1
bien, au contraire, que l’histoire n’a pas connu
de
période où les directions d’une civilisation apparaissent plus nettem
2
stoire n’a pas connu de période où les directions
d’
une civilisation apparaissent plus nettement. Un certain ordre s’élabo
3
e, ou, pour mieux dire, une organisation générale
de
la vie mondiale. Toutes les forces du temps y concourent obscurément
4
ste à jouer l’autruche aux yeux clos, l’avènement
de
cette organisation toute-puissante n’est plus qu’une question de quel
5
sation toute-puissante n’est plus qu’une question
de
quelques années. Mais peut-être est-il temps encore. Ici et là, quelq
6
Ici et là, quelques cris s’élèvent dans le désert
d’
une époque déjà presque abandonnée par l’Esprit. À l’heure de toucher
7
e déjà presque abandonnée par l’Esprit. À l’heure
de
toucher aux buts que sa civilisation poursuit depuis près de deux siè
8
puis près de deux siècles, l’Occidental est saisi
d’
un étrange malaise. Il soupçonne, par éclairs, qu’il y avait peut-être
9
aurait-il fait fausse route ? Est-il temps encore
de
le détourner du désastre spirituel vers lequel il entraîne l’Occident
10
prendre conscience du péril. Nous ne tentons rien
d’
autre ici. Il y a une lâcheté, croyons-nous, dans cette complaisance
11
érale à proclamer le désordre du temps. On a peur
de
certaines évidences, on préfère affirmer que tout est incompréhensibl
12
ensible. L’homme moderne recule devant l’évidence
de
la banqueroute prochaine de sa civilisation. Il répugne à admettre qu
13
ule devant l’évidence de la banqueroute prochaine
de
sa civilisation. Il répugne à admettre qu’une époque entière ait pu s
14
r, et se tromper mortellement. Il suffit pourtant
de
regarder autour de nous et d’en croire nos yeux. I. L’homme qui a r
15
Il suffit pourtant de regarder autour de nous et
d’
en croire nos yeux. I. L’homme qui a réussi Je prends Henry Ford
16
onne ne s’est approché plus que lui du type idéal
de
l’industriel et du capitaliste. Le succès immense de ses livres1, sa
17
l’industriel et du capitaliste. Le succès immense
de
ses livres1, sa popularité universelle sont signes que l’époque a sen
18
tion la plus parfaite. Qu’on ne m’accuse donc pas
de
caricaturer l’objet de ma critique pour faciliter l’accusation : je p
19
Qu’on ne m’accuse donc pas de caricaturer l’objet
de
ma critique pour faciliter l’accusation : je prends pour la juger ce
20
: je prends pour la juger ce que l’époque m’offre
de
mieux réussi. Voici la vie de Ford, telle qu’il la raconte dans Ma vi
21
ue l’époque m’offre de mieux réussi. Voici la vie
de
Ford, telle qu’il la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils d
22
la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils
de
paysan. Il passe son enfance à jouer avec des outils, « et c’est avec
23
à présent », dit‑il. Le plus mémorable événement
de
ces années de jeunesse, son « chemin de Damas » (comme il dit sans qu
24
dit‑il. Le plus mémorable événement de ces années
de
jeunesse, son « chemin de Damas » (comme il dit sans qu’on sache au j
25
événement de ces années de jeunesse, son « chemin
de
Damas » (comme il dit sans qu’on sache au juste quelle dose d’« humou
26
omme il dit sans qu’on sache au juste quelle dose
d’
« humour » il met dans l’expression), c’est la rencontre d’une locomot
27
r » il met dans l’expression), c’est la rencontre
d’
une locomotive routière. « Depuis l’instant où, enfant de 12 ans, j’ap
28
ocomotive routière. « Depuis l’instant où, enfant
de
12 ans, j’aperçus cette machine de route, jusqu’au jour présent, ma g
29
ant où, enfant de 12 ans, j’aperçus cette machine
de
route, jusqu’au jour présent, ma grande et constante ambition a été d
30
ur présent, ma grande et constante ambition a été
de
construire une bonne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse so
31
nstruire une bonne machine routière. » Les étapes
de
sa jeunesse sont : la construction d’un moteur à vapeur, puis d’un mo
32
Les étapes de sa jeunesse sont : la construction
d’
un moteur à vapeur, puis d’un moteur à explosion, enfin d’une première
33
sont : la construction d’un moteur à vapeur, puis
d’
un moteur à explosion, enfin d’une première automobile fabriquée, à te
34
eur à vapeur, puis d’un moteur à explosion, enfin
d’
une première automobile fabriquée, à temps perdu, alors qu’il est simp
35
« et commence à réaliser son rêve, le type unique
d’
automobile utilitaire »2. Dès lors, c’est une suite de chiffres indiqu
36
tomobile utilitaire »2. Dès lors, c’est une suite
de
chiffres indiquant le progrès de sa production, d’année en année. On
37
c’est une suite de chiffres indiquant le progrès
de
sa production, d’année en année. On pourrait ajouter à ces chiffres c
38
e chiffres indiquant le progrès de sa production,
d’
année en année. On pourrait ajouter à ces chiffres celui des milliards
39
mais ce n’est pour lui qu’un résultat secondaire
de
son activité. Le but de sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rê
40
qu’un résultat secondaire de son activité. Le but
de
sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a
41
de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été
de
s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est don
42
it autre, il l’a réalisé comme il est donné à peu
d’
hommes de le faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité d’augme
43
il l’a réalisé comme il est donné à peu d’hommes
de
le faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité d’augmenter enco
44
faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité
d’
augmenter encore cette production. Ford est le plus puissant industrie
45
monde ; le plus riche, au point qu’il peut parler
d’
égal à égal avec beaucoup d’États ; le plus parfait aussi. Son succès
46
int qu’il peut parler d’égal à égal avec beaucoup
d’
États ; le plus parfait aussi. Son succès sans précédent le met à l’ab
47
aussi. Son succès sans précédent le met à l’abri
de
toutes les attaques, du point de vue technique. L’organisation de ses
48
taques, du point de vue technique. L’organisation
de
ses usines, des salaires, des conditions de travail et de repos qu’il
49
ation de ses usines, des salaires, des conditions
de
travail et de repos qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter
50
sines, des salaires, des conditions de travail et
de
repos qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter une solution
51
st un résultat qu’on n’a pas le droit humainement
de
sous-estimer. Les griefs que les socialistes font aux capitalistes eu
52
re. Au contraire, il a résolu la question sociale
d’
une façon qui ne devrait pas déplaire aux doctrinaires de gauche, lesq
53
açon qui ne devrait pas déplaire aux doctrinaires
de
gauche, lesquels ont coutume de promettre à leurs électeurs une organ
54
aux doctrinaires de gauche, lesquels ont coutume
de
promettre à leurs électeurs une organisation complète du monde, seule
55
nisation complète du monde, seule méthode capable
d’
empêcher les abus des capitalistes. Du même coup, en supprimant l’escl
56
Du même coup, en supprimant l’esclavage financier
de
l’ouvrier, il supprime la principale cause avouée de la lutte des cla
57
l’ouvrier, il supprime la principale cause avouée
de
la lutte des classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuv
58
ause avouée de la lutte des classes. Il se dégage
de
la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solid
59
la lutte des classes. Il se dégage de la lecture
de
Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propre
60
la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression
de
netteté, de solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir q
61
de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté,
de
solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir qu’on éprouve
62
mon œuvre une impression de netteté, de solidité,
de
propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir qu’on éprouve toujours au
63
à cela le plaisir qu’on éprouve toujours au récit
de
succès mirobolants, et le charme un peu facile mais fort goûté du gra
64
me un peu facile mais fort goûté du grand public,
de
l’humour américain, l’on comprendra sans peine la popularité mondiale
65
a sans peine la popularité mondiale des « idées »
d’
Henry Ford et des livres qui les répandent. L’on ne pourra qu’y applau
66
leur montre le chemin qu’ils seront bien obligés
de
prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ils s’y engagent dès aujour
67
ment, pendant qu’il reste quelques chances encore
de
régler pacifiquement le conflit du capital et du travail. « Se fordis
68
crivait récemment un économiste. Ford, perfection
de
l’industriel, offre au monde moderne le premier exemple de son achève
69
striel, offre au monde moderne le premier exemple
de
son achèvement intégral. Il a atteint l’objectif de la moderne civili
70
son achèvement intégral. Il a atteint l’objectif
de
la moderne civilisation occidentale. Voici donc venue l’heure de la j
71
ivilisation occidentale. Voici donc venue l’heure
de
la juger. Le héros de l’époque, c’est l’homme qui a réussi. Mais à qu
72
e. Voici donc venue l’heure de la juger. Le héros
de
l’époque, c’est l’homme qui a réussi. Mais à quoi ? C’est la plus gra
73
ps. II. M. Ford a ses idées, ou la philosophie
de
ceux qui n’en veulent pas Nous avons dit tout à l’heure quel fut l
74
Nous avons dit tout à l’heure quel fut le but
de
la vie de Ford, sa « grande et constante ambition ». Il semble que to
75
vons dit tout à l’heure quel fut le but de la vie
de
Ford, sa « grande et constante ambition ». Il semble que toute sa car
76
érons-la sous cet angle. Il y a d’abord la vision
de
l’auto routière : naissance de sa passion froide et tenace. Il s’effo
77
d’abord la vision de l’auto routière : naissance
de
sa passion froide et tenace. Il s’efforce d’en réaliser l’objet par s
78
ance de sa passion froide et tenace. Il s’efforce
d’
en réaliser l’objet par ses propres moyens, à un exemplaire ; puis, il
79
ition, il conçoit ce mythe extravagant du bonheur
de
l’humanité par la possession d’automobiles Ford. Et, comme il est trè
80
vagant du bonheur de l’humanité par la possession
d’
automobiles Ford. Et, comme il est très intelligent, il a vite fait de
81
Et, comme il est très intelligent, il a vite fait
de
démêler les conditions les plus rationnelles de la production, avec c
82
t de démêler les conditions les plus rationnelles
de
la production, avec cette netteté et cette décision qu’une passion co
83
ion qu’une passion contenue peut donner à l’homme
d’
action. Enfin, le voici en mesure de produire des quantités énormes d’
84
ner à l’homme d’action. Enfin, le voici en mesure
de
produire des quantités énormes d’autos. Seulement, pour pouvoir conti
85
voici en mesure de produire des quantités énormes
d’
autos. Seulement, pour pouvoir continuer, il faut vendre ; dans l’inté
86
ouvoir continuer, il faut vendre ; dans l’intérêt
de
la production, il faut créer la consommation. La réclame s’en charge.
87
a réclame s’en charge. Par le procédé très simple
de
la répétition, on fait croire aux gens qu’ils ne peuvent plus vivre h
88
eux sans auto. Voilà l’affaire lancée. La passion
de
Ford se donne libre cours. Il ne s’agit plus maintenant que de lui do
89
nne libre cours. Il ne s’agit plus maintenant que
de
lui donner une apparence d’utilité publique. À chaque page de ses liv
90
t plus maintenant que de lui donner une apparence
d’
utilité publique. À chaque page de ses livres, on pourrait relever les
91
r une apparence d’utilité publique. À chaque page
de
ses livres, on pourrait relever les sophismes plus ou moins conscient
92
ients par lesquels il prétend ramener le bénéfice
de
la production à celui du consommateur. Prenons cette petite phrase qu
93
mateur. Prenons cette petite phrase qui n’a l’air
de
rien : « Nul ne contestera que, si l’on abaisse suffisamment les prix
94
client. Mais cherchons un peu les causes réelles
de
cet abaissement de prix — la concurrence n’étant bien entendu qu’une
95
hons un peu les causes réelles de cet abaissement
de
prix — la concurrence n’étant bien entendu qu’une cause accessoire. D
96
t trop chère ; mais surtout que le besoin qu’on a
de
tel objet est satisfait ou a disparu. Il semble alors que l’industrie
97
er bagage. Mais c’est ici que Ford montre le bout
de
l’oreille, et que son but réel est la production pour elle-même, non
98
. Elle peut amener, en se généralisant, une sorte
de
suicide du genre humain, par perte de son instinct de préservation, d
99
, une sorte de suicide du genre humain, par perte
de
son instinct de préservation, d’autorégulation et d’alternances. Tel
100
uicide du genre humain, par perte de son instinct
de
préservation, d’autorégulation et d’alternances. Tel est ce sophisme,
101
umain, par perte de son instinct de préservation,
d’
autorégulation et d’alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du b
102
son instinct de préservation, d’autorégulation et
d’
alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui de
103
est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui
de
la réclame a même but, mêmes effets. Mais le plus grave est peut-être
104
grand paradoxe du monde moderne »3, ce qu’il y a
de
profondément antihumain dans la conception fordienne de l’oisiveté. F
105
fondément antihumain dans la conception fordienne
de
l’oisiveté. Ford a créé un second dimanche dans la semaine, « retouch
106
cond dimanche dans la semaine, « retouché l’œuvre
de
la Création », comme dit Ferrero. Le bon peuple s’extasie. Il ne peut
107
e. Il ne peut voir la duperie : ce jeu du chat et
de
la souris ; si Ford relâche les ouvriers et leur donne une apparence
108
relâche les ouvriers et leur donne une apparence
de
liberté, c’est pour mieux les prendre dans son engrenage. L’emploi de
109
ur mieux les prendre dans son engrenage. L’emploi
de
leurs loisirs est prévu. Il est déterminé par la réclame, les produit
110
ord qu’il faut user, etc. Il a pour but véritable
d’
augmenter la consommation. Il rend plus complet l’esclavage de l’ouvri
111
la consommation. Il rend plus complet l’esclavage
de
l’ouvrier, puisqu’il englobe jusqu’à son repos dans le cycle de la pr
112
puisqu’il englobe jusqu’à son repos dans le cycle
de
la production. Cercle vicieux : plus la production s’intensifie, plus
113
us la production s’intensifie, plus il faut créer
de
besoins et de loisirs. Or, l’industrie ne peut subsister qu’en progre
114
on s’intensifie, plus il faut créer de besoins et
de
loisirs. Or, l’industrie ne peut subsister qu’en progressant. Mais la
115
jusqu’à quel point Ford est conscient des buts et
de
l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de
116
point Ford est conscient des buts et de l’avenir
de
son effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de produire peu
117
effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe
de
produire peut très bien envahir un cerveau moderne au point d’en excl
118
eut très bien envahir un cerveau moderne au point
d’
en exclure toute considération de finalité. Mais cet aveuglement fonda
119
moderne au point d’en exclure toute considération
de
finalité. Mais cet aveuglement fondamental n’empêche pas notre indust
120
lement fondamental n’empêche pas notre industriel
de
philosopher sur les sujets les plus divers. Les aphorismes sont assez
121
lus divers. Les aphorismes sont assez révélateurs
de
la mentalité capitaliste américaine. Voici, par exemple, une définiti
122
te américaine. Voici, par exemple, une définition
de
la liberté : La liberté consiste à travailler pendant le temps conve
123
nt le temps convenable et à gagner, par ce moyen,
de
quoi vivre convenablement tout en restant maître de régler à sa guise
124
quoi vivre convenablement tout en restant maître
de
régler à sa guise le détail de sa vie privée. Cette liberté particuli
125
en restant maître de régler à sa guise le détail
de
sa vie privée. Cette liberté particulière, et cent autres pareilles,
126
nt, au total, la grande Liberté idéale et mettent
de
l’huile dans les rouages de la vie quotidienne. Cette Liberté idéale
127
rté idéale et mettent de l’huile dans les rouages
de
la vie quotidienne. Cette Liberté idéale réduite au rôle d’huile dan
128
uotidienne. Cette Liberté idéale réduite au rôle
d’
huile dans les rouages, n’est-ce pas charmant et prometteur ? Et que d
129
n’est-ce pas charmant et prometteur ? Et que dire
de
cette admirable simplification : « Sur quoi repose la société ? Sur l
130
e prix que nous payons à la terre la satisfaction
de
nos besoins. » — Ford se moque de la philosophie. Il ne peut empêcher
131
la satisfaction de nos besoins. » — Ford se moque
de
la philosophie. Il ne peut empêcher que son attitude ne porte un nom
132
me des machines. J’y vois la réalisation concrète
d’
une théorie qui tend à faire de ce monde un séjour meilleur pour les h
133
alisation concrète d’une théorie qui tend à faire
de
ce monde un séjour meilleur pour les hommes. » C’est le bonheur, le s
134
réclame. « Ce que j’ai à cœur, aujourd’hui, c’est
de
démontrer que les idées mises en pratique chez nous ne concernent pas
135
s-nous… Mais, comment expliquer que des centaines
de
milliers de lecteurs, dans une Europe « chrétienne », applaudissent s
136
, comment expliquer que des centaines de milliers
de
lecteurs, dans une Europe « chrétienne », applaudissent sans réserve
137
rétienne », applaudissent sans réserve aux thèses
de
cet orgueilleux et naïf messianisme matérialiste ? Un seul doute effl
138
ialiste ? Un seul doute effleure Ford vers la fin
de
son livre : Le problème de la production a été brillamment résolu… M
139
eure Ford vers la fin de son livre : Le problème
de
la production a été brillamment résolu… Mais nous nous absorbons trop
140
t ne pensons pas assez aux raisons que nous avons
de
le faire. Tout notre système de concurrence, tout notre effort de cré
141
ns que nous avons de le faire. Tout notre système
de
concurrence, tout notre effort de création, tout le jeu de nos facult
142
t notre système de concurrence, tout notre effort
de
création, tout le jeu de nos facultés semblent dirigés uniquement ver
143
rence, tout notre effort de création, tout le jeu
de
nos facultés semblent dirigés uniquement vers la production matériell
144
ord passe outre et se remet à discuter des points
de
technique. Il n’a pas senti qu’il touchait là le nœud vital du problè
145
problème moderne. D’ailleurs, les idées générales
de
cette sorte sont rares dans son livre. En général, il se borne à parl
146
dans son livre. En général, il se borne à parler
de
problèmes techniques où son triomphe est facile. C’est le technicien
147
perfectionnée mérite les sacrifices qu’elle exige
de
l’homme moderne. Paradoxes plus ou moins intéressés, optimisme d’homm
148
ne. Paradoxes plus ou moins intéressés, optimisme
d’
homme à qui tout réussit, messianisme de la machine, méconnaissance gl
149
optimisme d’homme à qui tout réussit, messianisme
de
la machine, méconnaissance glorieuse des forces spirituelles, le tout
150
rieuse des forces spirituelles, le tout agrémenté
d’
humour et exposé avec un simplisme qui emporte à coup sûr l’adhésion d
151
l’adhésion du gros public : telle est l’idéologie
de
celui que M. Cambon, dans sa préface, égale aux plus grands esprits d
152
n, dans sa préface, égale aux plus grands esprits
de
tous les temps. On me dira que Ford a mieux à faire que de philosophe
153
es temps. On me dira que Ford a mieux à faire que
de
philosopher. Je le veux. Mais si j’insiste un peu sur ses « idées »,
154
’on pourrait appeler le plus actif du monde, l’un
de
ceux qui influent le plus sur notre civilisation, possède la philosop
155
ffrénée, trop folle, pour être justiciable encore
de
nos vérités essentielles ? Il semble bien que notre temps ait prononc
156
otre temps ait prononcé définitivement le divorce
de
l’esprit et de l’action. III. Le fordisme contre l’Esprit La fo
157
prononcé définitivement le divorce de l’esprit et
de
l’action. III. Le fordisme contre l’Esprit La formidable erreur
158
fordisme contre l’Esprit La formidable erreur
de
la bourgeoisie moderne c’est de croire que les choses pourront aller
159
formidable erreur de la bourgeoisie moderne c’est
de
croire que les choses pourront aller ainsi longtemps encore. On se re
160
ler ainsi longtemps encore. On se refuse à l’idée
d’
une catastrophe, pourtant plus que probable, par crainte de se voir ob
161
elle qu’on ne peut faire qu’au nom de l’Esprit et
de
ses exigences. Mais le « rien de nouveau sous le soleil » derrière le
162
e paresse et une légèreté inouïes, c’est le signe
d’
une complicité avec un état de choses funeste pour l’Esprit. Si l’Espr
163
prise dans notre vie, il détourne la civilisation
de
son but véritable : aller à l’Esprit, y conduire les peuples. Ainsi,
164
Esprit, y conduire les peuples. Ainsi, détournant
de
l’essentiel une grande part des forces humaines, il travaille contre
165
it. Rien n’est gratuit. Nous payons notre passion
de
posséder la matière du prix de la seule possession véritable, la conn
166
yons notre passion de posséder la matière du prix
de
la seule possession véritable, la connaissance de l’Esprit. C’est déj
167
de la seule possession véritable, la connaissance
de
l’Esprit. C’est déjà un fait d’expérience. Et qui n’en pourrait citer
168
, la connaissance de l’Esprit. C’est déjà un fait
d’
expérience. Et qui n’en pourrait citer un exemple individuel ? Nous sa
169
’homme d’affaires à l’américaine tient les choses
de
l’Esprit. Dans le cas le plus favorable, « il se passera bien de cett
170
ns le cas le plus favorable, « il se passera bien
de
cette littérature ». Plus tard, « puisqu’elle n’est pas utile, elle e
171
ou autres œuvres destinées à charmer les loisirs
de
personnes oisives et raffinées, réunies pour admirer mutuellement leu
172
tout est dit ! Le simplisme arrogant avec lequel,
de
nos jours, on tranche les grandes questions humaines est une des mani
173
es est une des manifestations les plus frappantes
de
notre régression. Cette perte du sens de l’âme se nomme bon sens amér
174
appantes de notre régression. Cette perte du sens
de
l’âme se nomme bon sens américain. On en fait quelque chose de jovial
175
omme bon sens américain. On en fait quelque chose
de
jovial et d’alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereu
176
américain. On en fait quelque chose de jovial et
d’
alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereux du tout. On
177
uelque chose de jovial et d’alerte, quelque chose
de
très sympathique et pas dangereux du tout. On n’en fait pas une philo
178
s’en doute, cela en prend la place. Les facultés
de
l’âme, inutilisées, s’atrophient. Pourvu, dit-on, que subsiste le peu
179
affaires, tout ira bien. (On pense que les formes
de
la morale peuvent exister sans leur substance religieuse.) L’homme mo
180
nce religieuse.) L’homme moderne manie les choses
de
l’âme avec une maladresse de barbare. IV. « En être » ou ne pas en
181
rne manie les choses de l’âme avec une maladresse
de
barbare. IV. « En être » ou ne pas en être Une fois qu’on a com
182
homme s’abandonne à des lois géométriques. Un jeu
de
chiffres d’horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’il sent immu
183
donne à des lois géométriques. Un jeu de chiffres
d’
horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’il sent immuable comme l
184
’à l’existence, et à une liberté qu’il s’empresse
d’
aliéner au profit de plaisirs tarifés, soumis plus subtilement encore
185
une liberté qu’il s’empresse d’aliéner au profit
de
plaisirs tarifés, soumis plus subtilement encore que son travail aux
186
plus subtilement encore que son travail aux lois
d’
une offre et d’une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont
187
nt encore que son travail aux lois d’une offre et
d’
une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il subit docil
188
l’homme qui était un membre vivant dans le corps
de
la Nature, lié par les liens les plus subtils et les plus profonds à
189
ls et les plus profonds à tous les autres membres
de
la Nature, choses, bêtes et anges, — le voici devenu sourd à cette ha
190
enu sourd à cette harmonie universelle, incapable
d’
en comprendre les correspondances divines et humaines, insensible même
191
onomiques et des exigences les plus rudimentaires
de
son corps. Il a perdu le contact avec les choses naturelles, et par l
192
te détresse, — qu’il met d’ailleurs sur le compte
de
sa fatigue. Neurasthénie. La conquête du confort matériel l’a laissé
193
u confort matériel l’a laissé oublier les valeurs
de
l’esprit au point qu’il n’éprouve plus même cette carence ; seulement
194
il découvre qu’il s’ennuie profondément ; fatigué
de
trop de satisfactions matérielles, il a laissé se détendre, ou il a c
195
vre qu’il s’ennuie profondément ; fatigué de trop
de
satisfactions matérielles, il a laissé se détendre, ou il a cassé les
196
a laissé se détendre, ou il a cassé les ressorts
de
sa joie : l’effort libre et généreux, le sentiment d’avoir inventé ou
197
a joie : l’effort libre et généreux, le sentiment
d’
avoir inventé ou compris par soi-même, la liberté et une certaine duré
198
ale et capricieuse dans le plaisir, la conscience
de
ses besoins et de ses buts propres, humains et divins. Mauvais loisir
199
dans le plaisir, la conscience de ses besoins et
de
ses buts propres, humains et divins. Mauvais loisirs. Ford lui a donn
200
travail. Il a perdu le sens religieux, cosmique,
de
l’effort humain. Il ne peut plus situer son effort individuel dans le
201
, il en est l’esclave. Pour s’être exclu lui-même
de
l’ordre de la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rappor
202
l’esclave. Pour s’être exclu lui-même de l’ordre
de
la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rapports abstrait
203
mais c’est pourtant lui seul qui nous permettrait
de
jouir de notre liberté. La victoire mécanicienne est une victoire à l
204
t pourtant lui seul qui nous permettrait de jouir
de
notre liberté. La victoire mécanicienne est une victoire à la Pyrrhus
205
ignes. Nous perdons, en l’acquérant, par l’effort
de
l’acquérir, les forces mêmes qui nous la firent désirer. 2° Accepter
206
ses conditions. Je dis que les êtres encore doués
de
quelque sensibilité spirituelle deviennent par le seul fait de rester
207
nsibilité spirituelle deviennent par le seul fait
de
rester eux-mêmes dans un monde fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit
208
est pas une faculté destinée à amuser nos moments
de
loisir, il a des exigences effectives ; et ces exigences sont en cont
209
en contradiction avec celles que le développement
de
la technique impose au monde moderne. Ces êtres, d’une espèce de plus
210
la technique impose au monde moderne. Ces êtres,
d’
une espèce de plus en plus rare, qui savent encore quelque chose de la
211
lus en plus rare, qui savent encore quelque chose
de
la vie profonde, qui voient encore des vérités invisibles, qui garden
212
uelle grâce ? un peu de cette connaissance active
de
Dieu que nos savants nomment mysticisme et considèrent comme un « cas
213
on les écarte des engrenages où ils risqueraient
de
faire grain de sable. Ils se réfugient dans ce qu’on pourrait appeler
214
des engrenages où ils risqueraient de faire grain
de
sable. Ils se réfugient dans ce qu’on pourrait appeler les classes pr
215
e qu’on pourrait appeler les classes privilégiées
de
l’esprit : fortunes oisives ou misères sans espoir. On en rencontre e
216
prend ». Irréguliers aux yeux du monde ; la proie
d’
on ne sait quelles forces occultes sans doute dangereuses, puisqu’elle
217
’elles les rendent inutilisables dans les rouages
de
la vie moderne. Le triomphe de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apan
218
s dans les rouages de la vie moderne. Le triomphe
de
Ford réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’une sorte de franc-maçonn
219
mphe de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apanage
d’
une sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et ce
220
réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’une sorte
de
franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et cette franc-ma
221
devenir l’apanage d’une sorte de franc-maçonnerie
de
quelques centaines d’individus. Et cette franc-maçonnerie sera bientô
222
e sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines
d’
individus. Et cette franc-maçonnerie sera bientôt traquée avec la dern
223
raquée avec la dernière rigueur : avec la rigueur
de
la nécessité — puisqu’elle est inutile au grand dessein matérialiste
224
qu’elle est inutile au grand dessein matérialiste
de
l’Occident. La logique, parlant par la bouche de Ford : « Inutile, do
225
de l’Occident. La logique, parlant par la bouche
de
Ford : « Inutile, donc à détruire. » Ford a raison, une fois de plus.
226
détruire. » Ford a raison, une fois de plus. Pas
de
compromis possible de ce côté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez servi
227
ison, une fois de plus. Pas de compromis possible
de
ce côté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon », di
228
ue. Nous avons mieux à faire, il n’est plus temps
de
se désintéresser simplement des buts — si bas soient-ils — d’une civi
229
éresser simplement des buts — si bas soient-ils —
d’
une civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr. Il
230
bas soient-ils — d’une civilisation sous le poids
de
laquelle nous risquons de périr. Il se prépare déjà des révoltes terr
231
ilisation sous le poids de laquelle nous risquons
de
périr. Il se prépare déjà des révoltes terribles4, celles d’un mystic
232
l se prépare déjà des révoltes terribles4, celles
d’
un mysticisme exaspéré, devenu presque fou dans sa prison. Les intelle
233
enu presque fou dans sa prison. Les intellectuels
d’
aujourd’hui ont une tâche pressante : chercher s’il est possible d’éch
234
une tâche pressante : chercher s’il est possible
d’
échapper au fatal dilemme. Premiers pas vers la solution : l’existence
235
e. Pour le reste, je pense que c’est une question
de
foi. 1. Une enquête faite à Genève a révélé que les livres les plu
236
lus lus du grand public sont Ma vie et mon œuvre,
de
Ford et Mon curé chez les riches, de Clément Vautel. Dans les pays de
237
t mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches,
de
Clément Vautel. Dans les pays de langue allemande, son succès est enc
238
chez les riches, de Clément Vautel. Dans les pays
de
langue allemande, son succès est encore plus grand, et de meilleure q
239
e allemande, son succès est encore plus grand, et
de
meilleure qualité. Je ne parle pas de l’Amérique. 2. Victor Cambon,
240
s grand, et de meilleure qualité. Je ne parle pas
de
l’Amérique. 2. Victor Cambon, préface à Henry Ford, Ma vie et mon œu
241
poussée mystique en Russie. a. Rougemont Denis
de
, « Le péril Ford », Foi et Vie, Paris, février 1928, p. 189-202.
242
es assiègent notre condition humaine : la liberté
de
l’esprit et les lois de la matière. Pris entre une anarchie et une fa
243
tion humaine : la liberté de l’esprit et les lois
de
la matière. Pris entre une anarchie et une fatalité également funeste
244
qui est la civilisation. Appelons humanisme l’art
de
composer pour la défense de l’homme et son illustration des puissance
245
nse de l’homme et son illustration des puissances
de
nature inhumaine. Nous pourrons définir un tel humanisme : l’organe d
246
Nous pourrons définir un tel humanisme : l’organe
d’
équilibre de la civilisation. Nous tenions de l’Antiquité, et singuliè
247
s définir un tel humanisme : l’organe d’équilibre
de
la civilisation. Nous tenions de l’Antiquité, et singulièrement de la
248
gane d’équilibre de la civilisation. Nous tenions
de
l’Antiquité, et singulièrement de la Grèce, le sentiment d’une harmon
249
n. Nous tenions de l’Antiquité, et singulièrement
de
la Grèce, le sentiment d’une harmonie nécessaire entre nos gestes et
250
uité, et singulièrement de la Grèce, le sentiment
d’
une harmonie nécessaire entre nos gestes et nos pensées, nos créations
251
os créations et notre connaissance ; le sentiment
d’
une harmonie à sauvegarder au sein de nos connaissances même, et dans
252
sein de nos connaissances même, et dans l’allure
de
leur progrès. Les humanités nous paraissaient devoir transmettre aux
253
t devoir transmettre aux générations cette notion
d’
un équilibre proprement humain. Ainsi passèrent quelques siècles ; ain
254
issa installer ses machines : elles avaient l’air
de
grands joujoux ; et l’on continua d’apprendre rosa : la rose, d’admir
255
vaient l’air de grands joujoux ; et l’on continua
d’
apprendre rosa : la rose, d’admirer le Parthénon et le courage de Muci
256
ux ; et l’on continua d’apprendre rosa : la rose,
d’
admirer le Parthénon et le courage de Mucius Scevola. On croyait au pr
257
a : la rose, d’admirer le Parthénon et le courage
de
Mucius Scevola. On croyait au progrès, sous n’importe quelle forme. B
258
ment, nous voici « gagnés » par l’un des éléments
de
notre destin. La composante matérielle vient de l’emporter. Elle est
259
matérielle vient de l’emporter. Elle est en passe
de
gauchir notre civilisation à tel point que l’homme, affolé, soudain,
260
me, affolé, soudain, doute s’il est encore maître
de
la redresser. C’est qu’il n’y a plus d’humanisme, s’il subsiste des h
261
re maître de la redresser. C’est qu’il n’y a plus
d’
humanisme, s’il subsiste des humanités. L’humanisme est compromis virt
262
tonomie vis-à-vis de la métaphysique. L’équilibre
de
notre esprit ne comporte pas l’égalité de droit de ces deux disciplin
263
uilibre de notre esprit ne comporte pas l’égalité
de
droit de ces deux disciplines. Car la science à peine libérée, demand
264
e notre esprit ne comporte pas l’égalité de droit
de
ces deux disciplines. Car la science à peine libérée, demande la tête
265
. Car la science à peine libérée, demande la tête
de
la métaphysique. Elle n’entend que ses intérêts. Elle eut naguère des
266
que ses intérêts. Elle eut naguère des insolences
d’
affranchi, dont les philosophes demeurent tout intimidés. Et nous vîme
267
l’ont renié. Mais pourquoi tant et toujours plus
de
mal à prouver la liberté humaine ? C’est que l’on s’est trop bien ass
268
C’est que l’on s’est trop bien assimilé les tours
de
la pensée scientifique. Cherchant des lois, la science ne peut trouve
269
méthodes, c’est en réalité le soumettre aux lois
de
l’ordre matériel ; c’est se condamner donc à ne l’apercevoir que dans
270
sophes des sciences fait-elle songer à l’activité
de
cet espion anglais qui parvint durant la guerre à diriger le service
271
qui parvint durant la guerre à diriger le service
de
contre-espionnage allemand chargé de sa filature6. Ah ! comme nous av
272
r le service de contre-espionnage allemand chargé
de
sa filature6. Ah ! comme nous avons besoin d’être purifiés d’une odeu
273
rgé de sa filature6. Ah ! comme nous avons besoin
d’
être purifiés d’une odeur de laboratoire dont notre pensée reste impré
274
re6. Ah ! comme nous avons besoin d’être purifiés
d’
une odeur de laboratoire dont notre pensée reste imprégnée. La science
275
mme nous avons besoin d’être purifiés d’une odeur
de
laboratoire dont notre pensée reste imprégnée. La science se moque de
276
ence se moque des nuages qui animaient la matière
d’
intentions morales. Elle-même cependant est tout occupée à minéraliser
277
occupée à minéraliser l’esprit. La tâche urgente
d’
un nouvel humanisme sera de nous dégager des fatalités dont nous voyon
278
prit. La tâche urgente d’un nouvel humanisme sera
de
nous dégager des fatalités dont nous voyons l’empire s’étendre dans t
279
voyons l’empire s’étendre dans tous les domaines
de
notre existence, inclinant nos utopies mêmes, desséchant les sources
280
clinant nos utopies mêmes, desséchant les sources
de
notre foi. Qui parlait donc d’un « humanisme scientifique » ? Nous av
281
échant les sources de notre foi. Qui parlait donc
d’
un « humanisme scientifique » ? Nous avons été pris de vitesse par nos
282
« humanisme scientifique » ? Nous avons été pris
de
vitesse par nos inventions matérielles et déjà nous sentons leurs loi
283
entons leurs lois peser sur notre vie : s’agit-il
d’
enrayer la science ? Non, mais que l’esprit qui l’a créée, la surpasse
284
en faveur de l’esprit peut maintenir l’équilibre
de
l’esprit et de la matière. L’humanisme moderne sera ce parti pris, sp
285
’esprit peut maintenir l’équilibre de l’esprit et
de
la matière. L’humanisme moderne sera ce parti pris, spiritualiste — o
286
te — ou ne méritera pas son nom. … Or, la rigueur
de
la science ne saurait être surmontée, sinon par la rigueur au moins é
287
re surmontée, sinon par la rigueur au moins égale
d’
une pensée qui par ailleurs participe de la liberté : j’entends la pen
288
ins égale d’une pensée qui par ailleurs participe
de
la liberté : j’entends la pensée mystique. L’expérience mystique a la
289
nsion que l’humanité. On n’en saurait dire autant
de
notre raison. Les faits mystiques — qu’on les prenne en l’état brut o
290
siques élaborés par la science. Mais, participant
de
notre volonté et de la grâce, ils échappent à cette fatalité qui est
291
la science. Mais, participant de notre volonté et
de
la grâce, ils échappent à cette fatalité qui est le signe du monde ma
292
ériel. Je vois l’humanisme nouveau sous l’aspect
d’
une culture des facultés mystiques ; d’une technique spirituelle8 indé
293
s l’aspect d’une culture des facultés mystiques ;
d’
une technique spirituelle8 indépendante de toute fin religieuse partic
294
iques ; d’une technique spirituelle8 indépendante
de
toute fin religieuse particulière, antérieure à n’importe quel dogme.
295
crois pas qu’il existe d’autres facultés capables
d’
équilibrer en nous l’esprit de géométrie. J’imagine une méthode, une f
296
s facultés capables d’équilibrer en nous l’esprit
de
géométrie. J’imagine une méthode, une façon d’appréhender la vie, de
297
it de géométrie. J’imagine une méthode, une façon
d’
appréhender la vie, de hiérarchiser nos entreprises, qui ne bannirait
298
gine une méthode, une façon d’appréhender la vie,
de
hiérarchiser nos entreprises, qui ne bannirait pas de l’existence la
299
iérarchiser nos entreprises, qui ne bannirait pas
de
l’existence la poésie, ce sens du Réel. Je vois se composer en cette
300
ement — ce que la « rationalisation » aura laissé
de
Raison à l’Occident, avec certains secrets de la méditation hindoue.
301
ssé de Raison à l’Occident, avec certains secrets
de
la méditation hindoue. Rêves, sans doute… Mais tout commence par des
302
s tout commence par des rêves. Et je ne vois rien
d’
autre. Quoi qu’il en soit d’ailleurs du contenu d’un nouvel humanisme,
303
d’autre. Quoi qu’il en soit d’ailleurs du contenu
d’
un nouvel humanisme, il est assez aisé de prévoir et de décrire une te
304
contenu d’un nouvel humanisme, il est assez aisé
de
prévoir et de décrire une tentation qui le guette et à laquelle tout
305
nouvel humanisme, il est assez aisé de prévoir et
de
décrire une tentation qui le guette et à laquelle tout humanisme para
306
t à laquelle tout humanisme paraît enclin : celle
de
créer un modèle de l’homme. Peut-être a-t-il existé un modèle gréco-l
307
umanisme paraît enclin : celle de créer un modèle
de
l’homme. Peut-être a-t-il existé un modèle gréco-latin, un canon de l
308
tre a-t-il existé un modèle gréco-latin, un canon
de
l’âme aussi bien que du corps. Il est possible que ce mythe ait animé
309
l est possible que ce mythe ait animé l’humanisme
de
nos humanités. Il est certain qu’il a perdu son ascendant. D’ailleurs
310
guère au-delà des limites du monde roman. Le type
de
chevalier et ses succédanés militaires et wagnériens a toujours préva
311
rabais est notable. On solde. Au rayon des idéaux
de
confection voici le Citoyen du Monde, voici le Bon Européen, voici l’
312
mptez que l’on poussera plus avant la dégradation
de
cette idole qu’est l’Homme pour l’homme. Toute décadence invente un s
313
eut celui des dieux ; nous aurons celui des races
de
la Terre. Non plus une foi commune, mais une moyenne de nos manières
314
Terre. Non plus une foi commune, mais une moyenne
de
nos manières d’être. Une sorte de commun dénominateur… (Le christiani
315
une foi commune, mais une moyenne de nos manières
d’
être. Une sorte de commun dénominateur… (Le christianisme en connaît u
316
ais une moyenne de nos manières d’être. Une sorte
de
commun dénominateur… (Le christianisme en connaît un, depuis toujours
317
Tous les modèles que l’homme se propose ont ceci
d’
insuffisant : qu’ils peuvent être atteints. Mais ce qui parfait la sta
318
ent être atteints. Mais ce qui parfait la stature
de
l’homme, c’est l’effort pour se dépasser — indéfiniment. L’homme ne s
319
qu’il « passe l’homme » et participe, en esprit,
d’
un ordre transcendental. Un seul fut parfaitement Homme : c’était un d
320
aitement Homme : c’était un dieu. N’attendons pas
d’
un nouvel humanisme qu’il nous désigne un but, ni même une direction :
321
e qui manque à l’homme moderne, c’est un principe
d’
harmonie qui lui garantisse le caractère « d’humanité » de ses démarch
322
cipe d’harmonie qui lui garantisse le caractère «
d’
humanité » de ses démarches intellectuelles. Nous avons inventé trop d
323
ie qui lui garantisse le caractère « d’humanité »
de
ses démarches intellectuelles. Nous avons inventé trop d’êtres inhuma
324
émarches intellectuelles. Nous avons inventé trop
d’
êtres inhumains : ils nous menacent et nous empêchent de voir encore l
325
s inhumains : ils nous menacent et nous empêchent
de
voir encore le surhumain. Être véritablement homme, c’est avoir accès
326
ement homme, c’est avoir accès au divin. Que sert
de
parler d’humanisme « chrétien » ? L’humanisme est de l’homme, le chri
327
e, c’est avoir accès au divin. Que sert de parler
d’
humanisme « chrétien » ? L’humanisme est de l’homme, le christianisme
328
parler d’humanisme « chrétien » ? L’humanisme est
de
l’homme, le christianisme est du nouvel homme. Tout humanisme véritab
329
i demander de plus, s’il laisse en blanc la place
de
Dieu. Mais où trouver les lévites assez purs pour garder vierge parmi
330
oici déjà tant de faux dieux — le fascinant éclat
de
ce vide ? 5. Je songe à la « psychologie scientifique » et à ce leu
331
ste. 6. J’exagère probablement, car la sincérité
de
ce néo-scientisme tempéré — sinon vraiment converti — est hors de dou
332
t nets. (Cités par M. Brunschvicg dans Le Progrès
de
la conscience dans la philosophie occidentale, p. 695.) 8. Les human
333
mologies est l’une des garanties les plus actives
de
la pensée. b. Rougemont Denis de, « Pour un humanisme nouveau », Ca
334
s plus actives de la pensée. b. Rougemont Denis
de
, « Pour un humanisme nouveau », Cahiers de Foi et Vie , Paris, 1930,
335
Denis de, « Pour un humanisme nouveau », Cahiers
de
Foi et Vie , Paris, 1930, p. 242-245. c. Le texte est précédé de la
336
Paris, 1930, p. 242-245. c. Le texte est précédé
de
la note suivante : « M. Denis de Rougemont a poursuivi des études de
337
: « M. Denis de Rougemont a poursuivi des études
de
lettres à Neuchâtel, Vienne et Genève. Il a collaboré à diverses revu
338
pas facilement. C’est qu’il y apporte un peu plus
d’
expérience humaine qu’on n’a coutume d’en attendre aujourd’hui d’un je
339
n peu plus d’expérience humaine qu’on n’a coutume
d’
en attendre aujourd’hui d’un jeune écrivain. Son premier roman, Les Co
340
maine qu’on n’a coutume d’en attendre aujourd’hui
d’
un jeune écrivain. Son premier roman, Les Conquérants, décrivait la ré
341
lution communiste en Chine, et la figure centrale
de
Garine, anarchiste par goût de l’expérience, conférait à tout le livr
342
la figure centrale de Garine, anarchiste par goût
de
l’expérience, conférait à tout le livre un caractère assez directemen
343
ssez directement autobiographique. La philosophie
de
ce Garine, en effet, ressemblait singulièrement à celle que M. Malrau
344
lièrement à celle que M. Malraux venait justement
d’
exposer dans un petit ouvrage aigu et dense intitulé La Tentation de l
345
petit ouvrage aigu et dense intitulé La Tentation
de
l’Occident. La Voix royale 9, est, croyons-nous, le récit des événem
346
es événements qui précédèrent l’aventure chinoise
de
l’auteur. C’est un roman plus dépouillé, plus inégal aussi à certains
347
s sauvage. Comme Les Conquérants, c’est une sorte
de
roman d’aventures significatives, et dont le tragique est décuplé par
348
. Comme Les Conquérants, c’est une sorte de roman
d’
aventures significatives, et dont le tragique est décuplé par la valeu
349
ns l’esprit des héros. Un jeune Français a décidé
d’
aller fouiller les temples en ruines de la Voie royale d’Angkor : il c
350
s a décidé d’aller fouiller les temples en ruines
de
la Voie royale d’Angkor : il compte y découvrir des bas-reliefs dont
351
fouiller les temples en ruines de la Voie royale
d’
Angkor : il compte y découvrir des bas-reliefs dont il pourrait tirer
352
ix considérable. Sur le bateau qui l’amène à pied
d’
œuvre, il s’associe à un aventurier danois, Perken, personnage énigmat
353
ken, personnage énigmatique qui possède une sorte
de
puissance militaire, sans doute irrégulière, dans le Siam, et auquel
354
, goût des actions des hommes lié à la conscience
de
leur vanité…, refus surtout. » Refus des « conditions » de la vie soc
355
anité…, refus surtout. » Refus des « conditions »
de
la vie sociale, au profit d’une volonté de puissance dont l’objet dem
356
s des « conditions » de la vie sociale, au profit
d’
une volonté de puissance dont l’objet demeure assez incertain. Ce myst
357
ions » de la vie sociale, au profit d’une volonté
de
puissance dont l’objet demeure assez incertain. Ce mystère qui entour
358
des deux explorateurs aux prises avec les fièvres
de
la forêt tropicale, puis avec les sauvages Moïs, donne au personnage
359
ue à créer des obscurités que le style très tendu
de
M. Malraux n’est pas fait pour dissiper. Perken, dans ses conversatio
360
tre dans les affaires — qui se donnent une espèce
d’
autorité en ne parlant jamais que par allusions et mots couverts. Il i
361
ide un peu le lecteur qui ne se sent pas complice
de
ses secrets desseins. Au reste, le livre s’achève par sa mort, sans q
362
tre qu’il n’y en a pas. Perken, comme Garine, est
de
ces êtres qui agissent par désespoir, parce que l’action, à tout pren
363
ort partout présente « comme l’irréfutable preuve
de
l’absurdité de la vie ». L’agonie lente de Perken, qui est tombé sur
364
sente « comme l’irréfutable preuve de l’absurdité
de
la vie ». L’agonie lente de Perken, qui est tombé sur les « pointes d
365
preuve de l’absurdité de la vie ». L’agonie lente
de
Perken, qui est tombé sur les « pointes de guerre » empoisonnées des
366
lente de Perken, qui est tombé sur les « pointes
de
guerre » empoisonnées des Moïs, est un morceau admirable et atroce où
367
le et atroce où éclate douloureusement la révolte
d’
un être pour qui la mort ne peut être qu’une « défaite monstrueuse ».
368
te monstrueuse ». Ainsi les incidents pathétiques
de
cette aventure composent en définitive une méditation sur le destin d
369
posent en définitive une méditation sur le destin
de
l’homme. Chez Perken comme chez Garine, même héroïsme dépourvu d’idéa
370
Perken comme chez Garine, même héroïsme dépourvu
d’
idéal, même ardeur épuisante à vivre contre la mort, même fièvre de lu
371
eur épuisante à vivre contre la mort, même fièvre
de
lucidité qui ne laisse subsister de tous les sentiments qu’une « frat
372
, même fièvre de lucidité qui ne laisse subsister
de
tous les sentiments qu’une « fraternité désespérée » devant la mort.
373
que sa portée ne saurait déborder un petit cercle
d’
esprits aventureux et atteints jusque dans leur goût de l’action par u
374
rits aventureux et atteints jusque dans leur goût
de
l’action par un intellectualisme anarchique. Je tiens au contraire le
375
traire le cas Malraux pour hautement significatif
de
notre époque post-nietzschéenne et pré-communiste. Le cas Malraux, —
376
, — le cas Perken si vous voulez. Les personnages
de
M. Malraux se ressemblent dans le souvenir du lecteur : leur tempéram
377
s extérieures, et c’est sans doute le tempérament
de
leur auteur. Qui n’a pas remarqué que les portraits des meilleurs pei
378
à ces peintres sous les traits du modèle. Cet air
de
famille qu’ont tous les personnages peints par Rembrandt, et qui perm
379
s personnages peints par Rembrandt, et qui permet
de
les identifier au premier coup d’œil, ce « commun dénominateur » d’ex
380
au premier coup d’œil, ce « commun dénominateur »
d’
expression et de masques si dissemblables, n’est-ce point cela qui for
381
d’œil, ce « commun dénominateur » d’expression et
de
masques si dissemblables, n’est-ce point cela qui forme l’autoportrai
382
paraissent au travers des actions et des discours
d’
un Garine, d’un Perken, les traits d’une individualité morale qui n’es
383
travers des actions et des discours d’un Garine,
d’
un Perken, les traits d’une individualité morale qui n’est sans doute
384
des discours d’un Garine, d’un Perken, les traits
d’
une individualité morale qui n’est sans doute que l’idée la plus forte
385
e que l’idée la plus forte que M. Malraux se fait
de
lui-même. Je suis tenté de dire : son moi idéal, celui auquel il donn
386
que M. Malraux se fait de lui-même. Je suis tenté
de
dire : son moi idéal, celui auquel il donne sa plus profonde et intim
387
fonde et intime adhésion. Nous avons tous en nous
de
quoi composer un semblable personnage, plus vrai que nous-mêmes parce
388
-Garine est la personnification la plus frappante
d’
un certain « homme moderne », — l’homme sans Dieu, qui n’attend rien q
389
rne », — l’homme sans Dieu, qui n’attend rien que
de
cette vie, mais auquel cette vie même, en fin de compte, paraît absur
390
fin de compte, paraît absurde, parce qu’il refuse
de
lui trouver un sens dans la mort. L’homme qui pourrait se définir : «
391
ur lui n’existe aucune transcendance où s’abîmer,
d’
où renaître. Je ne sais pas aujourd’hui le livre « bien pensant » qui
392
pose avec une pareille acuité le problème central
de
notre civilisation. À ce titre, l’œuvre anarchiste et antichrétienne
393
sque agressif qu’elle apporte à décrire la figure
de
l’homme moderne en proie au seul orgueil de vivre, dénonce la paresse
394
igure de l’homme moderne en proie au seul orgueil
de
vivre, dénonce la paresse de la religion qui n’est qu’un refuge contr
395
roie au seul orgueil de vivre, dénonce la paresse
de
la religion qui n’est qu’un refuge contre la vie. Elle nous amène à u
396
refuge contre la vie. Elle nous amène à un point
de
jugement d’où les facilités de certaine foi apparaissent aussi « faus
397
re la vie. Elle nous amène à un point de jugement
d’
où les facilités de certaine foi apparaissent aussi « fausses » que l’
398
s amène à un point de jugement d’où les facilités
de
certaine foi apparaissent aussi « fausses » que l’effort désespéré de
399
raissent aussi « fausses » que l’effort désespéré
de
ces conquérants de désert. 9. Chez Grasset. 10. La Voie royale n’
400
usses » que l’effort désespéré de ces conquérants
de
désert. 9. Chez Grasset. 10. La Voie royale n’est que l’introduct
401
Voie royale n’est que l’introduction à une série
de
romans intitulés Les Puissances du désert. 11. Le prix Goncourt, dit
402
ins règlements concernant la propriété officielle
de
bas-reliefs cambodgiens. Je donne l’histoire comme une fable. Il est
403
istoire comme une fable. Il est peut-être curieux
de
noter que les pires blasphèmes, de la pornographie en outre violation
404
t-être curieux de noter que les pires blasphèmes,
de
la pornographie en outre violations des lois divines et humaines, n’e
405
reil ostracisme. Mais notre monde ne connaît plus
de
sacré que la propriété matérielle. d. Rougemont Denis de, « [Compte
406
que la propriété matérielle. d. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] André Malraux, La Voie royale », Foi et Vie, Paris
407
Sécularisme (mars 1931)e Il nous plaît
de
faire converser ici les gens les moins faits pour s’entendre : ce n’e
408
s pour s’entendre : ce n’est pas un mauvais moyen
de
dégager la mentalité d’une époque — selon la dialectique de cet Hegel
409
’est pas un mauvais moyen de dégager la mentalité
d’
une époque — selon la dialectique de cet Hegel auquel on revient parce
410
la mentalité d’une époque — selon la dialectique
de
cet Hegel auquel on revient parce qu’au contraire de M. Léon Brunschv
411
M. Léon Brunschvicg, il avait le sens du tragique
de
la vie. De pareilles « conversations » ne ressortent nullement de la
412
nschvicg, il avait le sens du tragique de la vie.
De
pareilles « conversations » ne ressortent nullement de la critique li
413
reilles « conversations » ne ressortent nullement
de
la critique littéraire ; il arrive qu’elles mettent en jeu de gros pr
414
ue littéraire ; il arrive qu’elles mettent en jeu
de
gros problèmes à propos d’ouvrages bien minces. C’est qu’aujourd’hui
415
». L’on mesure ici l’écart d’avec la littérature
d’
avant-guerre, qui était avant tout un art. La nôtre ayant voix au foru
416
te ou qu’elle ne stylise. On peut dire, avec plus
de
louange d’ailleurs que d’ironie, qu’elle touche à tout dans l’homme e
417
On peut dire, avec plus de louange d’ailleurs que
d’
ironie, qu’elle touche à tout dans l’homme et dans la société. Elle a
418
dans l’homme et dans la société. Elle a l’absence
de
scrupules des gens qui ont une mission urgente à remplir. Ces quelque
419
ous l’angle qu’il faut pour situer le petit livre
de
M. P. Nizan12, dans sa perspective la plus équitable. C’est le type d
420
’il manifeste et commente. Son sujet : le voyage
d’
un jeune normalien marxiste. Citons quelques phrases qui donneront le
421
laisserai personne dire que c’est le plus bel âge
de
la vie… — Où était placé notre mal ? dans quelle partie de notre vie.
422
… — Où était placé notre mal ? dans quelle partie
de
notre vie. Voici ce que nous savons : les hommes ne vivent pas comme
423
alisme, plus-value. — Qui donc nous aurait révélé
de
bonnes raisons brutales, de bonnes raisons humaines, de nous intéress
424
nc nous aurait révélé de bonnes raisons brutales,
de
bonnes raisons humaines, de nous intéresser à l’Asie : les grèves à B
425
nes raisons brutales, de bonnes raisons humaines,
de
nous intéresser à l’Asie : les grèves à Bombay, les révolutions et le
426
liberté est un pouvoir réel et une volonté réelle
de
vouloir être soi. Ayant ainsi esquissé ses positions éthiques, l’aut
427
eur part pour Aden. Quel n’est pas son étonnement
de
découvrir que ce lieu n’est qu’une « image fortement concentrée de no
428
ce lieu n’est qu’une « image fortement concentrée
de
notre mère l’Europe », un lieu où la vie occidentale se trouve « déca
429
la vie des hommes se trouve « réduite à son état
de
pureté extrême qui est l’état économique ». Si les mœurs sont occiden
430
iennent de tout l’Orient. « On pense à une Genève
de
l’islam. » Il semble, à lire notre auteur, que ce mélange de représen
431
» Il semble, à lire notre auteur, que ce mélange
de
représentants de ne ordre de toutes les races compose quelque chose d
432
ire notre auteur, que ce mélange de représentants
de
ne ordre de toutes les races compose quelque chose d’assez hideusemen
433
teur, que ce mélange de représentants de ne ordre
de
toutes les races compose quelque chose d’assez hideusement provincial
434
e ordre de toutes les races compose quelque chose
d’
assez hideusement provincial, au pire sens du terme. M. Nizan se refus
435
la philosophie, la politique étant absents, faute
d’
emploi, il n’y avait aucune correction à faire ». D’ailleurs, il ne ve
436
ar, pour lui, « être poétique, c’est avoir besoin
d’
illusions ». Je soutiendrais volontiers le contraire, mais M. Nizan es
437
ndrais volontiers le contraire, mais M. Nizan est
de
ces gens, si nombreux aujourd’hui (Freud, etc.), qui croient que le p
438
iècle qui consiste dans une large mesure à éviter
d’
appeler les choses par leur nom, à préférer toujours le « distingué »
439
conforme » au vrai. Mais n’est-il pas grand temps
de
dépasser une réaction de vulgarité non moins artificielle que le lâch
440
n’est-il pas grand temps de dépasser une réaction
de
vulgarité non moins artificielle que le lâche idéalisme qu’elle comba
441
aison ? D’ailleurs, si je vois bien que le propos
de
M. Nizan n’est pas de nous rendre le goût de ce qui, en Europe, « all
442
je vois bien que le propos de M. Nizan n’est pas
de
nous rendre le goût de ce qui, en Europe, « allongeait la solution »,
443
opos de M. Nizan n’est pas de nous rendre le goût
de
ce qui, en Europe, « allongeait la solution », je ne puis m’empêcher
444
« allongeait la solution », je ne puis m’empêcher
de
penser que cette peinture d’Aden est assez faite pour y contribuer :
445
e ne puis m’empêcher de penser que cette peinture
d’
Aden est assez faite pour y contribuer : si grande est en effet l’horr
446
descriptible et sec ». Mais est-il bien légitime
de
voir dans un tel « résidu » l’essence de l’Europe, — « son état de pu
447
légitime de voir dans un tel « résidu » l’essence
de
l’Europe, — « son état de pureté extrême, qui est l’économique » ? On
448
el « résidu » l’essence de l’Europe, — « son état
de
pureté extrême, qui est l’économique » ? On reconnaît ici la thèse ma
449
ransformation radicale des conditions matérielles
de
la vie humaine. Je crois que l’homme ne peut être transformé que spir
450
rituellement. Et cette révolution-là a l’avantage
d’
être possible dès maintenant. Mais M. Nizan a trop de préjugés pour se
451
tre possible dès maintenant. Mais M. Nizan a trop
de
préjugés pour sentir la force neuve perpétuellement de la vérité reli
452
éjugés pour sentir la force neuve perpétuellement
de
la vérité religieuse. Il parle des religions avec une incroyable légè
453
teur qui cherche l’effet pittoresque. « Les curés
de
tous les dieux blancs se sont mis à convertir ces idolâtres, ces féti
454
tir ces idolâtres, ces fétichistes, à leur parler
de
Luther et de la Vierge de Lourdes, à leur révéler les culottes de che
455
tres, ces fétichistes, à leur parler de Luther et
de
la Vierge de Lourdes, à leur révéler les culottes de chez Esders. » N
456
ichistes, à leur parler de Luther et de la Vierge
de
Lourdes, à leur révéler les culottes de chez Esders. » N’insistons pa
457
la Vierge de Lourdes, à leur révéler les culottes
de
chez Esders. » N’insistons pas sur ce Luther prêché par nos missions
458
si vraisemblable !) mais un normalien se devrait
de
savoir que l’œuvre missionnaire a consisté, dès le début, à combattre
459
té, dès le début, à combattre les funestes effets
de
la civilisation athée qu’apportaient les Européens. Autre trait plus
460
fiant encore : l’auteur rentrant à Marseille voit
de
loin le château d’If et N.-D. de la Garde : « J’étais servi — s’écrie
461
teur rentrant à Marseille voit de loin le château
d’
If et N.-D. de la Garde : « J’étais servi — s’écrie-t-il. — Les premie
462
ent justement les deux objets les plus révoltants
de
la terre : une église, une prison. » Triste carence d’un jugement qui
463
terre : une église, une prison. » Triste carence
d’
un jugement qui se prétend humain ! Pensez-y M. Nizan : quelle que soi
464
soit la Tchéka régnante, il y aura toujours plus
d’
hommes dans les églises que dans les prisons, — et des hommes qui vien
465
é. Mais pourquoi dira-t-on, s’arrêter à ces cris
d’
une révolte égarée par la haine ? C’est qu’ils caractérisent une attit
466
fréquente chez les jeunes intellectuels : orgueil
de
la Vie, haine de cette vie-ci, mépris de la religion et ferveur pour
467
s jeunes intellectuels : orgueil de la Vie, haine
de
cette vie-ci, mépris de la religion et ferveur pour des « valeurs nou
468
orgueil de la Vie, haine de cette vie-ci, mépris
de
la religion et ferveur pour des « valeurs nouvelles » encore plus vag
469
vagues d’ailleurs que ce qu’ils peuvent imaginer
de
la religion. C’est une forme aiguë de ce que les Anglais appellent «
470
nt imaginer de la religion. C’est une forme aiguë
de
ce que les Anglais appellent « sécularisme ». Ce terme qui sans doute
471
sans doute reviendra souvent dans les chroniques
de
Foi et Vie , « résume commodément cette volonté d’émancipation de la
472
Foi et Vie , « résume commodément cette volonté
d’
émancipation de la civilisation moderne à l’égard de toute autorité di
473
« résume commodément cette volonté d’émancipation
de
la civilisation moderne à l’égard de toute autorité divine qui est le
474
e toute autorité divine qui est le trait dominant
de
notre époque » — pour reprendre la définition qu’en donnait ici même
475
ès dans le même sens que M. René Gillouin parle14
de
l’effort de notre monde pour « se séculariser, pour se constituer en
476
ême sens que M. René Gillouin parle14 de l’effort
de
notre monde pour « se séculariser, pour se constituer en dehors de Di
477
érimée. Avec M. Brunschvicg, il pense qu’un homme
de
1931 a dépassé ce « stade », qu’il n’est plus permis de nos jours… br
478
1 a dépassé ce « stade », qu’il n’est plus permis
de
nos jours… bref, que la science a changé tout cela. C’est précisément
479
sécularistes : la philosophie des lumières, celle
de
la technique, celle du primat de la Vie. Ce lui est une occasion de r
480
lumières, celle de la technique, celle du primat
de
la Vie. Ce lui est une occasion de réduire à ses justes proportions l
481
elle du primat de la Vie. Ce lui est une occasion
de
réduire à ses justes proportions l’idéalisme scientifique de M. Bruns
482
à ses justes proportions l’idéalisme scientifique
de
M. Brunschvicg, philosophe officiel des lumières. De quelles prises,
483
M. Brunschvicg, philosophe officiel des lumières.
De
quelles prises, en effet, dispose cet idéalisme ? se demande M. G. Ma
484
ont M. Brunschvicg nous entretient n’est l’Esprit
de
personne. Je répondrai tout d’abord que c’est ou que cela veut être l
485
d’abord que c’est ou que cela veut être l’Esprit
de
tout le monde ; et nous savons depuis Platon ce que la démocratie don
486
isme n’est après tout qu’une transposition recèle
de
flatterie. Ce n’est pas tout : en fait l’idéaliste se substitue inévi
487
e à l’Incarnation ou aller à la Messe ? On n’aura
d’
autre ressource que de nous opposer un distinguo : en tant qu’astronom
488
ller à la Messe ? On n’aura d’autre ressource que
de
nous opposer un distinguo : en tant qu’astronome, ce monstre, cet amp
489
mme du xiiie siècle — ou en enfant : il y a lieu
de
s’attrister. Si vous demandez au philosophe de quel droit il pratique
490
eu de s’attrister. Si vous demandez au philosophe
de
quel droit il pratique cet étrange sectionnement, il aura beau se rec
491
trange sectionnement, il aura beau se recommander
de
la Raison ou de l’Esprit, nous resterons inquiets, d’autant que, s’il
492
ment, il aura beau se recommander de la Raison ou
de
l’Esprit, nous resterons inquiets, d’autant que, s’il ne s’interdit n
493
uiets, d’autant que, s’il ne s’interdit nullement
de
rendre compte par des considérations psychologiques ou même sociologi
494
nsidérations psychologiques ou même sociologiques
de
ces survivances chez l’astronome, il nous interdira formellement de p
495
chez l’astronome, il nous interdira formellement
de
procéder en ce qui le concerne lui-même, à des analyses ou à des rédu
496
même ordre. Lui est des pieds à la tête un homme
de
1930 ; et en même temps il se réclame d’un Esprit éternel qui cependa
497
un homme de 1930 ; et en même temps il se réclame
d’
un Esprit éternel qui cependant est né et dont on ne saurait prévoir l
498
les avatars. Tout cela, disons-le nettement, est
d’
une singulière incohérence. Et il est évident que si cet idéaliste se
499
s exsangues. Je pense quant à moi qu’un idéalisme
de
cette espèce est inévitablement coincé entre une philosophie religieu
500
oncrète d’une part, et le matérialisme historique
de
l’autre. La preuve, je m’amuse à la voir dans le fait que le pamphle
501
je m’amuse à la voir dans le fait que le pamphlet
de
M. Nizan, communiste, est encore plus dur que l’article de M. Marcel,
502
an, communiste, est encore plus dur que l’article
de
M. Marcel, catholique, à l’endroit d’un philosophe caractérisé, nous
503
e l’article de M. Marcel, catholique, à l’endroit
d’
un philosophe caractérisé, nous dit-on, par « sa terreur sincère de la
504
aractérisé, nous dit-on, par « sa terreur sincère
de
la vérité qui menace ». Mais partout ailleurs, qu’en cette commune an
505
M. Marcel et M. Nizan s’opposent avec une netteté
d’
autant plus significative qu’ils touchent des problèmes identiques, ce
506
e qu’ils touchent des problèmes identiques, celui
de
la puissance de l’homme, celui de la valeur de son action, celui, en
507
t des problèmes identiques, celui de la puissance
de
l’homme, celui de la valeur de son action, celui, en somme, de l’impe
508
entiques, celui de la puissance de l’homme, celui
de
la valeur de son action, celui, en somme, de l’imperfection du monde.
