1
(février 1928)a On a trop dit que notre époque
est
chaotique. Je crois bien, au contraire, que l’histoire n’a pas connu
2
avènement de cette organisation toute-puissante n’
est
plus qu’une question de quelques années. Mais peut-être est-il temps
3
u’une question de quelques années. Mais peut-être
est
-il temps encore. Ici et là, quelques cris s’élèvent dans le désert d’
4
oursuit depuis près de deux siècles, l’Occidental
est
saisi d’un étrange malaise. Il soupçonne, par éclairs, qu’il y avait
5
infaillible progrès aurait-il fait fausse route ?
Est
-il temps encore de le détourner du désastre spirituel vers lequel il
6
certaines évidences, on préfère affirmer que tout
est
incompréhensible. L’homme moderne recule devant l’évidence de la banq
7
moderne, et le meilleur, parce que personne ne s’
est
approché plus que lui du type idéal de l’industriel et du capitaliste
8
immense de ses livres1, sa popularité universelle
sont
signes que l’époque a senti en lui son incarnation la plus parfaite.
9
u jour présent, ma grande et constante ambition a
été
de construire une bonne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse
10
nne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse
sont
: la construction d’un moteur à vapeur, puis d’un moteur à explosion,
11
automobile fabriquée, à temps perdu, alors qu’il
est
simple mécanicien chez Edison. Il fonde tôt après la Société des auto
12
ds qu’il possède, ou plutôt qu’il gère, mais ce n’
est
pour lui qu’un résultat secondaire de son activité. Le but de sa vie
13
aire de son activité. Le but de sa vie n’a jamais
été
de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est
14
sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rêve »
était
autre, il l’a réalisé comme il est donné à peu d’hommes de le faire :
15
Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il
est
donné à peu d’hommes de le faire : 7000 voitures par jour, et la poss
16
ibilité d’augmenter encore cette production. Ford
est
le plus puissant industriel du monde ; le plus riche, au point qu’il
17
toujours plus. Ford leur montre le chemin qu’ils
seront
bien obligés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ils s’y eng
18
ls seront bien obligés de prendre tôt ou tard. Il
est
préférable qu’ils s’y engagent dès aujourd’hui résolument, pendant qu
19
veulent pas Nous avons dit tout à l’heure quel
fut
le but de la vie de Ford, sa « grande et constante ambition ». Il sem
20
toute sa carrière — pensée, méthode, technique —
soit
conditionnée jusque dans le détail par une idée fixe primitive. Consi
21
ar la possession d’automobiles Ford. Et, comme il
est
très intelligent, il a vite fait de démêler les conditions les plus r
22
prix, on ne trouve toujours des clients, quel que
soit
l’état du marché. » Il semble que cela soit tout à l’avantage du clie
23
l que soit l’état du marché. » Il semble que cela
soit
tout à l’avantage du client. Mais cherchons un peu les causes réelles
24
les de cet abaissement de prix — la concurrence n’
étant
bien entendu qu’une cause accessoire. Dire que l’état du marché est t
25
u’une cause accessoire. Dire que l’état du marché
est
tel que le client n’achète plus, cela signifie parfois que la marchan
26
te plus, cela signifie parfois que la marchandise
est
momentanément trop chère ; mais surtout que le besoin qu’on a de tel
27
; mais surtout que le besoin qu’on a de tel objet
est
satisfait ou a disparu. Il semble alors que l’industriel n’ait plus q
28
montre le bout de l’oreille, et que son but réel
est
la production pour elle-même, non pas le plaisir ou l’intérêt véritab
29
aisse les prix. Le client fait la comparaison. Il
est
impressionné par la baisse, au point qu’il en oublie que cela ne l’in
30
e, il n’eût pas acheté du tout. Autrement dit, il
est
trompé par la baisse. L’industriel comptait. La tromperie est prémédi
31
ar la baisse. L’industriel comptait. La tromperie
est
préméditée. Et le scandale, à mon sens, n’est pas que l’industriel ai
32
rie est préméditée. Et le scandale, à mon sens, n’
est
pas que l’industriel ait forcé (psychologiquement) le client à faire
33
lient à faire une dépense superflue ; le scandale
est
qu’il l’ait trompé sur ses véritables besoins. Car cela va bien plus
34
servation, d’autorégulation et d’alternances. Tel
est
ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui de la réclame a même bu
35
lame a même but, mêmes effets. Mais le plus grave
est
peut-être le sophisme du loisir. M. Guglielmo Ferrero a fort bien mon
36
dre dans son engrenage. L’emploi de leurs loisirs
est
prévu. Il est déterminé par la réclame, les produits Ford qu’il faut
37
ngrenage. L’emploi de leurs loisirs est prévu. Il
est
déterminé par la réclame, les produits Ford qu’il faut user, etc. Il
38
aine a des limites. Et le temps approche où elles
seront
atteintes. On peut se demander jusqu’à quel point Ford est conscient
39
ntes. On peut se demander jusqu’à quel point Ford
est
conscient des buts et de l’avenir de son effort. Pour mon compte, je
40
er sur les sujets les plus divers. Les aphorismes
sont
assez révélateurs de la mentalité capitaliste américaine. Voici, par
41
déale réduite au rôle d’huile dans les rouages, n’
est
-ce pas charmant et prometteur ? Et que dire de cette admirable simpli
42
n fabrique, on transporte. » « Toute notre gloire
est
dans nos œuvres, dans le prix que nous payons à la terre la satisfact
43
in de son livre : Le problème de la production a
été
brillamment résolu… Mais nous nous absorbons trop dans ce que nous fa
44
production matérielle et vers la richesse qui en
est
le fruit. On ne saurait mieux dire. Mais il faudrait en tirer des co
45
e. D’ailleurs, les idées générales de cette sorte
sont
rares dans son livre. En général, il se borne à parler de problèmes t
46
à parler de problèmes techniques où son triomphe
est
facile. C’est le technicien parfait qui combat les techniciens imparf
47
orte à coup sûr l’adhésion du gros public : telle
est
l’idéologie de celui que M. Cambon, dans sa préface, égale aux plus g
48
philosophie la plus rudimentaire. Le phénomène n’
est
pas nouveau en Occident, mais il est ici tragiquement aigu. Est-ce no
49
phénomène n’est pas nouveau en Occident, mais il
est
ici tragiquement aigu. Est-ce notre pensée qui, à force de subtiliser
50
u en Occident, mais il est ici tragiquement aigu.
Est
-ce notre pensée qui, à force de subtiliser, est devenue trop faible p
51
. Est-ce notre pensée qui, à force de subtiliser,
est
devenue trop faible pour nous conduire ? Ou bien est-ce notre action
52
devenue trop faible pour nous conduire ? Ou bien
est
-ce notre action qui est devenue trop effrénée, trop folle, pour être
53
r nous conduire ? Ou bien est-ce notre action qui
est
devenue trop effrénée, trop folle, pour être justiciable encore de no
54
n qui est devenue trop effrénée, trop folle, pour
être
justiciable encore de nos vérités essentielles ? Il semble bien que n
55
s chances. J’accorderai que le progrès matériel n’
est
pas mauvais en soi. Mais par l’importance qu’il a prise dans notre vi
56
es humaines, il travaille contre l’Esprit. Rien n’
est
gratuit. Nous payons notre passion de posséder la matière du prix de
57
en quel mépris l’homme d’affaires à l’américaine
tient
les choses de l’Esprit. Dans le cas le plus favorable, « il se passer
58
e cette littérature ». Plus tard, « puisqu’elle n’
est
pas utile, elle est nuisible ». « … Tableaux, symphonies, ou autres œ
59
». Plus tard, « puisqu’elle n’est pas utile, elle
est
nuisible ». « … Tableaux, symphonies, ou autres œuvres destinées à ch
60
er mutuellement leur culture », dit Ford. Et tout
est
dit ! Le simplisme arrogant avec lequel, de nos jours, on tranche les
61
jours, on tranche les grandes questions humaines
est
une des manifestations les plus frappantes de notre régression. Cette
62
l’âme avec une maladresse de barbare. IV. « En
être
» ou ne pas en être Une fois qu’on a compris à quel point le fordi
63
resse de barbare. IV. « En être » ou ne pas en
être
Une fois qu’on a compris à quel point le fordisme et l’Esprit sont
64
on a compris à quel point le fordisme et l’Esprit
sont
incompatibles, le monde moderne impose ce dilemme : « en être » ou ne
65
tibles, le monde moderne impose ce dilemme : « en
être
» ou ne pas en être, c’est-à-dire se soumettre à la technique et s’ab
66
erne impose ce dilemme : « en être » ou ne pas en
être
, c’est-à-dire se soumettre à la technique et s’abrutir spirituellemen
67
re. Cela s’appelle encore vivre. Mais l’homme qui
était
un membre vivant dans le corps de la Nature, lié par les liens les pl
68
table valeur. Il sent obscurément que son travail
est
antinaturel. Il le méprise ou le subit, mais, jusque dans son repos,
69
e ou le subit, mais, jusque dans son repos, il en
est
l’esclave. Pour s’être exclu lui-même de l’ordre de la nature, il est
70
usque dans son repos, il en est l’esclave. Pour s’
être
exclu lui-même de l’ordre de la nature, il est condamné à ne plus sai
71
s’être exclu lui-même de l’ordre de la nature, il
est
condamné à ne plus saisir que des rapports abstraits entre les choses
72
jouir de notre liberté. La victoire mécanicienne
est
une victoire à la Pyrrhus. Elle nous donne une liberté dont nous ne s
73
Pyrrhus. Elle nous donne une liberté dont nous ne
sommes
plus dignes. Nous perdons, en l’acquérant, par l’effort de l’acquérir
74
epter l’esprit, et ses conditions. Je dis que les
êtres
encore doués de quelque sensibilité spirituelle deviennent par le seu
75
un monde fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit n’
est
pas un luxe, n’est pas une faculté destinée à amuser nos moments de l
76
es anarchistes. Car l’Esprit n’est pas un luxe, n’
est
pas une faculté destinée à amuser nos moments de loisir, il a des exi
77
il a des exigences effectives ; et ces exigences
sont
en contradiction avec celles que le développement de la technique imp
78
ment de la technique impose au monde moderne. Ces
êtres
, d’une espèce de plus en plus rare, qui savent encore quelque chose d
79
centaines d’individus. Et cette franc-maçonnerie
sera
bientôt traquée avec la dernière rigueur : avec la rigueur de la néce
80
r : avec la rigueur de la nécessité — puisqu’elle
est
inutile au grand dessein matérialiste de l’Occident. La logique, parl
81
à vouloir en revenir à la période préindustrielle
soit
autre chose qu’une échappatoire utopique. Nous avons mieux à faire, i
82
ppatoire utopique. Nous avons mieux à faire, il n’
est
plus temps de se désintéresser simplement des buts — si bas soient-il
83
de se désintéresser simplement des buts — si bas
soient
-ils — d’une civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de p
84
jourd’hui ont une tâche pressante : chercher s’il
est
possible d’échapper au fatal dilemme. Premiers pas vers la solution :
85
évélé que les livres les plus lus du grand public
sont
Ma vie et mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches, de Clément
86
el. Dans les pays de langue allemande, son succès
est
encore plus grand, et de meilleure qualité. Je ne parle pas de l’Amér
87
à composer les deux périls en une résultante qui
est
la civilisation. Appelons humanisme l’art de composer pour la défense
88
e : l’organe d’équilibre de la civilisation. Nous
tenions
de l’Antiquité, et singulièrement de la Grèce, le sentiment d’une har
89
a composante matérielle vient de l’emporter. Elle
est
en passe de gauchir notre civilisation à tel point que l’homme, affol
90
el point que l’homme, affolé, soudain, doute s’il
est
encore maître de la redresser. C’est qu’il n’y a plus d’humanisme, s’
91
manisme, s’il subsiste des humanités. L’humanisme
est
compromis virtuellement dès lors que la science proclame son autonomi
92
l à prouver la liberté humaine ? C’est que l’on s’
est
trop bien assimilé les tours de la pensée scientifique. Cherchant des
93
é de sa filature6. Ah ! comme nous avons besoin d’
être
purifiés d’une odeur de laboratoire dont notre pensée reste imprégnée
94
matière d’intentions morales. Elle-même cependant
est
tout occupée à minéraliser l’esprit. La tâche urgente d’un nouvel hum
95
l’esprit. La tâche urgente d’un nouvel humanisme
sera
de nous dégager des fatalités dont nous voyons l’empire s’étendre dan
96
donc d’un « humanisme scientifique » ? Nous avons
été
pris de vitesse par nos inventions matérielles et déjà nous sentons l
97
de l’esprit et de la matière. L’humanisme moderne
sera
ce parti pris, spiritualiste — ou ne méritera pas son nom. … Or, la r
98
on nom. … Or, la rigueur de la science ne saurait
être
surmontée, sinon par la rigueur au moins égale d’une pensée qui par a
99
t où notre pensée le plus souvent les a laissés —
sont
au moins aussi « objectifs » que les faits physiques élaborés par la
100
t de la grâce, ils échappent à cette fatalité qui
est
le signe du monde matériel. Je vois l’humanisme nouveau sous l’aspec
101
rêves. Et je ne vois rien d’autre. Quoi qu’il en
soit
d’ailleurs du contenu d’un nouvel humanisme, il est assez aisé de pré
102
t d’ailleurs du contenu d’un nouvel humanisme, il
est
assez aisé de prévoir et de décrire une tentation qui le guette et à
103
mythe ait animé l’humanisme de nos humanités. Il
est
certain qu’il a perdu son ascendant. D’ailleurs son pouvoir, s’il en
104
qu’à l’idéal anglo-saxon du gentleman. Le rabais
est
notable. On solde. Au rayon des idéaux de confection voici le Citoyen
105
ssera plus avant la dégradation de cette idole qu’
est
l’Homme pour l’homme. Toute décadence invente un syncrétisme. Rome eu
106
e foi commune, mais une moyenne de nos manières d’
être
. Une sorte de commun dénominateur… (Le christianisme en connaît un, d
107
e propose ont ceci d’insuffisant : qu’ils peuvent
être
atteints. Mais ce qui parfait la stature de l’homme, c’est l’effort p
108
pe, en esprit, d’un ordre transcendental. Un seul
fut
parfaitement Homme : c’était un dieu. N’attendons pas d’un nouvel hum
109
arches intellectuelles. Nous avons inventé trop d’
êtres
inhumains : ils nous menacent et nous empêchent de voir encore le sur
110
nt et nous empêchent de voir encore le surhumain.
Être
véritablement homme, c’est avoir accès au divin. Que sert de parler d
111
de parler d’humanisme « chrétien » ? L’humanisme
est
de l’homme, le christianisme est du nouvel homme. Tout humanisme véri
112
» ? L’humanisme est de l’homme, le christianisme
est
du nouvel homme. Tout humanisme véritable conduit « au seuil » : et q
113
la « psychologie scientifique » et à ce leurre qu’
est
l’attitude paralléliste. 6. J’exagère probablement, car la sincérité
114
éo-scientisme tempéré — sinon vraiment converti —
est
hors de doute. Mais c’est Stilicon défendant l’Empire. 7. Or, Bergso
115
bien leur place : la connaissance des étymologies
est
l’une des garanties les plus actives de la pensée. b. Rougemont Den
116
oi et Vie , Paris, 1930, p. 242-245. c. Le texte
est
précédé de la note suivante : « M. Denis de Rougemont a poursuivi des
117
lé La Tentation de l’Occident. La Voix royale 9,
est
, croyons-nous, le récit des événements qui précédèrent l’aventure chi
118
n d’aventures significatives, et dont le tragique
est
décuplé par la valeur qu’il prend dans l’esprit des héros. Un jeune F
119
bscurités que le style très tendu de M. Malraux n’
est
pas fait pour dissiper. Perken, dans ses conversations, fait parfois
120
ut-être qu’il n’y en a pas. Perken, comme Garine,
est
de ces êtres qui agissent par désespoir, parce que l’action, à tout p
121
il n’y en a pas. Perken, comme Garine, est de ces
êtres
qui agissent par désespoir, parce que l’action, à tout prendre, est u
122
ar désespoir, parce que l’action, à tout prendre,
est
une défense contre la mort — la mort partout présente « comme l’irréf
123
urdité de la vie ». L’agonie lente de Perken, qui
est
tombé sur les « pointes de guerre » empoisonnées des Moïs, est un mor
124
les « pointes de guerre » empoisonnées des Moïs,
est
un morceau admirable et atroce où éclate douloureusement la révolte d
125
atroce où éclate douloureusement la révolte d’un
être
pour qui la mort ne peut être qu’une « défaite monstrueuse ». Ainsi l
126
ent la révolte d’un être pour qui la mort ne peut
être
qu’une « défaite monstrueuse ». Ainsi les incidents pathétiques de ce
127
e l’action par un intellectualisme anarchique. Je
tiens
au contraire le cas Malraux pour hautement significatif de notre époq
128
nt dans le souvenir du lecteur : leur tempérament
est
plus fortement marqué que leurs particularités extérieures, et c’est
129
» d’expression et de masques si dissemblables, n’
est
-ce point cela qui forme l’autoportrait le plus profondément ressembla
130
rken, les traits d’une individualité morale qui n’
est
sans doute que l’idée la plus forte que M. Malraux se fait de lui-mêm
131
plus forte que M. Malraux se fait de lui-même. Je
suis
tenté de dire : son moi idéal, celui auquel il donne sa plus profonde
132
lus représentatif et plus accompli. Perken-Garine
est
la personnification la plus frappante d’un certain « homme moderne »,
133
mort. L’homme qui pourrait se définir : « Dieu n’
est
pas, donc je suis » ; l’homme seul ; areligieux, relié à rien. Plutôt
134
i pourrait se définir : « Dieu n’est pas, donc je
suis
» ; l’homme seul ; areligieux, relié à rien. Plutôt aventurier que co
135
de vivre, dénonce la paresse de la religion qui n’
est
qu’un refuge contre la vie. Elle nous amène à un point de jugement d’
136
désert. 9. Chez Grasset. 10. La Voie royale n’
est
que l’introduction à une série de romans intitulés Les Puissances du
137
ces du désert. 11. Le prix Goncourt, dit-on, eût
été
décerné à M. Malraux s’il n’avait naguère au cours de ses aventures a
138
bodgiens. Je donne l’histoire comme une fable. Il
est
peut-être curieux de noter que les pires blasphèmes, de la pornograph
139
i les gens les moins faits pour s’entendre : ce n’
est
pas un mauvais moyen de dégager la mentalité d’une époque — selon la
140
ien écrasé pose toute la question sociale. Ainsi,
sommes
-nous amenés à donner une « importance » relative à des œuvres qui « s
141
des œuvres qui « signifient » plus qu’elles ne «
sont
». L’on mesure ici l’écart d’avec la littérature d’avant-guerre, qui
142
l’écart d’avec la littérature d’avant-guerre, qui
était
avant tout un art. La nôtre ayant voix au forum discute autant qu’ell
143
ne dire que c’est le plus bel âge de la vie… — Où
était
placé notre mal ? dans quelle partie de notre vie. Voici ce que nous
144
mes ne vivent pas comme un homme devrait vivre… —
Être
un homme nous paraît la seule entreprise légitime… — Nous pensions vi
145
nements au Tonkin. Et non Bouddha13. — La liberté
est
un pouvoir réel et une volonté réelle de vouloir être soi. Ayant ain
146
un pouvoir réel et une volonté réelle de vouloir
être
soi. Ayant ainsi esquissé ses positions éthiques, l’auteur part pour
147
sitions éthiques, l’auteur part pour Aden. Quel n’
est
pas son étonnement de découvrir que ce lieu n’est qu’une « image fort
148
est pas son étonnement de découvrir que ce lieu n’
est
qu’une « image fortement concentrée de notre mère l’Europe », un lieu
149
trouve « réduite à son état de pureté extrême qui
est
l’état économique ». Si les mœurs sont occidentales, les habitants, e
150
extrême qui est l’état économique ». Si les mœurs
sont
occidentales, les habitants, eux, viennent de tout l’Orient. « On pen
151
pensation : « l’art, la philosophie, la politique
étant
absents, faute d’emploi, il n’y avait aucune correction à faire ». D’
152
ne veut pas poétiser le tableau, car, pour lui, «
être
poétique, c’est avoir besoin d’illusions ». Je soutiendrais volontier
153
utiendrais volontiers le contraire, mais M. Nizan
est
de ces gens, si nombreux aujourd’hui (Freud, etc.), qui croient que l
154
ujourd’hui (Freud, etc.), qui croient que le pire
est
toujours le plus vrai ; que la prose est plus vraie que la poésie, le
155
le pire est toujours le plus vrai ; que la prose
est
plus vraie que la poésie, le petit fait plus vrai que le haut fait, l
156
ar trop dupés ; ils ne marchent plus. La faute en
est
à l’idéologie bourgeoise du xixe siècle qui consiste dans une large
157
« distingué » et le « conforme » au vrai. Mais n’
est
-il pas grand temps de dépasser une réaction de vulgarité non moins ar
158
eurs, si je vois bien que le propos de M. Nizan n’
est
pas de nous rendre le goût de ce qui, en Europe, « allongeait la solu
159
is m’empêcher de penser que cette peinture d’Aden
est
assez faite pour y contribuer : si grande est en effet l’horreur que
160
den est assez faite pour y contribuer : si grande
est
en effet l’horreur que M. Nizan éprouve à contempler « ce résidu impi
161
e résidu impitoyable, descriptible et sec ». Mais
est
-il bien légitime de voir dans un tel « résidu » l’essence de l’Europe
162
de l’Europe, — « son état de pureté extrême, qui
est
l’économique » ? On reconnaît ici la thèse marxiste, dont le moins qu
163
a thèse marxiste, dont le moins qu’on puisse dire
est
qu’elle sent son xixe siècle. On peut lui faire un grief plus grave
164
s de la vie humaine. Je crois que l’homme ne peut
être
transformé que spirituellement. Et cette révolution-là a l’avantage d
165
tuellement. Et cette révolution-là a l’avantage d’
être
possible dès maintenant. Mais M. Nizan a trop de préjugés pour sentir
166
toresque. « Les curés de tous les dieux blancs se
sont
mis à convertir ces idolâtres, ces fétichistes, à leur parler de Luth
167
e loin le château d’If et N.-D. de la Garde : « J’
étais
servi — s’écrie-t-il. — Les premiers emblèmes venus à ma rencontre ét
168
-il. — Les premiers emblèmes venus à ma rencontre
étaient
justement les deux objets les plus révoltants de la terre : une églis
169
e prétend humain ! Pensez-y M. Nizan : quelle que
soit
la Tchéka régnante, il y aura toujours plus d’hommes dans les églises
170
on moderne à l’égard de toute autorité divine qui
est
le trait dominant de notre époque » — pour reprendre la définition qu
171
’un homme de 1931 a dépassé ce « stade », qu’il n’
est
plus permis de nos jours… bref, que la science a changé tout cela. C’
172
e la technique, celle du primat de la Vie. Ce lui
est
une occasion de réduire à ses justes proportions l’idéalisme scientif
173
ue l’Esprit dont M. Brunschvicg nous entretient n’
est
l’Esprit de personne. Je répondrai tout d’abord que c’est ou que cela
174
répondrai tout d’abord que c’est ou que cela veut
être
l’Esprit de tout le monde ; et nous savons depuis Platon ce que la dé
175
Platon ce que la démocratie dont cet idéalisme n’
est
après tout qu’une transposition recèle de flatterie. Ce n’est pas tou
176
ut qu’une transposition recèle de flatterie. Ce n’
est
pas tout : en fait l’idéaliste se substitue inévitablement à l’Esprit
177
ronome, ce monstre, cet amphibie plus exactement,
est
un homme du xxe siècle que l’idéaliste salue comme son contemporain
178
s analyses ou à des réductions du même ordre. Lui
est
des pieds à la tête un homme de 1930 ; et en même temps il se réclame
179
s il se réclame d’un Esprit éternel qui cependant
est
né et dont on ne saurait prévoir les avatars. Tout cela, disons-le ne
180
voir les avatars. Tout cela, disons-le nettement,
est
d’une singulière incohérence. Et il est évident que si cet idéaliste
181
ettement, est d’une singulière incohérence. Et il
est
évident que si cet idéaliste se trouve mis en présence d’un marxiste,
182
exemple, qui lui déclare nettement que son Esprit
est
un produit purement bourgeois, enfant du loisir économique, il lui fa
183
pense quant à moi qu’un idéalisme de cette espèce
est
inévitablement coincé entre une philosophie religieuse concrète d’une
184
le fait que le pamphlet de M. Nizan, communiste,
est
encore plus dur que l’article de M. Marcel, catholique, à l’endroit d
185
nœud de divergence entre eux et nous — si le mal
est
si grand qu’ils le montrent — et il l’est — aucun bouleversement maté
186
le mal est si grand qu’ils le montrent — et il l’
est
— aucun bouleversement matériel n’y pourra rien, si radical soit-il.
