1 1928, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le péril Ford (février 1928)
1 (février 1928)a On a trop dit que notre époque est chaotique. Je crois bien, au contraire, que l’histoire n’a pas connu
2 avènement de cette organisation toute-puissante n’ est plus qu’une question de quelques années. Mais peut-être est-il temps
3 u’une question de quelques années. Mais peut-être est -il temps encore. Ici et là, quelques cris s’élèvent dans le désert d’
4 oursuit depuis près de deux siècles, l’Occidental est saisi d’un étrange malaise. Il soupçonne, par éclairs, qu’il y avait
5 infaillible progrès aurait-il fait fausse route ? Est -il temps encore de le détourner du désastre spirituel vers lequel il
6 certaines évidences, on préfère affirmer que tout est incompréhensible. L’homme moderne recule devant l’évidence de la banq
7 moderne, et le meilleur, parce que personne ne s’ est approché plus que lui du type idéal de l’industriel et du capitaliste
8 immense de ses livres1, sa popularité universelle sont signes que l’époque a senti en lui son incarnation la plus parfaite.
9 u jour présent, ma grande et constante ambition a été de construire une bonne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse
10 nne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse sont  : la construction d’un moteur à vapeur, puis d’un moteur à explosion,
11 automobile fabriquée, à temps perdu, alors qu’il est simple mécanicien chez Edison. Il fonde tôt après la Société des auto
12 ds qu’il possède, ou plutôt qu’il gère, mais ce n’ est pour lui qu’un résultat secondaire de son activité. Le but de sa vie
13 aire de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est
14 sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est donné à peu d’hommes de le faire :
15 Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est donné à peu d’hommes de le faire : 7000 voitures par jour, et la poss
16 ibilité d’augmenter encore cette production. Ford est le plus puissant industriel du monde ; le plus riche, au point qu’il
17 toujours plus. Ford leur montre le chemin qu’ils seront bien obligés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ils s’y eng
18 ls seront bien obligés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ils s’y engagent dès aujourd’hui résolument, pendant qu
19 veulent pas Nous avons dit tout à l’heure quel fut le but de la vie de Ford, sa « grande et constante ambition ». Il sem
20 toute sa carrière — pensée, méthode, technique — soit conditionnée jusque dans le détail par une idée fixe primitive. Consi
21 ar la possession d’automobiles Ford. Et, comme il est très intelligent, il a vite fait de démêler les conditions les plus r
22 prix, on ne trouve toujours des clients, quel que soit l’état du marché. » Il semble que cela soit tout à l’avantage du clie
23 l que soit l’état du marché. » Il semble que cela soit tout à l’avantage du client. Mais cherchons un peu les causes réelles
24 les de cet abaissement de prix — la concurrence n’ étant bien entendu qu’une cause accessoire. Dire que l’état du marché est t
25 u’une cause accessoire. Dire que l’état du marché est tel que le client n’achète plus, cela signifie parfois que la marchan
26 te plus, cela signifie parfois que la marchandise est momentanément trop chère ; mais surtout que le besoin qu’on a de tel
27 ; mais surtout que le besoin qu’on a de tel objet est satisfait ou a disparu. Il semble alors que l’industriel n’ait plus q
28 montre le bout de l’oreille, et que son but réel est la production pour elle-même, non pas le plaisir ou l’intérêt véritab
29 aisse les prix. Le client fait la comparaison. Il est impressionné par la baisse, au point qu’il en oublie que cela ne l’in
30 e, il n’eût pas acheté du tout. Autrement dit, il est trompé par la baisse. L’industriel comptait. La tromperie est prémédi
31 ar la baisse. L’industriel comptait. La tromperie est préméditée. Et le scandale, à mon sens, n’est pas que l’industriel ai
32 rie est préméditée. Et le scandale, à mon sens, n’ est pas que l’industriel ait forcé (psychologiquement) le client à faire
33 lient à faire une dépense superflue ; le scandale est qu’il l’ait trompé sur ses véritables besoins. Car cela va bien plus
34 servation, d’autorégulation et d’alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui de la réclame a même bu
35 lame a même but, mêmes effets. Mais le plus grave est peut-être le sophisme du loisir. M. Guglielmo Ferrero a fort bien mon
36 dre dans son engrenage. L’emploi de leurs loisirs est prévu. Il est déterminé par la réclame, les produits Ford qu’il faut
37 ngrenage. L’emploi de leurs loisirs est prévu. Il est déterminé par la réclame, les produits Ford qu’il faut user, etc. Il
38 aine a des limites. Et le temps approche où elles seront atteintes. On peut se demander jusqu’à quel point Ford est conscient
39 ntes. On peut se demander jusqu’à quel point Ford est conscient des buts et de l’avenir de son effort. Pour mon compte, je
40 er sur les sujets les plus divers. Les aphorismes sont assez révélateurs de la mentalité capitaliste américaine. Voici, par
41 déale réduite au rôle d’huile dans les rouages, n’ est -ce pas charmant et prometteur ? Et que dire de cette admirable simpli
42 n fabrique, on transporte. » « Toute notre gloire est dans nos œuvres, dans le prix que nous payons à la terre la satisfact
43 in de son livre : Le problème de la production a été brillamment résolu… Mais nous nous absorbons trop dans ce que nous fa
44 production matérielle et vers la richesse qui en est le fruit. On ne saurait mieux dire. Mais il faudrait en tirer des co
45 e. D’ailleurs, les idées générales de cette sorte sont rares dans son livre. En général, il se borne à parler de problèmes t
46 à parler de problèmes techniques où son triomphe est facile. C’est le technicien parfait qui combat les techniciens imparf
47 orte à coup sûr l’adhésion du gros public : telle est l’idéologie de celui que M. Cambon, dans sa préface, égale aux plus g
48 philosophie la plus rudimentaire. Le phénomène n’ est pas nouveau en Occident, mais il est ici tragiquement aigu. Est-ce no
49 phénomène n’est pas nouveau en Occident, mais il est ici tragiquement aigu. Est-ce notre pensée qui, à force de subtiliser
50 u en Occident, mais il est ici tragiquement aigu. Est -ce notre pensée qui, à force de subtiliser, est devenue trop faible p
51 . Est-ce notre pensée qui, à force de subtiliser, est devenue trop faible pour nous conduire ? Ou bien est-ce notre action
52 devenue trop faible pour nous conduire ? Ou bien est -ce notre action qui est devenue trop effrénée, trop folle, pour être
53 r nous conduire ? Ou bien est-ce notre action qui est devenue trop effrénée, trop folle, pour être justiciable encore de no
54 n qui est devenue trop effrénée, trop folle, pour être justiciable encore de nos vérités essentielles ? Il semble bien que n
55 s chances. J’accorderai que le progrès matériel n’ est pas mauvais en soi. Mais par l’importance qu’il a prise dans notre vi
56 es humaines, il travaille contre l’Esprit. Rien n’ est gratuit. Nous payons notre passion de posséder la matière du prix de
57 en quel mépris l’homme d’affaires à l’américaine tient les choses de l’Esprit. Dans le cas le plus favorable, « il se passer
58 e cette littérature ». Plus tard, « puisqu’elle n’ est pas utile, elle est nuisible ». « … Tableaux, symphonies, ou autres œ
59 ». Plus tard, « puisqu’elle n’est pas utile, elle est nuisible ». « … Tableaux, symphonies, ou autres œuvres destinées à ch
60 er mutuellement leur culture », dit Ford. Et tout est dit ! Le simplisme arrogant avec lequel, de nos jours, on tranche les
61 jours, on tranche les grandes questions humaines est une des manifestations les plus frappantes de notre régression. Cette
62 l’âme avec une maladresse de barbare. IV. « En être  » ou ne pas en être Une fois qu’on a compris à quel point le fordi
63 resse de barbare. IV. « En être » ou ne pas en être Une fois qu’on a compris à quel point le fordisme et l’Esprit sont
64 on a compris à quel point le fordisme et l’Esprit sont incompatibles, le monde moderne impose ce dilemme : « en être » ou ne
65 tibles, le monde moderne impose ce dilemme : « en être  » ou ne pas en être, c’est-à-dire se soumettre à la technique et s’ab
66 erne impose ce dilemme : « en être » ou ne pas en être , c’est-à-dire se soumettre à la technique et s’abrutir spirituellemen
67 re. Cela s’appelle encore vivre. Mais l’homme qui était un membre vivant dans le corps de la Nature, lié par les liens les pl
68 table valeur. Il sent obscurément que son travail est antinaturel. Il le méprise ou le subit, mais, jusque dans son repos,
69 e ou le subit, mais, jusque dans son repos, il en est l’esclave. Pour s’être exclu lui-même de l’ordre de la nature, il est
70 usque dans son repos, il en est l’esclave. Pour s’ être exclu lui-même de l’ordre de la nature, il est condamné à ne plus sai
71 s’être exclu lui-même de l’ordre de la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rapports abstraits entre les choses
72 jouir de notre liberté. La victoire mécanicienne est une victoire à la Pyrrhus. Elle nous donne une liberté dont nous ne s
73 Pyrrhus. Elle nous donne une liberté dont nous ne sommes plus dignes. Nous perdons, en l’acquérant, par l’effort de l’acquérir
74 epter l’esprit, et ses conditions. Je dis que les êtres encore doués de quelque sensibilité spirituelle deviennent par le seu
75 un monde fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit n’ est pas un luxe, n’est pas une faculté destinée à amuser nos moments de l
76 es anarchistes. Car l’Esprit n’est pas un luxe, n’ est pas une faculté destinée à amuser nos moments de loisir, il a des exi
77 il a des exigences effectives ; et ces exigences sont en contradiction avec celles que le développement de la technique imp
78 ment de la technique impose au monde moderne. Ces êtres , d’une espèce de plus en plus rare, qui savent encore quelque chose d
79 centaines d’individus. Et cette franc-maçonnerie sera bientôt traquée avec la dernière rigueur : avec la rigueur de la néce
80 r : avec la rigueur de la nécessité — puisqu’elle est inutile au grand dessein matérialiste de l’Occident. La logique, parl
81 à vouloir en revenir à la période préindustrielle soit autre chose qu’une échappatoire utopique. Nous avons mieux à faire, i
82 ppatoire utopique. Nous avons mieux à faire, il n’ est plus temps de se désintéresser simplement des buts — si bas soient-il
83 de se désintéresser simplement des buts — si bas soient -ils — d’une civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de p
84 jourd’hui ont une tâche pressante : chercher s’il est possible d’échapper au fatal dilemme. Premiers pas vers la solution :
85 évélé que les livres les plus lus du grand public sont Ma vie et mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches, de Clément
86 el. Dans les pays de langue allemande, son succès est encore plus grand, et de meilleure qualité. Je ne parle pas de l’Amér
2 1930, Foi et Vie, articles (1928–1977). « Pour un humanisme nouveau » [Réponse à une enquête] (1930)
87 à composer les deux périls en une résultante qui est la civilisation. Appelons humanisme l’art de composer pour la défense
88 e : l’organe d’équilibre de la civilisation. Nous tenions de l’Antiquité, et singulièrement de la Grèce, le sentiment d’une har
89 a composante matérielle vient de l’emporter. Elle est en passe de gauchir notre civilisation à tel point que l’homme, affol
90 el point que l’homme, affolé, soudain, doute s’il est encore maître de la redresser. C’est qu’il n’y a plus d’humanisme, s’
91 manisme, s’il subsiste des humanités. L’humanisme est compromis virtuellement dès lors que la science proclame son autonomi
92 l à prouver la liberté humaine ? C’est que l’on s’ est trop bien assimilé les tours de la pensée scientifique. Cherchant des
93 é de sa filature6. Ah ! comme nous avons besoin d’ être purifiés d’une odeur de laboratoire dont notre pensée reste imprégnée
94 matière d’intentions morales. Elle-même cependant est tout occupée à minéraliser l’esprit. La tâche urgente d’un nouvel hum
95 l’esprit. La tâche urgente d’un nouvel humanisme sera de nous dégager des fatalités dont nous voyons l’empire s’étendre dan
96 donc d’un « humanisme scientifique » ? Nous avons été pris de vitesse par nos inventions matérielles et déjà nous sentons l
97 de l’esprit et de la matière. L’humanisme moderne sera ce parti pris, spiritualiste — ou ne méritera pas son nom. … Or, la r
98 on nom. … Or, la rigueur de la science ne saurait être surmontée, sinon par la rigueur au moins égale d’une pensée qui par a
99 t où notre pensée le plus souvent les a laissés — sont au moins aussi « objectifs » que les faits physiques élaborés par la
100 t de la grâce, ils échappent à cette fatalité qui est le signe du monde matériel. Je vois l’humanisme nouveau sous l’aspec
101 rêves. Et je ne vois rien d’autre. Quoi qu’il en soit d’ailleurs du contenu d’un nouvel humanisme, il est assez aisé de pré
102 t d’ailleurs du contenu d’un nouvel humanisme, il est assez aisé de prévoir et de décrire une tentation qui le guette et à
103 mythe ait animé l’humanisme de nos humanités. Il est certain qu’il a perdu son ascendant. D’ailleurs son pouvoir, s’il en
104 qu’à l’idéal anglo-saxon du gentleman. Le rabais est notable. On solde. Au rayon des idéaux de confection voici le Citoyen
105 ssera plus avant la dégradation de cette idole qu’ est l’Homme pour l’homme. Toute décadence invente un syncrétisme. Rome eu
106 e foi commune, mais une moyenne de nos manières d’ être . Une sorte de commun dénominateur… (Le christianisme en connaît un, d
107 e propose ont ceci d’insuffisant : qu’ils peuvent être atteints. Mais ce qui parfait la stature de l’homme, c’est l’effort p
108 pe, en esprit, d’un ordre transcendental. Un seul fut parfaitement Homme : c’était un dieu. N’attendons pas d’un nouvel hum
109 arches intellectuelles. Nous avons inventé trop d’ êtres inhumains : ils nous menacent et nous empêchent de voir encore le sur
110 nt et nous empêchent de voir encore le surhumain. Être véritablement homme, c’est avoir accès au divin. Que sert de parler d
111 de parler d’humanisme « chrétien » ? L’humanisme est de l’homme, le christianisme est du nouvel homme. Tout humanisme véri
112  » ? L’humanisme est de l’homme, le christianisme est du nouvel homme. Tout humanisme véritable conduit « au seuil » : et q
113 la « psychologie scientifique » et à ce leurre qu’ est l’attitude paralléliste. 6. J’exagère probablement, car la sincérité
114 éo-scientisme tempéré — sinon vraiment converti — est hors de doute. Mais c’est Stilicon défendant l’Empire. 7. Or, Bergso
115 bien leur place : la connaissance des étymologies est l’une des garanties les plus actives de la pensée. b. Rougemont Den
116 oi et Vie , Paris, 1930, p. 242-245. c. Le texte est précédé de la note suivante : « M. Denis de Rougemont a poursuivi des
3 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). André Malraux, La Voie royale (février 1931)
117 lé La Tentation de l’Occident. La Voix royale 9, est , croyons-nous, le récit des événements qui précédèrent l’aventure chi
118 n d’aventures significatives, et dont le tragique est décuplé par la valeur qu’il prend dans l’esprit des héros. Un jeune F
119 bscurités que le style très tendu de M. Malraux n’ est pas fait pour dissiper. Perken, dans ses conversations, fait parfois
120 ut-être qu’il n’y en a pas. Perken, comme Garine, est de ces êtres qui agissent par désespoir, parce que l’action, à tout p
121 il n’y en a pas. Perken, comme Garine, est de ces êtres qui agissent par désespoir, parce que l’action, à tout prendre, est u
122 ar désespoir, parce que l’action, à tout prendre, est une défense contre la mort — la mort partout présente « comme l’irréf
123 urdité de la vie ». L’agonie lente de Perken, qui est tombé sur les « pointes de guerre » empoisonnées des Moïs, est un mor
124 les « pointes de guerre » empoisonnées des Moïs, est un morceau admirable et atroce où éclate douloureusement la révolte d
125 atroce où éclate douloureusement la révolte d’un être pour qui la mort ne peut être qu’une « défaite monstrueuse ». Ainsi l
126 ent la révolte d’un être pour qui la mort ne peut être qu’une « défaite monstrueuse ». Ainsi les incidents pathétiques de ce
127 e l’action par un intellectualisme anarchique. Je tiens au contraire le cas Malraux pour hautement significatif de notre époq
128 nt dans le souvenir du lecteur : leur tempérament est plus fortement marqué que leurs particularités extérieures, et c’est
129  » d’expression et de masques si dissemblables, n’ est -ce point cela qui forme l’autoportrait le plus profondément ressembla
130 rken, les traits d’une individualité morale qui n’ est sans doute que l’idée la plus forte que M. Malraux se fait de lui-mêm
131 plus forte que M. Malraux se fait de lui-même. Je suis tenté de dire : son moi idéal, celui auquel il donne sa plus profonde
132 lus représentatif et plus accompli. Perken-Garine est la personnification la plus frappante d’un certain « homme moderne »,
133 mort. L’homme qui pourrait se définir : « Dieu n’ est pas, donc je suis » ; l’homme seul ; areligieux, relié à rien. Plutôt
134 i pourrait se définir : « Dieu n’est pas, donc je suis  » ; l’homme seul ; areligieux, relié à rien. Plutôt aventurier que co
135 de vivre, dénonce la paresse de la religion qui n’ est qu’un refuge contre la vie. Elle nous amène à un point de jugement d’
136 désert. 9. Chez Grasset. 10. La Voie royale n’ est que l’introduction à une série de romans intitulés Les Puissances du
137 ces du désert. 11. Le prix Goncourt, dit-on, eût été décerné à M. Malraux s’il n’avait naguère au cours de ses aventures a
138 bodgiens. Je donne l’histoire comme une fable. Il est peut-être curieux de noter que les pires blasphèmes, de la pornograph
4 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Sécularisme (mars 1931)
139 i les gens les moins faits pour s’entendre : ce n’ est pas un mauvais moyen de dégager la mentalité d’une époque — selon la
140 ien écrasé pose toute la question sociale. Ainsi, sommes -nous amenés à donner une « importance » relative à des œuvres qui « s
141 des œuvres qui « signifient » plus qu’elles ne «  sont  ». L’on mesure ici l’écart d’avec la littérature d’avant-guerre, qui
142 l’écart d’avec la littérature d’avant-guerre, qui était avant tout un art. La nôtre ayant voix au forum discute autant qu’ell
143 ne dire que c’est le plus bel âge de la vie… — Où était placé notre mal ? dans quelle partie de notre vie. Voici ce que nous
144 mes ne vivent pas comme un homme devrait vivre… — Être un homme nous paraît la seule entreprise légitime… — Nous pensions vi
145 nements au Tonkin. Et non Bouddha13. — La liberté est un pouvoir réel et une volonté réelle de vouloir être soi. Ayant ain
146 un pouvoir réel et une volonté réelle de vouloir être soi. Ayant ainsi esquissé ses positions éthiques, l’auteur part pour
147 sitions éthiques, l’auteur part pour Aden. Quel n’ est pas son étonnement de découvrir que ce lieu n’est qu’une « image fort
148 est pas son étonnement de découvrir que ce lieu n’ est qu’une « image fortement concentrée de notre mère l’Europe », un lieu
149 trouve « réduite à son état de pureté extrême qui est l’état économique ». Si les mœurs sont occidentales, les habitants, e
150 extrême qui est l’état économique ». Si les mœurs sont occidentales, les habitants, eux, viennent de tout l’Orient. « On pen
151 pensation : « l’art, la philosophie, la politique étant absents, faute d’emploi, il n’y avait aucune correction à faire ». D’
152 ne veut pas poétiser le tableau, car, pour lui, «  être poétique, c’est avoir besoin d’illusions ». Je soutiendrais volontier
153 utiendrais volontiers le contraire, mais M. Nizan est de ces gens, si nombreux aujourd’hui (Freud, etc.), qui croient que l
154 ujourd’hui (Freud, etc.), qui croient que le pire est toujours le plus vrai ; que la prose est plus vraie que la poésie, le
155 le pire est toujours le plus vrai ; que la prose est plus vraie que la poésie, le petit fait plus vrai que le haut fait, l
156 ar trop dupés ; ils ne marchent plus. La faute en est à l’idéologie bourgeoise du xixe siècle qui consiste dans une large
157 « distingué » et le « conforme » au vrai. Mais n’ est -il pas grand temps de dépasser une réaction de vulgarité non moins ar
158 eurs, si je vois bien que le propos de M. Nizan n’ est pas de nous rendre le goût de ce qui, en Europe, « allongeait la solu
159 is m’empêcher de penser que cette peinture d’Aden est assez faite pour y contribuer : si grande est en effet l’horreur que
160 den est assez faite pour y contribuer : si grande est en effet l’horreur que M. Nizan éprouve à contempler « ce résidu impi
161 e résidu impitoyable, descriptible et sec ». Mais est -il bien légitime de voir dans un tel « résidu » l’essence de l’Europe
162 de l’Europe, — « son état de pureté extrême, qui est l’économique » ? On reconnaît ici la thèse marxiste, dont le moins qu
163 a thèse marxiste, dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle sent son xixe siècle. On peut lui faire un grief plus grave 
164 s de la vie humaine. Je crois que l’homme ne peut être transformé que spirituellement. Et cette révolution-là a l’avantage d
165 tuellement. Et cette révolution-là a l’avantage d’ être possible dès maintenant. Mais M. Nizan a trop de préjugés pour sentir
166 toresque. « Les curés de tous les dieux blancs se sont mis à convertir ces idolâtres, ces fétichistes, à leur parler de Luth
167 e loin le château d’If et N.-D. de la Garde : « J’ étais servi — s’écrie-t-il. — Les premiers emblèmes venus à ma rencontre ét
168 -il. — Les premiers emblèmes venus à ma rencontre étaient justement les deux objets les plus révoltants de la terre : une églis
169 e prétend humain ! Pensez-y M. Nizan : quelle que soit la Tchéka régnante, il y aura toujours plus d’hommes dans les églises
170 on moderne à l’égard de toute autorité divine qui est le trait dominant de notre époque » — pour reprendre la définition qu
171 ’un homme de 1931 a dépassé ce « stade », qu’il n’ est plus permis de nos jours… bref, que la science a changé tout cela. C’
172 e la technique, celle du primat de la Vie. Ce lui est une occasion de réduire à ses justes proportions l’idéalisme scientif
173 ue l’Esprit dont M. Brunschvicg nous entretient n’ est l’Esprit de personne. Je répondrai tout d’abord que c’est ou que cela
174 répondrai tout d’abord que c’est ou que cela veut être l’Esprit de tout le monde ; et nous savons depuis Platon ce que la dé
175 Platon ce que la démocratie dont cet idéalisme n’ est après tout qu’une transposition recèle de flatterie. Ce n’est pas tou
176 ut qu’une transposition recèle de flatterie. Ce n’ est pas tout : en fait l’idéaliste se substitue inévitablement à l’Esprit
177 ronome, ce monstre, cet amphibie plus exactement, est un homme du xxe siècle que l’idéaliste salue comme son contemporain 
178 s analyses ou à des réductions du même ordre. Lui est des pieds à la tête un homme de 1930 ; et en même temps il se réclame
179 s il se réclame d’un Esprit éternel qui cependant est né et dont on ne saurait prévoir les avatars. Tout cela, disons-le ne
180 voir les avatars. Tout cela, disons-le nettement, est d’une singulière incohérence. Et il est évident que si cet idéaliste
181 ettement, est d’une singulière incohérence. Et il est évident que si cet idéaliste se trouve mis en présence d’un marxiste,
182 exemple, qui lui déclare nettement que son Esprit est un produit purement bourgeois, enfant du loisir économique, il lui fa
183 pense quant à moi qu’un idéalisme de cette espèce est inévitablement coincé entre une philosophie religieuse concrète d’une
184 le fait que le pamphlet de M. Nizan, communiste, est encore plus dur que l’article de M. Marcel, catholique, à l’endroit d
185 nœud de divergence entre eux et nous — si le mal est si grand qu’ils le montrent — et il l’est — aucun bouleversement maté
186 le mal est si grand qu’ils le montrent — et il l’ est — aucun bouleversement matériel n’y pourra rien, si radical soit-il.
