progrès. Ils sont redevenus païens. L
2746 s. Ils sont redevenus païens. Les plus conscients de ce paganisme nouveau ont adopté sa vraie théologie : la dialectique h
2747 té sa vraie théologie : la dialectique historique de Karl Marx. En vertu de cet acte de foi, fait en révolte contre la vra
2748 que historique de Karl Marx. En vertu de cet acte de foi, fait en révolte contre la vraie foi, ils se persuadent que l’hum
2749 Mais que dis-je, cent ans ! Il faut à leur espoir de bien plus formidables chiffres. Ouvrez le dernier livre de M. Guéhenn
2750 lus formidables chiffres. Ouvrez le dernier livre de M. Guéhenno67, vous y trouverez cette confession ahurissante : « Un g
2751 moi que nous avions derrière nous deux milliards d’ années, devant nous dix mille milliards d’années. Nous sommes des enfa
2752 lliards d’années, devant nous dix mille milliards d’ années. Nous sommes des enfants de deux ans qui auraient encore dix mi
2753 mille milliards d’années. Nous sommes des enfants de deux ans qui auraient encore dix mille ans à vivre. L’esprit métaphys
2754 entifique et beaucoup plus conforme aux exigences de l’Histoire : le salut par la sempiternité. Mais n’est-ce point là ce
2755 eligieuse du monde sans l’acuité et la profondeur de l’intellect fait de la religion la chose la plus répugnante qui soit.
2756 ans l’acuité et la profondeur de l’intellect fait de la religion la chose la plus répugnante qui soit. Oui, je sais bien
2757 e la plus répugnante qui soit. Oui, je sais bien de quoi il souffre, et contre quelle espèce déprimante de piétistes, arr
2758 oi il souffre, et contre quelle espèce déprimante de piétistes, arrogants dans leur bêtise, il se défend. Et pourtant, je
2759 lectuelle du monde sans l’acuité et la profondeur de la foi fait de l’intelligence la chose la plus répugnante qui soit. »
2760 nde sans l’acuité et la profondeur de la foi fait de l’intelligence la chose la plus répugnante qui soit. » Il faut perdr
2761 bonne fois aux « croyances » héritées sans examen de son milieu, aux idoles édifiées par ses bons sentiments ou par sa peu
2762 s édifiées par ses bons sentiments ou par sa peur de la réalité, celui-là n’est pas né à la foi. Il n’a pas la mâchoire so
2763 les remarques amères qu’il ne pouvait s’empêcher de former au spectacle de la chrétienté et dans sa nostalgie d’un christ
2764 u spectacle de la chrétienté et dans sa nostalgie d’ un christianisme vrai. Mais Nietzsche ? Est-ce mépris tout simplement 
2765  ? Ou bien plutôt, dernier défi, secrète angoisse de ne pouvoir parvenir lui-même à prendre le repas sacré plus au sérieux
2766 rendre le repas sacré plus au sérieux que le menu de sa pension ? « Même pour l’homme le plus pieux… » jugez des autres !
2767 l’homme le plus pieux… » jugez des autres ! Jugez de moi ! semble-t-il dire. Et c’est ainsi que l’incroyant se juge chaque
2768 s. Les religions se consolident dans des périodes de grands troubles et d’insécurité. Lorsque tout cède, on se cramponne à
2769 nsolident dans des périodes de grands troubles et d’ insécurité. Lorsque tout cède, on se cramponne à l’illusion de l’au-de
2770 . Lorsque tout cède, on se cramponne à l’illusion de l’au-delà. Parfaitement valable pour les religions, cette sentence e
2771 sière, voire naïve, si Nietzsche entendait parler de la foi. La foi, qui donne à l’homme la vision réaliste du péché, crée
2772 ’elle n’en résulte. Ce qui résulte inévitablement d’ une crise que la foi ne résout pas (en lui substituant une autre crise
2773 omme. Le « retour étemel » est alors le type même de la superstition née du cerveau d’un homme très excité. En somme, qu’
2774 rs le type même de la superstition née du cerveau d’ un homme très excité. En somme, qu’est-ce que cela veut dire : J’aime
2775 e cela veut dire : J’aime les hommes pour l’amour de Dieu ? Est-ce autre chose que de dire : J’aime les gendarmes pour l’a
2776 mes pour l’amour de Dieu ? Est-ce autre chose que de dire : J’aime les gendarmes pour l’amour de la justice ? Ou de s’écri
2777 e que de dire : J’aime les gendarmes pour l’amour de la justice ? Ou de s’écrier, comme cette jeune fille : J’aime Schopen
2778 ime les gendarmes pour l’amour de la justice ? Ou de s’écrier, comme cette jeune fille : J’aime Schopenhauer, parce que gr
2779 ue grand-père l’a connu et aimé ? Phrase typique d’ un homme qui n’a jamais rencontré Dieu en Christ ; pas plus qu’on ne s
2780 serait, selon son propre jugement, quelque chose de mauvais. Juste et profond. Et toujours bon à rappeler, à ces « chrét
2781 eut leur mort, pour leur donner la vie. Il s’agit de savoir si la nature actuelle de l’homme est bonne ou mauvaise. La foi
2782 la vie. Il s’agit de savoir si la nature actuelle de l’homme est bonne ou mauvaise. La foi nous montre qu’elle est mauvais
2783 e qu’elle est mauvaise. Dans ce sens, il est vrai de dire : le christianisme est contre nature. Et je m’explique mal pourq
2784 e pas à son prochain, il est beaucoup trop occupé de soi-même ! Quelle que soit la justesse des critiques de Nietzsche —
2785 même ! Quelle que soit la justesse des critiques de Nietzsche — et jusque dans leur injustice, car il y a une manière « i
2786 eur injustice, car il y a une manière « injuste » de dire des choses vraies en soi —, elles me laissent presque toujours p
2787 en. Mauvais signe pour un penseur qui a entrepris d’ ébranler nos fondements. Si j’essaie de m’expliquer cette espèce de dé
2788 entrepris d’ébranler nos fondements. Si j’essaie de m’expliquer cette espèce de déception que me procure la critique niet
2789 ndements. Si j’essaie de m’expliquer cette espèce de déception que me procure la critique nietzschéenne, je trouve ceci :
2790 à une autorité centrale qui donnerait la synthèse de ces contradictions. La vie chrétienne est pleine de contradictions, e
2791 ces contradictions. La vie chrétienne est pleine de contradictions, elle aussi, mais Paul les a toutes rassemblées dans u
2792 même du christianisme : l’opposition du péché et de la foi. « Je ne fais pas le bien que j’aime, mais je fais le mal que
2793 rquoi, lorsque Paul critique la vie des chrétiens de son temps, il parle avec autorité, tandis que les critiques de Nietzs
2794 il parle avec autorité, tandis que les critiques de Nietzsche feront toujours l’effet de criailleries. L’intensité de la
2795 es critiques de Nietzsche feront toujours l’effet de criailleries. L’intensité de la vie prise comme but unique de celle-
2796 nt toujours l’effet de criailleries. L’intensité de la vie prise comme but unique de celle-ci, voilà une pensée qui est i
2797 es. L’intensité de la vie prise comme but unique de celle-ci, voilà une pensée qui est insupportable aux hommes. Ne voyo
2798 contemporain entièrement dominé par une religion de la vie, de « l’intensité » de la vie ? Ne voyons-nous pas cette mysti
2799 in entièrement dominé par une religion de la vie, de « l’intensité » de la vie ? Ne voyons-nous pas cette mystique de « l’
2800 né par une religion de la vie, de « l’intensité » de la vie ? Ne voyons-nous pas cette mystique de « l’intensité prise com
2801 é » de la vie ? Ne voyons-nous pas cette mystique de « l’intensité prise comme but », c’est-à-dire cette mystique de la vi
2802 té prise comme but », c’est-à-dire cette mystique de la vie prise comme but de la vie, et même de la religion, s’introduir
2803 t-à-dire cette mystique de la vie prise comme but de la vie, et même de la religion, s’introduire jusque dans les sermons,
2804 ique de la vie prise comme but de la vie, et même de la religion, s’introduire jusque dans les sermons, et s’y substituer
2805 ue dans les sermons, et s’y substituer au respect de la vérité, soupçonnée, non sans quelque raison, d’être parfois « anti
2806 e la vérité, soupçonnée, non sans quelque raison, d’ être parfois « antivitale » ? — « Pensée insupportable aux hommes » ?
2807 80. Cinquante-cinq ans plus tard, je serais tenté de dire que les hommes ne supportent plus aucune pensée qui contredise c
2808 u christianisme sa rhétorique et sa dialectique ; de la sorte, il a empêché le christianisme de mourir de sa pauvreté spir
2809 ique ; de la sorte, il a empêché le christianisme de mourir de sa pauvreté spirituelle. On est toujours étonné de voir un
2810 la sorte, il a empêché le christianisme de mourir de sa pauvreté spirituelle. On est toujours étonné de voir un esprit de
2811 sa pauvreté spirituelle. On est toujours étonné de voir un esprit de la trempe de celui de Nietzsche se livrer à d’aussi
2812 tuelle. On est toujours étonné de voir un esprit de la trempe de celui de Nietzsche se livrer à d’aussi grossières confus
2813 st toujours étonné de voir un esprit de la trempe de celui de Nietzsche se livrer à d’aussi grossières confusions (pauvret
2814 rs étonné de voir un esprit de la trempe de celui de Nietzsche se livrer à d’aussi grossières confusions (pauvreté en espr
2815 it de la trempe de celui de Nietzsche se livrer à d’ aussi grossières confusions (pauvreté en esprit, ou esprit de pauvreté
2816 ssières confusions (pauvreté en esprit, ou esprit de pauvreté, confondu ici avec bêtise). Mais c’est bien là la malhonnête
2817 qui régna sur le siècle dernier, et dont l’œuvre de Nietzsche a subi trop souvent les atteintes. Dans ce même livre, quat
2818 que la notion chrétienne du Dieu paternel dérive de la notion « de la famille patriarcale ». Comme si l’on ne pouvait pas
2819 chrétienne du Dieu paternel dérive de la notion «  de la famille patriarcale ». Comme si l’on ne pouvait pas soutenir l’inv
2820 it pas soutenir l’inverse ! et avec beaucoup plus de vraisemblance et même de « sérieux historique ».   Parmi toutes les c
2821  ! et avec beaucoup plus de vraisemblance et même de « sérieux historique ».   Parmi toutes les criailleries de Nietzsche,
2822 eux historique ».   Parmi toutes les criailleries de Nietzsche, certaines prennent un accent prophétique : « Des hommes de
2823 nes prennent un accent prophétique : « Des hommes de commandement commanderont aussi à leur Dieu, tout en croyant le servi
2824 » Formule qui n’est pas valable pour le seul pape de Rome et pour les seuls conciles. Les grands mouvements fascistes ne s
2825 nts fascistes ne se réclament-ils pas, eux aussi, d’ un « spirituel » préalablement « mis au pas » ? Et ne retrouvons-nous
2826 as » ? Et ne retrouvons-nous pas cette même forme d’ esprit sur un autre plan, dans le communisme russe ? On sait que ce ré
2827 aussi qu’il n’a pas hésité à condamner la théorie d’ Einstein parce qu’elle contredisait l’hypothèse marxiste. Croyant serv
2828 urs : « Vous dites que vous croyez à la nécessité de la religion ? Soyez sincères ! Vous croyez à la nécessité de la polic
2829 ion ? Soyez sincères ! Vous croyez à la nécessité de la police ! » Dès que vous croyez qu’il y a, à côté de la causalité
2830 é absolue, encore un Dieu ou une finalité, l’idée de la nécessité devient insupportable. Traduisons : dès que vous croyez
2831 orale, devoir kantien, conscience, notion humaine de la justice, science, mystique de la vie, droit au bonheur, etc., l’id
2832 , notion humaine de la justice, science, mystique de la vie, droit au bonheur, etc., l’idée de la toute-puissance et de la
2833 ystique de la vie, droit au bonheur, etc., l’idée de la toute-puissance et de la liberté de Dieu devient insupportable. C’
2834 au bonheur, etc., l’idée de la toute-puissance et de la liberté de Dieu devient insupportable. C’est le « Dieu moral » qui
2835 c., l’idée de la toute-puissance et de la liberté de Dieu devient insupportable. C’est le « Dieu moral » qui empêche, en p
2836 , en particulier, une certaine théologie libérale de reconnaître que le Dieu de la Bible — ancien et nouveau Testament — e
2837 e — ancien et nouveau Testament — est seul Maître de la seule Justice, de la seule Vie, de la seule Science, du seul Bonhe
2838 Testament — est seul Maître de la seule Justice, de la seule Vie, de la seule Science, du seul Bonheur ; et qu’il a seul
2839 seul Maître de la seule Justice, de la seule Vie, de la seule Science, du seul Bonheur ; et qu’il a seul le droit de contr
2840 ience, du seul Bonheur ; et qu’il a seul le droit de contredire nos notions, trop humaines et trop intéressées, de toutes
2841 e nos notions, trop humaines et trop intéressées, de toutes ces choses. N’est-ce pas ce « Dieu moral » qui détourna plusie
2842 où on le prêchait envers et contre tout « honneur de Dieu » ? La réfutation de Dieu : en somme, ce n’est que le “Dieu mor
2843 contre tout « honneur de Dieu » ? La réfutation de Dieu : en somme, ce n’est que le “Dieu moral” qui est réfuté. Il est
2844 futé. Il est bien significatif que les fragments de Nietzsche sur la religion se terminent par cet aphorisme d’une ébloui
2845 he sur la religion se terminent par cet aphorisme d’ une éblouissante vérité. 66. Onze volumes des œuvres complètes ! 67
2846 Onze volumes des œuvres complètes ! 67. Journal d’ un homme de 40 ans (Grasset). z. Rougemont Denis de, « Notes en marg
2847 s des œuvres complètes ! 67. Journal d’un homme de 40 ans (Grasset). z. Rougemont Denis de, « Notes en marge de Nietzs
2848 n homme de 40 ans (Grasset). z. Rougemont Denis de , « Notes en marge de Nietzsche », Foi et Vie, Paris, mars 1935, p. 25
23 1937, Foi et Vie, articles (1928–1977). Luther et la liberté (À propos du Traité du serf arbitre) (avril 1937)
2849 ance serait exagérer, mais dans le sens contraire de celui qu’on imagine. Car, on fait pis que de l’ignorer et même que de
2850 aire de celui qu’on imagine. Car, on fait pis que de l’ignorer et même que de le méconnaître : on prétend, sans l’avoir ja
2851 ne. Car, on fait pis que de l’ignorer et même que de le méconnaître : on prétend, sans l’avoir jamais lu, savoir qui il fu
2852 fut, qui il est. Certains ont parcouru les Propos de table, présentés au public français comme un ouvrage capital : ils s’
2853 rançais comme un ouvrage capital : ils s’étonnent d’ y trouver si peu de substance théologique et tant de plaisanteries par
2854 ique et tant de plaisanteries parfois grossières, de platitudes, de contradictions. Est-ce avec cela que s’est faite la Ré
2855 plaisanteries parfois grossières, de platitudes, de contradictions. Est-ce avec cela que s’est faite la Réforme ? D’autre
2856 utenir que Luther fut un démagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment de la race allemande contre la civilisation ro
2857 émagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment de la race allemande contre la civilisation romaine. On a poussé la bouf
2858 oussé la bouffonnerie jusqu’à cet excès grandiose d’ assimiler Luther et M. Hitler, par goût de la rime sans doute. Pour l’
2859 andiose d’assimiler Luther et M. Hitler, par goût de la rime sans doute. Pour l’opinion moyenne sur Luther, je crois que l
2860 se marier. » J’extrais cette déclaration du livre d’ un critique littéraire connu, dont les revues n’hésitèrent pas lorsqu’
2861 e information théologique… Ceci dit, il est juste d’ insister sur la grande valeur des travaux de quelques spécialistes fra
2862 juste d’insister sur la grande valeur des travaux de quelques spécialistes français qui, au niveau de la haute culture, on
2863 e la haute culture, ont largement sauvé l’honneur de leur pays. Je pense aux ouvrages publiés par MM. Henri Strohl, J. Vig
2864 Gilson, pour ne rien dire — mais cela va de soi —  de l’activité des professeurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire de
2865 is cela va de soi — de l’activité des professeurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire de l’Église dans les trois Facul
2866 vité des professeurs de dogmatique luthérienne ou d’ histoire de l’Église dans les trois Facultés françaises de théologie p
2867 ofesseurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire de l’Église dans les trois Facultés françaises de théologie protestante.