187
uleversement matériel n’y pourra rien, si radical
soit
-il. Un pessimisme aussi féroce que celui de MM. Malraux, Nizan, etc.,
188
rvitudes provisoires de la technique. Mais rien n’
est
plus hasardeux qu’une telle mystique, — rien n’est plus incertain que
189
st plus hasardeux qu’une telle mystique, — rien n’
est
plus incertain que son objet. Comme il est déchirant en vérité, le ch
190
rien n’est plus incertain que son objet. Comme il
est
déchirant en vérité, le chant d’orgueil que le siècle entonne pour an
191
es parts aux chrétiens. Assez parlé de Vérité, ce
sont
des réussites qu’il nous faut. Saluons enfin le règne de l’homme ! »
192
homme ! » Mais le chrétien, qui sait un peu ce qu’
est
ce monstre, se demande, songeant à l’Europe, s’il y aura dix justes d
193
it à nous faire croire qu’une origine protestante
était
un vice rédhibitoire pour toute carrière artistique, un facteur de st
194
nnuyeux et consciencieusement arriérés. Or nous n’
étions
pas raisonnables, nous faisions des projets dont on parlait, la nuit,
195
use lumière de notre ciel simplifié. Et voilà, n’
est
-ce pas, un ton et une ferveur qui rendront vaines beaucoup d’objectio
196
jeunesse. À cet égard particulièrement, ce salon
fut
une réussite. La curiosité d’abord un peu sceptique de certains criti
197
e de certains critiques, artistes ou écrivains, s’
est
muée le soir du premier vernissage en une sympathie sincère et souven
198
istes exposassent pour qu’une réponse valable pût
être
esquissée. Car, avouons-le, du fait même de la nouveauté que représen
199
ez-vous, certaines austérités de style ? — On s’y
serait
attendu. Une visite au salon de la rue de Vaugirard nous invite à ren
200
pagne lumineuse, et le « Douarnenez » de Mac-Avoy
est
tout animé de blancs vivants. Très plaisant « Essai pour une Italie p
201
futures éditions d’art protestantes. La sculpture
est
brillamment représentée par un « Torse de femme » de Marcel Gimond, d
202
é humaine. Mais l’œuvre maîtresse de l’exposition
est
sans doute la « Crucifixion » de R.-Th. Bosshardt. C’est un véritable
203
uvragés. Il y a là une tradition qui certainement
est
bien huguenote : elle remonte aux meubles de Boulle, aux Gobelins, au
204
ent « protestant » de l’art français. Mais s’il
est
malaisé de décrire, dès à présent, un art protestant de fait, peut-on
205
re foi : il faut qu’on sache sans équivoque ce qu’
est
le protestantisme avant de pouvoir trancher de ce que doit être un ar
206
tantisme avant de pouvoir trancher de ce que doit
être
un art qui l’exprime. En d’autres termes, la définition d’un art prot
207
’autres termes, la définition d’un art protestant
est
liée à une conception dogmatique de la foi. Nous pensons même que la
208
e la renaissance et l’épanouissement d’un tel art
seront
conditionnés par un renouveau doctrinal. Car, et c’est un paradoxe qu
209
encore. Certains critiques de cette exposition se
sont
demandé non sans ironie où était le calvinisme dans tout ceci. Eussen
210
tte exposition se sont demandé non sans ironie où
était
le calvinisme dans tout ceci. Eussent-ils posé, à propos d’un salon d
211
là que nous voulions en venir : le dogme ne doit
être
qu’un stimulant (une difficulté) non pas un poncif. L’idéal d’un arti
212
ant, le seul auquel sa foi puisse prétendre, ce n’
est
pas de réaliser un art « protestant » conforme à une doctrine, mais u
213
ître. La grandeur d’un art protestant, c’est de n’
être
qu’un art chrétien. f. Rougemont Denis de, « Une exposition d’arti
214
ng, il faut le reconnaître, a su, par trois fois,
tenir
en haleine une salle énorme en parlant avec sérieux de problèmes esse
215
mes essentiels : c’est une performance qui vaut d’
être
enregistrée. Rien de très neuf dans cette trilogie philosophique, mai
216
exemple, le christianisme primitif) — la pauvreté
est
considérée de nos jours comme un mal absolu et honteux. C’est ainsi e
217
sin inévitable. Mais ces anomalies très graves ne
sont
peut-être que transitoires, ajoute Keyserling. Nous traversons une cr
218
, à quoi nous ne pouvons qu’applaudir, ne saurait
être
pour nous qu’une « introduction » à l’ère spirituelle, une préparatio
219
ration nécessaire mais nullement suffisante. Ce n’
est
pas la peur du monde-termitière qui sauvera la condition humaine mena
220
r Maurice Baring (mai 1931)h M. Maurice Baring
est
entré dans l’intimité de milliers de lecteurs français avec un livre
221
nçaise — d’un rythme plus inégal aussi, il ne lui
est
pas inférieur par l’intérêt humain, et sa qualité d’émotion n’est pas
222
r par l’intérêt humain, et sa qualité d’émotion n’
est
pas moins pure. C’est l’histoire de la vie d’une femme, et de la vie
223
À ces deux éléments s’en ajoute un troisième qui
est
moins visible, mais dont la présence constante donne au livre toute s
224
: L’amour de Dieu qui mène aux royaumes d’en-haut
est
contrecarré par le dieu de l’Amour. « Si vous désirez savoir comment
225
ue ce qu’admet la société anglaise. Tout le drame
est
intérieur ; la passion ne s’y manifeste que par de très petits gestes
226
e très petits gestes qui, échappant soudain à des
êtres
d’ordinaire admirablement corrects et maîtres d’eux-mêmes, laissent d
227
ue l’évocation de cette haute société anglaise ne
soit
pas dépourvue d’un charme qui attirera certains lecteurs, qui agacera
228
n par l’inspiration. (Dans le cas de Baring, elle
serait
plutôt religieuse.) Il est incontestable que l’art a tout à gagner à
229
cas de Baring, elle serait plutôt religieuse.) Il
est
incontestable que l’art a tout à gagner à se choisir un cadre étroit,
230
cadre étroit, voire même conventionnel. Racine en
est
le plus haut exemple. La Société dans laquelle évoluent les héros de
231
ociété dans laquelle évoluent les héros de Baring
est
riche, « conformiste » à l’extrême, mais internationale. Cela permet
232
la à Heidelberg ou à Séville quand la situation n’
est
plus tenable à Londres, et l’histoire continue, pour notre agrément.
233
pour l’étude du cœur humain. Si le rôle de l’art
est
d’affiner nos âmes au contact de réalités plus pures que celles de la
234
à l’important. Le mérite le plus rare de ce livre
est
sans doute de faire sentir et « réaliser » au lecteur le tragique de
235
nt de l’histoire d’une vie sentimentale. La durée
est
l’élément tragique par excellence du sentiment, parce qu’elle le tran
236
qu’elle le transforme sans cesse, alors que nous
sommes
attachés surtout à des instants parfaits de nos affections ; parce qu
237
ouvenir, c’est-à-dire souffrir, vieillir. L’amour
étant
d’essence éternelle, ses manifestations dans notre vie — dans la duré
238
s manifestations dans notre vie — dans la durée —
sont
nécessairement douloureuses. Certains, peut-être, verront-là une cond
239
e dit l’auteur dans sa préface. Bien plutôt, elle
est
l’expression concrète d’une loi divine et humaine, et c’est ici que l
240
s le ton ni dans l’agencement des incidents. Ce n’
est
pas un auteur qui s’arroge un petit jugement dernier de ses personnag
241
dains, d’égoïsmes déçus, d’égoïsmes comblés, ce n’
est
pas le tragique d’une condamnation, mais celui, combien plus amer et
242
assages à une intensité presque bouleversante. Il
est
pourtant un endroit du roman où l’auteur intervient visiblement, forc
243
l on sent que Baring attache une importance qui n’
est
pas uniquement « romanesque » — le mouvement du récit se ralentit, au
244
re auteur : « La veille de la Chandeleur 1909, je
fus
reçu dans le sein de l’Église catholique… le seul acte de ma vie que
245
’Église catholique… le seul acte de ma vie que je
suis
parfaitement certain de n’avoir jamais regretté. » Blanche, anglicane
246
tions religieuses. Mais le mot conviction ne doit
être
pris ici qu’au sens le plus conventionnel. Car à une tante anglaise q
247
« Je ne crois pas, j’espère que non ; bien qu’il
soit
difficile, quelquefois, me semble-t-il, de savoir exactement quelle f
248
ique non sans acuité aux pratiques anglicanes. On
serait
tenté de soupçonner ici quelque invraisemblance psychologique si l’on
249
trait satirique, ailleurs presque imperceptible,
est
nettement appuyé dès qu’il s’agit des vieilles tantes de la Princesse
250
, qui ne jouent pas d’autre rôle dans l’histoire,
sont
ridicules et conventionnelles à souhait (ni plus ni moins que la majo
251
ins que la majorité des gens de cette sorte, mais
est
-ce à eux que l’on demande de définir la doctrine ?). Voici quelques t
252
Harriet eut un soupir de soulagement. La question
était
réglée : du moment qu’on allait à l’église le dimanche, tout était bi
253
moment qu’on allait à l’église le dimanche, tout
était
bien ; inutile d’en demander plus. » Parlant de son pasteur préféré,
254
is Edmund Lely, cousin germain de votre père, qui
est
devenu moine, et qui marche pieds nus, à l’étranger lui aussi ; puis
255
; puis il y a eu votre pauvre tante Cornélia… Ce
fut
un terrible coup pour nous tous. Naturellement, nous nous sommes mont
256
ble coup pour nous tous. Naturellement, nous nous
sommes
montrés très bons à son égard… » L’on conçoit que Blanche malheureuse
257
catholiques, son mari et sa tyrannique belle-mère
sont
nettement antipathiques, mais ils ne disent rien, eux !) Comment Blan
258
ù l’on parle le plus directement de Dieu que Dieu
est
le plus absent. Car nous y sommes à chaque page incités à juger, indu
259
t de Dieu que Dieu est le plus absent. Car nous y
sommes
à chaque page incités à juger, induits en tentation, induits en discu
260
x pénétrer, à les approfondir jusqu’à l’unité. Il
est
d’autant plus regrettable de voir Baring se départir ici de la sagess
261
finitive la conversion de son héroïne nous paraît
être
à tel point la seule solution possible qu’elle n’est plus du tout exe
262
à tel point la seule solution possible qu’elle n’
est
plus du tout exemplaire et ne peut servir ni le catholicisme (le mili
263
t servir ni le catholicisme (le milieu protestant
étant
nul), ni la foi chrétienne en général (du fait précisément que les mo
264
éral (du fait précisément que les mobiles humains
sont
ici entièrement suffisants et rendent superflue l’action de la grâce)
265
é, l’entrée de Blanche dans l’Église catholique n’
est
pas une conversion18, c’est une adhésion à ce qui lui semble être la
266
version18, c’est une adhésion à ce qui lui semble
être
la vérité. Sa vraie conversion a lieu beaucoup plus tard, lorsqu’elle
267
rême, à cette grâce. Aussi notre bonheur humain n’
est
-il en aucune mesure le signe de la vérité. Personne, peut-être, n’a r
268
ut à fait indépendante de nos appréciations. Nous
sommes
naturellement portés à confondre notre bonheur avec notre bien, et à
269
traîne des ruines humaines. Mais la vérité, elle,
est
indifférente à ce que nous appelons bonheur ou malheur. Et c’est la v
270
Dans Daphné Adeane, dans La Princesse Blanche, ce
sont
deux prêtres19 qui, au moment décisif, viennent apporter ce dur messa
271
r ce dur message à l’âme de celle qui demandait d’
être
apaisée. Admirables dialogues, déchirants et triomphants, qui compten
272
moi, car j’ai parfois la sensation que ma misère
est
plus que je ne peux supporter. La vie humaine me paraît intolérable.
273
r. La vie humaine me paraît intolérable. — Elle l’
est
presque, mais pas tout à fait. Il faut l’accepter. Songez à l’agonie
274
me chose dans le Podere à Florence. — Je sens, il
est
vrai, que j’ai commis des erreurs irréparables. — Vous avez le droit
275
, par-delà la tristesse »… Un tel état de l’âme n’
est
plus très éloigné peut-être de cette joie qui, elle aussi, est « par-
276
éloigné peut-être de cette joie qui, elle aussi,
est
« par-delà », — cette joie « qui surpasse toute connaissance ». 16.
277
lequel nous aurons l’occasion de revenir. 18. Il
est
absurde, voire aux yeux de la foi scandaleux de parler de conversion
278
dans le monde intellectuel et religieux français,
est
un événement qui mérite d’être signalé et qui aura un profond retenti
279
religieux français, est un événement qui mérite d’
être
signalé et qui aura un profond retentissement dans le protestantisme
280
e , la Revue de Genève . Diverses études lui ont
été
consacrées, en particulier dans la Revue d’histoire et de philosophie
281
(Commerce, n° XII). Le grand événement de sa vie
fut
la mort de l’Évêque Mynster qui avait été très estimé au Danemark et
282
sa vie fut la mort de l’Évêque Mynster qui avait
été
très estimé au Danemark et que Kierkegaard lui-même avait aimé et hon
283
iscours sur la tombe de l’évêque, le loua d’avoir
été
l’un des « grands détenteurs de la vérité, dont la longue chaîne part
284
tres ». Mais Kierkegaard reste soucieux : Mynster
est
-il vraiment de la lignée des Apôtres, se demande-t-il ? Les prêtres s
285
lignée des Apôtres, se demande-t-il ? Les prêtres
sont
-ils, dans le vrai sens du mot, les successeurs du Christ ? Ne sont-il
286
vrai sens du mot, les successeurs du Christ ? Ne
sont
-ils pas plutôt des fonctionnaires payés par l’État et avides d’avance
287
aques contre le christianisme officiel ne peuvent
être
comparés qu’aux Provinciales. Kierkegaard est le Pascal du protestant
288
nt être comparés qu’aux Provinciales. Kierkegaard
est
le Pascal du protestantisme, et il est caractéristique à la fois du m
289
ierkegaard est le Pascal du protestantisme, et il
est
caractéristique à la fois du monde du catholicisme et du monde du pro
290
et les Attaques contre le christianisme officiel
furent
l’acte de Kierkegaard. Après cet acte, il mourut. Comme Hamlet. » Et
291
aard dans notre Panthéon spirituel : Kierkegaard
fut
le dernier grand protestant. On ne peut le comparer qu’aux grands fon
292
de lui. La question essentielle pour Kierkegaard
était
: Comment deviendrai-je chrétien ? Seul un protestant pouvait trouver
293
a dépassé le romantisme. Ou plutôt, le romantisme
fut
la jeunesse, le passé de « l’Isolé ». Et l’expression la plus caracté
294
de ce nouvel homme, qui a dépassé le romantisme,
est
la nouvelle psychologie. L’œuvre la plus profonde et la plus original
295
plus profonde et la plus originale de Kierkegaard
est
sa Psychologie de l’Angoisse, à laquelle on ne peut trouver d’analogi
296
chez Dostoïevski. Kierkegaard d’ailleurs ne peut
être
placé qu’à côté du poète russe. Tous deux marchent de pair et aucun a
297
traductions de ses livres. Mais ce Journal, s’il
est
l’œuvre la moins forte du Danois, n’en est pas moins, dans son dosage
298
, s’il est l’œuvre la moins forte du Danois, n’en
est
pas moins, dans son dosage pré-gidien de cynisme et d’humanité un doc
299
vons y attacher la valeur d’un signe. Kierkegaard
sera
pour beaucoup d’esprits en quête d’absolus, le maître que fut Nietzsc
300
ucoup d’esprits en quête d’absolus, le maître que
fut
Nietzsche pour leurs aînés. Il n’est pas sûr que les « religions » y
301
e maître que fut Nietzsche pour leurs aînés. Il n’
est
pas sûr que les « religions » y gagnent, mais la foi, certainement. E
302
assez rares. Personne, à notre connaissance, ne s’
était
risqué jusqu’ici dans pareille aventure. Personne même n’avait signal
303
ns et des peuples dont elles émanent. La montagne
est
un merveilleux réactif, au contact duquel certains traits de caractèr
304
intervenir la montagne dans leurs œuvres, elle n’
est
guère qu’un décor conventionnel, un élément de pittoresque, un sublim
305
rêts sociaux. Or, en face de la montagne, l’homme
est
seul. Sénancour, c’est tout autre chose. Lui, cherche un refuge. « Da
306
attitude ne surprendra pas un moderne ; mais elle
est
unique dans la littérature française du xixe . La littérature anglais
307
sentiment d’extase émerveillée auquel la folie n’
est
pas étrangère. » — « Cependant, le Mont-Blanc luit là-haut ; la Puiss
308
endant, le Mont-Blanc luit là-haut ; la Puissance
est
là, la tranquille et solennelle Puissance aux mille aspects, aux mill
309
sance aux mille aspects, aux mille bruits. » Ce n’
est
plus l’homme que ces poètes viennent interroger sur les hauteurs, mai
310
véritables « élévations ». Mais tout ce lyrisme n’
est
pas dépourvu de grandiloquence ni de pieuse fadeur. La montagne, ne s
311
andiloquence ni de pieuse fadeur. La montagne, ne
serait
-elle jamais qu’un écrasant symbole de l’éternité ? — C’est aussi quel
312
ternité ? — C’est aussi quelque chose qui devrait
être
surmonté, nous souffle une voix émouvante, aux résonances vraiment al
313
ue c’est une atmosphère des hauteurs, que l’air y
est
vif. Il faut être créé pour cette atmosphère, sinon l’on risque beauc
314
sphère des hauteurs, que l’air y est vif. Il faut
être
créé pour cette atmosphère, sinon l’on risque beaucoup de prendre fro
315
n l’on risque beaucoup de prendre froid. La glace
est
proche, la solitude énorme, mais voyez avec quelle tranquillité tout
316
s, physiquement aussi. Toute l’œuvre de Nietzsche
est
pleine de repères alpestres. « Comme ces vues précises, aiguës, et qu
317
ueux, ou en remparts de la liberté. La montagne n’
est
ni bienveillante ni maternelle ; elle poursuit une grandiose existenc
318
e sans rapport avec la nôtre. Les atomes que nous
sommes
peuvent trouver sur ses flancs l’occasion d’une lutte… elle ignorera
319
nt. Ce thème éthique et philosophique paraît bien
être
le plus fécond et le plus adéquat à la nature alpestre. Il contient e
320
sens du mot, ne trouve plus où s’exercer. Et ce n’
est
guère qu’au plus obscur de certains cœurs, et dans le secret de certa
321
lui-même, récemment, le confessait.) Deux chances
sont
encore offertes aux amateurs de risques authentiques : l’aviation et
322
donner quelques « romans de l’air », et certains
sont
remarquables. Se trouvera-t-il un romancier pour animer dans le décor
323
l m Dire de ce livre qu’il ne ressemble à rien
serait
une louange trop littéraire. C’est un livre entièrement simple qui no
324
ère, et par là même nous fait sentir combien nous
sommes
mesquins, sans exigences véritables et sans grandeur. Peut-être, se d
325
ans grandeur. Peut-être, se dit-on en le fermant,
est
-il réellement impossible à une âme chrétienne d’atteindre la grandeur
326
ndre la grandeur morale si elle n’a pas connu, ne
fût
-ce que par sa puissance de sympathie, la misère physique et matériell
327
ceux que le Christ aima, parce que leur dénuement
était
ce qu’il y avait au monde, de plus proche de sa grandeur. L’existence
328
lemagne, et en France, sous celui d’Avant l’Aube,
est
un des livres les plus significatifs de ce temps. Non pas que nous ma
329
t mondial, ni que nous ignorions que notre siècle
est
celui des meneurs. Mais le rare, c’est qu’un de ces meneurs écrive un
330
ent il voit le peuple, comment il l’aime, et quel
est
le secret de son autorité sur lui. L’état d’esprit de l’homme d’actio
331
biles personnels, affectifs, voire religieux, qui
sont
à l’origine de son entreprise. C’est même un des malheurs de notre te
332
e et sans vanité non plus, car son œuvre écrite n’
est
encore qu’un moyen de servir et d’agir. C’est un homme sans partage e
333
e ce pasteur d’une petite paroisse presbytérienne
était
le chef du Jeune Japon, l’initiateur de réformes de grande envergure,
334
, sous la forme d’un roman dont le héros, Eiichi,
est
évidemment l’auteur lui-même, le récit de l’adolescence et de la jeun
335
’est par là que dans sa simplicité, il parvient à
être
si émouvant. On peut dire que dans ces deux gros volumes si nourris,
336
raduisent une vérité vécue et particulière. Telle
est
la certitude qui se dégage lentement d’une profusion peu commune de p
337
el qu’elle concrétise sous nos yeux. Certes, ce n’
est
pas une japonerie d’estampe ! Voici un échantillon du pays, au traver
338
épouvantable dans sa course. Il pensait que c’eût
été
bien agréable si le wagon entier eût été de verre. À partir de Tennoj
339
ue c’eût été bien agréable si le wagon entier eût
été
de verre. À partir de Tennoji, le train s’arrêta à un nombre incalcul
340
ible endroit, cet Osaka ! Les endroits surpeuplés
sont
terribles ! Nous trouvons d’abord Eiichi Niimi à l’Université de Mei
341
nt dans des termes inusités pour l’Occident, mais
sont
oubliées, comme partout, dès qu’il s’agit d’embarras d’argent, de dif
342
er la vie quotidienne des gens de la campagne. Il
serait
auprès de sa sœur, que personne n’aimait. Il décida de retourner chez
343
da de retourner chez lui la nuit même, et après s’
être
demandé avec quelque anxiété comment il ferait face aux dépenses du v
344
son fils un ordre social dont l’avantage évident
est
de le mettre à l’abri de la véritable justice. Il finit par mettre Ei
345
une réunion d’évangélisation dont la description
serait
tout entière à citer, dans son inénarrable et cruelle vérité, pourtan
346
ors de sa première visite aux bas-fonds : Eiichi
était
partagé entre deux désirs. L’un était de se sauver au plus vite de ce
347
s : Eiichi était partagé entre deux désirs. L’un
était
de se sauver au plus vite de cet horrible endroit et de jeter les pri
348
disait : « Si tu te mêles de ces affaires, tu ne
seras
toi-même, à la fin, pas bien éloigné du vulgaire. » Mais au même mome
349
ent une autre voix intérieure disait : « La bonté
est
le sel de la vie. L’organisme social demande des sacrifices pour l’am
350
qu’à provoquer en lui une sorte de folie. Tsuruko
est
obligée de le quitter. Alors dans un accès de désespoir, il tente de
351
ier, et il ne pensait pas que la mort de son père
fût
particulièrement importante. Il avait appris qu’il faut avoir une vol
352
lies, les traditions et les sophismes. Devant lui
était
le monde : le monde, l’énorme asile de fous dont Eiichi avait parlé à
353
se préoccuper si c’était le monde ou lui-même qui
était
fou, Eiichi décida que, de ce jour-là, il entrerait en bataille contr
354
de sa douceur. Cette deuxième partie de l’ouvrage
est
extraordinaire de vie et de pathétique, sobre et directe plus que tou
355
cène entre le procureur et le prévenu, qui vaut d’
être
citée : — Pourquoi me regardez-vous ainsi ? tonna le Procureur, qui
356
désordre mental dans une classe d’école, tant il
était
calme et loin d’être troublé. En regardant les choses de près, il con
357
une classe d’école, tant il était calme et loin d’
être
troublé. En regardant les choses de près, il conclut que la professio
358
il conclut que la profession de procureur devait
être
vraiment bien désagréable, puisqu’elle exigeait de celui qui s’y livr
359
e cela, elle portait à croire que tous les hommes
sont
coupables. Ceci acquit au Procureur toute la sympathie d’Eiichi… Si c
360
s procureurs passent leur vie, pensait Eiichi, il
est
impossible de ne pas leur témoigner de la sympathie. — Qu’est-ce que
361
le de ne pas leur témoigner de la sympathie. — Qu’
est
-ce que cela veut dire ? Pourquoi me regardez-vous aussi insolemment ?