187 uleversement matériel n’y pourra rien, si radical soit -il. Un pessimisme aussi féroce que celui de MM. Malraux, Nizan, etc.,
188 rvitudes provisoires de la technique. Mais rien n’ est plus hasardeux qu’une telle mystique, — rien n’est plus incertain que
189 st plus hasardeux qu’une telle mystique, — rien n’ est plus incertain que son objet. Comme il est déchirant en vérité, le ch
190 rien n’est plus incertain que son objet. Comme il est déchirant en vérité, le chant d’orgueil que le siècle entonne pour an
191 es parts aux chrétiens. Assez parlé de Vérité, ce sont des réussites qu’il nous faut. Saluons enfin le règne de l’homme ! »
192 homme ! » Mais le chrétien, qui sait un peu ce qu’ est ce monstre, se demande, songeant à l’Europe, s’il y aura dix justes d
5 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Une exposition d’artistes protestants modernes (avril 1931)
193 it à nous faire croire qu’une origine protestante était un vice rédhibitoire pour toute carrière artistique, un facteur de st
194 nnuyeux et consciencieusement arriérés. Or nous n’ étions pas raisonnables, nous faisions des projets dont on parlait, la nuit,
195 use lumière de notre ciel simplifié. Et voilà, n’ est -ce pas, un ton et une ferveur qui rendront vaines beaucoup d’objectio
196 jeunesse. À cet égard particulièrement, ce salon fut une réussite. La curiosité d’abord un peu sceptique de certains criti
197 e de certains critiques, artistes ou écrivains, s’ est muée le soir du premier vernissage en une sympathie sincère et souven
198 istes exposassent pour qu’une réponse valable pût être esquissée. Car, avouons-le, du fait même de la nouveauté que représen
199 ez-vous, certaines austérités de style ? — On s’y serait attendu. Une visite au salon de la rue de Vaugirard nous invite à ren
200 pagne lumineuse, et le « Douarnenez » de Mac-Avoy est tout animé de blancs vivants. Très plaisant « Essai pour une Italie p
201 futures éditions d’art protestantes. La sculpture est brillamment représentée par un « Torse de femme » de Marcel Gimond, d
202 é humaine. Mais l’œuvre maîtresse de l’exposition est sans doute la « Crucifixion » de R.-Th. Bosshardt. C’est un véritable
203 uvragés. Il y a là une tradition qui certainement est bien huguenote : elle remonte aux meubles de Boulle, aux Gobelins, au
204 ent « protestant » de l’art français.   Mais s’il est malaisé de décrire, dès à présent, un art protestant de fait, peut-on
205 re foi : il faut qu’on sache sans équivoque ce qu’ est le protestantisme avant de pouvoir trancher de ce que doit être un ar
206 tantisme avant de pouvoir trancher de ce que doit être un art qui l’exprime. En d’autres termes, la définition d’un art prot
207 ’autres termes, la définition d’un art protestant est liée à une conception dogmatique de la foi. Nous pensons même que la
208 e la renaissance et l’épanouissement d’un tel art seront conditionnés par un renouveau doctrinal. Car, et c’est un paradoxe qu
209 encore. Certains critiques de cette exposition se sont demandé non sans ironie où était le calvinisme dans tout ceci. Eussen
210 tte exposition se sont demandé non sans ironie où était le calvinisme dans tout ceci. Eussent-ils posé, à propos d’un salon d
211 là que nous voulions en venir : le dogme ne doit être qu’un stimulant (une difficulté) non pas un poncif. L’idéal d’un arti
212 ant, le seul auquel sa foi puisse prétendre, ce n’ est pas de réaliser un art « protestant » conforme à une doctrine, mais u
213 ître. La grandeur d’un art protestant, c’est de n’ être qu’un art chrétien. f. Rougemont Denis de, « Une exposition d’arti
6 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Conférences du comte Keyserling (avril 1931)
214 ng, il faut le reconnaître, a su, par trois fois, tenir en haleine une salle énorme en parlant avec sérieux de problèmes esse
215 mes essentiels : c’est une performance qui vaut d’ être enregistrée. Rien de très neuf dans cette trilogie philosophique, mai
216 exemple, le christianisme primitif) — la pauvreté est considérée de nos jours comme un mal absolu et honteux. C’est ainsi e
217 sin inévitable. Mais ces anomalies très graves ne sont peut-être que transitoires, ajoute Keyserling. Nous traversons une cr
218 , à quoi nous ne pouvons qu’applaudir, ne saurait être pour nous qu’une « introduction » à l’ère spirituelle, une préparatio
219 ration nécessaire mais nullement suffisante. Ce n’ est pas la peur du monde-termitière qui sauvera la condition humaine mena
7 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Au sujet d’un grand roman : La Princesse Blanche par Maurice Baring (mai 1931)
220 r Maurice Baring (mai 1931)h M. Maurice Baring est entré dans l’intimité de milliers de lecteurs français avec un livre
221 nçaise — d’un rythme plus inégal aussi, il ne lui est pas inférieur par l’intérêt humain, et sa qualité d’émotion n’est pas
222 r par l’intérêt humain, et sa qualité d’émotion n’ est pas moins pure. C’est l’histoire de la vie d’une femme, et de la vie
223 À ces deux éléments s’en ajoute un troisième qui est moins visible, mais dont la présence constante donne au livre toute s
224 : L’amour de Dieu qui mène aux royaumes d’en-haut est contrecarré par le dieu de l’Amour. « Si vous désirez savoir comment
225 ue ce qu’admet la société anglaise. Tout le drame est intérieur ; la passion ne s’y manifeste que par de très petits gestes
226 e très petits gestes qui, échappant soudain à des êtres d’ordinaire admirablement corrects et maîtres d’eux-mêmes, laissent d
227 ue l’évocation de cette haute société anglaise ne soit pas dépourvue d’un charme qui attirera certains lecteurs, qui agacera
228 n par l’inspiration. (Dans le cas de Baring, elle serait plutôt religieuse.) Il est incontestable que l’art a tout à gagner à
229 cas de Baring, elle serait plutôt religieuse.) Il est incontestable que l’art a tout à gagner à se choisir un cadre étroit,
230 cadre étroit, voire même conventionnel. Racine en est le plus haut exemple. La Société dans laquelle évoluent les héros de
231 ociété dans laquelle évoluent les héros de Baring est riche, « conformiste » à l’extrême, mais internationale. Cela permet
232 la à Heidelberg ou à Séville quand la situation n’ est plus tenable à Londres, et l’histoire continue, pour notre agrément.
233 pour l’étude du cœur humain. Si le rôle de l’art est d’affiner nos âmes au contact de réalités plus pures que celles de la
234 à l’important. Le mérite le plus rare de ce livre est sans doute de faire sentir et « réaliser » au lecteur le tragique de
235 nt de l’histoire d’une vie sentimentale. La durée est l’élément tragique par excellence du sentiment, parce qu’elle le tran
236 qu’elle le transforme sans cesse, alors que nous sommes attachés surtout à des instants parfaits de nos affections ; parce qu
237 ouvenir, c’est-à-dire souffrir, vieillir. L’amour étant d’essence éternelle, ses manifestations dans notre vie — dans la duré
238 s manifestations dans notre vie — dans la durée — sont nécessairement douloureuses. Certains, peut-être, verront-là une cond
239 e dit l’auteur dans sa préface. Bien plutôt, elle est l’expression concrète d’une loi divine et humaine, et c’est ici que l
240 s le ton ni dans l’agencement des incidents. Ce n’ est pas un auteur qui s’arroge un petit jugement dernier de ses personnag
241 dains, d’égoïsmes déçus, d’égoïsmes comblés, ce n’ est pas le tragique d’une condamnation, mais celui, combien plus amer et
242 assages à une intensité presque bouleversante. Il est pourtant un endroit du roman où l’auteur intervient visiblement, forc
243 l on sent que Baring attache une importance qui n’ est pas uniquement « romanesque » — le mouvement du récit se ralentit, au
244 re auteur : « La veille de la Chandeleur 1909, je fus reçu dans le sein de l’Église catholique… le seul acte de ma vie que
245 ’Église catholique… le seul acte de ma vie que je suis parfaitement certain de n’avoir jamais regretté. » Blanche, anglicane
246 tions religieuses. Mais le mot conviction ne doit être pris ici qu’au sens le plus conventionnel. Car à une tante anglaise q
247 « Je ne crois pas, j’espère que non ; bien qu’il soit difficile, quelquefois, me semble-t-il, de savoir exactement quelle f
248 ique non sans acuité aux pratiques anglicanes. On serait tenté de soupçonner ici quelque invraisemblance psychologique si l’on
249 trait satirique, ailleurs presque imperceptible, est nettement appuyé dès qu’il s’agit des vieilles tantes de la Princesse
250 , qui ne jouent pas d’autre rôle dans l’histoire, sont ridicules et conventionnelles à souhait (ni plus ni moins que la majo
251 ins que la majorité des gens de cette sorte, mais est -ce à eux que l’on demande de définir la doctrine ?). Voici quelques t
252 Harriet eut un soupir de soulagement. La question était réglée : du moment qu’on allait à l’église le dimanche, tout était bi
253 moment qu’on allait à l’église le dimanche, tout était bien ; inutile d’en demander plus. » Parlant de son pasteur préféré,
254 is Edmund Lely, cousin germain de votre père, qui est devenu moine, et qui marche pieds nus, à l’étranger lui aussi ; puis
255  ; puis il y a eu votre pauvre tante Cornélia… Ce fut un terrible coup pour nous tous. Naturellement, nous nous sommes mont
256 ble coup pour nous tous. Naturellement, nous nous sommes montrés très bons à son égard… » L’on conçoit que Blanche malheureuse
257 catholiques, son mari et sa tyrannique belle-mère sont nettement antipathiques, mais ils ne disent rien, eux !) Comment Blan
258 ù l’on parle le plus directement de Dieu que Dieu est le plus absent. Car nous y sommes à chaque page incités à juger, indu
259 t de Dieu que Dieu est le plus absent. Car nous y sommes à chaque page incités à juger, induits en tentation, induits en discu
260 x pénétrer, à les approfondir jusqu’à l’unité. Il est d’autant plus regrettable de voir Baring se départir ici de la sagess
261 finitive la conversion de son héroïne nous paraît être à tel point la seule solution possible qu’elle n’est plus du tout exe
262 à tel point la seule solution possible qu’elle n’ est plus du tout exemplaire et ne peut servir ni le catholicisme (le mili
263 t servir ni le catholicisme (le milieu protestant étant nul), ni la foi chrétienne en général (du fait précisément que les mo
264 éral (du fait précisément que les mobiles humains sont ici entièrement suffisants et rendent superflue l’action de la grâce)
265 é, l’entrée de Blanche dans l’Église catholique n’ est pas une conversion18, c’est une adhésion à ce qui lui semble être la
266 version18, c’est une adhésion à ce qui lui semble être la vérité. Sa vraie conversion a lieu beaucoup plus tard, lorsqu’elle
267 rême, à cette grâce. Aussi notre bonheur humain n’ est -il en aucune mesure le signe de la vérité. Personne, peut-être, n’a r
268 ut à fait indépendante de nos appréciations. Nous sommes naturellement portés à confondre notre bonheur avec notre bien, et à
269 traîne des ruines humaines. Mais la vérité, elle, est indifférente à ce que nous appelons bonheur ou malheur. Et c’est la v
270 Dans Daphné Adeane, dans La Princesse Blanche, ce sont deux prêtres19 qui, au moment décisif, viennent apporter ce dur messa
271 r ce dur message à l’âme de celle qui demandait d’ être apaisée. Admirables dialogues, déchirants et triomphants, qui compten
272 moi, car j’ai parfois la sensation que ma misère est plus que je ne peux supporter. La vie humaine me paraît intolérable.
273 r. La vie humaine me paraît intolérable. — Elle l’ est presque, mais pas tout à fait. Il faut l’accepter. Songez à l’agonie
274 me chose dans le Podere à Florence. — Je sens, il est vrai, que j’ai commis des erreurs irréparables. — Vous avez le droit
275 , par-delà la tristesse »… Un tel état de l’âme n’ est plus très éloigné peut-être de cette joie qui, elle aussi, est « par-
276 éloigné peut-être de cette joie qui, elle aussi, est « par-delà », — cette joie « qui surpasse toute connaissance ». 16.
277 lequel nous aurons l’occasion de revenir. 18. Il est absurde, voire aux yeux de la foi scandaleux de parler de conversion
8 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Kierkegaard (mai 1931)
278 dans le monde intellectuel et religieux français, est un événement qui mérite d’être signalé et qui aura un profond retenti
279 religieux français, est un événement qui mérite d’ être signalé et qui aura un profond retentissement dans le protestantisme
280 e , la Revue de Genève . Diverses études lui ont été consacrées, en particulier dans la Revue d’histoire et de philosophie
281 (Commerce, n° XII). Le grand événement de sa vie fut la mort de l’Évêque Mynster qui avait été très estimé au Danemark et
282 sa vie fut la mort de l’Évêque Mynster qui avait été très estimé au Danemark et que Kierkegaard lui-même avait aimé et hon
283 iscours sur la tombe de l’évêque, le loua d’avoir été l’un des « grands détenteurs de la vérité, dont la longue chaîne part
284 tres ». Mais Kierkegaard reste soucieux : Mynster est -il vraiment de la lignée des Apôtres, se demande-t-il ? Les prêtres s
285 lignée des Apôtres, se demande-t-il ? Les prêtres sont -ils, dans le vrai sens du mot, les successeurs du Christ ? Ne sont-il
286 vrai sens du mot, les successeurs du Christ ? Ne sont -ils pas plutôt des fonctionnaires payés par l’État et avides d’avance
287 aques contre le christianisme officiel ne peuvent être comparés qu’aux Provinciales. Kierkegaard est le Pascal du protestant
288 nt être comparés qu’aux Provinciales. Kierkegaard est le Pascal du protestantisme, et il est caractéristique à la fois du m
289 ierkegaard est le Pascal du protestantisme, et il est caractéristique à la fois du monde du catholicisme et du monde du pro
290 et les Attaques contre le christianisme officiel furent l’acte de Kierkegaard. Après cet acte, il mourut. Comme Hamlet. » Et
291 aard dans notre Panthéon spirituel : Kierkegaard fut le dernier grand protestant. On ne peut le comparer qu’aux grands fon
292 de lui. La question essentielle pour Kierkegaard était  : Comment deviendrai-je chrétien ? Seul un protestant pouvait trouver
293 a dépassé le romantisme. Ou plutôt, le romantisme fut la jeunesse, le passé de « l’Isolé ». Et l’expression la plus caracté
294 de ce nouvel homme, qui a dépassé le romantisme, est la nouvelle psychologie. L’œuvre la plus profonde et la plus original
295 plus profonde et la plus originale de Kierkegaard est sa Psychologie de l’Angoisse, à laquelle on ne peut trouver d’analogi
296 chez Dostoïevski. Kierkegaard d’ailleurs ne peut être placé qu’à côté du poète russe. Tous deux marchent de pair et aucun a
297 traductions de ses livres. Mais ce Journal, s’il est l’œuvre la moins forte du Danois, n’en est pas moins, dans son dosage
298 , s’il est l’œuvre la moins forte du Danois, n’en est pas moins, dans son dosage pré-gidien de cynisme et d’humanité un doc
299 vons y attacher la valeur d’un signe. Kierkegaard sera pour beaucoup d’esprits en quête d’absolus, le maître que fut Nietzsc
300 ucoup d’esprits en quête d’absolus, le maître que fut Nietzsche pour leurs aînés. Il n’est pas sûr que les « religions » y
301 e maître que fut Nietzsche pour leurs aînés. Il n’ est pas sûr que les « religions » y gagnent, mais la foi, certainement. E
9 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Littérature alpestre (juillet 1931)
302 assez rares. Personne, à notre connaissance, ne s’ était risqué jusqu’ici dans pareille aventure. Personne même n’avait signal
303 ns et des peuples dont elles émanent. La montagne est un merveilleux réactif, au contact duquel certains traits de caractèr
304 intervenir la montagne dans leurs œuvres, elle n’ est guère qu’un décor conventionnel, un élément de pittoresque, un sublim
305 rêts sociaux. Or, en face de la montagne, l’homme est seul. Sénancour, c’est tout autre chose. Lui, cherche un refuge. « Da
306 attitude ne surprendra pas un moderne ; mais elle est unique dans la littérature française du xixe . La littérature anglais
307 sentiment d’extase émerveillée auquel la folie n’ est pas étrangère. » — « Cependant, le Mont-Blanc luit là-haut ; la Puiss
308 endant, le Mont-Blanc luit là-haut ; la Puissance est là, la tranquille et solennelle Puissance aux mille aspects, aux mill
309 sance aux mille aspects, aux mille bruits. » Ce n’ est plus l’homme que ces poètes viennent interroger sur les hauteurs, mai
310 véritables « élévations ». Mais tout ce lyrisme n’ est pas dépourvu de grandiloquence ni de pieuse fadeur. La montagne, ne s
311 andiloquence ni de pieuse fadeur. La montagne, ne serait -elle jamais qu’un écrasant symbole de l’éternité ? — C’est aussi quel
312 ternité ? — C’est aussi quelque chose qui devrait être surmonté, nous souffle une voix émouvante, aux résonances vraiment al
313 ue c’est une atmosphère des hauteurs, que l’air y est vif. Il faut être créé pour cette atmosphère, sinon l’on risque beauc
314 sphère des hauteurs, que l’air y est vif. Il faut être créé pour cette atmosphère, sinon l’on risque beaucoup de prendre fro
315 n l’on risque beaucoup de prendre froid. La glace est proche, la solitude énorme, mais voyez avec quelle tranquillité tout
316 s, physiquement aussi. Toute l’œuvre de Nietzsche est pleine de repères alpestres. « Comme ces vues précises, aiguës, et qu
317 ueux, ou en remparts de la liberté. La montagne n’ est ni bienveillante ni maternelle ; elle poursuit une grandiose existenc
318 e sans rapport avec la nôtre. Les atomes que nous sommes peuvent trouver sur ses flancs l’occasion d’une lutte… elle ignorera
319 nt. Ce thème éthique et philosophique paraît bien être le plus fécond et le plus adéquat à la nature alpestre. Il contient e
320 sens du mot, ne trouve plus où s’exercer. Et ce n’ est guère qu’au plus obscur de certains cœurs, et dans le secret de certa
321 lui-même, récemment, le confessait.) Deux chances sont encore offertes aux amateurs de risques authentiques : l’aviation et
322 donner quelques « romans de l’air », et certains sont remarquables. Se trouvera-t-il un romancier pour animer dans le décor
10 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Avant l’Aube, par Kagawa (septembre 1931)
323 l m Dire de ce livre qu’il ne ressemble à rien serait une louange trop littéraire. C’est un livre entièrement simple qui no
324 ère, et par là même nous fait sentir combien nous sommes mesquins, sans exigences véritables et sans grandeur. Peut-être, se d
325 ans grandeur. Peut-être, se dit-on en le fermant, est -il réellement impossible à une âme chrétienne d’atteindre la grandeur
326 ndre la grandeur morale si elle n’a pas connu, ne fût -ce que par sa puissance de sympathie, la misère physique et matériell
327 ceux que le Christ aima, parce que leur dénuement était ce qu’il y avait au monde, de plus proche de sa grandeur. L’existence
328 lemagne, et en France, sous celui d’Avant l’Aube, est un des livres les plus significatifs de ce temps. Non pas que nous ma
329 t mondial, ni que nous ignorions que notre siècle est celui des meneurs. Mais le rare, c’est qu’un de ces meneurs écrive un
330 ent il voit le peuple, comment il l’aime, et quel est le secret de son autorité sur lui. L’état d’esprit de l’homme d’actio
331 biles personnels, affectifs, voire religieux, qui sont à l’origine de son entreprise. C’est même un des malheurs de notre te
332 e et sans vanité non plus, car son œuvre écrite n’ est encore qu’un moyen de servir et d’agir. C’est un homme sans partage e
333 e ce pasteur d’une petite paroisse presbytérienne était le chef du Jeune Japon, l’initiateur de réformes de grande envergure,
334 , sous la forme d’un roman dont le héros, Eiichi, est évidemment l’auteur lui-même, le récit de l’adolescence et de la jeun
335 ’est par là que dans sa simplicité, il parvient à être si émouvant. On peut dire que dans ces deux gros volumes si nourris,
336 raduisent une vérité vécue et particulière. Telle est la certitude qui se dégage lentement d’une profusion peu commune de p
337 el qu’elle concrétise sous nos yeux. Certes, ce n’ est pas une japonerie d’estampe ! Voici un échantillon du pays, au traver
338 épouvantable dans sa course. Il pensait que c’eût été bien agréable si le wagon entier eût été de verre. À partir de Tennoj
339 ue c’eût été bien agréable si le wagon entier eût été de verre. À partir de Tennoji, le train s’arrêta à un nombre incalcul
340 ible endroit, cet Osaka ! Les endroits surpeuplés sont terribles ! Nous trouvons d’abord Eiichi Niimi à l’Université de Mei
341 nt dans des termes inusités pour l’Occident, mais sont oubliées, comme partout, dès qu’il s’agit d’embarras d’argent, de dif
342 er la vie quotidienne des gens de la campagne. Il serait auprès de sa sœur, que personne n’aimait. Il décida de retourner chez
343 da de retourner chez lui la nuit même, et après s’ être demandé avec quelque anxiété comment il ferait face aux dépenses du v
344 son fils un ordre social dont l’avantage évident est de le mettre à l’abri de la véritable justice. Il finit par mettre Ei
345 une réunion d’évangélisation dont la description serait tout entière à citer, dans son inénarrable et cruelle vérité, pourtan
346 ors de sa première visite aux bas-fonds : Eiichi était partagé entre deux désirs. L’un était de se sauver au plus vite de ce
347 s : Eiichi était partagé entre deux désirs. L’un était de se sauver au plus vite de cet horrible endroit et de jeter les pri
348 disait : « Si tu te mêles de ces affaires, tu ne seras toi-même, à la fin, pas bien éloigné du vulgaire. » Mais au même mome
349 ent une autre voix intérieure disait : « La bonté est le sel de la vie. L’organisme social demande des sacrifices pour l’am
350 qu’à provoquer en lui une sorte de folie. Tsuruko est obligée de le quitter. Alors dans un accès de désespoir, il tente de
351 ier, et il ne pensait pas que la mort de son père fût particulièrement importante. Il avait appris qu’il faut avoir une vol
352 lies, les traditions et les sophismes. Devant lui était le monde : le monde, l’énorme asile de fous dont Eiichi avait parlé à
353 se préoccuper si c’était le monde ou lui-même qui était fou, Eiichi décida que, de ce jour-là, il entrerait en bataille contr
354 de sa douceur. Cette deuxième partie de l’ouvrage est extraordinaire de vie et de pathétique, sobre et directe plus que tou
355 cène entre le procureur et le prévenu, qui vaut d’ être citée : — Pourquoi me regardez-vous ainsi ? tonna le Procureur, qui
356 désordre mental dans une classe d’école, tant il était calme et loin d’être troublé. En regardant les choses de près, il con
357 une classe d’école, tant il était calme et loin d’ être troublé. En regardant les choses de près, il conclut que la professio
358 il conclut que la profession de procureur devait être vraiment bien désagréable, puisqu’elle exigeait de celui qui s’y livr
359 e cela, elle portait à croire que tous les hommes sont coupables. Ceci acquit au Procureur toute la sympathie d’Eiichi… Si c
360 s procureurs passent leur vie, pensait Eiichi, il est impossible de ne pas leur témoigner de la sympathie. — Qu’est-ce que
361 le de ne pas leur témoigner de la sympathie. — Qu’ est -ce que cela veut dire ? Pourquoi me regardez-vous aussi insolemment ?
362 enrager ; sa figure se contractait et ses lèvres étaient pâles. — Comment voulez-vous renverser l’état social actuel, si ce n’
363 ulez-vous renverser l’état social actuel, si ce n’ est par une révolution ? Je vous demande de me dire clairement votre pens
364 des moineaux. Il se taisait, car il savait qu’il était inutile de dire quoi que ce soit à cet homme en colère. Trois, quatre
365 il savait qu’il était inutile de dire quoi que ce soit à cet homme en colère. Trois, quatre, cinq minutes s’écoulèrent. Le P
366 es. Il tremblait jusqu’au bout des doigts. Il eut été impossible de dire lequel des deux était le juge de l’autre. Eiichi
367 ts. Il eut été impossible de dire lequel des deux était le juge de l’autre. Eiichi est provisoirement libéré. Les enfants de
368 lequel des deux était le juge de l’autre. Eiichi est provisoirement libéré. Les enfants des bas-fonds l’attendent à sa sor
369 s avec un contentement modeste et intelligent qui est plus émouvant que bien des chants de victoire de « sauvés ». Une âme
370 me à la fois sobre et extrême. Tous les excès lui sont possibles, en action, surtout dans le bien, dans la sainteté, mais to
371 ie et toutes ses manifestations dans le temps. Il était ressuscité de l’abîme du désespoir et revenu au monde merveilleux. Il
372 e actuelle, enrichi par la force de la mort. Tout était merveilleux, la mort, lui-même, la terre, les pierres, le sable, la n
373 teaux à vapeur, même le vide qu’il avait cherché, étaient merveilleux. Les couleurs, la lumière du soleil, les dessins, les ros
374 ns, les roses, les lèvres rouges des filles, tout était surprenant, même le sang caillé, le péché et le cœur souillé, tout ét
375 le sang caillé, le péché et le cœur souillé, tout était étonnement. Il acceptait tout. Il décida de vivre fermement, de prend
376 ement attiré par le Christ. Il se disait que ce n’ était pas dans la mer qu’il fallait se jeter, mais dans les merveilles du m
377 es allusions qu’il fait à sa vie spirituelle n’en sont que plus émouvantes : Un dimanche, sur les collines derrière Nunobik
378 s bas-fonds. La nature, le sommeil et les enfants étaient ses meilleurs réconforts. Comment et par quoi mesurer la valeur chré
379 er la valeur chrétienne d’une âme ? L’action même est souvent trompeuse. Mais la qualité du regard qu’un être pose sur ses
380 ouvent trompeuse. Mais la qualité du regard qu’un être pose sur ses semblables, tel est le signe et la mesure certaine. Au c
381 du regard qu’un être pose sur ses semblables, tel est le signe et la mesure certaine. Au cours d’un livre où il se peint, a
382 c’est l’un des secrets de sa puissance. ⁂ Mais il est temps de tirer de ce livre une conclusion capitale qui, sans doute, f
383 ce livre une conclusion capitale qui, sans doute, fut l’objet déterminant de son auteur. Elle concerne la question sociale.