2868 re de l’Église dans les trois Facultés françaises de théologie protestante. Il n’en reste pas moins que l’ignorance ou la
2869 illies par des biographes amateurs, et à l’action de la polémique catholique (Denifle, Maritain, Grisar), mettent le publi
2870 tain, Grisar), mettent le public français en état d’ infériorité assez grave, ne fût-ce que sur le plan de la culture génér
2871 nfériorité assez grave, ne fût-ce que sur le plan de la culture générale. Car, ignorer ou méconnaître Luther, c’est ignore
2872 méconnaître un des deux ou trois moments décisifs de la tradition fondamentale de l’Occident, c’est s’interdire de rien co
2873 ois moments décisifs de la tradition fondamentale de l’Occident, c’est s’interdire de rien comprendre à la grande discussi
2874 ion fondamentale de l’Occident, c’est s’interdire de rien comprendre à la grande discussion millénaire, à la grande tensio
2875 u libre arbitre, opposant Érasme à Luther, permet de définir symboliquement les pôles : pensée « pure » et pensée « engagé
2876 le plan théologique, ou mieux : dans la totalité de l’être, revient à celle d’un christianisme qui se met au service de l
2877 eux : dans la totalité de l’être, revient à celle d’ un christianisme qui se met au service de l’humain (j’entends bien de
2878 à celle d’un christianisme qui se met au service de l’humain (j’entends bien de l’humain purifié, « divinisé » par les ef
2879 qui se met au service de l’humain (j’entends bien de l’humain purifié, « divinisé » par les efforts de la religion s’ajout
2880 de l’humain purifié, « divinisé » par les efforts de la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et d’un christianisme ab
2881 par les efforts de la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et d’un christianisme absolu, qu’on déclare volontiers « 
2882 e la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et d’ un christianisme absolu, qu’on déclare volontiers « inhumain », parce
2883 e plus aisément à saisir l’importance centrale du De servo arbitrio, dont une première traduction française va paraître, a
2884 aduction française va paraître, après un peu plus de 400 ans : je le vois au centre du débat occidental par excellence, — 
2885 cidental par excellence, — mais au centre, aussi, de la Réforme, et de l’effort dogmatique de Luther68. On croit d’abord
2886 lence, — mais au centre, aussi, de la Réforme, et de l’effort dogmatique de Luther68. On croit d’abord à un pamphlet, enc
2887 , aussi, de la Réforme, et de l’effort dogmatique de Luther68. On croit d’abord à un pamphlet, encore que son volume maté
2888 onnifiée) n’est, en fait, que le support apparent d’ une réflexion de plus vaste envergure, d’un témoignage qui transcende
2889 apparent d’une réflexion de plus vaste envergure, d’ un témoignage qui transcende toute dispute. Entraîné par sa fougue hab
2890 e il le dit aux premières pages) par les procédés de l’humaniste et du sceptique que se vantait d’être Érasme, Luther en v
2891 dés de l’humaniste et du sceptique que se vantait d’ être Érasme, Luther en vient, de proche en proche, à ressaisir et repo
2892 ue que se vantait d’être Érasme, Luther en vient, de proche en proche, à ressaisir et reposer avec puissance toutes les af
2893 c puissance toutes les affirmations fondamentales de la Réforme : justification par la foi, qui est don gratuit et œuvre d
2894 fication par la foi, qui est don gratuit et œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice de Dieu à la justice des homm
2895 st don gratuit et œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice de Dieu à la justice des hommes et de leurs œuvres ; op
2896 œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice de Dieu à la justice des hommes et de leurs œuvres ; opposition de la gr
2897 cette justice de Dieu à la justice des hommes et de leurs œuvres ; opposition de la grâce à la nature, selon les termes d
2898 ustice des hommes et de leurs œuvres ; opposition de la grâce à la nature, selon les termes de l’Apôtre ; opposition de la
2899 osition de la grâce à la nature, selon les termes de l’Apôtre ; opposition de la Parole vivante à la tradition codifiée ;
2900 nature, selon les termes de l’Apôtre ; opposition de la Parole vivante à la tradition codifiée ; sens de la décision total
2901 la Parole vivante à la tradition codifiée ; sens de la décision totale entre un oui et un non absolus, et refus de tout m
2902 n totale entre un oui et un non absolus, et refus de tout moyen terme ou médiation plus ou moins rationnelle entre les règ
2903 nnelle entre les règnes en guerre ouverte du Dieu de la foi et du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage et du témoi
2904 en guerre ouverte du Dieu de la foi et du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage et du témoignage fidèle, certifié
2905 la Bible, et constituant la véritable « action » de l’homme entre les mains de Dieu. Tels sont les thèmes qu’illustre cet
2906 a véritable « action » de l’homme entre les mains de Dieu. Tels sont les thèmes qu’illustre cet ouvrage. S’ils n’y sont pa
2907 étuelle question que nous posent toutes les pages de la Bible. Ils renvoient tous à une réalité dont ils ne sont que les r
2908 e crois, si tu as reçu la foi, il n’est plus rien de « difficile » dans les assertions de Luther, ni dans sa négation joye
2909 st plus rien de « difficile » dans les assertions de Luther, ni dans sa négation joyeuse du libre arbitre. Ses coups viole
2910 « Folie pour les sages » Mais il s’en faut de presque tout que les grandes thèses pauliniennes de la Réforme soient
2911 presque tout que les grandes thèses pauliniennes de la Réforme soient acceptées (ou simplement connues !) par nos contemp
2912 r nos contemporains, même chrétiens. Il s’en faut de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’un Érasme nous apparai
2913 orains, même chrétiens. Il s’en faut de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’un Érasme nous apparaissent comme a
2914 t de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’ un Érasme nous apparaissent comme autant de sophismes. Non seulement t
2915 uments d’un Érasme nous apparaissent comme autant de sophismes. Non seulement tous les humanistes, — des marxistes aux vie
2916 pole : tout catholique se doit, en bonne logique, de les faire siens puisqu’il croit au mérite des œuvres ; et tous les pr
2917 Calvin et Luther ont fait leur temps, — que dire de Paul bien plus ancien ! — tous ceux qui tiennent la prédestination po
2918 ux hommes que Dieu agrée », par « Paix aux hommes de bonne volonté », tous ceux-là sont, en fait, avec Érasme et son armée
2919 s ceux-là sont, en fait, avec Érasme et son armée de grands docteurs de tous les siècles pour soutenir le libre arbitre re
2920 fait, avec Érasme et son armée de grands docteurs de tous les siècles pour soutenir le libre arbitre religieux, c’est-à-di
2921 igieux, c’est-à-dire le pouvoir qu’aurait l’homme de contribuer à son salut par ses efforts et ses œuvres morales. Que tro
2922 uveront-ils dès lors dans ce Traité ? Une verdeur de polémique qui peut flatter en nous le goût du pittoresque ; l’élan gé
2923 u pittoresque ; l’élan génial, la violence loyale d’ une certitude pesante, vraiment « grave », d’une dialectique sobre et
2924 yale d’une certitude pesante, vraiment « grave », d’ une dialectique sobre et têtue, qui va droit au point décisif, envisag
2925 in conférer à son choix la force et la simplicité d’ une constatation évidente. D’un point de vue purement esthétique, ces
2926 rce et la simplicité d’une constatation évidente. D’ un point de vue purement esthétique, ces qualités sont assez rares, et
2927 même attiré et subjugué par le style, par le ton de l’ouvrage. (Nous ne savons que trop bien, nous modernes, séparer le f
2928 ons que trop bien, nous modernes, séparer le fond de la forme ; admirer l’une quand nous condamnons l’autre, et vice versa
2929 ette maîtrise, qu’on attendait d’ailleurs du chef d’ un grand mouvement (comme dirait le jargon d’aujourd’hui), tout est bi
2930 chef d’un grand mouvement (comme dirait le jargon d’ aujourd’hui), tout est bien fait, dans ce Traité, pour heurter de fron
2931 tout est bien fait, dans ce Traité, pour heurter de front le lecteur incroyant, ou celui qui ne partage pas la foi de Pau
2932 eur incroyant, ou celui qui ne partage pas la foi de Paul et des apôtres. D’abord, le langage scolastique, qui n’est pas p
2933 proprement luthérien, mais que Luther est obligé d’ utiliser pour débrouiller et supprimer les faux problèmes où la Diatri
2934 refus total, ou mieux cette négligence tranquille de toute espèce de considération psychologique. (Un tel homme est bien t
2935 mieux cette négligence tranquille de toute espèce de considération psychologique. (Un tel homme est bien trop vivant pour
2936 ue. (Un tel homme est bien trop vivant pour faire de la psychologie ; trop engagé dans le réel pour prendre au sérieux ses
2937 conscience du spectateur.) Ce qui ne manquera pas de faire crier au dogmatisme. Tout se passe ici « à l’intérieur » du chr
2938 se passe ici « à l’intérieur » du christianisme, de l’Église. L’humanisme laïque, autonome, est simplement nié, comme une
2939 , et doit suffire en droit, à réfuter l’objection d’ un moderne, l’objection parfaitement anachronique, mais que je sais in
2940 isse écarter cette objection par un simple rappel de l’ordre dans lequel le Traité fut pensé. Je tenterai donc d’esquisse
2941 ans lequel le Traité fut pensé. Je tenterai donc d’ esquisser, tout au moins, le dialogue d’une « conscience moderne », do
2942 erai donc d’esquisser, tout au moins, le dialogue d’ une « conscience moderne », douée d’exigence spirituelle, avec un part
2943 , le dialogue d’une « conscience moderne », douée d’ exigence spirituelle, avec un partisan du « serf arbitre » luthérien.
2944 alogue se déroule même à l’intérieur de la pensée d’ un homme qui veut croire…) Dialogue Car Dieu peut tout à tout in
2945 Dieu peut tout à tout instant. C’est là la santé de la foi. Kierkegaard. Une conscience moderne. — Selon Luther, nous
2946 ce, mais l’omniscience et la prescience éternelle de Dieu, qui ne peut faillir dans sa promesse, et auquel nul obstacle ne
2947 Que devient alors notre effort ? Il ne sert plus de rien. Nous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer si, d’avance, le
2948 us de rien. Nous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer si, d’avance, le vainqueur a été désigné par un arbitre qui ne
2949 ous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer si, d’ avance, le vainqueur a été désigné par un arbitre qui ne tient pas com
2950 té désigné par un arbitre qui ne tient pas compte de nos exploits ! Un luthérien. — Mais connais-tu seulement les vraies
2951 Sort, cette idole païenne ? C. M. — J’ai besoin de le croire pour agir. L. — Mais qu’est-ce qu’agir ? Est-ce vraiment t
2952 nt toi qui agis ? Ou n’es-tu pas toi-même agi par de puissantes forces sociales, historiques et économiques ? Toute ta sci
2953 Certes, mais ma dignité consiste à lutter contre de telles forces, une fois que je les ai reconnues ; à m’affirmer dans m
2954 omie par un acte qui crée ma liberté, par un acte de révolte, s’il le faut ! L. — Tu crois donc détenir un tel pouvoir ?