362
enrager ; sa figure se contractait et ses lèvres
étaient
pâles. — Comment voulez-vous renverser l’état social actuel, si ce n’
363
ulez-vous renverser l’état social actuel, si ce n’
est
par une révolution ? Je vous demande de me dire clairement votre pens
364
des moineaux. Il se taisait, car il savait qu’il
était
inutile de dire quoi que ce soit à cet homme en colère. Trois, quatre
365
il savait qu’il était inutile de dire quoi que ce
soit
à cet homme en colère. Trois, quatre, cinq minutes s’écoulèrent. Le P
366
es. Il tremblait jusqu’au bout des doigts. Il eut
été
impossible de dire lequel des deux était le juge de l’autre. Eiichi
367
ts. Il eut été impossible de dire lequel des deux
était
le juge de l’autre. Eiichi est provisoirement libéré. Les enfants de
368
lequel des deux était le juge de l’autre. Eiichi
est
provisoirement libéré. Les enfants des bas-fonds l’attendent à sa sor
369
s avec un contentement modeste et intelligent qui
est
plus émouvant que bien des chants de victoire de « sauvés ». Une âme
370
me à la fois sobre et extrême. Tous les excès lui
sont
possibles, en action, surtout dans le bien, dans la sainteté, mais to
371
ie et toutes ses manifestations dans le temps. Il
était
ressuscité de l’abîme du désespoir et revenu au monde merveilleux. Il
372
e actuelle, enrichi par la force de la mort. Tout
était
merveilleux, la mort, lui-même, la terre, les pierres, le sable, la n
373
teaux à vapeur, même le vide qu’il avait cherché,
étaient
merveilleux. Les couleurs, la lumière du soleil, les dessins, les ros
374
ns, les roses, les lèvres rouges des filles, tout
était
surprenant, même le sang caillé, le péché et le cœur souillé, tout ét
375
le sang caillé, le péché et le cœur souillé, tout
était
étonnement. Il acceptait tout. Il décida de vivre fermement, de prend
376
ement attiré par le Christ. Il se disait que ce n’
était
pas dans la mer qu’il fallait se jeter, mais dans les merveilles du m
377
es allusions qu’il fait à sa vie spirituelle n’en
sont
que plus émouvantes : Un dimanche, sur les collines derrière Nunobik
378
s bas-fonds. La nature, le sommeil et les enfants
étaient
ses meilleurs réconforts. Comment et par quoi mesurer la valeur chré
379
er la valeur chrétienne d’une âme ? L’action même
est
souvent trompeuse. Mais la qualité du regard qu’un être pose sur ses
380
ouvent trompeuse. Mais la qualité du regard qu’un
être
pose sur ses semblables, tel est le signe et la mesure certaine. Au c
381
du regard qu’un être pose sur ses semblables, tel
est
le signe et la mesure certaine. Au cours d’un livre où il se peint, a
382
c’est l’un des secrets de sa puissance. ⁂ Mais il
est
temps de tirer de ce livre une conclusion capitale qui, sans doute, f
383
ce livre une conclusion capitale qui, sans doute,
fut
l’objet déterminant de son auteur. Elle concerne la question sociale.
384
et notre lâcheté naturelles, et l’incertitude qui
est
leur résultante. Quelques-uns s’en tirent en réfutant le marxisme — c
385
t sembler vague. Mais le sens chrétien primitif n’
est
-il pas, avant tout, le sens de la pauvreté ? Qu’un Kagawa nous force
386
t le fait de la misère humaine, — cela ne saurait
être
sans fruits. 24. Ceux qui veulent assimiler christianisme et capita
387
ropos de Divers) (octobre 1931)n o La manière
est
toujours l’indice d’une complaisance, et vite elle en devient la ranç
388
xcuse dès l’abord de la rapidité avec laquelle je
suis
décidé à les formuler. Si l’on y voit une regrettable désinvolture vi
389
t lui-même se révèle dépourvu dans une mesure qui
est
celle, exactement, de son art, — considérable. Art de ruses, de pondé
390
teurs à le juger, sûr d’avance que l’intelligence
sera
de son côté. — « Causons un peu », dit le serpent… ⁂ Divers, recueil
391
il d’aphorismes, de « caractères » et de lettres,
est
en somme un plaidoyer pour André Gide. J’avoue qu’il sait dans un gra
392
nvaincre ; et que, dans la plupart des autres, il
est
si admirablement habile qu’on vote l’acquittement à main levée, sans
393
il met une sourdine. Car il sait que la modestie
est
la vertu de choix du classicisme. Et qu’il est le dernier de nos clas
394
ie est la vertu de choix du classicisme. Et qu’il
est
le dernier de nos classiques… Pareille modestie est, d’ailleurs, sign
395
t le dernier de nos classiques… Pareille modestie
est
, d’ailleurs, signe de force : les critiques auxquels il adressa les l
396
stinguo magistrale et cruellement ironique. Je ne
tiens
pas du tout à imiter ce Père. Nul besoin de citer à la barre d’un jug
397
rit qui s’honore — on excusera le jeu de mots — d’
être
« non-prévenu ». Mais voici ce qu’il y a : l’on éprouve une gêne gran
398
n talent disproportionné à son objet. Que Gide ne
soit
pas si « mauvais » qu’on l’a dit, — ou qu’il a bien voulu s’en donner
399
t, — ou qu’il a bien voulu s’en donner l’air — je
suis
prêt à le concéder au-delà de ce qu’il espère. Par incompétence radic
400
et cette retenue trop consciente de ses effets n’
est
plus qu’une impudeur raffinée. « Celui qui veut sauver sa vie la per
401
que son égoïsme et sa coquetterie profonde. Tels
sont
les tours que nous joue la morale lorsque, se prenant pour fin, elle
402
nt chez d’autres « moralistes » c’est que ceux-ci
sont
moins intelligents, moins conséquents que M. Gide, ou qu’ils reculent
403
s au cours desquelles Gide répond à ses critiques
sont
tout à fait significatives à cet égard. L’on est d’abord séduit par l
404
sont tout à fait significatives à cet égard. L’on
est
d’abord séduit par la finesse et la mesure de leur argumentation, par
405
-prévenu », et puis, soudain, l’on s’impatiente d’
être
ramené sans cesse dans un cercle de paradoxes et de malentendus où il
406
ne devrait pas supporter qu’on l’engage. Mais qu’
est
-ce à dire lorsqu’on comprend que, non satisfait de s’y complaire, il
407
on « paysage intérieur ». « Je puis dire que ce n’
est
pas à moi-même que je m’intéresse, mais au conflit de certaines idées
408
ais au conflit de certaines idées, dont mon âme n’
est
que le théâtre, et où je fais fonction moins d’acteur que de spectate
409
(p. 31.) Mais un témoin si détaché de soi-même, n’
est
-ce pas nécessairement un faux témoin ? Étendons la signification de c
410
tant veut dire témoin (protestari), jamais Gide n’
est
plus loin du protestantisme que dans cette attitude sereinement contr
411
e ce qu’il écrit ne l’engage tout entier. Qu’il n’
est
que spectateur de ses antagonismes. Dès lors, la morale qui, pourtant
412
rs, la morale qui, pourtant, seule l’intéresse, n’
est
plus qu’un jeu d’équilibres relatifs, variables et réversibles. Plus
413
a psychologie moderne a-t-elle montré que l’homme
était
beaucoup moins simple qu’il ne le croyait. Mais la question reste de
414
i cette division interne, une fois reconnue, doit
être
acceptée ou surmontée. Pour moi je tiens que le seul problème éthique
415
nue, doit être acceptée ou surmontée. Pour moi je
tiens
que le seul problème éthique est de se réaliser comme unité. Non poin
416
e. Pour moi je tiens que le seul problème éthique
est
de se réaliser comme unité. Non point parce qu’une morale stoïcienne
417
grandeur. ⁂ Ce livre manque d’ange et de bête. Il
est
merveilleusement intelligent. On n’y parle strictement que de psychol
418
ses sociales et religieuses. Ah ! comme tout cela
est
juste et net, parfaitement exprimé et mûri. Mais comme aussi tout cel
419
viateur, Antoine de Saint-Exupéry. (Mais par quoi
tiendra-t
-il à les « équilibrer », un de ces jours, à les « gauchir »…) Le hér
420
aissons de reste et la littérature de nos jours n’
est
que trop habile à les dénoncer ; mais le surpassement de soi qu’obtie
421
ogique considérable : que le bonheur de l’homme n’
est
pas dans la liberté, mais dans l’acceptation d’un devoir. Gide aurai
422
’un devoir. Gide aurait-il pressenti que l’ère n’
est
plus de certaines complaisances ? Pourquoi faut-il que l’image de cet
423
l’image de cet aviateur m’évoque la fable : « Je
suis
oiseau, voyez mes ailes. » Qu’il n’aille pas croire pourtant que déso
424
s vices ayant épuisé leurs saveurs. La question n’
est
pas d’être vertueux, mais de faire la volonté de Dieu. Et ce que nous
425
ant épuisé leurs saveurs. La question n’est pas d’
être
vertueux, mais de faire la volonté de Dieu. Et ce que nous voulons ce
426
la volonté de Dieu. Et ce que nous voulons ce ne
sont
pas des exemples édifiants, mais des témoignages de responsabilités a
427
our maintenir à Gide une place instructive, qu’il
est
, depuis l’édit de Nantes, notre seul notable écrivain protestant26, n
428
justement, à l’époque, que j’oubliais Loti. Loti
est
un notable écrivain protestant qui répond à ce même signalement. Et p
429
ge, qui, si la force de l’unité française n’avait
été
irrésistible, avait ce qu’il fallait pour devenir une manière de Genè
430
de la résistance protestante contre le Cardinal,
était
corsaire de son métier. N’oublions pas que depuis la destruction de l
431
a mer devient aux trois quarts protestante — et l’
est
restée (la révocation fit quitter, selon Vauban, les vaisseaux du roi
432
, les vaisseaux du roi à neuf-mille marins). Loti
est
un protestant français de la vieille souche maritime. Évidemment, cel
433
e ! Mais n’oublions pas que toute l’œuvre de Loti
est
faite du morcellement et de l’adaptation d’un livre unique, son journ
434
d’un livre unique, son journal intime — que Loti
est
un journal intime, comme Gide — que le journal intime, la littérature
435
de — que le journal intime, la littérature intime
sont
un produit autochtone de la terre protestante et de l’esprit protesta
436
mel, dans ses Études littéraires et morales. Nous
sommes
certains d’intéresser les lecteurs de cette revue en citant ici quelq
437
issance présente. La structure même de ses romans
est
un indice révélateur, car quoi qu’on dise de la différence entre la v
438
la manière de concevoir celle-là. Tant que la vie
était
considérée comme le lieu où s’exerçait la volonté, où se formait le c
439
a volonté, où se formait le caractère, les livres
étaient
conduits, ils avaient une unité, un terme auquel ils arrivaient ; la
440
unité, un terme auquel ils arrivaient ; la vie n’
est
plus aujourd’hui qu’une suite d’événements qui se succèdent, et les l
441
uite d’événements qui se succèdent, et les livres
sont
fragmentaires, ils se composent d’une série de tableaux parallèles. L
442
ne série de tableaux parallèles. Les parties n’en
sont
plus dérivées les unes des autres, mais elles s’étalent à la fois tou
443
donnait ainsi le diagnostic du roman moderne ; ne
serait
-il pas frappant, en effet, d’appliquer ses dernières lignes à des œuv
444
Il semble, en effet, que les âmes du xixe siècle
soient
plus profondes et plus voilées, plus inquiètes qu’elles ne le furent
445
es et plus voilées, plus inquiètes qu’elles ne le
furent
jamais. Serait-ce la civilisation toute seule qui les aurait travaill
446
ées, plus inquiètes qu’elles ne le furent jamais.
Serait
-ce la civilisation toute seule qui les aurait travaillées à ce point
447
e paraissait autrefois plus simple, c’est qu’elle
était
peut-être plus chaste. Au temps où le domaine intérieur du recueillem
448
demeurait ouvert, les secrets de la vie intime n’
étaient
pas révélés parce qu’on les cachait en Dieu et qu’une sainte pudeur e
449
pudeur en dérobait l’accès. L’existence apparente
était
plus calme parce qu’elle n’était qu’une partie de l’existence et qu’o
450
stence apparente était plus calme parce qu’elle n’
était
qu’une partie de l’existence et qu’on cachait la meilleure ; les dése
451
a meilleure ; les désespérances dont notre époque
est
prodigue, ne s’étalaient point au grand jour, il y avait pour elles u
452
illes des hommes, jusqu’au trône de Dieu. Il n’en
est
plus ainsi maintenant ; l’âme est restée semblable, mais on lui a ret
453
e Dieu. Il n’en est plus ainsi maintenant ; l’âme
est
restée semblable, mais on lui a retranché le ciel ; les mêmes aspirat
454
ssaillir nos ancêtres, mais leur légitime objet a
été
enlevé ; les souffrances sont encore là, mais non plus les espérances
455
eur légitime objet a été enlevé ; les souffrances
sont
encore là, mais non plus les espérances de la religion, et l’âme, qui
456
de la religion, et l’âme, qui montait autrefois,
est
retombée sur la terre et l’anime de tout l’effort qu’elle portait sur
457
ans leur tumulte intérieur, les forces vives de l’
être
ont déchiré leur enveloppe, les âmes se sont ouvertes à tous les rega
458
de l’être ont déchiré leur enveloppe, les âmes se
sont
ouvertes à tous les regards, les cœurs se sont révélés et leur souffr
459
se sont ouvertes à tous les regards, les cœurs se
sont
révélés et leur souffrance s’est écrite dans les pages innombrables d
460
s, les cœurs se sont révélés et leur souffrance s’
est
écrite dans les pages innombrables de notre littérature. L’ouverture
461
innombrables de notre littérature. L’ouverture s’
est
faite, mais non du bon côté ; l’âme, que tourmente un suprême besoin
462
que tourmente un suprême besoin d’épanchement, s’
est
déversée, mais elle a mal choisi son confident : elle ne trouve aucun
463
r les critiques protestants du xixe siècle. L’on
serait
surpris de constater à ce sujet que les jugements d’un Vinet sur le r
464
eu près les seuls valables, à nos yeux, qui aient
été
émis en leur temps. La critique la plus moderne les confirme et les r
465
erspicacité prophétique. 26. Dire de Gide qu’il
est
un écrivain protestant est une façon de parler que beaucoup contester
466
26. Dire de Gide qu’il est un écrivain protestant
est
une façon de parler que beaucoup contesteront, Gide sans doute le pre
467
les grands « succès » littéraires de l’année 1931
soient
allés à trois romans d’écrivains protestants : Pierre Bost, Jacques C
468
tes français » auxquels nous pardonnons souvent d’
être
des romanciers assez ternes, pour le plaisir que par ailleurs ils don
469
nt d’une littérature nouvelle28, dont cette œuvre
serait
comme le frontispice (aux beaux noirs et gris profonds). Un critique
470
ère — des protestants sans foi »31. Quoi qu’il en
fût
d’ailleurs de la portée religieuse des trois œuvres, l’on se sentait
471
miter un « parti protestant » dans nos Lettres, n’
était
-ce point, d’abord, céder à la tentation d’un nationalisme religieux p
472
de sourires complices. La question toutefois doit
être
portée sur un plan supérieur à toute polémique : s’agit-il jamais en
473
homme d’esprit, plus l’ancêtre dont on se réclame
est
éloigné, moins on a de chances d’en tenir… C’est ainsi que nos gloir
474
e réclame est éloigné, moins on a de chances d’en
tenir
… C’est ainsi que nos gloires passées, martyrs, camisards et prophète
475
rophètes, nous condamnent dans la mesure où elles
furent
authentiques. Mais d’autre part certaines « célébrités » politiques o
476
’hui, de confesser. Aussi bien, la force qui nous
est
promise doit-elle nous rendre ce courage léger. Le moralisme nous
477
Le problème, à vrai dire, les dépasse, mais il n’
est
pas mauvais de l’actualiser, de le rétrécir, si de la sorte nous sent
478
s où la vraisemblance voudrait que le nom de Dieu
fût
invoqué (je pense au testament de la mère par exemple), c’est au « so
479
r, lorsqu’il note que dans ce conflit moral, Dieu
est
« tranquillement oublié ». Il y a visiblement chez Jean Schlumberger
480
x de beaucoup, de livres « bien protestants ». Je
serais
même tenté de dire, forçant un peu ma thèse, que ces traits négatifs,
481
« un caractère protestant »32. Et c’est cela qui
est
grave, — d’autant plus grave que nombre de protestants tiennent à hon
482
, — d’autant plus grave que nombre de protestants
tiennent
à honneur de compromettre la Réforme avec cette attitude, et de prolo
483
mal la faiblesse d’un compromis foncier. Le fort
est
celui qui refuse la louange approximative. Nous ne saurions assez nou
484
ons qui vont aux produits déviés de notre foi. Il
est
vrai que ceux-ci sont souvent les plus éclatants. Car un système poli
485
uits déviés de notre foi. Il est vrai que ceux-ci
sont
souvent les plus éclatants. Car un système politique, une doctrine, u
486
à la ruine immédiate, dans notre monde tel qu’il
est
. Mais c’est parfois, bien au contraire, par leur succès et dans leur
487
nt, aux yeux de l’esprit, le plus durement jugés.
Était
-ce affaiblissement de notre foi dans l’avenir de la Réforme, besoin m
488
alité publique » par exemple. Et quelles qu’aient
été
les affirmations souvent indignées de nos docteurs, un fait prit corp
489
« protestant » devint synonyme de « moraliste ».
Était
-ce qu’il y avait dans l’accent de ces docteurs-là quelque chose qui l
490
elque chose qui les empêchait de convaincre ? Tel
étant
l’état des choses, suffira-t-il de déplorer une incompréhension publi
491
e déplorer une incompréhension publique dont nous
sommes
en grande partie responsables ? Nous montrons-nous assez soucieux de
492
utôt que de l’héroïsme chrétien ? En particulier,
sommes
-nous toujours assez conscients des fondements de notre foi pour récus
493
injuste, c’est-à-dire d’incomplet. Mais comment n’
être
point frappés de sa généralité, de son insistance… Et de ce fait qui
494
ionnel de l’esprit français). Cela pouvait donner
soit
des œuvres d’analyse tendant à dissoudre les affirmations massives de
495
à dissoudre les affirmations massives de la foi ;
soit
des œuvres d’édification morale, au sens littéral du terme : tendance
496
au sens littéral du terme : tendance stoïcienne ;
soit
des œuvres de révolte contre cette morale — tendance nietzschéenne. T
497
du que la théologie libérale prétendit conserver,
fut
bientôt réduit au rôle d’une censure tatillonne et qui flattait curie
498
a grâce autant que le péché. La censure moraliste
est
avant tout peureuse. Elle « craint » la vérité ; non point au sens de
499
elle révèle la faiblesse de sa théologie. Car il
est
certains cas où celui qui craint de dire toute la vérité n’exprime pa
500
à-vis de la nature humaine, qui, selon cette vue,
serait
bonne, ou du moins meilleure, si on la « préservait » du mal. Ainsi R
501
du mal. Ainsi Rousseau le libertaire doit et peut
être
moraliste, tandis que Calvin l’orthodoxe ne saurait l’être sans renie
502
liste, tandis que Calvin l’orthodoxe ne saurait l’
être
sans renier le fondement de sa croyance34. Or nous voyons le moralism
503
suistique. Comment imaginer et comment animer des
êtres
, lorsqu’à chaque moment de la création intervient une autocritique à
504
agination créatrice chez les protestants, qui lui
furent
plus que d’autres soumis, de par leur sérieux traditionnel. Et quand
505
de par leur sérieux traditionnel. Et quand elle n’
est
point parvenue à les étouffer, elle a souvent faussé le développement
506
d’Amiel, désespérance vaniteuse de Loti : telles
sont
les réactions irrécusables et célèbres que provoqua le moralisme perv
507
in qu’au jour où nous aurons compris que la santé
est
dans l’humilité de la prière, dans la reconnaissance éperdue de notre
508
i loin de nos auteurs. Si loin qu’en somme ils ne
sont
guère atteints par tout ceci. Mais quoi ? Le but ne fut jamais de dém
509
ère atteints par tout ceci. Mais quoi ? Le but ne
fut
jamais de démolir, mais bien plutôt de dénoncer un principe destructe
510
r les temps vont nous y contraindre. Que rien ne
soit
plus favorable à l’art que l’évangélisme dans sa pureté, héroïque ou
511
siècle nous laissent entrevoir ce que pourraient
être
des œuvres modernes inspirées, comme le furent les plus grandes, par
512
ient être des œuvres modernes inspirées, comme le
furent
les plus grandes, par le sentiment tragique du péché et de la grâce s
513
ar si la forme artistique adéquate au libéralisme
fut
l’analyse d’états d’âme dans le doute, il est permis d’attendre de la
514
sme fut l’analyse d’états d’âme dans le doute, il
est
permis d’attendre de la violence même d’une théologie du Dieu Tout-Pu
515
lamme des chants prophétiques. Et l’Éternel enfin
sera
loué « selon l’immensité de sa grandeur » comme il est dit au dernier
516
oué « selon l’immensité de sa grandeur » comme il
est
dit au dernier psaume. 28. Denis Saurat, dans la Nouvelle Revue fr
517
31. Charles Westphal, dans Le Semeur . 32. Il
est
entendu, même chez les protestants, qu’un « protestant qui écrit » ne
518
stants, qu’un « protestant qui écrit » ne saurait
être
qu’en révolte contre la foi de ses pères. Le jeu consiste uniquement
519
sentatifs d’une atmosphère moraliste, quelles que
soient
les opinions qu’ils adoptèrent vis-à-vis du moralisme. Qu’on me compr
520
vis-à-vis du moralisme. Qu’on me comprenne : ce n’
est
pas à eux que j’en ai, mais à ce dont ils ont souffert. 34. Tout cec
521
Imaginez un membre de l’Académie des sciences qui
serait
aussi directeur de la Comédie française et ministre de l’Intérieur, e
522
phénomène Goethe. Maintenant ajoutons que l’homme
fut
supérieur à la somme de toutes ces activités et domina constamment sa
523
e du christianisme. Mais le plus grand Occidental
fut
-il chrétien ? Nous ne saurions, surtout dans Foi et Vie , aborder ce
524
e des chrétiens ne peut et ne doit éviter. Goethe
est
une de ces « questions au christianisme » comme dit Barth, une de ces
525
» comme dit Barth, une de ces questions qui nous
sont
posées comme autant d’accusations, et qu’il est de notre devoir d’env
526
sont posées comme autant d’accusations, et qu’il
est
de notre devoir d’envisager avec toute la bonne foi que nécessite un
527
que nécessite un examen de conscience. ⁂ Goethe s’
est
toujours affirmé chrétien, mais d’une façon si particulière que les e
528
kermann que nous donnons dans ce numéro n’ont pas
été
choisis pour dissiper trop facilement une équivoque réelle, mais plut
529
une équivoque si grave subsiste et paraisse avoir
été
cultivée par Goethe, ne prouve-t-il pas suffisamment l’inauthenticité
530
amment l’inauthenticité de son christianisme ? Qu’
est
-ce qu’un chrétien que l’athéisme annexe avec une pareille aisance ? L
531
me annexe avec une pareille aisance ? La question
serait
tranchée, en effet, si nous ne savions rien des circonstances dans le
532
tte époque qui permettent d’imaginer ce qu’eût pu
être
le pendant chrétien du Werther : — « J’ai souffert et me voilà libre
533
ortir d’une grave maladie — ; cette calcination a
été
très profitable à mon âme… Le Sauveur m’a enfin attrapé ; je courais
534
p vite pour lui, il m’a saisi par les cheveux. Il
est
sûrement à vos trousses aussi, j’espère voir le jour où il vous rattr
535
pera ; mais je ne puis répondre de la manière. Je
suis
parfois bien tranquille à ce sujet, parfois, quand je suis calme, trè
536
ois bien tranquille à ce sujet, parfois, quand je
suis
calme, très calme, et que je sens tout le bien que les sources éterne
537
rsé dans mon cœur. » Et deux ans plus tard : « Je
suis
ce que j’ai toujours été, à ceci près que mes rapports sont meilleurs
538
ux ans plus tard : « Je suis ce que j’ai toujours
été
, à ceci près que mes rapports sont meilleurs avec le Seigneur et Jésu
539
e j’ai toujours été, à ceci près que mes rapports
sont
meilleurs avec le Seigneur et Jésus son fils bien-aimé. C’est vous di
540
e raison et d’expérience : la crainte du Seigneur
est
le commencement de la sagesse. » Par quel concours de circonstances c
541
rts avec les dévots — écrit-il de Strasbourg — ne
sont
pas très fréquents ici. Au début, je m’étais tourné passionnément ver
542
— ne sont pas très fréquents ici. Au début, je m’
étais
tourné passionnément vers eux ; mais il semble que ce ne doive pas êt
543
ent vers eux ; mais il semble que ce ne doive pas
être
. Ils sont si cordialement ennuyeux quand ils s’y mettent que ma vivac
544
ux ; mais il semble que ce ne doive pas être. Ils
sont
si cordialement ennuyeux quand ils s’y mettent que ma vivacité n’y sa
545
quand ils s’y mettent que ma vivacité n’y saurait
tenir
. Rien que des gens d’esprit médiocre, qui n’ont eu de pensée raisonna
546
ales de l’esprit humain. La transcendance de Dieu
est
absolue, par rapport à notre pensée naturelle. Dès lors, pourquoi fai
547
dans notre vie une recherche qui risque surtout d’
être
nuisible à la vie ? Bornons-nous à l’utile. Bornons-nous à « réaliser
548
s ne savons presque rien de Dieu, ou plutôt qu’il
est
vain de chercher à en savoir plus que ce que la nature visible nous e
549
e de sécheresse religieuse. Ce qui à l’origine, n’
était
qu’humilité de la raison devant l’insondable mystère de Dieu devient,
550
Dieu n’existait pas, ou encore : comme si Dieu n’
était
rien d’autre que l’ensemble des lois de la nature. Ainsi la conceptio
551
ement Curtius « le Goethe païen et rien que païen
est
une légende, et une légende d’origine juive, car elle remonte à Heine
552
e d’origine juive, car elle remonte à Heine. Elle
est
un mythe, au moyen duquel on peut faire de l’agitation et de la propa
553
nous le jugeons du point de vue d’un parti. Il n’
est
pas païen, pour la raison péremptoire qu’il n’y a plus de païen, au s
554
, et même la plus puissante qu’il nous ait jamais
été
donné, à nous enfants de la terre, de percevoir. » Et certes, on ne v
555
ieu quand elle juge le monde séparé de Dieu. Il n’
est
pas vrai de dire qu’un monde séparé de Dieu doit ou peut être envisag
556
i de dire qu’un monde séparé de Dieu doit ou peut
être
envisagé comme un monde autonome. Il doit être envisagé comme manquan
557
ut être envisagé comme un monde autonome. Il doit
être
envisagé comme manquant de quelque chose. Or, ce « quelque chose » au
558
chose » aux yeux de la foi, constitue sa raison d’
être
. Il n’y a pas de neutralité du monde vis-à-vis de Dieu — à cause du p
559
biographes ? Mais comment juger les actions d’un
être
que nous n’avons pas connu, alors que nous-même… Alors que Dieu seul
560
: le renoncement et la réalisation personnelle, n’
est
-ce point tout simplement que les idées, les théories et les systèmes
561
ns urgent d’accentuer actuellement, la vérité ? N’
est
-ce point là porter un jugement avant tout partial, et qui révèle notr
562
son bonheur par ses propres forces, notre devoir
est
net : nous avons à défendre et attester les valeurs doctrinales les p
563
les plus gênantes pour ce monde sans Dieu. Or, ce
sont
justement les valeurs que le « christianisme » de Goethe paraît avoir
564
s un homme de l’envergure de Goethe, s’il ne peut
être
un argument pour nul parti, ne saurait, pour les mêmes raisons, servi
565
ust, et dans la vie de cet homme, dont le Faust n’
est
qu’une figuration symbolique, une leçon d’activité, de réalisation, d
566
s tous. Goethe inutilisable, certes. Mais nous ne
sommes
d’aucun parti et n’avons pas à utiliser qui que ce soit. Il suffit qu
567
’aucun parti et n’avons pas à utiliser qui que ce
soit
. Il suffit que nous puissions nous sentir à la fois accusés et exhort
568
nous importe, dès lors, que ce Goethe exemplaire
soit
« chrétien » ou « païen » ? Nous n’avons pas besoin d’avoir raison (c
569
up de grands hommes — ni même d’avoir quoi que ce
soit
—, mais seulement d’être, efficacement. Et qu’il nous y aide ! 37.
