1
Le péril Ford (février
1928
)a On a trop dit que notre époque est chaotique. Je crois bien, au
2
bien, au contraire, que l’histoire n’a pas connu
de
période où les directions d’une civilisation apparaissent plus nettem
3
stoire n’a pas connu de période où les directions
d’
une civilisation apparaissent plus nettement. Un certain ordre s’élabo
4
e, ou, pour mieux dire, une organisation générale
de
la vie mondiale. Toutes les forces du temps y concourent obscurément
5
ste à jouer l’autruche aux yeux clos, l’avènement
de
cette organisation toute-puissante n’est plus qu’une question de quel
6
sation toute-puissante n’est plus qu’une question
de
quelques années. Mais peut-être est-il temps encore. Ici et là, quelq
7
Ici et là, quelques cris s’élèvent dans le désert
d’
une époque déjà presque abandonnée par l’Esprit. À l’heure de toucher
8
e déjà presque abandonnée par l’Esprit. À l’heure
de
toucher aux buts que sa civilisation poursuit depuis près de deux siè
9
buts que sa civilisation poursuit depuis près de
deux
siècles, l’Occidental est saisi d’un étrange malaise. Il soupçonne, p
10
puis près de deux siècles, l’Occidental est saisi
d’
un étrange malaise. Il soupçonne, par éclairs, qu’il y avait peut-être
11
aurait-il fait fausse route ? Est-il temps encore
de
le détourner du désastre spirituel vers lequel il entraîne l’Occident
12
prendre conscience du péril. Nous ne tentons rien
d’
autre ici. Il y a une lâcheté, croyons-nous, dans cette complaisance
13
érale à proclamer le désordre du temps. On a peur
de
certaines évidences, on préfère affirmer que tout est incompréhensibl
14
ensible. L’homme moderne recule devant l’évidence
de
la banqueroute prochaine de sa civilisation. Il répugne à admettre qu
15
ule devant l’évidence de la banqueroute prochaine
de
sa civilisation. Il répugne à admettre qu’une époque entière ait pu s
16
r, et se tromper mortellement. Il suffit pourtant
de
regarder autour de nous et d’en croire nos yeux. I. L’homme qui a r
17
Il suffit pourtant de regarder autour de nous et
d’
en croire nos yeux. I. L’homme qui a réussi Je prends Henry Ford
18
egarder autour de nous et d’en croire nos yeux.
I
. L’homme qui a réussi Je prends Henry Ford comme un symbole du mon
19
onne ne s’est approché plus que lui du type idéal
de
l’industriel et du capitaliste. Le succès immense de ses livres1, sa
20
l’industriel et du capitaliste. Le succès immense
de
ses livres1, sa popularité universelle sont signes que l’époque a sen
21
tion la plus parfaite. Qu’on ne m’accuse donc pas
de
caricaturer l’objet de ma critique pour faciliter l’accusation : je p
22
Qu’on ne m’accuse donc pas de caricaturer l’objet
de
ma critique pour faciliter l’accusation : je prends pour la juger ce
23
: je prends pour la juger ce que l’époque m’offre
de
mieux réussi. Voici la vie de Ford, telle qu’il la raconte dans Ma vi
24
ue l’époque m’offre de mieux réussi. Voici la vie
de
Ford, telle qu’il la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils d
25
la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils
de
paysan. Il passe son enfance à jouer avec des outils, « et c’est avec
26
à présent », dit‑il. Le plus mémorable événement
de
ces années de jeunesse, son « chemin de Damas » (comme il dit sans qu
27
dit‑il. Le plus mémorable événement de ces années
de
jeunesse, son « chemin de Damas » (comme il dit sans qu’on sache au j
28
événement de ces années de jeunesse, son « chemin
de
Damas » (comme il dit sans qu’on sache au juste quelle dose d’« humou
29
omme il dit sans qu’on sache au juste quelle dose
d’
« humour » il met dans l’expression), c’est la rencontre d’une locomot
30
r » il met dans l’expression), c’est la rencontre
d’
une locomotive routière. « Depuis l’instant où, enfant de 12 ans, j’ap
31
ocomotive routière. « Depuis l’instant où, enfant
de
12 ans, j’aperçus cette machine de route, jusqu’au jour présent, ma g
32
motive routière. « Depuis l’instant où, enfant de
12
ans, j’aperçus cette machine de route, jusqu’au jour présent, ma gran
33
ant où, enfant de 12 ans, j’aperçus cette machine
de
route, jusqu’au jour présent, ma grande et constante ambition a été d
34
ur présent, ma grande et constante ambition a été
de
construire une bonne machine routière. » Les étapes de sa jeunesse so
35
nstruire une bonne machine routière. » Les étapes
de
sa jeunesse sont : la construction d’un moteur à vapeur, puis d’un mo
36
Les étapes de sa jeunesse sont : la construction
d’
un moteur à vapeur, puis d’un moteur à explosion, enfin d’une première
37
sont : la construction d’un moteur à vapeur, puis
d’
un moteur à explosion, enfin d’une première automobile fabriquée, à te
38
eur à vapeur, puis d’un moteur à explosion, enfin
d’
une première automobile fabriquée, à temps perdu, alors qu’il est simp
39
« et commence à réaliser son rêve, le type unique
d’
automobile utilitaire »2. Dès lors, c’est une suite de chiffres indiqu
40
son rêve, le type unique d’automobile utilitaire »
2.
Dès lors, c’est une suite de chiffres indiquant le progrès de sa prod
41
tomobile utilitaire »2. Dès lors, c’est une suite
de
chiffres indiquant le progrès de sa production, d’année en année. On
42
c’est une suite de chiffres indiquant le progrès
de
sa production, d’année en année. On pourrait ajouter à ces chiffres c
43
e chiffres indiquant le progrès de sa production,
d’
année en année. On pourrait ajouter à ces chiffres celui des milliards
44
née. On pourrait ajouter à ces chiffres celui des
milliards
qu’il possède, ou plutôt qu’il gère, mais ce n’est pour lui qu’un rés
45
mais ce n’est pour lui qu’un résultat secondaire
de
son activité. Le but de sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rê
46
qu’un résultat secondaire de son activité. Le but
de
sa vie n’a jamais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a
47
de son activité. Le but de sa vie n’a jamais été
de
s’enrichir. Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme il est don
48
it autre, il l’a réalisé comme il est donné à peu
d’
hommes de le faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité d’augme
49
il l’a réalisé comme il est donné à peu d’hommes
de
le faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité d’augmenter enco
50
é comme il est donné à peu d’hommes de le faire :
7000
voitures par jour, et la possibilité d’augmenter encore cette product
51
faire : 7000 voitures par jour, et la possibilité
d’
augmenter encore cette production. Ford est le plus puissant industrie
52
monde ; le plus riche, au point qu’il peut parler
d’
égal à égal avec beaucoup d’États ; le plus parfait aussi. Son succès
53
int qu’il peut parler d’égal à égal avec beaucoup
d’
États ; le plus parfait aussi. Son succès sans précédent le met à l’ab
54
aussi. Son succès sans précédent le met à l’abri
de
toutes les attaques, du point de vue technique. L’organisation de ses
55
taques, du point de vue technique. L’organisation
de
ses usines, des salaires, des conditions de travail et de repos qu’il
56
ation de ses usines, des salaires, des conditions
de
travail et de repos qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter
57
sines, des salaires, des conditions de travail et
de
repos qu’il offre à ses ouvriers semblent bien apporter une solution
58
st un résultat qu’on n’a pas le droit humainement
de
sous-estimer. Les griefs que les socialistes font aux capitalistes eu
59
re. Au contraire, il a résolu la question sociale
d’
une façon qui ne devrait pas déplaire aux doctrinaires de gauche, lesq
60
açon qui ne devrait pas déplaire aux doctrinaires
de
gauche, lesquels ont coutume de promettre à leurs électeurs une organ
61
aux doctrinaires de gauche, lesquels ont coutume
de
promettre à leurs électeurs une organisation complète du monde, seule
62
nisation complète du monde, seule méthode capable
d’
empêcher les abus des capitalistes. Du même coup, en supprimant l’escl
63
Du même coup, en supprimant l’esclavage financier
de
l’ouvrier, il supprime la principale cause avouée de la lutte des cla
64
l’ouvrier, il supprime la principale cause avouée
de
la lutte des classes. Il se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuv
65
ause avouée de la lutte des classes. Il se dégage
de
la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solid
66
la lutte des classes. Il se dégage de la lecture
de
Ma vie et mon œuvre une impression de netteté, de solidité, de propre
67
la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression
de
netteté, de solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir q
68
de Ma vie et mon œuvre une impression de netteté,
de
solidité, de propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir qu’on éprouve
69
mon œuvre une impression de netteté, de solidité,
de
propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir qu’on éprouve toujours au
70
à cela le plaisir qu’on éprouve toujours au récit
de
succès mirobolants, et le charme un peu facile mais fort goûté du gra
71
me un peu facile mais fort goûté du grand public,
de
l’humour américain, l’on comprendra sans peine la popularité mondiale
72
a sans peine la popularité mondiale des « idées »
d’
Henry Ford et des livres qui les répandent. L’on ne pourra qu’y applau
73
leur montre le chemin qu’ils seront bien obligés
de
prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ils s’y engagent dès aujour
74
ment, pendant qu’il reste quelques chances encore
de
régler pacifiquement le conflit du capital et du travail. « Se fordis
75
crivait récemment un économiste. Ford, perfection
de
l’industriel, offre au monde moderne le premier exemple de son achève
76
striel, offre au monde moderne le premier exemple
de
son achèvement intégral. Il a atteint l’objectif de la moderne civili
77
son achèvement intégral. Il a atteint l’objectif
de
la moderne civilisation occidentale. Voici donc venue l’heure de la j
78
ivilisation occidentale. Voici donc venue l’heure
de
la juger. Le héros de l’époque, c’est l’homme qui a réussi. Mais à qu
79
e. Voici donc venue l’heure de la juger. Le héros
de
l’époque, c’est l’homme qui a réussi. Mais à quoi ? C’est la plus gra
80
ave question qu’on puisse poser à notre temps.
II
. M. Ford a ses idées, ou la philosophie de ceux qui n’en veulent pas
81
ps. II. M. Ford a ses idées, ou la philosophie
de
ceux qui n’en veulent pas Nous avons dit tout à l’heure quel fut l
82
Nous avons dit tout à l’heure quel fut le but
de
la vie de Ford, sa « grande et constante ambition ». Il semble que to
83
vons dit tout à l’heure quel fut le but de la vie
de
Ford, sa « grande et constante ambition ». Il semble que toute sa car
84
érons-la sous cet angle. Il y a d’abord la vision
de
l’auto routière : naissance de sa passion froide et tenace. Il s’effo
85
d’abord la vision de l’auto routière : naissance
de
sa passion froide et tenace. Il s’efforce d’en réaliser l’objet par s
86
ance de sa passion froide et tenace. Il s’efforce
d’
en réaliser l’objet par ses propres moyens, à un exemplaire ; puis, il
87
ition, il conçoit ce mythe extravagant du bonheur
de
l’humanité par la possession d’automobiles Ford. Et, comme il est trè
88
vagant du bonheur de l’humanité par la possession
d’
automobiles Ford. Et, comme il est très intelligent, il a vite fait de
89
Et, comme il est très intelligent, il a vite fait
de
démêler les conditions les plus rationnelles de la production, avec c
90
t de démêler les conditions les plus rationnelles
de
la production, avec cette netteté et cette décision qu’une passion co
91
ion qu’une passion contenue peut donner à l’homme
d’
action. Enfin, le voici en mesure de produire des quantités énormes d’
92
ner à l’homme d’action. Enfin, le voici en mesure
de
produire des quantités énormes d’autos. Seulement, pour pouvoir conti
93
voici en mesure de produire des quantités énormes
d’
autos. Seulement, pour pouvoir continuer, il faut vendre ; dans l’inté
94
ouvoir continuer, il faut vendre ; dans l’intérêt
de
la production, il faut créer la consommation. La réclame s’en charge.
95
a réclame s’en charge. Par le procédé très simple
de
la répétition, on fait croire aux gens qu’ils ne peuvent plus vivre h
96
eux sans auto. Voilà l’affaire lancée. La passion
de
Ford se donne libre cours. Il ne s’agit plus maintenant que de lui do
97
nne libre cours. Il ne s’agit plus maintenant que
de
lui donner une apparence d’utilité publique. À chaque page de ses liv
98
t plus maintenant que de lui donner une apparence
d’
utilité publique. À chaque page de ses livres, on pourrait relever les
99
r une apparence d’utilité publique. À chaque page
de
ses livres, on pourrait relever les sophismes plus ou moins conscient
100
ients par lesquels il prétend ramener le bénéfice
de
la production à celui du consommateur. Prenons cette petite phrase qu
101
mateur. Prenons cette petite phrase qui n’a l’air
de
rien : « Nul ne contestera que, si l’on abaisse suffisamment les prix
102
client. Mais cherchons un peu les causes réelles
de
cet abaissement de prix — la concurrence n’étant bien entendu qu’une
103
hons un peu les causes réelles de cet abaissement
de
prix — la concurrence n’étant bien entendu qu’une cause accessoire. D
104
t trop chère ; mais surtout que le besoin qu’on a
de
tel objet est satisfait ou a disparu. Il semble alors que l’industrie
105
er bagage. Mais c’est ici que Ford montre le bout
de
l’oreille, et que son but réel est la production pour elle-même, non
106
téresse plus réellement. Il croit qu’il va gagner
5
francs en achetant 5 francs moins chers un objet que, sans cette bais
107
nt. Il croit qu’il va gagner 5 francs en achetant
5
francs moins chers un objet que, sans cette baisse, il n’eût pas ache
108
. Elle peut amener, en se généralisant, une sorte
de
suicide du genre humain, par perte de son instinct de préservation, d
109
, une sorte de suicide du genre humain, par perte
de
son instinct de préservation, d’autorégulation et d’alternances. Tel
110
uicide du genre humain, par perte de son instinct
de
préservation, d’autorégulation et d’alternances. Tel est ce sophisme,
111
umain, par perte de son instinct de préservation,
d’
autorégulation et d’alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du b
112
son instinct de préservation, d’autorégulation et
d’
alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui de
113
est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui
de
la réclame a même but, mêmes effets. Mais le plus grave est peut-être
114
le intitulé « Le grand paradoxe du monde moderne »
3,
ce qu’il y a de profondément antihumain dans la conception fordienne
115
grand paradoxe du monde moderne »3, ce qu’il y a
de
profondément antihumain dans la conception fordienne de l’oisiveté. F
116
fondément antihumain dans la conception fordienne
de
l’oisiveté. Ford a créé un second dimanche dans la semaine, « retouch
117
cond dimanche dans la semaine, « retouché l’œuvre
de
la Création », comme dit Ferrero. Le bon peuple s’extasie. Il ne peut
118
e. Il ne peut voir la duperie : ce jeu du chat et
de
la souris ; si Ford relâche les ouvriers et leur donne une apparence
119
relâche les ouvriers et leur donne une apparence
de
liberté, c’est pour mieux les prendre dans son engrenage. L’emploi de
120
ur mieux les prendre dans son engrenage. L’emploi
de
leurs loisirs est prévu. Il est déterminé par la réclame, les produit
121
ord qu’il faut user, etc. Il a pour but véritable
d’
augmenter la consommation. Il rend plus complet l’esclavage de l’ouvri
122
la consommation. Il rend plus complet l’esclavage
de
l’ouvrier, puisqu’il englobe jusqu’à son repos dans le cycle de la pr
123
puisqu’il englobe jusqu’à son repos dans le cycle
de
la production. Cercle vicieux : plus la production s’intensifie, plus
124
us la production s’intensifie, plus il faut créer
de
besoins et de loisirs. Or, l’industrie ne peut subsister qu’en progre
125
on s’intensifie, plus il faut créer de besoins et
de
loisirs. Or, l’industrie ne peut subsister qu’en progressant. Mais la
126
jusqu’à quel point Ford est conscient des buts et
de
l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de
127
point Ford est conscient des buts et de l’avenir
de
son effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de produire peu
128
effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe
de
produire peut très bien envahir un cerveau moderne au point d’en excl
129
eut très bien envahir un cerveau moderne au point
d’
en exclure toute considération de finalité. Mais cet aveuglement fonda
130
moderne au point d’en exclure toute considération
de
finalité. Mais cet aveuglement fondamental n’empêche pas notre indust
131
lement fondamental n’empêche pas notre industriel
de
philosopher sur les sujets les plus divers. Les aphorismes sont assez
132
lus divers. Les aphorismes sont assez révélateurs
de
la mentalité capitaliste américaine. Voici, par exemple, une définiti
133
te américaine. Voici, par exemple, une définition
de
la liberté : La liberté consiste à travailler pendant le temps conve
134
nt le temps convenable et à gagner, par ce moyen,
de
quoi vivre convenablement tout en restant maître de régler à sa guise
135
quoi vivre convenablement tout en restant maître
de
régler à sa guise le détail de sa vie privée. Cette liberté particuli
136
en restant maître de régler à sa guise le détail
de
sa vie privée. Cette liberté particulière, et cent autres pareilles,
137
de sa vie privée. Cette liberté particulière, et
cent
autres pareilles, composent, au total, la grande Liberté idéale et me
138
nt, au total, la grande Liberté idéale et mettent
de
l’huile dans les rouages de la vie quotidienne. Cette Liberté idéale
139
rté idéale et mettent de l’huile dans les rouages
de
la vie quotidienne. Cette Liberté idéale réduite au rôle d’huile dan
140
uotidienne. Cette Liberté idéale réduite au rôle
d’
huile dans les rouages, n’est-ce pas charmant et prometteur ? Et que d
141
n’est-ce pas charmant et prometteur ? Et que dire
de
cette admirable simplification : « Sur quoi repose la société ? Sur l
142
e prix que nous payons à la terre la satisfaction
de
nos besoins. » — Ford se moque de la philosophie. Il ne peut empêcher
143
la satisfaction de nos besoins. » — Ford se moque
de
la philosophie. Il ne peut empêcher que son attitude ne porte un nom
144
me des machines. J’y vois la réalisation concrète
d’
une théorie qui tend à faire de ce monde un séjour meilleur pour les h
145
alisation concrète d’une théorie qui tend à faire
de
ce monde un séjour meilleur pour les hommes. » C’est le bonheur, le s
146
réclame. « Ce que j’ai à cœur, aujourd’hui, c’est
de
démontrer que les idées mises en pratique chez nous ne concernent pas
147
Réjouissons-nous… Mais, comment expliquer que des
centaines
de milliers de lecteurs, dans une Europe « chrétienne », applaudissen
148
s-nous… Mais, comment expliquer que des centaines
de
milliers de lecteurs, dans une Europe « chrétienne », applaudissent s
149
ous… Mais, comment expliquer que des centaines de
milliers
de lecteurs, dans une Europe « chrétienne », applaudissent sans réser
150
, comment expliquer que des centaines de milliers
de
lecteurs, dans une Europe « chrétienne », applaudissent sans réserve
151
rétienne », applaudissent sans réserve aux thèses
de
cet orgueilleux et naïf messianisme matérialiste ? Un seul doute effl
152
ialiste ? Un seul doute effleure Ford vers la fin
de
son livre : Le problème de la production a été brillamment résolu… M
153
eure Ford vers la fin de son livre : Le problème
de
la production a été brillamment résolu… Mais nous nous absorbons trop
154
t ne pensons pas assez aux raisons que nous avons
de
le faire. Tout notre système de concurrence, tout notre effort de cré
155
ns que nous avons de le faire. Tout notre système
de
concurrence, tout notre effort de création, tout le jeu de nos facult
156
t notre système de concurrence, tout notre effort
de
création, tout le jeu de nos facultés semblent dirigés uniquement ver
157
rence, tout notre effort de création, tout le jeu
de
nos facultés semblent dirigés uniquement vers la production matériell
158
ord passe outre et se remet à discuter des points
de
technique. Il n’a pas senti qu’il touchait là le nœud vital du problè
159
problème moderne. D’ailleurs, les idées générales
de
cette sorte sont rares dans son livre. En général, il se borne à parl
160
dans son livre. En général, il se borne à parler
de
problèmes techniques où son triomphe est facile. C’est le technicien
161
perfectionnée mérite les sacrifices qu’elle exige
de
l’homme moderne. Paradoxes plus ou moins intéressés, optimisme d’homm
162
ne. Paradoxes plus ou moins intéressés, optimisme
d’
homme à qui tout réussit, messianisme de la machine, méconnaissance gl
163
optimisme d’homme à qui tout réussit, messianisme
de
la machine, méconnaissance glorieuse des forces spirituelles, le tout
164
rieuse des forces spirituelles, le tout agrémenté
d’
humour et exposé avec un simplisme qui emporte à coup sûr l’adhésion d
165
l’adhésion du gros public : telle est l’idéologie
de
celui que M. Cambon, dans sa préface, égale aux plus grands esprits d
166
n, dans sa préface, égale aux plus grands esprits
de
tous les temps. On me dira que Ford a mieux à faire que de philosophe
167
es temps. On me dira que Ford a mieux à faire que
de
philosopher. Je le veux. Mais si j’insiste un peu sur ses « idées »,
168
’on pourrait appeler le plus actif du monde, l’un
de
ceux qui influent le plus sur notre civilisation, possède la philosop
169
ffrénée, trop folle, pour être justiciable encore
de
nos vérités essentielles ? Il semble bien que notre temps ait prononc
170
otre temps ait prononcé définitivement le divorce
de
l’esprit et de l’action. III. Le fordisme contre l’Esprit La fo
171
prononcé définitivement le divorce de l’esprit et
de
l’action. III. Le fordisme contre l’Esprit La formidable erreur
172
ivement le divorce de l’esprit et de l’action.
III
. Le fordisme contre l’Esprit La formidable erreur de la bourgeoisi
173
fordisme contre l’Esprit La formidable erreur
de
la bourgeoisie moderne c’est de croire que les choses pourront aller
174
formidable erreur de la bourgeoisie moderne c’est
de
croire que les choses pourront aller ainsi longtemps encore. On se re
175
ler ainsi longtemps encore. On se refuse à l’idée
d’
une catastrophe, pourtant plus que probable, par crainte de se voir ob
176
elle qu’on ne peut faire qu’au nom de l’Esprit et
de
ses exigences. Mais le « rien de nouveau sous le soleil » derrière le
177
e paresse et une légèreté inouïes, c’est le signe
d’
une complicité avec un état de choses funeste pour l’Esprit. Si l’Espr
178
prise dans notre vie, il détourne la civilisation
de
son but véritable : aller à l’Esprit, y conduire les peuples. Ainsi,
179
Esprit, y conduire les peuples. Ainsi, détournant
de
l’essentiel une grande part des forces humaines, il travaille contre
180
it. Rien n’est gratuit. Nous payons notre passion
de
posséder la matière du prix de la seule possession véritable, la conn
181
yons notre passion de posséder la matière du prix
de
la seule possession véritable, la connaissance de l’Esprit. C’est déj
182
de la seule possession véritable, la connaissance
de
l’Esprit. C’est déjà un fait d’expérience. Et qui n’en pourrait citer
183
, la connaissance de l’Esprit. C’est déjà un fait
d’
expérience. Et qui n’en pourrait citer un exemple individuel ? Nous sa
184
’homme d’affaires à l’américaine tient les choses
de
l’Esprit. Dans le cas le plus favorable, « il se passera bien de cett
185
ns le cas le plus favorable, « il se passera bien
de
cette littérature ». Plus tard, « puisqu’elle n’est pas utile, elle e
186
ou autres œuvres destinées à charmer les loisirs
de
personnes oisives et raffinées, réunies pour admirer mutuellement leu
187
tout est dit ! Le simplisme arrogant avec lequel,
de
nos jours, on tranche les grandes questions humaines est une des mani
188
es est une des manifestations les plus frappantes
de
notre régression. Cette perte du sens de l’âme se nomme bon sens amér
189
appantes de notre régression. Cette perte du sens
de
l’âme se nomme bon sens américain. On en fait quelque chose de jovial
190
omme bon sens américain. On en fait quelque chose
de
jovial et d’alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereu
191
américain. On en fait quelque chose de jovial et
d’
alerte, quelque chose de très sympathique et pas dangereux du tout. On
192
uelque chose de jovial et d’alerte, quelque chose
de
très sympathique et pas dangereux du tout. On n’en fait pas une philo
193
s’en doute, cela en prend la place. Les facultés
de
l’âme, inutilisées, s’atrophient. Pourvu, dit-on, que subsiste le peu
194
affaires, tout ira bien. (On pense que les formes
de
la morale peuvent exister sans leur substance religieuse.) L’homme mo
195
nce religieuse.) L’homme moderne manie les choses
de
l’âme avec une maladresse de barbare. IV. « En être » ou ne pas en
196
rne manie les choses de l’âme avec une maladresse
de
barbare. IV. « En être » ou ne pas en être Une fois qu’on a com
197
hoses de l’âme avec une maladresse de barbare.
IV
. « En être » ou ne pas en être Une fois qu’on a compris à quel poi
198
er presque fatalement dans un anarchisme stérile.
1°
Accepter la technique et ses conditions. Dans cette mécanique bien hu
199
homme s’abandonne à des lois géométriques. Un jeu
de
chiffres d’horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’il sent immu
200
donne à des lois géométriques. Un jeu de chiffres
d’
horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’il sent immuable comme l
201
immuable comme la mort le restitue au monde vers
5
heures du soir, dans la détresse des dernières sirènes. Au monde, c’e
202
’à l’existence, et à une liberté qu’il s’empresse
d’
aliéner au profit de plaisirs tarifés, soumis plus subtilement encore
203
une liberté qu’il s’empresse d’aliéner au profit
de
plaisirs tarifés, soumis plus subtilement encore que son travail aux
204
plus subtilement encore que son travail aux lois
d’
une offre et d’une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont
205
nt encore que son travail aux lois d’une offre et
d’
une demande sans rapport avec ses désirs réels, et dont il subit docil
206
l’homme qui était un membre vivant dans le corps
de
la Nature, lié par les liens les plus subtils et les plus profonds à
207
ls et les plus profonds à tous les autres membres
de
la Nature, choses, bêtes et anges, — le voici devenu sourd à cette ha
208
enu sourd à cette harmonie universelle, incapable
d’
en comprendre les correspondances divines et humaines, insensible même
209
onomiques et des exigences les plus rudimentaires
de
son corps. Il a perdu le contact avec les choses naturelles, et par l
210
te détresse, — qu’il met d’ailleurs sur le compte
de
sa fatigue. Neurasthénie. La conquête du confort matériel l’a laissé
211
u confort matériel l’a laissé oublier les valeurs
de
l’esprit au point qu’il n’éprouve plus même cette carence ; seulement
212
il découvre qu’il s’ennuie profondément ; fatigué
de
trop de satisfactions matérielles, il a laissé se détendre, ou il a c
213
vre qu’il s’ennuie profondément ; fatigué de trop
de
satisfactions matérielles, il a laissé se détendre, ou il a cassé les
214
a laissé se détendre, ou il a cassé les ressorts
de
sa joie : l’effort libre et généreux, le sentiment d’avoir inventé ou
215
a joie : l’effort libre et généreux, le sentiment
d’
avoir inventé ou compris par soi-même, la liberté et une certaine duré
216
ale et capricieuse dans le plaisir, la conscience
de
ses besoins et de ses buts propres, humains et divins. Mauvais loisir
217
dans le plaisir, la conscience de ses besoins et
de
ses buts propres, humains et divins. Mauvais loisirs. Ford lui a donn
218
lui a donné une auto pour admirer la nature entre
17
et 19 heures : vraiment, il ne lui manque plus rien — que l’envie. Ma
219
donné une auto pour admirer la nature entre 17 et
19
heures : vraiment, il ne lui manque plus rien — que l’envie. Mauvais
220
travail. Il a perdu le sens religieux, cosmique,
de
l’effort humain. Il ne peut plus situer son effort individuel dans le
221
, il en est l’esclave. Pour s’être exclu lui-même
de
l’ordre de la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rappor
222
l’esclave. Pour s’être exclu lui-même de l’ordre
de
la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rapports abstrait
223
mais c’est pourtant lui seul qui nous permettrait
de
jouir de notre liberté. La victoire mécanicienne est une victoire à l
224
t pourtant lui seul qui nous permettrait de jouir
de
notre liberté. La victoire mécanicienne est une victoire à la Pyrrhus
225
ignes. Nous perdons, en l’acquérant, par l’effort
de
l’acquérir, les forces mêmes qui nous la firent désirer. 2° Accepter
226
ir, les forces mêmes qui nous la firent désirer.
2°
Accepter l’esprit, et ses conditions. Je dis que les êtres encore dou
227
ses conditions. Je dis que les êtres encore doués
de
quelque sensibilité spirituelle deviennent par le seul fait de rester
228
nsibilité spirituelle deviennent par le seul fait
de
rester eux-mêmes dans un monde fordisé, des anarchistes. Car l’Esprit
229
est pas une faculté destinée à amuser nos moments
de
loisir, il a des exigences effectives ; et ces exigences sont en cont
230
en contradiction avec celles que le développement
de
la technique impose au monde moderne. Ces êtres, d’une espèce de plus
231
la technique impose au monde moderne. Ces êtres,
d’
une espèce de plus en plus rare, qui savent encore quelque chose de la
232
lus en plus rare, qui savent encore quelque chose
de
la vie profonde, qui voient encore des vérités invisibles, qui garden
233
uelle grâce ? un peu de cette connaissance active
de
Dieu que nos savants nomment mysticisme et considèrent comme un « cas
234
on les écarte des engrenages où ils risqueraient
de
faire grain de sable. Ils se réfugient dans ce qu’on pourrait appeler
235
des engrenages où ils risqueraient de faire grain
de
sable. Ils se réfugient dans ce qu’on pourrait appeler les classes pr
236
e qu’on pourrait appeler les classes privilégiées
de
l’esprit : fortunes oisives ou misères sans espoir. On en rencontre e
237
prend ». Irréguliers aux yeux du monde ; la proie
d’
on ne sait quelles forces occultes sans doute dangereuses, puisqu’elle
238
’elles les rendent inutilisables dans les rouages
de
la vie moderne. Le triomphe de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apan
239
s dans les rouages de la vie moderne. Le triomphe
de
Ford réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’une sorte de franc-maçonn
240
mphe de Ford réduira l’Esprit à devenir l’apanage
d’
une sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et ce
241
réduira l’Esprit à devenir l’apanage d’une sorte
de
franc-maçonnerie de quelques centaines d’individus. Et cette franc-ma
242
devenir l’apanage d’une sorte de franc-maçonnerie
de
quelques centaines d’individus. Et cette franc-maçonnerie sera bientô
243
anage d’une sorte de franc-maçonnerie de quelques
centaines
d’individus. Et cette franc-maçonnerie sera bientôt traquée avec la d
244
e sorte de franc-maçonnerie de quelques centaines
d’
individus. Et cette franc-maçonnerie sera bientôt traquée avec la dern
245
raquée avec la dernière rigueur : avec la rigueur
de
la nécessité — puisqu’elle est inutile au grand dessein matérialiste
246
qu’elle est inutile au grand dessein matérialiste
de
l’Occident. La logique, parlant par la bouche de Ford : « Inutile, do
247
de l’Occident. La logique, parlant par la bouche
de
Ford : « Inutile, donc à détruire. » Ford a raison, une fois de plus.
248
détruire. » Ford a raison, une fois de plus. Pas
de
compromis possible de ce côté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez servi
249
ison, une fois de plus. Pas de compromis possible
de
ce côté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon », di
250
ue. Nous avons mieux à faire, il n’est plus temps
de
se désintéresser simplement des buts — si bas soient-ils — d’une civi
251
éresser simplement des buts — si bas soient-ils —
d’
une civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr. Il
252
bas soient-ils — d’une civilisation sous le poids
de
laquelle nous risquons de périr. Il se prépare déjà des révoltes terr
253
ilisation sous le poids de laquelle nous risquons
de
périr. Il se prépare déjà des révoltes terribles4, celles d’un mystic
254
l se prépare déjà des révoltes terribles4, celles
d’
un mysticisme exaspéré, devenu presque fou dans sa prison. Les intelle
255
enu presque fou dans sa prison. Les intellectuels
d’
aujourd’hui ont une tâche pressante : chercher s’il est possible d’éch
256
une tâche pressante : chercher s’il est possible
d’
échapper au fatal dilemme. Premiers pas vers la solution : l’existence
257
e. Pour le reste, je pense que c’est une question
de
foi. 1. Une enquête faite à Genève a révélé que les livres les plu
258
reste, je pense que c’est une question de foi.
1.
Une enquête faite à Genève a révélé que les livres les plus lus du gr
259
lus lus du grand public sont Ma vie et mon œuvre,
de
Ford et Mon curé chez les riches, de Clément Vautel. Dans les pays de
260
t mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les riches,
de
Clément Vautel. Dans les pays de langue allemande, son succès est enc
261
chez les riches, de Clément Vautel. Dans les pays
de
langue allemande, son succès est encore plus grand, et de meilleure q
262
e allemande, son succès est encore plus grand, et
de
meilleure qualité. Je ne parle pas de l’Amérique. 2. Victor Cambon,
263
s grand, et de meilleure qualité. Je ne parle pas
de
l’Amérique. 2. Victor Cambon, préface à Henry Ford, Ma vie et mon œu
264
eilleure qualité. Je ne parle pas de l’Amérique.
2.
Victor Cambon, préface à Henry Ford, Ma vie et mon œuvre, Paris, Payo
265
à Henry Ford, Ma vie et mon œuvre, Paris, Payot,
1925.
3. L’Illustration, 20 novembre 1926. 4. Ici et là, la révolte perc
266
y Ford, Ma vie et mon œuvre, Paris, Payot, 1925.
3.
L’Illustration, 20 novembre 1926. 4. Ici et là, la révolte perce :
267
n œuvre, Paris, Payot, 1925. 3. L’Illustration,
20
novembre 1926. 4. Ici et là, la révolte perce : « Jugendbewegung » e
268
is, Payot, 1925. 3. L’Illustration, 20 novembre
1926.
4. Ici et là, la révolte perce : « Jugendbewegung » en Allemagne ; s
269
ot, 1925. 3. L’Illustration, 20 novembre 1926.
4.
Ici et là, la révolte perce : « Jugendbewegung » en Allemagne ; surré
270
poussée mystique en Russie. a. Rougemont Denis
de
, « Le péril Ford », Foi et Vie, Paris, février 1928, p. 189-202.
271
de, « Le péril Ford », Foi et Vie, Paris, février
1928,
p. 189-202.
272
r un humanisme nouveau » [Réponse à une enquête] (
1930
)b c Deux menaces mortelles assiègent notre condition humaine : la
273
me nouveau » [Réponse à une enquête] (1930)b c
Deux
menaces mortelles assiègent notre condition humaine : la liberté de l
274
es assiègent notre condition humaine : la liberté
de
l’esprit et les lois de la matière. Pris entre une anarchie et une fa
275
tion humaine : la liberté de l’esprit et les lois
de
la matière. Pris entre une anarchie et une fatalité également funeste
276
qu’en tant que son génie parvient à composer les
deux
périls en une résultante qui est la civilisation. Appelons humanisme
277
qui est la civilisation. Appelons humanisme l’art
de
composer pour la défense de l’homme et son illustration des puissance
278
nse de l’homme et son illustration des puissances
de
nature inhumaine. Nous pourrons définir un tel humanisme : l’organe d
279
Nous pourrons définir un tel humanisme : l’organe
d’
équilibre de la civilisation. Nous tenions de l’Antiquité, et singuliè
280
s définir un tel humanisme : l’organe d’équilibre
de
la civilisation. Nous tenions de l’Antiquité, et singulièrement de la
281
gane d’équilibre de la civilisation. Nous tenions
de
l’Antiquité, et singulièrement de la Grèce, le sentiment d’une harmon
282
n. Nous tenions de l’Antiquité, et singulièrement
de
la Grèce, le sentiment d’une harmonie nécessaire entre nos gestes et
283
uité, et singulièrement de la Grèce, le sentiment
d’
une harmonie nécessaire entre nos gestes et nos pensées, nos créations
284
os créations et notre connaissance ; le sentiment
d’
une harmonie à sauvegarder au sein de nos connaissances même, et dans
285
sein de nos connaissances même, et dans l’allure
de
leur progrès. Les humanités nous paraissaient devoir transmettre aux
286
t devoir transmettre aux générations cette notion
d’
un équilibre proprement humain. Ainsi passèrent quelques siècles ; ain
287
issa installer ses machines : elles avaient l’air
de
grands joujoux ; et l’on continua d’apprendre rosa : la rose, d’admir
288
vaient l’air de grands joujoux ; et l’on continua
d’
apprendre rosa : la rose, d’admirer le Parthénon et le courage de Muci
289
ux ; et l’on continua d’apprendre rosa : la rose,
d’
admirer le Parthénon et le courage de Mucius Scevola. On croyait au pr
290
a : la rose, d’admirer le Parthénon et le courage
de
Mucius Scevola. On croyait au progrès, sous n’importe quelle forme. B
291
ment, nous voici « gagnés » par l’un des éléments
de
notre destin. La composante matérielle vient de l’emporter. Elle est
292
matérielle vient de l’emporter. Elle est en passe
de
gauchir notre civilisation à tel point que l’homme, affolé, soudain,
293
me, affolé, soudain, doute s’il est encore maître
de
la redresser. C’est qu’il n’y a plus d’humanisme, s’il subsiste des h
294
re maître de la redresser. C’est qu’il n’y a plus
d’
humanisme, s’il subsiste des humanités. L’humanisme est compromis virt
295
tonomie vis-à-vis de la métaphysique. L’équilibre
de
notre esprit ne comporte pas l’égalité de droit de ces deux disciplin
296
uilibre de notre esprit ne comporte pas l’égalité
de
droit de ces deux disciplines. Car la science à peine libérée, demand
297
e notre esprit ne comporte pas l’égalité de droit
de
ces deux disciplines. Car la science à peine libérée, demande la tête
298
esprit ne comporte pas l’égalité de droit de ces
deux
disciplines. Car la science à peine libérée, demande la tête de la mé
299
. Car la science à peine libérée, demande la tête
de
la métaphysique. Elle n’entend que ses intérêts. Elle eut naguère des
300
que ses intérêts. Elle eut naguère des insolences
d’
affranchi, dont les philosophes demeurent tout intimidés. Et nous vîme
301
l’ont renié. Mais pourquoi tant et toujours plus
de
mal à prouver la liberté humaine ? C’est que l’on s’est trop bien ass
302
C’est que l’on s’est trop bien assimilé les tours
de
la pensée scientifique. Cherchant des lois, la science ne peut trouve
303
méthodes, c’est en réalité le soumettre aux lois
de
l’ordre matériel ; c’est se condamner donc à ne l’apercevoir que dans
304
sophes des sciences fait-elle songer à l’activité
de
cet espion anglais qui parvint durant la guerre à diriger le service
305
qui parvint durant la guerre à diriger le service
de
contre-espionnage allemand chargé de sa filature6. Ah ! comme nous av
306
r le service de contre-espionnage allemand chargé
de
sa filature6. Ah ! comme nous avons besoin d’être purifiés d’une odeu
307
rgé de sa filature6. Ah ! comme nous avons besoin
d’
être purifiés d’une odeur de laboratoire dont notre pensée reste impré
308
re6. Ah ! comme nous avons besoin d’être purifiés
d’
une odeur de laboratoire dont notre pensée reste imprégnée. La science
309
mme nous avons besoin d’être purifiés d’une odeur
de
laboratoire dont notre pensée reste imprégnée. La science se moque de
310
ence se moque des nuages qui animaient la matière
d’
intentions morales. Elle-même cependant est tout occupée à minéraliser
311
occupée à minéraliser l’esprit. La tâche urgente
d’
un nouvel humanisme sera de nous dégager des fatalités dont nous voyon
312
prit. La tâche urgente d’un nouvel humanisme sera
de
nous dégager des fatalités dont nous voyons l’empire s’étendre dans t
313
voyons l’empire s’étendre dans tous les domaines
de
notre existence, inclinant nos utopies mêmes, desséchant les sources
314
clinant nos utopies mêmes, desséchant les sources
de
notre foi. Qui parlait donc d’un « humanisme scientifique » ? Nous av
315
échant les sources de notre foi. Qui parlait donc
d’
un « humanisme scientifique » ? Nous avons été pris de vitesse par nos
316
« humanisme scientifique » ? Nous avons été pris
de
vitesse par nos inventions matérielles et déjà nous sentons leurs loi
317
entons leurs lois peser sur notre vie : s’agit-il
d’
enrayer la science ? Non, mais que l’esprit qui l’a créée, la surpasse
318
en faveur de l’esprit peut maintenir l’équilibre
de
l’esprit et de la matière. L’humanisme moderne sera ce parti pris, sp
319
’esprit peut maintenir l’équilibre de l’esprit et
de
la matière. L’humanisme moderne sera ce parti pris, spiritualiste — o
320
te — ou ne méritera pas son nom. … Or, la rigueur
de
la science ne saurait être surmontée, sinon par la rigueur au moins é
321
re surmontée, sinon par la rigueur au moins égale
d’
une pensée qui par ailleurs participe de la liberté : j’entends la pen
322
ins égale d’une pensée qui par ailleurs participe
de
la liberté : j’entends la pensée mystique. L’expérience mystique a la
323
nsion que l’humanité. On n’en saurait dire autant
de
notre raison. Les faits mystiques — qu’on les prenne en l’état brut o
324
siques élaborés par la science. Mais, participant
de
notre volonté et de la grâce, ils échappent à cette fatalité qui est
325
la science. Mais, participant de notre volonté et
de
la grâce, ils échappent à cette fatalité qui est le signe du monde ma
326
ériel. Je vois l’humanisme nouveau sous l’aspect
d’
une culture des facultés mystiques ; d’une technique spirituelle8 indé
327
s l’aspect d’une culture des facultés mystiques ;
d’
une technique spirituelle8 indépendante de toute fin religieuse partic
328
iques ; d’une technique spirituelle8 indépendante
de
toute fin religieuse particulière, antérieure à n’importe quel dogme.
329
crois pas qu’il existe d’autres facultés capables
d’
équilibrer en nous l’esprit de géométrie. J’imagine une méthode, une f
330
s facultés capables d’équilibrer en nous l’esprit
de
géométrie. J’imagine une méthode, une façon d’appréhender la vie, de
331
it de géométrie. J’imagine une méthode, une façon
d’
appréhender la vie, de hiérarchiser nos entreprises, qui ne bannirait
332
gine une méthode, une façon d’appréhender la vie,
de
hiérarchiser nos entreprises, qui ne bannirait pas de l’existence la
333
iérarchiser nos entreprises, qui ne bannirait pas
de
l’existence la poésie, ce sens du Réel. Je vois se composer en cette
334
ement — ce que la « rationalisation » aura laissé
de
Raison à l’Occident, avec certains secrets de la méditation hindoue.
335
ssé de Raison à l’Occident, avec certains secrets
de
la méditation hindoue. Rêves, sans doute… Mais tout commence par des
336
s tout commence par des rêves. Et je ne vois rien
d’
autre. Quoi qu’il en soit d’ailleurs du contenu d’un nouvel humanisme,
337
d’autre. Quoi qu’il en soit d’ailleurs du contenu
d’
un nouvel humanisme, il est assez aisé de prévoir et de décrire une te
338
contenu d’un nouvel humanisme, il est assez aisé
de
prévoir et de décrire une tentation qui le guette et à laquelle tout
339
nouvel humanisme, il est assez aisé de prévoir et
de
décrire une tentation qui le guette et à laquelle tout humanisme para
340
t à laquelle tout humanisme paraît enclin : celle
de
créer un modèle de l’homme. Peut-être a-t-il existé un modèle gréco-l
341
umanisme paraît enclin : celle de créer un modèle
de
l’homme. Peut-être a-t-il existé un modèle gréco-latin, un canon de l
342
tre a-t-il existé un modèle gréco-latin, un canon
de
l’âme aussi bien que du corps. Il est possible que ce mythe ait animé
343
l est possible que ce mythe ait animé l’humanisme
de
nos humanités. Il est certain qu’il a perdu son ascendant. D’ailleurs
344
guère au-delà des limites du monde roman. Le type
de
chevalier et ses succédanés militaires et wagnériens a toujours préva
345
rabais est notable. On solde. Au rayon des idéaux
de
confection voici le Citoyen du Monde, voici le Bon Européen, voici l’
346
mptez que l’on poussera plus avant la dégradation
de
cette idole qu’est l’Homme pour l’homme. Toute décadence invente un s
347
eut celui des dieux ; nous aurons celui des races
de
la Terre. Non plus une foi commune, mais une moyenne de nos manières
348
Terre. Non plus une foi commune, mais une moyenne
de
nos manières d’être. Une sorte de commun dénominateur… (Le christiani
349
une foi commune, mais une moyenne de nos manières
d’
être. Une sorte de commun dénominateur… (Le christianisme en connaît u
350
ais une moyenne de nos manières d’être. Une sorte
de
commun dénominateur… (Le christianisme en connaît un, depuis toujours
351
Tous les modèles que l’homme se propose ont ceci
d’
insuffisant : qu’ils peuvent être atteints. Mais ce qui parfait la sta
352
ent être atteints. Mais ce qui parfait la stature
de
l’homme, c’est l’effort pour se dépasser — indéfiniment. L’homme ne s
353
qu’il « passe l’homme » et participe, en esprit,
d’
un ordre transcendental. Un seul fut parfaitement Homme : c’était un d
354
aitement Homme : c’était un dieu. N’attendons pas
d’
un nouvel humanisme qu’il nous désigne un but, ni même une direction :
355
e qui manque à l’homme moderne, c’est un principe
d’
harmonie qui lui garantisse le caractère « d’humanité » de ses démarch
356
cipe d’harmonie qui lui garantisse le caractère «
d’
humanité » de ses démarches intellectuelles. Nous avons inventé trop d
357
ie qui lui garantisse le caractère « d’humanité »
de
ses démarches intellectuelles. Nous avons inventé trop d’êtres inhuma
358
émarches intellectuelles. Nous avons inventé trop
d’
êtres inhumains : ils nous menacent et nous empêchent de voir encore l
359
s inhumains : ils nous menacent et nous empêchent
de
voir encore le surhumain. Être véritablement homme, c’est avoir accès
360
ement homme, c’est avoir accès au divin. Que sert
de
parler d’humanisme « chrétien » ? L’humanisme est de l’homme, le chri
361
e, c’est avoir accès au divin. Que sert de parler
d’
humanisme « chrétien » ? L’humanisme est de l’homme, le christianisme
362
parler d’humanisme « chrétien » ? L’humanisme est
de
l’homme, le christianisme est du nouvel homme. Tout humanisme véritab
363
i demander de plus, s’il laisse en blanc la place
de
Dieu. Mais où trouver les lévites assez purs pour garder vierge parmi
364
oici déjà tant de faux dieux — le fascinant éclat
de
ce vide ? 5. Je songe à la « psychologie scientifique » et à ce leu
365
de faux dieux — le fascinant éclat de ce vide ?
5.
Je songe à la « psychologie scientifique » et à ce leurre qu’est l’at
366
» et à ce leurre qu’est l’attitude paralléliste.
6.
J’exagère probablement, car la sincérité de ce néo-scientisme tempéré
367
ste. 6. J’exagère probablement, car la sincérité
de
ce néo-scientisme tempéré — sinon vraiment converti — est hors de dou
368
e doute. Mais c’est Stilicon défendant l’Empire.
7.
Or, Bergson, dans un discours prononcé à l’Académie des sciences mora
369
l’Académie des sciences morales et politiques, en
1914,
a posé le problème en termes fort nets. (Cités par M. Brunschvicg dan
370
t nets. (Cités par M. Brunschvicg dans Le Progrès
de
la conscience dans la philosophie occidentale, p. 695.) 8. Les human
371
cience dans la philosophie occidentale, p. 695.)
8.
Les humanités y trouveraient bien leur place : la connaissance des ét
372
mologies est l’une des garanties les plus actives
de
la pensée. b. Rougemont Denis de, « Pour un humanisme nouveau », Ca
373
s plus actives de la pensée. b. Rougemont Denis
de
, « Pour un humanisme nouveau », Cahiers de Foi et Vie , Paris, 1930,
374
Denis de, « Pour un humanisme nouveau », Cahiers
de
Foi et Vie , Paris, 1930, p. 242-245. c. Le texte est précédé de la
375
manisme nouveau », Cahiers de Foi et Vie , Paris,
1930,
p. 242-245. c. Le texte est précédé de la note suivante : « M. Denis
376
Paris, 1930, p. 242-245. c. Le texte est précédé
de
la note suivante : « M. Denis de Rougemont a poursuivi des études de
377
: « M. Denis de Rougemont a poursuivi des études
de
lettres à Neuchâtel, Vienne et Genève. Il a collaboré à diverses revu
378
diverses revues suisses et françaises. Il prépare
trois
volumes (Essais, Romans, Voyages). »
379
André Malraux, La Voie royale (février
1931
)d M. André Malraux écrit des livres qu’on n’oublie pas facilement.