2955 nc détenir un tel pouvoir ? C. M. — Il me suffit de vouloir l’affirmer. L. — Soit, c’est une hypothèse de travail… Pour
2956 uloir l’affirmer. L. — Soit, c’est une hypothèse de travail… Pour moi, je crois que Dieu connaît la fin, la somme, la val
2957 Dieu connaît la fin, la somme, la valeur absolue de nos actions passées, présentes, futures, car elles sont dans le temps
2958 r ce Dieu qui prétend voir plus loin que le terme de mes actions, — ce qui, avouons-le, les ridiculise complètement et les
2959 Et prévues par un Dieu éternel, qui alors se joue de moi indignement ! Il faudra donc choisir : Dieu ou moi. Je dirai : mo
2960 es que si Dieu prévoit tout, tu es alors dispensé d’ agir, et que ce n’est plus la peine de faire aucun effort. Si tout est
2961 rs dispensé d’agir, et que ce n’est plus la peine de faire aucun effort. Si tout est décidé d’avance, il n’y a plus qu’à s
2962 a peine de faire aucun effort. Si tout est décidé d’ avance, il n’y a plus qu’à se laisser aller à la manière des musulmans
2963 eu n’est pas !70 », qui t’assurerait que cet acte de révolte échappe à l’éternelle Prévision ? Qui t’assurerait qu’en pron
2964 ne prononcerais pas sur toi-même l’arrêt éternel de Dieu te rejetant vers le néant, en sorte que Dieu, vraiment, n’existe
2965 mer objectivement. Mais c’est peut-être se priver de son secours, ou encore la transformer en une menace obscure. Il y a u
2966 ps ? C. M. — Mais mon temps est vivant, et plein de nouveauté, de création ! Ton éternité immobile, c’est l’image même de
2967 Mais mon temps est vivant, et plein de nouveauté, de création ! Ton éternité immobile, c’est l’image même de la mort. L.
2968 ation ! Ton éternité immobile, c’est l’image même de la mort. L. — Que savons-nous de l’éternité ? Les philosophes et la
2969 st l’image même de la mort. L. — Que savons-nous de l’éternité ? Les philosophes et la raison ne peuvent l’imaginer que m
2970 Qui nous prouve que l’éternité est quelque chose d’ immobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’est pas, au contraire,
2971 ouve que l’éternité est quelque chose d’immobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’est pas, au contraire, la source de
2972 us dit qu’elle n’est pas, au contraire, la source de tout acte et de toute création, une invention totale et perpétuelle,
2973 ’est pas, au contraire, la source de tout acte et de toute création, une invention totale et perpétuelle, une actualité pe
2974 elle le touche dans l’instant (dans un « atome » de temps, comme l’écrit Paul) (I Cor. 15 : 52) ? Qui t’assure que notre
2975 otre temps où elle s’est constituée, soit capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’une éternité seule actuelle ?
2976 t capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’ une éternité seule actuelle ? C’est un mystère plus profond que notre
2977 otre vie, et la raison n’est qu’un faible élément de notre vie. C’est un mystère que le croyant pressent et vit au seul mo
2978 ère que le croyant pressent et vit au seul moment de la prière. « Demandez et l’on vous donnera », dit le même Dieu qui no
2979 nt aux yeux de l’homme, sans que rien soit changé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il décidera ? Car
2980 sans que rien soit changé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pa
2981 ngé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’e
2982 ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’est pas lié comme nous à une succession. Mais, au con
2983 traire, nos divers temps et successions procèdent de l’Éternel et lui sont liés : nous venons de lui, nous retournons à lu
2984 range illusion nous ferait croire qu’une décision de l’Éternel est une décision dans le passé ! Quand c’est elle seule qui
2985 cas, tu n’as rien prouvé. L. — On ne prouve rien de ce qui est essentiel ; on l’accepte ou on le refuse, en vertu d’une d
2986 pure. Discuter ne peut nous conduire qu’au seuil de cette décision. Et nous n’aurons pas dialogué en vain, si nous avons
2987 nel qui commande, — ou c’est moi. Il n’y a pas là de difficultés intellectuelles. Il n’y a que la résistance acharnée du «
2988 est Christ lui-même, — il me paraît que l’opinion de Luther n’est pas sujette à de sérieuses objections. Et la démonstrati
2989 araît que l’opinion de Luther n’est pas sujette à de sérieuses objections. Et la démonstration purement biblique qu’on en
2990 bles, suffit à établir pour le chrétien la vérité d’ un paradoxe que Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même de l
2991 Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même de l’Évangile. L’apôtre Paul l’a formulé avant toute « tradition ecclési
2992 araît qu’à celui qui ose aller jusqu’aux extrêmes de la connaissance de soi-même et de la connaissance de la foi. Luther i
2993 i ose aller jusqu’aux extrêmes de la connaissance de soi-même et de la connaissance de la foi. Luther insiste sur cet « ex
2994 qu’aux extrêmes de la connaissance de soi-même et de la connaissance de la foi. Luther insiste sur cet « extrêmisme » évan
2995 la connaissance de soi-même et de la connaissance de la foi. Luther insiste sur cet « extrêmisme » évangélique, que les so
2996 p portés à corriger et à « humaniser », au risque d’ « évacuer la Croix ». Tant qu’on n’a pas envisagé la doctrine de la pu
2997 Croix ». Tant qu’on n’a pas envisagé la doctrine de la pure grâce jusque dans son sérieux dernier, on peut soutenir que l
2998 à l’inverse, il faut oser descendre jusqu’au fond de la connaissance du péché pour voir qu’il n’y a de liberté possible qu
2999 de la connaissance du péché pour voir qu’il n’y a de liberté possible que dans la grâce que Dieu nous fait. Toute l’argume
3000 a grâce que Dieu nous fait. Toute l’argumentation de Luther vise le moment de la décision, et néglige les moyens termes où
3001 t. Toute l’argumentation de Luther vise le moment de la décision, et néglige les moyens termes où voulait se complaire Éra
3002 aire Érasme. Le problème du salut est un problème de vie ou de mort. Or, il est seul en cause pour le théologien. Et tout
3003 e. Le problème du salut est un problème de vie ou de mort. Or, il est seul en cause pour le théologien. Et tout est clair
3004 mpris que Luther ne nie pas du tout notre faculté de vouloir, mais nie seulement qu’elle puisse suffire à nous obtenir le
3005 ncore catholique ; son humanisme mesuré l’empêche de voir le vrai tragique du débat. Mais le plus grand des adversaires du
3006 poussé, comme Luther, jusqu’aux extrêmes limites de l’homme, jusqu’aux questions dernières que peut envisager notre pensé
3007 la fatalité inéluctable. C’est dans cette volonté de reconnaître notre totale irresponsabilité, qu’il croit trouver et reg
3008 u’il croit trouver et regagner la dignité suprême de l’homme sans Dieu. Être libre, c’est vouloir l’éternité de son destin
3009 e sans Dieu. Être libre, c’est vouloir l’éternité de son destin. (Pour le chrétien, c’est accepter, en acte, l’éternelle p
3010 oblème, dès qu’on en vient à une épreuve radicale de la vie. Au « tu dois » des chrétiens, qui est prononcé par Dieu, Niet
3011 rononcé par Dieu, Nietzsche oppose le « je veux » de l’homme divinisé. Puis, à l’existence de Dieu, il oppose sa propre ex
3012 e veux » de l’homme divinisé. Puis, à l’existence de Dieu, il oppose sa propre existence72. Mais la difficulté fondamental
3013 a difficulté fondamentale que posent les rapports de notre volonté et de l’éternité souveraine, demeure entière. La différ
3014 ntale que posent les rapports de notre volonté et de l’éternité souveraine, demeure entière. La différence, c’est que Niet
3015 . La différence, c’est que Nietzsche nous propose d’ adorer un Destin muet, tandis que nous adorons une Providence dont la
3016 68. À la proposition qu’on lui faisait, en 1537, d’ éditer ses œuvres complètes, le réformateur répondit : « Je ne reconna
3017 le réformateur répondit : « Je ne reconnais aucun de mes livres pour adéquat, si ce n’est peut-être le De servo arbitrio e
3018 mes livres pour adéquat, si ce n’est peut-être le De servo arbitrio et le Catéchisme. » 69. Luther avertit à chaque fois 
3019 des Gleichen. Berlin 1935. aa. Rougemont Denis de , « [Compte rendu] Luther et la liberté (À propos du Traité du serf ar
24 1946, Foi et Vie, articles (1928–1977). Fédéralisme et œcuménisme (octobre 1946)
3020 es peuples qu’à partir du jour où il sera capable de répondre avec force et autorité aux questions politiques de notre tem
3021 e avec force et autorité aux questions politiques de notre temps. Qu’il le pressente, qu’il ait au moins une sorte de cons
3022 Qu’il le pressente, qu’il ait au moins une sorte de conscience anxieuse de l’œuvre à faire, c’est ce que prouvent ses « e
3023 ’il ait au moins une sorte de conscience anxieuse de l’œuvre à faire, c’est ce que prouvent ses « encycliques » improvisée
3024 uvent ses « encycliques » improvisées à la veille de la guerre. Qu’il soit encore très loin d’une vision dynamique de l’ac
3025 veille de la guerre. Qu’il soit encore très loin d’ une vision dynamique de l’action immédiate, c’est ce que prouvent ces
3026 u’il soit encore très loin d’une vision dynamique de l’action immédiate, c’est ce que prouvent ces mêmes déclarations. Ell
3027 es mêmes déclarations. Elles souffrent avant tout d’ un manque de ton, qui révèle un manque de nécessité intérieure. Elles
3028 larations. Elles souffrent avant tout d’un manque de ton, qui révèle un manque de nécessité intérieure. Elles expriment l’
3029 ant tout d’un manque de ton, qui révèle un manque de nécessité intérieure. Elles expriment l’accord d’un certain nombre de
3030 de nécessité intérieure. Elles expriment l’accord d’ un certain nombre de bonnes volontés, non pas l’élan d’une volonté pré
3031 ure. Elles expriment l’accord d’un certain nombre de bonnes volontés, non pas l’élan d’une volonté précise et combative. E
3032 certain nombre de bonnes volontés, non pas l’élan d’ une volonté précise et combative. Elles sont un respectable résultat,
3033 nt un respectable résultat, mais non pas un point de départ. Sans doute garderont-elles une valeur historique. Mais comme
3034 auront passé inaperçues en leur temps. Ce manque d’ efficacité des messages œcuméniques, dans le plan politique, provient
3035 ais il y a plus. L’erreur commise jusqu’ici a été d’ essayer de choisir prudemment une attitude politique plus ou moins jus
3036 plus. L’erreur commise jusqu’ici a été d’essayer de choisir prudemment une attitude politique plus ou moins juste d’une p
3037 moins juste d’une part, plus ou moins acceptable de l’autre. Sans doute n’était-il pas possible de faire davantage à ce m
3038 le de l’autre. Sans doute n’était-il pas possible de faire davantage à ce moment. En fait, on a examiné la situation mondi
3039 n a examiné la situation mondiale et l’on a tenté de l’améliorer, conformément à des principes indiscutés de morale chréti
3040 méliorer, conformément à des principes indiscutés de morale chrétienne et naturelle. Or le réformisme moral n’a jamais pu
3041 cer le cours des événements. L’histoire est faite d’ initiatives, non de retouches, de vœux et d’amendements. Et pour qu’un
3042 énements. L’histoire est faite d’initiatives, non de retouches, de vœux et d’amendements. Et pour qu’une initiative abouti
3043 stoire est faite d’initiatives, non de retouches, de vœux et d’amendements. Et pour qu’une initiative aboutisse, il faut q
3044 faite d’initiatives, non de retouches, de vœux et d’ amendements. Et pour qu’une initiative aboutisse, il faut qu’elle repr
3045 portée par une passion qui jaillisse du tréfonds de sa foi créatrice. Les hommes qui ont fait l’histoire sont ceux qui av
3046 toire sont ceux qui avaient une vision passionnée de leur but et qui ont su plier les circonstances à leur dessein. Dans u
3047 ain sens, nous dirons qu’ils partaient sans cesse d’ eux-mêmes, de leur foi ou de leur ambition, la plus profonde, et non p
3048 s dirons qu’ils partaient sans cesse d’eux-mêmes, de leur foi ou de leur ambition, la plus profonde, et non pas des donnée
3049 partaient sans cesse d’eux-mêmes, de leur foi ou de leur ambition, la plus profonde, et non pas des données et des aspira
3050 ons plus ou moins exactement connues ou supposées de leur époque. Leur action fut puissante dans la mesure exacte où elle
3051 la mesure exacte où elle fut l’expression directe de leur être. Si le mouvement œcuménique veut agir, et il le doit, il fa
3052 qu’il reconnaisse d’abord cette loi fondamentale de l’action. En d’autres termes, il faut que son action politique parte
3053 es termes, il faut que son action politique parte de lui-même, de ce qu’il a, de ce qu’il est, et de sa foi constitutive.
3054 faut que son action politique parte de lui-même, de ce qu’il a, de ce qu’il est, et de sa foi constitutive. Il n’a pas à
3055 ction politique parte de lui-même, de ce qu’il a, de ce qu’il est, et de sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunter ici e
3056 e de lui-même, de ce qu’il a, de ce qu’il est, et de sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunter ici et là pour composer u
3057 à emprunter ici et là pour composer une mosaïque de mesures désirables, mais au contraire sa position politique doit expr
3058 au contraire sa position politique doit exprimer d’ une façon nécessaire sa nature même. Ses déclarations doivent traduire
3059 e les principes qui sont impliqués dans la vision de l’œcuménisme. Rien que cela, mais tout cela, avec confiance, mais aus
3060 ble conséquence. Résumons-nous : il ne s’agit pas d’ adopter une politique accidentellement ou indirectement « chrétienne »
3061 t ou indirectement « chrétienne », mais il s’agit d’ actualiser la politique impliquée dès le début dans la volonté et l’es
3062 é et l’espérance œcuménique. Le présent essai n’a d’ autre ambition que d’esquisser les grandes lignes de ce développement,
3063 énique. Le présent essai n’a d’autre ambition que d’ esquisser les grandes lignes de ce développement, et d’en indiquer les
3064 autre ambition que d’esquisser les grandes lignes de ce développement, et d’en indiquer les articulations. Que l’on excuse
3065 uisser les grandes lignes de ce développement, et d’ en indiquer les articulations. Que l’on excuse le schématisme des page
3066 e schématisme des pages qui suivent : c’est celui d’ un plan de travail, d’un sommaire. Certains conflits permanents de l’
3067 sme des pages qui suivent : c’est celui d’un plan de travail, d’un sommaire. Certains conflits permanents de l’histoire o
3068 s qui suivent : c’est celui d’un plan de travail, d’ un sommaire. Certains conflits permanents de l’histoire ont pris de n
3069 ail, d’un sommaire. Certains conflits permanents de l’histoire ont pris de nos jours un caractère de violence sans précéd
3070 rtains conflits permanents de l’histoire ont pris de nos jours un caractère de violence sans précédent. À travers les comp
3071 de l’histoire ont pris de nos jours un caractère de violence sans précédent. À travers les complexités infinies de nos di
3072 ans précédent. À travers les complexités infinies de nos difficultés économiques, sociales, politiques et religieuses, ils
3073 , politiques et religieuses, ils se dégagent avec d’ autant plus de simplicité qu’ils ont atteint un climat presque mortel.