509
ui de la puissance de l’homme, celui de la valeur
de
son action, celui, en somme, de l’imperfection du monde. Je pense que
510
elui de la valeur de son action, celui, en somme,
de
l’imperfection du monde. Je pense que tout chrétien conscient des pro
511
e pense que tout chrétien conscient des problèmes
de
ce temps, souscrirait aux critiques que M. Nizan fait à l’actuelle ci
512
it à l’actuelle civilisation, souffrant comme lui
de
ce que « les hommes ne vivent pas comme un homme devrait vivre ». Mai
513
nt les critiques marxistes — et c’est ici le nœud
de
divergence entre eux et nous — si le mal est si grand qu’ils le montr
514
cal soit-il. Un pessimisme aussi féroce que celui
de
MM. Malraux, Nizan, etc., ne laisse plus subsister assez d’idéal pour
515
raux, Nizan, etc., ne laisse plus subsister assez
d’
idéal pour nourrir une révolution. Par là même, il postule une réalité
516
e une réalité transcendante — ou alors le suicide
d’
un monde empoisonné par sa propre haine. Le séculariste « constructivi
517
ructiviste » répondra qu’il croit en la puissance
de
l’homme pour se dégager des servitudes provisoires de la technique. M
518
’homme pour se dégager des servitudes provisoires
de
la technique. Mais rien n’est plus hasardeux qu’une telle mystique, —
519
objet. Comme il est déchirant en vérité, le chant
d’
orgueil que le siècle entonne pour annoncer son morne triomphe : « Vou
520
e-t-on de toutes parts aux chrétiens. Assez parlé
de
Vérité, ce sont des réussites qu’il nous faut. Saluons enfin le règne
521
réussites qu’il nous faut. Saluons enfin le règne
de
l’homme ! » Mais le chrétien, qui sait un peu ce qu’est ce monstre, s
522
littéraires du 20 février, inaugurant une série
d’
études sur un nouvel humanisme, à laquelle nous renvoyons tous ceux qu
523
s renvoyons tous ceux qu’aura passionné l’enquête
de
M. Paul Arbousse-Bastide publiée par Foi et Vie l’an dernier. 15.
524
’irréligion contemporaine ». e. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Sécularisme », Foi et Vie, Paris, mars 1931, p. 184
525
Une exposition
d’
artistes protestants modernes (avril 1931)f C’est donc qu’il y en a
526
itoire pour toute carrière artistique, un facteur
de
stérilité ou tout au moins de sécheresse. Et voici que s’alignent sur
527
istique, un facteur de stérilité ou tout au moins
de
sécheresse. Et voici que s’alignent sur une même affiche et sous la d
528
sur une même affiche et sous la double étiquette
de
protestants et de modernes des noms de peintres comme Bosshardt, Raou
529
che et sous la double étiquette de protestants et
de
modernes des noms de peintres comme Bosshardt, Raoul Dufy, Lotiron, Z
530
étiquette de protestants et de modernes des noms
de
peintres comme Bosshardt, Raoul Dufy, Lotiron, Zingg, le sculpteur Gi
531
mystère ; demandons-en l’explication à la Préface
d’
un si brillant catalogue. Parce qu’ils parlent un peu pour nous et pa
532
s nous parlent, nous avons demandé à ces artistes
de
venir dans notre cercle. Héritiers du plus grand affranchissement et
533
rcle. Héritiers du plus grand affranchissement et
de
la plus héroïque résistance, nous voulons aller de l’avant, nous n’av
534
e la plus héroïque résistance, nous voulons aller
de
l’avant, nous n’avons pas peur d’essayer vers la beauté de nouvelles
535
s voulons aller de l’avant, nous n’avons pas peur
d’
essayer vers la beauté de nouvelles routes. On nous connaît mal. Derri
536
t, nous n’avons pas peur d’essayer vers la beauté
de
nouvelles routes. On nous connaît mal. Derrière le mur de notre maiso
537
lles routes. On nous connaît mal. Derrière le mur
de
notre maison on nous croyait peut-être enfermés dans un moralisme étr
538
housiasmes en désordre s’agitaient entre les murs
d’
où nous arrachions les moulures et les vieux papiers à fleurs. La conf
539
rrondissaient autour des livres dont nous savions
de
grands morceaux avec notre cœur. On remuait un climat de poèmes, une
540
ds morceaux avec notre cœur. On remuait un climat
de
poèmes, une spiritualité un peu grave, on touchait avec notre jeuness
541
e et le fou, semait en nous toutes les curiosités
de
la couleur et de la vie. Nous reprenions toutes les mesures, tout red
542
it en nous toutes les curiosités de la couleur et
de
la vie. Nous reprenions toutes les mesures, tout redevenait neuf : le
543
ait une place plus grande dans la joyeuse lumière
de
notre ciel simplifié. Et voilà, n’est-ce pas, un ton et une ferveur
544
n ton et une ferveur qui rendront vaines beaucoup
d’
objections, ou qui expliqueront dès l’abord, et légitimeront aux yeux
545
choix des œuvres exposées. Il ne s’agit nullement
de
présenter l’ensemble des artistes protestants, il s’agit de manifeste
546
er l’ensemble des artistes protestants, il s’agit
de
manifester les préférences d’une jeunesse. À cet égard particulièreme
547
testants, il s’agit de manifester les préférences
d’
une jeunesse. À cet égard particulièrement, ce salon fut une réussite.
548
e réussite. La curiosité d’abord un peu sceptique
de
certains critiques, artistes ou écrivains, s’est muée le soir du prem
549
thie sincère et souvent fort admirative. Le titre
de
l’exposition, si l’on y prend bien garde, éludait dans une certaine m
550
ait dans une certaine mesure la question délicate
de
l’existence d’un « art protestant ». En effet, on ne parlait ici que
551
rtaine mesure la question délicate de l’existence
d’
un « art protestant ». En effet, on ne parlait ici que d’« artistes pr
552
art protestant ». En effet, on ne parlait ici que
d’
« artistes protestants ». Mais cela n’empêche pas de rechercher ce que
553
« artistes protestants ». Mais cela n’empêche pas
de
rechercher ce que ces artistes peuvent avoir de commun, ce qu’ils doi
554
s de rechercher ce que ces artistes peuvent avoir
de
commun, ce qu’ils doivent à leur origine ou à leur foi réformée, — et
555
s ne constituent pas, en définitive, les éléments
d’
un art protestant. Il eût fallu peut-être qu’un plus grand nombre d’ar
556
t. Il eût fallu peut-être qu’un plus grand nombre
d’
artistes exposassent pour qu’une réponse valable pût être esquissée. C
557
pût être esquissée. Car, avouons-le, du fait même
de
la nouveauté que représentait une telle exposition, le caractère d’av
558
e représentait une telle exposition, le caractère
d’
avant-garde des toiles frappait le visiteur avant qu’il eût songé à di
559
er accès à un ensemble aussi complet que possible
d’
artistes nés dans le protestantisme. Et l’on pourra se demander alors
560
e. Et l’on pourra se demander alors : qu’y a-t-il
de
spécifiquement protestant chez ces peintres ? — Certaines rigidités,
561
ines rigidités, pensez-vous, certaines austérités
de
style ? — On s’y serait attendu. Une visite au salon de la rue de Vau
562
le ? — On s’y serait attendu. Une visite au salon
de
la rue de Vaugirard nous invite à renoncer à ces clichés. Pas de trac
563
ugirard nous invite à renoncer à ces clichés. Pas
de
trace de « puritanisme » chez des artistes si différents les uns des
564
ous invite à renoncer à ces clichés. Pas de trace
de
« puritanisme » chez des artistes si différents les uns des autres. A
565
des artistes contemporains, avec une « Peinture »
d’
un intense lyrisme de couleurs. Zingg avec un « Enterrement au Pays de
566
rains, avec une « Peinture » d’un intense lyrisme
de
couleurs. Zingg avec un « Enterrement au Pays de Montbéliard » grave
567
de couleurs. Zingg avec un « Enterrement au Pays
de
Montbéliard » grave et serein. Deux petits Lotiron font un coin de ca
568
grave et serein. Deux petits Lotiron font un coin
de
campagne lumineuse, et le « Douarnenez » de Mac-Avoy est tout animé d
569
coin de campagne lumineuse, et le « Douarnenez »
de
Mac-Avoy est tout animé de blancs vivants. Très plaisant « Essai pour
570
, et le « Douarnenez » de Mac-Avoy est tout animé
de
blancs vivants. Très plaisant « Essai pour une Italie protestante » d
571
ès plaisant « Essai pour une Italie protestante »
de
P. Romane-Musculus. Des lithographies spirituelles de Ch. Clément et
572
. Romane-Musculus. Des lithographies spirituelles
de
Ch. Clément et des illustrations de F.-L. Schmied pour « Ruth et Booz
573
spirituelles de Ch. Clément et des illustrations
de
F.-L. Schmied pour « Ruth et Booz » ouvrent des perspectives pour de
574
ur « Ruth et Booz » ouvrent des perspectives pour
de
futures éditions d’art protestantes. La sculpture est brillamment rep
575
ouvrent des perspectives pour de futures éditions
d’
art protestantes. La sculpture est brillamment représentée par un « To
576
lpture est brillamment représentée par un « Torse
de
femme » de Marcel Gimond, des animaux pleins d’innocence et de drôler
577
brillamment représentée par un « Torse de femme »
de
Marcel Gimond, des animaux pleins d’innocence et de drôlerie de Peter
578
e de femme » de Marcel Gimond, des animaux pleins
d’
innocence et de drôlerie de Petersen. André Kertész, l’un des rénovate
579
Marcel Gimond, des animaux pleins d’innocence et
de
drôlerie de Petersen. André Kertész, l’un des rénovateurs de l’art ph
580
nd, des animaux pleins d’innocence et de drôlerie
de
Petersen. André Kertész, l’un des rénovateurs de l’art photographique
581
de Petersen. André Kertész, l’un des rénovateurs
de
l’art photographique, expose un portrait frappant de réalité humaine.
582
l’art photographique, expose un portrait frappant
de
réalité humaine. Mais l’œuvre maîtresse de l’exposition est sans dout
583
appant de réalité humaine. Mais l’œuvre maîtresse
de
l’exposition est sans doute la « Crucifixion » de R.-Th. Bosshardt. C
584
de l’exposition est sans doute la « Crucifixion »
de
R.-Th. Bosshardt. C’est un véritable renouvellement de la peinture à
585
-Th. Bosshardt. C’est un véritable renouvellement
de
la peinture à sujet religieux qu’annonce cette grande composition : t
586
bole mystique sur le ciel vert du plus grand jour
de
l’Histoire. On a beaucoup remarqué la part importante ménagée aux œuv
587
up remarqué la part importante ménagée aux œuvres
de
décorateurs : paravents, vitrines, coffrets, objets ouvragés. Il y a
588
ent est bien huguenote : elle remonte aux meubles
de
Boulle, aux Gobelins, aux poteries de Palissy. Ce goût de la belle ma
589
aux meubles de Boulle, aux Gobelins, aux poteries
de
Palissy. Ce goût de la belle matière mise en valeur dans sa pureté, s
590
e, aux Gobelins, aux poteries de Palissy. Ce goût
de
la belle matière mise en valeur dans sa pureté, sa nudité, ce sens de
591
mise en valeur dans sa pureté, sa nudité, ce sens
de
l’artisanat qui se refuse aux truquages, aux trompe-l’œil, ne dissoci
592
c’est le trait le plus évidemment « protestant »
de
l’art français. Mais s’il est malaisé de décrire, dès à présent, un
593
tant » de l’art français. Mais s’il est malaisé
de
décrire, dès à présent, un art protestant de fait, peut-on, par contr
594
aisé de décrire, dès à présent, un art protestant
de
fait, peut-on, par contre, le définir idéalement ? Il nous semble que
595
que cela supposerait d’abord une définition nette
de
notre foi : il faut qu’on sache sans équivoque ce qu’est le protestan
596
u’est le protestantisme avant de pouvoir trancher
de
ce que doit être un art qui l’exprime. En d’autres termes, la définit
597
qui l’exprime. En d’autres termes, la définition
d’
un art protestant est liée à une conception dogmatique de la foi. Nous
598
t protestant est liée à une conception dogmatique
de
la foi. Nous pensons même que la renaissance et l’épanouissement d’un
599
nsons même que la renaissance et l’épanouissement
d’
un tel art seront conditionnés par un renouveau doctrinal. Car, et c’e
600
paradoxe qui n’étonnera pas ceux que le problème
de
la création intéresse, l’artiste a besoin plus que quiconque de princ
601
intéresse, l’artiste a besoin plus que quiconque
de
principes définis — je ne dis pas de cadres — qui lui servent de thèm
602
ue quiconque de principes définis — je ne dis pas
de
cadres — qui lui servent de thèmes dans ses variations, d’appui dans
603
finis — je ne dis pas de cadres — qui lui servent
de
thèmes dans ses variations, d’appui dans ses tâtonnements, de réactif
604
— qui lui servent de thèmes dans ses variations,
d’
appui dans ses tâtonnements, de réactif, de contrainte, de stimulant d
605
ns ses variations, d’appui dans ses tâtonnements,
de
réactif, de contrainte, de stimulant dans l’atmosphère spirituelle qu
606
tions, d’appui dans ses tâtonnements, de réactif,
de
contrainte, de stimulant dans l’atmosphère spirituelle qui préside à
607
dans ses tâtonnements, de réactif, de contrainte,
de
stimulant dans l’atmosphère spirituelle qui préside à l’élaboration d
608
tmosphère spirituelle qui préside à l’élaboration
d’
une œuvre. Pas de style religieux sans doctrine. Et plus la doctrine s
609
elle qui préside à l’élaboration d’une œuvre. Pas
de
style religieux sans doctrine. Et plus la doctrine se relâche et s’es
610
trine se relâche et s’estompe, moins l’art montre
d’
accent et de vivante inspiration. Une remarque encore. Certains critiq
611
âche et s’estompe, moins l’art montre d’accent et
de
vivante inspiration. Une remarque encore. Certains critiques de cette
612
piration. Une remarque encore. Certains critiques
de
cette exposition se sont demandé non sans ironie où était le calvinis
613
tout ceci. Eussent-ils posé, à propos d’un salon
d’
art catholique, la même question, en remplaçant calvinisme par thomism
614
, il y a des « sujets catholiques », il n’y a pas
de
« sujets protestants ». Mais, dira-t-on, il y a tous les sujets chrét
615
ulant (une difficulté) non pas un poncif. L’idéal
d’
un artiste protestant, le seul auquel sa foi puisse prétendre, ce n’es
616
seul auquel sa foi puisse prétendre, ce n’est pas
de
réaliser un art « protestant » conforme à une doctrine, mais un art a
617
e pour transcender la confession qui lui a permis
de
naître. La grandeur d’un art protestant, c’est de n’être qu’un art ch
618
onfession qui lui a permis de naître. La grandeur
d’
un art protestant, c’est de n’être qu’un art chrétien. f. Rougemont
619
de naître. La grandeur d’un art protestant, c’est
de
n’être qu’un art chrétien. f. Rougemont Denis de, « Une exposition
620
n’être qu’un art chrétien. f. Rougemont Denis
de
, « Une exposition d’artistes protestants modernes », Foi et Vie, Pari
621
étien. f. Rougemont Denis de, « Une exposition
d’
artistes protestants modernes », Foi et Vie, Paris, avril 1931, p. 274
622
e Keyserling (avril 1931)g L’auteur du Journal
de
voyage d’un philosophe, d’Analyse spectrale de l’Europe, de Psychanal
623
ng (avril 1931)g L’auteur du Journal de voyage
d’
un philosophe, d’Analyse spectrale de l’Europe, de Psychanalyse de l’A
624
L’auteur du Journal de voyage d’un philosophe,
d’
Analyse spectrale de l’Europe, de Psychanalyse de l’Amérique, le célèb
625
al de voyage d’un philosophe, d’Analyse spectrale
de
l’Europe, de Psychanalyse de l’Amérique, le célèbre philosophe fondat
626
d’un philosophe, d’Analyse spectrale de l’Europe,
de
Psychanalyse de l’Amérique, le célèbre philosophe fondateur de l’Écol
627
d’Analyse spectrale de l’Europe, de Psychanalyse
de
l’Amérique, le célèbre philosophe fondateur de l’École de la Sagesse
628
se de l’Amérique, le célèbre philosophe fondateur
de
l’École de la Sagesse de Darmstadt vient de donner au Trocadéro trois
629
rique, le célèbre philosophe fondateur de l’École
de
la Sagesse de Darmstadt vient de donner au Trocadéro trois conférence
630
bre philosophe fondateur de l’École de la Sagesse
de
Darmstadt vient de donner au Trocadéro trois conférences sur les prob
631
trois conférences sur les problèmes fondamentaux
de
la civilisation moderne. Décidément, le goût du colossal — transmis a
632
transmis aux Américains — reste un trait marquant
de
l’âme allemande : le choix de la salle, les sujets abordés, jusqu’à l
633
e un trait marquant de l’âme allemande : le choix
de
la salle, les sujets abordés, jusqu’à la stature du conférencier en t
634
. Accueilli avec quelque perplexité par le public
de
la première conférence, sifflé à la seconde, ovationné à la dernière,
635
haleine une salle énorme en parlant avec sérieux
de
problèmes essentiels : c’est une performance qui vaut d’être enregist
636
lèmes essentiels : c’est une performance qui vaut
d’
être enregistrée. Rien de très neuf dans cette trilogie philosophique,
637
une performance qui vaut d’être enregistrée. Rien
de
très neuf dans cette trilogie philosophique, mais un bel ensemble d’o
638
ette trilogie philosophique, mais un bel ensemble
d’
observations justes et souvent profondes sur les grandeurs et les misè
639
ouvent profondes sur les grandeurs et les misères
d’
une ère mécanicienne qui prélude à l’organisation du monde-termitière
640
du monde-termitière type Lénine ou Ford. Soucieux
de
comprendre notre temps avant de le condamner ou de l’absoudre, défens
641
e comprendre notre temps avant de le condamner ou
de
l’absoudre, défenseur convaincu d’une spiritualité dont il annonce le
642
e condamner ou de l’absoudre, défenseur convaincu
d’
une spiritualité dont il annonce le réveil au sein même du triomphe de
643
serling apparaît comme un type très représentatif
de
l’Occident. Il n’a rien du prophète oriental contre lequel des Massis
644
Keyserling voit la cause du développement exagéré
de
la technique dans le fait qu’aujourd’hui les masses veulent conquérir
645
Il faut organiser la conquête et la distribution
de
ces biens : d’où la technique. Cette prétention des masses, légitime
646
ser la conquête et la distribution de ces biens :
d’
où la technique. Cette prétention des masses, légitime d’ailleurs, a e
647
, légitime d’ailleurs, a entraîné le renversement
de
presque tous les buts de civilisation. C’est ainsi que la pauvreté, c
648
entraîné le renversement de presque tous les buts
de
civilisation. C’est ainsi que la pauvreté, considérée par les civilis
649
istianisme primitif) — la pauvreté est considérée
de
nos jours comme un mal absolu et honteux. C’est ainsi encore que l’id
650
honteux. C’est ainsi encore que l’idéal chrétien
de
l’amour du prochain a tourné pratiquement à la méfiance systématique
651
res, ajoute Keyserling. Nous traversons une crise
d’
adaptation, et il s’agit de la résoudre dans le sens d’une philosophie
652
s traversons une crise d’adaptation, et il s’agit
de
la résoudre dans le sens d’une philosophie de la vie qui rende aux va
653
ptation, et il s’agit de la résoudre dans le sens
d’
une philosophie de la vie qui rende aux valeurs spirituelles leur prim
654
git de la résoudre dans le sens d’une philosophie
de
la vie qui rende aux valeurs spirituelles leur primauté : car c’est à
655
fication. En somme, on pourrait résumer la pensée
de
Keyserling en disant qu’il oppose à l’idéal actuel d’assurances à tou
656
eyserling en disant qu’il oppose à l’idéal actuel
d’
assurances à tous les degrés — idéal antispirituel, mécanique et « for
657
canique et « formidablement ennuyeux » — un idéal
de
risque qui redonne à toutes choses leur vivante réalité. Mais tout ce
658
sons connaissance mystique. g. Rougemont Denis
de
, « Conférences du comte Keyserling », Foi et Vie, Paris, avril 1931,
659
Au sujet
d’
un grand roman : La Princesse Blanche par Maurice Baring (mai 1931)h
660
)h M. Maurice Baring est entré dans l’intimité
de
milliers de lecteurs français avec un livre d’un rare prestige, Daphn
661
rice Baring est entré dans l’intimité de milliers
de
lecteurs français avec un livre d’un rare prestige, Daphné Adeane. On
662
té de milliers de lecteurs français avec un livre
d’
un rare prestige, Daphné Adeane. On vient de traduire un autre roman d
663
teur16, et il nous aide à mieux définir le charme
de
cette œuvre inoubliable. Antérieur de quelques années à Daphné, beauc
664
r le charme de cette œuvre inoubliable. Antérieur
de
quelques années à Daphné, beaucoup plus long, — il compte plus de 600
665
es à Daphné, beaucoup plus long, — il compte plus
de
600 pages dans l’édition française — d’un rythme plus inégal aussi, i
666
mpte plus de 600 pages dans l’édition française —
d’
un rythme plus inégal aussi, il ne lui est pas inférieur par l’intérêt
667
pas inférieur par l’intérêt humain, et sa qualité
d’
émotion n’est pas moins pure. C’est l’histoire de la vie d’une femme,
668
d’émotion n’est pas moins pure. C’est l’histoire
de
la vie d’une femme, et de la vie d’une société aujourd’hui presque di
669
n’est pas moins pure. C’est l’histoire de la vie
d’
une femme, et de la vie d’une société aujourd’hui presque disparue, «
670
pure. C’est l’histoire de la vie d’une femme, et
de
la vie d’une société aujourd’hui presque disparue, « roman-fleuve » q
671
st l’histoire de la vie d’une femme, et de la vie
d’
une société aujourd’hui presque disparue, « roman-fleuve » que deux da
672
les deux éléments dont l’antagonisme fait le fond
de
presque toutes les grandes œuvres romanesques : une individualité et
673
e Baring exprime ce troisième sujet par deux vers
de
son ami Hilaire Belloc dont voici la traduction : L’amour de Dieu qui
674
Hilaire Belloc dont voici la traduction : L’amour
de
Dieu qui mène aux royaumes d’en-haut est contrecarré par le dieu de l
675
raduction : L’amour de Dieu qui mène aux royaumes
d’
en-haut est contrecarré par le dieu de l’Amour. « Si vous désirez sav
676
ux royaumes d’en-haut est contrecarré par le dieu
de
l’Amour. « Si vous désirez savoir comment cela s’applique à mon hist
677
! non, c’est au contraire décharger ces critiques
d’
une tâche impossible. Car toute la valeur de l’œuvre de Baring réside
678
iques d’une tâche impossible. Car toute la valeur
de
l’œuvre de Baring réside dans sa durée, dans son atmosphère et dans l
679
tâche impossible. Car toute la valeur de l’œuvre
de
Baring réside dans sa durée, dans son atmosphère et dans le son qu’el
680
t intérieur ; la passion ne s’y manifeste que par
de
très petits gestes qui, échappant soudain à des êtres d’ordinaire adm
681
petits gestes qui, échappant soudain à des êtres
d’
ordinaire admirablement corrects et maîtres d’eux-mêmes, laissent devi
682
res d’ordinaire admirablement corrects et maîtres
d’
eux-mêmes, laissent deviner une souffrance profonde, longtemps contenu
683
cette retenue mondaine ce que perd le pittoresque
de
l’action, encore que l’évocation de cette haute société anglaise ne s
684
e pittoresque de l’action, encore que l’évocation
de
cette haute société anglaise ne soit pas dépourvue d’un charme qui at
685
ette haute société anglaise ne soit pas dépourvue
d’
un charme qui attirera certains lecteurs, qui agacera un peu les autre
686
dans la libéralité avec laquelle il nous invite à
de
multiples week-ends… » Il y aurait beaucoup à dire pour et contre le
687
personnages, non par l’inspiration. (Dans le cas
de
Baring, elle serait plutôt religieuse.) Il est incontestable que l’ar
688
mple. La Société dans laquelle évoluent les héros
de
Baring est riche, « conformiste » à l’extrême, mais internationale. C
689
Cela permet à l’auteur autant qu’aux personnages
de
ne pas s’attarder à des considérations matérielles fastidieuses ; cel
690
ions matérielles fastidieuses ; cela permet aussi
de
résoudre certains conflits apparemment sans issues : les acteurs du d
691
ur notre agrément. Mais surtout, cette vie dénuée
d’
aventures ou de difficultés extérieures, permet à notre intérêt de se
692
nt. Mais surtout, cette vie dénuée d’aventures ou
de
difficultés extérieures, permet à notre intérêt de se concentrer uniq
693
e difficultés extérieures, permet à notre intérêt
de
se concentrer uniquement sur les sentiments, et dès lors elle constit
694
rivilégié pour l’étude du cœur humain. Si le rôle
de
l’art est d’affiner nos âmes au contact de réalités plus pures que ce
695
r l’étude du cœur humain. Si le rôle de l’art est
d’
affiner nos âmes au contact de réalités plus pures que celles de la vi
696
e rôle de l’art est d’affiner nos âmes au contact
de
réalités plus pures que celles de la vie courante, on peut dire que l
697
âmes au contact de réalités plus pures que celles
de
la vie courante, on peut dire que les romans « mondains » de Baring n
698
ourante, on peut dire que les romans « mondains »
de
Baring ne manquent pas à cette tâche, et c’est là l’important. Le mér
699
, et c’est là l’important. Le mérite le plus rare
de
ce livre est sans doute de faire sentir et « réaliser » au lecteur le
700
Le mérite le plus rare de ce livre est sans doute
de
faire sentir et « réaliser » au lecteur le tragique de la durée d’une
701
ire sentir et « réaliser » au lecteur le tragique
de
la durée d’une vie. M. Baring nous fait suivre de sa naissance à sa m
702
t « réaliser » au lecteur le tragique de la durée
d’
une vie. M. Baring nous fait suivre de sa naissance à sa mort toute l’
703
de la durée d’une vie. M. Baring nous fait suivre
de
sa naissance à sa mort toute l’existence de Blanche Clifford, sa vie
704
uivre de sa naissance à sa mort toute l’existence
de
Blanche Clifford, sa vie de jeune fille, son mariage avec le prince R
705
ort toute l’existence de Blanche Clifford, sa vie
de
jeune fille, son mariage avec le prince Roccapalumba, puis avec un je
706
umba, puis avec un jeune lord ; toute l’existence
d’
une femme qui ne cesse, jusqu’à sa dernière heure, d’aimer et de souff
707
ne femme qui ne cesse, jusqu’à sa dernière heure,
d’
aimer et de souffrir par son amour. C’était là choisir un sujet inévit
708
i ne cesse, jusqu’à sa dernière heure, d’aimer et
de
souffrir par son amour. C’était là choisir un sujet inévitablement tr
709
sujet inévitablement tragique. Car si l’histoire
de
l’ascension d’un caractère, d’une volonté, d’une âme virile, trouve d
710
lement tragique. Car si l’histoire de l’ascension
d’
un caractère, d’une volonté, d’une âme virile, trouve dans sa durée mê
711
Car si l’histoire de l’ascension d’un caractère,
d’
une volonté, d’une âme virile, trouve dans sa durée même l’élément le
712
ire de l’ascension d’un caractère, d’une volonté,
d’
une âme virile, trouve dans sa durée même l’élément le plus convaincan
713
dans sa durée même l’élément le plus convaincant
de
sa grandeur, et le plus tonique17, — il en va tout autrement de l’his
714
, et le plus tonique17, — il en va tout autrement
de
l’histoire d’une vie sentimentale. La durée est l’élément tragique pa
715
onique17, — il en va tout autrement de l’histoire
d’
une vie sentimentale. La durée est l’élément tragique par excellence d
716
s sommes attachés surtout à des instants parfaits
de
nos affections ; parce que le sentiment ne souffre pas une ascension
717
cension continue, mais une fois atteint le moment
de
sa perfection, ne peut plus que se souvenir, c’est-à-dire souffrir, v
718
r, c’est-à-dire souffrir, vieillir. L’amour étant
d’
essence éternelle, ses manifestations dans notre vie — dans la durée —
719
e du roman. Mais nous ne croyons pas qu’une œuvre
de
cette envergure comporte à proprement parler de morale, malgré ce que
720
e de cette envergure comporte à proprement parler
de
morale, malgré ce que dit l’auteur dans sa préface. Bien plutôt, elle
721
face. Bien plutôt, elle est l’expression concrète
d’
une loi divine et humaine, et c’est ici que l’on peut voir sa profonde
722
rofonde ressemblance avec les Affinités électives
de
Goethe. Aucune arrière-pensée de jugement moral ne perce dans le ton
723
inités électives de Goethe. Aucune arrière-pensée
de
jugement moral ne perce dans le ton ni dans l’agencement des incident
724
un auteur qui s’arroge un petit jugement dernier
de
ses personnages, comme le moraliste s’arroge le pouvoir de séparer le
725
rsonnages, comme le moraliste s’arroge le pouvoir
de
séparer le bien du mal parmi les actions d’autrui qu’il estime connaî
726
uvoir de séparer le bien du mal parmi les actions
d’
autrui qu’il estime connaître. Simplement, il enregistre les effets d’
727
e connaître. Simplement, il enregistre les effets
d’
une justice immanente. En même temps que les actions de ses héros, il
728
justice immanente. En même temps que les actions
de
ses héros, il note les jugements contradictoires qu’elles provoquent.
729
rovoquent. Et le tragique qui se dégage lentement
de
cette longue confusion de plaisirs mondains, d’égoïsmes déçus, d’égoï
730
qui se dégage lentement de cette longue confusion
de
plaisirs mondains, d’égoïsmes déçus, d’égoïsmes comblés, ce n’est pas
731
t de cette longue confusion de plaisirs mondains,
d’
égoïsmes déçus, d’égoïsmes comblés, ce n’est pas le tragique d’une con
732
confusion de plaisirs mondains, d’égoïsmes déçus,
d’
égoïsmes comblés, ce n’est pas le tragique d’une condamnation, mais ce
733
çus, d’égoïsmes comblés, ce n’est pas le tragique
d’
une condamnation, mais celui, combien plus amer et noble, du consentem
734
bien plus amer et noble, du consentement aux lois
de
la vie. Seule épreuve qui permette de nous en libérer. Car au-dessus
735
nt aux lois de la vie. Seule épreuve qui permette
de
nous en libérer. Car au-dessus des fatalités humaines, ce qui compte
736
ités humaines, ce qui compte chez les personnages
de
Baring, c’est la manière d’accepter une destinée, de la transfigurer
737
chez les personnages de Baring, c’est la manière
d’
accepter une destinée, de la transfigurer ou d’y succomber. C’est cela
738
Baring, c’est la manière d’accepter une destinée,
de
la transfigurer ou d’y succomber. C’est cela qui forme le sujet impli
739
re d’accepter une destinée, de la transfigurer ou
d’
y succomber. C’est cela qui forme le sujet implicite, nous l’avons dit
740
a qui forme le sujet implicite, nous l’avons dit,
de
son œuvre romanesque. Et c’est par tout ce qu’elle contient d’inexpri
741
romanesque. Et c’est par tout ce qu’elle contient
d’
inexprimé qu’elle atteint en certains passages à une intensité presque
742
e les faits, agit comme un « moraliste » désireux
de
justifier une thèse plus que de faire comprendre la réalité. Et c’est
743
aliste » désireux de justifier une thèse plus que
de
faire comprendre la réalité. Et c’est au cours des quarante pages qu’
744
u’il consacre à la « conversion » au catholicisme
de
la princesse Blanche. Arrêtons-nous un peu à l’examen de ce passage a
745
rincesse Blanche. Arrêtons-nous un peu à l’examen
de
ce passage auquel on sent que Baring attache une importance qui n’est
746
la phrase par quoi se termine un précédent livre
de
notre auteur : « La veille de la Chandeleur 1909, je fus reçu dans le
747
un précédent livre de notre auteur : « La veille
de
la Chandeleur 1909, je fus reçu dans le sein de l’Église catholique…
748
e de la Chandeleur 1909, je fus reçu dans le sein
de
l’Église catholique… le seul acte de ma vie que je suis parfaitement
749
dans le sein de l’Église catholique… le seul acte
de
ma vie que je suis parfaitement certain de n’avoir jamais regretté. »
750
l acte de ma vie que je suis parfaitement certain
de
n’avoir jamais regretté. » Blanche, anglicane « de naissance », a don
751
e n’avoir jamais regretté. » Blanche, anglicane «
de
naissance », a donc épousé un Italien et vit dans un milieu catholiqu
752
u’il soit difficile, quelquefois, me semble-t-il,
de
savoir exactement quelle foi on a. » Plus tard elle avoue franchement
753
ent : « … dans nos églises j’éprouve un sentiment
de
détresse aiguë, ou bien je m’y ennuie. » Et l’on découvre soudain que
754
mais en question les exigences les plus terribles
de
la société insulaire, possède un sens critique assuré qu’elle appliqu
755
acuité aux pratiques anglicanes. On serait tenté
de
soupçonner ici quelque invraisemblance psychologique si l’on ne s’ape
756
que M. Baring, lui-même, manifeste cette tournure
d’
esprit au cours de ses romans. Le trait satirique, ailleurs presque im
757
ement appuyé dès qu’il s’agit des vieilles tantes
de
la Princesse, chargées ici de représenter deux églises anglaises. Ces
758
des vieilles tantes de la Princesse, chargées ici
de
représenter deux églises anglaises. Ces deux respectables ladies, qui
759
. Ces deux respectables ladies, qui ne jouent pas
d’
autre rôle dans l’histoire, sont ridicules et conventionnelles à souha
760
ouhait (ni plus ni moins que la majorité des gens
de
cette sorte, mais est-ce à eux que l’on demande de définir la doctrin
761
e cette sorte, mais est-ce à eux que l’on demande
de
définir la doctrine ?). Voici quelques traits amusants ou cruels qui
762
Harriet, j’y vais. — Tante Harriet eut un soupir
de
soulagement. La question était réglée : du moment qu’on allait à l’ég
763
à l’église le dimanche, tout était bien ; inutile
d’
en demander plus. » Parlant de son pasteur préféré, la même tante Harr
764
tait bien ; inutile d’en demander plus. » Parlant
de
son pasteur préféré, la même tante Harriet a ce mot exquis : « Il prê
765
ant catholique…, puis Edmund Lely, cousin germain
de
votre père, qui est devenu moine, et qui marche pieds nus, à l’étrang
766
catholiques qu’elle rencontre et qui lui parlent
de
leur foi se distinguent par une humanité charmante, « une façon natur
767
par une humanité charmante, « une façon naturelle
de
traiter les questions religieuses, sans fausse honte ». (Seuls, parmi
768
le pas attirée par la Rome papale, qui la console
de
la Rome de son mari et la venge de l’Angleterre de ses tantes. Elle a
769
rée par la Rome papale, qui la console de la Rome
de
son mari et la venge de l’Angleterre de ses tantes. Elle abjure secrè
770
qui la console de la Rome de son mari et la venge
de
l’Angleterre de ses tantes. Elle abjure secrètement, à Londres. C’es
771
e la Rome de son mari et la venge de l’Angleterre
de
ses tantes. Elle abjure secrètement, à Londres. C’est peut-être à l’
772
de cette œuvre où l’on parle le plus directement
de
Dieu que Dieu est le plus absent. Car nous y sommes à chaque page inc
773
s en discussion. Je sais bien que tout changement
de
confession ramène les mêmes arguments qui retiennent l’esprit à la pé
774
nétrer, à les approfondir jusqu’à l’unité. Il est
d’
autant plus regrettable de voir Baring se départir ici de la sagesse q
775
jusqu’à l’unité. Il est d’autant plus regrettable
de
voir Baring se départir ici de la sagesse qu’il montre ailleurs, gros
776
t plus regrettable de voir Baring se départir ici
de
la sagesse qu’il montre ailleurs, grossir les traits, découvrir la th
777
enser d’ailleurs, car en définitive la conversion
de
son héroïne nous paraît être à tel point la seule solution possible q
778
ièrement suffisants et rendent superflue l’action
de
la grâce). Mais quoi ? Nous laisserons-nous vraiment « tenter » par c
779
sserons-nous vraiment « tenter » par cette erreur
de
Baring ? Cherchons plutôt le secret d’une communion que rompent les d
780
tte erreur de Baring ? Cherchons plutôt le secret
d’
une communion que rompent les discussions, et qu’en tant d’autres page
781
ent les discussions, et qu’en tant d’autres pages
de
cette belle œuvre, d’une simple indication tranquille et profonde sur
782
t qu’en tant d’autres pages de cette belle œuvre,
d’
une simple indication tranquille et profonde sur l’état d’âme d’un de
783
ndication tranquille et profonde sur l’état d’âme
d’
un de ses héros, comme sans le savoir, il établit. En vérité, l’entrée
784
tion tranquille et profonde sur l’état d’âme d’un
de
ses héros, comme sans le savoir, il établit. En vérité, l’entrée de B
785
e sans le savoir, il établit. En vérité, l’entrée
de
Blanche dans l’Église catholique n’est pas une conversion18, c’est un
786
qu’elle trouve, à force de souffrance, le courage
de
sacrifier son amour. Mais elle ne peut survivre à cet acte suprême, à
787
bonheur humain n’est-il en aucune mesure le signe
de
la vérité. Personne, peut-être, n’a répété avec autant de force que B
788
rité. Personne, peut-être, n’a répété avec autant
de
force que Baring le fameux, l’irrépressible argument du bonheur, fond
789
pressible argument du bonheur, fondement pratique
de
la morale courante. Presque tous les événements de son roman le contr
790
e la morale courante. Presque tous les événements
de
son roman le contredisent. Ceci entraîne cela — bonheur ou catastroph
791
e, inéluctable, amorale, tout à fait indépendante
de
nos appréciations. Nous sommes naturellement portés à confondre notre
792
nfondre notre bonheur avec notre bien, et à taxer
d’
immoralisme tout acte qui entraîne des ruines humaines. Mais la vérité
793
ou malheur. Et c’est la vérité seule qu’il s’agit
d’
attendre. Dans Daphné Adeane, dans La Princesse Blanche, ce sont deux
794
décisif, viennent apporter ce dur message à l’âme
de
celle qui demandait d’être apaisée. Admirables dialogues, déchirants
795
ter ce dur message à l’âme de celle qui demandait
d’
être apaisée. Admirables dialogues, déchirants et triomphants, qui com
796
triomphants, qui comptent parmi les chefs-d’œuvre
de
la littérature religieuse. Celui de La Princesse Blanche 20 donne sa
797
chefs-d’œuvre de la littérature religieuse. Celui
de
La Princesse Blanche 20 donne sans aucun doute l’accord le plus prof
798
0 donne sans aucun doute l’accord le plus profond
de
l’œuvre de Baring. En voici la conclusion. (C’est Blanche qui parle a
799
s aucun doute l’accord le plus profond de l’œuvre
de
Baring. En voici la conclusion. (C’est Blanche qui parle au père Mich
800
mprenez tout à présent. Je vous demande seulement
de
prier pour moi, car j’ai parfois la sensation que ma misère est plus
801
is des erreurs irréparables. — Vous avez le droit
de
vous laisser mener par le remords au bord du désespoir, mais pas plus
802
ésespoir, mais pas plus loin. Et c’est ainsi que
de
ce roman au charme pénétrant et presque trop certain, sourd, comme di
803
« Tristesse, par-delà la tristesse »… Un tel état
de
l’âme n’est plus très éloigné peut-être de cette joie qui, elle aussi
804
l état de l’âme n’est plus très éloigné peut-être
de
cette joie qui, elle aussi, est « par-delà », — cette joie « qui surp
805
n lise, par exemple, l’admirable Goethe, histoire
d’
un homme, d’Émile Ludwig (Attinger, éd.), ouvrage sur lequel nous auro
806
exemple, l’admirable Goethe, histoire d’un homme,
d’
Émile Ludwig (Attinger, éd.), ouvrage sur lequel nous aurons l’occasio
807
, éd.), ouvrage sur lequel nous aurons l’occasion
de
revenir. 18. Il est absurde, voire aux yeux de la foi scandaleux de
808
est absurde, voire aux yeux de la foi scandaleux
de
parler de conversion d’un protestantisme au catholicisme ou l’inverse
809
de, voire aux yeux de la foi scandaleux de parler
de
conversion d’un protestantisme au catholicisme ou l’inverse. On ne se
810
yeux de la foi scandaleux de parler de conversion
d’
un protestantisme au catholicisme ou l’inverse. On ne se convertit pas
811
trement. 20. Pages 495-499. h. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Au sujet d’un grand roman : La Princesse Blanche pa
812
h. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Au sujet
d’
un grand roman : La Princesse Blanche par Maurice Baring », Foi et Vie
813
Kierkegaard (mai 1931)i j L’entrée
de
l’œuvre de Kierkegaard dans le monde intellectuel et religieux frança
814
Kierkegaard (mai 1931)i j L’entrée de l’œuvre
de
Kierkegaard dans le monde intellectuel et religieux français, est un
815
t religieux français, est un événement qui mérite
d’
être signalé et qui aura un profond retentissement dans le protestanti
816
me en particulier. Depuis quelques années, le nom
de
Kierkegaard reparaît de loin en loin dans des revues comme Commerce,
817
s quelques années, le nom de Kierkegaard reparaît
de
loin en loin dans des revues comme Commerce, la Nouvelle Revue franç
818
ommerce, la Nouvelle Revue française , la Revue
de
Genève . Diverses études lui ont été consacrées, en particulier dans
819
ont été consacrées, en particulier dans la Revue
d’
histoire et de philosophie religieuses de Strasbourg (Pascal et Kierke
820
crées, en particulier dans la Revue d’histoire et
de
philosophie religieuses de Strasbourg (Pascal et Kierkegaard), et dan
821
la Revue d’histoire et de philosophie religieuses
de
Strasbourg (Pascal et Kierkegaard), et dans la Revue de métaphysique
822
asbourg (Pascal et Kierkegaard), et dans la Revue
de
métaphysique et de morale. Et voici que l’on annonce de plusieurs côt
823
Kierkegaard), et dans la Revue de métaphysique et
de
morale. Et voici que l’on annonce de plusieurs côtés21, la publicatio
824
aphysique et de morale. Et voici que l’on annonce
de
plusieurs côtés21, la publication prochaine des œuvres principales de
825
, la publication prochaine des œuvres principales
de
l’un des plus grands esprits du xixe siècle, du plus méconnu peut-êt
826
, — du plus actuel, je dirais même du plus urgent
de
tous. Søren Kierkegaard naquit à Copenhague en 1813, et y mourut en 1
827
existence (Commerce, n° XII). Le grand événement
de
sa vie fut la mort de l’Évêque Mynster qui avait été très estimé au D
828
° XII). Le grand événement de sa vie fut la mort
de
l’Évêque Mynster qui avait été très estimé au Danemark et que Kierkeg
829
rkegaard lui-même avait aimé et honoré, comme ami
de
son père. Martensen, le successeur présumé de Mynster, prononçant un
830
ami de son père. Martensen, le successeur présumé
de
Mynster, prononçant un discours sur la tombe de l’évêque, le loua d’a
831
é de Mynster, prononçant un discours sur la tombe
de
l’évêque, le loua d’avoir été l’un des « grands détenteurs de la véri
832
ant un discours sur la tombe de l’évêque, le loua
d’
avoir été l’un des « grands détenteurs de la vérité, dont la longue ch
833
le loua d’avoir été l’un des « grands détenteurs
de
la vérité, dont la longue chaîne part des apôtres ». Mais Kierkegaard
834
rkegaard reste soucieux : Mynster est-il vraiment
de
la lignée des Apôtres, se demande-t-il ? Les prêtres sont-ils, dans l
835
tôt des fonctionnaires payés par l’État et avides
d’
avancement ? Les écrits polémiques de Kierkegaard, Le Moment et les At
836
at et avides d’avancement ? Les écrits polémiques
de
Kierkegaard, Le Moment et les Attaques contre le christianisme offici
837
es contre le christianisme officiel furent l’acte
de
Kierkegaard. Après cet acte, il mourut. Comme Hamlet. » Et voici com
838
estant pouvait trouver pareille formule. Le héros
de
la foi, Kierkegaard, « l’Isolé », n’a plus rien en lui ni de Faust, n
839
Kierkegaard, « l’Isolé », n’a plus rien en lui ni
de
Faust, ni du Caïn de Byron, il a dépassé le romantisme. Ou plutôt, le
840
u plutôt, le romantisme fut la jeunesse, le passé
de
« l’Isolé ». Et l’expression la plus caractéristique de ce nouvel hom
841
’Isolé ». Et l’expression la plus caractéristique
de
ce nouvel homme, qui a dépassé le romantisme, est la nouvelle psychol
842
ie. L’œuvre la plus profonde et la plus originale
de
Kierkegaard est sa Psychologie de l’Angoisse, à laquelle on ne peut t
843
plus originale de Kierkegaard est sa Psychologie
de
l’Angoisse, à laquelle on ne peut trouver d’analogie que chez Dostoïe
844
ogie de l’Angoisse, à laquelle on ne peut trouver
d’
analogie que chez Dostoïevski. Kierkegaard d’ailleurs ne peut être pla
845
lacé qu’à côté du poète russe. Tous deux marchent
de
pair et aucun autre esprit du siècle ne les dépasse. On peut déplore
846
le ne les dépasse. On peut déplorer qu’une œuvre
de
cette envergure ait pénétré d’abord en France, sous les espèces du fr
847
les espèces du fragment le moins caractéristique
de
Kierkegaard : Le Journal du séducteur (Stock éd.). Kierkegaard lui-mê
848
ormel que l’on n’ouvrît pas par ce roman la série
de
traductions de ses livres. Mais ce Journal, s’il est l’œuvre la moins
849
n’ouvrît pas par ce roman la série de traductions
de
ses livres. Mais ce Journal, s’il est l’œuvre la moins forte du Danoi
850
s, n’en est pas moins, dans son dosage pré-gidien
de
cynisme et d’humanité un document peut-être d’autant plus intéressant
851
s moins, dans son dosage pré-gidien de cynisme et
d’
humanité un document peut-être d’autant plus intéressant qu’il émane d
852
en de cynisme et d’humanité un document peut-être
d’
autant plus intéressant qu’il émane d’un grand théologien. Il s’agit m
853
t peut-être d’autant plus intéressant qu’il émane
d’
un grand théologien. Il s’agit maintenant de nous révéler ce « héros d
854
émane d’un grand théologien. Il s’agit maintenant
de
nous révéler ce « héros de la foi », ce maître de la pensée chrétienn
855
. Il s’agit maintenant de nous révéler ce « héros
de
la foi », ce maître de la pensée chrétienne tragique, paradoxale et v
856
de nous révéler ce « héros de la foi », ce maître
de
la pensée chrétienne tragique, paradoxale et virulente. Qu’une telle
857
action en France au moment où l’intérêt passionné
de
beaucoup se porte à la rencontre du message de Karl Barth, disciple f
858
né de beaucoup se porte à la rencontre du message
de
Karl Barth, disciple fervent de Kierkegaard, — nous pouvons y attache
859
contre du message de Karl Barth, disciple fervent
de
Kierkegaard, — nous pouvons y attacher la valeur d’un signe. Kierkega
860
Kierkegaard, — nous pouvons y attacher la valeur
d’
un signe. Kierkegaard sera pour beaucoup d’esprits en quête d’absolus,
861
valeur d’un signe. Kierkegaard sera pour beaucoup
d’
esprits en quête d’absolus, le maître que fut Nietzsche pour leurs aîn
862
Kierkegaard sera pour beaucoup d’esprits en quête
d’
absolus, le maître que fut Nietzsche pour leurs aînés. Il n’est pas sû
863
agnent, mais la foi, certainement. Et « l’honneur
de
Dieu ». 21. Aux Éditions de la Nouvelle Revue française , chez Fou
864
ent. Et « l’honneur de Dieu ». 21. Aux Éditions
de
la Nouvelle Revue française , chez Fourcade et aux Éditions « Je ser
865
et aux Éditions « Je sers ». i. Rougemont Denis
de
, « Kierkegaard », Foi et Vie, Paris, mai 1931, p. 351-352. j. Texte
866
maint sommet du massif du Mont-Blanc, et un grade
de
docteur ès lettres, vient de nous donner un livre bien utile22. En vé
867
vre bien utile22. En vérité, il fallait une sorte
d’
intrépidité pour entreprendre cette « traversée » de deux littératures
868
intrépidité pour entreprendre cette « traversée »
de
deux littératures. Combien d’heures de marche monotone à travers des
869
cette « traversée » de deux littératures. Combien
d’
heures de marche monotone à travers des moraines et des névés intermin
870
raversée » de deux littératures. Combien d’heures
de
marche monotone à travers des moraines et des névés interminables, po
871
vés interminables, pour mériter quelques instants
de
plénitude dans la contemplation de sommets assez rares. Personne, à n
872
lques instants de plénitude dans la contemplation
de
sommets assez rares. Personne, à notre connaissance, ne s’était risqu
873
rsonne même n’avait signalé cette curieuse lacune
de
notre histoire littéraire : pour nos critiques, les Alpes n’avaient p
874
ire : pour nos critiques, les Alpes n’avaient pas
d’
histoire. Enfin, voici ce livre, point trop volumineux — il trouvera s
875
eux — il trouvera sa place dans votre valise — et
d’
une érudition très aérée. Comment ne point partager, en le lisant, ce
876
ux Goethe pour les ouvrages documentaires, pleins
d’
analyses précises, de citations, de planches hors-texte ? C’est un rep
877
vrages documentaires, pleins d’analyses précises,
de
citations, de planches hors-texte ? C’est un repos de l’esprit en mêm
878
taires, pleins d’analyses précises, de citations,
de
planches hors-texte ? C’est un repos de l’esprit en même temps qu’une
879
itations, de planches hors-texte ? C’est un repos
de
l’esprit en même temps qu’une nourriture pour l’imagination. On goûte
880
ssent intéressantes par tout ce qu’elles révèlent
de
la mentalité des écrivains et des peuples dont elles émanent. La mont
881
illeux réactif, au contact duquel certains traits
de
caractères nationaux s’accusent d’une manière imprévue et significati
882
ertains traits de caractères nationaux s’accusent
d’
une manière imprévue et significative. On regrettera seulement que l’a
883
ortant et radicalement différent. Nous essaierons
de
l’esquisser plus loin. ⁂ Ce qui frappe dès l’abord, c’est la pauvreté
884
n. ⁂ Ce qui frappe dès l’abord, c’est la pauvreté
de
la littérature alpestre en France. À part Sénancour, aucun de nos écr
885
ature alpestre en France. À part Sénancour, aucun
de
nos écrivains n’a su puiser dans le thème de la montagne une inspirat
886
ucun de nos écrivains n’a su puiser dans le thème
de
la montagne une inspiration lyrique ou philosophique génératrice d’œu
887
inspiration lyrique ou philosophique génératrice
d’
œuvres marquantes. Qu’aurions-nous à opposer à un Shelley, à un Byron,
888
aubriand, devant le Mont-Blanc, clame son horreur
de
tant de démesure, et ses descriptions des Alpes constituent « le plus
889
s vallées, — si l’on ose dire, — où il fait vivre
d’
imaginaires bons sauvages. Et pour la grande majorité de ceux qui, apr
890
inaires bons sauvages. Et pour la grande majorité
de
ceux qui, après lui, feront intervenir la montagne dans leurs œuvres,
891
n’est guère qu’un décor conventionnel, un élément
de
pittoresque, un sublime tout fait, dont on agrémente des digressions
892
autes vallées, seul avec la nature dans une sorte
d’
ivresse morne, il parvenait à oublier la fuite des heures et de la vie
893
ne, il parvenait à oublier la fuite des heures et
de
la vie : l’existence perd sa fièvre au cours des longues heures silen
894
euses qui s’égrènent une à une dans les solitudes
de
rocs et de glace. » Sénancour éprouvait ce qu’il appela, d’un mot adm
895
’égrènent une à une dans les solitudes de rocs et
de
glace. » Sénancour éprouvait ce qu’il appela, d’un mot admirable, « l
896
de glace. » Sénancour éprouvait ce qu’il appela,
d’
un mot admirable, « la lenteur des choses ». C’est qu’il a pénétré dan
897
é dans ces solitudes que les autres contemplaient
d’
en bas ; non pas en curieux : en mystique. Pareille attitude ne surpre
898
e anglaise, au contraire, a donné toute une suite
de
chefs-d’œuvre lyriques à sujets alpestres. « Toute une tradition d’in
899
yriques à sujets alpestres. « Toute une tradition
d’
individualisme lui frayait la voie », note fort justement notre auteur
900
mmets, qu’écrira-t-il ? — Shelley : « L’immensité
de
ces sommets aériens excite, lorsqu’ils frappent la vue, un sentiment
901
excite, lorsqu’ils frappent la vue, un sentiment
d’
extase émerveillée auquel la folie n’est pas étrangère. » — « Cependan
902
u encore (Wordsworth) « les types et les symboles
de
l’Éternité ». Du panthéisme d’un Shelley au mysticisme d’un Ruskin, c
903
es et les symboles de l’Éternité ». Du panthéisme
d’
un Shelley au mysticisme d’un Ruskin, c’est un cantique d’adoration sp
904
rnité ». Du panthéisme d’un Shelley au mysticisme
d’
un Ruskin, c’est un cantique d’adoration spirituelle que chante la poé
905
lley au mysticisme d’un Ruskin, c’est un cantique
d’
adoration spirituelle que chante la poésie anglaise en de véritables «
906
tion spirituelle que chante la poésie anglaise en
de
véritables « élévations ». Mais tout ce lyrisme n’est pas dépourvu de
907
ations ». Mais tout ce lyrisme n’est pas dépourvu
de
grandiloquence ni de pieuse fadeur. La montagne, ne serait-elle jamai
908
e lyrisme n’est pas dépourvu de grandiloquence ni
de
pieuse fadeur. La montagne, ne serait-elle jamais qu’un écrasant symb
909
gne, ne serait-elle jamais qu’un écrasant symbole
de
l’éternité ? — C’est aussi quelque chose qui devrait être surmonté, n
910
résonances vraiment altières, celle-là : la voix
de
Nietzsche. ⁂ Ici, nous changeons de monde. À vrai dire, nous quittons
911
-là : la voix de Nietzsche. ⁂ Ici, nous changeons
de
monde. À vrai dire, nous quittons la littérature. « Celui qui sait re
912
ttérature. « Celui qui sait respirer l’atmosphère
de
mon œuvre sait que c’est une atmosphère des hauteurs, que l’air y est
913
our la première fois, le ton des hauteurs, le ton
de
celui qui les a conquises, physiquement aussi. Toute l’œuvre de Nietz
914
es a conquises, physiquement aussi. Toute l’œuvre
de
Nietzsche est pleine de repères alpestres. « Comme ces vues précises,
915
ment aussi. Toute l’œuvre de Nietzsche est pleine
de
repères alpestres. « Comme ces vues précises, aiguës, et qu’inspire l
916
inspire l’escarpement, nous changent des rêveries
de
Rousseau. Celui-ci se promène, l’autre escalade. Et comme elles s’opp
917
littérature qui transforme les sommets en images
d’
un Dieu vertueux, ou en remparts de la liberté. La montagne n’est ni b
918
mets en images d’un Dieu vertueux, ou en remparts
de
la liberté. La montagne n’est ni bienveillante ni maternelle ; elle p
919
sommes peuvent trouver sur ses flancs l’occasion
d’
une lutte… elle ignorera toujours ces victoires. » Nous empruntons ces
920
e du tableau franco-anglais, fournit un contraste
de
haut goût. Là, les montagnes se prêtaient successivement à des inter
921
nt une éthique. Là, elles prêtaient le romantisme
de
leur décor ; ici, par l’effort de discipline qu’elles exigent de qui
922
t le romantisme de leur décor ; ici, par l’effort
de
discipline qu’elles exigent de qui veut les vaincre, c’est un classic
923
ici, par l’effort de discipline qu’elles exigent
de
qui veut les vaincre, c’est un classicisme héroïque qu’elles inspiren
924
pestre. Il contient en puissance toute une morale
de
l’effort individuel et désintéressé, un constructivisme assez austère
925
leur inégalable : il y trouvait tous les symboles
de
la vie dangereuse, du risque, du triomphe conquis par la dureté. Mais
926
as informer d’autres pensées que les malédictions
de
Zarathoustra ? Quand nos écrivains, lassés de la circulation des idée
927
ons de Zarathoustra ? Quand nos écrivains, lassés
de
la circulation des idées citadines, éprouveront le besoin de créer vé
928
lation des idées citadines, éprouveront le besoin
de
créer véritablement quelques valeurs nouvelles, il se peut que certai
929
se tournent vers ces derniers symboles physiques
de
la solitude et de la grandeur, les Alpes. Nous souffrons d’une carenc
930
ces derniers symboles physiques de la solitude et
de
la grandeur, les Alpes. Nous souffrons d’une carence inquiétante de l
931
tude et de la grandeur, les Alpes. Nous souffrons
d’
une carence inquiétante de l’héroïsme. Dans la lutte pour la vie que n
932
s Alpes. Nous souffrons d’une carence inquiétante
de
l’héroïsme. Dans la lutte pour la vie que nous impose le monde contem
933
où s’exercer. Et ce n’est guère qu’au plus obscur
de
certains cœurs, et dans le secret de certains renoncements, que le re
934
plus obscur de certains cœurs, et dans le secret
de
certains renoncements, que le regard spirituel saurait encore en déce
935
Peut-être le goût du sport trahit-il la nostalgie
d’
une vie qui comporterait des risques extérieurs. Mais c’est là se cont
936
bon marché, et personne ne croit plus à la vertu
de
simulacres à ce point galvaudés. (Un Montherlant lui-même, récemment,
937
.) Deux chances sont encore offertes aux amateurs
de
risques authentiques : l’aviation et l’alpinisme. On commence à nous
938
isme. On commence à nous donner quelques « romans
de
l’air », et certains sont remarquables. Se trouvera-t-il un romancier
939
r des « hauts lieux » autre chose qu’une intrigue
de
palaces ? 22. La Littérature alpestre en France et en Angleterre,
940
s et Analyses. (Crès, 1926.) k. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Littérature alpestre », Foi et Vie, Paris, juillet
941
nt l’Aube, par Kagawa (septembre 1931)l m Dire
de
ce livre qu’il ne ressemble à rien serait une louange trop littéraire
942
nt simple qui nous introduit dans la connaissance
de
la misère, et par là même nous fait sentir combien nous sommes mesqui
943
est-il réellement impossible à une âme chrétienne
d’
atteindre la grandeur morale si elle n’a pas connu, ne fût-ce que par
944
lle n’a pas connu, ne fût-ce que par sa puissance
de
sympathie, la misère physique et matérielle du monde où nous vivons.