380
pas facilement. C’est qu’il y apporte un peu plus
d’
expérience humaine qu’on n’a coutume d’en attendre aujourd’hui d’un je
381
n peu plus d’expérience humaine qu’on n’a coutume
d’
en attendre aujourd’hui d’un jeune écrivain. Son premier roman, Les Co
382
maine qu’on n’a coutume d’en attendre aujourd’hui
d’
un jeune écrivain. Son premier roman, Les Conquérants, décrivait la ré
383
lution communiste en Chine, et la figure centrale
de
Garine, anarchiste par goût de l’expérience, conférait à tout le livr
384
la figure centrale de Garine, anarchiste par goût
de
l’expérience, conférait à tout le livre un caractère assez directemen
385
ssez directement autobiographique. La philosophie
de
ce Garine, en effet, ressemblait singulièrement à celle que M. Malrau
386
lièrement à celle que M. Malraux venait justement
d’
exposer dans un petit ouvrage aigu et dense intitulé La Tentation de l
387
petit ouvrage aigu et dense intitulé La Tentation
de
l’Occident. La Voix royale 9, est, croyons-nous, le récit des événem
388
itulé La Tentation de l’Occident. La Voix royale
9,
est, croyons-nous, le récit des événements qui précédèrent l’aventure
389
es événements qui précédèrent l’aventure chinoise
de
l’auteur. C’est un roman plus dépouillé, plus inégal aussi à certains
390
s sauvage. Comme Les Conquérants, c’est une sorte
de
roman d’aventures significatives, et dont le tragique est décuplé par
391
. Comme Les Conquérants, c’est une sorte de roman
d’
aventures significatives, et dont le tragique est décuplé par la valeu
392
ns l’esprit des héros. Un jeune Français a décidé
d’
aller fouiller les temples en ruines de la Voie royale d’Angkor : il c
393
s a décidé d’aller fouiller les temples en ruines
de
la Voie royale d’Angkor : il compte y découvrir des bas-reliefs dont
394
fouiller les temples en ruines de la Voie royale
d’
Angkor : il compte y découvrir des bas-reliefs dont il pourrait tirer
395
ix considérable. Sur le bateau qui l’amène à pied
d’
œuvre, il s’associe à un aventurier danois, Perken, personnage énigmat
396
ken, personnage énigmatique qui possède une sorte
de
puissance militaire, sans doute irrégulière, dans le Siam, et auquel
397
, goût des actions des hommes lié à la conscience
de
leur vanité…, refus surtout. » Refus des « conditions » de la vie soc
398
anité…, refus surtout. » Refus des « conditions »
de
la vie sociale, au profit d’une volonté de puissance dont l’objet dem
399
s des « conditions » de la vie sociale, au profit
d’
une volonté de puissance dont l’objet demeure assez incertain. Ce myst
400
ions » de la vie sociale, au profit d’une volonté
de
puissance dont l’objet demeure assez incertain. Ce mystère qui entour
401
urant tout le récit, au travers des aventures des
deux
explorateurs aux prises avec les fièvres de la forêt tropicale, puis
402
des deux explorateurs aux prises avec les fièvres
de
la forêt tropicale, puis avec les sauvages Moïs, donne au personnage
403
ue à créer des obscurités que le style très tendu
de
M. Malraux n’est pas fait pour dissiper. Perken, dans ses conversatio
404
tre dans les affaires — qui se donnent une espèce
d’
autorité en ne parlant jamais que par allusions et mots couverts. Il i
405
ide un peu le lecteur qui ne se sent pas complice
de
ses secrets desseins. Au reste, le livre s’achève par sa mort, sans q
406
tre qu’il n’y en a pas. Perken, comme Garine, est
de
ces êtres qui agissent par désespoir, parce que l’action, à tout pren
407
ort partout présente « comme l’irréfutable preuve
de
l’absurdité de la vie ». L’agonie lente de Perken, qui est tombé sur
408
sente « comme l’irréfutable preuve de l’absurdité
de
la vie ». L’agonie lente de Perken, qui est tombé sur les « pointes d
409
preuve de l’absurdité de la vie ». L’agonie lente
de
Perken, qui est tombé sur les « pointes de guerre » empoisonnées des
410
lente de Perken, qui est tombé sur les « pointes
de
guerre » empoisonnées des Moïs, est un morceau admirable et atroce où
411
le et atroce où éclate douloureusement la révolte
d’
un être pour qui la mort ne peut être qu’une « défaite monstrueuse ».
412
te monstrueuse ». Ainsi les incidents pathétiques
de
cette aventure composent en définitive une méditation sur le destin d
413
posent en définitive une méditation sur le destin
de
l’homme. Chez Perken comme chez Garine, même héroïsme dépourvu d’idéa
414
Perken comme chez Garine, même héroïsme dépourvu
d’
idéal, même ardeur épuisante à vivre contre la mort, même fièvre de lu
415
eur épuisante à vivre contre la mort, même fièvre
de
lucidité qui ne laisse subsister de tous les sentiments qu’une « frat
416
, même fièvre de lucidité qui ne laisse subsister
de
tous les sentiments qu’une « fraternité désespérée » devant la mort.
417
que sa portée ne saurait déborder un petit cercle
d’
esprits aventureux et atteints jusque dans leur goût de l’action par u
418
rits aventureux et atteints jusque dans leur goût
de
l’action par un intellectualisme anarchique. Je tiens au contraire le
419
traire le cas Malraux pour hautement significatif
de
notre époque post-nietzschéenne et pré-communiste. Le cas Malraux, —
420
, — le cas Perken si vous voulez. Les personnages
de
M. Malraux se ressemblent dans le souvenir du lecteur : leur tempéram
421
s extérieures, et c’est sans doute le tempérament
de
leur auteur. Qui n’a pas remarqué que les portraits des meilleurs pei
422
à ces peintres sous les traits du modèle. Cet air
de
famille qu’ont tous les personnages peints par Rembrandt, et qui perm
423
s personnages peints par Rembrandt, et qui permet
de
les identifier au premier coup d’œil, ce « commun dénominateur » d’ex
424
au premier coup d’œil, ce « commun dénominateur »
d’
expression et de masques si dissemblables, n’est-ce point cela qui for
425
d’œil, ce « commun dénominateur » d’expression et
de
masques si dissemblables, n’est-ce point cela qui forme l’autoportrai
426
paraissent au travers des actions et des discours
d’
un Garine, d’un Perken, les traits d’une individualité morale qui n’es
427
travers des actions et des discours d’un Garine,
d’
un Perken, les traits d’une individualité morale qui n’est sans doute
428
des discours d’un Garine, d’un Perken, les traits
d’
une individualité morale qui n’est sans doute que l’idée la plus forte
429
e que l’idée la plus forte que M. Malraux se fait
de
lui-même. Je suis tenté de dire : son moi idéal, celui auquel il donn
430
que M. Malraux se fait de lui-même. Je suis tenté
de
dire : son moi idéal, celui auquel il donne sa plus profonde et intim
431
fonde et intime adhésion. Nous avons tous en nous
de
quoi composer un semblable personnage, plus vrai que nous-mêmes parce
432
-Garine est la personnification la plus frappante
d’
un certain « homme moderne », — l’homme sans Dieu, qui n’attend rien q
433
rne », — l’homme sans Dieu, qui n’attend rien que
de
cette vie, mais auquel cette vie même, en fin de compte, paraît absur
434
fin de compte, paraît absurde, parce qu’il refuse
de
lui trouver un sens dans la mort. L’homme qui pourrait se définir : «
435
ur lui n’existe aucune transcendance où s’abîmer,
d’
où renaître. Je ne sais pas aujourd’hui le livre « bien pensant » qui
436
pose avec une pareille acuité le problème central
de
notre civilisation. À ce titre, l’œuvre anarchiste et antichrétienne
437
sque agressif qu’elle apporte à décrire la figure
de
l’homme moderne en proie au seul orgueil de vivre, dénonce la paresse
438
igure de l’homme moderne en proie au seul orgueil
de
vivre, dénonce la paresse de la religion qui n’est qu’un refuge contr
439
roie au seul orgueil de vivre, dénonce la paresse
de
la religion qui n’est qu’un refuge contre la vie. Elle nous amène à u
440
refuge contre la vie. Elle nous amène à un point
de
jugement d’où les facilités de certaine foi apparaissent aussi « faus
441
re la vie. Elle nous amène à un point de jugement
d’
où les facilités de certaine foi apparaissent aussi « fausses » que l’
442
s amène à un point de jugement d’où les facilités
de
certaine foi apparaissent aussi « fausses » que l’effort désespéré de
443
raissent aussi « fausses » que l’effort désespéré
de
ces conquérants de désert. 9. Chez Grasset. 10. La Voie royale n’
444
usses » que l’effort désespéré de ces conquérants
de
désert. 9. Chez Grasset. 10. La Voie royale n’est que l’introduct
445
’effort désespéré de ces conquérants de désert.
9.
Chez Grasset. 10. La Voie royale n’est que l’introduction à une sér
446
de ces conquérants de désert. 9. Chez Grasset.
10.
La Voie royale n’est que l’introduction à une série de romans intitu
447
Voie royale n’est que l’introduction à une série
de
romans intitulés Les Puissances du désert. 11. Le prix Goncourt, dit
448
ie de romans intitulés Les Puissances du désert.
11.
Le prix Goncourt, dit-on, eût été décerné à M. Malraux s’il n’avait n
449
ins règlements concernant la propriété officielle
de
bas-reliefs cambodgiens. Je donne l’histoire comme une fable. Il est
450
istoire comme une fable. Il est peut-être curieux
de
noter que les pires blasphèmes, de la pornographie en outre violation
451
t-être curieux de noter que les pires blasphèmes,
de
la pornographie en outre violations des lois divines et humaines, n’e
452
reil ostracisme. Mais notre monde ne connaît plus
de
sacré que la propriété matérielle. d. Rougemont Denis de, « [Compte
453
que la propriété matérielle. d. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] André Malraux, La Voie royale », Foi et Vie, Paris
454
ux, La Voie royale », Foi et Vie, Paris, février
1931,
p. 78-81.
455
Sécularisme (mars
1931
)e Il nous plaît de faire converser ici les gens les moins faits po
456
Sécularisme (mars 1931)e Il nous plaît
de
faire converser ici les gens les moins faits pour s’entendre : ce n’e
457
s pour s’entendre : ce n’est pas un mauvais moyen
de
dégager la mentalité d’une époque — selon la dialectique de cet Hegel
458
’est pas un mauvais moyen de dégager la mentalité
d’
une époque — selon la dialectique de cet Hegel auquel on revient parce
459
la mentalité d’une époque — selon la dialectique
de
cet Hegel auquel on revient parce qu’au contraire de M. Léon Brunschv
460
M. Léon Brunschvicg, il avait le sens du tragique
de
la vie. De pareilles « conversations » ne ressortent nullement de la
461
nschvicg, il avait le sens du tragique de la vie.
De
pareilles « conversations » ne ressortent nullement de la critique li
462
reilles « conversations » ne ressortent nullement
de
la critique littéraire ; il arrive qu’elles mettent en jeu de gros pr
463
ue littéraire ; il arrive qu’elles mettent en jeu
de
gros problèmes à propos d’ouvrages bien minces. C’est qu’aujourd’hui
464
». L’on mesure ici l’écart d’avec la littérature
d’
avant-guerre, qui était avant tout un art. La nôtre ayant voix au foru
465
te ou qu’elle ne stylise. On peut dire, avec plus
de
louange d’ailleurs que d’ironie, qu’elle touche à tout dans l’homme e
466
On peut dire, avec plus de louange d’ailleurs que
d’
ironie, qu’elle touche à tout dans l’homme et dans la société. Elle a
467
dans l’homme et dans la société. Elle a l’absence
de
scrupules des gens qui ont une mission urgente à remplir. Ces quelque
468
ous l’angle qu’il faut pour situer le petit livre
de
M. P. Nizan12, dans sa perspective la plus équitable. C’est le type d
469
’il manifeste et commente. Son sujet : le voyage
d’
un jeune normalien marxiste. Citons quelques phrases qui donneront le
470
neront le ton et les thèmes principaux : J’avais
vingt
ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vi
471
laisserai personne dire que c’est le plus bel âge
de
la vie… — Où était placé notre mal ? dans quelle partie de notre vie.
472
… — Où était placé notre mal ? dans quelle partie
de
notre vie. Voici ce que nous savons : les hommes ne vivent pas comme
473
alisme, plus-value. — Qui donc nous aurait révélé
de
bonnes raisons brutales, de bonnes raisons humaines, de nous intéress
474
nc nous aurait révélé de bonnes raisons brutales,
de
bonnes raisons humaines, de nous intéresser à l’Asie : les grèves à B
475
nes raisons brutales, de bonnes raisons humaines,
de
nous intéresser à l’Asie : les grèves à Bombay, les révolutions et le
476
liberté est un pouvoir réel et une volonté réelle
de
vouloir être soi. Ayant ainsi esquissé ses positions éthiques, l’aut
477
eur part pour Aden. Quel n’est pas son étonnement
de
découvrir que ce lieu n’est qu’une « image fortement concentrée de no
478
ce lieu n’est qu’une « image fortement concentrée
de
notre mère l’Europe », un lieu où la vie occidentale se trouve « déca
479
la vie des hommes se trouve « réduite à son état
de
pureté extrême qui est l’état économique ». Si les mœurs sont occiden
480
iennent de tout l’Orient. « On pense à une Genève
de
l’islam. » Il semble, à lire notre auteur, que ce mélange de représen
481
» Il semble, à lire notre auteur, que ce mélange
de
représentants de ne ordre de toutes les races compose quelque chose d
482
ire notre auteur, que ce mélange de représentants
de
ne ordre de toutes les races compose quelque chose d’assez hideusemen
483
teur, que ce mélange de représentants de ne ordre
de
toutes les races compose quelque chose d’assez hideusement provincial
484
e ordre de toutes les races compose quelque chose
d’
assez hideusement provincial, au pire sens du terme. M. Nizan se refus
485
la philosophie, la politique étant absents, faute
d’
emploi, il n’y avait aucune correction à faire ». D’ailleurs, il ne ve
486
ar, pour lui, « être poétique, c’est avoir besoin
d’
illusions ». Je soutiendrais volontiers le contraire, mais M. Nizan es
487
ndrais volontiers le contraire, mais M. Nizan est
de
ces gens, si nombreux aujourd’hui (Freud, etc.), qui croient que le p
488
iècle qui consiste dans une large mesure à éviter
d’
appeler les choses par leur nom, à préférer toujours le « distingué »
489
conforme » au vrai. Mais n’est-il pas grand temps
de
dépasser une réaction de vulgarité non moins artificielle que le lâch
490
n’est-il pas grand temps de dépasser une réaction
de
vulgarité non moins artificielle que le lâche idéalisme qu’elle comba
491
aison ? D’ailleurs, si je vois bien que le propos
de
M. Nizan n’est pas de nous rendre le goût de ce qui, en Europe, « all
492
je vois bien que le propos de M. Nizan n’est pas
de
nous rendre le goût de ce qui, en Europe, « allongeait la solution »,
493
opos de M. Nizan n’est pas de nous rendre le goût
de
ce qui, en Europe, « allongeait la solution », je ne puis m’empêcher
494
« allongeait la solution », je ne puis m’empêcher
de
penser que cette peinture d’Aden est assez faite pour y contribuer :
495
e ne puis m’empêcher de penser que cette peinture
d’
Aden est assez faite pour y contribuer : si grande est en effet l’horr
496
descriptible et sec ». Mais est-il bien légitime
de
voir dans un tel « résidu » l’essence de l’Europe, — « son état de pu
497
légitime de voir dans un tel « résidu » l’essence
de
l’Europe, — « son état de pureté extrême, qui est l’économique » ? On
498
el « résidu » l’essence de l’Europe, — « son état
de
pureté extrême, qui est l’économique » ? On reconnaît ici la thèse ma
499
ransformation radicale des conditions matérielles
de
la vie humaine. Je crois que l’homme ne peut être transformé que spir
500
rituellement. Et cette révolution-là a l’avantage
d’
être possible dès maintenant. Mais M. Nizan a trop de préjugés pour se
501
tre possible dès maintenant. Mais M. Nizan a trop
de
préjugés pour sentir la force neuve perpétuellement de la vérité reli
502
éjugés pour sentir la force neuve perpétuellement
de
la vérité religieuse. Il parle des religions avec une incroyable légè
503
teur qui cherche l’effet pittoresque. « Les curés
de
tous les dieux blancs se sont mis à convertir ces idolâtres, ces féti
504
tir ces idolâtres, ces fétichistes, à leur parler
de
Luther et de la Vierge de Lourdes, à leur révéler les culottes de che
505
tres, ces fétichistes, à leur parler de Luther et
de
la Vierge de Lourdes, à leur révéler les culottes de chez Esders. » N
506
ichistes, à leur parler de Luther et de la Vierge
de
Lourdes, à leur révéler les culottes de chez Esders. » N’insistons pa
507
la Vierge de Lourdes, à leur révéler les culottes
de
chez Esders. » N’insistons pas sur ce Luther prêché par nos missions
508
si vraisemblable !) mais un normalien se devrait
de
savoir que l’œuvre missionnaire a consisté, dès le début, à combattre
509
té, dès le début, à combattre les funestes effets
de
la civilisation athée qu’apportaient les Européens. Autre trait plus
510
fiant encore : l’auteur rentrant à Marseille voit
de
loin le château d’If et N.-D. de la Garde : « J’étais servi — s’écrie
511
teur rentrant à Marseille voit de loin le château
d’
If et N.-D. de la Garde : « J’étais servi — s’écrie-t-il. — Les premie
512
blèmes venus à ma rencontre étaient justement les
deux
objets les plus révoltants de la terre : une église, une prison. » Tr
513
ent justement les deux objets les plus révoltants
de
la terre : une église, une prison. » Triste carence d’un jugement qui
514
terre : une église, une prison. » Triste carence
d’
un jugement qui se prétend humain ! Pensez-y M. Nizan : quelle que soi
515
soit la Tchéka régnante, il y aura toujours plus
d’
hommes dans les églises que dans les prisons, — et des hommes qui vien
516
é. Mais pourquoi dira-t-on, s’arrêter à ces cris
d’
une révolte égarée par la haine ? C’est qu’ils caractérisent une attit
517
fréquente chez les jeunes intellectuels : orgueil
de
la Vie, haine de cette vie-ci, mépris de la religion et ferveur pour
518
s jeunes intellectuels : orgueil de la Vie, haine
de
cette vie-ci, mépris de la religion et ferveur pour des « valeurs nou
519
orgueil de la Vie, haine de cette vie-ci, mépris
de
la religion et ferveur pour des « valeurs nouvelles » encore plus vag
520
vagues d’ailleurs que ce qu’ils peuvent imaginer
de
la religion. C’est une forme aiguë de ce que les Anglais appellent «
521
nt imaginer de la religion. C’est une forme aiguë
de
ce que les Anglais appellent « sécularisme ». Ce terme qui sans doute
522
sans doute reviendra souvent dans les chroniques
de
Foi et Vie , « résume commodément cette volonté d’émancipation de la
523
Foi et Vie , « résume commodément cette volonté
d’
émancipation de la civilisation moderne à l’égard de toute autorité di
524
« résume commodément cette volonté d’émancipation
de
la civilisation moderne à l’égard de toute autorité divine qui est le
525
e toute autorité divine qui est le trait dominant
de
notre époque » — pour reprendre la définition qu’en donnait ici même
526
ès dans le même sens que M. René Gillouin parle14
de
l’effort de notre monde pour « se séculariser, pour se constituer en
527
ême sens que M. René Gillouin parle14 de l’effort
de
notre monde pour « se séculariser, pour se constituer en dehors de Di
528
érimée. Avec M. Brunschvicg, il pense qu’un homme
de
1931 a dépassé ce « stade », qu’il n’est plus permis de nos jours… br
529
mée. Avec M. Brunschvicg, il pense qu’un homme de
1931
a dépassé ce « stade », qu’il n’est plus permis de nos jours… bref, q
530
1 a dépassé ce « stade », qu’il n’est plus permis
de
nos jours… bref, que la science a changé tout cela. C’est précisément
531
uvelle Revue des jeunes publie dans son numéro du
15
février15. M. Marcel analyse trois attitudes typiquement sécularistes
532
ans son numéro du 15 février15. M. Marcel analyse
trois
attitudes typiquement sécularistes : la philosophie des lumières, cel
533
sécularistes : la philosophie des lumières, celle
de
la technique, celle du primat de la Vie. Ce lui est une occasion de r
534
lumières, celle de la technique, celle du primat
de
la Vie. Ce lui est une occasion de réduire à ses justes proportions l
535
elle du primat de la Vie. Ce lui est une occasion
de
réduire à ses justes proportions l’idéalisme scientifique de M. Bruns
536
à ses justes proportions l’idéalisme scientifique
de
M. Brunschvicg, philosophe officiel des lumières. De quelles prises,
537
M. Brunschvicg, philosophe officiel des lumières.
De
quelles prises, en effet, dispose cet idéalisme ? se demande M. G. Ma
538
ont M. Brunschvicg nous entretient n’est l’Esprit
de
personne. Je répondrai tout d’abord que c’est ou que cela veut être l
539
d’abord que c’est ou que cela veut être l’Esprit
de
tout le monde ; et nous savons depuis Platon ce que la démocratie don
540
isme n’est après tout qu’une transposition recèle
de
flatterie. Ce n’est pas tout : en fait l’idéaliste se substitue inévi
541
e à l’Incarnation ou aller à la Messe ? On n’aura
d’
autre ressource que de nous opposer un distinguo : en tant qu’astronom
542
ller à la Messe ? On n’aura d’autre ressource que
de
nous opposer un distinguo : en tant qu’astronome, ce monstre, cet amp
543
mme du xiiie siècle — ou en enfant : il y a lieu
de
s’attrister. Si vous demandez au philosophe de quel droit il pratique
544
eu de s’attrister. Si vous demandez au philosophe
de
quel droit il pratique cet étrange sectionnement, il aura beau se rec
545
trange sectionnement, il aura beau se recommander
de
la Raison ou de l’Esprit, nous resterons inquiets, d’autant que, s’il
546
ment, il aura beau se recommander de la Raison ou
de
l’Esprit, nous resterons inquiets, d’autant que, s’il ne s’interdit n
547
uiets, d’autant que, s’il ne s’interdit nullement
de
rendre compte par des considérations psychologiques ou même sociologi
548
nsidérations psychologiques ou même sociologiques
de
ces survivances chez l’astronome, il nous interdira formellement de p
549
chez l’astronome, il nous interdira formellement
de
procéder en ce qui le concerne lui-même, à des analyses ou à des rédu
550
même ordre. Lui est des pieds à la tête un homme
de
1930 ; et en même temps il se réclame d’un Esprit éternel qui cependa
551
me ordre. Lui est des pieds à la tête un homme de
1930
; et en même temps il se réclame d’un Esprit éternel qui cependant es
552
un homme de 1930 ; et en même temps il se réclame
d’
un Esprit éternel qui cependant est né et dont on ne saurait prévoir l
553
les avatars. Tout cela, disons-le nettement, est
d’
une singulière incohérence. Et il est évident que si cet idéaliste se
554
s exsangues. Je pense quant à moi qu’un idéalisme
de
cette espèce est inévitablement coincé entre une philosophie religieu
555
oncrète d’une part, et le matérialisme historique
de
l’autre. La preuve, je m’amuse à la voir dans le fait que le pamphle
556
je m’amuse à la voir dans le fait que le pamphlet
de
M. Nizan, communiste, est encore plus dur que l’article de M. Marcel,
557
an, communiste, est encore plus dur que l’article
de
M. Marcel, catholique, à l’endroit d’un philosophe caractérisé, nous
558
e l’article de M. Marcel, catholique, à l’endroit
d’
un philosophe caractérisé, nous dit-on, par « sa terreur sincère de la
559
aractérisé, nous dit-on, par « sa terreur sincère
de
la vérité qui menace ». Mais partout ailleurs, qu’en cette commune an
560
M. Marcel et M. Nizan s’opposent avec une netteté
d’
autant plus significative qu’ils touchent des problèmes identiques, ce
561
e qu’ils touchent des problèmes identiques, celui
de
la puissance de l’homme, celui de la valeur de son action, celui, en
562
t des problèmes identiques, celui de la puissance
de
l’homme, celui de la valeur de son action, celui, en somme, de l’impe
563
entiques, celui de la puissance de l’homme, celui
de
la valeur de son action, celui, en somme, de l’imperfection du monde.
564
ui de la puissance de l’homme, celui de la valeur
de
son action, celui, en somme, de l’imperfection du monde. Je pense que
565
elui de la valeur de son action, celui, en somme,
de
l’imperfection du monde. Je pense que tout chrétien conscient des pro
566
e pense que tout chrétien conscient des problèmes
de
ce temps, souscrirait aux critiques que M. Nizan fait à l’actuelle ci
567
it à l’actuelle civilisation, souffrant comme lui
de
ce que « les hommes ne vivent pas comme un homme devrait vivre ». Mai
568
nt les critiques marxistes — et c’est ici le nœud
de
divergence entre eux et nous — si le mal est si grand qu’ils le montr
569
cal soit-il. Un pessimisme aussi féroce que celui
de
MM. Malraux, Nizan, etc., ne laisse plus subsister assez d’idéal pour
570
raux, Nizan, etc., ne laisse plus subsister assez
d’
idéal pour nourrir une révolution. Par là même, il postule une réalité
571
e une réalité transcendante — ou alors le suicide
d’
un monde empoisonné par sa propre haine. Le séculariste « constructivi
572
ructiviste » répondra qu’il croit en la puissance
de
l’homme pour se dégager des servitudes provisoires de la technique. M
573
’homme pour se dégager des servitudes provisoires
de
la technique. Mais rien n’est plus hasardeux qu’une telle mystique, —
574
objet. Comme il est déchirant en vérité, le chant
d’
orgueil que le siècle entonne pour annoncer son morne triomphe : « Vou
575
e-t-on de toutes parts aux chrétiens. Assez parlé
de
Vérité, ce sont des réussites qu’il nous faut. Saluons enfin le règne
576
réussites qu’il nous faut. Saluons enfin le règne
de
l’homme ! » Mais le chrétien, qui sait un peu ce qu’est ce monstre, s
577
tre, se demande, songeant à l’Europe, s’il y aura
dix
justes dans Sodome. 12. Aden Arabie, chez Rieder, Paris. 13. Mais
578
à l’Europe, s’il y aura dix justes dans Sodome.
12.
Aden Arabie, chez Rieder, Paris. 13. Mais Bouddha, c’est l’Asie. Le
579
Sodome. 12. Aden Arabie, chez Rieder, Paris.
13.
Mais Bouddha, c’est l’Asie. Les grèves, c’est encore l’Europe. 14. D
580
c’est l’Asie. Les grèves, c’est encore l’Europe.
14.
Dans un article des Nouvelles littéraires du 20 février, inaugurant
581
4. Dans un article des Nouvelles littéraires du
20
février, inaugurant une série d’études sur un nouvel humanisme, à laq
582
littéraires du 20 février, inaugurant une série
d’
études sur un nouvel humanisme, à laquelle nous renvoyons tous ceux qu
583
s renvoyons tous ceux qu’aura passionné l’enquête
de
M. Paul Arbousse-Bastide publiée par Foi et Vie l’an dernier. 15.
584
e-Bastide publiée par Foi et Vie l’an dernier.
15.
« Remarques sur l’irréligion contemporaine ». e. Rougemont Denis de
585
’irréligion contemporaine ». e. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Sécularisme », Foi et Vie, Paris, mars 1931, p. 184
586
pte rendu] Sécularisme », Foi et Vie, Paris, mars
1931,
p. 184-189.
587
Une exposition
d’
artistes protestants modernes (avril 1931)f C’est donc qu’il y en a
588
exposition d’artistes protestants modernes (avril
1931
)f C’est donc qu’il y en a ? avez-vous dit. Depuis le temps qu’on c
589
itoire pour toute carrière artistique, un facteur
de
stérilité ou tout au moins de sécheresse. Et voici que s’alignent sur
590
istique, un facteur de stérilité ou tout au moins
de
sécheresse. Et voici que s’alignent sur une même affiche et sous la d
591
sur une même affiche et sous la double étiquette
de
protestants et de modernes des noms de peintres comme Bosshardt, Raou
592
che et sous la double étiquette de protestants et
de
modernes des noms de peintres comme Bosshardt, Raoul Dufy, Lotiron, Z
593
étiquette de protestants et de modernes des noms
de
peintres comme Bosshardt, Raoul Dufy, Lotiron, Zingg, le sculpteur Gi
594
mystère ; demandons-en l’explication à la Préface
d’
un si brillant catalogue. Parce qu’ils parlent un peu pour nous et pa
595
s nous parlent, nous avons demandé à ces artistes
de
venir dans notre cercle. Héritiers du plus grand affranchissement et
596
rcle. Héritiers du plus grand affranchissement et
de
la plus héroïque résistance, nous voulons aller de l’avant, nous n’av
597
e la plus héroïque résistance, nous voulons aller
de
l’avant, nous n’avons pas peur d’essayer vers la beauté de nouvelles
598
s voulons aller de l’avant, nous n’avons pas peur
d’
essayer vers la beauté de nouvelles routes. On nous connaît mal. Derri
599
t, nous n’avons pas peur d’essayer vers la beauté
de
nouvelles routes. On nous connaît mal. Derrière le mur de notre maiso
600
lles routes. On nous connaît mal. Derrière le mur
de
notre maison on nous croyait peut-être enfermés dans un moralisme étr
601
housiasmes en désordre s’agitaient entre les murs
d’
où nous arrachions les moulures et les vieux papiers à fleurs. La conf
602
rrondissaient autour des livres dont nous savions
de
grands morceaux avec notre cœur. On remuait un climat de poèmes, une
603
ds morceaux avec notre cœur. On remuait un climat
de
poèmes, une spiritualité un peu grave, on touchait avec notre jeuness
604
e et le fou, semait en nous toutes les curiosités
de
la couleur et de la vie. Nous reprenions toutes les mesures, tout red
605
it en nous toutes les curiosités de la couleur et
de
la vie. Nous reprenions toutes les mesures, tout redevenait neuf : le
606
us reprenions toutes les mesures, tout redevenait
neuf
: les mots « forme », « couleur », « architecture ». Et Dieu avait un
607
ait une place plus grande dans la joyeuse lumière
de
notre ciel simplifié. Et voilà, n’est-ce pas, un ton et une ferveur
608
n ton et une ferveur qui rendront vaines beaucoup
d’
objections, ou qui expliqueront dès l’abord, et légitimeront aux yeux
609
choix des œuvres exposées. Il ne s’agit nullement
de
présenter l’ensemble des artistes protestants, il s’agit de manifeste
610
er l’ensemble des artistes protestants, il s’agit
de
manifester les préférences d’une jeunesse. À cet égard particulièreme
611
testants, il s’agit de manifester les préférences
d’
une jeunesse. À cet égard particulièrement, ce salon fut une réussite.
612
e réussite. La curiosité d’abord un peu sceptique
de
certains critiques, artistes ou écrivains, s’est muée le soir du prem
613
thie sincère et souvent fort admirative. Le titre
de
l’exposition, si l’on y prend bien garde, éludait dans une certaine m
614
ait dans une certaine mesure la question délicate
de
l’existence d’un « art protestant ». En effet, on ne parlait ici que
615
rtaine mesure la question délicate de l’existence
d’
un « art protestant ». En effet, on ne parlait ici que d’« artistes pr
616
art protestant ». En effet, on ne parlait ici que
d’
« artistes protestants ». Mais cela n’empêche pas de rechercher ce que
617
« artistes protestants ». Mais cela n’empêche pas
de
rechercher ce que ces artistes peuvent avoir de commun, ce qu’ils doi
618
s de rechercher ce que ces artistes peuvent avoir
de
commun, ce qu’ils doivent à leur origine ou à leur foi réformée, — et
619
s ne constituent pas, en définitive, les éléments
d’
un art protestant. Il eût fallu peut-être qu’un plus grand nombre d’ar
620
t. Il eût fallu peut-être qu’un plus grand nombre
d’
artistes exposassent pour qu’une réponse valable pût être esquissée. C
621
pût être esquissée. Car, avouons-le, du fait même
de
la nouveauté que représentait une telle exposition, le caractère d’av
622
e représentait une telle exposition, le caractère
d’
avant-garde des toiles frappait le visiteur avant qu’il eût songé à di
623
er accès à un ensemble aussi complet que possible
d’
artistes nés dans le protestantisme. Et l’on pourra se demander alors
624
e. Et l’on pourra se demander alors : qu’y a-t-il
de
spécifiquement protestant chez ces peintres ? — Certaines rigidités,
625
ines rigidités, pensez-vous, certaines austérités
de
style ? — On s’y serait attendu. Une visite au salon de la rue de Vau
626
le ? — On s’y serait attendu. Une visite au salon
de
la rue de Vaugirard nous invite à renoncer à ces clichés. Pas de trac
627
ugirard nous invite à renoncer à ces clichés. Pas
de
trace de « puritanisme » chez des artistes si différents les uns des
628
ous invite à renoncer à ces clichés. Pas de trace
de
« puritanisme » chez des artistes si différents les uns des autres. A
629
des artistes contemporains, avec une « Peinture »
d’
un intense lyrisme de couleurs. Zingg avec un « Enterrement au Pays de
630
rains, avec une « Peinture » d’un intense lyrisme
de
couleurs. Zingg avec un « Enterrement au Pays de Montbéliard » grave
631
de couleurs. Zingg avec un « Enterrement au Pays
de
Montbéliard » grave et serein. Deux petits Lotiron font un coin de ca
632
rrement au Pays de Montbéliard » grave et serein.
Deux
petits Lotiron font un coin de campagne lumineuse, et le « Douarnenez
633
grave et serein. Deux petits Lotiron font un coin
de
campagne lumineuse, et le « Douarnenez » de Mac-Avoy est tout animé d
634
coin de campagne lumineuse, et le « Douarnenez »
de
Mac-Avoy est tout animé de blancs vivants. Très plaisant « Essai pour
635
, et le « Douarnenez » de Mac-Avoy est tout animé
de
blancs vivants. Très plaisant « Essai pour une Italie protestante » d
636
ès plaisant « Essai pour une Italie protestante »
de
P. Romane-Musculus. Des lithographies spirituelles de Ch. Clément et
637
. Romane-Musculus. Des lithographies spirituelles
de
Ch. Clément et des illustrations de F.-L. Schmied pour « Ruth et Booz
638
spirituelles de Ch. Clément et des illustrations
de
F.-L. Schmied pour « Ruth et Booz » ouvrent des perspectives pour de
639
ur « Ruth et Booz » ouvrent des perspectives pour
de
futures éditions d’art protestantes. La sculpture est brillamment rep
640
ouvrent des perspectives pour de futures éditions
d’
art protestantes. La sculpture est brillamment représentée par un « To
641
lpture est brillamment représentée par un « Torse
de
femme » de Marcel Gimond, des animaux pleins d’innocence et de drôler
642
brillamment représentée par un « Torse de femme »
de
Marcel Gimond, des animaux pleins d’innocence et de drôlerie de Peter
643
e de femme » de Marcel Gimond, des animaux pleins
d’
innocence et de drôlerie de Petersen. André Kertész, l’un des rénovate
644
Marcel Gimond, des animaux pleins d’innocence et
de
drôlerie de Petersen. André Kertész, l’un des rénovateurs de l’art ph
645
nd, des animaux pleins d’innocence et de drôlerie
de
Petersen. André Kertész, l’un des rénovateurs de l’art photographique
646
de Petersen. André Kertész, l’un des rénovateurs
de
l’art photographique, expose un portrait frappant de réalité humaine.
647
l’art photographique, expose un portrait frappant
de
réalité humaine. Mais l’œuvre maîtresse de l’exposition est sans dout
648
appant de réalité humaine. Mais l’œuvre maîtresse
de
l’exposition est sans doute la « Crucifixion » de R.-Th. Bosshardt. C
649
de l’exposition est sans doute la « Crucifixion »
de
R.-Th. Bosshardt. C’est un véritable renouvellement de la peinture à
650
-Th. Bosshardt. C’est un véritable renouvellement
de
la peinture à sujet religieux qu’annonce cette grande composition : t
651
t religieux qu’annonce cette grande composition :
trois
longues croix dans une lumière dramatique, le corps du Christ déjà pr
652
bole mystique sur le ciel vert du plus grand jour
de
l’Histoire. On a beaucoup remarqué la part importante ménagée aux œuv
653
up remarqué la part importante ménagée aux œuvres
de
décorateurs : paravents, vitrines, coffrets, objets ouvragés. Il y a
654
ent est bien huguenote : elle remonte aux meubles
de
Boulle, aux Gobelins, aux poteries de Palissy. Ce goût de la belle ma
655
aux meubles de Boulle, aux Gobelins, aux poteries
de
Palissy. Ce goût de la belle matière mise en valeur dans sa pureté, s
656
e, aux Gobelins, aux poteries de Palissy. Ce goût
de
la belle matière mise en valeur dans sa pureté, sa nudité, ce sens de
657
mise en valeur dans sa pureté, sa nudité, ce sens
de
l’artisanat qui se refuse aux truquages, aux trompe-l’œil, ne dissoci
658
c’est le trait le plus évidemment « protestant »
de
l’art français. Mais s’il est malaisé de décrire, dès à présent, un
659
tant » de l’art français. Mais s’il est malaisé
de
décrire, dès à présent, un art protestant de fait, peut-on, par contr
660
aisé de décrire, dès à présent, un art protestant
de
fait, peut-on, par contre, le définir idéalement ? Il nous semble que
661
que cela supposerait d’abord une définition nette
de
notre foi : il faut qu’on sache sans équivoque ce qu’est le protestan
662
u’est le protestantisme avant de pouvoir trancher
de
ce que doit être un art qui l’exprime. En d’autres termes, la définit
663
qui l’exprime. En d’autres termes, la définition
d’
un art protestant est liée à une conception dogmatique de la foi. Nous
664
t protestant est liée à une conception dogmatique
de
la foi. Nous pensons même que la renaissance et l’épanouissement d’un
665
nsons même que la renaissance et l’épanouissement
d’
un tel art seront conditionnés par un renouveau doctrinal. Car, et c’e
666
paradoxe qui n’étonnera pas ceux que le problème
de
la création intéresse, l’artiste a besoin plus que quiconque de princ
667
intéresse, l’artiste a besoin plus que quiconque
de
principes définis — je ne dis pas de cadres — qui lui servent de thèm
668
ue quiconque de principes définis — je ne dis pas
de
cadres — qui lui servent de thèmes dans ses variations, d’appui dans
669
finis — je ne dis pas de cadres — qui lui servent
de
thèmes dans ses variations, d’appui dans ses tâtonnements, de réactif
670
— qui lui servent de thèmes dans ses variations,
d’
appui dans ses tâtonnements, de réactif, de contrainte, de stimulant d
671
ns ses variations, d’appui dans ses tâtonnements,
de
réactif, de contrainte, de stimulant dans l’atmosphère spirituelle qu
672
tions, d’appui dans ses tâtonnements, de réactif,
de
contrainte, de stimulant dans l’atmosphère spirituelle qui préside à
673
dans ses tâtonnements, de réactif, de contrainte,
de
stimulant dans l’atmosphère spirituelle qui préside à l’élaboration d
674
tmosphère spirituelle qui préside à l’élaboration
d’
une œuvre. Pas de style religieux sans doctrine. Et plus la doctrine s
675
elle qui préside à l’élaboration d’une œuvre. Pas
de
style religieux sans doctrine. Et plus la doctrine se relâche et s’es
676
trine se relâche et s’estompe, moins l’art montre
d’
accent et de vivante inspiration. Une remarque encore. Certains critiq
677
âche et s’estompe, moins l’art montre d’accent et
de
vivante inspiration. Une remarque encore. Certains critiques de cette
678
piration. Une remarque encore. Certains critiques
de
cette exposition se sont demandé non sans ironie où était le calvinis
679
tout ceci. Eussent-ils posé, à propos d’un salon
d’
art catholique, la même question, en remplaçant calvinisme par thomism
680
tholiques, concernant la Vierge et les saints. En
deux
mots, il y a des « sujets catholiques », il n’y a pas de « sujets pro
681
, il y a des « sujets catholiques », il n’y a pas
de
« sujets protestants ». Mais, dira-t-on, il y a tous les sujets chrét
682
ulant (une difficulté) non pas un poncif. L’idéal
d’
un artiste protestant, le seul auquel sa foi puisse prétendre, ce n’es
683
seul auquel sa foi puisse prétendre, ce n’est pas
de
réaliser un art « protestant » conforme à une doctrine, mais un art a
684
e pour transcender la confession qui lui a permis
de
naître. La grandeur d’un art protestant, c’est de n’être qu’un art ch
685
onfession qui lui a permis de naître. La grandeur
d’
un art protestant, c’est de n’être qu’un art chrétien. f. Rougemont
686
de naître. La grandeur d’un art protestant, c’est
de
n’être qu’un art chrétien. f. Rougemont Denis de, « Une exposition
687
n’être qu’un art chrétien. f. Rougemont Denis
de
, « Une exposition d’artistes protestants modernes », Foi et Vie, Pari
688
étien. f. Rougemont Denis de, « Une exposition
d’
artistes protestants modernes », Foi et Vie, Paris, avril 1931, p. 274
689
protestants modernes », Foi et Vie, Paris, avril
1931,
p. 274-277.
690
Conférences du comte Keyserling (avril
1931
)g L’auteur du Journal de voyage d’un philosophe, d’Analyse spectra
691
e Keyserling (avril 1931)g L’auteur du Journal
de
voyage d’un philosophe, d’Analyse spectrale de l’Europe, de Psychanal
692
ng (avril 1931)g L’auteur du Journal de voyage
d’
un philosophe, d’Analyse spectrale de l’Europe, de Psychanalyse de l’A
693
L’auteur du Journal de voyage d’un philosophe,
d’
Analyse spectrale de l’Europe, de Psychanalyse de l’Amérique, le célèb
694
al de voyage d’un philosophe, d’Analyse spectrale
de
l’Europe, de Psychanalyse de l’Amérique, le célèbre philosophe fondat
695
d’un philosophe, d’Analyse spectrale de l’Europe,
de
Psychanalyse de l’Amérique, le célèbre philosophe fondateur de l’Écol
696
d’Analyse spectrale de l’Europe, de Psychanalyse
de
l’Amérique, le célèbre philosophe fondateur de l’École de la Sagesse
697
se de l’Amérique, le célèbre philosophe fondateur
de
l’École de la Sagesse de Darmstadt vient de donner au Trocadéro trois
698
rique, le célèbre philosophe fondateur de l’École
de
la Sagesse de Darmstadt vient de donner au Trocadéro trois conférence
699
bre philosophe fondateur de l’École de la Sagesse
de
Darmstadt vient de donner au Trocadéro trois conférences sur les prob
700
Sagesse de Darmstadt vient de donner au Trocadéro
trois
conférences sur les problèmes fondamentaux de la civilisation moderne
701
trois conférences sur les problèmes fondamentaux
de
la civilisation moderne. Décidément, le goût du colossal — transmis a
702
transmis aux Américains — reste un trait marquant
de
l’âme allemande : le choix de la salle, les sujets abordés, jusqu’à l
703
e un trait marquant de l’âme allemande : le choix
de
la salle, les sujets abordés, jusqu’à la stature du conférencier en t
704
. Accueilli avec quelque perplexité par le public
de
la première conférence, sifflé à la seconde, ovationné à la dernière,
705
re, Keyserling, il faut le reconnaître, a su, par
trois
fois, tenir en haleine une salle énorme en parlant avec sérieux de pr
706
haleine une salle énorme en parlant avec sérieux
de
problèmes essentiels : c’est une performance qui vaut d’être enregist
707
lèmes essentiels : c’est une performance qui vaut
d’
être enregistrée. Rien de très neuf dans cette trilogie philosophique,
708
une performance qui vaut d’être enregistrée. Rien
de
très neuf dans cette trilogie philosophique, mais un bel ensemble d’o
709
ormance qui vaut d’être enregistrée. Rien de très
neuf
dans cette trilogie philosophique, mais un bel ensemble d’observation
710
ette trilogie philosophique, mais un bel ensemble
d’
observations justes et souvent profondes sur les grandeurs et les misè
711
ouvent profondes sur les grandeurs et les misères
d’
une ère mécanicienne qui prélude à l’organisation du monde-termitière
712
du monde-termitière type Lénine ou Ford. Soucieux
de
comprendre notre temps avant de le condamner ou de l’absoudre, défens
713
e comprendre notre temps avant de le condamner ou
de
l’absoudre, défenseur convaincu d’une spiritualité dont il annonce le
714
e condamner ou de l’absoudre, défenseur convaincu
d’
une spiritualité dont il annonce le réveil au sein même du triomphe de
715
serling apparaît comme un type très représentatif
de
l’Occident. Il n’a rien du prophète oriental contre lequel des Massis
716
Keyserling voit la cause du développement exagéré
de
la technique dans le fait qu’aujourd’hui les masses veulent conquérir
717
Il faut organiser la conquête et la distribution
de
ces biens : d’où la technique. Cette prétention des masses, légitime
718
ser la conquête et la distribution de ces biens :
d’
où la technique. Cette prétention des masses, légitime d’ailleurs, a e
719
, légitime d’ailleurs, a entraîné le renversement
de
presque tous les buts de civilisation. C’est ainsi que la pauvreté, c
720
entraîné le renversement de presque tous les buts
de
civilisation. C’est ainsi que la pauvreté, considérée par les civilis
721
istianisme primitif) — la pauvreté est considérée
de
nos jours comme un mal absolu et honteux. C’est ainsi encore que l’id
722
honteux. C’est ainsi encore que l’idéal chrétien
de
l’amour du prochain a tourné pratiquement à la méfiance systématique
723
res, ajoute Keyserling. Nous traversons une crise
d’
adaptation, et il s’agit de la résoudre dans le sens d’une philosophie
724
s traversons une crise d’adaptation, et il s’agit
de
la résoudre dans le sens d’une philosophie de la vie qui rende aux va
725
ptation, et il s’agit de la résoudre dans le sens
d’
une philosophie de la vie qui rende aux valeurs spirituelles leur prim
726
git de la résoudre dans le sens d’une philosophie
de
la vie qui rende aux valeurs spirituelles leur primauté : car c’est à
727
fication. En somme, on pourrait résumer la pensée
de
Keyserling en disant qu’il oppose à l’idéal actuel d’assurances à tou
728
eyserling en disant qu’il oppose à l’idéal actuel
d’
assurances à tous les degrés — idéal antispirituel, mécanique et « for
729
canique et « formidablement ennuyeux » — un idéal
de
risque qui redonne à toutes choses leur vivante réalité. Mais tout ce
730
sons connaissance mystique. g. Rougemont Denis
de
, « Conférences du comte Keyserling », Foi et Vie, Paris, avril 1931,
731
s du comte Keyserling », Foi et Vie, Paris, avril
1931,
p. 287-288.
732
Au sujet
d’
un grand roman : La Princesse Blanche par Maurice Baring (mai 1931)h
733
an : La Princesse Blanche par Maurice Baring (mai
1931
)h M. Maurice Baring est entré dans l’intimité de milliers de lecte
734
)h M. Maurice Baring est entré dans l’intimité
de
milliers de lecteurs français avec un livre d’un rare prestige, Daphn
735
M. Maurice Baring est entré dans l’intimité de
milliers
de lecteurs français avec un livre d’un rare prestige, Daphné Adeane.