3074 t religieuses, ils se dégagent avec d’autant plus de simplicité qu’ils ont atteint un climat presque mortel. Conflit polit
3075 ivers conflits ne sont en réalité que les aspects d’ une seule et même opposition fondamentale, réfractée à des niveaux dif
3076 niveaux différents. Remarquons ensuite que chacun de ces termes opposés deux à deux est également faux en soi, c’est-à-dir
3077 let. Il s’ensuit que dans leur plan, il n’y a pas de solution possible. Ils sont inconciliables parce que, de la combinais
3078 tion possible. Ils sont inconciliables parce que, de la combinaison de deux erreurs, on ne peut faire sortir une vérité, m
3079 sont inconciliables parce que, de la combinaison de deux erreurs, on ne peut faire sortir une vérité, mais seulement une
3080 xie ne sera jamais retrouvée en faisant une somme d’ hérésies. Du conflit politique et économique, résultent pratiquement l
3081 oudre l’opposition unité-division, il serait vain de rechercher une solution intermédiaire ou « libérale », à mi-chemin de
3082 chemin des deux erreurs en lutte. Il faut changer de plan, et retrouver l’attitude centrale dont ces deux erreurs ne sont
3083 hie. Notre thèse étant la suivante : La théologie de l’œcuménisme implique une philosophie de la personne dont l’applicati
3084 héologie de l’œcuménisme implique une philosophie de la personne dont l’application est une politique du fédéralisme. 1.
3085 est une politique du fédéralisme. 1. Théologie de l’œcuménisme Écartons d’abord le malentendu que pourrait suggérer
3086 it suggérer ce titre : nous ne voulons pas parler d’ une « théologie œcuménique », synthèse utopique des théologies existan
3087 s existantes, ou doctrine nouvelle qui risquerait de n’être compatible avec aucune des théologies existantes. Ce qui nous
3088 reprise. Le principal est celui-ci : la théologie de l’œcuménisme subsiste et tombe avec la foi dans l’union des chrétiens
3089 ist, cette foi pouvant être connotée par le rejet de l’hérésie unitaire. Certes, il n’est pas de pire menace pour le mouve
3090 rejet de l’hérésie unitaire. Certes, il n’est pas de pire menace pour le mouvement œcuménique que l’utopie et la tentation
3091 mouvement œcuménique que l’utopie et la tentation d’ une unité formelle, humainement vérifiable, assurée et définitive. Car
3092 ppositions que le mouvement œcuménique se propose de surmonter. C’est dans la mesure exacte où les Églises ont voulu trans
3093 na Sancta en une assurance visible et restrictive de l’unité (d’organisation ou de doctrine), c’est dans la mesure exacte
3094 une assurance visible et restrictive de l’unité ( d’ organisation ou de doctrine), c’est dans la mesure exacte où elles ont
3095 ible et restrictive de l’unité (d’organisation ou de doctrine), c’est dans la mesure exacte où elles ont douté d’une union
3096 ), c’est dans la mesure exacte où elles ont douté d’ une union par essence incontrôlable, qu’elles ont perdu leur communion
3097 u leur communion réelle. Rappelons ici l’histoire de la tour de Babel : la volonté de bâtir un monument visible à la gloir
3098 union réelle. Rappelons ici l’histoire de la tour de Babel : la volonté de bâtir un monument visible à la gloire de l’unit
3099 s ici l’histoire de la tour de Babel : la volonté de bâtir un monument visible à la gloire de l’unité des hommes, conduisi
3100 volonté de bâtir un monument visible à la gloire de l’unité des hommes, conduisit à la division de leur langage. Il convi
3101 re de l’unité des hommes, conduisit à la division de leur langage. Il convient de laisser aux théologiens le soin de défin
3102 duisit à la division de leur langage. Il convient de laisser aux théologiens le soin de définir la doctrine positive de l’
3103 e. Il convient de laisser aux théologiens le soin de définir la doctrine positive de l’union au nom de laquelle doit être
3104 éologiens le soin de définir la doctrine positive de l’union au nom de laquelle doit être condamnée l’hérésie unitaire. Do
3105 doit être condamnée l’hérésie unitaire. Doctrine de la multiplicité des dons accordés par le seul et même Père, ou doctri
3106 ns accordés par le seul et même Père, ou doctrine de la pluralité des demeures dans un seul et même ciel, ou encore doctri
3107 res dans un seul et même ciel, ou encore doctrine de la diversité des membres d’un seul et même corps : quel que soit le n
3108 l, ou encore doctrine de la diversité des membres d’ un seul et même corps : quel que soit le nom qu’on lui donne, en aucun
3109 om qu’on lui donne, en aucun cas elle ne manquera de fondements bibliques indiscutables. (Pour ma part, je n’en vois pas d
3110 es indiscutables. (Pour ma part, je n’en vois pas de meilleur que la première Épître aux Corinthiens : c’est dans ses appe
3111 union, précisément, que Paul établit avec le plus de force la légitimité des diversités. Ce qui me paraît d’une excellente
3112 ce la légitimité des diversités. Ce qui me paraît d’ une excellente méthode.) Est-il permis d’en appeler aussi au précédent
3113 e paraît d’une excellente méthode.) Est-il permis d’ en appeler aussi au précédent des sept églises d’Asie, possédant chacu
3114 d’en appeler aussi au précédent des sept églises d’ Asie, possédant chacune leur ange ? Ou à la parole « Soyez un comme le
3115 re et moi sommes un », qui établit le modèle même de l’union dans la distinction des personnes ? Posons ces questions-là a
3116 personnes ? Posons ces questions-là aux docteurs de l’Église. Mais voici ce que nous devons affirmer dès maintenant : la
3117 ous devons affirmer dès maintenant : la théologie de l’œcuménisme considère que la diversité des vocations divines n’est p
3118 des vocations divines n’est pas une imperfection de l’union, mais sa vie même. Un deuxième trait, complémentaire d’ailleu
3119 rs, doit être au moins rappelé ici : la théologie de l’œcuménisme ne vise pas à démanteler les orthodoxies existantes, dan
3120 ses, mais au contraire, elle a pour premier effet de les renforcer en les rendant plus conscientes de leurs valeurs authen
3121 de les renforcer en les rendant plus conscientes de leurs valeurs authentiques, et c’est par ce détour, précisément, qu’e
3122 écisément, qu’elle espère atteindre une communion d’ esprit en profondeur. En d’autres termes, l’appel à l’union ne s’adres
3123 l’union ne s’adresse pas aux dissidents virtuels de chaque Église, mais à leurs membres les plus fidèles. Toutefois, cett
3124 it à se fermer sur elle-même et à n’admettre plus de recours direct au chef de l’Église, lequel est au ciel à la droite de
3125 me et à n’admettre plus de recours direct au chef de l’Église, lequel est au ciel à la droite de Dieu, et non pas sur la t
3126 chef de l’Église, lequel est au ciel à la droite de Dieu, et non pas sur la terre, dans telle ville, ou dans tels écrits,
3127 se ou secte n’a jamais été capable, grâce à Dieu, de se fermer totalement aux inspirations du Saint-Esprit. Aucune église
3128 sation ou leur doctrine particulière. Au principe d’ union transcendant qui assure la permanence de l’Église universelle, c
3129 ipe d’union transcendant qui assure la permanence de l’Église universelle, certaines ont ajouté, et peu à peu substitué en
3130 outé, et peu à peu substitué en fait, un principe d’ unité immanent, c’est-à-dire humainement contrôlable. C’est la formule
3131 re humainement contrôlable. C’est la formule même de la tyrannie. Car, contre un principe d’unité immanent, mais pratiquem
3132 mule même de la tyrannie. Car, contre un principe d’ unité immanent, mais pratiquement puis théoriquement absolutisé, il n’
3133 ement puis théoriquement absolutisé, il n’y a pas de recours ou d’appel possibles de la part du fidèle. Il doit se soumett
3134 oriquement absolutisé, il n’y a pas de recours ou d’ appel possibles de la part du fidèle. Il doit se soumettre ou sortir.
3135 tre ou sortir. S’il se soumet, il court le risque d’ obéir aux hommes plutôt qu’à Dieu. S’il sort, c’est avec amertume, et
3136 re réformée, je n’épiloguerai pas ici sur l’unité d’ organisation romaine, considérée comme nécessaire au salut. Mais je ra
3137 testante du xviiie siècle : une certaine manière de proclamer le dogme de l’inspiration littérale des Écritures, par exem
3138 ècle : une certaine manière de proclamer le dogme de l’inspiration littérale des Écritures, par exemple, revient à dispose
3139 ement des Écritures. Car aussitôt que le principe d’ unité apparaît humainement vérifiable, l’orthodoxie de l’Église se « f
3140 ité apparaît humainement vérifiable, l’orthodoxie de l’Église se « ferme » sur elle-même. D’où les schismes nombreux, dès
3141 rthodoxie de l’Église se « ferme » sur elle-même. D’ où les schismes nombreux, dès cette époque, dans les Églises calvinist
3142 e qui prétend se suffire et posséder son principe d’ unité, une Église qui tend à se fermer par le haut pour mieux assurer
3143 humaine, devient à la fois isolée et génératrice de schismes. Son attitude est donc doublement antiœcuménique. Sa volonté
3144 de est donc doublement antiœcuménique. Sa volonté d’ unité s’oppose à l’union. Elle transforme la diversité en division. Al
3145 dans ses membres ! La vie normale du corps dépend de la vitalité de chacun de ses membres, et la vie d’un membre dépend de
3146 s ! La vie normale du corps dépend de la vitalité de chacun de ses membres, et la vie d’un membre dépend de son harmonie a
3147 normale du corps dépend de la vitalité de chacun de ses membres, et la vie d’un membre dépend de son harmonie avec les au
3148 e la vitalité de chacun de ses membres, et la vie d’ un membre dépend de son harmonie avec les autres membres, assurée par
3149 acun de ses membres, et la vie d’un membre dépend de son harmonie avec les autres membres, assurée par l’appartenance à un
3150 rons plus loin, et à plusieurs reprises, ce thème de l’harmonie organique opposé au thème de l’unité systématique. Notons
3151 ce thème de l’harmonie organique opposé au thème de l’unité systématique. Notons qu’il n’entraîne aucunement un éloge de
3152 ique. Notons qu’il n’entraîne aucunement un éloge de la « tolérance » libérale à base d’indifférence dogmatique. Car l’har
3153 ment un éloge de la « tolérance » libérale à base d’ indifférence dogmatique. Car l’harmonie des membres n’est pas une tolé
3154 lement la division ou la duplication accidentelle d’ un même organe, n’ont rien de mieux à faire qu’à fusionner le plus tôt
3155 ication accidentelle d’un même organe, n’ont rien de mieux à faire qu’à fusionner le plus tôt possible. 2. Philosophie
3156 fusionner le plus tôt possible. 2. Philosophie de la personne Les positions œcuméniques que nous venons d’esquisser
3157 onne Les positions œcuméniques que nous venons d’ esquisser enveloppent une doctrine de l’homme. Au conflit qui oppose l
3158 nous venons d’esquisser enveloppent une doctrine de l’homme. Au conflit qui oppose l’unité et la division dans le plan de
3159 it qui oppose l’unité et la division dans le plan de l’Église, correspond terme à terme le conflit qui oppose la collectiv
3160 oppose la collectivité et l’individu dans le plan de la société. Et de même que l’œcuménisme retrouve la position spiritue
3161 personnalisme. Cherchons à illustrer les notions d’ individu, de collectivité, et de personne par des exemples historiques
3162 me. Cherchons à illustrer les notions d’individu, de collectivité, et de personne par des exemples historiques susceptible
3163 strer les notions d’individu, de collectivité, et de personne par des exemples historiques susceptibles de faire image. L’
3164 ersonne par des exemples historiques susceptibles de faire image. L’individu est une invention grecque, et sa naissance si
3165 recque, et sa naissance signale la naissance même de l’hellénisme. C’est l’homme de la tribu qui se met à réfléchir « pour
3166 la naissance même de l’hellénisme. C’est l’homme de la tribu qui se met à réfléchir « pour son compte », et qui, de ce fa
3167 i se met à réfléchir « pour son compte », et qui, de ce fait même, se distingue et s’isole. Raisonner, c’est d’abord doute
3168 ulse le « non-conformiste ». Ce sont ces expulsés de divers groupes qui fondent les premières thiases grecques, communauté
3169 ’intérêt commun et les contrats. Tous les membres de la tribu devaient agir de la même manière, minutieusement prescrite p
3170 trats. Tous les membres de la tribu devaient agir de la même manière, minutieusement prescrite par les usages, et toute di
3171 ent prescrite par les usages, et toute dissidence de conduite entraînait l’exécration ou la mort. Dans la cité, au contrai
3172 ncurrence, originalité, droits privés, conscience de soi, succèdent au respect des tabous et à la stricte observance du sa
3173 mouvement centrifuge par rapport à la communauté d’ origine, s’il se confond d’abord avec l’intelligence et la raison, ne
3174 vers l’anarchie. À ce moment se crée un sentiment de vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse d’où naît l’appel à u
3175 crée un sentiment de vide social. C’est une sorte d’ angoisse diffuse d’où naît l’appel à une communauté nouvelle et plus s
3176 e vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse d’ où naît l’appel à une communauté nouvelle et plus solide, où l’individ
3177 st Rome alors qui nous donnera le symbole éternel de la réaction collective. La victoire de Rome sur la Grèce est la premi
3178 le éternel de la réaction collective. La victoire de Rome sur la Grèce est la première victoire fatale de l’étatisme sur l
3179 Rome sur la Grèce est la première victoire fatale de l’étatisme sur l’individualisme devenu anarchique. Entre individualis
3180 aussi profonde qu’on l’imagine. Il s’agit plutôt d’ une succession inévitable. L’individu ne s’oppose à l’État qu’à la man
3181 même, l’étatisme ne fait qu’achever le processus de dissolution commencé par l’individualisme : il liquide les groupes ex
3182 es les initiatives individuelles. N’admettant pas de recours au-delà de son pouvoir, il se prive de toute inspiration créa
3183 individuelles. N’admettant pas de recours au-delà de son pouvoir, il se prive de toute inspiration créatrice. L’homme n’es
3184 as de recours au-delà de son pouvoir, il se prive de toute inspiration créatrice. L’homme n’est plus qu’une fonction socia
3185 ction sociale, un « soldat politique », dirait-on de nos jours. Et l’esprit périclite, faute de liberté. La Grèce individu
3186 te de liberté. La Grèce individualiste a triomphé de la communauté barbare du sang. Mais plus tard elle a sombré dans l’an
3187 rd elle a sombré dans l’anarchie. Rome a triomphé de l’anarchie et sombre maintenant sous le poids de son appareil collect
3188 de l’anarchie et sombre maintenant sous le poids de son appareil collectiviste. De nouveau se recrée le vide social. Quel
3189 le sera la nouvelle société ? En ce point crucial de l’histoire — dans une situation qui rappelle étrangement la lutte pré
3190 tisme totalitaire — se produit l’événement unique de l’Incarnation. Et il apporte à la question des temps la réponse étern
3191 orte à la question des temps la réponse éternelle de l’Église. Qu’est-ce que l’Église primitive, dans la perspective socio
3192 s plaçons ici ? Une communauté spirituelle formée de communautés locales ou « cellules ». Celles-ci ne se fondent pas sur
3193 ni leur chef : il s’est assis au ciel à la droite de Dieu. Leur ambition non plus n’est pas terrestre : elles attendent la
3194 pendant, elles constituent bel et bien les germes d’ une société véritable. Elles ont leur organisation sociale, leurs chef
3195 s. L’homme qui se convertit et s’incorpore à l’un de ces groupes y trouve d’une part une activité sociale qui le relie à s
3196 sociale qui le relie à ses « frères » et le sauve de la solitude ; d’autre part, il revêt une dignité humaine nouvelle, pu
3197 squ’il a été racheté, et qu’il a reçu la promesse de sa résurrection individuelle. Il est donc à la fois engagé et libéré,
3198 ’un seul et même fait : la vocation qu’il a reçue de l’Éternel. Cet homme d’un type nouveau n’est pas l’individu grec, pui
3199 la vocation qu’il a reçue de l’Éternel. Cet homme d’ un type nouveau n’est pas l’individu grec, puisqu’il se soucie davanta
3200 as l’individu grec, puisqu’il se soucie davantage de servir que de se distinguer. Il n’est pas non plus le simple rouage,
3201 grec, puisqu’il se soucie davantage de servir que de se distinguer. Il n’est pas non plus le simple rouage, la simple fonc
3202 omain, puisqu’il possède une dignité indépendante de son rôle social. Comment le baptiser ? Il faut un mot nouveau. Ou plu
3203 les docteurs grecs avaient adopté le terme latin de persona (rôle social). C’est ce même terme qui servira aux premiers p
3204 miers philosophes chrétiens à désigner la réalité de l’homme dans un monde christianisé. Car cet homme est, lui aussi, à l
3205 ns chrétiennes, ou pour mieux dire, des créations de l’Église chrétienne. Dans la personne ainsi définie se résout l’étern
3206 ation qu’il envoie à l’homme, distingue cet homme de tous les autres et le remet en relations concrètes avec ses semblable
3207 liberté est assurée par la possibilité constante de recourir directement à l’Éternel, au-dessus de la communauté. Et la c
3208 te de recourir directement à l’Éternel, au-dessus de la communauté. Et la communauté est liée par sa fidélité à l’Éternel.