384 et notre lâcheté naturelles, et l’incertitude qui est leur résultante. Quelques-uns s’en tirent en réfutant le marxisme — c
385 t sembler vague. Mais le sens chrétien primitif n’ est -il pas, avant tout, le sens de la pauvreté ? Qu’un Kagawa nous force
386 t le fait de la misère humaine, — cela ne saurait être sans fruits. 24. Ceux qui veulent assimiler christianisme et capita
11 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). André Gide ou le style exquis (à propos de Divers) (octobre 1931)
387 ropos de Divers) (octobre 1931)n o La manière est toujours l’indice d’une complaisance, et vite elle en devient la ranç
388 xcuse dès l’abord de la rapidité avec laquelle je suis décidé à les formuler. Si l’on y voit une regrettable désinvolture vi
389 t lui-même se révèle dépourvu dans une mesure qui est celle, exactement, de son art, — considérable. Art de ruses, de pondé
390 teurs à le juger, sûr d’avance que l’intelligence sera de son côté. — « Causons un peu », dit le serpent… ⁂ Divers, recueil
391 il d’aphorismes, de « caractères » et de lettres, est en somme un plaidoyer pour André Gide. J’avoue qu’il sait dans un gra
392 nvaincre ; et que, dans la plupart des autres, il est si admirablement habile qu’on vote l’acquittement à main levée, sans
393 il met une sourdine. Car il sait que la modestie est la vertu de choix du classicisme. Et qu’il est le dernier de nos clas
394 ie est la vertu de choix du classicisme. Et qu’il est le dernier de nos classiques… Pareille modestie est, d’ailleurs, sign
395 t le dernier de nos classiques… Pareille modestie est , d’ailleurs, signe de force : les critiques auxquels il adressa les l
396 stinguo magistrale et cruellement ironique. Je ne tiens pas du tout à imiter ce Père. Nul besoin de citer à la barre d’un jug
397 rit qui s’honore — on excusera le jeu de mots — d’ être « non-prévenu ». Mais voici ce qu’il y a : l’on éprouve une gêne gran
398 n talent disproportionné à son objet. Que Gide ne soit pas si « mauvais » qu’on l’a dit, — ou qu’il a bien voulu s’en donner
399 t, — ou qu’il a bien voulu s’en donner l’air — je suis prêt à le concéder au-delà de ce qu’il espère. Par incompétence radic
400 et cette retenue trop consciente de ses effets n’ est plus qu’une impudeur raffinée. « Celui qui veut sauver sa vie la per
401 que son égoïsme et sa coquetterie profonde. Tels sont les tours que nous joue la morale lorsque, se prenant pour fin, elle
402 nt chez d’autres « moralistes » c’est que ceux-ci sont moins intelligents, moins conséquents que M. Gide, ou qu’ils reculent
403 s au cours desquelles Gide répond à ses critiques sont tout à fait significatives à cet égard. L’on est d’abord séduit par l
404 sont tout à fait significatives à cet égard. L’on est d’abord séduit par la finesse et la mesure de leur argumentation, par
405 -prévenu », et puis, soudain, l’on s’impatiente d’ être ramené sans cesse dans un cercle de paradoxes et de malentendus où il
406 ne devrait pas supporter qu’on l’engage. Mais qu’ est -ce à dire lorsqu’on comprend que, non satisfait de s’y complaire, il
407 on « paysage intérieur ». « Je puis dire que ce n’ est pas à moi-même que je m’intéresse, mais au conflit de certaines idées
408 ais au conflit de certaines idées, dont mon âme n’ est que le théâtre, et où je fais fonction moins d’acteur que de spectate
409 (p. 31.) Mais un témoin si détaché de soi-même, n’ est -ce pas nécessairement un faux témoin ? Étendons la signification de c
410 tant veut dire témoin (protestari), jamais Gide n’ est plus loin du protestantisme que dans cette attitude sereinement contr
411 e ce qu’il écrit ne l’engage tout entier. Qu’il n’ est que spectateur de ses antagonismes. Dès lors, la morale qui, pourtant
412 rs, la morale qui, pourtant, seule l’intéresse, n’ est plus qu’un jeu d’équilibres relatifs, variables et réversibles. Plus
413 a psychologie moderne a-t-elle montré que l’homme était beaucoup moins simple qu’il ne le croyait. Mais la question reste de
414 i cette division interne, une fois reconnue, doit être acceptée ou surmontée. Pour moi je tiens que le seul problème éthique
415 nue, doit être acceptée ou surmontée. Pour moi je tiens que le seul problème éthique est de se réaliser comme unité. Non poin
416 e. Pour moi je tiens que le seul problème éthique est de se réaliser comme unité. Non point parce qu’une morale stoïcienne
417 grandeur. ⁂ Ce livre manque d’ange et de bête. Il est merveilleusement intelligent. On n’y parle strictement que de psychol
418 ses sociales et religieuses. Ah ! comme tout cela est juste et net, parfaitement exprimé et mûri. Mais comme aussi tout cel
419 viateur, Antoine de Saint-Exupéry. (Mais par quoi tiendra-t -il à les « équilibrer », un de ces jours, à les « gauchir »…) Le hér
420 aissons de reste et la littérature de nos jours n’ est que trop habile à les dénoncer ; mais le surpassement de soi qu’obtie
421 ogique considérable : que le bonheur de l’homme n’ est pas dans la liberté, mais dans l’acceptation d’un devoir. Gide aurai
422 ’un devoir. Gide aurait-il pressenti que l’ère n’ est plus de certaines complaisances ? Pourquoi faut-il que l’image de cet
423 l’image de cet aviateur m’évoque la fable : « Je suis oiseau, voyez mes ailes. » Qu’il n’aille pas croire pourtant que déso
424 s vices ayant épuisé leurs saveurs. La question n’ est pas d’être vertueux, mais de faire la volonté de Dieu. Et ce que nous
425 ant épuisé leurs saveurs. La question n’est pas d’ être vertueux, mais de faire la volonté de Dieu. Et ce que nous voulons ce
426 la volonté de Dieu. Et ce que nous voulons ce ne sont pas des exemples édifiants, mais des témoignages de responsabilités a
12 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le protestantisme jugé (octobre 1931)
427 our maintenir à Gide une place instructive, qu’il est , depuis l’édit de Nantes, notre seul notable écrivain protestant26, n
428 justement, à l’époque, que j’oubliais Loti. Loti est un notable écrivain protestant qui répond à ce même signalement. Et p
429 ge, qui, si la force de l’unité française n’avait été irrésistible, avait ce qu’il fallait pour devenir une manière de Genè
430 de la résistance protestante contre le Cardinal, était corsaire de son métier. N’oublions pas que depuis la destruction de l
431 a mer devient aux trois quarts protestante — et l’ est restée (la révocation fit quitter, selon Vauban, les vaisseaux du roi
432 , les vaisseaux du roi à neuf-mille marins). Loti est un protestant français de la vieille souche maritime. Évidemment, cel
433 e ! Mais n’oublions pas que toute l’œuvre de Loti est faite du morcellement et de l’adaptation d’un livre unique, son journ
434 d’un livre unique, son journal intime — que Loti est un journal intime, comme Gide — que le journal intime, la littérature
435 de — que le journal intime, la littérature intime sont un produit autochtone de la terre protestante et de l’esprit protesta
436 mel, dans ses Études littéraires et morales. Nous sommes certains d’intéresser les lecteurs de cette revue en citant ici quelq
437 issance présente. La structure même de ses romans est un indice révélateur, car quoi qu’on dise de la différence entre la v
438 la manière de concevoir celle-là. Tant que la vie était considérée comme le lieu où s’exerçait la volonté, où se formait le c
439 a volonté, où se formait le caractère, les livres étaient conduits, ils avaient une unité, un terme auquel ils arrivaient ; la
440 unité, un terme auquel ils arrivaient ; la vie n’ est plus aujourd’hui qu’une suite d’événements qui se succèdent, et les l
441 uite d’événements qui se succèdent, et les livres sont fragmentaires, ils se composent d’une série de tableaux parallèles. L
442 ne série de tableaux parallèles. Les parties n’en sont plus dérivées les unes des autres, mais elles s’étalent à la fois tou
443 donnait ainsi le diagnostic du roman moderne ; ne serait -il pas frappant, en effet, d’appliquer ses dernières lignes à des œuv
444 Il semble, en effet, que les âmes du xixe siècle soient plus profondes et plus voilées, plus inquiètes qu’elles ne le furent
445 es et plus voilées, plus inquiètes qu’elles ne le furent jamais. Serait-ce la civilisation toute seule qui les aurait travaill
446 ées, plus inquiètes qu’elles ne le furent jamais. Serait -ce la civilisation toute seule qui les aurait travaillées à ce point
447 e paraissait autrefois plus simple, c’est qu’elle était peut-être plus chaste. Au temps où le domaine intérieur du recueillem
448 demeurait ouvert, les secrets de la vie intime n’ étaient pas révélés parce qu’on les cachait en Dieu et qu’une sainte pudeur e
449 pudeur en dérobait l’accès. L’existence apparente était plus calme parce qu’elle n’était qu’une partie de l’existence et qu’o
450 stence apparente était plus calme parce qu’elle n’ était qu’une partie de l’existence et qu’on cachait la meilleure ; les dése
451 a meilleure ; les désespérances dont notre époque est prodigue, ne s’étalaient point au grand jour, il y avait pour elles u
452 illes des hommes, jusqu’au trône de Dieu. Il n’en est plus ainsi maintenant ; l’âme est restée semblable, mais on lui a ret
453 e Dieu. Il n’en est plus ainsi maintenant ; l’âme est restée semblable, mais on lui a retranché le ciel ; les mêmes aspirat
454 ssaillir nos ancêtres, mais leur légitime objet a été enlevé ; les souffrances sont encore là, mais non plus les espérances
455 eur légitime objet a été enlevé ; les souffrances sont encore là, mais non plus les espérances de la religion, et l’âme, qui
456 de la religion, et l’âme, qui montait autrefois, est retombée sur la terre et l’anime de tout l’effort qu’elle portait sur
457 ans leur tumulte intérieur, les forces vives de l’ être ont déchiré leur enveloppe, les âmes se sont ouvertes à tous les rega
458 de l’être ont déchiré leur enveloppe, les âmes se sont ouvertes à tous les regards, les cœurs se sont révélés et leur souffr
459 se sont ouvertes à tous les regards, les cœurs se sont révélés et leur souffrance s’est écrite dans les pages innombrables d
460 s, les cœurs se sont révélés et leur souffrance s’ est écrite dans les pages innombrables de notre littérature. L’ouverture
461 innombrables de notre littérature. L’ouverture s’ est faite, mais non du bon côté ; l’âme, que tourmente un suprême besoin
462 que tourmente un suprême besoin d’épanchement, s’ est déversée, mais elle a mal choisi son confident : elle ne trouve aucun
463 r les critiques protestants du xixe siècle. L’on serait surpris de constater à ce sujet que les jugements d’un Vinet sur le r
464 eu près les seuls valables, à nos yeux, qui aient été émis en leur temps. La critique la plus moderne les confirme et les r
465 erspicacité prophétique. 26. Dire de Gide qu’il est un écrivain protestant est une façon de parler que beaucoup contester
466 26. Dire de Gide qu’il est un écrivain protestant est une façon de parler que beaucoup contesteront, Gide sans doute le pre
13 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Romanciers protestants (janvier 1932)
467 les grands « succès » littéraires de l’année 1931 soient allés à trois romans d’écrivains protestants : Pierre Bost, Jacques C
468 tes français » auxquels nous pardonnons souvent d’ être des romanciers assez ternes, pour le plaisir que par ailleurs ils don
469 nt d’une littérature nouvelle28, dont cette œuvre serait comme le frontispice (aux beaux noirs et gris profonds). Un critique
470 ère — des protestants sans foi »31. Quoi qu’il en fût d’ailleurs de la portée religieuse des trois œuvres, l’on se sentait
471 miter un « parti protestant » dans nos Lettres, n’ était -ce point, d’abord, céder à la tentation d’un nationalisme religieux p
472 de sourires complices. La question toutefois doit être portée sur un plan supérieur à toute polémique : s’agit-il jamais en
473 homme d’esprit, plus l’ancêtre dont on se réclame est éloigné, moins on a de chances d’en tenir… C’est ainsi que nos gloir
474 e réclame est éloigné, moins on a de chances d’en tenir … C’est ainsi que nos gloires passées, martyrs, camisards et prophète
475 rophètes, nous condamnent dans la mesure où elles furent authentiques. Mais d’autre part certaines « célébrités » politiques o
476 ’hui, de confesser. Aussi bien, la force qui nous est promise doit-elle nous rendre ce courage léger. Le moralisme nous
477 Le problème, à vrai dire, les dépasse, mais il n’ est pas mauvais de l’actualiser, de le rétrécir, si de la sorte nous sent
478 s où la vraisemblance voudrait que le nom de Dieu fût invoqué (je pense au testament de la mère par exemple), c’est au « so
479 r, lorsqu’il note que dans ce conflit moral, Dieu est « tranquillement oublié ». Il y a visiblement chez Jean Schlumberger
480 x de beaucoup, de livres « bien protestants ». Je serais même tenté de dire, forçant un peu ma thèse, que ces traits négatifs,
481 « un caractère protestant »32. Et c’est cela qui est grave, — d’autant plus grave que nombre de protestants tiennent à hon
482 , — d’autant plus grave que nombre de protestants tiennent à honneur de compromettre la Réforme avec cette attitude, et de prolo
483 mal la faiblesse d’un compromis foncier. Le fort est celui qui refuse la louange approximative. Nous ne saurions assez nou
484 ons qui vont aux produits déviés de notre foi. Il est vrai que ceux-ci sont souvent les plus éclatants. Car un système poli
485 uits déviés de notre foi. Il est vrai que ceux-ci sont souvent les plus éclatants. Car un système politique, une doctrine, u
486 à la ruine immédiate, dans notre monde tel qu’il est . Mais c’est parfois, bien au contraire, par leur succès et dans leur
487 nt, aux yeux de l’esprit, le plus durement jugés. Était -ce affaiblissement de notre foi dans l’avenir de la Réforme, besoin m
488 alité publique » par exemple. Et quelles qu’aient été les affirmations souvent indignées de nos docteurs, un fait prit corp
489 « protestant » devint synonyme de « moraliste ». Était -ce qu’il y avait dans l’accent de ces docteurs-là quelque chose qui l
490 elque chose qui les empêchait de convaincre ? Tel étant l’état des choses, suffira-t-il de déplorer une incompréhension publi
491 e déplorer une incompréhension publique dont nous sommes en grande partie responsables ? Nous montrons-nous assez soucieux de
492 utôt que de l’héroïsme chrétien ? En particulier, sommes -nous toujours assez conscients des fondements de notre foi pour récus
493 injuste, c’est-à-dire d’incomplet. Mais comment n’ être point frappés de sa généralité, de son insistance… Et de ce fait qui
494 ionnel de l’esprit français). Cela pouvait donner soit des œuvres d’analyse tendant à dissoudre les affirmations massives de
495 à dissoudre les affirmations massives de la foi ; soit des œuvres d’édification morale, au sens littéral du terme : tendance
496 au sens littéral du terme : tendance stoïcienne ; soit des œuvres de révolte contre cette morale — tendance nietzschéenne. T
497 du que la théologie libérale prétendit conserver, fut bientôt réduit au rôle d’une censure tatillonne et qui flattait curie
498 a grâce autant que le péché. La censure moraliste est avant tout peureuse. Elle « craint » la vérité ; non point au sens de
499 elle révèle la faiblesse de sa théologie. Car il est certains cas où celui qui craint de dire toute la vérité n’exprime pa
500 à-vis de la nature humaine, qui, selon cette vue, serait bonne, ou du moins meilleure, si on la « préservait » du mal. Ainsi R
501 du mal. Ainsi Rousseau le libertaire doit et peut être moraliste, tandis que Calvin l’orthodoxe ne saurait l’être sans renie
502 liste, tandis que Calvin l’orthodoxe ne saurait l’ être sans renier le fondement de sa croyance34. Or nous voyons le moralism
503 suistique. Comment imaginer et comment animer des êtres , lorsqu’à chaque moment de la création intervient une autocritique à
504 agination créatrice chez les protestants, qui lui furent plus que d’autres soumis, de par leur sérieux traditionnel. Et quand
505 de par leur sérieux traditionnel. Et quand elle n’ est point parvenue à les étouffer, elle a souvent faussé le développement
506 d’Amiel, désespérance vaniteuse de Loti : telles sont les réactions irrécusables et célèbres que provoqua le moralisme perv
507 in qu’au jour où nous aurons compris que la santé est dans l’humilité de la prière, dans la reconnaissance éperdue de notre
508 i loin de nos auteurs. Si loin qu’en somme ils ne sont guère atteints par tout ceci. Mais quoi ? Le but ne fut jamais de dém
509 ère atteints par tout ceci. Mais quoi ? Le but ne fut jamais de démolir, mais bien plutôt de dénoncer un principe destructe
510 r les temps vont nous y contraindre. Que rien ne soit plus favorable à l’art que l’évangélisme dans sa pureté, héroïque ou
511 siècle nous laissent entrevoir ce que pourraient être des œuvres modernes inspirées, comme le furent les plus grandes, par
512 ient être des œuvres modernes inspirées, comme le furent les plus grandes, par le sentiment tragique du péché et de la grâce s
513 ar si la forme artistique adéquate au libéralisme fut l’analyse d’états d’âme dans le doute, il est permis d’attendre de la
514 sme fut l’analyse d’états d’âme dans le doute, il est permis d’attendre de la violence même d’une théologie du Dieu Tout-Pu
515 lamme des chants prophétiques. Et l’Éternel enfin sera loué « selon l’immensité de sa grandeur » comme il est dit au dernier
516 oué « selon l’immensité de sa grandeur » comme il est dit au dernier psaume. 28. Denis Saurat, dans la Nouvelle Revue fr
517 31. Charles Westphal, dans Le Semeur . 32. Il est entendu, même chez les protestants, qu’un « protestant qui écrit » ne
518 stants, qu’un « protestant qui écrit » ne saurait être qu’en révolte contre la foi de ses pères. Le jeu consiste uniquement
519 sentatifs d’une atmosphère moraliste, quelles que soient les opinions qu’ils adoptèrent vis-à-vis du moralisme. Qu’on me compr
520 vis-à-vis du moralisme. Qu’on me comprenne : ce n’ est pas à eux que j’en ai, mais à ce dont ils ont souffert. 34. Tout cec
14 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Goethe, chrétien, païen (avril 1932)
521 Imaginez un membre de l’Académie des sciences qui serait aussi directeur de la Comédie française et ministre de l’Intérieur, e
522 phénomène Goethe. Maintenant ajoutons que l’homme fut supérieur à la somme de toutes ces activités et domina constamment sa
523 e du christianisme. Mais le plus grand Occidental fut -il chrétien ? Nous ne saurions, surtout dans Foi et Vie , aborder ce
524 e des chrétiens ne peut et ne doit éviter. Goethe est une de ces « questions au christianisme » comme dit Barth, une de ces
525  » comme dit Barth, une de ces questions qui nous sont posées comme autant d’accusations, et qu’il est de notre devoir d’env
526 sont posées comme autant d’accusations, et qu’il est de notre devoir d’envisager avec toute la bonne foi que nécessite un
527 que nécessite un examen de conscience. ⁂ Goethe s’ est toujours affirmé chrétien, mais d’une façon si particulière que les e
528 kermann que nous donnons dans ce numéro n’ont pas été choisis pour dissiper trop facilement une équivoque réelle, mais plut
529 une équivoque si grave subsiste et paraisse avoir été cultivée par Goethe, ne prouve-t-il pas suffisamment l’inauthenticité
530 amment l’inauthenticité de son christianisme ? Qu’ est -ce qu’un chrétien que l’athéisme annexe avec une pareille aisance ? L
531 me annexe avec une pareille aisance ? La question serait tranchée, en effet, si nous ne savions rien des circonstances dans le
532 tte époque qui permettent d’imaginer ce qu’eût pu être le pendant chrétien du Werther : — « J’ai souffert et me voilà libre
533 ortir d’une grave maladie — ; cette calcination a été très profitable à mon âme… Le Sauveur m’a enfin attrapé ; je courais
534 p vite pour lui, il m’a saisi par les cheveux. Il est sûrement à vos trousses aussi, j’espère voir le jour où il vous rattr
535 pera ; mais je ne puis répondre de la manière. Je suis parfois bien tranquille à ce sujet, parfois, quand je suis calme, trè
536 ois bien tranquille à ce sujet, parfois, quand je suis calme, très calme, et que je sens tout le bien que les sources éterne
537 rsé dans mon cœur. » Et deux ans plus tard : « Je suis ce que j’ai toujours été, à ceci près que mes rapports sont meilleurs
538 ux ans plus tard : « Je suis ce que j’ai toujours été , à ceci près que mes rapports sont meilleurs avec le Seigneur et Jésu
539 e j’ai toujours été, à ceci près que mes rapports sont meilleurs avec le Seigneur et Jésus son fils bien-aimé. C’est vous di
540 e raison et d’expérience : la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse. » Par quel concours de circonstances c
541 rts avec les dévots — écrit-il de Strasbourg — ne sont pas très fréquents ici. Au début, je m’étais tourné passionnément ver
542 — ne sont pas très fréquents ici. Au début, je m’ étais tourné passionnément vers eux ; mais il semble que ce ne doive pas êt
543 ent vers eux ; mais il semble que ce ne doive pas être . Ils sont si cordialement ennuyeux quand ils s’y mettent que ma vivac
544 ux ; mais il semble que ce ne doive pas être. Ils sont si cordialement ennuyeux quand ils s’y mettent que ma vivacité n’y sa
545 quand ils s’y mettent que ma vivacité n’y saurait tenir . Rien que des gens d’esprit médiocre, qui n’ont eu de pensée raisonna
546 ales de l’esprit humain. La transcendance de Dieu est absolue, par rapport à notre pensée naturelle. Dès lors, pourquoi fai
547 dans notre vie une recherche qui risque surtout d’ être nuisible à la vie ? Bornons-nous à l’utile. Bornons-nous à « réaliser
548 s ne savons presque rien de Dieu, ou plutôt qu’il est vain de chercher à en savoir plus que ce que la nature visible nous e
549 e de sécheresse religieuse. Ce qui à l’origine, n’ était qu’humilité de la raison devant l’insondable mystère de Dieu devient,
550 Dieu n’existait pas, ou encore : comme si Dieu n’ était rien d’autre que l’ensemble des lois de la nature. Ainsi la conceptio
551 ement Curtius « le Goethe païen et rien que païen est une légende, et une légende d’origine juive, car elle remonte à Heine
552 e d’origine juive, car elle remonte à Heine. Elle est un mythe, au moyen duquel on peut faire de l’agitation et de la propa
553 nous le jugeons du point de vue d’un parti. Il n’ est pas païen, pour la raison péremptoire qu’il n’y a plus de païen, au s
554 , et même la plus puissante qu’il nous ait jamais été donné, à nous enfants de la terre, de percevoir. » Et certes, on ne v
555 ieu quand elle juge le monde séparé de Dieu. Il n’ est pas vrai de dire qu’un monde séparé de Dieu doit ou peut être envisag
556 i de dire qu’un monde séparé de Dieu doit ou peut être envisagé comme un monde autonome. Il doit être envisagé comme manquan
557 ut être envisagé comme un monde autonome. Il doit être envisagé comme manquant de quelque chose. Or, ce « quelque chose » au
558 chose » aux yeux de la foi, constitue sa raison d’ être . Il n’y a pas de neutralité du monde vis-à-vis de Dieu — à cause du p
559 biographes ? Mais comment juger les actions d’un être que nous n’avons pas connu, alors que nous-même… Alors que Dieu seul
560 : le renoncement et la réalisation personnelle, n’ est -ce point tout simplement que les idées, les théories et les systèmes
561 ns urgent d’accentuer actuellement, la vérité ? N’ est -ce point là porter un jugement avant tout partial, et qui révèle notr
562 son bonheur par ses propres forces, notre devoir est net : nous avons à défendre et attester les valeurs doctrinales les p
563 les plus gênantes pour ce monde sans Dieu. Or, ce sont justement les valeurs que le « christianisme » de Goethe paraît avoir
564 s un homme de l’envergure de Goethe, s’il ne peut être un argument pour nul parti, ne saurait, pour les mêmes raisons, servi
565 ust, et dans la vie de cet homme, dont le Faust n’ est qu’une figuration symbolique, une leçon d’activité, de réalisation, d
566 s tous. Goethe inutilisable, certes. Mais nous ne sommes d’aucun parti et n’avons pas à utiliser qui que ce soit. Il suffit qu
567 ’aucun parti et n’avons pas à utiliser qui que ce soit . Il suffit que nous puissions nous sentir à la fois accusés et exhort
568 nous importe, dès lors, que ce Goethe exemplaire soit « chrétien » ou « païen » ? Nous n’avons pas besoin d’avoir raison (c
569 up de grands hommes — ni même d’avoir quoi que ce soit —, mais seulement d’être, efficacement. Et qu’il nous y aide ! 37.