945
un terrible péché du christianisme européen, que
d’
avoir pratiquement abandonné à une doctrine de haine le sort de ceux q
946
que d’avoir pratiquement abandonné à une doctrine
de
haine le sort de ceux que le Christ aima, parce que leur dénuement ét
947
quement abandonné à une doctrine de haine le sort
de
ceux que le Christ aima, parce que leur dénuement était ce qu’il y av
948
us proche de sa grandeur. L’existence et l’action
de
Kagawa, telles qu’il les raconte dans ces deux volumes, témoignent qu
949
isme, comme son bien propre. Mais il n’y a pas là
de
quoi nous rassurer. Si la vie de Kagawa glorifie l’Évangile, elle acc
950
il n’y a pas là de quoi nous rassurer. Si la vie
de
Kagawa glorifie l’Évangile, elle accuse formellement la grande majori
951
it surtout qu’il nous trouble. ⁂ L’autobiographie
de
Toyohiko Kagawa, publiée au Japon sous le titre d’Au-delà de la ligne
952
e Toyohiko Kagawa, publiée au Japon sous le titre
d’
Au-delà de la ligne de la mort, en Amérique, en Angleterre, en Allemag
953
Kagawa, publiée au Japon sous le titre d’Au-delà
de
la ligne de la mort, en Amérique, en Angleterre, en Allemagne, et en
954
liée au Japon sous le titre d’Au-delà de la ligne
de
la mort, en Amérique, en Angleterre, en Allemagne, et en France, sous
955
ngleterre, en Allemagne, et en France, sous celui
d’
Avant l’Aube, est un des livres les plus significatifs de ce temps. No
956
l’Aube, est un des livres les plus significatifs
de
ce temps. Non pas que nous manquions de témoignages sur les condition
957
ificatifs de ce temps. Non pas que nous manquions
de
témoignages sur les conditions d’existence du prolétariat mondial, ni
958
nous manquions de témoignages sur les conditions
d’
existence du prolétariat mondial, ni que nous ignorions que notre sièc
959
est celui des meneurs. Mais le rare, c’est qu’un
de
ces meneurs écrive un livre pour nous dire comment il voit le peuple,
960
peuple, comment il l’aime, et quel est le secret
de
son autorité sur lui. L’état d’esprit de l’homme d’action s’accommode
961
e secret de son autorité sur lui. L’état d’esprit
de
l’homme d’action s’accommode rarement d’une réflexion impartiale et d
962
son autorité sur lui. L’état d’esprit de l’homme
d’
action s’accommode rarement d’une réflexion impartiale et d’une descri
963
d’esprit de l’homme d’action s’accommode rarement
d’
une réflexion impartiale et d’une description, plume en main, des mobi
964
’accommode rarement d’une réflexion impartiale et
d’
une description, plume en main, des mobiles personnels, affectifs, voi
965
affectifs, voire religieux, qui sont à l’origine
de
son entreprise. C’est même un des malheurs de notre temps, que l’acti
966
ine de son entreprise. C’est même un des malheurs
de
notre temps, que l’action devenue trop rapide suppose une cécité part
967
igieusement par exemple. Que l’on songe à l’œuvre
d’
un Ford, ou à celle de presque tous nos hommes d’État. Le privilège ad
968
e. Que l’on songe à l’œuvre d’un Ford, ou à celle
de
presque tous nos hommes d’État. Le privilège admirable de Kagawa, c’e
969
ue tous nos hommes d’État. Le privilège admirable
de
Kagawa, c’est qu’il poursuit son action en pleine connaissance de cau
970
uit son action en pleine connaissance de cause et
de
buts, en plein accord avec son expérience intime (je dirais même sent
971
chrétienne. Il peut livrer sans crainte le secret
d’
une telle action ; sans crainte et sans vanité non plus, car son œuvre
972
us, car son œuvre écrite n’est encore qu’un moyen
de
servir et d’agir. C’est un homme sans partage et sans failles. Quelqu
973
uvre écrite n’est encore qu’un moyen de servir et
d’
agir. C’est un homme sans partage et sans failles. Quelques articles p
974
nt appris à connaître les résultats considérables
de
l’œuvre sociale, politique et religieuse suscitée par Kagawa. Nous sa
975
suscitée par Kagawa. Nous savions que ce pasteur
d’
une petite paroisse presbytérienne était le chef du Jeune Japon, l’ini
976
rienne était le chef du Jeune Japon, l’initiateur
de
réformes de grande envergure, commencées dans les bas-fonds de la vil
977
le chef du Jeune Japon, l’initiateur de réformes
de
grande envergure, commencées dans les bas-fonds de la ville de Kobé e
978
e grande envergure, commencées dans les bas-fonds
de
la ville de Kobé et peu à peu élargies à tout ce vaste empire moderne
979
ergure, commencées dans les bas-fonds de la ville
de
Kobé et peu à peu élargies à tout ce vaste empire moderne si rapideme
980
moderne si rapidement envahi par la civilisation
d’
une Europe dont il rejette la religion24. Nous savions aussi que ce le
981
, cet économiste et cet évangéliste se doublaient
d’
un écrivain extrêmement fécond, dont l’autobiographie en particulier a
982
ître une nouvelle. C’est, en effet, sous la forme
d’
un roman dont le héros, Eiichi, est évidemment l’auteur lui-même, le r
983
iichi, est évidemment l’auteur lui-même, le récit
de
l’adolescence et de la jeunesse de notre héros ; mais ce récit prend
984
t l’auteur lui-même, le récit de l’adolescence et
de
la jeunesse de notre héros ; mais ce récit prend fin au moment où Kag
985
même, le récit de l’adolescence et de la jeunesse
de
notre héros ; mais ce récit prend fin au moment où Kagawa débouche da
986
nnante, et qui nous fait pénétrer dans l’intimité
d’
une vie, aux sources mêmes de ses déterminations. ⁂ Ce qui frappe, dès
987
trer dans l’intimité d’une vie, aux sources mêmes
de
ses déterminations. ⁂ Ce qui frappe, dès les premières pages, c’est l
988
s auteurs qui écrivent leurs mémoires s’attachent
d’
ordinaire aux faits pittoresques ou exceptionnels qui marquèrent leur
989
nous assistons à l’existence la plus quotidienne
d’
Eiichi, à ces mille petites difficultés précises et humiliantes, à ces
990
ifficultés précises et humiliantes, à ces moments
de
doute, de désir ou d’ennui qui constituent la trame réelle de notre a
991
précises et humiliantes, à ces moments de doute,
de
désir ou d’ennui qui constituent la trame réelle de notre activité et
992
humiliantes, à ces moments de doute, de désir ou
d’
ennui qui constituent la trame réelle de notre activité et qui différe
993
désir ou d’ennui qui constituent la trame réelle
de
notre activité et qui différencient radicalement notre vie d’un conte
994
ivité et qui différencient radicalement notre vie
d’
un conte de fées. Il n’y a là, de la part de l’auteur, nul parti pris
995
i différencient radicalement notre vie d’un conte
de
fées. Il n’y a là, de la part de l’auteur, nul parti pris de « réalis
996
n’y a là, de la part de l’auteur, nul parti pris
de
« réalisme » littéraire, mais bien le signe d’une absence d’hypocrisi
997
is de « réalisme » littéraire, mais bien le signe
d’
une absence d’hypocrisie tout à fait insolite, et qui dans certains ca
998
me » littéraire, mais bien le signe d’une absence
d’
hypocrisie tout à fait insolite, et qui dans certains cas, paraîtra pr
999
e à maints lecteurs. Kagawa ne « décolle » jamais
de
la réalité psychologique et matérielle, et c’est par là que dans sa s
1000
gros volumes si nourris, il n’y a pas deux lignes
d’
allure conventionnelle, deux lignes qui ne traduisent une vérité vécue
1001
e. Telle est la certitude qui se dégage lentement
d’
une profusion peu commune de petits faits, de personnages et de descri
1002
i se dégage lentement d’une profusion peu commune
de
petits faits, de personnages et de descriptions des lieux où ils vive
1003
ment d’une profusion peu commune de petits faits,
de
personnages et de descriptions des lieux où ils vivent. C’est dire qu
1004
on peu commune de petits faits, de personnages et
de
descriptions des lieux où ils vivent. C’est dire que l’œuvre mérite l
1005
ls vivent. C’est dire que l’œuvre mérite l’effort
d’
attention soutenue que plusieurs chapitres du premier tome risqueraien
1006
plusieurs chapitres du premier tome risqueraient
de
lasser, par une multiplicité de notations touchant à la monotonie. Au
1007
tome risqueraient de lasser, par une multiplicité
de
notations touchant à la monotonie. Au reste, à mesure qu’on avance, l
1008
ure qu’on avance, l’on comprend mieux les raisons
de
la popularité d’une telle œuvre : c’est toute la vie du Japon actuel
1009
l’on comprend mieux les raisons de la popularité
d’
une telle œuvre : c’est toute la vie du Japon actuel qu’elle concrétis
1010
sous nos yeux. Certes, ce n’est pas une japonerie
d’
estampe ! Voici un échantillon du pays, au travers duquel nous emmène
1011
’eût été bien agréable si le wagon entier eût été
de
verre. À partir de Tennoji, le train s’arrêta à un nombre incalculabl
1012
nnoji, le train s’arrêta à un nombre incalculable
de
stations. Regardant par la fenêtre, il vit d’affreux noms de gares te
1013
ble de stations. Regardant par la fenêtre, il vit
d’
affreux noms de gares tels que Tenman, Tamazukuri, tout à fait dans le
1014
. Regardant par la fenêtre, il vit d’affreux noms
de
gares tels que Tenman, Tamazukuri, tout à fait dans le genre d’Osaka,
1015
que Tenman, Tamazukuri, tout à fait dans le genre
d’
Osaka, écrits sur des lampes carrées. Entre les stations, des étendues
1016
lampes carrées. Entre les stations, des étendues
de
toits de tuiles, avec de la fumée noire qui s’en échappait. Osaka, la
1017
arrées. Entre les stations, des étendues de toits
de
tuiles, avec de la fumée noire qui s’en échappait. Osaka, la nuit, av
1018
s stations, des étendues de toits de tuiles, avec
de
la fumée noire qui s’en échappait. Osaka, la nuit, avait un air étran
1019
a tempête. Tandis que le train longeait les bords
de
la rivière Yodogawa, il se rappela soudain que c’était un endroit cél
1020
un jour, au théâtre, à Kobé, le drame du suicide
de
Akaneya et Sankatsu, sa bien-aimée. Suicide et Osaka la nuit ! Il ne
1021
Nous trouvons d’abord Eiichi Niimi à l’Université
de
Meiji Gakuin, près de Tokyo, dans une atmosphère de discussions philo
1022
Meiji Gakuin, près de Tokyo, dans une atmosphère
de
discussions philosophiques fort curieuse, où les doctrines bouddhiste
1023
is sont oubliées, comme partout, dès qu’il s’agit
d’
embarras d’argent, de difficultés sentimentales, ou de mauvaises nouve
1024
liées, comme partout, dès qu’il s’agit d’embarras
d’
argent, de difficultés sentimentales, ou de mauvaises nouvelles qu’on
1025
me partout, dès qu’il s’agit d’embarras d’argent,
de
difficultés sentimentales, ou de mauvaises nouvelles qu’on reçoit de
1026
barras d’argent, de difficultés sentimentales, ou
de
mauvaises nouvelles qu’on reçoit de sa famille. À la suite d’une disc
1027
imentales, ou de mauvaises nouvelles qu’on reçoit
de
sa famille. À la suite d’une discussion vive avec des étudiants chrét
1028
nouvelles qu’on reçoit de sa famille. À la suite
d’
une discussion vive avec des étudiants chrétiens au sujet d’un de leur
1029
ussion vive avec des étudiants chrétiens au sujet
d’
un de leurs camarades, Eiichi se décide soudain à quitter l’Université
1030
n vive avec des étudiants chrétiens au sujet d’un
de
leurs camarades, Eiichi se décide soudain à quitter l’Université. Ce
1031
s, farouchement idéaliste et pourtant jamais dupe
de
ses beaux sentiments lorsqu’il s’y mêle des motifs tout matériels. S
1032
Ses larmes augmentèrent en pensant à la pauvreté
de
sentiments des chrétiens ; il pensait aussi que lui-même, à la fin du
1033
d idéal. Que pouvait-il y avoir de plus noble que
de
partager la vie quotidienne des gens de la campagne. Il serait auprès
1034
noble que de partager la vie quotidienne des gens
de
la campagne. Il serait auprès de sa sœur, que personne n’aimait. Il d
1035
près de sa sœur, que personne n’aimait. Il décida
de
retourner chez lui la nuit même, et après s’être demandé avec quelque
1036
il ferait face aux dépenses du voyage, il décida
de
vendre ses livres. Mais son retour au foyer provoque des scènes terr
1037
s avec son père, riche commerçant que l’on accuse
de
malhonnêteté, caractère impérieux, esprit étroit, et qui défend avec
1038
défend avec violence contre les idées subversives
de
son fils un ordre social dont l’avantage évident est de le mettre à l
1039
fils un ordre social dont l’avantage évident est
de
le mettre à l’abri de la véritable justice. Il finit par mettre Eiich
1040
dont l’avantage évident est de le mettre à l’abri
de
la véritable justice. Il finit par mettre Eiichi à la porte. Il lui r
1041
ttre Eiichi à la porte. Il lui reste la ressource
de
se faire instituteur. Il assiste un soir, par hasard, à une réunion d
1042
ur. Il assiste un soir, par hasard, à une réunion
d’
évangélisation dont la description serait tout entière à citer, dans s
1043
ment concilier son bonheur personnel avec l’idéal
de
rénovation sociale qu’il a conçu ? Et comment trouver le courage de s
1044
ale qu’il a conçu ? Et comment trouver le courage
de
se donner à cet idéal, dont la réalisation pratique lui répugne encor
1045
iichi était partagé entre deux désirs. L’un était
de
se sauver au plus vite de cet horrible endroit et de jeter les princi
1046
deux désirs. L’un était de se sauver au plus vite
de
cet horrible endroit et de jeter les principes philanthropiques à tou
1047
se sauver au plus vite de cet horrible endroit et
de
jeter les principes philanthropiques à tous les vents ; de rentrer bi
1048
les principes philanthropiques à tous les vents ;
de
rentrer bien vite dans sa maison garnie de belles nattes et de se plo
1049
ents ; de rentrer bien vite dans sa maison garnie
de
belles nattes et de se plonger dans ses livres de philosophie. Il ent
1050
en vite dans sa maison garnie de belles nattes et
de
se plonger dans ses livres de philosophie. Il entendait une voix inté
1051
de belles nattes et de se plonger dans ses livres
de
philosophie. Il entendait une voix intérieure qui lui disait : « Si t
1052
voix intérieure qui lui disait : « Si tu te mêles
de
ces affaires, tu ne seras toi-même, à la fin, pas bien éloigné du vul
1053
re voix intérieure disait : « La bonté est le sel
de
la vie. L’organisme social demande des sacrifices pour l’amour des vi
1054
nsifie bientôt jusqu’à provoquer en lui une sorte
de
folie. Tsuruko est obligée de le quitter. Alors dans un accès de dése
1055
er en lui une sorte de folie. Tsuruko est obligée
de
le quitter. Alors dans un accès de désespoir, il tente de mettre le f
1056
ko est obligée de le quitter. Alors dans un accès
de
désespoir, il tente de mettre le feu à sa maison. Il s’enfuit, et s’e
1057
itter. Alors dans un accès de désespoir, il tente
de
mettre le feu à sa maison. Il s’enfuit, et s’engage comme manœuvre da
1058
t s’engage comme manœuvre dans les docks. La mort
de
son père l’oblige à en sortir, mais en même temps décide de l’orienta
1059
e l’oblige à en sortir, mais en même temps décide
de
l’orientation de sa vie : Il avait vu mourir Sanuki au logement ouvr
1060
ortir, mais en même temps décide de l’orientation
de
sa vie : Il avait vu mourir Sanuki au logement ouvrier, et il ne pen
1061
ogement ouvrier, et il ne pensait pas que la mort
de
son père fût particulièrement importante. Il avait appris qu’il faut
1062
nte. Il avait appris qu’il faut avoir une volonté
de
fer, lorsqu’on tombe dans la lie de la société. Le jour des funéraill
1063
r une volonté de fer, lorsqu’on tombe dans la lie
de
la société. Le jour des funérailles, Eiichi essaya de garder tout son
1064
a société. Le jour des funérailles, Eiichi essaya
de
garder tout son sang-froid, mais au cimetière du Temple de Zuigan, qu
1065
tout son sang-froid, mais au cimetière du Temple
de
Zuigan, quand les prêtres de douze temples et Eiichi à leur suite ent
1066
cimetière du Temple de Zuigan, quand les prêtres
de
douze temples et Eiichi à leur suite entourèrent le cercueil, il ne p
1067
panorama devant ses yeux. Au-delà des sentiments
de
Hamlet, voyant la procession funèbre d’Ophélie, pensa Eiichi, il y av
1068
entiments de Hamlet, voyant la procession funèbre
d’
Ophélie, pensa Eiichi, il y avait la redoutable réalité, et il pleura
1069
i, il y avait la redoutable réalité, et il pleura
de
crainte et de tristesse. Tout inspirait le respect : le bruit discord
1070
la redoutable réalité, et il pleura de crainte et
de
tristesse. Tout inspirait le respect : le bruit discordant des cymbal
1071
tout lien avec le passé, comme on franchit le pas
de
la mort, il lutterait contre les conventions établies, les traditions
1072
ant lui était le monde : le monde, l’énorme asile
de
fous dont Eiichi avait parlé à son père — mort maintenant —, tourment
1073
prise du militarisme et du capitalisme ; un asile
de
fous qui s’étend sur toute la terre. Sans se préoccuper si c’était le
1074
nde ou lui-même qui était fou, Eiichi décida que,
de
ce jour-là, il entrerait en bataille contre cet ordre de choses. Il
1075
our-là, il entrerait en bataille contre cet ordre
de
choses. Il se délivre progressivement de tous ses intérêts matériels
1076
t ordre de choses. Il se délivre progressivement
de
tous ses intérêts matériels et familiaux. Sa misère et son désespoir
1077
familiaux. Sa misère et son désespoir grandissent
de
jour en jour en même temps que sa révolte contre ce monde. Il se conv
1078
enfin, brusquement, au moment où il avait décidé
de
se suicider. Mais un soir qu’il prêche au carrefour, la maladie qui d
1079
r se donner tout entier à la misère des bas-fonds
de
Kobé. Il fait siennes toutes les épreuves d’un peuple misérable, des
1080
onds de Kobé. Il fait siennes toutes les épreuves
d’
un peuple misérable, des pires brutes qu’il recueille dans sa chambre,
1081
qu’il recueille dans sa chambre, et qu’il couvre
de
ses propres habits, des prostituées qu’il soigne, des ivrognes qui lu
1082
squ’à lui tirer dessus, — ce qui ne l’empêche pas
de
les reprendre ensuite, chez lui, car il professe avec fanatisme la no
1083
la non-résistance au mal. Bientôt il prend figure
de
saint parmi le peuple qui le respecte, l’exploite et subit l’empire d
1084
ple qui le respecte, l’exploite et subit l’empire
de
sa douceur. Cette deuxième partie de l’ouvrage est extraordinaire de
1085
bit l’empire de sa douceur. Cette deuxième partie
de
l’ouvrage est extraordinaire de vie et de pathétique, sobre et direct
1086
e deuxième partie de l’ouvrage est extraordinaire
de
vie et de pathétique, sobre et directe plus que tout ce qu’on a pu li
1087
partie de l’ouvrage est extraordinaire de vie et
de
pathétique, sobre et directe plus que tout ce qu’on a pu lire de plus
1088
ces milieux. Finalement, la police accuse Eiichi
d’
avoir prêté son appui à une grève, et le récit se termine par une scèn
1089
scène entre le procureur et le prévenu, qui vaut
d’
être citée : — Pourquoi me regardez-vous ainsi ? tonna le Procureur,
1090
e étude psychologique, en observant sur le visage
de
celui-ci les expressions changeantes qu’y imprimait la passion. Il lu
1091
Il lui semblait qu’il faisait une étude pratique
de
désordre mental dans une classe d’école, tant il était calme et loin
1092
étude pratique de désordre mental dans une classe
d’
école, tant il était calme et loin d’être troublé. En regardant les ch
1093
s une classe d’école, tant il était calme et loin
d’
être troublé. En regardant les choses de près, il conclut que la profe
1094
e et loin d’être troublé. En regardant les choses
de
près, il conclut que la profession de procureur devait être vraiment
1095
les choses de près, il conclut que la profession
de
procureur devait être vraiment bien désagréable, puisqu’elle exigeait
1096
e vraiment bien désagréable, puisqu’elle exigeait
de
celui qui s’y livrait de se fâcher, de se poser comme juste et de jug
1097
le, puisqu’elle exigeait de celui qui s’y livrait
de
se fâcher, de se poser comme juste et de juger ses semblables. Pire q
1098
e exigeait de celui qui s’y livrait de se fâcher,
de
se poser comme juste et de juger ses semblables. Pire que cela, elle
1099
livrait de se fâcher, de se poser comme juste et
de
juger ses semblables. Pire que cela, elle portait à croire que tous l
1100
bles. Ceci acquit au Procureur toute la sympathie
d’
Eiichi… Si c’est à des tâches aussi inutiles que les procureurs passen
1101
ssent leur vie, pensait Eiichi, il est impossible
de
ne pas leur témoigner de la sympathie. — Qu’est-ce que cela veut dire
1102
iichi, il est impossible de ne pas leur témoigner
de
la sympathie. — Qu’est-ce que cela veut dire ? Pourquoi me regardez-v
1103
si ce n’est par une révolution ? Je vous demande
de
me dire clairement votre pensée à ce sujet. Eiichi se taisait. Une mi
1104
s s’écoulèrent. Quatre ou cinq moineaux sautaient
de
branche en branche sur le camphrier du jardin, joyeux et insouciants.
1105
Il se taisait, car il savait qu’il était inutile
de
dire quoi que ce soit à cet homme en colère. Trois, quatre, cinq minu
1106
. Le Procureur regardait distraitement son carnet
de
notes. Il tremblait jusqu’au bout des doigts. Il eut été impossible d
1107
t jusqu’au bout des doigts. Il eut été impossible
de
dire lequel des deux était le juge de l’autre. Eiichi est provisoire
1108
impossible de dire lequel des deux était le juge
de
l’autre. Eiichi est provisoirement libéré. Les enfants des bas-fonds
1109
conclusions qu’impose cette œuvre avec l’autorité
d’
une action, arrêtons-nous quelques instants devant la beauté singulièr
1110
ous quelques instants devant la beauté singulière
de
l’âme qu’elle révèle. Une âme qui sent tout avec force et délicatesse
1111
lligent qui est plus émouvant que bien des chants
de
victoire de « sauvés ». Une âme parfaitement consciente, claire et de
1112
est plus émouvant que bien des chants de victoire
de
« sauvés ». Une âme parfaitement consciente, claire et de bonne volon
1113
vés ». Une âme parfaitement consciente, claire et
de
bonne volonté. Une âme à la fois sobre et extrême. Tous les excès lui
1114
ans la sainteté, mais toujours ils s’accompagnent
d’
une mesure parfaite dans l’appréciation. Il semble qu’il n’ait aucune
1115
a critique et sans nulle complaisance. Il n’a pas
de
terribles remords, il a des remords. Il ne cherche pas à se rendre in
1116
es actions. Il les note, simplement, sans oublier
d’
indiquer ses hésitations, les traverses souvent fortuites qui les prov
1117
ouvent fortuites qui les provoquent. Et pas trace
d’
ostentation dans son humilité ou dans son impartialité. C’est toujours
1118
artialité. C’est toujours à l’effarante sincérité
de
ce récit qu’il faut revenir, si l’on veut d’un mot le caractériser. P
1119
rité de ce récit qu’il faut revenir, si l’on veut
d’
un mot le caractériser. Parmi les innombrables sentiments : doutes, pa
1120
u’il met en jeu, c’est toujours l’absence absolue
d’
hypocrisie de sa part qui donne aux choses les plus banales une nouvea
1121
eu, c’est toujours l’absence absolue d’hypocrisie
de
sa part qui donne aux choses les plus banales une nouveauté frappante
1122
éclate particulièrement dans l’analyse des motifs
de
ses actions journalières. Par là, il fait souvent penser aux grands R
1123
ï surtout. Et par tous les revirements intérieurs
de
ses personnages également. Quant à lui, la complexité vivante de sa v
1124
ges également. Quant à lui, la complexité vivante
de
sa vie morale n’a d’égale que la violence de ses réactions. Une fois,
1125
à lui, la complexité vivante de sa vie morale n’a
d’
égale que la violence de ses réactions. Une fois, désespéré, — « heure
1126
ante de sa vie morale n’a d’égale que la violence
de
ses réactions. Une fois, désespéré, — « heureusement, personne ne reg
1127
!”, mais sans résultat ». C’est dans un tel état
de
désespoir que soudain l’amour de la vie revient s’emparer de lui et d
1128
dans un tel état de désespoir que soudain l’amour
de
la vie revient s’emparer de lui et décide de sa conversion : Il se d
1129
r que soudain l’amour de la vie revient s’emparer
de
lui et décide de sa conversion : Il se décida à tout accepter, oui,
1130
mour de la vie revient s’emparer de lui et décide
de
sa conversion : Il se décida à tout accepter, oui, tout. Il accepter
1131
manifestations dans le temps. Il était ressuscité
de
l’abîme du désespoir et revenu au monde merveilleux. Il résolut de vi
1132
espoir et revenu au monde merveilleux. Il résolut
de
vivre fermement dans sa sphère actuelle, enrichi par la force de la m
1133
ent dans sa sphère actuelle, enrichi par la force
de
la mort. Tout était merveilleux, la mort, lui-même, la terre, les pie
1134
ut était étonnement. Il acceptait tout. Il décida
de
vivre fermement, de prendre courage et de lutter bravement à l’avenir
1135
Il acceptait tout. Il décida de vivre fermement,
de
prendre courage et de lutter bravement à l’avenir, et pour cela il ac
1136
décida de vivre fermement, de prendre courage et
de
lutter bravement à l’avenir, et pour cela il accepterait tout de l’ex
1137
ment à l’avenir, et pour cela il accepterait tout
de
l’existence. Il accepterait aussi la religion avec le courage du suic
1138
e, le 14 février, il se décida à faire profession
de
disciple du Christ. Page étrange, en vérité, et dont l’accent presqu
1139
i eussent préféré l’habituelle effusion en patois
de
Chanaan. Mais ce qui me frappe ici, c’est de voir le reste du chapitr
1140
tois de Chanaan. Mais ce qui me frappe ici, c’est
de
voir le reste du chapitre consacré au récit des actes qu’immédiatemen
1141
tes qu’immédiatement Eiichi produit en témoignage
de
sa conversion. En mystique véritable, il évite rigoureusement les exp
1142
s derrière Nunobiki, au milieu des arbres, à côté
d’
un ruisseau, il passa trois heures et demie à lire tout l’Évangile sel
1143
ier, priant continuellement pour obtenir la grâce
de
devenir capable de suivre Jésus. Une autre fois, à midi, il monta sur
1144
ellement pour obtenir la grâce de devenir capable
de
suivre Jésus. Une autre fois, à midi, il monta sur le sommet d’une mo
1145
s. Une autre fois, à midi, il monta sur le sommet
d’
une montagne en face du mont Maya et pria Dieu de lui donner Kobé et l
1146
d’une montagne en face du mont Maya et pria Dieu
de
lui donner Kobé et les bas-fonds. La nature, le sommeil et les enfant
1147
Comment et par quoi mesurer la valeur chrétienne
d’
une âme ? L’action même est souvent trompeuse. Mais la qualité du rega
1148
tel est le signe et la mesure certaine. Au cours
d’
un livre où il se peint, aux prises avec toutes les formes du mal, jam
1149
aineux des communistes. Et c’est l’un des secrets
de
sa puissance. ⁂ Mais il est temps de tirer de ce livre une conclusion
1150
des secrets de sa puissance. ⁂ Mais il est temps
de
tirer de ce livre une conclusion capitale qui, sans doute, fut l’obje
1151
ets de sa puissance. ⁂ Mais il est temps de tirer
de
ce livre une conclusion capitale qui, sans doute, fut l’objet détermi
1152
capitale qui, sans doute, fut l’objet déterminant
de
son auteur. Elle concerne la question sociale. Il s’attache à cette e
1153
es réformes socialistes — mais cela dispense-t-il
de
chercher d’autres solutions ? Quant à ceux qui acceptent d’étudier à
1154
r d’autres solutions ? Quant à ceux qui acceptent
d’
étudier à fond ces problèmes, ils ne les rendent, en général, guère at
1155
s le devraient.). Pour celui qui referme le livre
de
Kagawa, une certitude s’impose. Je la formulerai brièvement : Tant qu
1156
ctible. Car la question sociale n’admet peut-être
de
solution que personnelle. Il ne s’agit plus de la poser, sur le plan
1157
re de solution que personnelle. Il ne s’agit plus
de
la poser, sur le plan intellectuel, pour les autres, mais de la résou
1158
, sur le plan intellectuel, pour les autres, mais
de
la résoudre d’abord pour son compte et par un acte intérieur contraig
1159
te et par un acte intérieur contraignant, un acte
d’
incarnation. Il y a là une exigence immédiate et par conséquent plus t
1160
ose n’importe quelle attitude politique. Aux yeux
d’
un incroyant, ceci peut sembler vague. Mais le sens chrétien primitif
1161
rétien primitif n’est-il pas, avant tout, le sens
de
la pauvreté ? Qu’un Kagawa nous force à méditer chrétiennement le fai
1162
agawa nous force à méditer chrétiennement le fait
de
la misère humaine, — cela ne saurait être sans fruits. 24. Ceux qui
1163
imiler christianisme et capitalisme feraient bien
de
ne pas perdre de vue cet exemple. l. Rougemont Denis de, « [Compte
1164
sme et capitalisme feraient bien de ne pas perdre
de
vue cet exemple. l. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Toyohiko K
1165
s perdre de vue cet exemple. l. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Toyohiko Kagawa, Avant l’Aube », Foi et Vie, Paris
1166
bre 1931)n o La manière est toujours l’indice
d’
une complaisance, et vite elle en devient la rançon. (Divers, p. 75.)
1167
« manière » gidienne, et je m’excuse dès l’abord
de
la rapidité avec laquelle je suis décidé à les formuler. Si l’on y vo
1168
’on y voit une regrettable désinvolture vis-à-vis
d’
un des écrivains les plus justement célèbres de ce temps, elle aura du
1169
is d’un des écrivains les plus justement célèbres
de
ce temps, elle aura du moins le mérite de la spontanéité, qualité don
1170
élèbres de ce temps, elle aura du moins le mérite
de
la spontanéité, qualité dont Gide aime à douer les héros de ses récit
1171
tanéité, qualité dont Gide aime à douer les héros
de
ses récits, mais dont lui-même se révèle dépourvu dans une mesure qui
1172
pourvu dans une mesure qui est celle, exactement,
de
son art, — considérable. Art de ruses, de pondérations et de nuances
1173
elle, exactement, de son art, — considérable. Art
de
ruses, de pondérations et de nuances sarcastiques (celles du serpent
1174
tement, de son art, — considérable. Art de ruses,
de
pondérations et de nuances sarcastiques (celles du serpent qui charme
1175
— considérable. Art de ruses, de pondérations et
de
nuances sarcastiques (celles du serpent qui charme à froid) — art qui
1176
se définit et se limite par l’épithète valéryenne
d’
exquis. On sait quels « jugements » Gide s’attira naguère, dont la « s
1177
ne pense pas qu’il faille opposer aux suggestions
d’
un moraliste trop subtil les vaniteux verdicts d’une moralité toute fa
1178
d’un moraliste trop subtil les vaniteux verdicts
d’
une moralité toute faite. Je ne me récrie pas et ne compte nullement d
1179
crie pas et ne compte nullement désigner l’auteur
de
l’Immoraliste à la vindicte des « honnêtes gens ». D’abord parce que
1180
sait qu’il y a dans le monde moderne trois sortes
de
gens, les pécheurs, les sauvés et les honnêtes gens.) Ensuite, parce
1181
ral où Gide provoque ses lecteurs à le juger, sûr
d’
avance que l’intelligence sera de son côté. — « Causons un peu », dit
1182
à le juger, sûr d’avance que l’intelligence sera
de
son côté. — « Causons un peu », dit le serpent… ⁂ Divers, recueil d’
1183
sons un peu », dit le serpent… ⁂ Divers, recueil
d’
aphorismes, de « caractères » et de lettres, est en somme un plaidoyer
1184
dit le serpent… ⁂ Divers, recueil d’aphorismes,
de
« caractères » et de lettres, est en somme un plaidoyer pour André Gi
1185
ivers, recueil d’aphorismes, de « caractères » et
de
lettres, est en somme un plaidoyer pour André Gide. J’avoue qu’il sai
1186
dré Gide. J’avoue qu’il sait dans un grand nombre
de
cas me convaincre ; et que, dans la plupart des autres, il est si adm
1187
ves. Non seulement Gide a presque toujours raison
de
ses juges, mais il sait avoir raison comme en s’excusant. Il apporte
1188
ourdine. Car il sait que la modestie est la vertu
de
choix du classicisme. Et qu’il est le dernier de nos classiques… Pare
1189
de choix du classicisme. Et qu’il est le dernier
de
nos classiques… Pareille modestie est, d’ailleurs, signe de force : l
1190
ssiques… Pareille modestie est, d’ailleurs, signe
de
force : les critiques auxquels il adressa les lettres reproduites dan
1191
avent quelque chose, et le Père jésuite qui tenta
de
soutenir la controverse prit une leçon de distinguo magistrale et cru
1192
i tenta de soutenir la controverse prit une leçon
de
distinguo magistrale et cruellement ironique. Je ne tiens pas du tout
1193
ne tiens pas du tout à imiter ce Père. Nul besoin
de
citer à la barre d’un jugement dernier anticipé un esprit qui s’honor
1194
à imiter ce Père. Nul besoin de citer à la barre
d’
un jugement dernier anticipé un esprit qui s’honore — on excusera le j
1195
icipé un esprit qui s’honore — on excusera le jeu
de
mots — d’être « non-prévenu ». Mais voici ce qu’il y a : l’on éprouve
1196
sprit qui s’honore — on excusera le jeu de mots —
d’
être « non-prévenu ». Mais voici ce qu’il y a : l’on éprouve une gêne
1197
tojustification obsédante que les derniers écrits
de
cet auteur reprennent et fignolent avec un talent disproportionné à s
1198
donner l’air — je suis prêt à le concéder au-delà
de
ce qu’il espère. Par incompétence radicale. Ce qu’il faut certainemen
1199
icale. Ce qu’il faut certainement déplorer, c’est
de
le voir utiliser des dons incomparables et une sorte subtile de loyau
1200
liser des dons incomparables et une sorte subtile
de
loyauté à des fins rien moins que grandes. Car l’excès même de ces sc
1201
des fins rien moins que grandes. Car l’excès même
de
ces scrupules les fait tourner soudain, les fait cailler en coquetter
1202
iller en coquetteries. Et voici que l’explication
de
soi pareillement tourne en indiscrétion, et cette retenue trop consci
1203
en indiscrétion, et cette retenue trop consciente
de
ses effets n’est plus qu’une impudeur raffinée. « Celui qui veut sau
1204
e inlassablement M. Gide25. Seulement, celui qui,
de
propos délibéré, veut perdre sa vie, et non pas pour Christ, mais pou
1205
e du sacrifice ; et c’est en vain qu’il tenterait
d’
y loger autre chose que son égoïsme et sa coquetterie profonde. Tels s
1206
ige en dialectique indépendante. Si des sophismes
de
ce genre n’apparaissent pas plus souvent chez d’autres « moralistes »
1207
s que M. Gide, ou qu’ils reculent devant l’audace
de
conclusions en toute logique inévitables. Car ce qui naît de l’Évangi
1208
ons en toute logique inévitables. Car ce qui naît
de
l’Évangile n’a de sens que par le jaillissement vers Dieu. Et tout pr
1209
ue inévitables. Car ce qui naît de l’Évangile n’a
de
sens que par le jaillissement vers Dieu. Et tout précepte évangélique
1210
eu. Et tout précepte évangélique une fois détaché
de
la grâce se décompose avec virulence en sophismes, ou bien engendre d
1211
on est d’abord séduit par la finesse et la mesure
de
leur argumentation, par leur côté vraiment « non-prévenu », et puis,
1212
on-prévenu », et puis, soudain, l’on s’impatiente
d’
être ramené sans cesse dans un cercle de paradoxes et de malentendus o
1213
mpatiente d’être ramené sans cesse dans un cercle
de
paradoxes et de malentendus où il semble qu’un esprit de cette classe
1214
ramené sans cesse dans un cercle de paradoxes et
de
malentendus où il semble qu’un esprit de cette classe ne devrait pas
1215
doxes et de malentendus où il semble qu’un esprit
de
cette classe ne devrait pas supporter qu’on l’engage. Mais qu’est-ce
1216
t-ce à dire lorsqu’on comprend que, non satisfait
de
s’y complaire, il croit y découvrir son originalité, ou comme il le d
1217
as à moi-même que je m’intéresse, mais au conflit
de
certaines idées, dont mon âme n’est que le théâtre, et où je fais fon
1218
’est que le théâtre, et où je fais fonction moins
d’
acteur que de spectateur, de témoin. » (p. 31.) Mais un témoin si déta
1219
héâtre, et où je fais fonction moins d’acteur que
de
spectateur, de témoin. » (p. 31.) Mais un témoin si détaché de soi-mê
1220
e fais fonction moins d’acteur que de spectateur,
de
témoin. » (p. 31.) Mais un témoin si détaché de soi-même, n’est-ce pa
1221
, de témoin. » (p. 31.) Mais un témoin si détaché
de
soi-même, n’est-ce pas nécessairement un faux témoin ? Étendons la si
1222
rement un faux témoin ? Étendons la signification
de
ce terme. On sait que protestant veut dire témoin (protestari), jamai
1223
sereinement contradictoire, où il voit l’essence
de
sa « réforme » et de sa nouveauté. Luther disait : « Je ne puis autre
1224
ctoire, où il voit l’essence de sa « réforme » et
de
sa nouveauté. Luther disait : « Je ne puis autrement. » Gide, lui, se
1225
s autrement. » Gide, lui, se préoccupe sans cesse
de
faire entendre qu’il « pourrait autrement ». Que rien de ce qu’il écr
1226
e entendre qu’il « pourrait autrement ». Que rien
de
ce qu’il écrit ne l’engage tout entier. Qu’il n’est que spectateur de
1227
l’engage tout entier. Qu’il n’est que spectateur
de
ses antagonismes. Dès lors, la morale qui, pourtant, seule l’intéress
1228
pourtant, seule l’intéresse, n’est plus qu’un jeu
d’
équilibres relatifs, variables et réversibles. Plus de sanctions trans
1229
uilibres relatifs, variables et réversibles. Plus
de
sanctions transcendantes et irrévocables dans un tel univers. Suppres
1230
me qui s’efforce vers l’unité, vers l’unification
de
ses aspirations et de ses actes ; dans une âme responsable de ses con
1231
l’unité, vers l’unification de ses aspirations et
de
ses actes ; dans une âme responsable de ses contradictions. Sans dout
1232
ations et de ses actes ; dans une âme responsable
de
ses contradictions. Sans doute, la psychologie moderne a-t-elle montr
1233
imple qu’il ne le croyait. Mais la question reste
de
savoir si cette division interne, une fois reconnue, doit être accept
1234
our moi je tiens que le seul problème éthique est
de
se réaliser comme unité. Non point parce qu’une morale stoïcienne et
1235
commande. Non point à cause de la logique ni même
d’
une norme sociale. Mais à cause de la grandeur. ⁂ Ce livre manque d’an
1236
e. Mais à cause de la grandeur. ⁂ Ce livre manque
d’
ange et de bête. Il est merveilleusement intelligent. On n’y parle str
1237
cause de la grandeur. ⁂ Ce livre manque d’ange et
de
bête. Il est merveilleusement intelligent. On n’y parle strictement q
1238
usement intelligent. On n’y parle strictement que
de
psychologie et des ruses de l’art, sans que ne s’ouvre jamais une per
1239
parle strictement que de psychologie et des ruses
de
l’art, sans que ne s’ouvre jamais une perspective poétique ou métaphy
1240
xprimé et mûri. Mais comme aussi tout cela manque
d’
enthousiasme, d’« endieusement », selon l’étymologie de Unamuno. Ne dé
1241
Mais comme aussi tout cela manque d’enthousiasme,
d’
« endieusement », selon l’étymologie de Unamuno. Ne détermine rien en
1242
housiasme, d’« endieusement », selon l’étymologie
de
Unamuno. Ne détermine rien en nous. Ne nous met en demeure ni d’agir,
1243
détermine rien en nous. Ne nous met en demeure ni
d’
agir, ni d’aimer, ni même de douter fortement. C’est constamment mesur
1244
ien en nous. Ne nous met en demeure ni d’agir, ni
d’
aimer, ni même de douter fortement. C’est constamment mesuré, conscien
1245
ous met en demeure ni d’agir, ni d’aimer, ni même
de
douter fortement. C’est constamment mesuré, conscient, exquis, mais,
1246
omplaisant à sa propre modestie. Et, par là même,
d’
une étrange indiscrétion. Gide saura-t-il rester un maître pour cette
1247
jeunesse qui aimait sa ferveur, mais que le monde
de
demain va contraindre, contraint déjà à des choix dramatiques ? Certa
1248
supposer qu’il écrivit en préface au livre récent
d’
un jeune aviateur, Antoine de Saint-Exupéry. (Mais par quoi tiendra-t-
1249
is par quoi tiendra-t-il à les « équilibrer », un
de
ces jours, à les « gauchir »…) Le héros de Vol de nuit, non déshuman
1250
», un de ces jours, à les « gauchir »…) Le héros
de
Vol de nuit, non déshumanisé certes, s’élève à une vertu surhumaine.
1251
e ces jours, à les « gauchir »…) Le héros de Vol
de
nuit, non déshumanisé certes, s’élève à une vertu surhumaine. Je croi
1252
sse. Les faiblesses, les abandons, les déchéances
de
l’homme, nous les connaissons de reste et la littérature de nos jours
1253
, les déchéances de l’homme, nous les connaissons
de
reste et la littérature de nos jours n’est que trop habile à les déno
1254
, nous les connaissons de reste et la littérature
de
nos jours n’est que trop habile à les dénoncer ; mais le surpassement
1255
trop habile à les dénoncer ; mais le surpassement
de
soi qu’obtient la volonté tendue, c’est là ce que nous avons surtout
1256
’on nous montre… Je lui sais gré particulièrement
d’
éclairer cette vérité paradoxale, pour moi d’une importance psychologi
1257
ment d’éclairer cette vérité paradoxale, pour moi
d’
une importance psychologique considérable : que le bonheur de l’homme
1258
tance psychologique considérable : que le bonheur
de
l’homme n’est pas dans la liberté, mais dans l’acceptation d’un devoi
1259
’est pas dans la liberté, mais dans l’acceptation
d’
un devoir. Gide aurait-il pressenti que l’ère n’est plus de certaines
1260
r. Gide aurait-il pressenti que l’ère n’est plus
de
certaines complaisances ? Pourquoi faut-il que l’image de cet aviateu
1261
ines complaisances ? Pourquoi faut-il que l’image
de
cet aviateur m’évoque la fable : « Je suis oiseau, voyez mes ailes. »
1262
ayant épuisé leurs saveurs. La question n’est pas
d’
être vertueux, mais de faire la volonté de Dieu. Et ce que nous voulon
1263
eurs. La question n’est pas d’être vertueux, mais
de
faire la volonté de Dieu. Et ce que nous voulons ce ne sont pas des e
1264
est pas d’être vertueux, mais de faire la volonté
de
Dieu. Et ce que nous voulons ce ne sont pas des exemples édifiants, m
1265
pas des exemples édifiants, mais des témoignages
de
responsabilités acceptées devant Dieu, avec l’incommensurable tragiqu
1266
homme qui ne vous lâche plus. Il a beaucoup parlé
de
lui-même. Mais là où d’autres produisent l’impression pénible de se m
1267
is là où d’autres produisent l’impression pénible
de
se montrer, il arrive chez Kierkegaard une chose extraordinaire : sou
1268
ui me regarde et qui me perce, — et me fait honte
d’
oublier la grandeur. 25. Remarquons le tour qu’il adopte : « mais ce
1269
celui qui veut la perdre… » n. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] André Gide ou le style exquis », Foi et Vie, Paris,
1270
ment, dans un article des Nouvelles littéraires
d’
un ouvrage de M. Édouard Martinet, intitulé André Gide, l’amour et la
1271
article des Nouvelles littéraires d’un ouvrage
de
M. Édouard Martinet, intitulé André Gide, l’amour et la divinité, M.
1272
divinité, M. Albert Thibaudet exprime son regret
de
ce qu’un tel titre ne réponde pas à son attente. Selon lui, c’est un
1273
son attente. Selon lui, c’est un « André Gide vu
de
Genève » qu’il nous faudrait. M. Martinet a pris pour épigraphe la ci
1274
rivain protestant26, non exilé, non réfugié, mais
d’
éducation et de nature toute française. M. Thibaudet ajoute à ce prop
1275
nt26, non exilé, non réfugié, mais d’éducation et
de
nature toute française. M. Thibaudet ajoute à ce propos : On m’a fa
1276
nt. Et précisément il y aurait lieu à une manière
de
Loti vu de Genève. Loti appartient à ce pays de Saintonge, qui, si la
1277
isément il y aurait lieu à une manière de Loti vu
de
Genève. Loti appartient à ce pays de Saintonge, qui, si la force de l
1278
e de Loti vu de Genève. Loti appartient à ce pays
de
Saintonge, qui, si la force de l’unité française n’avait été irrésist
1279
partient à ce pays de Saintonge, qui, si la force
de
l’unité française n’avait été irrésistible, avait ce qu’il fallait po
1280
, avait ce qu’il fallait pour devenir une manière
de
Genève maritime, de Hollande atlantique : le maire Guiton, le héros,
1281
lait pour devenir une manière de Genève maritime,
de
Hollande atlantique : le maire Guiton, le héros, avec Rohan, de la ré
1282
lantique : le maire Guiton, le héros, avec Rohan,
de
la résistance protestante contre le Cardinal, était corsaire de son m
1283
ce protestante contre le Cardinal, était corsaire
de
son métier. N’oublions pas que depuis la destruction de l’Invincible
1284
métier. N’oublions pas que depuis la destruction
de
l’Invincible Armada la mer devient aux trois quarts protestante — et
1285
uf-mille marins). Loti est un protestant français
de
la vieille souche maritime. Évidemment, cela n’en fait pas un Genevoi
1286
contraire ! Mais n’oublions pas que toute l’œuvre
de
Loti est faite du morcellement et de l’adaptation d’un livre unique,
1287
oute l’œuvre de Loti est faite du morcellement et
de
l’adaptation d’un livre unique, son journal intime — que Loti est un
1288
Loti est faite du morcellement et de l’adaptation
d’
un livre unique, son journal intime — que Loti est un journal intime,
1289
la littérature intime sont un produit autochtone
de
la terre protestante et de l’esprit protestant. Ces intéressantes re
1290
un produit autochtone de la terre protestante et
de
l’esprit protestant. Ces intéressantes remarques, où l’on retrouve l
1291
intéressantes remarques, où l’on retrouve le goût
de
l’analogie historico-littéraire qui caractérise la critique de M. Alb
1292
historico-littéraire qui caractérise la critique
de
M. Albert Thibaudet, nous ont fait penser qu’il existe bel et bien un
1293
t fait penser qu’il existe bel et bien un Loti vu
de
Genève, non pas sous la forme d’un ouvrage complet, mais d’un essai t
1294
bien un Loti vu de Genève, non pas sous la forme
d’
un ouvrage complet, mais d’un essai très fouillé et profond de Gaston
1295
non pas sous la forme d’un ouvrage complet, mais
d’
un essai très fouillé et profond de Gaston Frommel, dans ses Études li
1296
complet, mais d’un essai très fouillé et profond
de
Gaston Frommel, dans ses Études littéraires et morales. Nous sommes c
1297
udes littéraires et morales. Nous sommes certains
d’
intéresser les lecteurs de cette revue en citant ici quelques passages
1298
s. Nous sommes certains d’intéresser les lecteurs
de
cette revue en citant ici quelques passages de l’étude de Frommel. N
1299
rs de cette revue en citant ici quelques passages
de
l’étude de Frommel. Nous assistons, chez Pierre Loti, à ce spectacle
1300
revue en citant ici quelques passages de l’étude
de
Frommel. Nous assistons, chez Pierre Loti, à ce spectacle étrange d’
1301
sistons, chez Pierre Loti, à ce spectacle étrange
d’
une vie toute pleine de nobles penchants et d’affections élevées, tand
1302
ti, à ce spectacle étrange d’une vie toute pleine
de
nobles penchants et d’affections élevées, tandis que déjà la conscien
1303
nge d’une vie toute pleine de nobles penchants et
d’
affections élevées, tandis que déjà la conscience éteinte ne la dirige
1304
re dans la jouissance présente. La structure même
de
ses romans est un indice révélateur, car quoi qu’on dise de la différ
1305
ans est un indice révélateur, car quoi qu’on dise
de
la différence entre la vie et le roman, la composition de celui-ci dé
1306
fférence entre la vie et le roman, la composition
de
celui-ci dépend toujours de la manière de concevoir celle-là. Tant qu
1307
roman, la composition de celui-ci dépend toujours
de
la manière de concevoir celle-là. Tant que la vie était considérée co
1308
osition de celui-ci dépend toujours de la manière
de
concevoir celle-là. Tant que la vie était considérée comme le lieu où
1309
ient ; la vie n’est plus aujourd’hui qu’une suite
d’
événements qui se succèdent, et les livres sont fragmentaires, ils se
1310
t les livres sont fragmentaires, ils se composent
d’
une série de tableaux parallèles. Les parties n’en sont plus dérivées
1311
sont fragmentaires, ils se composent d’une série
de
tableaux parallèles. Les parties n’en sont plus dérivées les unes des
1312
an moderne ; ne serait-il pas frappant, en effet,
d’
appliquer ses dernières lignes à des œuvres récentes comme les Faux-mo
1313
s à des œuvres récentes comme les Faux-monnayeurs
de
Gide, ou Contrepoint d’Aldous Huxley. Combien actuelles aussi ces rem
1314
comme les Faux-monnayeurs de Gide, ou Contrepoint
d’
Aldous Huxley. Combien actuelles aussi ces remarques sur le déclin de
1315
mbien actuelles aussi ces remarques sur le déclin
de
la personnalité, la profondeur des sentiments et leur tristesse, que
1316
, je pense, depuis qu’elle existe, n’a pas changé
de
nature, et, si elle paraissait autrefois plus simple, c’est qu’elle é
1317
temps où le domaine intérieur du recueillement et
de
l’adoration lui demeurait ouvert, les secrets de la vie intime n’étai
1318
de l’adoration lui demeurait ouvert, les secrets
de
la vie intime n’étaient pas révélés parce qu’on les cachait en Dieu e
1319
it plus calme parce qu’elle n’était qu’une partie
de
l’existence et qu’on cachait la meilleure ; les désespérances dont no
1320
ion, loin des oreilles des hommes, jusqu’au trône
de
Dieu. Il n’en est plus ainsi maintenant ; l’âme est restée semblable,
1321
nces sont encore là, mais non plus les espérances
de
la religion, et l’âme, qui montait autrefois, est retombée sur la ter
1322
t autrefois, est retombée sur la terre et l’anime
de
tout l’effort qu’elle portait sur les choses invisibles. La vie, déso
1323
et, dans leur tumulte intérieur, les forces vives
de
l’être ont déchiré leur enveloppe, les âmes se sont ouvertes à tous l
1324
uffrance s’est écrite dans les pages innombrables
de
notre littérature. L’ouverture s’est faite, mais non du bon côté ; l’
1325
bon côté ; l’âme, que tourmente un suprême besoin
d’
épanchement, s’est déversée, mais elle a mal choisi son confident : el
1326
protestants du xixe siècle. L’on serait surpris
de
constater à ce sujet que les jugements d’un Vinet sur le romantisme,
1327
surpris de constater à ce sujet que les jugements
d’
un Vinet sur le romantisme, ceux d’un Frommel sur les écrivains qu’il
1328
les jugements d’un Vinet sur le romantisme, ceux
d’
un Frommel sur les écrivains qu’il appelle « positivistes » restent à
1329
souvent sans les connaître. Et « le point de vue
de
Genève » — c’est-à-dire protestant — nous paraît avoir doué ceux qui
1330
x qui le professèrent (en dépit de certain défaut
de
sympathie avec leurs sujets) d’une perspicacité prophétique. 26. Di
1331
de certain défaut de sympathie avec leurs sujets)
d’
une perspicacité prophétique. 26. Dire de Gide qu’il est un écrivain
1332
ujets) d’une perspicacité prophétique. 26. Dire
de
Gide qu’il est un écrivain protestant est une façon de parler que bea
1333
de qu’il est un écrivain protestant est une façon
de
parler que beaucoup contesteront, Gide sans doute le premier. 27. Pa
1334
: Désespoir en Dieu, p. 264. p. Rougemont Denis
de
, « Le protestantisme jugé », Foi et Vie, Paris, octobre 1931, p. 751-
1335
Nos gloires nous jugent C’est un fait digne
d’
intérêt, et que personne, croyons-nous, n’a relevé, que les grands « s
1336
n’a relevé, que les grands « succès » littéraires
de
l’année 1931 soient allés à trois romans d’écrivains protestants : Pi
1337
aires de l’année 1931 soient allés à trois romans
d’
écrivains protestants : Pierre Bost, Jacques Chardonne et Jean Schlumb
1338
anime a salué dans Le Scandale la meilleure œuvre
de
M. Bost, une espèce de somme romanesque des errements de la jeunesse
1339
candale la meilleure œuvre de M. Bost, une espèce
de
somme romanesque des errements de la jeunesse d’après-guerre. La Clai
1340
ost, une espèce de somme romanesque des errements
de
la jeunesse d’après-guerre. La Claire de M. Chardonne a rallié tous l
1341
de somme romanesque des errements de la jeunesse
d’
après-guerre. La Claire de M. Chardonne a rallié tous les suffrages fé
1342
rrements de la jeunesse d’après-guerre. La Claire
de
M. Chardonne a rallié tous les suffrages féminins, et classe son aute
1343
ges féminins, et classe son auteur dans la lignée
de
ces fameux « moralistes français » auxquels nous pardonnons souvent d
1344
istes français » auxquels nous pardonnons souvent
d’
être des romanciers assez ternes, pour le plaisir que par ailleurs ils
1345
donnent à notre intelligence plus avide, au fond,
de
formules adroites que de drames vivants. Saint-Saturnin enfin, vaste
1346
nce plus avide, au fond, de formules adroites que
de
drames vivants. Saint-Saturnin enfin, vaste et pathétique tableau d’u
1347
Saint-Saturnin enfin, vaste et pathétique tableau
d’
un domaine et d’une famille dont la mystique se révèle au cours d’un é
1348
nfin, vaste et pathétique tableau d’un domaine et
d’
une famille dont la mystique se révèle au cours d’un épisode central t
1349
d’une famille dont la mystique se révèle au cours
d’
un épisode central traité en profondeur — roman-plongée pourrait-on di
1350
en profondeur — roman-plongée pourrait-on dire —,
d’
une sourde et hautaine gravité, apparaît comme le premier chef-d’œuvre
1351
e gravité, apparaît comme le premier chef-d’œuvre
d’
une sorte de renaissance cornélienne. Dans la discordante après-guerr
1352
pparaît comme le premier chef-d’œuvre d’une sorte
de
renaissance cornélienne. Dans la discordante après-guerre, Jean Schl
1353
ais voici qu’on proclame au contraire l’avènement
d’
une littérature nouvelle28, dont cette œuvre serait comme le frontispi
1354
observer que les romanciers protestants montrent
de
préférence la famille dans sa force de conservation morale, alors que
1355
s montrent de préférence la famille dans sa force
de
conservation morale, alors que le catholique Mauriac s’attarde au spe
1356
là la famille qui se défait30. Mais gardons-nous
de
voir dans ce contraste autre chose que la vieille opposition du sacri
1357
e la vieille opposition du sacrifice cornélien et
de
la passion racinienne, — opposition qui se prolonge et trouve son exp
1358
oderne dans des œuvres bien plus caractéristiques
d’
une éducation protestante ou catholique, que d’une inspiration vraimen
1359
es d’une éducation protestante ou catholique, que
d’
une inspiration vraiment chrétienne. Car c’est à juste titre, croyons-
1360
est à juste titre, croyons-nous, qu’on put écrire
de
Saint-Saturnin qu’un tel roman exprime « toute la grandeur — et toute
1361
stants sans foi »31. Quoi qu’il en fût d’ailleurs
de
la portée religieuse des trois œuvres, l’on se sentait tenté de marqu
1362
eligieuse des trois œuvres, l’on se sentait tenté
de
marquer ici d’une pierre blanche « l’année du roman protestant ». À l
1363
rois œuvres, l’on se sentait tenté de marquer ici
d’
une pierre blanche « l’année du roman protestant ». À la réflexion, l’
1364
, n’était-ce point, d’abord, céder à la tentation
d’
un nationalisme religieux plus injustifiable que l’autre ? Je sais bie
1365
s » nous y pousseraient, à force de reniements et
d’
ignorance de nos richesses, de fausses hontes et de sourires complices
1366
ousseraient, à force de reniements et d’ignorance
de
nos richesses, de fausses hontes et de sourires complices. La questio
1367
ce de reniements et d’ignorance de nos richesses,
de
fausses hontes et de sourires complices. La question toutefois doit ê
1368
’ignorance de nos richesses, de fausses hontes et
de
sourires complices. La question toutefois doit être portée sur un pla
1369
ique : s’agit-il jamais en effet pour les témoins
d’
une confession, de faire le compte de leurs gloires ? Ne doivent-ils p
1370
amais en effet pour les témoins d’une confession,
de
faire le compte de leurs gloires ? Ne doivent-ils pas au contraire co
1371
les témoins d’une confession, de faire le compte
de
leurs gloires ? Ne doivent-ils pas au contraire considérer celles-ci
1372
e question qu’elles posent, chrétiennement, c’est
de
savoir si nous les méritons encore. Comme le disait un homme d’esprit
1373
ous les méritons encore. Comme le disait un homme
d’
esprit, plus l’ancêtre dont on se réclame est éloigné, moins on a de c
1374
ncêtre dont on se réclame est éloigné, moins on a
de
chances d’en tenir… C’est ainsi que nos gloires passées, martyrs, ca
1375
on se réclame est éloigné, moins on a de chances
d’
en tenir… C’est ainsi que nos gloires passées, martyrs, camisards et
1376
ns pour notre protestantisme un jugement indirect
d’
une impitoyable et significative sévérité. Et dès lors, c’est cela qu’
1377
’il nous paraît utile et nécessaire, aujourd’hui,
de
confesser. Aussi bien, la force qui nous est promise doit-elle nous r
1378
e moralisme nous trahit Partons du cas concret
de
nos trois auteurs. Le problème, à vrai dire, les dépasse, mais il n’e
1379
vrai dire, les dépasse, mais il n’est pas mauvais
de
l’actualiser, de le rétrécir, si de la sorte nous sentons mieux sa po
1380
passe, mais il n’est pas mauvais de l’actualiser,
de
le rétrécir, si de la sorte nous sentons mieux sa pointe. Les héros d
1381
t pas mauvais de l’actualiser, de le rétrécir, si
de
la sorte nous sentons mieux sa pointe. Les héros du Scandale, provinc
1382
Scandale, provinciaux énervés par la vie des bars
de
la capitale nous apparaissent incapables de transporter dans ce décor
1383
bars de la capitale nous apparaissent incapables
de
transporter dans ce décor les dilemmes religieux d’une vie intérieure
1384
transporter dans ce décor les dilemmes religieux
d’
une vie intérieure que l’on sent parfois sous-jacente, mais trop timid
1385
souvent l’angoisse, ou pis encore : un sentiment
d’
indifférence et d’inutilité. Quant à l’auteur de Saint-Saturnin, il se
1386
e, ou pis encore : un sentiment d’indifférence et
d’
inutilité. Quant à l’auteur de Saint-Saturnin, il semble qu’une vérita
1387
t d’indifférence et d’inutilité. Quant à l’auteur
de
Saint-Saturnin, il semble qu’une véritable préméditation — où l’on n’
1388
endroits où la vraisemblance voudrait que le nom
de
Dieu fût invoqué (je pense au testament de la mère par exemple), c’es
1389
le nom de Dieu fût invoqué (je pense au testament
de
la mère par exemple), c’est au « sort » que l’on s’en remet, ni plus
1390
ent chez Jean Schlumberger une volonté consciente
de
réduire l’homme à sa seule virtu. Donc : refus ou ignorance des catég
1391
e virtu. Donc : refus ou ignorance des catégories
de
la grâce et du péché ; un certain ascétisme de la forme, mais jamais
1392
es de la grâce et du péché ; un certain ascétisme
de
la forme, mais jamais rien d’explicitement religieux : cela n’a point
1393
n certain ascétisme de la forme, mais jamais rien
d’
explicitement religieux : cela n’a point empêché ces trois romans de f
1394
ligieux : cela n’a point empêché ces trois romans
de
faire figure, aux yeux de beaucoup, de livres « bien protestants ». J
1395
ois romans de faire figure, aux yeux de beaucoup,
de
livres « bien protestants ». Je serais même tenté de dire, forçant un
1396
livres « bien protestants ». Je serais même tenté
de
dire, forçant un peu ma thèse, que ces traits négatifs, alliés à d’év
1397
n peu ma thèse, que ces traits négatifs, alliés à
d’
évidentes préoccupations morales, composent précisément ce que beaucou
1398
re protestant »32. Et c’est cela qui est grave, —
d’
autant plus grave que nombre de protestants tiennent à honneur de comp
1399
a qui est grave, — d’autant plus grave que nombre
de
protestants tiennent à honneur de compromettre la Réforme avec cette
1400
rave que nombre de protestants tiennent à honneur
de
compromettre la Réforme avec cette attitude, et de prolonger un malen
1401
e compromettre la Réforme avec cette attitude, et
de
prolonger un malentendu qu’ils jugent peut-être flatteur, ou commode.