3209 t le même fondement que les droits et les devoirs de l’ensemble. Ils ne sont plus contradictoires. Ce qui libère un homme
3210 me est aussi ce qui le rend responsable vis-à-vis d’ autrui. En retour, ce qui unit la communauté est aussi ce qui l’oblige
3211 chacun sa chance. Mais la liberté et l’engagement de la personne chrétienne se définissent du même coup par la formule : à
3212 ocation. Nous avons retrouvé, dans cette doctrine de l’homme, les mêmes structures que dans la doctrine de l’Église univer
3213 ’homme, les mêmes structures que dans la doctrine de l’Église universelle esquissée plus haut ; la même position centrale
3214 les droits des parties. De même que la théologie de l’œcuménisme prévient d’une part l’orthodoxie fermée, d’autre part la
3215 autre part la dissidence obstinée, la philosophie de la personne prévient d’une part le collectivisme oppressif, d’autre p
3216 adies. Dans le plan humain immanent, il n’y a pas d’ équilibre possible entre l’anarchie et l’unité forcée, l’individu et l
3217 mieux qu’un équilibre, il y a un principe vivant d’ union. Là où est l’Esprit, là est la liberté, mais là aussi est la vra
3218 développer maintenant les implications politiques de cette théologie et de cette philosophie. 3. Politique du fédéralis
3219 les implications politiques de cette théologie et de cette philosophie. 3. Politique du fédéralisme Nous en avons as
3220 avons assez dit pour qu’il soit désormais facile de voir qu’à l’attitude œcuménique en religion ne peut correspondre que
3221 fédéraliste en politique. Quant à la philosophie de la personne, elle sera normalement celle du bon citoyen d’une fédérat
3222 sonne, elle sera normalement celle du bon citoyen d’ une fédération. La devise paradoxale du fédéralisme helvétique : « Un
3223 ’œcuménisme exclut l’orthodoxie fermée, créatrice de schismes, et la dissidence obstinée. Le fédéralisme exclut de même l’
3224 ralisme exclut de même l’impérialisme, générateur de guerres, et le régionalisme borné et égoïste. (Remarquons d’ailleurs
3225 urs que l’impérialisme n’est que l’individualisme d’ un groupe ; et l’individualisme, l’impérialisme d’un homme isolé. De m
3226 d’un groupe ; et l’individualisme, l’impérialisme d’ un homme isolé. De même que l’État cesse d’être un vrai État dès qu’il
3227 alisme d’un homme isolé. De même que l’État cesse d’ être un vrai État dès qu’il se veut souverain absolu, l’homme cesse d’
3228 dès qu’il se veut souverain absolu, l’homme cesse d’ être un homme intégral dès qu’il absolutise sa liberté.) Le fédéralism
3229 liser. Car les tâches civiques y sont à l’échelle de l’individu et l’engagement concret dans la communauté y devient donc
3230 on avec le groupe, on a la possibilité matérielle d’ y faire entendre sa voix. Si cela ne suffit pas, on peut changer de gr
3231 e sa voix. Si cela ne suffit pas, on peut changer de groupe. L’on n’est donc pas isolé, comme l’individu se trouve isolé d
3232 l ou politique, ou professionnel. Cette pluralité d’ appartenances — qui trouverait son équivalent dans l’œcuménisme ecclés
3233 taire, qui prétend faire coïncider les frontières de l’État avec celles de toutes les activités sociales, spirituelles ou
3234 re coïncider les frontières de l’État avec celles de toutes les activités sociales, spirituelles ou privées — ce qui est l
3235 uelles ou privées — ce qui est la définition même de l’oppression. Le fédéralisme, comme l’œcuménisme, reconnaît que les d
3236 ît que les diversités régionales sont la vie même de l’Union. Mais par l’organe central qui lie toutes les régions, il mén
3237 , il ménage un recours au citoyen contre les abus de pouvoirs locaux. Il cherche la coopération organique de ses membres e
3238 voirs locaux. Il cherche la coopération organique de ses membres et non cette caricature de l’ordre qu’est l’unité dans l’
3239 organique de ses membres et non cette caricature de l’ordre qu’est l’unité dans l’uniformité. Au lieu de pétrifier les fr
3240 édération, il cherche à vivifier leurs foyers. Et de la sorte, à l’équilibre méfiant et statique des puissances affrontées
3241 iste (centralisateur et individualiste à la fois) d’ un régime coopératif. Mais ceci nous entraînerait dans un exposé qui d
3242 entraînerait dans un exposé qui déborde le cadre de ce schéma doctrinal. Notre objet était d’établir les relations suivan
3243 e cadre de ce schéma doctrinal. Notre objet était d’ établir les relations suivantes : l’œcuménisme, le personnalisme et le
3244 nalisme et le fédéralisme sont les aspects divers d’ une seule et même attitude spirituelle. Ils s’engendrent l’un l’autre
3245 mes ambitions. Ils opposent également à la notion d’ unité rigide celle de communion ; à l’Empire, le Commonwealth ; à l’or
3246 posent également à la notion d’unité rigide celle de communion ; à l’Empire, le Commonwealth ; à l’ordre unitaire et géomé
3247 collaboration pluraliste et organique ; au couple de frères ennemis que forment l’individu déraciné et la masse totalitair
3248 ividu déraciné et la masse totalitaire, le couple de frères amis que forment la personne et la communauté fédérale. Vouloi
3249 énisme, ce serait priver l’organisation politique de ses fondements spirituels. Mais accepter l’œcuménisme sans vouloir ég
3250 st pas la foi.   Note. — On s’étonnera peut-être de ne pas voir figurer le terme de démocratie dans ce qui précède. C’est
3251 tonnera peut-être de ne pas voir figurer le terme de démocratie dans ce qui précède. C’est qu’il recouvre actuellement de
3252 ce qui précède. C’est qu’il recouvre actuellement de trop graves malentendus et abus. L’œcuménisme n’a pas à les reprendre
3253 . Dans le fédéralisme, démocrates et totalitaires de droite et de gauche pourront trouver la plénitude de leurs idéaux inc
3254 éralisme, démocrates et totalitaires de droite et de gauche pourront trouver la plénitude de leurs idéaux incomplets, sépa
3255 droite et de gauche pourront trouver la plénitude de leurs idéaux incomplets, séparés, et par là même déformés. À mon sens
3256 le fédéralisme est la seule possibilité pratique de réaliser la vraie démocratie. Mais il a le grand avantage de réaliser
3257 la vraie démocratie. Mais il a le grand avantage de réaliser en même temps ce qu’il y a de valable dans l’appel communaut
3258 d avantage de réaliser en même temps ce qu’il y a de valable dans l’appel communautaire que le totalitarisme a diaboliquem
3259 ement utilisé et dévié. 4. Mission fédératrice de l’œcuménisme Et maintenant nous voici dans le drame de l’année 194
3260 ménisme Et maintenant nous voici dans le drame de l’année 194173. Nous constatons que le conflit en cours est insoluble
3261 e définitivement des démocraties, ce sera la mort d’ une culture et d’une économie, sans doute, mais ce sera surtout la sup
3262 des démocraties, ce sera la mort d’une culture et d’ une économie, sans doute, mais ce sera surtout la suppression de toute
3263 , sans doute, mais ce sera surtout la suppression de toute possibilité œcuménique, la subversion des valeurs universelles
3264 valeurs universelles créées par l’évangélisation de la conscience occidentale. D’autre part, si les démocraties capitalis
3265 alistes triomphent, aucun problème ne sera résolu de ce fait. Tout le monde sent ou pressent d’ailleurs que les deux terme
3266 e sent ou pressent d’ailleurs que les deux termes de cette alternative sont également improbables, et que les destructions
3267 nir supprimeront pratiquement toutes possibilités de victoire réelle de l’un ou de l’autre parti. L’examen objectif des fo
3268 atiquement toutes possibilités de victoire réelle de l’un ou de l’autre parti. L’examen objectif des forces en présence ne
3269 toutes possibilités de victoire réelle de l’un ou de l’autre parti. L’examen objectif des forces en présence ne permet d’e
3270 ’examen objectif des forces en présence ne permet d’ envisager pour l’Europe et le monde de demain qu’une période de chaos
3271 e ne permet d’envisager pour l’Europe et le monde de demain qu’une période de chaos étatisé ; je ne dis même pas de « révo
3272 our l’Europe et le monde de demain qu’une période de chaos étatisé ; je ne dis même pas de « révolution ». Car pour qu’une
3273 une période de chaos étatisé ; je ne dis même pas de « révolution ». Car pour qu’une révolution se déclenche, il faut une
3274 dans les deux camps. Le totalitarisme est un état de guerre, qui ne peut subsister normalement. Il ne reste donc à prévoir
3275 confuses des peuples et aux nécessités pratiques de la paix. Elle seule s’oppose à la fois au capitalisme individualiste
3276 peut aujourd’hui proposer cette réponse ? Le rôle d’ Hitler est de détruire. Il détruit les contradictions intolérables d’u
3277 hui proposer cette réponse ? Le rôle d’Hitler est de détruire. Il détruit les contradictions intolérables d’une Europe qui
3278 ruire. Il détruit les contradictions intolérables d’ une Europe qui s’obstinait à parler de justice et de droit en restant
3279 ntolérables d’une Europe qui s’obstinait à parler de justice et de droit en restant capitaliste et nationaliste, et qui re
3280 une Europe qui s’obstinait à parler de justice et de droit en restant capitaliste et nationaliste, et qui refusait de se f
3281 tant capitaliste et nationaliste, et qui refusait de se fédérer. Hitler abat les barrières, le passé. C’est toute sa force
3282 it. Il n’y aurait plus qu’une table rase couverte de ruines pulvérisées. Le rôle de Churchill est de faire la guerre. Mais
3283 able rase couverte de ruines pulvérisées. Le rôle de Churchill est de faire la guerre. Mais il ne pourra pas la gagner rée
3284 e de ruines pulvérisées. Le rôle de Churchill est de faire la guerre. Mais il ne pourra pas la gagner réellement s’il ne p
3285 agner réellement s’il ne propose rien aux peuples de l’Europe. Or il dit qu’il n’en a pas le temps… Quant au rôle de Stali
3286 r il dit qu’il n’en a pas le temps… Quant au rôle de Staline, il paraît être de profiter de la guerre des autres pour cons
3287 e temps… Quant au rôle de Staline, il paraît être de profiter de la guerre des autres pour consolider l’autarcie russe… Ce
3288 nt au rôle de Staline, il paraît être de profiter de la guerre des autres pour consolider l’autarcie russe… Cette carence
3289 velle. Si les Églises n’y répondent pas, personne d’ autre, je le crains, ne répondra. Avant même de se demander si les Égl
3290 ne d’autre, je le crains, ne répondra. Avant même de se demander si les Églises peuvent répondre, il faut qu’elles compren
3291 x termes ne se confondent-ils pas dans la réalité de la foi ? Certes ! Si les Églises sont fidèles à leur chef, elles save
3292 ègne et crée pour ceux qui croient la possibilité de faire ce qu’il demande. Dans l’état d’impuissance apparente où se voi
3293 ossibilité de faire ce qu’il demande. Dans l’état d’ impuissance apparente où se voient aujourd’hui les Églises, si cette f
3294 le sera suffisante. Aussi bien, certaines raisons de croire que l’Église peut agir, raisons que nous allons énumérer, sont
3295 précédé et prédéterminé les structures politiques d’ une nation. J’indiquerai trois groupes d’exemples de cette précédence
3296 litiques d’une nation. J’indiquerai trois groupes d’ exemples de cette précédence des facteurs religieux. Voilà le premier.