570 même d’avoir quoi que ce soit —, mais seulement d’ être , efficacement. Et qu’il nous y aide ! 37. Numéro d’hommage à Goethe
15 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Penser dangereusement (juin 1932)
571 reusement (juin 1932)s « L’esprit désintéressé est mort. » C’en est fait, les clercs ont trahi, et les cris de M. Benda
572 932)s « L’esprit désintéressé est mort. » C’en est fait, les clercs ont trahi, et les cris de M. Benda sont couverts par
573 it, les clercs ont trahi, et les cris de M. Benda sont couverts par la rumeur de la place. Dans toute la jeune génération li
574 adhésion des idées, une de ces causes qui doivent être gagnées. Chose étrange, et que l’on eût difficilement prévue au lende
575 l’unanimité de la nouvelle génération. Quels que soient par ailleurs les antagonismes qui la divisent — bien plus extrêmes qu
576 connaît une fraternité en ceci : que la pensée n’ est plus pour elle une justification idéale de l’égoïsme ou de l’indiffér
577 étienne. La pensée protestante, en particulier, s’ est toujours montrée soucieuse avant tout de réalisation personnelle, d’a
578 nécessaires de la pensée dans l’ordre pratique) «  est protestant ». Mais, d’autre part, cette soif d’action directe et de s
579 hrétiens, non pas en tant que bourgeois, s’ils le sont , ont des raisons réelles et valables de récuser une pensée et une act
580 tion politique de ce journal. Le titre : La Crise est dans l’homme 38, s’oppose d’emblée aux thèses des économistes bourgeo
581 es bourgeois ou marxistes, pour lesquels la crise est dans les institutions. Il paraît supposer une rénovation intérieure,
582 ne. Sa critique nous paraît pertinente, mais elle serait plus efficace si on la sentait inspirée par un principe spirituel cap
583 éunis après coup de fournir une doctrine. Mais il est inquiétant d’entendre M. Maulnier, dans sa préface, se déclarer satis
584 ique, au nom de valeurs tout intemporelles qui, n’ étant pas religieuses, sont donc abstraites. Il ne suffit pas de dire à ses
585 tout intemporelles qui, n’étant pas religieuses, sont donc abstraites. Il ne suffit pas de dire à ses contemporains qu’ils
586 e de tout cela qui agite le cœur des hommes. Ce n’ est pas une férule : c’est un bon outil qu’il nous faut. Ce n’est pas son
587 férule : c’est un bon outil qu’il nous faut. Ce n’ est pas son pessimisme que je reproche à M. Thierry Maulnier. (Il serait
588 imisme que je reproche à M. Thierry Maulnier. (Il serait fou de ne pas le partager.) Je lui reproche de manquer d’exigence vis
589 t une « philosophie à coups de marteau ». Ce peut être le marteau du constructeur, aussi bien que celui du démolisseur. ⁂ M.
590 par l’État bourgeois. Les Chiens de garde 39, tel est le titre de son pamphlet — ce sont les philosophes de la Troisième Ré
591 e garde 39, tel est le titre de son pamphlet — ce sont les philosophes de la Troisième République. On peut recommander la le
592 ne a convenu d’appeler « naïves », parce qu’elles sont trop gênantes. Le livre est mal composé. Ses phrases courtes se press
593 es », parce qu’elles sont trop gênantes. Le livre est mal composé. Ses phrases courtes se pressent en paragraphes hachés, s
594 é au dessein général. Mais celui-ci, par bonheur, est très simple : Il n’y a point de questions plus grossières que celles
595 point de questions plus grossières que celles qui sont posées ici, qui sont retournées ici. La philosophie présente qui dit
596 us grossières que celles qui sont posées ici, qui sont retournées ici. La philosophie présente qui dit et croit qu’elle se d
597 et croit qu’elle se déroule au profit de l’homme, est -elle dirigée réellement, et non plus en discours et croyances, en fav
598 re eux ? Selon M. Nizan, la philosophie régnante est caractérisée par son refus d’aborder les questions dites vulgaires, q
599 ue d’intérêt humain concret. On lui dira que ce n’ est pas si grave, que le monde n’est plus mené par les philosophes, qu’il
600 ui dira que ce n’est pas si grave, que le monde n’ est plus mené par les philosophes, qu’il accorde à leur activité une impo
601 mesurés. Certes40. Mais dans la mesure, si faible soit -elle, où la philosophie actuelle exerce une action, ne fût-ce que sur
602 où la philosophie actuelle exerce une action, ne fût -ce que sur les étudiants forcés de s’y intéresser au lieu de s’intére
603 e, M. Nizan a tellement raison que son entreprise est suffisamment justifiée. Pour le reste, c’est la politique, et dans un
604 ? — Il compte leur apporter le marxisme. Or, s’il est clair que le marxisme prétend travailler pour l’homme en général, il
605 prétend travailler pour l’homme en général, il n’ est pas moins clair qu’il tombe par là même sous le coup d’une critique s
606 on l’appelle avec Marx, l’homme concret (ce qui n’ est encore qu’une formule), l’homme au singulier des philosophes, on sait
607 philosophes, on sait ce qu’en vaut l’aune : ce n’ est qu’une extension orgueilleuse et démesurée du type d’homme qui intére
608 nvaincu. On sent bien que le triomphe de M. Nizan est dans l’insolence plus que dans le sacrifice à une cause. Je n’insiste
609 der à vivre, à mourir. Je demande à M. Nizan, qui est marxiste, si la lecture et la pratique de Marx peut apporter une cert
610 ger la vie comme un combat perpétuel dont l’enjeu est à chaque instant total, éternel et urgent. Je demande à M. Nizan si s
611 t, nous n’avons plus à prouver vainement que Dieu est  ; mais à prouver pratiquement que nous y croyons. Nous n’avons plus à
612 germe de cette « révolution permanente » qui doit être l’état du chrétien vis-à-vis de lui-même et de son passé. C’est le da
613 Toute plante que n’a pas plantée mon Père céleste sera déracinée. » Et c’est en quoi, du point de vue chrétien, le marxisme
614 et le plus « grossier » des dangers inhérents à l’ être concret. Seul l’Évangile — je ne dis pas les religions, ni leurs mora
615 e dans le monde et contre Dieu —, seul l’Évangile est radicalement dangereux, — salutaire. 38. Aux Éditions de la Revue f
16 1933, Foi et Vie, articles (1928–1977). « Histoires du monde, s’il vous plaît ! » (janvier 1933)
616 s plaît ! » (janvier 1933)t Le lecteur moderne est , paraît-il, un homme pressé, beaucoup plus pressé que ne le furent se
617 , un homme pressé, beaucoup plus pressé que ne le furent ses ancêtres (serait-ce peut-être à cause des innombrables moyens qu’
618 aucoup plus pressé que ne le furent ses ancêtres ( serait -ce peut-être à cause des innombrables moyens qu’il a inventés pour « 
619 te ? Des romans, répondra-t-on, sans doute. Je ne suis pas du tout de cet avis. Et je crois distinguer à divers signes que m
620 que vient de redonner une très vive nouveauté. Il est bien remarquable, en effet, de constater, en parcourant les catalogue
621 iminuant, et cela au profit d’une littérature qui tient à la fois de l’histoire, de la politique, de la morale et de la relig
622 l’Essai sur la France, de E. R. Curtius, dont il fut parlé ici même, ou le Dieu est-il Français, de F. Sieburg, donneront
623 . Curtius, dont il fut parlé ici même, ou le Dieu est -il Français, de F. Sieburg, donneront une idée assez juste du genre.
624 ire en France. En ceci, les Allemands se trouvent être en quelque sorte plus « actuels », plus directement mêlés au jeu des
625 u des puissances modernes, que les Français ne le furent jusqu’à ces tout derniers temps. Et c’est là que gît l’explication du
626 ologie que manifeste le grand public allemand. Il est bien naturel qu’une société qui jouit d’une relative sécurité cherche
627 tissement dans des fictions romanesques. Le roman est un genre bourgeois — et c’est peut-être par là qu’il plaît tant au pe
628 le monde contemporain voit bien que la question n’ est plus de s’évader, de se distraire en oubliant un monde qu’on serait s
629 vader, de se distraire en oubliant un monde qu’on serait sûr de retrouver bien en place le lendemain. L’angoisse qui plane vag
630 rfois précisément, sur la civilisation actuelle n’ est pas quelque chose qu’on esquive comme l’ennui, par de petits moyens.
631 s documents, des explications, des directives. Ne fût -ce, souvent, que pour motiver l’appartenance à un parti, ou pour se f
632 cette multitude d’écrits, dont le propos général est d’élucider les causes lointaines ou prochaines de la crise sans précé
633 nd public » considéra que la lecture d’un livre n’ était qu’un moyen de « passer une heure agréablement ». Le goût des idées,
634 et surtout dans des cercles littéraires raffinés, était une sorte d’atteinte au « goût » tout court, c’est-à-dire à la mode.
635 mes qui n’avaient pas eu le temps de se cultiver, est caractérisée par une facilité foncière et bien décevante, sitôt écart
636 fête intempestive. On demande des lumières qui ne soient plus seulement aveuglantes. On voudrait être dirigé, plutôt qu’ébloui
637 ne soient plus seulement aveuglantes. On voudrait être dirigé, plutôt qu’ébloui. ⁂ Le roman était un genre bourgeois, en ce
638 oudrait être dirigé, plutôt qu’ébloui. ⁂ Le roman était un genre bourgeois, en ce sens que dans le monde bourgeois, privé de
639 t de la fin, c’était se préparer à « mal finir ». Est -ce le cinéma qui a changé tout cela ? L’explication tente les journal
640 lication tente les journalistes. Mais le cinéma n’ est qu’un des effets du changement à vue qui s’opère dans toute notre con
641 outes les nouvelles qui nous parviennent du monde sont comme autant d’épisodes d’un drame qui intéresse chacun de nous. L’ho
642 ntérêt passionné pour la vie du monde. Et ce fait est nouveau dans l’Histoire. Jamais le document n’a été recherché avec un
643 t nouveau dans l’Histoire. Jamais le document n’a été recherché avec une telle avidité. « Ce que je préfère au cinéma, ce s
644 telle avidité. « Ce que je préfère au cinéma, ce sont les actualités. » Phrase mille fois entendue. Les journaux se couvren
645 -t-il, mettent sur notre table le monde tel qu’il est . Quel romancier pourrait nous apporter l’équivalent de cette vision d
646 que j’en reviens à mon propos initial. Quels que soient les bouleversements sociaux ou culturels, l’homme demeure cet être qu
647 sements sociaux ou culturels, l’homme demeure cet être qui veut penser le monde. Incapable désormais de s’en distraire en le
648 e monde actuel. Les grandes controverses modernes sont nées en France autour de la Trahison des clercs, autour du problème d
649 tant de publier des romans nouveaux, mais le fait est que le seul grand succès, dans cet ordre, est allé au livre de Céline
650 ait est que le seul grand succès, dans cet ordre, est allé au livre de Céline, Voyage au bout de la nuit, chef-d’œuvre de «
651  et j’espère que le lecteur m’aura compris — ce n’ est plus de jeux de l’esprit, d’acrobaties de psychologues, de curiosités
652 l s’agit, mais c’est du sort de l’homme tel qu’il est , dans son effarante et magnifique diversité. Sort menacé, comme il le
653 et magnifique diversité. Sort menacé, comme il le fut de tout temps, certes, mais de nos jours, plus visiblement, plus univ
654 chacun. 41. Dont le meilleur volume, à ce jour, est sans doute le recueil d’Essais espagnols, du grand écrivain qu’est Jo
655 recueil d’Essais espagnols, du grand écrivain qu’ est José Ortega y Gasset, l’un des fondateurs de la République espagnole,
17 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Destin du siècle ou vocation personnelle ? (février 1934)
656 tise, comme le grand lieu commun de la peur qui s’ est emparée des hommes. On ne nous parle plus que du « désarroi actuel ».
657 nous parle plus que du « désarroi actuel ». Il n’ est pas d’expression plus juste, pour qui se borne à considérer notre épo
658 ires qui s’affrontent au milieu du désordre. Il n’ est pas d’expression plus fausse, et même plus dangereuse, pour qui veut
659 t tyrannique, comme une divinité qui, depuis peu, serait devenue folle. Des peuples entiers s’exaltent pour une dictature qui
660 et de la lâcheté publique. Des provinces entières sont ruinées par des exploitations dont les bénéfices s’engloutissent en d
661 nt leur astuce à équilibrer des budgets, dont ils seront les seuls bénéficiaires. La corruption s’étale, flétrie avec grandilo
662 ésarroi actuel ». Croit-on vraiment que tout cela soit si nouveau ? Croit-on vraiment que, jusqu’à ces dernières années, la
663 es hommes ? Croit-on vraiment que le « désarroi » soit seulement « actuel » et ne veut-on parler de « désarroi » que lorsque
664 es valeurs boursières et la tranquillité publique sont menacées ? La vérité, c’est que la situation du monde a été de tout t
665 es ? La vérité, c’est que la situation du monde a été de tout temps désespérée. Seulement, maintenant, cela se voit. Depuis
666 llénaire dont les périodes dites « prospères » ne sont que les temps de répit, souvent déshonorés par la culture des illusio
667 s de la révolte. L’histoire du monde, bien loin d’ être l’histoire d’un progrès continu, nous apparaît plutôt comme une solen
668 t, certaines époques ont connu la grandeur. Ce ne furent pas les moins corrompues de l’histoire, mais celles où la corruption
669 histoire, mais celles où la corruption permanente fut ouvertement reconnue, dénoncée et battue en brèche. Notre époque, ell
670 rdre » qui couvait sous des apparences paisibles, est soudain devenu flagrant. Il promène par les rues de nos villes europé
671 éclame qui parlent un langage clair. Jamais il ne fut plus facile de reconnaître les choix nécessaires. Désordre, oui, et p
672 s grand que jamais. Désarroi ? Non. Les doctrines sont contradictoires ? Les évaluations morales sont devenues presque impos
673 es sont contradictoires ? Les évaluations morales sont devenues presque impossibles ? Oui, certes ! Sur le plan de la connai
674 aire apparaît avec une netteté qui, je le répète, est la chance de notre époque. Je voudrais décrire cette époque, telle qu
675 répète que les événements nous dominent et qu’ils sont incompréhensibles et impensables. Ce n’est pas vrai ! C’est encore un
676 u’ils sont incompréhensibles et impensables. Ce n’ est pas vrai ! C’est encore un vieux raisonnement que nous connaissons tr
677 t faire, nous répondent : Attention ! le problème est plus complexe ! Non, les problèmes ne sont pas si complexes, en réali
678 roblème est plus complexe ! Non, les problèmes ne sont pas si complexes, en réalité, ou s’ils le sont, osons les simplifier.
679 ne sont pas si complexes, en réalité, ou s’ils le sont , osons les simplifier. Ce qui est difficile, ce n’est pas de voir le
680 é, ou s’ils le sont, osons les simplifier. Ce qui est difficile, ce n’est pas de voir le vrai, c’est d’oser les actes qu’il
681 osons les simplifier. Ce qui est difficile, ce n’ est pas de voir le vrai, c’est d’oser les actes qu’il faut, et que nous c
682 garde contre un « certain esprit simpliste », qui est , au vrai, l’esprit de décision et d’engagement concret dont nous avon
683 des complexités que nous créons à plaisir, qui ne sont pas dans la situation et qui sont autant de prétextes à refuser de pr
684 plaisir, qui ne sont pas dans la situation et qui sont autant de prétextes à refuser de prendre position, comme si ce n’étai
685 xtes à refuser de prendre position, comme si ce n’ était pas là, déjà, prendre une position, mais à coup sûr, la pire ! Nous n
686 ne position, mais à coup sûr, la pire ! Nous nous sommes laissés endormir. Nos maîtres les plus respectés ont été trop souvent
687 ssés endormir. Nos maîtres les plus respectés ont été trop souvent pour nous des professeurs d’abstention distinguée, des g
688 efuge idéal. Ne nous en plaignons pas : le risque est la santé de la pensée. ⁂ Destin du siècle ! Expression curieuse et b
689 eut avoir un destin, un homme seul, en tant qu’il est différent des autres hommes. Napoléon, César, Lénine ont un destin. M
690 la mesure où chacun de nous possède une raison d’ être , quelle qu’elle soit, une servitude particulière, une passion qui est
691 de nous possède une raison d’être, quelle qu’elle soit , une servitude particulière, une passion qui est bien à lui, une voca
692 soit, une servitude particulière, une passion qui est bien à lui, une vocation. Si l’on admet facilement de nos jours, qu’u
693 ’attribuer une sorte de valeur indépendante à des êtres collectifs. Je m’explique. Quand nous disons : le siècle, le xxe siè
694 ui englobe toute l’humanité, et dont les éléments sont presque tous de nature collective. L’histoire d’un siècle, c’est l’hi
695 races, des entreprises publiques ou privées. Ce n’ est que très accessoirement l’histoire des personnes, de quelques génies,
696 destin du siècle, c’est le destin des ismes, qui sont — en fin de compte — des abstractions. Et je le répète, pour que ces
697 s, les destins. Notre siècle, en tant que siècle, est athée, totalement athée, et consciemment athée. Mais, en même temps,
698 e, et consciemment athée. Mais, en même temps, il est polythéiste et superstitieux au dernier degré. La grande majorité de
699 us, nous leur obéissons, et certains d’entre nous sont prêts à leur sacrifier leur vie même. Les noms de ces divinités, vous
700 s de ces divinités, vous les connaissez bien : ce sont l’État, la nation, la classe, la race, l’argent et l’opinion publique
701 n publique. Elles ont encore un autre nom, et qui est commun à toutes : c’est le Nombre, c’est peut-être Légion… Sans doute
702 es dieux pour cette espèce-là d’incroyants, et ce sont , par exemple, l’opinion publique et la presse, auxquelles nul d’entre
703 ue nous prouvent abondamment leurs exigences, qui sont la foi aveugle et les sacrifices humains. Ces dieux ont même leur thé
704 entendu, et dont les deux disciplines principales sont l’Histoire et la Sociologie. Nous trouverons les meilleurs exemples
705 taquable, une fois les prémisses admises. Quelles sont ces prémisses ? La principale, c’est que toute notre idéologie, toute
706 Trotski, s’explique entièrement par le fait qu’il était , à la fin de la guerre, caporal dans l’armée allemande. Son idéologie
707 es petits gradés d’une armée vaincue. L’hypothèse est séduisante, vraisemblable même. Que répondra Hitler ? Il répondra que
708 ki, s’explique simplement par le fait que Trotski est un Juif. Voilà, n’est-ce pas, deux points de vue inconciliables et co
709 ent par le fait que Trotski est un Juif. Voilà, n’ est -ce pas, deux points de vue inconciliables et contradictoires ! Sur le
710 ertaine violence, mais par rapport à l’homme, ils sont absolument semblables et nous pouvons les renvoyer dos à dos. L’un et
711 l’autre tendent à nous faire croire que l’homme n’ est rien, mais moins que rien, et que tout ce qui se passe dans le monde
712 nt à notre volonté et sur lesquelles nos révoltes sont sans prise, puisque ces révoltes sont elles-mêmes prévues et détermin
713 os révoltes sont sans prise, puisque ces révoltes sont elles-mêmes prévues et déterminées par notre classe [ou] notre race.
714 es et qu’ils ont exposé leurs vies. Enfin, qu’ils sont animés par une foi constructive que bien des jeunes bourgeois railleu
715 à savoir si la foi des marxistes et des racistes est vraie. Sur quoi se fonde-t-elle ? Quelles réalités sont à la base ? D
716 raie. Sur quoi se fonde-t-elle ? Quelles réalités sont à la base ? De l’aveu même des sociologues marxistes ou hitlériens, c
717 même des sociologues marxistes ou hitlériens, ce sont des réalités générales, d’ordre statistique ; des considérations, par
718 pement économique des siècles passés, quand ce ne sont pas des statistiques de phrénologues. Ce sont toujours des réalités p
719 ne sont pas des statistiques de phrénologues. Ce sont toujours des réalités passées, historiques, achevées, mortes comme to
720 bien se fonder une loi historique ? Sur ce qui a été fait. Toute loi qu’on découvre dans la société humaine repose sur le
721 par exemple, un ivrogne qui s’arrête de boire, ne fût -ce que pour faire mentir le proverbe. Les lois générales, économiques
722 rbe. Les lois générales, économiques ou sociales, sont toujours justes, dans la mesure où nous démissionnons de notre rôle d
723 omme descend du singe, les autres croient qu’il a été créé par Dieu. Ils se disputent énormément. Je crois qu’ils ont tort
724 ’ils ont raison les uns et les autres. Ma théorie est la suivante : ceux qui pensent que l’homme descend du singe, descende
725 r Dieu, et qui, eux, croient et savent qu’ils ont été créés par Dieu. » Cette petite histoire ne s’applique pas seulement a
726 ssi bien aux partisans de Marx et de Gobineau. Il est tout à fait vrai que les adeptes du marxisme et du racisme sont entiè
727 it vrai que les adeptes du marxisme et du racisme sont entièrement dominés par la classe ou la race, et c’est perdre son tem
728 fatalement, si on le laisse tomber. En cela, ils sont peut-être supérieurs aux libéraux et aux dilettantes qui tombent, eux
729 qu’ils aient le droit de disposer de nos vies, je suis bien obligé de reconnaître qu’en fait, ils nous dominent. Ne fût-ce q
730 de reconnaître qu’en fait, ils nous dominent. Ne fût -ce que par le moyen de la presse. On peut dire, sans exagérer, que le
731 qui prélude à toute guerre moderne bien comprise serait impossible. Sans eux, les partis politiques seraient sans force, les
732 erait impossible. Sans eux, les partis politiques seraient sans force, les luttes sociales perdraient beaucoup de leur violence.