570
même d’avoir quoi que ce soit —, mais seulement d’
être
, efficacement. Et qu’il nous y aide ! 37. Numéro d’hommage à Goethe
571
reusement (juin 1932)s « L’esprit désintéressé
est
mort. » C’en est fait, les clercs ont trahi, et les cris de M. Benda
572
932)s « L’esprit désintéressé est mort. » C’en
est
fait, les clercs ont trahi, et les cris de M. Benda sont couverts par
573
it, les clercs ont trahi, et les cris de M. Benda
sont
couverts par la rumeur de la place. Dans toute la jeune génération li
574
adhésion des idées, une de ces causes qui doivent
être
gagnées. Chose étrange, et que l’on eût difficilement prévue au lende
575
l’unanimité de la nouvelle génération. Quels que
soient
par ailleurs les antagonismes qui la divisent — bien plus extrêmes qu
576
connaît une fraternité en ceci : que la pensée n’
est
plus pour elle une justification idéale de l’égoïsme ou de l’indiffér
577
étienne. La pensée protestante, en particulier, s’
est
toujours montrée soucieuse avant tout de réalisation personnelle, d’a
578
nécessaires de la pensée dans l’ordre pratique) «
est
protestant ». Mais, d’autre part, cette soif d’action directe et de s
579
hrétiens, non pas en tant que bourgeois, s’ils le
sont
, ont des raisons réelles et valables de récuser une pensée et une act
580
tion politique de ce journal. Le titre : La Crise
est
dans l’homme 38, s’oppose d’emblée aux thèses des économistes bourgeo
581
es bourgeois ou marxistes, pour lesquels la crise
est
dans les institutions. Il paraît supposer une rénovation intérieure,
582
ne. Sa critique nous paraît pertinente, mais elle
serait
plus efficace si on la sentait inspirée par un principe spirituel cap
583
éunis après coup de fournir une doctrine. Mais il
est
inquiétant d’entendre M. Maulnier, dans sa préface, se déclarer satis
584
ique, au nom de valeurs tout intemporelles qui, n’
étant
pas religieuses, sont donc abstraites. Il ne suffit pas de dire à ses
585
tout intemporelles qui, n’étant pas religieuses,
sont
donc abstraites. Il ne suffit pas de dire à ses contemporains qu’ils
586
e de tout cela qui agite le cœur des hommes. Ce n’
est
pas une férule : c’est un bon outil qu’il nous faut. Ce n’est pas son
587
férule : c’est un bon outil qu’il nous faut. Ce n’
est
pas son pessimisme que je reproche à M. Thierry Maulnier. (Il serait
588
imisme que je reproche à M. Thierry Maulnier. (Il
serait
fou de ne pas le partager.) Je lui reproche de manquer d’exigence vis
589
t une « philosophie à coups de marteau ». Ce peut
être
le marteau du constructeur, aussi bien que celui du démolisseur. ⁂ M.
590
par l’État bourgeois. Les Chiens de garde 39, tel
est
le titre de son pamphlet — ce sont les philosophes de la Troisième Ré
591
e garde 39, tel est le titre de son pamphlet — ce
sont
les philosophes de la Troisième République. On peut recommander la le
592
ne a convenu d’appeler « naïves », parce qu’elles
sont
trop gênantes. Le livre est mal composé. Ses phrases courtes se press
593
es », parce qu’elles sont trop gênantes. Le livre
est
mal composé. Ses phrases courtes se pressent en paragraphes hachés, s
594
é au dessein général. Mais celui-ci, par bonheur,
est
très simple : Il n’y a point de questions plus grossières que celles
595
point de questions plus grossières que celles qui
sont
posées ici, qui sont retournées ici. La philosophie présente qui dit
596
us grossières que celles qui sont posées ici, qui
sont
retournées ici. La philosophie présente qui dit et croit qu’elle se d
597
et croit qu’elle se déroule au profit de l’homme,
est
-elle dirigée réellement, et non plus en discours et croyances, en fav
598
re eux ? Selon M. Nizan, la philosophie régnante
est
caractérisée par son refus d’aborder les questions dites vulgaires, q
599
ue d’intérêt humain concret. On lui dira que ce n’
est
pas si grave, que le monde n’est plus mené par les philosophes, qu’il
600
ui dira que ce n’est pas si grave, que le monde n’
est
plus mené par les philosophes, qu’il accorde à leur activité une impo
601
mesurés. Certes40. Mais dans la mesure, si faible
soit
-elle, où la philosophie actuelle exerce une action, ne fût-ce que sur
602
où la philosophie actuelle exerce une action, ne
fût
-ce que sur les étudiants forcés de s’y intéresser au lieu de s’intére
603
e, M. Nizan a tellement raison que son entreprise
est
suffisamment justifiée. Pour le reste, c’est la politique, et dans un
604
? — Il compte leur apporter le marxisme. Or, s’il
est
clair que le marxisme prétend travailler pour l’homme en général, il
605
prétend travailler pour l’homme en général, il n’
est
pas moins clair qu’il tombe par là même sous le coup d’une critique s
606
on l’appelle avec Marx, l’homme concret (ce qui n’
est
encore qu’une formule), l’homme au singulier des philosophes, on sait
607
philosophes, on sait ce qu’en vaut l’aune : ce n’
est
qu’une extension orgueilleuse et démesurée du type d’homme qui intére
608
nvaincu. On sent bien que le triomphe de M. Nizan
est
dans l’insolence plus que dans le sacrifice à une cause. Je n’insiste
609
der à vivre, à mourir. Je demande à M. Nizan, qui
est
marxiste, si la lecture et la pratique de Marx peut apporter une cert
610
ger la vie comme un combat perpétuel dont l’enjeu
est
à chaque instant total, éternel et urgent. Je demande à M. Nizan si s
611
t, nous n’avons plus à prouver vainement que Dieu
est
; mais à prouver pratiquement que nous y croyons. Nous n’avons plus à
612
germe de cette « révolution permanente » qui doit
être
l’état du chrétien vis-à-vis de lui-même et de son passé. C’est le da
613
Toute plante que n’a pas plantée mon Père céleste
sera
déracinée. » Et c’est en quoi, du point de vue chrétien, le marxisme
614
et le plus « grossier » des dangers inhérents à l’
être
concret. Seul l’Évangile — je ne dis pas les religions, ni leurs mora
615
e dans le monde et contre Dieu —, seul l’Évangile
est
radicalement dangereux, — salutaire. 38. Aux Éditions de la Revue f
616
s plaît ! » (janvier 1933)t Le lecteur moderne
est
, paraît-il, un homme pressé, beaucoup plus pressé que ne le furent se
617
, un homme pressé, beaucoup plus pressé que ne le
furent
ses ancêtres (serait-ce peut-être à cause des innombrables moyens qu’
618
aucoup plus pressé que ne le furent ses ancêtres (
serait
-ce peut-être à cause des innombrables moyens qu’il a inventés pour «
619
te ? Des romans, répondra-t-on, sans doute. Je ne
suis
pas du tout de cet avis. Et je crois distinguer à divers signes que m
620
que vient de redonner une très vive nouveauté. Il
est
bien remarquable, en effet, de constater, en parcourant les catalogue
621
iminuant, et cela au profit d’une littérature qui
tient
à la fois de l’histoire, de la politique, de la morale et de la relig
622
l’Essai sur la France, de E. R. Curtius, dont il
fut
parlé ici même, ou le Dieu est-il Français, de F. Sieburg, donneront
623
. Curtius, dont il fut parlé ici même, ou le Dieu
est
-il Français, de F. Sieburg, donneront une idée assez juste du genre.
624
ire en France. En ceci, les Allemands se trouvent
être
en quelque sorte plus « actuels », plus directement mêlés au jeu des
625
u des puissances modernes, que les Français ne le
furent
jusqu’à ces tout derniers temps. Et c’est là que gît l’explication du
626
ologie que manifeste le grand public allemand. Il
est
bien naturel qu’une société qui jouit d’une relative sécurité cherche
627
tissement dans des fictions romanesques. Le roman
est
un genre bourgeois — et c’est peut-être par là qu’il plaît tant au pe
628
le monde contemporain voit bien que la question n’
est
plus de s’évader, de se distraire en oubliant un monde qu’on serait s
629
vader, de se distraire en oubliant un monde qu’on
serait
sûr de retrouver bien en place le lendemain. L’angoisse qui plane vag
630
rfois précisément, sur la civilisation actuelle n’
est
pas quelque chose qu’on esquive comme l’ennui, par de petits moyens.
631
s documents, des explications, des directives. Ne
fût
-ce, souvent, que pour motiver l’appartenance à un parti, ou pour se f
632
cette multitude d’écrits, dont le propos général
est
d’élucider les causes lointaines ou prochaines de la crise sans précé
633
nd public » considéra que la lecture d’un livre n’
était
qu’un moyen de « passer une heure agréablement ». Le goût des idées,
634
et surtout dans des cercles littéraires raffinés,
était
une sorte d’atteinte au « goût » tout court, c’est-à-dire à la mode.
635
mes qui n’avaient pas eu le temps de se cultiver,
est
caractérisée par une facilité foncière et bien décevante, sitôt écart
636
fête intempestive. On demande des lumières qui ne
soient
plus seulement aveuglantes. On voudrait être dirigé, plutôt qu’ébloui
637
ne soient plus seulement aveuglantes. On voudrait
être
dirigé, plutôt qu’ébloui. ⁂ Le roman était un genre bourgeois, en ce
638
oudrait être dirigé, plutôt qu’ébloui. ⁂ Le roman
était
un genre bourgeois, en ce sens que dans le monde bourgeois, privé de
639
t de la fin, c’était se préparer à « mal finir ».
Est
-ce le cinéma qui a changé tout cela ? L’explication tente les journal
640
lication tente les journalistes. Mais le cinéma n’
est
qu’un des effets du changement à vue qui s’opère dans toute notre con
641
outes les nouvelles qui nous parviennent du monde
sont
comme autant d’épisodes d’un drame qui intéresse chacun de nous. L’ho
642
ntérêt passionné pour la vie du monde. Et ce fait
est
nouveau dans l’Histoire. Jamais le document n’a été recherché avec un
643
t nouveau dans l’Histoire. Jamais le document n’a
été
recherché avec une telle avidité. « Ce que je préfère au cinéma, ce s
644
telle avidité. « Ce que je préfère au cinéma, ce
sont
les actualités. » Phrase mille fois entendue. Les journaux se couvren
645
-t-il, mettent sur notre table le monde tel qu’il
est
. Quel romancier pourrait nous apporter l’équivalent de cette vision d
646
que j’en reviens à mon propos initial. Quels que
soient
les bouleversements sociaux ou culturels, l’homme demeure cet être qu
647
sements sociaux ou culturels, l’homme demeure cet
être
qui veut penser le monde. Incapable désormais de s’en distraire en le
648
e monde actuel. Les grandes controverses modernes
sont
nées en France autour de la Trahison des clercs, autour du problème d
649
tant de publier des romans nouveaux, mais le fait
est
que le seul grand succès, dans cet ordre, est allé au livre de Céline
650
ait est que le seul grand succès, dans cet ordre,
est
allé au livre de Céline, Voyage au bout de la nuit, chef-d’œuvre de «
651
et j’espère que le lecteur m’aura compris — ce n’
est
plus de jeux de l’esprit, d’acrobaties de psychologues, de curiosités
652
l s’agit, mais c’est du sort de l’homme tel qu’il
est
, dans son effarante et magnifique diversité. Sort menacé, comme il le
653
et magnifique diversité. Sort menacé, comme il le
fut
de tout temps, certes, mais de nos jours, plus visiblement, plus univ
654
chacun. 41. Dont le meilleur volume, à ce jour,
est
sans doute le recueil d’Essais espagnols, du grand écrivain qu’est Jo
655
recueil d’Essais espagnols, du grand écrivain qu’
est
José Ortega y Gasset, l’un des fondateurs de la République espagnole,
656
tise, comme le grand lieu commun de la peur qui s’
est
emparée des hommes. On ne nous parle plus que du « désarroi actuel ».
657
nous parle plus que du « désarroi actuel ». Il n’
est
pas d’expression plus juste, pour qui se borne à considérer notre épo
658
ires qui s’affrontent au milieu du désordre. Il n’
est
pas d’expression plus fausse, et même plus dangereuse, pour qui veut
659
t tyrannique, comme une divinité qui, depuis peu,
serait
devenue folle. Des peuples entiers s’exaltent pour une dictature qui
660
et de la lâcheté publique. Des provinces entières
sont
ruinées par des exploitations dont les bénéfices s’engloutissent en d
661
nt leur astuce à équilibrer des budgets, dont ils
seront
les seuls bénéficiaires. La corruption s’étale, flétrie avec grandilo
662
ésarroi actuel ». Croit-on vraiment que tout cela
soit
si nouveau ? Croit-on vraiment que, jusqu’à ces dernières années, la
663
es hommes ? Croit-on vraiment que le « désarroi »
soit
seulement « actuel » et ne veut-on parler de « désarroi » que lorsque
664
es valeurs boursières et la tranquillité publique
sont
menacées ? La vérité, c’est que la situation du monde a été de tout t
665
es ? La vérité, c’est que la situation du monde a
été
de tout temps désespérée. Seulement, maintenant, cela se voit. Depuis
666
llénaire dont les périodes dites « prospères » ne
sont
que les temps de répit, souvent déshonorés par la culture des illusio
667
s de la révolte. L’histoire du monde, bien loin d’
être
l’histoire d’un progrès continu, nous apparaît plutôt comme une solen
668
t, certaines époques ont connu la grandeur. Ce ne
furent
pas les moins corrompues de l’histoire, mais celles où la corruption
669
histoire, mais celles où la corruption permanente
fut
ouvertement reconnue, dénoncée et battue en brèche. Notre époque, ell
670
rdre » qui couvait sous des apparences paisibles,
est
soudain devenu flagrant. Il promène par les rues de nos villes europé
671
éclame qui parlent un langage clair. Jamais il ne
fut
plus facile de reconnaître les choix nécessaires. Désordre, oui, et p
672
s grand que jamais. Désarroi ? Non. Les doctrines
sont
contradictoires ? Les évaluations morales sont devenues presque impos
673
es sont contradictoires ? Les évaluations morales
sont
devenues presque impossibles ? Oui, certes ! Sur le plan de la connai
674
aire apparaît avec une netteté qui, je le répète,
est
la chance de notre époque. Je voudrais décrire cette époque, telle qu
675
répète que les événements nous dominent et qu’ils
sont
incompréhensibles et impensables. Ce n’est pas vrai ! C’est encore un
676
u’ils sont incompréhensibles et impensables. Ce n’
est
pas vrai ! C’est encore un vieux raisonnement que nous connaissons tr
677
t faire, nous répondent : Attention ! le problème
est
plus complexe ! Non, les problèmes ne sont pas si complexes, en réali
678
roblème est plus complexe ! Non, les problèmes ne
sont
pas si complexes, en réalité, ou s’ils le sont, osons les simplifier.
679
ne sont pas si complexes, en réalité, ou s’ils le
sont
, osons les simplifier. Ce qui est difficile, ce n’est pas de voir le
680
é, ou s’ils le sont, osons les simplifier. Ce qui
est
difficile, ce n’est pas de voir le vrai, c’est d’oser les actes qu’il
681
osons les simplifier. Ce qui est difficile, ce n’
est
pas de voir le vrai, c’est d’oser les actes qu’il faut, et que nous c
682
garde contre un « certain esprit simpliste », qui
est
, au vrai, l’esprit de décision et d’engagement concret dont nous avon
683
des complexités que nous créons à plaisir, qui ne
sont
pas dans la situation et qui sont autant de prétextes à refuser de pr
684
plaisir, qui ne sont pas dans la situation et qui
sont
autant de prétextes à refuser de prendre position, comme si ce n’étai
685
xtes à refuser de prendre position, comme si ce n’
était
pas là, déjà, prendre une position, mais à coup sûr, la pire ! Nous n
686
ne position, mais à coup sûr, la pire ! Nous nous
sommes
laissés endormir. Nos maîtres les plus respectés ont été trop souvent
687
ssés endormir. Nos maîtres les plus respectés ont
été
trop souvent pour nous des professeurs d’abstention distinguée, des g
688
efuge idéal. Ne nous en plaignons pas : le risque
est
la santé de la pensée. ⁂ Destin du siècle ! Expression curieuse et b
689
eut avoir un destin, un homme seul, en tant qu’il
est
différent des autres hommes. Napoléon, César, Lénine ont un destin. M
690
la mesure où chacun de nous possède une raison d’
être
, quelle qu’elle soit, une servitude particulière, une passion qui est
691
de nous possède une raison d’être, quelle qu’elle
soit
, une servitude particulière, une passion qui est bien à lui, une voca
692
soit, une servitude particulière, une passion qui
est
bien à lui, une vocation. Si l’on admet facilement de nos jours, qu’u
693
’attribuer une sorte de valeur indépendante à des
êtres
collectifs. Je m’explique. Quand nous disons : le siècle, le xxe siè
694
ui englobe toute l’humanité, et dont les éléments
sont
presque tous de nature collective. L’histoire d’un siècle, c’est l’hi
695
races, des entreprises publiques ou privées. Ce n’
est
que très accessoirement l’histoire des personnes, de quelques génies,
696
destin du siècle, c’est le destin des ismes, qui
sont
— en fin de compte — des abstractions. Et je le répète, pour que ces
697
s, les destins. Notre siècle, en tant que siècle,
est
athée, totalement athée, et consciemment athée. Mais, en même temps,
698
e, et consciemment athée. Mais, en même temps, il
est
polythéiste et superstitieux au dernier degré. La grande majorité de
699
us, nous leur obéissons, et certains d’entre nous
sont
prêts à leur sacrifier leur vie même. Les noms de ces divinités, vous
700
s de ces divinités, vous les connaissez bien : ce
sont
l’État, la nation, la classe, la race, l’argent et l’opinion publique
701
n publique. Elles ont encore un autre nom, et qui
est
commun à toutes : c’est le Nombre, c’est peut-être Légion… Sans doute
702
es dieux pour cette espèce-là d’incroyants, et ce
sont
, par exemple, l’opinion publique et la presse, auxquelles nul d’entre
703
ue nous prouvent abondamment leurs exigences, qui
sont
la foi aveugle et les sacrifices humains. Ces dieux ont même leur thé
704
entendu, et dont les deux disciplines principales
sont
l’Histoire et la Sociologie. Nous trouverons les meilleurs exemples
705
taquable, une fois les prémisses admises. Quelles
sont
ces prémisses ? La principale, c’est que toute notre idéologie, toute
706
Trotski, s’explique entièrement par le fait qu’il
était
, à la fin de la guerre, caporal dans l’armée allemande. Son idéologie
707
es petits gradés d’une armée vaincue. L’hypothèse
est
séduisante, vraisemblable même. Que répondra Hitler ? Il répondra que
708
ki, s’explique simplement par le fait que Trotski
est
un Juif. Voilà, n’est-ce pas, deux points de vue inconciliables et co
709
ent par le fait que Trotski est un Juif. Voilà, n’
est
-ce pas, deux points de vue inconciliables et contradictoires ! Sur le
710
ertaine violence, mais par rapport à l’homme, ils
sont
absolument semblables et nous pouvons les renvoyer dos à dos. L’un et
711
l’autre tendent à nous faire croire que l’homme n’
est
rien, mais moins que rien, et que tout ce qui se passe dans le monde
712
nt à notre volonté et sur lesquelles nos révoltes
sont
sans prise, puisque ces révoltes sont elles-mêmes prévues et détermin
713
os révoltes sont sans prise, puisque ces révoltes
sont
elles-mêmes prévues et déterminées par notre classe [ou] notre race.
714
es et qu’ils ont exposé leurs vies. Enfin, qu’ils
sont
animés par une foi constructive que bien des jeunes bourgeois railleu
715
à savoir si la foi des marxistes et des racistes
est
vraie. Sur quoi se fonde-t-elle ? Quelles réalités sont à la base ? D
716
raie. Sur quoi se fonde-t-elle ? Quelles réalités
sont
à la base ? De l’aveu même des sociologues marxistes ou hitlériens, c
717
même des sociologues marxistes ou hitlériens, ce
sont
des réalités générales, d’ordre statistique ; des considérations, par
718
pement économique des siècles passés, quand ce ne
sont
pas des statistiques de phrénologues. Ce sont toujours des réalités p
719
ne sont pas des statistiques de phrénologues. Ce
sont
toujours des réalités passées, historiques, achevées, mortes comme to
720
bien se fonder une loi historique ? Sur ce qui a
été
fait. Toute loi qu’on découvre dans la société humaine repose sur le
721
par exemple, un ivrogne qui s’arrête de boire, ne
fût
-ce que pour faire mentir le proverbe. Les lois générales, économiques
722
rbe. Les lois générales, économiques ou sociales,
sont
toujours justes, dans la mesure où nous démissionnons de notre rôle d
723
omme descend du singe, les autres croient qu’il a
été
créé par Dieu. Ils se disputent énormément. Je crois qu’ils ont tort
724
’ils ont raison les uns et les autres. Ma théorie
est
la suivante : ceux qui pensent que l’homme descend du singe, descende
725
r Dieu, et qui, eux, croient et savent qu’ils ont
été
créés par Dieu. » Cette petite histoire ne s’applique pas seulement a
726
ssi bien aux partisans de Marx et de Gobineau. Il
est
tout à fait vrai que les adeptes du marxisme et du racisme sont entiè
727
it vrai que les adeptes du marxisme et du racisme
sont
entièrement dominés par la classe ou la race, et c’est perdre son tem
728
fatalement, si on le laisse tomber. En cela, ils
sont
peut-être supérieurs aux libéraux et aux dilettantes qui tombent, eux
729
qu’ils aient le droit de disposer de nos vies, je
suis
bien obligé de reconnaître qu’en fait, ils nous dominent. Ne fût-ce q
730
de reconnaître qu’en fait, ils nous dominent. Ne
fût
-ce que par le moyen de la presse. On peut dire, sans exagérer, que le
731
qui prélude à toute guerre moderne bien comprise
serait
impossible. Sans eux, les partis politiques seraient sans force, les
732
erait impossible. Sans eux, les partis politiques
seraient
sans force, les luttes sociales perdraient beaucoup de leur violence.
733
, avec l’argent nous n’en finirions pas. L’argent
est
partout, il est dans tout, il est tout et tous le servent. ⁂ Destin
734
nous n’en finirions pas. L’argent est partout, il
est
dans tout, il est tout et tous le servent. ⁂ Destin du siècle, desti
735
s pas. L’argent est partout, il est dans tout, il
est
tout et tous le servent. ⁂ Destin du siècle, destin des ismes, dévor
736
emise brune. On nous dit que la vie, en Amérique,
est
impossible, parce que tous les appartements sont pareils et qu’un hom
737
, est impossible, parce que tous les appartements
sont
pareils et qu’un homme n’a pas le droit de sortir dans la rue coiffé
738
e sans destin, un homme sans vocation ni raison d’
être
, un homme dont le monde n’exigeait rien. Cet être-là, fatalement, dev
739
être, un homme dont le monde n’exigeait rien. Cet
être
-là, fatalement, devait désespérer de soi-même et de tout. Et nous vîm
740
onne à servir. C’est l’état le plus dégradant qui
soit
. On vit alors, chez les meilleurs de ces jeunes gens, se déclarer une
741
ement dans quelque troupe d’assaut. En vérité, ce
serait
une erreur insondable que de voir le salut de notre époque dans un re
742
re époque dans un retour à l’individu. L’individu
est
l’origine la plus certaine du triomphe des masses. C’est parce que l’
743
s masses. C’est parce que l’individu des libéraux
était
sans destin, qu’il a cru au destin des autres ; c’est parce qu’il n’a
744
e. On me dira que la solidarité entre les peuples
est
désormais un fait acquis, une réalité économique. Nous devons au prog
745
sprit, lorsqu’on vous dit que désormais « tout se
tient
» dans le monde, c’est l’exemple suivant : le krach d’une banque à Pa
746
lliers d’ouvriers annamites. Oui, certes, tout se
tient
désormais. Mais la solidarité des masses est toujours une solidarité
747
se tient désormais. Mais la solidarité des masses
est
toujours une solidarité catastrophique. Oui, le destin du siècle, le
748
solitude. J’ai terminé ma description du siècle.