736
rice Baring est entré dans l’intimité de milliers
de
lecteurs français avec un livre d’un rare prestige, Daphné Adeane. On
737
té de milliers de lecteurs français avec un livre
d’
un rare prestige, Daphné Adeane. On vient de traduire un autre roman d
738
teur16, et il nous aide à mieux définir le charme
de
cette œuvre inoubliable. Antérieur de quelques années à Daphné, beauc
739
r le charme de cette œuvre inoubliable. Antérieur
de
quelques années à Daphné, beaucoup plus long, — il compte plus de 600
740
es à Daphné, beaucoup plus long, — il compte plus
de
600 pages dans l’édition française — d’un rythme plus inégal aussi, i
741
à Daphné, beaucoup plus long, — il compte plus de
600
pages dans l’édition française — d’un rythme plus inégal aussi, il ne
742
mpte plus de 600 pages dans l’édition française —
d’
un rythme plus inégal aussi, il ne lui est pas inférieur par l’intérêt
743
pas inférieur par l’intérêt humain, et sa qualité
d’
émotion n’est pas moins pure. C’est l’histoire de la vie d’une femme,
744
d’émotion n’est pas moins pure. C’est l’histoire
de
la vie d’une femme, et de la vie d’une société aujourd’hui presque di
745
n’est pas moins pure. C’est l’histoire de la vie
d’
une femme, et de la vie d’une société aujourd’hui presque disparue, «
746
pure. C’est l’histoire de la vie d’une femme, et
de
la vie d’une société aujourd’hui presque disparue, « roman-fleuve » q
747
st l’histoire de la vie d’une femme, et de la vie
d’
une société aujourd’hui presque disparue, « roman-fleuve » que deux da
748
ujourd’hui presque disparue, « roman-fleuve » que
deux
dates limitent : 1851-1914. Ainsi met-il en jeu les deux éléments don
749
parue, « roman-fleuve » que deux dates limitent :
1851-1914.
Ainsi met-il en jeu les deux éléments dont l’antagonisme fait le fond
750
tes limitent : 1851-1914. Ainsi met-il en jeu les
deux
éléments dont l’antagonisme fait le fond de presque toutes les grande
751
les deux éléments dont l’antagonisme fait le fond
de
presque toutes les grandes œuvres romanesques : une individualité et
752
ividualité et un milieu social bien défini. À ces
deux
éléments s’en ajoute un troisième qui est moins visible, mais dont la
753
té. Maurice Baring exprime ce troisième sujet par
deux
vers de son ami Hilaire Belloc dont voici la traduction : L’amour de
754
e Baring exprime ce troisième sujet par deux vers
de
son ami Hilaire Belloc dont voici la traduction : L’amour de Dieu qui
755
Hilaire Belloc dont voici la traduction : L’amour
de
Dieu qui mène aux royaumes d’en-haut est contrecarré par le dieu de l
756
raduction : L’amour de Dieu qui mène aux royaumes
d’
en-haut est contrecarré par le dieu de l’Amour. « Si vous désirez sav
757
ux royaumes d’en-haut est contrecarré par le dieu
de
l’Amour. « Si vous désirez savoir comment cela s’applique à mon hist
758
! non, c’est au contraire décharger ces critiques
d’
une tâche impossible. Car toute la valeur de l’œuvre de Baring réside
759
iques d’une tâche impossible. Car toute la valeur
de
l’œuvre de Baring réside dans sa durée, dans son atmosphère et dans l
760
tâche impossible. Car toute la valeur de l’œuvre
de
Baring réside dans sa durée, dans son atmosphère et dans le son qu’el
761
t intérieur ; la passion ne s’y manifeste que par
de
très petits gestes qui, échappant soudain à des êtres d’ordinaire adm
762
petits gestes qui, échappant soudain à des êtres
d’
ordinaire admirablement corrects et maîtres d’eux-mêmes, laissent devi
763
res d’ordinaire admirablement corrects et maîtres
d’
eux-mêmes, laissent deviner une souffrance profonde, longtemps contenu
764
cette retenue mondaine ce que perd le pittoresque
de
l’action, encore que l’évocation de cette haute société anglaise ne s
765
e pittoresque de l’action, encore que l’évocation
de
cette haute société anglaise ne soit pas dépourvue d’un charme qui at
766
ette haute société anglaise ne soit pas dépourvue
d’
un charme qui attirera certains lecteurs, qui agacera un peu les autre
767
dans la libéralité avec laquelle il nous invite à
de
multiples week-ends… » Il y aurait beaucoup à dire pour et contre le
768
personnages, non par l’inspiration. (Dans le cas
de
Baring, elle serait plutôt religieuse.) Il est incontestable que l’ar
769
mple. La Société dans laquelle évoluent les héros
de
Baring est riche, « conformiste » à l’extrême, mais internationale. C
770
Cela permet à l’auteur autant qu’aux personnages
de
ne pas s’attarder à des considérations matérielles fastidieuses ; cel
771
ions matérielles fastidieuses ; cela permet aussi
de
résoudre certains conflits apparemment sans issues : les acteurs du d
772
ur notre agrément. Mais surtout, cette vie dénuée
d’
aventures ou de difficultés extérieures, permet à notre intérêt de se
773
nt. Mais surtout, cette vie dénuée d’aventures ou
de
difficultés extérieures, permet à notre intérêt de se concentrer uniq
774
e difficultés extérieures, permet à notre intérêt
de
se concentrer uniquement sur les sentiments, et dès lors elle constit
775
rivilégié pour l’étude du cœur humain. Si le rôle
de
l’art est d’affiner nos âmes au contact de réalités plus pures que ce
776
r l’étude du cœur humain. Si le rôle de l’art est
d’
affiner nos âmes au contact de réalités plus pures que celles de la vi
777
e rôle de l’art est d’affiner nos âmes au contact
de
réalités plus pures que celles de la vie courante, on peut dire que l
778
âmes au contact de réalités plus pures que celles
de
la vie courante, on peut dire que les romans « mondains » de Baring n
779
ourante, on peut dire que les romans « mondains »
de
Baring ne manquent pas à cette tâche, et c’est là l’important. Le mér
780
, et c’est là l’important. Le mérite le plus rare
de
ce livre est sans doute de faire sentir et « réaliser » au lecteur le
781
Le mérite le plus rare de ce livre est sans doute
de
faire sentir et « réaliser » au lecteur le tragique de la durée d’une
782
ire sentir et « réaliser » au lecteur le tragique
de
la durée d’une vie. M. Baring nous fait suivre de sa naissance à sa m
783
t « réaliser » au lecteur le tragique de la durée
d’
une vie. M. Baring nous fait suivre de sa naissance à sa mort toute l’
784
de la durée d’une vie. M. Baring nous fait suivre
de
sa naissance à sa mort toute l’existence de Blanche Clifford, sa vie
785
uivre de sa naissance à sa mort toute l’existence
de
Blanche Clifford, sa vie de jeune fille, son mariage avec le prince R
786
ort toute l’existence de Blanche Clifford, sa vie
de
jeune fille, son mariage avec le prince Roccapalumba, puis avec un je
787
umba, puis avec un jeune lord ; toute l’existence
d’
une femme qui ne cesse, jusqu’à sa dernière heure, d’aimer et de souff
788
ne femme qui ne cesse, jusqu’à sa dernière heure,
d’
aimer et de souffrir par son amour. C’était là choisir un sujet inévit
789
i ne cesse, jusqu’à sa dernière heure, d’aimer et
de
souffrir par son amour. C’était là choisir un sujet inévitablement tr
790
sujet inévitablement tragique. Car si l’histoire
de
l’ascension d’un caractère, d’une volonté, d’une âme virile, trouve d
791
lement tragique. Car si l’histoire de l’ascension
d’
un caractère, d’une volonté, d’une âme virile, trouve dans sa durée mê
792
Car si l’histoire de l’ascension d’un caractère,
d’
une volonté, d’une âme virile, trouve dans sa durée même l’élément le
793
ire de l’ascension d’un caractère, d’une volonté,
d’
une âme virile, trouve dans sa durée même l’élément le plus convaincan
794
dans sa durée même l’élément le plus convaincant
de
sa grandeur, et le plus tonique17, — il en va tout autrement de l’his
795
, et le plus tonique17, — il en va tout autrement
de
l’histoire d’une vie sentimentale. La durée est l’élément tragique pa
796
onique17, — il en va tout autrement de l’histoire
d’
une vie sentimentale. La durée est l’élément tragique par excellence d
797
s sommes attachés surtout à des instants parfaits
de
nos affections ; parce que le sentiment ne souffre pas une ascension
798
cension continue, mais une fois atteint le moment
de
sa perfection, ne peut plus que se souvenir, c’est-à-dire souffrir, v
799
r, c’est-à-dire souffrir, vieillir. L’amour étant
d’
essence éternelle, ses manifestations dans notre vie — dans la durée —
800
e du roman. Mais nous ne croyons pas qu’une œuvre
de
cette envergure comporte à proprement parler de morale, malgré ce que
801
e de cette envergure comporte à proprement parler
de
morale, malgré ce que dit l’auteur dans sa préface. Bien plutôt, elle
802
face. Bien plutôt, elle est l’expression concrète
d’
une loi divine et humaine, et c’est ici que l’on peut voir sa profonde
803
rofonde ressemblance avec les Affinités électives
de
Goethe. Aucune arrière-pensée de jugement moral ne perce dans le ton
804
inités électives de Goethe. Aucune arrière-pensée
de
jugement moral ne perce dans le ton ni dans l’agencement des incident
805
un auteur qui s’arroge un petit jugement dernier
de
ses personnages, comme le moraliste s’arroge le pouvoir de séparer le
806
rsonnages, comme le moraliste s’arroge le pouvoir
de
séparer le bien du mal parmi les actions d’autrui qu’il estime connaî
807
uvoir de séparer le bien du mal parmi les actions
d’
autrui qu’il estime connaître. Simplement, il enregistre les effets d’
808
e connaître. Simplement, il enregistre les effets
d’
une justice immanente. En même temps que les actions de ses héros, il
809
justice immanente. En même temps que les actions
de
ses héros, il note les jugements contradictoires qu’elles provoquent.
810
rovoquent. Et le tragique qui se dégage lentement
de
cette longue confusion de plaisirs mondains, d’égoïsmes déçus, d’égoï
811
qui se dégage lentement de cette longue confusion
de
plaisirs mondains, d’égoïsmes déçus, d’égoïsmes comblés, ce n’est pas
812
t de cette longue confusion de plaisirs mondains,
d’
égoïsmes déçus, d’égoïsmes comblés, ce n’est pas le tragique d’une con
813
confusion de plaisirs mondains, d’égoïsmes déçus,
d’
égoïsmes comblés, ce n’est pas le tragique d’une condamnation, mais ce
814
çus, d’égoïsmes comblés, ce n’est pas le tragique
d’
une condamnation, mais celui, combien plus amer et noble, du consentem
815
bien plus amer et noble, du consentement aux lois
de
la vie. Seule épreuve qui permette de nous en libérer. Car au-dessus
816
nt aux lois de la vie. Seule épreuve qui permette
de
nous en libérer. Car au-dessus des fatalités humaines, ce qui compte
817
ités humaines, ce qui compte chez les personnages
de
Baring, c’est la manière d’accepter une destinée, de la transfigurer
818
chez les personnages de Baring, c’est la manière
d’
accepter une destinée, de la transfigurer ou d’y succomber. C’est cela
819
Baring, c’est la manière d’accepter une destinée,
de
la transfigurer ou d’y succomber. C’est cela qui forme le sujet impli
820
re d’accepter une destinée, de la transfigurer ou
d’
y succomber. C’est cela qui forme le sujet implicite, nous l’avons dit
821
a qui forme le sujet implicite, nous l’avons dit,
de
son œuvre romanesque. Et c’est par tout ce qu’elle contient d’inexpri
822
romanesque. Et c’est par tout ce qu’elle contient
d’
inexprimé qu’elle atteint en certains passages à une intensité presque
823
e les faits, agit comme un « moraliste » désireux
de
justifier une thèse plus que de faire comprendre la réalité. Et c’est
824
aliste » désireux de justifier une thèse plus que
de
faire comprendre la réalité. Et c’est au cours des quarante pages qu’
825
aire comprendre la réalité. Et c’est au cours des
quarante
pages qu’il consacre à la « conversion » au catholicisme de la prince
826
u’il consacre à la « conversion » au catholicisme
de
la princesse Blanche. Arrêtons-nous un peu à l’examen de ce passage a
827
rincesse Blanche. Arrêtons-nous un peu à l’examen
de
ce passage auquel on sent que Baring attache une importance qui n’est
828
la phrase par quoi se termine un précédent livre
de
notre auteur : « La veille de la Chandeleur 1909, je fus reçu dans le
829
un précédent livre de notre auteur : « La veille
de
la Chandeleur 1909, je fus reçu dans le sein de l’Église catholique…
830
re de notre auteur : « La veille de la Chandeleur
1909,
je fus reçu dans le sein de l’Église catholique… le seul acte de ma v
831
e de la Chandeleur 1909, je fus reçu dans le sein
de
l’Église catholique… le seul acte de ma vie que je suis parfaitement
832
dans le sein de l’Église catholique… le seul acte
de
ma vie que je suis parfaitement certain de n’avoir jamais regretté. »
833
l acte de ma vie que je suis parfaitement certain
de
n’avoir jamais regretté. » Blanche, anglicane « de naissance », a don
834
e n’avoir jamais regretté. » Blanche, anglicane «
de
naissance », a donc épousé un Italien et vit dans un milieu catholiqu
835
u’il soit difficile, quelquefois, me semble-t-il,
de
savoir exactement quelle foi on a. » Plus tard elle avoue franchement
836
ent : « … dans nos églises j’éprouve un sentiment
de
détresse aiguë, ou bien je m’y ennuie. » Et l’on découvre soudain que
837
mais en question les exigences les plus terribles
de
la société insulaire, possède un sens critique assuré qu’elle appliqu
838
acuité aux pratiques anglicanes. On serait tenté
de
soupçonner ici quelque invraisemblance psychologique si l’on ne s’ape
839
que M. Baring, lui-même, manifeste cette tournure
d’
esprit au cours de ses romans. Le trait satirique, ailleurs presque im
840
ement appuyé dès qu’il s’agit des vieilles tantes
de
la Princesse, chargées ici de représenter deux églises anglaises. Ces
841
des vieilles tantes de la Princesse, chargées ici
de
représenter deux églises anglaises. Ces deux respectables ladies, qui
842
ntes de la Princesse, chargées ici de représenter
deux
églises anglaises. Ces deux respectables ladies, qui ne jouent pas d’
843
es ici de représenter deux églises anglaises. Ces
deux
respectables ladies, qui ne jouent pas d’autre rôle dans l’histoire,
844
. Ces deux respectables ladies, qui ne jouent pas
d’
autre rôle dans l’histoire, sont ridicules et conventionnelles à souha
845
ouhait (ni plus ni moins que la majorité des gens
de
cette sorte, mais est-ce à eux que l’on demande de définir la doctrin
846
e cette sorte, mais est-ce à eux que l’on demande
de
définir la doctrine ?). Voici quelques traits amusants ou cruels qui
847
Harriet, j’y vais. — Tante Harriet eut un soupir
de
soulagement. La question était réglée : du moment qu’on allait à l’ég
848
à l’église le dimanche, tout était bien ; inutile
d’
en demander plus. » Parlant de son pasteur préféré, la même tante Harr
849
tait bien ; inutile d’en demander plus. » Parlant
de
son pasteur préféré, la même tante Harriet a ce mot exquis : « Il prê
850
ant catholique…, puis Edmund Lely, cousin germain
de
votre père, qui est devenu moine, et qui marche pieds nus, à l’étrang
851
catholiques qu’elle rencontre et qui lui parlent
de
leur foi se distinguent par une humanité charmante, « une façon natur
852
par une humanité charmante, « une façon naturelle
de
traiter les questions religieuses, sans fausse honte ». (Seuls, parmi
853
le pas attirée par la Rome papale, qui la console
de
la Rome de son mari et la venge de l’Angleterre de ses tantes. Elle a
854
rée par la Rome papale, qui la console de la Rome
de
son mari et la venge de l’Angleterre de ses tantes. Elle abjure secrè
855
qui la console de la Rome de son mari et la venge
de
l’Angleterre de ses tantes. Elle abjure secrètement, à Londres. C’es
856
e la Rome de son mari et la venge de l’Angleterre
de
ses tantes. Elle abjure secrètement, à Londres. C’est peut-être à l’
857
de cette œuvre où l’on parle le plus directement
de
Dieu que Dieu est le plus absent. Car nous y sommes à chaque page inc
858
s en discussion. Je sais bien que tout changement
de
confession ramène les mêmes arguments qui retiennent l’esprit à la pé
859
nétrer, à les approfondir jusqu’à l’unité. Il est
d’
autant plus regrettable de voir Baring se départir ici de la sagesse q
860
jusqu’à l’unité. Il est d’autant plus regrettable
de
voir Baring se départir ici de la sagesse qu’il montre ailleurs, gros
861
t plus regrettable de voir Baring se départir ici
de
la sagesse qu’il montre ailleurs, grossir les traits, découvrir la th
862
enser d’ailleurs, car en définitive la conversion
de
son héroïne nous paraît être à tel point la seule solution possible q
863
ièrement suffisants et rendent superflue l’action
de
la grâce). Mais quoi ? Nous laisserons-nous vraiment « tenter » par c
864
sserons-nous vraiment « tenter » par cette erreur
de
Baring ? Cherchons plutôt le secret d’une communion que rompent les d
865
tte erreur de Baring ? Cherchons plutôt le secret
d’
une communion que rompent les discussions, et qu’en tant d’autres page
866
ent les discussions, et qu’en tant d’autres pages
de
cette belle œuvre, d’une simple indication tranquille et profonde sur
867
t qu’en tant d’autres pages de cette belle œuvre,
d’
une simple indication tranquille et profonde sur l’état d’âme d’un de
868
ndication tranquille et profonde sur l’état d’âme
d’
un de ses héros, comme sans le savoir, il établit. En vérité, l’entrée
869
tion tranquille et profonde sur l’état d’âme d’un
de
ses héros, comme sans le savoir, il établit. En vérité, l’entrée de B
870
e sans le savoir, il établit. En vérité, l’entrée
de
Blanche dans l’Église catholique n’est pas une conversion18, c’est un
871
qu’elle trouve, à force de souffrance, le courage
de
sacrifier son amour. Mais elle ne peut survivre à cet acte suprême, à
872
bonheur humain n’est-il en aucune mesure le signe
de
la vérité. Personne, peut-être, n’a répété avec autant de force que B
873
rité. Personne, peut-être, n’a répété avec autant
de
force que Baring le fameux, l’irrépressible argument du bonheur, fond
874
pressible argument du bonheur, fondement pratique
de
la morale courante. Presque tous les événements de son roman le contr
875
e la morale courante. Presque tous les événements
de
son roman le contredisent. Ceci entraîne cela — bonheur ou catastroph
876
e, inéluctable, amorale, tout à fait indépendante
de
nos appréciations. Nous sommes naturellement portés à confondre notre
877
nfondre notre bonheur avec notre bien, et à taxer
d’
immoralisme tout acte qui entraîne des ruines humaines. Mais la vérité
878
ou malheur. Et c’est la vérité seule qu’il s’agit
d’
attendre. Dans Daphné Adeane, dans La Princesse Blanche, ce sont deux
879
Daphné Adeane, dans La Princesse Blanche, ce sont
deux
prêtres19 qui, au moment décisif, viennent apporter ce dur message à
880
décisif, viennent apporter ce dur message à l’âme
de
celle qui demandait d’être apaisée. Admirables dialogues, déchirants
881
ter ce dur message à l’âme de celle qui demandait
d’
être apaisée. Admirables dialogues, déchirants et triomphants, qui com
882
triomphants, qui comptent parmi les chefs-d’œuvre
de
la littérature religieuse. Celui de La Princesse Blanche 20 donne sa
883
chefs-d’œuvre de la littérature religieuse. Celui
de
La Princesse Blanche 20 donne sans aucun doute l’accord le plus prof
884
rature religieuse. Celui de La Princesse Blanche
20
donne sans aucun doute l’accord le plus profond de l’œuvre de Baring.
885
0 donne sans aucun doute l’accord le plus profond
de
l’œuvre de Baring. En voici la conclusion. (C’est Blanche qui parle a
886
s aucun doute l’accord le plus profond de l’œuvre
de
Baring. En voici la conclusion. (C’est Blanche qui parle au père Mich
887
mprenez tout à présent. Je vous demande seulement
de
prier pour moi, car j’ai parfois la sensation que ma misère est plus
888
is des erreurs irréparables. — Vous avez le droit
de
vous laisser mener par le remords au bord du désespoir, mais pas plus
889
ésespoir, mais pas plus loin. Et c’est ainsi que
de
ce roman au charme pénétrant et presque trop certain, sourd, comme di
890
« Tristesse, par-delà la tristesse »… Un tel état
de
l’âme n’est plus très éloigné peut-être de cette joie qui, elle aussi
891
l état de l’âme n’est plus très éloigné peut-être
de
cette joie qui, elle aussi, est « par-delà », — cette joie « qui surp
892
cette joie « qui surpasse toute connaissance ».
16.
La Princesse Blanche, Stock, éditeur. 17. Qu’on lise, par exemple,
893
». 16. La Princesse Blanche, Stock, éditeur.
17.
Qu’on lise, par exemple, l’admirable Goethe, histoire d’un homme, d’É
894
n lise, par exemple, l’admirable Goethe, histoire
d’
un homme, d’Émile Ludwig (Attinger, éd.), ouvrage sur lequel nous auro
895
exemple, l’admirable Goethe, histoire d’un homme,
d’
Émile Ludwig (Attinger, éd.), ouvrage sur lequel nous aurons l’occasio
896
, éd.), ouvrage sur lequel nous aurons l’occasion
de
revenir. 18. Il est absurde, voire aux yeux de la foi scandaleux de
897
ge sur lequel nous aurons l’occasion de revenir.
18.
Il est absurde, voire aux yeux de la foi scandaleux de parler de conv
898
est absurde, voire aux yeux de la foi scandaleux
de
parler de conversion d’un protestantisme au catholicisme ou l’inverse
899
de, voire aux yeux de la foi scandaleux de parler
de
conversion d’un protestantisme au catholicisme ou l’inverse. On ne se
900
yeux de la foi scandaleux de parler de conversion
d’
un protestantisme au catholicisme ou l’inverse. On ne se convertit pas
901
ner cette insuffisance du vocabulaire religieux.
19.
Soulignons qu’un pasteur ne parlerait pas autrement. 20. Pages 495-4
902
ignons qu’un pasteur ne parlerait pas autrement.
20.
Pages 495-499. h. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Au sujet d’u
903
un pasteur ne parlerait pas autrement. 20. Pages
495-499.
h. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Au sujet d’un grand roman :
904
trement. 20. Pages 495-499. h. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Au sujet d’un grand roman : La Princesse Blanche pa
905
h. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Au sujet
d’
un grand roman : La Princesse Blanche par Maurice Baring », Foi et Vie
906
nche par Maurice Baring », Foi et Vie, Paris, mai
1931,
p. 344-350.
907
Kierkegaard (mai
1931
)i j L’entrée de l’œuvre de Kierkegaard dans le monde intellectuel
908
Kierkegaard (mai 1931)i j L’entrée
de
l’œuvre de Kierkegaard dans le monde intellectuel et religieux frança
909
Kierkegaard (mai 1931)i j L’entrée de l’œuvre
de
Kierkegaard dans le monde intellectuel et religieux français, est un
910
t religieux français, est un événement qui mérite
d’
être signalé et qui aura un profond retentissement dans le protestanti
911
me en particulier. Depuis quelques années, le nom
de
Kierkegaard reparaît de loin en loin dans des revues comme Commerce,
912
s quelques années, le nom de Kierkegaard reparaît
de
loin en loin dans des revues comme Commerce, la Nouvelle Revue franç
913
ommerce, la Nouvelle Revue française , la Revue
de
Genève . Diverses études lui ont été consacrées, en particulier dans
914
ont été consacrées, en particulier dans la Revue
d’
histoire et de philosophie religieuses de Strasbourg (Pascal et Kierke
915
crées, en particulier dans la Revue d’histoire et
de
philosophie religieuses de Strasbourg (Pascal et Kierkegaard), et dan
916
la Revue d’histoire et de philosophie religieuses
de
Strasbourg (Pascal et Kierkegaard), et dans la Revue de métaphysique
917
asbourg (Pascal et Kierkegaard), et dans la Revue
de
métaphysique et de morale. Et voici que l’on annonce de plusieurs côt
918
Kierkegaard), et dans la Revue de métaphysique et
de
morale. Et voici que l’on annonce de plusieurs côtés21, la publicatio
919
aphysique et de morale. Et voici que l’on annonce
de
plusieurs côtés21, la publication prochaine des œuvres principales de
920
, la publication prochaine des œuvres principales
de
l’un des plus grands esprits du xixe siècle, du plus méconnu peut-êt
921
, — du plus actuel, je dirais même du plus urgent
de
tous. Søren Kierkegaard naquit à Copenhague en 1813, et y mourut en 1
922
de tous. Søren Kierkegaard naquit à Copenhague en
1813,
et y mourut en 1855. Voici comment le profond essayiste allemand Rudo
923
gaard naquit à Copenhague en 1813, et y mourut en
1855.
Voici comment le profond essayiste allemand Rudolf Kassner caractéris
924
Kassner caractérise cette existence (Commerce, n°
XII
). Le grand événement de sa vie fut la mort de l’Évêque Mynster qui a
925
existence (Commerce, n° XII). Le grand événement
de
sa vie fut la mort de l’Évêque Mynster qui avait été très estimé au D
926
° XII). Le grand événement de sa vie fut la mort
de
l’Évêque Mynster qui avait été très estimé au Danemark et que Kierkeg
927
rkegaard lui-même avait aimé et honoré, comme ami
de
son père. Martensen, le successeur présumé de Mynster, prononçant un
928
ami de son père. Martensen, le successeur présumé
de
Mynster, prononçant un discours sur la tombe de l’évêque, le loua d’a
929
é de Mynster, prononçant un discours sur la tombe
de
l’évêque, le loua d’avoir été l’un des « grands détenteurs de la véri
930
ant un discours sur la tombe de l’évêque, le loua
d’
avoir été l’un des « grands détenteurs de la vérité, dont la longue ch
931
le loua d’avoir été l’un des « grands détenteurs
de
la vérité, dont la longue chaîne part des apôtres ». Mais Kierkegaard
932
rkegaard reste soucieux : Mynster est-il vraiment
de
la lignée des Apôtres, se demande-t-il ? Les prêtres sont-ils, dans l
933
tôt des fonctionnaires payés par l’État et avides
d’
avancement ? Les écrits polémiques de Kierkegaard, Le Moment et les At
934
at et avides d’avancement ? Les écrits polémiques
de
Kierkegaard, Le Moment et les Attaques contre le christianisme offici
935
es contre le christianisme officiel furent l’acte
de
Kierkegaard. Après cet acte, il mourut. Comme Hamlet. » Et voici com
936
estant pouvait trouver pareille formule. Le héros
de
la foi, Kierkegaard, « l’Isolé », n’a plus rien en lui ni de Faust, n
937
Kierkegaard, « l’Isolé », n’a plus rien en lui ni
de
Faust, ni du Caïn de Byron, il a dépassé le romantisme. Ou plutôt, le
938
u plutôt, le romantisme fut la jeunesse, le passé
de
« l’Isolé ». Et l’expression la plus caractéristique de ce nouvel hom
939
’Isolé ». Et l’expression la plus caractéristique
de
ce nouvel homme, qui a dépassé le romantisme, est la nouvelle psychol
940
ie. L’œuvre la plus profonde et la plus originale
de
Kierkegaard est sa Psychologie de l’Angoisse, à laquelle on ne peut t
941
plus originale de Kierkegaard est sa Psychologie
de
l’Angoisse, à laquelle on ne peut trouver d’analogie que chez Dostoïe
942
ogie de l’Angoisse, à laquelle on ne peut trouver
d’
analogie que chez Dostoïevski. Kierkegaard d’ailleurs ne peut être pla
943
ne peut être placé qu’à côté du poète russe. Tous
deux
marchent de pair et aucun autre esprit du siècle ne les dépasse. On
944
lacé qu’à côté du poète russe. Tous deux marchent
de
pair et aucun autre esprit du siècle ne les dépasse. On peut déplore
945
le ne les dépasse. On peut déplorer qu’une œuvre
de
cette envergure ait pénétré d’abord en France, sous les espèces du fr
946
les espèces du fragment le moins caractéristique
de
Kierkegaard : Le Journal du séducteur (Stock éd.). Kierkegaard lui-mê
947
ormel que l’on n’ouvrît pas par ce roman la série
de
traductions de ses livres. Mais ce Journal, s’il est l’œuvre la moins
948
n’ouvrît pas par ce roman la série de traductions
de
ses livres. Mais ce Journal, s’il est l’œuvre la moins forte du Danoi
949
s, n’en est pas moins, dans son dosage pré-gidien
de
cynisme et d’humanité un document peut-être d’autant plus intéressant
950
s moins, dans son dosage pré-gidien de cynisme et
d’
humanité un document peut-être d’autant plus intéressant qu’il émane d
951
en de cynisme et d’humanité un document peut-être
d’
autant plus intéressant qu’il émane d’un grand théologien. Il s’agit m
952
t peut-être d’autant plus intéressant qu’il émane
d’
un grand théologien. Il s’agit maintenant de nous révéler ce « héros d
953
émane d’un grand théologien. Il s’agit maintenant
de
nous révéler ce « héros de la foi », ce maître de la pensée chrétienn
954
. Il s’agit maintenant de nous révéler ce « héros
de
la foi », ce maître de la pensée chrétienne tragique, paradoxale et v
955
de nous révéler ce « héros de la foi », ce maître
de
la pensée chrétienne tragique, paradoxale et virulente. Qu’une telle
956
action en France au moment où l’intérêt passionné
de
beaucoup se porte à la rencontre du message de Karl Barth, disciple f
957
né de beaucoup se porte à la rencontre du message
de
Karl Barth, disciple fervent de Kierkegaard, — nous pouvons y attache
958
contre du message de Karl Barth, disciple fervent
de
Kierkegaard, — nous pouvons y attacher la valeur d’un signe. Kierkega
959
Kierkegaard, — nous pouvons y attacher la valeur
d’
un signe. Kierkegaard sera pour beaucoup d’esprits en quête d’absolus,
960
valeur d’un signe. Kierkegaard sera pour beaucoup
d’
esprits en quête d’absolus, le maître que fut Nietzsche pour leurs aîn
961
Kierkegaard sera pour beaucoup d’esprits en quête
d’
absolus, le maître que fut Nietzsche pour leurs aînés. Il n’est pas sû
962
agnent, mais la foi, certainement. Et « l’honneur
de
Dieu ». 21. Aux Éditions de la Nouvelle Revue française , chez Fou
963
la foi, certainement. Et « l’honneur de Dieu ».
21.
Aux Éditions de la Nouvelle Revue française , chez Fourcade et aux É
964
ent. Et « l’honneur de Dieu ». 21. Aux Éditions
de
la Nouvelle Revue française , chez Fourcade et aux Éditions « Je ser
965
et aux Éditions « Je sers ». i. Rougemont Denis
de
, « Kierkegaard », Foi et Vie, Paris, mai 1931, p. 351-352. j. Texte
966
Denis de, « Kierkegaard », Foi et Vie, Paris, mai
1931,
p. 351-352. j. Texte non signé.
967
Littérature alpestre (juillet
1931
)k Mlle Claire-Éliane Engel, qui a conquis maint sommet du massif d
968
maint sommet du massif du Mont-Blanc, et un grade
de
docteur ès lettres, vient de nous donner un livre bien utile22. En vé
969
vre bien utile22. En vérité, il fallait une sorte
d’
intrépidité pour entreprendre cette « traversée » de deux littératures
970
intrépidité pour entreprendre cette « traversée »
de
deux littératures. Combien d’heures de marche monotone à travers des
971
répidité pour entreprendre cette « traversée » de
deux
littératures. Combien d’heures de marche monotone à travers des morai
972
cette « traversée » de deux littératures. Combien
d’
heures de marche monotone à travers des moraines et des névés intermin
973
raversée » de deux littératures. Combien d’heures
de
marche monotone à travers des moraines et des névés interminables, po
974
vés interminables, pour mériter quelques instants
de
plénitude dans la contemplation de sommets assez rares. Personne, à n
975
lques instants de plénitude dans la contemplation
de
sommets assez rares. Personne, à notre connaissance, ne s’était risqu
976
rsonne même n’avait signalé cette curieuse lacune
de
notre histoire littéraire : pour nos critiques, les Alpes n’avaient p
977
ire : pour nos critiques, les Alpes n’avaient pas
d’
histoire. Enfin, voici ce livre, point trop volumineux — il trouvera s
978
eux — il trouvera sa place dans votre valise — et
d’
une érudition très aérée. Comment ne point partager, en le lisant, ce
979
ux Goethe pour les ouvrages documentaires, pleins
d’
analyses précises, de citations, de planches hors-texte ? C’est un rep
980
vrages documentaires, pleins d’analyses précises,
de
citations, de planches hors-texte ? C’est un repos de l’esprit en mêm
981
taires, pleins d’analyses précises, de citations,
de
planches hors-texte ? C’est un repos de l’esprit en même temps qu’une
982
itations, de planches hors-texte ? C’est un repos
de
l’esprit en même temps qu’une nourriture pour l’imagination. On goûte
983
ssent intéressantes par tout ce qu’elles révèlent
de
la mentalité des écrivains et des peuples dont elles émanent. La mont
984
illeux réactif, au contact duquel certains traits
de
caractères nationaux s’accusent d’une manière imprévue et significati
985
ertains traits de caractères nationaux s’accusent
d’
une manière imprévue et significative. On regrettera seulement que l’a
986
ortant et radicalement différent. Nous essaierons
de
l’esquisser plus loin. ⁂ Ce qui frappe dès l’abord, c’est la pauvreté
987
n. ⁂ Ce qui frappe dès l’abord, c’est la pauvreté
de
la littérature alpestre en France. À part Sénancour, aucun de nos écr
988
ature alpestre en France. À part Sénancour, aucun
de
nos écrivains n’a su puiser dans le thème de la montagne une inspirat
989
ucun de nos écrivains n’a su puiser dans le thème
de
la montagne une inspiration lyrique ou philosophique génératrice d’œu
990
inspiration lyrique ou philosophique génératrice
d’
œuvres marquantes. Qu’aurions-nous à opposer à un Shelley, à un Byron,
991
aubriand, devant le Mont-Blanc, clame son horreur
de
tant de démesure, et ses descriptions des Alpes constituent « le plus
992
s vallées, — si l’on ose dire, — où il fait vivre
d’
imaginaires bons sauvages. Et pour la grande majorité de ceux qui, apr
993
inaires bons sauvages. Et pour la grande majorité
de
ceux qui, après lui, feront intervenir la montagne dans leurs œuvres,
994
n’est guère qu’un décor conventionnel, un élément
de
pittoresque, un sublime tout fait, dont on agrémente des digressions
995
autes vallées, seul avec la nature dans une sorte
d’
ivresse morne, il parvenait à oublier la fuite des heures et de la vie
996
ne, il parvenait à oublier la fuite des heures et
de
la vie : l’existence perd sa fièvre au cours des longues heures silen
997
euses qui s’égrènent une à une dans les solitudes
de
rocs et de glace. » Sénancour éprouvait ce qu’il appela, d’un mot adm
998
’égrènent une à une dans les solitudes de rocs et
de
glace. » Sénancour éprouvait ce qu’il appela, d’un mot admirable, « l
999
de glace. » Sénancour éprouvait ce qu’il appela,
d’
un mot admirable, « la lenteur des choses ». C’est qu’il a pénétré dan
1000
é dans ces solitudes que les autres contemplaient
d’
en bas ; non pas en curieux : en mystique. Pareille attitude ne surpre
1001
e anglaise, au contraire, a donné toute une suite
de
chefs-d’œuvre lyriques à sujets alpestres. « Toute une tradition d’in
1002
yriques à sujets alpestres. « Toute une tradition
d’
individualisme lui frayait la voie », note fort justement notre auteur
1003
mmets, qu’écrira-t-il ? — Shelley : « L’immensité
de
ces sommets aériens excite, lorsqu’ils frappent la vue, un sentiment
1004
excite, lorsqu’ils frappent la vue, un sentiment
d’
extase émerveillée auquel la folie n’est pas étrangère. » — « Cependan
1005
est là, la tranquille et solennelle Puissance aux
mille
aspects, aux mille bruits. » Ce n’est plus l’homme que ces poètes vie
1006
le et solennelle Puissance aux mille aspects, aux
mille
bruits. » Ce n’est plus l’homme que ces poètes viennent interroger su
1007
u encore (Wordsworth) « les types et les symboles
de
l’Éternité ». Du panthéisme d’un Shelley au mysticisme d’un Ruskin, c
1008
es et les symboles de l’Éternité ». Du panthéisme
d’
un Shelley au mysticisme d’un Ruskin, c’est un cantique d’adoration sp
1009
rnité ». Du panthéisme d’un Shelley au mysticisme
d’
un Ruskin, c’est un cantique d’adoration spirituelle que chante la poé
1010
lley au mysticisme d’un Ruskin, c’est un cantique
d’
adoration spirituelle que chante la poésie anglaise en de véritables «
1011
tion spirituelle que chante la poésie anglaise en
de
véritables « élévations ». Mais tout ce lyrisme n’est pas dépourvu de
1012
ations ». Mais tout ce lyrisme n’est pas dépourvu
de
grandiloquence ni de pieuse fadeur. La montagne, ne serait-elle jamai
1013
e lyrisme n’est pas dépourvu de grandiloquence ni
de
pieuse fadeur. La montagne, ne serait-elle jamais qu’un écrasant symb
1014
gne, ne serait-elle jamais qu’un écrasant symbole
de
l’éternité ? — C’est aussi quelque chose qui devrait être surmonté, n
1015
résonances vraiment altières, celle-là : la voix
de
Nietzsche. ⁂ Ici, nous changeons de monde. À vrai dire, nous quittons
1016
-là : la voix de Nietzsche. ⁂ Ici, nous changeons
de
monde. À vrai dire, nous quittons la littérature. « Celui qui sait re
1017
ttérature. « Celui qui sait respirer l’atmosphère
de
mon œuvre sait que c’est une atmosphère des hauteurs, que l’air y est
1018
our la première fois, le ton des hauteurs, le ton
de
celui qui les a conquises, physiquement aussi. Toute l’œuvre de Nietz
1019
es a conquises, physiquement aussi. Toute l’œuvre
de
Nietzsche est pleine de repères alpestres. « Comme ces vues précises,
1020
ment aussi. Toute l’œuvre de Nietzsche est pleine
de
repères alpestres. « Comme ces vues précises, aiguës, et qu’inspire l
1021
inspire l’escarpement, nous changent des rêveries
de
Rousseau. Celui-ci se promène, l’autre escalade. Et comme elles s’opp
1022
littérature qui transforme les sommets en images
d’
un Dieu vertueux, ou en remparts de la liberté. La montagne n’est ni b
1023
mets en images d’un Dieu vertueux, ou en remparts
de
la liberté. La montagne n’est ni bienveillante ni maternelle ; elle p
1024
sommes peuvent trouver sur ses flancs l’occasion
d’
une lutte… elle ignorera toujours ces victoires. » Nous empruntons ces
1025
Robert de Traz intitula Nietzsche et les hauteurs
23,
et qui, posé en face du tableau franco-anglais, fournit un contraste
1026
e du tableau franco-anglais, fournit un contraste
de
haut goût. Là, les montagnes se prêtaient successivement à des inter
1027
nt une éthique. Là, elles prêtaient le romantisme
de
leur décor ; ici, par l’effort de discipline qu’elles exigent de qui
1028
t le romantisme de leur décor ; ici, par l’effort
de
discipline qu’elles exigent de qui veut les vaincre, c’est un classic
1029
ici, par l’effort de discipline qu’elles exigent
de
qui veut les vaincre, c’est un classicisme héroïque qu’elles inspiren
1030
pestre. Il contient en puissance toute une morale
de
l’effort individuel et désintéressé, un constructivisme assez austère
1031
leur inégalable : il y trouvait tous les symboles
de
la vie dangereuse, du risque, du triomphe conquis par la dureté. Mais
1032
as informer d’autres pensées que les malédictions
de
Zarathoustra ? Quand nos écrivains, lassés de la circulation des idée
1033
ons de Zarathoustra ? Quand nos écrivains, lassés
de
la circulation des idées citadines, éprouveront le besoin de créer vé
1034
lation des idées citadines, éprouveront le besoin
de
créer véritablement quelques valeurs nouvelles, il se peut que certai
1035
se tournent vers ces derniers symboles physiques
de
la solitude et de la grandeur, les Alpes. Nous souffrons d’une carenc
1036
ces derniers symboles physiques de la solitude et
de
la grandeur, les Alpes. Nous souffrons d’une carence inquiétante de l
1037
tude et de la grandeur, les Alpes. Nous souffrons
d’
une carence inquiétante de l’héroïsme. Dans la lutte pour la vie que n
1038
s Alpes. Nous souffrons d’une carence inquiétante
de
l’héroïsme. Dans la lutte pour la vie que nous impose le monde contem
1039
où s’exercer. Et ce n’est guère qu’au plus obscur
de
certains cœurs, et dans le secret de certains renoncements, que le re
1040
plus obscur de certains cœurs, et dans le secret
de
certains renoncements, que le regard spirituel saurait encore en déce
1041
Peut-être le goût du sport trahit-il la nostalgie
d’
une vie qui comporterait des risques extérieurs. Mais c’est là se cont
1042
bon marché, et personne ne croit plus à la vertu
de
simulacres à ce point galvaudés. (Un Montherlant lui-même, récemment,
1043
Montherlant lui-même, récemment, le confessait.)
Deux
chances sont encore offertes aux amateurs de risques authentiques : l
1044
.) Deux chances sont encore offertes aux amateurs
de
risques authentiques : l’aviation et l’alpinisme. On commence à nous
1045
isme. On commence à nous donner quelques « romans
de
l’air », et certains sont remarquables. Se trouvera-t-il un romancier
1046
r des « hauts lieux » autre chose qu’une intrigue
de
palaces ? 22. La Littérature alpestre en France et en Angleterre,
1047
ieux » autre chose qu’une intrigue de palaces ?
22.
La Littérature alpestre en France et en Angleterre, aux xviiie et x
1048
et xixe siècles. (Librairie Dardel, Chambéry.)
23.
Dans Essais et Analyses. (Crès, 1926.) k. Rougemont Denis de, « [Co
1049
, Chambéry.) 23. Dans Essais et Analyses. (Crès,
1926.
) k. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Littérature alpestre », Fo
1050
s et Analyses. (Crès, 1926.) k. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Littérature alpestre », Foi et Vie, Paris, juillet
1051
ittérature alpestre », Foi et Vie, Paris, juillet
1931,
p. 548-551.
1052
Avant l’Aube, par Kagawa (septembre
1931
)l m Dire de ce livre qu’il ne ressemble à rien serait une louange
1053
nt l’Aube, par Kagawa (septembre 1931)l m Dire
de
ce livre qu’il ne ressemble à rien serait une louange trop littéraire
1054
nt simple qui nous introduit dans la connaissance
de
la misère, et par là même nous fait sentir combien nous sommes mesqui
1055
est-il réellement impossible à une âme chrétienne
d’
atteindre la grandeur morale si elle n’a pas connu, ne fût-ce que par
1056
lle n’a pas connu, ne fût-ce que par sa puissance
de
sympathie, la misère physique et matérielle du monde où nous vivons.