1402
gent peut-être flatteur, ou commode. Cette espèce
de
stoïcisme moral, dans lequel nous voyons se complaire beaucoup de « p
1403
radition », pourtant cache assez mal la faiblesse
d’
un compromis foncier. Le fort est celui qui refuse la louange approxim
1404
approximative. Nous ne saurions assez nous garder
d’
accepter des adhésions qui vont aux produits déviés de notre foi. Il e
1405
cepter des adhésions qui vont aux produits déviés
de
notre foi. Il est vrai que ceux-ci sont souvent les plus éclatants. C
1406
e, une doctrine, une éthique, s’ils s’abandonnent
de
tout leur poids à quelque erreur interne, ne vont pas forcément à la
1407
le plus durement jugés. Était-ce affaiblissement
de
notre foi dans l’avenir de la Réforme, besoin minoritaire de trouver
1408
ait-ce affaiblissement de notre foi dans l’avenir
de
la Réforme, besoin minoritaire de trouver des alliés à bon compte sur
1409
i dans l’avenir de la Réforme, besoin minoritaire
de
trouver des alliés à bon compte sur un terrain où la compromission se
1410
originale. Le siècle, hélas, décorait du beau nom
de
libéralisme l’absence de toute exigence unifiante entre la pensée et
1411
as, décorait du beau nom de libéralisme l’absence
de
toute exigence unifiante entre la pensée et l’action. Certes, nos pré
1412
s des mains complices à des œuvres qui relevaient
de
conceptions nettement a-chrétiennes de la « moralité publique » par e
1413
relevaient de conceptions nettement a-chrétiennes
de
la « moralité publique » par exemple. Et quelles qu’aient été les aff
1414
s qu’aient été les affirmations souvent indignées
de
nos docteurs, un fait prit corps, irréfutable : dans l’esprit du Fran
1415
du Français moyen, « protestant » devint synonyme
de
« moraliste ». Était-ce qu’il y avait dans l’accent de ces docteurs-l
1416
moraliste ». Était-ce qu’il y avait dans l’accent
de
ces docteurs-là quelque chose qui les empêchait de convaincre ? Tel é
1417
e ces docteurs-là quelque chose qui les empêchait
de
convaincre ? Tel étant l’état des choses, suffira-t-il de déplorer un
1418
incre ? Tel étant l’état des choses, suffira-t-il
de
déplorer une incompréhension publique dont nous sommes en grande part
1419
responsables ? Nous montrons-nous assez soucieux
de
nous désolidariser de certaines formes de pensée ou d’action dans les
1420
ontrons-nous assez soucieux de nous désolidariser
de
certaines formes de pensée ou d’action dans lesquelles nos pères crur
1421
oucieux de nous désolidariser de certaines formes
de
pensée ou d’action dans lesquelles nos pères crurent trouver des appu
1422
us désolidariser de certaines formes de pensée ou
d’
action dans lesquelles nos pères crurent trouver des appuis, mais dont
1423
rent trouver des appuis, mais dont nous souffrons
d’
autant plus vivement que le monde actuel nous met en demeure d’abandon
1424
vivement que le monde actuel nous met en demeure
d’
abandonner tout ce qui, dans notre éthique, s’inspire d’un conformisme
1425
donner tout ce qui, dans notre éthique, s’inspire
d’
un conformisme bourgeois plutôt que de l’héroïsme chrétien ? En partic
1426
, s’inspire d’un conformisme bourgeois plutôt que
de
l’héroïsme chrétien ? En particulier, sommes-nous toujours assez cons
1427
mes-nous toujours assez conscients des fondements
de
notre foi pour récuser, dans « l’esprit protestant », tout ce qui ren
1428
t ce qui rend inutile la grâce ? Il y va pourtant
de
notre force de conquête. Que nous le voulions ou non, en fait, sinon
1429
nutile la grâce ? Il y va pourtant de notre force
de
conquête. Que nous le voulions ou non, en fait, sinon toujours en dro
1430
alisme libéral. Nous savons ce qu’une telle vue a
d’
injuste, c’est-à-dire d’incomplet. Mais comment n’être point frappés d
1431
ons ce qu’une telle vue a d’injuste, c’est-à-dire
d’
incomplet. Mais comment n’être point frappés de sa généralité, de son
1432
re d’incomplet. Mais comment n’être point frappés
de
sa généralité, de son insistance… Et de ce fait qui paraît bien la co
1433
is comment n’être point frappés de sa généralité,
de
son insistance… Et de ce fait qui paraît bien la confirmer : le dessè
1434
t frappés de sa généralité, de son insistance… Et
de
ce fait qui paraît bien la confirmer : le dessèchement distingué de n
1435
aît bien la confirmer : le dessèchement distingué
de
notre art. Toute forme religieuse donne lieu à des formes d’art qui m
1436
t. Toute forme religieuse donne lieu à des formes
d’
art qui manifestent ses traits spécifiques. On peut donc poser que le
1437
ifiques. On peut donc poser que le protestantisme
de
la fin du xixe siècle, tel que nos contemporains se le représentent,
1438
ui par ailleurs flattait un penchant traditionnel
de
l’esprit français). Cela pouvait donner soit des œuvres d’analyse ten
1439
it français). Cela pouvait donner soit des œuvres
d’
analyse tendant à dissoudre les affirmations massives de la foi ; soit
1440
yse tendant à dissoudre les affirmations massives
de
la foi ; soit des œuvres d’édification morale, au sens littéral du te
1441
affirmations massives de la foi ; soit des œuvres
d’
édification morale, au sens littéral du terme : tendance stoïcienne ;
1442
du terme : tendance stoïcienne ; soit des œuvres
de
révolte contre cette morale — tendance nietzschéenne. Tout ceci ne pa
1443
. Tout ceci ne participant que très indirectement
d’
une atmosphère proprement chrétienne. Or voici que les faits confirmen
1444
de vue purement littéraire, si l’on tient compte
de
la faiblesse numérique des protestants français. Bilan terriblement d
1445
sme. Or nous n’hésitons plus à rendre responsable
de
cette carence de la poésie et du rayonnement spirituel notre fameux m
1446
sitons plus à rendre responsable de cette carence
de
la poésie et du rayonnement spirituel notre fameux moralisme, traître
1447
fameux moralisme, traître à ses origines, et vidé
de
toute théologie efficace. Peut-être vaut-il la peine de préciser ici
1448
te théologie efficace. Peut-être vaut-il la peine
de
préciser ici et de pousser dans le détail une accusation que certains
1449
ce. Peut-être vaut-il la peine de préciser ici et
de
pousser dans le détail une accusation que certains, déjà, disent bana
1450
force, je le crains. ⁂ Le puritanisme, expression
d’
une doctrine héroïque, pouvait provoquer dans les âmes des complexités
1451
e prétendit conserver, fut bientôt réduit au rôle
d’
une censure tatillonne et qui flattait curieusement certaine notion de
1452
onne et qui flattait curieusement certaine notion
de
« correction » bourgeoise. Nullement chrétienne d’ailleurs, puisqu’el
1453
se. Elle « craint » la vérité ; non point au sens
de
ce verbe qui signifie la révérence, mais comme on craint le risque, q
1454
craint. Et c’est en quoi elle révèle la faiblesse
de
sa théologie. Car il est certains cas où celui qui craint de dire tou
1455
ogie. Car il est certains cas où celui qui craint
de
dire toute la vérité n’exprime par là rien d’autre que sa méfiance vi
1456
int de dire toute la vérité n’exprime par là rien
d’
autre que sa méfiance vis-à-vis de la grâce et son optimisme vis-à-vis
1457
hodoxe ne saurait l’être sans renier le fondement
de
sa croyance34. Or nous voyons le moralisme se développer précisément
1458
développer précisément à l’époque où la théologie
de
Calvin, pessimiste quant à l’homme, mais confiante dans la grâce, cèd
1459
confiante dans la grâce, cède le champ aux idées
de
Rousseau, optimistes quant à l’homme et pratiquement athées. Voici do
1460
e, c’est-à-dire à son pire ennemi. Morne triomphe
de
l’analyse psychologique. Un siècle de ce régime suffit à nous mener à
1461
ne triomphe de l’analyse psychologique. Un siècle
de
ce régime suffit à nous mener à ce trouble gâchis intérieur où Freud
1462
ieur où Freud naguère porta l’impitoyable lumière
de
l’observation scientifique. Reflet du siècle, le roman bientôt s’affa
1463
comment animer des êtres, lorsqu’à chaque moment
de
la création intervient une autocritique à la fois peureuse et agressi
1464
he. Ainsi l’atmosphère moraliste a tué les germes
de
l’imagination créatrice chez les protestants, qui lui furent plus que
1465
étouffer, elle a souvent faussé le développement
de
ces germes ; les produits d’une terre ingrate grandissent comme une d
1466
ssé le développement de ces germes ; les produits
d’
une terre ingrate grandissent comme une dérision de la pauvreté matern
1467
’une terre ingrate grandissent comme une dérision
de
la pauvreté maternelle, comme une caricature de la sécheresse à laque
1468
n de la pauvreté maternelle, comme une caricature
de
la sécheresse à laquelle ils s’opposent, mais qu’ils manifestent en m
1469
elle souvent que la stérilité. Sécheresse désolée
de
Benjamin Constant, impuissance et bavardage d’Amiel, désespérance van
1470
ée de Benjamin Constant, impuissance et bavardage
d’
Amiel, désespérance vaniteuse de Loti : telles sont les réactions irré
1471
ance et bavardage d’Amiel, désespérance vaniteuse
de
Loti : telles sont les réactions irrécusables et célèbres que provoqu
1472
t conduit le protestantisme à la négation absolue
de
son essence35, si l’humanité ne possédait d’autres recours que ceux q
1473
tion bourgeoise et ces blasphématoires « hygiènes
de
l’esprit » dont les ravages ne prendront fin qu’au jour où nous auron
1474
s aurons compris que la santé est dans l’humilité
de
la prière, dans la reconnaissance éperdue de notre incapacité à faire
1475
lité de la prière, dans la reconnaissance éperdue
de
notre incapacité à faire par nous-mêmes le bien, dans l’abandon aux m
1476
par nous-mêmes le bien, dans l’abandon aux mains
de
Dieu, — aux violentes mains de Dieu. Un cantique nouveau Nous v
1477
’abandon aux mains de Dieu, — aux violentes mains
de
Dieu. Un cantique nouveau Nous voici loin de nos auteurs. Si lo
1478
s par tout ceci. Mais quoi ? Le but ne fut jamais
de
démolir, mais bien plutôt de dénoncer un principe destructeur. C’est
1479
Le but ne fut jamais de démolir, mais bien plutôt
de
dénoncer un principe destructeur. C’est au nom d’une foi positive que
1480
rande espérance. Que devons-nous attendre ? Tout,
d’
un réveil dogmatique qui, s’il traduit et porte un réveil de la foi, n
1481
l dogmatique qui, s’il traduit et porte un réveil
de
la foi, ne peut manquer de libérer des forces créatrices. Or les temp
1482
uit et porte un réveil de la foi, ne peut manquer
de
libérer des forces créatrices. Or les temps vont nous y contraindre.
1483
n Andersen et Søren Kierkegaard. (Féerie du Conte
de
ma vie d’Andersen, où l’on voit ce « poète des poètes » à la sensibil
1484
et Søren Kierkegaard. (Féerie du Conte de ma vie
d’
Andersen, où l’on voit ce « poète des poètes » à la sensibilité si aut
1485
lité si authentiquement évangélique — comme celle
d’
une Lagerlöf — se lier d’amitiés spirituelles avec Charles Dickens, Je
1486
vangélique — comme celle d’une Lagerlöf — se lier
d’
amitiés spirituelles avec Charles Dickens, Jenny Lind, Thorwaldsen.) L
1487
us grandes, par le sentiment tragique du péché et
de
la grâce souveraine. C’est cela qui donne aux romans de Dostoïevski o
1488
grâce souveraine. C’est cela qui donne aux romans
de
Dostoïevski ou d’Émily Brontë ces prolongements poétiques, ces perspe
1489
C’est cela qui donne aux romans de Dostoïevski ou
d’
Émily Brontë ces prolongements poétiques, ces perspectives bouleversan
1490
u moralisme. La grande poésie naît du tragique et
de
la joie surabondante : verrons-nous quelque jour en France surgir une
1491
elque jour en France surgir une poésie chrétienne
d’
inspiration évangélique ? Souhaitons qu’il n’y faille pas les conjonct
1492
qu’il n’y faille pas les conjonctures sanglantes
d’
où naquirent les Tragiques d’un d’Aubigné. Aussi bien avons-nous d’aut
1493
jonctures sanglantes d’où naquirent les Tragiques
d’
un d’Aubigné. Aussi bien avons-nous d’autres raisons d’espérer. Car si
1494
ures sanglantes d’où naquirent les Tragiques d’un
d’
Aubigné. Aussi bien avons-nous d’autres raisons d’espérer. Car si la f
1495
d’Aubigné. Aussi bien avons-nous d’autres raisons
d’
espérer. Car si la forme artistique adéquate au libéralisme fut l’anal
1496
artistique adéquate au libéralisme fut l’analyse
d’
états d’âme dans le doute, il est permis d’attendre de la violence mêm
1497
que adéquate au libéralisme fut l’analyse d’états
d’
âme dans le doute, il est permis d’attendre de la violence même d’une
1498
nalyse d’états d’âme dans le doute, il est permis
d’
attendre de la violence même d’une théologie du Dieu Tout-Puissant qu’
1499
ats d’âme dans le doute, il est permis d’attendre
de
la violence même d’une théologie du Dieu Tout-Puissant qu’elle suscit
1500
ute, il est permis d’attendre de la violence même
d’
une théologie du Dieu Tout-Puissant qu’elle suscite de nouveaux psaume
1501
e théologie du Dieu Tout-Puissant qu’elle suscite
de
nouveaux psaumes36, qu’elle enflamme des chants prophétiques. Et l’Ét
1502
Et l’Éternel enfin sera loué « selon l’immensité
de
sa grandeur » comme il est dit au dernier psaume. 28. Denis Saurat
1503
rit » ne saurait être qu’en révolte contre la foi
de
ses pères. Le jeu consiste uniquement à retrouver dans son œuvre des
1504
ent ses origines. Triste jeu. 33. Représentatifs
d’
une atmosphère moraliste, quelles que soient les opinions qu’ils adopt
1505
nt souffert. 34. Tout ceci appellerait une foule
de
nuances. Mais il ne s’agit pas d’édulcorer. 35. Cf. A.-N. Bertrand,
1506
erait une foule de nuances. Mais il ne s’agit pas
d’
édulcorer. 35. Cf. A.-N. Bertrand, Protestantisme, p. 102, et tout le
1507
isme, p. 102, et tout le chapitre sur le Principe
d’
humilité. Également : Jean de Saussure : À l’École de Calvin, passim.
1508
umilité. Également : Jean de Saussure : À l’École
de
Calvin, passim. 36. Cf. dans le dernier numéro de cette revue l’arti
1509
e Calvin, passim. 36. Cf. dans le dernier numéro
de
cette revue l’article de E. Hæin, et particulièrement la citation de
1510
. dans le dernier numéro de cette revue l’article
de
E. Hæin, et particulièrement la citation de F. Münch relative à la mu
1511
ticle de E. Hæin, et particulièrement la citation
de
F. Münch relative à la musique religieuse d’Honegger. q. Rougemont
1512
tion de F. Münch relative à la musique religieuse
d’
Honegger. q. Rougemont Denis de, « Romanciers protestants », Foi et
1513
sique religieuse d’Honegger. q. Rougemont Denis
de
, « Romanciers protestants », Foi et Vie, Paris, janvier 1932, p. 56-6
1514
rétien, païen (avril 1932)r Imaginez un membre
de
l’Académie des sciences qui serait aussi directeur de la Comédie fran
1515
’Académie des sciences qui serait aussi directeur
de
la Comédie française et ministre de l’Intérieur, et qui, en marge des
1516
marge des expériences accumulées dans l’exercice
de
ces activités, composerait des poèmes d’amour, des romans, des drames
1517
exercice de ces activités, composerait des poèmes
d’
amour, des romans, des drames philosophiques, les meilleurs de son épo
1518
romans, des drames philosophiques, les meilleurs
de
son époque. Cela ne donnera pas un portrait de Goethe, certes, mais u
1519
rs de son époque. Cela ne donnera pas un portrait
de
Goethe, certes, mais une idée de l’importance du phénomène Goethe. Ma
1520
pas un portrait de Goethe, certes, mais une idée
de
l’importance du phénomène Goethe. Maintenant ajoutons que l’homme fut
1521
ant ajoutons que l’homme fut supérieur à la somme
de
toutes ces activités et domina constamment sa vie et son œuvre. Il n’
1522
mment sa vie et son œuvre. Il n’y a peut-être pas
d’
individu plus significatif dans l’histoire de l’Occident moderne, c’es
1523
pas d’individu plus significatif dans l’histoire
de
l’Occident moderne, c’est-à-dire dans l’histoire des peuples qui vive
1524
Foi et Vie , aborder cette question sous l’angle
de
la curiosité littéraire ou historique. Elle pose cependant un problèm
1525
rétiens ne peut et ne doit éviter. Goethe est une
de
ces « questions au christianisme » comme dit Barth, une de ces questi
1526
questions au christianisme » comme dit Barth, une
de
ces questions qui nous sont posées comme autant d’accusations, et qu’
1527
e ces questions qui nous sont posées comme autant
d’
accusations, et qu’il est de notre devoir d’envisager avec toute la bo
1528
t posées comme autant d’accusations, et qu’il est
de
notre devoir d’envisager avec toute la bonne foi que nécessite un exa
1529
utant d’accusations, et qu’il est de notre devoir
d’
envisager avec toute la bonne foi que nécessite un examen de conscienc
1530
r avec toute la bonne foi que nécessite un examen
de
conscience. ⁂ Goethe s’est toujours affirmé chrétien, mais d’une faço
1531
e. ⁂ Goethe s’est toujours affirmé chrétien, mais
d’
une façon si particulière que les ennemis du christianisme, depuis un
1532
ne prouve-t-il pas suffisamment l’inauthenticité
de
son christianisme ? Qu’est-ce qu’un chrétien que l’athéisme annexe av
1533
Goethe et la part active qu’il prit aux réunions
de
« belles âmes » suscitées par l’apostolat du comte de Zinzendorf. C’é
1534
us parfaite avec Werther. Et nous ne manquons pas
de
témoignages écrits de cette époque qui permettent d’imaginer ce qu’eû
1535
er. Et nous ne manquons pas de témoignages écrits
de
cette époque qui permettent d’imaginer ce qu’eût pu être le pendant c
1536
témoignages écrits de cette époque qui permettent
d’
imaginer ce qu’eût pu être le pendant chrétien du Werther : — « J’ai s
1537
nouveau, écrit Goethe à un ami en 1768, au sortir
d’
une grave maladie — ; cette calcination a été très profitable à mon âm
1538
où il vous rattrapera ; mais je ne puis répondre
de
la manière. Je suis parfois bien tranquille à ce sujet, parfois, quan
1539
s bien-aimé. C’est vous dire que j’ai acquis plus
de
raison et d’expérience : la crainte du Seigneur est le commencement d
1540
C’est vous dire que j’ai acquis plus de raison et
d’
expérience : la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse.
1541
ence : la crainte du Seigneur est le commencement
de
la sagesse. » Par quel concours de circonstances cette « sagesse » de
1542
e commencement de la sagesse. » Par quel concours
de
circonstances cette « sagesse » devint-elle chez Goethe quelque chose
1543
e si étrangement à une indifférence non dépourvue
d’
orgueil vis-à-vis du Seigneur ? L’on ne saurait ici exagérer la respon
1544
es, tels qu’ils apparurent à ce jeune homme plein
d’
une exigeante ferveur mystique. « Mes rapports avec les dévots — écrit
1545
stique. « Mes rapports avec les dévots — écrit-il
de
Strasbourg — ne sont pas très fréquents ici. Au début, je m’étais tou
1546
ma vivacité n’y saurait tenir. Rien que des gens
d’
esprit médiocre, qui n’ont eu de pensée raisonnable qu’avec leur premi
1547
Rien que des gens d’esprit médiocre, qui n’ont eu
de
pensée raisonnable qu’avec leur première sensation religieuse, et cro
1548
ui causent les effusions piétistes trop verbeuses
d’
un Lavater ou d’un Jacobi. Mais ce « reste », cette connaissance mysti
1549
ffusions piétistes trop verbeuses d’un Lavater ou
d’
un Jacobi. Mais ce « reste », cette connaissance mystique, il ne tarde
1550
y atteint qu’en outrepassant les limites normales
de
l’esprit humain. La transcendance de Dieu est absolue, par rapport à
1551
tes normales de l’esprit humain. La transcendance
de
Dieu est absolue, par rapport à notre pensée naturelle. Dès lors, pou
1552
r dans notre vie une recherche qui risque surtout
d’
être nuisible à la vie ? Bornons-nous à l’utile. Bornons-nous à « réal
1553
réaliser » dans nos actions ce que Dieu jugea bon
de
nous révéler dans l’Évangile. Et en présence de l’intempérance de lan
1554
dans l’Évangile. Et en présence de l’intempérance
de
langage qui trop souvent caractérise les chrétiens, affirmons que nou
1555
étiens, affirmons que nous ne savons presque rien
de
Dieu, ou plutôt qu’il est vain de chercher à en savoir plus que ce qu
1556
ns presque rien de Dieu, ou plutôt qu’il est vain
de
chercher à en savoir plus que ce que la nature visible nous en révèle
1557
que Goethe avance en âge. Nous voici à ces années
de
la vieillesse, dont Eckermann nous a livré les confidences, et où la
1558
nn nous a livré les confidences, et où la volonté
de
sobriété spirituelle paraît avoir produit chez le poète une sorte de
1559
elle paraît avoir produit chez le poète une sorte
de
sécheresse religieuse. Ce qui à l’origine, n’était qu’humilité de la
1560
ligieuse. Ce qui à l’origine, n’était qu’humilité
de
la raison devant l’insondable mystère de Dieu devient, vu de l’extéri
1561
humilité de la raison devant l’insondable mystère
de
Dieu devient, vu de l’extérieur, orgueil de la raison qui juge ce mon
1562
n devant l’insondable mystère de Dieu devient, vu
de
l’extérieur, orgueil de la raison qui juge ce monde comme si Dieu n’e
1563
stère de Dieu devient, vu de l’extérieur, orgueil
de
la raison qui juge ce monde comme si Dieu n’existait pas, ou encore :
1564
stait pas, ou encore : comme si Dieu n’était rien
d’
autre que l’ensemble des lois de la nature. Ainsi la conception de la
1565
Dieu n’était rien d’autre que l’ensemble des lois
de
la nature. Ainsi la conception de la transcendance divine aboutit pra
1566
semble des lois de la nature. Ainsi la conception
de
la transcendance divine aboutit pratiquement, chez Goethe, à des affi
1567
es, ou comme on disait alors, panthéistes. Source
de
malentendus perpétuellement renaissants, et que les adversaires de la
1568
rpétuellement renaissants, et que les adversaires
de
la religion eurent beau jeu d’exploiter, on le sait. Mais, comme l’ét
1569
ue les adversaires de la religion eurent beau jeu
d’
exploiter, on le sait. Mais, comme l’établit fort justement Curtius «
1570
et rien que païen est une légende, et une légende
d’
origine juive, car elle remonte à Heine. Elle est un mythe, au moyen d
1571
Elle est un mythe, au moyen duquel on peut faire
de
l’agitation et de la propagande antireligieuse ». En vérité, Goethe q
1572
, au moyen duquel on peut faire de l’agitation et
de
la propagande antireligieuse ». En vérité, Goethe qui prêcha l’utile,
1573
’inutilisable, si nous le jugeons du point de vue
d’
un parti. Il n’est pas païen, pour la raison péremptoire qu’il n’y a p
1574
aïen, pour la raison péremptoire qu’il n’y a plus
de
païen, au sens antique du mot, depuis que la venue du Christ a modifi
1575
s que la venue du Christ a modifié la nature même
de
l’homme et l’ensemble des données religieuses. Mais, d’autre part, il
1576
ntons incapables pour admettre dans la communauté
de
la foi chrétienne l’homme qui a pu dire qu’il s’inclinait devant le C
1577
vant la « révélation divine du plus haut principe
de
la morale », tout en vénérant également le soleil, comme une « révéla
1578
e qu’il nous ait jamais été donné, à nous enfants
de
la terre, de percevoir. » Et certes, on ne voit guère en quoi pareill
1579
ait jamais été donné, à nous enfants de la terre,
de
percevoir. » Et certes, on ne voit guère en quoi pareille conception
1580
exemple. Mais c’est précisément dans la facilité
d’
interprétation qu’offre Goethe dans cette espèce de sagesse large et o
1581
’interprétation qu’offre Goethe dans cette espèce
de
sagesse large et optimiste si contraire au scandale chrétien, que gît
1582
candale chrétien, que gît la faiblesse religieuse
de
sa position. Ce qui, plus que tout, fait défaut à ce génie, c’est le
1583
’irréductible, c’est-à-dire le tragique essentiel
de
notre condition. C’est bien là que réside l’élément transcendant qui
1584
anscendant qui interdit à la pensée la plus probe
de
se passer de Dieu quand elle juge le monde séparé de Dieu. Il n’est p
1585
i interdit à la pensée la plus probe de se passer
de
Dieu quand elle juge le monde séparé de Dieu. Il n’est pas vrai de di
1586
se passer de Dieu quand elle juge le monde séparé
de
Dieu. Il n’est pas vrai de dire qu’un monde séparé de Dieu doit ou pe
1587
e juge le monde séparé de Dieu. Il n’est pas vrai
de
dire qu’un monde séparé de Dieu doit ou peut être envisagé comme un m
1588
ieu. Il n’est pas vrai de dire qu’un monde séparé
de
Dieu doit ou peut être envisagé comme un monde autonome. Il doit être
1589
de autonome. Il doit être envisagé comme manquant
de
quelque chose. Or, ce « quelque chose » aux yeux de la foi, constitue
1590
e chose » aux yeux de la foi, constitue sa raison
d’
être. Il n’y a pas de neutralité du monde vis-à-vis de Dieu — à cause
1591
la foi, constitue sa raison d’être. Il n’y a pas
de
neutralité du monde vis-à-vis de Dieu — à cause du péché. La réalité
1592
éalité visible du péché entraîne la considération
de
la grâce. Et c’est en quoi la transcendance divine, sans cesse, se mê
1593
bien même il fait intervenir, à la fin, « l’amour
d’
En-Haut » venant à sa rencontre — Goethe nous apparaît comme non chrét
1594
raît comme non chrétien, comme antichrétien, mais
d’
une tout autre sorte que ne l’ont cru nos athées qui s’arrêtaient à de
1595
t à des boutades anticatholiques ou à des moments
d’
humeur provoqués par les bavardages piétistes. Ici, nous confesserons
1596
dages piétistes. Ici, nous confesserons un doute.
De
quel droit refusons-nous donc d’appeler chrétien, un homme qui se pré
1597
serons un doute. De quel droit refusons-nous donc
d’
appeler chrétien, un homme qui se prétendit tel en maintes occasions,
1598
homme qui se prétendit tel en maintes occasions,
de
la façon la plus expresse ? Sera-ce sur la foi de certains biographes
1599
de la façon la plus expresse ? Sera-ce sur la foi
de
certains biographes ? Mais comment juger les actions d’un être que no
1600
tains biographes ? Mais comment juger les actions
d’
un être que nous n’avons pas connu, alors que nous-même… Alors que Die
1601
Alors que Dieu seul juge. Si nous refusons le nom
de
chrétien à cet homme dont l’éthique, en définitive, apparaît comme fo
1602
raît comme fondée sur deux des réalités centrales
de
l’Évangile : le renoncement et la réalisation personnelle, n’est-ce p
1603
théories et les systèmes dont nous jugeons urgent
d’
accentuer actuellement, la vérité ? N’est-ce point là porter un jugeme
1604
? Certes, hic et nunc, dans la situation du monde
de
1932, en présence du déchaînement orgueilleux et misérable d’une huma
1605
présence du déchaînement orgueilleux et misérable
d’
une humanité qui croit pouvoir fabriquer son bonheur par ses propres f
1606
nt justement les valeurs que le « christianisme »
de
Goethe paraît avoir négligées ou niées : le scandale divin, le péché
1607
e scandale divin, le péché radical. Mais un homme
de
l’envergure de Goethe, s’il ne peut être un argument pour nul parti,
1608
n, le péché radical. Mais un homme de l’envergure
de
Goethe, s’il ne peut être un argument pour nul parti, ne saurait, pou
1609
parti, ne saurait, pour les mêmes raisons, servir
d’
objet à notre jugement. Bien plutôt c’est lui qui nous juge. Il y a da
1610
i nous juge. Il y a dans le Faust, et dans la vie
de
cet homme, dont le Faust n’est qu’une figuration symbolique, une leço
1611
ust n’est qu’une figuration symbolique, une leçon
d’
activité, de réalisation, d’actualisation de la pensée, dont la vertu
1612
’une figuration symbolique, une leçon d’activité,
de
réalisation, d’actualisation de la pensée, dont la vertu et la grande
1613
symbolique, une leçon d’activité, de réalisation,
d’
actualisation de la pensée, dont la vertu et la grandeur devraient s’i
1614
leçon d’activité, de réalisation, d’actualisation
de
la pensée, dont la vertu et la grandeur devraient s’imposer à nous to
1615
Goethe inutilisable, certes. Mais nous ne sommes
d’
aucun parti et n’avons pas à utiliser qui que ce soit. Il suffit que n
1616
chrétien » ou « païen » ? Nous n’avons pas besoin
d’
avoir raison (contre lui, contre les athées) ; nous n’avons pas besoin
1617
lui, contre les athées) ; nous n’avons pas besoin
d’
avoir beaucoup de grands hommes — ni même d’avoir quoi que ce soit —,
1618
esoin d’avoir beaucoup de grands hommes — ni même
d’
avoir quoi que ce soit —, mais seulement d’être, efficacement. Et qu’i
1619
i même d’avoir quoi que ce soit —, mais seulement
d’
être, efficacement. Et qu’il nous y aide ! 37. Numéro d’hommage à Go
1620
efficacement. Et qu’il nous y aide ! 37. Numéro
d’
hommage à Goethe de la Nouvelle Revue française (mars 1932). r. Roug
1621
Revue française (mars 1932). r. Rougemont Denis
de
, « Goethe, chrétien, païen », Foi et Vie, Paris, avril–mai 1932, p. 3
1622
C’en est fait, les clercs ont trahi, et les cris
de
M. Benda sont couverts par la rumeur de la place. Dans toute la jeune
1623
les cris de M. Benda sont couverts par la rumeur
de
la place. Dans toute la jeune génération littéraire et philosophique,
1624
l’on chercherait un « esprit libre » selon le vœu
de
ce prêtre de l’abstentionnisme et du célibat spirituel. Ils ont tous
1625
ait un « esprit libre » selon le vœu de ce prêtre
de
l’abstentionnisme et du célibat spirituel. Ils ont tous épousé une ca
1626
bat spirituel. Ils ont tous épousé une cause, une
de
ces causes qui engagent bien plus que l’adhésion des idées, une de ce
1627
engagent bien plus que l’adhésion des idées, une
de
ces causes qui doivent être gagnées. Chose étrange, et que l’on eût d
1628
et que l’on eût difficilement prévue au lendemain
de
la guerre, c’est sur la notion — et la pratique — du service nécessai
1629
e — du service nécessaire que se fait l’unanimité
de
la nouvelle génération. Quels que soient par ailleurs les antagonisme
1630
sée n’est plus pour elle une justification idéale
de
l’égoïsme ou de l’indifférence, mais une obligation urgente à se risq
1631
our elle une justification idéale de l’égoïsme ou
de
l’indifférence, mais une obligation urgente à se risquer en faveur de
1632
uer en faveur des hommes, un acte, un combat. Fin
de
l’esprit désintéressé, cela signifierait pour les clercs, selon M. Be
1633
nifierait pour les clercs, selon M. Benda, la fin
de
l’esprit. Et pour nous, cela signifie : le renouveau, le sacrifice sa
1634
le sacrifice salutaire et l’unique justification
de
la pensée. Une telle évolution peut paraître favorable à la pensée ch
1635
lier, s’est toujours montrée soucieuse avant tout
de
réalisation personnelle, d’action éthique. Il n’a pas échappé à M. Be
1636
soucieuse avant tout de réalisation personnelle,
d’
action éthique. Il n’a pas échappé à M. Benda que « le clerc moderne »
1637
se montre préoccupé des conséquences nécessaires
de
la pensée dans l’ordre pratique) « est protestant ». Mais, d’autre pa
1638
est protestant ». Mais, d’autre part, cette soif
d’
action directe et de service peut porter aussi bien, par exemple, à mi
1639
ais, d’autre part, cette soif d’action directe et
de
service peut porter aussi bien, par exemple, à militer en faveur du m
1640
te, dans l’action qu’elle commande à des millions
de
nos contemporains. Il y a aussi ceux qui se bornent à affirmer la néc
1641
aussi ceux qui se bornent à affirmer la nécessité
d’
une pensée active, mais qui n’ont pas vu — qui n’ont pas encore vu — t
1642
out ce que cela implique. Ils voient bien le vice
de
la « pensée désintéressée », et qu’il faut s’affranchir d’une « liber
1643
ensée désintéressée », et qu’il faut s’affranchir
d’
une « liberté » stérilisante. Ils ne voient pas à quel prix cet affran
1644
’ils le sont, ont des raisons réelles et valables
de
récuser une pensée et une action tout entières dirigées vers l’organi
1645
s-nous aujourd’hui à deux livres caractéristiques
de
ce double péril qui menace une génération : péril de gauche et péril
1646
ce double péril qui menace une génération : péril
de
gauche et péril de droite, pourrait-on dire, afin de simplifier. M. T
1647
menace une génération : péril de gauche et péril
de
droite, pourrait-on dire, afin de simplifier. M. Thierry Maulnier vie
1648
erry Maulnier vient de réunir en volume une suite
d’
études parues pour la plupart dans les pages de l’Action française, ma
1649
te d’études parues pour la plupart dans les pages
de
l’Action française, mais qui, marquons-le tout de suite, ne comporten
1650
comportent nulle allusion à la position politique
de
ce journal. Le titre : La Crise est dans l’homme 38, s’oppose d’emblé
1651
ique un monde qui selon lui tend à la suppression
de
la personne humaine. Sa critique nous paraît pertinente, mais elle se
1652
entait inspirée par un principe spirituel capable
de
rendre une force offensive à cette personne humaine. Le choix des suj
1653
livre montre un esprit averti des vraies valeurs
de
ce temps. Il réfute MM. Berl et Guéhenno, sur la question de la cultu
1654
. Il réfute MM. Berl et Guéhenno, sur la question
de
la culture dans ses rapports avec le peuple. Il discute M. Malraux et
1655
uple. Il discute M. Malraux et son goût désespéré
de
l’action pour elle-même. Il condamne le populisme de M. Thérive, il c
1656
l’action pour elle-même. Il condamne le populisme
de
M. Thérive, il condamne le pacifisme de M. Thomas Mann, il condamne l
1657
populisme de M. Thérive, il condamne le pacifisme
de
M. Thomas Mann, il condamne l’Amérique de Ford et la Russie de Stalin
1658
line ; il adopte enfin une position assez voisine
de
celle de MM. Aron et Dandieu, sans aller jusqu’à prôner comme ils le
1659
adopte enfin une position assez voisine de celle
de
MM. Aron et Dandieu, sans aller jusqu’à prôner comme ils le font « la
1660
re ». Certes, on ne saurait demander à un recueil
d’
essais réunis après coup de fournir une doctrine. Mais il est inquiéta
1661
demander à un recueil d’essais réunis après coup
de
fournir une doctrine. Mais il est inquiétant d’entendre M. Maulnier,
1662
p de fournir une doctrine. Mais il est inquiétant
d’
entendre M. Maulnier, dans sa préface, se déclarer satisfait d’indique
1663
Maulnier, dans sa préface, se déclarer satisfait
d’
indiquer « des positions de résistance », une « ligne de retranchement
1664
se déclarer satisfait d’indiquer « des positions
de
résistance », une « ligne de retranchement ». Ce négativisme m’appara
1665
quer « des positions de résistance », une « ligne
de
retranchement ». Ce négativisme m’apparaît caractéristique de la pens
1666
ment ». Ce négativisme m’apparaît caractéristique
de
la pensée dite « de droite », et c’est par là surtout que M. Thierry
1667
me m’apparaît caractéristique de la pensée dite «
de
droite », et c’est par là surtout que M. Thierry Maulnier révèle ses
1668
ligieuses, sont donc abstraites. Il ne suffit pas
de
dire à ses contemporains qu’ils ont tort de penser ceci ou cela avec
1669
t pas de dire à ses contemporains qu’ils ont tort
de
penser ceci ou cela avec passion. Il faut encore leur donner d’autres
1670
ssion. Il faut encore leur donner d’autres objets
de
passion. Ou bien il faut leur rappeler des vérités d’un ordre tel que
1671
assion. Ou bien il faut leur rappeler des vérités
d’
un ordre tel que leur seule existence — si elles existent — rende vain
1672
nes les passions égarées, rende visible l’origine
de
l’égarement, rende efficace et créatrice la critique de tout cela qui
1673
garement, rende efficace et créatrice la critique
de
tout cela qui agite le cœur des hommes. Ce n’est pas une férule : c’e
1674
je reproche à M. Thierry Maulnier. (Il serait fou
de
ne pas le partager.) Je lui reproche de manquer d’exigence vis-à-vis
1675
erait fou de ne pas le partager.) Je lui reproche
de
manquer d’exigence vis-à-vis de l’homme ; de se borner à sa défense ;
1676
e ne pas le partager.) Je lui reproche de manquer
d’
exigence vis-à-vis de l’homme ; de se borner à sa défense ; de ne pas
1677
oche de manquer d’exigence vis-à-vis de l’homme ;
de
se borner à sa défense ; de ne pas voir que la vraie défense, c’est l
1678
is-à-vis de l’homme ; de se borner à sa défense ;
de
ne pas voir que la vraie défense, c’est l’attaque. Nous avons moins b
1679
défense, c’est l’attaque. Nous avons moins besoin
d’
idées justes que d’idées efficacement justes ; moins besoin de notions
1680
taque. Nous avons moins besoin d’idées justes que
d’
idées efficacement justes ; moins besoin de notions « correctes » que
1681
es que d’idées efficacement justes ; moins besoin
de
notions « correctes » que de notions dynamiques. Nietzsche réclamait
1682
ustes ; moins besoin de notions « correctes » que
de
notions dynamiques. Nietzsche réclamait une « philosophie à coups de
1683
es. Nietzsche réclamait une « philosophie à coups
de
marteau ». Ce peut être le marteau du constructeur, aussi bien que ce
1684
eur. ⁂ M. Paul Nizan, lui, critique moins à coups
de
marteau qu’à coups d’épingle. Ce qu’il veut dégonfler, c’est la philo
1685
lui, critique moins à coups de marteau qu’à coups
d’
épingle. Ce qu’il veut dégonfler, c’est la philosophie avec grand P, l
1686
philosophie avec grand P, la doctrine officielle
de
la Sorbonne, cette pensée fabriquée par des bourgeois, pour des bourg
1687
inée à défendre et illustrer la notion bourgeoise
de
la vie, et payée — en la personne de ses grands maîtres — par l’État
1688
n bourgeoise de la vie, et payée — en la personne
de
ses grands maîtres — par l’État bourgeois. Les Chiens de garde 39, te
1689
grands maîtres — par l’État bourgeois. Les Chiens
de
garde 39, tel est le titre de son pamphlet — ce sont les philosophes
1690
urgeois. Les Chiens de garde 39, tel est le titre
de
son pamphlet — ce sont les philosophes de la Troisième République. On
1691
e titre de son pamphlet — ce sont les philosophes
de
la Troisième République. On peut recommander la lecture de ce livre,
1692
isième République. On peut recommander la lecture
de
ce livre, parce qu’il a le mérite de poser simplement, brutalement, u
1693
r la lecture de ce livre, parce qu’il a le mérite
de
poser simplement, brutalement, une de ces grandes questions que la pe
1694
a le mérite de poser simplement, brutalement, une
de
ces grandes questions que la pensée moderne a convenu d’appeler « naï
1695
grandes questions que la pensée moderne a convenu
d’
appeler « naïves », parce qu’elles sont trop gênantes. Le livre est ma
1696
et hargneux. Elles redisent trois ou quatre fois
de
suite la même chose, sans ajouter aucune clarté au dessein général. M
1697
i, par bonheur, est très simple : Il n’y a point
de
questions plus grossières que celles qui sont posées ici, qui sont re
1698
nte qui dit et croit qu’elle se déroule au profit
de
l’homme, est-elle dirigée réellement, et non plus en discours et croy
1699
ilosophie régnante est caractérisée par son refus
d’
aborder les questions dites vulgaires, qui conduiraient à des conclusi
1700
hilosophes s’abstiennent. Ils vivent dans un état
de
scandaleuse absence. Il existe un scandaleux écart, une scandaleuse d
1701
urs sur la technique du passage à l’absolu, parle
de
noumènes, d’immanence, de contingence, et l’on ne voit pas, dit M. Ni
1702
chnique du passage à l’absolu, parle de noumènes,
d’
immanence, de contingence, et l’on ne voit pas, dit M. Nizan, « commen
1703
ssage à l’absolu, parle de noumènes, d’immanence,
de
contingence, et l’on ne voit pas, dit M. Nizan, « comment ces produit
1704
t M. Nizan, « comment ces produits tératologiques
de
la méditation pourraient expliquer aux hommes vulgaires … la tubercul
1705
t expliquer aux hommes vulgaires … la tuberculose
de
leurs filles, les colères de leurs femmes, leur service militaire et
1706
res … la tuberculose de leurs filles, les colères
de
leurs femmes, leur service militaire et ses humiliations, leur travai
1707
acances, les guerres, les grèves, les pourritures
de
leurs parlements et l’insolence des pouvoirs ; on ne voit pas à quoi
1708
sans rime ni raison » … « Il n’y a aucune raison
d’
écarter ce genre de questions. Il n’y a aucune raison de ne pas leur d
1709
n » … « Il n’y a aucune raison d’écarter ce genre
de
questions. Il n’y a aucune raison de ne pas leur donner de réponses »
1710
ter ce genre de questions. Il n’y a aucune raison
de
ne pas leur donner de réponses ». Au fond, M. Nizan reproche à nos ph
1711
ons. Il n’y a aucune raison de ne pas leur donner
de
réponses ». Au fond, M. Nizan reproche à nos philosophes d’exclure de
1712
s ». Au fond, M. Nizan reproche à nos philosophes
d’
exclure de leurs recherches tout ce qui intéresse chaque homme et tout
1713
nd, M. Nizan reproche à nos philosophes d’exclure
de
leurs recherches tout ce qui intéresse chaque homme et tout l’homme,
1714
ce qui intéresse chaque homme et tout l’homme, et
de
déclarer « non philosophique » tout ce qui ne tombe pas sous le coup
1715
osophique » tout ce qui ne tombe pas sous le coup
de
leurs techniques. On dira sans doute que l’auteur exagère quand il dé
1716
te que l’auteur exagère quand il dénonce le péril
d’
une pensée que l’on peut bien appeler scolastique, pensée purement con
1717
stique, pensée purement conceptuelle et dépourvue
d’
intérêt humain concret. On lui dira que ce n’est pas si grave, que le
1718
ne action, ne fût-ce que sur les étudiants forcés
de
s’y intéresser au lieu de s’intéresser à notre situation concrète, M.
1719
que le sien à l’endroit des résultats « humains »
de
toute philosophie.) Mais ensuite, et à notre tour, nous demanderons :
1720
moins clair qu’il tombe par là même sous le coup
d’
une critique semblable à celle que M. Nizan adresse à M. Brunschvicg.
1721
u’une extension orgueilleuse et démesurée du type
d’
homme qui intéresse tel groupe de philosophes, et qui vient se substit
1722
émesurée du type d’homme qui intéresse tel groupe
de
philosophes, et qui vient se substituer à la réelle humanité. C’est,
1723
eois. C’est le prolétaire pour Marx. Il s’en faut
de
beaucoup que la notion du prolétaire marxiste, fondée sur des considé
1724
iscutables que la plus-value, recouvre la réalité
de
tel homme concret et réel que vous ou moi pouvons connaître. Mais, en
1725
s connaître. Mais, en vérité, la lecture du livre
de
M. Nizan n’inspire pas la certitude qu’il aime les hommes, qu’il aime
1726
l et concret. Au contraire, il en émane une sorte
de
mépris satisfait qui révèle un intellectuel déchaîné plus qu’un parti
1727
partisan convaincu. On sent bien que le triomphe
de
M. Nizan est dans l’insolence plus que dans le sacrifice à une cause.
1728
n, qui est marxiste, si la lecture et la pratique
de
Marx peut apporter une certitude intime, une réalité directe, une obl
1729
itude intime, une réalité directe, une obligation
de
choisir à chaque instant, une humiliation rénovatrice, une joie au se
1730
vatrice, une joie au sein de la douleur, la force
de
supporter des souffrances physiques, la force et la joie d’envisager
1731
er des souffrances physiques, la force et la joie
d’
envisager la mort comme une transfiguration tragique, la force et la j
1732
une transfiguration tragique, la force et la joie
d’
envisager la vie comme un combat perpétuel dont l’enjeu est à chaque i
1733
ées concernent chaque homme dans chaque situation
de
sa vie de chaque jour, si cet appel n’a pas trouvé la seule réponse p
1734
nent chaque homme dans chaque situation de sa vie
de
chaque jour, si cet appel n’a pas trouvé la seule réponse possible et
1735
cherché auprès de philosophes secrètement avides
de
prêtrise, ou même prêtres, ou même canonisés, une sécurité spirituell
1736
canonisés, une sécurité spirituelle que la Parole
de
Dieu désigne comme une lâcheté. Car en présence de l’athéisme militan
1737
témoigner. Épreuve dangereuse et salutaire, germe
de
cette « révolution permanente » qui doit être l’état du chrétien vis-
1738
être l’état du chrétien vis-à-vis de lui-même et
de
son passé. C’est le danger qui nous purifiera. « Toute plante que n’a
1739
a révolution menaçante viendra comme le châtiment
de
ceux-là mêmes, de ceux-là justement qui refusèrent de « penser danger
1740
ante viendra comme le châtiment de ceux-là mêmes,
de
ceux-là justement qui refusèrent de « penser dangereusement ». Mais l
1741
eux-là mêmes, de ceux-là justement qui refusèrent
de
« penser dangereusement ». Mais les marxistes n’y échapperont pas. Ca
1742
rxistes n’y échapperont pas. Car celui qui refuse
de
penser le péché, refuse d’envisager l’ultime et le plus « grossier »
1743
. Car celui qui refuse de penser le péché, refuse
d’
envisager l’ultime et le plus « grossier » des dangers inhérents à l’ê
1744
morales, ni leurs prêtres, ni tout leur appareil
d’
assurance dans le monde et contre Dieu —, seul l’Évangile est radicale
1745
lement dangereux, — salutaire. 38. Aux Éditions
de
la Revue française, chez Alexis Rédier, Paris 1932. 39. Chez Rieder,
1746
Europe ». 40. Et pourtant, M. Nizan cite pas mal
de
textes qui prouveraient le contraire. s. Rougemont Denis de, « Pens
1747
i prouveraient le contraire. s. Rougemont Denis
de
, « Penser dangereusement », Foi et Vie, Paris, juin 1932, p. 478-484.
1748
répondra-t-on, sans doute. Je ne suis pas du tout
de
cet avis. Et je crois distinguer à divers signes que mes contemporain
1749
s plus tonifiants et plus actuels, je veux parler
de
la vogue récente des essais, genre assurément fort ancien, mais auque
1750
ive nouveauté. Il est bien remarquable, en effet,
de
constater, en parcourant les catalogues de librairie allemande, par e
1751
effet, de constater, en parcourant les catalogues
de
librairie allemande, par exemple, que la proportion des ouvrages pure
1752
nt romanesques va en diminuant, et cela au profit
d’
une littérature qui tient à la fois de l’histoire, de la politique, de
1753
a au profit d’une littérature qui tient à la fois
de
l’histoire, de la politique, de la morale et de la religion. Des livr
1754
ne littérature qui tient à la fois de l’histoire,
de
la politique, de la morale et de la religion. Des livres comme l’Essa
1755
i tient à la fois de l’histoire, de la politique,
de
la morale et de la religion. Des livres comme l’Essai sur la France,
1756
s de l’histoire, de la politique, de la morale et
de
la religion. Des livres comme l’Essai sur la France, de E. R. Curtius
1757
religion. Des livres comme l’Essai sur la France,
de
E. R. Curtius, dont il fut parlé ici même, ou le Dieu est-il Français
1758
l fut parlé ici même, ou le Dieu est-il Français,
de
F. Sieburg, donneront une idée assez juste du genre. Son succès en Al
1759
succès en Allemagne remonte aux premières années
de
l’après-guerre, illustrées par les livres monumentaux de Spengler (Le
1760
rès-guerre, illustrées par les livres monumentaux
de
Spengler (Le Déclin de l’Occident) et du comte Keyserling. Il faut re
1761
par les livres monumentaux de Spengler (Le Déclin
de
l’Occident) et du comte Keyserling. Il faut reconnaître que l’état gé
1762
vivent « la crise » depuis 1919, et l’atmosphère
de
crise baigne toutes leurs activités, à un degré bien plus profond qu’
1763
, à un degré bien plus profond qu’on ne l’imagine
d’
ordinaire en France. En ceci, les Allemands se trouvent être en quelqu
1764
and. Il est bien naturel qu’une société qui jouit
d’
une relative sécurité cherche son divertissement dans des fictions rom
1765
. Le bourgeois qui rentre chez lui après 8 heures
de
bureau demande aux livres une évasion facile hors de la médiocre exis
1766
contemporain voit bien que la question n’est plus
de
s’évader, de se distraire en oubliant un monde qu’on serait sûr de re
1767
voit bien que la question n’est plus de s’évader,
de
se distraire en oubliant un monde qu’on serait sûr de retrouver bien
1768
e distraire en oubliant un monde qu’on serait sûr
de
retrouver bien en place le lendemain. L’angoisse qui plane vaguement,
1769
as quelque chose qu’on esquive comme l’ennui, par
de
petits moyens. L’homme menacé cherche à se rassurer, et d’abord en es
1770
acé cherche à se rassurer, et d’abord en essayant
de
comprendre la menace. Il veut des documents, des explications, des di
1771
ver l’appartenance à un parti, ou pour se fournir
d’
arguments précis et « sérieux » qu’on exhibera dans un cercle aussi ex
1772
ibera dans un cercle aussi excité qu’incompétent.
De
là cette multitude d’écrits, dont le propos général est d’élucider le
1773
ussi excité qu’incompétent. De là cette multitude
d’
écrits, dont le propos général est d’élucider les causes lointaines ou
1774
te multitude d’écrits, dont le propos général est
d’
élucider les causes lointaines ou prochaines de la crise sans précéden
1775
st d’élucider les causes lointaines ou prochaines
de
la crise sans précédent où s’engage l’humanité tout entière. ⁂ En Fra
1776
urs, le « grand public » considéra que la lecture
d’
un livre n’était qu’un moyen de « passer une heure agréablement ». Le
1777
éra que la lecture d’un livre n’était qu’un moyen
de
« passer une heure agréablement ». Le goût des idées, même et surtout
1778
des cercles littéraires raffinés, était une sorte
d’
atteinte au « goût » tout court, c’est-à-dire à la mode. Il fallut la
1779
a mode. Il fallut la petite équipe des fondateurs
de
la Nouvelle Revue française pour imposer, par l’effet d’un snobisme i
1780
ouvelle Revue française pour imposer, par l’effet
d’
un snobisme inattendu, la mode des discussions éthiques, d’ailleurs pu
1781
mans qui posent des problèmes ». On appelait cela
de
la « littérature difficile », non pas qu’une intelligence moyenne épr
1782
difficultés à suivre les développements lumineux
d’
un André Gide, par exemple, mais simplement parce que ces écrits faisa
1783
isaient penser. J’exagère à peine. La littérature
de
l’après-guerre, faite en grande partie par des hommes qui n’avaient p
1784
rtie par des hommes qui n’avaient pas eu le temps
de
se cultiver, est caractérisée par une facilité foncière et bien décev
1785
foncière et bien décevante, sitôt écarté le voile
d’
obscurité purement formelle dont la mode d’alors recommandait qu’on ha
1786
voile d’obscurité purement formelle dont la mode
d’
alors recommandait qu’on habillât la moindre historiette sentimentale.
1787
emble-t-il, s’évanouit en fumée, comme les fusées
d’
une fête intempestive. On demande des lumières qui ne soient plus seul
1788
is, en ce sens que dans le monde bourgeois, privé
de
risques et d’aventures réelles, il représentait une évasion, une reva
1789
que dans le monde bourgeois, privé de risques et
d’
aventures réelles, il représentait une évasion, une revanche nécessair
1790
nécessaire contre l’ennui, — le royaume illusoire
de
la fantaisie, de l’héroïsme et des grands sentiments bouleversants. C
1791
l’ennui, — le royaume illusoire de la fantaisie,
de
l’héroïsme et des grands sentiments bouleversants. C’était ce qu’il y
1792
t de plus subversif dans les salons. « Se nourrir
de
romans », dans certains milieux, c’était le commencement de la fin, c
1793
», dans certains milieux, c’était le commencement
de
la fin, c’était se préparer à « mal finir ». Est-ce le cinéma qui a c
1794
une époque qui a vu les frontières et les peuples
de
l’Europe bouleversés ; les régimes choir ; le plan quinquennal s’édif
1795
ir ; le plan quinquennal s’édifier sur les ruines
d’
un continent ; l’Amérique s’enrichir au-delà de toute raison européenn
1796
es d’un continent ; l’Amérique s’enrichir au-delà
de
toute raison européenne, puis s’affoler, entrer en décadence, et rêve
1797
révolution ; dans une époque où l’humanité risque
de
mourir pour la réalisation même de ses désirs matériels, dans cette é
1798
umanité risque de mourir pour la réalisation même
de
ses désirs matériels, dans cette énorme aventure qui « règne » sur le
1799
vies, ou s’il n’y pénètre pas encore, les baigne
d’
une atmosphère menaçante dont il devient impossible de ne pas prendre
1800
e atmosphère menaçante dont il devient impossible
de
ne pas prendre conscience. Alors, toutes les nouvelles qui nous parvi
1801
s qui nous parviennent du monde sont comme autant
d’
épisodes d’un drame qui intéresse chacun de nous. L’homme se prend d’u
1802
parviennent du monde sont comme autant d’épisodes
d’
un drame qui intéresse chacun de nous. L’homme se prend d’un intérêt p
1803
autant d’épisodes d’un drame qui intéresse chacun
de
nous. L’homme se prend d’un intérêt passionné pour la vie du monde. E
1804
me qui intéresse chacun de nous. L’homme se prend
d’
un intérêt passionné pour la vie du monde. Et ce fait est nouveau dans
1805
ase mille fois entendue. Les journaux se couvrent
de
photos. La couverture photographique triomphe chez tous les éditeurs.