733 , avec l’argent nous n’en finirions pas. L’argent est partout, il est dans tout, il est tout et tous le servent. ⁂ Destin
734 nous n’en finirions pas. L’argent est partout, il est dans tout, il est tout et tous le servent. ⁂ Destin du siècle, desti
735 s pas. L’argent est partout, il est dans tout, il est tout et tous le servent. ⁂ Destin du siècle, destin des ismes, dévor
736 emise brune. On nous dit que la vie, en Amérique, est impossible, parce que tous les appartements sont pareils et qu’un hom
737 , est impossible, parce que tous les appartements sont pareils et qu’un homme n’a pas le droit de sortir dans la rue coiffé
738 e sans destin, un homme sans vocation ni raison d’ être , un homme dont le monde n’exigeait rien. Cet être-là, fatalement, dev
739 être, un homme dont le monde n’exigeait rien. Cet être -là, fatalement, devait désespérer de soi-même et de tout. Et nous vîm
740 onne à servir. C’est l’état le plus dégradant qui soit . On vit alors, chez les meilleurs de ces jeunes gens, se déclarer une
741 ement dans quelque troupe d’assaut. En vérité, ce serait une erreur insondable que de voir le salut de notre époque dans un re
742 re époque dans un retour à l’individu. L’individu est l’origine la plus certaine du triomphe des masses. C’est parce que l’
743 s masses. C’est parce que l’individu des libéraux était sans destin, qu’il a cru au destin des autres ; c’est parce qu’il n’a
744 e. On me dira que la solidarité entre les peuples est désormais un fait acquis, une réalité économique. Nous devons au prog
745 sprit, lorsqu’on vous dit que désormais « tout se tient  » dans le monde, c’est l’exemple suivant : le krach d’une banque à Pa
746 lliers d’ouvriers annamites. Oui, certes, tout se tient désormais. Mais la solidarité des masses est toujours une solidarité
747 se tient désormais. Mais la solidarité des masses est toujours une solidarité catastrophique. Oui, le destin du siècle, le
748 solitude. J’ai terminé ma description du siècle. Est -elle pessimiste à l’excès ? Ce n’est pas cela qu’il nous importe de s
749 n du siècle. Est-elle pessimiste à l’excès ? Ce n’ est pas cela qu’il nous importe de savoir. Si j’ai simplifié le tableau,
750 personnel ? Irresponsable ou responsable ? Telle est , je crois, en définitive, la question simple que nous pose l’époque.
751 ifs, cette fois. Les dieux, les mythes du siècle, sont tout-puissants sur nous. Dénoncer leurs méfaits, ce n’est pas encore
752 -puissants sur nous. Dénoncer leurs méfaits, ce n’ est pas encore leur échapper. Les nier purement et simplement, ou désirer
753 désirer leur destruction, c’est de l’utopie. Ils sont là, et ils ont probablement leur raison d’être. La classe, la race, j
754 ls sont là, et ils ont probablement leur raison d’ être . La classe, la race, jouent dans le monde le même rôle que l’instinct
755 de compter avec eux. Mais compter avec eux, ce n’ est pas les diviser, ni abdiquer sous leur implacable destin. Ceux qui l’
756 vers une nouvelle communauté humaine. Mais ils se sont cruellement trompés de porte en s’adressant aux mythes collectifs. C’
757 oublié ce fait très simple : que la société doit être composée d’hommes réels. Nous avons tout calculé, sauf ce qui est en
758 ommes réels. Nous avons tout calculé, sauf ce qui est en effet incalculable : l’acte de l’homme. Mais le temps vient où les
759 f l’essentiel. Voici notre dilemme : voulons-nous être des éléments de statistique, ou bien des hommes de chair et de sang,
760 ais connaissant aussi leur dignité, leur raison d’ être personnelle ? Voulons-nous être des personnes ? Voilà le mot lâché. J
761 té, leur raison d’être personnelle ? Voulons-nous être des personnes ? Voilà le mot lâché. Je connais la réaction qui l’accu
762 rien à proposer que votre chétive personne ? Vous serez emportés comme les autres. Votre réaction est disproportionnée au dan
763 s serez emportés comme les autres. Votre réaction est disproportionnée au danger. Et d’ailleurs qu’est-ce que cette personn
764 est disproportionnée au danger. Et d’ailleurs qu’ est -ce que cette personne, dont on nous parle tant depuis quelques années
765 t surtout dans les cercles de L’Ordre nouveau. Qu’ est -ce que la personne ? Permettez-moi de renverser la question : Qu’est-
766 nne ? Permettez-moi de renverser la question : Qu’ est -ce que ces dieux et ces mythes collectifs ? J’ai essayé de vous montr
767 s collectifs ? J’ai essayé de vous montrer qu’ils sont des créations de l’homme, et particulièrement de ce personnage égoïst
768 nt son destin. Eh bien ! la personne à son tour n’ est rien d’autre que l’attitude créatrice de l’homme. Tout, en définitive
769 révolutions, enfin réelles, elle prépare. Mais ce serait là une autre conférence. ⁂ Il reste une question grave, une question
770 oudrais y répondre ici en mon nom personnel. Quel est donc, nous dit-on, le fondement réel de la personne ? Est-ce une vue
771 , nous dit-on, le fondement réel de la personne ? Est -ce une vue philosophique ? Est-ce une attitude nietzschéenne ? Est-ce
772 l de la personne ? Est-ce une vue philosophique ? Est -ce une attitude nietzschéenne ? Est-ce un choix subjectif ? Vous préf
773 ilosophique ? Est-ce une attitude nietzschéenne ? Est -ce un choix subjectif ? Vous préférez l’homme créateur à l’homme qui
774 nous le désigne, bien plus : il nous ordonne de l’ être . Et voilà la réalité décisive. Tous, nous avons reçu de Dieu cet ordr
775 une vocation personnelle. Personne et vocation ne sont point séparables. Et toutes deux ne sont possibles que dans cet acte
776 ation ne sont point séparables. Et toutes deux ne sont possibles que dans cet acte unique d’obéissance à l’ordre de Dieu, qu
777 : acte, et il faut insister là-dessus. Le monde s’ est emparé des paroles du Christ et il les a complètement perverties. On
778 n a transporté dans l’histoire cet amour qui doit être un acte, une présence et un engagement immédiat. Acte, présence et en
779 ne, mais aussi ce que Jésus-Christ nous ordonne d’ être  : le prochain. Lorsque les docteurs de la loi voulurent éprouver Jésu
780 s, l’un d’entre eux se leva et lui dit : Mais qui est mon prochain ? Ce docteur se disait sans doute : aimer son prochain,
781 la miséricorde. Cet acte, en chacun de nous, peut être vainqueur de l’Histoire. Cet acte, à chaque fois qu’il nous est donné
782 de l’Histoire. Cet acte, à chaque fois qu’il nous est donné de le faire, rétablit le rapport humain, fonde notre destin per
783 siècle, lui seul atteint le mal à sa racine, qui est en nous, qui est au fond de notre désespoir. Les grandes lois histori
784 atteint le mal à sa racine, qui est en nous, qui est au fond de notre désespoir. Les grandes lois historiques et révolutio
785 lles ne pénètrent jamais dans l’intimité de notre être , là où réside le désespoir de l’homme qui ne connaît pas son destin.
786 près tout, l’homme désespéré, ce qu’il veut, ce n’ est pas une explication du désespoir qui le possède, mais c’est une conso
787 , c’est littéralement : rendre complet, unifier l’ être , réunir. L’homme désespéré, l’homme sans vocation personnelle, c’est
788 nnelle, c’est un homme incomplet, désuni. Et ce n’ est pas la connaissance intellectuelle du destin de sa classe ou de sa ra
18 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Deux essais de philosophes chrétiens (mai 1934)
789 onne davantage de ce qu’on trouve cela normal. Ce fut toujours le cas, me dira-t-on ? Mais ce n’est point partout le cas. L
790 Ce fut toujours le cas, me dira-t-on ? Mais ce n’ est point partout le cas. L’exemple de l’Allemagne peut nous faire réfléc
791 même les théologiens. Le Römerbrief, de Barth, en est au 20e mille. Un Keyserling, un Heidegger, un Karl Jaspers ont, dès l
792 ’on nomme les « courriéristes littéraires ». Ce n’ est un secret pour personne qu’ils contribuent pour beaucoup à déterminer
793 n régulier dans un hebdomadaire ou un quotidien n’ est , en réalité, pas un critique, mais un commentateur des goûts de son p
794 signaler les œuvres qui risqueraient, sans lui, d’ être incomprises ou ignorées, il se contente, la plupart du temps, d’être
795 ignorées, il se contente, la plupart du temps, d’ être l’écho de la vague rumeur entretenue par la publicité autour d’un « s
796 sent plus. Le public se figure que la philosophie est une activité qui ne le concerne pas. Il ne nie pas sa valeur intrinsè
797 deinde philosophari. Cynisme ou naïveté ? Car il est évident que cette phrase, en fait, supprime toute philosophie. Ou bie
798 e philosophie. Ou bien le primum vivere se trouve être réalisé, et quel besoin alors d’un deinde. Que demander aux hommes, s
799 ions sur cet acte ; ou c’est que la philosophie n’ est qu’illusion et mystification. Une pensée vivante, une pensée qui aide
800 e part ailleurs. Mais il faudrait d’abord qu’elle soit elle-même un acte43. Et c’est ici la déficience des philosophes qui s
801 s prétexte de science, la pensée de nos maîtres s’ est tellement détachée du concret de nos vies que l’on comprend sans pein
802 omprend sans peine l’indifférence où le public la tient . Un philosophe « sérieux » pour l’Université c’est trop souvent un ho
803 -il penser de ces techniques d’abstention ? ⁂ Tel est l’état des choses. Public et philosophes ont si bien pris l’habitude
804 s ont si bien pris l’habitude de s’ignorer, qu’on est en droit de se demander si leur rencontre, à supposer qu’elle se prod
805 longtemps dépourvue de tout contrôle spirituel. N’ est -ce point l’obscur pressentiment d’un tel péril qui explique, en derni
806 ant, que la collusion se produise. (L’hypothèse n’ est pas absurde : elle s’est vérifiée en Allemagne, à propos de Spengler
807 produise. (L’hypothèse n’est pas absurde : elle s’ est vérifiée en Allemagne, à propos de Spengler par exemple, dont on sait
808 es de l’hitlérisme.) Les risques qu’elle entraîne sont proprement incalculables. Qui donc voudra les encourir ? Ceux-là seul
809 es va réveiller quelques chrétiens. Leur office n’ est -il pas de rappeler aux peuples où se trouvent les vraies valeurs, san
810 e d’autres aient tout faussé, tout compromis ? Il est certain que la pensée chrétienne n’a jamais eu plus impérieuse ni plu
811 te vocation. Le lieu, les modes de son obéissance sont plus visibles qu’ils ne le furent jamais. Si la pensée chrétienne exi
812 de son obéissance sont plus visibles qu’ils ne le furent jamais. Si la pensée chrétienne existe, c’est à ce seul niveau où pen
813 u où pensée et action se confondent. Si elle veut être digne de son nom, c’est à elle seule d’oser ce que les autres ne peuv
814 le service que la pensée chrétienne doit rendre n’ est un service rendu au monde que si d’abord il est obéissance ? Ce ne so
815 n’est un service rendu au monde que si d’abord il est obéissance ? Ce ne sont pas les catastrophes qui devraient effrayer l
816 au monde que si d’abord il est obéissance ? Ce ne sont pas les catastrophes qui devraient effrayer le chrétien, mais le risq
817 degger. On sait que la coutume de ces philosophes est de fonder leurs analyses sur des totalités, sur des unités d’expérien
818 Nietzsche, on s’en souvient46, l’amour chrétien n’ est que « la fine fleur du ressentiment » que les natures faibles vouent
819 ée dans l’affirmation paradoxale que les premiers seront les derniers, ou que la vraie noblesse réside dans la misère. C’est c
820 appellent Dieu). Ce qu’il y a d’inoffensif chez l’ être faible, sa lâcheté, cette lâcheté dont il est riche et qui, chez lui,
821 l’être faible, sa lâcheté, cette lâcheté dont il est riche et qui, chez lui, fait antichambre, et attend à la porte, inévi
822 ennemis » et l’on « sue à grosses gouttes ». Il est facile de dire que Nietzsche exagère ; plus difficile de contester la
823 sans réserve —, il reste à voir si les causes en sont bien celles que Nietzsche allègue. Pour Scheler, les reproches de Nie
824 able et précis. Voici sa thèse centrale : nous en sommes venus à substituer « l’amour de l’humanité » à l’amour du prochain co
825 us ne voulons plus l’acte d’amour personnel — qui est une valeur héroïque —, mais nous prônons tout simplement un sentiment
826 e miséricorde ; une pitié veule et platonique qui est le contraire du courage et non pas de la cruauté ; un internationalis
827 on pas de la cruauté ; un internationalisme qui n’ est qu’une rancune contre la patrie ; un pacifisme qui traduit bien plus
828 ui renie la réalité chrétienne de la vocation… Je suis loin d’épuiser la liste. L’extrême gravité que présentent ces pervers
829 s de l’Évangile vient de ce que les chrétiens s’y sont laissés prendre. C’est tout le procès de la morale laïque, ou kantien
830 u) recommandée aux pauvres, et aux pauvres seuls, est désormais une vertu sans lien avec la notion de sacrifice ou avec l’i
831 évolte contre Dieu. L’homme du ressentiment, ce n’ est pas le chrétien, c’est le bourgeois dont la morale usurpe l’apparence
832 aine de l’Évangile et de ses exigences concrètes. Est -il besoin de marquer, pour finir, que cette critique de l’esprit bour
833 ent le socialisme humanitaire et le marxisme, qui sont , à tant d’égards, de simples aveux des tendances plus ou moins déguis
834 il écrivait L’Homme du ressentiment 47, M. Marcel est catholique. Sa méditation sur le Mystère ontologique est la première
835 holique. Sa méditation sur le Mystère ontologique est la première œuvre philosophique qu’il ait publiée depuis sa conversio
836 phique qu’il ait publiée depuis sa conversion. On est heureux de constater qu’elle marque un élargissement en même temps qu
837 e, par rapport au Journal métaphysique. M. Marcel est un de ceux dont nous devons attendre qu’il fasse passer de l’air dans
838 ssées de la scolastique laïque. Nos après-venants seront sans doute fort étonnés d’apprendre qu’il fallait, en 1934, un courag
839 ême dire que la possibilité permanente du suicide est en ce sens48 le point d’amorçage peut-être essentiel de toute pensée
840 objet d’approcher le mystère indéfinissable de l’ être . « Il faut qu’il y ait, dit M. Marcel, ou il faudrait qu’il y eût de
841 t, dit M. Marcel, ou il faudrait qu’il y eût de l’ être , que tout ne se réduisît pas à un jeu d’apparences successives et inc
842 es successives et inconsistantes — ce dernier mot est essentiel — ou, pour reprendre la phrase de Shakespeare, à une histoi
843 par suite, de s’interroger sur les sources de son être . Les philosophes lui sont de peu de recours. Ils ont fait de l’être u
844 sur les sources de son être. Les philosophes lui sont de peu de recours. Ils ont fait de l’être un problème qu’ils placent
845 hes lui sont de peu de recours. Ils ont fait de l’ être un problème qu’ils placent devant eux et qu’ils se mettent à critique
846 x et qu’ils se mettent à critiquer, comme s’ils n’ étaient pas eux-mêmes en jeu ! Mais, dit l’auteur, « je ne puis me dispenser
847 is me dispenser de me demander du même coup : qui suis -je, moi qui questionne sur l’être ? »49 (p. 264). Le problème devien
848 même coup : qui suis-je, moi qui questionne sur l’ être  ? »49 (p. 264). Le problème devient alors tout autre chose qu’un pro
849 elle-même une sorte de participation concrète à l’ être . Démarche négative du désespoir, positive de l’espérance, — elles son
850 ve du désespoir, positive de l’espérance, — elles sont inséparables jusqu’au bout, note M. Marcel, qui m’apparaît ici très «
851 de la création qui va toujours dans le sens de l’ être , à condition qu’elle soit soutenue par une fidélité que l’auteur défi
852 jours dans le sens de l’être, à condition qu’elle soit soutenue par une fidélité que l’auteur définit comme « une présence a
853 ité paradoxale : « parce que l’âme sait qu’elle n’ est pas à elle-même, et que le seul usage entièrement légitime qu’elle pu
854 cret de cette méditation. Si son mérite principal est à mes yeux d’avoir revalorisé un certain nombre de motifs vitaux négl
855 assurent que les problèmes débattus dans ce livre sont de ceux qui se posent ; non point de ceux que l’on se plaît à poser g
856  : quelques-uns des fondements d’une éthique de l’ être qu’il est urgent que les chrétiens opposent à la « morale des commerç
857 -uns des fondements d’une éthique de l’être qu’il est urgent que les chrétiens opposent à la « morale des commerçants » — c
858 oppement de cette thèse : que philosopher ne peut être qu’une forme de vivre. 44. Librairie Gallimard, collect. Les Essais.
859 olume intitulé le Monde cassé. La première partie est un drame en quatre actes qui n’est pas à proprement parler une illust
860 remière partie est un drame en quatre actes qui n’ est pas à proprement parler une illustration de l’essai, mais qui est né
861 ment parler une illustration de l’essai, mais qui est né dans le même temps, et participe de la même problématique (Desclée
19 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Notice biographique [Kierkegaard] (août 1934)
862 ns ajouter dix-huit volumes de papiers posthumes, fut composée en l’espace de douze années. Le père de Kierkegaard avait pa
863 ne du Jutland. Un jour, accablé par la misère, il était monté sur un petit tertre et il avait maudit le Dieu tout-puissant qu
864 il l’avait donc dilapidé, surtout en dons. Sa vie était très simple. Il travaillait une grande partie de la nuit. Il aimait s
865 sa légende d’« original ». On savait aussi qu’il était le meilleur écrivain de son pays. Sa première œuvre eut un immense su
866 s hommes ». Le seul événement extérieur de sa vie fut la rupture de ses fiançailles avec Régine Olsen. Mais son acte, après
867 t mourir, certain d’avoir accompli sa mission, ce fut son attaque contre le christianisme officiel, au nom du Christ de l’É
868 avait terminé les études de théologie, mais il ne fut jamais pasteur. Il lui arriva pourtant de prêcher, et ses sermons, ré
869 d’édification, remplissent plusieurs volumes. Ce furent les seuls écrits qu’il publia sous son nom. Tous ses ouvrages esthéti
870 nsabilité devant Dieu et devant les hommes. Ce ne fut qu’à la fin de sa vie qu’il s’offrit sans masques à la lutte contre l
871 Nietzsche, à Dostoïevski, à Pascal. Lui-même ne s’ est jamais comparé qu’aux grands modèles apostoliques : à saint Paul, à L
872 her, mais pour se condamner. Il affirmait qu’il n’ était qu’un « poète à tendance religieuse » et non pas un « témoin de la vé
873 porté sur l’ensemble de ses écrits : Kierkegaard fut le dernier grand protestant. On ne peut le comparer qu’aux grands fon
874 de lui. La question essentielle pour Kierkegaard était  : Comment deviendrai-je chrétien ? Seul, un protestant pouvait trouve
875 plus profonde et la plus originale de Kierkegaard est son Concept de l’angoisse, auquel on ne peut trouver d’analogie que c
876 hez Dostoïevski. Kierkegaard, d’ailleurs, ne peut être placé qu’à côté du poète russe. Tous deux marchent de pair, et aucun
20 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Nécessité de Kierkegaard (août 1934)
877 s les plus dignes de formuler son opinion, et qui sont pleins d’amères protestations contre le règne de la masse et les outr
878 ’individu, les Puissances anonymes et le Standard seraient en voie de triompher, et ce serait aux dépens de l’humain. Au sein de
879 le Standard seraient en voie de triompher, et ce serait aux dépens de l’humain. Au sein de cette crise que l’on dit sans préc
880 s titres à l’existence vient-il produire ? Car il est excellent de défendre son moi, surtout lorsqu’il détient plus de réal
881 ue l’anonyme. Mais encore, il faudrait que ce moi fût fondé. Ce n’est pas évident de soi, si l’on peut dire : les marxistes
882 is encore, il faudrait que ce moi fût fondé. Ce n’ est pas évident de soi, si l’on peut dire : les marxistes le nient avec p
883 e disent les collectivistes ? Que le grand nombre est plus précieux que le petit : Que la vie de l’esprit n’est possible qu
884 précieux que le petit : Que la vie de l’esprit n’ est possible que si l’on a d’abord assuré l’autre vie, la vie des corps,
885 nditions physiques de l’existence. Que la justice est dans l’égalité de tous, et la vertu dans l’opinion publique. Que l’hi
886 Que la révolte, enfin, d’un seul contre la foule serait la marque d’un affreux orgueil, si d’abord elle ne témoignait d’un ri
887 défi collectiviste. Il soutient que le solitaire est plus grand que la foule anonyme, que la vie de l’esprit n’est possibl
888 nd que la foule anonyme, que la vie de l’esprit n’ est possible que si l’on a d’abord renoncé à l’autre vie ; que les lois d
889 ncé à l’autre vie ; que les lois de l’histoire ne sont rien si l’acte de l’homme les dément ; que la foi d’un seul est plus
890 acte de l’homme les dément ; que la foi d’un seul est plus forte, dans son humilité et devant Dieu, — car c’est la foi, — q
891 in, et la vertu, n’ont aucune réalité si chacun n’ est pas à sa place là où la vocation de Dieu l’a mis. Supposez qu’un tel
892 existe. Que va-t-on faire de lui, de ce héros, n’ est -ce pas, des valeurs de l’esprit que justement l’on fait profession de
893 ommencera par mettre en doute son sérieux : « Qui est le docteur Søren Kierkegaard ? C’est l’homme dépourvu de sérieux », l
894 ngs. On montrera sans trop de peine que ses idées sont faites pour rendre la vie impossible, puisqu’elles impliquent le mart
895 tiens, comme si la religion, de toute éternité, n’ était pas au contraire la façon la plus sage de supporter les maux de ce ba
896 e de supporter les maux de ce bas monde tel qu’il est  ! L’Église, par la voix de ses évêques, tentera de prouver qu’il extr
897 on fol orgueil : n’a-t-il pas écrit que la presse est de nos jours l’obstacle décisif à la prédication du christianisme vér
898 it à Copenhague, en l’année 1855. Depuis lors, il est vrai, les choses ont bien changé. On dirait même qu’elles sont au pir
899 s choses ont bien changé. On dirait même qu’elles sont au pire, mais il faut prendre garde de laisser croire à nos contempor
900 croire à nos contemporains que ce pire ne puisse être aggravé, si tant est qu’ils s’y abandonnent. Qu’est-ce que l’espri
901 rains que ce pire ne puisse être aggravé, si tant est qu’ils s’y abandonnent. Qu’est-ce que l’esprit ? Donc, on nous
902 ggravé, si tant est qu’ils s’y abandonnent. Qu’ est -ce que l’esprit ? Donc, on nous parle de sauver l’esprit. Qu’est-c
903 t ? Donc, on nous parle de sauver l’esprit. Qu’ est -ce que l’esprit ? « L’esprit, dit Kierkegaard, c’est la puissance que
904 le savoir d’un homme exerce sur sa vie.52 » Ce n’ est pas le savoir ; ce n’est pas la puissance, mais la puissance du savoi
905 rce sur sa vie.52 » Ce n’est pas le savoir ; ce n’ est pas la puissance, mais la puissance du savoir en exercice. Il y a bie
906 duire à la ruine ou peut-être même au martyre. Ne soyez donc pas si pressés de défendre les « droits » de l’esprit : ce n’est
907 sés de défendre les « droits » de l’esprit : ce n’ est pas une distinction. Et lequel d’entre nous peut dire qu’il a calculé
908 faudrait bien savoir de quoi l’on parle, et ce n’ est peut-être possible que si l’on sait bien où l’on va. À quoi tend la p
909 opinion publique, il proteste en faveur de ce qui est « original » ; contre l’emportement des multitudes, il revendique la
910 font vivre, cette solitude première devant Dieu, est -ce bien cela que revendiquent les défenseurs du primat de l’esprit ?
911 t les défenseurs du primat de l’esprit ? L’esprit est drame, attaque et risque. Et l’on peut douter qu’ils y croient, ceux
912 on ferait bien d’aller à ceux pour qui l’esprit n’ est pas une espèce de confort, mais une aventure absolue et comme un juge
913 eut-être leurs souffrances seulement. Mais s’il n’ est pas de hiérarchie possible en ces parages, le sacrifice y tient lieu
914 le sacrifice y tient lieu de mesure, parce qu’il est un acte, incontestable. Telle est la nouvelle grandeur, la nouvelle m
915 re, parce qu’il est un acte, incontestable. Telle est la nouvelle grandeur, la nouvelle mesure de l’esprit. Nous irons donc
916 ée d’un autre siècle avait tué. C’est aussi qu’il est devenu possible de saisir, dans le déploiement des faits, et des plus
917 os malheurs, nous retournons à l’origine où il se tient , nous mettons en lui notre espoir de trouver un autre chemin : un che
918 is à nous-mêmes devant Dieu. ⁂ Søren Kierkegaard est sans doute le penseur capital de notre époque, nous voulons dire : l’
919 ion la plus absolue, la plus fondamentale qui lui soit faite, une figure littéralement gênante, un rappel presque insupporta
920 pour apaiser ce regard qui nous perce, et si nous sommes sourds à sa voix, comment étouffer le scandale de cette mort qui défi
921 eur du progrès, car tout l’honneur de notre temps sera peut-être, par une compensation mystérieuse, d’avoir compris mieux qu
922 s les rangs des troupes d’assaut. Ah ! si le rire est le propre de l’homme, nous voici devenus bien inhumains ! Il semble q
923 as-tu souffert pour ta doctrine ? Tu souffres, il est vrai, mais n’est-ce point justement pour ces choses que ta doctrine t
924 ur ta doctrine ? Tu souffres, il est vrai, mais n’ est -ce point justement pour ces choses que ta doctrine te montre vaines ?