3297 une nation. J’indiquerai trois groupes d’exemples de cette précédence des facteurs religieux. Voilà le premier. A-t-on rem
3298 e premier. A-t-on remarqué qu’il existe une forme de totalitarisme correspondant à la Russie orthodoxe, une seconde, corre
3299 s calvinistes, même laïcisés, comme ce fut le cas de la France sous la Troisième République ? Comment expliquer ce fait ?
3300 République ? Comment expliquer ce fait ? À défaut d’ une étude nuancée, — dont je ne puis donner ici que le thème — je dira
3301 tre l’Église et l’État n’avait jamais été établie d’ une manière satisfaisante. Il en résultait, dans le peuple, le sentime
3302 ni, se virent contraints par le sentiment général de reprendre à leur compte le césaropapisme ou la théocratie dont ils tr
3303 les pays calvinistes, au contraire, la séparation de l’Église et de l’État a toujours été réelle — même lorsqu’elle n’étai
3304 istes, au contraire, la séparation de l’Église et de l’État a toujours été réelle — même lorsqu’elle n’était pas stricteme
3305 rictement établie par la loi. De même les devoirs de la vocation personnelle ont toujours été mis au-dessus des devoirs en
3306 te carence ne s’y est pas traduite par l’éclosion d’ une anti-religion totalitaire, mais par un phénomène contraire de disp
3307 gion totalitaire, mais par un phénomène contraire de dispersion individualiste. Autre exemple : l’Angleterre et les pays s
3308 ous voyons ce processus ecclésiastique se répéter de nos jours dans ces mêmes pays, cette fois-ci dans l’ordre politique e
3309 duit un contenu socialiste. (Là encore avec moins de secousses en Scandinavie qu’en Angleterre.) Troisième exemple : Calvi
3310 in s’est toujours refusé à établir une uniformité de gouvernement pour les diverses Églises qui se réclamaient de sa réfor
3311 ment pour les diverses Églises qui se réclamaient de sa réforme. L’Una Sancta nous apparaît ici-bas, selon ses propres ter
3312 ières ». Elle doit donc s’organiser en fédération de paroisses et de provinces, par synodes. Ce type de relations ecclésia
3313 it donc s’organiser en fédération de paroisses et de provinces, par synodes. Ce type de relations ecclésiastiques devait t
3314 e paroisses et de provinces, par synodes. Ce type de relations ecclésiastiques devait trouver sa traduction politique dans
3315 lth britannique, États-Unis d’Amérique. (La forme de « l’individualisme par groupes » dans ce dernier pays, étant prédéter
3316 e dernier pays, étant prédéterminée par le fait — d’ ordre ecclésiastique — qu’il fut fondé par des seceders.) Et l’on sait
3317 par des seceders.) Et l’on sait que les réformés de France, au xvie siècle, préconisèrent une organisation fédérative du
3318 n « Grand Dessein », c’est-à-dire le premier plan d’ une Europe confédérée. Il serait aisé de développer, de nuancer et de
3319 ier plan d’une Europe confédérée. Il serait aisé de développer, de nuancer et de multiplier de tels exemples. Je ne les i
3320 Europe confédérée. Il serait aisé de développer, de nuancer et de multiplier de tels exemples. Je ne les indique ici que
3321 rée. Il serait aisé de développer, de nuancer et de multiplier de tels exemples. Je ne les indique ici que pour montrer :
3322 t aisé de développer, de nuancer et de multiplier de tels exemples. Je ne les indique ici que pour montrer : 1° que la con
3323 nt tout effort fédératif sérieux. 2. La théologie de l’œcuménisme, et la philosophie de la personne qu’elle implique, sont
3324 . La théologie de l’œcuménisme, et la philosophie de la personne qu’elle implique, sont les seules bases actuellement conc
3325 es pour un ordre nouveau du monde. (La « religion de l’homme » que certains nous proposent est une contradiction dans les
3326 ns les termes, à moins qu’elle ne soit la formule de la religion totalitaire, sans transcendance, que précisément l’on se
3327 ns transcendance, que précisément l’on se propose de combattre !) D’autre part, la théologie de l’œcuménisme et la philoso
3328 ropose de combattre !) D’autre part, la théologie de l’œcuménisme et la philosophie de la personne sont les seules bases a
3329 t, la théologie de l’œcuménisme et la philosophie de la personne sont les seules bases actuellement existantes, et sur les
3330 puisse construire dès maintenant. (La « religion de l’homme », ou du surhomme, est encore à créer, et le temps presse !)
3331 st encore à créer, et le temps presse !) Chargées d’ éléments traditionnels, condensant tout ce que nous avons d’expérience
3332 traditionnels, condensant tout ce que nous avons d’ expérience de la paix, elles convoient et contiennent en même temps un
3333 s, condensant tout ce que nous avons d’expérience de la paix, elles convoient et contiennent en même temps un indiscutable
3334 organisation du Conseil œcuménique se trouve être de fait la seule Internationale en formation. On sait assez que les Inte
3335 pays où les Soviets ne règnent pas, sont en voie de divergence et non de convergence, sur le plan international. On a vu
3336 ne règnent pas, sont en voie de divergence et non de convergence, sur le plan international. On a vu les socialistes angla
3337 subsiste en dehors de l’œcuménisme, qui permette de mettre en relations des groupes nationaux non étatiques. Ce fait simp
3338 une vocation. 4. La renaissance liturgique qui va de pair, dans toutes les Églises, avec l’effort œcuménique, est en train
3339 n train de recréer un langage commun, un ensemble de communes mesures spirituelles. Ce langage au-dessus des langages répo
3340 répond exactement aux besoins les plus légitimes de notre temps. Il nous rend les vraies formules de la communauté vivant
3341 de notre temps. Il nous rend les vraies formules de la communauté vivante, celle qui rassemble les personnes, et non pas
3342 e et grossièrement encadrée, les individus privés de leur conscience normale. Du point de vue sociologique, la renaissance
3343 e par le mouvement œcuménique, marque l’avènement d’ une attitude personnaliste, au-delà de l’antinomie individu isolé-mass
3344 l’avènement d’une attitude personnaliste, au-delà de l’antinomie individu isolé-masse militarisée. 5. La théologie de l’œc
3345 individu isolé-masse militarisée. 5. La théologie de l’œcuménisme, la philosophie de la personne et la politique du fédéra
3346 . 5. La théologie de l’œcuménisme, la philosophie de la personne et la politique du fédéralisme sont seules en mesure, auj
3347 u fédéralisme sont seules en mesure, aujourd’hui, de synthétiser les vérités disjointes et tournées en erreurs, qui subsis
3348 ements totalitaires. Ceci résulte, théoriquement, de ce que nous avons exposé aux chapitres 1-3. Le mouvement œcuménique e
3349 . Le mouvement œcuménique est donc seul en mesure de préparer la réconciliation des adversaires actuels. Il ne se fonde pa
3350 les deux camps. (N’oublions pas que l’on combat, de part et d’autre, sans grand espoir mais avec une pathétique sincérité
3351 amps. (N’oublions pas que l’on combat, de part et d’ autre, sans grand espoir mais avec une pathétique sincérité.) ⁂ Le tab
3352 thétique sincérité.) ⁂ Le tableau que nous venons d’ esquisser est ambitieux. Il veut l’être, parce qu’il doit l’être. L’ac
3353 l’être. L’action du chrétien n’est jamais partie de la prudente considération des forces dont il croyait pouvoir disposer
3354 des forces dont il croyait pouvoir disposer, mais de ce que Dieu voulait qu’il fît. C’est toujours une utopie apparente ;
3355 s auteurs isolés l’ont fait entendre. Des groupes d’ intellectuels ont tenté de formuler certaines réponses partielles. Le
3356 t entendre. Des groupes d’intellectuels ont tenté de formuler certaines réponses partielles. Le sentiment obscur des peupl
3357 ités morales et politiques (personnalisme). Point d’ action constructive sans idéologie. Mais point d’idéologie valable san
3358 d’action constructive sans idéologie. Mais point d’ idéologie valable sans théologie. Et point de théologie efficace sans
3359 oint d’idéologie valable sans théologie. Et point de théologie efficace sans le soutien d’une catholicité réelle, d’une co
3360 e. Et point de théologie efficace sans le soutien d’ une catholicité réelle, d’une communauté humaine fondée dans la commun
3361 fficace sans le soutien d’une catholicité réelle, d’ une communauté humaine fondée dans la communion des saints. Cette comm
3362 lle, qu’il doit affronter maintenant. 73. Note de 1946 : Je n’ai pas un mot à changer au diagnostic qui suit. ab. Rou
3363 ger au diagnostic qui suit. ab. Rougemont Denis de , « Fédéralisme et œcuménisme », Foi et Vie, Paris, septembre–octobre
3364 eptembre–octobre 1946, p. 621-639. ac. Il s’agit d’ une traduction en français de « Ecumenicity and federalism », Christen
3365 -639. ac. Il s’agit d’une traduction en français de « Ecumenicity and federalism », Christendom, New York, n° 2, printemp
25 1977, Foi et Vie, articles (1928–1977). Pédagogie des catastrophes (avril 1977)
3366 hes (avril 1977)ad ae Tout ne fut pas toujours de notre faute. Ils souffraient de famine quand nous n’étions pas nés. I
3367 fut pas toujours de notre faute. Ils souffraient de famine quand nous n’étions pas nés. Ils meurent encore de faim, mais
3368 e quand nous n’étions pas nés. Ils meurent encore de faim, mais en bien plus grand nombre — c’est un résultat du Progrès —
3369 t du Progrès — cependant que l’on meurt chez nous de manger trop. Cette fois-ci, notre faute est immense, mais ailleurs :
3370 notre faute est immense, mais ailleurs : elle est d’ avoir offert, ou plutôt imposé aux élites occidentalisées du tiers-mon
3371 ent étranger à toutes leurs traditions, le modèle de l’État-nation napoléonien — et que ce soit en version capitaliste ou
3372 uniste ne fait aucune différence. Ils se trompent d’ Europe, quand ils veulent l’imiter, surtout pour mieux s’en libérer. I
3373 libérées, leur identité retrouvée. Le seul moyen de les inciter à éviter nos maux, au lieu de les revendiquer, sera l’exe
3374 de les revendiquer, sera l’exemple vécu et réussi d’ un dépassement de nos stato-nationalismes par la fédération continenta
3375 r, sera l’exemple vécu et réussi d’un dépassement de nos stato-nationalismes par la fédération continentale ; d’un dépasse
3376 to-nationalismes par la fédération continentale ; d’ un dépassement de la croissance à tout prix des formules d’équilibre h
3377 par la fédération continentale ; d’un dépassement de la croissance à tout prix des formules d’équilibre humain qui prennen
3378 ssement de la croissance à tout prix des formules d’ équilibre humain qui prennent en compte le bonheur, ou simplement l’ai
3379 que le gonflement artificiel du PNB et les stocks de bombes calculés en « équivalents TNT ». Condamner l’Europe et ne rien
3380 ion, c’est priver le tiers-monde des seuls moyens de s’en tirer sans catastrophes. Car s’il est vrai que l’Europe est resp
3381 s. Car s’il est vrai que l’Europe est responsable de la plupart des maux qui accablent le tiers-monde, et d’abord de son e
3382 des maux qui accablent le tiers-monde, et d’abord de son explosion démographique, d’où famine, mais d’où soif aussi de nos
3383 monde, et d’abord de son explosion démographique, d’ où famine, mais d’où soif aussi de nos industries, il est non moins vr
3384 de son explosion démographique, d’où famine, mais d’ où soif aussi de nos industries, il est non moins vrai que l’Europe se
3385 démographique, d’où famine, mais d’où soif aussi de nos industries, il est non moins vrai que l’Europe seule peut produir
3386 à savoir si le tiers-monde sera tenté, et tirera de sa libération les conclusions que nous aurions dû tirer, pour notre p