1806
s, des reportages à grande distance, les mémoires
d’
Alain Gerbault, les aventures d’Henri de Monfreid, cinquante volumes s
1807
nce, les mémoires d’Alain Gerbault, les aventures
d’
Henri de Monfreid, cinquante volumes sur l’URSS et sur le Plan de cinq
1808
reid, cinquante volumes sur l’URSS et sur le Plan
de
cinq ans, autant sur les formes américaines de la vie sociale, des al
1809
an de cinq ans, autant sur les formes américaines
de
la vie sociale, des albums de photos qui pour la première fois, nous
1810
formes américaines de la vie sociale, des albums
de
photos qui pour la première fois, nous semble-t-il, mettent sur notre
1811
uel romancier pourrait nous apporter l’équivalent
de
cette vision directe, exaltante et dépaysante ? Voici le monde en vra
1812
sprit ne pouvait le concevoir. C’est l’expérience
de
la Renaissance, étendue à toute la planète. Et c’est ici que j’en rev
1813
tre qui veut penser le monde. Incapable désormais
de
s’en distraire en le fuyant, il cherche à l’expliquer, avec une passi
1814
l y a quelque dix ans, les premières Explications
de
notre temps. Et depuis lors, que de volumes à grand succès qui pourra
1815
Explications de notre temps. Et depuis lors, que
de
volumes à grand succès qui pourraient reprendre le titre fameux de Pa
1816
d succès qui pourraient reprendre le titre fameux
de
Paul Valéry : Regards sur le monde actuel. Les grandes controverses m
1817
our de la Trahison des clercs, autour du problème
de
l’humanisme (Conversion à l’humain, de J. Guéhenno, enquête de Foi e
1818
u problème de l’humanisme (Conversion à l’humain,
de
J. Guéhenno, enquête de Foi et Vie sur l’humanisme nouveau, ouvrage
1819
e (Conversion à l’humain, de J. Guéhenno, enquête
de
Foi et Vie sur l’humanisme nouveau, ouvrages de Ramon Fernandez, de
1820
de Foi et Vie sur l’humanisme nouveau, ouvrages
de
Ramon Fernandez, de Drieu la Rochelle, de Benjamin Crémieux), autour
1821
l’humanisme nouveau, ouvrages de Ramon Fernandez,
de
Drieu la Rochelle, de Benjamin Crémieux), autour du problème, plus ai
1822
uvrages de Ramon Fernandez, de Drieu la Rochelle,
de
Benjamin Crémieux), autour du problème, plus aigu encore, de la cultu
1823
Crémieux), autour du problème, plus aigu encore,
de
la culture bourgeoise et des valeurs révolutionnaires. (Mort de la pe
1824
bourgeoise et des valeurs révolutionnaires. (Mort
de
la pensée et Mort de la morale bourgeoise d’E. Berl, manifestes de gr
1825
eurs révolutionnaires. (Mort de la pensée et Mort
de
la morale bourgeoise d’E. Berl, manifestes de groupements de jeunes t
1826
Mort de la pensée et Mort de la morale bourgeoise
d’
E. Berl, manifestes de groupements de jeunes tels que Esprit, Plans, l
1827
ort de la morale bourgeoise d’E. Berl, manifestes
de
groupements de jeunes tels que Esprit, Plans, l’Ordre nouveau, et tou
1828
e bourgeoise d’E. Berl, manifestes de groupements
de
jeunes tels que Esprit, Plans, l’Ordre nouveau, et tout récemment le
1829
s, l’Ordre nouveau, et tout récemment le « Cahier
de
revendications » publié dans la NRF ). Lorsqu’il y a deux ans, Berna
1830
ns un article retentissant, annonça son intention
de
« casser les reins au roman », on put croire à un mouvement de mauvai
1831
es reins au roman », on put croire à un mouvement
de
mauvaise humeur, voire à une tentative publicitaire. En réalité, la s
1832
aire. En réalité, la suite prouva la clairvoyance
de
l’éditeur, habile à saisir dès leur naissance les désirs à peine cons
1833
nts du grand public. On n’a pas cessé pour autant
de
publier des romans nouveaux, mais le fait est que le seul grand succè
1834
l grand succès, dans cet ordre, est allé au livre
de
Céline, Voyage au bout de la nuit, chef-d’œuvre de « documentaire »,
1835
e Céline, Voyage au bout de la nuit, chef-d’œuvre
de
« documentaire », mauvais roman… Autre signe : les jeunes maisons, fo
1836
spécialisent de plus en plus dans la publication
de
collections d’essais : Denoël et Steele lancent des séries sur la psy
1837
e plus en plus dans la publication de collections
d’
essais : Denoël et Steele lancent des séries sur la psychanalyse et su
1838
rrêa publie presque exclusivement des « écrivains
d’
idées », les Éditions du Cavalier poursuivent une enquête européenne s
1839
l’Esprit des nations 41. » Et l’on pense au titre
de
cet album de photos paru récemment en Allemagne : « Weltgeschichte ge
1840
nations 41. » Et l’on pense au titre de cet album
de
photos paru récemment en Allemagne : « Weltgeschichte gefälligst », H
1841
⁂ Retour à l’essai rendu nécessaire par le besoin
de
mettre en ordre l’énorme quantité de faits nouveaux que nous découvro
1842
ar le besoin de mettre en ordre l’énorme quantité
de
faits nouveaux que nous découvrons. Retour à l’intelligence ? Oui, ma
1843
ère que le lecteur m’aura compris — ce n’est plus
de
jeux de l’esprit, d’acrobaties de psychologues, de curiosités académi
1844
le lecteur m’aura compris — ce n’est plus de jeux
de
l’esprit, d’acrobaties de psychologues, de curiosités académiques ou
1845
aura compris — ce n’est plus de jeux de l’esprit,
d’
acrobaties de psychologues, de curiosités académiques ou de mandarinad
1846
— ce n’est plus de jeux de l’esprit, d’acrobaties
de
psychologues, de curiosités académiques ou de mandarinades qu’il s’ag
1847
e jeux de l’esprit, d’acrobaties de psychologues,
de
curiosités académiques ou de mandarinades qu’il s’agit, mais c’est du
1848
ies de psychologues, de curiosités académiques ou
de
mandarinades qu’il s’agit, mais c’est du sort de l’homme tel qu’il es
1849
de mandarinades qu’il s’agit, mais c’est du sort
de
l’homme tel qu’il est, dans son effarante et magnifique diversité. So
1850
agnifique diversité. Sort menacé, comme il le fut
de
tout temps, certes, mais de nos jours, plus visiblement, plus univers
1851
nacé, comme il le fut de tout temps, certes, mais
de
nos jours, plus visiblement, plus universellement. Quand il y va de t
1852
visiblement, plus universellement. Quand il y va
de
tous, il y va de chacun. 41. Dont le meilleur volume, à ce jour, es
1853
s universellement. Quand il y va de tous, il y va
de
chacun. 41. Dont le meilleur volume, à ce jour, est sans doute le r
1854
leur volume, à ce jour, est sans doute le recueil
d’
Essais espagnols, du grand écrivain qu’est José Ortega y Gasset, l’un
1855
qu’est José Ortega y Gasset, l’un des fondateurs
de
la République espagnole, et l’un des meilleurs exemples de l’influenc
1856
ublique espagnole, et l’un des meilleurs exemples
de
l’influence réelle et directe que peut exercer un essayiste sur la ma
1857
livre brillant et séduisant. t. Rougemont Denis
de
, « Histoires du monde, s’il vous plaît ! », Foi et Vie, Paris, janvie
1858
ns toutes les conférences, dans tous les journaux
d’
opinion, dans tous les manifestes de partis ou de ligues, une expressi
1859
les journaux d’opinion, dans tous les manifestes
de
partis ou de ligues, une expression revient comme une véritable hanti
1860
d’opinion, dans tous les manifestes de partis ou
de
ligues, une expression revient comme une véritable hantise, comme le
1861
une véritable hantise, comme le grand lieu commun
de
la peur qui s’est emparée des hommes. On ne nous parle plus que du «
1862
rle plus que du « désarroi actuel ». Il n’est pas
d’
expression plus juste, pour qui se borne à considérer notre époque et
1863
s’affrontent au milieu du désordre. Il n’est pas
d’
expression plus fausse, et même plus dangereuse, pour qui veut prendre
1864
ent pour une dictature qui tire son seul prestige
de
la misère et de la lâcheté publique. Des provinces entières sont ruin
1865
tature qui tire son seul prestige de la misère et
de
la lâcheté publique. Des provinces entières sont ruinées par des expl
1866
dont les bénéfices s’engloutissent en deux heures
de
panique boursière. Les inventeurs se voient refuser des brevets parce
1867
eurs, crée du chômage. Et, cependant, les peuples
de
toute la terre continuent de croire au Progrès et aux bienfaits de la
1868
pendant, les peuples de toute la terre continuent
de
croire au Progrès et aux bienfaits de la richesse. Les campagnes se v
1869
continuent de croire au Progrès et aux bienfaits
de
la richesse. Les campagnes se vident ; les jeunes gens n’ont plus goû
1870
misère fiévreuse. Et, cependant, les politiciens
de
tous bords consacrent leur astuce à équilibrer des budgets, dont ils
1871
e avec grandiloquence par des journaux qui vivent
de
fonds secrets. C’est à tout cela que l’on pense lorsqu’on nous parle
1872
ue, jusqu’à ces dernières années, la civilisation
de
l’Occident ait permis plus d’espoirs, favorisé plus de vertu, mieux a
1873
es, la civilisation de l’Occident ait permis plus
d’
espoirs, favorisé plus de vertu, mieux assuré la paix du monde et les
1874
Occident ait permis plus d’espoirs, favorisé plus
de
vertu, mieux assuré la paix du monde et les rapports normaux entre le
1875
» soit seulement « actuel » et ne veut-on parler
de
« désarroi » que lorsque les valeurs boursières et la tranquillité pu
1876
La vérité, c’est que la situation du monde a été
de
tout temps désespérée. Seulement, maintenant, cela se voit. Depuis la
1877
ériodes dites « prospères » ne sont que les temps
de
répit, souvent déshonorés par la culture des illusions et la dégradat
1878
a culture des illusions et la dégradation du sens
de
la révolte. L’histoire du monde, bien loin d’être l’histoire d’un pro
1879
ens de la révolte. L’histoire du monde, bien loin
d’
être l’histoire d’un progrès continu, nous apparaît plutôt comme une s
1880
L’histoire du monde, bien loin d’être l’histoire
d’
un progrès continu, nous apparaît plutôt comme une solennelle dégringo
1881
comme une solennelle dégringolade, une contagion
de
déséquilibres dévorant successivement toutes les possibilités d’aména
1882
s dévorant successivement toutes les possibilités
d’
aménagement de la terre. Pourtant, certaines époques ont connu la gran
1883
cessivement toutes les possibilités d’aménagement
de
la terre. Pourtant, certaines époques ont connu la grandeur. Ce ne fu
1884
a grandeur. Ce ne furent pas les moins corrompues
de
l’histoire, mais celles où la corruption permanente fut ouvertement r
1885
èche. Notre époque, elle aussi, possède sa chance
de
grandeur. Je dirai même qu’elle a plus de chances qu’aucune autre. Le
1886
chance de grandeur. Je dirai même qu’elle a plus
de
chances qu’aucune autre. Le vieux « désordre » qui couvait sous des a
1887
soudain devenu flagrant. Il promène par les rues
de
nos villes européennes de grands panneaux-réclame qui parlent un lang
1888
Il promène par les rues de nos villes européennes
de
grands panneaux-réclame qui parlent un langage clair. Jamais il ne fu
1889
nt un langage clair. Jamais il ne fut plus facile
de
reconnaître les choix nécessaires. Désordre, oui, et plus grand que j
1890
s presque impossibles ? Oui, certes ! Sur le plan
de
la connaissance désintéressée, nous ne trouvons jamais aucun principe
1891
u contraire, dès que nous nous posons la question
de
l’homme, du rôle de l’homme, du destin de l’homme en face du destin d
1892
nous nous posons la question de l’homme, du rôle
de
l’homme, du destin de l’homme en face du destin du siècle, tout se si
1893
uestion de l’homme, du rôle de l’homme, du destin
de
l’homme en face du destin du siècle, tout se simplifie aussitôt ; et
1894
, faisant un pas de plus, nous posons la question
de
notre destin personnel en face des destins collectifs, le choix néces
1895
avec une netteté qui, je le répète, est la chance
de
notre époque. Je voudrais décrire cette époque, telle qu’elle nous ap
1896
décrire cette époque, telle qu’elle nous apparaît
de
ce point de vue, en quelques traits fort simples. J’insiste sur le mo
1897
es simplifier. Ce qui est difficile, ce n’est pas
de
voir le vrai, c’est d’oser les actes qu’il faut, et que nous connaiss
1898
st difficile, ce n’est pas de voir le vrai, c’est
d’
oser les actes qu’il faut, et que nous connaissons très bien. Trop sou
1899
souvent, nos maîtres nous ont fourni des méthodes
d’
évasion dans la complexité. Trop souvent ils nous ont mis en garde con
1900
in esprit simpliste », qui est, au vrai, l’esprit
de
décision et d’engagement concret dont nous avons le plus besoin. Cess
1901
iste », qui est, au vrai, l’esprit de décision et
d’
engagement concret dont nous avons le plus besoin. Cessons de nous réf
1902
t concret dont nous avons le plus besoin. Cessons
de
nous réfugier derrière des complexités que nous créons à plaisir, qui
1903
ne sont pas dans la situation et qui sont autant
de
prétextes à refuser de prendre position, comme si ce n’était pas là,
1904
tuation et qui sont autant de prétextes à refuser
de
prendre position, comme si ce n’était pas là, déjà, prendre une posit
1905
és ont été trop souvent pour nous des professeurs
d’
abstention distinguée, des grands prêtres de l’Insoluble. Mais, un bea
1906
seurs d’abstention distinguée, des grands prêtres
de
l’Insoluble. Mais, un beau jour, les événements nous réveillent brusq
1907
hoisir. La pensée redevient un danger, un facteur
de
choix et de risque, et non plus un refuge idéal. Ne nous en plaignons
1908
ensée redevient un danger, un facteur de choix et
de
risque, et non plus un refuge idéal. Ne nous en plaignons pas : le ri
1909
Ne nous en plaignons pas : le risque est la santé
de
la pensée. ⁂ Destin du siècle ! Expression curieuse et bien moderne
1910
on curieuse et bien moderne ! Si nous y regardons
de
près, nous allons voir que le simple assemblage de ces deux mots, des
1911
e près, nous allons voir que le simple assemblage
de
ces deux mots, destin et siècle, contient peut-être le secret de tout
1912
s, destin et siècle, contient peut-être le secret
de
tout le mal dont nous souffrons. Il suffit, pour le faire apparaître,
1913
s souffrons. Il suffit, pour le faire apparaître,
de
poser cette simple question : comment un siècle peut-il avoir un dest
1914
le peut-il avoir un destin ? En réalité, il n’y a
de
destin que personnel. Seul un homme peut avoir un destin, un homme se
1915
n, César, Lénine ont un destin. Mais aussi chacun
de
nous a un destin ; dans la mesure où chacun de nous possède une raiso
1916
un de nous a un destin ; dans la mesure où chacun
de
nous possède une raison d’être, quelle qu’elle soit, une servitude pa
1917
ns la mesure où chacun de nous possède une raison
d’
être, quelle qu’elle soit, une servitude particulière, une passion qui
1918
ien à lui, une vocation. Si l’on admet facilement
de
nos jours, qu’un siècle ait un destin, c’est que l’on a pris l’habitu
1919
e ait un destin, c’est que l’on a pris l’habitude
d’
attribuer une sorte de valeur indépendante à des êtres collectifs. Je
1920
que l’on a pris l’habitude d’attribuer une sorte
de
valeur indépendante à des êtres collectifs. Je m’explique. Quand nous
1921
’humanité, et dont les éléments sont presque tous
de
nature collective. L’histoire d’un siècle, c’est l’histoire des colle
1922
ont presque tous de nature collective. L’histoire
d’
un siècle, c’est l’histoire des collectivités, c’est l’histoire des pe
1923
que très accessoirement l’histoire des personnes,
de
quelques génies, par exemple. Quand nous disons destin du siècle, nou
1924
un destin, il faut que nous ayons pris l’habitude
de
les considérer comme autant de réalités autonomes, possédant leurs lo
1925
ns pris l’habitude de les considérer comme autant
de
réalités autonomes, possédant leurs lois propres, échappant à notre d
1926
e, leur destinée. Autant dire que nous avons fait
de
toutes les réalités collectives des divinités nouvelles, des divinité
1927
s menaçantes, et dont nous essayons avec angoisse
de
scruter les caractères, les habitudes, les intentions secrètes, les d
1928
uperstitieux au dernier degré. La grande majorité
de
nos contemporains ne croit pas en Dieu et sait qu’elle n’y croit pas.
1929
t pas. Mais elle garde chevillé au cœur le besoin
d’
obéir à des forces invisibles et de leur rendre un culte de latrie. To
1930
cœur le besoin d’obéir à des forces invisibles et
de
leur rendre un culte de latrie. Tous, nous servons ces dieux, tous, n
1931
des forces invisibles et de leur rendre un culte
de
latrie. Tous, nous servons ces dieux, tous, nous leur obéissons, et c
1932
nt prêts à leur sacrifier leur vie même. Les noms
de
ces divinités, vous les connaissez bien : ce sont l’État, la nation,
1933
… Sans doute n’avons-nous pas toujours conscience
de
les servir. Vous me direz peut-être que, pour votre compte, la classe
1934
. Vous jouez, vis-à-vis de ces divinités, le rôle
d’
incroyants, de sceptiques ou même d’adversaires. Mais il y a d’autres
1935
vis-à-vis de ces divinités, le rôle d’incroyants,
de
sceptiques ou même d’adversaires. Mais il y a d’autres dieux pour cet
1936
ités, le rôle d’incroyants, de sceptiques ou même
d’
adversaires. Mais il y a d’autres dieux pour cette espèce-là d’incroya
1937
. Mais il y a d’autres dieux pour cette espèce-là
d’
incroyants, et ce sont, par exemple, l’opinion publique et la presse,
1938
a race : voilà peut-être les divinités maîtresses
de
cette première moitié du siècle. Qu’il s’agisse bien là de dieux, c’e
1939
première moitié du siècle. Qu’il s’agisse bien là
de
dieux, c’est ce que nous prouvent abondamment leurs exigences, qui so
1940
ciologie. Nous trouverons les meilleurs exemples
de
cette théologie dans les écrits marxistes, plus intelligents et plus
1941
fascistes et racistes. Prenez le dernier article
de
Trotski contre Hitler. C’est d’une logique parfaite. Tout s’y enchaîn
1942
e dernier article de Trotski contre Hitler. C’est
d’
une logique parfaite. Tout s’y enchaîne en une démonstration inattaqua
1943
oltes, toute notre attitude pratique s’expliquent
d’
une manière suffisante par notre appartenance à une classe déterminée.
1944
que entièrement par le fait qu’il était, à la fin
de
la guerre, caporal dans l’armée allemande. Son idéologie n’a rien de
1945
al dans l’armée allemande. Son idéologie n’a rien
de
personnel, c’est l’idéologie des petits gradés d’une armée vaincue. L
1946
de personnel, c’est l’idéologie des petits gradés
d’
une armée vaincue. L’hypothèse est séduisante, vraisemblable même. Que
1947
e [ou] notre race. Destin du siècle contre destin
de
l’homme. Il faut bien reconnaître qu’en cette année 1934, l’homme se
1948
irent une conclusion inattendue. Reprenant le mot
de
Goethe, sans le savoir, ils nous enseignent que la loi seule nous con
1949
ous conduit à la liberté. Adhérez au déterminisme
de
l’histoire, abandonnez votre cher petit moi, fondez votre destin dans
1950
fondez votre destin dans celui du prolétariat ou
de
la race aryenne, et toutes vos inquiétudes s’apaiseront. Bien. Mais
1951
seront. Bien. Mais il faut prendre garde d’abord
de
confondre le sacrifice et le suicide. L’élan qui jette des millions d
1952
fice et le suicide. L’élan qui jette des millions
de
nos contemporains dans les destins du siècle, c’est peut-être l’élan
1953
ans les destins du siècle, c’est peut-être l’élan
d’
une fuite devant le destin particulier et la responsabilité de chacun.
1954
devant le destin particulier et la responsabilité
de
chacun. Les brigadiers de choc et les miliciens hitlériens s’indignen
1955
er et la responsabilité de chacun. Les brigadiers
de
choc et les miliciens hitlériens s’indignent de ce reproche. Ils nous
1956
s de choc et les miliciens hitlériens s’indignent
de
ce reproche. Ils nous répondent, avec raison, que leur action n’a pas
1957
ec raison, que leur action n’a pas les apparences
d’
une évasion, d’une démission ; qu’ils n’ont pas fui les risques et qu’
1958
leur action n’a pas les apparences d’une évasion,
d’
une démission ; qu’ils n’ont pas fui les risques et qu’ils ont exposé
1959
fonde-t-elle ? Quelles réalités sont à la base ?
De
l’aveu même des sociologues marxistes ou hitlériens, ce sont des réal
1960
es ou hitlériens, ce sont des réalités générales,
d’
ordre statistique ; des considérations, par exemple, sur le développem
1961
les passés, quand ce ne sont pas des statistiques
de
phrénologues. Ce sont toujours des réalités passées, historiques, ach
1962
nd du terme, la seule chose qui intéresse chacune
de
nos vies —, c’est qu’il y ait parfois, par exemple, un ivrogne qui s’
1963
ait parfois, par exemple, un ivrogne qui s’arrête
de
boire, ne fût-ce que pour faire mentir le proverbe. Les lois générale
1964
ours justes, dans la mesure où nous démissionnons
de
notre rôle d’hommes responsables et créateurs. Leur rigueur mesure ex
1965
ans la mesure où nous démissionnons de notre rôle
d’
hommes responsables et créateurs. Leur rigueur mesure exactement notre
1966
se disputent énormément. Je crois qu’ils ont tort
de
se disputer, parce qu’ils ont raison les uns et les autres. Ma théori
1967
e s’applique pas seulement aux partisans attardés
de
Darwin, mais aussi bien aux partisans de Marx et de Gobineau. Il est
1968
attardés de Darwin, mais aussi bien aux partisans
de
Marx et de Gobineau. Il est tout à fait vrai que les adeptes du marxi
1969
Darwin, mais aussi bien aux partisans de Marx et
de
Gobineau. Il est tout à fait vrai que les adeptes du marxisme et du r
1970
classe ou la race, et c’est perdre son temps que
de
contester leur croyance. Ces hommes-là savent au moins ce qui les mèn
1971
lettantes qui tombent, eux aussi, mais continuent
d’
évoquer la liberté et les idéaux supérieurs dont ils s’éloignent de pl
1972
beau ne pas croire, pour mon compte, à la réalité
de
tous ces mythes, j’ai beau ne pas croire qu’ils aient le droit de dis
1973
es, j’ai beau ne pas croire qu’ils aient le droit
de
disposer de nos vies, je suis bien obligé de reconnaître qu’en fait,
1974
u ne pas croire qu’ils aient le droit de disposer
de
nos vies, je suis bien obligé de reconnaître qu’en fait, ils nous dom
1975
roit de disposer de nos vies, je suis bien obligé
de
reconnaître qu’en fait, ils nous dominent. Ne fût-ce que par le moyen
1976
it, ils nous dominent. Ne fût-ce que par le moyen
de
la presse. On peut dire, sans exagérer, que les journaux disposent de
1977
t dire, sans exagérer, que les journaux disposent
de
nos vies. Sans eux, la préparation des esprits qui prélude à toute gu
1978
du siècle, et peut-être aurions-nous un peu plus
d’
attention pour les vrais problèmes de nos vies. Mais si les journaux d
1979
un peu plus d’attention pour les vrais problèmes
de
nos vies. Mais si les journaux disposent de nos vies, l’argent dispos
1980
lèmes de nos vies. Mais si les journaux disposent
de
nos vies, l’argent dispose des journaux. Et voilà le dernier anneau d
1981
dispose des journaux. Et voilà le dernier anneau
de
la chaîne de notre destin. Abrégeons, car, avec l’argent nous n’en fi
1982
journaux. Et voilà le dernier anneau de la chaîne
de
notre destin. Abrégeons, car, avec l’argent nous n’en finirions pas.
1983
cette description a pu faire naître dans l’esprit
de
quelques-uns. Je sais que le bon ton, dans certains milieux bien-pens
1984
ilieux bien-pensants, veut qu’on dénonce le règne
de
la masse. On s’indigne du nivellement universel, à quoi doit aboutir
1985
ents sont pareils et qu’un homme n’a pas le droit
de
sortir dans la rue coiffé d’un chapeau de paille avant la date fixée
1986
mme n’a pas le droit de sortir dans la rue coiffé
d’
un chapeau de paille avant la date fixée par les grands fournisseurs.
1987
e droit de sortir dans la rue coiffé d’un chapeau
de
paille avant la date fixée par les grands fournisseurs. On prétend qu
1988
nonyme. Je crois que c’est là ce qu’il peut faire
de
mieux. L’individu, tel que le concevait le dernier siècle, l’homme is
1989
it jalousement sa petite vie intérieure, à l’abri
de
la Déclaration des droits de l’homme, ne mérite pas qu’on le pleure.
1990
mme sans destin, un homme sans vocation ni raison
d’
être, un homme dont le monde n’exigeait rien. Cet être-là, fatalement,
1991
rien. Cet être-là, fatalement, devait désespérer
de
soi-même et de tout. Et nous vîmes, tôt après la guerre, reparaître l
1992
-là, fatalement, devait désespérer de soi-même et
de
tout. Et nous vîmes, tôt après la guerre, reparaître le fameux « mal
1993
radant qui soit. On vit alors, chez les meilleurs
de
ces jeunes gens, se déclarer une épidémie de suicides, qui ne prit pa
1994
eurs de ces jeunes gens, se déclarer une épidémie
de
suicides, qui ne prit pas toujours la forme romantique du coup de rev
1995
ne prit pas toujours la forme romantique du coup
de
revolver, qui prit même beaucoup plus souvent la forme d’un enrôlemen
1996
ver, qui prit même beaucoup plus souvent la forme
d’
un enrôlement dans quelque troupe d’assaut. En vérité, ce serait une e
1997
vent la forme d’un enrôlement dans quelque troupe
d’
assaut. En vérité, ce serait une erreur insondable que de voir le salu
1998
t. En vérité, ce serait une erreur insondable que
de
voir le salut de notre époque dans un retour à l’individu. L’individu
1999
serait une erreur insondable que de voir le salut
de
notre époque dans un retour à l’individu. L’individu est l’origine la
2000
destin des autres ; c’est parce qu’il n’avait pas
de
vocation, qu’il a voulu servir la vocation de sa race. La meilleure p
2001
pas de vocation, qu’il a voulu servir la vocation
de
sa race. La meilleure preuve, d’ailleurs, de l’origine individualiste
2002
tion de sa race. La meilleure preuve, d’ailleurs,
de
l’origine individualiste des mythes collectifs, je la vois dans l’abo
2003
ythes collectifs, je la vois dans l’aboutissement
de
ces mythes. On a cru trouver en eux les principes d’une communauté no
2004
ces mythes. On a cru trouver en eux les principes
d’
une communauté nouvelle que l’individualisme avait dissoute. Il n’y a
2005
ualisme avait dissoute. Il n’y a jamais eu autant
de
ligues, de groupements, de partis et d’associations qu’aujourd’hui, m
2006
it dissoute. Il n’y a jamais eu autant de ligues,
de
groupements, de partis et d’associations qu’aujourd’hui, mais aussi j
2007
n’y a jamais eu autant de ligues, de groupements,
de
partis et d’associations qu’aujourd’hui, mais aussi jamais moins d’ac
2008
eu autant de ligues, de groupements, de partis et
d’
associations qu’aujourd’hui, mais aussi jamais moins d’accord réel, ja
2009
ais aussi jamais moins d’accord réel, jamais plus
de
haine déclarée. L’amour des hommes, transposé dans la collectivité, d
2010
osé dans la collectivité, devient automatiquement
de
la haine. On me dira que la solidarité entre les peuples est désormai
2011
ue désormais le globe entier apparaisse solidaire
d’
une même civilisation. Mais cette solidarité, que vaut-elle ? Le premi
2012
dans le monde, c’est l’exemple suivant : le krach
d’
une banque à Paris peut ruiner des petits rentiers belges et jeter sur
2013
ntiers belges et jeter sur la paille des milliers
d’
ouvriers annamites. Oui, certes, tout se tient désormais. Mais la soli
2014
le destin des ismes, ne nous laisse rien prévoir
d’
autre qu’un monde chaotique hautement organisé, une monstrueuse agglom
2015
hautement organisé, une monstrueuse agglomération
d’
individus assemblés par la peur et la faim, et la haine, parqués dans
2016
la haine, parqués dans des casernes ou des camps
de
travail, — et mourant de solitude. J’ai terminé ma description du siè
2017
es casernes ou des camps de travail, — et mourant
de
solitude. J’ai terminé ma description du siècle. Est-elle pessimiste
2018
à l’excès ? Ce n’est pas cela qu’il nous importe
de
savoir. Si j’ai simplifié le tableau, c’est que je veux maintenant dé
2019
nous peut prendre. ⁂ Destin du siècle ou destin
de
l’homme ? Loi historique ou acte personnel ? Irresponsable ou respons
2020
et simplement, ou désirer leur destruction, c’est
de
l’utopie. Ils sont là, et ils ont probablement leur raison d’être. La
2021
Ils sont là, et ils ont probablement leur raison
d’
être. La classe, la race, jouent dans le monde le même rôle que l’inst
2022
ignorés. Les voilà qui reviennent sous le couvert
de
ce cheval de Troie qui se nomme déterminisme historique. Il faut croi
2023
voilà qui reviennent sous le couvert de ce cheval
de
Troie qui se nomme déterminisme historique. Il faut croire qu’ils ont
2024
, et que le mieux à faire pour nous, c’est encore
de
compter avec eux. Mais compter avec eux, ce n’est pas les diviser, ni
2025
e qui les poussait, je vois bien ce qu’il y avait
d’
émouvant dans leur élan vers une nouvelle communauté humaine. Mais ils
2026
uté humaine. Mais ils se sont cruellement trompés
de
porte en s’adressant aux mythes collectifs. C’était l’homme qu’il fal
2027
t très simple : que la société doit être composée
d’
hommes réels. Nous avons tout calculé, sauf ce qui est en effet incalc
2028
é, sauf ce qui est en effet incalculable : l’acte
de
l’homme. Mais le temps vient où les hommes se lassent de théories qui
2029
mme. Mais le temps vient où les hommes se lassent
de
théories qui expliquent tout sauf l’essentiel. Voici notre dilemme :
2030
ci notre dilemme : voulons-nous être des éléments
de
statistique, ou bien des hommes de chair et de sang, reconnaissant le
2031
e des éléments de statistique, ou bien des hommes
de
chair et de sang, reconnaissant leur condition concrète, mais connais
2032
ts de statistique, ou bien des hommes de chair et
de
sang, reconnaissant leur condition concrète, mais connaissant aussi l
2033
mais connaissant aussi leur dignité, leur raison
d’
être personnelle ? Voulons-nous être des personnes ? Voilà le mot lâch
2034
s années dans les jeunes groupes révolutionnaires
de
France et de Belgique, dans la revue Esprit, et surtout dans les cerc
2035
les jeunes groupes révolutionnaires de France et
de
Belgique, dans la revue Esprit, et surtout dans les cercles de L’Ordr
2036
dans la revue Esprit, et surtout dans les cercles
de
L’Ordre nouveau. Qu’est-ce que la personne ? Permettez-moi de renvers
2037
ouveau. Qu’est-ce que la personne ? Permettez-moi
de
renverser la question : Qu’est-ce que ces dieux et ces mythes collect
2038
ces dieux et ces mythes collectifs ? J’ai essayé
de
vous montrer qu’ils sont des créations de l’homme, et particulièremen
2039
essayé de vous montrer qu’ils sont des créations
de
l’homme, et particulièrement de ce personnage égoïste et, en somme, a
2040
ont des créations de l’homme, et particulièrement
de
ce personnage égoïste et, en somme, assez lâche, qu’on appelle l’indi
2041
’une certaine attitude, l’attitude démissionnaire
de
l’homme en fuite devant son destin. Eh bien ! la personne à son tour
2042
stin. Eh bien ! la personne à son tour n’est rien
d’
autre que l’attitude créatrice de l’homme. Tout, en définitive, se jou
2043
tour n’est rien d’autre que l’attitude créatrice
de
l’homme. Tout, en définitive, se joue dans l’homme et se rapporte à l
2044
pporte à lui. Dans l’homme, la masse n’a pas plus
de
puissance que la personne. Dans l’homme, le choix peut avoir lieu, ef
2045
oix peut avoir lieu, effectivement. Et votre rôle
d’
étudiants, c’est-à-dire d’intellectuels, m’apparaît alors dans toute s
2046
tivement. Et votre rôle d’étudiants, c’est-à-dire
d’
intellectuels, m’apparaît alors dans toute sa grandeur. C’est à vous d
2047
paraît alors dans toute sa grandeur. C’est à vous
de
rechercher dans vos pensées les origines concrètes de ces grands fait
2048
echercher dans vos pensées les origines concrètes
de
ces grands faits qui bouleversent le monde. C’est à vous de déceler,
2049
nds faits qui bouleversent le monde. C’est à vous
de
déceler, par exemple, l’origine permanente et virtuelle des dictature
2050
ctatures, dans un fléchissement, en vous, du sens
de
votre destinée personnelle. À l’origine de tout, il y a une attitude
2051
u sens de votre destinée personnelle. À l’origine
de
tout, il y a une attitude de l’homme, j’ai essayé de vous montrer l’a
2052
onnelle. À l’origine de tout, il y a une attitude
de
l’homme, j’ai essayé de vous montrer l’attitude de celui qui se réfug
2053
tout, il y a une attitude de l’homme, j’ai essayé
de
vous montrer l’attitude de celui qui se réfugie dans l’Histoire42, qu
2054
e l’homme, j’ai essayé de vous montrer l’attitude
de
celui qui se réfugie dans l’Histoire42, qui pense par périodes sécula
2055
ul éveillé et conscient des réalités. ]’ai essayé
de
vous montrer qu’en pensant historiquement, il fonde, dès maintenant,
2056
dès maintenant, en lui, la dictature du nombre et
de
l’irresponsable. Je pourrais maintenant vous donner une contrepartie,
2057
s maintenant vous donner une contrepartie, tenter
de
vous décrire la pensée personnaliste, la pensée qui ne veut s’attache
2058
les tâches immédiates. La personne, au contraire,
de
l’individu perdu dans l’Histoire, vit d’instant en instant, d’une tâc
2059
ntraire, de l’individu perdu dans l’Histoire, vit
d’
instant en instant, d’une tâche à une autre, d’un acte à un autre acte
2060
perdu dans l’Histoire, vit d’instant en instant,
d’
une tâche à une autre, d’un acte à un autre acte, toujours imprévisibl
2061
it d’instant en instant, d’une tâche à une autre,
d’
un acte à un autre acte, toujours imprévisible, toujours aventureuse.
2062
el. Quel est donc, nous dit-on, le fondement réel
de
la personne ? Est-ce une vue philosophique ? Est-ce une attitude niet
2063
réponse à toutes ces questions, c’est la réponse
de
l’Évangile. Faites toutes les sociétés que vous voudrez, bouleversez
2064
seul nous le désigne, bien plus : il nous ordonne
de
l’être. Et voilà la réalité décisive. Tous, nous avons reçu de Dieu c
2065
voilà la réalité décisive. Tous, nous avons reçu
de
Dieu cet ordre : tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tous donc, n
2066
s deux ne sont possibles que dans cet acte unique
d’
obéissance à l’ordre de Dieu, qui s’appelle l’amour du prochain. Je di
2067
s que dans cet acte unique d’obéissance à l’ordre
de
Dieu, qui s’appelle l’amour du prochain. Je dis bien : acte, et il fa
2068
rance à l’égard du voisin, une façon plus commode
de
vivre en société. On a transporté dans l’histoire cet amour qui doit
2069
onne, mais aussi ce que Jésus-Christ nous ordonne
d’
être : le prochain. Lorsque les docteurs de la loi voulurent éprouver
2070
rdonne d’être : le prochain. Lorsque les docteurs
de
la loi voulurent éprouver Jésus, l’un d’entre eux se leva et lui dit
2071
parabole, celle du Bon Samaritain. Et le docteur
de
la loi découvrit cette vérité que toute sa religion n’avait pas pu lu
2072
ce, en actes, la miséricorde. Cet acte, en chacun
de
nous, peut être vainqueur de l’Histoire. Cet acte, à chaque fois qu’i
2073
Cet acte, en chacun de nous, peut être vainqueur
de
l’Histoire. Cet acte, à chaque fois qu’il nous est donné de le faire,
2074
ire. Cet acte, à chaque fois qu’il nous est donné
de
le faire, rétablit le rapport humain, fonde notre destin personnel, e
2075
société possible. Ne nous y trompons pas : l’acte
de
la miséricorde, c’est l’acte le plus révolutionnaire qui ait jamais p
2076
mal à sa racine, qui est en nous, qui est au fond
de
notre désespoir. Les grandes lois historiques et révolutionnaires peu
2077
ques et révolutionnaires peuvent bien nous servir
de
refuge, de prétextes et d’arguments au service de nos passions, au se
2078
olutionnaires peuvent bien nous servir de refuge,
de
prétextes et d’arguments au service de nos passions, au secours de no
2079
uvent bien nous servir de refuge, de prétextes et
d’
arguments au service de nos passions, au secours de notre misère matér
2080
de refuge, de prétextes et d’arguments au service
de
nos passions, au secours de notre misère matérielle. Mais elles ne pé
2081
’arguments au service de nos passions, au secours
de
notre misère matérielle. Mais elles ne pénètrent jamais dans l’intimi
2082
e. Mais elles ne pénètrent jamais dans l’intimité
de
notre être, là où réside le désespoir de l’homme qui ne connaît pas s
2083
intimité de notre être, là où réside le désespoir
de
l’homme qui ne connaît pas son destin. Après tout, l’homme désespéré,
2084
’est pas la connaissance intellectuelle du destin
de
sa classe ou de sa race qui va suffire pour l’arracher à sa misère ;
2085
aissance intellectuelle du destin de sa classe ou
de
sa race qui va suffire pour l’arracher à sa misère ; il lui faut une
2086
ant. Nous ne rencontrons personne au monde, avant
d’
avoir rencontré Dieu. 42. L’Histoire au sens hégélien du mot, c’est
2087
us exactement : l’Évolution. u. Rougemont Denis
de
, « Destin du siècle ou vocation personnelle ? », Foi et Vie, Paris, f
2088
Deux essais
de
philosophes chrétiens (mai 1934)v Combien existe-t-il en France de
2089
iens (mai 1934)v Combien existe-t-il en France
de
personnes intelligentes ? Pour le juger il ne faudrait sans doute pas
2090
e faudrait sans doute pas se fier au tirage moyen
d’
un ouvrage « difficile ». Seul, Bergson, avec ses Deux Sources pourrai
2091
un honnête romancier. On s’étonnera, sans doute,
de
m’en voir étonné. Je m’étonne davantage de ce qu’on trouve cela norma
2092
doute, de m’en voir étonné. Je m’étonne davantage
de
ce qu’on trouve cela normal. Ce fut toujours le cas, me dira-t-on ? M
2093
n ? Mais ce n’est point partout le cas. L’exemple
de
l’Allemagne peut nous faire réfléchir. Les philosophes y connaissent
2094
l’idée ; et même les théologiens. Le Römerbrief,
de
Barth, en est au 20e mille. Un Keyserling, un Heidegger, un Karl Jasp
2095
bord, et, en particulier, à cette espèce nouvelle
de
critiques qu’on nomme les « courriéristes littéraires ». Ce n’est un
2096
t pour beaucoup à déterminer le succès ou l’échec
d’
une œuvre. Il semblerait, dès lors, que leur autorité — sinon de droit
2097
l semblerait, dès lors, que leur autorité — sinon
de
droit, du moins de fait — dût s’exercer au bénéfice des auteurs réput
2098
ors, que leur autorité — sinon de droit, du moins
de
fait — dût s’exercer au bénéfice des auteurs réputés « difficiles ».
2099
ontraire qu’on peut voir. Le critique qui dispose
d’
un feuilleton régulier dans un hebdomadaire ou un quotidien n’est, en
2100
, pas un critique, mais un commentateur des goûts
de
son public. Bien loin d’avoir à cœur de signaler les œuvres qui risqu
2101
n commentateur des goûts de son public. Bien loin
d’
avoir à cœur de signaler les œuvres qui risqueraient, sans lui, d’être
2102
des goûts de son public. Bien loin d’avoir à cœur
de
signaler les œuvres qui risqueraient, sans lui, d’être incomprises ou
2103
e signaler les œuvres qui risqueraient, sans lui,
d’
être incomprises ou ignorées, il se contente, la plupart du temps, d’ê
2104
ou ignorées, il se contente, la plupart du temps,
d’
être l’écho de la vague rumeur entretenue par la publicité autour d’un
2105
l se contente, la plupart du temps, d’être l’écho
de
la vague rumeur entretenue par la publicité autour d’un « succès » de
2106
a vague rumeur entretenue par la publicité autour
d’
un « succès » de saison. Mais l’insuccès notoire des philosophes auprè
2107
ntretenue par la publicité autour d’un « succès »
de
saison. Mais l’insuccès notoire des philosophes auprès du grand publi
2108
vere se trouve être réalisé, et quel besoin alors
d’
un deinde. Que demander aux hommes, sinon qu’ils vivent bien ! On se s
2109
hommes, sinon qu’ils vivent bien ! On se souvient
de
la noble réponse de ce proscrit de la Révolution auquel on demandait
2110
vivent bien ! On se souvient de la noble réponse
de
ce proscrit de la Révolution auquel on demandait à son retour en Fran
2111
On se souvient de la noble réponse de ce proscrit
de
la Révolution auquel on demandait à son retour en France ce qu’il ava
2112
ui se montre. Sous prétexte de science, la pensée
de
nos maîtres s’est tellement détachée du concret de nos vies que l’on
2113
e nos maîtres s’est tellement détachée du concret
de
nos vies que l’on comprend sans peine l’indifférence où le public la
2114
es qui se posent en fait. Mais que faut-il penser
de
ces techniques d’abstention ? ⁂ Tel est l’état des choses. Public et
2115
n fait. Mais que faut-il penser de ces techniques
d’
abstention ? ⁂ Tel est l’état des choses. Public et philosophes ont si
2116
Public et philosophes ont si bien pris l’habitude
de
s’ignorer, qu’on est en droit de se demander si leur rencontre, à sup
2117
pris l’habitude de s’ignorer, qu’on est en droit
de
se demander si leur rencontre, à supposer qu’elle se produise, ne sig
2118
seurs ? On verrait éclater, je pense, l’absurdité
d’
une pensée inhumaine, en même temps que l’incohérence d’une action tro
2119
pensée inhumaine, en même temps que l’incohérence
d’
une action trop longtemps dépourvue de tout contrôle spirituel. N’est-
2120
incohérence d’une action trop longtemps dépourvue
de
tout contrôle spirituel. N’est-ce point l’obscur pressentiment d’un t
2121
spirituel. N’est-ce point l’obscur pressentiment
d’
un tel péril qui explique, en dernière analyse, la méfiance réciproque
2122
ère analyse, la méfiance réciproque dont je viens
d’
indiquer l’un des symptômes les plus extérieurs ? Supposez, maintenant
2123
n sait l’influence qu’il exerça sur les prodromes
de
l’hitlérisme.) Les risques qu’elle entraîne sont proprement incalcula
2124
ux-là seuls qui n’ont pas à subordonner la vérité
de
leur message aux calculs de l’opportunisme. Quelques exaltés, pensera
2125
subordonner la vérité de leur message aux calculs
de
l’opportunisme. Quelques exaltés, pensera-t-on ? Quelques cyniques, o
2126
ller quelques chrétiens. Leur office n’est-il pas
de
rappeler aux peuples où se trouvent les vraies valeurs, sans attendre
2127
rieuse ni plus nette vocation. Le lieu, les modes
de
son obéissance sont plus visibles qu’ils ne le furent jamais. Si la p
2128
et action se confondent. Si elle veut être digne
de
son nom, c’est à elle seule d’oser ce que les autres ne peuvent pas o
2129
le veut être digne de son nom, c’est à elle seule
d’
oser ce que les autres ne peuvent pas oser. C’est à elle seule d’entre
2130
es autres ne peuvent pas oser. C’est à elle seule
d’
entreprendre la confrontation générale des valeurs dont le monde croit
2131
nt. Car elle seule, si toutefois elle reste digne
de
sa charge, elle seule n’a rien à y perdre. Faut-il rappeler ici les
2132
. Faut-il rappeler ici les graves avertissements
de
Berdiaev ? Faut-il une fois de plus évoquer les menaces qui pèsent su
2133
ffrayer le chrétien, mais le risque plus immédiat
de
faillir à sa vocation. Ces réflexions nous serviront, pour aujourd’h
2134
Ces réflexions nous serviront, pour aujourd’hui,
d’
introduction à deux essais de philosophes chrétiens : L’Homme du resse
2135
t, pour aujourd’hui, d’introduction à deux essais
de
philosophes chrétiens : L’Homme du ressentiment, de Max Scheler44, Po
2136
philosophes chrétiens : L’Homme du ressentiment,
de
Max Scheler44, Position et approches concrètes du mystère ontologique
2137
et approches concrètes du mystère ontologique 45,
de
Gabriel Marcel. L’un et l’autre, ils répondent au vœu que j’ai tenté
2138
n et l’autre, ils répondent au vœu que j’ai tenté
de
formuler. Ils s’attaquent à cette « transmutation des valeurs » que t
2139
sserl et Martin Heidegger. On sait que la coutume
de
ces philosophes est de fonder leurs analyses sur des totalités, sur d
2140
er. On sait que la coutume de ces philosophes est
de
fonder leurs analyses sur des totalités, sur des unités d’expérience
2141
leurs analyses sur des totalités, sur des unités
d’
expérience sensible, saisies telles qu’elles se présentent au sein d’u
2142
grand service rendu par la phénoménologie, c’est
de
nous avoir délivrés d’une psychologie qui dissociait les unités vivan
2143
r la phénoménologie, c’est de nous avoir délivrés
d’
une psychologie qui dissociait les unités vivantes en éléments abstrai
2144
ensuite ces éléments sans tenir compte du sens et
de
l’intention de l’ensemble. La « totalité d’expérience et d’actions vé
2145
ments sans tenir compte du sens et de l’intention
de
l’ensemble. La « totalité d’expérience et d’actions vécues » que Sche
2146
ns et de l’intention de l’ensemble. La « totalité
d’
expérience et d’actions vécues » que Scheler étudie dans ce petit livr
2147
tion de l’ensemble. La « totalité d’expérience et
d’
actions vécues » que Scheler étudie dans ce petit livre, c’est le phén
2148
s aristocratiques. La haine jalouse et rancunière
de
l’esclave opprimé, a trouvé, selon Nietzsche, son expression détourné
2149
enversement des valeurs « nobles » qu’il ne cesse
de
reprocher au christianisme. Voici comment il le décrit : … l’impuiss
2150
ent il le décrit : … l’impuissance qui n’use pas
de
représailles devient par un mensonge, la « bonté » ; la craintive bas
2151
soumission : ils l’appellent Dieu). Ce qu’il y a
d’
inoffensif chez l’être faible, sa lâcheté, cette lâcheté dont il est r
2152
porte, inévitablement, cette lâcheté se pare ici
d’
un nom bien sonnant, et s’appelle « patience », parfois même « vertu »
2153
us seuls savons ce qu’ils font »). On parle aussi
de
l’« amour de ses ennemis » et l’on « sue à grosses gouttes ». Il est
2154
ns ce qu’ils font »). On parle aussi de l’« amour
de
ses ennemis » et l’on « sue à grosses gouttes ». Il est facile de di
2155
et l’on « sue à grosses gouttes ». Il est facile
de
dire que Nietzsche exagère ; plus difficile de contester la cruelle p
2156
le de dire que Nietzsche exagère ; plus difficile
de
contester la cruelle pénétration dont témoigne un passage de ce genre
2157
r la cruelle pénétration dont témoigne un passage
de
ce genre. Mais si l’on donne raison à sa description du ressentiment
2158
ue Nietzsche allègue. Pour Scheler, les reproches
de
Nietzsche s’adressent en vérité à l’humanitarisme, et nullement à l’É
2159
humanitaires, qui me paraît renfermer l’essentiel
de
son livre. Le lecteur se sent pris de vertige à découvrir la profonde
2160
l’essentiel de son livre. Le lecteur se sent pris
de
vertige à découvrir la profondeur et la gravité des confusions morale
2161
nais pas de plus salutaire leçon pour un chrétien
d’
aujourd’hui que ce chapitre impitoyable et précis. Voici sa thèse cent
2162
ale : nous en sommes venus à substituer « l’amour
de
l’humanité » à l’amour du prochain commandé par le Christ : et c’est
2163
andé par le Christ : et c’est au nom de cet amour
de
l’humanité que nous revendiquons les fausses valeurs décrites par Nie
2164
crites par Nietzsche. Nous ne voulons plus l’acte
d’
amour personnel — qui est une valeur héroïque —, mais nous prônons tou
2165
ons tout simplement un sentiment que nous jugeons
d’
autant plus « idéal » qu’il exige de nous un moindre sacrifice. (On él
2166
nous jugeons d’autant plus « idéal » qu’il exige
de
nous un moindre sacrifice. (On éloigne l’amour : ainsi l’amour de la
2167
re sacrifice. (On éloigne l’amour : ainsi l’amour
de
la patrie passe avant celui du prochain, l’amour du genre humain avan
2168
du prochain, l’amour du genre humain avant celui
de
la patrie.) Cet humanitarisme entraîne toute une série de perversions
2169
trie.) Cet humanitarisme entraîne toute une série
de
perversions : un certain altruisme d’abord, qui prend la place de l’a
2170
un certain altruisme d’abord, qui prend la place
de
l’acte de miséricorde ; une pitié veule et platonique qui est le cont
2171
n altruisme d’abord, qui prend la place de l’acte
de
miséricorde ; une pitié veule et platonique qui est le contraire du c
2172
onique qui est le contraire du courage et non pas
de
la cruauté ; un internationalisme qui n’est qu’une rancune contre la
2173
e ; un pacifisme qui traduit bien plus la crainte
de
« se faire des ennemis » que la surnaturelle paix annoncée par le Chr
2174
ceux qui luttent (dans leurs luttes et au-dessus
d’
elles) ; un égalitarisme qui renie la réalité chrétienne de la vocatio
2175
; un égalitarisme qui renie la réalité chrétienne
de
la vocation… Je suis loin d’épuiser la liste. L’extrême gravité que p
2176
a réalité chrétienne de la vocation… Je suis loin
d’
épuiser la liste. L’extrême gravité que présentent ces perversions de
2177
L’extrême gravité que présentent ces perversions
de
l’Évangile vient de ce que les chrétiens s’y sont laissés prendre. C’
2178
ns s’y sont laissés prendre. C’est tout le procès
de
la morale laïque, ou kantienne, qu’amorce ici Scheler. Je ne veux don
2179
’il propose. L’Épargne, autrefois participation
de
l’idéal évangélique de la pauvreté volontaire, c’est-à-dire de la not
2180
e, autrefois participation de l’idéal évangélique
de
la pauvreté volontaire, c’est-à-dire de la notion de sacrifice, et, p
2181
angélique de la pauvreté volontaire, c’est-à-dire
de
la notion de sacrifice, et, par ailleurs, qualité pratique (et non pa
2182
la pauvreté volontaire, c’est-à-dire de la notion
de
sacrifice, et, par ailleurs, qualité pratique (et non pas vertu) reco
2183
est désormais une vertu sans lien avec la notion
de
sacrifice ou avec l’idéal évangélique et, pour comble, vertu de riche
2184
u avec l’idéal évangélique et, pour comble, vertu
de
riche, mais qui retient encore le pathos chrétien que renferme le mot
2185
lignes décrivent assez bien le mouvement général
de
la critique de Scheler. À l’origine de toutes les valeurs bourgeoises
2186
nt assez bien le mouvement général de la critique
de
Scheler. À l’origine de toutes les valeurs bourgeoises il n’y a pas l
2187
nt général de la critique de Scheler. À l’origine
de
toutes les valeurs bourgeoises il n’y a pas la Loi, ni l’Évangile, il
2188
e, il y a tout au contraire une sournoise révolte
de
l’homme naturel, une poussée de ressentiment contre l’héroïsme chréti
2189
sournoise révolte de l’homme naturel, une poussée
de
ressentiment contre l’héroïsme chrétien ; à l’origine de l’amour de l
2190
entiment contre l’héroïsme chrétien ; à l’origine
de
l’amour de l’humanité, il y a, comme Fichte l’avait vu, une haine des
2191
ntre l’héroïsme chrétien ; à l’origine de l’amour
de
l’humanité, il y a, comme Fichte l’avait vu, une haine des hommes ; b
2192
a morale usurpe l’apparence évangélique, en haine
de
l’Évangile et de ses exigences concrètes. Est-il besoin de marquer, p
2193
’apparence évangélique, en haine de l’Évangile et
de
ses exigences concrètes. Est-il besoin de marquer, pour finir, que ce
2194
gile et de ses exigences concrètes. Est-il besoin
de
marquer, pour finir, que cette critique de l’esprit bourgeois englobe
2195
besoin de marquer, pour finir, que cette critique
de
l’esprit bourgeois englobe également le socialisme humanitaire et le
2196
isme humanitaire et le marxisme, qui sont, à tant
d’
égards, de simples aveux des tendances plus ou moins déguisées du bour
2197
itaire et le marxisme, qui sont, à tant d’égards,
de
simples aveux des tendances plus ou moins déguisées du bourgeois ? ⁂
2198
ait publiée depuis sa conversion. On est heureux
de
constater qu’elle marque un élargissement en même temps qu’une simpli
2199
élargissement en même temps qu’une simplification
de
sa pensée, par rapport au Journal métaphysique. M. Marcel est un de c
2200
rapport au Journal métaphysique. M. Marcel est un
de
ceux dont nous devons attendre qu’il fasse passer de l’air dans la ph
2201
ceux dont nous devons attendre qu’il fasse passer
de
l’air dans la philosophie française ; un de ceux pour lesquels philos
2202
asser de l’air dans la philosophie française ; un
de
ceux pour lesquels philosopher ne figure pas l’activité de ceux qui n
2203
our lesquels philosopher ne figure pas l’activité
de
ceux qui n’en veulent point avoir. Son essai manifeste une volonté tr
2204
avoir. Son essai manifeste une volonté très nette
de
passer outre aux prudences intéressées de la scolastique laïque. Nos
2205
s nette de passer outre aux prudences intéressées
de
la scolastique laïque. Nos après-venants seront sans doute fort étonn
2206
Nos après-venants seront sans doute fort étonnés
d’
apprendre qu’il fallait, en 1934, un courage véritable pour utiliser e
2207
ce, la présence ou la fidélité. Certes, l’exemple
de
la phénoménologie a ouvert la voie à une nouvelle liberté de la pensé
2208
ménologie a ouvert la voie à une nouvelle liberté
de
la pensée ; mais, jusqu’ici, peu l’ont suivie, en France. Sachons gré
2209
uivie, en France. Sachons gré à M. Gabriel Marcel
de
nous donner l’exemple d’une « présence » et d’une « fidélité » vraime
2210
gré à M. Gabriel Marcel de nous donner l’exemple
d’
une « présence » et d’une « fidélité » vraiment chrétienne. « Philosop
2211
el de nous donner l’exemple d’une « présence » et
d’
une « fidélité » vraiment chrétienne. « Philosopher, c’est apprendre à
2212
é permanente du suicide est en ce sens48 le point
d’
amorçage peut-être essentiel de toute pensée métaphysique » (p. 276).
2213
ce sens48 le point d’amorçage peut-être essentiel
de
toute pensée métaphysique » (p. 276). Je ne puis résumer que les thèm
2214
que » (p. 276). Je ne puis résumer que les thèmes
d’
une méditation qui se propose pour objet d’approcher le mystère indéfi
2215
thèmes d’une méditation qui se propose pour objet
d’
approcher le mystère indéfinissable de l’être. « Il faut qu’il y ait,
2216
pour objet d’approcher le mystère indéfinissable
de
l’être. « Il faut qu’il y ait, dit M. Marcel, ou il faudrait qu’il y
2217
y ait, dit M. Marcel, ou il faudrait qu’il y eût
de
l’être, que tout ne se réduisît pas à un jeu d’apparences successives
2218
t de l’être, que tout ne se réduisît pas à un jeu
d’
apparences successives et inconsistantes — ce dernier mot est essentie
2219
mot est essentiel — ou, pour reprendre la phrase
de
Shakespeare, à une histoire racontée par un idiot » (p. 261). C’est u
2220
ontée par un idiot » (p. 261). C’est une histoire
de
ce genre qui caractérise malheureusement l’existence de l’homme moder
2221
genre qui caractérise malheureusement l’existence
de
l’homme moderne, emprisonné dans la catégorie du « tout naturel » inc
2222
tégorie du « tout naturel » incapable, par suite,
de
s’interroger sur les sources de son être. Les philosophes lui sont de
2223
pable, par suite, de s’interroger sur les sources
de
son être. Les philosophes lui sont de peu de recours. Ils ont fait de
2224
les sources de son être. Les philosophes lui sont
de
peu de recours. Ils ont fait de l’être un problème qu’ils placent dev
2225
losophes lui sont de peu de recours. Ils ont fait
de
l’être un problème qu’ils placent devant eux et qu’ils se mettent à c
2226
u ! Mais, dit l’auteur, « je ne puis me dispenser
de
me demander du même coup : qui suis-je, moi qui questionne sur l’être
2227
’en approcher figure déjà par elle-même une sorte
de
participation concrète à l’être. Démarche négative du désespoir, posi
2228
l’être. Démarche négative du désespoir, positive
de
l’espérance, — elles sont inséparables jusqu’au bout, note M. Marcel,
2229
ui m’apparaît ici très « dialectique » — démarche
de
la création qui va toujours dans le sens de l’être, à condition qu’el
2230
arche de la création qui va toujours dans le sens
de
l’être, à condition qu’elle soit soutenue par une fidélité que l’aute
2231
l usage entièrement légitime qu’elle puisse faire
de
sa liberté consiste précisément à reconnaître qu’elle ne s’appartient
2232
rçu si schématique fait tort au caractère concret
de
cette méditation. Si son mérite principal est à mes yeux d’avoir reva
2233
éditation. Si son mérite principal est à mes yeux
d’
avoir revalorisé un certain nombre de motifs vitaux négligés par la te
2234
t à mes yeux d’avoir revalorisé un certain nombre
de
motifs vitaux négligés par la technique idéaliste, d’autre part, il f
2235
te, d’autre part, il faut vivement louer l’auteur
de
conserver à chaque page le souci des références à l’actuel. La descri
2236
références à l’actuel. La description qu’il fait
de
l’homme moderne réduit à un complexe de fonctions ; ses allusions au
2237
u’il fait de l’homme moderne réduit à un complexe
de
fonctions ; ses allusions au désordre social ; la corrélation qu’il i
2238
chnique et une philosophie du désespoir, — autant
de
traits qui nous assurent que les problèmes débattus dans ce livre son
2239
ent que les problèmes débattus dans ce livre sont
de
ceux qui se posent ; non point de ceux que l’on se plaît à poser grat
2240
s ce livre sont de ceux qui se posent ; non point
de
ceux que l’on se plaît à poser gratuitement pour esquiver les choix c
2241
démarche assez sinueuse, le titre un peu rebutant
de
cet essai, ne nous empêcheront pas de voir qu’il y a là les éléments
2242
eu rebutant de cet essai, ne nous empêcheront pas
de
voir qu’il y a là les éléments d’une critique pénétrante de nos modes
2243
empêcheront pas de voir qu’il y a là les éléments
d’
une critique pénétrante de nos modes de vivre, je dirai plus : quelque
2244
’il y a là les éléments d’une critique pénétrante
de
nos modes de vivre, je dirai plus : quelques-uns des fondements d’une
2245
s éléments d’une critique pénétrante de nos modes
de
vivre, je dirai plus : quelques-uns des fondements d’une éthique de l
2246
ivre, je dirai plus : quelques-uns des fondements
d’
une éthique de l’être qu’il est urgent que les chrétiens opposent à la
2247
plus : quelques-uns des fondements d’une éthique
de
l’être qu’il est urgent que les chrétiens opposent à la « morale des
2248
é. 43. On trouvera dans les excellents articles
d’
Henry Corbin, publiés par Hic et Nunc (n° 1 et 2), le développement de
2249
iés par Hic et Nunc (n° 1 et 2), le développement
de
cette thèse : que philosopher ne peut être qu’une forme de vivre. 44
2250
thèse : que philosopher ne peut être qu’une forme
de
vivre. 44. Librairie Gallimard, collect. Les Essais. Traduit de l’al
2251
Librairie Gallimard, collect. Les Essais. Traduit
de
l’allemand par un anonyme. 45. Cet essai constitue la seconde partie
2252
onyme. 45. Cet essai constitue la seconde partie
d’
un volume intitulé le Monde cassé. La première partie est un drame en
2253
ui n’est pas à proprement parler une illustration
de
l’essai, mais qui est né dans le même temps, et participe de la même
2254
mais qui est né dans le même temps, et participe
de
la même problématique (Desclée, De Brouwer). 46. Cf. Généalogie de l
2255
, et participe de la même problématique (Desclée,
De
Brouwer). 46. Cf. Généalogie de la Morale (Mercure de France). 47.
2256
atique (Desclée, De Brouwer). 46. Cf. Généalogie
de
la Morale (Mercure de France). 47. Converti au catholicisme après av
2257
it percer par endroits, dans ce livre, une espèce
de
ressentiment à l’égard de la Réforme : d’où une série d’erreurs assez
2258
espèce de ressentiment à l’égard de la Réforme :
d’
où une série d’erreurs assez grossières sur Luther. 48. L’auteur ente
2259
entiment à l’égard de la Réforme : d’où une série
d’
erreurs assez grossières sur Luther. 48. L’auteur entend : relativeme
2260
me paraît dangereusement lié à certain idéalisme
de
la « vie intérieure ». Je ne vois pas où le recueillement décrit par
2261
a place, entre la prière et l’acte, seuls moments
d’
unité dans la vie du chrétien. v. Rougemont Denis de, « Deux essais
2262
ité dans la vie du chrétien. v. Rougemont Denis
de
, « Deux essais de philosophes chrétiens », Foi et Vie, Paris, mai 193
2263
chrétien. v. Rougemont Denis de, « Deux essais
de
philosophes chrétiens », Foi et Vie, Paris, mai 1934, p. 415-422.