Est
-elle pessimiste à l’excès ? Ce n’est pas cela qu’il nous importe de s
749
n du siècle. Est-elle pessimiste à l’excès ? Ce n’
est
pas cela qu’il nous importe de savoir. Si j’ai simplifié le tableau,
750
personnel ? Irresponsable ou responsable ? Telle
est
, je crois, en définitive, la question simple que nous pose l’époque.
751
ifs, cette fois. Les dieux, les mythes du siècle,
sont
tout-puissants sur nous. Dénoncer leurs méfaits, ce n’est pas encore
752
-puissants sur nous. Dénoncer leurs méfaits, ce n’
est
pas encore leur échapper. Les nier purement et simplement, ou désirer
753
désirer leur destruction, c’est de l’utopie. Ils
sont
là, et ils ont probablement leur raison d’être. La classe, la race, j
754
ls sont là, et ils ont probablement leur raison d’
être
. La classe, la race, jouent dans le monde le même rôle que l’instinct
755
de compter avec eux. Mais compter avec eux, ce n’
est
pas les diviser, ni abdiquer sous leur implacable destin. Ceux qui l’
756
vers une nouvelle communauté humaine. Mais ils se
sont
cruellement trompés de porte en s’adressant aux mythes collectifs. C’
757
oublié ce fait très simple : que la société doit
être
composée d’hommes réels. Nous avons tout calculé, sauf ce qui est en
758
ommes réels. Nous avons tout calculé, sauf ce qui
est
en effet incalculable : l’acte de l’homme. Mais le temps vient où les
759
f l’essentiel. Voici notre dilemme : voulons-nous
être
des éléments de statistique, ou bien des hommes de chair et de sang,
760
ais connaissant aussi leur dignité, leur raison d’
être
personnelle ? Voulons-nous être des personnes ? Voilà le mot lâché. J
761
té, leur raison d’être personnelle ? Voulons-nous
être
des personnes ? Voilà le mot lâché. Je connais la réaction qui l’accu
762
rien à proposer que votre chétive personne ? Vous
serez
emportés comme les autres. Votre réaction est disproportionnée au dan
763
s serez emportés comme les autres. Votre réaction
est
disproportionnée au danger. Et d’ailleurs qu’est-ce que cette personn
764
est disproportionnée au danger. Et d’ailleurs qu’
est
-ce que cette personne, dont on nous parle tant depuis quelques années
765
t surtout dans les cercles de L’Ordre nouveau. Qu’
est
-ce que la personne ? Permettez-moi de renverser la question : Qu’est-
766
nne ? Permettez-moi de renverser la question : Qu’
est
-ce que ces dieux et ces mythes collectifs ? J’ai essayé de vous montr
767
s collectifs ? J’ai essayé de vous montrer qu’ils
sont
des créations de l’homme, et particulièrement de ce personnage égoïst
768
nt son destin. Eh bien ! la personne à son tour n’
est
rien d’autre que l’attitude créatrice de l’homme. Tout, en définitive
769
révolutions, enfin réelles, elle prépare. Mais ce
serait
là une autre conférence. ⁂ Il reste une question grave, une question
770
oudrais y répondre ici en mon nom personnel. Quel
est
donc, nous dit-on, le fondement réel de la personne ? Est-ce une vue
771
, nous dit-on, le fondement réel de la personne ?
Est
-ce une vue philosophique ? Est-ce une attitude nietzschéenne ? Est-ce
772
l de la personne ? Est-ce une vue philosophique ?
Est
-ce une attitude nietzschéenne ? Est-ce un choix subjectif ? Vous préf
773
ilosophique ? Est-ce une attitude nietzschéenne ?
Est
-ce un choix subjectif ? Vous préférez l’homme créateur à l’homme qui
774
nous le désigne, bien plus : il nous ordonne de l’
être
. Et voilà la réalité décisive. Tous, nous avons reçu de Dieu cet ordr
775
une vocation personnelle. Personne et vocation ne
sont
point séparables. Et toutes deux ne sont possibles que dans cet acte
776
ation ne sont point séparables. Et toutes deux ne
sont
possibles que dans cet acte unique d’obéissance à l’ordre de Dieu, qu
777
: acte, et il faut insister là-dessus. Le monde s’
est
emparé des paroles du Christ et il les a complètement perverties. On
778
n a transporté dans l’histoire cet amour qui doit
être
un acte, une présence et un engagement immédiat. Acte, présence et en
779
ne, mais aussi ce que Jésus-Christ nous ordonne d’
être
: le prochain. Lorsque les docteurs de la loi voulurent éprouver Jésu
780
s, l’un d’entre eux se leva et lui dit : Mais qui
est
mon prochain ? Ce docteur se disait sans doute : aimer son prochain,
781
la miséricorde. Cet acte, en chacun de nous, peut
être
vainqueur de l’Histoire. Cet acte, à chaque fois qu’il nous est donné
782
de l’Histoire. Cet acte, à chaque fois qu’il nous
est
donné de le faire, rétablit le rapport humain, fonde notre destin per
783
siècle, lui seul atteint le mal à sa racine, qui
est
en nous, qui est au fond de notre désespoir. Les grandes lois histori
784
atteint le mal à sa racine, qui est en nous, qui
est
au fond de notre désespoir. Les grandes lois historiques et révolutio
785
lles ne pénètrent jamais dans l’intimité de notre
être
, là où réside le désespoir de l’homme qui ne connaît pas son destin.
786
près tout, l’homme désespéré, ce qu’il veut, ce n’
est
pas une explication du désespoir qui le possède, mais c’est une conso
787
, c’est littéralement : rendre complet, unifier l’
être
, réunir. L’homme désespéré, l’homme sans vocation personnelle, c’est
788
nnelle, c’est un homme incomplet, désuni. Et ce n’
est
pas la connaissance intellectuelle du destin de sa classe ou de sa ra
789
onne davantage de ce qu’on trouve cela normal. Ce
fut
toujours le cas, me dira-t-on ? Mais ce n’est point partout le cas. L
790
Ce fut toujours le cas, me dira-t-on ? Mais ce n’
est
point partout le cas. L’exemple de l’Allemagne peut nous faire réfléc
791
même les théologiens. Le Römerbrief, de Barth, en
est
au 20e mille. Un Keyserling, un Heidegger, un Karl Jaspers ont, dès l
792
’on nomme les « courriéristes littéraires ». Ce n’
est
un secret pour personne qu’ils contribuent pour beaucoup à déterminer
793
n régulier dans un hebdomadaire ou un quotidien n’
est
, en réalité, pas un critique, mais un commentateur des goûts de son p
794
signaler les œuvres qui risqueraient, sans lui, d’
être
incomprises ou ignorées, il se contente, la plupart du temps, d’être
795
ignorées, il se contente, la plupart du temps, d’
être
l’écho de la vague rumeur entretenue par la publicité autour d’un « s
796
sent plus. Le public se figure que la philosophie
est
une activité qui ne le concerne pas. Il ne nie pas sa valeur intrinsè
797
deinde philosophari. Cynisme ou naïveté ? Car il
est
évident que cette phrase, en fait, supprime toute philosophie. Ou bie
798
e philosophie. Ou bien le primum vivere se trouve
être
réalisé, et quel besoin alors d’un deinde. Que demander aux hommes, s
799
ions sur cet acte ; ou c’est que la philosophie n’
est
qu’illusion et mystification. Une pensée vivante, une pensée qui aide
800
e part ailleurs. Mais il faudrait d’abord qu’elle
soit
elle-même un acte43. Et c’est ici la déficience des philosophes qui s
801
s prétexte de science, la pensée de nos maîtres s’
est
tellement détachée du concret de nos vies que l’on comprend sans pein
802
omprend sans peine l’indifférence où le public la
tient
. Un philosophe « sérieux » pour l’Université c’est trop souvent un ho
803
-il penser de ces techniques d’abstention ? ⁂ Tel
est
l’état des choses. Public et philosophes ont si bien pris l’habitude
804
s ont si bien pris l’habitude de s’ignorer, qu’on
est
en droit de se demander si leur rencontre, à supposer qu’elle se prod
805
longtemps dépourvue de tout contrôle spirituel. N’
est
-ce point l’obscur pressentiment d’un tel péril qui explique, en derni
806
ant, que la collusion se produise. (L’hypothèse n’
est
pas absurde : elle s’est vérifiée en Allemagne, à propos de Spengler
807
produise. (L’hypothèse n’est pas absurde : elle s’
est
vérifiée en Allemagne, à propos de Spengler par exemple, dont on sait
808
es de l’hitlérisme.) Les risques qu’elle entraîne
sont
proprement incalculables. Qui donc voudra les encourir ? Ceux-là seul
809
es va réveiller quelques chrétiens. Leur office n’
est
-il pas de rappeler aux peuples où se trouvent les vraies valeurs, san
810
e d’autres aient tout faussé, tout compromis ? Il
est
certain que la pensée chrétienne n’a jamais eu plus impérieuse ni plu
811
te vocation. Le lieu, les modes de son obéissance
sont
plus visibles qu’ils ne le furent jamais. Si la pensée chrétienne exi
812
de son obéissance sont plus visibles qu’ils ne le
furent
jamais. Si la pensée chrétienne existe, c’est à ce seul niveau où pen
813
u où pensée et action se confondent. Si elle veut
être
digne de son nom, c’est à elle seule d’oser ce que les autres ne peuv
814
le service que la pensée chrétienne doit rendre n’
est
un service rendu au monde que si d’abord il est obéissance ? Ce ne so
815
n’est un service rendu au monde que si d’abord il
est
obéissance ? Ce ne sont pas les catastrophes qui devraient effrayer l
816
au monde que si d’abord il est obéissance ? Ce ne
sont
pas les catastrophes qui devraient effrayer le chrétien, mais le risq
817
degger. On sait que la coutume de ces philosophes
est
de fonder leurs analyses sur des totalités, sur des unités d’expérien
818
Nietzsche, on s’en souvient46, l’amour chrétien n’
est
que « la fine fleur du ressentiment » que les natures faibles vouent
819
ée dans l’affirmation paradoxale que les premiers
seront
les derniers, ou que la vraie noblesse réside dans la misère. C’est c
820
appellent Dieu). Ce qu’il y a d’inoffensif chez l’
être
faible, sa lâcheté, cette lâcheté dont il est riche et qui, chez lui,
821
l’être faible, sa lâcheté, cette lâcheté dont il
est
riche et qui, chez lui, fait antichambre, et attend à la porte, inévi
822
ennemis » et l’on « sue à grosses gouttes ». Il
est
facile de dire que Nietzsche exagère ; plus difficile de contester la
823
sans réserve —, il reste à voir si les causes en
sont
bien celles que Nietzsche allègue. Pour Scheler, les reproches de Nie
824
able et précis. Voici sa thèse centrale : nous en
sommes
venus à substituer « l’amour de l’humanité » à l’amour du prochain co
825
us ne voulons plus l’acte d’amour personnel — qui
est
une valeur héroïque —, mais nous prônons tout simplement un sentiment
826
e miséricorde ; une pitié veule et platonique qui
est
le contraire du courage et non pas de la cruauté ; un internationalis
827
on pas de la cruauté ; un internationalisme qui n’
est
qu’une rancune contre la patrie ; un pacifisme qui traduit bien plus
828
ui renie la réalité chrétienne de la vocation… Je
suis
loin d’épuiser la liste. L’extrême gravité que présentent ces pervers
829
s de l’Évangile vient de ce que les chrétiens s’y
sont
laissés prendre. C’est tout le procès de la morale laïque, ou kantien
830
u) recommandée aux pauvres, et aux pauvres seuls,
est
désormais une vertu sans lien avec la notion de sacrifice ou avec l’i
831
évolte contre Dieu. L’homme du ressentiment, ce n’
est
pas le chrétien, c’est le bourgeois dont la morale usurpe l’apparence
832
aine de l’Évangile et de ses exigences concrètes.
Est
-il besoin de marquer, pour finir, que cette critique de l’esprit bour
833
ent le socialisme humanitaire et le marxisme, qui
sont
, à tant d’égards, de simples aveux des tendances plus ou moins déguis
834
il écrivait L’Homme du ressentiment 47, M. Marcel
est
catholique. Sa méditation sur le Mystère ontologique est la première
835
holique. Sa méditation sur le Mystère ontologique
est
la première œuvre philosophique qu’il ait publiée depuis sa conversio
836
phique qu’il ait publiée depuis sa conversion. On
est
heureux de constater qu’elle marque un élargissement en même temps qu
837
e, par rapport au Journal métaphysique. M. Marcel
est
un de ceux dont nous devons attendre qu’il fasse passer de l’air dans
838
ssées de la scolastique laïque. Nos après-venants
seront
sans doute fort étonnés d’apprendre qu’il fallait, en 1934, un courag
839
ême dire que la possibilité permanente du suicide
est
en ce sens48 le point d’amorçage peut-être essentiel de toute pensée
840
objet d’approcher le mystère indéfinissable de l’
être
. « Il faut qu’il y ait, dit M. Marcel, ou il faudrait qu’il y eût de
841
t, dit M. Marcel, ou il faudrait qu’il y eût de l’
être
, que tout ne se réduisît pas à un jeu d’apparences successives et inc
842
es successives et inconsistantes — ce dernier mot
est
essentiel — ou, pour reprendre la phrase de Shakespeare, à une histoi
843
par suite, de s’interroger sur les sources de son
être
. Les philosophes lui sont de peu de recours. Ils ont fait de l’être u
844
sur les sources de son être. Les philosophes lui
sont
de peu de recours. Ils ont fait de l’être un problème qu’ils placent
845
hes lui sont de peu de recours. Ils ont fait de l’
être
un problème qu’ils placent devant eux et qu’ils se mettent à critique
846
x et qu’ils se mettent à critiquer, comme s’ils n’
étaient
pas eux-mêmes en jeu ! Mais, dit l’auteur, « je ne puis me dispenser
847
is me dispenser de me demander du même coup : qui
suis
-je, moi qui questionne sur l’être ? »49 (p. 264). Le problème devien
848
même coup : qui suis-je, moi qui questionne sur l’
être
? »49 (p. 264). Le problème devient alors tout autre chose qu’un pro
849
elle-même une sorte de participation concrète à l’
être
. Démarche négative du désespoir, positive de l’espérance, — elles son
850
ve du désespoir, positive de l’espérance, — elles
sont
inséparables jusqu’au bout, note M. Marcel, qui m’apparaît ici très «
851
de la création qui va toujours dans le sens de l’
être
, à condition qu’elle soit soutenue par une fidélité que l’auteur défi
852
jours dans le sens de l’être, à condition qu’elle
soit
soutenue par une fidélité que l’auteur définit comme « une présence a
853
ité paradoxale : « parce que l’âme sait qu’elle n’
est
pas à elle-même, et que le seul usage entièrement légitime qu’elle pu
854
cret de cette méditation. Si son mérite principal
est
à mes yeux d’avoir revalorisé un certain nombre de motifs vitaux négl
855
assurent que les problèmes débattus dans ce livre
sont
de ceux qui se posent ; non point de ceux que l’on se plaît à poser g
856
: quelques-uns des fondements d’une éthique de l’
être
qu’il est urgent que les chrétiens opposent à la « morale des commerç
857
-uns des fondements d’une éthique de l’être qu’il
est
urgent que les chrétiens opposent à la « morale des commerçants » — c
858
oppement de cette thèse : que philosopher ne peut
être
qu’une forme de vivre. 44. Librairie Gallimard, collect. Les Essais.
859
olume intitulé le Monde cassé. La première partie
est
un drame en quatre actes qui n’est pas à proprement parler une illust
860
remière partie est un drame en quatre actes qui n’
est
pas à proprement parler une illustration de l’essai, mais qui est né
861
ment parler une illustration de l’essai, mais qui
est
né dans le même temps, et participe de la même problématique (Desclée
862
ns ajouter dix-huit volumes de papiers posthumes,
fut
composée en l’espace de douze années. Le père de Kierkegaard avait pa
863
ne du Jutland. Un jour, accablé par la misère, il
était
monté sur un petit tertre et il avait maudit le Dieu tout-puissant qu
864
il l’avait donc dilapidé, surtout en dons. Sa vie
était
très simple. Il travaillait une grande partie de la nuit. Il aimait s
865
sa légende d’« original ». On savait aussi qu’il
était
le meilleur écrivain de son pays. Sa première œuvre eut un immense su
866
s hommes ». Le seul événement extérieur de sa vie
fut
la rupture de ses fiançailles avec Régine Olsen. Mais son acte, après
867
t mourir, certain d’avoir accompli sa mission, ce
fut
son attaque contre le christianisme officiel, au nom du Christ de l’É
868
avait terminé les études de théologie, mais il ne
fut
jamais pasteur. Il lui arriva pourtant de prêcher, et ses sermons, ré
869
d’édification, remplissent plusieurs volumes. Ce
furent
les seuls écrits qu’il publia sous son nom. Tous ses ouvrages esthéti
870
nsabilité devant Dieu et devant les hommes. Ce ne
fut
qu’à la fin de sa vie qu’il s’offrit sans masques à la lutte contre l
871
Nietzsche, à Dostoïevski, à Pascal. Lui-même ne s’
est
jamais comparé qu’aux grands modèles apostoliques : à saint Paul, à L
872
her, mais pour se condamner. Il affirmait qu’il n’
était
qu’un « poète à tendance religieuse » et non pas un « témoin de la vé
873
porté sur l’ensemble de ses écrits : Kierkegaard
fut
le dernier grand protestant. On ne peut le comparer qu’aux grands fon
874
de lui. La question essentielle pour Kierkegaard
était
: Comment deviendrai-je chrétien ? Seul, un protestant pouvait trouve
875
plus profonde et la plus originale de Kierkegaard
est
son Concept de l’angoisse, auquel on ne peut trouver d’analogie que c
876
hez Dostoïevski. Kierkegaard, d’ailleurs, ne peut
être
placé qu’à côté du poète russe. Tous deux marchent de pair, et aucun
877
s les plus dignes de formuler son opinion, et qui
sont
pleins d’amères protestations contre le règne de la masse et les outr
878
’individu, les Puissances anonymes et le Standard
seraient
en voie de triompher, et ce serait aux dépens de l’humain. Au sein de
879
le Standard seraient en voie de triompher, et ce
serait
aux dépens de l’humain. Au sein de cette crise que l’on dit sans préc
880
s titres à l’existence vient-il produire ? Car il
est
excellent de défendre son moi, surtout lorsqu’il détient plus de réal
881
ue l’anonyme. Mais encore, il faudrait que ce moi
fût
fondé. Ce n’est pas évident de soi, si l’on peut dire : les marxistes
882
is encore, il faudrait que ce moi fût fondé. Ce n’
est
pas évident de soi, si l’on peut dire : les marxistes le nient avec p
883
e disent les collectivistes ? Que le grand nombre
est
plus précieux que le petit : Que la vie de l’esprit n’est possible qu
884
précieux que le petit : Que la vie de l’esprit n’
est
possible que si l’on a d’abord assuré l’autre vie, la vie des corps,
885
nditions physiques de l’existence. Que la justice
est
dans l’égalité de tous, et la vertu dans l’opinion publique. Que l’hi
886
Que la révolte, enfin, d’un seul contre la foule
serait
la marque d’un affreux orgueil, si d’abord elle ne témoignait d’un ri
887
défi collectiviste. Il soutient que le solitaire
est
plus grand que la foule anonyme, que la vie de l’esprit n’est possibl
888
nd que la foule anonyme, que la vie de l’esprit n’
est
possible que si l’on a d’abord renoncé à l’autre vie ; que les lois d
889
ncé à l’autre vie ; que les lois de l’histoire ne
sont
rien si l’acte de l’homme les dément ; que la foi d’un seul est plus
890
acte de l’homme les dément ; que la foi d’un seul
est
plus forte, dans son humilité et devant Dieu, — car c’est la foi, — q
891
in, et la vertu, n’ont aucune réalité si chacun n’
est
pas à sa place là où la vocation de Dieu l’a mis. Supposez qu’un tel
892
existe. Que va-t-on faire de lui, de ce héros, n’
est
-ce pas, des valeurs de l’esprit que justement l’on fait profession de
893
ommencera par mettre en doute son sérieux : « Qui
est
le docteur Søren Kierkegaard ? C’est l’homme dépourvu de sérieux », l
894
ngs. On montrera sans trop de peine que ses idées
sont
faites pour rendre la vie impossible, puisqu’elles impliquent le mart
895
tiens, comme si la religion, de toute éternité, n’
était
pas au contraire la façon la plus sage de supporter les maux de ce ba
896
e de supporter les maux de ce bas monde tel qu’il
est
! L’Église, par la voix de ses évêques, tentera de prouver qu’il extr
897
on fol orgueil : n’a-t-il pas écrit que la presse
est
de nos jours l’obstacle décisif à la prédication du christianisme vér
898
it à Copenhague, en l’année 1855. Depuis lors, il
est
vrai, les choses ont bien changé. On dirait même qu’elles sont au pir
899
s choses ont bien changé. On dirait même qu’elles
sont
au pire, mais il faut prendre garde de laisser croire à nos contempor
900
croire à nos contemporains que ce pire ne puisse
être
aggravé, si tant est qu’ils s’y abandonnent. Qu’est-ce que l’espri
901
rains que ce pire ne puisse être aggravé, si tant
est
qu’ils s’y abandonnent. Qu’est-ce que l’esprit ? Donc, on nous
902
ggravé, si tant est qu’ils s’y abandonnent. Qu’
est
-ce que l’esprit ? Donc, on nous parle de sauver l’esprit. Qu’est-c
903
t ? Donc, on nous parle de sauver l’esprit. Qu’
est
-ce que l’esprit ? « L’esprit, dit Kierkegaard, c’est la puissance que
904
le savoir d’un homme exerce sur sa vie.52 » Ce n’
est
pas le savoir ; ce n’est pas la puissance, mais la puissance du savoi
905
rce sur sa vie.52 » Ce n’est pas le savoir ; ce n’
est
pas la puissance, mais la puissance du savoir en exercice. Il y a bie
906
duire à la ruine ou peut-être même au martyre. Ne
soyez
donc pas si pressés de défendre les « droits » de l’esprit : ce n’est
907
sés de défendre les « droits » de l’esprit : ce n’
est
pas une distinction. Et lequel d’entre nous peut dire qu’il a calculé
908
faudrait bien savoir de quoi l’on parle, et ce n’
est
peut-être possible que si l’on sait bien où l’on va. À quoi tend la p
909
opinion publique, il proteste en faveur de ce qui
est
« original » ; contre l’emportement des multitudes, il revendique la
910
font vivre, cette solitude première devant Dieu,
est
-ce bien cela que revendiquent les défenseurs du primat de l’esprit ?
911
t les défenseurs du primat de l’esprit ? L’esprit
est
drame, attaque et risque. Et l’on peut douter qu’ils y croient, ceux
912
on ferait bien d’aller à ceux pour qui l’esprit n’
est
pas une espèce de confort, mais une aventure absolue et comme un juge
913
eut-être leurs souffrances seulement. Mais s’il n’
est
pas de hiérarchie possible en ces parages, le sacrifice y tient lieu
914
le sacrifice y tient lieu de mesure, parce qu’il
est
un acte, incontestable. Telle est la nouvelle grandeur, la nouvelle m
915
re, parce qu’il est un acte, incontestable. Telle
est
la nouvelle grandeur, la nouvelle mesure de l’esprit. Nous irons donc
916
ée d’un autre siècle avait tué. C’est aussi qu’il
est
devenu possible de saisir, dans le déploiement des faits, et des plus
917
os malheurs, nous retournons à l’origine où il se
tient
, nous mettons en lui notre espoir de trouver un autre chemin : un che
918
is à nous-mêmes devant Dieu. ⁂ Søren Kierkegaard
est
sans doute le penseur capital de notre époque, nous voulons dire : l’
919
ion la plus absolue, la plus fondamentale qui lui
soit
faite, une figure littéralement gênante, un rappel presque insupporta
920
pour apaiser ce regard qui nous perce, et si nous
sommes
sourds à sa voix, comment étouffer le scandale de cette mort qui défi
921
eur du progrès, car tout l’honneur de notre temps
sera
peut-être, par une compensation mystérieuse, d’avoir compris mieux qu
922
s les rangs des troupes d’assaut. Ah ! si le rire
est
le propre de l’homme, nous voici devenus bien inhumains ! Il semble q
923
as-tu souffert pour ta doctrine ? Tu souffres, il
est
vrai, mais n’est-ce point justement pour ces choses que ta doctrine t
924
ur ta doctrine ? Tu souffres, il est vrai, mais n’
est
-ce point justement pour ces choses que ta doctrine te montre vaines ?