3387 sions que nous aurions dû tirer, pour notre part, de l’échec du colonialisme, je suis sceptique. Il se peut que le tiers-m
3388 u sage. Mais ce qui est sûr, c’est qu’en refusant de faire les régions et de se « faire » du même mouvement, l’Europe perd
3389 sûr, c’est qu’en refusant de faire les régions et de se « faire » du même mouvement, l’Europe perdrait ses dernières chanc
3390 ouvement, l’Europe perdrait ses dernières chances de paix, d’autonomie, et de survie de son identité, de son génie.   — Co
3391 l’Europe perdrait ses dernières chances de paix, d’ autonomie, et de survie de son identité, de son génie.   — Comment alo
3392 it ses dernières chances de paix, d’autonomie, et de survie de son identité, de son génie.   — Comment alors, évaluez-vous
3393 nières chances de paix, d’autonomie, et de survie de son identité, de son génie.   — Comment alors, évaluez-vous les chanc
3394 paix, d’autonomie, et de survie de son identité, de son génie.   — Comment alors, évaluez-vous les chances de votre proje
3395 énie.   — Comment alors, évaluez-vous les chances de votre projet ? Quelles forces peut-il mobiliser ? Qui est pour ? Qui
3396 va le prendre en charge ? — Je ne serais pas tenu de répondre à ces questions, m’étant donné pour tâche de faire voir et s
3397 épondre à ces questions, m’étant donné pour tâche de faire voir et sentir la nécessité des régions, en tant qu’elle me par
3398 paraît lisiblement inscrite dans la problématique de notre temps. Et voilà bien pourquoi plusieurs hommes politiques, dont
3399 ou un colloque privé. Pourtant, ils ne font rien de visible dans ce sens, tout occupés qu’ils sont à se maintenir au pouv
3400 au pouvoir. Ils voudraient bien agir dans le sens de mon plan, mais s’ils en montraient l’intention, ils perdraient aussit
3401 ls perdraient aussitôt, et à coup sûr, le pouvoir de le faire peut-être un jour… Je n’en vois pas un seul qui ait risqué l
3402 ais pas me dérober à une question que je ne cesse de me poser. Vous demandez qui va réaliser mon plan. À vrai dire, il y a
3403 iser mon plan. À vrai dire, il y a toutes raisons de redouter que personne ne s’en charge en tant que représentant d’une n
3404 personne ne s’en charge en tant que représentant d’ une nation, d’un parti, de la gauche ou de la droite, ou même de la Je
3405 ’en charge en tant que représentant d’une nation, d’ un parti, de la gauche ou de la droite, ou même de la Jeunesse. Les ho
3406 n tant que représentant d’une nation, d’un parti, de la gauche ou de la droite, ou même de la Jeunesse. Les hommes d’État
3407 sentant d’une nation, d’un parti, de la gauche ou de la droite, ou même de la Jeunesse. Les hommes d’État ne feront rien,
3408 d’un parti, de la gauche ou de la droite, ou même de la Jeunesse. Les hommes d’État ne feront rien, pour la raison que je
3409 les régions n’existent pas, ou seulement à l’état de nécessités vitales et ça ne vote pas. Qu’ont fait tous nos gouverneme
3410 onc pas plus régionaux qu’européens. Leur but est d’ accéder au pouvoir existant, d’occuper ses bureaux, de s’asseoir dans
3411 éens. Leur but est d’accéder au pouvoir existant, d’ occuper ses bureaux, de s’asseoir dans ses fauteuils, de manipuler ses
3412 céder au pouvoir existant, d’occuper ses bureaux, de s’asseoir dans ses fauteuils, de manipuler ses commandes, et non pas
3413 per ses bureaux, de s’asseoir dans ses fauteuils, de manipuler ses commandes, et non pas de le modifier radicalement, enco
3414 fauteuils, de manipuler ses commandes, et non pas de le modifier radicalement, encore moins de créer un tout autre pouvoir
3415 non pas de le modifier radicalement, encore moins de créer un tout autre pouvoir. Même jeu donc pour la droite et la gauch
3416 re leur dicte ses lois. Quant au « grand public » de la droite et aux « masses » de la gauche, catégories de naguère aujou
3417 u « grand public » de la droite et aux « masses » de la gauche, catégories de naguère aujourd’hui confondues dans l’ensemb
3418 droite et aux « masses » de la gauche, catégories de naguère aujourd’hui confondues dans l’ensemble passif des téléspectat
3419 a su voir venir les guerres mondiales, la théorie de la relativité, le stalinisme, la décevante marche sur la Lune, ni mêm
3420 la décevante marche sur la Lune, ni même la crise de l’énergie. Tout ou presque semble indiquer à l’observateur objectif q
3421 erme (trouver un job) et souci fortement anticipé de sécurité (s’assurer la retraite en même temps que le job). On ne s’oc
3422 aite en même temps que le job). On ne s’occupe ni de l’Europe, ni encore de régions, et encore moins de révolution. — Refu
3423 le job). On ne s’occupe ni de l’Europe, ni encore de régions, et encore moins de révolution. — Refus du « système », ce re
3424 e l’Europe, ni encore de régions, et encore moins de révolution. — Refus du « système », ce refus passant pour « révolutio
3425 ur « révolutionnaire ». On ne s’occupe pas encore de l’Europe, ni de régions, ni de la création d’un pouvoir neuf, mais tr
3426 aire ». On ne s’occupe pas encore de l’Europe, ni de régions, ni de la création d’un pouvoir neuf, mais très souvent, pres
3427 ’occupe pas encore de l’Europe, ni de régions, ni de la création d’un pouvoir neuf, mais très souvent, presque toujours de
3428 ore de l’Europe, ni de régions, ni de la création d’ un pouvoir neuf, mais très souvent, presque toujours de « pollution »,
3429 pouvoir neuf, mais très souvent, presque toujours de « pollution », notez cela !   — Si je comprends bien, vous n’avez ave
3430 s élites à la mode… Qu’avez-vous donc ? — Le sens d’ un péril imminent et la conscience de vivre un long cauchemar où tout
3431  ? — Le sens d’un péril imminent et la conscience de vivre un long cauchemar où tout est faux, impossible et réel ; le ref
3432 r où tout est faux, impossible et réel ; le refus de croire que l’état des forces cataloguées, tel que vous venez de le ca
3433 nt, ne puisse changer à bref délai ; et la vision d’ un avenir vivant, qui peut faire se lever d’autres forces. Rien de ce
3434 nt, qui peut faire se lever d’autres forces. Rien de ce qui nous semble aujourd’hui définitivement installé dans une évide
3435 e évidence granitique ne va durer, parce que rien de tout cela ne peut durer. Aucune des conditions de survie d’une civili
3436 de tout cela ne peut durer. Aucune des conditions de survie d’une civilisation quelconque ne se trouve remplie par la nôtr
3437 la ne peut durer. Aucune des conditions de survie d’ une civilisation quelconque ne se trouve remplie par la nôtre : ni le
3438 ou gouailleur du peuple, ni le dévouement rituel d’ une aristocratie qui sait ce qu’elle se doit. Plus grave encore, cette
3439 ette civilisation ne peut produire nulle garantie de sécurité égale ou supérieure aux risques par elle-même créés et entre
3440 la société stato-nationaliste a pour seule vertu d’ être là. Écoutons Baudelaire : Le monde va finir. La seule raison pou
3441 isait Emmanuel Berl « peuvent en avoir marre tout d’ un coup »74. Déjà s’opère en toutes classes sociales et toutes classes
3442 père en toutes classes sociales et toutes classes d’ âge la mobilisation de plus en plus fréquente d’activistes nombreux et
3443 s d’âge la mobilisation de plus en plus fréquente d’ activistes nombreux et motivés luttant contre la pollution sous toutes
3444 rtir de là, tout s’enchaîne. L’analyse des causes de la pollution et du système de ces causes conduit, au-delà des déducti
3445 ’analyse des causes de la pollution et du système de ces causes conduit, au-delà des déductions critiques, à l’escalade le
3446 ovations sociales et politiques proposées au long de ces pages, et qui vont des petites communautés à la fédération du con
3447 autés à la fédération du continent, première base d’ un ordre mondial. Déjà, lors d’élections locales ou nationales, les ca
3448 ent, première base d’un ordre mondial. Déjà, lors d’ élections locales ou nationales, les candidats bénéficiant de l’appui
3449 locales ou nationales, les candidats bénéficiant de l’appui des mouvements « écologiques » ont battu les chevaux de retou
3450 mouvements « écologiques » ont battu les chevaux de retour des partis grâce aux quelques centaines de voix qui font toute
3451 de retour des partis grâce aux quelques centaines de voix qui font toute la différence. Déjà, un régime scandinave vient d
3452 dinave vient de se voir renversé après trente ans de pouvoir, parce qu’il s’obstinait à confondre progrès social et centra
3453 nements, même s’ils sont au service des marchands d’ armes, n’est pas telle qu’ils ne tirent de pareils résultats des concl
3454 rchands d’armes, n’est pas telle qu’ils ne tirent de pareils résultats des conclusions d’un sain opportunisme.   — Il y a
3455 ls ne tirent de pareils résultats des conclusions d’ un sain opportunisme.   — Il y a donc des mouvements, des signes favor
3456 ouvements, des signes favorables ? — Des milliers de mouvements sont à l’œuvre. Au premier rang, ceux des écologistes. On
3457 , puis aux fédéralistes européens ou mondialistes de l’après-guerre. Je vois des signes. L’évolution de la TV reproduit le
3458 e l’après-guerre. Je vois des signes. L’évolution de la TV reproduit le phénomène dialectique des régions fédérées s’oppos
3459 iale : dans les deux cas on échappe aux contrôles de l’État-nation, dont les monopoles classiques se trouvent débordés et
3460 ibles » ; des politologues comme C. N. Parkinson ( de la loi du même nom), pour qui l’Europe de demain ne sera viable que s
3461 kinson (de la loi du même nom), pour qui l’Europe de demain ne sera viable que si elle se recompose sur la base de quelque
3462 sera viable que si elle se recompose sur la base de quelque 140 régions autonomes, dont il dresse la carte. Je vois des a
3463 « L’expérience nous apprend que seules des unités de dimensions restreintes peuvent être appréhendées par leurs habitants
3464 ndées par leurs habitants et leur offrir un cadre de vie plaisant », et qui préconise au surplus de « petites cellules urb
3465 re de vie plaisant », et qui préconise au surplus de « petites cellules urbaines à l’échelle humaine », d’ampleur limitée
3466  petites cellules urbaines à l’échelle humaine », d’ ampleur limitée à 50 000 habitants75 ; enfin des futurologues comme He
3467 voit nos États-nations, ayant perdu leurs raisons d’ être, bientôt remplacés par une « communauté plus effective », l’Europ
3468 quinze ans prochains — et nous n’avons guère plus de temps pour décider de la survie de notre espèce.   — Seriez-vous rad
3469 et nous n’avons guère plus de temps pour décider de la survie de notre espèce.   — Seriez-vous radicalement pessimiste ?
3470 ons guère plus de temps pour décider de la survie de notre espèce.   — Seriez-vous radicalement pessimiste ? — Pessimiste
3471 essimiste ? — Pessimiste, optimiste, cela n’a pas de sens en soi. Je ne cesserai de me sentir optimiste tant que je verrai
3472 iste, cela n’a pas de sens en soi. Je ne cesserai de me sentir optimiste tant que je verrai que je puis faire quelque chos
3473 urs le succès ! Attitude qui n’est pas différente de celle que j’annonçais dans ma jeunesse sous le titre de « politique d
3474 le que j’annonçais dans ma jeunesse sous le titre de « politique du pessimisme actif »76, prenant ma devise au Taciturne.
3475 et pas en nombre suffisant. Il reste à la réalité de vous imposer ce que le bon sens jamais n’aura pu faire, et c’est la r
3476 e vois rien de plus probable. Je ne prédirai rien d’ autre comme certain. Je sens venir une série de catastrophes organisée
3477 en d’autre comme certain. Je sens venir une série de catastrophes organisées par nos soins diligents quoique inconscients.