1057
un terrible péché du christianisme européen, que
d’
avoir pratiquement abandonné à une doctrine de haine le sort de ceux q
1058
que d’avoir pratiquement abandonné à une doctrine
de
haine le sort de ceux que le Christ aima, parce que leur dénuement ét
1059
quement abandonné à une doctrine de haine le sort
de
ceux que le Christ aima, parce que leur dénuement était ce qu’il y av
1060
us proche de sa grandeur. L’existence et l’action
de
Kagawa, telles qu’il les raconte dans ces deux volumes, témoignent qu
1061
tion de Kagawa, telles qu’il les raconte dans ces
deux
volumes, témoignent que l’amour chrétien peut encore aujourd’hui péné
1062
isme, comme son bien propre. Mais il n’y a pas là
de
quoi nous rassurer. Si la vie de Kagawa glorifie l’Évangile, elle acc
1063
il n’y a pas là de quoi nous rassurer. Si la vie
de
Kagawa glorifie l’Évangile, elle accuse formellement la grande majori
1064
it surtout qu’il nous trouble. ⁂ L’autobiographie
de
Toyohiko Kagawa, publiée au Japon sous le titre d’Au-delà de la ligne
1065
e Toyohiko Kagawa, publiée au Japon sous le titre
d’
Au-delà de la ligne de la mort, en Amérique, en Angleterre, en Allemag
1066
Kagawa, publiée au Japon sous le titre d’Au-delà
de
la ligne de la mort, en Amérique, en Angleterre, en Allemagne, et en
1067
liée au Japon sous le titre d’Au-delà de la ligne
de
la mort, en Amérique, en Angleterre, en Allemagne, et en France, sous
1068
ngleterre, en Allemagne, et en France, sous celui
d’
Avant l’Aube, est un des livres les plus significatifs de ce temps. No
1069
l’Aube, est un des livres les plus significatifs
de
ce temps. Non pas que nous manquions de témoignages sur les condition
1070
ificatifs de ce temps. Non pas que nous manquions
de
témoignages sur les conditions d’existence du prolétariat mondial, ni
1071
nous manquions de témoignages sur les conditions
d’
existence du prolétariat mondial, ni que nous ignorions que notre sièc
1072
est celui des meneurs. Mais le rare, c’est qu’un
de
ces meneurs écrive un livre pour nous dire comment il voit le peuple,
1073
peuple, comment il l’aime, et quel est le secret
de
son autorité sur lui. L’état d’esprit de l’homme d’action s’accommode
1074
e secret de son autorité sur lui. L’état d’esprit
de
l’homme d’action s’accommode rarement d’une réflexion impartiale et d
1075
son autorité sur lui. L’état d’esprit de l’homme
d’
action s’accommode rarement d’une réflexion impartiale et d’une descri
1076
d’esprit de l’homme d’action s’accommode rarement
d’
une réflexion impartiale et d’une description, plume en main, des mobi
1077
’accommode rarement d’une réflexion impartiale et
d’
une description, plume en main, des mobiles personnels, affectifs, voi
1078
affectifs, voire religieux, qui sont à l’origine
de
son entreprise. C’est même un des malheurs de notre temps, que l’acti
1079
ine de son entreprise. C’est même un des malheurs
de
notre temps, que l’action devenue trop rapide suppose une cécité part
1080
igieusement par exemple. Que l’on songe à l’œuvre
d’
un Ford, ou à celle de presque tous nos hommes d’État. Le privilège ad
1081
e. Que l’on songe à l’œuvre d’un Ford, ou à celle
de
presque tous nos hommes d’État. Le privilège admirable de Kagawa, c’e
1082
ue tous nos hommes d’État. Le privilège admirable
de
Kagawa, c’est qu’il poursuit son action en pleine connaissance de cau
1083
uit son action en pleine connaissance de cause et
de
buts, en plein accord avec son expérience intime (je dirais même sent
1084
chrétienne. Il peut livrer sans crainte le secret
d’
une telle action ; sans crainte et sans vanité non plus, car son œuvre
1085
us, car son œuvre écrite n’est encore qu’un moyen
de
servir et d’agir. C’est un homme sans partage et sans failles. Quelqu
1086
uvre écrite n’est encore qu’un moyen de servir et
d’
agir. C’est un homme sans partage et sans failles. Quelques articles p
1087
nt appris à connaître les résultats considérables
de
l’œuvre sociale, politique et religieuse suscitée par Kagawa. Nous sa
1088
suscitée par Kagawa. Nous savions que ce pasteur
d’
une petite paroisse presbytérienne était le chef du Jeune Japon, l’ini
1089
rienne était le chef du Jeune Japon, l’initiateur
de
réformes de grande envergure, commencées dans les bas-fonds de la vil
1090
le chef du Jeune Japon, l’initiateur de réformes
de
grande envergure, commencées dans les bas-fonds de la ville de Kobé e
1091
e grande envergure, commencées dans les bas-fonds
de
la ville de Kobé et peu à peu élargies à tout ce vaste empire moderne
1092
ergure, commencées dans les bas-fonds de la ville
de
Kobé et peu à peu élargies à tout ce vaste empire moderne si rapideme
1093
moderne si rapidement envahi par la civilisation
d’
une Europe dont il rejette la religion24. Nous savions aussi que ce le
1094
, cet économiste et cet évangéliste se doublaient
d’
un écrivain extrêmement fécond, dont l’autobiographie en particulier a
1095
ître une nouvelle. C’est, en effet, sous la forme
d’
un roman dont le héros, Eiichi, est évidemment l’auteur lui-même, le r
1096
iichi, est évidemment l’auteur lui-même, le récit
de
l’adolescence et de la jeunesse de notre héros ; mais ce récit prend
1097
t l’auteur lui-même, le récit de l’adolescence et
de
la jeunesse de notre héros ; mais ce récit prend fin au moment où Kag
1098
même, le récit de l’adolescence et de la jeunesse
de
notre héros ; mais ce récit prend fin au moment où Kagawa débouche da
1099
nnante, et qui nous fait pénétrer dans l’intimité
d’
une vie, aux sources mêmes de ses déterminations. ⁂ Ce qui frappe, dès
1100
trer dans l’intimité d’une vie, aux sources mêmes
de
ses déterminations. ⁂ Ce qui frappe, dès les premières pages, c’est l
1101
s auteurs qui écrivent leurs mémoires s’attachent
d’
ordinaire aux faits pittoresques ou exceptionnels qui marquèrent leur
1102
nous assistons à l’existence la plus quotidienne
d’
Eiichi, à ces mille petites difficultés précises et humiliantes, à ces
1103
à l’existence la plus quotidienne d’Eiichi, à ces
mille
petites difficultés précises et humiliantes, à ces moments de doute,
1104
ifficultés précises et humiliantes, à ces moments
de
doute, de désir ou d’ennui qui constituent la trame réelle de notre a
1105
précises et humiliantes, à ces moments de doute,
de
désir ou d’ennui qui constituent la trame réelle de notre activité et
1106
humiliantes, à ces moments de doute, de désir ou
d’
ennui qui constituent la trame réelle de notre activité et qui différe
1107
désir ou d’ennui qui constituent la trame réelle
de
notre activité et qui différencient radicalement notre vie d’un conte
1108
ivité et qui différencient radicalement notre vie
d’
un conte de fées. Il n’y a là, de la part de l’auteur, nul parti pris
1109
i différencient radicalement notre vie d’un conte
de
fées. Il n’y a là, de la part de l’auteur, nul parti pris de « réalis
1110
n’y a là, de la part de l’auteur, nul parti pris
de
« réalisme » littéraire, mais bien le signe d’une absence d’hypocrisi
1111
is de « réalisme » littéraire, mais bien le signe
d’
une absence d’hypocrisie tout à fait insolite, et qui dans certains ca
1112
me » littéraire, mais bien le signe d’une absence
d’
hypocrisie tout à fait insolite, et qui dans certains cas, paraîtra pr
1113
e à maints lecteurs. Kagawa ne « décolle » jamais
de
la réalité psychologique et matérielle, et c’est par là que dans sa s
1114
ent à être si émouvant. On peut dire que dans ces
deux
gros volumes si nourris, il n’y a pas deux lignes d’allure convention
1115
ns ces deux gros volumes si nourris, il n’y a pas
deux
lignes d’allure conventionnelle, deux lignes qui ne traduisent une vé
1116
gros volumes si nourris, il n’y a pas deux lignes
d’
allure conventionnelle, deux lignes qui ne traduisent une vérité vécue
1117
l n’y a pas deux lignes d’allure conventionnelle,
deux
lignes qui ne traduisent une vérité vécue et particulière. Telle est
1118
e. Telle est la certitude qui se dégage lentement
d’
une profusion peu commune de petits faits, de personnages et de descri
1119
i se dégage lentement d’une profusion peu commune
de
petits faits, de personnages et de descriptions des lieux où ils vive
1120
ment d’une profusion peu commune de petits faits,
de
personnages et de descriptions des lieux où ils vivent. C’est dire qu
1121
on peu commune de petits faits, de personnages et
de
descriptions des lieux où ils vivent. C’est dire que l’œuvre mérite l
1122
ls vivent. C’est dire que l’œuvre mérite l’effort
d’
attention soutenue que plusieurs chapitres du premier tome risqueraien
1123
plusieurs chapitres du premier tome risqueraient
de
lasser, par une multiplicité de notations touchant à la monotonie. Au
1124
tome risqueraient de lasser, par une multiplicité
de
notations touchant à la monotonie. Au reste, à mesure qu’on avance, l
1125
ure qu’on avance, l’on comprend mieux les raisons
de
la popularité d’une telle œuvre : c’est toute la vie du Japon actuel
1126
l’on comprend mieux les raisons de la popularité
d’
une telle œuvre : c’est toute la vie du Japon actuel qu’elle concrétis
1127
sous nos yeux. Certes, ce n’est pas une japonerie
d’
estampe ! Voici un échantillon du pays, au travers duquel nous emmène
1128
’eût été bien agréable si le wagon entier eût été
de
verre. À partir de Tennoji, le train s’arrêta à un nombre incalculabl
1129
nnoji, le train s’arrêta à un nombre incalculable
de
stations. Regardant par la fenêtre, il vit d’affreux noms de gares te
1130
ble de stations. Regardant par la fenêtre, il vit
d’
affreux noms de gares tels que Tenman, Tamazukuri, tout à fait dans le
1131
. Regardant par la fenêtre, il vit d’affreux noms
de
gares tels que Tenman, Tamazukuri, tout à fait dans le genre d’Osaka,
1132
que Tenman, Tamazukuri, tout à fait dans le genre
d’
Osaka, écrits sur des lampes carrées. Entre les stations, des étendues
1133
lampes carrées. Entre les stations, des étendues
de
toits de tuiles, avec de la fumée noire qui s’en échappait. Osaka, la
1134
arrées. Entre les stations, des étendues de toits
de
tuiles, avec de la fumée noire qui s’en échappait. Osaka, la nuit, av
1135
s stations, des étendues de toits de tuiles, avec
de
la fumée noire qui s’en échappait. Osaka, la nuit, avait un air étran
1136
a tempête. Tandis que le train longeait les bords
de
la rivière Yodogawa, il se rappela soudain que c’était un endroit cél
1137
un jour, au théâtre, à Kobé, le drame du suicide
de
Akaneya et Sankatsu, sa bien-aimée. Suicide et Osaka la nuit ! Il ne
1138
Osaka la nuit ! Il ne comprenait pas pourquoi ces
deux
mots lui semblaient avoir des rapports intimes et atroces. Quel horri
1139
Nous trouvons d’abord Eiichi Niimi à l’Université
de
Meiji Gakuin, près de Tokyo, dans une atmosphère de discussions philo
1140
Meiji Gakuin, près de Tokyo, dans une atmosphère
de
discussions philosophiques fort curieuse, où les doctrines bouddhiste
1141
is sont oubliées, comme partout, dès qu’il s’agit
d’
embarras d’argent, de difficultés sentimentales, ou de mauvaises nouve
1142
liées, comme partout, dès qu’il s’agit d’embarras
d’
argent, de difficultés sentimentales, ou de mauvaises nouvelles qu’on
1143
me partout, dès qu’il s’agit d’embarras d’argent,
de
difficultés sentimentales, ou de mauvaises nouvelles qu’on reçoit de
1144
barras d’argent, de difficultés sentimentales, ou
de
mauvaises nouvelles qu’on reçoit de sa famille. À la suite d’une disc
1145
imentales, ou de mauvaises nouvelles qu’on reçoit
de
sa famille. À la suite d’une discussion vive avec des étudiants chrét
1146
nouvelles qu’on reçoit de sa famille. À la suite
d’
une discussion vive avec des étudiants chrétiens au sujet d’un de leur
1147
ussion vive avec des étudiants chrétiens au sujet
d’
un de leurs camarades, Eiichi se décide soudain à quitter l’Université
1148
n vive avec des étudiants chrétiens au sujet d’un
de
leurs camarades, Eiichi se décide soudain à quitter l’Université. Ce
1149
s, farouchement idéaliste et pourtant jamais dupe
de
ses beaux sentiments lorsqu’il s’y mêle des motifs tout matériels. S
1150
Ses larmes augmentèrent en pensant à la pauvreté
de
sentiments des chrétiens ; il pensait aussi que lui-même, à la fin du
1151
d idéal. Que pouvait-il y avoir de plus noble que
de
partager la vie quotidienne des gens de la campagne. Il serait auprès
1152
noble que de partager la vie quotidienne des gens
de
la campagne. Il serait auprès de sa sœur, que personne n’aimait. Il d
1153
près de sa sœur, que personne n’aimait. Il décida
de
retourner chez lui la nuit même, et après s’être demandé avec quelque
1154
il ferait face aux dépenses du voyage, il décida
de
vendre ses livres. Mais son retour au foyer provoque des scènes terr
1155
s avec son père, riche commerçant que l’on accuse
de
malhonnêteté, caractère impérieux, esprit étroit, et qui défend avec
1156
défend avec violence contre les idées subversives
de
son fils un ordre social dont l’avantage évident est de le mettre à l
1157
fils un ordre social dont l’avantage évident est
de
le mettre à l’abri de la véritable justice. Il finit par mettre Eiich
1158
dont l’avantage évident est de le mettre à l’abri
de
la véritable justice. Il finit par mettre Eiichi à la porte. Il lui r
1159
ttre Eiichi à la porte. Il lui reste la ressource
de
se faire instituteur. Il assiste un soir, par hasard, à une réunion d
1160
ur. Il assiste un soir, par hasard, à une réunion
d’
évangélisation dont la description serait tout entière à citer, dans s
1161
ment concilier son bonheur personnel avec l’idéal
de
rénovation sociale qu’il a conçu ? Et comment trouver le courage de s
1162
ale qu’il a conçu ? Et comment trouver le courage
de
se donner à cet idéal, dont la réalisation pratique lui répugne encor
1163
isite aux bas-fonds : Eiichi était partagé entre
deux
désirs. L’un était de se sauver au plus vite de cet horrible endroit
1164
iichi était partagé entre deux désirs. L’un était
de
se sauver au plus vite de cet horrible endroit et de jeter les princi
1165
deux désirs. L’un était de se sauver au plus vite
de
cet horrible endroit et de jeter les principes philanthropiques à tou
1166
se sauver au plus vite de cet horrible endroit et
de
jeter les principes philanthropiques à tous les vents ; de rentrer bi
1167
les principes philanthropiques à tous les vents ;
de
rentrer bien vite dans sa maison garnie de belles nattes et de se plo
1168
ents ; de rentrer bien vite dans sa maison garnie
de
belles nattes et de se plonger dans ses livres de philosophie. Il ent
1169
en vite dans sa maison garnie de belles nattes et
de
se plonger dans ses livres de philosophie. Il entendait une voix inté
1170
de belles nattes et de se plonger dans ses livres
de
philosophie. Il entendait une voix intérieure qui lui disait : « Si t
1171
voix intérieure qui lui disait : « Si tu te mêles
de
ces affaires, tu ne seras toi-même, à la fin, pas bien éloigné du vul
1172
re voix intérieure disait : « La bonté est le sel
de
la vie. L’organisme social demande des sacrifices pour l’amour des vi
1173
nsifie bientôt jusqu’à provoquer en lui une sorte
de
folie. Tsuruko est obligée de le quitter. Alors dans un accès de dése
1174
er en lui une sorte de folie. Tsuruko est obligée
de
le quitter. Alors dans un accès de désespoir, il tente de mettre le f
1175
ko est obligée de le quitter. Alors dans un accès
de
désespoir, il tente de mettre le feu à sa maison. Il s’enfuit, et s’e
1176
itter. Alors dans un accès de désespoir, il tente
de
mettre le feu à sa maison. Il s’enfuit, et s’engage comme manœuvre da
1177
t s’engage comme manœuvre dans les docks. La mort
de
son père l’oblige à en sortir, mais en même temps décide de l’orienta
1178
e l’oblige à en sortir, mais en même temps décide
de
l’orientation de sa vie : Il avait vu mourir Sanuki au logement ouvr
1179
ortir, mais en même temps décide de l’orientation
de
sa vie : Il avait vu mourir Sanuki au logement ouvrier, et il ne pen
1180
ogement ouvrier, et il ne pensait pas que la mort
de
son père fût particulièrement importante. Il avait appris qu’il faut
1181
nte. Il avait appris qu’il faut avoir une volonté
de
fer, lorsqu’on tombe dans la lie de la société. Le jour des funéraill
1182
r une volonté de fer, lorsqu’on tombe dans la lie
de
la société. Le jour des funérailles, Eiichi essaya de garder tout son
1183
a société. Le jour des funérailles, Eiichi essaya
de
garder tout son sang-froid, mais au cimetière du Temple de Zuigan, qu
1184
tout son sang-froid, mais au cimetière du Temple
de
Zuigan, quand les prêtres de douze temples et Eiichi à leur suite ent
1185
cimetière du Temple de Zuigan, quand les prêtres
de
douze temples et Eiichi à leur suite entourèrent le cercueil, il ne p
1186
metière du Temple de Zuigan, quand les prêtres de
douze
temples et Eiichi à leur suite entourèrent le cercueil, il ne put ret
1187
panorama devant ses yeux. Au-delà des sentiments
de
Hamlet, voyant la procession funèbre d’Ophélie, pensa Eiichi, il y av
1188
entiments de Hamlet, voyant la procession funèbre
d’
Ophélie, pensa Eiichi, il y avait la redoutable réalité, et il pleura
1189
i, il y avait la redoutable réalité, et il pleura
de
crainte et de tristesse. Tout inspirait le respect : le bruit discord
1190
la redoutable réalité, et il pleura de crainte et
de
tristesse. Tout inspirait le respect : le bruit discordant des cymbal
1191
tout lien avec le passé, comme on franchit le pas
de
la mort, il lutterait contre les conventions établies, les traditions
1192
ant lui était le monde : le monde, l’énorme asile
de
fous dont Eiichi avait parlé à son père — mort maintenant —, tourment
1193
prise du militarisme et du capitalisme ; un asile
de
fous qui s’étend sur toute la terre. Sans se préoccuper si c’était le
1194
nde ou lui-même qui était fou, Eiichi décida que,
de
ce jour-là, il entrerait en bataille contre cet ordre de choses. Il
1195
our-là, il entrerait en bataille contre cet ordre
de
choses. Il se délivre progressivement de tous ses intérêts matériels
1196
t ordre de choses. Il se délivre progressivement
de
tous ses intérêts matériels et familiaux. Sa misère et son désespoir
1197
familiaux. Sa misère et son désespoir grandissent
de
jour en jour en même temps que sa révolte contre ce monde. Il se conv
1198
enfin, brusquement, au moment où il avait décidé
de
se suicider. Mais un soir qu’il prêche au carrefour, la maladie qui d
1199
r se donner tout entier à la misère des bas-fonds
de
Kobé. Il fait siennes toutes les épreuves d’un peuple misérable, des
1200
onds de Kobé. Il fait siennes toutes les épreuves
d’
un peuple misérable, des pires brutes qu’il recueille dans sa chambre,
1201
qu’il recueille dans sa chambre, et qu’il couvre
de
ses propres habits, des prostituées qu’il soigne, des ivrognes qui lu
1202
squ’à lui tirer dessus, — ce qui ne l’empêche pas
de
les reprendre ensuite, chez lui, car il professe avec fanatisme la no
1203
la non-résistance au mal. Bientôt il prend figure
de
saint parmi le peuple qui le respecte, l’exploite et subit l’empire d
1204
ple qui le respecte, l’exploite et subit l’empire
de
sa douceur. Cette deuxième partie de l’ouvrage est extraordinaire de
1205
bit l’empire de sa douceur. Cette deuxième partie
de
l’ouvrage est extraordinaire de vie et de pathétique, sobre et direct
1206
e deuxième partie de l’ouvrage est extraordinaire
de
vie et de pathétique, sobre et directe plus que tout ce qu’on a pu li
1207
partie de l’ouvrage est extraordinaire de vie et
de
pathétique, sobre et directe plus que tout ce qu’on a pu lire de plus
1208
ces milieux. Finalement, la police accuse Eiichi
d’
avoir prêté son appui à une grève, et le récit se termine par une scèn
1209
scène entre le procureur et le prévenu, qui vaut
d’
être citée : — Pourquoi me regardez-vous ainsi ? tonna le Procureur,
1210
e étude psychologique, en observant sur le visage
de
celui-ci les expressions changeantes qu’y imprimait la passion. Il lu
1211
Il lui semblait qu’il faisait une étude pratique
de
désordre mental dans une classe d’école, tant il était calme et loin
1212
étude pratique de désordre mental dans une classe
d’
école, tant il était calme et loin d’être troublé. En regardant les ch
1213
s une classe d’école, tant il était calme et loin
d’
être troublé. En regardant les choses de près, il conclut que la profe
1214
e et loin d’être troublé. En regardant les choses
de
près, il conclut que la profession de procureur devait être vraiment
1215
les choses de près, il conclut que la profession
de
procureur devait être vraiment bien désagréable, puisqu’elle exigeait
1216
e vraiment bien désagréable, puisqu’elle exigeait
de
celui qui s’y livrait de se fâcher, de se poser comme juste et de jug
1217
le, puisqu’elle exigeait de celui qui s’y livrait
de
se fâcher, de se poser comme juste et de juger ses semblables. Pire q
1218
e exigeait de celui qui s’y livrait de se fâcher,
de
se poser comme juste et de juger ses semblables. Pire que cela, elle
1219
livrait de se fâcher, de se poser comme juste et
de
juger ses semblables. Pire que cela, elle portait à croire que tous l
1220
bles. Ceci acquit au Procureur toute la sympathie
d’
Eiichi… Si c’est à des tâches aussi inutiles que les procureurs passen
1221
ssent leur vie, pensait Eiichi, il est impossible
de
ne pas leur témoigner de la sympathie. — Qu’est-ce que cela veut dire
1222
iichi, il est impossible de ne pas leur témoigner
de
la sympathie. — Qu’est-ce que cela veut dire ? Pourquoi me regardez-v
1223
si ce n’est par une révolution ? Je vous demande
de
me dire clairement votre pensée à ce sujet. Eiichi se taisait. Une mi
1224
pensée à ce sujet. Eiichi se taisait. Une minute,
deux
minutes s’écoulèrent. Quatre ou cinq moineaux sautaient de branche en
1225
e taisait. Une minute, deux minutes s’écoulèrent.
Quatre
ou cinq moineaux sautaient de branche en branche sur le camphrier du
1226
Une minute, deux minutes s’écoulèrent. Quatre ou
cinq
moineaux sautaient de branche en branche sur le camphrier du jardin,
1227
s s’écoulèrent. Quatre ou cinq moineaux sautaient
de
branche en branche sur le camphrier du jardin, joyeux et insouciants.
1228
Il se taisait, car il savait qu’il était inutile
de
dire quoi que ce soit à cet homme en colère. Trois, quatre, cinq minu
1229
e de dire quoi que ce soit à cet homme en colère.
Trois
, quatre, cinq minutes s’écoulèrent. Le Procureur regardait distraitem
1230
re quoi que ce soit à cet homme en colère. Trois,
quatre
, cinq minutes s’écoulèrent. Le Procureur regardait distraitement son
1231
que ce soit à cet homme en colère. Trois, quatre,
cinq
minutes s’écoulèrent. Le Procureur regardait distraitement son carnet
1232
. Le Procureur regardait distraitement son carnet
de
notes. Il tremblait jusqu’au bout des doigts. Il eut été impossible d
1233
t jusqu’au bout des doigts. Il eut été impossible
de
dire lequel des deux était le juge de l’autre. Eiichi est provisoire
1234
doigts. Il eut été impossible de dire lequel des
deux
était le juge de l’autre. Eiichi est provisoirement libéré. Les enfa
1235
impossible de dire lequel des deux était le juge
de
l’autre. Eiichi est provisoirement libéré. Les enfants des bas-fonds
1236
conclusions qu’impose cette œuvre avec l’autorité
d’
une action, arrêtons-nous quelques instants devant la beauté singulièr
1237
ous quelques instants devant la beauté singulière
de
l’âme qu’elle révèle. Une âme qui sent tout avec force et délicatesse
1238
lligent qui est plus émouvant que bien des chants
de
victoire de « sauvés ». Une âme parfaitement consciente, claire et de
1239
est plus émouvant que bien des chants de victoire
de
« sauvés ». Une âme parfaitement consciente, claire et de bonne volon
1240
vés ». Une âme parfaitement consciente, claire et
de
bonne volonté. Une âme à la fois sobre et extrême. Tous les excès lui
1241
ans la sainteté, mais toujours ils s’accompagnent
d’
une mesure parfaite dans l’appréciation. Il semble qu’il n’ait aucune
1242
a critique et sans nulle complaisance. Il n’a pas
de
terribles remords, il a des remords. Il ne cherche pas à se rendre in
1243
es actions. Il les note, simplement, sans oublier
d’
indiquer ses hésitations, les traverses souvent fortuites qui les prov
1244
ouvent fortuites qui les provoquent. Et pas trace
d’
ostentation dans son humilité ou dans son impartialité. C’est toujours
1245
artialité. C’est toujours à l’effarante sincérité
de
ce récit qu’il faut revenir, si l’on veut d’un mot le caractériser. P
1246
rité de ce récit qu’il faut revenir, si l’on veut
d’
un mot le caractériser. Parmi les innombrables sentiments : doutes, pa
1247
u’il met en jeu, c’est toujours l’absence absolue
d’
hypocrisie de sa part qui donne aux choses les plus banales une nouvea
1248
eu, c’est toujours l’absence absolue d’hypocrisie
de
sa part qui donne aux choses les plus banales une nouveauté frappante
1249
éclate particulièrement dans l’analyse des motifs
de
ses actions journalières. Par là, il fait souvent penser aux grands R
1250
ï surtout. Et par tous les revirements intérieurs
de
ses personnages également. Quant à lui, la complexité vivante de sa v
1251
ges également. Quant à lui, la complexité vivante
de
sa vie morale n’a d’égale que la violence de ses réactions. Une fois,
1252
à lui, la complexité vivante de sa vie morale n’a
d’
égale que la violence de ses réactions. Une fois, désespéré, — « heure
1253
ante de sa vie morale n’a d’égale que la violence
de
ses réactions. Une fois, désespéré, — « heureusement, personne ne reg
1254
!”, mais sans résultat ». C’est dans un tel état
de
désespoir que soudain l’amour de la vie revient s’emparer de lui et d
1255
dans un tel état de désespoir que soudain l’amour
de
la vie revient s’emparer de lui et décide de sa conversion : Il se d
1256
r que soudain l’amour de la vie revient s’emparer
de
lui et décide de sa conversion : Il se décida à tout accepter, oui,
1257
mour de la vie revient s’emparer de lui et décide
de
sa conversion : Il se décida à tout accepter, oui, tout. Il accepter
1258
manifestations dans le temps. Il était ressuscité
de
l’abîme du désespoir et revenu au monde merveilleux. Il résolut de vi
1259
espoir et revenu au monde merveilleux. Il résolut
de
vivre fermement dans sa sphère actuelle, enrichi par la force de la m
1260
ent dans sa sphère actuelle, enrichi par la force
de
la mort. Tout était merveilleux, la mort, lui-même, la terre, les pie
1261
ut était étonnement. Il acceptait tout. Il décida
de
vivre fermement, de prendre courage et de lutter bravement à l’avenir
1262
Il acceptait tout. Il décida de vivre fermement,
de
prendre courage et de lutter bravement à l’avenir, et pour cela il ac
1263
décida de vivre fermement, de prendre courage et
de
lutter bravement à l’avenir, et pour cela il accepterait tout de l’ex
1264
ment à l’avenir, et pour cela il accepterait tout
de
l’existence. Il accepterait aussi la religion avec le courage du suic
1265
is dans les merveilles du monde. Et voici que, le
14
février, il se décida à faire profession de disciple du Christ. Page
1266
e, le 14 février, il se décida à faire profession
de
disciple du Christ. Page étrange, en vérité, et dont l’accent presqu
1267
i eussent préféré l’habituelle effusion en patois
de
Chanaan. Mais ce qui me frappe ici, c’est de voir le reste du chapitr
1268
tois de Chanaan. Mais ce qui me frappe ici, c’est
de
voir le reste du chapitre consacré au récit des actes qu’immédiatemen
1269
tes qu’immédiatement Eiichi produit en témoignage
de
sa conversion. En mystique véritable, il évite rigoureusement les exp
1270
s derrière Nunobiki, au milieu des arbres, à côté
d’
un ruisseau, il passa trois heures et demie à lire tout l’Évangile sel
1271
milieu des arbres, à côté d’un ruisseau, il passa
trois
heures et demie à lire tout l’Évangile selon saint Matthieu, du premi
1272
ier, priant continuellement pour obtenir la grâce
de
devenir capable de suivre Jésus. Une autre fois, à midi, il monta sur
1273
ellement pour obtenir la grâce de devenir capable
de
suivre Jésus. Une autre fois, à midi, il monta sur le sommet d’une mo
1274
s. Une autre fois, à midi, il monta sur le sommet
d’
une montagne en face du mont Maya et pria Dieu de lui donner Kobé et l
1275
d’une montagne en face du mont Maya et pria Dieu
de
lui donner Kobé et les bas-fonds. La nature, le sommeil et les enfant
1276
Comment et par quoi mesurer la valeur chrétienne
d’
une âme ? L’action même est souvent trompeuse. Mais la qualité du rega
1277
tel est le signe et la mesure certaine. Au cours
d’
un livre où il se peint, aux prises avec toutes les formes du mal, jam
1278
aineux des communistes. Et c’est l’un des secrets
de
sa puissance. ⁂ Mais il est temps de tirer de ce livre une conclusion
1279
des secrets de sa puissance. ⁂ Mais il est temps
de
tirer de ce livre une conclusion capitale qui, sans doute, fut l’obje
1280
ets de sa puissance. ⁂ Mais il est temps de tirer
de
ce livre une conclusion capitale qui, sans doute, fut l’objet détermi
1281
capitale qui, sans doute, fut l’objet déterminant
de
son auteur. Elle concerne la question sociale. Il s’attache à cette e
1282
es réformes socialistes — mais cela dispense-t-il
de
chercher d’autres solutions ? Quant à ceux qui acceptent d’étudier à
1283
r d’autres solutions ? Quant à ceux qui acceptent
d’
étudier à fond ces problèmes, ils ne les rendent, en général, guère at
1284
s le devraient.). Pour celui qui referme le livre
de
Kagawa, une certitude s’impose. Je la formulerai brièvement : Tant qu
1285
ctible. Car la question sociale n’admet peut-être
de
solution que personnelle. Il ne s’agit plus de la poser, sur le plan
1286
re de solution que personnelle. Il ne s’agit plus
de
la poser, sur le plan intellectuel, pour les autres, mais de la résou
1287
, sur le plan intellectuel, pour les autres, mais
de
la résoudre d’abord pour son compte et par un acte intérieur contraig
1288
te et par un acte intérieur contraignant, un acte
d’
incarnation. Il y a là une exigence immédiate et par conséquent plus t
1289
ose n’importe quelle attitude politique. Aux yeux
d’
un incroyant, ceci peut sembler vague. Mais le sens chrétien primitif
1290
rétien primitif n’est-il pas, avant tout, le sens
de
la pauvreté ? Qu’un Kagawa nous force à méditer chrétiennement le fai
1291
agawa nous force à méditer chrétiennement le fait
de
la misère humaine, — cela ne saurait être sans fruits. 24. Ceux qui
1292
re humaine, — cela ne saurait être sans fruits.
24.
Ceux qui veulent assimiler christianisme et capitalisme feraient bien
1293
imiler christianisme et capitalisme feraient bien
de
ne pas perdre de vue cet exemple. l. Rougemont Denis de, « [Compte
1294
sme et capitalisme feraient bien de ne pas perdre
de
vue cet exemple. l. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Toyohiko K
1295
s perdre de vue cet exemple. l. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Toyohiko Kagawa, Avant l’Aube », Foi et Vie, Paris
1296
wa, Avant l’Aube », Foi et Vie, Paris, septembre
1931,
p. 623-632. m. Une note précise : « Éditions “Je sers”, 1931. »
1297
632. m. Une note précise : « Éditions “Je sers”,
1931.
»
1298
ou le style exquis (à propos de Divers) (octobre
1931
)n o La manière est toujours l’indice d’une complaisance, et vite
1299
bre 1931)n o La manière est toujours l’indice
d’
une complaisance, et vite elle en devient la rançon. (Divers, p. 75.)
1300
« manière » gidienne, et je m’excuse dès l’abord
de
la rapidité avec laquelle je suis décidé à les formuler. Si l’on y vo
1301
’on y voit une regrettable désinvolture vis-à-vis
d’
un des écrivains les plus justement célèbres de ce temps, elle aura du
1302
is d’un des écrivains les plus justement célèbres
de
ce temps, elle aura du moins le mérite de la spontanéité, qualité don
1303
élèbres de ce temps, elle aura du moins le mérite
de
la spontanéité, qualité dont Gide aime à douer les héros de ses récit
1304
tanéité, qualité dont Gide aime à douer les héros
de
ses récits, mais dont lui-même se révèle dépourvu dans une mesure qui
1305
pourvu dans une mesure qui est celle, exactement,
de
son art, — considérable. Art de ruses, de pondérations et de nuances
1306
elle, exactement, de son art, — considérable. Art
de
ruses, de pondérations et de nuances sarcastiques (celles du serpent
1307
tement, de son art, — considérable. Art de ruses,
de
pondérations et de nuances sarcastiques (celles du serpent qui charme
1308
— considérable. Art de ruses, de pondérations et
de
nuances sarcastiques (celles du serpent qui charme à froid) — art qui
1309
se définit et se limite par l’épithète valéryenne
d’
exquis. On sait quels « jugements » Gide s’attira naguère, dont la « s
1310
ne pense pas qu’il faille opposer aux suggestions
d’
un moraliste trop subtil les vaniteux verdicts d’une moralité toute fa
1311
d’un moraliste trop subtil les vaniteux verdicts
d’
une moralité toute faite. Je ne me récrie pas et ne compte nullement d
1312
crie pas et ne compte nullement désigner l’auteur
de
l’Immoraliste à la vindicte des « honnêtes gens ». D’abord parce que
1313
tégorie. (On sait qu’il y a dans le monde moderne
trois
sortes de gens, les pécheurs, les sauvés et les honnêtes gens.) Ensui
1314
sait qu’il y a dans le monde moderne trois sortes
de
gens, les pécheurs, les sauvés et les honnêtes gens.) Ensuite, parce
1315
ral où Gide provoque ses lecteurs à le juger, sûr
d’
avance que l’intelligence sera de son côté. — « Causons un peu », dit
1316
à le juger, sûr d’avance que l’intelligence sera
de
son côté. — « Causons un peu », dit le serpent… ⁂ Divers, recueil d’
1317
sons un peu », dit le serpent… ⁂ Divers, recueil
d’
aphorismes, de « caractères » et de lettres, est en somme un plaidoyer
1318
dit le serpent… ⁂ Divers, recueil d’aphorismes,
de
« caractères » et de lettres, est en somme un plaidoyer pour André Gi
1319
ivers, recueil d’aphorismes, de « caractères » et
de
lettres, est en somme un plaidoyer pour André Gide. J’avoue qu’il sai
1320
dré Gide. J’avoue qu’il sait dans un grand nombre
de
cas me convaincre ; et que, dans la plupart des autres, il est si adm
1321
ves. Non seulement Gide a presque toujours raison
de
ses juges, mais il sait avoir raison comme en s’excusant. Il apporte
1322
ourdine. Car il sait que la modestie est la vertu
de
choix du classicisme. Et qu’il est le dernier de nos classiques… Pare
1323
de choix du classicisme. Et qu’il est le dernier
de
nos classiques… Pareille modestie est, d’ailleurs, signe de force : l
1324
ssiques… Pareille modestie est, d’ailleurs, signe
de
force : les critiques auxquels il adressa les lettres reproduites dan
1325
avent quelque chose, et le Père jésuite qui tenta
de
soutenir la controverse prit une leçon de distinguo magistrale et cru
1326
i tenta de soutenir la controverse prit une leçon
de
distinguo magistrale et cruellement ironique. Je ne tiens pas du tout
1327
ne tiens pas du tout à imiter ce Père. Nul besoin
de
citer à la barre d’un jugement dernier anticipé un esprit qui s’honor
1328
à imiter ce Père. Nul besoin de citer à la barre
d’
un jugement dernier anticipé un esprit qui s’honore — on excusera le j
1329
icipé un esprit qui s’honore — on excusera le jeu
de
mots — d’être « non-prévenu ». Mais voici ce qu’il y a : l’on éprouve
1330
sprit qui s’honore — on excusera le jeu de mots —
d’
être « non-prévenu ». Mais voici ce qu’il y a : l’on éprouve une gêne
1331
tojustification obsédante que les derniers écrits
de
cet auteur reprennent et fignolent avec un talent disproportionné à s
1332
donner l’air — je suis prêt à le concéder au-delà
de
ce qu’il espère. Par incompétence radicale. Ce qu’il faut certainemen
1333
icale. Ce qu’il faut certainement déplorer, c’est
de
le voir utiliser des dons incomparables et une sorte subtile de loyau
1334
liser des dons incomparables et une sorte subtile
de
loyauté à des fins rien moins que grandes. Car l’excès même de ces sc
1335
des fins rien moins que grandes. Car l’excès même
de
ces scrupules les fait tourner soudain, les fait cailler en coquetter
1336
iller en coquetteries. Et voici que l’explication
de
soi pareillement tourne en indiscrétion, et cette retenue trop consci
1337
en indiscrétion, et cette retenue trop consciente
de
ses effets n’est plus qu’une impudeur raffinée. « Celui qui veut sau
1338
e inlassablement M. Gide25. Seulement, celui qui,
de
propos délibéré, veut perdre sa vie, et non pas pour Christ, mais pou
1339
e du sacrifice ; et c’est en vain qu’il tenterait
d’
y loger autre chose que son égoïsme et sa coquetterie profonde. Tels s
1340
ige en dialectique indépendante. Si des sophismes
de
ce genre n’apparaissent pas plus souvent chez d’autres « moralistes »
1341
s que M. Gide, ou qu’ils reculent devant l’audace
de
conclusions en toute logique inévitables. Car ce qui naît de l’Évangi
1342
ons en toute logique inévitables. Car ce qui naît
de
l’Évangile n’a de sens que par le jaillissement vers Dieu. Et tout pr
1343
ue inévitables. Car ce qui naît de l’Évangile n’a
de
sens que par le jaillissement vers Dieu. Et tout précepte évangélique
1344
eu. Et tout précepte évangélique une fois détaché
de
la grâce se décompose avec virulence en sophismes, ou bien engendre d
1345
on est d’abord séduit par la finesse et la mesure
de
leur argumentation, par leur côté vraiment « non-prévenu », et puis,
1346
on-prévenu », et puis, soudain, l’on s’impatiente
d’
être ramené sans cesse dans un cercle de paradoxes et de malentendus o
1347
mpatiente d’être ramené sans cesse dans un cercle
de
paradoxes et de malentendus où il semble qu’un esprit de cette classe
1348
ramené sans cesse dans un cercle de paradoxes et
de
malentendus où il semble qu’un esprit de cette classe ne devrait pas
1349
doxes et de malentendus où il semble qu’un esprit
de
cette classe ne devrait pas supporter qu’on l’engage. Mais qu’est-ce
1350
t-ce à dire lorsqu’on comprend que, non satisfait
de
s’y complaire, il croit y découvrir son originalité, ou comme il le d
1351
as à moi-même que je m’intéresse, mais au conflit
de
certaines idées, dont mon âme n’est que le théâtre, et où je fais fon
1352
’est que le théâtre, et où je fais fonction moins
d’
acteur que de spectateur, de témoin. » (p. 31.) Mais un témoin si déta
1353
héâtre, et où je fais fonction moins d’acteur que
de
spectateur, de témoin. » (p. 31.) Mais un témoin si détaché de soi-mê
1354
e fais fonction moins d’acteur que de spectateur,
de
témoin. » (p. 31.) Mais un témoin si détaché de soi-même, n’est-ce pa
1355
, de témoin. » (p. 31.) Mais un témoin si détaché
de
soi-même, n’est-ce pas nécessairement un faux témoin ? Étendons la si
1356
rement un faux témoin ? Étendons la signification
de
ce terme. On sait que protestant veut dire témoin (protestari), jamai
1357
sereinement contradictoire, où il voit l’essence
de
sa « réforme » et de sa nouveauté. Luther disait : « Je ne puis autre
1358
ctoire, où il voit l’essence de sa « réforme » et
de
sa nouveauté. Luther disait : « Je ne puis autrement. » Gide, lui, se
1359
s autrement. » Gide, lui, se préoccupe sans cesse
de
faire entendre qu’il « pourrait autrement ». Que rien de ce qu’il écr
1360
e entendre qu’il « pourrait autrement ». Que rien
de
ce qu’il écrit ne l’engage tout entier. Qu’il n’est que spectateur de
1361
l’engage tout entier. Qu’il n’est que spectateur
de
ses antagonismes. Dès lors, la morale qui, pourtant, seule l’intéress
1362
pourtant, seule l’intéresse, n’est plus qu’un jeu
d’
équilibres relatifs, variables et réversibles. Plus de sanctions trans
1363
uilibres relatifs, variables et réversibles. Plus
de
sanctions transcendantes et irrévocables dans un tel univers. Suppres
1364
me qui s’efforce vers l’unité, vers l’unification
de
ses aspirations et de ses actes ; dans une âme responsable de ses con
1365
l’unité, vers l’unification de ses aspirations et
de
ses actes ; dans une âme responsable de ses contradictions. Sans dout
1366
ations et de ses actes ; dans une âme responsable
de
ses contradictions. Sans doute, la psychologie moderne a-t-elle montr
1367
imple qu’il ne le croyait. Mais la question reste
de
savoir si cette division interne, une fois reconnue, doit être accept
1368
our moi je tiens que le seul problème éthique est
de
se réaliser comme unité. Non point parce qu’une morale stoïcienne et
1369
commande. Non point à cause de la logique ni même
d’
une norme sociale. Mais à cause de la grandeur. ⁂ Ce livre manque d’an
1370
e. Mais à cause de la grandeur. ⁂ Ce livre manque
d’
ange et de bête. Il est merveilleusement intelligent. On n’y parle str
1371
cause de la grandeur. ⁂ Ce livre manque d’ange et
de
bête. Il est merveilleusement intelligent. On n’y parle strictement q
1372
usement intelligent. On n’y parle strictement que
de
psychologie et des ruses de l’art, sans que ne s’ouvre jamais une per
1373
parle strictement que de psychologie et des ruses
de
l’art, sans que ne s’ouvre jamais une perspective poétique ou métaphy
1374
xprimé et mûri. Mais comme aussi tout cela manque
d’
enthousiasme, d’« endieusement », selon l’étymologie de Unamuno. Ne dé
1375
Mais comme aussi tout cela manque d’enthousiasme,
d’
« endieusement », selon l’étymologie de Unamuno. Ne détermine rien en
1376
housiasme, d’« endieusement », selon l’étymologie
de
Unamuno. Ne détermine rien en nous. Ne nous met en demeure ni d’agir,
1377
détermine rien en nous. Ne nous met en demeure ni
d’
agir, ni d’aimer, ni même de douter fortement. C’est constamment mesur
1378
ien en nous. Ne nous met en demeure ni d’agir, ni
d’
aimer, ni même de douter fortement. C’est constamment mesuré, conscien
1379
ous met en demeure ni d’agir, ni d’aimer, ni même
de
douter fortement. C’est constamment mesuré, conscient, exquis, mais,
1380
omplaisant à sa propre modestie. Et, par là même,
d’
une étrange indiscrétion. Gide saura-t-il rester un maître pour cette
1381
jeunesse qui aimait sa ferveur, mais que le monde
de
demain va contraindre, contraint déjà à des choix dramatiques ? Certa
1382
supposer qu’il écrivit en préface au livre récent
d’
un jeune aviateur, Antoine de Saint-Exupéry. (Mais par quoi tiendra-t-
1383
is par quoi tiendra-t-il à les « équilibrer », un
de
ces jours, à les « gauchir »…) Le héros de Vol de nuit, non déshuman
1384
», un de ces jours, à les « gauchir »…) Le héros
de
Vol de nuit, non déshumanisé certes, s’élève à une vertu surhumaine.
1385
e ces jours, à les « gauchir »…) Le héros de Vol
de
nuit, non déshumanisé certes, s’élève à une vertu surhumaine. Je croi
1386
sse. Les faiblesses, les abandons, les déchéances
de
l’homme, nous les connaissons de reste et la littérature de nos jours
1387
, les déchéances de l’homme, nous les connaissons
de
reste et la littérature de nos jours n’est que trop habile à les déno
1388
, nous les connaissons de reste et la littérature
de
nos jours n’est que trop habile à les dénoncer ; mais le surpassement
1389
trop habile à les dénoncer ; mais le surpassement
de
soi qu’obtient la volonté tendue, c’est là ce que nous avons surtout
1390
’on nous montre… Je lui sais gré particulièrement
d’
éclairer cette vérité paradoxale, pour moi d’une importance psychologi
1391
ment d’éclairer cette vérité paradoxale, pour moi
d’
une importance psychologique considérable : que le bonheur de l’homme
1392
tance psychologique considérable : que le bonheur
de
l’homme n’est pas dans la liberté, mais dans l’acceptation d’un devoi
1393
’est pas dans la liberté, mais dans l’acceptation
d’
un devoir. Gide aurait-il pressenti que l’ère n’est plus de certaines
1394
r. Gide aurait-il pressenti que l’ère n’est plus
de
certaines complaisances ? Pourquoi faut-il que l’image de cet aviateu
1395
ines complaisances ? Pourquoi faut-il que l’image
de
cet aviateur m’évoque la fable : « Je suis oiseau, voyez mes ailes. »
1396
ayant épuisé leurs saveurs. La question n’est pas
d’
être vertueux, mais de faire la volonté de Dieu. Et ce que nous voulon
1397
eurs. La question n’est pas d’être vertueux, mais
de
faire la volonté de Dieu. Et ce que nous voulons ce ne sont pas des e
1398
est pas d’être vertueux, mais de faire la volonté
de
Dieu. Et ce que nous voulons ce ne sont pas des exemples édifiants, m
1399
pas des exemples édifiants, mais des témoignages
de
responsabilités acceptées devant Dieu, avec l’incommensurable tragiqu
1400
homme qui ne vous lâche plus. Il a beaucoup parlé
de
lui-même. Mais là où d’autres produisent l’impression pénible de se m
1401
is là où d’autres produisent l’impression pénible
de
se montrer, il arrive chez Kierkegaard une chose extraordinaire : sou
1402
ui me regarde et qui me perce, — et me fait honte
d’
oublier la grandeur. 25. Remarquons le tour qu’il adopte : « mais ce
1403
erce, — et me fait honte d’oublier la grandeur.
25.
Remarquons le tour qu’il adopte : « mais celui qui veut la perdre… »
1404
celui qui veut la perdre… » n. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] André Gide ou le style exquis », Foi et Vie, Paris,
1405
ou le style exquis », Foi et Vie, Paris, octobre
1931,
p. 725-729. o. Une note précise : « Divers (« Caractères. — Un espri
1406
Le protestantisme jugé (octobre
1931
)p Parlant récemment, dans un article des Nouvelles littéraires d
1407
ment, dans un article des Nouvelles littéraires
d’
un ouvrage de M. Édouard Martinet, intitulé André Gide, l’amour et la
1408
article des Nouvelles littéraires d’un ouvrage
de
M. Édouard Martinet, intitulé André Gide, l’amour et la divinité, M.
1409
divinité, M. Albert Thibaudet exprime son regret
de
ce qu’un tel titre ne réponde pas à son attente. Selon lui, c’est un
1410
son attente. Selon lui, c’est un « André Gide vu
de
Genève » qu’il nous faudrait. M. Martinet a pris pour épigraphe la ci
1411
rivain protestant26, non exilé, non réfugié, mais
d’
éducation et de nature toute française. M. Thibaudet ajoute à ce prop
1412
nt26, non exilé, non réfugié, mais d’éducation et
de
nature toute française. M. Thibaudet ajoute à ce propos : On m’a fa
1413
nt. Et précisément il y aurait lieu à une manière
de
Loti vu de Genève. Loti appartient à ce pays de Saintonge, qui, si la
1414
isément il y aurait lieu à une manière de Loti vu
de
Genève. Loti appartient à ce pays de Saintonge, qui, si la force de l
1415
e de Loti vu de Genève. Loti appartient à ce pays
de
Saintonge, qui, si la force de l’unité française n’avait été irrésist
1416
partient à ce pays de Saintonge, qui, si la force
de
l’unité française n’avait été irrésistible, avait ce qu’il fallait po
1417
, avait ce qu’il fallait pour devenir une manière
de
Genève maritime, de Hollande atlantique : le maire Guiton, le héros,
1418
lait pour devenir une manière de Genève maritime,
de
Hollande atlantique : le maire Guiton, le héros, avec Rohan, de la ré
1419
lantique : le maire Guiton, le héros, avec Rohan,
de
la résistance protestante contre le Cardinal, était corsaire de son m
1420
ce protestante contre le Cardinal, était corsaire
de
son métier. N’oublions pas que depuis la destruction de l’Invincible
1421
métier. N’oublions pas que depuis la destruction
de
l’Invincible Armada la mer devient aux trois quarts protestante — et
1422
ruction de l’Invincible Armada la mer devient aux
trois
quarts protestante — et l’est restée (la révocation fit quitter, selo
1423
uf-mille marins). Loti est un protestant français
de
la vieille souche maritime. Évidemment, cela n’en fait pas un Genevoi
1424
contraire ! Mais n’oublions pas que toute l’œuvre
de
Loti est faite du morcellement et de l’adaptation d’un livre unique,
1425
oute l’œuvre de Loti est faite du morcellement et
de
l’adaptation d’un livre unique, son journal intime — que Loti est un
1426
Loti est faite du morcellement et de l’adaptation
d’
un livre unique, son journal intime — que Loti est un journal intime,
1427
la littérature intime sont un produit autochtone
de
la terre protestante et de l’esprit protestant. Ces intéressantes re
1428
un produit autochtone de la terre protestante et
de
l’esprit protestant. Ces intéressantes remarques, où l’on retrouve l
1429
intéressantes remarques, où l’on retrouve le goût
de
l’analogie historico-littéraire qui caractérise la critique de M. Alb
1430
historico-littéraire qui caractérise la critique
de
M. Albert Thibaudet, nous ont fait penser qu’il existe bel et bien un
1431
t fait penser qu’il existe bel et bien un Loti vu
de
Genève, non pas sous la forme d’un ouvrage complet, mais d’un essai t
1432
bien un Loti vu de Genève, non pas sous la forme
d’
un ouvrage complet, mais d’un essai très fouillé et profond de Gaston
1433
non pas sous la forme d’un ouvrage complet, mais
d’
un essai très fouillé et profond de Gaston Frommel, dans ses Études li
1434
complet, mais d’un essai très fouillé et profond
de
Gaston Frommel, dans ses Études littéraires et morales. Nous sommes c
1435
udes littéraires et morales. Nous sommes certains
d’
intéresser les lecteurs de cette revue en citant ici quelques passages
1436
s. Nous sommes certains d’intéresser les lecteurs
de
cette revue en citant ici quelques passages de l’étude de Frommel. N
1437
rs de cette revue en citant ici quelques passages
de
l’étude de Frommel. Nous assistons, chez Pierre Loti, à ce spectacle
1438
revue en citant ici quelques passages de l’étude
de
Frommel. Nous assistons, chez Pierre Loti, à ce spectacle étrange d’
1439
sistons, chez Pierre Loti, à ce spectacle étrange
d’
une vie toute pleine de nobles penchants et d’affections élevées, tand
1440
ti, à ce spectacle étrange d’une vie toute pleine
de
nobles penchants et d’affections élevées, tandis que déjà la conscien
1441
nge d’une vie toute pleine de nobles penchants et
d’
affections élevées, tandis que déjà la conscience éteinte ne la dirige
1442
re dans la jouissance présente. La structure même
de
ses romans est un indice révélateur, car quoi qu’on dise de la différ
1443
ans est un indice révélateur, car quoi qu’on dise
de
la différence entre la vie et le roman, la composition de celui-ci dé
1444
fférence entre la vie et le roman, la composition
de
celui-ci dépend toujours de la manière de concevoir celle-là. Tant qu
1445
roman, la composition de celui-ci dépend toujours
de
la manière de concevoir celle-là. Tant que la vie était considérée co
1446
osition de celui-ci dépend toujours de la manière
de
concevoir celle-là. Tant que la vie était considérée comme le lieu où
1447
ient ; la vie n’est plus aujourd’hui qu’une suite
d’
événements qui se succèdent, et les livres sont fragmentaires, ils se
1448
t les livres sont fragmentaires, ils se composent
d’
une série de tableaux parallèles. Les parties n’en sont plus dérivées
1449
sont fragmentaires, ils se composent d’une série
de
tableaux parallèles. Les parties n’en sont plus dérivées les unes des
1450
s’étalent à la fois toutes ensemble. Dès l’année
1886,
où il publiait son essai, Frommel donnait ainsi le diagnostic du roma
1451
an moderne ; ne serait-il pas frappant, en effet,
d’
appliquer ses dernières lignes à des œuvres récentes comme les Faux-mo
1452
s à des œuvres récentes comme les Faux-monnayeurs
de
Gide, ou Contrepoint d’Aldous Huxley. Combien actuelles aussi ces rem
1453
comme les Faux-monnayeurs de Gide, ou Contrepoint
d’
Aldous Huxley. Combien actuelles aussi ces remarques sur le déclin de
1454
mbien actuelles aussi ces remarques sur le déclin
de
la personnalité, la profondeur des sentiments et leur tristesse, que
1455
, je pense, depuis qu’elle existe, n’a pas changé
de
nature, et, si elle paraissait autrefois plus simple, c’est qu’elle é
1456
temps où le domaine intérieur du recueillement et
de
l’adoration lui demeurait ouvert, les secrets de la vie intime n’étai
1457
de l’adoration lui demeurait ouvert, les secrets
de
la vie intime n’étaient pas révélés parce qu’on les cachait en Dieu e
1458
it plus calme parce qu’elle n’était qu’une partie
de
l’existence et qu’on cachait la meilleure ; les désespérances dont no
1459
ion, loin des oreilles des hommes, jusqu’au trône
de
Dieu. Il n’en est plus ainsi maintenant ; l’âme est restée semblable,
1460
nces sont encore là, mais non plus les espérances
de
la religion, et l’âme, qui montait autrefois, est retombée sur la ter
1461
t autrefois, est retombée sur la terre et l’anime
de
tout l’effort qu’elle portait sur les choses invisibles. La vie, déso
1462
et, dans leur tumulte intérieur, les forces vives
de
l’être ont déchiré leur enveloppe, les âmes se sont ouvertes à tous l
1463
uffrance s’est écrite dans les pages innombrables
de
notre littérature. L’ouverture s’est faite, mais non du bon côté ; l’
1464
bon côté ; l’âme, que tourmente un suprême besoin
d’
épanchement, s’est déversée, mais elle a mal choisi son confident : el
1465
ine : Et l’homme seul répond à l’homme épouvanté
27.