925
la question brûlante, c’est de savoir si toi, tu
es
chrétien, ou bien tu vitupères les sans-Dieu de Russie. Mais sais-tu
926
it, exactement comme si l’Esprit n’existait pas !
Serons
-nous des témoins ou des espions craintifs ? Attendrons-nous toujours
927
il de la masse » pour affirmer que tous ces dieux
sont
des faux dieux ? Mais sont-ils des faux dieux pour nous ? Appelons-no
928
mer que tous ces dieux sont des faux dieux ? Mais
sont
-ils des faux dieux pour nous ? Appelons-nous vraiment l’esprit ? Mais
929
l’esprit », c’est bien moins dangereux ; tous en
seront
… « Deux questions — dit encore Kierkegaard — témoignent de l’esprit :
930
témoignent de l’esprit : 1) Ce qu’on nous prêche,
est
-ce possible ? 2) Puis-je le faire ? Deux questions témoignent de l’ab
931
uestions témoignent de l’absence de l’esprit : 1)
Est
-ce réel ? 2) Mon voisin Christofersen l’a-t-il fait ? l’a-t-il réelle
932
est alors que paraît le rire de Kierkegaard. Ce n’
est
pas le rire d’un Molière : Molière fait rire la foule au dépens de l’
933
« On peut leur faire faire ce qu’on veut, que ce
soit
le bien ou le mal, une seule condition leur importe : qu’ils soient t
934
le mal, une seule condition leur importe : qu’ils
soient
toujours comme tous les autres, qu’ils imitent, et n’agissent jamais
935
l’originalité. « Voilà pourquoi la Parole de Dieu
est
telle qu’on y trouve quelque passage qui dise le contraire d’un autre
936
kegaard se recompose. Et l’on voit que son rire n’
est
rien que la douleur du témoin de l’Esprit au milieu de la foule. L
937
la catégorie du solitaire ». Bien des malentendus
seraient
ici possibles ; que l’on écarte, au premier pas, trois mots qui fauss
938
ssent tout : anarchie, romantisme, individu. Il n’
est
que de les mesurer à la réalité dernière de l’homme. Qu’est-ce que l’
939
les mesurer à la réalité dernière de l’homme. Qu’
est
-ce que l’homme ? Une créature. Qu’est-ce que son ordre ? La loi du Cr
940
l’homme. Qu’est-ce que l’homme ? Une créature. Qu’
est
-ce que son ordre ? La loi du Créateur. Le solitaire que Kierkegaard a
941
le nomme et par là le sépare, autrement l’homme n’
est
rien qu’un exemplaire dans le troupeau. Le solitaire devant Dieu, c’e
942
in de compte, imaginaire. Car l’ordre de ce monde
est
lui-même en révolte contre l’ordre reçu de Dieu, qui sera l’Ordre du
943
-même en révolte contre l’ordre reçu de Dieu, qui
sera
l’Ordre du Royaume. Et nier une négation, c’est s’enfoncer dans le né
944
oncer dans le néant. Seule la révolte du chrétien
est
position, obéissance. Si donc l’appel de Dieu isole du monde un homme
945
« Ne vous conformez pas à ce siècle présent, mais
soyez
transformés », dit saint Paul. Le solitaire devant Dieu, c’est celui
946
aul. Le solitaire devant Dieu, c’est celui qui se
tient
à l’origine de sa réalité. Celui-là seul connaît sa fin et l’ordre ét
947
vie. Celui-là seul peut juger de ce monde, et s’y
tenir
comme n’étant pas tenu. Il n’est pas d’autre « réaction » contre « le
948
seul peut juger de ce monde, et s’y tenir comme n’
étant
pas tenu. Il n’est pas d’autre « réaction » contre « le siècle », pas
949
juger de ce monde, et s’y tenir comme n’étant pas
tenu
. Il n’est pas d’autre « réaction » contre « le siècle », pas d’autre
950
monde, et s’y tenir comme n’étant pas tenu. Il n’
est
pas d’autre « réaction » contre « le siècle », pas d’autre révolution
951
réatrice. Et tous nos appels à l’esprit, s’ils ne
sont
pas ce retour au Réel, ne sont que poursuite du vent, défection ou or
952
l’esprit, s’ils ne sont pas ce retour au Réel, ne
sont
que poursuite du vent, défection ou orgueil fantastique. Le solita
953
u passé, au collectif, à l’avenir, et tout cela n’
est
rien que fuite devant notre éternel présent, et tout cela n’est que m
954
uite devant notre éternel présent, et tout cela n’
est
que mythologie. Les dieux du siècle ont l’existence qu’on leur prête
955
cle ont l’existence qu’on leur prête : hélas ! il
serait
faux de dire qu’ils n’en ont pas… Mais encore une fois, ce n’est pas
956
e qu’ils n’en ont pas… Mais encore une fois, ce n’
est
pas échapper aux chimères publiques que de les dénoncer pour telles e
957
sme agressif, ou désespoir du démoniaque qui veut
être
soi-même, « en haine de l’existence et selon sa misère ». Cette révol
958
l’existence et selon sa misère ». Cette révolte n’
est
pas fondée dans la transformation effective du monde. Elle participe
959
e ruine. Le solitaire qui condamne « la masse » n’
est
un aristocrate que s’il ne veut pas l’être. C’est qu’il se fonde sur
960
sse » n’est un aristocrate que s’il ne veut pas l’
être
. C’est qu’il se fonde sur sa vocation, et qu’il ne peut être lui-même
961
qu’il se fonde sur sa vocation, et qu’il ne peut
être
lui-même que par le droit divin de la Parole qui le distingue. Suprêm
962
l’orgueil trouverait-il encore à se loger chez un
être
à ce point simplifié qu’il n’est plus rien qu’obéissance dans la mesu
963
e loger chez un être à ce point simplifié qu’il n’
est
plus rien qu’obéissance dans la mesure où il agit, et pénitence dans
964
dépasse ? Si Kierkegaard condamne la foule, ce n’
est
point qu’il la craigne, ou qu’il craigne d’y perdre le pauvre moi des
965
flattons, et elle nous reconnaît pour siens. Elle
est
le lieu de rendez-vous des hommes qui se fuient, eux et leur vocation
966
ommes qui se fuient, eux et leur vocation. Elle n’
est
personne, et tire de là son assurance dans le crime. « Il ne s’est pa
967
tire de là son assurance dans le crime. « Il ne s’
est
pas trouvé un seul soldat pour oser porter la main sur Caïus Marius,
968
pour oser porter la main sur Caïus Marius, telle
est
la vérité. Mais trois ou quatre femmes, dans l’illusion d’être une fo
969
é. Mais trois ou quatre femmes, dans l’illusion d’
être
une foule et que personne peut-être ne saurait dire qui l’avait fait
970
raient eu, ce courage ! Ô mensonge ! » La foule n’
est
rien que la fuite de chaque homme devant la responsabilité de son act
971
nt la responsabilité de son acte. « Car une foule
est
une abstraction, qui n’a pas de mains, mais chaque homme isolé a, dan
972
et lorsqu’il porte ces deux mains sur Marius, ce
sont
ses mains, non celles de son voisin et non celles de la foule qui n’a
973
et cracher au visage du Fils de Dieu ? Mais qu’il
soit
foule, il aura ce « courage », — il l’a eu. Il faut aller plus loin.
974
— il l’a eu. Il faut aller plus loin. La foule n’
est
pas dans la rue seulement. Elle est dans la pensée des hommes de ce t
975
n. La foule n’est pas dans la rue seulement. Elle
est
dans la pensée des hommes de ce temps. Tout le génie paradoxal et réa
976
aque fois que nous disons d’un de nos dieux qu’il
est
puissant, nous témoignons de notre démission. La foule n’a pas d’autr
977
xister devant Dieu et d’exercer le pouvoir que je
suis
. Elle n’est que ma dégradation. Et toutes les « sciences » qui étudie
978
Dieu et d’exercer le pouvoir que je suis. Elle n’
est
que ma dégradation. Et toutes les « sciences » qui étudient ses « loi
979
tudient ses « lois » historiques ou sociologiques
sont
comme une inversion de la théologie, sont une théologie de la dégrada
980
ogiques sont comme une inversion de la théologie,
sont
une théologie de la dégradation. L’opposition de Kierkegaard et de He
981
a Providence. Entreprise effroyable et vaine, qui
serait
d’un comique insondable si seulement l’homme des masses ne venait auj
982
. « Le philosophe dit à bon droit que la vie doit
être
comprise en arrière, mais il oublie l’autre proposition : qu’elle doi
983
mais il oublie l’autre proposition : qu’elle doit
être
vécue en avant.60 » Semble-t-il pas que le temps court plus vite depu
984
ite. Ils n’ont pas lu Hegel, bien sûr, mais Hegel
est
dans tous nos journaux, Hegel domine le marxisme et les fascismes, et
985
s, des clercs bourgeois. Comment lui échapper ? N’
est
-il pas la voix même de cette Âme du monde, cet Esprit de la Forme qui
986
e la Forme qui se croit le Réel et qui pourtant n’
est
rien que le péché, mais le péché n’est-il pas notre réalité, notre ré
987
pourtant n’est rien que le péché, mais le péché n’
est
-il pas notre réalité, notre réalité sans cesse menacée par l’Esprit d
988
et les autres dans le passé, mais qui voudrait se
tenir
, dans l’instant, « sous le regard de Dieu », comme disent les chrétie
989
le regard de Dieu », comme disent les chrétiens. (
Est
-ce facile ? ou bien même possible ? Est-ce un effet de notre choix, o
990
rétiens. (Est-ce facile ? ou bien même possible ?
Est
-ce un effet de notre choix, ou un moment de notre vie ? Ils en parlen
991
urir à l’homme, et j’entends, à l’homme tel qu’il
est
, dans l’ordre même de son péché. Ainsi Maurras, lorsqu’il dénonce les
992
me social. « Le meilleur moyen de s’en affranchir
sera
d’en revoir l’origine. Pour voiler le présent certain, ils hypothèque
993
te de providence brute tout à fait inintelligible
est
le simple succédané de l’intelligible providence surnaturelle.61 » Ma
994
e.61 » Mais qui ne voit que cette Âme du Monde le
tient
aussi, et jusque dans son scepticisme, lorsque Maurras proclame après
995
s mythes ! « Le meilleur moyen de s’en affranchir
sera
d’en revoir l’origine. » Seul, Kierkegaard sait nous la désigner, dan
996
vité : cette attitude de l’homme qui ne veut plus
être
sujet de son action, qui l’abandonne aux lois mythiques de l’histoire
997
aard au contraire nous répète : « La subjectivité
est
la vérité. » La liberté, la dignité de l’homme, c’est qu’il soit seul
998
» La liberté, la dignité de l’homme, c’est qu’il
soit
seul le sujet de sa vie. Mais encore faut-il se garder d’entendre l’e
999
entendre l’expression au sens des romantiques. Je
suis
sujet, mais il reste à savoir d’où vient ce je, comment il peut agir.
1000
ta vie. Tu te croyais un moi : témoigne que tu n’
es
pas foule, imitation et simple objet des lois du monde. La foule atte
1001
jet des lois du monde. La foule attend : si tu la
suis
, elle te méprisera sans doute, mais c’est le sort commun, tu ne cours
1002
son premier devoir, c’est de persévérer dans son
être
agissant : en cette extrémité, le compromis se justifie… Mais si ton
1003
mité, le compromis se justifie… Mais si ton moi n’
est
pas à toi ? S’il est ta vocation reçue d’ailleurs, et si tu l’as reçu
1004
justifie… Mais si ton moi n’est pas à toi ? S’il
est
ta vocation reçue d’ailleurs, et si tu l’as reçue en vérité, tu n’as
1005
reçue en vérité, tu n’as plus à choisir, ta mort
est
derrière toi, elle n’est plus ton affaire, elle n’est plus ton angois
1006
plus à choisir, ta mort est derrière toi, elle n’
est
plus ton affaire, elle n’est plus ton angoisse. Et surtout, elle n’es
1007
derrière toi, elle n’est plus ton affaire, elle n’
est
plus ton angoisse. Et surtout, elle n’est plus cette absurdité révolt
1008
elle n’est plus ton angoisse. Et surtout, elle n’
est
plus cette absurdité révoltante que rien au monde ne pourrait permett
1009
e sobriété… Le croyant seul agit, et seul il peut
être
sujet de son action, mais c’est qu’il est, dans l’autre sens du terme
1010
l peut être sujet de son action, mais c’est qu’il
est
, dans l’autre sens du terme, « assujetti » à la Parole qui vit en lui
1011
C’est dans ce sens que la formule de Kierkegaard
est
vraie. La sujétion totale est seule active. Elle est aussi présence a
1012
mule de Kierkegaard est vraie. La sujétion totale
est
seule active. Elle est aussi présence au monde. Dans ce temps de la m
1013
vraie. La sujétion totale est seule active. Elle
est
aussi présence au monde. Dans ce temps de la masse, où nous vivons, l
1014
sse, où nous vivons, le « solitaire devant Dieu »
est
aussi l’homme le plus réel, le plus présent. Parce qu’il sait qu’il e
1015
out accepter de vivre hic et nunc, quand la foule
est
ubiquité et fuite sans fin dans le passé ou l’avenir. Un seul util
1016
. Un seul utile à tous La phrase de Carlyle
est
connue, résumant l’utilitarisme de Bentham : « Étant donné un monde p
1017
st connue, résumant l’utilitarisme de Bentham : «
Étant
donné un monde plein de coquins, montrer que la vertu est le résultat
1018
é un monde plein de coquins, montrer que la vertu
est
le résultat de leurs aspirations collectives. » Renversant ce rapport
1019
de Kierkegaard que sa « catégorie du solitaire »
est
le seul fondement pratique d’une collectivité vraiment vivante. Cepen
1020
ous, oserait affirmer que cette « catégorie » lui
soit
si familière qu’il puisse la considérer, sans autre, comme donnée ? L
1021
nsidérer, sans autre, comme donnée ? La tentation
est
forte, de passer d’une critique des collectivités mensongères de ce t
1022
Dieu. Et, d’autre part, l’acte du « solitaire » n’
est
pas de ceux dont nous ayons à développer les conséquences. Ou bien il
1023
s ayons à développer les conséquences. Ou bien il
est
, et c’est l’acte de Dieu, ou bien je l’imagine, et mon discours est v
1024
te de Dieu, ou bien je l’imagine, et mon discours
est
vain. À qui pressent, dans sa réalité brutale, dans son sérieux derni
1025
son sérieux dernier, et son risque absolu, ce qu’
est
la solitude dont Kierkegaard a témoigné, il n’apparaît plus nécessair
1026
malheur de l’époque ne provient pas de ce qu’elle
est
« sans Dieu », car nul siècle, comme tel, ne fut jamais chrétien, mai
1027
est « sans Dieu », car nul siècle, comme tel, ne
fut
jamais chrétien, mais bien plutôt de ce qu’elle est sans maîtres, c’e
1028
t jamais chrétien, mais bien plutôt de ce qu’elle
est
sans maîtres, c’est-à-dire sans martyrs pour l’enseigner. C’est au se
1029
aveur, c’est à lui seul que l’on peut reprocher d’
être
insipide. Rien ne sera jamais réel pour tous, si rien d’abord n’est r
1030
que l’on peut reprocher d’être insipide. Rien ne
sera
jamais réel pour tous, si rien d’abord n’est réel pour un seul. Maint
1031
ne sera jamais réel pour tous, si rien d’abord n’
est
réel pour un seul. Maintenant, il faut être « l’impossible » : il fau
1032
bord n’est réel pour un seul. Maintenant, il faut
être
« l’impossible » : il faut être le solitaire. Kierkegaard peut-il nou
1033
intenant, il faut être « l’impossible » : il faut
être
le solitaire. Kierkegaard peut-il nous aider ? (Un homme pourrait-il
1034
de toutes les nôtres ? Somnium narrare vigilantis
est
. L’aveu total de notre désespoir témoigne seul de la consolation.
1035
urnal, tome X. 53. « Là encore, le clerc moderne
est
protestant », ajoute M. Benda, qui, en fait de protestants, ne connaî
1036
mieux dire : « “Moi, je ne le puis pas.” Et s’il
est
fou de penser que tous doivent l’être, il est encore beaucoup plus fo
1037
as.” Et s’il est fou de penser que tous doivent l’
être
, il est encore beaucoup plus fou qu’aucun ne veuille l’être. » L’inév
1038
’il est fou de penser que tous doivent l’être, il
est
encore beaucoup plus fou qu’aucun ne veuille l’être. » L’inévitable r
1039
st encore beaucoup plus fou qu’aucun ne veuille l’
être
. » L’inévitable rappel aux nécessités quotidiennes est encore un prét
1040
» L’inévitable rappel aux nécessités quotidiennes
est
encore un prétexte de l’angoisse. Si la vie quotidienne est si peu dr
1041
un prétexte de l’angoisse. Si la vie quotidienne
est
si peu dramatique, cela ne signifie pas que les questions dernières n
1042
rain journalier. La fameuse « vie quotidienne » n’
est
peut-être rien d’autre qu’un dernier méfait de « la foule » dans notr
1043
s, presque personne encore n’en a parlé. Ce qui n’
est
pas très étonnant, d’ailleurs. Il s’agit d’une œuvre allemande, d’un
1044
aïveté d’accepter. Accusés de haute trahison, ils
sont
jetés aussitôt dans une prison infecte, avec des Indiens lépreux. Le
1045
ne section des troupes régulières, dont le chef n’
est
autre que le planteur de thé, le sixième camarade. Voilà qui donne l’
1046
ne l’idée d’un roman d’aventures. Destin allemand
est
bien, entre autres, un roman d’aventures, et même d’une intensité peu
1047
celui que désigne le titre. Ces six hommes63 ont
été
chassés de leur pays par une crise qui n’est pas seulement économique
1048
ont été chassés de leur pays par une crise qui n’
est
pas seulement économique, par une crise qui atteint à la fois leur at
1049
sens le plus profond. Ce dont ils souffrent, ce n’
est
pas seulement de manquer de travail et de ne pas gagner leur pain, ma
1050
e constater que l’Allemagne, pour laquelle ils se
sont
battus, n’a plus la force d’utiliser leurs énergies, leurs vocations
1051
rs énergies, leurs vocations humaines. L’un d’eux
est
architecte, et il rêvait d’entreprises coloniales : mais on ne constr
1052
s, là-bas, et il n’y a plus de colonies. D’autres
étaient
mécaniciens, aviateurs ; un autre encore, employé de bureau ; le dern
1053
qui les détourne de toutes leurs espérances. Ce n’
est
point qu’ils aient peur, mais tout leur apparaît absurde. Et rien n’e
1054
peur, mais tout leur apparaît absurde. Et rien n’
est
plus atroce à supporter que ce sentiment-là ; l’absurdité de sa vie,
1055
u-devant de souffrances qui ne servent à rien. Ce
sont
des hommes très simples et qui s’expriment difficilement. Seul Pillau
1056
rdu la guerre, Bell, et dans la situation où nous
sommes
, nous ne pouvons plus nous affirmer que par le sacrifice… Il ne s’agi
1057
ence intérieure. » Le destin de ces déracinés, ce
sera
désormais de porter en eux-mêmes l’image tragique de leur patrie, l’i
1058
eversée, broyée, souffrante, et pourtant fière, d’
être
Allemand, de garder la tête haute pour l’Allemagne, et de participer
1059
r l’Allemagne, et de participer au destin qui lui
était
échu pour un temps. Ce destin qui obligeait l’Allemagne, après la gue
1060
tre le sens du sacrifice de « ces jeunes gens qui
sont
entrés dans le malheur la tête haute ». Car ce sont « les jeunes gens
1061
nt entrés dans le malheur la tête haute ». Car ce
sont
« les jeunes gens, qui ne possédaient rien, qui ont écrit les pages h
1062
nauté qui puisse exister pour un peuple ». ⁂ J’ai
tenu
à citer ces passages pour faire sentir à quelle hauteur se situe le d
1063
uelle hauteur se situe le drame de ce livre. Nous
sommes
bien loin de la « propagande » nationaliste et des rodomontades hitlé
1064
onaliste et des rodomontades hitlériennes64. Nous
sommes
ici au nœud tragique de ce problème allemand qui domine l’après-guerr
1065
indifférents que notre sort à tous, Européens, y
est
engagé. À vrai dire, il est malaisé de faire la part, dans ce drame,
1066
à tous, Européens, y est engagé. À vrai dire, il
est
malaisé de faire la part, dans ce drame, de ce qui est national et de
1067
alaisé de faire la part, dans ce drame, de ce qui
est
national et de ce qui est plus généralement humain. Destin allemand p
1068
ans ce drame, de ce qui est national et de ce qui
est
plus généralement humain. Destin allemand pourrait aussi s’appeler «
1069
raît-il pas lié au seul malheur des hommes ? Et n’
est
-ce point là le vrai tragique de l’Allemagne actuelle, que son destin
1070
omme que sous l’aspect du sort de la nation ? Tel
est
, je crois, le problème central qu’impose ce livre, et l’on admettra b
1071
e vue strictement « allemand » de l’auteur, qu’il
est
peu de problèmes plus graves pour notre avenir immédiat. Mais ce Dest
1072
éjourné longtemps en Orient et en Amérique ; il s’
est
enfoncé profondément dans la vie africaine ; et, de toutes ces enquêt
1073
stables, de la fidélité. Les blancs seuls savent
tenir
une parole, se sacrifier à une cause désespérée, tenir le coup, malgr
1074
une parole, se sacrifier à une cause désespérée,
tenir
le coup, malgré les trahisons du sort. Mais la guerre, mais la politi
1075
sort. Mais la guerre, mais la politique surtout,
sont
en train d’ébranler leur prestige. L’empire anglais se dissocie lente
1076
ntement. La France doute de sa mission. L’Espagne
est
morte, et le spectacle de la vie politique en Amérique du Sud fait me
1077
d’une race qui n’a pas su se garder pure. Alors ?
Serait
-ce bientôt l’heure de l’Allemagne ? On sent partout cette interrogati
1078
fiévreux dans les épreuves qu’il traverse. Ce ne
sont
pas les journaux qui nous apprendront tout cela. Il faut lire Destin
1079
ut tout de même que certains lecteurs français en
soient
choqués — le sentiment d’une fraternité humaine que le roman d’André
1080
d’André Malraux, qui porte précisément ce titre,
était
loin d’évoquer avec une pareille puissance. J’ai eu l’occasion de dir
1081
mon admiration pour les livres de M. Malraux. Je
suis
d’autant plus libre pour affirmer aujourd’hui que le roman d’Edschmid
1082
pour affirmer aujourd’hui que le roman d’Edschmid
est
d’une classe nettement supérieure. J’ajouterai même que c’est un bel
1083
ent de M. Malraux que de constater que ses livres
sont
les seuls ouvrages français qu’on puisse comparer, tant pour leur suj
1084
in allemand, qui, toutefois, les domine. Edschmid
est
plus viril, plus massif, plus sain ; moins complaisant surtout aux vo
1085
avec un héroïsme et une révolte plus émouvants d’
être
silencieux, des tortures dont les héros de Malraux n’ont pas toujours
1086
e, autant que sur le plan généralement humain, je
suis
contraint de reconnaître qu’Edschmid est le plus authentique. Il y a,
1087
ain, je suis contraint de reconnaître qu’Edschmid
est
le plus authentique. Il y a, dans Destin allemand, un timbre de voix
1088
rdait à soupeser des objets trop petits. 63. Il
est
curieux de noter que pas une seule femme n’apparaît dans tout le roma
1089
r avoir l’agrément officiel. 65. Le parallélisme
est
vraiment frappant : Malraux, comme Edschmid, a voyagé dans des pays o
1090
s de mitrailleuses, le héros médite sur son sort,
sont
presque identiques. Chez l’un et l’autre, on trouve ce goût des situa
1091
ations extrêmes, où se dénude le fond secret d’un
être
, sa sauvagerie ou sa bonté fondamentale. L’homme ne s’avouera-t-il ja
1092
dont les volumes parus du vivant de Nietzsche ne
seraient
guère que le commentaire. Je ne sais ce qu’il faut penser d’une allég
1093
ts fragments des posthuma nietzschéens 66. Ce qui
est
certain, c’est qu’un choix tel que celui qu’on vient de nous donner,
1094
re ». Rien de grand, dans l’ordre humain, ne peut
être
vraiment dangereux pour un chrétien qui sait en qui il croit. Et pour
1095
ns l’édition de M. Bolle. ⁂ Le sens historique n’
est
qu’une théologie masquée : “nous atteindrons un jour des buts magnifi
1096
é et en sort quelques spécimens rares et réussis,
est
de fond en comble non historique, parce qu’il nie que les millénaires
1097
es à venir puissent produire quelque chose qui ne
soit
pas, dès maintenant et depuis 1800 ans, à la disposition de chacun. S
1098
tion de chacun. Si malgré cela, l’époque actuelle
est
, dans son esprit, tout à fait historique, elle témoigne par ce fait q
1099
rique, elle témoigne par ce fait que l’humanité n’
est
plus courbée sous le joug, qu’elle est redevenue païenne comme elle l
1100
humanité n’est plus courbée sous le joug, qu’elle
est
redevenue païenne comme elle l’était il y a quelque mille ans. On cr
1101
joug, qu’elle est redevenue païenne comme elle l’
était
il y a quelque mille ans. On croirait presque lire du Kierkegaard !