925 la question brûlante, c’est de savoir si toi, tu es chrétien, ou bien tu vitupères les sans-Dieu de Russie. Mais sais-tu
926 it, exactement comme si l’Esprit n’existait pas ! Serons -nous des témoins ou des espions craintifs ? Attendrons-nous toujours
927 il de la masse » pour affirmer que tous ces dieux sont des faux dieux ? Mais sont-ils des faux dieux pour nous ? Appelons-no
928 mer que tous ces dieux sont des faux dieux ? Mais sont -ils des faux dieux pour nous ? Appelons-nous vraiment l’esprit ? Mais
929 l’esprit », c’est bien moins dangereux ; tous en seront … « Deux questions — dit encore Kierkegaard — témoignent de l’esprit :
930 témoignent de l’esprit : 1) Ce qu’on nous prêche, est -ce possible ? 2) Puis-je le faire ? Deux questions témoignent de l’ab
931 uestions témoignent de l’absence de l’esprit : 1) Est -ce réel ? 2) Mon voisin Christofersen l’a-t-il fait ? l’a-t-il réelle
932 est alors que paraît le rire de Kierkegaard. Ce n’ est pas le rire d’un Molière : Molière fait rire la foule au dépens de l’
933 « On peut leur faire faire ce qu’on veut, que ce soit le bien ou le mal, une seule condition leur importe : qu’ils soient t
934 le mal, une seule condition leur importe : qu’ils soient toujours comme tous les autres, qu’ils imitent, et n’agissent jamais
935 l’originalité. « Voilà pourquoi la Parole de Dieu est telle qu’on y trouve quelque passage qui dise le contraire d’un autre
936 kegaard se recompose. Et l’on voit que son rire n’ est rien que la douleur du témoin de l’Esprit au milieu de la foule. L
937 la catégorie du solitaire ». Bien des malentendus seraient ici possibles ; que l’on écarte, au premier pas, trois mots qui fauss
938 ssent tout : anarchie, romantisme, individu. Il n’ est que de les mesurer à la réalité dernière de l’homme. Qu’est-ce que l’
939 les mesurer à la réalité dernière de l’homme. Qu’ est -ce que l’homme ? Une créature. Qu’est-ce que son ordre ? La loi du Cr
940 l’homme. Qu’est-ce que l’homme ? Une créature. Qu’ est -ce que son ordre ? La loi du Créateur. Le solitaire que Kierkegaard a
941 le nomme et par là le sépare, autrement l’homme n’ est rien qu’un exemplaire dans le troupeau. Le solitaire devant Dieu, c’e
942 in de compte, imaginaire. Car l’ordre de ce monde est lui-même en révolte contre l’ordre reçu de Dieu, qui sera l’Ordre du
943 -même en révolte contre l’ordre reçu de Dieu, qui sera l’Ordre du Royaume. Et nier une négation, c’est s’enfoncer dans le né
944 oncer dans le néant. Seule la révolte du chrétien est position, obéissance. Si donc l’appel de Dieu isole du monde un homme
945 « Ne vous conformez pas à ce siècle présent, mais soyez transformés », dit saint Paul. Le solitaire devant Dieu, c’est celui
946 aul. Le solitaire devant Dieu, c’est celui qui se tient à l’origine de sa réalité. Celui-là seul connaît sa fin et l’ordre ét
947 vie. Celui-là seul peut juger de ce monde, et s’y tenir comme n’étant pas tenu. Il n’est pas d’autre « réaction » contre « le
948 seul peut juger de ce monde, et s’y tenir comme n’ étant pas tenu. Il n’est pas d’autre « réaction » contre « le siècle », pas
949 juger de ce monde, et s’y tenir comme n’étant pas tenu . Il n’est pas d’autre « réaction » contre « le siècle », pas d’autre
950 monde, et s’y tenir comme n’étant pas tenu. Il n’ est pas d’autre « réaction » contre « le siècle », pas d’autre révolution
951 réatrice. Et tous nos appels à l’esprit, s’ils ne sont pas ce retour au Réel, ne sont que poursuite du vent, défection ou or
952 l’esprit, s’ils ne sont pas ce retour au Réel, ne sont que poursuite du vent, défection ou orgueil fantastique. Le solita
953 u passé, au collectif, à l’avenir, et tout cela n’ est rien que fuite devant notre éternel présent, et tout cela n’est que m
954 uite devant notre éternel présent, et tout cela n’ est que mythologie. Les dieux du siècle ont l’existence qu’on leur prête 
955 cle ont l’existence qu’on leur prête : hélas ! il serait faux de dire qu’ils n’en ont pas… Mais encore une fois, ce n’est pas
956 e qu’ils n’en ont pas… Mais encore une fois, ce n’ est pas échapper aux chimères publiques que de les dénoncer pour telles e
957 sme agressif, ou désespoir du démoniaque qui veut être soi-même, « en haine de l’existence et selon sa misère ». Cette révol
958 l’existence et selon sa misère ». Cette révolte n’ est pas fondée dans la transformation effective du monde. Elle participe
959 e ruine. Le solitaire qui condamne « la masse » n’ est un aristocrate que s’il ne veut pas l’être. C’est qu’il se fonde sur
960 sse » n’est un aristocrate que s’il ne veut pas l’ être . C’est qu’il se fonde sur sa vocation, et qu’il ne peut être lui-même
961 qu’il se fonde sur sa vocation, et qu’il ne peut être lui-même que par le droit divin de la Parole qui le distingue. Suprêm
962 l’orgueil trouverait-il encore à se loger chez un être à ce point simplifié qu’il n’est plus rien qu’obéissance dans la mesu
963 e loger chez un être à ce point simplifié qu’il n’ est plus rien qu’obéissance dans la mesure où il agit, et pénitence dans
964 dépasse ? Si Kierkegaard condamne la foule, ce n’ est point qu’il la craigne, ou qu’il craigne d’y perdre le pauvre moi des
965 flattons, et elle nous reconnaît pour siens. Elle est le lieu de rendez-vous des hommes qui se fuient, eux et leur vocation
966 ommes qui se fuient, eux et leur vocation. Elle n’ est personne, et tire de là son assurance dans le crime. « Il ne s’est pa
967 tire de là son assurance dans le crime. « Il ne s’ est pas trouvé un seul soldat pour oser porter la main sur Caïus Marius,
968 pour oser porter la main sur Caïus Marius, telle est la vérité. Mais trois ou quatre femmes, dans l’illusion d’être une fo
969 é. Mais trois ou quatre femmes, dans l’illusion d’ être une foule et que personne peut-être ne saurait dire qui l’avait fait
970 raient eu, ce courage ! Ô mensonge ! » La foule n’ est rien que la fuite de chaque homme devant la responsabilité de son act
971 nt la responsabilité de son acte. « Car une foule est une abstraction, qui n’a pas de mains, mais chaque homme isolé a, dan
972 et lorsqu’il porte ces deux mains sur Marius, ce sont ses mains, non celles de son voisin et non celles de la foule qui n’a
973 et cracher au visage du Fils de Dieu ? Mais qu’il soit foule, il aura ce « courage », — il l’a eu. Il faut aller plus loin.
974 — il l’a eu. Il faut aller plus loin. La foule n’ est pas dans la rue seulement. Elle est dans la pensée des hommes de ce t
975 n. La foule n’est pas dans la rue seulement. Elle est dans la pensée des hommes de ce temps. Tout le génie paradoxal et réa
976 aque fois que nous disons d’un de nos dieux qu’il est puissant, nous témoignons de notre démission. La foule n’a pas d’autr
977 xister devant Dieu et d’exercer le pouvoir que je suis . Elle n’est que ma dégradation. Et toutes les « sciences » qui étudie
978 Dieu et d’exercer le pouvoir que je suis. Elle n’ est que ma dégradation. Et toutes les « sciences » qui étudient ses « loi
979 tudient ses « lois » historiques ou sociologiques sont comme une inversion de la théologie, sont une théologie de la dégrada
980 ogiques sont comme une inversion de la théologie, sont une théologie de la dégradation. L’opposition de Kierkegaard et de He
981 a Providence. Entreprise effroyable et vaine, qui serait d’un comique insondable si seulement l’homme des masses ne venait auj
982 . « Le philosophe dit à bon droit que la vie doit être comprise en arrière, mais il oublie l’autre proposition : qu’elle doi
983 mais il oublie l’autre proposition : qu’elle doit être vécue en avant.60 » Semble-t-il pas que le temps court plus vite depu
984 ite. Ils n’ont pas lu Hegel, bien sûr, mais Hegel est dans tous nos journaux, Hegel domine le marxisme et les fascismes, et
985 s, des clercs bourgeois. Comment lui échapper ? N’ est -il pas la voix même de cette Âme du monde, cet Esprit de la Forme qui
986 e la Forme qui se croit le Réel et qui pourtant n’ est rien que le péché, mais le péché n’est-il pas notre réalité, notre ré
987 pourtant n’est rien que le péché, mais le péché n’ est -il pas notre réalité, notre réalité sans cesse menacée par l’Esprit d
988 et les autres dans le passé, mais qui voudrait se tenir , dans l’instant, « sous le regard de Dieu », comme disent les chrétie
989 le regard de Dieu », comme disent les chrétiens. ( Est -ce facile ? ou bien même possible ? Est-ce un effet de notre choix, o
990 rétiens. (Est-ce facile ? ou bien même possible ? Est -ce un effet de notre choix, ou un moment de notre vie ? Ils en parlen
991 urir à l’homme, et j’entends, à l’homme tel qu’il est , dans l’ordre même de son péché. Ainsi Maurras, lorsqu’il dénonce les
992 me social. « Le meilleur moyen de s’en affranchir sera d’en revoir l’origine. Pour voiler le présent certain, ils hypothèque
993 te de providence brute tout à fait inintelligible est le simple succédané de l’intelligible providence surnaturelle.61 » Ma
994 e.61 » Mais qui ne voit que cette Âme du Monde le tient aussi, et jusque dans son scepticisme, lorsque Maurras proclame après
995 s mythes ! « Le meilleur moyen de s’en affranchir sera d’en revoir l’origine. » Seul, Kierkegaard sait nous la désigner, dan
996 vité : cette attitude de l’homme qui ne veut plus être sujet de son action, qui l’abandonne aux lois mythiques de l’histoire
997 aard au contraire nous répète : « La subjectivité est la vérité. » La liberté, la dignité de l’homme, c’est qu’il soit seul
998  » La liberté, la dignité de l’homme, c’est qu’il soit seul le sujet de sa vie. Mais encore faut-il se garder d’entendre l’e
999 entendre l’expression au sens des romantiques. Je suis sujet, mais il reste à savoir d’où vient ce je, comment il peut agir.
1000 ta vie. Tu te croyais un moi : témoigne que tu n’ es pas foule, imitation et simple objet des lois du monde. La foule atte
1001 jet des lois du monde. La foule attend : si tu la suis , elle te méprisera sans doute, mais c’est le sort commun, tu ne cours
1002 son premier devoir, c’est de persévérer dans son être agissant : en cette extrémité, le compromis se justifie… Mais si ton
1003 mité, le compromis se justifie… Mais si ton moi n’ est pas à toi ? S’il est ta vocation reçue d’ailleurs, et si tu l’as reçu
1004 justifie… Mais si ton moi n’est pas à toi ? S’il est ta vocation reçue d’ailleurs, et si tu l’as reçue en vérité, tu n’as
1005 reçue en vérité, tu n’as plus à choisir, ta mort est derrière toi, elle n’est plus ton affaire, elle n’est plus ton angois
1006 plus à choisir, ta mort est derrière toi, elle n’ est plus ton affaire, elle n’est plus ton angoisse. Et surtout, elle n’es
1007 derrière toi, elle n’est plus ton affaire, elle n’ est plus ton angoisse. Et surtout, elle n’est plus cette absurdité révolt
1008 elle n’est plus ton angoisse. Et surtout, elle n’ est plus cette absurdité révoltante que rien au monde ne pourrait permett
1009 e sobriété… Le croyant seul agit, et seul il peut être sujet de son action, mais c’est qu’il est, dans l’autre sens du terme
1010 l peut être sujet de son action, mais c’est qu’il est , dans l’autre sens du terme, « assujetti » à la Parole qui vit en lui
1011 C’est dans ce sens que la formule de Kierkegaard est vraie. La sujétion totale est seule active. Elle est aussi présence a
1012 mule de Kierkegaard est vraie. La sujétion totale est seule active. Elle est aussi présence au monde. Dans ce temps de la m
1013 vraie. La sujétion totale est seule active. Elle est aussi présence au monde. Dans ce temps de la masse, où nous vivons, l
1014 sse, où nous vivons, le « solitaire devant Dieu » est aussi l’homme le plus réel, le plus présent. Parce qu’il sait qu’il e
1015 out accepter de vivre hic et nunc, quand la foule est ubiquité et fuite sans fin dans le passé ou l’avenir. Un seul util
1016 . Un seul utile à tous La phrase de Carlyle est connue, résumant l’utilitarisme de Bentham : « Étant donné un monde p
1017 st connue, résumant l’utilitarisme de Bentham : «  Étant donné un monde plein de coquins, montrer que la vertu est le résultat
1018 é un monde plein de coquins, montrer que la vertu est le résultat de leurs aspirations collectives. » Renversant ce rapport
1019 de Kierkegaard que sa « catégorie du solitaire » est le seul fondement pratique d’une collectivité vraiment vivante. Cepen
1020 ous, oserait affirmer que cette « catégorie » lui soit si familière qu’il puisse la considérer, sans autre, comme donnée ? L
1021 nsidérer, sans autre, comme donnée ? La tentation est forte, de passer d’une critique des collectivités mensongères de ce t
1022 Dieu. Et, d’autre part, l’acte du « solitaire » n’ est pas de ceux dont nous ayons à développer les conséquences. Ou bien il
1023 s ayons à développer les conséquences. Ou bien il est , et c’est l’acte de Dieu, ou bien je l’imagine, et mon discours est v
1024 te de Dieu, ou bien je l’imagine, et mon discours est vain. À qui pressent, dans sa réalité brutale, dans son sérieux derni
1025 son sérieux dernier, et son risque absolu, ce qu’ est la solitude dont Kierkegaard a témoigné, il n’apparaît plus nécessair
1026 malheur de l’époque ne provient pas de ce qu’elle est « sans Dieu », car nul siècle, comme tel, ne fut jamais chrétien, mai
1027 est « sans Dieu », car nul siècle, comme tel, ne fut jamais chrétien, mais bien plutôt de ce qu’elle est sans maîtres, c’e
1028 t jamais chrétien, mais bien plutôt de ce qu’elle est sans maîtres, c’est-à-dire sans martyrs pour l’enseigner. C’est au se
1029 aveur, c’est à lui seul que l’on peut reprocher d’ être insipide. Rien ne sera jamais réel pour tous, si rien d’abord n’est r
1030 que l’on peut reprocher d’être insipide. Rien ne sera jamais réel pour tous, si rien d’abord n’est réel pour un seul. Maint
1031 ne sera jamais réel pour tous, si rien d’abord n’ est réel pour un seul. Maintenant, il faut être « l’impossible » : il fau
1032 bord n’est réel pour un seul. Maintenant, il faut être « l’impossible » : il faut être le solitaire. Kierkegaard peut-il nou
1033 intenant, il faut être « l’impossible » : il faut être le solitaire. Kierkegaard peut-il nous aider ? (Un homme pourrait-il
1034 de toutes les nôtres ? Somnium narrare vigilantis est . L’aveu total de notre désespoir témoigne seul de la consolation.
1035 urnal, tome X. 53. « Là encore, le clerc moderne est protestant », ajoute M. Benda, qui, en fait de protestants, ne connaî
1036 mieux dire : « “Moi, je ne le puis pas.” Et s’il est fou de penser que tous doivent l’être, il est encore beaucoup plus fo
1037 as.” Et s’il est fou de penser que tous doivent l’ être , il est encore beaucoup plus fou qu’aucun ne veuille l’être. » L’inév
1038 ’il est fou de penser que tous doivent l’être, il est encore beaucoup plus fou qu’aucun ne veuille l’être. » L’inévitable r
1039 st encore beaucoup plus fou qu’aucun ne veuille l’ être . » L’inévitable rappel aux nécessités quotidiennes est encore un prét
1040 » L’inévitable rappel aux nécessités quotidiennes est encore un prétexte de l’angoisse. Si la vie quotidienne est si peu dr
1041 un prétexte de l’angoisse. Si la vie quotidienne est si peu dramatique, cela ne signifie pas que les questions dernières n
1042 rain journalier. La fameuse « vie quotidienne » n’ est peut-être rien d’autre qu’un dernier méfait de « la foule » dans notr
21 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Kasimir Edschmid, Destin allemand (octobre 1934)
1043 s, presque personne encore n’en a parlé. Ce qui n’ est pas très étonnant, d’ailleurs. Il s’agit d’une œuvre allemande, d’un
1044 aïveté d’accepter. Accusés de haute trahison, ils sont jetés aussitôt dans une prison infecte, avec des Indiens lépreux. Le
1045 ne section des troupes régulières, dont le chef n’ est autre que le planteur de thé, le sixième camarade. Voilà qui donne l’
1046 ne l’idée d’un roman d’aventures. Destin allemand est bien, entre autres, un roman d’aventures, et même d’une intensité peu
1047 celui que désigne le titre. Ces six hommes63 ont été chassés de leur pays par une crise qui n’est pas seulement économique
1048 ont été chassés de leur pays par une crise qui n’ est pas seulement économique, par une crise qui atteint à la fois leur at
1049 sens le plus profond. Ce dont ils souffrent, ce n’ est pas seulement de manquer de travail et de ne pas gagner leur pain, ma
1050 e constater que l’Allemagne, pour laquelle ils se sont battus, n’a plus la force d’utiliser leurs énergies, leurs vocations
1051 rs énergies, leurs vocations humaines. L’un d’eux est architecte, et il rêvait d’entreprises coloniales : mais on ne constr
1052 s, là-bas, et il n’y a plus de colonies. D’autres étaient mécaniciens, aviateurs ; un autre encore, employé de bureau ; le dern
1053 qui les détourne de toutes leurs espérances. Ce n’ est point qu’ils aient peur, mais tout leur apparaît absurde. Et rien n’e
1054 peur, mais tout leur apparaît absurde. Et rien n’ est plus atroce à supporter que ce sentiment-là ; l’absurdité de sa vie,
1055 u-devant de souffrances qui ne servent à rien. Ce sont des hommes très simples et qui s’expriment difficilement. Seul Pillau
1056 rdu la guerre, Bell, et dans la situation où nous sommes , nous ne pouvons plus nous affirmer que par le sacrifice… Il ne s’agi
1057 ence intérieure. » Le destin de ces déracinés, ce sera désormais de porter en eux-mêmes l’image tragique de leur patrie, l’i
1058 eversée, broyée, souffrante, et pourtant fière, d’ être Allemand, de garder la tête haute pour l’Allemagne, et de participer
1059 r l’Allemagne, et de participer au destin qui lui était échu pour un temps. Ce destin qui obligeait l’Allemagne, après la gue
1060 tre le sens du sacrifice de « ces jeunes gens qui sont entrés dans le malheur la tête haute ». Car ce sont « les jeunes gens
1061 nt entrés dans le malheur la tête haute ». Car ce sont « les jeunes gens, qui ne possédaient rien, qui ont écrit les pages h
1062 nauté qui puisse exister pour un peuple ». ⁂ J’ai tenu à citer ces passages pour faire sentir à quelle hauteur se situe le d
1063 uelle hauteur se situe le drame de ce livre. Nous sommes bien loin de la « propagande » nationaliste et des rodomontades hitlé
1064 onaliste et des rodomontades hitlériennes64. Nous sommes ici au nœud tragique de ce problème allemand qui domine l’après-guerr
1065 indifférents que notre sort à tous, Européens, y est engagé. À vrai dire, il est malaisé de faire la part, dans ce drame,
1066 à tous, Européens, y est engagé. À vrai dire, il est malaisé de faire la part, dans ce drame, de ce qui est national et de
1067 alaisé de faire la part, dans ce drame, de ce qui est national et de ce qui est plus généralement humain. Destin allemand p
1068 ans ce drame, de ce qui est national et de ce qui est plus généralement humain. Destin allemand pourrait aussi s’appeler « 
1069 raît-il pas lié au seul malheur des hommes ? Et n’ est -ce point là le vrai tragique de l’Allemagne actuelle, que son destin
1070 omme que sous l’aspect du sort de la nation ? Tel est , je crois, le problème central qu’impose ce livre, et l’on admettra b
1071 e vue strictement « allemand » de l’auteur, qu’il est peu de problèmes plus graves pour notre avenir immédiat. Mais ce Dest
1072 éjourné longtemps en Orient et en Amérique ; il s’ est enfoncé profondément dans la vie africaine ; et, de toutes ces enquêt
1073 stables, de la fidélité. Les blancs seuls savent tenir une parole, se sacrifier à une cause désespérée, tenir le coup, malgr
1074 une parole, se sacrifier à une cause désespérée, tenir le coup, malgré les trahisons du sort. Mais la guerre, mais la politi
1075 sort. Mais la guerre, mais la politique surtout, sont en train d’ébranler leur prestige. L’empire anglais se dissocie lente
1076 ntement. La France doute de sa mission. L’Espagne est morte, et le spectacle de la vie politique en Amérique du Sud fait me
1077 d’une race qui n’a pas su se garder pure. Alors ? Serait -ce bientôt l’heure de l’Allemagne ? On sent partout cette interrogati
1078 fiévreux dans les épreuves qu’il traverse. Ce ne sont pas les journaux qui nous apprendront tout cela. Il faut lire Destin
1079 ut tout de même que certains lecteurs français en soient choqués — le sentiment d’une fraternité humaine que le roman d’André
1080 d’André Malraux, qui porte précisément ce titre, était loin d’évoquer avec une pareille puissance. J’ai eu l’occasion de dir
1081 mon admiration pour les livres de M. Malraux. Je suis d’autant plus libre pour affirmer aujourd’hui que le roman d’Edschmid
1082 pour affirmer aujourd’hui que le roman d’Edschmid est d’une classe nettement supérieure. J’ajouterai même que c’est un bel
1083 ent de M. Malraux que de constater que ses livres sont les seuls ouvrages français qu’on puisse comparer, tant pour leur suj
1084 in allemand, qui, toutefois, les domine. Edschmid est plus viril, plus massif, plus sain ; moins complaisant surtout aux vo
1085 avec un héroïsme et une révolte plus émouvants d’ être silencieux, des tortures dont les héros de Malraux n’ont pas toujours
1086 e, autant que sur le plan généralement humain, je suis contraint de reconnaître qu’Edschmid est le plus authentique. Il y a,
1087 ain, je suis contraint de reconnaître qu’Edschmid est le plus authentique. Il y a, dans Destin allemand, un timbre de voix
1088 rdait à soupeser des objets trop petits. 63. Il est curieux de noter que pas une seule femme n’apparaît dans tout le roma
1089 r avoir l’agrément officiel. 65. Le parallélisme est vraiment frappant : Malraux, comme Edschmid, a voyagé dans des pays o
1090 s de mitrailleuses, le héros médite sur son sort, sont presque identiques. Chez l’un et l’autre, on trouve ce goût des situa
1091 ations extrêmes, où se dénude le fond secret d’un être , sa sauvagerie ou sa bonté fondamentale. L’homme ne s’avouera-t-il ja
22 1935, Foi et Vie, articles (1928–1977). Notes en marge de Nietzsche (mars 1935)
1092 dont les volumes parus du vivant de Nietzsche ne seraient guère que le commentaire. Je ne sais ce qu’il faut penser d’une allég
1093 ts fragments des posthuma nietzschéens 66. Ce qui est certain, c’est qu’un choix tel que celui qu’on vient de nous donner,
1094 re ». Rien de grand, dans l’ordre humain, ne peut être vraiment dangereux pour un chrétien qui sait en qui il croit. Et pour
1095 ns l’édition de M. Bolle. ⁂ Le sens historique n’ est qu’une théologie masquée : “nous atteindrons un jour des buts magnifi
1096 é et en sort quelques spécimens rares et réussis, est de fond en comble non historique, parce qu’il nie que les millénaires
1097 es à venir puissent produire quelque chose qui ne soit pas, dès maintenant et depuis 1800 ans, à la disposition de chacun. S
1098 tion de chacun. Si malgré cela, l’époque actuelle est , dans son esprit, tout à fait historique, elle témoigne par ce fait q
1099 rique, elle témoigne par ce fait que l’humanité n’ est plus courbée sous le joug, qu’elle est redevenue païenne comme elle l
1100 humanité n’est plus courbée sous le joug, qu’elle est redevenue païenne comme elle l’était il y a quelque mille ans. On cr
1101 joug, qu’elle est redevenue païenne comme elle l’ était il y a quelque mille ans. On croirait presque lire du Kierkegaard !