Il nous manque une étude sur les critiques protestants du xixe sièc
1466
protestants du xixe siècle. L’on serait surpris
de
constater à ce sujet que les jugements d’un Vinet sur le romantisme,
1467
surpris de constater à ce sujet que les jugements
d’
un Vinet sur le romantisme, ceux d’un Frommel sur les écrivains qu’il
1468
les jugements d’un Vinet sur le romantisme, ceux
d’
un Frommel sur les écrivains qu’il appelle « positivistes » restent à
1469
souvent sans les connaître. Et « le point de vue
de
Genève » — c’est-à-dire protestant — nous paraît avoir doué ceux qui
1470
x qui le professèrent (en dépit de certain défaut
de
sympathie avec leurs sujets) d’une perspicacité prophétique. 26. Di
1471
de certain défaut de sympathie avec leurs sujets)
d’
une perspicacité prophétique. 26. Dire de Gide qu’il est un écrivain
1472
c leurs sujets) d’une perspicacité prophétique.
26.
Dire de Gide qu’il est un écrivain protestant est une façon de parler
1473
ujets) d’une perspicacité prophétique. 26. Dire
de
Gide qu’il est un écrivain protestant est une façon de parler que bea
1474
de qu’il est un écrivain protestant est une façon
de
parler que beaucoup contesteront, Gide sans doute le premier. 27. Pa
1475
aucoup contesteront, Gide sans doute le premier.
27.
Paul Bourget, Les Aveux : Désespoir en Dieu, p. 264. p. Rougemont D
1476
: Désespoir en Dieu, p. 264. p. Rougemont Denis
de
, « Le protestantisme jugé », Foi et Vie, Paris, octobre 1931, p. 751-
1477
protestantisme jugé », Foi et Vie, Paris, octobre
1931,
p. 751-754.
1478
Romanciers protestants (janvier
1932
)q Nos gloires nous jugent C’est un fait digne d’intérêt, et q
1479
Nos gloires nous jugent C’est un fait digne
d’
intérêt, et que personne, croyons-nous, n’a relevé, que les grands « s
1480
n’a relevé, que les grands « succès » littéraires
de
l’année 1931 soient allés à trois romans d’écrivains protestants : Pi
1481
que les grands « succès » littéraires de l’année
1931
soient allés à trois romans d’écrivains protestants : Pierre Bost, Ja
1482
ccès » littéraires de l’année 1931 soient allés à
trois
romans d’écrivains protestants : Pierre Bost, Jacques Chardonne et Je
1483
aires de l’année 1931 soient allés à trois romans
d’
écrivains protestants : Pierre Bost, Jacques Chardonne et Jean Schlumb
1484
anime a salué dans Le Scandale la meilleure œuvre
de
M. Bost, une espèce de somme romanesque des errements de la jeunesse
1485
candale la meilleure œuvre de M. Bost, une espèce
de
somme romanesque des errements de la jeunesse d’après-guerre. La Clai
1486
ost, une espèce de somme romanesque des errements
de
la jeunesse d’après-guerre. La Claire de M. Chardonne a rallié tous l
1487
de somme romanesque des errements de la jeunesse
d’
après-guerre. La Claire de M. Chardonne a rallié tous les suffrages fé
1488
rrements de la jeunesse d’après-guerre. La Claire
de
M. Chardonne a rallié tous les suffrages féminins, et classe son aute
1489
ges féminins, et classe son auteur dans la lignée
de
ces fameux « moralistes français » auxquels nous pardonnons souvent d
1490
istes français » auxquels nous pardonnons souvent
d’
être des romanciers assez ternes, pour le plaisir que par ailleurs ils
1491
donnent à notre intelligence plus avide, au fond,
de
formules adroites que de drames vivants. Saint-Saturnin enfin, vaste
1492
nce plus avide, au fond, de formules adroites que
de
drames vivants. Saint-Saturnin enfin, vaste et pathétique tableau d’u
1493
Saint-Saturnin enfin, vaste et pathétique tableau
d’
un domaine et d’une famille dont la mystique se révèle au cours d’un é
1494
nfin, vaste et pathétique tableau d’un domaine et
d’
une famille dont la mystique se révèle au cours d’un épisode central t
1495
d’une famille dont la mystique se révèle au cours
d’
un épisode central traité en profondeur — roman-plongée pourrait-on di
1496
en profondeur — roman-plongée pourrait-on dire —,
d’
une sourde et hautaine gravité, apparaît comme le premier chef-d’œuvre
1497
e gravité, apparaît comme le premier chef-d’œuvre
d’
une sorte de renaissance cornélienne. Dans la discordante après-guerr
1498
pparaît comme le premier chef-d’œuvre d’une sorte
de
renaissance cornélienne. Dans la discordante après-guerre, Jean Schl
1499
ais voici qu’on proclame au contraire l’avènement
d’
une littérature nouvelle28, dont cette œuvre serait comme le frontispi
1500
observer que les romanciers protestants montrent
de
préférence la famille dans sa force de conservation morale, alors que
1501
s montrent de préférence la famille dans sa force
de
conservation morale, alors que le catholique Mauriac s’attarde au spe
1502
là la famille qui se défait30. Mais gardons-nous
de
voir dans ce contraste autre chose que la vieille opposition du sacri
1503
e la vieille opposition du sacrifice cornélien et
de
la passion racinienne, — opposition qui se prolonge et trouve son exp
1504
oderne dans des œuvres bien plus caractéristiques
d’
une éducation protestante ou catholique, que d’une inspiration vraimen
1505
es d’une éducation protestante ou catholique, que
d’
une inspiration vraiment chrétienne. Car c’est à juste titre, croyons-
1506
est à juste titre, croyons-nous, qu’on put écrire
de
Saint-Saturnin qu’un tel roman exprime « toute la grandeur — et toute
1507
— et toute la misère — des protestants sans foi »
31.
Quoi qu’il en fût d’ailleurs de la portée religieuse des trois œuvres
1508
stants sans foi »31. Quoi qu’il en fût d’ailleurs
de
la portée religieuse des trois œuvres, l’on se sentait tenté de marqu
1509
’il en fût d’ailleurs de la portée religieuse des
trois
œuvres, l’on se sentait tenté de marquer ici d’une pierre blanche « l
1510
eligieuse des trois œuvres, l’on se sentait tenté
de
marquer ici d’une pierre blanche « l’année du roman protestant ». À l
1511
rois œuvres, l’on se sentait tenté de marquer ici
d’
une pierre blanche « l’année du roman protestant ». À la réflexion, l’
1512
, n’était-ce point, d’abord, céder à la tentation
d’
un nationalisme religieux plus injustifiable que l’autre ? Je sais bie
1513
s » nous y pousseraient, à force de reniements et
d’
ignorance de nos richesses, de fausses hontes et de sourires complices
1514
ousseraient, à force de reniements et d’ignorance
de
nos richesses, de fausses hontes et de sourires complices. La questio
1515
ce de reniements et d’ignorance de nos richesses,
de
fausses hontes et de sourires complices. La question toutefois doit ê
1516
’ignorance de nos richesses, de fausses hontes et
de
sourires complices. La question toutefois doit être portée sur un pla
1517
ique : s’agit-il jamais en effet pour les témoins
d’
une confession, de faire le compte de leurs gloires ? Ne doivent-ils p
1518
amais en effet pour les témoins d’une confession,
de
faire le compte de leurs gloires ? Ne doivent-ils pas au contraire co
1519
les témoins d’une confession, de faire le compte
de
leurs gloires ? Ne doivent-ils pas au contraire considérer celles-ci
1520
e question qu’elles posent, chrétiennement, c’est
de
savoir si nous les méritons encore. Comme le disait un homme d’esprit
1521
ous les méritons encore. Comme le disait un homme
d’
esprit, plus l’ancêtre dont on se réclame est éloigné, moins on a de c
1522
ncêtre dont on se réclame est éloigné, moins on a
de
chances d’en tenir… C’est ainsi que nos gloires passées, martyrs, ca
1523
on se réclame est éloigné, moins on a de chances
d’
en tenir… C’est ainsi que nos gloires passées, martyrs, camisards et
1524
ns pour notre protestantisme un jugement indirect
d’
une impitoyable et significative sévérité. Et dès lors, c’est cela qu’
1525
’il nous paraît utile et nécessaire, aujourd’hui,
de
confesser. Aussi bien, la force qui nous est promise doit-elle nous r
1526
e moralisme nous trahit Partons du cas concret
de
nos trois auteurs. Le problème, à vrai dire, les dépasse, mais il n’e
1527
isme nous trahit Partons du cas concret de nos
trois
auteurs. Le problème, à vrai dire, les dépasse, mais il n’est pas mau
1528
vrai dire, les dépasse, mais il n’est pas mauvais
de
l’actualiser, de le rétrécir, si de la sorte nous sentons mieux sa po
1529
passe, mais il n’est pas mauvais de l’actualiser,
de
le rétrécir, si de la sorte nous sentons mieux sa pointe. Les héros d
1530
t pas mauvais de l’actualiser, de le rétrécir, si
de
la sorte nous sentons mieux sa pointe. Les héros du Scandale, provinc
1531
Scandale, provinciaux énervés par la vie des bars
de
la capitale nous apparaissent incapables de transporter dans ce décor
1532
bars de la capitale nous apparaissent incapables
de
transporter dans ce décor les dilemmes religieux d’une vie intérieure
1533
transporter dans ce décor les dilemmes religieux
d’
une vie intérieure que l’on sent parfois sous-jacente, mais trop timid
1534
souvent l’angoisse, ou pis encore : un sentiment
d’
indifférence et d’inutilité. Quant à l’auteur de Saint-Saturnin, il se
1535
e, ou pis encore : un sentiment d’indifférence et
d’
inutilité. Quant à l’auteur de Saint-Saturnin, il semble qu’une vérita
1536
t d’indifférence et d’inutilité. Quant à l’auteur
de
Saint-Saturnin, il semble qu’une véritable préméditation — où l’on n’
1537
endroits où la vraisemblance voudrait que le nom
de
Dieu fût invoqué (je pense au testament de la mère par exemple), c’es
1538
le nom de Dieu fût invoqué (je pense au testament
de
la mère par exemple), c’est au « sort » que l’on s’en remet, ni plus
1539
ent chez Jean Schlumberger une volonté consciente
de
réduire l’homme à sa seule virtu. Donc : refus ou ignorance des catég
1540
e virtu. Donc : refus ou ignorance des catégories
de
la grâce et du péché ; un certain ascétisme de la forme, mais jamais
1541
es de la grâce et du péché ; un certain ascétisme
de
la forme, mais jamais rien d’explicitement religieux : cela n’a point
1542
n certain ascétisme de la forme, mais jamais rien
d’
explicitement religieux : cela n’a point empêché ces trois romans de f
1543
licitement religieux : cela n’a point empêché ces
trois
romans de faire figure, aux yeux de beaucoup, de livres « bien protes
1544
ligieux : cela n’a point empêché ces trois romans
de
faire figure, aux yeux de beaucoup, de livres « bien protestants ». J
1545
ois romans de faire figure, aux yeux de beaucoup,
de
livres « bien protestants ». Je serais même tenté de dire, forçant un
1546
livres « bien protestants ». Je serais même tenté
de
dire, forçant un peu ma thèse, que ces traits négatifs, alliés à d’év
1547
n peu ma thèse, que ces traits négatifs, alliés à
d’
évidentes préoccupations morales, composent précisément ce que beaucou
1548
p se plaisent à nommer « un caractère protestant »
32.
Et c’est cela qui est grave, — d’autant plus grave que nombre de prot
1549
re protestant »32. Et c’est cela qui est grave, —
d’
autant plus grave que nombre de protestants tiennent à honneur de comp
1550
a qui est grave, — d’autant plus grave que nombre
de
protestants tiennent à honneur de compromettre la Réforme avec cette
1551
rave que nombre de protestants tiennent à honneur
de
compromettre la Réforme avec cette attitude, et de prolonger un malen
1552
e compromettre la Réforme avec cette attitude, et
de
prolonger un malentendu qu’ils jugent peut-être flatteur, ou commode.
1553
gent peut-être flatteur, ou commode. Cette espèce
de
stoïcisme moral, dans lequel nous voyons se complaire beaucoup de « p
1554
radition », pourtant cache assez mal la faiblesse
d’
un compromis foncier. Le fort est celui qui refuse la louange approxim
1555
approximative. Nous ne saurions assez nous garder
d’
accepter des adhésions qui vont aux produits déviés de notre foi. Il e
1556
cepter des adhésions qui vont aux produits déviés
de
notre foi. Il est vrai que ceux-ci sont souvent les plus éclatants. C
1557
e, une doctrine, une éthique, s’ils s’abandonnent
de
tout leur poids à quelque erreur interne, ne vont pas forcément à la
1558
le plus durement jugés. Était-ce affaiblissement
de
notre foi dans l’avenir de la Réforme, besoin minoritaire de trouver
1559
ait-ce affaiblissement de notre foi dans l’avenir
de
la Réforme, besoin minoritaire de trouver des alliés à bon compte sur
1560
i dans l’avenir de la Réforme, besoin minoritaire
de
trouver des alliés à bon compte sur un terrain où la compromission se
1561
originale. Le siècle, hélas, décorait du beau nom
de
libéralisme l’absence de toute exigence unifiante entre la pensée et
1562
as, décorait du beau nom de libéralisme l’absence
de
toute exigence unifiante entre la pensée et l’action. Certes, nos pré
1563
s des mains complices à des œuvres qui relevaient
de
conceptions nettement a-chrétiennes de la « moralité publique » par e
1564
relevaient de conceptions nettement a-chrétiennes
de
la « moralité publique » par exemple. Et quelles qu’aient été les aff
1565
s qu’aient été les affirmations souvent indignées
de
nos docteurs, un fait prit corps, irréfutable : dans l’esprit du Fran
1566
du Français moyen, « protestant » devint synonyme
de
« moraliste ». Était-ce qu’il y avait dans l’accent de ces docteurs-l
1567
moraliste ». Était-ce qu’il y avait dans l’accent
de
ces docteurs-là quelque chose qui les empêchait de convaincre ? Tel é
1568
e ces docteurs-là quelque chose qui les empêchait
de
convaincre ? Tel étant l’état des choses, suffira-t-il de déplorer un
1569
incre ? Tel étant l’état des choses, suffira-t-il
de
déplorer une incompréhension publique dont nous sommes en grande part
1570
responsables ? Nous montrons-nous assez soucieux
de
nous désolidariser de certaines formes de pensée ou d’action dans les
1571
ontrons-nous assez soucieux de nous désolidariser
de
certaines formes de pensée ou d’action dans lesquelles nos pères crur
1572
oucieux de nous désolidariser de certaines formes
de
pensée ou d’action dans lesquelles nos pères crurent trouver des appu
1573
us désolidariser de certaines formes de pensée ou
d’
action dans lesquelles nos pères crurent trouver des appuis, mais dont
1574
rent trouver des appuis, mais dont nous souffrons
d’
autant plus vivement que le monde actuel nous met en demeure d’abandon
1575
vivement que le monde actuel nous met en demeure
d’
abandonner tout ce qui, dans notre éthique, s’inspire d’un conformisme
1576
donner tout ce qui, dans notre éthique, s’inspire
d’
un conformisme bourgeois plutôt que de l’héroïsme chrétien ? En partic
1577
, s’inspire d’un conformisme bourgeois plutôt que
de
l’héroïsme chrétien ? En particulier, sommes-nous toujours assez cons
1578
mes-nous toujours assez conscients des fondements
de
notre foi pour récuser, dans « l’esprit protestant », tout ce qui ren
1579
t ce qui rend inutile la grâce ? Il y va pourtant
de
notre force de conquête. Que nous le voulions ou non, en fait, sinon
1580
nutile la grâce ? Il y va pourtant de notre force
de
conquête. Que nous le voulions ou non, en fait, sinon toujours en dro
1581
alisme libéral. Nous savons ce qu’une telle vue a
d’
injuste, c’est-à-dire d’incomplet. Mais comment n’être point frappés d
1582
ons ce qu’une telle vue a d’injuste, c’est-à-dire
d’
incomplet. Mais comment n’être point frappés de sa généralité, de son
1583
re d’incomplet. Mais comment n’être point frappés
de
sa généralité, de son insistance… Et de ce fait qui paraît bien la co
1584
is comment n’être point frappés de sa généralité,
de
son insistance… Et de ce fait qui paraît bien la confirmer : le dessè
1585
t frappés de sa généralité, de son insistance… Et
de
ce fait qui paraît bien la confirmer : le dessèchement distingué de n
1586
aît bien la confirmer : le dessèchement distingué
de
notre art. Toute forme religieuse donne lieu à des formes d’art qui m
1587
t. Toute forme religieuse donne lieu à des formes
d’
art qui manifestent ses traits spécifiques. On peut donc poser que le
1588
ifiques. On peut donc poser que le protestantisme
de
la fin du xixe siècle, tel que nos contemporains se le représentent,
1589
ui par ailleurs flattait un penchant traditionnel
de
l’esprit français). Cela pouvait donner soit des œuvres d’analyse ten
1590
it français). Cela pouvait donner soit des œuvres
d’
analyse tendant à dissoudre les affirmations massives de la foi ; soit
1591
yse tendant à dissoudre les affirmations massives
de
la foi ; soit des œuvres d’édification morale, au sens littéral du te
1592
affirmations massives de la foi ; soit des œuvres
d’
édification morale, au sens littéral du terme : tendance stoïcienne ;
1593
du terme : tendance stoïcienne ; soit des œuvres
de
révolte contre cette morale — tendance nietzschéenne. Tout ceci ne pa
1594
. Tout ceci ne participant que très indirectement
d’
une atmosphère proprement chrétienne. Or voici que les faits confirmen
1595
Gide, le désenchanté, le stoïcien, le révolté, —
trois
noms parfaitement représentatifs33. Bilan fort honorable du point de
1596
de vue purement littéraire, si l’on tient compte
de
la faiblesse numérique des protestants français. Bilan terriblement d
1597
sme. Or nous n’hésitons plus à rendre responsable
de
cette carence de la poésie et du rayonnement spirituel notre fameux m
1598
sitons plus à rendre responsable de cette carence
de
la poésie et du rayonnement spirituel notre fameux moralisme, traître
1599
fameux moralisme, traître à ses origines, et vidé
de
toute théologie efficace. Peut-être vaut-il la peine de préciser ici
1600
te théologie efficace. Peut-être vaut-il la peine
de
préciser ici et de pousser dans le détail une accusation que certains
1601
ce. Peut-être vaut-il la peine de préciser ici et
de
pousser dans le détail une accusation que certains, déjà, disent bana
1602
force, je le crains. ⁂ Le puritanisme, expression
d’
une doctrine héroïque, pouvait provoquer dans les âmes des complexités
1603
e prétendit conserver, fut bientôt réduit au rôle
d’
une censure tatillonne et qui flattait curieusement certaine notion de
1604
onne et qui flattait curieusement certaine notion
de
« correction » bourgeoise. Nullement chrétienne d’ailleurs, puisqu’el
1605
se. Elle « craint » la vérité ; non point au sens
de
ce verbe qui signifie la révérence, mais comme on craint le risque, q
1606
craint. Et c’est en quoi elle révèle la faiblesse
de
sa théologie. Car il est certains cas où celui qui craint de dire tou
1607
ogie. Car il est certains cas où celui qui craint
de
dire toute la vérité n’exprime par là rien d’autre que sa méfiance vi
1608
int de dire toute la vérité n’exprime par là rien
d’
autre que sa méfiance vis-à-vis de la grâce et son optimisme vis-à-vis
1609
hodoxe ne saurait l’être sans renier le fondement
de
sa croyance34. Or nous voyons le moralisme se développer précisément
1610
développer précisément à l’époque où la théologie
de
Calvin, pessimiste quant à l’homme, mais confiante dans la grâce, cèd
1611
confiante dans la grâce, cède le champ aux idées
de
Rousseau, optimistes quant à l’homme et pratiquement athées. Voici do
1612
e, c’est-à-dire à son pire ennemi. Morne triomphe
de
l’analyse psychologique. Un siècle de ce régime suffit à nous mener à
1613
ne triomphe de l’analyse psychologique. Un siècle
de
ce régime suffit à nous mener à ce trouble gâchis intérieur où Freud
1614
ieur où Freud naguère porta l’impitoyable lumière
de
l’observation scientifique. Reflet du siècle, le roman bientôt s’affa
1615
comment animer des êtres, lorsqu’à chaque moment
de
la création intervient une autocritique à la fois peureuse et agressi
1616
he. Ainsi l’atmosphère moraliste a tué les germes
de
l’imagination créatrice chez les protestants, qui lui furent plus que
1617
étouffer, elle a souvent faussé le développement
de
ces germes ; les produits d’une terre ingrate grandissent comme une d
1618
ssé le développement de ces germes ; les produits
d’
une terre ingrate grandissent comme une dérision de la pauvreté matern
1619
’une terre ingrate grandissent comme une dérision
de
la pauvreté maternelle, comme une caricature de la sécheresse à laque
1620
n de la pauvreté maternelle, comme une caricature
de
la sécheresse à laquelle ils s’opposent, mais qu’ils manifestent en m
1621
elle souvent que la stérilité. Sécheresse désolée
de
Benjamin Constant, impuissance et bavardage d’Amiel, désespérance van
1622
ée de Benjamin Constant, impuissance et bavardage
d’
Amiel, désespérance vaniteuse de Loti : telles sont les réactions irré
1623
ance et bavardage d’Amiel, désespérance vaniteuse
de
Loti : telles sont les réactions irrécusables et célèbres que provoqu
1624
t conduit le protestantisme à la négation absolue
de
son essence35, si l’humanité ne possédait d’autres recours que ceux q
1625
tion bourgeoise et ces blasphématoires « hygiènes
de
l’esprit » dont les ravages ne prendront fin qu’au jour où nous auron
1626
s aurons compris que la santé est dans l’humilité
de
la prière, dans la reconnaissance éperdue de notre incapacité à faire
1627
lité de la prière, dans la reconnaissance éperdue
de
notre incapacité à faire par nous-mêmes le bien, dans l’abandon aux m
1628
par nous-mêmes le bien, dans l’abandon aux mains
de
Dieu, — aux violentes mains de Dieu. Un cantique nouveau Nous v
1629
’abandon aux mains de Dieu, — aux violentes mains
de
Dieu. Un cantique nouveau Nous voici loin de nos auteurs. Si lo
1630
s par tout ceci. Mais quoi ? Le but ne fut jamais
de
démolir, mais bien plutôt de dénoncer un principe destructeur. C’est
1631
Le but ne fut jamais de démolir, mais bien plutôt
de
dénoncer un principe destructeur. C’est au nom d’une foi positive que
1632
rande espérance. Que devons-nous attendre ? Tout,
d’
un réveil dogmatique qui, s’il traduit et porte un réveil de la foi, n
1633
l dogmatique qui, s’il traduit et porte un réveil
de
la foi, ne peut manquer de libérer des forces créatrices. Or les temp
1634
uit et porte un réveil de la foi, ne peut manquer
de
libérer des forces créatrices. Or les temps vont nous y contraindre.
1635
Rembrandt, les sœurs Brontë, Henrik Ibsen et ces
deux
Danois prodigieux, Hans-Christian Andersen et Søren Kierkegaard. (Fée
1636
n Andersen et Søren Kierkegaard. (Féerie du Conte
de
ma vie d’Andersen, où l’on voit ce « poète des poètes » à la sensibil
1637
et Søren Kierkegaard. (Féerie du Conte de ma vie
d’
Andersen, où l’on voit ce « poète des poètes » à la sensibilité si aut
1638
lité si authentiquement évangélique — comme celle
d’
une Lagerlöf — se lier d’amitiés spirituelles avec Charles Dickens, Je
1639
vangélique — comme celle d’une Lagerlöf — se lier
d’
amitiés spirituelles avec Charles Dickens, Jenny Lind, Thorwaldsen.) L
1640
us grandes, par le sentiment tragique du péché et
de
la grâce souveraine. C’est cela qui donne aux romans de Dostoïevski o
1641
grâce souveraine. C’est cela qui donne aux romans
de
Dostoïevski ou d’Émily Brontë ces prolongements poétiques, ces perspe
1642
C’est cela qui donne aux romans de Dostoïevski ou
d’
Émily Brontë ces prolongements poétiques, ces perspectives bouleversan
1643
u moralisme. La grande poésie naît du tragique et
de
la joie surabondante : verrons-nous quelque jour en France surgir une
1644
elque jour en France surgir une poésie chrétienne
d’
inspiration évangélique ? Souhaitons qu’il n’y faille pas les conjonct
1645
qu’il n’y faille pas les conjonctures sanglantes
d’
où naquirent les Tragiques d’un d’Aubigné. Aussi bien avons-nous d’aut
1646
jonctures sanglantes d’où naquirent les Tragiques
d’
un d’Aubigné. Aussi bien avons-nous d’autres raisons d’espérer. Car si
1647
ures sanglantes d’où naquirent les Tragiques d’un
d’
Aubigné. Aussi bien avons-nous d’autres raisons d’espérer. Car si la f
1648
d’Aubigné. Aussi bien avons-nous d’autres raisons
d’
espérer. Car si la forme artistique adéquate au libéralisme fut l’anal
1649
artistique adéquate au libéralisme fut l’analyse
d’
états d’âme dans le doute, il est permis d’attendre de la violence mêm
1650
que adéquate au libéralisme fut l’analyse d’états
d’
âme dans le doute, il est permis d’attendre de la violence même d’une
1651
nalyse d’états d’âme dans le doute, il est permis
d’
attendre de la violence même d’une théologie du Dieu Tout-Puissant qu’
1652
ats d’âme dans le doute, il est permis d’attendre
de
la violence même d’une théologie du Dieu Tout-Puissant qu’elle suscit
1653
ute, il est permis d’attendre de la violence même
d’
une théologie du Dieu Tout-Puissant qu’elle suscite de nouveaux psaume
1654
e théologie du Dieu Tout-Puissant qu’elle suscite
de
nouveaux psaumes36, qu’elle enflamme des chants prophétiques. Et l’Ét
1655
Et l’Éternel enfin sera loué « selon l’immensité
de
sa grandeur » comme il est dit au dernier psaume. 28. Denis Saurat
1656
grandeur » comme il est dit au dernier psaume.
28.
Denis Saurat, dans la Nouvelle Revue française et Marsyas. 29. Alber
1657
at, dans la Nouvelle Revue française et Marsyas.
29.
Albert Thibaudet, dans Candide. 30. À Mauriac, joignons Roger Martin
1658
et Marsyas. 29. Albert Thibaudet, dans Candide.
30.
À Mauriac, joignons Roger Martin du Gard, Montherlant, Bernanos ; à S
1659
rlant, Bernanos ; à Schlumberger, André Chamson.
31.
Charles Westphal, dans Le Semeur . 32. Il est entendu, même chez le
1660
hamson. 31. Charles Westphal, dans Le Semeur .
32.
Il est entendu, même chez les protestants, qu’un « protestant qui écr
1661
rit » ne saurait être qu’en révolte contre la foi
de
ses pères. Le jeu consiste uniquement à retrouver dans son œuvre des
1662
malgré tout » révèlent ses origines. Triste jeu.
33.
Représentatifs d’une atmosphère moraliste, quelles que soient les opi
1663
ent ses origines. Triste jeu. 33. Représentatifs
d’
une atmosphère moraliste, quelles que soient les opinions qu’ils adopt
1664
ux que j’en ai, mais à ce dont ils ont souffert.
34.
Tout ceci appellerait une foule de nuances. Mais il ne s’agit pas d’é
1665
nt souffert. 34. Tout ceci appellerait une foule
de
nuances. Mais il ne s’agit pas d’édulcorer. 35. Cf. A.-N. Bertrand,
1666
erait une foule de nuances. Mais il ne s’agit pas
d’
édulcorer. 35. Cf. A.-N. Bertrand, Protestantisme, p. 102, et tout le
1667
e de nuances. Mais il ne s’agit pas d’édulcorer.
35.
Cf. A.-N. Bertrand, Protestantisme, p. 102, et tout le chapitre sur l
1668
isme, p. 102, et tout le chapitre sur le Principe
d’
humilité. Également : Jean de Saussure : À l’École de Calvin, passim.
1669
umilité. Également : Jean de Saussure : À l’École
de
Calvin, passim. 36. Cf. dans le dernier numéro de cette revue l’arti
1670
Jean de Saussure : À l’École de Calvin, passim.
36.
Cf. dans le dernier numéro de cette revue l’article de E. Hæin, et pa
1671
e Calvin, passim. 36. Cf. dans le dernier numéro
de
cette revue l’article de E. Hæin, et particulièrement la citation de
1672
. dans le dernier numéro de cette revue l’article
de
E. Hæin, et particulièrement la citation de F. Münch relative à la mu
1673
ticle de E. Hæin, et particulièrement la citation
de
F. Münch relative à la musique religieuse d’Honegger. q. Rougemont
1674
tion de F. Münch relative à la musique religieuse
d’
Honegger. q. Rougemont Denis de, « Romanciers protestants », Foi et
1675
sique religieuse d’Honegger. q. Rougemont Denis
de
, « Romanciers protestants », Foi et Vie, Paris, janvier 1932, p. 56-6
1676
anciers protestants », Foi et Vie, Paris, janvier
1932,
p. 56-63.
1677
Goethe, chrétien, païen (avril
1932
)r Imaginez un membre de l’Académie des sciences qui serait aussi d
1678
rétien, païen (avril 1932)r Imaginez un membre
de
l’Académie des sciences qui serait aussi directeur de la Comédie fran
1679
’Académie des sciences qui serait aussi directeur
de
la Comédie française et ministre de l’Intérieur, et qui, en marge des
1680
marge des expériences accumulées dans l’exercice
de
ces activités, composerait des poèmes d’amour, des romans, des drames
1681
exercice de ces activités, composerait des poèmes
d’
amour, des romans, des drames philosophiques, les meilleurs de son épo
1682
romans, des drames philosophiques, les meilleurs
de
son époque. Cela ne donnera pas un portrait de Goethe, certes, mais u
1683
rs de son époque. Cela ne donnera pas un portrait
de
Goethe, certes, mais une idée de l’importance du phénomène Goethe. Ma
1684
pas un portrait de Goethe, certes, mais une idée
de
l’importance du phénomène Goethe. Maintenant ajoutons que l’homme fut
1685
ant ajoutons que l’homme fut supérieur à la somme
de
toutes ces activités et domina constamment sa vie et son œuvre. Il n’
1686
mment sa vie et son œuvre. Il n’y a peut-être pas
d’
individu plus significatif dans l’histoire de l’Occident moderne, c’es
1687
pas d’individu plus significatif dans l’histoire
de
l’Occident moderne, c’est-à-dire dans l’histoire des peuples qui vive
1688
Foi et Vie , aborder cette question sous l’angle
de
la curiosité littéraire ou historique. Elle pose cependant un problèm
1689
rétiens ne peut et ne doit éviter. Goethe est une
de
ces « questions au christianisme » comme dit Barth, une de ces questi
1690
questions au christianisme » comme dit Barth, une
de
ces questions qui nous sont posées comme autant d’accusations, et qu’
1691
e ces questions qui nous sont posées comme autant
d’
accusations, et qu’il est de notre devoir d’envisager avec toute la bo
1692
t posées comme autant d’accusations, et qu’il est
de
notre devoir d’envisager avec toute la bonne foi que nécessite un exa
1693
utant d’accusations, et qu’il est de notre devoir
d’
envisager avec toute la bonne foi que nécessite un examen de conscienc
1694
r avec toute la bonne foi que nécessite un examen
de
conscience. ⁂ Goethe s’est toujours affirmé chrétien, mais d’une faço
1695
e. ⁂ Goethe s’est toujours affirmé chrétien, mais
d’
une façon si particulière que les ennemis du christianisme, depuis un
1696
ne prouve-t-il pas suffisamment l’inauthenticité
de
son christianisme ? Qu’est-ce qu’un chrétien que l’athéisme annexe av
1697
Goethe et la part active qu’il prit aux réunions
de
« belles âmes » suscitées par l’apostolat du comte de Zinzendorf. C’é
1698
us parfaite avec Werther. Et nous ne manquons pas
de
témoignages écrits de cette époque qui permettent d’imaginer ce qu’eû
1699
er. Et nous ne manquons pas de témoignages écrits
de
cette époque qui permettent d’imaginer ce qu’eût pu être le pendant c
1700
témoignages écrits de cette époque qui permettent
d’
imaginer ce qu’eût pu être le pendant chrétien du Werther : — « J’ai s
1701
e voilà libre à nouveau, écrit Goethe à un ami en
1768,
au sortir d’une grave maladie — ; cette calcination a été très profit
1702
nouveau, écrit Goethe à un ami en 1768, au sortir
d’
une grave maladie — ; cette calcination a été très profitable à mon âm
1703
où il vous rattrapera ; mais je ne puis répondre
de
la manière. Je suis parfois bien tranquille à ce sujet, parfois, quan
1704
ources éternelles ont déversé dans mon cœur. » Et
deux
ans plus tard : « Je suis ce que j’ai toujours été, à ceci près que m
1705
s bien-aimé. C’est vous dire que j’ai acquis plus
de
raison et d’expérience : la crainte du Seigneur est le commencement d
1706
C’est vous dire que j’ai acquis plus de raison et
d’
expérience : la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse.
1707
ence : la crainte du Seigneur est le commencement
de
la sagesse. » Par quel concours de circonstances cette « sagesse » de
1708
e commencement de la sagesse. » Par quel concours
de
circonstances cette « sagesse » devint-elle chez Goethe quelque chose
1709
e si étrangement à une indifférence non dépourvue
d’
orgueil vis-à-vis du Seigneur ? L’on ne saurait ici exagérer la respon
1710
es, tels qu’ils apparurent à ce jeune homme plein
d’
une exigeante ferveur mystique. « Mes rapports avec les dévots — écrit
1711
stique. « Mes rapports avec les dévots — écrit-il
de
Strasbourg — ne sont pas très fréquents ici. Au début, je m’étais tou
1712
ma vivacité n’y saurait tenir. Rien que des gens
d’
esprit médiocre, qui n’ont eu de pensée raisonnable qu’avec leur premi
1713
Rien que des gens d’esprit médiocre, qui n’ont eu
de
pensée raisonnable qu’avec leur première sensation religieuse, et cro
1714
ui causent les effusions piétistes trop verbeuses
d’
un Lavater ou d’un Jacobi. Mais ce « reste », cette connaissance mysti
1715
ffusions piétistes trop verbeuses d’un Lavater ou
d’
un Jacobi. Mais ce « reste », cette connaissance mystique, il ne tarde
1716
y atteint qu’en outrepassant les limites normales
de
l’esprit humain. La transcendance de Dieu est absolue, par rapport à
1717
tes normales de l’esprit humain. La transcendance
de
Dieu est absolue, par rapport à notre pensée naturelle. Dès lors, pou
1718
r dans notre vie une recherche qui risque surtout
d’
être nuisible à la vie ? Bornons-nous à l’utile. Bornons-nous à « réal
1719
réaliser » dans nos actions ce que Dieu jugea bon
de
nous révéler dans l’Évangile. Et en présence de l’intempérance de lan
1720
dans l’Évangile. Et en présence de l’intempérance
de
langage qui trop souvent caractérise les chrétiens, affirmons que nou
1721
étiens, affirmons que nous ne savons presque rien
de
Dieu, ou plutôt qu’il est vain de chercher à en savoir plus que ce qu
1722
ns presque rien de Dieu, ou plutôt qu’il est vain
de
chercher à en savoir plus que ce que la nature visible nous en révèle
1723
que Goethe avance en âge. Nous voici à ces années
de
la vieillesse, dont Eckermann nous a livré les confidences, et où la
1724
nn nous a livré les confidences, et où la volonté
de
sobriété spirituelle paraît avoir produit chez le poète une sorte de
1725
elle paraît avoir produit chez le poète une sorte
de
sécheresse religieuse. Ce qui à l’origine, n’était qu’humilité de la
1726
ligieuse. Ce qui à l’origine, n’était qu’humilité
de
la raison devant l’insondable mystère de Dieu devient, vu de l’extéri
1727
humilité de la raison devant l’insondable mystère
de
Dieu devient, vu de l’extérieur, orgueil de la raison qui juge ce mon
1728
n devant l’insondable mystère de Dieu devient, vu
de
l’extérieur, orgueil de la raison qui juge ce monde comme si Dieu n’e
1729
stère de Dieu devient, vu de l’extérieur, orgueil
de
la raison qui juge ce monde comme si Dieu n’existait pas, ou encore :
1730
stait pas, ou encore : comme si Dieu n’était rien
d’
autre que l’ensemble des lois de la nature. Ainsi la conception de la
1731
Dieu n’était rien d’autre que l’ensemble des lois
de
la nature. Ainsi la conception de la transcendance divine aboutit pra
1732
semble des lois de la nature. Ainsi la conception
de
la transcendance divine aboutit pratiquement, chez Goethe, à des affi
1733
es, ou comme on disait alors, panthéistes. Source
de
malentendus perpétuellement renaissants, et que les adversaires de la
1734
rpétuellement renaissants, et que les adversaires
de
la religion eurent beau jeu d’exploiter, on le sait. Mais, comme l’ét
1735
ue les adversaires de la religion eurent beau jeu
d’
exploiter, on le sait. Mais, comme l’établit fort justement Curtius «
1736
et rien que païen est une légende, et une légende
d’
origine juive, car elle remonte à Heine. Elle est un mythe, au moyen d
1737
Elle est un mythe, au moyen duquel on peut faire
de
l’agitation et de la propagande antireligieuse ». En vérité, Goethe q
1738
, au moyen duquel on peut faire de l’agitation et
de
la propagande antireligieuse ». En vérité, Goethe qui prêcha l’utile,
1739
’inutilisable, si nous le jugeons du point de vue
d’
un parti. Il n’est pas païen, pour la raison péremptoire qu’il n’y a p
1740
aïen, pour la raison péremptoire qu’il n’y a plus
de
païen, au sens antique du mot, depuis que la venue du Christ a modifi
1741
s que la venue du Christ a modifié la nature même
de
l’homme et l’ensemble des données religieuses. Mais, d’autre part, il
1742
ntons incapables pour admettre dans la communauté
de
la foi chrétienne l’homme qui a pu dire qu’il s’inclinait devant le C
1743
vant la « révélation divine du plus haut principe
de
la morale », tout en vénérant également le soleil, comme une « révéla
1744
e qu’il nous ait jamais été donné, à nous enfants
de
la terre, de percevoir. » Et certes, on ne voit guère en quoi pareill
1745
ait jamais été donné, à nous enfants de la terre,
de
percevoir. » Et certes, on ne voit guère en quoi pareille conception
1746
exemple. Mais c’est précisément dans la facilité
d’
interprétation qu’offre Goethe dans cette espèce de sagesse large et o
1747
’interprétation qu’offre Goethe dans cette espèce
de
sagesse large et optimiste si contraire au scandale chrétien, que gît
1748
candale chrétien, que gît la faiblesse religieuse
de
sa position. Ce qui, plus que tout, fait défaut à ce génie, c’est le
1749
’irréductible, c’est-à-dire le tragique essentiel
de
notre condition. C’est bien là que réside l’élément transcendant qui
1750
anscendant qui interdit à la pensée la plus probe
de
se passer de Dieu quand elle juge le monde séparé de Dieu. Il n’est p
1751
i interdit à la pensée la plus probe de se passer
de
Dieu quand elle juge le monde séparé de Dieu. Il n’est pas vrai de di
1752
se passer de Dieu quand elle juge le monde séparé
de
Dieu. Il n’est pas vrai de dire qu’un monde séparé de Dieu doit ou pe
1753
e juge le monde séparé de Dieu. Il n’est pas vrai
de
dire qu’un monde séparé de Dieu doit ou peut être envisagé comme un m
1754
ieu. Il n’est pas vrai de dire qu’un monde séparé
de
Dieu doit ou peut être envisagé comme un monde autonome. Il doit être
1755
de autonome. Il doit être envisagé comme manquant
de
quelque chose. Or, ce « quelque chose » aux yeux de la foi, constitue
1756
e chose » aux yeux de la foi, constitue sa raison
d’
être. Il n’y a pas de neutralité du monde vis-à-vis de Dieu — à cause
1757
la foi, constitue sa raison d’être. Il n’y a pas
de
neutralité du monde vis-à-vis de Dieu — à cause du péché. La réalité
1758
éalité visible du péché entraîne la considération
de
la grâce. Et c’est en quoi la transcendance divine, sans cesse, se mê
1759
bien même il fait intervenir, à la fin, « l’amour
d’
En-Haut » venant à sa rencontre — Goethe nous apparaît comme non chrét
1760
raît comme non chrétien, comme antichrétien, mais
d’
une tout autre sorte que ne l’ont cru nos athées qui s’arrêtaient à de
1761
t à des boutades anticatholiques ou à des moments
d’
humeur provoqués par les bavardages piétistes. Ici, nous confesserons
1762
dages piétistes. Ici, nous confesserons un doute.
De
quel droit refusons-nous donc d’appeler chrétien, un homme qui se pré
1763
serons un doute. De quel droit refusons-nous donc
d’
appeler chrétien, un homme qui se prétendit tel en maintes occasions,
1764
homme qui se prétendit tel en maintes occasions,
de
la façon la plus expresse ? Sera-ce sur la foi de certains biographes
1765
de la façon la plus expresse ? Sera-ce sur la foi
de
certains biographes ? Mais comment juger les actions d’un être que no
1766
tains biographes ? Mais comment juger les actions
d’
un être que nous n’avons pas connu, alors que nous-même… Alors que Die
1767
Alors que Dieu seul juge. Si nous refusons le nom
de
chrétien à cet homme dont l’éthique, en définitive, apparaît comme fo
1768
éthique, en définitive, apparaît comme fondée sur
deux
des réalités centrales de l’Évangile : le renoncement et la réalisati
1769
raît comme fondée sur deux des réalités centrales
de
l’Évangile : le renoncement et la réalisation personnelle, n’est-ce p
1770
théories et les systèmes dont nous jugeons urgent
d’
accentuer actuellement, la vérité ? N’est-ce point là porter un jugeme
1771
? Certes, hic et nunc, dans la situation du monde
de
1932, en présence du déchaînement orgueilleux et misérable d’une huma
1772
ertes, hic et nunc, dans la situation du monde de
1932,
en présence du déchaînement orgueilleux et misérable d’une humanité q
1773
présence du déchaînement orgueilleux et misérable
d’
une humanité qui croit pouvoir fabriquer son bonheur par ses propres f
1774
nt justement les valeurs que le « christianisme »
de
Goethe paraît avoir négligées ou niées : le scandale divin, le péché
1775
e scandale divin, le péché radical. Mais un homme
de
l’envergure de Goethe, s’il ne peut être un argument pour nul parti,
1776
n, le péché radical. Mais un homme de l’envergure
de
Goethe, s’il ne peut être un argument pour nul parti, ne saurait, pou
1777
parti, ne saurait, pour les mêmes raisons, servir
d’
objet à notre jugement. Bien plutôt c’est lui qui nous juge. Il y a da
1778
i nous juge. Il y a dans le Faust, et dans la vie
de
cet homme, dont le Faust n’est qu’une figuration symbolique, une leço
1779
ust n’est qu’une figuration symbolique, une leçon
d’
activité, de réalisation, d’actualisation de la pensée, dont la vertu
1780
’une figuration symbolique, une leçon d’activité,
de
réalisation, d’actualisation de la pensée, dont la vertu et la grande
1781
symbolique, une leçon d’activité, de réalisation,
d’
actualisation de la pensée, dont la vertu et la grandeur devraient s’i
1782
leçon d’activité, de réalisation, d’actualisation
de
la pensée, dont la vertu et la grandeur devraient s’imposer à nous to
1783
Goethe inutilisable, certes. Mais nous ne sommes
d’
aucun parti et n’avons pas à utiliser qui que ce soit. Il suffit que n
1784
chrétien » ou « païen » ? Nous n’avons pas besoin
d’
avoir raison (contre lui, contre les athées) ; nous n’avons pas besoin
1785
lui, contre les athées) ; nous n’avons pas besoin
d’
avoir beaucoup de grands hommes — ni même d’avoir quoi que ce soit —,
1786
esoin d’avoir beaucoup de grands hommes — ni même
d’
avoir quoi que ce soit —, mais seulement d’être, efficacement. Et qu’i
1787
i même d’avoir quoi que ce soit —, mais seulement
d’
être, efficacement. Et qu’il nous y aide ! 37. Numéro d’hommage à Go
1788
nt d’être, efficacement. Et qu’il nous y aide !
37.
Numéro d’hommage à Goethe de la Nouvelle Revue française (mars 1932).
1789
efficacement. Et qu’il nous y aide ! 37. Numéro
d’
hommage à Goethe de la Nouvelle Revue française (mars 1932). r. Roug
1790
age à Goethe de la Nouvelle Revue française (mars
1932
). r. Rougemont Denis de, « Goethe, chrétien, païen », Foi et Vie, P
1791
Revue française (mars 1932). r. Rougemont Denis
de
, « Goethe, chrétien, païen », Foi et Vie, Paris, avril–mai 1932, p. 3
1792
, chrétien, païen », Foi et Vie, Paris, avril–mai
1932,
p. 304-309.