1102
ans. On croirait presque lire du Kierkegaard ! N’
est
-ce pas Kierkegaard, en effet, qui, cinquante ans avant Nietzsche, par
1103
mais surtout une négation de la foi ? Car la foi
est
, selon Kierkegaard, cette opération paradoxale qui nous rend contempo
1104
séparent apparemment de cet événement éternel. N’
est
-il pas fort étrange et humiliant, qu’il faille un incroyant pour nous
1105
r nous rappeler que le salut, pour le chrétien, n’
est
pas dans le Progrès indéfini de notre histoire, mais qu’il est venu s
1106
le Progrès indéfini de notre histoire, mais qu’il
est
venu sur la terre, et qu’il est dès maintenant — hic et nunc ! — « à
1107
toire, mais qu’il est venu sur la terre, et qu’il
est
dès maintenant — hic et nunc ! — « à la disposition » du moindre d’en
1108
que ». Il faut croire que cet adversaire de Hegel
était
encore bien mal purgé de ses superstitions pseudo-scientifiques ! Mai
1109
pseudo-scientifiques ! Mais il n’importe. Ce qui
est
admirable ici, c’est la lucidité avec laquelle Nietzsche décèle l’ido
1110
temps, même s’il y participe pour son compte. Il
est
très vrai que nos contemporains ont cessé de croire, dans l’ensemble,
1111
nt cessé de croire, dans l’ensemble, que le salut
était
déjà venu. Ils se sont mis à croire de nouveau que le Messie naîtrait
1112
l’ensemble, que le salut était déjà venu. Ils se
sont
mis à croire de nouveau que le Messie naîtrait de leurs efforts indéf
1113
t de leurs efforts indéfinis vers le Progrès. Ils
sont
redevenus païens. Les plus conscients de ce paganisme nouveau ont ado
1114
re la vraie foi, ils se persuadent que l’humanité
sera
meilleure, sera plus près de son « salut » dans cent ans qu’elle ne l
1115
ils se persuadent que l’humanité sera meilleure,
sera
plus près de son « salut » dans cent ans qu’elle ne l’est aujourd’hui
1116
près de son « salut » dans cent ans qu’elle ne l’
est
aujourd’hui. Mais que dis-je, cent ans ! Il faut à leur espoir de bie
1117
s, devant nous dix mille milliards d’années. Nous
sommes
des enfants de deux ans qui auraient encore dix mille ans à vivre. L’
1118
l’Histoire : le salut par la sempiternité. Mais n’
est
-ce point là ce que toute la Bible nous désigne comme l’enfer même : n
1119
it de la religion la chose la plus répugnante qui
soit
. Oui, je sais bien de quoi il souffre, et contre quelle espèce dépri
1120
à cette sentence une adhésion assez méfiante. Il
est
trop clair qu’on peut inverser la maxime : « La contemplation intelle
1121
de l’intelligence la chose la plus répugnante qui
soit
. » Il faut perdre la croyance en Dieu, en la liberté et en l’immorta
1122
n l’immortalité, comme ses premières dents ; ce n’
est
qu’ensuite que vous pousse la véritable dentition. La foi est toujou
1123
e que vous pousse la véritable dentition. La foi
est
toujours une seconde dentition. Et celui qui n’est pas mort une bonne
1124
st toujours une seconde dentition. Et celui qui n’
est
pas mort une bonne fois aux « croyances » héritées sans examen de son
1125
ntiments ou par sa peur de la réalité, celui-là n’
est
pas né à la foi. Il n’a pas la mâchoire solide. (Mais je vois bien qu
1126
pour l’homme le plus pieux, le déjeuner quotidien
est
plus important que la Sainte-Cène. Kierkegaard n’eût pas mieux dit.
1127
stalgie d’un christianisme vrai. Mais Nietzsche ?
Est
-ce mépris tout simplement ? Ou bien plutôt, dernier défi, secrète ang
1128
s, sans le savoir, c’est là le point. Les hommes
sont
le plus superstitieux quand ils sont très excités. Les religions se c
1129
Les hommes sont le plus superstitieux quand ils
sont
très excités. Les religions se consolident dans des périodes de grand
1130
tement valable pour les religions, cette sentence
est
grossière, voire naïve, si Nietzsche entendait parler de la foi. La f
1131
emple, le culte du Surhomme. Le « retour étemel »
est
alors le type même de la superstition née du cerveau d’un homme très
1132
du cerveau d’un homme très excité. En somme, qu’
est
-ce que cela veut dire : J’aime les hommes pour l’amour de Dieu ? Est-
1133
t dire : J’aime les hommes pour l’amour de Dieu ?
Est
-ce autre chose que de dire : J’aime les gendarmes pour l’amour de la
1134
fille n’avait rencontré Schopenhauer. La nature
est
mauvaise, dit le christianisme : ne serait-il pas quelque chose contr
1135
La nature est mauvaise, dit le christianisme : ne
serait
-il pas quelque chose contre nature ? Sinon, il serait, selon son prop
1136
it-il pas quelque chose contre nature ? Sinon, il
serait
, selon son propre jugement, quelque chose de mauvais. Juste et profo
1137
s’agit de savoir si la nature actuelle de l’homme
est
bonne ou mauvaise. La foi nous montre qu’elle est mauvaise. Dans ce s
1138
est bonne ou mauvaise. La foi nous montre qu’elle
est
mauvaise. Dans ce sens, il est vrai de dire : le christianisme est co
1139
ous montre qu’elle est mauvaise. Dans ce sens, il
est
vrai de dire : le christianisme est contre nature. Et je m’explique m
1140
s ce sens, il est vrai de dire : le christianisme
est
contre nature. Et je m’explique mal pourquoi tant de bonnes âmes s’in
1141
zsche croit autre chose, s’il croit que la nature
est
bonne, pourquoi crie-t-il si fort que « l’homme est quelque chose qui
1142
t bonne, pourquoi crie-t-il si fort que « l’homme
est
quelque chose qui doit être surmonté » ? Il n’y a pas que les chrétie
1143
si fort que « l’homme est quelque chose qui doit
être
surmonté » ? Il n’y a pas que les chrétiens pour ne pas croire assez
1144
rds ! Le chrétien ne pense pas à son prochain, il
est
beaucoup trop occupé de soi-même ! Quelle que soit la justesse des c
1145
st beaucoup trop occupé de soi-même ! Quelle que
soit
la justesse des critiques de Nietzsche — et jusque dans leur injustic
1146
dre l’autorité et la violence. Mais ses violences
sont
contradictoires : il attaque ici l’égoïsme, dont il fait par ailleurs
1147
synthèse de ces contradictions. La vie chrétienne
est
pleine de contradictions, elle aussi, mais Paul les a toutes rassembl
1148
omme but unique de celle-ci, voilà une pensée qui
est
insupportable aux hommes. Ne voyons-nous pas au contraire le monde c
1149
la vérité, soupçonnée, non sans quelque raison, d’
être
parfois « antivitale » ? — « Pensée insupportable aux hommes » ? Niet
1150
it ceci en 1880. Cinquante-cinq ans plus tard, je
serais
tenté de dire que les hommes ne supportent plus aucune pensée qui con
1151
ianisme de mourir de sa pauvreté spirituelle. On
est
toujours étonné de voir un esprit de la trempe de celui de Nietzsche
1152
Dieu, tout en croyant le servir. » Formule qui n’
est
pas valable pour le seul pape de Rome et pour les seuls conciles. Les
1153
ans le communisme russe ? On sait que ce régime s’
est
établi au nom de la Science, qui est son Dieu. On sait aussi qu’il n’
1154
ce régime s’est établi au nom de la Science, qui
est
son Dieu. On sait aussi qu’il n’a pas hésité à condamner la théorie d
1155
s que vous croyez à la nécessité de la religion ?
Soyez
sincères ! Vous croyez à la nécessité de la police ! » Dès que vous
1156
Dieu de la Bible — ancien et nouveau Testament —
est
seul Maître de la seule Justice, de la seule Vie, de la seule Science
1157
ines et trop intéressées, de toutes ces choses. N’
est
-ce pas ce « Dieu moral » qui détourna plusieurs générations des églis
1158
Dieu » ? La réfutation de Dieu : en somme, ce n’
est
que le “Dieu moral” qui est réfuté. Il est bien significatif que les
1159
Dieu : en somme, ce n’est que le “Dieu moral” qui
est
réfuté. Il est bien significatif que les fragments de Nietzsche sur
1160
ce n’est que le “Dieu moral” qui est réfuté. Il
est
bien significatif que les fragments de Nietzsche sur la religion se t
1161
her inconnu Dire qu’on ignore Luther en France
serait
exagérer, mais dans le sens contraire de celui qu’on imagine. Car, on
1162
on prétend, sans l’avoir jamais lu, savoir qui il
fut
, qui il est. Certains ont parcouru les Propos de table, présentés au
1163
sans l’avoir jamais lu, savoir qui il fut, qui il
est
. Certains ont parcouru les Propos de table, présentés au public franç
1164
ois grossières, de platitudes, de contradictions.
Est
-ce avec cela que s’est faite la Réforme ? D’autres, moins exigeants,
1165
itudes, de contradictions. Est-ce avec cela que s’
est
faite la Réforme ? D’autres, moins exigeants, n’hésitent pas à souten
1166
s exigeants, n’hésitent pas à soutenir que Luther
fut
un démagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment de la race alle
1167
suivante en donne une juste idée : « En somme, qu’
est
-ce que Luther ? Un moine qui a voulu se marier. » J’extrais cette déc
1168
la sérieuse information théologique… Ceci dit, il
est
juste d’insister sur la grande valeur des travaux de quelques spécial
1169
ic français en état d’infériorité assez grave, ne
fût
-ce que sur le plan de la culture générale. Car, ignorer ou méconnaîtr
1170
lan théologique, ou mieux : dans la totalité de l’
être
, revient à celle d’un christianisme qui se met au service de l’humain
1171
ord à un pamphlet, encore que son volume matériel
soit
bien écrasant pour le genre. Mais on s’aperçoit, sans tarder, que la
1172
ec Érasme et sa Diatribe (souvent personnifiée) n’
est
, en fait, que le support apparent d’une réflexion de plus vaste enver
1173
s de l’humaniste et du sceptique que se vantait d’
être
Érasme, Luther en vient, de proche en proche, à ressaisir et reposer
1174
les de la Réforme : justification par la foi, qui
est
don gratuit et œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice de Di
1175
action » de l’homme entre les mains de Dieu. Tels
sont
les thèmes qu’illustre cet ouvrage. S’ils n’y sont pas traités en for
1176
ont les thèmes qu’illustre cet ouvrage. S’ils n’y
sont
pas traités en forme, c’est qu’ils ne constituent pas un système, au
1177
rès étroitement les uns les autres, et ne peuvent
être
mieux saisis que dans l’unique et perpétuelle question que nous posen
1178
ble. Ils renvoient tous à une réalité dont ils ne
sont
que les reflets, diversement réfractés par nos mots. Ils renvoient to
1179
? » — Si tu le crois, si tu as reçu la foi, il n’
est
plus rien de « difficile » dans les assertions de Luther, ni dans sa
1180
que les grandes thèses pauliniennes de la Réforme
soient
acceptées (ou simplement connues !) par nos contemporains, même chrét
1181
e dire de Paul bien plus ancien ! — tous ceux qui
tiennent
la prédestination pour un dogme immoral ou périmé ; ceux qui traduise
1182
Paix aux hommes de bonne volonté », tous ceux-là
sont
, en fait, avec Érasme et son armée de grands docteurs de tous les siè
1183
un point de vue purement esthétique, ces qualités
sont
assez rares, et chez Luther assez flagrantes, pour qu’un lecteur qui
1184
rantes, pour qu’un lecteur qui refuse l’essentiel
soit
tout de même attiré et subjugué par le style, par le ton de l’ouvrage
1185
ment (comme dirait le jargon d’aujourd’hui), tout
est
bien fait, dans ce Traité, pour heurter de front le lecteur incroyant
1186
s apôtres. D’abord, le langage scolastique, qui n’
est
pas proprement luthérien, mais que Luther est obligé d’utiliser pour
1187
i n’est pas proprement luthérien, mais que Luther
est
obligé d’utiliser pour débrouiller et supprimer les faux problèmes où
1188
èce de considération psychologique. (Un tel homme
est
bien trop vivant pour faire de la psychologie ; trop engagé dans le r
1189
nisme, de l’Église. L’humanisme laïque, autonome,
est
simplement nié, comme une absurdité, une contradiction dans les terme
1190
is inévitable, qui consiste à affirmer que Luther
est
« déterministe ». Mais le sérieux théologique est chose trop rare, et
1191
est « déterministe ». Mais le sérieux théologique
est
chose trop rare, et pour beaucoup trop difficile à concevoir, pour qu
1192
un simple rappel de l’ordre dans lequel le Traité
fut
pensé. Je tenterai donc d’esquisser, tout au moins, le dialogue d’un
1193
us refusons de jouer si, d’avance, le vainqueur a
été
désigné par un arbitre qui ne tient pas compte de nos exploits ! Un
1194
es règles du jeu ? Qui t’a fait croire que ta vie
était
une partie à jouer entre toi et le monde, par exemple ; ou encore ent
1195
J’ai besoin de le croire pour agir. L. — Mais qu’
est
-ce qu’agir ? Est-ce vraiment toi qui agis ? Ou n’es-tu pas toi-même a
1196
croire pour agir. L. — Mais qu’est-ce qu’agir ?
Est
-ce vraiment toi qui agis ? Ou n’es-tu pas toi-même agi par de puissan
1197
-ce qu’agir ? Est-ce vraiment toi qui agis ? Ou n’
es
-tu pas toi-même agi par de puissantes forces sociales, historiques et
1198
C. M. — Il me suffit de vouloir l’affirmer. L. —
Soit
, c’est une hypothèse de travail… Pour moi, je crois que Dieu connaît
1199
os actions passées, présentes, futures, car elles
sont
dans le temps, Dieu dans l’Éternité qui est avant le temps, qui est e
1200
lles sont dans le temps, Dieu dans l’Éternité qui
est
avant le temps, qui est en lui, et qui est encore après lui. Au regar
1201
Dieu dans l’Éternité qui est avant le temps, qui
est
en lui, et qui est encore après lui. Au regard de Dieu donc, « tout e
1202
té qui est avant le temps, qui est en lui, et qui
est
encore après lui. Au regard de Dieu donc, « tout est accompli », — de
1203
encore après lui. Au regard de Dieu donc, « tout
est
accompli », — depuis la mort du Christ sur la croix. Non seulement pr
1204
les fais librement, et tu viens me dire qu’elles
sont
prévues ! Et prévues par un Dieu éternel, qui alors se joue de moi in
1205
e a proclamé qu’il avait fait. L. — Mais l’homme
est
« chair », et cette chair est liée à l’espace et au temps. Comment le
1206
L. — Mais l’homme est « chair », et cette chair
est
liée à l’espace et au temps. Comment le temps tuerait-il l’Éternel ?
1207
formait… Tu affirmes que si Dieu prévoit tout, tu
es
alors dispensé d’agir, et que ce n’est plus la peine de faire aucun e
1208
it tout, tu es alors dispensé d’agir, et que ce n’
est
plus la peine de faire aucun effort. Si tout est décidé d’avance, il
1209
’est plus la peine de faire aucun effort. Si tout
est
décidé d’avance, il n’y a plus qu’à se laisser aller à la manière des
1210
’est peut-être mal raisonner. Si ton effort aussi
était
prévu ? Pourrais-tu ne pas le fournir ? Et si tu décidais : « Je suis
1211
s-tu ne pas le fournir ? Et si tu décidais : « Je
suis
, donc Dieu n’est pas !70 », qui t’assurerait que cet acte de révolte
1212
rnir ? Et si tu décidais : « Je suis, donc Dieu n’
est
pas !70 », qui t’assurerait que cet acte de révolte échappe à l’étern
1213
pour toi ? Fermer les yeux sur une réalité, ce n’
est
pas la supprimer objectivement. Mais c’est peut-être se priver de son
1214
ination : l’une au salut, l’autre à la damnation.
Être
damné, ne serait-ce pas justement être rivé au temps sans fin, et ref
1215
au salut, l’autre à la damnation. Être damné, ne
serait
-ce pas justement être rivé au temps sans fin, et refuser l’éternité q
1216
damnation. Être damné, ne serait-ce pas justement
être
rivé au temps sans fin, et refuser l’éternité qui vient nous délivrer
1217
nous délivrer du temps ? C. M. — Mais mon temps
est
vivant, et plein de nouveauté, de création ! Ton éternité immobile, c
1218
maginer que morte. Mais la Bible nous dit qu’elle
est
la Vie, et que notre vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouv
1219
e nous dit qu’elle est la Vie, et que notre vie n’
est
qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité est quelque ch
1220
e mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité
est
quelque chose d’immobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’est pa
1221
d’immobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’
est
pas, au contraire, la source de tout acte et de toute création, une i
1222
t attachée à notre chair, à notre temps où elle s’
est
constituée, soit capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’un
1223
re chair, à notre temps où elle s’est constituée,
soit
capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’une éternité seule
1224
ystère plus profond que notre vie, et la raison n’
est
qu’un faible élément de notre vie. C’est un mystère que le croyant pr
1225
e paradoxe et ce mystère : croire que « l’Éternel
est
vivant », croire que sa volonté — qui a tout prévu — peut aussi tout
1226
en un instant aux yeux de l’homme, sans que rien
soit
changé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il déci
1227
? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’
est
pas lié comme nous à une succession. Mais, au contraire, nos divers t
1228
emps et successions procèdent de l’Éternel et lui
sont
liés : nous venons de lui, nous retournons à lui, il est en nous lors
1229
s : nous venons de lui, nous retournons à lui, il
est
en nous lorsque l’Esprit dit la Parole dans notre cœur. Quelle étrang
1230
n nous ferait croire qu’une décision de l’Éternel
est
une décision dans le passé ! Quand c’est elle seule qui définit notre
1231
uand c’est elle seule qui définit notre présent !
Est
-ce que nos objections « philosophiques », et notre crainte du « fatal
1232
as rien prouvé. L. — On ne prouve rien de ce qui
est
essentiel ; on l’accepte ou on le refuse, en vertu d’une décision pur
1233
, une fois acceptés le Credo et son fondement qui
est
la Parole dite en nous par l’Esprit et attestée par l’Écriture, — or,
1234
it et attestée par l’Écriture, — or, cette Parole
est
Christ lui-même, — il me paraît que l’opinion de Luther n’est pas suj
1235
ui-même, — il me paraît que l’opinion de Luther n’
est
pas sujette à de sérieuses objections. Et la démonstration purement b
1236
’un paradoxe que Luther n’a pas inventé, mais qui
est
au cœur même de l’Évangile. L’apôtre Paul l’a formulé avant toute « t
1237
t « extrêmisme » évangélique, que les sophistes n’
étaient
que trop portés à corriger et à « humaniser », au risque d’« évacuer
1238
voulait se complaire Érasme. Le problème du salut
est
un problème de vie ou de mort. Or, il est seul en cause pour le théol
1239
u salut est un problème de vie ou de mort. Or, il
est
seul en cause pour le théologien. Et tout est clair lorsque l’on a co
1240
il est seul en cause pour le théologien. Et tout
est
clair lorsque l’on a compris que Luther ne nie pas du tout notre facu
1241
t qu’elle puisse suffire à nous obtenir le salut,
étant
elle-même soumise au mal. Tout le reste est psychologie, littérature
1242
ut, étant elle-même soumise au mal. Tout le reste
est
psychologie, littérature et scolastique. Il n’en reste pas moins qu’a
1243
mais dans un plan où elle reste insoluble. Érasme
était
encore catholique ; son humanisme mesuré l’empêche de voir le vrai tr
1244
r au nihilisme qui l’étreint, dès lors que « Dieu
est
mort » ou qu’il l’a « tué », il imagine le Retour éternel. Et comme c
1245
regagner la dignité suprême de l’homme sans Dieu.
Être
libre, c’est vouloir l’éternité de son destin. (Pour le chrétien, c’e
1246
e luthérien et du paradoxe nietzschéen ne saurait
être
ramenée à quelque influence inconsciente, encore bien moins à une coï
1247
cale de la vie. Au « tu dois » des chrétiens, qui
est
prononcé par Dieu, Nietzsche oppose le « je veux » de l’homme divinis
1248
s adorons une Providence dont la Parole vivante s’
est
incarnée : « Emmanuel ! » — Dieu avec nous ! 68. À la proposition
1249
connais aucun de mes livres pour adéquat, si ce n’
est
peut-être le De servo arbitrio et le Catéchisme. » 69. Luther averti
1250
el aux yeux des peuples qu’à partir du jour où il
sera
capable de répondre avec force et autorité aux questions politiques d
1251
ues » improvisées à la veille de la guerre. Qu’il
soit
encore très loin d’une vision dynamique de l’action immédiate, c’est
1252
l’élan d’une volonté précise et combative. Elles
sont
un respectable résultat, mais non pas un point de départ. Sans doute
1253
lan politique, provient sans doute du fait qu’ils
sont
des compromis, des accords minima, obtenus non sans peine et forcémen
1254
x. Mais il y a plus. L’erreur commise jusqu’ici a
été
d’essayer de choisir prudemment une attitude politique plus ou moins
1255
plus ou moins acceptable de l’autre. Sans doute n’
était
-il pas possible de faire davantage à ce moment. En fait, on a examiné
1256
pu influencer le cours des événements. L’histoire
est
faite d’initiatives, non de retouches, de vœux et d’amendements. Et p
1257
e autant et plus qu’une prudence, il faut qu’elle
soit
portée par une passion qui jaillisse du tréfonds de sa foi créatrice.
1258
foi créatrice. Les hommes qui ont fait l’histoire
sont
ceux qui avaient une vision passionnée de leur but et qui ont su plie
1259
connues ou supposées de leur époque. Leur action
fut
puissante dans la mesure exacte où elle fut l’expression directe de l
1260
ction fut puissante dans la mesure exacte où elle
fut
l’expression directe de leur être. Si le mouvement œcuménique veut ag
1261
e exacte où elle fut l’expression directe de leur
être
. Si le mouvement œcuménique veut agir, et il le doit, il faut qu’il r
1262
que parte de lui-même, de ce qu’il a, de ce qu’il
est
, et de sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunter ici et là pour com
1263
termes d’organisation pratique les principes qui
sont
impliqués dans la vision de l’œcuménisme. Rien que cela, mais tout ce
1264
marquons tout de suite que ces divers conflits ne
sont
en réalité que les aspects d’une seule et même opposition fondamental
1265
uite que chacun de ces termes opposés deux à deux
est
également faux en soi, c’est-à-dire à la fois excessif et incomplet.
1266
leur plan, il n’y a pas de solution possible. Ils
sont
inconciliables parce que, de la combinaison de deux erreurs, on ne pe
1267
ment une erreur aggravée. De même l’orthodoxie ne
sera
jamais retrouvée en faisant une somme d’hérésies. Du conflit politiqu
1268
és. Pour résoudre l’opposition unité-division, il
serait
vain de rechercher une solution intermédiaire ou « libérale », à mi-c
1269
uver l’attitude centrale dont ces deux erreurs ne
sont
que des déviations morbides. Entre la peste et le choléra, il n’y a n
1270
le et sur leur nécessaire hiérarchie. Notre thèse
étant
la suivante : La théologie de l’œcuménisme implique une philosophie d
1271
une philosophie de la personne dont l’application
est
une politique du fédéralisme. 1. Théologie de l’œcuménisme Écart
1272
stantes, ou doctrine nouvelle qui risquerait de n’
être
compatible avec aucune des théologies existantes. Ce qui nous intéres
1273
ts qui importent à notre entreprise. Le principal
est
celui-ci : la théologie de l’œcuménisme subsiste et tombe avec la foi
1274
’union des chrétiens en Christ, cette foi pouvant
être
connotée par le rejet de l’hérésie unitaire. Certes, il n’est pas de
1275
par le rejet de l’hérésie unitaire. Certes, il n’
est
pas de pire menace pour le mouvement œcuménique que l’utopie et la te
1276
trine positive de l’union au nom de laquelle doit
être
condamnée l’hérésie unitaire. Doctrine de la multiplicité des dons ac
1277
té des membres d’un seul et même corps : quel que
soit
le nom qu’on lui donne, en aucun cas elle ne manquera de fondements b
1278
ités. Ce qui me paraît d’une excellente méthode.)