3478 raser, je les dirai pédagogiques, seules capables de surmonter notre inertie et l’invincible propension des chroniqueurs à
3479 l’invincible propension des chroniqueurs à taxer de « psychose d’Apocalypse » toute dénonciation d’un facteur de danger m
3480 propension des chroniqueurs à taxer de « psychose d’ Apocalypse » toute dénonciation d’un facteur de danger mortel, bien av
3481 r de « psychose d’Apocalypse » toute dénonciation d’ un facteur de danger mortel, bien avéré, mais qui rapporte. Je disais
3482 se d’Apocalypse » toute dénonciation d’un facteur de danger mortel, bien avéré, mais qui rapporte. Je disais cela dans mon
3483 rapporte. Je disais cela dans mon jardin du pays de Gex devant la caméra de la TV française, dans l’après-midi lumineux d
3484 a dans mon jardin du pays de Gex devant la caméra de la TV française, dans l’après-midi lumineux du 24 août 1973, et donna
3485 e, industrielle et monétaire où cinq ou six émirs de droit divin, un roi madré et un dictateur fou pouvaient nous jeter d’
3486 oi madré et un dictateur fou pouvaient nous jeter d’ un jour à l’autre, si cela leur chantait ou pour que nous chantions. Q
3487 role », m’obligeant à jeter au panier, pour cause de confirmation prématurée, une centaine de pages destinées à ce livre,
3488 ur cause de confirmation prématurée, une centaine de pages destinées à ce livre, et dont le ton prophétique eût paru plutô
3489 la sagesse qu’il en tira pour quelques semaines, de nouvelles catastrophes s’organisent dans l’ombre : « excursions » nuc
3490 tion des baleines, des éléphants, des phoques, et de tous les fauves à fourrure, chantages à la bombe bricolée exigeant le
3491 chantages à la bombe bricolée exigeant les bijoux de la couronne, la tête d’un chef d’État ou autrement c’est Manhattan, M
3492 colée exigeant les bijoux de la couronne, la tête d’ un chef d’État ou autrement c’est Manhattan, Moscou, Paris rasés dans
3493 ttan, Moscou, Paris rasés dans l’heure… Quelqu’un d’ autre l’avait déjà dit, c’était Saint-Just, au cœur de la Révolution :
3494 tre l’avait déjà dit, c’était Saint-Just, au cœur de la Révolution : Il faut attendre un mal général assez grand pour que
3495 and pour que l’opinion générale éprouve le besoin de mesures propres à faire le bien. Saint-Just ajoutait : Ce qui produ
3496 e vois pas ce qu’il serait possible, aujourd’hui, de « commencer trop tôt » : tout va trop vite. Il a fallu cinq siècles e
3497 nt (1300-1800) pour préparer l’État-nation, moins d’ un siècle pour en imposer le modèle à toute l’Europe, et trente ans po
3498 it, à cause de lui, tout s’accélère vers le pire. D’ où non seulement l’urgence accrue d’un changement de cap, mais une plu
3499 vers le pire. D’où non seulement l’urgence accrue d’ un changement de cap, mais une plus grande lisibilité de l’évolution,
3500 où non seulement l’urgence accrue d’un changement de cap, mais une plus grande lisibilité de l’évolution, qui peut facilit
3501 hangement de cap, mais une plus grande lisibilité de l’évolution, qui peut faciliter ce changement. Les catastrophes n’app
3502 pas les voies et ne les inventeront jamais. « Pas de vent favorable pour qui ne sait pas où il va », disait Sénèque. Mais
3503 e, même contraire. Tirer des bords contre le vent de l’Histoire et de la guerre : formule de nos efforts actuels et procha
3504 . Tirer des bords contre le vent de l’Histoire et de la guerre : formule de nos efforts actuels et prochains. Et peu m’imp
3505 e le vent de l’Histoire et de la guerre : formule de nos efforts actuels et prochains. Et peu m’importe de prévoir si la g
3506 os efforts actuels et prochains. Et peu m’importe de prévoir si la gauche ou la droite vont l’emporter — de toute façon, c
3507 évoir si la gauche ou la droite vont l’emporter — de toute façon, ce sera tout autre chose — car je n’écris ceci que pour
3508 je la vois déjà formulée par Héraclite au siècle d’ or de Delphes, de la Pythie et de la naissance des cités grecques : Le
3509 a vois déjà formulée par Héraclite au siècle d’or de Delphes, de la Pythie et de la naissance des cités grecques : Le maît
3510 formulée par Héraclite au siècle d’or de Delphes, de la Pythie et de la naissance des cités grecques : Le maître de la Pyt
3511 aclite au siècle d’or de Delphes, de la Pythie et de la naissance des cités grecques : Le maître de la Pythie ne veut ni p
3512 olonté et la vraie Voie. « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? » Il y a quelques années, ayant écrit que l’action politiqu
3513 er désormais à prendre des mesures conservatoires de l’Humain, quelqu’un demanda : — « Pourquoi voulez-vous donc que ça du
3514 ce. À quoi s’ajoute un raisonnable espoir. La fin de l’homme, tout à l’heure, serait au moins prématurée. Nous voyons aujo
3515 ’hui certaines causes du péril où l’humain risque de s’anéantir, et nous disons : — ce serait trop bête ! Nous venons d’en
3516 nous disons : — ce serait trop bête ! Nous venons d’ entrevoir la guérison possible. Nous avons les moyens de sauver « l’en
3517 evoir la guérison possible. Nous avons les moyens de sauver « l’environnement » — la Nature et nos habitants — in extremis
3518 is. Mais que serait la beauté du Monde sans l’œil de l’homme ? C’était si beau, la Terre de la Vie, bleue, verte et blanch
3519 sans l’œil de l’homme ? C’était si beau, la Terre de la Vie, bleue, verte et blanche dans le noir éternel… Mais sauver le
3520 Mais sauver le paysage et les décors n’aura plus de sens si nous ne sommes plus là, ou ce qui revient au même, si nous so
3521 s encore là mais aliénés, devenus incapables même de nostalgie pour ce qui fut un jour notre vie menacée. Mais il n’est pa
3522 fut un jour notre vie menacée. Mais il n’est pas de prévision d’avenir meilleur qui ne passe par un homme meilleur. Car i
3523 notre vie menacée. Mais il n’est pas de prévision d’ avenir meilleur qui ne passe par un homme meilleur. Car il arrivera… c
3524 eur. Car il arrivera… ce que nous sommes. Et quoi d’ autre peut-il arriver ? Et venant d’où ? (À part les tremblements de t
3525 mmes. Et quoi d’autre peut-il arriver ? Et venant d’ où ? (À part les tremblements de terre.) Il nous faut donc vouloir que
3526 river ? Et venant d’où ? (À part les tremblements de terre.) Il nous faut donc vouloir que le meilleur gagne — en nous. Et
3527 eut anticiper l’avenir et le prévoir par les yeux de la foi, « substance des choses espérées, ferme assurance de celles qu
3528 « substance des choses espérées, ferme assurance de celles qu’on ne voit pas ». Mais à l’aide d’appareils scientifiques,
3529 ance de celles qu’on ne voit pas ». Mais à l’aide d’ appareils scientifiques, on ne peut voir que du passé, des faits, c’es
3530 re avenir, mieux : c’est le faire.   La décadence d’ une société commence quand l’homme se demande : « Que va-t-il arriver 
3531 x à notre vocation dans la cité. Hors de là point de communauté, ni donc de régions, ni d’Europe, ni de paix, ni de futur,
3532 la cité. Hors de là point de communauté, ni donc de régions, ni d’Europe, ni de paix, ni de futur, à vues humaines. J’ai
3533 de là point de communauté, ni donc de régions, ni d’ Europe, ni de paix, ni de futur, à vues humaines. J’ai voulu dire l’av
3534 e communauté, ni donc de régions, ni d’Europe, ni de paix, ni de futur, à vues humaines. J’ai voulu dire l’avenir inscrit
3535 , ni donc de régions, ni d’Europe, ni de paix, ni de futur, à vues humaines. J’ai voulu dire l’avenir inscrit en nous, — n
3536 probable ou précisément calculé, et d’abord celui d’ être tous des seuls en masse, il vous reste à vous convertir, à faire
3537 , c’est le même mot. Je ne vais pas vous demander de devenir tous des saints. (Pourtant, ce serait la solution.) Je ne vai
3538 Remplacez ce système qui multiplie les occasions de haine par un autre qui favorise et qui appelle la solidarité. Or ce c
3539 angez vous-mêmes. Et c’est pourquoi la Sentinelle de Juda, le grand prophète, interrogé sur l’avenir par la voix de l’ango
3540 rand prophète, interrogé sur l’avenir par la voix de l’angoisse humaine dit seulement : Convertissez-vous ! Le mot doit êt
3541 ici reçu dans toute sa force et dans la plénitude de son sens. (Qui n’est pas limité à « devenez chrétiens ! ». Isaïe n’ét
3542 méfaits des centrales nucléaires et les bienfaits de la communauté, donc des régions, sans adopter l’attitude religieuse q
3543 itude religieuse que suggère malgré tout le terme de conversion ? Ou que la religion n’a rien à voir avec tel mode de poll
3544 Ou que la religion n’a rien à voir avec tel mode de pollution ou de production d’énergie ? Je répondrai que les régions,
3545 ion n’a rien à voir avec tel mode de pollution ou de production d’énergie ? Je répondrai que les régions, la pollution, l’
3546 voir avec tel mode de pollution ou de production d’ énergie ? Je répondrai que les régions, la pollution, l’énergie nucléa
3547 nucléaire ont valeur symbolique en tant que nœuds de problèmes qu’on ne peut résoudre ou trancher sans impliquer des décis
3548 isions métaphysiques et religieuses quant au rôle de l’homme sur la Terre et quant à ses options de base : la puissance ou
3549 le de l’homme sur la Terre et quant à ses options de base : la puissance ou la liberté. Faire des régions et recréer ainsi
3550 ire des régions et recréer ainsi des possibilités de communauté où la personne ait liberté de découvrir et d’exercer sa vo
3551 ibilités de communauté où la personne ait liberté de découvrir et d’exercer sa vocation ; du même coup, prévenir la guerre
3552 unauté où la personne ait liberté de découvrir et d’ exercer sa vocation ; du même coup, prévenir la guerre nucléaire (les
3553 me coup, prévenir la guerre nucléaire (les unités de base simplement n’atteignant pas la masse critique) ce n’est rien de
3554 n’atteignant pas la masse critique) ce n’est rien de moins que se tourner vers des finalités de liberté, rien de moins que
3555 t rien de moins que se tourner vers des finalités de liberté, rien de moins que renoncer à la puissance sur autrui. Et c’e
3556 ue se tourner vers des finalités de liberté, rien de moins que renoncer à la puissance sur autrui. Et c’est littéralement
3557 nvertir. Tous les prophètes condamnent la volonté de puissance, qu’ils assimilent à l’invocation des faux dieux. Pour les
3558 Bible exalte en revanche « la liberté des enfants de Dieu ». Si l’on exclut de la « sphère du religieux » le drame de l’hu
3559  la liberté des enfants de Dieu ». Si l’on exclut de la « sphère du religieux » le drame de l’humanité menacée par ses pro
3560 ’on exclut de la « sphère du religieux » le drame de l’humanité menacée par ses propres erreurs et menaçant du même coup l
3561 t la mesure est la puissance militaire, puissance de tuer ; si l’on ne veut plus tirer son énergie de soi-même mais seulem
3562 de tuer ; si l’on ne veut plus tirer son énergie de soi-même mais seulement de la désintégration d’un peu de matière, que
3563 plus tirer son énergie de soi-même mais seulement de la désintégration d’un peu de matière, que reste-t-il dans la « sphèr
3564 e de soi-même mais seulement de la désintégration d’ un peu de matière, que reste-t-il dans la « sphère du religieux » ? La
3565 La casuistique ? Mais à l’inverse, si l’on exclut de notre drame l’irréductible spirituel, comment fonder l’objection de l
3566 rréductible spirituel, comment fonder l’objection de la personne, au nom de quoi refuser le verdict de la Raison d’État, q
3567 de la personne, au nom de quoi refuser le verdict de la Raison d’État, quand il tombe de l’ordinateur bien programmé ? Pui
3568 e, au nom de quoi refuser le verdict de la Raison d’ État, quand il tombe de l’ordinateur bien programmé ? Puissance ou Lib
3569 er le verdict de la Raison d’État, quand il tombe de l’ordinateur bien programmé ? Puissance ou Liberté, qui tranchera ? E
3570 sance ou Liberté, qui tranchera ? Entre le besoin de sécurité à tout prix et la soif de liberté à tous risques, le choix d
3571 ntre le besoin de sécurité à tout prix et la soif de liberté à tous risques, le choix de l’espèce sera fonction de la chos
3572 ix et la soif de liberté à tous risques, le choix de l’espèce sera fonction de la chose la moins prévisible du monde, qui
3573 tous risques, le choix de l’espèce sera fonction de la chose la moins prévisible du monde, qui est la vitalité d’une soci
3574 la moins prévisible du monde, qui est la vitalité d’ une société. Mais il nous faut pousser l’analyse sur nous-mêmes : que
3575 uver en tant que nation, vend ou achète les armes de la fin, et se précipite vers l’holocauste général avec une très grand
3576 gistes à penser que se manifeste, dans l’humanité d’ aujourd’hui, une tendance suicidaire assez puissante. Alors, nous — ch
3577 suicidaire assez puissante. Alors, nous — chacun de nous — changeons de cap, changeons de buts, ordonnons nos moyens à ce
3578 issante. Alors, nous — chacun de nous — changeons de cap, changeons de buts, ordonnons nos moyens à ces buts — recréons la
3579 us — chacun de nous — changeons de cap, changeons de buts, ordonnons nos moyens à ces buts — recréons la communauté ! Ce n
3580 éons la communauté ! Ce ne sera pas encore la fin de la peine des hommes, la vie sans poids. Pas encore le Jour éternel. M
3581 ait seul, sans écho, devant l’indicible injustice de l’écrasement imminent. Comme la permission de vivre encore de nouveau
3582 ice de l’écrasement imminent. Comme la permission de vivre encore de nouveaux jours, de nouvelles nuits aussi, et d’y trou
3583 ent imminent. Comme la permission de vivre encore de nouveaux jours, de nouvelles nuits aussi, et d’y trouver plus de save
3584 la permission de vivre encore de nouveaux jours, de nouvelles nuits aussi, et d’y trouver plus de saveur et plus de sens.
3585 e de nouveaux jours, de nouvelles nuits aussi, et d’ y trouver plus de saveur et plus de sens. C’est pourquoi cette générat
3586 rs, de nouvelles nuits aussi, et d’y trouver plus de saveur et plus de sens. C’est pourquoi cette génération ne recevra pa
3587 uits aussi, et d’y trouver plus de saveur et plus de sens. C’est pourquoi cette génération ne recevra pas d’autre oracle q
3588 s. C’est pourquoi cette génération ne recevra pas d’ autre oracle que celui d’Isaïe à Séir, c’est de lui qu’elle devra tire
3589 énération ne recevra pas d’autre oracle que celui d’ Isaïe à Séir, c’est de lui qu’elle devra tirer son espoir et sa résolu
3590 as d’autre oracle que celui d’Isaïe à Séir, c’est de lui qu’elle devra tirer son espoir et sa résolution. Et ce n’est pas
3591 oir et sa résolution. Et ce n’est pas la promesse d’ une fin de l’Histoire mais d’une rénovation de l’aventure d’être homme
3592 résolution. Et ce n’est pas la promesse d’une fin de l’Histoire mais d’une rénovation de l’aventure d’être homme, si elle
3593 ’est pas la promesse d’une fin de l’Histoire mais d’ une rénovation de l’aventure d’être homme, si elle prend naissance dan
3594 sse d’une fin de l’Histoire mais d’une rénovation de l’aventure d’être homme, si elle prend naissance dans notre cœur.   É
3595 de l’Histoire mais d’une rénovation de l’aventure d’ être homme, si elle prend naissance dans notre cœur.   Écoutons mainte
3596 re cœur.   Écoutons maintenant le cri sublime.   De Séir, une voix crie au prophète : — Sentinelle, que dis-tu de la nuit
3597 voix crie au prophète : — Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? La sentinelle a répondu
3598 e, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? La sentinelle a répondu : — Le matin vient, et la nuit auss
3599 », Preuves , Paris, n° 8, 1971. 76. Politique de la personne , Paris, 1934. ad. Rougemont Denis de, « Pédagogie des
3600 la personne , Paris, 1934. ad. Rougemont Denis de , « Pédagogie des catastrophes », Foi et Vie, Paris, avril 1977, p. 14