2264
t en 1855. Presque toute son œuvre, une vingtaine
de
volumes, à quoi nous pouvons ajouter dix-huit volumes de papiers post
2265
mes, à quoi nous pouvons ajouter dix-huit volumes
de
papiers posthumes, fut composée en l’espace de douze années. Le père
2266
es de papiers posthumes, fut composée en l’espace
de
douze années. Le père de Kierkegaard avait passé son enfance à garder
2267
udit le Dieu tout-puissant qui le laissait mourir
de
faim. Ce blasphème assombrit toute sa vie ; il ne l’empêcha pas de fa
2268
hème assombrit toute sa vie ; il ne l’empêcha pas
de
faire fortune. Et c’est ainsi que Kierkegaard reçut en héritage de so
2269
Et c’est ainsi que Kierkegaard reçut en héritage
de
son père, après une sévère éducation piétiste, un secret terrifiant e
2270
tira son œuvre ; sa fortune, il la confia à l’un
de
ses frères, ne voulant pas avoir affaire aux banques. Lorsqu’il mouru
2271
ans, il n’en subsistait rien. L’argent provenait
d’
une malédiction, pensait-il, il l’avait donc dilapidé, surtout en dons
2272
ait très simple. Il travaillait une grande partie
de
la nuit. Il aimait se promener à l’aube. Puis il se remettait à écrir
2273
idi, on le voyait parcourir la rue la plus animée
de
la ville, parler, rire et discuter avec des bourgeois, des jeunes fil
2274
ilhouette, ses plaisanteries, il avait sa légende
d’
« original ». On savait aussi qu’il était le meilleur écrivain de son
2275
On savait aussi qu’il était le meilleur écrivain
de
son pays. Sa première œuvre eut un immense succès ; mais à mesure qu’
2276
rta, effrayé. Lorsqu’en 1854 il se mit à attaquer
de
front, avec une extrême violence, le christianisme officiel et les év
2277
nt tous les hommes ». Le seul événement extérieur
de
sa vie fut la rupture de ses fiançailles avec Régine Olsen. Mais son
2278
seul événement extérieur de sa vie fut la rupture
de
ses fiançailles avec Régine Olsen. Mais son acte, après lequel il put
2279
ais son acte, après lequel il put mourir, certain
d’
avoir accompli sa mission, ce fut son attaque contre le christianisme
2280
Christ de l’Évangile. Il avait terminé les études
de
théologie, mais il ne fut jamais pasteur. Il lui arriva pourtant de p
2281
il ne fut jamais pasteur. Il lui arriva pourtant
de
prêcher, et ses sermons, réunis sous le titre général de Discours d’é
2282
sermons, réunis sous le titre général de Discours
d’
édification, remplissent plusieurs volumes. Ce furent les seuls écrits
2283
Tous ses ouvrages esthétiques et philosophiques,
de
la Répétition à l’Exercice du christianisme, en passant par la Maladi
2284
passant par la Maladie mortelle 50 et le Concept
d’
angoisse, parurent sous divers pseudonymes symboliques. Il voulait sig
2285
ces ouvrages n’exprimaient pas encore la totalité
de
son message chrétien, et qu’il ne pouvait pas en assumer l’entière re
2286
Dieu et devant les hommes. Ce ne fut qu’à la fin
de
sa vie qu’il s’offrit sans masques à la lutte contre l’Église établie
2287
te à tendance religieuse » et non pas un « témoin
de
la vérité » ; c’est qu’il se faisait du christianisme une idée si pur
2288
eux grands maîtres, Heidegger et Jaspers, procède
de
sa philosophie de l’existence. La théologie barthienne se réclame de
2289
, Heidegger et Jaspers, procède de sa philosophie
de
l’existence. La théologie barthienne se réclame de sa thèse principal
2290
e l’existence. La théologie barthienne se réclame
de
sa thèse principale : « Il y a une différence qualitative infinie ent
2291
entre Dieu et l’homme. » Le sens réel et profond
de
toute son œuvre réside dans sa protestation à la fois violente et hum
2292
. Voici le jugement qu’un des meilleurs critiques
de
ce temps51 a porté sur l’ensemble de ses écrits : Kierkegaard fut le
2293
rs critiques de ce temps51 a porté sur l’ensemble
de
ses écrits : Kierkegaard fut le dernier grand protestant. On ne peut
2294
le… L’œuvre la plus profonde et la plus originale
de
Kierkegaard est son Concept de l’angoisse, auquel on ne peut trouver
2295
la plus originale de Kierkegaard est son Concept
de
l’angoisse, auquel on ne peut trouver d’analogie que chez Dostoïevski
2296
Concept de l’angoisse, auquel on ne peut trouver
d’
analogie que chez Dostoïevski. Kierkegaard, d’ailleurs, ne peut être p
2297
lacé qu’à côté du poète russe. Tous deux marchent
de
pair, et aucun autre esprit du siècle ne les dépasse. 50. Traduite
2298
épasse. 50. Traduite en français sous le titre
de
Traité du désespoir. 51. Rudolf Kassner, dans Commerce, n° XII. w.
2299
sner, dans Commerce, n° XII. w. Rougemont Denis
de
, « Notice biographique [Kierkegaard] », Foi et Vie, Paris, août–septe
2300
Nécessité
de
Kierkegaard (août 1934)x On appelle l’esprit… De quoi se plai
2301
kegaard (août 1934)x On appelle l’esprit…
De
quoi se plaint l’intelligence ? Si l’on en croit les écrits les plus
2302
nce ? Si l’on en croit les écrits les plus dignes
de
formuler son opinion, et qui sont pleins d’amères protestations contr
2303
ignes de formuler son opinion, et qui sont pleins
d’
amères protestations contre le règne de la masse et les outrages diver
2304
ont pleins d’amères protestations contre le règne
de
la masse et les outrages divers encourus par l’individu, les Puissanc
2305
issances anonymes et le Standard seraient en voie
de
triompher, et ce serait aux dépens de l’humain. Au sein de cette cris
2306
xistence vient-il produire ? Car il est excellent
de
défendre son moi, surtout lorsqu’il détient plus de réalité que l’ano
2307
défendre son moi, surtout lorsqu’il détient plus
de
réalité que l’anonyme. Mais encore, il faudrait que ce moi fût fondé.
2308
udrait que ce moi fût fondé. Ce n’est pas évident
de
soi, si l’on peut dire : les marxistes le nient avec plus de passion
2309
l’on peut dire : les marxistes le nient avec plus
de
passion que les bourgeois n’apportent à l’affirmer. D’un côté, nous v
2310
ssion que les bourgeois n’apportent à l’affirmer.
D’
un côté, nous voyons une foi, de l’autre, une mauvaise humeur, et cert
2311
ent à l’affirmer. D’un côté, nous voyons une foi,
de
l’autre, une mauvaise humeur, et certains pensent : une mauvaise cons
2312
ombre est plus précieux que le petit : Que la vie
de
l’esprit n’est possible que si l’on a d’abord assuré l’autre vie, la
2313
e vie, la vie des corps, les conditions physiques
de
l’existence. Que la justice est dans l’égalité de tous, et la vertu d
2314
de l’existence. Que la justice est dans l’égalité
de
tous, et la vertu dans l’opinion publique. Que l’histoire évolue selo
2315
évolue selon des lois fatales, et que la volonté
de
quelques-uns n’y changera rien. Que la révolte, enfin, d’un seul cont
2316
ues-uns n’y changera rien. Que la révolte, enfin,
d’
un seul contre la foule serait la marque d’un affreux orgueil, si d’ab
2317
enfin, d’un seul contre la foule serait la marque
d’
un affreux orgueil, si d’abord elle ne témoignait d’un ridicule défaut
2318
un affreux orgueil, si d’abord elle ne témoignait
d’
un ridicule défaut de sens pratique. Et que disent alors les bourgeois
2319
i d’abord elle ne témoignait d’un ridicule défaut
de
sens pratique. Et que disent alors les bourgeois ? Les mêmes phrases,
2320
par le fait qu’ils y croient. Il s’agirait alors
de
croire à quelque chose qui légitime ce scepticisme ou cette « mesure
2321
»… Sinon la foi des uns, fatalement, va triompher
de
la mauvaise humeur défensive des autres. Certes, on y a pensé. Les pl
2322
ertes, on y a pensé. Les plus hardis parlent déjà
de
rendre sa place à « l’esprit »… Mais, quel esprit ? Et qui l’a laissé
2323
e est plus grand que la foule anonyme, que la vie
de
l’esprit n’est possible que si l’on a d’abord renoncé à l’autre vie ;
2324
on a d’abord renoncé à l’autre vie ; que les lois
de
l’histoire ne sont rien si l’acte de l’homme les dément ; que la foi
2325
que les lois de l’histoire ne sont rien si l’acte
de
l’homme les dément ; que la foi d’un seul est plus forte, dans son hu
2326
rien si l’acte de l’homme les dément ; que la foi
d’
un seul est plus forte, dans son humilité et devant Dieu, — car c’est
2327
si chacun n’est pas à sa place là où la vocation
de
Dieu l’a mis. Supposez qu’un tel homme existe. Que va-t-on faire de l
2328
upposez qu’un tel homme existe. Que va-t-on faire
de
lui, de ce héros, n’est-ce pas, des valeurs de l’esprit que justement
2329
qu’un tel homme existe. Que va-t-on faire de lui,
de
ce héros, n’est-ce pas, des valeurs de l’esprit que justement l’on fa
2330
re de lui, de ce héros, n’est-ce pas, des valeurs
de
l’esprit que justement l’on fait profession de défendre ? La biograph
2331
rs de l’esprit que justement l’on fait profession
de
défendre ? La biographie de Kierkegaard va nous l’apprendre. On comme
2332
l’on fait profession de défendre ? La biographie
de
Kierkegaard va nous l’apprendre. On commencera par mettre en doute so
2333
octeur Søren Kierkegaard ? C’est l’homme dépourvu
de
sérieux », lit-on dans un journal du temps. On se moquera de son aspe
2334
», lit-on dans un journal du temps. On se moquera
de
son aspect physique et de ses pantalons trop longs. On montrera sans
2335
du temps. On se moquera de son aspect physique et
de
ses pantalons trop longs. On montrera sans trop de peine que ses idée
2336
e ses pantalons trop longs. On montrera sans trop
de
peine que ses idées sont faites pour rendre la vie impossible, puisqu
2337
rtyre des braves chrétiens, comme si la religion,
de
toute éternité, n’était pas au contraire la façon la plus sage de sup
2338
é, n’était pas au contraire la façon la plus sage
de
supporter les maux de ce bas monde tel qu’il est ! L’Église, par la v
2339
raire la façon la plus sage de supporter les maux
de
ce bas monde tel qu’il est ! L’Église, par la voix de ses évêques, te
2340
e bas monde tel qu’il est ! L’Église, par la voix
de
ses évêques, tentera de prouver qu’il extravague ; on proposera en pu
2341
t ! L’Église, par la voix de ses évêques, tentera
de
prouver qu’il extravague ; on proposera en public de l’interdire d’ac
2342
prouver qu’il extravague ; on proposera en public
de
l’interdire d’accès au temple ; l’opinion unanime accablera son fol o
2343
xtravague ; on proposera en public de l’interdire
d’
accès au temple ; l’opinion unanime accablera son fol orgueil : n’a-t-
2344
ol orgueil : n’a-t-il pas écrit que la presse est
de
nos jours l’obstacle décisif à la prédication du christianisme vérita
2345
qu’elles sont au pire, mais il faut prendre garde
de
laisser croire à nos contemporains que ce pire ne puisse être aggravé
2346
Qu’est-ce que l’esprit ? Donc, on nous parle
de
sauver l’esprit. Qu’est-ce que l’esprit ? « L’esprit, dit Kierkegaard
2347
dit Kierkegaard, c’est la puissance que le savoir
d’
un homme exerce sur sa vie.52 » Ce n’est pas le savoir ; ce n’est pas
2348
s la puissance du savoir en exercice. Il y a bien
de
la différence. Le savoir autonome, ou la puissance, font décorer celu
2349
tre même au martyre. Ne soyez donc pas si pressés
de
défendre les « droits » de l’esprit : ce n’est pas une distinction. E
2350
ez donc pas si pressés de défendre les « droits »
de
l’esprit : ce n’est pas une distinction. Et lequel d’entre nous peut
2351
il a calculé la dépense ? Il faudrait bien savoir
de
quoi l’on parle, et ce n’est peut-être possible que si l’on sait bien
2352
l’on sait bien où l’on va. À quoi tend la pensée…
de
Kierkegaard ? Contre la presse et l’opinion publique, il proteste en
2353
multitudes, il revendique la charité mystérieuse
de
l’ironie ; contre l’histoire, il pose l’acte de l’homme responsable d
2354
e de l’ironie ; contre l’histoire, il pose l’acte
de
l’homme responsable de son destin. Mais tout cela va au martyre, dans
2355
l’histoire, il pose l’acte de l’homme responsable
de
son destin. Mais tout cela va au martyre, dans le monde qu’on nous pr
2356
Il se peut, si pourtant Dieu le veut. L’exigence
de
Kierkegaard se limite à l’instant du choix, où l’homme s’engage, « en
2357
chemin que Dieu lui montre, seul. Cette primauté
de
la foi sur les vérités qui font vivre, cette solitude première devant
2358
en cela que revendiquent les défenseurs du primat
de
l’esprit ? L’esprit est drame, attaque et risque. Et l’on peut douter
2359
rober, mais c’est une triste réponse à la révolte
de
ces pauvres qu’on redoute plus qu’on ne les aime… Si l’on voulait vra
2360
ne les aime… Si l’on voulait vraiment un champion
de
l’esprit, on ferait bien d’aller le prendre parmi ceux-là pour qui l’
2361
vraiment un champion de l’esprit, on ferait bien
d’
aller le prendre parmi ceux-là pour qui l’esprit n’a pas à se défendre
2362
prit n’a pas à se défendre, mais bien à témoigner
de
son incarnation ; on ferait bien d’aller à ceux pour qui l’esprit n’e
2363
n à témoigner de son incarnation ; on ferait bien
d’
aller à ceux pour qui l’esprit n’est pas une espèce de confort, mais u
2364
ler à ceux pour qui l’esprit n’est pas une espèce
de
confort, mais une aventure absolue et comme un jugement de l’homme ;
2365
t, mais une aventure absolue et comme un jugement
de
l’homme ; ainsi Pascal, Nietzsche, Dostoïevski. On pourrait en citer
2366
ourrait en citer quelques autres. Qu’ont-ils donc
de
commun, génie à part ? Peut-être leurs souffrances seulement. Mais s’
2367
leurs souffrances seulement. Mais s’il n’est pas
de
hiérarchie possible en ces parages, le sacrifice y tient lieu de mesu
2368
elle est la nouvelle grandeur, la nouvelle mesure
de
l’esprit. Nous irons donc à ce grand solitaire, à ce témoin extrême e
2369
n extrême et décisif dont la mort, comme un sceau
d’
éternité, attesta dans sa plénitude la primauté de l’acte spirituel :
2370
d’éternité, attesta dans sa plénitude la primauté
de
l’acte spirituel : Kierkegaard. Le grand mal de l’époque, et la terre
2371
é de l’acte spirituel : Kierkegaard. Le grand mal
de
l’époque, et la terreur que commencent d’y semer nos faux dieux, ont
2372
and mal de l’époque, et la terreur que commencent
d’
y semer nos faux dieux, ont réveillé quelques esprits, dont témoigne l
2373
e, ou pour mieux dire, la découverte, parmi nous,
de
cette pensée impitoyable. Remède du pire ? Il fallait bien qu’on se s
2374
her le médecin sévère que la santé moins déprimée
d’
un autre siècle avait tué. C’est aussi qu’il est devenu possible de sa
2375
avait tué. C’est aussi qu’il est devenu possible
de
saisir, dans le déploiement des faits, et des plus marquants de l’épo
2376
s le déploiement des faits, et des plus marquants
de
l’époque, la vérité des anathèmes dont Kierkegaard salua leur naissan
2377
ur naissance. Nous nous tournons vers ce prophète
de
nos malheurs, nous retournons à l’origine où il se tient, nous metton
2378
où il se tient, nous mettons en lui notre espoir
de
trouver un autre chemin : un chemin qui ne mène à Rome, ni à Berlin,
2379
ren Kierkegaard est sans doute le penseur capital
de
notre époque, nous voulons dire : l’objection la plus absolue, la plu
2380
presque insupportable à la présence dans ce temps
de
l’éternel. Car il ne suffit pas d’applaudir à ses thèses pour apaiser
2381
dans ce temps de l’éternel. Car il ne suffit pas
d’
applaudir à ses thèses pour apaiser ce regard qui nous perce, et si no
2382
es sourds à sa voix, comment étouffer le scandale
de
cette mort qui définit le destin de l’esprit parmi nous ? Si l’Opinio
2383
r le scandale de cette mort qui définit le destin
de
l’esprit parmi nous ? Si l’Opinion publique a tué Kierkegaard, elle n
2384
inion publique a tué Kierkegaard, elle n’a pas eu
de
prise sur les sarcasmes dont il l’a flétrie, plus charitables cependa
2385
cours en l’honneur du progrès, car tout l’honneur
de
notre temps sera peut-être, par une compensation mystérieuse, d’avoir
2386
sera peut-être, par une compensation mystérieuse,
d’
avoir compris mieux qu’aucun autre le message du « solitaire devant Di
2387
, reparaître les traits ironiques du grand visage
de
Kierkegaard, il me vient à l’esprit une image dont le burlesque n’aur
2388
que n’aurait pas déplu à l’humeur shakespearienne
de
notre philosophe. C’est l’image du chat d’Alice in Wonderland. Souven
2389
rienne de notre philosophe. C’est l’image du chat
d’
Alice in Wonderland. Souvenez-vous de ce chat, immense et subversif, d
2390
mage du chat d’Alice in Wonderland. Souvenez-vous
de
ce chat, immense et subversif, dont le rire a le don d’exaspérer la R
2391
chat, immense et subversif, dont le rire a le don
d’
exaspérer la Reine. Elle tempête et hurle son cri favori : « Qu’on lui
2392
pose autour de cette angoissante mimique. Le rire
de
Kierkegaard sur notre temps ! Dans un monde où règne la masse, règne
2393
evant le dictateur, ni dans les rangs des troupes
d’
assaut. Ah ! si le rire est le propre de l’homme, nous voici devenus b
2394
s troupes d’assaut. Ah ! si le rire est le propre
de
l’homme, nous voici devenus bien inhumains ! Il semble que chacun por
2395
blé par tous les malheurs du temps, dont il feint
de
se croire victime ou responsable53. De cet homme, justement, que l’Hi
2396
t il feint de se croire victime ou responsable53.
De
cet homme, justement, que l’Histoire fait trembler et qui se réfugie
2397
voir un film pour s’oublier dans un drame fictif,
de
cet homme affolé par la lecture de son journal, — mais qui porte l’en
2398
drame fictif, de cet homme affolé par la lecture
de
son journal, — mais qui porte l’enfer dans son âme ! — Kierkegaard a
2399
ini ». Il faut risquer cette expression : le rire
de
la charité chrétienne. « Le christianisme a découvert une misère dont
2400
rire scandaleux ? Parce que « la crainte infinie
d’
un seul danger nous rendrait tous les autres inexistants ». Mais cette
2401
us les autres inexistants ». Mais cette « crainte
d’
un seul danger » peut-elle encore, sérieusement, caractériser le chrét
2402
ore, sérieusement, caractériser le chrétien moyen
de
ce temps ? C’est ici que l’ironie de Kierkegaard tourne son aiguillon
2403
rétien moyen de ce temps ? C’est ici que l’ironie
de
Kierkegaard tourne son aiguillon contre le « monde chrétien », celui
2404
ontre le « monde chrétien », celui qui se réclame
de
l’esprit, ou qui fait profession de l’appeler. « Le Nouveau Testament
2405
ui se réclame de l’esprit, ou qui fait profession
de
l’appeler. « Le Nouveau Testament ressemble à une satire de l’homme.
2406
er. « Le Nouveau Testament ressemble à une satire
de
l’homme. Il contient des consolations et encore des consolations pour
2407
ine… » Et c’est la tragi-comédie du christianisme
de
la chrétienté. Pauvre chrétien moyen, qu’as-tu souffert pour ta doctr
2408
endant choisir. Ou bien tu crois à la seule grâce
de
Dieu, dans l’abîme infini où tu te vois, ou bien tu crois aussi à ce
2409
ù tu te vois, ou bien tu crois aussi à ce sérieux
de
l’existence symbolisé par la caisse d’épargne. Ou bien tu joues toute
2410
ce sérieux de l’existence symbolisé par la caisse
d’
épargne. Ou bien tu joues toute ta vie sur le pardon, ou bien tu te re
2411
. Ou bien tu vois que la question brûlante, c’est
de
savoir si toi, tu es chrétien, ou bien tu vitupères les sans-Dieu de
2412
u es chrétien, ou bien tu vitupères les sans-Dieu
de
Russie. Mais sais-tu bien de quoi tu souffres ? De ton péché ou de ce
2413
upères les sans-Dieu de Russie. Mais sais-tu bien
de
quoi tu souffres ? De ton péché ou de celui des autres ? Comique amer
2414
e Russie. Mais sais-tu bien de quoi tu souffres ?
De
ton péché ou de celui des autres ? Comique amer et infini de ce « cro
2415
ais-tu bien de quoi tu souffres ? De ton péché ou
de
celui des autres ? Comique amer et infini de ce « croyant » qui tremb
2416
é ou de celui des autres ? Comique amer et infini
de
ce « croyant » qui tremble pour le sort de l’esprit dans le monde, et
2417
infini de ce « croyant » qui tremble pour le sort
de
l’esprit dans le monde, et pour son sort dans le monde sans esprit, e
2418
craintifs ? Attendrons-nous toujours le « réveil
de
la masse » pour affirmer que tous ces dieux sont des faux dieux ? Mai
2419
ent l’esprit ? Mais non, nous appelons le « règne
de
l’esprit », c’est bien moins dangereux ; tous en seront… « Deux quest
2420
x questions — dit encore Kierkegaard — témoignent
de
l’esprit : 1) Ce qu’on nous prêche, est-ce possible ? 2) Puis-je le f
2421
? 2) Puis-je le faire ? Deux questions témoignent
de
l’absence de l’esprit : 1) Est-ce réel ? 2) Mon voisin Christofersen
2422
le faire ? Deux questions témoignent de l’absence
de
l’esprit : 1) Est-ce réel ? 2) Mon voisin Christofersen l’a-t-il fait
2423
sa doctrine… » (Mais non ! il souffre simplement
de
ce que tous ne l’ont pas admise) « … et il apporte sa consolation, et
2424
société ; il paraît devant une assemblée choisie
d’
élus, et prêche avec émotion sur ce texte qu’il a choisi lui-même : “D
2425
nne ne rit ! »56. C’est alors que paraît le rire
de
Kierkegaard. Ce n’est pas le rire d’un Molière : Molière fait rire la
2426
raît le rire de Kierkegaard. Ce n’est pas le rire
d’
un Molière : Molière fait rire la foule au dépens de l’extravagant. Ma
2427
un Molière : Molière fait rire la foule au dépens
de
l’extravagant. Mais Kierkegaard rit tout seul de la foule, de son sér
2428
de l’extravagant. Mais Kierkegaard rit tout seul
de
la foule, de son sérieux théâtral et fervent, et de sa peur de toute
2429
gant. Mais Kierkegaard rit tout seul de la foule,
de
son sérieux théâtral et fervent, et de sa peur de toute extravagance.
2430
la foule, de son sérieux théâtral et fervent, et
de
sa peur de toute extravagance. « On peut leur faire faire ce qu’on ve
2431
de son sérieux théâtral et fervent, et de sa peur
de
toute extravagance. « On peut leur faire faire ce qu’on veut, que ce
2432
il veut l’originalité. « Voilà pourquoi la Parole
de
Dieu est telle qu’on y trouve quelque passage qui dise le contraire d
2433
on y trouve quelque passage qui dise le contraire
d’
un autre. » Car l’apparence de la contradiction nous oblige à choisir,
2434
i dise le contraire d’un autre. » Car l’apparence
de
la contradiction nous oblige à choisir, fait à la foi sa place, nous
2435
tion : c’est pourquoi ils se sentent unis en elle
d’
une manière si touchante, et c’est ce qu’ils appellent l’amour.57 » Ri
2436
e, qui ressemble peut-être à la pitié énigmatique
d’
un Dostoïevski. Ici tout le visage de Kierkegaard se recompose. Et l’o
2437
énigmatique d’un Dostoïevski. Ici tout le visage
de
Kierkegaard se recompose. Et l’on voit que son rire n’est rien que la
2438
que son rire n’est rien que la douleur du témoin
de
l’Esprit au milieu de la foule. L’originalité Qu’entend-il par
2439
oule. L’originalité Qu’entend-il par ce mot
d’
originalité ? Il faut en rapporter le sens au centre même de sa pensée
2440
ité ? Il faut en rapporter le sens au centre même
de
sa pensée, ou si l’on veut, de son action. Et ce centre, c’est « la c
2441
ens au centre même de sa pensée, ou si l’on veut,
de
son action. Et ce centre, c’est « la catégorie du solitaire ». Bien d
2442
ut : anarchie, romantisme, individu. Il n’est que
de
les mesurer à la réalité dernière de l’homme. Qu’est-ce que l’homme ?
2443
Il n’est que de les mesurer à la réalité dernière
de
l’homme. Qu’est-ce que l’homme ? Une créature. Qu’est-ce que son ordr
2444
. Mais comment cela se peut-il, sinon par l’effet
de
la foi ? Il faut que Dieu l’appelle, qu’il le nomme et par là le sépa
2445
ui qui répond à la foi, cet appel. Quand on parle
de
romantisme, d’anarchie, d’individualisme, on ne parle jamais que de r
2446
la foi, cet appel. Quand on parle de romantisme,
d’
anarchie, d’individualisme, on ne parle jamais que de révolte, mais d’
2447
appel. Quand on parle de romantisme, d’anarchie,
d’
individualisme, on ne parle jamais que de révolte, mais d’une révolte,
2448
narchie, d’individualisme, on ne parle jamais que
de
révolte, mais d’une révolte, en fin de compte, imaginaire. Car l’ordr
2449
dualisme, on ne parle jamais que de révolte, mais
d’
une révolte, en fin de compte, imaginaire. Car l’ordre de ce monde est
2450
évolte, en fin de compte, imaginaire. Car l’ordre
de
ce monde est lui-même en révolte contre l’ordre reçu de Dieu, qui ser
2451
monde est lui-même en révolte contre l’ordre reçu
de
Dieu, qui sera l’Ordre du Royaume. Et nier une négation, c’est s’enfo
2452
hrétien est position, obéissance. Si donc l’appel
de
Dieu isole du monde un homme, c’est que le monde, dans sa forme déchu
2453
devant Dieu, c’est celui qui se tient à l’origine
de
sa réalité. Celui-là seul connaît sa fin et l’ordre éternel de sa vie
2454
. Celui-là seul connaît sa fin et l’ordre éternel
de
sa vie. Celui-là seul peut juger de ce monde, et s’y tenir comme n’ét
2455
ordre éternel de sa vie. Celui-là seul peut juger
de
ce monde, et s’y tenir comme n’étant pas tenu. Il n’est pas d’autre «
2456
et s’y tenir comme n’étant pas tenu. Il n’est pas
d’
autre « réaction » contre « le siècle », pas d’autre révolution créatr
2457
as d’autre « réaction » contre « le siècle », pas
d’
autre révolution créatrice. Et tous nos appels à l’esprit, s’ils ne so
2458
ciétés), à la révolution, au capital, au jugement
de
l’opinion publique ; nous croyons au passé, au collectif, à l’avenir,
2459
istence qu’on leur prête : hélas ! il serait faux
de
dire qu’ils n’en ont pas… Mais encore une fois, ce n’est pas échapper
2460
ce n’est pas échapper aux chimères publiques que
de
les dénoncer pour telles en vertu d’une idée de l’homme que la raison
2461
e de les dénoncer pour telles en vertu d’une idée
de
l’homme que la raison païenne admet fort bien : nietzschéisme agressi
2462
du démoniaque qui veut être soi-même, « en haine
de
l’existence et selon sa misère ». Cette révolte n’est pas fondée dans
2463
rmation effective du monde. Elle participe encore
de
la dégradation. « Une objection vraiment méchante s’arcboute toujours
2464
i qui recourt à son moi révolté contre les forces
d’
anéantissement, s’appuie sur le néant et précipite sa propre ruine. Le
2465
u’il ne peut être lui-même que par le droit divin
de
la Parole qui le distingue. Suprême humilité du solitaire ! Il ne sau
2466
ce n’est point qu’il la craigne, ou qu’il craigne
d’
y perdre le pauvre moi des psychologues, son reproche à la foule, c’es
2467
n reproche à la foule, c’est qu’elle n’exige rien
de
lui. La foule nous veut tout simplement irresponsables, par cela seul
2468
elle nous reconnaît pour siens. Elle est le lieu
de
rendez-vous des hommes qui se fuient, eux et leur vocation. Elle n’es
2469
ux et leur vocation. Elle n’est personne, et tire
de
là son assurance dans le crime. « Il ne s’est pas trouvé un seul sold
2470
ité. Mais trois ou quatre femmes, dans l’illusion
d’
être une foule et que personne peut-être ne saurait dire qui l’avait f
2471
! Ô mensonge ! » La foule n’est rien que la fuite
de
chaque homme devant la responsabilité de son acte. « Car une foule es
2472
la fuite de chaque homme devant la responsabilité
de
son acte. « Car une foule est une abstraction, qui n’a pas de mains,
2473
« Car une foule est une abstraction, qui n’a pas
de
mains, mais chaque homme isolé a, dans la règle, deux mains, et lorsq
2474
x mains sur Marius, ce sont ses mains, non celles
de
son voisin et non celles de la foule qui n’a pas de mains. » Tout seu
2475
ses mains, non celles de son voisin et non celles
de
la foule qui n’a pas de mains. » Tout seul en face du Christ, un homm
2476
son voisin et non celles de la foule qui n’a pas
de
mains. » Tout seul en face du Christ, un homme oserait-il s’avancer e
2477
oserait-il s’avancer et cracher au visage du Fils
de
Dieu ? Mais qu’il soit foule, il aura ce « courage », — il l’a eu. Il
2478
rue seulement. Elle est dans la pensée des hommes
de
ce temps. Tout le génie paradoxal et réaliste de Kierkegaard consiste
2479
de ce temps. Tout le génie paradoxal et réaliste
de
Kierkegaard consiste à l’avoir dénoncée au plus intime de l’existence
2480
egaard consiste à l’avoir dénoncée au plus intime
de
l’existence individuelle. Chaque fois que nous disons d’un de nos die
2481
istence individuelle. Chaque fois que nous disons
d’
un de nos dieux qu’il est puissant, nous témoignons de notre démission
2482
ce individuelle. Chaque fois que nous disons d’un
de
nos dieux qu’il est puissant, nous témoignons de notre démission. La
2483
de nos dieux qu’il est puissant, nous témoignons
de
notre démission. La foule n’a pas d’autre existence et pas d’autre po
2484
s témoignons de notre démission. La foule n’a pas
d’
autre existence et pas d’autre pouvoir que mon refus d’exister devant
2485
ission. La foule n’a pas d’autre existence et pas
d’
autre pouvoir que mon refus d’exister devant Dieu et d’exercer le pouv
2486
re existence et pas d’autre pouvoir que mon refus
d’
exister devant Dieu et d’exercer le pouvoir que je suis. Elle n’est qu
2487
re pouvoir que mon refus d’exister devant Dieu et
d’
exercer le pouvoir que je suis. Elle n’est que ma dégradation. Et tout
2488
oriques ou sociologiques sont comme une inversion
de
la théologie, sont une théologie de la dégradation. L’opposition de K
2489
une inversion de la théologie, sont une théologie
de
la dégradation. L’opposition de Kierkegaard et de Hegel59 trouve ici
2490
ont une théologie de la dégradation. L’opposition
de
Kierkegaard et de Hegel59 trouve ici son sens à la fois le plus profo
2491
de la dégradation. L’opposition de Kierkegaard et
de
Hegel59 trouve ici son sens à la fois le plus profond et le plus évid
2492
annir la possibilité scandaleuse des actes libres
de
la Providence. Entreprise effroyable et vaine, qui serait d’un comiqu
2493
dence. Entreprise effroyable et vaine, qui serait
d’
un comique insondable si seulement l’homme des masses ne venait aujour
2494
Comment lui échapper ? N’est-il pas la voix même
de
cette Âme du monde, cet Esprit de la Forme qui se croit le Réel et qu
2495
as la voix même de cette Âme du monde, cet Esprit
de
la Forme qui se croit le Réel et qui pourtant n’est rien que le péché
2496
té, notre réalité sans cesse menacée par l’Esprit
de
transformation ? Notre réalité fuyarde et qui pourtant, par un artifi
2497
réalité fuyarde et qui pourtant, par un artifice
de
l’angoisse, se proclame autonome, s’absolutise, et s’adore elle-même
2498
udrait se tenir, dans l’instant, « sous le regard
de
Dieu », comme disent les chrétiens. (Est-ce facile ? ou bien même pos
2499
facile ? ou bien même possible ? Est-ce un effet
de
notre choix, ou un moment de notre vie ? Ils en parlent bien aisément
2500
le ? Est-ce un effet de notre choix, ou un moment
de
notre vie ? Ils en parlent bien aisément…) Certains des plus lucides
2501
tends, à l’homme tel qu’il est, dans l’ordre même
de
son péché. Ainsi Maurras, lorsqu’il dénonce les mythes de l’hégéliani
2502
éché. Ainsi Maurras, lorsqu’il dénonce les mythes
de
l’hégélianisme social. « Le meilleur moyen de s’en affranchir sera d’
2503
hes de l’hégélianisme social. « Le meilleur moyen
de
s’en affranchir sera d’en revoir l’origine. Pour voiler le présent ce
2504
cial. « Le meilleur moyen de s’en affranchir sera
d’
en revoir l’origine. Pour voiler le présent certain, ils hypothèquent
2505
, mais pour gagner ce dernier gage, les habitudes
de
l’esprit religieux leur font concevoir une Âme du Monde qu’ils se fig
2506
is sans franchise, ni précision) comme une espèce
de
vertébré monstre, invisible, mystérieusement répandu et vaporisé dans
2507
r (comment et pourquoi ?) nos désirs. Cette sorte
de
providence brute tout à fait inintelligible est le simple succédané d
2508
out à fait inintelligible est le simple succédané
de
l’intelligible providence surnaturelle.61 » Mais qui ne voit que cett
2509
se vivre. Et comment vivrait-il sinon par l’appel
de
la Providence ? Et comment se rendre à l’appel, si l’on pose ses cond
2510
Toute-puissance des mythes ! « Le meilleur moyen
de
s’en affranchir sera d’en revoir l’origine. » Seul, Kierkegaard sait
2511
hes ! « Le meilleur moyen de s’en affranchir sera
d’
en revoir l’origine. » Seul, Kierkegaard sait nous la désigner, dans l
2512
Kierkegaard sait nous la désigner, dans le refus
de
cette « catégorie du solitaire », de l’homme qui vit de la Parole seu
2513
ans le refus de cette « catégorie du solitaire »,
de
l’homme qui vit de la Parole seulement, entre les temps, dans l’insta
2514
te « catégorie du solitaire », de l’homme qui vit
de
la Parole seulement, entre les temps, dans l’instant éternel. Le s
2515
ce hégélien, c’est l’objectivité : cette attitude
de
l’homme qui ne veut plus être sujet de son action, qui l’abandonne au
2516
e attitude de l’homme qui ne veut plus être sujet
de
son action, qui l’abandonne aux lois mythiques de l’histoire. Kierkeg
2517
de son action, qui l’abandonne aux lois mythiques
de
l’histoire. Kierkegaard au contraire nous répète : « La subjectivité
2518
jectivité est la vérité. » La liberté, la dignité
de
l’homme, c’est qu’il soit seul le sujet de sa vie. Mais encore faut-i
2519
ignité de l’homme, c’est qu’il soit seul le sujet
de
sa vie. Mais encore faut-il se garder d’entendre l’expression au sens
2520
le sujet de sa vie. Mais encore faut-il se garder
d’
entendre l’expression au sens des romantiques. Je suis sujet, mais il
2521
omantiques. Je suis sujet, mais il reste à savoir
d’
où vient ce je, comment il peut agir. S’agit-il d’un impérialisme du m
2522
d’où vient ce je, comment il peut agir. S’agit-il
d’
un impérialisme du moi pur, tel que Fichte l’a follement rêvé ? Si c’e
2523
du désespoir total. Maintenant, tu vas témoigner
de
la puissance que ton savoir exerce sur ta vie. Tu te croyais un moi :
2524
tombe du « héros », dernière insulte62. Il s’agit
de
savoir maintenant au nom de quoi tu agiras, si tu agis. Un « moi pur
2525
u agis. Un « moi pur », son premier devoir, c’est
de
persévérer dans son être agissant : en cette extrémité, le compromis
2526
évoltante que rien au monde ne pourrait permettre
d’
accepter, quand le martyr reçoit sa mort avec une sorte de sobriété… L
2527
er, quand le martyr reçoit sa mort avec une sorte
de
sobriété… Le croyant seul agit, et seul il peut être sujet de son act
2528
Le croyant seul agit, et seul il peut être sujet
de
son action, mais c’est qu’il est, dans l’autre sens du terme, « assuj
2529
qui vit en lui. C’est dans ce sens que la formule
de
Kierkegaard est vraie. La sujétion totale est seule active. Elle est
2530
. Elle est aussi présence au monde. Dans ce temps
de
la masse, où nous vivons, le « solitaire devant Dieu » est aussi l’ho
2531
lui, il peut réellement et jusqu’au bout accepter
de
vivre hic et nunc, quand la foule est ubiquité et fuite sans fin dans
2532
ou l’avenir. Un seul utile à tous La phrase
de
Carlyle est connue, résumant l’utilitarisme de Bentham : « Étant donn
2533
se de Carlyle est connue, résumant l’utilitarisme
de
Bentham : « Étant donné un monde plein de coquins, montrer que la ver
2534
tarisme de Bentham : « Étant donné un monde plein
de
coquins, montrer que la vertu est le résultat de leurs aspirations co
2535
de coquins, montrer que la vertu est le résultat
de
leurs aspirations collectives. » Renversant ce rapport il ne resterai
2536
» Renversant ce rapport il ne resterait à montrer
de
Kierkegaard que sa « catégorie du solitaire » est le seul fondement p
2537
rie du solitaire » est le seul fondement pratique
d’
une collectivité vraiment vivante. Cependant, il vaut mieux se garder
2538
iment vivante. Cependant, il vaut mieux se garder
d’
insister sur un tel rétablissement. Pour deux raisons, je crois. Qui,
2539
ans autre, comme donnée ? La tentation est forte,
de
passer d’une critique des collectivités mensongères de ce temps à l’u
2540
comme donnée ? La tentation est forte, de passer
d’
une critique des collectivités mensongères de ce temps à l’utopie d’un
2541
sser d’une critique des collectivités mensongères
de
ce temps à l’utopie d’une communauté chrétienne, par l’artifice indis
2542
collectivités mensongères de ce temps à l’utopie
d’
une communauté chrétienne, par l’artifice indispensable, mais peut-êtr
2543
indispensable, mais peut-être aussi tout formel,
de
l’isolement devant Dieu. Et, d’autre part, l’acte du « solitaire » n’
2544
, d’autre part, l’acte du « solitaire » n’est pas
de
ceux dont nous ayons à développer les conséquences. Ou bien il est, e
2545
les conséquences. Ou bien il est, et c’est l’acte
de
Dieu, ou bien je l’imagine, et mon discours est vain. À qui pressent,
2546
kegaard a témoigné, il n’apparaît plus nécessaire
de
réfuter les objections du « sens social ». Plusieurs ouvrages de Kier
2547
objections du « sens social ». Plusieurs ouvrages
de
Kierkegaard portent cette dédicace fameuse : « Au solitaire que j’app
2548
se sent atteint, mais si l’on parle au solitaire
de
son angoisse, c’est de la mienne. Kierkegaard s’adresse au chrétien,
2549
si l’on parle au solitaire de son angoisse, c’est
de
la mienne. Kierkegaard s’adresse au chrétien, comme au seul responsab
2550
i nous. Il sait bien qu’en tous temps, le malheur
de
l’époque ne provient pas de ce qu’elle est « sans Dieu », car nul siè
2551
ous temps, le malheur de l’époque ne provient pas
de
ce qu’elle est « sans Dieu », car nul siècle, comme tel, ne fut jamai
2552
mme tel, ne fut jamais chrétien, mais bien plutôt
de
ce qu’elle est sans maîtres, c’est-à-dire sans martyrs pour l’enseign
2553
saveur, c’est à lui seul que l’on peut reprocher
d’
être insipide. Rien ne sera jamais réel pour tous, si rien d’abord n’e
2554
aider ?). Ou bien seulement nous a-t-il délivrés
de
nos derniers prétextes, de nos dernières incertitudes sur la nature e
2555
t nous a-t-il délivrés de nos derniers prétextes,
de
nos dernières incertitudes sur la nature et sur les exigences concrèt
2556
udes sur la nature et sur les exigences concrètes
de
l’esprit ? Mais ne fallait-il pas qu’il ait connu de grandes aides po
2557
l’esprit ? Mais ne fallait-il pas qu’il ait connu
de
grandes aides pour oser nous montrer la vanité de toutes les nôtres ?
2558
de grandes aides pour oser nous montrer la vanité
de
toutes les nôtres ? Somnium narrare vigilantis est. L’aveu total de n
2559
es ? Somnium narrare vigilantis est. L’aveu total
de
notre désespoir témoigne seul de la consolation. 52. Journal, tom
2560
st. L’aveu total de notre désespoir témoigne seul
de
la consolation. 52. Journal, tome X. 53. « Là encore, le clerc m
2561
e est protestant », ajoute M. Benda, qui, en fait
de
protestants, ne connaît guère que Renouvier, son maître… 54. Jean XI
2562
ître… 54. Jean XI, 4. 55. Stades sur le chemin
de
la vie. 56. L’instant. 57. Journal. 58. Traité du désespoir, p.
2563
e reviendrai pas, ici, sur l’aspect philosophique
de
cette opposition, que Jean Wahl a remarquablement exposé dans un arti
2564
ean Wahl a remarquablement exposé dans un article
de
la Revue philosophique (nov.-déc. 1931). 60. Journal. 61. Le chem
2565
ire : « “Moi, je ne le puis pas.” Et s’il est fou
de
penser que tous doivent l’être, il est encore beaucoup plus fou qu’au
2566
ux nécessités quotidiennes est encore un prétexte
de
l’angoisse. Si la vie quotidienne est si peu dramatique, cela ne sign
2567
fameuse « vie quotidienne » n’est peut-être rien
d’
autre qu’un dernier méfait de « la foule » dans notre existence morale
2568
n’est peut-être rien d’autre qu’un dernier méfait
de
« la foule » dans notre existence morale. Une question mal posée. Un
2569
rouble porté sur la réalité. x. Rougemont Denis
de
, « Nécessité de Kierkegaard », Foi et Vie, Paris, août–septembre 1934
2570
la réalité. x. Rougemont Denis de, « Nécessité
de
Kierkegaard », Foi et Vie, Paris, août–septembre 1934, p. 605-620.
2571
tin allemand (octobre 1934)y Le meilleur livre
de
l’année. Je crois bien pouvoir l’affirmer. Le roman le plus fort, le
2572
le plus impressionnant, celui qui apporte le plus
de
nouveauté, d’humanité, de grandeur. J’ai d’autant plus envie de le di
2573
sionnant, celui qui apporte le plus de nouveauté,
d’
humanité, de grandeur. J’ai d’autant plus envie de le dire qu’on n’a p
2574
lui qui apporte le plus de nouveauté, d’humanité,
de
grandeur. J’ai d’autant plus envie de le dire qu’on n’a pas annoncé s
2575
plus de nouveauté, d’humanité, de grandeur. J’ai
d’
autant plus envie de le dire qu’on n’a pas annoncé sa parution à grand
2576
d’humanité, de grandeur. J’ai d’autant plus envie
de
le dire qu’on n’a pas annoncé sa parution à grand fracas, et qu’à ma
2577
ui n’est pas très étonnant, d’ailleurs. Il s’agit
d’
une œuvre allemande, d’un auteur inconnu en France jusqu’ici, d’un rom
2578
ant, d’ailleurs. Il s’agit d’une œuvre allemande,
d’
un auteur inconnu en France jusqu’ici, d’un roman qui veut dire quelqu
2579
lemande, d’un auteur inconnu en France jusqu’ici,
d’
un roman qui veut dire quelque chose — quelque chose qui ne plaira pas
2580
rmée bolivienne, mais sans contrat, car le traité
de
Versailles interdit à la Bolivie d’utiliser les services des Allemand
2581
car le traité de Versailles interdit à la Bolivie
d’
utiliser les services des Allemands. Pendant leur traversée, un coup d
2582
es des Allemands. Pendant leur traversée, un coup
d’
État renverse le gouvernement qui les avait appelés officieusement. Il
2583
hercher fortune en Argentine, dans une plantation
de
thé où, d’ailleurs, la crise mondiale l’aura précédé. Les quatre autr
2584
s quatre autres atteignent enfin La Paz, capitale
de
la Bolivie, ville étrange, perdue à 4000 mètres d’altitude dans un dé
2585
e la Bolivie, ville étrange, perdue à 4000 mètres
d’
altitude dans un désert glacé, dominé par d’énormes cimes neigeuses. L
2586
ètres d’altitude dans un désert glacé, dominé par
d’
énormes cimes neigeuses. Le ministre de la Guerre, un métis assez susp
2587
dominé par d’énormes cimes neigeuses. Le ministre
de
la Guerre, un métis assez suspect, les paye mais ne leur donne rien à
2588
ne rien à faire ; finalement, pour se débarrasser
d’
eux, il les fait tomber dans un piège grossier : un agent provocateur
2589
un engagement au Paraguay, qu’ils ont la naïveté
d’
accepter. Accusés de haute trahison, ils sont jetés aussitôt dans une
2590
raguay, qu’ils ont la naïveté d’accepter. Accusés
de
haute trahison, ils sont jetés aussitôt dans une prison infecte, avec
2591
on infecte, avec des Indiens lépreux. Le ministre
d’
Allemagne à La Paz, Pillau, réussit à les tirer de là après des semain
2592
d’Allemagne à La Paz, Pillau, réussit à les tirer
de
là après des semaines d’efforts fiévreux, durant lesquelles il éprouv
2593
lau, réussit à les tirer de là après des semaines
d’
efforts fiévreux, durant lesquelles il éprouve amèrement la faiblesse
2594
rant lesquelles il éprouve amèrement la faiblesse
de
son autorité, c’est-à-dire la faiblesse de l’Allemagne sur le plan in
2595
blesse de son autorité, c’est-à-dire la faiblesse
de
l’Allemagne sur le plan international. Les quatre hommes s’en vont à
2596
os Aires, et, là, à bout de ressources, acceptent
de
collaborer à une révolution qui va bouleverser le Brésil. Ils retrouv
2597
n qui va bouleverser le Brésil. Ils retrouvent un
de
leurs compagnons du début, celui qui était parti pour le Venezuela, e
2598
ire tuer ensemble devant Rio de Janeiro, au cours
d’
un combat acharné contre une section des troupes régulières, dont le c
2599
ulières, dont le chef n’est autre que le planteur
de
thé, le sixième camarade. Voilà qui donne l’idée d’un roman d’aventur
2600
thé, le sixième camarade. Voilà qui donne l’idée
d’
un roman d’aventures. Destin allemand est bien, entre autres, un roman
2601
xième camarade. Voilà qui donne l’idée d’un roman
d’
aventures. Destin allemand est bien, entre autres, un roman d’aventure
2602
Destin allemand est bien, entre autres, un roman
d’
aventures, et même d’une intensité peu commune. Mais cet aspect-là, qu
2603
bien, entre autres, un roman d’aventures, et même
d’
une intensité peu commune. Mais cet aspect-là, qui suffit d’ailleurs à
2604
obsédant, ne suffit pas à expliquer l’impression
de
grandeur brutale et grave à la fois qui demeure dans l’esprit, bien a
2605
ésumé laisse à peine entrevoir le véritable sujet
de
l’œuvre, celui que désigne le titre. Ces six hommes63 ont été chassés
2606
ésigne le titre. Ces six hommes63 ont été chassés
de
leur pays par une crise qui n’est pas seulement économique, par une c
2607
nd. Ce dont ils souffrent, ce n’est pas seulement
de
manquer de travail et de ne pas gagner leur pain, mais c’est surtout
2608
ils souffrent, ce n’est pas seulement de manquer
de
travail et de ne pas gagner leur pain, mais c’est surtout de constate
2609
, ce n’est pas seulement de manquer de travail et
de
ne pas gagner leur pain, mais c’est surtout de constater que l’Allema
2610
et de ne pas gagner leur pain, mais c’est surtout
de
constater que l’Allemagne, pour laquelle ils se sont battus, n’a plus
2611
ur laquelle ils se sont battus, n’a plus la force
d’
utiliser leurs énergies, leurs vocations humaines. L’un d’eux est arch
2612
er leurs énergies, leurs vocations humaines. L’un
d’
eux est architecte, et il rêvait d’entreprises coloniales : mais on ne
2613
humaines. L’un d’eux est architecte, et il rêvait
d’
entreprises coloniales : mais on ne construit plus, là-bas, et il n’y
2614
is on ne construit plus, là-bas, et il n’y a plus
de
colonies. D’autres étaient mécaniciens, aviateurs ; un autre encore,
2615
mécaniciens, aviateurs ; un autre encore, employé
de
bureau ; le dernier, paysan. On n’a pas voulu d’eux, là-bas. Et les v
2616
de bureau ; le dernier, paysan. On n’a pas voulu
d’
eux, là-bas. Et les voici lancés dans une vie d’aventures qu’ils n’ava
2617
u d’eux, là-bas. Et les voici lancés dans une vie
d’
aventures qu’ils n’avaient pas voulue, qui les détourne de toutes leur
2618
res qu’ils n’avaient pas voulue, qui les détourne
de
toutes leurs espérances. Ce n’est point qu’ils aient peur, mais tout
2619
oce à supporter que ce sentiment-là ; l’absurdité
de
sa vie, l’absurdité du destin qu’on subit. Arrachés de leur terre et
2620
vie, l’absurdité du destin qu’on subit. Arrachés
de
leur terre et de leur peuple, ils s’en vont au-devant d’une existence
2621
du destin qu’on subit. Arrachés de leur terre et
de
leur peuple, ils s’en vont au-devant d’une existence qui n’a plus auc
2622
terre et de leur peuple, ils s’en vont au-devant
d’
une existence qui n’a plus aucun but, au-devant de souffrances qui ne
2623
d’une existence qui n’a plus aucun but, au-devant
de
souffrances qui ne servent à rien. Ce sont des hommes très simples et
2624
cilement. Seul Pillau, le ministre, l’incarnation
de
leur nation, saura leur dire le mot de ce destin. « Nous avons perdu
2625
ncarnation de leur nation, saura leur dire le mot
de
ce destin. « Nous avons perdu la guerre, Bell, et dans la situation o
2626
s affirmer que par le sacrifice… Il ne s’agit pas
de
ces sacrifices dont on s’acquitte avec son argent ou avec son travail
2627
cquitte avec son argent ou avec son travail, mais
de
sacrifices pour lesquels on joue sa propre existence intérieure. » Le
2628
joue sa propre existence intérieure. » Le destin
de
ces déracinés, ce sera désormais de porter en eux-mêmes l’image tragi
2629
. » Le destin de ces déracinés, ce sera désormais
de
porter en eux-mêmes l’image tragique de leur patrie, l’idée profonde
2630
désormais de porter en eux-mêmes l’image tragique
de
leur patrie, l’idée profonde de leur nation, que Pillau définit comme
2631
l’image tragique de leur patrie, l’idée profonde
de
leur nation, que Pillau définit comme la fidélité, et de tout sacrifi
2632
nation, que Pillau définit comme la fidélité, et
de
tout sacrifier à cette fidélité. À mesure qu’ils s’éloignent de leur
2633
ier à cette fidélité. À mesure qu’ils s’éloignent
de
leur patrie, cette image grandit en eux, prend forme et puissance, et
2634
ent. Mais leur drame s’exprime dans la méditation
de
Pillau, d’une manière non moins tragique. « Il découvrit, pour la pre
2635
eur drame s’exprime dans la méditation de Pillau,
d’
une manière non moins tragique. « Il découvrit, pour la première fois,
2636
ouvrit, pour la première fois, une forme nouvelle
de
patriotisme, une façon silencieuse, profonde, bouleversée, broyée, so
2637
uleversée, broyée, souffrante, et pourtant fière,
d’
être Allemand, de garder la tête haute pour l’Allemagne, et de partici
2638
, souffrante, et pourtant fière, d’être Allemand,
de
garder la tête haute pour l’Allemagne, et de participer au destin qui
2639
and, de garder la tête haute pour l’Allemagne, et
de
participer au destin qui lui était échu pour un temps. Ce destin qui
2640
’Allemagne, après la guerre, à vivre dans un état
de
guerre encore plus cruel qu’auparavant, et qui en faisait un pays pau
2641
ue Bell, le chef du petit groupe, agonise au fond
d’
une tranchée, sous les murs du fort de Capocabana, il a soudain la vis
2642
ise au fond d’une tranchée, sous les murs du fort
de
Capocabana, il a soudain la vision d’une Allemagne future renaissant
2643
urs du fort de Capocabana, il a soudain la vision
d’
une Allemagne future renaissant de son calvaire, purifiée et galvanisé
2644
udain la vision d’une Allemagne future renaissant
de
son calvaire, purifiée et galvanisée par ses sacrifices. La haute sta
2645
t galvanisée par ses sacrifices. La haute stature
de
Pillau se dresse devant lui. Une fois encore, Pillau lui montre le se
2646
is encore, Pillau lui montre le sens du sacrifice
de
« ces jeunes gens qui sont entrés dans le malheur la tête haute ». Ca
2647
ssédaient rien, qui ont écrit les pages héroïques
de
l’histoire, et non les gens âgés qui possédaient tout. Ces jeunes All
2648
tout. Ces jeunes Allemands qui doivent supporter,
de
nos jours, toutes les misères du monde au fond de leur exil, ceux-là
2649
de nos jours, toutes les misères du monde au fond
de
leur exil, ceux-là deviendront sûrement un matériel incomparable. Car
2650
r faire sentir à quelle hauteur se situe le drame
de
ce livre. Nous sommes bien loin de la « propagande » nationaliste et
2651
hitlériennes64. Nous sommes ici au nœud tragique
de
ce problème allemand qui domine l’après-guerre, et dont le dénouement
2652
s-guerre, et dont le dénouement doit nous laisser
d’
autant moins indifférents que notre sort à tous, Européens, y est enga
2653
opéens, y est engagé. À vrai dire, il est malaisé
de
faire la part, dans ce drame, de ce qui est national et de ce qui est
2654
, il est malaisé de faire la part, dans ce drame,
de
ce qui est national et de ce qui est plus généralement humain. Destin
2655
la part, dans ce drame, de ce qui est national et
de
ce qui est plus généralement humain. Destin allemand pourrait aussi s
2656
La condition humaine ». Et plusieurs des paroles
de
Pillau, — les plus belles peut-être — pourraient s’appliquer au desti
2657
lles peut-être — pourraient s’appliquer au destin
de
n’importe quelle nation, de n’importe quelle communauté. Le « fait na
2658
s’appliquer au destin de n’importe quelle nation,
de
n’importe quelle communauté. Le « fait nation », dans les dernières p
2659
é. Le « fait nation », dans les dernières phrases
de
Pillau, n’apparaît-il pas lié au seul malheur des hommes ? Et n’est-c
2660
es hommes ? Et n’est-ce point là le vrai tragique
de
l’Allemagne actuelle, que son destin la force à n’envisager plus le s
2661
ue son destin la force à n’envisager plus le sort
de
l’homme que sous l’aspect du sort de la nation ? Tel est, je crois, l
2662
plus le sort de l’homme que sous l’aspect du sort
de
la nation ? Tel est, je crois, le problème central qu’impose ce livre
2663
ait sur le point de vue strictement « allemand »
de
l’auteur, qu’il est peu de problèmes plus graves pour notre avenir im
2664
enfoncé profondément dans la vie africaine ; et,
de
toutes ces enquêtes passionnées, il rapporte une certitude assez impr
2665
essionnante : partout où il se crée quelque chose
de
durable dans le monde, c’est l’œuvre d’un blanc. Les blancs seuls ont
2666
que chose de durable dans le monde, c’est l’œuvre
d’
un blanc. Les blancs seuls ont su créer des empires solides, des valeu
2667
des empires solides, des valeurs morales stables,
de
la fidélité. Les blancs seuls savent tenir une parole, se sacrifier à
2668
re anglais se dissocie lentement. La France doute
de
sa mission. L’Espagne est morte, et le spectacle de la vie politique
2669
sa mission. L’Espagne est morte, et le spectacle
de
la vie politique en Amérique du Sud fait mesurer la déchéance d’une r
2670
ique en Amérique du Sud fait mesurer la déchéance
d’
une race qui n’a pas su se garder pure. Alors ? Serait-ce bientôt l’he
2671
se garder pure. Alors ? Serait-ce bientôt l’heure
de
l’Allemagne ? On sent partout cette interrogation, cette anxieuse esp
2672
rogation, cette anxieuse espérance, dans le livre
d’
Edschmid. Et l’on découvre, pour la première fois peut-être, l’arrière
2673
allemand, comme on lirait dans la conscience même
d’
un peuple. Il faut avoir éprouvé par ce livre la grandeur d’une telle
2674
e. Il faut avoir éprouvé par ce livre la grandeur
d’
une telle espérance, si l’on veut juger sainement la politique étrange
2675
si l’on veut juger sainement la politique étrange
de
cette nation. Mais j’ai dit que cette œuvre pourrait s’intituler tout
2676
ecteurs français en soient choqués — le sentiment
d’
une fraternité humaine que le roman d’André Malraux, qui porte précisé
2677
e sentiment d’une fraternité humaine que le roman
d’
André Malraux, qui porte précisément ce titre, était loin d’évoquer av
2678
lraux, qui porte précisément ce titre, était loin
d’
évoquer avec une pareille puissance. J’ai eu l’occasion de dire, ici m
2679
r avec une pareille puissance. J’ai eu l’occasion
de
dire, ici même, mon admiration pour les livres de M. Malraux. Je suis
2680
de dire, ici même, mon admiration pour les livres
de
M. Malraux. Je suis d’autant plus libre pour affirmer aujourd’hui que
2681
admiration pour les livres de M. Malraux. Je suis
d’
autant plus libre pour affirmer aujourd’hui que le roman d’Edschmid es
2682
plus libre pour affirmer aujourd’hui que le roman
d’
Edschmid est d’une classe nettement supérieure. J’ajouterai même que c
2683
affirmer aujourd’hui que le roman d’Edschmid est
d’
une classe nettement supérieure. J’ajouterai même que c’est un bel élo
2684
J’ajouterai même que c’est un bel éloge du talent
de
M. Malraux que de constater que ses livres sont les seuls ouvrages fr
2685
ue c’est un bel éloge du talent de M. Malraux que
de
constater que ses livres sont les seuls ouvrages français qu’on puiss
2686
lus sain ; moins complaisant surtout aux voluptés
de
l’aventure, à la psychologie de la douleur physique. Ses héros subiss
2687
tout aux voluptés de l’aventure, à la psychologie
de
la douleur physique. Ses héros subissent, avec un héroïsme et une rév
2688
t, avec un héroïsme et une révolte plus émouvants
d’
être silencieux, des tortures dont les héros de Malraux n’ont pas touj
2689
ts d’être silencieux, des tortures dont les héros
de
Malraux n’ont pas toujours renoncé à faire de la littérature. On comp
2690
ros de Malraux n’ont pas toujours renoncé à faire
de
la littérature. On comprend bien que je n’oppose pas ici le nationali
2691
uniste. Je ne partage pas plus les idées racistes
d’
Edschmid que les idées marxistes de Malraux (encore que l’un et l’autr
2692
idées racistes d’Edschmid que les idées marxistes
de
Malraux (encore que l’un et l’autre fassent figure d’hérétiques dans
2693
alraux (encore que l’un et l’autre fassent figure
d’
hérétiques dans leurs camps respectifs). Mais sur le plan de l’art rom
2694
es dans leurs camps respectifs). Mais sur le plan
de
l’art romanesque, autant que sur le plan généralement humain, je suis
2695
ur le plan généralement humain, je suis contraint
de
reconnaître qu’Edschmid est le plus authentique. Il y a, dans Destin
2696
hentique. Il y a, dans Destin allemand, un timbre
de
voix métallique, une sobriété amère et courageuse, un souffle, une gr
2697
ndeur enfin qui nous ramènent puissamment au sens
de
la réalité humaine, au sens de la dégradation humaine, au sens du péc
2698
uissamment au sens de la réalité humaine, au sens
de
la dégradation humaine, au sens du péché concret de l’homme. Et qui r
2699
la dégradation humaine, au sens du péché concret
de
l’homme. Et qui rendent à notre jugement une rigueur qui se perdait à
2700
eser des objets trop petits. 63. Il est curieux
de
noter que pas une seule femme n’apparaît dans tout le roman. 64. Je
2701
vé à ce livre, qui parut au moment de l’avènement
d’
Hitler. Mais je le crois trop franc et trop complexe à la fois pour av
2702
chmid, il en a tiré des conclusions sur le destin
de
la race blanche, qui forment l’arrière-plan idéologique de son œuvre.