Est
-il permis d’en appeler aussi au précédent des sept églises d’Asie, po
1279
e, possédant chacune leur ange ? Ou à la parole «
Soyez
un comme le Père et moi sommes un », qui établit le modèle même de l’
1280
? Ou à la parole « Soyez un comme le Père et moi
sommes
un », qui établit le modèle même de l’union dans la distinction des p
1281
onsidère que la diversité des vocations divines n’
est
pas une imperfection de l’union, mais sa vie même. Un deuxième trait,
1282
n deuxième trait, complémentaire d’ailleurs, doit
être
au moins rappelé ici : la théologie de l’œcuménisme ne vise pas à dém
1283
bres les plus fidèles. Toutefois, cette méthode n’
est
compatible qu’avec des orthodoxies que j’appellerai ouvertes. Elle ne
1284
lus de recours direct au chef de l’Église, lequel
est
au ciel à la droite de Dieu, et non pas sur la terre, dans telle vill
1285
local. Certes, aucune église ou secte n’a jamais
été
capable, grâce à Dieu, de se fermer totalement aux inspirations du Sa
1286
église ou secte n’a jamais nié que son chef réel
fût
au ciel, mais plusieurs ont agi comme s’il était sur la terre, c’est-
1287
el fût au ciel, mais plusieurs ont agi comme s’il
était
sur la terre, c’est-à-dire à leur disposition. Plusieurs ont identifi
1288
vec amertume, et l’Église qu’il fondera peut-être
sera
opposée à l’ancienne, au lieu d’être seulement plus vraie, donc plus
1289
ra peut-être sera opposée à l’ancienne, au lieu d’
être
seulement plus vraie, donc plus universelle. Elle sera déformée à reb
1290
seulement plus vraie, donc plus universelle. Elle
sera
déformée à rebours, au lieu d’être réformée, je n’épiloguerai pas ici
1291
verselle. Elle sera déformée à rebours, au lieu d’
être
réformée, je n’épiloguerai pas ici sur l’unité d’organisation romaine
1292
s isolée et génératrice de schismes. Son attitude
est
donc doublement antiœcuménique. Sa volonté d’unité s’oppose à l’union
1293
fférence dogmatique. Car l’harmonie des membres n’
est
pas une tolérance, mais une nécessité vitale. Le poumon n’a pas à « t
1294
Le poumon n’a pas à « tolérer » le cœur ! Il doit
être
un vrai poumon, et dans cette mesure même, il aidera le cœur à être u
1295
n, et dans cette mesure même, il aidera le cœur à
être
un bon cœur. Notons aussi que les Églises qui ne représentent pas spi
1296
storiques susceptibles de faire image. L’individu
est
une invention grecque, et sa naissance signale la naissance même de l
1297
lors le groupe expulse le « non-conformiste ». Ce
sont
ces expulsés de divers groupes qui fondent les premières thiases grec
1298
tion collective. La victoire de Rome sur la Grèce
est
la première victoire fatale de l’étatisme sur l’individualisme devenu
1299
Entre individualisme et dictature, l’opposition n’
est
pas aussi profonde qu’on l’imagine. Il s’agit plutôt d’une succession
1300
ère dont le vide s’oppose au plein : plus le vide
est
absolu, plus l’appel est puissant. À bien des égards même, l’étatisme
1301
au plein : plus le vide est absolu, plus l’appel
est
puissant. À bien des égards même, l’étatisme ne fait qu’achever le pr
1302
e prive de toute inspiration créatrice. L’homme n’
est
plus qu’une fonction sociale, un « soldat politique », dirait-on de n
1303
iste. De nouveau se recrée le vide social. Quelle
sera
la nouvelle société ? En ce point crucial de l’histoire — dans une si
1304
on des temps la réponse éternelle de l’Église. Qu’
est
-ce que l’Église primitive, dans la perspective sociologique où nous n
1305
sur quelque autre réalité collective. Leur lien n’
est
pas terrestre d’abord, ni leur chef : il s’est assis au ciel à la dro
1306
n’est pas terrestre d’abord, ni leur chef : il s’
est
assis au ciel à la droite de Dieu. Leur ambition non plus n’est pas t
1307
iel à la droite de Dieu. Leur ambition non plus n’
est
pas terrestre : elles attendent la fin des temps. Et cependant, elles
1308
l revêt une dignité humaine nouvelle, puisqu’il a
été
racheté, et qu’il a reçu la promesse de sa résurrection individuelle.
1309
u la promesse de sa résurrection individuelle. Il
est
donc à la fois engagé et libéré, et ceci en vertu d’un seul et même f
1310
reçue de l’Éternel. Cet homme d’un type nouveau n’
est
pas l’individu grec, puisqu’il se soucie davantage de servir que de s
1311
ie davantage de servir que de se distinguer. Il n’
est
pas non plus le simple rouage, la simple fonction dans l’État qu’étai
1312
simple rouage, la simple fonction dans l’État qu’
était
le citoyen romain, puisqu’il possède une dignité indépendante de son
1313
l’homme dans un monde christianisé. Car cet homme
est
, lui aussi, à la fois autonome et en relation. Ainsi, le mot personne
1314
ens nouveau, et la réalité sociale qu’il désigne,
sont
bel et bien des créations chrétiennes, ou pour mieux dire, des créati
1315
lations concrètes avec ses semblables. La liberté
est
assurée par la possibilité constante de recourir directement à l’Éter
1316
nel, au-dessus de la communauté. Et la communauté
est
liée par sa fidélité à l’Éternel. Ainsi les droits et les devoirs du
1317
e les droits et les devoirs de l’ensemble. Ils ne
sont
plus contradictoires. Ce qui libère un homme est aussi ce qui le rend
1318
sont plus contradictoires. Ce qui libère un homme
est
aussi ce qui le rend responsable vis-à-vis d’autrui. En retour, ce qu
1319
is d’autrui. En retour, ce qui unit la communauté
est
aussi ce qui l’oblige à respecter les vocations individuelles. La lib
1320
ci encore, insistons sur ce point : la personne n’
est
pas un moyen-terme entre l’individu trop flottant et le soldat politi
1321
lottant et le soldat politique trop esclave. Elle
est
l’homme intégral, dont les deux autres ne sont que des maladies. Dans
1322
lle est l’homme intégral, dont les deux autres ne
sont
que des maladies. Dans le plan humain immanent, il n’y a pas d’équili
1323
uilibre, il y a un principe vivant d’union. Là où
est
l’Esprit, là est la liberté, mais là aussi est la vraie communion. Il
1324
n principe vivant d’union. Là où est l’Esprit, là
est
la liberté, mais là aussi est la vraie communion. Il nous reste à dév
1325
où est l’Esprit, là est la liberté, mais là aussi
est
la vraie communion. Il nous reste à développer maintenant les implica
1326
fédéralisme Nous en avons assez dit pour qu’il
soit
désormais facile de voir qu’à l’attitude œcuménique en religion ne pe
1327
ique. Quant à la philosophie de la personne, elle
sera
normalement celle du bon citoyen d’une fédération. La devise paradoxa
1328
isme helvétique : « Un pour tous, tous pour un »,
est
également valable sur ces trois plans. L’œcuménisme exclut l’orthodox
1329
ïste. (Remarquons d’ailleurs que l’impérialisme n’
est
que l’individualisme d’un groupe ; et l’individualisme, l’impérialism
1330
isme d’un homme isolé. De même que l’État cesse d’
être
un vrai État dès qu’il se veut souverain absolu, l’homme cesse d’être
1331
s qu’il se veut souverain absolu, l’homme cesse d’
être
un homme intégral dès qu’il absolutise sa liberté.) Le fédéralisme pa
1332
sonne peut se réaliser. Car les tâches civiques y
sont
à l’échelle de l’individu et l’engagement concret dans la communauté
1333
ne suffit pas, on peut changer de groupe. L’on n’
est
donc pas isolé, comme l’individu se trouve isolé dans une grande vill
1334
dans un vaste État centralisé. D’autre part, on n’
est
pas non plus tyrannisé par une loi rigide et uniforme, puisque dans u
1335
son équivalent dans l’œcuménisme ecclésiastique —
est
exclue par le régime totalitaire, qui prétend faire coïncider les fro
1336
ivités sociales, spirituelles ou privées — ce qui
est
la définition même de l’oppression. Le fédéralisme, comme l’œcuménism
1337
uménisme, reconnaît que les diversités régionales
sont
la vie même de l’Union. Mais par l’organe central qui lie toutes les
1338
ses membres et non cette caricature de l’ordre qu’
est
l’unité dans l’uniformité. Au lieu de pétrifier les frontières extéri
1339
orde le cadre de ce schéma doctrinal. Notre objet
était
d’établir les relations suivantes : l’œcuménisme, le personnalisme et
1340
l’œcuménisme, le personnalisme et le fédéralisme
sont
les aspects divers d’une seule et même attitude spirituelle. Ils s’en
1341
oir le fédéralisme sans accepter l’œcuménisme, ce
serait
priver l’organisation politique de ses fondements spirituels. Mais ac
1342
ménisme sans vouloir également le fédéralisme, ce
serait
ne pas accepter vraiment l’œcuménisme, j’entends avec toutes ses cons
1343
es ses conséquences. Car la foi sans les œuvres n’
est
pas la foi. Note. — On s’étonnera peut-être de ne pas voir figurer
1344
eprendre à sa charge. Et les peuples européens ne
sont
nullement prêts à se soulever pour rétablir ce qu’on nommait chez eux
1345
par là même déformés. À mon sens, le fédéralisme
est
la seule possibilité pratique de réaliser la vraie démocratie. Mais i
1346
e 194173. Nous constatons que le conflit en cours
est
insoluble dans son plan. Si le totalitarisme triomphe définitivement
1347
risme triomphe définitivement des démocraties, ce
sera
la mort d’une culture et d’une économie, sans doute, mais ce sera sur
1348
ne culture et d’une économie, sans doute, mais ce
sera
surtout la suppression de toute possibilité œcuménique, la subversion
1349
et individualistes triomphent, aucun problème ne
sera
résolu de ce fait. Tout le monde sent ou pressent d’ailleurs que les
1350
ailleurs que les deux termes de cette alternative
sont
également improbables, et que les destructions en cours et à venir su
1351
, une doctrine et une tactique nouvelles. Mais où
sont
-elles ? Qui les prépare ? Le capitalisme et l’individualisme ont reçu
1352
ps mortels, dans les deux camps. Le totalitarisme
est
un état de guerre, qui ne peut subsister normalement. Il ne reste don
1353
talisme individualiste et au totalitarisme qui en
est
né. Mais qui peut aujourd’hui proposer cette réponse ? Le rôle d’Hitl
1354
urd’hui proposer cette réponse ? Le rôle d’Hitler
est
de détruire. Il détruit les contradictions intolérables d’une Europe
1355
verte de ruines pulvérisées. Le rôle de Churchill
est
de faire la guerre. Mais il ne pourra pas la gagner réellement s’il n
1356
pas le temps… Quant au rôle de Staline, il paraît
être
de profiter de la guerre des autres pour consolider l’autarcie russe…
1357
e générale des chefs, des doctrines et des partis
est
un appel à une autorité nouvelle. Si les Églises n’y répondent pas, p
1358
ns la réalité de la foi ? Certes ! Si les Églises
sont
fidèles à leur chef, elles savent qu’il règne et crée pour ceux qui c
1359
hui les Églises, si cette foi seule demeure, elle
sera
suffisante. Aussi bien, certaines raisons de croire que l’Église peut
1360
lise peut agir, raisons que nous allons énumérer,
sont
-elles moins destinées à combattre des doutes qu’à fortifier des espér
1361
romaines, — alors qu’il n’en existe aucune qui se
soit
développée en pays calvinistes, ou seulement influencés par des éléme
1362
des éléments calvinistes, même laïcisés, comme ce
fut
le cas de la France sous la Troisième République ? Comment expliquer
1363
stinction entre l’Église et l’État n’avait jamais
été
établie d’une manière satisfaisante. Il en résultait, dans le peuple,
1364
la séparation de l’Église et de l’État a toujours
été
réelle — même lorsqu’elle n’était pas strictement établie par la loi.
1365
l’État a toujours été réelle — même lorsqu’elle n’
était
pas strictement établie par la loi. De même les devoirs de la vocatio
1366
s devoirs de la vocation personnelle ont toujours
été
mis au-dessus des devoirs envers le Pouvoir politique. Lors donc que
1367
vers le Pouvoir politique. Lors donc que la foi s’
est
affaiblie dans ces pays, cette carence ne s’y est pas traduite par l’
1368
est affaiblie dans ces pays, cette carence ne s’y
est
pas traduite par l’éclosion d’une anti-religion totalitaire, mais par
1369
). Un contenu nouveau, calviniste ou luthérien, s’
est
introduit dans les cadres et les rites anciens, jugés utilisables. Or
1370
e qu’en Angleterre.) Troisième exemple : Calvin s’
est
toujours refusé à établir une uniformité de gouvernement pour les div
1371
ndividualisme par groupes » dans ce dernier pays,
étant
prédéterminée par le fait — d’ordre ecclésiastique — qu’il fut fondé
1372
inée par le fait — d’ordre ecclésiastique — qu’il
fut
fondé par des seceders.) Et l’on sait que les réformés de France, au
1373
dire le premier plan d’une Europe confédérée. Il
serait
aisé de développer, de nuancer et de multiplier de tels exemples. Je
1374
t la philosophie de la personne qu’elle implique,
sont
les seules bases actuellement concevables pour un ordre nouveau du mo
1375
religion de l’homme » que certains nous proposent
est
une contradiction dans les termes, à moins qu’elle ne soit la formule
1376
contradiction dans les termes, à moins qu’elle ne
soit
la formule de la religion totalitaire, sans transcendance, que précis
1377
de l’œcuménisme et la philosophie de la personne
sont
les seules bases actuellement existantes, et sur lesquelles on puisse
1378
ant. (La « religion de l’homme », ou du surhomme,
est
encore à créer, et le temps presse !) Chargées d’éléments traditionne
1379
3. L’organisation du Conseil œcuménique se trouve
être
de fait la seule Internationale en formation. On sait assez que les I
1380
les Internationales idéologiques et politiques se
sont
désintégrées au cours des deux dernières décades. (Les partis sociali
1381
tant dans les pays où les Soviets ne règnent pas,
sont
en voie de divergence et non de convergence, sur le plan internationa
1382
un exemple.) À part la Croix-Rouge, dont la tâche
est
strictement limitée, rien ne subsiste en dehors de l’œcuménisme, qui
1383
ans toutes les Églises, avec l’effort œcuménique,
est
en train de recréer un langage commun, un ensemble de communes mesure
1384
hie de la personne et la politique du fédéralisme
sont
seules en mesure, aujourd’hui, de synthétiser les vérités disjointes
1385
exposé aux chapitres 1-3. Le mouvement œcuménique
est
donc seul en mesure de préparer la réconciliation des adversaires act
1386
cérité.) ⁂ Le tableau que nous venons d’esquisser
est
ambitieux. Il veut l’être, parce qu’il doit l’être. L’action du chrét
1387
nous venons d’esquisser est ambitieux. Il veut l’
être
, parce qu’il doit l’être. L’action du chrétien n’est jamais partie de
1388
est ambitieux. Il veut l’être, parce qu’il doit l’
être
. L’action du chrétien n’est jamais partie de la prudente considératio
1389
, parce qu’il doit l’être. L’action du chrétien n’
est
jamais partie de la prudente considération des forces dont il croyait
1390
toujours une utopie apparente ; en réalité, ce n’
est
qu’une réponse. Une fois parti, je m’aperçois bientôt que je n’étais
1391
e. Une fois parti, je m’aperçois bientôt que je n’
étais
faible que parce que je me tenais immobile, dans ma prudence. L’actio
1392
bientôt que je n’étais faible que parce que je me
tenais
immobile, dans ma prudence. L’action risquée m’apporte les forces don
1393
orces dont je manquais. De toutes parts, un appel
est
ressenti : je le nommerai la nostalgie fédéraliste. Des auteurs isolé
1394
gie des catastrophes (avril 1977)ad ae Tout ne
fut
pas toujours de notre faute. Ils souffraient de famine quand nous n’é
1395
tre faute. Ils souffraient de famine quand nous n’
étions
pas nés. Ils meurent encore de faim, mais en bien plus grand nombre —
1396
z nous de manger trop. Cette fois-ci, notre faute
est
immense, mais ailleurs : elle est d’avoir offert, ou plutôt imposé au
1397
ci, notre faute est immense, mais ailleurs : elle
est
d’avoir offert, ou plutôt imposé aux élites occidentalisées du tiers-
1398
e modèle de l’État-nation napoléonien — et que ce
soit
en version capitaliste ou communiste ne fait aucune différence. Ils s
1399
er à éviter nos maux, au lieu de les revendiquer,
sera
l’exemple vécu et réussi d’un dépassement de nos stato-nationalismes
1400
moyens de s’en tirer sans catastrophes. Car s’il
est
vrai que l’Europe est responsable de la plupart des maux qui accablen
1401
sans catastrophes. Car s’il est vrai que l’Europe
est
responsable de la plupart des maux qui accablent le tiers-monde, et d
1402
amine, mais d’où soif aussi de nos industries, il
est
non moins vrai que l’Europe seule peut produire les anticorps des tox
1403
pandues, et peut élaborer un modèle politique qui
soit
tentant pour le tiers-monde. Quant à savoir si le tiers-monde sera t
1404
le tiers-monde. Quant à savoir si le tiers-monde
sera
tenté, et tirera de sa libération les conclusions que nous aurions dû
1405
, pour notre part, de l’échec du colonialisme, je
suis
sceptique. Il se peut que le tiers-monde ne désire imiter qu’un Occid
1406
ules, non pas perdant et devenu sage. Mais ce qui
est
sûr, c’est qu’en refusant de faire les régions et de se « faire » du
1407
e projet ? Quelles forces peut-il mobiliser ? Qui
est
pour ? Qui sera contre ? Et qui va le prendre en charge ? — Je ne ser
1408
les forces peut-il mobiliser ? Qui est pour ? Qui
sera
contre ? Et qui va le prendre en charge ? — Je ne serais pas tenu de
1409
contre ? Et qui va le prendre en charge ? — Je ne
serais
pas tenu de répondre à ces questions, m’étant donné pour tâche de fai
1410
qui va le prendre en charge ? — Je ne serais pas
tenu
de répondre à ces questions, m’étant donné pour tâche de faire voir e
1411
ne serais pas tenu de répondre à ces questions, m’
étant
donné pour tâche de faire voir et sentir la nécessité des régions, en
1412
rien de visible dans ce sens, tout occupés qu’ils
sont
à se maintenir au pouvoir. Ils voudraient bien agir dans le sens de m
1413
Rome ? Et qu’ont fait les partis politiques ? Ils
sont
encore « nationaux » avant tout, donc pas plus régionaux qu’européens
1414
t, donc pas plus régionaux qu’européens. Leur but
est
d’accéder au pouvoir existant, d’occuper ses bureaux, de s’asseoir da
1415
e. — Mais la Jeunesse ? — Pour autant qu’elle n’
est
pas un mythe journalistique, je la vois partagée dans sa majorité ent
1416
la conscience de vivre un long cauchemar où tout
est
faux, impossible et réel ; le refus de croire que l’état des forces c
1417
a société stato-nationaliste a pour seule vertu d’
être
là. Écoutons Baudelaire : Le monde va finir. La seule raison pour la
1418
rrait durer, c’est qu’il existe. Que cette raison
est
faible, comparée à toutes celles qui annoncent le contraire, particul
1419
nt le contraire, particulièrement à celle-ci : qu’
est
-ce que le monde a désormais à faire sous le ciel ? Dans les partis,
1420
ucléaires. La vertu des gouvernements, même s’ils
sont
au service des marchands d’armes, n’est pas telle qu’ils ne tirent de
1421
me s’ils sont au service des marchands d’armes, n’
est
pas telle qu’ils ne tirent de pareils résultats des conclusions d’un
1422
signes favorables ? — Des milliers de mouvements
sont
à l’œuvre. Au premier rang, ceux des écologistes. On leur dispute ce
1423
omistes comme E. F. Schumacher, pour qui l’avenir
est
aux « petites unités intelligibles » ; des politologues comme C. N. P
1424
loi du même nom), pour qui l’Europe de demain ne
sera
viable que si elle se recompose sur la base de quelque 140 régions au
1425
ules des unités de dimensions restreintes peuvent
être
appréhendées par leurs habitants et leur offrir un cadre de vie plais
1426
it nos États-nations, ayant perdu leurs raisons d’
être
, bientôt remplacés par une « communauté plus effective », l’Europe de
1427
s effective », l’Europe des régions. — L’avenir
serait
donc à l’Europe des régions ? — Sans aucun doute, si les vues justes
1428
s pour décider de la survie de notre espèce. —
Seriez
-vous radicalement pessimiste ? — Pessimiste, optimiste, cela n’a pas
1429
errai que je puis faire quelque chose, quel qu’en
soit
d’ailleurs le succès ! Attitude qui n’est pas différente de celle que
1430
qu’en soit d’ailleurs le succès ! Attitude qui n’
est
pas différente de celle que j’annonçais dans ma jeunesse sous le titr
1431
os soins diligents quoique inconscients. Si elles
sont
assez grandes pour réveiller le monde, pas assez pour tout écraser, j
1432
t-Just ajoutait : Ce qui produit le bien général
est
toujours terrible, ou paraît bizarre lorsque l’on commence trop tôt.
1433
commence trop tôt. Mais je ne vois pas ce qu’il
serait
possible, aujourd’hui, de « commencer trop tôt » : tout va trop vite.
1434
», disait Sénèque. Mais pour celui qui sait, tout
est
possible tant qu’un vent souffle, même contraire. Tirer des bords con
1435
ou la droite vont l’emporter — de toute façon, ce
sera
tout autre chose — car je n’écris ceci que pour mieux disposer quelqu
1436
nnable espoir. La fin de l’homme, tout à l’heure,
serait
au moins prématurée. Nous voyons aujourd’hui certaines causes du péri
1437
umain risque de s’anéantir, et nous disons : — ce
serait
trop bête ! Nous venons d’entrevoir la guérison possible. Nous avons
1438
a Nature et nos habitants — in extremis. Mais que
serait
la beauté du Monde sans l’œil de l’homme ? C’était si beau, la Terre
1439
sage et les décors n’aura plus de sens si nous ne
sommes
plus là, ou ce qui revient au même, si nous sommes encore là mais ali
1440
ommes plus là, ou ce qui revient au même, si nous
sommes
encore là mais aliénés, devenus incapables même de nostalgie pour ce
1441
devenus incapables même de nostalgie pour ce qui
fut
un jour notre vie menacée. Mais il n’est pas de prévision d’avenir me
1442
r ce qui fut un jour notre vie menacée. Mais il n’
est
pas de prévision d’avenir meilleur qui ne passe par un homme meilleur
1443
r un homme meilleur. Car il arrivera… ce que nous
sommes
. Et quoi d’autre peut-il arriver ? Et venant d’où ? (À part les tremb
1444
e du factum, du déjà fait. Toute pensée créatrice
est
du « wishful thinking », prend nos désirs pour des réalités, jusqu’à
1445
ire ? » À ces deux questions, curieusement, il n’
est
qu’une seule réponse possible et c’est : — Toi-même ! Car il arrivera
1446
c’est : — Toi-même ! Car il arrivera ce que nous
sommes
: du mal au pire si nous restons aussi mauvais, et quelque bien si no
1447
obable ou précisément calculé, et d’abord celui d’
être
tous des seuls en masse, il vous reste à vous convertir, à faire votr
1448
emander de devenir tous des saints. (Pourtant, ce
serait
la solution.) Je ne vais pas vous dire : — Aimez-vous ! (même remarqu
1449
u des relations humaines, dans la cité, s’il ne s’
est
opéré d’abord en vous. Si vous voulez changer l’avenir, changez vous-
1450
e dit seulement : Convertissez-vous ! Le mot doit
être
ici reçu dans toute sa force et dans la plénitude de son sens. (Qui n
1451
sa force et dans la plénitude de son sens. (Qui n’
est
pas limité à « devenez chrétiens ! ». Isaïe n’était pas chrétien.) Di
1452
est pas limité à « devenez chrétiens ! ». Isaïe n’
était
pas chrétien.) Dira-t-on que l’on peut partager telles idées sur les
1453
mplement n’atteignant pas la masse critique) ce n’
est
rien de moins que se tourner vers des finalités de liberté, rien de m
1454
des faux dieux. Pour les évangiles, la puissance
est
la plus grande des tentations que le diable dresse au désert devant J
1455
emplace l’amour par l’efficacité — dont la mesure
est
la puissance militaire, puissance de tuer ; si l’on ne veut plus tire
1456
f de liberté à tous risques, le choix de l’espèce
sera
fonction de la chose la moins prévisible du monde, qui est la vitalit
1457
ion de la chose la moins prévisible du monde, qui
est
la vitalité d’une société. Mais il nous faut pousser l’analyse sur no
1458
ous réellement ? Au niveau des États-nations tout
est
joué, tout est perdu. On le sait dans les hautes sphères du Pouvoir.
1459
? Au niveau des États-nations tout est joué, tout
est
perdu. On le sait dans les hautes sphères du Pouvoir. Chacun, pour se
1460
oyens à ces buts — recréons la communauté ! Ce ne
sera
pas encore la fin de la peine des hommes, la vie sans poids. Pas enco
1461
devra tirer son espoir et sa résolution. Et ce n’
est
pas la promesse d’une fin de l’Histoire mais d’une rénovation de l’av
1462
l’Histoire mais d’une rénovation de l’aventure d’
être
homme, si elle prend naissance dans notre cœur. Écoutons maintenant
1463
vre à paraître chez Stock sous le titre L’Avenir
est
notre affaire . »