1102 ans. On croirait presque lire du Kierkegaard ! N’ est -ce pas Kierkegaard, en effet, qui, cinquante ans avant Nietzsche, par
1103 mais surtout une négation de la foi ? Car la foi est , selon Kierkegaard, cette opération paradoxale qui nous rend contempo
1104 séparent apparemment de cet événement éternel. N’ est -il pas fort étrange et humiliant, qu’il faille un incroyant pour nous
1105 r nous rappeler que le salut, pour le chrétien, n’ est pas dans le Progrès indéfini de notre histoire, mais qu’il est venu s
1106 le Progrès indéfini de notre histoire, mais qu’il est venu sur la terre, et qu’il est dès maintenant — hic et nunc ! — « à
1107 toire, mais qu’il est venu sur la terre, et qu’il est dès maintenant — hic et nunc ! — « à la disposition » du moindre d’en
1108 que ». Il faut croire que cet adversaire de Hegel était encore bien mal purgé de ses superstitions pseudo-scientifiques ! Mai
1109 pseudo-scientifiques ! Mais il n’importe. Ce qui est admirable ici, c’est la lucidité avec laquelle Nietzsche décèle l’ido
1110 temps, même s’il y participe pour son compte. Il est très vrai que nos contemporains ont cessé de croire, dans l’ensemble,
1111 nt cessé de croire, dans l’ensemble, que le salut était déjà venu. Ils se sont mis à croire de nouveau que le Messie naîtrait
1112 l’ensemble, que le salut était déjà venu. Ils se sont mis à croire de nouveau que le Messie naîtrait de leurs efforts indéf
1113 t de leurs efforts indéfinis vers le Progrès. Ils sont redevenus païens. Les plus conscients de ce paganisme nouveau ont ado
1114 re la vraie foi, ils se persuadent que l’humanité sera meilleure, sera plus près de son « salut » dans cent ans qu’elle ne l
1115 ils se persuadent que l’humanité sera meilleure, sera plus près de son « salut » dans cent ans qu’elle ne l’est aujourd’hui
1116 près de son « salut » dans cent ans qu’elle ne l’ est aujourd’hui. Mais que dis-je, cent ans ! Il faut à leur espoir de bie
1117 s, devant nous dix mille milliards d’années. Nous sommes des enfants de deux ans qui auraient encore dix mille ans à vivre. L’
1118 l’Histoire : le salut par la sempiternité. Mais n’ est -ce point là ce que toute la Bible nous désigne comme l’enfer même : n
1119 it de la religion la chose la plus répugnante qui soit . Oui, je sais bien de quoi il souffre, et contre quelle espèce dépri
1120 à cette sentence une adhésion assez méfiante. Il est trop clair qu’on peut inverser la maxime : « La contemplation intelle
1121 de l’intelligence la chose la plus répugnante qui soit . » Il faut perdre la croyance en Dieu, en la liberté et en l’immorta
1122 n l’immortalité, comme ses premières dents ; ce n’ est qu’ensuite que vous pousse la véritable dentition. La foi est toujou
1123 e que vous pousse la véritable dentition. La foi est toujours une seconde dentition. Et celui qui n’est pas mort une bonne
1124 st toujours une seconde dentition. Et celui qui n’ est pas mort une bonne fois aux « croyances » héritées sans examen de son
1125 ntiments ou par sa peur de la réalité, celui-là n’ est pas né à la foi. Il n’a pas la mâchoire solide. (Mais je vois bien qu
1126 pour l’homme le plus pieux, le déjeuner quotidien est plus important que la Sainte-Cène. Kierkegaard n’eût pas mieux dit.
1127 stalgie d’un christianisme vrai. Mais Nietzsche ? Est -ce mépris tout simplement ? Ou bien plutôt, dernier défi, secrète ang
1128 s, sans le savoir, c’est là le point. Les hommes sont le plus superstitieux quand ils sont très excités. Les religions se c
1129 Les hommes sont le plus superstitieux quand ils sont très excités. Les religions se consolident dans des périodes de grand
1130 tement valable pour les religions, cette sentence est grossière, voire naïve, si Nietzsche entendait parler de la foi. La f
1131 emple, le culte du Surhomme. Le « retour étemel » est alors le type même de la superstition née du cerveau d’un homme très
1132 du cerveau d’un homme très excité. En somme, qu’ est -ce que cela veut dire : J’aime les hommes pour l’amour de Dieu ? Est-
1133 t dire : J’aime les hommes pour l’amour de Dieu ? Est -ce autre chose que de dire : J’aime les gendarmes pour l’amour de la
1134 fille n’avait rencontré Schopenhauer. La nature est mauvaise, dit le christianisme : ne serait-il pas quelque chose contr
1135 La nature est mauvaise, dit le christianisme : ne serait -il pas quelque chose contre nature ? Sinon, il serait, selon son prop
1136 it-il pas quelque chose contre nature ? Sinon, il serait , selon son propre jugement, quelque chose de mauvais. Juste et profo
1137 s’agit de savoir si la nature actuelle de l’homme est bonne ou mauvaise. La foi nous montre qu’elle est mauvaise. Dans ce s
1138 est bonne ou mauvaise. La foi nous montre qu’elle est mauvaise. Dans ce sens, il est vrai de dire : le christianisme est co
1139 ous montre qu’elle est mauvaise. Dans ce sens, il est vrai de dire : le christianisme est contre nature. Et je m’explique m
1140 s ce sens, il est vrai de dire : le christianisme est contre nature. Et je m’explique mal pourquoi tant de bonnes âmes s’in
1141 zsche croit autre chose, s’il croit que la nature est bonne, pourquoi crie-t-il si fort que « l’homme est quelque chose qui
1142 t bonne, pourquoi crie-t-il si fort que « l’homme est quelque chose qui doit être surmonté » ? Il n’y a pas que les chrétie
1143 si fort que « l’homme est quelque chose qui doit être surmonté » ? Il n’y a pas que les chrétiens pour ne pas croire assez
1144 rds ! Le chrétien ne pense pas à son prochain, il est beaucoup trop occupé de soi-même ! Quelle que soit la justesse des c
1145 st beaucoup trop occupé de soi-même ! Quelle que soit la justesse des critiques de Nietzsche — et jusque dans leur injustic
1146 dre l’autorité et la violence. Mais ses violences sont contradictoires : il attaque ici l’égoïsme, dont il fait par ailleurs
1147 synthèse de ces contradictions. La vie chrétienne est pleine de contradictions, elle aussi, mais Paul les a toutes rassembl
1148 omme but unique de celle-ci, voilà une pensée qui est insupportable aux hommes. Ne voyons-nous pas au contraire le monde c
1149 la vérité, soupçonnée, non sans quelque raison, d’ être parfois « antivitale » ? — « Pensée insupportable aux hommes » ? Niet
1150 it ceci en 1880. Cinquante-cinq ans plus tard, je serais tenté de dire que les hommes ne supportent plus aucune pensée qui con
1151 ianisme de mourir de sa pauvreté spirituelle. On est toujours étonné de voir un esprit de la trempe de celui de Nietzsche
1152 Dieu, tout en croyant le servir. » Formule qui n’ est pas valable pour le seul pape de Rome et pour les seuls conciles. Les
1153 ans le communisme russe ? On sait que ce régime s’ est établi au nom de la Science, qui est son Dieu. On sait aussi qu’il n’
1154 ce régime s’est établi au nom de la Science, qui est son Dieu. On sait aussi qu’il n’a pas hésité à condamner la théorie d
1155 s que vous croyez à la nécessité de la religion ? Soyez sincères ! Vous croyez à la nécessité de la police ! » Dès que vous
1156 Dieu de la Bible — ancien et nouveau Testament — est seul Maître de la seule Justice, de la seule Vie, de la seule Science
1157 ines et trop intéressées, de toutes ces choses. N’ est -ce pas ce « Dieu moral » qui détourna plusieurs générations des églis
1158 Dieu » ? La réfutation de Dieu : en somme, ce n’ est que le “Dieu moral” qui est réfuté. Il est bien significatif que les
1159 Dieu : en somme, ce n’est que le “Dieu moral” qui est réfuté. Il est bien significatif que les fragments de Nietzsche sur
1160 ce n’est que le “Dieu moral” qui est réfuté. Il est bien significatif que les fragments de Nietzsche sur la religion se t
23 1937, Foi et Vie, articles (1928–1977). Luther et la liberté (À propos du Traité du serf arbitre) (avril 1937)
1161 her inconnu Dire qu’on ignore Luther en France serait exagérer, mais dans le sens contraire de celui qu’on imagine. Car, on
1162 on prétend, sans l’avoir jamais lu, savoir qui il fut , qui il est. Certains ont parcouru les Propos de table, présentés au
1163 sans l’avoir jamais lu, savoir qui il fut, qui il est . Certains ont parcouru les Propos de table, présentés au public franç
1164 ois grossières, de platitudes, de contradictions. Est -ce avec cela que s’est faite la Réforme ? D’autres, moins exigeants,
1165 itudes, de contradictions. Est-ce avec cela que s’ est faite la Réforme ? D’autres, moins exigeants, n’hésitent pas à souten
1166 s exigeants, n’hésitent pas à soutenir que Luther fut un démagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment de la race alle
1167 suivante en donne une juste idée : « En somme, qu’ est -ce que Luther ? Un moine qui a voulu se marier. » J’extrais cette déc
1168 la sérieuse information théologique… Ceci dit, il est juste d’insister sur la grande valeur des travaux de quelques spécial
1169 ic français en état d’infériorité assez grave, ne fût -ce que sur le plan de la culture générale. Car, ignorer ou méconnaîtr
1170 lan théologique, ou mieux : dans la totalité de l’ être , revient à celle d’un christianisme qui se met au service de l’humain
1171 ord à un pamphlet, encore que son volume matériel soit bien écrasant pour le genre. Mais on s’aperçoit, sans tarder, que la
1172 ec Érasme et sa Diatribe (souvent personnifiée) n’ est , en fait, que le support apparent d’une réflexion de plus vaste enver
1173 s de l’humaniste et du sceptique que se vantait d’ être Érasme, Luther en vient, de proche en proche, à ressaisir et reposer
1174 les de la Réforme : justification par la foi, qui est don gratuit et œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice de Di
1175 action » de l’homme entre les mains de Dieu. Tels sont les thèmes qu’illustre cet ouvrage. S’ils n’y sont pas traités en for
1176 ont les thèmes qu’illustre cet ouvrage. S’ils n’y sont pas traités en forme, c’est qu’ils ne constituent pas un système, au
1177 rès étroitement les uns les autres, et ne peuvent être mieux saisis que dans l’unique et perpétuelle question que nous posen
1178 ble. Ils renvoient tous à une réalité dont ils ne sont que les reflets, diversement réfractés par nos mots. Ils renvoient to
1179  ? » — Si tu le crois, si tu as reçu la foi, il n’ est plus rien de « difficile » dans les assertions de Luther, ni dans sa
1180 que les grandes thèses pauliniennes de la Réforme soient acceptées (ou simplement connues !) par nos contemporains, même chrét
1181 e dire de Paul bien plus ancien ! — tous ceux qui tiennent la prédestination pour un dogme immoral ou périmé ; ceux qui traduise
1182  Paix aux hommes de bonne volonté », tous ceux-là sont , en fait, avec Érasme et son armée de grands docteurs de tous les siè
1183 un point de vue purement esthétique, ces qualités sont assez rares, et chez Luther assez flagrantes, pour qu’un lecteur qui
1184 rantes, pour qu’un lecteur qui refuse l’essentiel soit tout de même attiré et subjugué par le style, par le ton de l’ouvrage
1185 ment (comme dirait le jargon d’aujourd’hui), tout est bien fait, dans ce Traité, pour heurter de front le lecteur incroyant
1186 s apôtres. D’abord, le langage scolastique, qui n’ est pas proprement luthérien, mais que Luther est obligé d’utiliser pour
1187 i n’est pas proprement luthérien, mais que Luther est obligé d’utiliser pour débrouiller et supprimer les faux problèmes où
1188 èce de considération psychologique. (Un tel homme est bien trop vivant pour faire de la psychologie ; trop engagé dans le r
1189 nisme, de l’Église. L’humanisme laïque, autonome, est simplement nié, comme une absurdité, une contradiction dans les terme
1190 is inévitable, qui consiste à affirmer que Luther est « déterministe ». Mais le sérieux théologique est chose trop rare, et
1191 est « déterministe ». Mais le sérieux théologique est chose trop rare, et pour beaucoup trop difficile à concevoir, pour qu
1192 un simple rappel de l’ordre dans lequel le Traité fut pensé. Je tenterai donc d’esquisser, tout au moins, le dialogue d’un
1193 us refusons de jouer si, d’avance, le vainqueur a été désigné par un arbitre qui ne tient pas compte de nos exploits ! Un
1194 es règles du jeu ? Qui t’a fait croire que ta vie était une partie à jouer entre toi et le monde, par exemple ; ou encore ent
1195 J’ai besoin de le croire pour agir. L. — Mais qu’ est -ce qu’agir ? Est-ce vraiment toi qui agis ? Ou n’es-tu pas toi-même a
1196 croire pour agir. L. — Mais qu’est-ce qu’agir ? Est -ce vraiment toi qui agis ? Ou n’es-tu pas toi-même agi par de puissan
1197 -ce qu’agir ? Est-ce vraiment toi qui agis ? Ou n’ es -tu pas toi-même agi par de puissantes forces sociales, historiques et
1198 C. M. — Il me suffit de vouloir l’affirmer. L. — Soit , c’est une hypothèse de travail… Pour moi, je crois que Dieu connaît
1199 os actions passées, présentes, futures, car elles sont dans le temps, Dieu dans l’Éternité qui est avant le temps, qui est e
1200 lles sont dans le temps, Dieu dans l’Éternité qui est avant le temps, qui est en lui, et qui est encore après lui. Au regar
1201 Dieu dans l’Éternité qui est avant le temps, qui est en lui, et qui est encore après lui. Au regard de Dieu donc, « tout e
1202 té qui est avant le temps, qui est en lui, et qui est encore après lui. Au regard de Dieu donc, « tout est accompli », — de
1203 encore après lui. Au regard de Dieu donc, « tout est accompli », — depuis la mort du Christ sur la croix. Non seulement pr
1204 les fais librement, et tu viens me dire qu’elles sont prévues ! Et prévues par un Dieu éternel, qui alors se joue de moi in
1205 e a proclamé qu’il avait fait. L. — Mais l’homme est « chair », et cette chair est liée à l’espace et au temps. Comment le
1206 L. — Mais l’homme est « chair », et cette chair est liée à l’espace et au temps. Comment le temps tuerait-il l’Éternel ?
1207 formait… Tu affirmes que si Dieu prévoit tout, tu es alors dispensé d’agir, et que ce n’est plus la peine de faire aucun e
1208 it tout, tu es alors dispensé d’agir, et que ce n’ est plus la peine de faire aucun effort. Si tout est décidé d’avance, il
1209 ’est plus la peine de faire aucun effort. Si tout est décidé d’avance, il n’y a plus qu’à se laisser aller à la manière des
1210 ’est peut-être mal raisonner. Si ton effort aussi était prévu ? Pourrais-tu ne pas le fournir ? Et si tu décidais : « Je suis
1211 s-tu ne pas le fournir ? Et si tu décidais : « Je suis , donc Dieu n’est pas !70 », qui t’assurerait que cet acte de révolte
1212 rnir ? Et si tu décidais : « Je suis, donc Dieu n’ est pas !70 », qui t’assurerait que cet acte de révolte échappe à l’étern
1213 pour toi ? Fermer les yeux sur une réalité, ce n’ est pas la supprimer objectivement. Mais c’est peut-être se priver de son
1214 ination : l’une au salut, l’autre à la damnation. Être damné, ne serait-ce pas justement être rivé au temps sans fin, et ref
1215 au salut, l’autre à la damnation. Être damné, ne serait -ce pas justement être rivé au temps sans fin, et refuser l’éternité q
1216 damnation. Être damné, ne serait-ce pas justement être rivé au temps sans fin, et refuser l’éternité qui vient nous délivrer
1217 nous délivrer du temps ? C. M. — Mais mon temps est vivant, et plein de nouveauté, de création ! Ton éternité immobile, c
1218 maginer que morte. Mais la Bible nous dit qu’elle est la Vie, et que notre vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouv
1219 e nous dit qu’elle est la Vie, et que notre vie n’ est qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité est quelque ch
1220 e mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité est quelque chose d’immobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’est pa
1221 d’immobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’ est pas, au contraire, la source de tout acte et de toute création, une i
1222 t attachée à notre chair, à notre temps où elle s’ est constituée, soit capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’un
1223 re chair, à notre temps où elle s’est constituée, soit capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’une éternité seule
1224 ystère plus profond que notre vie, et la raison n’ est qu’un faible élément de notre vie. C’est un mystère que le croyant pr
1225 e paradoxe et ce mystère : croire que « l’Éternel est vivant », croire que sa volonté — qui a tout prévu — peut aussi tout
1226 en un instant aux yeux de l’homme, sans que rien soit changé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il déci
1227 ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’ est pas lié comme nous à une succession. Mais, au contraire, nos divers t
1228 emps et successions procèdent de l’Éternel et lui sont liés : nous venons de lui, nous retournons à lui, il est en nous lors
1229 s : nous venons de lui, nous retournons à lui, il est en nous lorsque l’Esprit dit la Parole dans notre cœur. Quelle étrang
1230 n nous ferait croire qu’une décision de l’Éternel est une décision dans le passé ! Quand c’est elle seule qui définit notre
1231 uand c’est elle seule qui définit notre présent ! Est -ce que nos objections « philosophiques », et notre crainte du « fatal
1232 as rien prouvé. L. — On ne prouve rien de ce qui est essentiel ; on l’accepte ou on le refuse, en vertu d’une décision pur
1233 , une fois acceptés le Credo et son fondement qui est la Parole dite en nous par l’Esprit et attestée par l’Écriture, — or,
1234 it et attestée par l’Écriture, — or, cette Parole est Christ lui-même, — il me paraît que l’opinion de Luther n’est pas suj
1235 ui-même, — il me paraît que l’opinion de Luther n’ est pas sujette à de sérieuses objections. Et la démonstration purement b
1236 ’un paradoxe que Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même de l’Évangile. L’apôtre Paul l’a formulé avant toute « t
1237 t « extrêmisme » évangélique, que les sophistes n’ étaient que trop portés à corriger et à « humaniser », au risque d’« évacuer
1238 voulait se complaire Érasme. Le problème du salut est un problème de vie ou de mort. Or, il est seul en cause pour le théol
1239 u salut est un problème de vie ou de mort. Or, il est seul en cause pour le théologien. Et tout est clair lorsque l’on a co
1240 il est seul en cause pour le théologien. Et tout est clair lorsque l’on a compris que Luther ne nie pas du tout notre facu
1241 t qu’elle puisse suffire à nous obtenir le salut, étant elle-même soumise au mal. Tout le reste est psychologie, littérature
1242 ut, étant elle-même soumise au mal. Tout le reste est psychologie, littérature et scolastique. Il n’en reste pas moins qu’a
1243 mais dans un plan où elle reste insoluble. Érasme était encore catholique ; son humanisme mesuré l’empêche de voir le vrai tr
1244 r au nihilisme qui l’étreint, dès lors que « Dieu est mort » ou qu’il l’a « tué », il imagine le Retour éternel. Et comme c
1245 regagner la dignité suprême de l’homme sans Dieu. Être libre, c’est vouloir l’éternité de son destin. (Pour le chrétien, c’e
1246 e luthérien et du paradoxe nietzschéen ne saurait être ramenée à quelque influence inconsciente, encore bien moins à une coï
1247 cale de la vie. Au « tu dois » des chrétiens, qui est prononcé par Dieu, Nietzsche oppose le « je veux » de l’homme divinis
1248 s adorons une Providence dont la Parole vivante s’ est incarnée : « Emmanuel ! » — Dieu avec nous ! 68. À la proposition
1249 connais aucun de mes livres pour adéquat, si ce n’ est peut-être le De servo arbitrio et le Catéchisme. » 69. Luther averti
24 1946, Foi et Vie, articles (1928–1977). Fédéralisme et œcuménisme (octobre 1946)
1250 el aux yeux des peuples qu’à partir du jour où il sera capable de répondre avec force et autorité aux questions politiques d
1251 ues » improvisées à la veille de la guerre. Qu’il soit encore très loin d’une vision dynamique de l’action immédiate, c’est
1252 l’élan d’une volonté précise et combative. Elles sont un respectable résultat, mais non pas un point de départ. Sans doute
1253 lan politique, provient sans doute du fait qu’ils sont des compromis, des accords minima, obtenus non sans peine et forcémen
1254 x. Mais il y a plus. L’erreur commise jusqu’ici a été d’essayer de choisir prudemment une attitude politique plus ou moins
1255 plus ou moins acceptable de l’autre. Sans doute n’ était -il pas possible de faire davantage à ce moment. En fait, on a examiné
1256 pu influencer le cours des événements. L’histoire est faite d’initiatives, non de retouches, de vœux et d’amendements. Et p
1257 e autant et plus qu’une prudence, il faut qu’elle soit portée par une passion qui jaillisse du tréfonds de sa foi créatrice.
1258 foi créatrice. Les hommes qui ont fait l’histoire sont ceux qui avaient une vision passionnée de leur but et qui ont su plie
1259 connues ou supposées de leur époque. Leur action fut puissante dans la mesure exacte où elle fut l’expression directe de l
1260 ction fut puissante dans la mesure exacte où elle fut l’expression directe de leur être. Si le mouvement œcuménique veut ag
1261 e exacte où elle fut l’expression directe de leur être . Si le mouvement œcuménique veut agir, et il le doit, il faut qu’il r
1262 que parte de lui-même, de ce qu’il a, de ce qu’il est , et de sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunter ici et là pour com
1263 termes d’organisation pratique les principes qui sont impliqués dans la vision de l’œcuménisme. Rien que cela, mais tout ce
1264 marquons tout de suite que ces divers conflits ne sont en réalité que les aspects d’une seule et même opposition fondamental
1265 uite que chacun de ces termes opposés deux à deux est également faux en soi, c’est-à-dire à la fois excessif et incomplet.