2703
e blanche, qui forment l’arrière-plan idéologique
de
son œuvre. Leurs manières de décrire des combats où, entre deux bande
2704
ère-plan idéologique de son œuvre. Leurs manières
de
décrire des combats où, entre deux bandes de mitrailleuses, le héros
2705
ères de décrire des combats où, entre deux bandes
de
mitrailleuses, le héros médite sur son sort, sont presque identiques.
2706
situations extrêmes, où se dénude le fond secret
d’
un être, sa sauvagerie ou sa bonté fondamentale. L’homme ne s’avouera-
2707
même que dans les tortures ? y. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Kasimir Edschmid, Destin allemand », Foi et Vie, P
2708
paraître au Mercure de France un volumineux choix
de
sentences, aphorismes et notes tirés des papiers posthumes de Nietzsc
2709
, aphorismes et notes tirés des papiers posthumes
de
Nietzsche. On ne saurait surestimer l’importance de ces écrits demeur
2710
Nietzsche. On ne saurait surestimer l’importance
de
ces écrits demeurés longtemps inédits, et dont M. Henri-Jean Bolle, q
2711
ous affirme qu’ils constituent le texte véritable
d’
une œuvre dont les volumes parus du vivant de Nietzsche ne seraient gu
2712
e le commentaire. Je ne sais ce qu’il faut penser
d’
une allégation qui paraît à première vue aussi exorbitante : je n’ai l
2713
à première vue aussi exorbitante : je n’ai lu que
de
courts fragments des posthuma nietzschéens 66. Ce qui est certain, c’
2714
nous donner, nous restitue la totalité des thèmes
de
l’œuvre, sous une forme souvent beaucoup plus directe que celle qu’ad
2715
raître. On ne saurait trop recommander la lecture
de
ce recueil aux esprits suffisamment armés de sens critique, de certit
2716
ture de ce recueil aux esprits suffisamment armés
de
sens critique, de certitudes théologiques, et de cette liberté spirit
2717
aux esprits suffisamment armés de sens critique,
de
certitudes théologiques, et de cette liberté spirituelle que confère
2718
de sens critique, de certitudes théologiques, et
de
cette liberté spirituelle que confère la connaissance vivante de « la
2719
é spirituelle que confère la connaissance vivante
de
« la seule chose nécessaire ». Rien de grand, dans l’ordre humain, ne
2720
ce vivante de « la seule chose nécessaire ». Rien
de
grand, dans l’ordre humain, ne peut être vraiment dangereux pour un c
2721
usement éprouvées ? La foi vraie suppose la ruine
de
toutes les pauvres constructions où nous pensions pouvoir nous abrite
2722
sophe, le moraliste, le politique. Je ne vois pas
de
meilleur moyen de donner aux lecteurs de Foi et Vie une idée, même
2723
e, le politique. Je ne vois pas de meilleur moyen
de
donner aux lecteurs de Foi et Vie une idée, même assez grossière, d
2724
vois pas de meilleur moyen de donner aux lecteurs
de
Foi et Vie une idée, même assez grossière, de la richesse de cet en
2725
s de Foi et Vie une idée, même assez grossière,
de
la richesse de cet ensemble, que de lire avec eux les quelques pages
2726
e une idée, même assez grossière, de la richesse
de
cet ensemble, que de lire avec eux les quelques pages de la première
2727
ez grossière, de la richesse de cet ensemble, que
de
lire avec eux les quelques pages de la première partie intitulées Rel
2728
ensemble, que de lire avec eux les quelques pages
de
la première partie intitulées Religion et christianisme. Je ne puis t
2729
e que celui-là même des aphorismes dans l’édition
de
M. Bolle. ⁂ Le sens historique n’est qu’une théologie masquée : “nou
2730
gnifiques”. Un but final plane devant les regards
de
l’homme. Le christianisme, qui maudit l’humanité et en sort quelques
2731
en sort quelques spécimens rares et réussis, est
de
fond en comble non historique, parce qu’il nie que les millénaires à
2732
s maintenant et depuis 1800 ans, à la disposition
de
chacun. Si malgré cela, l’époque actuelle est, dans son esprit, tout
2733
ietzsche, partait en guerre contre la philosophie
de
l’Évolution selon Hegel, et dénonçait en elle non seulement un succéd
2734
énonçait en elle non seulement un succédané païen
de
l’idée de Providence, mais surtout une négation de la foi ? Car la fo
2735
n elle non seulement un succédané païen de l’idée
de
Providence, mais surtout une négation de la foi ? Car la foi est, sel
2736
e l’idée de Providence, mais surtout une négation
de
la foi ? Car la foi est, selon Kierkegaard, cette opération paradoxal
2737
Christ incarné, et qui nie par là même la valeur
de
tous les siècles qui nous séparent apparemment de cet événement étern
2738
de tous les siècles qui nous séparent apparemment
de
cet événement éternel. N’est-il pas fort étrange et humiliant, qu’il
2739
r le chrétien, n’est pas dans le Progrès indéfini
de
notre histoire, mais qu’il est venu sur la terre, et qu’il est dès ma
2740
reproche terrible au christianisme en le traitant
d’
agent « non historique ». Il faut croire que cet adversaire de Hegel é
2741
n historique ». Il faut croire que cet adversaire
de
Hegel était encore bien mal purgé de ses superstitions pseudo-scienti
2742
t adversaire de Hegel était encore bien mal purgé
de
ses superstitions pseudo-scientifiques ! Mais il n’importe. Ce qui es
2743
cidité avec laquelle Nietzsche décèle l’idolâtrie
de
notre temps, même s’il y participe pour son compte. Il est très vrai
2744
Il est très vrai que nos contemporains ont cessé
de
croire, dans l’ensemble, que le salut était déjà venu. Ils se sont mi
2745
nt mis à croire de nouveau que le Messie naîtrait
de
leurs efforts indéfinis vers le Progrès. Ils sont redevenus païens. L
2746
s. Ils sont redevenus païens. Les plus conscients
de
ce paganisme nouveau ont adopté sa vraie théologie : la dialectique h
2747
té sa vraie théologie : la dialectique historique
de
Karl Marx. En vertu de cet acte de foi, fait en révolte contre la vra
2748
que historique de Karl Marx. En vertu de cet acte
de
foi, fait en révolte contre la vraie foi, ils se persuadent que l’hum
2749
Mais que dis-je, cent ans ! Il faut à leur espoir
de
bien plus formidables chiffres. Ouvrez le dernier livre de M. Guéhenn
2750
lus formidables chiffres. Ouvrez le dernier livre
de
M. Guéhenno67, vous y trouverez cette confession ahurissante : « Un g
2751
moi que nous avions derrière nous deux milliards
d’
années, devant nous dix mille milliards d’années. Nous sommes des enfa
2752
lliards d’années, devant nous dix mille milliards
d’
années. Nous sommes des enfants de deux ans qui auraient encore dix mi
2753
mille milliards d’années. Nous sommes des enfants
de
deux ans qui auraient encore dix mille ans à vivre. L’esprit métaphys
2754
entifique et beaucoup plus conforme aux exigences
de
l’Histoire : le salut par la sempiternité. Mais n’est-ce point là ce
2755
eligieuse du monde sans l’acuité et la profondeur
de
l’intellect fait de la religion la chose la plus répugnante qui soit.
2756
ans l’acuité et la profondeur de l’intellect fait
de
la religion la chose la plus répugnante qui soit. Oui, je sais bien
2757
e la plus répugnante qui soit. Oui, je sais bien
de
quoi il souffre, et contre quelle espèce déprimante de piétistes, arr
2758
oi il souffre, et contre quelle espèce déprimante
de
piétistes, arrogants dans leur bêtise, il se défend. Et pourtant, je
2759
lectuelle du monde sans l’acuité et la profondeur
de
la foi fait de l’intelligence la chose la plus répugnante qui soit. »
2760
nde sans l’acuité et la profondeur de la foi fait
de
l’intelligence la chose la plus répugnante qui soit. » Il faut perdr
2761
bonne fois aux « croyances » héritées sans examen
de
son milieu, aux idoles édifiées par ses bons sentiments ou par sa peu
2762
s édifiées par ses bons sentiments ou par sa peur
de
la réalité, celui-là n’est pas né à la foi. Il n’a pas la mâchoire so
2763
les remarques amères qu’il ne pouvait s’empêcher
de
former au spectacle de la chrétienté et dans sa nostalgie d’un christ
2764
u spectacle de la chrétienté et dans sa nostalgie
d’
un christianisme vrai. Mais Nietzsche ? Est-ce mépris tout simplement
2765
? Ou bien plutôt, dernier défi, secrète angoisse
de
ne pouvoir parvenir lui-même à prendre le repas sacré plus au sérieux
2766
rendre le repas sacré plus au sérieux que le menu
de
sa pension ? « Même pour l’homme le plus pieux… » jugez des autres !
2767
l’homme le plus pieux… » jugez des autres ! Jugez
de
moi ! semble-t-il dire. Et c’est ainsi que l’incroyant se juge chaque
2768
s. Les religions se consolident dans des périodes
de
grands troubles et d’insécurité. Lorsque tout cède, on se cramponne à
2769
nsolident dans des périodes de grands troubles et
d’
insécurité. Lorsque tout cède, on se cramponne à l’illusion de l’au-de
2770
. Lorsque tout cède, on se cramponne à l’illusion
de
l’au-delà. Parfaitement valable pour les religions, cette sentence e
2771
sière, voire naïve, si Nietzsche entendait parler
de
la foi. La foi, qui donne à l’homme la vision réaliste du péché, crée
2772
’elle n’en résulte. Ce qui résulte inévitablement
d’
une crise que la foi ne résout pas (en lui substituant une autre crise
2773
omme. Le « retour étemel » est alors le type même
de
la superstition née du cerveau d’un homme très excité. En somme, qu’
2774
rs le type même de la superstition née du cerveau
d’
un homme très excité. En somme, qu’est-ce que cela veut dire : J’aime
2775
e cela veut dire : J’aime les hommes pour l’amour
de
Dieu ? Est-ce autre chose que de dire : J’aime les gendarmes pour l’a
2776
mes pour l’amour de Dieu ? Est-ce autre chose que
de
dire : J’aime les gendarmes pour l’amour de la justice ? Ou de s’écri
2777
e que de dire : J’aime les gendarmes pour l’amour
de
la justice ? Ou de s’écrier, comme cette jeune fille : J’aime Schopen
2778
ime les gendarmes pour l’amour de la justice ? Ou
de
s’écrier, comme cette jeune fille : J’aime Schopenhauer, parce que gr
2779
ue grand-père l’a connu et aimé ? Phrase typique
d’
un homme qui n’a jamais rencontré Dieu en Christ ; pas plus qu’on ne s
2780
serait, selon son propre jugement, quelque chose
de
mauvais. Juste et profond. Et toujours bon à rappeler, à ces « chrét
2781
eut leur mort, pour leur donner la vie. Il s’agit
de
savoir si la nature actuelle de l’homme est bonne ou mauvaise. La foi
2782
la vie. Il s’agit de savoir si la nature actuelle
de
l’homme est bonne ou mauvaise. La foi nous montre qu’elle est mauvais
2783
e qu’elle est mauvaise. Dans ce sens, il est vrai
de
dire : le christianisme est contre nature. Et je m’explique mal pourq
2784
e pas à son prochain, il est beaucoup trop occupé
de
soi-même ! Quelle que soit la justesse des critiques de Nietzsche —
2785
même ! Quelle que soit la justesse des critiques
de
Nietzsche — et jusque dans leur injustice, car il y a une manière « i
2786
eur injustice, car il y a une manière « injuste »
de
dire des choses vraies en soi —, elles me laissent presque toujours p
2787
en. Mauvais signe pour un penseur qui a entrepris
d’
ébranler nos fondements. Si j’essaie de m’expliquer cette espèce de dé
2788
entrepris d’ébranler nos fondements. Si j’essaie
de
m’expliquer cette espèce de déception que me procure la critique niet
2789
ndements. Si j’essaie de m’expliquer cette espèce
de
déception que me procure la critique nietzschéenne, je trouve ceci :
2790
à une autorité centrale qui donnerait la synthèse
de
ces contradictions. La vie chrétienne est pleine de contradictions, e
2791
ces contradictions. La vie chrétienne est pleine
de
contradictions, elle aussi, mais Paul les a toutes rassemblées dans u
2792
même du christianisme : l’opposition du péché et
de
la foi. « Je ne fais pas le bien que j’aime, mais je fais le mal que
2793
rquoi, lorsque Paul critique la vie des chrétiens
de
son temps, il parle avec autorité, tandis que les critiques de Nietzs
2794
il parle avec autorité, tandis que les critiques
de
Nietzsche feront toujours l’effet de criailleries. L’intensité de la
2795
es critiques de Nietzsche feront toujours l’effet
de
criailleries. L’intensité de la vie prise comme but unique de celle-
2796
nt toujours l’effet de criailleries. L’intensité
de
la vie prise comme but unique de celle-ci, voilà une pensée qui est i
2797
es. L’intensité de la vie prise comme but unique
de
celle-ci, voilà une pensée qui est insupportable aux hommes. Ne voyo
2798
contemporain entièrement dominé par une religion
de
la vie, de « l’intensité » de la vie ? Ne voyons-nous pas cette mysti
2799
in entièrement dominé par une religion de la vie,
de
« l’intensité » de la vie ? Ne voyons-nous pas cette mystique de « l’
2800
né par une religion de la vie, de « l’intensité »
de
la vie ? Ne voyons-nous pas cette mystique de « l’intensité prise com
2801
é » de la vie ? Ne voyons-nous pas cette mystique
de
« l’intensité prise comme but », c’est-à-dire cette mystique de la vi
2802
té prise comme but », c’est-à-dire cette mystique
de
la vie prise comme but de la vie, et même de la religion, s’introduir
2803
t-à-dire cette mystique de la vie prise comme but
de
la vie, et même de la religion, s’introduire jusque dans les sermons,
2804
ique de la vie prise comme but de la vie, et même
de
la religion, s’introduire jusque dans les sermons, et s’y substituer
2805
ue dans les sermons, et s’y substituer au respect
de
la vérité, soupçonnée, non sans quelque raison, d’être parfois « anti
2806
e la vérité, soupçonnée, non sans quelque raison,
d’
être parfois « antivitale » ? — « Pensée insupportable aux hommes » ?
2807
80. Cinquante-cinq ans plus tard, je serais tenté
de
dire que les hommes ne supportent plus aucune pensée qui contredise c
2808
u christianisme sa rhétorique et sa dialectique ;
de
la sorte, il a empêché le christianisme de mourir de sa pauvreté spir
2809
ique ; de la sorte, il a empêché le christianisme
de
mourir de sa pauvreté spirituelle. On est toujours étonné de voir un
2810
la sorte, il a empêché le christianisme de mourir
de
sa pauvreté spirituelle. On est toujours étonné de voir un esprit de
2811
sa pauvreté spirituelle. On est toujours étonné
de
voir un esprit de la trempe de celui de Nietzsche se livrer à d’aussi
2812
tuelle. On est toujours étonné de voir un esprit
de
la trempe de celui de Nietzsche se livrer à d’aussi grossières confus
2813
st toujours étonné de voir un esprit de la trempe
de
celui de Nietzsche se livrer à d’aussi grossières confusions (pauvret
2814
rs étonné de voir un esprit de la trempe de celui
de
Nietzsche se livrer à d’aussi grossières confusions (pauvreté en espr
2815
it de la trempe de celui de Nietzsche se livrer à
d’
aussi grossières confusions (pauvreté en esprit, ou esprit de pauvreté
2816
ssières confusions (pauvreté en esprit, ou esprit
de
pauvreté, confondu ici avec bêtise). Mais c’est bien là la malhonnête
2817
qui régna sur le siècle dernier, et dont l’œuvre
de
Nietzsche a subi trop souvent les atteintes. Dans ce même livre, quat
2818
que la notion chrétienne du Dieu paternel dérive
de
la notion « de la famille patriarcale ». Comme si l’on ne pouvait pas
2819
chrétienne du Dieu paternel dérive de la notion «
de
la famille patriarcale ». Comme si l’on ne pouvait pas soutenir l’inv
2820
it pas soutenir l’inverse ! et avec beaucoup plus
de
vraisemblance et même de « sérieux historique ». Parmi toutes les c
2821
! et avec beaucoup plus de vraisemblance et même
de
« sérieux historique ». Parmi toutes les criailleries de Nietzsche,
2822
eux historique ». Parmi toutes les criailleries
de
Nietzsche, certaines prennent un accent prophétique : « Des hommes de
2823
nes prennent un accent prophétique : « Des hommes
de
commandement commanderont aussi à leur Dieu, tout en croyant le servi
2824
» Formule qui n’est pas valable pour le seul pape
de
Rome et pour les seuls conciles. Les grands mouvements fascistes ne s
2825
nts fascistes ne se réclament-ils pas, eux aussi,
d’
un « spirituel » préalablement « mis au pas » ? Et ne retrouvons-nous
2826
as » ? Et ne retrouvons-nous pas cette même forme
d’
esprit sur un autre plan, dans le communisme russe ? On sait que ce ré
2827
aussi qu’il n’a pas hésité à condamner la théorie
d’
Einstein parce qu’elle contredisait l’hypothèse marxiste. Croyant serv
2828
urs : « Vous dites que vous croyez à la nécessité
de
la religion ? Soyez sincères ! Vous croyez à la nécessité de la polic
2829
ion ? Soyez sincères ! Vous croyez à la nécessité
de
la police ! » Dès que vous croyez qu’il y a, à côté de la causalité
2830
é absolue, encore un Dieu ou une finalité, l’idée
de
la nécessité devient insupportable. Traduisons : dès que vous croyez
2831
orale, devoir kantien, conscience, notion humaine
de
la justice, science, mystique de la vie, droit au bonheur, etc., l’id
2832
, notion humaine de la justice, science, mystique
de
la vie, droit au bonheur, etc., l’idée de la toute-puissance et de la
2833
ystique de la vie, droit au bonheur, etc., l’idée
de
la toute-puissance et de la liberté de Dieu devient insupportable. C’
2834
au bonheur, etc., l’idée de la toute-puissance et
de
la liberté de Dieu devient insupportable. C’est le « Dieu moral » qui
2835
c., l’idée de la toute-puissance et de la liberté
de
Dieu devient insupportable. C’est le « Dieu moral » qui empêche, en p
2836
, en particulier, une certaine théologie libérale
de
reconnaître que le Dieu de la Bible — ancien et nouveau Testament — e
2837
e — ancien et nouveau Testament — est seul Maître
de
la seule Justice, de la seule Vie, de la seule Science, du seul Bonhe
2838
Testament — est seul Maître de la seule Justice,
de
la seule Vie, de la seule Science, du seul Bonheur ; et qu’il a seul
2839
seul Maître de la seule Justice, de la seule Vie,
de
la seule Science, du seul Bonheur ; et qu’il a seul le droit de contr
2840
ience, du seul Bonheur ; et qu’il a seul le droit
de
contredire nos notions, trop humaines et trop intéressées, de toutes
2841
e nos notions, trop humaines et trop intéressées,
de
toutes ces choses. N’est-ce pas ce « Dieu moral » qui détourna plusie
2842
où on le prêchait envers et contre tout « honneur
de
Dieu » ? La réfutation de Dieu : en somme, ce n’est que le “Dieu mor
2843
contre tout « honneur de Dieu » ? La réfutation
de
Dieu : en somme, ce n’est que le “Dieu moral” qui est réfuté. Il est
2844
futé. Il est bien significatif que les fragments
de
Nietzsche sur la religion se terminent par cet aphorisme d’une ébloui
2845
he sur la religion se terminent par cet aphorisme
d’
une éblouissante vérité. 66. Onze volumes des œuvres complètes ! 67
2846
Onze volumes des œuvres complètes ! 67. Journal
d’
un homme de 40 ans (Grasset). z. Rougemont Denis de, « Notes en marg
2847
s des œuvres complètes ! 67. Journal d’un homme
de
40 ans (Grasset). z. Rougemont Denis de, « Notes en marge de Nietzs
2848
n homme de 40 ans (Grasset). z. Rougemont Denis
de
, « Notes en marge de Nietzsche », Foi et Vie, Paris, mars 1935, p. 25
2849
ance serait exagérer, mais dans le sens contraire
de
celui qu’on imagine. Car, on fait pis que de l’ignorer et même que de
2850
aire de celui qu’on imagine. Car, on fait pis que
de
l’ignorer et même que de le méconnaître : on prétend, sans l’avoir ja
2851
ne. Car, on fait pis que de l’ignorer et même que
de
le méconnaître : on prétend, sans l’avoir jamais lu, savoir qui il fu
2852
fut, qui il est. Certains ont parcouru les Propos
de
table, présentés au public français comme un ouvrage capital : ils s’
2853
rançais comme un ouvrage capital : ils s’étonnent
d’
y trouver si peu de substance théologique et tant de plaisanteries par
2854
ique et tant de plaisanteries parfois grossières,
de
platitudes, de contradictions. Est-ce avec cela que s’est faite la Ré
2855
plaisanteries parfois grossières, de platitudes,
de
contradictions. Est-ce avec cela que s’est faite la Réforme ? D’autre
2856
utenir que Luther fut un démagogue, un exploiteur
de
l’éternel ressentiment de la race allemande contre la civilisation ro
2857
émagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment
de
la race allemande contre la civilisation romaine. On a poussé la bouf
2858
oussé la bouffonnerie jusqu’à cet excès grandiose
d’
assimiler Luther et M. Hitler, par goût de la rime sans doute. Pour l’
2859
andiose d’assimiler Luther et M. Hitler, par goût
de
la rime sans doute. Pour l’opinion moyenne sur Luther, je crois que l
2860
se marier. » J’extrais cette déclaration du livre
d’
un critique littéraire connu, dont les revues n’hésitèrent pas lorsqu’
2861
e information théologique… Ceci dit, il est juste
d’
insister sur la grande valeur des travaux de quelques spécialistes fra
2862
juste d’insister sur la grande valeur des travaux
de
quelques spécialistes français qui, au niveau de la haute culture, on
2863
e la haute culture, ont largement sauvé l’honneur
de
leur pays. Je pense aux ouvrages publiés par MM. Henri Strohl, J. Vig
2864
Gilson, pour ne rien dire — mais cela va de soi —
de
l’activité des professeurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire de
2865
is cela va de soi — de l’activité des professeurs
de
dogmatique luthérienne ou d’histoire de l’Église dans les trois Facul
2866
vité des professeurs de dogmatique luthérienne ou
d’
histoire de l’Église dans les trois Facultés françaises de théologie p
2867
ofesseurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire
de
l’Église dans les trois Facultés françaises de théologie protestante.
2868
re de l’Église dans les trois Facultés françaises
de
théologie protestante. Il n’en reste pas moins que l’ignorance ou la
2869
illies par des biographes amateurs, et à l’action
de
la polémique catholique (Denifle, Maritain, Grisar), mettent le publi
2870
tain, Grisar), mettent le public français en état
d’
infériorité assez grave, ne fût-ce que sur le plan de la culture génér
2871
nfériorité assez grave, ne fût-ce que sur le plan
de
la culture générale. Car, ignorer ou méconnaître Luther, c’est ignore
2872
méconnaître un des deux ou trois moments décisifs
de
la tradition fondamentale de l’Occident, c’est s’interdire de rien co
2873
ois moments décisifs de la tradition fondamentale
de
l’Occident, c’est s’interdire de rien comprendre à la grande discussi
2874
ion fondamentale de l’Occident, c’est s’interdire
de
rien comprendre à la grande discussion millénaire, à la grande tensio
2875
u libre arbitre, opposant Érasme à Luther, permet
de
définir symboliquement les pôles : pensée « pure » et pensée « engagé
2876
le plan théologique, ou mieux : dans la totalité
de
l’être, revient à celle d’un christianisme qui se met au service de l
2877
eux : dans la totalité de l’être, revient à celle
d’
un christianisme qui se met au service de l’humain (j’entends bien de
2878
à celle d’un christianisme qui se met au service
de
l’humain (j’entends bien de l’humain purifié, « divinisé » par les ef
2879
qui se met au service de l’humain (j’entends bien
de
l’humain purifié, « divinisé » par les efforts de la religion s’ajout
2880
de l’humain purifié, « divinisé » par les efforts
de
la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et d’un christianisme ab
2881
par les efforts de la religion s’ajoutant à ceux
de
la raison), et d’un christianisme absolu, qu’on déclare volontiers «
2882
e la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et
d’
un christianisme absolu, qu’on déclare volontiers « inhumain », parce
2883
e plus aisément à saisir l’importance centrale du
De
servo arbitrio, dont une première traduction française va paraître, a
2884
aduction française va paraître, après un peu plus
de
400 ans : je le vois au centre du débat occidental par excellence, —
2885
cidental par excellence, — mais au centre, aussi,
de
la Réforme, et de l’effort dogmatique de Luther68. On croit d’abord
2886
lence, — mais au centre, aussi, de la Réforme, et
de
l’effort dogmatique de Luther68. On croit d’abord à un pamphlet, enc
2887
, aussi, de la Réforme, et de l’effort dogmatique
de
Luther68. On croit d’abord à un pamphlet, encore que son volume maté
2888
onnifiée) n’est, en fait, que le support apparent
d’
une réflexion de plus vaste envergure, d’un témoignage qui transcende
2889
apparent d’une réflexion de plus vaste envergure,
d’
un témoignage qui transcende toute dispute. Entraîné par sa fougue hab
2890
e il le dit aux premières pages) par les procédés
de
l’humaniste et du sceptique que se vantait d’être Érasme, Luther en v
2891
dés de l’humaniste et du sceptique que se vantait
d’
être Érasme, Luther en vient, de proche en proche, à ressaisir et repo
2892
ue que se vantait d’être Érasme, Luther en vient,
de
proche en proche, à ressaisir et reposer avec puissance toutes les af
2893
c puissance toutes les affirmations fondamentales
de
la Réforme : justification par la foi, qui est don gratuit et œuvre d
2894
fication par la foi, qui est don gratuit et œuvre
de
Dieu seul ; opposition de cette justice de Dieu à la justice des homm
2895
st don gratuit et œuvre de Dieu seul ; opposition
de
cette justice de Dieu à la justice des hommes et de leurs œuvres ; op
2896
œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice
de
Dieu à la justice des hommes et de leurs œuvres ; opposition de la gr
2897
cette justice de Dieu à la justice des hommes et
de
leurs œuvres ; opposition de la grâce à la nature, selon les termes d
2898
ustice des hommes et de leurs œuvres ; opposition
de
la grâce à la nature, selon les termes de l’Apôtre ; opposition de la
2899
osition de la grâce à la nature, selon les termes
de
l’Apôtre ; opposition de la Parole vivante à la tradition codifiée ;
2900
nature, selon les termes de l’Apôtre ; opposition
de
la Parole vivante à la tradition codifiée ; sens de la décision total
2901
la Parole vivante à la tradition codifiée ; sens
de
la décision totale entre un oui et un non absolus, et refus de tout m
2902
n totale entre un oui et un non absolus, et refus
de
tout moyen terme ou médiation plus ou moins rationnelle entre les règ
2903
nnelle entre les règnes en guerre ouverte du Dieu
de
la foi et du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage et du témoi
2904
en guerre ouverte du Dieu de la foi et du Prince
de
ce monde ; nécessité du témoignage et du témoignage fidèle, certifié
2905
la Bible, et constituant la véritable « action »
de
l’homme entre les mains de Dieu. Tels sont les thèmes qu’illustre cet
2906
a véritable « action » de l’homme entre les mains
de
Dieu. Tels sont les thèmes qu’illustre cet ouvrage. S’ils n’y sont pa
2907
étuelle question que nous posent toutes les pages
de
la Bible. Ils renvoient tous à une réalité dont ils ne sont que les r
2908
e crois, si tu as reçu la foi, il n’est plus rien
de
« difficile » dans les assertions de Luther, ni dans sa négation joye
2909
st plus rien de « difficile » dans les assertions
de
Luther, ni dans sa négation joyeuse du libre arbitre. Ses coups viole
2910
« Folie pour les sages » Mais il s’en faut
de
presque tout que les grandes thèses pauliniennes de la Réforme soient
2911
presque tout que les grandes thèses pauliniennes
de
la Réforme soient acceptées (ou simplement connues !) par nos contemp
2912
r nos contemporains, même chrétiens. Il s’en faut
de
beaucoup, de presque tout, que les arguments d’un Érasme nous apparai
2913
orains, même chrétiens. Il s’en faut de beaucoup,
de
presque tout, que les arguments d’un Érasme nous apparaissent comme a
2914
t de beaucoup, de presque tout, que les arguments
d’
un Érasme nous apparaissent comme autant de sophismes. Non seulement t
2915
uments d’un Érasme nous apparaissent comme autant
de
sophismes. Non seulement tous les humanistes, — des marxistes aux vie
2916
pole : tout catholique se doit, en bonne logique,
de
les faire siens puisqu’il croit au mérite des œuvres ; et tous les pr
2917
Calvin et Luther ont fait leur temps, — que dire
de
Paul bien plus ancien ! — tous ceux qui tiennent la prédestination po
2918
ux hommes que Dieu agrée », par « Paix aux hommes
de
bonne volonté », tous ceux-là sont, en fait, avec Érasme et son armée
2919
s ceux-là sont, en fait, avec Érasme et son armée
de
grands docteurs de tous les siècles pour soutenir le libre arbitre re
2920
fait, avec Érasme et son armée de grands docteurs
de
tous les siècles pour soutenir le libre arbitre religieux, c’est-à-di
2921
igieux, c’est-à-dire le pouvoir qu’aurait l’homme
de
contribuer à son salut par ses efforts et ses œuvres morales. Que tro
2922
uveront-ils dès lors dans ce Traité ? Une verdeur
de
polémique qui peut flatter en nous le goût du pittoresque ; l’élan gé
2923
u pittoresque ; l’élan génial, la violence loyale
d’
une certitude pesante, vraiment « grave », d’une dialectique sobre et
2924
yale d’une certitude pesante, vraiment « grave »,
d’
une dialectique sobre et têtue, qui va droit au point décisif, envisag
2925
in conférer à son choix la force et la simplicité
d’
une constatation évidente. D’un point de vue purement esthétique, ces
2926
rce et la simplicité d’une constatation évidente.
D’
un point de vue purement esthétique, ces qualités sont assez rares, et
2927
même attiré et subjugué par le style, par le ton
de
l’ouvrage. (Nous ne savons que trop bien, nous modernes, séparer le f
2928
ons que trop bien, nous modernes, séparer le fond
de
la forme ; admirer l’une quand nous condamnons l’autre, et vice versa
2929
ette maîtrise, qu’on attendait d’ailleurs du chef
d’
un grand mouvement (comme dirait le jargon d’aujourd’hui), tout est bi
2930
chef d’un grand mouvement (comme dirait le jargon
d’
aujourd’hui), tout est bien fait, dans ce Traité, pour heurter de fron
2931
tout est bien fait, dans ce Traité, pour heurter
de
front le lecteur incroyant, ou celui qui ne partage pas la foi de Pau
2932
eur incroyant, ou celui qui ne partage pas la foi
de
Paul et des apôtres. D’abord, le langage scolastique, qui n’est pas p
2933
proprement luthérien, mais que Luther est obligé
d’
utiliser pour débrouiller et supprimer les faux problèmes où la Diatri
2934
refus total, ou mieux cette négligence tranquille
de
toute espèce de considération psychologique. (Un tel homme est bien t
2935
mieux cette négligence tranquille de toute espèce
de
considération psychologique. (Un tel homme est bien trop vivant pour
2936
ue. (Un tel homme est bien trop vivant pour faire
de
la psychologie ; trop engagé dans le réel pour prendre au sérieux ses
2937
conscience du spectateur.) Ce qui ne manquera pas
de
faire crier au dogmatisme. Tout se passe ici « à l’intérieur » du chr
2938
se passe ici « à l’intérieur » du christianisme,
de
l’Église. L’humanisme laïque, autonome, est simplement nié, comme une
2939
, et doit suffire en droit, à réfuter l’objection
d’
un moderne, l’objection parfaitement anachronique, mais que je sais in
2940
isse écarter cette objection par un simple rappel
de
l’ordre dans lequel le Traité fut pensé. Je tenterai donc d’esquisse
2941
ans lequel le Traité fut pensé. Je tenterai donc
d’
esquisser, tout au moins, le dialogue d’une « conscience moderne », do
2942
erai donc d’esquisser, tout au moins, le dialogue
d’
une « conscience moderne », douée d’exigence spirituelle, avec un part
2943
, le dialogue d’une « conscience moderne », douée
d’
exigence spirituelle, avec un partisan du « serf arbitre » luthérien.
2944
alogue se déroule même à l’intérieur de la pensée
d’
un homme qui veut croire…) Dialogue Car Dieu peut tout à tout in
2945
Dieu peut tout à tout instant. C’est là la santé
de
la foi. Kierkegaard. Une conscience moderne. — Selon Luther, nous
2946
ce, mais l’omniscience et la prescience éternelle
de
Dieu, qui ne peut faillir dans sa promesse, et auquel nul obstacle ne
2947
Que devient alors notre effort ? Il ne sert plus
de
rien. Nous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer si, d’avance, le
2948
us de rien. Nous n’en ferons plus ! Nous refusons
de
jouer si, d’avance, le vainqueur a été désigné par un arbitre qui ne
2949
ous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer si,
d’
avance, le vainqueur a été désigné par un arbitre qui ne tient pas com
2950
té désigné par un arbitre qui ne tient pas compte
de
nos exploits ! Un luthérien. — Mais connais-tu seulement les vraies
2951
Sort, cette idole païenne ? C. M. — J’ai besoin
de
le croire pour agir. L. — Mais qu’est-ce qu’agir ? Est-ce vraiment t
2952
nt toi qui agis ? Ou n’es-tu pas toi-même agi par
de
puissantes forces sociales, historiques et économiques ? Toute ta sci
2953
Certes, mais ma dignité consiste à lutter contre
de
telles forces, une fois que je les ai reconnues ; à m’affirmer dans m
2954
omie par un acte qui crée ma liberté, par un acte
de
révolte, s’il le faut ! L. — Tu crois donc détenir un tel pouvoir ?
2955
nc détenir un tel pouvoir ? C. M. — Il me suffit
de
vouloir l’affirmer. L. — Soit, c’est une hypothèse de travail… Pour
2956
uloir l’affirmer. L. — Soit, c’est une hypothèse
de
travail… Pour moi, je crois que Dieu connaît la fin, la somme, la val
2957
Dieu connaît la fin, la somme, la valeur absolue
de
nos actions passées, présentes, futures, car elles sont dans le temps
2958
r ce Dieu qui prétend voir plus loin que le terme
de
mes actions, — ce qui, avouons-le, les ridiculise complètement et les
2959
Et prévues par un Dieu éternel, qui alors se joue
de
moi indignement ! Il faudra donc choisir : Dieu ou moi. Je dirai : mo
2960
es que si Dieu prévoit tout, tu es alors dispensé
d’
agir, et que ce n’est plus la peine de faire aucun effort. Si tout est
2961
rs dispensé d’agir, et que ce n’est plus la peine
de
faire aucun effort. Si tout est décidé d’avance, il n’y a plus qu’à s
2962
a peine de faire aucun effort. Si tout est décidé
d’
avance, il n’y a plus qu’à se laisser aller à la manière des musulmans
2963
eu n’est pas !70 », qui t’assurerait que cet acte
de
révolte échappe à l’éternelle Prévision ? Qui t’assurerait qu’en pron
2964
ne prononcerais pas sur toi-même l’arrêt éternel
de
Dieu te rejetant vers le néant, en sorte que Dieu, vraiment, n’existe
2965
mer objectivement. Mais c’est peut-être se priver
de
son secours, ou encore la transformer en une menace obscure. Il y a u
2966
ps ? C. M. — Mais mon temps est vivant, et plein
de
nouveauté, de création ! Ton éternité immobile, c’est l’image même de
2967
Mais mon temps est vivant, et plein de nouveauté,
de
création ! Ton éternité immobile, c’est l’image même de la mort. L.
2968
ation ! Ton éternité immobile, c’est l’image même
de
la mort. L. — Que savons-nous de l’éternité ? Les philosophes et la
2969
st l’image même de la mort. L. — Que savons-nous
de
l’éternité ? Les philosophes et la raison ne peuvent l’imaginer que m
2970
Qui nous prouve que l’éternité est quelque chose
d’
immobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’est pas, au contraire,
2971
ouve que l’éternité est quelque chose d’immobile,
de
statique ? Qui nous dit qu’elle n’est pas, au contraire, la source de
2972
us dit qu’elle n’est pas, au contraire, la source
de
tout acte et de toute création, une invention totale et perpétuelle,
2973
’est pas, au contraire, la source de tout acte et
de
toute création, une invention totale et perpétuelle, une actualité pe
2974
elle le touche dans l’instant (dans un « atome »
de
temps, comme l’écrit Paul) (I Cor. 15 : 52) ? Qui t’assure que notre
2975
otre temps où elle s’est constituée, soit capable
de
concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’une éternité seule actuelle ?
2976
t capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale
d’
une éternité seule actuelle ? C’est un mystère plus profond que notre
2977
otre vie, et la raison n’est qu’un faible élément
de
notre vie. C’est un mystère que le croyant pressent et vit au seul mo
2978
ère que le croyant pressent et vit au seul moment
de
la prière. « Demandez et l’on vous donnera », dit le même Dieu qui no
2979
nt aux yeux de l’homme, sans que rien soit changé
de
ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il décidera ? Car
2980
sans que rien soit changé de ce qu’a décidé Dieu,
de
ce qu’il décide ou de ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pa
2981
ngé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou
de
ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’e
2982
ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas
de
« temps », il n’est pas lié comme nous à une succession. Mais, au con
2983
traire, nos divers temps et successions procèdent
de
l’Éternel et lui sont liés : nous venons de lui, nous retournons à lu
2984
range illusion nous ferait croire qu’une décision
de
l’Éternel est une décision dans le passé ! Quand c’est elle seule qui
2985
cas, tu n’as rien prouvé. L. — On ne prouve rien
de
ce qui est essentiel ; on l’accepte ou on le refuse, en vertu d’une d
2986
pure. Discuter ne peut nous conduire qu’au seuil
de
cette décision. Et nous n’aurons pas dialogué en vain, si nous avons
2987
nel qui commande, — ou c’est moi. Il n’y a pas là
de
difficultés intellectuelles. Il n’y a que la résistance acharnée du «
2988
est Christ lui-même, — il me paraît que l’opinion
de
Luther n’est pas sujette à de sérieuses objections. Et la démonstrati
2989
araît que l’opinion de Luther n’est pas sujette à
de
sérieuses objections. Et la démonstration purement biblique qu’on en
2990
bles, suffit à établir pour le chrétien la vérité
d’
un paradoxe que Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même de l
2991
Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même
de
l’Évangile. L’apôtre Paul l’a formulé avant toute « tradition ecclési
2992
araît qu’à celui qui ose aller jusqu’aux extrêmes
de
la connaissance de soi-même et de la connaissance de la foi. Luther i
2993
i ose aller jusqu’aux extrêmes de la connaissance
de
soi-même et de la connaissance de la foi. Luther insiste sur cet « ex
2994
qu’aux extrêmes de la connaissance de soi-même et
de
la connaissance de la foi. Luther insiste sur cet « extrêmisme » évan
2995
la connaissance de soi-même et de la connaissance
de
la foi. Luther insiste sur cet « extrêmisme » évangélique, que les so
2996
p portés à corriger et à « humaniser », au risque
d’
« évacuer la Croix ». Tant qu’on n’a pas envisagé la doctrine de la pu
2997
Croix ». Tant qu’on n’a pas envisagé la doctrine
de
la pure grâce jusque dans son sérieux dernier, on peut soutenir que l
2998
à l’inverse, il faut oser descendre jusqu’au fond
de
la connaissance du péché pour voir qu’il n’y a de liberté possible qu
2999
de la connaissance du péché pour voir qu’il n’y a
de
liberté possible que dans la grâce que Dieu nous fait. Toute l’argume
3000
a grâce que Dieu nous fait. Toute l’argumentation
de
Luther vise le moment de la décision, et néglige les moyens termes où
3001
t. Toute l’argumentation de Luther vise le moment
de
la décision, et néglige les moyens termes où voulait se complaire Éra
3002
aire Érasme. Le problème du salut est un problème
de
vie ou de mort. Or, il est seul en cause pour le théologien. Et tout
3003
e. Le problème du salut est un problème de vie ou
de
mort. Or, il est seul en cause pour le théologien. Et tout est clair
3004
mpris que Luther ne nie pas du tout notre faculté
de
vouloir, mais nie seulement qu’elle puisse suffire à nous obtenir le
3005
ncore catholique ; son humanisme mesuré l’empêche
de
voir le vrai tragique du débat. Mais le plus grand des adversaires du
3006
poussé, comme Luther, jusqu’aux extrêmes limites
de
l’homme, jusqu’aux questions dernières que peut envisager notre pensé
3007
la fatalité inéluctable. C’est dans cette volonté
de
reconnaître notre totale irresponsabilité, qu’il croit trouver et reg
3008
u’il croit trouver et regagner la dignité suprême
de
l’homme sans Dieu. Être libre, c’est vouloir l’éternité de son destin
3009
e sans Dieu. Être libre, c’est vouloir l’éternité
de
son destin. (Pour le chrétien, c’est accepter, en acte, l’éternelle p
3010
oblème, dès qu’on en vient à une épreuve radicale
de
la vie. Au « tu dois » des chrétiens, qui est prononcé par Dieu, Niet
3011
rononcé par Dieu, Nietzsche oppose le « je veux »
de
l’homme divinisé. Puis, à l’existence de Dieu, il oppose sa propre ex
3012
e veux » de l’homme divinisé. Puis, à l’existence
de
Dieu, il oppose sa propre existence72. Mais la difficulté fondamental
3013
a difficulté fondamentale que posent les rapports
de
notre volonté et de l’éternité souveraine, demeure entière. La différ
3014
ntale que posent les rapports de notre volonté et
de
l’éternité souveraine, demeure entière. La différence, c’est que Niet
3015
. La différence, c’est que Nietzsche nous propose
d’
adorer un Destin muet, tandis que nous adorons une Providence dont la
3016
68. À la proposition qu’on lui faisait, en 1537,
d’
éditer ses œuvres complètes, le réformateur répondit : « Je ne reconna
3017
le réformateur répondit : « Je ne reconnais aucun
de
mes livres pour adéquat, si ce n’est peut-être le De servo arbitrio e
3018
mes livres pour adéquat, si ce n’est peut-être le
De
servo arbitrio et le Catéchisme. » 69. Luther avertit à chaque fois
3019
des Gleichen. Berlin 1935. aa. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Luther et la liberté (À propos du Traité du serf ar
3020
es peuples qu’à partir du jour où il sera capable
de
répondre avec force et autorité aux questions politiques de notre tem
3021
e avec force et autorité aux questions politiques
de
notre temps. Qu’il le pressente, qu’il ait au moins une sorte de cons
3022
Qu’il le pressente, qu’il ait au moins une sorte
de
conscience anxieuse de l’œuvre à faire, c’est ce que prouvent ses « e
3023
’il ait au moins une sorte de conscience anxieuse
de
l’œuvre à faire, c’est ce que prouvent ses « encycliques » improvisée
3024
uvent ses « encycliques » improvisées à la veille
de
la guerre. Qu’il soit encore très loin d’une vision dynamique de l’ac
3025
veille de la guerre. Qu’il soit encore très loin
d’
une vision dynamique de l’action immédiate, c’est ce que prouvent ces
3026
u’il soit encore très loin d’une vision dynamique
de
l’action immédiate, c’est ce que prouvent ces mêmes déclarations. Ell
3027
es mêmes déclarations. Elles souffrent avant tout
d’
un manque de ton, qui révèle un manque de nécessité intérieure. Elles
3028
larations. Elles souffrent avant tout d’un manque
de
ton, qui révèle un manque de nécessité intérieure. Elles expriment l’
3029
ant tout d’un manque de ton, qui révèle un manque
de
nécessité intérieure. Elles expriment l’accord d’un certain nombre de
3030
de nécessité intérieure. Elles expriment l’accord
d’
un certain nombre de bonnes volontés, non pas l’élan d’une volonté pré
3031
ure. Elles expriment l’accord d’un certain nombre
de
bonnes volontés, non pas l’élan d’une volonté précise et combative. E
3032
certain nombre de bonnes volontés, non pas l’élan
d’
une volonté précise et combative. Elles sont un respectable résultat,
3033
nt un respectable résultat, mais non pas un point
de
départ. Sans doute garderont-elles une valeur historique. Mais comme
3034
auront passé inaperçues en leur temps. Ce manque
d’
efficacité des messages œcuméniques, dans le plan politique, provient
3035
ais il y a plus. L’erreur commise jusqu’ici a été
d’
essayer de choisir prudemment une attitude politique plus ou moins jus
3036
plus. L’erreur commise jusqu’ici a été d’essayer
de
choisir prudemment une attitude politique plus ou moins juste d’une p
3037
moins juste d’une part, plus ou moins acceptable
de
l’autre. Sans doute n’était-il pas possible de faire davantage à ce m
3038
le de l’autre. Sans doute n’était-il pas possible
de
faire davantage à ce moment. En fait, on a examiné la situation mondi
3039
n a examiné la situation mondiale et l’on a tenté
de
l’améliorer, conformément à des principes indiscutés de morale chréti
3040
méliorer, conformément à des principes indiscutés
de
morale chrétienne et naturelle. Or le réformisme moral n’a jamais pu
3041
cer le cours des événements. L’histoire est faite
d’
initiatives, non de retouches, de vœux et d’amendements. Et pour qu’un
3042
énements. L’histoire est faite d’initiatives, non
de
retouches, de vœux et d’amendements. Et pour qu’une initiative abouti
3043
stoire est faite d’initiatives, non de retouches,
de
vœux et d’amendements. Et pour qu’une initiative aboutisse, il faut q
3044
faite d’initiatives, non de retouches, de vœux et
d’
amendements. Et pour qu’une initiative aboutisse, il faut qu’elle repr
3045
portée par une passion qui jaillisse du tréfonds
de
sa foi créatrice. Les hommes qui ont fait l’histoire sont ceux qui av
3046
toire sont ceux qui avaient une vision passionnée
de
leur but et qui ont su plier les circonstances à leur dessein. Dans u
3047
ain sens, nous dirons qu’ils partaient sans cesse
d’
eux-mêmes, de leur foi ou de leur ambition, la plus profonde, et non p
3048
s dirons qu’ils partaient sans cesse d’eux-mêmes,
de
leur foi ou de leur ambition, la plus profonde, et non pas des donnée
3049
partaient sans cesse d’eux-mêmes, de leur foi ou
de
leur ambition, la plus profonde, et non pas des données et des aspira
3050
ons plus ou moins exactement connues ou supposées
de
leur époque. Leur action fut puissante dans la mesure exacte où elle
3051
la mesure exacte où elle fut l’expression directe
de
leur être. Si le mouvement œcuménique veut agir, et il le doit, il fa
3052
qu’il reconnaisse d’abord cette loi fondamentale
de
l’action. En d’autres termes, il faut que son action politique parte
3053
es termes, il faut que son action politique parte
de
lui-même, de ce qu’il a, de ce qu’il est, et de sa foi constitutive.
3054
faut que son action politique parte de lui-même,
de
ce qu’il a, de ce qu’il est, et de sa foi constitutive. Il n’a pas à
3055
ction politique parte de lui-même, de ce qu’il a,
de
ce qu’il est, et de sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunter ici e
3056
e de lui-même, de ce qu’il a, de ce qu’il est, et
de
sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunter ici et là pour composer u
3057
à emprunter ici et là pour composer une mosaïque
de
mesures désirables, mais au contraire sa position politique doit expr
3058
au contraire sa position politique doit exprimer
d’
une façon nécessaire sa nature même. Ses déclarations doivent traduire
3059
e les principes qui sont impliqués dans la vision
de
l’œcuménisme. Rien que cela, mais tout cela, avec confiance, mais aus
3060
ble conséquence. Résumons-nous : il ne s’agit pas
d’
adopter une politique accidentellement ou indirectement « chrétienne »
3061
t ou indirectement « chrétienne », mais il s’agit
d’
actualiser la politique impliquée dès le début dans la volonté et l’es
3062
é et l’espérance œcuménique. Le présent essai n’a
d’
autre ambition que d’esquisser les grandes lignes de ce développement,
3063
énique. Le présent essai n’a d’autre ambition que
d’
esquisser les grandes lignes de ce développement, et d’en indiquer les
3064
autre ambition que d’esquisser les grandes lignes
de
ce développement, et d’en indiquer les articulations. Que l’on excuse
3065
uisser les grandes lignes de ce développement, et
d’
en indiquer les articulations. Que l’on excuse le schématisme des page
3066
e schématisme des pages qui suivent : c’est celui
d’
un plan de travail, d’un sommaire. Certains conflits permanents de l’
3067
sme des pages qui suivent : c’est celui d’un plan
de
travail, d’un sommaire. Certains conflits permanents de l’histoire o
3068
s qui suivent : c’est celui d’un plan de travail,
d’
un sommaire. Certains conflits permanents de l’histoire ont pris de n
3069
ail, d’un sommaire. Certains conflits permanents
de
l’histoire ont pris de nos jours un caractère de violence sans précéd
3070
rtains conflits permanents de l’histoire ont pris
de
nos jours un caractère de violence sans précédent. À travers les comp
3071
de l’histoire ont pris de nos jours un caractère
de
violence sans précédent. À travers les complexités infinies de nos di
3072
ans précédent. À travers les complexités infinies
de
nos difficultés économiques, sociales, politiques et religieuses, ils
3073
, politiques et religieuses, ils se dégagent avec
d’
autant plus de simplicité qu’ils ont atteint un climat presque mortel.
3074
t religieuses, ils se dégagent avec d’autant plus
de
simplicité qu’ils ont atteint un climat presque mortel. Conflit polit
3075
ivers conflits ne sont en réalité que les aspects
d’
une seule et même opposition fondamentale, réfractée à des niveaux dif
3076
niveaux différents. Remarquons ensuite que chacun
de
ces termes opposés deux à deux est également faux en soi, c’est-à-dir
3077
let. Il s’ensuit que dans leur plan, il n’y a pas
de
solution possible. Ils sont inconciliables parce que, de la combinais
3078
tion possible. Ils sont inconciliables parce que,
de
la combinaison de deux erreurs, on ne peut faire sortir une vérité, m
3079
sont inconciliables parce que, de la combinaison
de
deux erreurs, on ne peut faire sortir une vérité, mais seulement une
3080
xie ne sera jamais retrouvée en faisant une somme
d’
hérésies. Du conflit politique et économique, résultent pratiquement l
3081
oudre l’opposition unité-division, il serait vain
de
rechercher une solution intermédiaire ou « libérale », à mi-chemin de
3082
chemin des deux erreurs en lutte. Il faut changer
de
plan, et retrouver l’attitude centrale dont ces deux erreurs ne sont
3083
hie. Notre thèse étant la suivante : La théologie
de
l’œcuménisme implique une philosophie de la personne dont l’applicati
3084
héologie de l’œcuménisme implique une philosophie
de
la personne dont l’application est une politique du fédéralisme. 1.
3085
est une politique du fédéralisme. 1. Théologie
de
l’œcuménisme Écartons d’abord le malentendu que pourrait suggérer
3086
it suggérer ce titre : nous ne voulons pas parler
d’
une « théologie œcuménique », synthèse utopique des théologies existan
3087
s existantes, ou doctrine nouvelle qui risquerait
de
n’être compatible avec aucune des théologies existantes. Ce qui nous
3088
reprise. Le principal est celui-ci : la théologie
de
l’œcuménisme subsiste et tombe avec la foi dans l’union des chrétiens
3089
ist, cette foi pouvant être connotée par le rejet
de
l’hérésie unitaire. Certes, il n’est pas de pire menace pour le mouve
3090
rejet de l’hérésie unitaire. Certes, il n’est pas
de
pire menace pour le mouvement œcuménique que l’utopie et la tentation
3091
mouvement œcuménique que l’utopie et la tentation
d’
une unité formelle, humainement vérifiable, assurée et définitive. Car
3092
ppositions que le mouvement œcuménique se propose
de
surmonter. C’est dans la mesure exacte où les Églises ont voulu trans
3093
na Sancta en une assurance visible et restrictive
de
l’unité (d’organisation ou de doctrine), c’est dans la mesure exacte
3094
une assurance visible et restrictive de l’unité (
d’
organisation ou de doctrine), c’est dans la mesure exacte où elles ont
3095
ible et restrictive de l’unité (d’organisation ou
de
doctrine), c’est dans la mesure exacte où elles ont douté d’une union
3096
), c’est dans la mesure exacte où elles ont douté
d’
une union par essence incontrôlable, qu’elles ont perdu leur communion
3097
u leur communion réelle. Rappelons ici l’histoire
de
la tour de Babel : la volonté de bâtir un monument visible à la gloir
3098
union réelle. Rappelons ici l’histoire de la tour
de
Babel : la volonté de bâtir un monument visible à la gloire de l’unit
3099
s ici l’histoire de la tour de Babel : la volonté
de
bâtir un monument visible à la gloire de l’unité des hommes, conduisi
3100
volonté de bâtir un monument visible à la gloire
de
l’unité des hommes, conduisit à la division de leur langage. Il convi
3101
re de l’unité des hommes, conduisit à la division
de
leur langage. Il convient de laisser aux théologiens le soin de défin
3102
duisit à la division de leur langage. Il convient
de
laisser aux théologiens le soin de définir la doctrine positive de l’
3103
e. Il convient de laisser aux théologiens le soin
de
définir la doctrine positive de l’union au nom de laquelle doit être
3104
éologiens le soin de définir la doctrine positive
de
l’union au nom de laquelle doit être condamnée l’hérésie unitaire. Do
3105
doit être condamnée l’hérésie unitaire. Doctrine
de
la multiplicité des dons accordés par le seul et même Père, ou doctri
3106
ns accordés par le seul et même Père, ou doctrine
de
la pluralité des demeures dans un seul et même ciel, ou encore doctri
3107
res dans un seul et même ciel, ou encore doctrine
de
la diversité des membres d’un seul et même corps : quel que soit le n
3108
l, ou encore doctrine de la diversité des membres
d’
un seul et même corps : quel que soit le nom qu’on lui donne, en aucun
3109
om qu’on lui donne, en aucun cas elle ne manquera
de
fondements bibliques indiscutables. (Pour ma part, je n’en vois pas d
3110
es indiscutables. (Pour ma part, je n’en vois pas
de
meilleur que la première Épître aux Corinthiens : c’est dans ses appe
3111
union, précisément, que Paul établit avec le plus
de
force la légitimité des diversités. Ce qui me paraît d’une excellente
3112
ce la légitimité des diversités. Ce qui me paraît
d’
une excellente méthode.) Est-il permis d’en appeler aussi au précédent
3113
e paraît d’une excellente méthode.) Est-il permis
d’
en appeler aussi au précédent des sept églises d’Asie, possédant chacu
3114
d’en appeler aussi au précédent des sept églises
d’
Asie, possédant chacune leur ange ? Ou à la parole « Soyez un comme le
3115
re et moi sommes un », qui établit le modèle même
de
l’union dans la distinction des personnes ? Posons ces questions-là a
3116
personnes ? Posons ces questions-là aux docteurs
de
l’Église. Mais voici ce que nous devons affirmer dès maintenant : la
3117
ous devons affirmer dès maintenant : la théologie
de
l’œcuménisme considère que la diversité des vocations divines n’est p
3118
des vocations divines n’est pas une imperfection
de
l’union, mais sa vie même. Un deuxième trait, complémentaire d’ailleu
3119
rs, doit être au moins rappelé ici : la théologie
de
l’œcuménisme ne vise pas à démanteler les orthodoxies existantes, dan
3120
ses, mais au contraire, elle a pour premier effet
de
les renforcer en les rendant plus conscientes de leurs valeurs authen
3121
de les renforcer en les rendant plus conscientes
de
leurs valeurs authentiques, et c’est par ce détour, précisément, qu’e
3122
écisément, qu’elle espère atteindre une communion
d’
esprit en profondeur. En d’autres termes, l’appel à l’union ne s’adres
3123
l’union ne s’adresse pas aux dissidents virtuels
de
chaque Église, mais à leurs membres les plus fidèles. Toutefois, cett
3124
it à se fermer sur elle-même et à n’admettre plus
de
recours direct au chef de l’Église, lequel est au ciel à la droite de
3125
me et à n’admettre plus de recours direct au chef
de
l’Église, lequel est au ciel à la droite de Dieu, et non pas sur la t
3126
chef de l’Église, lequel est au ciel à la droite
de
Dieu, et non pas sur la terre, dans telle ville, ou dans tels écrits,
3127
se ou secte n’a jamais été capable, grâce à Dieu,
de
se fermer totalement aux inspirations du Saint-Esprit. Aucune église
3128
sation ou leur doctrine particulière. Au principe
d’
union transcendant qui assure la permanence de l’Église universelle, c
3129
ipe d’union transcendant qui assure la permanence
de
l’Église universelle, certaines ont ajouté, et peu à peu substitué en
3130
outé, et peu à peu substitué en fait, un principe
d’
unité immanent, c’est-à-dire humainement contrôlable. C’est la formule
3131
re humainement contrôlable. C’est la formule même
de
la tyrannie. Car, contre un principe d’unité immanent, mais pratiquem
3132
mule même de la tyrannie. Car, contre un principe
d’
unité immanent, mais pratiquement puis théoriquement absolutisé, il n’
3133
ement puis théoriquement absolutisé, il n’y a pas
de
recours ou d’appel possibles de la part du fidèle. Il doit se soumett
3134
oriquement absolutisé, il n’y a pas de recours ou
d’
appel possibles de la part du fidèle. Il doit se soumettre ou sortir.
3135
tre ou sortir. S’il se soumet, il court le risque
d’
obéir aux hommes plutôt qu’à Dieu. S’il sort, c’est avec amertume, et
3136
re réformée, je n’épiloguerai pas ici sur l’unité
d’
organisation romaine, considérée comme nécessaire au salut. Mais je ra
3137
testante du xviiie siècle : une certaine manière
de
proclamer le dogme de l’inspiration littérale des Écritures, par exem
3138
ècle : une certaine manière de proclamer le dogme
de
l’inspiration littérale des Écritures, par exemple, revient à dispose
3139
ement des Écritures. Car aussitôt que le principe
d’
unité apparaît humainement vérifiable, l’orthodoxie de l’Église se « f
3140
ité apparaît humainement vérifiable, l’orthodoxie
de
l’Église se « ferme » sur elle-même. D’où les schismes nombreux, dès
3141
rthodoxie de l’Église se « ferme » sur elle-même.