1793
Penser dangereusement (juin
1932
)s « L’esprit désintéressé est mort. » C’en est fait, les clercs on
1794
C’en est fait, les clercs ont trahi, et les cris
de
M. Benda sont couverts par la rumeur de la place. Dans toute la jeune
1795
les cris de M. Benda sont couverts par la rumeur
de
la place. Dans toute la jeune génération littéraire et philosophique,
1796
l’on chercherait un « esprit libre » selon le vœu
de
ce prêtre de l’abstentionnisme et du célibat spirituel. Ils ont tous
1797
ait un « esprit libre » selon le vœu de ce prêtre
de
l’abstentionnisme et du célibat spirituel. Ils ont tous épousé une ca
1798
bat spirituel. Ils ont tous épousé une cause, une
de
ces causes qui engagent bien plus que l’adhésion des idées, une de ce
1799
engagent bien plus que l’adhésion des idées, une
de
ces causes qui doivent être gagnées. Chose étrange, et que l’on eût d
1800
et que l’on eût difficilement prévue au lendemain
de
la guerre, c’est sur la notion — et la pratique — du service nécessai
1801
e — du service nécessaire que se fait l’unanimité
de
la nouvelle génération. Quels que soient par ailleurs les antagonisme
1802
sée n’est plus pour elle une justification idéale
de
l’égoïsme ou de l’indifférence, mais une obligation urgente à se risq
1803
our elle une justification idéale de l’égoïsme ou
de
l’indifférence, mais une obligation urgente à se risquer en faveur de
1804
uer en faveur des hommes, un acte, un combat. Fin
de
l’esprit désintéressé, cela signifierait pour les clercs, selon M. Be
1805
nifierait pour les clercs, selon M. Benda, la fin
de
l’esprit. Et pour nous, cela signifie : le renouveau, le sacrifice sa
1806
le sacrifice salutaire et l’unique justification
de
la pensée. Une telle évolution peut paraître favorable à la pensée ch
1807
lier, s’est toujours montrée soucieuse avant tout
de
réalisation personnelle, d’action éthique. Il n’a pas échappé à M. Be
1808
soucieuse avant tout de réalisation personnelle,
d’
action éthique. Il n’a pas échappé à M. Benda que « le clerc moderne »
1809
se montre préoccupé des conséquences nécessaires
de
la pensée dans l’ordre pratique) « est protestant ». Mais, d’autre pa
1810
est protestant ». Mais, d’autre part, cette soif
d’
action directe et de service peut porter aussi bien, par exemple, à mi
1811
ais, d’autre part, cette soif d’action directe et
de
service peut porter aussi bien, par exemple, à militer en faveur du m
1812
t par suite, dans l’action qu’elle commande à des
millions
de nos contemporains. Il y a aussi ceux qui se bornent à affirmer la
1813
te, dans l’action qu’elle commande à des millions
de
nos contemporains. Il y a aussi ceux qui se bornent à affirmer la néc
1814
aussi ceux qui se bornent à affirmer la nécessité
d’
une pensée active, mais qui n’ont pas vu — qui n’ont pas encore vu — t
1815
out ce que cela implique. Ils voient bien le vice
de
la « pensée désintéressée », et qu’il faut s’affranchir d’une « liber
1816
ensée désintéressée », et qu’il faut s’affranchir
d’
une « liberté » stérilisante. Ils ne voient pas à quel prix cet affran
1817
’ils le sont, ont des raisons réelles et valables
de
récuser une pensée et une action tout entières dirigées vers l’organi
1818
es biens matériels. ⁂ Arrêtons-nous aujourd’hui à
deux
livres caractéristiques de ce double péril qui menace une génération
1819
s-nous aujourd’hui à deux livres caractéristiques
de
ce double péril qui menace une génération : péril de gauche et péril
1820
ce double péril qui menace une génération : péril
de
gauche et péril de droite, pourrait-on dire, afin de simplifier. M. T
1821
menace une génération : péril de gauche et péril
de
droite, pourrait-on dire, afin de simplifier. M. Thierry Maulnier vie
1822
erry Maulnier vient de réunir en volume une suite
d’
études parues pour la plupart dans les pages de l’Action française, ma
1823
te d’études parues pour la plupart dans les pages
de
l’Action française, mais qui, marquons-le tout de suite, ne comporten
1824
comportent nulle allusion à la position politique
de
ce journal. Le titre : La Crise est dans l’homme 38, s’oppose d’emblé
1825
ce journal. Le titre : La Crise est dans l’homme
38,
s’oppose d’emblée aux thèses des économistes bourgeois ou marxistes,
1826
ique un monde qui selon lui tend à la suppression
de
la personne humaine. Sa critique nous paraît pertinente, mais elle se
1827
entait inspirée par un principe spirituel capable
de
rendre une force offensive à cette personne humaine. Le choix des suj
1828
livre montre un esprit averti des vraies valeurs
de
ce temps. Il réfute MM. Berl et Guéhenno, sur la question de la cultu
1829
. Il réfute MM. Berl et Guéhenno, sur la question
de
la culture dans ses rapports avec le peuple. Il discute M. Malraux et
1830
uple. Il discute M. Malraux et son goût désespéré
de
l’action pour elle-même. Il condamne le populisme de M. Thérive, il c
1831
l’action pour elle-même. Il condamne le populisme
de
M. Thérive, il condamne le pacifisme de M. Thomas Mann, il condamne l
1832
populisme de M. Thérive, il condamne le pacifisme
de
M. Thomas Mann, il condamne l’Amérique de Ford et la Russie de Stalin
1833
line ; il adopte enfin une position assez voisine
de
celle de MM. Aron et Dandieu, sans aller jusqu’à prôner comme ils le
1834
adopte enfin une position assez voisine de celle
de
MM. Aron et Dandieu, sans aller jusqu’à prôner comme ils le font « la
1835
re ». Certes, on ne saurait demander à un recueil
d’
essais réunis après coup de fournir une doctrine. Mais il est inquiéta
1836
demander à un recueil d’essais réunis après coup
de
fournir une doctrine. Mais il est inquiétant d’entendre M. Maulnier,
1837
p de fournir une doctrine. Mais il est inquiétant
d’
entendre M. Maulnier, dans sa préface, se déclarer satisfait d’indique
1838
Maulnier, dans sa préface, se déclarer satisfait
d’
indiquer « des positions de résistance », une « ligne de retranchement
1839
se déclarer satisfait d’indiquer « des positions
de
résistance », une « ligne de retranchement ». Ce négativisme m’appara
1840
quer « des positions de résistance », une « ligne
de
retranchement ». Ce négativisme m’apparaît caractéristique de la pens
1841
ment ». Ce négativisme m’apparaît caractéristique
de
la pensée dite « de droite », et c’est par là surtout que M. Thierry
1842
me m’apparaît caractéristique de la pensée dite «
de
droite », et c’est par là surtout que M. Thierry Maulnier révèle ses
1843
ligieuses, sont donc abstraites. Il ne suffit pas
de
dire à ses contemporains qu’ils ont tort de penser ceci ou cela avec
1844
t pas de dire à ses contemporains qu’ils ont tort
de
penser ceci ou cela avec passion. Il faut encore leur donner d’autres
1845
ssion. Il faut encore leur donner d’autres objets
de
passion. Ou bien il faut leur rappeler des vérités d’un ordre tel que
1846
assion. Ou bien il faut leur rappeler des vérités
d’
un ordre tel que leur seule existence — si elles existent — rende vain
1847
nes les passions égarées, rende visible l’origine
de
l’égarement, rende efficace et créatrice la critique de tout cela qui
1848
garement, rende efficace et créatrice la critique
de
tout cela qui agite le cœur des hommes. Ce n’est pas une férule : c’e
1849
je reproche à M. Thierry Maulnier. (Il serait fou
de
ne pas le partager.) Je lui reproche de manquer d’exigence vis-à-vis
1850
erait fou de ne pas le partager.) Je lui reproche
de
manquer d’exigence vis-à-vis de l’homme ; de se borner à sa défense ;
1851
e ne pas le partager.) Je lui reproche de manquer
d’
exigence vis-à-vis de l’homme ; de se borner à sa défense ; de ne pas
1852
oche de manquer d’exigence vis-à-vis de l’homme ;
de
se borner à sa défense ; de ne pas voir que la vraie défense, c’est l
1853
is-à-vis de l’homme ; de se borner à sa défense ;
de
ne pas voir que la vraie défense, c’est l’attaque. Nous avons moins b
1854
défense, c’est l’attaque. Nous avons moins besoin
d’
idées justes que d’idées efficacement justes ; moins besoin de notions
1855
taque. Nous avons moins besoin d’idées justes que
d’
idées efficacement justes ; moins besoin de notions « correctes » que
1856
es que d’idées efficacement justes ; moins besoin
de
notions « correctes » que de notions dynamiques. Nietzsche réclamait
1857
ustes ; moins besoin de notions « correctes » que
de
notions dynamiques. Nietzsche réclamait une « philosophie à coups de
1858
es. Nietzsche réclamait une « philosophie à coups
de
marteau ». Ce peut être le marteau du constructeur, aussi bien que ce
1859
eur. ⁂ M. Paul Nizan, lui, critique moins à coups
de
marteau qu’à coups d’épingle. Ce qu’il veut dégonfler, c’est la philo
1860
lui, critique moins à coups de marteau qu’à coups
d’
épingle. Ce qu’il veut dégonfler, c’est la philosophie avec grand P, l
1861
philosophie avec grand P, la doctrine officielle
de
la Sorbonne, cette pensée fabriquée par des bourgeois, pour des bourg
1862
inée à défendre et illustrer la notion bourgeoise
de
la vie, et payée — en la personne de ses grands maîtres — par l’État
1863
n bourgeoise de la vie, et payée — en la personne
de
ses grands maîtres — par l’État bourgeois. Les Chiens de garde 39, te
1864
grands maîtres — par l’État bourgeois. Les Chiens
de
garde 39, tel est le titre de son pamphlet — ce sont les philosophes
1865
îtres — par l’État bourgeois. Les Chiens de garde
39,
tel est le titre de son pamphlet — ce sont les philosophes de la Troi
1866
urgeois. Les Chiens de garde 39, tel est le titre
de
son pamphlet — ce sont les philosophes de la Troisième République. On
1867
e titre de son pamphlet — ce sont les philosophes
de
la Troisième République. On peut recommander la lecture de ce livre,
1868
isième République. On peut recommander la lecture
de
ce livre, parce qu’il a le mérite de poser simplement, brutalement, u
1869
r la lecture de ce livre, parce qu’il a le mérite
de
poser simplement, brutalement, une de ces grandes questions que la pe
1870
a le mérite de poser simplement, brutalement, une
de
ces grandes questions que la pensée moderne a convenu d’appeler « naï
1871
grandes questions que la pensée moderne a convenu
d’
appeler « naïves », parce qu’elles sont trop gênantes. Le livre est ma
1872
péremptoire, ironique et hargneux. Elles redisent
trois
ou quatre fois de suite la même chose, sans ajouter aucune clarté au
1873
re, ironique et hargneux. Elles redisent trois ou
quatre
fois de suite la même chose, sans ajouter aucune clarté au dessein gé
1874
et hargneux. Elles redisent trois ou quatre fois
de
suite la même chose, sans ajouter aucune clarté au dessein général. M
1875
i, par bonheur, est très simple : Il n’y a point
de
questions plus grossières que celles qui sont posées ici, qui sont re
1876
nte qui dit et croit qu’elle se déroule au profit
de
l’homme, est-elle dirigée réellement, et non plus en discours et croy
1877
ilosophie régnante est caractérisée par son refus
d’
aborder les questions dites vulgaires, qui conduiraient à des conclusi
1878
hilosophes s’abstiennent. Ils vivent dans un état
de
scandaleuse absence. Il existe un scandaleux écart, une scandaleuse d
1879
urs sur la technique du passage à l’absolu, parle
de
noumènes, d’immanence, de contingence, et l’on ne voit pas, dit M. Ni
1880
chnique du passage à l’absolu, parle de noumènes,
d’
immanence, de contingence, et l’on ne voit pas, dit M. Nizan, « commen
1881
ssage à l’absolu, parle de noumènes, d’immanence,
de
contingence, et l’on ne voit pas, dit M. Nizan, « comment ces produit
1882
t M. Nizan, « comment ces produits tératologiques
de
la méditation pourraient expliquer aux hommes vulgaires … la tubercul
1883
t expliquer aux hommes vulgaires … la tuberculose
de
leurs filles, les colères de leurs femmes, leur service militaire et
1884
res … la tuberculose de leurs filles, les colères
de
leurs femmes, leur service militaire et ses humiliations, leur travai
1885
acances, les guerres, les grèves, les pourritures
de
leurs parlements et l’insolence des pouvoirs ; on ne voit pas à quoi
1886
sans rime ni raison » … « Il n’y a aucune raison
d’
écarter ce genre de questions. Il n’y a aucune raison de ne pas leur d
1887
n » … « Il n’y a aucune raison d’écarter ce genre
de
questions. Il n’y a aucune raison de ne pas leur donner de réponses »
1888
ter ce genre de questions. Il n’y a aucune raison
de
ne pas leur donner de réponses ». Au fond, M. Nizan reproche à nos ph
1889
ons. Il n’y a aucune raison de ne pas leur donner
de
réponses ». Au fond, M. Nizan reproche à nos philosophes d’exclure de
1890
s ». Au fond, M. Nizan reproche à nos philosophes
d’
exclure de leurs recherches tout ce qui intéresse chaque homme et tout
1891
nd, M. Nizan reproche à nos philosophes d’exclure
de
leurs recherches tout ce qui intéresse chaque homme et tout l’homme,
1892
ce qui intéresse chaque homme et tout l’homme, et
de
déclarer « non philosophique » tout ce qui ne tombe pas sous le coup
1893
osophique » tout ce qui ne tombe pas sous le coup
de
leurs techniques. On dira sans doute que l’auteur exagère quand il dé
1894
te que l’auteur exagère quand il dénonce le péril
d’
une pensée que l’on peut bien appeler scolastique, pensée purement con
1895
stique, pensée purement conceptuelle et dépourvue
d’
intérêt humain concret. On lui dira que ce n’est pas si grave, que le
1896
ne action, ne fût-ce que sur les étudiants forcés
de
s’y intéresser au lieu de s’intéresser à notre situation concrète, M.
1897
que le sien à l’endroit des résultats « humains »
de
toute philosophie.) Mais ensuite, et à notre tour, nous demanderons :
1898
moins clair qu’il tombe par là même sous le coup
d’
une critique semblable à celle que M. Nizan adresse à M. Brunschvicg.
1899
u’une extension orgueilleuse et démesurée du type
d’
homme qui intéresse tel groupe de philosophes, et qui vient se substit
1900
émesurée du type d’homme qui intéresse tel groupe
de
philosophes, et qui vient se substituer à la réelle humanité. C’est,
1901
eois. C’est le prolétaire pour Marx. Il s’en faut
de
beaucoup que la notion du prolétaire marxiste, fondée sur des considé
1902
iscutables que la plus-value, recouvre la réalité
de
tel homme concret et réel que vous ou moi pouvons connaître. Mais, en
1903
s connaître. Mais, en vérité, la lecture du livre
de
M. Nizan n’inspire pas la certitude qu’il aime les hommes, qu’il aime
1904
l et concret. Au contraire, il en émane une sorte
de
mépris satisfait qui révèle un intellectuel déchaîné plus qu’un parti
1905
partisan convaincu. On sent bien que le triomphe
de
M. Nizan est dans l’insolence plus que dans le sacrifice à une cause.
1906
n, qui est marxiste, si la lecture et la pratique
de
Marx peut apporter une certitude intime, une réalité directe, une obl
1907
itude intime, une réalité directe, une obligation
de
choisir à chaque instant, une humiliation rénovatrice, une joie au se
1908
vatrice, une joie au sein de la douleur, la force
de
supporter des souffrances physiques, la force et la joie d’envisager
1909
er des souffrances physiques, la force et la joie
d’
envisager la mort comme une transfiguration tragique, la force et la j
1910
une transfiguration tragique, la force et la joie
d’
envisager la vie comme un combat perpétuel dont l’enjeu est à chaque i
1911
ées concernent chaque homme dans chaque situation
de
sa vie de chaque jour, si cet appel n’a pas trouvé la seule réponse p
1912
nent chaque homme dans chaque situation de sa vie
de
chaque jour, si cet appel n’a pas trouvé la seule réponse possible et
1913
cherché auprès de philosophes secrètement avides
de
prêtrise, ou même prêtres, ou même canonisés, une sécurité spirituell
1914
canonisés, une sécurité spirituelle que la Parole
de
Dieu désigne comme une lâcheté. Car en présence de l’athéisme militan
1915
témoigner. Épreuve dangereuse et salutaire, germe
de
cette « révolution permanente » qui doit être l’état du chrétien vis-
1916
être l’état du chrétien vis-à-vis de lui-même et
de
son passé. C’est le danger qui nous purifiera. « Toute plante que n’a
1917
a révolution menaçante viendra comme le châtiment
de
ceux-là mêmes, de ceux-là justement qui refusèrent de « penser danger
1918
ante viendra comme le châtiment de ceux-là mêmes,
de
ceux-là justement qui refusèrent de « penser dangereusement ». Mais l
1919
eux-là mêmes, de ceux-là justement qui refusèrent
de
« penser dangereusement ». Mais les marxistes n’y échapperont pas. Ca
1920
rxistes n’y échapperont pas. Car celui qui refuse
de
penser le péché, refuse d’envisager l’ultime et le plus « grossier »
1921
. Car celui qui refuse de penser le péché, refuse
d’
envisager l’ultime et le plus « grossier » des dangers inhérents à l’ê
1922
morales, ni leurs prêtres, ni tout leur appareil
d’
assurance dans le monde et contre Dieu —, seul l’Évangile est radicale
1923
angile est radicalement dangereux, — salutaire.
38.
Aux Éditions de la Revue française, chez Alexis Rédier, Paris 1932.
1924
lement dangereux, — salutaire. 38. Aux Éditions
de
la Revue française, chez Alexis Rédier, Paris 1932. 39. Chez Rieder,
1925
de la Revue française, chez Alexis Rédier, Paris
1932.
39. Chez Rieder, collection « Europe ». 40. Et pourtant, M. Nizan c
1926
Revue française, chez Alexis Rédier, Paris 1932.
39.
Chez Rieder, collection « Europe ». 40. Et pourtant, M. Nizan cite p
1927
s 1932. 39. Chez Rieder, collection « Europe ».
40.
Et pourtant, M. Nizan cite pas mal de textes qui prouveraient le cont
1928
Europe ». 40. Et pourtant, M. Nizan cite pas mal
de
textes qui prouveraient le contraire. s. Rougemont Denis de, « Pens
1929
i prouveraient le contraire. s. Rougemont Denis
de
, « Penser dangereusement », Foi et Vie, Paris, juin 1932, p. 478-484.
1930
Penser dangereusement », Foi et Vie, Paris, juin
1932,
p. 478-484.
1931
Histoires du monde, s’il vous plaît ! » (janvier
1933
)t Le lecteur moderne est, paraît-il, un homme pressé, beaucoup plu
1932
répondra-t-on, sans doute. Je ne suis pas du tout
de
cet avis. Et je crois distinguer à divers signes que mes contemporain
1933
s plus tonifiants et plus actuels, je veux parler
de
la vogue récente des essais, genre assurément fort ancien, mais auque
1934
ive nouveauté. Il est bien remarquable, en effet,
de
constater, en parcourant les catalogues de librairie allemande, par e
1935
effet, de constater, en parcourant les catalogues
de
librairie allemande, par exemple, que la proportion des ouvrages pure
1936
nt romanesques va en diminuant, et cela au profit
d’
une littérature qui tient à la fois de l’histoire, de la politique, de
1937
a au profit d’une littérature qui tient à la fois
de
l’histoire, de la politique, de la morale et de la religion. Des livr
1938
ne littérature qui tient à la fois de l’histoire,
de
la politique, de la morale et de la religion. Des livres comme l’Essa
1939
i tient à la fois de l’histoire, de la politique,
de
la morale et de la religion. Des livres comme l’Essai sur la France,
1940
s de l’histoire, de la politique, de la morale et
de
la religion. Des livres comme l’Essai sur la France, de E. R. Curtius
1941
religion. Des livres comme l’Essai sur la France,
de
E. R. Curtius, dont il fut parlé ici même, ou le Dieu est-il Français
1942
l fut parlé ici même, ou le Dieu est-il Français,
de
F. Sieburg, donneront une idée assez juste du genre. Son succès en Al
1943
succès en Allemagne remonte aux premières années
de
l’après-guerre, illustrées par les livres monumentaux de Spengler (Le
1944
rès-guerre, illustrées par les livres monumentaux
de
Spengler (Le Déclin de l’Occident) et du comte Keyserling. Il faut re
1945
par les livres monumentaux de Spengler (Le Déclin
de
l’Occident) et du comte Keyserling. Il faut reconnaître que l’état gé
1946
itaient. Les Allemands vivent « la crise » depuis
1919,
et l’atmosphère de crise baigne toutes leurs activités, à un degré bi
1947
vivent « la crise » depuis 1919, et l’atmosphère
de
crise baigne toutes leurs activités, à un degré bien plus profond qu’
1948
, à un degré bien plus profond qu’on ne l’imagine
d’
ordinaire en France. En ceci, les Allemands se trouvent être en quelqu
1949
and. Il est bien naturel qu’une société qui jouit
d’
une relative sécurité cherche son divertissement dans des fictions rom
1950
au peuple. Le bourgeois qui rentre chez lui après
8
heures de bureau demande aux livres une évasion facile hors de la méd
1951
. Le bourgeois qui rentre chez lui après 8 heures
de
bureau demande aux livres une évasion facile hors de la médiocre exis
1952
contemporain voit bien que la question n’est plus
de
s’évader, de se distraire en oubliant un monde qu’on serait sûr de re
1953
voit bien que la question n’est plus de s’évader,
de
se distraire en oubliant un monde qu’on serait sûr de retrouver bien
1954
e distraire en oubliant un monde qu’on serait sûr
de
retrouver bien en place le lendemain. L’angoisse qui plane vaguement,
1955
as quelque chose qu’on esquive comme l’ennui, par
de
petits moyens. L’homme menacé cherche à se rassurer, et d’abord en es
1956
acé cherche à se rassurer, et d’abord en essayant
de
comprendre la menace. Il veut des documents, des explications, des di
1957
ver l’appartenance à un parti, ou pour se fournir
d’
arguments précis et « sérieux » qu’on exhibera dans un cercle aussi ex
1958
ibera dans un cercle aussi excité qu’incompétent.
De
là cette multitude d’écrits, dont le propos général est d’élucider le
1959
ussi excité qu’incompétent. De là cette multitude
d’
écrits, dont le propos général est d’élucider les causes lointaines ou
1960
te multitude d’écrits, dont le propos général est
d’
élucider les causes lointaines ou prochaines de la crise sans précéden
1961
st d’élucider les causes lointaines ou prochaines
de
la crise sans précédent où s’engage l’humanité tout entière. ⁂ En Fra
1962
urs, le « grand public » considéra que la lecture
d’
un livre n’était qu’un moyen de « passer une heure agréablement ». Le
1963
éra que la lecture d’un livre n’était qu’un moyen
de
« passer une heure agréablement ». Le goût des idées, même et surtout
1964
des cercles littéraires raffinés, était une sorte
d’
atteinte au « goût » tout court, c’est-à-dire à la mode. Il fallut la
1965
a mode. Il fallut la petite équipe des fondateurs
de
la Nouvelle Revue française pour imposer, par l’effet d’un snobisme i
1966
ouvelle Revue française pour imposer, par l’effet
d’
un snobisme inattendu, la mode des discussions éthiques, d’ailleurs pu
1967
mans qui posent des problèmes ». On appelait cela
de
la « littérature difficile », non pas qu’une intelligence moyenne épr
1968
difficultés à suivre les développements lumineux
d’
un André Gide, par exemple, mais simplement parce que ces écrits faisa
1969
isaient penser. J’exagère à peine. La littérature
de
l’après-guerre, faite en grande partie par des hommes qui n’avaient p
1970
rtie par des hommes qui n’avaient pas eu le temps
de
se cultiver, est caractérisée par une facilité foncière et bien décev
1971
foncière et bien décevante, sitôt écarté le voile
d’
obscurité purement formelle dont la mode d’alors recommandait qu’on ha
1972
voile d’obscurité purement formelle dont la mode
d’
alors recommandait qu’on habillât la moindre historiette sentimentale.
1973
emble-t-il, s’évanouit en fumée, comme les fusées
d’
une fête intempestive. On demande des lumières qui ne soient plus seul
1974
is, en ce sens que dans le monde bourgeois, privé
de
risques et d’aventures réelles, il représentait une évasion, une reva
1975
que dans le monde bourgeois, privé de risques et
d’
aventures réelles, il représentait une évasion, une revanche nécessair
1976
nécessaire contre l’ennui, — le royaume illusoire
de
la fantaisie, de l’héroïsme et des grands sentiments bouleversants. C
1977
l’ennui, — le royaume illusoire de la fantaisie,
de
l’héroïsme et des grands sentiments bouleversants. C’était ce qu’il y
1978
t de plus subversif dans les salons. « Se nourrir
de
romans », dans certains milieux, c’était le commencement de la fin, c
1979
», dans certains milieux, c’était le commencement
de
la fin, c’était se préparer à « mal finir ». Est-ce le cinéma qui a c
1980
une époque qui a vu les frontières et les peuples
de
l’Europe bouleversés ; les régimes choir ; le plan quinquennal s’édif
1981
ir ; le plan quinquennal s’édifier sur les ruines
d’
un continent ; l’Amérique s’enrichir au-delà de toute raison européenn
1982
es d’un continent ; l’Amérique s’enrichir au-delà
de
toute raison européenne, puis s’affoler, entrer en décadence, et rêve
1983
révolution ; dans une époque où l’humanité risque
de
mourir pour la réalisation même de ses désirs matériels, dans cette é
1984
umanité risque de mourir pour la réalisation même
de
ses désirs matériels, dans cette énorme aventure qui « règne » sur le
1985
vies, ou s’il n’y pénètre pas encore, les baigne
d’
une atmosphère menaçante dont il devient impossible de ne pas prendre
1986
e atmosphère menaçante dont il devient impossible
de
ne pas prendre conscience. Alors, toutes les nouvelles qui nous parvi
1987
s qui nous parviennent du monde sont comme autant
d’
épisodes d’un drame qui intéresse chacun de nous. L’homme se prend d’u
1988
parviennent du monde sont comme autant d’épisodes
d’
un drame qui intéresse chacun de nous. L’homme se prend d’un intérêt p
1989
autant d’épisodes d’un drame qui intéresse chacun
de
nous. L’homme se prend d’un intérêt passionné pour la vie du monde. E
1990
me qui intéresse chacun de nous. L’homme se prend
d’
un intérêt passionné pour la vie du monde. Et ce fait est nouveau dans
1991
éfère au cinéma, ce sont les actualités. » Phrase
mille
fois entendue. Les journaux se couvrent de photos. La couverture phot
1992
ase mille fois entendue. Les journaux se couvrent
de
photos. La couverture photographique triomphe chez tous les éditeurs.
1993
s, des reportages à grande distance, les mémoires
d’
Alain Gerbault, les aventures d’Henri de Monfreid, cinquante volumes s
1994
nce, les mémoires d’Alain Gerbault, les aventures
d’
Henri de Monfreid, cinquante volumes sur l’URSS et sur le Plan de cinq
1995
lain Gerbault, les aventures d’Henri de Monfreid,
cinquante
volumes sur l’URSS et sur le Plan de cinq ans, autant sur les formes
1996
reid, cinquante volumes sur l’URSS et sur le Plan
de
cinq ans, autant sur les formes américaines de la vie sociale, des al
1997
d, cinquante volumes sur l’URSS et sur le Plan de
cinq
ans, autant sur les formes américaines de la vie sociale, des albums
1998
an de cinq ans, autant sur les formes américaines
de
la vie sociale, des albums de photos qui pour la première fois, nous
1999
formes américaines de la vie sociale, des albums
de
photos qui pour la première fois, nous semble-t-il, mettent sur notre
2000
uel romancier pourrait nous apporter l’équivalent
de
cette vision directe, exaltante et dépaysante ? Voici le monde en vra
2001
sprit ne pouvait le concevoir. C’est l’expérience
de
la Renaissance, étendue à toute la planète. Et c’est ici que j’en rev
2002
tre qui veut penser le monde. Incapable désormais
de
s’en distraire en le fuyant, il cherche à l’expliquer, avec une passi
2003
nouvelle. Nous avons vu paraître, il y a quelque
dix
ans, les premières Explications de notre temps. Et depuis lors, que d
2004
l y a quelque dix ans, les premières Explications
de
notre temps. Et depuis lors, que de volumes à grand succès qui pourra
2005
Explications de notre temps. Et depuis lors, que
de
volumes à grand succès qui pourraient reprendre le titre fameux de Pa
2006
d succès qui pourraient reprendre le titre fameux
de
Paul Valéry : Regards sur le monde actuel. Les grandes controverses m
2007
our de la Trahison des clercs, autour du problème
de
l’humanisme (Conversion à l’humain, de J. Guéhenno, enquête de Foi e
2008
u problème de l’humanisme (Conversion à l’humain,
de
J. Guéhenno, enquête de Foi et Vie sur l’humanisme nouveau, ouvrage
2009
e (Conversion à l’humain, de J. Guéhenno, enquête
de
Foi et Vie sur l’humanisme nouveau, ouvrages de Ramon Fernandez, de
2010
de Foi et Vie sur l’humanisme nouveau, ouvrages
de
Ramon Fernandez, de Drieu la Rochelle, de Benjamin Crémieux), autour
2011
l’humanisme nouveau, ouvrages de Ramon Fernandez,
de
Drieu la Rochelle, de Benjamin Crémieux), autour du problème, plus ai
2012
uvrages de Ramon Fernandez, de Drieu la Rochelle,
de
Benjamin Crémieux), autour du problème, plus aigu encore, de la cultu
2013
Crémieux), autour du problème, plus aigu encore,
de
la culture bourgeoise et des valeurs révolutionnaires. (Mort de la pe
2014
bourgeoise et des valeurs révolutionnaires. (Mort
de
la pensée et Mort de la morale bourgeoise d’E. Berl, manifestes de gr
2015
eurs révolutionnaires. (Mort de la pensée et Mort
de
la morale bourgeoise d’E. Berl, manifestes de groupements de jeunes t
2016
Mort de la pensée et Mort de la morale bourgeoise
d’
E. Berl, manifestes de groupements de jeunes tels que Esprit, Plans, l
2017
ort de la morale bourgeoise d’E. Berl, manifestes
de
groupements de jeunes tels que Esprit, Plans, l’Ordre nouveau, et tou
2018
e bourgeoise d’E. Berl, manifestes de groupements
de
jeunes tels que Esprit, Plans, l’Ordre nouveau, et tout récemment le
2019
s, l’Ordre nouveau, et tout récemment le « Cahier
de
revendications » publié dans la NRF ). Lorsqu’il y a deux ans, Berna
2020
ndications » publié dans la NRF ). Lorsqu’il y a
deux
ans, Bernard Grasset, dans un article retentissant, annonça son inten
2021
ns un article retentissant, annonça son intention
de
« casser les reins au roman », on put croire à un mouvement de mauvai
2022
es reins au roman », on put croire à un mouvement
de
mauvaise humeur, voire à une tentative publicitaire. En réalité, la s
2023
aire. En réalité, la suite prouva la clairvoyance
de
l’éditeur, habile à saisir dès leur naissance les désirs à peine cons
2024
nts du grand public. On n’a pas cessé pour autant
de
publier des romans nouveaux, mais le fait est que le seul grand succè
2025
l grand succès, dans cet ordre, est allé au livre
de
Céline, Voyage au bout de la nuit, chef-d’œuvre de « documentaire »,
2026
e Céline, Voyage au bout de la nuit, chef-d’œuvre
de
« documentaire », mauvais roman… Autre signe : les jeunes maisons, fo
2027
Autre signe : les jeunes maisons, fondées depuis
deux
ans, se spécialisent de plus en plus dans la publication de collectio
2028
spécialisent de plus en plus dans la publication
de
collections d’essais : Denoël et Steele lancent des séries sur la psy
2029
e plus en plus dans la publication de collections
d’
essais : Denoël et Steele lancent des séries sur la psychanalyse et su
2030
rrêa publie presque exclusivement des « écrivains
d’
idées », les Éditions du Cavalier poursuivent une enquête européenne s
2031
ignificatif : « Les Mœurs et l’Esprit des nations
41.
» Et l’on pense au titre de cet album de photos paru récemment en All
2032
l’Esprit des nations 41. » Et l’on pense au titre
de
cet album de photos paru récemment en Allemagne : « Weltgeschichte ge
2033
nations 41. » Et l’on pense au titre de cet album
de
photos paru récemment en Allemagne : « Weltgeschichte gefälligst », H
2034
⁂ Retour à l’essai rendu nécessaire par le besoin
de
mettre en ordre l’énorme quantité de faits nouveaux que nous découvro
2035
ar le besoin de mettre en ordre l’énorme quantité
de
faits nouveaux que nous découvrons. Retour à l’intelligence ? Oui, ma
2036
ère que le lecteur m’aura compris — ce n’est plus
de
jeux de l’esprit, d’acrobaties de psychologues, de curiosités académi
2037
le lecteur m’aura compris — ce n’est plus de jeux
de
l’esprit, d’acrobaties de psychologues, de curiosités académiques ou
2038
aura compris — ce n’est plus de jeux de l’esprit,
d’
acrobaties de psychologues, de curiosités académiques ou de mandarinad
2039
— ce n’est plus de jeux de l’esprit, d’acrobaties
de
psychologues, de curiosités académiques ou de mandarinades qu’il s’ag
2040
e jeux de l’esprit, d’acrobaties de psychologues,
de
curiosités académiques ou de mandarinades qu’il s’agit, mais c’est du
2041
ies de psychologues, de curiosités académiques ou
de
mandarinades qu’il s’agit, mais c’est du sort de l’homme tel qu’il es
2042
de mandarinades qu’il s’agit, mais c’est du sort
de
l’homme tel qu’il est, dans son effarante et magnifique diversité. So
2043
agnifique diversité. Sort menacé, comme il le fut
de
tout temps, certes, mais de nos jours, plus visiblement, plus univers
2044
nacé, comme il le fut de tout temps, certes, mais
de
nos jours, plus visiblement, plus universellement. Quand il y va de t
2045
visiblement, plus universellement. Quand il y va
de
tous, il y va de chacun. 41. Dont le meilleur volume, à ce jour, es
2046
s universellement. Quand il y va de tous, il y va
de
chacun. 41. Dont le meilleur volume, à ce jour, est sans doute le r
2047
ment. Quand il y va de tous, il y va de chacun.
41.
Dont le meilleur volume, à ce jour, est sans doute le recueil d’Essai
2048
leur volume, à ce jour, est sans doute le recueil
d’
Essais espagnols, du grand écrivain qu’est José Ortega y Gasset, l’un
2049
qu’est José Ortega y Gasset, l’un des fondateurs
de
la République espagnole, et l’un des meilleurs exemples de l’influenc
2050
ublique espagnole, et l’un des meilleurs exemples
de
l’influence réelle et directe que peut exercer un essayiste sur la ma
2051
livre brillant et séduisant. t. Rougemont Denis
de
, « Histoires du monde, s’il vous plaît ! », Foi et Vie, Paris, janvie
2052
ous plaît ! », Foi et Vie, Paris, janvier–février
1933,
p. 134-139.
2053
stin du siècle ou vocation personnelle ? (février
1934
)u Depuis des années, dans toutes les conférences, dans tous les jo
2054
ns toutes les conférences, dans tous les journaux
d’
opinion, dans tous les manifestes de partis ou de ligues, une expressi
2055
les journaux d’opinion, dans tous les manifestes
de
partis ou de ligues, une expression revient comme une véritable hanti
2056
d’opinion, dans tous les manifestes de partis ou
de
ligues, une expression revient comme une véritable hantise, comme le
2057
une véritable hantise, comme le grand lieu commun
de
la peur qui s’est emparée des hommes. On ne nous parle plus que du «
2058
rle plus que du « désarroi actuel ». Il n’est pas
d’
expression plus juste, pour qui se borne à considérer notre époque et
2059
s’affrontent au milieu du désordre. Il n’est pas
d’
expression plus fausse, et même plus dangereuse, pour qui veut prendre
2060
ent pour une dictature qui tire son seul prestige
de
la misère et de la lâcheté publique. Des provinces entières sont ruin
2061
tature qui tire son seul prestige de la misère et
de
la lâcheté publique. Des provinces entières sont ruinées par des expl
2062
ploitations dont les bénéfices s’engloutissent en
deux
heures de panique boursière. Les inventeurs se voient refuser des bre
2063
dont les bénéfices s’engloutissent en deux heures
de
panique boursière. Les inventeurs se voient refuser des brevets parce
2064
eurs, crée du chômage. Et, cependant, les peuples
de
toute la terre continuent de croire au Progrès et aux bienfaits de la
2065
pendant, les peuples de toute la terre continuent
de
croire au Progrès et aux bienfaits de la richesse. Les campagnes se v
2066
continuent de croire au Progrès et aux bienfaits
de
la richesse. Les campagnes se vident ; les jeunes gens n’ont plus goû
2067
misère fiévreuse. Et, cependant, les politiciens
de
tous bords consacrent leur astuce à équilibrer des budgets, dont ils
2068
e avec grandiloquence par des journaux qui vivent
de
fonds secrets. C’est à tout cela que l’on pense lorsqu’on nous parle
2069
ue, jusqu’à ces dernières années, la civilisation
de
l’Occident ait permis plus d’espoirs, favorisé plus de vertu, mieux a
2070
es, la civilisation de l’Occident ait permis plus
d’
espoirs, favorisé plus de vertu, mieux assuré la paix du monde et les
2071
Occident ait permis plus d’espoirs, favorisé plus
de
vertu, mieux assuré la paix du monde et les rapports normaux entre le
2072
» soit seulement « actuel » et ne veut-on parler
de
« désarroi » que lorsque les valeurs boursières et la tranquillité pu
2073
La vérité, c’est que la situation du monde a été
de
tout temps désespérée. Seulement, maintenant, cela se voit. Depuis la
2074
ériodes dites « prospères » ne sont que les temps
de
répit, souvent déshonorés par la culture des illusions et la dégradat
2075
a culture des illusions et la dégradation du sens
de
la révolte. L’histoire du monde, bien loin d’être l’histoire d’un pro
2076
ens de la révolte. L’histoire du monde, bien loin
d’
être l’histoire d’un progrès continu, nous apparaît plutôt comme une s
2077
L’histoire du monde, bien loin d’être l’histoire
d’
un progrès continu, nous apparaît plutôt comme une solennelle dégringo
2078
comme une solennelle dégringolade, une contagion
de
déséquilibres dévorant successivement toutes les possibilités d’aména
2079
s dévorant successivement toutes les possibilités
d’
aménagement de la terre. Pourtant, certaines époques ont connu la gran
2080
cessivement toutes les possibilités d’aménagement
de
la terre. Pourtant, certaines époques ont connu la grandeur. Ce ne fu
2081
a grandeur. Ce ne furent pas les moins corrompues
de
l’histoire, mais celles où la corruption permanente fut ouvertement r
2082
èche. Notre époque, elle aussi, possède sa chance
de
grandeur. Je dirai même qu’elle a plus de chances qu’aucune autre. Le
2083
chance de grandeur. Je dirai même qu’elle a plus
de
chances qu’aucune autre. Le vieux « désordre » qui couvait sous des a
2084
soudain devenu flagrant. Il promène par les rues
de
nos villes européennes de grands panneaux-réclame qui parlent un lang
2085
Il promène par les rues de nos villes européennes
de
grands panneaux-réclame qui parlent un langage clair. Jamais il ne fu
2086
nt un langage clair. Jamais il ne fut plus facile
de
reconnaître les choix nécessaires. Désordre, oui, et plus grand que j
2087
s presque impossibles ? Oui, certes ! Sur le plan
de
la connaissance désintéressée, nous ne trouvons jamais aucun principe
2088
u contraire, dès que nous nous posons la question
de
l’homme, du rôle de l’homme, du destin de l’homme en face du destin d
2089
nous nous posons la question de l’homme, du rôle
de
l’homme, du destin de l’homme en face du destin du siècle, tout se si
2090
uestion de l’homme, du rôle de l’homme, du destin
de
l’homme en face du destin du siècle, tout se simplifie aussitôt ; et
2091
, faisant un pas de plus, nous posons la question
de
notre destin personnel en face des destins collectifs, le choix néces
2092
avec une netteté qui, je le répète, est la chance
de
notre époque. Je voudrais décrire cette époque, telle qu’elle nous ap
2093
décrire cette époque, telle qu’elle nous apparaît
de
ce point de vue, en quelques traits fort simples. J’insiste sur le mo
2094
es simplifier. Ce qui est difficile, ce n’est pas
de
voir le vrai, c’est d’oser les actes qu’il faut, et que nous connaiss
2095
st difficile, ce n’est pas de voir le vrai, c’est
d’
oser les actes qu’il faut, et que nous connaissons très bien. Trop sou
2096
souvent, nos maîtres nous ont fourni des méthodes
d’
évasion dans la complexité. Trop souvent ils nous ont mis en garde con
2097
in esprit simpliste », qui est, au vrai, l’esprit
de
décision et d’engagement concret dont nous avons le plus besoin. Cess
2098
iste », qui est, au vrai, l’esprit de décision et
d’
engagement concret dont nous avons le plus besoin. Cessons de nous réf
2099
t concret dont nous avons le plus besoin. Cessons
de
nous réfugier derrière des complexités que nous créons à plaisir, qui
2100
ne sont pas dans la situation et qui sont autant
de
prétextes à refuser de prendre position, comme si ce n’était pas là,
2101
tuation et qui sont autant de prétextes à refuser
de
prendre position, comme si ce n’était pas là, déjà, prendre une posit
2102
és ont été trop souvent pour nous des professeurs
d’
abstention distinguée, des grands prêtres de l’Insoluble. Mais, un bea
2103
seurs d’abstention distinguée, des grands prêtres
de
l’Insoluble. Mais, un beau jour, les événements nous réveillent brusq
2104
hoisir. La pensée redevient un danger, un facteur
de
choix et de risque, et non plus un refuge idéal. Ne nous en plaignons
2105
ensée redevient un danger, un facteur de choix et
de
risque, et non plus un refuge idéal. Ne nous en plaignons pas : le ri
2106
Ne nous en plaignons pas : le risque est la santé
de
la pensée. ⁂ Destin du siècle ! Expression curieuse et bien moderne
2107
on curieuse et bien moderne ! Si nous y regardons
de
près, nous allons voir que le simple assemblage de ces deux mots, des
2108
e près, nous allons voir que le simple assemblage
de
ces deux mots, destin et siècle, contient peut-être le secret de tout
2109
nous allons voir que le simple assemblage de ces
deux
mots, destin et siècle, contient peut-être le secret de tout le mal d
2110
s, destin et siècle, contient peut-être le secret
de
tout le mal dont nous souffrons. Il suffit, pour le faire apparaître,
2111
s souffrons. Il suffit, pour le faire apparaître,
de
poser cette simple question : comment un siècle peut-il avoir un dest
2112
le peut-il avoir un destin ? En réalité, il n’y a
de
destin que personnel. Seul un homme peut avoir un destin, un homme se
2113
n, César, Lénine ont un destin. Mais aussi chacun
de
nous a un destin ; dans la mesure où chacun de nous possède une raiso
2114
un de nous a un destin ; dans la mesure où chacun
de
nous possède une raison d’être, quelle qu’elle soit, une servitude pa
2115
ns la mesure où chacun de nous possède une raison
d’
être, quelle qu’elle soit, une servitude particulière, une passion qui
2116
ien à lui, une vocation. Si l’on admet facilement
de
nos jours, qu’un siècle ait un destin, c’est que l’on a pris l’habitu
2117
e ait un destin, c’est que l’on a pris l’habitude
d’
attribuer une sorte de valeur indépendante à des êtres collectifs. Je
2118
que l’on a pris l’habitude d’attribuer une sorte
de
valeur indépendante à des êtres collectifs. Je m’explique. Quand nous
2119
’humanité, et dont les éléments sont presque tous
de
nature collective. L’histoire d’un siècle, c’est l’histoire des colle
2120
ont presque tous de nature collective. L’histoire
d’
un siècle, c’est l’histoire des collectivités, c’est l’histoire des pe
2121
que très accessoirement l’histoire des personnes,
de
quelques génies, par exemple. Quand nous disons destin du siècle, nou
2122
un destin, il faut que nous ayons pris l’habitude
de
les considérer comme autant de réalités autonomes, possédant leurs lo
2123
ns pris l’habitude de les considérer comme autant
de
réalités autonomes, possédant leurs lois propres, échappant à notre d
2124
e, leur destinée. Autant dire que nous avons fait
de
toutes les réalités collectives des divinités nouvelles, des divinité
2125
s menaçantes, et dont nous essayons avec angoisse
de
scruter les caractères, les habitudes, les intentions secrètes, les d
2126
uperstitieux au dernier degré. La grande majorité
de
nos contemporains ne croit pas en Dieu et sait qu’elle n’y croit pas.
2127
t pas. Mais elle garde chevillé au cœur le besoin
d’
obéir à des forces invisibles et de leur rendre un culte de latrie. To
2128
cœur le besoin d’obéir à des forces invisibles et
de
leur rendre un culte de latrie. Tous, nous servons ces dieux, tous, n
2129
des forces invisibles et de leur rendre un culte
de
latrie. Tous, nous servons ces dieux, tous, nous leur obéissons, et c
2130
nt prêts à leur sacrifier leur vie même. Les noms
de
ces divinités, vous les connaissez bien : ce sont l’État, la nation,
2131
… Sans doute n’avons-nous pas toujours conscience
de
les servir. Vous me direz peut-être que, pour votre compte, la classe
2132
. Vous jouez, vis-à-vis de ces divinités, le rôle
d’
incroyants, de sceptiques ou même d’adversaires. Mais il y a d’autres
2133
vis-à-vis de ces divinités, le rôle d’incroyants,
de
sceptiques ou même d’adversaires. Mais il y a d’autres dieux pour cet
2134
ités, le rôle d’incroyants, de sceptiques ou même
d’
adversaires. Mais il y a d’autres dieux pour cette espèce-là d’incroya
2135
. Mais il y a d’autres dieux pour cette espèce-là
d’
incroyants, et ce sont, par exemple, l’opinion publique et la presse,
2136
a race : voilà peut-être les divinités maîtresses
de
cette première moitié du siècle. Qu’il s’agisse bien là de dieux, c’e
2137
première moitié du siècle. Qu’il s’agisse bien là
de
dieux, c’est ce que nous prouvent abondamment leurs exigences, qui so
2138
héologie, scientifique, bien entendu, et dont les
deux
disciplines principales sont l’Histoire et la Sociologie. Nous trouv
2139
ciologie. Nous trouverons les meilleurs exemples
de
cette théologie dans les écrits marxistes, plus intelligents et plus
2140
fascistes et racistes. Prenez le dernier article
de
Trotski contre Hitler. C’est d’une logique parfaite. Tout s’y enchaîn
2141
e dernier article de Trotski contre Hitler. C’est
d’
une logique parfaite. Tout s’y enchaîne en une démonstration inattaqua
2142
oltes, toute notre attitude pratique s’expliquent
d’
une manière suffisante par notre appartenance à une classe déterminée.
2143
que entièrement par le fait qu’il était, à la fin
de
la guerre, caporal dans l’armée allemande. Son idéologie n’a rien de
2144
al dans l’armée allemande. Son idéologie n’a rien
de
personnel, c’est l’idéologie des petits gradés d’une armée vaincue. L
2145
de personnel, c’est l’idéologie des petits gradés
d’
une armée vaincue. L’hypothèse est séduisante, vraisemblable même. Que
2146
ait que Trotski est un Juif. Voilà, n’est-ce pas,
deux
points de vue inconciliables et contradictoires ! Sur le plan politiq
2147
e [ou] notre race. Destin du siècle contre destin
de
l’homme. Il faut bien reconnaître qu’en cette année 1934, l’homme se
2148
homme. Il faut bien reconnaître qu’en cette année
1934,
l’homme se défend très mal. Et comment se défendrait-il quand il ador
2149
irent une conclusion inattendue. Reprenant le mot
de
Goethe, sans le savoir, ils nous enseignent que la loi seule nous con
2150
ous conduit à la liberté. Adhérez au déterminisme
de
l’histoire, abandonnez votre cher petit moi, fondez votre destin dans
2151
fondez votre destin dans celui du prolétariat ou
de
la race aryenne, et toutes vos inquiétudes s’apaiseront. Bien. Mais
2152
seront. Bien. Mais il faut prendre garde d’abord
de
confondre le sacrifice et le suicide. L’élan qui jette des millions d
2153
le sacrifice et le suicide. L’élan qui jette des
millions
de nos contemporains dans les destins du siècle, c’est peut-être l’él
2154
fice et le suicide. L’élan qui jette des millions
de
nos contemporains dans les destins du siècle, c’est peut-être l’élan
2155
ans les destins du siècle, c’est peut-être l’élan
d’
une fuite devant le destin particulier et la responsabilité de chacun.
2156
devant le destin particulier et la responsabilité
de
chacun. Les brigadiers de choc et les miliciens hitlériens s’indignen
2157
er et la responsabilité de chacun. Les brigadiers
de
choc et les miliciens hitlériens s’indignent de ce reproche. Ils nous
2158
s de choc et les miliciens hitlériens s’indignent
de
ce reproche. Ils nous répondent, avec raison, que leur action n’a pas
2159
ec raison, que leur action n’a pas les apparences
d’
une évasion, d’une démission ; qu’ils n’ont pas fui les risques et qu’
2160
leur action n’a pas les apparences d’une évasion,
d’
une démission ; qu’ils n’ont pas fui les risques et qu’ils ont exposé
2161
fonde-t-elle ? Quelles réalités sont à la base ?