1266 leur plan, il n’y a pas de solution possible. Ils sont inconciliables parce que, de la combinaison de deux erreurs, on ne pe
1267 ment une erreur aggravée. De même l’orthodoxie ne sera jamais retrouvée en faisant une somme d’hérésies. Du conflit politiqu
1268 és. Pour résoudre l’opposition unité-division, il serait vain de rechercher une solution intermédiaire ou « libérale », à mi-c
1269 uver l’attitude centrale dont ces deux erreurs ne sont que des déviations morbides. Entre la peste et le choléra, il n’y a n
1270 le et sur leur nécessaire hiérarchie. Notre thèse étant la suivante : La théologie de l’œcuménisme implique une philosophie d
1271 une philosophie de la personne dont l’application est une politique du fédéralisme. 1. Théologie de l’œcuménisme Écart
1272 stantes, ou doctrine nouvelle qui risquerait de n’ être compatible avec aucune des théologies existantes. Ce qui nous intéres
1273 ts qui importent à notre entreprise. Le principal est celui-ci : la théologie de l’œcuménisme subsiste et tombe avec la foi
1274 ’union des chrétiens en Christ, cette foi pouvant être connotée par le rejet de l’hérésie unitaire. Certes, il n’est pas de
1275 par le rejet de l’hérésie unitaire. Certes, il n’ est pas de pire menace pour le mouvement œcuménique que l’utopie et la te
1276 trine positive de l’union au nom de laquelle doit être condamnée l’hérésie unitaire. Doctrine de la multiplicité des dons ac
1277 té des membres d’un seul et même corps : quel que soit le nom qu’on lui donne, en aucun cas elle ne manquera de fondements b
1278 ités. Ce qui me paraît d’une excellente méthode.) Est -il permis d’en appeler aussi au précédent des sept églises d’Asie, po
1279 e, possédant chacune leur ange ? Ou à la parole «  Soyez un comme le Père et moi sommes un », qui établit le modèle même de l’
1280  ? Ou à la parole « Soyez un comme le Père et moi sommes un », qui établit le modèle même de l’union dans la distinction des p
1281 onsidère que la diversité des vocations divines n’ est pas une imperfection de l’union, mais sa vie même. Un deuxième trait,
1282 n deuxième trait, complémentaire d’ailleurs, doit être au moins rappelé ici : la théologie de l’œcuménisme ne vise pas à dém
1283 bres les plus fidèles. Toutefois, cette méthode n’ est compatible qu’avec des orthodoxies que j’appellerai ouvertes. Elle ne
1284 lus de recours direct au chef de l’Église, lequel est au ciel à la droite de Dieu, et non pas sur la terre, dans telle vill
1285 local. Certes, aucune église ou secte n’a jamais été capable, grâce à Dieu, de se fermer totalement aux inspirations du Sa
1286 église ou secte n’a jamais nié que son chef réel fût au ciel, mais plusieurs ont agi comme s’il était sur la terre, c’est-
1287 el fût au ciel, mais plusieurs ont agi comme s’il était sur la terre, c’est-à-dire à leur disposition. Plusieurs ont identifi
1288 vec amertume, et l’Église qu’il fondera peut-être sera opposée à l’ancienne, au lieu d’être seulement plus vraie, donc plus
1289 ra peut-être sera opposée à l’ancienne, au lieu d’ être seulement plus vraie, donc plus universelle. Elle sera déformée à reb
1290 seulement plus vraie, donc plus universelle. Elle sera déformée à rebours, au lieu d’être réformée, je n’épiloguerai pas ici
1291 verselle. Elle sera déformée à rebours, au lieu d’ être réformée, je n’épiloguerai pas ici sur l’unité d’organisation romaine
1292 s isolée et génératrice de schismes. Son attitude est donc doublement antiœcuménique. Sa volonté d’unité s’oppose à l’union
1293 fférence dogmatique. Car l’harmonie des membres n’ est pas une tolérance, mais une nécessité vitale. Le poumon n’a pas à « t
1294 Le poumon n’a pas à « tolérer » le cœur ! Il doit être un vrai poumon, et dans cette mesure même, il aidera le cœur à être u
1295 n, et dans cette mesure même, il aidera le cœur à être un bon cœur. Notons aussi que les Églises qui ne représentent pas spi
1296 storiques susceptibles de faire image. L’individu est une invention grecque, et sa naissance signale la naissance même de l
1297 lors le groupe expulse le « non-conformiste ». Ce sont ces expulsés de divers groupes qui fondent les premières thiases grec
1298 tion collective. La victoire de Rome sur la Grèce est la première victoire fatale de l’étatisme sur l’individualisme devenu
1299 Entre individualisme et dictature, l’opposition n’ est pas aussi profonde qu’on l’imagine. Il s’agit plutôt d’une succession
1300 ère dont le vide s’oppose au plein : plus le vide est absolu, plus l’appel est puissant. À bien des égards même, l’étatisme
1301 au plein : plus le vide est absolu, plus l’appel est puissant. À bien des égards même, l’étatisme ne fait qu’achever le pr
1302 e prive de toute inspiration créatrice. L’homme n’ est plus qu’une fonction sociale, un « soldat politique », dirait-on de n
1303 iste. De nouveau se recrée le vide social. Quelle sera la nouvelle société ? En ce point crucial de l’histoire — dans une si
1304 on des temps la réponse éternelle de l’Église. Qu’ est -ce que l’Église primitive, dans la perspective sociologique où nous n
1305 sur quelque autre réalité collective. Leur lien n’ est pas terrestre d’abord, ni leur chef : il s’est assis au ciel à la dro
1306 n’est pas terrestre d’abord, ni leur chef : il s’ est assis au ciel à la droite de Dieu. Leur ambition non plus n’est pas t
1307 iel à la droite de Dieu. Leur ambition non plus n’ est pas terrestre : elles attendent la fin des temps. Et cependant, elles
1308 l revêt une dignité humaine nouvelle, puisqu’il a été racheté, et qu’il a reçu la promesse de sa résurrection individuelle.
1309 u la promesse de sa résurrection individuelle. Il est donc à la fois engagé et libéré, et ceci en vertu d’un seul et même f
1310 reçue de l’Éternel. Cet homme d’un type nouveau n’ est pas l’individu grec, puisqu’il se soucie davantage de servir que de s
1311 ie davantage de servir que de se distinguer. Il n’ est pas non plus le simple rouage, la simple fonction dans l’État qu’étai
1312 simple rouage, la simple fonction dans l’État qu’ était le citoyen romain, puisqu’il possède une dignité indépendante de son
1313 l’homme dans un monde christianisé. Car cet homme est , lui aussi, à la fois autonome et en relation. Ainsi, le mot personne
1314 ens nouveau, et la réalité sociale qu’il désigne, sont bel et bien des créations chrétiennes, ou pour mieux dire, des créati
1315 lations concrètes avec ses semblables. La liberté est assurée par la possibilité constante de recourir directement à l’Éter
1316 nel, au-dessus de la communauté. Et la communauté est liée par sa fidélité à l’Éternel. Ainsi les droits et les devoirs du
1317 e les droits et les devoirs de l’ensemble. Ils ne sont plus contradictoires. Ce qui libère un homme est aussi ce qui le rend
1318 sont plus contradictoires. Ce qui libère un homme est aussi ce qui le rend responsable vis-à-vis d’autrui. En retour, ce qu
1319 is d’autrui. En retour, ce qui unit la communauté est aussi ce qui l’oblige à respecter les vocations individuelles. La lib
1320 ci encore, insistons sur ce point : la personne n’ est pas un moyen-terme entre l’individu trop flottant et le soldat politi
1321 lottant et le soldat politique trop esclave. Elle est l’homme intégral, dont les deux autres ne sont que des maladies. Dans
1322 lle est l’homme intégral, dont les deux autres ne sont que des maladies. Dans le plan humain immanent, il n’y a pas d’équili
1323 uilibre, il y a un principe vivant d’union. Là où est l’Esprit, là est la liberté, mais là aussi est la vraie communion. Il
1324 n principe vivant d’union. Là où est l’Esprit, là est la liberté, mais là aussi est la vraie communion. Il nous reste à dév
1325 où est l’Esprit, là est la liberté, mais là aussi est la vraie communion. Il nous reste à développer maintenant les implica
1326 fédéralisme Nous en avons assez dit pour qu’il soit désormais facile de voir qu’à l’attitude œcuménique en religion ne pe
1327 ique. Quant à la philosophie de la personne, elle sera normalement celle du bon citoyen d’une fédération. La devise paradoxa
1328 isme helvétique : « Un pour tous, tous pour un », est également valable sur ces trois plans. L’œcuménisme exclut l’orthodox
1329 ïste. (Remarquons d’ailleurs que l’impérialisme n’ est que l’individualisme d’un groupe ; et l’individualisme, l’impérialism
1330 isme d’un homme isolé. De même que l’État cesse d’ être un vrai État dès qu’il se veut souverain absolu, l’homme cesse d’être
1331 s qu’il se veut souverain absolu, l’homme cesse d’ être un homme intégral dès qu’il absolutise sa liberté.) Le fédéralisme pa
1332 sonne peut se réaliser. Car les tâches civiques y sont à l’échelle de l’individu et l’engagement concret dans la communauté
1333 ne suffit pas, on peut changer de groupe. L’on n’ est donc pas isolé, comme l’individu se trouve isolé dans une grande vill
1334 dans un vaste État centralisé. D’autre part, on n’ est pas non plus tyrannisé par une loi rigide et uniforme, puisque dans u
1335 son équivalent dans l’œcuménisme ecclésiastique — est exclue par le régime totalitaire, qui prétend faire coïncider les fro
1336 ivités sociales, spirituelles ou privées — ce qui est la définition même de l’oppression. Le fédéralisme, comme l’œcuménism
1337 uménisme, reconnaît que les diversités régionales sont la vie même de l’Union. Mais par l’organe central qui lie toutes les
1338 ses membres et non cette caricature de l’ordre qu’ est l’unité dans l’uniformité. Au lieu de pétrifier les frontières extéri
1339 orde le cadre de ce schéma doctrinal. Notre objet était d’établir les relations suivantes : l’œcuménisme, le personnalisme et
1340 l’œcuménisme, le personnalisme et le fédéralisme sont les aspects divers d’une seule et même attitude spirituelle. Ils s’en
1341 oir le fédéralisme sans accepter l’œcuménisme, ce serait priver l’organisation politique de ses fondements spirituels. Mais ac
1342 ménisme sans vouloir également le fédéralisme, ce serait ne pas accepter vraiment l’œcuménisme, j’entends avec toutes ses cons
1343 es ses conséquences. Car la foi sans les œuvres n’ est pas la foi.   Note. — On s’étonnera peut-être de ne pas voir figurer
1344 eprendre à sa charge. Et les peuples européens ne sont nullement prêts à se soulever pour rétablir ce qu’on nommait chez eux
1345 par là même déformés. À mon sens, le fédéralisme est la seule possibilité pratique de réaliser la vraie démocratie. Mais i
1346 e 194173. Nous constatons que le conflit en cours est insoluble dans son plan. Si le totalitarisme triomphe définitivement
1347 risme triomphe définitivement des démocraties, ce sera la mort d’une culture et d’une économie, sans doute, mais ce sera sur
1348 ne culture et d’une économie, sans doute, mais ce sera surtout la suppression de toute possibilité œcuménique, la subversion
1349 et individualistes triomphent, aucun problème ne sera résolu de ce fait. Tout le monde sent ou pressent d’ailleurs que les
1350 ailleurs que les deux termes de cette alternative sont également improbables, et que les destructions en cours et à venir su
1351 , une doctrine et une tactique nouvelles. Mais où sont -elles ? Qui les prépare ? Le capitalisme et l’individualisme ont reçu
1352 ps mortels, dans les deux camps. Le totalitarisme est un état de guerre, qui ne peut subsister normalement. Il ne reste don
1353 talisme individualiste et au totalitarisme qui en est né. Mais qui peut aujourd’hui proposer cette réponse ? Le rôle d’Hitl
1354 urd’hui proposer cette réponse ? Le rôle d’Hitler est de détruire. Il détruit les contradictions intolérables d’une Europe
1355 verte de ruines pulvérisées. Le rôle de Churchill est de faire la guerre. Mais il ne pourra pas la gagner réellement s’il n
1356 pas le temps… Quant au rôle de Staline, il paraît être de profiter de la guerre des autres pour consolider l’autarcie russe…
1357 e générale des chefs, des doctrines et des partis est un appel à une autorité nouvelle. Si les Églises n’y répondent pas, p
1358 ns la réalité de la foi ? Certes ! Si les Églises sont fidèles à leur chef, elles savent qu’il règne et crée pour ceux qui c
1359 hui les Églises, si cette foi seule demeure, elle sera suffisante. Aussi bien, certaines raisons de croire que l’Église peut
1360 lise peut agir, raisons que nous allons énumérer, sont -elles moins destinées à combattre des doutes qu’à fortifier des espér
1361 romaines, — alors qu’il n’en existe aucune qui se soit développée en pays calvinistes, ou seulement influencés par des éléme
1362 des éléments calvinistes, même laïcisés, comme ce fut le cas de la France sous la Troisième République ? Comment expliquer
1363 stinction entre l’Église et l’État n’avait jamais été établie d’une manière satisfaisante. Il en résultait, dans le peuple,
1364 la séparation de l’Église et de l’État a toujours été réelle — même lorsqu’elle n’était pas strictement établie par la loi.
1365 l’État a toujours été réelle — même lorsqu’elle n’ était pas strictement établie par la loi. De même les devoirs de la vocatio
1366 s devoirs de la vocation personnelle ont toujours été mis au-dessus des devoirs envers le Pouvoir politique. Lors donc que
1367 vers le Pouvoir politique. Lors donc que la foi s’ est affaiblie dans ces pays, cette carence ne s’y est pas traduite par l’
1368 est affaiblie dans ces pays, cette carence ne s’y est pas traduite par l’éclosion d’une anti-religion totalitaire, mais par
1369 ). Un contenu nouveau, calviniste ou luthérien, s’ est introduit dans les cadres et les rites anciens, jugés utilisables. Or
1370 e qu’en Angleterre.) Troisième exemple : Calvin s’ est toujours refusé à établir une uniformité de gouvernement pour les div
1371 ndividualisme par groupes » dans ce dernier pays, étant prédéterminée par le fait — d’ordre ecclésiastique — qu’il fut fondé
1372 inée par le fait — d’ordre ecclésiastique — qu’il fut fondé par des seceders.) Et l’on sait que les réformés de France, au
1373 dire le premier plan d’une Europe confédérée. Il serait aisé de développer, de nuancer et de multiplier de tels exemples. Je
1374 t la philosophie de la personne qu’elle implique, sont les seules bases actuellement concevables pour un ordre nouveau du mo
1375 religion de l’homme » que certains nous proposent est une contradiction dans les termes, à moins qu’elle ne soit la formule
1376 contradiction dans les termes, à moins qu’elle ne soit la formule de la religion totalitaire, sans transcendance, que précis
1377 de l’œcuménisme et la philosophie de la personne sont les seules bases actuellement existantes, et sur lesquelles on puisse
1378 ant. (La « religion de l’homme », ou du surhomme, est encore à créer, et le temps presse !) Chargées d’éléments traditionne
1379 3. L’organisation du Conseil œcuménique se trouve être de fait la seule Internationale en formation. On sait assez que les I
1380 les Internationales idéologiques et politiques se sont désintégrées au cours des deux dernières décades. (Les partis sociali
1381 tant dans les pays où les Soviets ne règnent pas, sont en voie de divergence et non de convergence, sur le plan internationa
1382 un exemple.) À part la Croix-Rouge, dont la tâche est strictement limitée, rien ne subsiste en dehors de l’œcuménisme, qui
1383 ans toutes les Églises, avec l’effort œcuménique, est en train de recréer un langage commun, un ensemble de communes mesure
1384 hie de la personne et la politique du fédéralisme sont seules en mesure, aujourd’hui, de synthétiser les vérités disjointes
1385 exposé aux chapitres 1-3. Le mouvement œcuménique est donc seul en mesure de préparer la réconciliation des adversaires act
1386 cérité.) ⁂ Le tableau que nous venons d’esquisser est ambitieux. Il veut l’être, parce qu’il doit l’être. L’action du chrét
1387 nous venons d’esquisser est ambitieux. Il veut l’ être , parce qu’il doit l’être. L’action du chrétien n’est jamais partie de
1388 est ambitieux. Il veut l’être, parce qu’il doit l’ être . L’action du chrétien n’est jamais partie de la prudente considératio
1389 , parce qu’il doit l’être. L’action du chrétien n’ est jamais partie de la prudente considération des forces dont il croyait
1390 toujours une utopie apparente ; en réalité, ce n’ est qu’une réponse. Une fois parti, je m’aperçois bientôt que je n’étais
1391 e. Une fois parti, je m’aperçois bientôt que je n’ étais faible que parce que je me tenais immobile, dans ma prudence. L’actio
1392 bientôt que je n’étais faible que parce que je me tenais immobile, dans ma prudence. L’action risquée m’apporte les forces don
1393 orces dont je manquais. De toutes parts, un appel est ressenti : je le nommerai la nostalgie fédéraliste. Des auteurs isolé
25 1977, Foi et Vie, articles (1928–1977). Pédagogie des catastrophes (avril 1977)
1394 gie des catastrophes (avril 1977)ad ae Tout ne fut pas toujours de notre faute. Ils souffraient de famine quand nous n’é
1395 tre faute. Ils souffraient de famine quand nous n’ étions pas nés. Ils meurent encore de faim, mais en bien plus grand nombre —
1396 z nous de manger trop. Cette fois-ci, notre faute est immense, mais ailleurs : elle est d’avoir offert, ou plutôt imposé au
1397 ci, notre faute est immense, mais ailleurs : elle est d’avoir offert, ou plutôt imposé aux élites occidentalisées du tiers-
1398 e modèle de l’État-nation napoléonien — et que ce soit en version capitaliste ou communiste ne fait aucune différence. Ils s
1399 er à éviter nos maux, au lieu de les revendiquer, sera l’exemple vécu et réussi d’un dépassement de nos stato-nationalismes
1400 moyens de s’en tirer sans catastrophes. Car s’il est vrai que l’Europe est responsable de la plupart des maux qui accablen
1401 sans catastrophes. Car s’il est vrai que l’Europe est responsable de la plupart des maux qui accablent le tiers-monde, et d
1402 amine, mais d’où soif aussi de nos industries, il est non moins vrai que l’Europe seule peut produire les anticorps des tox
1403 pandues, et peut élaborer un modèle politique qui soit tentant pour le tiers-monde. Quant à savoir si le tiers-monde sera t
1404 le tiers-monde. Quant à savoir si le tiers-monde sera tenté, et tirera de sa libération les conclusions que nous aurions dû
1405 , pour notre part, de l’échec du colonialisme, je suis sceptique. Il se peut que le tiers-monde ne désire imiter qu’un Occid
1406 ules, non pas perdant et devenu sage. Mais ce qui est sûr, c’est qu’en refusant de faire les régions et de se « faire » du
1407 e projet ? Quelles forces peut-il mobiliser ? Qui est pour ? Qui sera contre ? Et qui va le prendre en charge ? — Je ne ser
1408 les forces peut-il mobiliser ? Qui est pour ? Qui sera contre ? Et qui va le prendre en charge ? — Je ne serais pas tenu de
1409 contre ? Et qui va le prendre en charge ? — Je ne serais pas tenu de répondre à ces questions, m’étant donné pour tâche de fai
1410 qui va le prendre en charge ? — Je ne serais pas tenu de répondre à ces questions, m’étant donné pour tâche de faire voir e
1411 ne serais pas tenu de répondre à ces questions, m’ étant donné pour tâche de faire voir et sentir la nécessité des régions, en
1412 rien de visible dans ce sens, tout occupés qu’ils sont à se maintenir au pouvoir. Ils voudraient bien agir dans le sens de m
1413 Rome ? Et qu’ont fait les partis politiques ? Ils sont encore « nationaux » avant tout, donc pas plus régionaux qu’européens
1414 t, donc pas plus régionaux qu’européens. Leur but est d’accéder au pouvoir existant, d’occuper ses bureaux, de s’asseoir da
1415 e.   — Mais la Jeunesse ? — Pour autant qu’elle n’ est pas un mythe journalistique, je la vois partagée dans sa majorité ent
1416 la conscience de vivre un long cauchemar où tout est faux, impossible et réel ; le refus de croire que l’état des forces c
1417 a société stato-nationaliste a pour seule vertu d’ être là. Écoutons Baudelaire : Le monde va finir. La seule raison pour la
1418 rrait durer, c’est qu’il existe. Que cette raison est faible, comparée à toutes celles qui annoncent le contraire, particul
1419 nt le contraire, particulièrement à celle-ci : qu’ est -ce que le monde a désormais à faire sous le ciel ? Dans les partis,
1420 ucléaires. La vertu des gouvernements, même s’ils sont au service des marchands d’armes, n’est pas telle qu’ils ne tirent de
1421 me s’ils sont au service des marchands d’armes, n’ est pas telle qu’ils ne tirent de pareils résultats des conclusions d’un
1422 signes favorables ? — Des milliers de mouvements sont à l’œuvre. Au premier rang, ceux des écologistes. On leur dispute ce
1423 omistes comme E. F. Schumacher, pour qui l’avenir est aux « petites unités intelligibles » ; des politologues comme C. N. P
1424 loi du même nom), pour qui l’Europe de demain ne sera viable que si elle se recompose sur la base de quelque 140 régions au
1425 ules des unités de dimensions restreintes peuvent être appréhendées par leurs habitants et leur offrir un cadre de vie plais
1426 it nos États-nations, ayant perdu leurs raisons d’ être , bientôt remplacés par une « communauté plus effective », l’Europe de
1427 s effective », l’Europe des régions.   — L’avenir serait donc à l’Europe des régions ? — Sans aucun doute, si les vues justes
1428 s pour décider de la survie de notre espèce.   — Seriez -vous radicalement pessimiste ? — Pessimiste, optimiste, cela n’a pas
1429 errai que je puis faire quelque chose, quel qu’en soit d’ailleurs le succès ! Attitude qui n’est pas différente de celle que
1430 qu’en soit d’ailleurs le succès ! Attitude qui n’ est pas différente de celle que j’annonçais dans ma jeunesse sous le titr
1431 os soins diligents quoique inconscients. Si elles sont assez grandes pour réveiller le monde, pas assez pour tout écraser, j
1432 t-Just ajoutait : Ce qui produit le bien général est toujours terrible, ou paraît bizarre lorsque l’on commence trop tôt.
1433 commence trop tôt. Mais je ne vois pas ce qu’il serait possible, aujourd’hui, de « commencer trop tôt » : tout va trop vite.
1434 », disait Sénèque. Mais pour celui qui sait, tout est possible tant qu’un vent souffle, même contraire. Tirer des bords con
1435 ou la droite vont l’emporter — de toute façon, ce sera tout autre chose — car je n’écris ceci que pour mieux disposer quelqu
1436 nnable espoir. La fin de l’homme, tout à l’heure, serait au moins prématurée. Nous voyons aujourd’hui certaines causes du péri
1437 umain risque de s’anéantir, et nous disons : — ce serait trop bête ! Nous venons d’entrevoir la guérison possible. Nous avons
1438 a Nature et nos habitants — in extremis. Mais que serait la beauté du Monde sans l’œil de l’homme ? C’était si beau, la Terre
1439 sage et les décors n’aura plus de sens si nous ne sommes plus là, ou ce qui revient au même, si nous sommes encore là mais ali
1440 ommes plus là, ou ce qui revient au même, si nous sommes encore là mais aliénés, devenus incapables même de nostalgie pour ce
1441 devenus incapables même de nostalgie pour ce qui fut un jour notre vie menacée. Mais il n’est pas de prévision d’avenir me
1442 r ce qui fut un jour notre vie menacée. Mais il n’ est pas de prévision d’avenir meilleur qui ne passe par un homme meilleur
1443 r un homme meilleur. Car il arrivera… ce que nous sommes . Et quoi d’autre peut-il arriver ? Et venant d’où ? (À part les tremb
1444 e du factum, du déjà fait. Toute pensée créatrice est du « wishful thinking », prend nos désirs pour des réalités, jusqu’à
1445 ire ? » À ces deux questions, curieusement, il n’ est qu’une seule réponse possible et c’est : — Toi-même ! Car il arrivera
1446 c’est : — Toi-même ! Car il arrivera ce que nous sommes  : du mal au pire si nous restons aussi mauvais, et quelque bien si no
1447 obable ou précisément calculé, et d’abord celui d’ être tous des seuls en masse, il vous reste à vous convertir, à faire votr
1448 emander de devenir tous des saints. (Pourtant, ce serait la solution.) Je ne vais pas vous dire : — Aimez-vous ! (même remarqu
1449 u des relations humaines, dans la cité, s’il ne s’ est opéré d’abord en vous. Si vous voulez changer l’avenir, changez vous-
1450 e dit seulement : Convertissez-vous ! Le mot doit être ici reçu dans toute sa force et dans la plénitude de son sens. (Qui n
1451 sa force et dans la plénitude de son sens. (Qui n’ est pas limité à « devenez chrétiens ! ». Isaïe n’était pas chrétien.) Di
1452 est pas limité à « devenez chrétiens ! ». Isaïe n’ était pas chrétien.) Dira-t-on que l’on peut partager telles idées sur les
1453 mplement n’atteignant pas la masse critique) ce n’ est rien de moins que se tourner vers des finalités de liberté, rien de m
1454 des faux dieux. Pour les évangiles, la puissance est la plus grande des tentations que le diable dresse au désert devant J
1455 emplace l’amour par l’efficacité — dont la mesure est la puissance militaire, puissance de tuer ; si l’on ne veut plus tire
1456 f de liberté à tous risques, le choix de l’espèce sera fonction de la chose la moins prévisible du monde, qui est la vitalit
1457 ion de la chose la moins prévisible du monde, qui est la vitalité d’une société. Mais il nous faut pousser l’analyse sur no
1458 ous réellement ? Au niveau des États-nations tout est joué, tout est perdu. On le sait dans les hautes sphères du Pouvoir.
1459 ? Au niveau des États-nations tout est joué, tout est perdu. On le sait dans les hautes sphères du Pouvoir. Chacun, pour se
1460 oyens à ces buts — recréons la communauté ! Ce ne sera pas encore la fin de la peine des hommes, la vie sans poids. Pas enco
1461 devra tirer son espoir et sa résolution. Et ce n’ est pas la promesse d’une fin de l’Histoire mais d’une rénovation de l’av
1462 l’Histoire mais d’une rénovation de l’aventure d’ être homme, si elle prend naissance dans notre cœur.   Écoutons maintenant
1463 vre à paraître chez Stock sous le titre L’Avenir est notre affaire . »