D’
où les schismes nombreux, dès cette époque, dans les Églises calvinist
3142
e qui prétend se suffire et posséder son principe
d’
unité, une Église qui tend à se fermer par le haut pour mieux assurer
3143
humaine, devient à la fois isolée et génératrice
de
schismes. Son attitude est donc doublement antiœcuménique. Sa volonté
3144
de est donc doublement antiœcuménique. Sa volonté
d’
unité s’oppose à l’union. Elle transforme la diversité en division. Al
3145
dans ses membres ! La vie normale du corps dépend
de
la vitalité de chacun de ses membres, et la vie d’un membre dépend de
3146
s ! La vie normale du corps dépend de la vitalité
de
chacun de ses membres, et la vie d’un membre dépend de son harmonie a
3147
normale du corps dépend de la vitalité de chacun
de
ses membres, et la vie d’un membre dépend de son harmonie avec les au
3148
e la vitalité de chacun de ses membres, et la vie
d’
un membre dépend de son harmonie avec les autres membres, assurée par
3149
acun de ses membres, et la vie d’un membre dépend
de
son harmonie avec les autres membres, assurée par l’appartenance à un
3150
rons plus loin, et à plusieurs reprises, ce thème
de
l’harmonie organique opposé au thème de l’unité systématique. Notons
3151
ce thème de l’harmonie organique opposé au thème
de
l’unité systématique. Notons qu’il n’entraîne aucunement un éloge de
3152
ique. Notons qu’il n’entraîne aucunement un éloge
de
la « tolérance » libérale à base d’indifférence dogmatique. Car l’har
3153
ment un éloge de la « tolérance » libérale à base
d’
indifférence dogmatique. Car l’harmonie des membres n’est pas une tolé
3154
lement la division ou la duplication accidentelle
d’
un même organe, n’ont rien de mieux à faire qu’à fusionner le plus tôt
3155
ication accidentelle d’un même organe, n’ont rien
de
mieux à faire qu’à fusionner le plus tôt possible. 2. Philosophie
3156
fusionner le plus tôt possible. 2. Philosophie
de
la personne Les positions œcuméniques que nous venons d’esquisser
3157
onne Les positions œcuméniques que nous venons
d’
esquisser enveloppent une doctrine de l’homme. Au conflit qui oppose l
3158
nous venons d’esquisser enveloppent une doctrine
de
l’homme. Au conflit qui oppose l’unité et la division dans le plan de
3159
it qui oppose l’unité et la division dans le plan
de
l’Église, correspond terme à terme le conflit qui oppose la collectiv
3160
oppose la collectivité et l’individu dans le plan
de
la société. Et de même que l’œcuménisme retrouve la position spiritue
3161
personnalisme. Cherchons à illustrer les notions
d’
individu, de collectivité, et de personne par des exemples historiques
3162
me. Cherchons à illustrer les notions d’individu,
de
collectivité, et de personne par des exemples historiques susceptible
3163
strer les notions d’individu, de collectivité, et
de
personne par des exemples historiques susceptibles de faire image. L’
3164
ersonne par des exemples historiques susceptibles
de
faire image. L’individu est une invention grecque, et sa naissance si
3165
recque, et sa naissance signale la naissance même
de
l’hellénisme. C’est l’homme de la tribu qui se met à réfléchir « pour
3166
la naissance même de l’hellénisme. C’est l’homme
de
la tribu qui se met à réfléchir « pour son compte », et qui, de ce fa
3167
i se met à réfléchir « pour son compte », et qui,
de
ce fait même, se distingue et s’isole. Raisonner, c’est d’abord doute
3168
ulse le « non-conformiste ». Ce sont ces expulsés
de
divers groupes qui fondent les premières thiases grecques, communauté
3169
’intérêt commun et les contrats. Tous les membres
de
la tribu devaient agir de la même manière, minutieusement prescrite p
3170
trats. Tous les membres de la tribu devaient agir
de
la même manière, minutieusement prescrite par les usages, et toute di
3171
ent prescrite par les usages, et toute dissidence
de
conduite entraînait l’exécration ou la mort. Dans la cité, au contrai
3172
ncurrence, originalité, droits privés, conscience
de
soi, succèdent au respect des tabous et à la stricte observance du sa
3173
mouvement centrifuge par rapport à la communauté
d’
origine, s’il se confond d’abord avec l’intelligence et la raison, ne
3174
vers l’anarchie. À ce moment se crée un sentiment
de
vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse d’où naît l’appel à u
3175
crée un sentiment de vide social. C’est une sorte
d’
angoisse diffuse d’où naît l’appel à une communauté nouvelle et plus s
3176
e vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse
d’
où naît l’appel à une communauté nouvelle et plus solide, où l’individ
3177
st Rome alors qui nous donnera le symbole éternel
de
la réaction collective. La victoire de Rome sur la Grèce est la premi
3178
le éternel de la réaction collective. La victoire
de
Rome sur la Grèce est la première victoire fatale de l’étatisme sur l
3179
Rome sur la Grèce est la première victoire fatale
de
l’étatisme sur l’individualisme devenu anarchique. Entre individualis
3180
aussi profonde qu’on l’imagine. Il s’agit plutôt
d’
une succession inévitable. L’individu ne s’oppose à l’État qu’à la man
3181
même, l’étatisme ne fait qu’achever le processus
de
dissolution commencé par l’individualisme : il liquide les groupes ex
3182
es les initiatives individuelles. N’admettant pas
de
recours au-delà de son pouvoir, il se prive de toute inspiration créa
3183
individuelles. N’admettant pas de recours au-delà
de
son pouvoir, il se prive de toute inspiration créatrice. L’homme n’es
3184
as de recours au-delà de son pouvoir, il se prive
de
toute inspiration créatrice. L’homme n’est plus qu’une fonction socia
3185
ction sociale, un « soldat politique », dirait-on
de
nos jours. Et l’esprit périclite, faute de liberté. La Grèce individu
3186
te de liberté. La Grèce individualiste a triomphé
de
la communauté barbare du sang. Mais plus tard elle a sombré dans l’an
3187
rd elle a sombré dans l’anarchie. Rome a triomphé
de
l’anarchie et sombre maintenant sous le poids de son appareil collect
3188
de l’anarchie et sombre maintenant sous le poids
de
son appareil collectiviste. De nouveau se recrée le vide social. Quel
3189
le sera la nouvelle société ? En ce point crucial
de
l’histoire — dans une situation qui rappelle étrangement la lutte pré
3190
tisme totalitaire — se produit l’événement unique
de
l’Incarnation. Et il apporte à la question des temps la réponse étern
3191
orte à la question des temps la réponse éternelle
de
l’Église. Qu’est-ce que l’Église primitive, dans la perspective socio
3192
s plaçons ici ? Une communauté spirituelle formée
de
communautés locales ou « cellules ». Celles-ci ne se fondent pas sur
3193
ni leur chef : il s’est assis au ciel à la droite
de
Dieu. Leur ambition non plus n’est pas terrestre : elles attendent la
3194
pendant, elles constituent bel et bien les germes
d’
une société véritable. Elles ont leur organisation sociale, leurs chef
3195
s. L’homme qui se convertit et s’incorpore à l’un
de
ces groupes y trouve d’une part une activité sociale qui le relie à s
3196
sociale qui le relie à ses « frères » et le sauve
de
la solitude ; d’autre part, il revêt une dignité humaine nouvelle, pu
3197
squ’il a été racheté, et qu’il a reçu la promesse
de
sa résurrection individuelle. Il est donc à la fois engagé et libéré,
3198
’un seul et même fait : la vocation qu’il a reçue
de
l’Éternel. Cet homme d’un type nouveau n’est pas l’individu grec, pui
3199
la vocation qu’il a reçue de l’Éternel. Cet homme
d’
un type nouveau n’est pas l’individu grec, puisqu’il se soucie davanta
3200
as l’individu grec, puisqu’il se soucie davantage
de
servir que de se distinguer. Il n’est pas non plus le simple rouage,
3201
grec, puisqu’il se soucie davantage de servir que
de
se distinguer. Il n’est pas non plus le simple rouage, la simple fonc
3202
omain, puisqu’il possède une dignité indépendante
de
son rôle social. Comment le baptiser ? Il faut un mot nouveau. Ou plu
3203
les docteurs grecs avaient adopté le terme latin
de
persona (rôle social). C’est ce même terme qui servira aux premiers p
3204
miers philosophes chrétiens à désigner la réalité
de
l’homme dans un monde christianisé. Car cet homme est, lui aussi, à l
3205
ns chrétiennes, ou pour mieux dire, des créations
de
l’Église chrétienne. Dans la personne ainsi définie se résout l’étern
3206
ation qu’il envoie à l’homme, distingue cet homme
de
tous les autres et le remet en relations concrètes avec ses semblable
3207
liberté est assurée par la possibilité constante
de
recourir directement à l’Éternel, au-dessus de la communauté. Et la c
3208
te de recourir directement à l’Éternel, au-dessus
de
la communauté. Et la communauté est liée par sa fidélité à l’Éternel.
3209
t le même fondement que les droits et les devoirs
de
l’ensemble. Ils ne sont plus contradictoires. Ce qui libère un homme
3210
me est aussi ce qui le rend responsable vis-à-vis
d’
autrui. En retour, ce qui unit la communauté est aussi ce qui l’oblige
3211
chacun sa chance. Mais la liberté et l’engagement
de
la personne chrétienne se définissent du même coup par la formule : à
3212
ocation. Nous avons retrouvé, dans cette doctrine
de
l’homme, les mêmes structures que dans la doctrine de l’Église univer
3213
’homme, les mêmes structures que dans la doctrine
de
l’Église universelle esquissée plus haut ; la même position centrale
3214
les droits des parties. De même que la théologie
de
l’œcuménisme prévient d’une part l’orthodoxie fermée, d’autre part la
3215
autre part la dissidence obstinée, la philosophie
de
la personne prévient d’une part le collectivisme oppressif, d’autre p
3216
adies. Dans le plan humain immanent, il n’y a pas
d’
équilibre possible entre l’anarchie et l’unité forcée, l’individu et l
3217
mieux qu’un équilibre, il y a un principe vivant
d’
union. Là où est l’Esprit, là est la liberté, mais là aussi est la vra
3218
développer maintenant les implications politiques
de
cette théologie et de cette philosophie. 3. Politique du fédéralis
3219
les implications politiques de cette théologie et
de
cette philosophie. 3. Politique du fédéralisme Nous en avons as
3220
avons assez dit pour qu’il soit désormais facile
de
voir qu’à l’attitude œcuménique en religion ne peut correspondre que
3221
fédéraliste en politique. Quant à la philosophie
de
la personne, elle sera normalement celle du bon citoyen d’une fédérat
3222
sonne, elle sera normalement celle du bon citoyen
d’
une fédération. La devise paradoxale du fédéralisme helvétique : « Un
3223
’œcuménisme exclut l’orthodoxie fermée, créatrice
de
schismes, et la dissidence obstinée. Le fédéralisme exclut de même l’
3224
ralisme exclut de même l’impérialisme, générateur
de
guerres, et le régionalisme borné et égoïste. (Remarquons d’ailleurs
3225
urs que l’impérialisme n’est que l’individualisme
d’
un groupe ; et l’individualisme, l’impérialisme d’un homme isolé. De m
3226
d’un groupe ; et l’individualisme, l’impérialisme
d’
un homme isolé. De même que l’État cesse d’être un vrai État dès qu’il
3227
alisme d’un homme isolé. De même que l’État cesse
d’
être un vrai État dès qu’il se veut souverain absolu, l’homme cesse d’
3228
dès qu’il se veut souverain absolu, l’homme cesse
d’
être un homme intégral dès qu’il absolutise sa liberté.) Le fédéralism
3229
liser. Car les tâches civiques y sont à l’échelle
de
l’individu et l’engagement concret dans la communauté y devient donc
3230
on avec le groupe, on a la possibilité matérielle
d’
y faire entendre sa voix. Si cela ne suffit pas, on peut changer de gr
3231
e sa voix. Si cela ne suffit pas, on peut changer
de
groupe. L’on n’est donc pas isolé, comme l’individu se trouve isolé d
3232
l ou politique, ou professionnel. Cette pluralité
d’
appartenances — qui trouverait son équivalent dans l’œcuménisme ecclés
3233
taire, qui prétend faire coïncider les frontières
de
l’État avec celles de toutes les activités sociales, spirituelles ou
3234
re coïncider les frontières de l’État avec celles
de
toutes les activités sociales, spirituelles ou privées — ce qui est l
3235
uelles ou privées — ce qui est la définition même
de
l’oppression. Le fédéralisme, comme l’œcuménisme, reconnaît que les d
3236
ît que les diversités régionales sont la vie même
de
l’Union. Mais par l’organe central qui lie toutes les régions, il mén
3237
, il ménage un recours au citoyen contre les abus
de
pouvoirs locaux. Il cherche la coopération organique de ses membres e
3238
voirs locaux. Il cherche la coopération organique
de
ses membres et non cette caricature de l’ordre qu’est l’unité dans l’
3239
organique de ses membres et non cette caricature
de
l’ordre qu’est l’unité dans l’uniformité. Au lieu de pétrifier les fr
3240
édération, il cherche à vivifier leurs foyers. Et
de
la sorte, à l’équilibre méfiant et statique des puissances affrontées
3241
iste (centralisateur et individualiste à la fois)
d’
un régime coopératif. Mais ceci nous entraînerait dans un exposé qui d
3242
entraînerait dans un exposé qui déborde le cadre
de
ce schéma doctrinal. Notre objet était d’établir les relations suivan
3243
e cadre de ce schéma doctrinal. Notre objet était
d’
établir les relations suivantes : l’œcuménisme, le personnalisme et le
3244
nalisme et le fédéralisme sont les aspects divers
d’
une seule et même attitude spirituelle. Ils s’engendrent l’un l’autre
3245
mes ambitions. Ils opposent également à la notion
d’
unité rigide celle de communion ; à l’Empire, le Commonwealth ; à l’or
3246
posent également à la notion d’unité rigide celle
de
communion ; à l’Empire, le Commonwealth ; à l’ordre unitaire et géomé
3247
collaboration pluraliste et organique ; au couple
de
frères ennemis que forment l’individu déraciné et la masse totalitair
3248
ividu déraciné et la masse totalitaire, le couple
de
frères amis que forment la personne et la communauté fédérale. Vouloi
3249
énisme, ce serait priver l’organisation politique
de
ses fondements spirituels. Mais accepter l’œcuménisme sans vouloir ég
3250
st pas la foi. Note. — On s’étonnera peut-être
de
ne pas voir figurer le terme de démocratie dans ce qui précède. C’est
3251
tonnera peut-être de ne pas voir figurer le terme
de
démocratie dans ce qui précède. C’est qu’il recouvre actuellement de
3252
ce qui précède. C’est qu’il recouvre actuellement
de
trop graves malentendus et abus. L’œcuménisme n’a pas à les reprendre
3253
. Dans le fédéralisme, démocrates et totalitaires
de
droite et de gauche pourront trouver la plénitude de leurs idéaux inc
3254
éralisme, démocrates et totalitaires de droite et
de
gauche pourront trouver la plénitude de leurs idéaux incomplets, sépa
3255
droite et de gauche pourront trouver la plénitude
de
leurs idéaux incomplets, séparés, et par là même déformés. À mon sens
3256
le fédéralisme est la seule possibilité pratique
de
réaliser la vraie démocratie. Mais il a le grand avantage de réaliser
3257
la vraie démocratie. Mais il a le grand avantage
de
réaliser en même temps ce qu’il y a de valable dans l’appel communaut
3258
d avantage de réaliser en même temps ce qu’il y a
de
valable dans l’appel communautaire que le totalitarisme a diaboliquem
3259
ement utilisé et dévié. 4. Mission fédératrice
de
l’œcuménisme Et maintenant nous voici dans le drame de l’année 194
3260
ménisme Et maintenant nous voici dans le drame
de
l’année 194173. Nous constatons que le conflit en cours est insoluble
3261
e définitivement des démocraties, ce sera la mort
d’
une culture et d’une économie, sans doute, mais ce sera surtout la sup
3262
des démocraties, ce sera la mort d’une culture et
d’
une économie, sans doute, mais ce sera surtout la suppression de toute
3263
, sans doute, mais ce sera surtout la suppression
de
toute possibilité œcuménique, la subversion des valeurs universelles
3264
valeurs universelles créées par l’évangélisation
de
la conscience occidentale. D’autre part, si les démocraties capitalis
3265
alistes triomphent, aucun problème ne sera résolu
de
ce fait. Tout le monde sent ou pressent d’ailleurs que les deux terme
3266
e sent ou pressent d’ailleurs que les deux termes
de
cette alternative sont également improbables, et que les destructions
3267
nir supprimeront pratiquement toutes possibilités
de
victoire réelle de l’un ou de l’autre parti. L’examen objectif des fo
3268
atiquement toutes possibilités de victoire réelle
de
l’un ou de l’autre parti. L’examen objectif des forces en présence ne
3269
toutes possibilités de victoire réelle de l’un ou
de
l’autre parti. L’examen objectif des forces en présence ne permet d’e
3270
’examen objectif des forces en présence ne permet
d’
envisager pour l’Europe et le monde de demain qu’une période de chaos
3271
e ne permet d’envisager pour l’Europe et le monde
de
demain qu’une période de chaos étatisé ; je ne dis même pas de « révo
3272
our l’Europe et le monde de demain qu’une période
de
chaos étatisé ; je ne dis même pas de « révolution ». Car pour qu’une
3273
une période de chaos étatisé ; je ne dis même pas
de
« révolution ». Car pour qu’une révolution se déclenche, il faut une
3274
dans les deux camps. Le totalitarisme est un état
de
guerre, qui ne peut subsister normalement. Il ne reste donc à prévoir
3275
confuses des peuples et aux nécessités pratiques
de
la paix. Elle seule s’oppose à la fois au capitalisme individualiste
3276
peut aujourd’hui proposer cette réponse ? Le rôle
d’
Hitler est de détruire. Il détruit les contradictions intolérables d’u
3277
hui proposer cette réponse ? Le rôle d’Hitler est
de
détruire. Il détruit les contradictions intolérables d’une Europe qui
3278
ruire. Il détruit les contradictions intolérables
d’
une Europe qui s’obstinait à parler de justice et de droit en restant
3279
ntolérables d’une Europe qui s’obstinait à parler
de
justice et de droit en restant capitaliste et nationaliste, et qui re
3280
une Europe qui s’obstinait à parler de justice et
de
droit en restant capitaliste et nationaliste, et qui refusait de se f
3281
tant capitaliste et nationaliste, et qui refusait
de
se fédérer. Hitler abat les barrières, le passé. C’est toute sa force
3282
it. Il n’y aurait plus qu’une table rase couverte
de
ruines pulvérisées. Le rôle de Churchill est de faire la guerre. Mais
3283
able rase couverte de ruines pulvérisées. Le rôle
de
Churchill est de faire la guerre. Mais il ne pourra pas la gagner rée
3284
e de ruines pulvérisées. Le rôle de Churchill est
de
faire la guerre. Mais il ne pourra pas la gagner réellement s’il ne p
3285
agner réellement s’il ne propose rien aux peuples
de
l’Europe. Or il dit qu’il n’en a pas le temps… Quant au rôle de Stali
3286
r il dit qu’il n’en a pas le temps… Quant au rôle
de
Staline, il paraît être de profiter de la guerre des autres pour cons
3287
e temps… Quant au rôle de Staline, il paraît être
de
profiter de la guerre des autres pour consolider l’autarcie russe… Ce
3288
nt au rôle de Staline, il paraît être de profiter
de
la guerre des autres pour consolider l’autarcie russe… Cette carence
3289
velle. Si les Églises n’y répondent pas, personne
d’
autre, je le crains, ne répondra. Avant même de se demander si les Égl
3290
ne d’autre, je le crains, ne répondra. Avant même
de
se demander si les Églises peuvent répondre, il faut qu’elles compren
3291
x termes ne se confondent-ils pas dans la réalité
de
la foi ? Certes ! Si les Églises sont fidèles à leur chef, elles save
3292
ègne et crée pour ceux qui croient la possibilité
de
faire ce qu’il demande. Dans l’état d’impuissance apparente où se voi
3293
ossibilité de faire ce qu’il demande. Dans l’état
d’
impuissance apparente où se voient aujourd’hui les Églises, si cette f
3294
le sera suffisante. Aussi bien, certaines raisons
de
croire que l’Église peut agir, raisons que nous allons énumérer, sont
3295
précédé et prédéterminé les structures politiques
d’
une nation. J’indiquerai trois groupes d’exemples de cette précédence
3296
litiques d’une nation. J’indiquerai trois groupes
d’
exemples de cette précédence des facteurs religieux. Voilà le premier.
3297
une nation. J’indiquerai trois groupes d’exemples
de
cette précédence des facteurs religieux. Voilà le premier. A-t-on rem
3298
e premier. A-t-on remarqué qu’il existe une forme
de
totalitarisme correspondant à la Russie orthodoxe, une seconde, corre
3299
s calvinistes, même laïcisés, comme ce fut le cas
de
la France sous la Troisième République ? Comment expliquer ce fait ?
3300
République ? Comment expliquer ce fait ? À défaut
d’
une étude nuancée, — dont je ne puis donner ici que le thème — je dira
3301
tre l’Église et l’État n’avait jamais été établie
d’
une manière satisfaisante. Il en résultait, dans le peuple, le sentime
3302
ni, se virent contraints par le sentiment général
de
reprendre à leur compte le césaropapisme ou la théocratie dont ils tr
3303
les pays calvinistes, au contraire, la séparation
de
l’Église et de l’État a toujours été réelle — même lorsqu’elle n’étai
3304
istes, au contraire, la séparation de l’Église et
de
l’État a toujours été réelle — même lorsqu’elle n’était pas stricteme
3305
rictement établie par la loi. De même les devoirs
de
la vocation personnelle ont toujours été mis au-dessus des devoirs en
3306
te carence ne s’y est pas traduite par l’éclosion
d’
une anti-religion totalitaire, mais par un phénomène contraire de disp
3307
gion totalitaire, mais par un phénomène contraire
de
dispersion individualiste. Autre exemple : l’Angleterre et les pays s
3308
ous voyons ce processus ecclésiastique se répéter
de
nos jours dans ces mêmes pays, cette fois-ci dans l’ordre politique e
3309
duit un contenu socialiste. (Là encore avec moins
de
secousses en Scandinavie qu’en Angleterre.) Troisième exemple : Calvi
3310
in s’est toujours refusé à établir une uniformité
de
gouvernement pour les diverses Églises qui se réclamaient de sa réfor
3311
ment pour les diverses Églises qui se réclamaient
de
sa réforme. L’Una Sancta nous apparaît ici-bas, selon ses propres ter
3312
ières ». Elle doit donc s’organiser en fédération
de
paroisses et de provinces, par synodes. Ce type de relations ecclésia
3313
it donc s’organiser en fédération de paroisses et
de
provinces, par synodes. Ce type de relations ecclésiastiques devait t
3314
e paroisses et de provinces, par synodes. Ce type
de
relations ecclésiastiques devait trouver sa traduction politique dans
3315
lth britannique, États-Unis d’Amérique. (La forme
de
« l’individualisme par groupes » dans ce dernier pays, étant prédéter
3316
e dernier pays, étant prédéterminée par le fait —
d’
ordre ecclésiastique — qu’il fut fondé par des seceders.) Et l’on sait
3317
par des seceders.) Et l’on sait que les réformés
de
France, au xvie siècle, préconisèrent une organisation fédérative du
3318
n « Grand Dessein », c’est-à-dire le premier plan
d’
une Europe confédérée. Il serait aisé de développer, de nuancer et de
3319
ier plan d’une Europe confédérée. Il serait aisé
de
développer, de nuancer et de multiplier de tels exemples. Je ne les i
3320
Europe confédérée. Il serait aisé de développer,
de
nuancer et de multiplier de tels exemples. Je ne les indique ici que
3321
rée. Il serait aisé de développer, de nuancer et
de
multiplier de tels exemples. Je ne les indique ici que pour montrer :
3322
t aisé de développer, de nuancer et de multiplier
de
tels exemples. Je ne les indique ici que pour montrer : 1° que la con
3323
nt tout effort fédératif sérieux. 2. La théologie
de
l’œcuménisme, et la philosophie de la personne qu’elle implique, sont
3324
. La théologie de l’œcuménisme, et la philosophie
de
la personne qu’elle implique, sont les seules bases actuellement conc
3325
es pour un ordre nouveau du monde. (La « religion
de
l’homme » que certains nous proposent est une contradiction dans les
3326
ns les termes, à moins qu’elle ne soit la formule
de
la religion totalitaire, sans transcendance, que précisément l’on se
3327
ns transcendance, que précisément l’on se propose
de
combattre !) D’autre part, la théologie de l’œcuménisme et la philoso
3328
ropose de combattre !) D’autre part, la théologie
de
l’œcuménisme et la philosophie de la personne sont les seules bases a
3329
t, la théologie de l’œcuménisme et la philosophie
de
la personne sont les seules bases actuellement existantes, et sur les
3330
puisse construire dès maintenant. (La « religion
de
l’homme », ou du surhomme, est encore à créer, et le temps presse !)
3331
st encore à créer, et le temps presse !) Chargées
d’
éléments traditionnels, condensant tout ce que nous avons d’expérience
3332
traditionnels, condensant tout ce que nous avons
d’
expérience de la paix, elles convoient et contiennent en même temps un
3333
s, condensant tout ce que nous avons d’expérience
de
la paix, elles convoient et contiennent en même temps un indiscutable
3334
organisation du Conseil œcuménique se trouve être
de
fait la seule Internationale en formation. On sait assez que les Inte
3335
pays où les Soviets ne règnent pas, sont en voie
de
divergence et non de convergence, sur le plan international. On a vu
3336
ne règnent pas, sont en voie de divergence et non
de
convergence, sur le plan international. On a vu les socialistes angla
3337
subsiste en dehors de l’œcuménisme, qui permette
de
mettre en relations des groupes nationaux non étatiques. Ce fait simp
3338
une vocation. 4. La renaissance liturgique qui va
de
pair, dans toutes les Églises, avec l’effort œcuménique, est en train
3339
n train de recréer un langage commun, un ensemble
de
communes mesures spirituelles. Ce langage au-dessus des langages répo
3340
répond exactement aux besoins les plus légitimes
de
notre temps. Il nous rend les vraies formules de la communauté vivant
3341
de notre temps. Il nous rend les vraies formules
de
la communauté vivante, celle qui rassemble les personnes, et non pas
3342
e et grossièrement encadrée, les individus privés
de
leur conscience normale. Du point de vue sociologique, la renaissance
3343
e par le mouvement œcuménique, marque l’avènement
d’
une attitude personnaliste, au-delà de l’antinomie individu isolé-mass
3344
l’avènement d’une attitude personnaliste, au-delà
de
l’antinomie individu isolé-masse militarisée. 5. La théologie de l’œc
3345
individu isolé-masse militarisée. 5. La théologie
de
l’œcuménisme, la philosophie de la personne et la politique du fédéra
3346
. 5. La théologie de l’œcuménisme, la philosophie
de
la personne et la politique du fédéralisme sont seules en mesure, auj
3347
u fédéralisme sont seules en mesure, aujourd’hui,
de
synthétiser les vérités disjointes et tournées en erreurs, qui subsis
3348
ements totalitaires. Ceci résulte, théoriquement,
de
ce que nous avons exposé aux chapitres 1-3. Le mouvement œcuménique e
3349
. Le mouvement œcuménique est donc seul en mesure
de
préparer la réconciliation des adversaires actuels. Il ne se fonde pa
3350
les deux camps. (N’oublions pas que l’on combat,
de
part et d’autre, sans grand espoir mais avec une pathétique sincérité
3351
amps. (N’oublions pas que l’on combat, de part et
d’
autre, sans grand espoir mais avec une pathétique sincérité.) ⁂ Le tab
3352
thétique sincérité.) ⁂ Le tableau que nous venons
d’
esquisser est ambitieux. Il veut l’être, parce qu’il doit l’être. L’ac
3353
l’être. L’action du chrétien n’est jamais partie
de
la prudente considération des forces dont il croyait pouvoir disposer
3354
des forces dont il croyait pouvoir disposer, mais
de
ce que Dieu voulait qu’il fît. C’est toujours une utopie apparente ;
3355
s auteurs isolés l’ont fait entendre. Des groupes
d’
intellectuels ont tenté de formuler certaines réponses partielles. Le
3356
t entendre. Des groupes d’intellectuels ont tenté
de
formuler certaines réponses partielles. Le sentiment obscur des peupl
3357
ités morales et politiques (personnalisme). Point
d’
action constructive sans idéologie. Mais point d’idéologie valable san
3358
d’action constructive sans idéologie. Mais point
d’
idéologie valable sans théologie. Et point de théologie efficace sans
3359
oint d’idéologie valable sans théologie. Et point
de
théologie efficace sans le soutien d’une catholicité réelle, d’une co
3360
e. Et point de théologie efficace sans le soutien
d’
une catholicité réelle, d’une communauté humaine fondée dans la commun
3361
fficace sans le soutien d’une catholicité réelle,
d’
une communauté humaine fondée dans la communion des saints. Cette comm
3362
lle, qu’il doit affronter maintenant. 73. Note
de
1946 : Je n’ai pas un mot à changer au diagnostic qui suit. ab. Rou
3363
ger au diagnostic qui suit. ab. Rougemont Denis
de
, « Fédéralisme et œcuménisme », Foi et Vie, Paris, septembre–octobre
3364
eptembre–octobre 1946, p. 621-639. ac. Il s’agit
d’
une traduction en français de « Ecumenicity and federalism », Christen
3365
-639. ac. Il s’agit d’une traduction en français
de
« Ecumenicity and federalism », Christendom, New York, n° 2, printemp
3366
hes (avril 1977)ad ae Tout ne fut pas toujours
de
notre faute. Ils souffraient de famine quand nous n’étions pas nés. I
3367
fut pas toujours de notre faute. Ils souffraient
de
famine quand nous n’étions pas nés. Ils meurent encore de faim, mais
3368
e quand nous n’étions pas nés. Ils meurent encore
de
faim, mais en bien plus grand nombre — c’est un résultat du Progrès —
3369
t du Progrès — cependant que l’on meurt chez nous
de
manger trop. Cette fois-ci, notre faute est immense, mais ailleurs :
3370
notre faute est immense, mais ailleurs : elle est
d’
avoir offert, ou plutôt imposé aux élites occidentalisées du tiers-mon
3371
ent étranger à toutes leurs traditions, le modèle
de
l’État-nation napoléonien — et que ce soit en version capitaliste ou
3372
uniste ne fait aucune différence. Ils se trompent
d’
Europe, quand ils veulent l’imiter, surtout pour mieux s’en libérer. I
3373
libérées, leur identité retrouvée. Le seul moyen
de
les inciter à éviter nos maux, au lieu de les revendiquer, sera l’exe
3374
de les revendiquer, sera l’exemple vécu et réussi
d’
un dépassement de nos stato-nationalismes par la fédération continenta
3375
r, sera l’exemple vécu et réussi d’un dépassement
de
nos stato-nationalismes par la fédération continentale ; d’un dépasse
3376
to-nationalismes par la fédération continentale ;
d’
un dépassement de la croissance à tout prix des formules d’équilibre h
3377
par la fédération continentale ; d’un dépassement
de
la croissance à tout prix des formules d’équilibre humain qui prennen
3378
ssement de la croissance à tout prix des formules
d’
équilibre humain qui prennent en compte le bonheur, ou simplement l’ai
3379
que le gonflement artificiel du PNB et les stocks
de
bombes calculés en « équivalents TNT ». Condamner l’Europe et ne rien
3380
ion, c’est priver le tiers-monde des seuls moyens
de
s’en tirer sans catastrophes. Car s’il est vrai que l’Europe est resp
3381
s. Car s’il est vrai que l’Europe est responsable
de
la plupart des maux qui accablent le tiers-monde, et d’abord de son e
3382
des maux qui accablent le tiers-monde, et d’abord
de
son explosion démographique, d’où famine, mais d’où soif aussi de nos
3383
monde, et d’abord de son explosion démographique,
d’
où famine, mais d’où soif aussi de nos industries, il est non moins vr
3384
de son explosion démographique, d’où famine, mais
d’
où soif aussi de nos industries, il est non moins vrai que l’Europe se
3385
démographique, d’où famine, mais d’où soif aussi
de
nos industries, il est non moins vrai que l’Europe seule peut produir
3386
à savoir si le tiers-monde sera tenté, et tirera
de
sa libération les conclusions que nous aurions dû tirer, pour notre p
3387
sions que nous aurions dû tirer, pour notre part,
de
l’échec du colonialisme, je suis sceptique. Il se peut que le tiers-m
3388
u sage. Mais ce qui est sûr, c’est qu’en refusant
de
faire les régions et de se « faire » du même mouvement, l’Europe perd
3389
sûr, c’est qu’en refusant de faire les régions et
de
se « faire » du même mouvement, l’Europe perdrait ses dernières chanc
3390
ouvement, l’Europe perdrait ses dernières chances
de
paix, d’autonomie, et de survie de son identité, de son génie. — Co
3391
l’Europe perdrait ses dernières chances de paix,
d’
autonomie, et de survie de son identité, de son génie. — Comment alo
3392
it ses dernières chances de paix, d’autonomie, et
de
survie de son identité, de son génie. — Comment alors, évaluez-vous
3393
nières chances de paix, d’autonomie, et de survie
de
son identité, de son génie. — Comment alors, évaluez-vous les chanc
3394
paix, d’autonomie, et de survie de son identité,
de
son génie. — Comment alors, évaluez-vous les chances de votre proje
3395
énie. — Comment alors, évaluez-vous les chances
de
votre projet ? Quelles forces peut-il mobiliser ? Qui est pour ? Qui
3396
va le prendre en charge ? — Je ne serais pas tenu
de
répondre à ces questions, m’étant donné pour tâche de faire voir et s
3397
épondre à ces questions, m’étant donné pour tâche
de
faire voir et sentir la nécessité des régions, en tant qu’elle me par
3398
paraît lisiblement inscrite dans la problématique
de
notre temps. Et voilà bien pourquoi plusieurs hommes politiques, dont
3399
ou un colloque privé. Pourtant, ils ne font rien
de
visible dans ce sens, tout occupés qu’ils sont à se maintenir au pouv
3400
au pouvoir. Ils voudraient bien agir dans le sens
de
mon plan, mais s’ils en montraient l’intention, ils perdraient aussit
3401
ls perdraient aussitôt, et à coup sûr, le pouvoir
de
le faire peut-être un jour… Je n’en vois pas un seul qui ait risqué l
3402
ais pas me dérober à une question que je ne cesse
de
me poser. Vous demandez qui va réaliser mon plan. À vrai dire, il y a
3403
iser mon plan. À vrai dire, il y a toutes raisons
de
redouter que personne ne s’en charge en tant que représentant d’une n
3404
personne ne s’en charge en tant que représentant
d’
une nation, d’un parti, de la gauche ou de la droite, ou même de la Je
3405
’en charge en tant que représentant d’une nation,
d’
un parti, de la gauche ou de la droite, ou même de la Jeunesse. Les ho
3406
n tant que représentant d’une nation, d’un parti,
de
la gauche ou de la droite, ou même de la Jeunesse. Les hommes d’État
3407
sentant d’une nation, d’un parti, de la gauche ou
de
la droite, ou même de la Jeunesse. Les hommes d’État ne feront rien,
3408
d’un parti, de la gauche ou de la droite, ou même
de
la Jeunesse. Les hommes d’État ne feront rien, pour la raison que je
3409
les régions n’existent pas, ou seulement à l’état
de
nécessités vitales et ça ne vote pas. Qu’ont fait tous nos gouverneme
3410
onc pas plus régionaux qu’européens. Leur but est
d’
accéder au pouvoir existant, d’occuper ses bureaux, de s’asseoir dans
3411
éens. Leur but est d’accéder au pouvoir existant,
d’
occuper ses bureaux, de s’asseoir dans ses fauteuils, de manipuler ses
3412
céder au pouvoir existant, d’occuper ses bureaux,
de
s’asseoir dans ses fauteuils, de manipuler ses commandes, et non pas
3413
per ses bureaux, de s’asseoir dans ses fauteuils,
de
manipuler ses commandes, et non pas de le modifier radicalement, enco
3414
fauteuils, de manipuler ses commandes, et non pas
de
le modifier radicalement, encore moins de créer un tout autre pouvoir
3415
non pas de le modifier radicalement, encore moins
de
créer un tout autre pouvoir. Même jeu donc pour la droite et la gauch
3416
re leur dicte ses lois. Quant au « grand public »
de
la droite et aux « masses » de la gauche, catégories de naguère aujou
3417
u « grand public » de la droite et aux « masses »
de
la gauche, catégories de naguère aujourd’hui confondues dans l’ensemb
3418
droite et aux « masses » de la gauche, catégories
de
naguère aujourd’hui confondues dans l’ensemble passif des téléspectat
3419
a su voir venir les guerres mondiales, la théorie
de
la relativité, le stalinisme, la décevante marche sur la Lune, ni mêm
3420
la décevante marche sur la Lune, ni même la crise
de
l’énergie. Tout ou presque semble indiquer à l’observateur objectif q
3421
erme (trouver un job) et souci fortement anticipé
de
sécurité (s’assurer la retraite en même temps que le job). On ne s’oc
3422
aite en même temps que le job). On ne s’occupe ni
de
l’Europe, ni encore de régions, et encore moins de révolution. — Refu
3423
le job). On ne s’occupe ni de l’Europe, ni encore
de
régions, et encore moins de révolution. — Refus du « système », ce re
3424
e l’Europe, ni encore de régions, et encore moins
de
révolution. — Refus du « système », ce refus passant pour « révolutio
3425
ur « révolutionnaire ». On ne s’occupe pas encore
de
l’Europe, ni de régions, ni de la création d’un pouvoir neuf, mais tr
3426
aire ». On ne s’occupe pas encore de l’Europe, ni
de
régions, ni de la création d’un pouvoir neuf, mais très souvent, pres
3427
’occupe pas encore de l’Europe, ni de régions, ni
de
la création d’un pouvoir neuf, mais très souvent, presque toujours de
3428
ore de l’Europe, ni de régions, ni de la création
d’
un pouvoir neuf, mais très souvent, presque toujours de « pollution »,
3429
pouvoir neuf, mais très souvent, presque toujours
de
« pollution », notez cela ! — Si je comprends bien, vous n’avez ave
3430
s élites à la mode… Qu’avez-vous donc ? — Le sens
d’
un péril imminent et la conscience de vivre un long cauchemar où tout
3431
? — Le sens d’un péril imminent et la conscience
de
vivre un long cauchemar où tout est faux, impossible et réel ; le ref
3432
r où tout est faux, impossible et réel ; le refus
de
croire que l’état des forces cataloguées, tel que vous venez de le ca
3433
nt, ne puisse changer à bref délai ; et la vision
d’
un avenir vivant, qui peut faire se lever d’autres forces. Rien de ce
3434
nt, qui peut faire se lever d’autres forces. Rien
de
ce qui nous semble aujourd’hui définitivement installé dans une évide
3435
e évidence granitique ne va durer, parce que rien
de
tout cela ne peut durer. Aucune des conditions de survie d’une civili
3436
de tout cela ne peut durer. Aucune des conditions
de
survie d’une civilisation quelconque ne se trouve remplie par la nôtr
3437
la ne peut durer. Aucune des conditions de survie
d’
une civilisation quelconque ne se trouve remplie par la nôtre : ni le
3438
ou gouailleur du peuple, ni le dévouement rituel
d’
une aristocratie qui sait ce qu’elle se doit. Plus grave encore, cette
3439
ette civilisation ne peut produire nulle garantie
de
sécurité égale ou supérieure aux risques par elle-même créés et entre
3440
la société stato-nationaliste a pour seule vertu
d’
être là. Écoutons Baudelaire : Le monde va finir. La seule raison pou
3441
isait Emmanuel Berl « peuvent en avoir marre tout
d’
un coup »74. Déjà s’opère en toutes classes sociales et toutes classes
3442
père en toutes classes sociales et toutes classes
d’
âge la mobilisation de plus en plus fréquente d’activistes nombreux et
3443
s d’âge la mobilisation de plus en plus fréquente
d’
activistes nombreux et motivés luttant contre la pollution sous toutes
3444
rtir de là, tout s’enchaîne. L’analyse des causes
de
la pollution et du système de ces causes conduit, au-delà des déducti
3445
’analyse des causes de la pollution et du système
de
ces causes conduit, au-delà des déductions critiques, à l’escalade le
3446
ovations sociales et politiques proposées au long
de
ces pages, et qui vont des petites communautés à la fédération du con
3447
autés à la fédération du continent, première base
d’
un ordre mondial. Déjà, lors d’élections locales ou nationales, les ca
3448
ent, première base d’un ordre mondial. Déjà, lors
d’
élections locales ou nationales, les candidats bénéficiant de l’appui
3449
locales ou nationales, les candidats bénéficiant
de
l’appui des mouvements « écologiques » ont battu les chevaux de retou
3450
mouvements « écologiques » ont battu les chevaux
de
retour des partis grâce aux quelques centaines de voix qui font toute
3451
de retour des partis grâce aux quelques centaines
de
voix qui font toute la différence. Déjà, un régime scandinave vient d
3452
dinave vient de se voir renversé après trente ans
de
pouvoir, parce qu’il s’obstinait à confondre progrès social et centra
3453
nements, même s’ils sont au service des marchands
d’
armes, n’est pas telle qu’ils ne tirent de pareils résultats des concl
3454
rchands d’armes, n’est pas telle qu’ils ne tirent
de
pareils résultats des conclusions d’un sain opportunisme. — Il y a
3455
ls ne tirent de pareils résultats des conclusions
d’
un sain opportunisme. — Il y a donc des mouvements, des signes favor
3456
ouvements, des signes favorables ? — Des milliers
de
mouvements sont à l’œuvre. Au premier rang, ceux des écologistes. On
3457
, puis aux fédéralistes européens ou mondialistes
de
l’après-guerre. Je vois des signes. L’évolution de la TV reproduit le
3458
e l’après-guerre. Je vois des signes. L’évolution
de
la TV reproduit le phénomène dialectique des régions fédérées s’oppos
3459
iale : dans les deux cas on échappe aux contrôles
de
l’État-nation, dont les monopoles classiques se trouvent débordés et
3460
ibles » ; des politologues comme C. N. Parkinson (
de
la loi du même nom), pour qui l’Europe de demain ne sera viable que s
3461
kinson (de la loi du même nom), pour qui l’Europe
de
demain ne sera viable que si elle se recompose sur la base de quelque
3462
sera viable que si elle se recompose sur la base
de
quelque 140 régions autonomes, dont il dresse la carte. Je vois des a
3463
« L’expérience nous apprend que seules des unités
de
dimensions restreintes peuvent être appréhendées par leurs habitants
3464
ndées par leurs habitants et leur offrir un cadre
de
vie plaisant », et qui préconise au surplus de « petites cellules urb
3465
re de vie plaisant », et qui préconise au surplus
de
« petites cellules urbaines à l’échelle humaine », d’ampleur limitée
3466
petites cellules urbaines à l’échelle humaine »,
d’
ampleur limitée à 50 000 habitants75 ; enfin des futurologues comme He
3467
voit nos États-nations, ayant perdu leurs raisons
d’
être, bientôt remplacés par une « communauté plus effective », l’Europ
3468
quinze ans prochains — et nous n’avons guère plus
de
temps pour décider de la survie de notre espèce. — Seriez-vous rad
3469
et nous n’avons guère plus de temps pour décider
de
la survie de notre espèce. — Seriez-vous radicalement pessimiste ?
3470
ons guère plus de temps pour décider de la survie
de
notre espèce. — Seriez-vous radicalement pessimiste ? — Pessimiste
3471
essimiste ? — Pessimiste, optimiste, cela n’a pas
de
sens en soi. Je ne cesserai de me sentir optimiste tant que je verrai
3472
iste, cela n’a pas de sens en soi. Je ne cesserai
de
me sentir optimiste tant que je verrai que je puis faire quelque chos
3473
urs le succès ! Attitude qui n’est pas différente
de
celle que j’annonçais dans ma jeunesse sous le titre de « politique d
3474
le que j’annonçais dans ma jeunesse sous le titre
de
« politique du pessimisme actif »76, prenant ma devise au Taciturne.
3475
et pas en nombre suffisant. Il reste à la réalité
de
vous imposer ce que le bon sens jamais n’aura pu faire, et c’est la r
3476
e vois rien de plus probable. Je ne prédirai rien
d’
autre comme certain. Je sens venir une série de catastrophes organisée
3477
en d’autre comme certain. Je sens venir une série
de
catastrophes organisées par nos soins diligents quoique inconscients.
3478
raser, je les dirai pédagogiques, seules capables
de
surmonter notre inertie et l’invincible propension des chroniqueurs à
3479
l’invincible propension des chroniqueurs à taxer
de
« psychose d’Apocalypse » toute dénonciation d’un facteur de danger m
3480
propension des chroniqueurs à taxer de « psychose
d’
Apocalypse » toute dénonciation d’un facteur de danger mortel, bien av
3481
r de « psychose d’Apocalypse » toute dénonciation
d’
un facteur de danger mortel, bien avéré, mais qui rapporte. Je disais
3482
se d’Apocalypse » toute dénonciation d’un facteur
de
danger mortel, bien avéré, mais qui rapporte. Je disais cela dans mon
3483
rapporte. Je disais cela dans mon jardin du pays
de
Gex devant la caméra de la TV française, dans l’après-midi lumineux d
3484
a dans mon jardin du pays de Gex devant la caméra
de
la TV française, dans l’après-midi lumineux du 24 août 1973, et donna
3485
e, industrielle et monétaire où cinq ou six émirs
de
droit divin, un roi madré et un dictateur fou pouvaient nous jeter d’
3486
oi madré et un dictateur fou pouvaient nous jeter
d’
un jour à l’autre, si cela leur chantait ou pour que nous chantions. Q
3487
role », m’obligeant à jeter au panier, pour cause
de
confirmation prématurée, une centaine de pages destinées à ce livre,
3488
ur cause de confirmation prématurée, une centaine
de
pages destinées à ce livre, et dont le ton prophétique eût paru plutô
3489
la sagesse qu’il en tira pour quelques semaines,
de
nouvelles catastrophes s’organisent dans l’ombre : « excursions » nuc
3490
tion des baleines, des éléphants, des phoques, et
de
tous les fauves à fourrure, chantages à la bombe bricolée exigeant le
3491
chantages à la bombe bricolée exigeant les bijoux
de
la couronne, la tête d’un chef d’État ou autrement c’est Manhattan, M
3492
colée exigeant les bijoux de la couronne, la tête
d’
un chef d’État ou autrement c’est Manhattan, Moscou, Paris rasés dans
3493
ttan, Moscou, Paris rasés dans l’heure… Quelqu’un
d’
autre l’avait déjà dit, c’était Saint-Just, au cœur de la Révolution :
3494
tre l’avait déjà dit, c’était Saint-Just, au cœur
de
la Révolution : Il faut attendre un mal général assez grand pour que
3495
and pour que l’opinion générale éprouve le besoin
de
mesures propres à faire le bien. Saint-Just ajoutait : Ce qui produ
3496
e vois pas ce qu’il serait possible, aujourd’hui,
de
« commencer trop tôt » : tout va trop vite. Il a fallu cinq siècles e
3497
nt (1300-1800) pour préparer l’État-nation, moins
d’
un siècle pour en imposer le modèle à toute l’Europe, et trente ans po
3498
it, à cause de lui, tout s’accélère vers le pire.
D’
où non seulement l’urgence accrue d’un changement de cap, mais une plu
3499
vers le pire. D’où non seulement l’urgence accrue
d’
un changement de cap, mais une plus grande lisibilité de l’évolution,
3500
où non seulement l’urgence accrue d’un changement
de
cap, mais une plus grande lisibilité de l’évolution, qui peut facilit
3501
hangement de cap, mais une plus grande lisibilité
de
l’évolution, qui peut faciliter ce changement. Les catastrophes n’app
3502
pas les voies et ne les inventeront jamais. « Pas
de
vent favorable pour qui ne sait pas où il va », disait Sénèque. Mais
3503
e, même contraire. Tirer des bords contre le vent
de
l’Histoire et de la guerre : formule de nos efforts actuels et procha
3504
. Tirer des bords contre le vent de l’Histoire et
de
la guerre : formule de nos efforts actuels et prochains. Et peu m’imp
3505
e le vent de l’Histoire et de la guerre : formule
de
nos efforts actuels et prochains. Et peu m’importe de prévoir si la g
3506
os efforts actuels et prochains. Et peu m’importe
de
prévoir si la gauche ou la droite vont l’emporter — de toute façon, c
3507
évoir si la gauche ou la droite vont l’emporter —
de
toute façon, ce sera tout autre chose — car je n’écris ceci que pour
3508
je la vois déjà formulée par Héraclite au siècle
d’
or de Delphes, de la Pythie et de la naissance des cités grecques : Le
3509
a vois déjà formulée par Héraclite au siècle d’or
de
Delphes, de la Pythie et de la naissance des cités grecques : Le maît
3510
formulée par Héraclite au siècle d’or de Delphes,
de
la Pythie et de la naissance des cités grecques : Le maître de la Pyt
3511
aclite au siècle d’or de Delphes, de la Pythie et
de
la naissance des cités grecques : Le maître de la Pythie ne veut ni p
3512
olonté et la vraie Voie. « Sentinelle, que dis-tu
de
la nuit ? » Il y a quelques années, ayant écrit que l’action politiqu
3513
er désormais à prendre des mesures conservatoires
de
l’Humain, quelqu’un demanda : — « Pourquoi voulez-vous donc que ça du
3514
ce. À quoi s’ajoute un raisonnable espoir. La fin
de
l’homme, tout à l’heure, serait au moins prématurée. Nous voyons aujo
3515
’hui certaines causes du péril où l’humain risque
de
s’anéantir, et nous disons : — ce serait trop bête ! Nous venons d’en
3516
nous disons : — ce serait trop bête ! Nous venons
d’
entrevoir la guérison possible. Nous avons les moyens de sauver « l’en
3517
evoir la guérison possible. Nous avons les moyens
de
sauver « l’environnement » — la Nature et nos habitants — in extremis
3518
is. Mais que serait la beauté du Monde sans l’œil
de
l’homme ? C’était si beau, la Terre de la Vie, bleue, verte et blanch
3519
sans l’œil de l’homme ? C’était si beau, la Terre
de
la Vie, bleue, verte et blanche dans le noir éternel… Mais sauver le
3520
Mais sauver le paysage et les décors n’aura plus
de
sens si nous ne sommes plus là, ou ce qui revient au même, si nous so
3521
s encore là mais aliénés, devenus incapables même
de
nostalgie pour ce qui fut un jour notre vie menacée. Mais il n’est pa
3522
fut un jour notre vie menacée. Mais il n’est pas
de
prévision d’avenir meilleur qui ne passe par un homme meilleur. Car i
3523
notre vie menacée. Mais il n’est pas de prévision
d’
avenir meilleur qui ne passe par un homme meilleur. Car il arrivera… c
3524
eur. Car il arrivera… ce que nous sommes. Et quoi
d’
autre peut-il arriver ? Et venant d’où ? (À part les tremblements de t
3525
mmes. Et quoi d’autre peut-il arriver ? Et venant
d’
où ? (À part les tremblements de terre.) Il nous faut donc vouloir que
3526
river ? Et venant d’où ? (À part les tremblements
de
terre.) Il nous faut donc vouloir que le meilleur gagne — en nous. Et
3527
eut anticiper l’avenir et le prévoir par les yeux
de
la foi, « substance des choses espérées, ferme assurance de celles qu
3528
« substance des choses espérées, ferme assurance
de
celles qu’on ne voit pas ». Mais à l’aide d’appareils scientifiques,
3529
ance de celles qu’on ne voit pas ». Mais à l’aide
d’
appareils scientifiques, on ne peut voir que du passé, des faits, c’es
3530
re avenir, mieux : c’est le faire. La décadence
d’
une société commence quand l’homme se demande : « Que va-t-il arriver
3531
x à notre vocation dans la cité. Hors de là point
de
communauté, ni donc de régions, ni d’Europe, ni de paix, ni de futur,
3532
la cité. Hors de là point de communauté, ni donc
de
régions, ni d’Europe, ni de paix, ni de futur, à vues humaines. J’ai
3533
de là point de communauté, ni donc de régions, ni
d’
Europe, ni de paix, ni de futur, à vues humaines. J’ai voulu dire l’av
3534
e communauté, ni donc de régions, ni d’Europe, ni
de
paix, ni de futur, à vues humaines. J’ai voulu dire l’avenir inscrit
3535
, ni donc de régions, ni d’Europe, ni de paix, ni
de
futur, à vues humaines. J’ai voulu dire l’avenir inscrit en nous, — n
3536
probable ou précisément calculé, et d’abord celui
d’
être tous des seuls en masse, il vous reste à vous convertir, à faire
3537
, c’est le même mot. Je ne vais pas vous demander
de
devenir tous des saints. (Pourtant, ce serait la solution.) Je ne vai
3538
Remplacez ce système qui multiplie les occasions
de
haine par un autre qui favorise et qui appelle la solidarité. Or ce c
3539
angez vous-mêmes. Et c’est pourquoi la Sentinelle
de
Juda, le grand prophète, interrogé sur l’avenir par la voix de l’ango
3540
rand prophète, interrogé sur l’avenir par la voix
de
l’angoisse humaine dit seulement : Convertissez-vous ! Le mot doit êt
3541
ici reçu dans toute sa force et dans la plénitude
de
son sens. (Qui n’est pas limité à « devenez chrétiens ! ». Isaïe n’ét
3542
méfaits des centrales nucléaires et les bienfaits
de
la communauté, donc des régions, sans adopter l’attitude religieuse q
3543
itude religieuse que suggère malgré tout le terme
de
conversion ? Ou que la religion n’a rien à voir avec tel mode de poll
3544
Ou que la religion n’a rien à voir avec tel mode
de
pollution ou de production d’énergie ? Je répondrai que les régions,
3545
ion n’a rien à voir avec tel mode de pollution ou
de
production d’énergie ? Je répondrai que les régions, la pollution, l’
3546
voir avec tel mode de pollution ou de production
d’
énergie ? Je répondrai que les régions, la pollution, l’énergie nucléa
3547
nucléaire ont valeur symbolique en tant que nœuds
de
problèmes qu’on ne peut résoudre ou trancher sans impliquer des décis
3548
isions métaphysiques et religieuses quant au rôle
de
l’homme sur la Terre et quant à ses options de base : la puissance ou
3549
le de l’homme sur la Terre et quant à ses options
de
base : la puissance ou la liberté. Faire des régions et recréer ainsi
3550
ire des régions et recréer ainsi des possibilités
de
communauté où la personne ait liberté de découvrir et d’exercer sa vo
3551
ibilités de communauté où la personne ait liberté
de
découvrir et d’exercer sa vocation ; du même coup, prévenir la guerre
3552
unauté où la personne ait liberté de découvrir et
d’
exercer sa vocation ; du même coup, prévenir la guerre nucléaire (les
3553
me coup, prévenir la guerre nucléaire (les unités
de
base simplement n’atteignant pas la masse critique) ce n’est rien de
3554
n’atteignant pas la masse critique) ce n’est rien
de
moins que se tourner vers des finalités de liberté, rien de moins que
3555
t rien de moins que se tourner vers des finalités
de
liberté, rien de moins que renoncer à la puissance sur autrui. Et c’e
3556
ue se tourner vers des finalités de liberté, rien
de
moins que renoncer à la puissance sur autrui. Et c’est littéralement
3557
nvertir. Tous les prophètes condamnent la volonté
de
puissance, qu’ils assimilent à l’invocation des faux dieux. Pour les
3558
Bible exalte en revanche « la liberté des enfants
de
Dieu ». Si l’on exclut de la « sphère du religieux » le drame de l’hu
3559
la liberté des enfants de Dieu ». Si l’on exclut
de
la « sphère du religieux » le drame de l’humanité menacée par ses pro
3560
’on exclut de la « sphère du religieux » le drame
de
l’humanité menacée par ses propres erreurs et menaçant du même coup l
3561
t la mesure est la puissance militaire, puissance
de
tuer ; si l’on ne veut plus tirer son énergie de soi-même mais seulem
3562
de tuer ; si l’on ne veut plus tirer son énergie
de
soi-même mais seulement de la désintégration d’un peu de matière, que
3563
plus tirer son énergie de soi-même mais seulement
de
la désintégration d’un peu de matière, que reste-t-il dans la « sphèr
3564
e de soi-même mais seulement de la désintégration
d’
un peu de matière, que reste-t-il dans la « sphère du religieux » ? La
3565
La casuistique ? Mais à l’inverse, si l’on exclut
de
notre drame l’irréductible spirituel, comment fonder l’objection de l
3566
rréductible spirituel, comment fonder l’objection
de
la personne, au nom de quoi refuser le verdict de la Raison d’État, q
3567
de la personne, au nom de quoi refuser le verdict
de
la Raison d’État, quand il tombe de l’ordinateur bien programmé ? Pui
3568
e, au nom de quoi refuser le verdict de la Raison
d’
État, quand il tombe de l’ordinateur bien programmé ? Puissance ou Lib
3569
er le verdict de la Raison d’État, quand il tombe
de
l’ordinateur bien programmé ? Puissance ou Liberté, qui tranchera ? E
3570
sance ou Liberté, qui tranchera ? Entre le besoin
de
sécurité à tout prix et la soif de liberté à tous risques, le choix d
3571
ntre le besoin de sécurité à tout prix et la soif
de
liberté à tous risques, le choix de l’espèce sera fonction de la chos
3572
ix et la soif de liberté à tous risques, le choix
de
l’espèce sera fonction de la chose la moins prévisible du monde, qui
3573
tous risques, le choix de l’espèce sera fonction
de
la chose la moins prévisible du monde, qui est la vitalité d’une soci
3574
la moins prévisible du monde, qui est la vitalité
d’
une société. Mais il nous faut pousser l’analyse sur nous-mêmes : que
3575
uver en tant que nation, vend ou achète les armes
de
la fin, et se précipite vers l’holocauste général avec une très grand
3576
gistes à penser que se manifeste, dans l’humanité
d’
aujourd’hui, une tendance suicidaire assez puissante. Alors, nous — ch
3577
suicidaire assez puissante. Alors, nous — chacun
de
nous — changeons de cap, changeons de buts, ordonnons nos moyens à ce
3578
issante. Alors, nous — chacun de nous — changeons
de
cap, changeons de buts, ordonnons nos moyens à ces buts — recréons la
3579
us — chacun de nous — changeons de cap, changeons
de
buts, ordonnons nos moyens à ces buts — recréons la communauté ! Ce n
3580
éons la communauté ! Ce ne sera pas encore la fin
de
la peine des hommes, la vie sans poids. Pas encore le Jour éternel. M
3581
ait seul, sans écho, devant l’indicible injustice
de
l’écrasement imminent. Comme la permission de vivre encore de nouveau
3582
ice de l’écrasement imminent. Comme la permission
de
vivre encore de nouveaux jours, de nouvelles nuits aussi, et d’y trou
3583
ent imminent. Comme la permission de vivre encore
de
nouveaux jours, de nouvelles nuits aussi, et d’y trouver plus de save
3584
la permission de vivre encore de nouveaux jours,
de
nouvelles nuits aussi, et d’y trouver plus de saveur et plus de sens.
3585
e de nouveaux jours, de nouvelles nuits aussi, et
d’
y trouver plus de saveur et plus de sens. C’est pourquoi cette générat
3586
rs, de nouvelles nuits aussi, et d’y trouver plus
de
saveur et plus de sens. C’est pourquoi cette génération ne recevra pa
3587
uits aussi, et d’y trouver plus de saveur et plus
de
sens. C’est pourquoi cette génération ne recevra pas d’autre oracle q
3588
s. C’est pourquoi cette génération ne recevra pas
d’
autre oracle que celui d’Isaïe à Séir, c’est de lui qu’elle devra tire
3589
énération ne recevra pas d’autre oracle que celui
d’
Isaïe à Séir, c’est de lui qu’elle devra tirer son espoir et sa résolu
3590
as d’autre oracle que celui d’Isaïe à Séir, c’est
de
lui qu’elle devra tirer son espoir et sa résolution. Et ce n’est pas
3591
oir et sa résolution. Et ce n’est pas la promesse
d’
une fin de l’Histoire mais d’une rénovation de l’aventure d’être homme
3592
résolution. Et ce n’est pas la promesse d’une fin
de
l’Histoire mais d’une rénovation de l’aventure d’être homme, si elle
3593
’est pas la promesse d’une fin de l’Histoire mais
d’
une rénovation de l’aventure d’être homme, si elle prend naissance dan
3594
sse d’une fin de l’Histoire mais d’une rénovation
de
l’aventure d’être homme, si elle prend naissance dans notre cœur. É
3595
de l’Histoire mais d’une rénovation de l’aventure
d’
être homme, si elle prend naissance dans notre cœur. Écoutons mainte
3596
re cœur. Écoutons maintenant le cri sublime.
De
Séir, une voix crie au prophète : — Sentinelle, que dis-tu de la nuit
3597
voix crie au prophète : — Sentinelle, que dis-tu
de
la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? La sentinelle a répondu
3598
e, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu
de
la nuit ? La sentinelle a répondu : — Le matin vient, et la nuit auss
3599
», Preuves , Paris, n° 8, 1971. 76. Politique
de
la personne , Paris, 1934. ad. Rougemont Denis de, « Pédagogie des
3600
la personne , Paris, 1934. ad. Rougemont Denis
de
, « Pédagogie des catastrophes », Foi et Vie, Paris, avril 1977, p. 14