De
l’aveu même des sociologues marxistes ou hitlériens, ce sont des réal
2162
es ou hitlériens, ce sont des réalités générales,
d’
ordre statistique ; des considérations, par exemple, sur le développem
2163
les passés, quand ce ne sont pas des statistiques
de
phrénologues. Ce sont toujours des réalités passées, historiques, ach
2164
nd du terme, la seule chose qui intéresse chacune
de
nos vies —, c’est qu’il y ait parfois, par exemple, un ivrogne qui s’
2165
ait parfois, par exemple, un ivrogne qui s’arrête
de
boire, ne fût-ce que pour faire mentir le proverbe. Les lois générale
2166
ours justes, dans la mesure où nous démissionnons
de
notre rôle d’hommes responsables et créateurs. Leur rigueur mesure ex
2167
ans la mesure où nous démissionnons de notre rôle
d’
hommes responsables et créateurs. Leur rigueur mesure exactement notre
2168
n jour à quelques amis : « Il paraît qu’il existe
deux
théories tout à fait opposées concernant l’origine du genre humain. L
2169
se disputent énormément. Je crois qu’ils ont tort
de
se disputer, parce qu’ils ont raison les uns et les autres. Ma théori
2170
e s’applique pas seulement aux partisans attardés
de
Darwin, mais aussi bien aux partisans de Marx et de Gobineau. Il est
2171
attardés de Darwin, mais aussi bien aux partisans
de
Marx et de Gobineau. Il est tout à fait vrai que les adeptes du marxi
2172
Darwin, mais aussi bien aux partisans de Marx et
de
Gobineau. Il est tout à fait vrai que les adeptes du marxisme et du r
2173
classe ou la race, et c’est perdre son temps que
de
contester leur croyance. Ces hommes-là savent au moins ce qui les mèn
2174
lettantes qui tombent, eux aussi, mais continuent
d’
évoquer la liberté et les idéaux supérieurs dont ils s’éloignent de pl
2175
beau ne pas croire, pour mon compte, à la réalité
de
tous ces mythes, j’ai beau ne pas croire qu’ils aient le droit de dis
2176
es, j’ai beau ne pas croire qu’ils aient le droit
de
disposer de nos vies, je suis bien obligé de reconnaître qu’en fait,
2177
u ne pas croire qu’ils aient le droit de disposer
de
nos vies, je suis bien obligé de reconnaître qu’en fait, ils nous dom
2178
roit de disposer de nos vies, je suis bien obligé
de
reconnaître qu’en fait, ils nous dominent. Ne fût-ce que par le moyen
2179
it, ils nous dominent. Ne fût-ce que par le moyen
de
la presse. On peut dire, sans exagérer, que les journaux disposent de
2180
t dire, sans exagérer, que les journaux disposent
de
nos vies. Sans eux, la préparation des esprits qui prélude à toute gu
2181
du siècle, et peut-être aurions-nous un peu plus
d’
attention pour les vrais problèmes de nos vies. Mais si les journaux d
2182
un peu plus d’attention pour les vrais problèmes
de
nos vies. Mais si les journaux disposent de nos vies, l’argent dispos
2183
lèmes de nos vies. Mais si les journaux disposent
de
nos vies, l’argent dispose des journaux. Et voilà le dernier anneau d
2184
dispose des journaux. Et voilà le dernier anneau
de
la chaîne de notre destin. Abrégeons, car, avec l’argent nous n’en fi
2185
journaux. Et voilà le dernier anneau de la chaîne
de
notre destin. Abrégeons, car, avec l’argent nous n’en finirions pas.
2186
cette description a pu faire naître dans l’esprit
de
quelques-uns. Je sais que le bon ton, dans certains milieux bien-pens
2187
ilieux bien-pensants, veut qu’on dénonce le règne
de
la masse. On s’indigne du nivellement universel, à quoi doit aboutir
2188
ents sont pareils et qu’un homme n’a pas le droit
de
sortir dans la rue coiffé d’un chapeau de paille avant la date fixée
2189
mme n’a pas le droit de sortir dans la rue coiffé
d’
un chapeau de paille avant la date fixée par les grands fournisseurs.
2190
e droit de sortir dans la rue coiffé d’un chapeau
de
paille avant la date fixée par les grands fournisseurs. On prétend qu
2191
nonyme. Je crois que c’est là ce qu’il peut faire
de
mieux. L’individu, tel que le concevait le dernier siècle, l’homme is
2192
it jalousement sa petite vie intérieure, à l’abri
de
la Déclaration des droits de l’homme, ne mérite pas qu’on le pleure.
2193
mme sans destin, un homme sans vocation ni raison
d’
être, un homme dont le monde n’exigeait rien. Cet être-là, fatalement,
2194
rien. Cet être-là, fatalement, devait désespérer
de
soi-même et de tout. Et nous vîmes, tôt après la guerre, reparaître l
2195
-là, fatalement, devait désespérer de soi-même et
de
tout. Et nous vîmes, tôt après la guerre, reparaître le fameux « mal
2196
radant qui soit. On vit alors, chez les meilleurs
de
ces jeunes gens, se déclarer une épidémie de suicides, qui ne prit pa
2197
eurs de ces jeunes gens, se déclarer une épidémie
de
suicides, qui ne prit pas toujours la forme romantique du coup de rev
2198
ne prit pas toujours la forme romantique du coup
de
revolver, qui prit même beaucoup plus souvent la forme d’un enrôlemen
2199
ver, qui prit même beaucoup plus souvent la forme
d’
un enrôlement dans quelque troupe d’assaut. En vérité, ce serait une e
2200
vent la forme d’un enrôlement dans quelque troupe
d’
assaut. En vérité, ce serait une erreur insondable que de voir le salu
2201
t. En vérité, ce serait une erreur insondable que
de
voir le salut de notre époque dans un retour à l’individu. L’individu
2202
serait une erreur insondable que de voir le salut
de
notre époque dans un retour à l’individu. L’individu est l’origine la
2203
destin des autres ; c’est parce qu’il n’avait pas
de
vocation, qu’il a voulu servir la vocation de sa race. La meilleure p
2204
pas de vocation, qu’il a voulu servir la vocation
de
sa race. La meilleure preuve, d’ailleurs, de l’origine individualiste
2205
tion de sa race. La meilleure preuve, d’ailleurs,
de
l’origine individualiste des mythes collectifs, je la vois dans l’abo
2206
ythes collectifs, je la vois dans l’aboutissement
de
ces mythes. On a cru trouver en eux les principes d’une communauté no
2207
ces mythes. On a cru trouver en eux les principes
d’
une communauté nouvelle que l’individualisme avait dissoute. Il n’y a
2208
ualisme avait dissoute. Il n’y a jamais eu autant
de
ligues, de groupements, de partis et d’associations qu’aujourd’hui, m
2209
it dissoute. Il n’y a jamais eu autant de ligues,
de
groupements, de partis et d’associations qu’aujourd’hui, mais aussi j
2210
n’y a jamais eu autant de ligues, de groupements,
de
partis et d’associations qu’aujourd’hui, mais aussi jamais moins d’ac
2211
eu autant de ligues, de groupements, de partis et
d’
associations qu’aujourd’hui, mais aussi jamais moins d’accord réel, ja
2212
ais aussi jamais moins d’accord réel, jamais plus
de
haine déclarée. L’amour des hommes, transposé dans la collectivité, d
2213
osé dans la collectivité, devient automatiquement
de
la haine. On me dira que la solidarité entre les peuples est désormai
2214
ue désormais le globe entier apparaisse solidaire
d’
une même civilisation. Mais cette solidarité, que vaut-elle ? Le premi
2215
dans le monde, c’est l’exemple suivant : le krach
d’
une banque à Paris peut ruiner des petits rentiers belges et jeter sur
2216
petits rentiers belges et jeter sur la paille des
milliers
d’ouvriers annamites. Oui, certes, tout se tient désormais. Mais la s
2217
ntiers belges et jeter sur la paille des milliers
d’
ouvriers annamites. Oui, certes, tout se tient désormais. Mais la soli
2218
le destin des ismes, ne nous laisse rien prévoir
d’
autre qu’un monde chaotique hautement organisé, une monstrueuse agglom
2219
hautement organisé, une monstrueuse agglomération
d’
individus assemblés par la peur et la faim, et la haine, parqués dans
2220
la haine, parqués dans des casernes ou des camps
de
travail, — et mourant de solitude. J’ai terminé ma description du siè
2221
es casernes ou des camps de travail, — et mourant
de
solitude. J’ai terminé ma description du siècle. Est-elle pessimiste
2222
à l’excès ? Ce n’est pas cela qu’il nous importe
de
savoir. Si j’ai simplifié le tableau, c’est que je veux maintenant dé
2223
nous peut prendre. ⁂ Destin du siècle ou destin
de
l’homme ? Loi historique ou acte personnel ? Irresponsable ou respons
2224
et simplement, ou désirer leur destruction, c’est
de
l’utopie. Ils sont là, et ils ont probablement leur raison d’être. La
2225
Ils sont là, et ils ont probablement leur raison
d’
être. La classe, la race, jouent dans le monde le même rôle que l’inst
2226
ignorés. Les voilà qui reviennent sous le couvert
de
ce cheval de Troie qui se nomme déterminisme historique. Il faut croi
2227
voilà qui reviennent sous le couvert de ce cheval
de
Troie qui se nomme déterminisme historique. Il faut croire qu’ils ont
2228
, et que le mieux à faire pour nous, c’est encore
de
compter avec eux. Mais compter avec eux, ce n’est pas les diviser, ni
2229
e qui les poussait, je vois bien ce qu’il y avait
d’
émouvant dans leur élan vers une nouvelle communauté humaine. Mais ils
2230
uté humaine. Mais ils se sont cruellement trompés
de
porte en s’adressant aux mythes collectifs. C’était l’homme qu’il fal
2231
t très simple : que la société doit être composée
d’
hommes réels. Nous avons tout calculé, sauf ce qui est en effet incalc
2232
é, sauf ce qui est en effet incalculable : l’acte
de
l’homme. Mais le temps vient où les hommes se lassent de théories qui
2233
mme. Mais le temps vient où les hommes se lassent
de
théories qui expliquent tout sauf l’essentiel. Voici notre dilemme :
2234
ci notre dilemme : voulons-nous être des éléments
de
statistique, ou bien des hommes de chair et de sang, reconnaissant le
2235
e des éléments de statistique, ou bien des hommes
de
chair et de sang, reconnaissant leur condition concrète, mais connais
2236
ts de statistique, ou bien des hommes de chair et
de
sang, reconnaissant leur condition concrète, mais connaissant aussi l
2237
mais connaissant aussi leur dignité, leur raison
d’
être personnelle ? Voulons-nous être des personnes ? Voilà le mot lâch
2238
s années dans les jeunes groupes révolutionnaires
de
France et de Belgique, dans la revue Esprit, et surtout dans les cerc
2239
les jeunes groupes révolutionnaires de France et
de
Belgique, dans la revue Esprit, et surtout dans les cercles de L’Ordr
2240
dans la revue Esprit, et surtout dans les cercles
de
L’Ordre nouveau. Qu’est-ce que la personne ? Permettez-moi de renvers
2241
ouveau. Qu’est-ce que la personne ? Permettez-moi
de
renverser la question : Qu’est-ce que ces dieux et ces mythes collect
2242
ces dieux et ces mythes collectifs ? J’ai essayé
de
vous montrer qu’ils sont des créations de l’homme, et particulièremen
2243
essayé de vous montrer qu’ils sont des créations
de
l’homme, et particulièrement de ce personnage égoïste et, en somme, a
2244
ont des créations de l’homme, et particulièrement
de
ce personnage égoïste et, en somme, assez lâche, qu’on appelle l’indi
2245
’une certaine attitude, l’attitude démissionnaire
de
l’homme en fuite devant son destin. Eh bien ! la personne à son tour
2246
stin. Eh bien ! la personne à son tour n’est rien
d’
autre que l’attitude créatrice de l’homme. Tout, en définitive, se jou
2247
tour n’est rien d’autre que l’attitude créatrice
de
l’homme. Tout, en définitive, se joue dans l’homme et se rapporte à l
2248
pporte à lui. Dans l’homme, la masse n’a pas plus
de
puissance que la personne. Dans l’homme, le choix peut avoir lieu, ef
2249
oix peut avoir lieu, effectivement. Et votre rôle
d’
étudiants, c’est-à-dire d’intellectuels, m’apparaît alors dans toute s
2250
tivement. Et votre rôle d’étudiants, c’est-à-dire
d’
intellectuels, m’apparaît alors dans toute sa grandeur. C’est à vous d
2251
paraît alors dans toute sa grandeur. C’est à vous
de
rechercher dans vos pensées les origines concrètes de ces grands fait
2252
echercher dans vos pensées les origines concrètes
de
ces grands faits qui bouleversent le monde. C’est à vous de déceler,
2253
nds faits qui bouleversent le monde. C’est à vous
de
déceler, par exemple, l’origine permanente et virtuelle des dictature
2254
ctatures, dans un fléchissement, en vous, du sens
de
votre destinée personnelle. À l’origine de tout, il y a une attitude
2255
u sens de votre destinée personnelle. À l’origine
de
tout, il y a une attitude de l’homme, j’ai essayé de vous montrer l’a
2256
onnelle. À l’origine de tout, il y a une attitude
de
l’homme, j’ai essayé de vous montrer l’attitude de celui qui se réfug
2257
tout, il y a une attitude de l’homme, j’ai essayé
de
vous montrer l’attitude de celui qui se réfugie dans l’Histoire42, qu
2258
e l’homme, j’ai essayé de vous montrer l’attitude
de
celui qui se réfugie dans l’Histoire42, qui pense par périodes sécula
2259
ul éveillé et conscient des réalités. ]’ai essayé
de
vous montrer qu’en pensant historiquement, il fonde, dès maintenant,
2260
dès maintenant, en lui, la dictature du nombre et
de
l’irresponsable. Je pourrais maintenant vous donner une contrepartie,
2261
s maintenant vous donner une contrepartie, tenter
de
vous décrire la pensée personnaliste, la pensée qui ne veut s’attache
2262
les tâches immédiates. La personne, au contraire,
de
l’individu perdu dans l’Histoire, vit d’instant en instant, d’une tâc
2263
ntraire, de l’individu perdu dans l’Histoire, vit
d’
instant en instant, d’une tâche à une autre, d’un acte à un autre acte
2264
perdu dans l’Histoire, vit d’instant en instant,
d’
une tâche à une autre, d’un acte à un autre acte, toujours imprévisibl
2265
it d’instant en instant, d’une tâche à une autre,
d’
un acte à un autre acte, toujours imprévisible, toujours aventureuse.
2266
el. Quel est donc, nous dit-on, le fondement réel
de
la personne ? Est-ce une vue philosophique ? Est-ce une attitude niet
2267
réponse à toutes ces questions, c’est la réponse
de
l’Évangile. Faites toutes les sociétés que vous voudrez, bouleversez
2268
seul nous le désigne, bien plus : il nous ordonne
de
l’être. Et voilà la réalité décisive. Tous, nous avons reçu de Dieu c
2269
voilà la réalité décisive. Tous, nous avons reçu
de
Dieu cet ordre : tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tous donc, n
2270
e et vocation ne sont point séparables. Et toutes
deux
ne sont possibles que dans cet acte unique d’obéissance à l’ordre de
2271
s deux ne sont possibles que dans cet acte unique
d’
obéissance à l’ordre de Dieu, qui s’appelle l’amour du prochain. Je di
2272
s que dans cet acte unique d’obéissance à l’ordre
de
Dieu, qui s’appelle l’amour du prochain. Je dis bien : acte, et il fa
2273
rance à l’égard du voisin, une façon plus commode
de
vivre en société. On a transporté dans l’histoire cet amour qui doit
2274
ement immédiat. Acte, présence et engagement, ces
trois
mots définissent la personne, mais aussi ce que Jésus-Christ nous ord
2275
onne, mais aussi ce que Jésus-Christ nous ordonne
d’
être : le prochain. Lorsque les docteurs de la loi voulurent éprouver
2276
rdonne d’être : le prochain. Lorsque les docteurs
de
la loi voulurent éprouver Jésus, l’un d’entre eux se leva et lui dit
2277
parabole, celle du Bon Samaritain. Et le docteur
de
la loi découvrit cette vérité que toute sa religion n’avait pas pu lu
2278
ce, en actes, la miséricorde. Cet acte, en chacun
de
nous, peut être vainqueur de l’Histoire. Cet acte, à chaque fois qu’i
2279
Cet acte, en chacun de nous, peut être vainqueur
de
l’Histoire. Cet acte, à chaque fois qu’il nous est donné de le faire,
2280
ire. Cet acte, à chaque fois qu’il nous est donné
de
le faire, rétablit le rapport humain, fonde notre destin personnel, e
2281
société possible. Ne nous y trompons pas : l’acte
de
la miséricorde, c’est l’acte le plus révolutionnaire qui ait jamais p
2282
mal à sa racine, qui est en nous, qui est au fond
de
notre désespoir. Les grandes lois historiques et révolutionnaires peu
2283
ques et révolutionnaires peuvent bien nous servir
de
refuge, de prétextes et d’arguments au service de nos passions, au se
2284
olutionnaires peuvent bien nous servir de refuge,
de
prétextes et d’arguments au service de nos passions, au secours de no
2285
uvent bien nous servir de refuge, de prétextes et
d’
arguments au service de nos passions, au secours de notre misère matér
2286
de refuge, de prétextes et d’arguments au service
de
nos passions, au secours de notre misère matérielle. Mais elles ne pé
2287
’arguments au service de nos passions, au secours
de
notre misère matérielle. Mais elles ne pénètrent jamais dans l’intimi
2288
e. Mais elles ne pénètrent jamais dans l’intimité
de
notre être, là où réside le désespoir de l’homme qui ne connaît pas s
2289
intimité de notre être, là où réside le désespoir
de
l’homme qui ne connaît pas son destin. Après tout, l’homme désespéré,
2290
’est pas la connaissance intellectuelle du destin
de
sa classe ou de sa race qui va suffire pour l’arracher à sa misère ;
2291
aissance intellectuelle du destin de sa classe ou
de
sa race qui va suffire pour l’arracher à sa misère ; il lui faut une
2292
ant. Nous ne rencontrons personne au monde, avant
d’
avoir rencontré Dieu. 42. L’Histoire au sens hégélien du mot, c’est
2293
ersonne au monde, avant d’avoir rencontré Dieu.
42.
L’Histoire au sens hégélien du mot, c’est-à-dire, plus exactement :
2294
us exactement : l’Évolution. u. Rougemont Denis
de
, « Destin du siècle ou vocation personnelle ? », Foi et Vie, Paris, f
2295
personnelle ? », Foi et Vie, Paris, février–mars
1934,
p. 143-157.
2296
Deux
essais de philosophes chrétiens (mai 1934)v Combien existe-t-il en
2297
Deux essais
de
philosophes chrétiens (mai 1934)v Combien existe-t-il en France de
2298
Deux essais de philosophes chrétiens (mai
1934
)v Combien existe-t-il en France de personnes intelligentes ? Pour
2299
iens (mai 1934)v Combien existe-t-il en France
de
personnes intelligentes ? Pour le juger il ne faudrait sans doute pas
2300
e faudrait sans doute pas se fier au tirage moyen
d’
un ouvrage « difficile ». Seul, Bergson, avec ses Deux Sources pourrai
2301
un ouvrage « difficile ». Seul, Bergson, avec ses
Deux
Sources pourrait s’aligner, dans cet ordre, avec un honnête romancier
2302
un honnête romancier. On s’étonnera, sans doute,
de
m’en voir étonné. Je m’étonne davantage de ce qu’on trouve cela norma
2303
doute, de m’en voir étonné. Je m’étonne davantage
de
ce qu’on trouve cela normal. Ce fut toujours le cas, me dira-t-on ? M
2304
n ? Mais ce n’est point partout le cas. L’exemple
de
l’Allemagne peut nous faire réfléchir. Les philosophes y connaissent
2305
l’idée ; et même les théologiens. Le Römerbrief,
de
Barth, en est au 20e mille. Un Keyserling, un Heidegger, un Karl Jasp
2306
s théologiens. Le Römerbrief, de Barth, en est au
20e
mille. Un Keyserling, un Heidegger, un Karl Jaspers ont, dès longtemp
2307
éologiens. Le Römerbrief, de Barth, en est au 20e
mille
. Un Keyserling, un Heidegger, un Karl Jaspers ont, dès longtemps, con
2308
bord, et, en particulier, à cette espèce nouvelle
de
critiques qu’on nomme les « courriéristes littéraires ». Ce n’est un
2309
t pour beaucoup à déterminer le succès ou l’échec
d’
une œuvre. Il semblerait, dès lors, que leur autorité — sinon de droit
2310
l semblerait, dès lors, que leur autorité — sinon
de
droit, du moins de fait — dût s’exercer au bénéfice des auteurs réput
2311
ors, que leur autorité — sinon de droit, du moins
de
fait — dût s’exercer au bénéfice des auteurs réputés « difficiles ».
2312
ontraire qu’on peut voir. Le critique qui dispose
d’
un feuilleton régulier dans un hebdomadaire ou un quotidien n’est, en
2313
, pas un critique, mais un commentateur des goûts
de
son public. Bien loin d’avoir à cœur de signaler les œuvres qui risqu
2314
n commentateur des goûts de son public. Bien loin
d’
avoir à cœur de signaler les œuvres qui risqueraient, sans lui, d’être
2315
des goûts de son public. Bien loin d’avoir à cœur
de
signaler les œuvres qui risqueraient, sans lui, d’être incomprises ou
2316
e signaler les œuvres qui risqueraient, sans lui,
d’
être incomprises ou ignorées, il se contente, la plupart du temps, d’ê
2317
ou ignorées, il se contente, la plupart du temps,
d’
être l’écho de la vague rumeur entretenue par la publicité autour d’un
2318
l se contente, la plupart du temps, d’être l’écho
de
la vague rumeur entretenue par la publicité autour d’un « succès » de
2319
a vague rumeur entretenue par la publicité autour
d’
un « succès » de saison. Mais l’insuccès notoire des philosophes auprè
2320
ntretenue par la publicité autour d’un « succès »
de
saison. Mais l’insuccès notoire des philosophes auprès du grand publi
2321
vere se trouve être réalisé, et quel besoin alors
d’
un deinde. Que demander aux hommes, sinon qu’ils vivent bien ! On se s
2322
hommes, sinon qu’ils vivent bien ! On se souvient
de
la noble réponse de ce proscrit de la Révolution auquel on demandait
2323
vivent bien ! On se souvient de la noble réponse
de
ce proscrit de la Révolution auquel on demandait à son retour en Fran
2324
On se souvient de la noble réponse de ce proscrit
de
la Révolution auquel on demandait à son retour en France ce qu’il ava
2325
ui se montre. Sous prétexte de science, la pensée
de
nos maîtres s’est tellement détachée du concret de nos vies que l’on
2326
e nos maîtres s’est tellement détachée du concret
de
nos vies que l’on comprend sans peine l’indifférence où le public la
2327
es qui se posent en fait. Mais que faut-il penser
de
ces techniques d’abstention ? ⁂ Tel est l’état des choses. Public et
2328
n fait. Mais que faut-il penser de ces techniques
d’
abstention ? ⁂ Tel est l’état des choses. Public et philosophes ont si
2329
Public et philosophes ont si bien pris l’habitude
de
s’ignorer, qu’on est en droit de se demander si leur rencontre, à sup
2330
pris l’habitude de s’ignorer, qu’on est en droit
de
se demander si leur rencontre, à supposer qu’elle se produise, ne sig
2331
seurs ? On verrait éclater, je pense, l’absurdité
d’
une pensée inhumaine, en même temps que l’incohérence d’une action tro
2332
pensée inhumaine, en même temps que l’incohérence
d’
une action trop longtemps dépourvue de tout contrôle spirituel. N’est-
2333
incohérence d’une action trop longtemps dépourvue
de
tout contrôle spirituel. N’est-ce point l’obscur pressentiment d’un t
2334
spirituel. N’est-ce point l’obscur pressentiment
d’
un tel péril qui explique, en dernière analyse, la méfiance réciproque
2335
ère analyse, la méfiance réciproque dont je viens
d’
indiquer l’un des symptômes les plus extérieurs ? Supposez, maintenant
2336
n sait l’influence qu’il exerça sur les prodromes
de
l’hitlérisme.) Les risques qu’elle entraîne sont proprement incalcula
2337
ux-là seuls qui n’ont pas à subordonner la vérité
de
leur message aux calculs de l’opportunisme. Quelques exaltés, pensera
2338
subordonner la vérité de leur message aux calculs
de
l’opportunisme. Quelques exaltés, pensera-t-on ? Quelques cyniques, o
2339
ller quelques chrétiens. Leur office n’est-il pas
de
rappeler aux peuples où se trouvent les vraies valeurs, sans attendre
2340
rieuse ni plus nette vocation. Le lieu, les modes
de
son obéissance sont plus visibles qu’ils ne le furent jamais. Si la p
2341
et action se confondent. Si elle veut être digne
de
son nom, c’est à elle seule d’oser ce que les autres ne peuvent pas o
2342
le veut être digne de son nom, c’est à elle seule
d’
oser ce que les autres ne peuvent pas oser. C’est à elle seule d’entre
2343
es autres ne peuvent pas oser. C’est à elle seule
d’
entreprendre la confrontation générale des valeurs dont le monde croit
2344
nt. Car elle seule, si toutefois elle reste digne
de
sa charge, elle seule n’a rien à y perdre. Faut-il rappeler ici les
2345
. Faut-il rappeler ici les graves avertissements
de
Berdiaev ? Faut-il une fois de plus évoquer les menaces qui pèsent su
2346
ffrayer le chrétien, mais le risque plus immédiat
de
faillir à sa vocation. Ces réflexions nous serviront, pour aujourd’h
2347
Ces réflexions nous serviront, pour aujourd’hui,
d’
introduction à deux essais de philosophes chrétiens : L’Homme du resse
2348
ous serviront, pour aujourd’hui, d’introduction à
deux
essais de philosophes chrétiens : L’Homme du ressentiment, de Max Sch
2349
t, pour aujourd’hui, d’introduction à deux essais
de
philosophes chrétiens : L’Homme du ressentiment, de Max Scheler44, Po
2350
philosophes chrétiens : L’Homme du ressentiment,
de
Max Scheler44, Position et approches concrètes du mystère ontologique
2351
ion et approches concrètes du mystère ontologique
45,
de Gabriel Marcel. L’un et l’autre, ils répondent au vœu que j’ai ten
2352
et approches concrètes du mystère ontologique 45,
de
Gabriel Marcel. L’un et l’autre, ils répondent au vœu que j’ai tenté
2353
n et l’autre, ils répondent au vœu que j’ai tenté
de
formuler. Ils s’attaquent à cette « transmutation des valeurs » que t
2354
sserl et Martin Heidegger. On sait que la coutume
de
ces philosophes est de fonder leurs analyses sur des totalités, sur d
2355
er. On sait que la coutume de ces philosophes est
de
fonder leurs analyses sur des totalités, sur des unités d’expérience
2356
leurs analyses sur des totalités, sur des unités
d’
expérience sensible, saisies telles qu’elles se présentent au sein d’u
2357
grand service rendu par la phénoménologie, c’est
de
nous avoir délivrés d’une psychologie qui dissociait les unités vivan
2358
r la phénoménologie, c’est de nous avoir délivrés
d’
une psychologie qui dissociait les unités vivantes en éléments abstrai
2359
ensuite ces éléments sans tenir compte du sens et
de
l’intention de l’ensemble. La « totalité d’expérience et d’actions vé
2360
ments sans tenir compte du sens et de l’intention
de
l’ensemble. La « totalité d’expérience et d’actions vécues » que Sche
2361
ns et de l’intention de l’ensemble. La « totalité
d’
expérience et d’actions vécues » que Scheler étudie dans ce petit livr
2362
tion de l’ensemble. La « totalité d’expérience et
d’
actions vécues » que Scheler étudie dans ce petit livre, c’est le phén
2363
s aristocratiques. La haine jalouse et rancunière
de
l’esclave opprimé, a trouvé, selon Nietzsche, son expression détourné
2364
enversement des valeurs « nobles » qu’il ne cesse
de
reprocher au christianisme. Voici comment il le décrit : … l’impuiss
2365
ent il le décrit : … l’impuissance qui n’use pas
de
représailles devient par un mensonge, la « bonté » ; la craintive bas
2366
soumission : ils l’appellent Dieu). Ce qu’il y a
d’
inoffensif chez l’être faible, sa lâcheté, cette lâcheté dont il est r
2367
porte, inévitablement, cette lâcheté se pare ici
d’
un nom bien sonnant, et s’appelle « patience », parfois même « vertu »
2368
us seuls savons ce qu’ils font »). On parle aussi
de
l’« amour de ses ennemis » et l’on « sue à grosses gouttes ». Il est
2369
ns ce qu’ils font »). On parle aussi de l’« amour
de
ses ennemis » et l’on « sue à grosses gouttes ». Il est facile de di
2370
et l’on « sue à grosses gouttes ». Il est facile
de
dire que Nietzsche exagère ; plus difficile de contester la cruelle p
2371
le de dire que Nietzsche exagère ; plus difficile
de
contester la cruelle pénétration dont témoigne un passage de ce genre
2372
r la cruelle pénétration dont témoigne un passage
de
ce genre. Mais si l’on donne raison à sa description du ressentiment
2373
ue Nietzsche allègue. Pour Scheler, les reproches
de
Nietzsche s’adressent en vérité à l’humanitarisme, et nullement à l’É
2374
humanitaires, qui me paraît renfermer l’essentiel
de
son livre. Le lecteur se sent pris de vertige à découvrir la profonde
2375
l’essentiel de son livre. Le lecteur se sent pris
de
vertige à découvrir la profondeur et la gravité des confusions morale
2376
nais pas de plus salutaire leçon pour un chrétien
d’
aujourd’hui que ce chapitre impitoyable et précis. Voici sa thèse cent
2377
ale : nous en sommes venus à substituer « l’amour
de
l’humanité » à l’amour du prochain commandé par le Christ : et c’est
2378
andé par le Christ : et c’est au nom de cet amour
de
l’humanité que nous revendiquons les fausses valeurs décrites par Nie
2379
crites par Nietzsche. Nous ne voulons plus l’acte
d’
amour personnel — qui est une valeur héroïque —, mais nous prônons tou
2380
ons tout simplement un sentiment que nous jugeons
d’
autant plus « idéal » qu’il exige de nous un moindre sacrifice. (On él
2381
nous jugeons d’autant plus « idéal » qu’il exige
de
nous un moindre sacrifice. (On éloigne l’amour : ainsi l’amour de la
2382
re sacrifice. (On éloigne l’amour : ainsi l’amour
de
la patrie passe avant celui du prochain, l’amour du genre humain avan
2383
du prochain, l’amour du genre humain avant celui
de
la patrie.) Cet humanitarisme entraîne toute une série de perversions
2384
trie.) Cet humanitarisme entraîne toute une série
de
perversions : un certain altruisme d’abord, qui prend la place de l’a
2385
un certain altruisme d’abord, qui prend la place
de
l’acte de miséricorde ; une pitié veule et platonique qui est le cont
2386
n altruisme d’abord, qui prend la place de l’acte
de
miséricorde ; une pitié veule et platonique qui est le contraire du c
2387
onique qui est le contraire du courage et non pas
de
la cruauté ; un internationalisme qui n’est qu’une rancune contre la
2388
e ; un pacifisme qui traduit bien plus la crainte
de
« se faire des ennemis » que la surnaturelle paix annoncée par le Chr
2389
ceux qui luttent (dans leurs luttes et au-dessus
d’
elles) ; un égalitarisme qui renie la réalité chrétienne de la vocatio
2390
; un égalitarisme qui renie la réalité chrétienne
de
la vocation… Je suis loin d’épuiser la liste. L’extrême gravité que p
2391
a réalité chrétienne de la vocation… Je suis loin
d’
épuiser la liste. L’extrême gravité que présentent ces perversions de
2392
L’extrême gravité que présentent ces perversions
de
l’Évangile vient de ce que les chrétiens s’y sont laissés prendre. C’
2393
ns s’y sont laissés prendre. C’est tout le procès
de
la morale laïque, ou kantienne, qu’amorce ici Scheler. Je ne veux don
2394
’il propose. L’Épargne, autrefois participation
de
l’idéal évangélique de la pauvreté volontaire, c’est-à-dire de la not
2395
e, autrefois participation de l’idéal évangélique
de
la pauvreté volontaire, c’est-à-dire de la notion de sacrifice, et, p
2396
angélique de la pauvreté volontaire, c’est-à-dire
de
la notion de sacrifice, et, par ailleurs, qualité pratique (et non pa
2397
la pauvreté volontaire, c’est-à-dire de la notion
de
sacrifice, et, par ailleurs, qualité pratique (et non pas vertu) reco
2398
est désormais une vertu sans lien avec la notion
de
sacrifice ou avec l’idéal évangélique et, pour comble, vertu de riche
2399
u avec l’idéal évangélique et, pour comble, vertu
de
riche, mais qui retient encore le pathos chrétien que renferme le mot
2400
lignes décrivent assez bien le mouvement général
de
la critique de Scheler. À l’origine de toutes les valeurs bourgeoises
2401
nt assez bien le mouvement général de la critique
de
Scheler. À l’origine de toutes les valeurs bourgeoises il n’y a pas l
2402
nt général de la critique de Scheler. À l’origine
de
toutes les valeurs bourgeoises il n’y a pas la Loi, ni l’Évangile, il
2403
e, il y a tout au contraire une sournoise révolte
de
l’homme naturel, une poussée de ressentiment contre l’héroïsme chréti
2404
sournoise révolte de l’homme naturel, une poussée
de
ressentiment contre l’héroïsme chrétien ; à l’origine de l’amour de l
2405
entiment contre l’héroïsme chrétien ; à l’origine
de
l’amour de l’humanité, il y a, comme Fichte l’avait vu, une haine des
2406
ntre l’héroïsme chrétien ; à l’origine de l’amour
de
l’humanité, il y a, comme Fichte l’avait vu, une haine des hommes ; b
2407
a morale usurpe l’apparence évangélique, en haine
de
l’Évangile et de ses exigences concrètes. Est-il besoin de marquer, p
2408
’apparence évangélique, en haine de l’Évangile et
de
ses exigences concrètes. Est-il besoin de marquer, pour finir, que ce
2409
gile et de ses exigences concrètes. Est-il besoin
de
marquer, pour finir, que cette critique de l’esprit bourgeois englobe
2410
besoin de marquer, pour finir, que cette critique
de
l’esprit bourgeois englobe également le socialisme humanitaire et le
2411
isme humanitaire et le marxisme, qui sont, à tant
d’
égards, de simples aveux des tendances plus ou moins déguisées du bour
2412
itaire et le marxisme, qui sont, à tant d’égards,
de
simples aveux des tendances plus ou moins déguisées du bourgeois ? ⁂
2413
t du moins où il écrivait L’Homme du ressentiment
47,
M. Marcel est catholique. Sa méditation sur le Mystère ontologique es
2414
ait publiée depuis sa conversion. On est heureux
de
constater qu’elle marque un élargissement en même temps qu’une simpli
2415
élargissement en même temps qu’une simplification
de
sa pensée, par rapport au Journal métaphysique. M. Marcel est un de c
2416
rapport au Journal métaphysique. M. Marcel est un
de
ceux dont nous devons attendre qu’il fasse passer de l’air dans la ph
2417
ceux dont nous devons attendre qu’il fasse passer
de
l’air dans la philosophie française ; un de ceux pour lesquels philos
2418
asser de l’air dans la philosophie française ; un
de
ceux pour lesquels philosopher ne figure pas l’activité de ceux qui n
2419
our lesquels philosopher ne figure pas l’activité
de
ceux qui n’en veulent point avoir. Son essai manifeste une volonté tr
2420
avoir. Son essai manifeste une volonté très nette
de
passer outre aux prudences intéressées de la scolastique laïque. Nos
2421
s nette de passer outre aux prudences intéressées
de
la scolastique laïque. Nos après-venants seront sans doute fort étonn
2422
Nos après-venants seront sans doute fort étonnés
d’
apprendre qu’il fallait, en 1934, un courage véritable pour utiliser e
2423
doute fort étonnés d’apprendre qu’il fallait, en
1934,
un courage véritable pour utiliser en philosophie des motifs tels que
2424
ce, la présence ou la fidélité. Certes, l’exemple
de
la phénoménologie a ouvert la voie à une nouvelle liberté de la pensé
2425
ménologie a ouvert la voie à une nouvelle liberté
de
la pensée ; mais, jusqu’ici, peu l’ont suivie, en France. Sachons gré
2426
uivie, en France. Sachons gré à M. Gabriel Marcel
de
nous donner l’exemple d’une « présence » et d’une « fidélité » vraime
2427
gré à M. Gabriel Marcel de nous donner l’exemple
d’
une « présence » et d’une « fidélité » vraiment chrétienne. « Philosop
2428
el de nous donner l’exemple d’une « présence » et
d’
une « fidélité » vraiment chrétienne. « Philosopher, c’est apprendre à
2429
é permanente du suicide est en ce sens48 le point
d’
amorçage peut-être essentiel de toute pensée métaphysique » (p. 276).
2430
ce sens48 le point d’amorçage peut-être essentiel
de
toute pensée métaphysique » (p. 276). Je ne puis résumer que les thèm
2431
que » (p. 276). Je ne puis résumer que les thèmes
d’
une méditation qui se propose pour objet d’approcher le mystère indéfi
2432
thèmes d’une méditation qui se propose pour objet
d’
approcher le mystère indéfinissable de l’être. « Il faut qu’il y ait,
2433
pour objet d’approcher le mystère indéfinissable
de
l’être. « Il faut qu’il y ait, dit M. Marcel, ou il faudrait qu’il y
2434
y ait, dit M. Marcel, ou il faudrait qu’il y eût
de
l’être, que tout ne se réduisît pas à un jeu d’apparences successives
2435
t de l’être, que tout ne se réduisît pas à un jeu
d’
apparences successives et inconsistantes — ce dernier mot est essentie
2436
mot est essentiel — ou, pour reprendre la phrase
de
Shakespeare, à une histoire racontée par un idiot » (p. 261). C’est u
2437
ontée par un idiot » (p. 261). C’est une histoire
de
ce genre qui caractérise malheureusement l’existence de l’homme moder
2438
genre qui caractérise malheureusement l’existence
de
l’homme moderne, emprisonné dans la catégorie du « tout naturel » inc
2439
tégorie du « tout naturel » incapable, par suite,
de
s’interroger sur les sources de son être. Les philosophes lui sont de
2440
pable, par suite, de s’interroger sur les sources
de
son être. Les philosophes lui sont de peu de recours. Ils ont fait de
2441
les sources de son être. Les philosophes lui sont
de
peu de recours. Ils ont fait de l’être un problème qu’ils placent dev
2442
losophes lui sont de peu de recours. Ils ont fait
de
l’être un problème qu’ils placent devant eux et qu’ils se mettent à c
2443
u ! Mais, dit l’auteur, « je ne puis me dispenser
de
me demander du même coup : qui suis-je, moi qui questionne sur l’être
2444
p : qui suis-je, moi qui questionne sur l’être ? »
49
(p. 264). Le problème devient alors tout autre chose qu’un problème
2445
’en approcher figure déjà par elle-même une sorte
de
participation concrète à l’être. Démarche négative du désespoir, posi
2446
l’être. Démarche négative du désespoir, positive
de
l’espérance, — elles sont inséparables jusqu’au bout, note M. Marcel,
2447
ui m’apparaît ici très « dialectique » — démarche
de
la création qui va toujours dans le sens de l’être, à condition qu’el
2448
arche de la création qui va toujours dans le sens
de
l’être, à condition qu’elle soit soutenue par une fidélité que l’aute
2449
l usage entièrement légitime qu’elle puisse faire
de
sa liberté consiste précisément à reconnaître qu’elle ne s’appartient
2450
rçu si schématique fait tort au caractère concret
de
cette méditation. Si son mérite principal est à mes yeux d’avoir reva
2451
éditation. Si son mérite principal est à mes yeux
d’
avoir revalorisé un certain nombre de motifs vitaux négligés par la te
2452
t à mes yeux d’avoir revalorisé un certain nombre
de
motifs vitaux négligés par la technique idéaliste, d’autre part, il f
2453
te, d’autre part, il faut vivement louer l’auteur
de
conserver à chaque page le souci des références à l’actuel. La descri
2454
références à l’actuel. La description qu’il fait
de
l’homme moderne réduit à un complexe de fonctions ; ses allusions au
2455
u’il fait de l’homme moderne réduit à un complexe
de
fonctions ; ses allusions au désordre social ; la corrélation qu’il i
2456
chnique et une philosophie du désespoir, — autant
de
traits qui nous assurent que les problèmes débattus dans ce livre son
2457
ent que les problèmes débattus dans ce livre sont
de
ceux qui se posent ; non point de ceux que l’on se plaît à poser grat
2458
s ce livre sont de ceux qui se posent ; non point
de
ceux que l’on se plaît à poser gratuitement pour esquiver les choix c
2459
démarche assez sinueuse, le titre un peu rebutant
de
cet essai, ne nous empêcheront pas de voir qu’il y a là les éléments
2460
eu rebutant de cet essai, ne nous empêcheront pas
de
voir qu’il y a là les éléments d’une critique pénétrante de nos modes
2461
empêcheront pas de voir qu’il y a là les éléments
d’
une critique pénétrante de nos modes de vivre, je dirai plus : quelque
2462
’il y a là les éléments d’une critique pénétrante
de
nos modes de vivre, je dirai plus : quelques-uns des fondements d’une
2463
s éléments d’une critique pénétrante de nos modes
de
vivre, je dirai plus : quelques-uns des fondements d’une éthique de l
2464
ivre, je dirai plus : quelques-uns des fondements
d’
une éthique de l’être qu’il est urgent que les chrétiens opposent à la
2465
plus : quelques-uns des fondements d’une éthique
de
l’être qu’il est urgent que les chrétiens opposent à la « morale des
2466
me disait Nietzsche — qui domine notre société.
43.
On trouvera dans les excellents articles d’Henry Corbin, publiés par
2467
é. 43. On trouvera dans les excellents articles
d’
Henry Corbin, publiés par Hic et Nunc (n° 1 et 2), le développement de
2468
icles d’Henry Corbin, publiés par Hic et Nunc (n°
1
et 2), le développement de cette thèse : que philosopher ne peut être
2469
d’Henry Corbin, publiés par Hic et Nunc (n° 1 et
2
), le développement de cette thèse : que philosopher ne peut être qu’u
2470
iés par Hic et Nunc (n° 1 et 2), le développement
de
cette thèse : que philosopher ne peut être qu’une forme de vivre. 44
2471
thèse : que philosopher ne peut être qu’une forme
de
vivre. 44. Librairie Gallimard, collect. Les Essais. Traduit de l’al
2472
philosopher ne peut être qu’une forme de vivre.
44.
Librairie Gallimard, collect. Les Essais. Traduit de l’allemand par u
2473
Librairie Gallimard, collect. Les Essais. Traduit
de
l’allemand par un anonyme. 45. Cet essai constitue la seconde partie
2474
es Essais. Traduit de l’allemand par un anonyme.
45.
Cet essai constitue la seconde partie d’un volume intitulé le Monde c
2475
onyme. 45. Cet essai constitue la seconde partie
d’
un volume intitulé le Monde cassé. La première partie est un drame en
2476
e Monde cassé. La première partie est un drame en
quatre
actes qui n’est pas à proprement parler une illustration de l’essai,
2477
ui n’est pas à proprement parler une illustration
de
l’essai, mais qui est né dans le même temps, et participe de la même
2478
mais qui est né dans le même temps, et participe
de
la même problématique (Desclée, De Brouwer). 46. Cf. Généalogie de l
2479
, et participe de la même problématique (Desclée,
De
Brouwer). 46. Cf. Généalogie de la Morale (Mercure de France). 47.
2480
de la même problématique (Desclée, De Brouwer).
46.
Cf. Généalogie de la Morale (Mercure de France). 47. Converti au cat
2481
atique (Desclée, De Brouwer). 46. Cf. Généalogie
de
la Morale (Mercure de France). 47. Converti au catholicisme après av
2482
Cf. Généalogie de la Morale (Mercure de France).
47.
Converti au catholicisme après avoir écrit ses premières œuvres, et d
2483
it percer par endroits, dans ce livre, une espèce
de
ressentiment à l’égard de la Réforme : d’où une série d’erreurs assez
2484
espèce de ressentiment à l’égard de la Réforme :
d’
où une série d’erreurs assez grossières sur Luther. 48. L’auteur ente
2485
entiment à l’égard de la Réforme : d’où une série
d’
erreurs assez grossières sur Luther. 48. L’auteur entend : relativeme
2486
une série d’erreurs assez grossières sur Luther.
48.
L’auteur entend : relativement à la possibilité universelle du désesp
2487
hement avec Kierkegaard me paraît s’imposer ici.
49.
M. Marcel introduit ici le motif du recueillement, qui lui paraît ess
2488
me paraît dangereusement lié à certain idéalisme
de
la « vie intérieure ». Je ne vois pas où le recueillement décrit par
2489
a place, entre la prière et l’acte, seuls moments
d’
unité dans la vie du chrétien. v. Rougemont Denis de, « Deux essais
2490
ité dans la vie du chrétien. v. Rougemont Denis
de
, « Deux essais de philosophes chrétiens », Foi et Vie, Paris, mai 193
2491
ns la vie du chrétien. v. Rougemont Denis de, «
Deux
essais de philosophes chrétiens », Foi et Vie, Paris, mai 1934, p. 41
2492
chrétien. v. Rougemont Denis de, « Deux essais
de
philosophes chrétiens », Foi et Vie, Paris, mai 1934, p. 415-422.
2493
e philosophes chrétiens », Foi et Vie, Paris, mai
1934,
p. 415-422.
2494
Notice biographique [Kierkegaard] (août
1934
)w Søren Kierkegaard naquit à Copenhague en 1813, et y mourut en 18
2495
934)w Søren Kierkegaard naquit à Copenhague en
1813,
et y mourut en 1855. Presque toute son œuvre, une vingtaine de volume
2496
gaard naquit à Copenhague en 1813, et y mourut en
1855.
Presque toute son œuvre, une vingtaine de volumes, à quoi nous pouvon
2497
t en 1855. Presque toute son œuvre, une vingtaine
de
volumes, à quoi nous pouvons ajouter dix-huit volumes de papiers post
2498
vingtaine de volumes, à quoi nous pouvons ajouter
dix-huit
volumes de papiers posthumes, fut composée en l’espace de douze année
2499
mes, à quoi nous pouvons ajouter dix-huit volumes
de
papiers posthumes, fut composée en l’espace de douze années. Le père
2500
es de papiers posthumes, fut composée en l’espace
de
douze années. Le père de Kierkegaard avait passé son enfance à garder
2501
de papiers posthumes, fut composée en l’espace de
douze
années. Le père de Kierkegaard avait passé son enfance à garder les m
2502
udit le Dieu tout-puissant qui le laissait mourir
de
faim. Ce blasphème assombrit toute sa vie ; il ne l’empêcha pas de fa
2503
hème assombrit toute sa vie ; il ne l’empêcha pas
de
faire fortune. Et c’est ainsi que Kierkegaard reçut en héritage de so
2504
Et c’est ainsi que Kierkegaard reçut en héritage
de
son père, après une sévère éducation piétiste, un secret terrifiant e
2505
tira son œuvre ; sa fortune, il la confia à l’un
de
ses frères, ne voulant pas avoir affaire aux banques. Lorsqu’il mouru
2506
as avoir affaire aux banques. Lorsqu’il mourut, à
42
ans, il n’en subsistait rien. L’argent provenait d’une malédiction, p
2507
ans, il n’en subsistait rien. L’argent provenait
d’
une malédiction, pensait-il, il l’avait donc dilapidé, surtout en dons
2508
ait très simple. Il travaillait une grande partie
de
la nuit. Il aimait se promener à l’aube. Puis il se remettait à écrir
2509
idi, on le voyait parcourir la rue la plus animée
de
la ville, parler, rire et discuter avec des bourgeois, des jeunes fil
2510
ilhouette, ses plaisanteries, il avait sa légende
d’
« original ». On savait aussi qu’il était le meilleur écrivain de son
2511
On savait aussi qu’il était le meilleur écrivain
de
son pays. Sa première œuvre eut un immense succès ; mais à mesure qu’
2512
omprendre, le public s’écarta, effrayé. Lorsqu’en
1854
il se mit à attaquer de front, avec une extrême violence, le christia
2513
rta, effrayé. Lorsqu’en 1854 il se mit à attaquer
de
front, avec une extrême violence, le christianisme officiel et les év
2514
nt tous les hommes ». Le seul événement extérieur
de
sa vie fut la rupture de ses fiançailles avec Régine Olsen. Mais son
2515
seul événement extérieur de sa vie fut la rupture
de
ses fiançailles avec Régine Olsen. Mais son acte, après lequel il put
2516
ais son acte, après lequel il put mourir, certain
d’
avoir accompli sa mission, ce fut son attaque contre le christianisme
2517
Christ de l’Évangile. Il avait terminé les études
de
théologie, mais il ne fut jamais pasteur. Il lui arriva pourtant de p
2518
il ne fut jamais pasteur. Il lui arriva pourtant
de
prêcher, et ses sermons, réunis sous le titre général de Discours d’é
2519
sermons, réunis sous le titre général de Discours
d’
édification, remplissent plusieurs volumes. Ce furent les seuls écrits
2520
Tous ses ouvrages esthétiques et philosophiques,
de
la Répétition à l’Exercice du christianisme, en passant par la Maladi
2521
christianisme, en passant par la Maladie mortelle
50
et le Concept d’angoisse, parurent sous divers pseudonymes symbolique
2522
passant par la Maladie mortelle 50 et le Concept
d’
angoisse, parurent sous divers pseudonymes symboliques. Il voulait sig
2523
ces ouvrages n’exprimaient pas encore la totalité
de
son message chrétien, et qu’il ne pouvait pas en assumer l’entière re
2524
Dieu et devant les hommes. Ce ne fut qu’à la fin
de
sa vie qu’il s’offrit sans masques à la lutte contre l’Église établie
2525
te à tendance religieuse » et non pas un « témoin
de
la vérité » ; c’est qu’il se faisait du christianisme une idée si pur
2526
La philosophie allemande contemporaine, avec ses
deux
grands maîtres, Heidegger et Jaspers, procède de sa philosophie de l’
2527
eux grands maîtres, Heidegger et Jaspers, procède
de
sa philosophie de l’existence. La théologie barthienne se réclame de
2528
, Heidegger et Jaspers, procède de sa philosophie
de
l’existence. La théologie barthienne se réclame de sa thèse principal
2529
e l’existence. La théologie barthienne se réclame
de
sa thèse principale : « Il y a une différence qualitative infinie ent
2530
entre Dieu et l’homme. » Le sens réel et profond
de
toute son œuvre réside dans sa protestation à la fois violente et hum
2531
. Voici le jugement qu’un des meilleurs critiques
de
ce temps51 a porté sur l’ensemble de ses écrits : Kierkegaard fut le
2532
rs critiques de ce temps51 a porté sur l’ensemble
de
ses écrits : Kierkegaard fut le dernier grand protestant. On ne peut
2533
le… L’œuvre la plus profonde et la plus originale
de
Kierkegaard est son Concept de l’angoisse, auquel on ne peut trouver
2534
la plus originale de Kierkegaard est son Concept
de
l’angoisse, auquel on ne peut trouver d’analogie que chez Dostoïevski
2535
Concept de l’angoisse, auquel on ne peut trouver
d’
analogie que chez Dostoïevski. Kierkegaard, d’ailleurs, ne peut être p
2536
ne peut être placé qu’à côté du poète russe. Tous
deux
marchent de pair, et aucun autre esprit du siècle ne les dépasse.
2537
lacé qu’à côté du poète russe. Tous deux marchent
de
pair, et aucun autre esprit du siècle ne les dépasse. 50. Traduite
2538
t aucun autre esprit du siècle ne les dépasse.
50.
Traduite en français sous le titre de Traité du désespoir. 51. Rudo
2539
épasse. 50. Traduite en français sous le titre
de
Traité du désespoir. 51. Rudolf Kassner, dans Commerce, n° XII. w.
2540
français sous le titre de Traité du désespoir.
51.
Rudolf Kassner, dans Commerce, n° XII. w. Rougemont Denis de, « Not
2541
ésespoir. 51. Rudolf Kassner, dans Commerce, n°
XII
. w. Rougemont Denis de, « Notice biographique [Kierkegaard] », Foi
2542
sner, dans Commerce, n° XII. w. Rougemont Denis
de
, « Notice biographique [Kierkegaard] », Foi et Vie, Paris, août–septe
2543
Kierkegaard] », Foi et Vie, Paris, août–septembre
1934,
p. 602-604.
2544
Nécessité
de
Kierkegaard (août 1934)x On appelle l’esprit… De quoi se plai
2545
Nécessité de Kierkegaard (août
1934
)x On appelle l’esprit… De quoi se plaint l’intelligence ? Si
2546
kegaard (août 1934)x On appelle l’esprit…
De
quoi se plaint l’intelligence ? Si l’on en croit les écrits les plus
2547
nce ? Si l’on en croit les écrits les plus dignes
de
formuler son opinion, et qui sont pleins d’amères protestations contr
2548
ignes de formuler son opinion, et qui sont pleins
d’
amères protestations contre le règne de la masse et les outrages diver
2549
ont pleins d’amères protestations contre le règne
de
la masse et les outrages divers encourus par l’individu, les Puissanc
2550
issances anonymes et le Standard seraient en voie
de
triompher, et ce serait aux dépens de l’humain. Au sein de cette cris
2551
xistence vient-il produire ? Car il est excellent
de
défendre son moi, surtout lorsqu’il détient plus de réalité que l’ano
2552
défendre son moi, surtout lorsqu’il détient plus
de
réalité que l’anonyme. Mais encore, il faudrait que ce moi fût fondé.
2553
udrait que ce moi fût fondé. Ce n’est pas évident
de
soi, si l’on peut dire : les marxistes le nient avec plus de passion
2554
l’on peut dire : les marxistes le nient avec plus
de
passion que les bourgeois n’apportent à l’affirmer. D’un côté, nous v
2555
ssion que les bourgeois n’apportent à l’affirmer.
D’
un côté, nous voyons une foi, de l’autre, une mauvaise humeur, et cert
2556
ent à l’affirmer. D’un côté, nous voyons une foi,
de
l’autre, une mauvaise humeur, et certains pensent : une mauvaise cons
2557
ombre est plus précieux que le petit : Que la vie
de
l’esprit n’est possible que si l’on a d’abord assuré l’autre vie, la
2558
e vie, la vie des corps, les conditions physiques
de
l’existence. Que la justice est dans l’égalité de tous, et la vertu d
2559
de l’existence. Que la justice est dans l’égalité
de
tous, et la vertu dans l’opinion publique. Que l’histoire évolue selo
2560
évolue selon des lois fatales, et que la volonté
de
quelques-uns n’y changera rien. Que la révolte, enfin, d’un seul cont
2561
ues-uns n’y changera rien. Que la révolte, enfin,
d’
un seul contre la foule serait la marque d’un affreux orgueil, si d’ab
2562
enfin, d’un seul contre la foule serait la marque
d’
un affreux orgueil, si d’abord elle ne témoignait d’un ridicule défaut
2563
un affreux orgueil, si d’abord elle ne témoignait
d’
un ridicule défaut de sens pratique. Et que disent alors les bourgeois
2564
i d’abord elle ne témoignait d’un ridicule défaut
de
sens pratique. Et que disent alors les bourgeois ? Les mêmes phrases,
2565
par le fait qu’ils y croient. Il s’agirait alors
de
croire à quelque chose qui légitime ce scepticisme ou cette « mesure
2566
»… Sinon la foi des uns, fatalement, va triompher
de
la mauvaise humeur défensive des autres. Certes, on y a pensé. Les pl
2567
ertes, on y a pensé. Les plus hardis parlent déjà
de
rendre sa place à « l’esprit »… Mais, quel esprit ? Et qui l’a laissé
2568
e est plus grand que la foule anonyme, que la vie
de
l’esprit n’est possible que si l’on a d’abord renoncé à l’autre vie ;
2569
on a d’abord renoncé à l’autre vie ; que les lois
de
l’histoire ne sont rien si l’acte de l’homme les dément ; que la foi
2570
que les lois de l’histoire ne sont rien si l’acte
de
l’homme les dément ; que la foi d’un seul est plus forte, dans son hu
2571
rien si l’acte de l’homme les dément ; que la foi
d’
un seul est plus forte, dans son humilité et devant Dieu, — car c’est
2572
si chacun n’est pas à sa place là où la vocation
de
Dieu l’a mis. Supposez qu’un tel homme existe. Que va-t-on faire de l
2573
upposez qu’un tel homme existe. Que va-t-on faire
de
lui, de ce héros, n’est-ce pas, des valeurs de l’esprit que justement
2574
qu’un tel homme existe. Que va-t-on faire de lui,
de
ce héros, n’est-ce pas, des valeurs de l’esprit que justement l’on fa
2575
re de lui, de ce héros, n’est-ce pas, des valeurs
de
l’esprit que justement l’on fait profession de défendre ? La biograph
2576
rs de l’esprit que justement l’on fait profession
de
défendre ? La biographie de Kierkegaard va nous l’apprendre. On comme
2577
l’on fait profession de défendre ? La biographie
de
Kierkegaard va nous l’apprendre. On commencera par mettre en doute so
2578
octeur Søren Kierkegaard ? C’est l’homme dépourvu
de
sérieux », lit-on dans un journal du temps. On se moquera de son aspe
2579
», lit-on dans un journal du temps. On se moquera
de
son aspect physique et de ses pantalons trop longs. On montrera sans
2580
du temps. On se moquera de son aspect physique et
de
ses pantalons trop longs. On montrera sans trop de peine que ses idée
2581
e ses pantalons trop longs. On montrera sans trop
de
peine que ses idées sont faites pour rendre la vie impossible, puisqu
2582
rtyre des braves chrétiens, comme si la religion,
de
toute éternité, n’était pas au contraire la façon la plus sage de sup
2583
é, n’était pas au contraire la façon la plus sage
de
supporter les maux de ce bas monde tel qu’il est ! L’Église, par la v
2584
raire la façon la plus sage de supporter les maux
de
ce bas monde tel qu’il est ! L’Église, par la voix de ses évêques, te
2585
e bas monde tel qu’il est ! L’Église, par la voix
de
ses évêques, tentera de prouver qu’il extravague ; on proposera en pu
2586
t ! L’Église, par la voix de ses évêques, tentera
de
prouver qu’il extravague ; on proposera en public de l’interdire d’ac
2587
prouver qu’il extravague ; on proposera en public
de
l’interdire d’accès au temple ; l’opinion unanime accablera son fol o
2588
xtravague ; on proposera en public de l’interdire
d’
accès au temple ; l’opinion unanime accablera son fol orgueil : n’a-t-
2589
ol orgueil : n’a-t-il pas écrit que la presse est
de
nos jours l’obstacle décisif à la prédication du christianisme vérita
2590
tous… » Cela se passait à Copenhague, en l’année
1855.
Depuis lors, il est vrai, les choses ont bien changé. On dirait même
2591
qu’elles sont au pire, mais il faut prendre garde
de
laisser croire à nos contemporains que ce pire ne puisse être aggravé
2592
Qu’est-ce que l’esprit ? Donc, on nous parle
de
sauver l’esprit. Qu’est-ce que l’esprit ? « L’esprit, dit Kierkegaard
2593
dit Kierkegaard, c’est la puissance que le savoir
d’
un homme exerce sur sa vie.52 » Ce n’est pas le savoir ; ce n’est pas
2594
s la puissance du savoir en exercice. Il y a bien
de
la différence. Le savoir autonome, ou la puissance, font décorer celu
2595
tre même au martyre. Ne soyez donc pas si pressés
de
défendre les « droits » de l’esprit : ce n’est pas une distinction. E
2596
ez donc pas si pressés de défendre les « droits »
de
l’esprit : ce n’est pas une distinction. Et lequel d’entre nous peut
2597
il a calculé la dépense ? Il faudrait bien savoir
de
quoi l’on parle, et ce n’est peut-être possible que si l’on sait bien
2598
l’on sait bien où l’on va. À quoi tend la pensée…
de
Kierkegaard ? Contre la presse et l’opinion publique, il proteste en
2599
multitudes, il revendique la charité mystérieuse
de
l’ironie ; contre l’histoire, il pose l’acte de l’homme responsable d
2600
e de l’ironie ; contre l’histoire, il pose l’acte
de
l’homme responsable de son destin. Mais tout cela va au martyre, dans
2601
l’histoire, il pose l’acte de l’homme responsable
de
son destin. Mais tout cela va au martyre, dans le monde qu’on nous pr
2602
Il se peut, si pourtant Dieu le veut. L’exigence
de
Kierkegaard se limite à l’instant du choix, où l’homme s’engage, « en
2603
chemin que Dieu lui montre, seul. Cette primauté
de
la foi sur les vérités qui font vivre, cette solitude première devant
2604
en cela que revendiquent les défenseurs du primat
de
l’esprit ? L’esprit est drame, attaque et risque. Et l’on peut douter
2605
rober, mais c’est une triste réponse à la révolte
de
ces pauvres qu’on redoute plus qu’on ne les aime… Si l’on voulait vra
2606
ne les aime… Si l’on voulait vraiment un champion
de
l’esprit, on ferait bien d’aller le prendre parmi ceux-là pour qui l’
2607
vraiment un champion de l’esprit, on ferait bien
d’
aller le prendre parmi ceux-là pour qui l’esprit n’a pas à se défendre
2608
prit n’a pas à se défendre, mais bien à témoigner
de
son incarnation ; on ferait bien d’aller à ceux pour qui l’esprit n’e
2609
n à témoigner de son incarnation ; on ferait bien
d’
aller à ceux pour qui l’esprit n’est pas une espèce de confort, mais u
2610
ler à ceux pour qui l’esprit n’est pas une espèce
de
confort, mais une aventure absolue et comme un jugement de l’homme ;
2611
t, mais une aventure absolue et comme un jugement
de
l’homme ; ainsi Pascal, Nietzsche, Dostoïevski. On pourrait en citer
2612
ourrait en citer quelques autres. Qu’ont-ils donc
de
commun, génie à part ? Peut-être leurs souffrances seulement. Mais s’
2613
leurs souffrances seulement. Mais s’il n’est pas
de
hiérarchie possible en ces parages, le sacrifice y tient lieu de mesu
2614
elle est la nouvelle grandeur, la nouvelle mesure
de
l’esprit. Nous irons donc à ce grand solitaire, à ce témoin extrême e
2615
n extrême et décisif dont la mort, comme un sceau
d’
éternité, attesta dans sa plénitude la primauté de l’acte spirituel :
2616
d’éternité, attesta dans sa plénitude la primauté
de
l’acte spirituel : Kierkegaard. Le grand mal de l’époque, et la terre
2617
é de l’acte spirituel : Kierkegaard. Le grand mal
de
l’époque, et la terreur que commencent d’y semer nos faux dieux, ont
2618
and mal de l’époque, et la terreur que commencent
d’
y semer nos faux dieux, ont réveillé quelques esprits, dont témoigne l
2619
e, ou pour mieux dire, la découverte, parmi nous,
de
cette pensée impitoyable. Remède du pire ? Il fallait bien qu’on se s
2620
her le médecin sévère que la santé moins déprimée
d’
un autre siècle avait tué. C’est aussi qu’il est devenu possible de sa
2621
avait tué. C’est aussi qu’il est devenu possible
de
saisir, dans le déploiement des faits, et des plus marquants de l’épo
2622
s le déploiement des faits, et des plus marquants
de
l’époque, la vérité des anathèmes dont Kierkegaard salua leur naissan
2623
ur naissance. Nous nous tournons vers ce prophète
de
nos malheurs, nous retournons à l’origine où il se tient, nous metton
2624
où il se tient, nous mettons en lui notre espoir
de
trouver un autre chemin : un chemin qui ne mène à Rome, ni à Berlin,
2625
ren Kierkegaard est sans doute le penseur capital
de
notre époque, nous voulons dire : l’objection la plus absolue, la plu
2626
presque insupportable à la présence dans ce temps
de
l’éternel. Car il ne suffit pas d’applaudir à ses thèses pour apaiser
2627
dans ce temps de l’éternel. Car il ne suffit pas
d’
applaudir à ses thèses pour apaiser ce regard qui nous perce, et si no
2628
es sourds à sa voix, comment étouffer le scandale
de
cette mort qui définit le destin de l’esprit parmi nous ? Si l’Opinio
2629
r le scandale de cette mort qui définit le destin
de
l’esprit parmi nous ? Si l’Opinion publique a tué Kierkegaard, elle n
2630
inion publique a tué Kierkegaard, elle n’a pas eu
de
prise sur les sarcasmes dont il l’a flétrie, plus charitables cependa
2631
cours en l’honneur du progrès, car tout l’honneur
de
notre temps sera peut-être, par une compensation mystérieuse, d’avoir
2632
sera peut-être, par une compensation mystérieuse,
d’
avoir compris mieux qu’aucun autre le message du « solitaire devant Di
2633
, reparaître les traits ironiques du grand visage
de
Kierkegaard, il me vient à l’esprit une image dont le burlesque n’aur
2634
que n’aurait pas déplu à l’humeur shakespearienne
de
notre philosophe. C’est l’image du chat d’Alice in Wonderland. Souven
2635
rienne de notre philosophe. C’est l’image du chat
d’
Alice in Wonderland. Souvenez-vous de ce chat, immense et subversif, d
2636
mage du chat d’Alice in Wonderland. Souvenez-vous
de
ce chat, immense et subversif, dont le rire a le don d’exaspérer la R
2637
chat, immense et subversif, dont le rire a le don
d’
exaspérer la Reine. Elle tempête et hurle son cri favori : « Qu’on lui
2638
pose autour de cette angoissante mimique. Le rire
de
Kierkegaard sur notre temps ! Dans un monde où règne la masse, règne
2639
evant le dictateur, ni dans les rangs des troupes
d’
assaut. Ah ! si le rire est le propre de l’homme, nous voici devenus b
2640
s troupes d’assaut. Ah ! si le rire est le propre
de
l’homme, nous voici devenus bien inhumains ! Il semble que chacun por
2641
blé par tous les malheurs du temps, dont il feint
de
se croire victime ou responsable53. De cet homme, justement, que l’Hi
2642
t il feint de se croire victime ou responsable53.
De
cet homme, justement, que l’Histoire fait trembler et qui se réfugie
2643
voir un film pour s’oublier dans un drame fictif,
de
cet homme affolé par la lecture de son journal, — mais qui porte l’en
2644
drame fictif, de cet homme affolé par la lecture
de
son journal, — mais qui porte l’enfer dans son âme ! — Kierkegaard a
2645
ini ». Il faut risquer cette expression : le rire
de
la charité chrétienne. « Le christianisme a découvert une misère dont
2646
xistence ; et c’est la maladie mortelle (le péché)
54.
L’homme naturel a beau dénombrer tout l’horrible, et tout épuiser, le
2647
rire scandaleux ? Parce que « la crainte infinie
d’
un seul danger nous rendrait tous les autres inexistants ». Mais cette
2648
us les autres inexistants ». Mais cette « crainte
d’
un seul danger » peut-elle encore, sérieusement, caractériser le chrét
2649
ore, sérieusement, caractériser le chrétien moyen
de
ce temps ? C’est ici que l’ironie de Kierkegaard tourne son aiguillon
2650
rétien moyen de ce temps ? C’est ici que l’ironie
de
Kierkegaard tourne son aiguillon contre le « monde chrétien », celui
2651
ontre le « monde chrétien », celui qui se réclame
de
l’esprit, ou qui fait profession de l’appeler. « Le Nouveau Testament
2652
ui se réclame de l’esprit, ou qui fait profession
de
l’appeler. « Le Nouveau Testament ressemble à une satire de l’homme.
2653
er. « Le Nouveau Testament ressemble à une satire
de
l’homme. Il contient des consolations et encore des consolations pour
2654
ine… » Et c’est la tragi-comédie du christianisme
de
la chrétienté. Pauvre chrétien moyen, qu’as-tu souffert pour ta doctr
2655
endant choisir. Ou bien tu crois à la seule grâce
de
Dieu, dans l’abîme infini où tu te vois, ou bien tu crois aussi à ce
2656
ù tu te vois, ou bien tu crois aussi à ce sérieux
de
l’existence symbolisé par la caisse d’épargne. Ou bien tu joues toute
2657
ce sérieux de l’existence symbolisé par la caisse
d’
épargne. Ou bien tu joues toute ta vie sur le pardon, ou bien tu te re
2658
. Ou bien tu vois que la question brûlante, c’est
de
savoir si toi, tu es chrétien, ou bien tu vitupères les sans-Dieu de
2659
u es chrétien, ou bien tu vitupères les sans-Dieu
de
Russie. Mais sais-tu bien de quoi tu souffres ? De ton péché ou de ce
2660
upères les sans-Dieu de Russie. Mais sais-tu bien
de
quoi tu souffres ? De ton péché ou de celui des autres ? Comique amer
2661
e Russie. Mais sais-tu bien de quoi tu souffres ?
De
ton péché ou de celui des autres ? Comique amer et infini de ce « cro
2662
ais-tu bien de quoi tu souffres ? De ton péché ou
de
celui des autres ? Comique amer et infini de ce « croyant » qui tremb
2663
é ou de celui des autres ? Comique amer et infini
de
ce « croyant » qui tremble pour le sort de l’esprit dans le monde, et
2664
infini de ce « croyant » qui tremble pour le sort
de
l’esprit dans le monde, et pour son sort dans le monde sans esprit, e
2665
craintifs ? Attendrons-nous toujours le « réveil
de
la masse » pour affirmer que tous ces dieux sont des faux dieux ? Mai
2666
ent l’esprit ? Mais non, nous appelons le « règne
de
l’esprit », c’est bien moins dangereux ; tous en seront… « Deux quest
2667
», c’est bien moins dangereux ; tous en seront… «
Deux
questions — dit encore Kierkegaard — témoignent de l’esprit : 1) Ce q
2668
x questions — dit encore Kierkegaard — témoignent
de
l’esprit : 1) Ce qu’on nous prêche, est-ce possible ? 2) Puis-je le f
2669
dit encore Kierkegaard — témoignent de l’esprit :
1
) Ce qu’on nous prêche, est-ce possible ? 2) Puis-je le faire ? Deux q
2670
prit : 1) Ce qu’on nous prêche, est-ce possible ?
2
) Puis-je le faire ? Deux questions témoignent de l’absence de l’espri
2671
s prêche, est-ce possible ? 2) Puis-je le faire ?
Deux
questions témoignent de l’absence de l’esprit : 1) Est-ce réel ? 2) M
2672
? 2) Puis-je le faire ? Deux questions témoignent
de
l’absence de l’esprit : 1) Est-ce réel ? 2) Mon voisin Christofersen
2673
le faire ? Deux questions témoignent de l’absence
de
l’esprit : 1) Est-ce réel ? 2) Mon voisin Christofersen l’a-t-il fait
2674
x questions témoignent de l’absence de l’esprit :
1
) Est-ce réel ? 2) Mon voisin Christofersen l’a-t-il fait ? l’a-t-il r
2675
gnent de l’absence de l’esprit : 1) Est-ce réel ?
2
) Mon voisin Christofersen l’a-t-il fait ? l’a-t-il réellement fait ?
2676
ersen l’a-t-il fait ? l’a-t-il réellement fait ? »
55
Nous posons toujours la dernière question. Nous ne croyons pas à l’e
2677
sa doctrine… » (Mais non ! il souffre simplement
de
ce que tous ne l’ont pas admise) « … et il apporte sa consolation, et
2678
société ; il paraît devant une assemblée choisie
d’
élus, et prêche avec émotion sur ce texte qu’il a choisi lui-même : “D
2679
es petits et les méprisés”, et personne ne rit ! »
56.
C’est alors que paraît le rire de Kierkegaard. Ce n’est pas le rire
2680
nne ne rit ! »56. C’est alors que paraît le rire
de
Kierkegaard. Ce n’est pas le rire d’un Molière : Molière fait rire la
2681
raît le rire de Kierkegaard. Ce n’est pas le rire
d’
un Molière : Molière fait rire la foule au dépens de l’extravagant. Ma
2682
un Molière : Molière fait rire la foule au dépens
de
l’extravagant. Mais Kierkegaard rit tout seul de la foule, de son sér
2683
de l’extravagant. Mais Kierkegaard rit tout seul
de
la foule, de son sérieux théâtral et fervent, et de sa peur de toute
2684
gant. Mais Kierkegaard rit tout seul de la foule,
de
son sérieux théâtral et fervent, et de sa peur de toute extravagance.
2685
la foule, de son sérieux théâtral et fervent, et
de
sa peur de toute extravagance. « On peut leur faire faire ce qu’on ve
2686
de son sérieux théâtral et fervent, et de sa peur
de
toute extravagance. « On peut leur faire faire ce qu’on veut, que ce
2687
il veut l’originalité. « Voilà pourquoi la Parole
de
Dieu est telle qu’on y trouve quelque passage qui dise le contraire d
2688
on y trouve quelque passage qui dise le contraire
d’
un autre. » Car l’apparence de la contradiction nous oblige à choisir,
2689
i dise le contraire d’un autre. » Car l’apparence
de
la contradiction nous oblige à choisir, fait à la foi sa place, nous
2690
tion : c’est pourquoi ils se sentent unis en elle
d’
une manière si touchante, et c’est ce qu’ils appellent l’amour.57 » Ri
2691
e, qui ressemble peut-être à la pitié énigmatique
d’
un Dostoïevski. Ici tout le visage de Kierkegaard se recompose. Et l’o
2692
énigmatique d’un Dostoïevski. Ici tout le visage
de
Kierkegaard se recompose. Et l’on voit que son rire n’est rien que la
2693
que son rire n’est rien que la douleur du témoin
de
l’Esprit au milieu de la foule. L’originalité Qu’entend-il par
2694
oule. L’originalité Qu’entend-il par ce mot
d’
originalité ? Il faut en rapporter le sens au centre même de sa pensée
2695
ité ? Il faut en rapporter le sens au centre même
de
sa pensée, ou si l’on veut, de son action. Et ce centre, c’est « la c
2696
ens au centre même de sa pensée, ou si l’on veut,
de
son action. Et ce centre, c’est « la catégorie du solitaire ». Bien d
2697
ici possibles ; que l’on écarte, au premier pas,
trois
mots qui faussent tout : anarchie, romantisme, individu. Il n’est que
2698
ut : anarchie, romantisme, individu. Il n’est que
de
les mesurer à la réalité dernière de l’homme. Qu’est-ce que l’homme ?
2699
Il n’est que de les mesurer à la réalité dernière
de
l’homme. Qu’est-ce que l’homme ? Une créature. Qu’est-ce que son ordr
2700
. Mais comment cela se peut-il, sinon par l’effet
de
la foi ? Il faut que Dieu l’appelle, qu’il le nomme et par là le sépa
2701
ui qui répond à la foi, cet appel. Quand on parle
de
romantisme, d’anarchie, d’individualisme, on ne parle jamais que de r
2702
la foi, cet appel. Quand on parle de romantisme,
d’
anarchie, d’individualisme, on ne parle jamais que de révolte, mais d’
2703
appel. Quand on parle de romantisme, d’anarchie,
d’
individualisme, on ne parle jamais que de révolte, mais d’une révolte,
2704
narchie, d’individualisme, on ne parle jamais que
de
révolte, mais d’une révolte, en fin de compte, imaginaire. Car l’ordr
2705
dualisme, on ne parle jamais que de révolte, mais
d’
une révolte, en fin de compte, imaginaire. Car l’ordre de ce monde est
2706
évolte, en fin de compte, imaginaire. Car l’ordre
de
ce monde est lui-même en révolte contre l’ordre reçu de Dieu, qui ser
2707
monde est lui-même en révolte contre l’ordre reçu
de
Dieu, qui sera l’Ordre du Royaume. Et nier une négation, c’est s’enfo
2708
hrétien est position, obéissance. Si donc l’appel
de
Dieu isole du monde un homme, c’est que le monde, dans sa forme déchu
2709
devant Dieu, c’est celui qui se tient à l’origine
de
sa réalité. Celui-là seul connaît sa fin et l’ordre éternel de sa vie
2710
. Celui-là seul connaît sa fin et l’ordre éternel
de
sa vie. Celui-là seul peut juger de ce monde, et s’y tenir comme n’ét
2711
ordre éternel de sa vie. Celui-là seul peut juger
de
ce monde, et s’y tenir comme n’étant pas tenu. Il n’est pas d’autre «
2712
et s’y tenir comme n’étant pas tenu. Il n’est pas
d’
autre « réaction » contre « le siècle », pas d’autre révolution créatr
2713
as d’autre « réaction » contre « le siècle », pas
d’
autre révolution créatrice. Et tous nos appels à l’esprit, s’ils ne so
2714
ciétés), à la révolution, au capital, au jugement
de
l’opinion publique ; nous croyons au passé, au collectif, à l’avenir,
2715
istence qu’on leur prête : hélas ! il serait faux
de
dire qu’ils n’en ont pas… Mais encore une fois, ce n’est pas échapper
2716
ce n’est pas échapper aux chimères publiques que
de
les dénoncer pour telles en vertu d’une idée de l’homme que la raison
2717
e de les dénoncer pour telles en vertu d’une idée
de
l’homme que la raison païenne admet fort bien : nietzschéisme agressi
2718
du démoniaque qui veut être soi-même, « en haine
de
l’existence et selon sa misère ». Cette révolte n’est pas fondée dans
2719
rmation effective du monde. Elle participe encore
de
la dégradation. « Une objection vraiment méchante s’arcboute toujours
2720
i qui recourt à son moi révolté contre les forces
d’
anéantissement, s’appuie sur le néant et précipite sa propre ruine. Le
2721
u’il ne peut être lui-même que par le droit divin
de
la Parole qui le distingue. Suprême humilité du solitaire ! Il ne sau
2722
ce n’est point qu’il la craigne, ou qu’il craigne
d’
y perdre le pauvre moi des psychologues, son reproche à la foule, c’es
2723
n reproche à la foule, c’est qu’elle n’exige rien
de
lui. La foule nous veut tout simplement irresponsables, par cela seul
2724
elle nous reconnaît pour siens. Elle est le lieu
de
rendez-vous des hommes qui se fuient, eux et leur vocation. Elle n’es
2725
ux et leur vocation. Elle n’est personne, et tire
de
là son assurance dans le crime. « Il ne s’est pas trouvé un seul sold
2726
main sur Caïus Marius, telle est la vérité. Mais
trois
ou quatre femmes, dans l’illusion d’être une foule et que personne pe
2727
Caïus Marius, telle est la vérité. Mais trois ou
quatre
femmes, dans l’illusion d’être une foule et que personne peut-être ne
2728
ité. Mais trois ou quatre femmes, dans l’illusion
d’
être une foule et que personne peut-être ne saurait dire qui l’avait f
2729
! Ô mensonge ! » La foule n’est rien que la fuite
de
chaque homme devant la responsabilité de son acte. « Car une foule es
2730
la fuite de chaque homme devant la responsabilité
de
son acte. « Car une foule est une abstraction, qui n’a pas de mains,
2731
« Car une foule est une abstraction, qui n’a pas
de
mains, mais chaque homme isolé a, dans la règle, deux mains, et lorsq
2732
mains, mais chaque homme isolé a, dans la règle,
deux
mains, et lorsqu’il porte ces deux mains sur Marius, ce sont ses main
2733
dans la règle, deux mains, et lorsqu’il porte ces
deux
mains sur Marius, ce sont ses mains, non celles de son voisin et non
2734
x mains sur Marius, ce sont ses mains, non celles
de
son voisin et non celles de la foule qui n’a pas de mains. » Tout seu
2735
ses mains, non celles de son voisin et non celles
de
la foule qui n’a pas de mains. » Tout seul en face du Christ, un homm
2736
son voisin et non celles de la foule qui n’a pas
de
mains. » Tout seul en face du Christ, un homme oserait-il s’avancer e
2737
oserait-il s’avancer et cracher au visage du Fils
de
Dieu ? Mais qu’il soit foule, il aura ce « courage », — il l’a eu. Il
2738
rue seulement. Elle est dans la pensée des hommes
de
ce temps. Tout le génie paradoxal et réaliste de Kierkegaard consiste
2739
de ce temps. Tout le génie paradoxal et réaliste
de
Kierkegaard consiste à l’avoir dénoncée au plus intime de l’existence
2740
egaard consiste à l’avoir dénoncée au plus intime
de
l’existence individuelle. Chaque fois que nous disons d’un de nos die
2741
istence individuelle. Chaque fois que nous disons
d’
un de nos dieux qu’il est puissant, nous témoignons de notre démission
2742
ce individuelle. Chaque fois que nous disons d’un
de
nos dieux qu’il est puissant, nous témoignons de notre démission. La
2743
de nos dieux qu’il est puissant, nous témoignons
de
notre démission. La foule n’a pas d’autre existence et pas d’autre po
2744
s témoignons de notre démission. La foule n’a pas
d’
autre existence et pas d’autre pouvoir que mon refus d’exister devant
2745
ission. La foule n’a pas d’autre existence et pas
d’
autre pouvoir que mon refus d’exister devant Dieu et d’exercer le pouv
2746
re existence et pas d’autre pouvoir que mon refus
d’
exister devant Dieu et d’exercer le pouvoir que je suis. Elle n’est qu
2747
re pouvoir que mon refus d’exister devant Dieu et
d’
exercer le pouvoir que je suis. Elle n’est que ma dégradation. Et tout
2748
oriques ou sociologiques sont comme une inversion
de
la théologie, sont une théologie de la dégradation. L’opposition de K
2749
une inversion de la théologie, sont une théologie
de
la dégradation. L’opposition de Kierkegaard et de Hegel59 trouve ici
2750
ont une théologie de la dégradation. L’opposition
de
Kierkegaard et de Hegel59 trouve ici son sens à la fois le plus profo
2751
de la dégradation. L’opposition de Kierkegaard et
de
Hegel59 trouve ici son sens à la fois le plus profond et le plus évid
2752
annir la possibilité scandaleuse des actes libres
de
la Providence. Entreprise effroyable et vaine, qui serait d’un comiqu
2753
dence. Entreprise effroyable et vaine, qui serait
d’
un comique insondable si seulement l’homme des masses ne venait aujour
2754
Comment lui échapper ? N’est-il pas la voix même
de
cette Âme du monde, cet Esprit de la Forme qui se croit le Réel et qu
2755
as la voix même de cette Âme du monde, cet Esprit
de
la Forme qui se croit le Réel et qui pourtant n’est rien que le péché
2756
té, notre réalité sans cesse menacée par l’Esprit
de
transformation ? Notre réalité fuyarde et qui pourtant, par un artifi
2757
réalité fuyarde et qui pourtant, par un artifice
de
l’angoisse, se proclame autonome, s’absolutise, et s’adore elle-même
2758
udrait se tenir, dans l’instant, « sous le regard
de
Dieu », comme disent les chrétiens. (Est-ce facile ? ou bien même pos
2759
facile ? ou bien même possible ? Est-ce un effet
de
notre choix, ou un moment de notre vie ? Ils en parlent bien aisément
2760
le ? Est-ce un effet de notre choix, ou un moment
de
notre vie ? Ils en parlent bien aisément…) Certains des plus lucides
2761
tends, à l’homme tel qu’il est, dans l’ordre même
de
son péché. Ainsi Maurras, lorsqu’il dénonce les mythes de l’hégéliani
2762
éché. Ainsi Maurras, lorsqu’il dénonce les mythes
de
l’hégélianisme social. « Le meilleur moyen de s’en affranchir sera d’
2763
hes de l’hégélianisme social. « Le meilleur moyen
de
s’en affranchir sera d’en revoir l’origine. Pour voiler le présent ce
2764
cial. « Le meilleur moyen de s’en affranchir sera
d’
en revoir l’origine. Pour voiler le présent certain, ils hypothèquent
2765
, mais pour gagner ce dernier gage, les habitudes
de
l’esprit religieux leur font concevoir une Âme du Monde qu’ils se fig
2766
is sans franchise, ni précision) comme une espèce
de
vertébré monstre, invisible, mystérieusement répandu et vaporisé dans
2767
r (comment et pourquoi ?) nos désirs. Cette sorte
de
providence brute tout à fait inintelligible est le simple succédané d
2768
out à fait inintelligible est le simple succédané
de
l’intelligible providence surnaturelle.61 » Mais qui ne voit que cett
2769
se vivre. Et comment vivrait-il sinon par l’appel
de
la Providence ? Et comment se rendre à l’appel, si l’on pose ses cond
2770
Toute-puissance des mythes ! « Le meilleur moyen
de
s’en affranchir sera d’en revoir l’origine. » Seul, Kierkegaard sait
2771
hes ! « Le meilleur moyen de s’en affranchir sera
d’
en revoir l’origine. » Seul, Kierkegaard sait nous la désigner, dans l
2772
Kierkegaard sait nous la désigner, dans le refus
de
cette « catégorie du solitaire », de l’homme qui vit de la Parole seu
2773
ans le refus de cette « catégorie du solitaire »,
de
l’homme qui vit de la Parole seulement, entre les temps, dans l’insta
2774
te « catégorie du solitaire », de l’homme qui vit
de
la Parole seulement, entre les temps, dans l’instant éternel. Le s
2775
ce hégélien, c’est l’objectivité : cette attitude
de
l’homme qui ne veut plus être sujet de son action, qui l’abandonne au
2776
e attitude de l’homme qui ne veut plus être sujet
de
son action, qui l’abandonne aux lois mythiques de l’histoire. Kierkeg
2777
de son action, qui l’abandonne aux lois mythiques
de
l’histoire. Kierkegaard au contraire nous répète : « La subjectivité
2778
jectivité est la vérité. » La liberté, la dignité
de
l’homme, c’est qu’il soit seul le sujet de sa vie. Mais encore faut-i
2779
ignité de l’homme, c’est qu’il soit seul le sujet
de
sa vie. Mais encore faut-il se garder d’entendre l’expression au sens
2780
le sujet de sa vie. Mais encore faut-il se garder
d’
entendre l’expression au sens des romantiques. Je suis sujet, mais il
2781
omantiques. Je suis sujet, mais il reste à savoir
d’
où vient ce je, comment il peut agir. S’agit-il d’un impérialisme du m
2782
d’où vient ce je, comment il peut agir. S’agit-il
d’
un impérialisme du moi pur, tel que Fichte l’a follement rêvé ? Si c’e
2783
du désespoir total. Maintenant, tu vas témoigner
de
la puissance que ton savoir exerce sur ta vie. Tu te croyais un moi :
2784
tombe du « héros », dernière insulte62. Il s’agit
de
savoir maintenant au nom de quoi tu agiras, si tu agis. Un « moi pur
2785
u agis. Un « moi pur », son premier devoir, c’est
de
persévérer dans son être agissant : en cette extrémité, le compromis
2786
évoltante que rien au monde ne pourrait permettre
d’
accepter, quand le martyr reçoit sa mort avec une sorte de sobriété… L
2787
er, quand le martyr reçoit sa mort avec une sorte
de
sobriété… Le croyant seul agit, et seul il peut être sujet de son act
2788
Le croyant seul agit, et seul il peut être sujet
de
son action, mais c’est qu’il est, dans l’autre sens du terme, « assuj
2789
qui vit en lui. C’est dans ce sens que la formule
de
Kierkegaard est vraie. La sujétion totale est seule active. Elle est
2790
. Elle est aussi présence au monde. Dans ce temps
de
la masse, où nous vivons, le « solitaire devant Dieu » est aussi l’ho
2791
lui, il peut réellement et jusqu’au bout accepter
de
vivre hic et nunc, quand la foule est ubiquité et fuite sans fin dans
2792
ou l’avenir. Un seul utile à tous La phrase
de
Carlyle est connue, résumant l’utilitarisme de Bentham : « Étant donn
2793
se de Carlyle est connue, résumant l’utilitarisme
de
Bentham : « Étant donné un monde plein de coquins, montrer que la ver
2794
tarisme de Bentham : « Étant donné un monde plein
de
coquins, montrer que la vertu est le résultat de leurs aspirations co
2795
de coquins, montrer que la vertu est le résultat
de
leurs aspirations collectives. » Renversant ce rapport il ne resterai
2796
» Renversant ce rapport il ne resterait à montrer
de
Kierkegaard que sa « catégorie du solitaire » est le seul fondement p
2797
rie du solitaire » est le seul fondement pratique
d’
une collectivité vraiment vivante. Cependant, il vaut mieux se garder
2798
iment vivante. Cependant, il vaut mieux se garder
d’
insister sur un tel rétablissement. Pour deux raisons, je crois. Qui,
2799
garder d’insister sur un tel rétablissement. Pour
deux
raisons, je crois. Qui, d’abord, parmi nous, oserait affirmer que cet
2800
ans autre, comme donnée ? La tentation est forte,
de
passer d’une critique des collectivités mensongères de ce temps à l’u
2801
comme donnée ? La tentation est forte, de passer
d’
une critique des collectivités mensongères de ce temps à l’utopie d’un
2802
sser d’une critique des collectivités mensongères
de
ce temps à l’utopie d’une communauté chrétienne, par l’artifice indis
2803
collectivités mensongères de ce temps à l’utopie
d’
une communauté chrétienne, par l’artifice indispensable, mais peut-êtr
2804
indispensable, mais peut-être aussi tout formel,
de
l’isolement devant Dieu. Et, d’autre part, l’acte du « solitaire » n’
2805
, d’autre part, l’acte du « solitaire » n’est pas
de
ceux dont nous ayons à développer les conséquences. Ou bien il est, e
2806
les conséquences. Ou bien il est, et c’est l’acte
de
Dieu, ou bien je l’imagine, et mon discours est vain. À qui pressent,
2807
kegaard a témoigné, il n’apparaît plus nécessaire
de
réfuter les objections du « sens social ». Plusieurs ouvrages de Kier
2808
objections du « sens social ». Plusieurs ouvrages
de
Kierkegaard portent cette dédicace fameuse : « Au solitaire que j’app
2809
se sent atteint, mais si l’on parle au solitaire
de
son angoisse, c’est de la mienne. Kierkegaard s’adresse au chrétien,
2810
si l’on parle au solitaire de son angoisse, c’est
de
la mienne. Kierkegaard s’adresse au chrétien, comme au seul responsab
2811
i nous. Il sait bien qu’en tous temps, le malheur
de
l’époque ne provient pas de ce qu’elle est « sans Dieu », car nul siè
2812
ous temps, le malheur de l’époque ne provient pas
de
ce qu’elle est « sans Dieu », car nul siècle, comme tel, ne fut jamai
2813
mme tel, ne fut jamais chrétien, mais bien plutôt
de
ce qu’elle est sans maîtres, c’est-à-dire sans martyrs pour l’enseign
2814
saveur, c’est à lui seul que l’on peut reprocher
d’
être insipide. Rien ne sera jamais réel pour tous, si rien d’abord n’e
2815
aider ?). Ou bien seulement nous a-t-il délivrés
de
nos derniers prétextes, de nos dernières incertitudes sur la nature e
2816
t nous a-t-il délivrés de nos derniers prétextes,
de
nos dernières incertitudes sur la nature et sur les exigences concrèt
2817
udes sur la nature et sur les exigences concrètes
de
l’esprit ? Mais ne fallait-il pas qu’il ait connu de grandes aides po
2818
l’esprit ? Mais ne fallait-il pas qu’il ait connu
de
grandes aides pour oser nous montrer la vanité de toutes les nôtres ?
2819
de grandes aides pour oser nous montrer la vanité
de
toutes les nôtres ? Somnium narrare vigilantis est. L’aveu total de n
2820
es ? Somnium narrare vigilantis est. L’aveu total
de
notre désespoir témoigne seul de la consolation. 52. Journal, tom
2821
st. L’aveu total de notre désespoir témoigne seul
de
la consolation. 52. Journal, tome X. 53. « Là encore, le clerc m
2822
tre désespoir témoigne seul de la consolation.
52.
Journal, tome X. 53. « Là encore, le clerc moderne est protestant »
2823
gne seul de la consolation. 52. Journal, tome
X.
53. « Là encore, le clerc moderne est protestant », ajoute M. Benda,
2824
seul de la consolation. 52. Journal, tome X.
53.
« Là encore, le clerc moderne est protestant », ajoute M. Benda, qui,
2825
e est protestant », ajoute M. Benda, qui, en fait
de
protestants, ne connaît guère que Renouvier, son maître… 54. Jean XI
2826
nts, ne connaît guère que Renouvier, son maître…
54.
Jean XI, 4. 55. Stades sur le chemin de la vie. 56. L’instant. 5
2827
ît guère que Renouvier, son maître… 54. Jean XI,
4.
55. Stades sur le chemin de la vie. 56. L’instant. 57. Journal.
2828
uère que Renouvier, son maître… 54. Jean XI, 4.
55.
Stades sur le chemin de la vie. 56. L’instant. 57. Journal. 58.
2829
ître… 54. Jean XI, 4. 55. Stades sur le chemin
de
la vie. 56. L’instant. 57. Journal. 58. Traité du désespoir, p.
2830
ean XI, 4. 55. Stades sur le chemin de la vie.
56.
L’instant. 57. Journal. 58. Traité du désespoir, p. 156. 59. Je
2831
Stades sur le chemin de la vie. 56. L’instant.
57.
Journal. 58. Traité du désespoir, p. 156. 59. Je ne reviendrai pa
2832
hemin de la vie. 56. L’instant. 57. Journal.
58.
Traité du désespoir, p. 156. 59. Je ne reviendrai pas, ici, sur l’a
2833
57. Journal. 58. Traité du désespoir, p. 156.
59.
Je ne reviendrai pas, ici, sur l’aspect philosophique de cette opposi
2834
e reviendrai pas, ici, sur l’aspect philosophique
de
cette opposition, que Jean Wahl a remarquablement exposé dans un arti
2835
ean Wahl a remarquablement exposé dans un article
de
la Revue philosophique (nov.-déc. 1931). 60. Journal. 61. Le chem
2836
s un article de la Revue philosophique (nov.-déc.
1931
). 60. Journal. 61. Le chemin du paradis, p. 269. C’est moi qui so
2837
icle de la Revue philosophique (nov.-déc. 1931).
60.
Journal. 61. Le chemin du paradis, p. 269. C’est moi qui souligne.
2838
e philosophique (nov.-déc. 1931). 60. Journal.
61.
Le chemin du paradis, p. 269. C’est moi qui souligne. 62. Pourquoi
2839
emin du paradis, p. 269. C’est moi qui souligne.
62.
Pourquoi poser la question à propos d’un cas aussi exceptionnel que l
2840
ire : « “Moi, je ne le puis pas.” Et s’il est fou
de
penser que tous doivent l’être, il est encore beaucoup plus fou qu’au
2841
ux nécessités quotidiennes est encore un prétexte
de
l’angoisse. Si la vie quotidienne est si peu dramatique, cela ne sign
2842
fameuse « vie quotidienne » n’est peut-être rien
d’
autre qu’un dernier méfait de « la foule » dans notre existence morale
2843
n’est peut-être rien d’autre qu’un dernier méfait
de
« la foule » dans notre existence morale. Une question mal posée. Un
2844
rouble porté sur la réalité. x. Rougemont Denis
de
, « Nécessité de Kierkegaard », Foi et Vie, Paris, août–septembre 1934
2845
la réalité. x. Rougemont Denis de, « Nécessité
de
Kierkegaard », Foi et Vie, Paris, août–septembre 1934, p. 605-620.
2846
Kierkegaard », Foi et Vie, Paris, août–septembre
1934,
p. 605-620.
2847
Kasimir Edschmid, Destin allemand (octobre
1934
)y Le meilleur livre de l’année. Je crois bien pouvoir l’affirmer.
2848
tin allemand (octobre 1934)y Le meilleur livre
de
l’année. Je crois bien pouvoir l’affirmer. Le roman le plus fort, le
2849
le plus impressionnant, celui qui apporte le plus
de
nouveauté, d’humanité, de grandeur. J’ai d’autant plus envie de le di
2850
sionnant, celui qui apporte le plus de nouveauté,
d’
humanité, de grandeur. J’ai d’autant plus envie de le dire qu’on n’a p
2851
lui qui apporte le plus de nouveauté, d’humanité,
de
grandeur. J’ai d’autant plus envie de le dire qu’on n’a pas annoncé s
2852
plus de nouveauté, d’humanité, de grandeur. J’ai
d’
autant plus envie de le dire qu’on n’a pas annoncé sa parution à grand
2853
d’humanité, de grandeur. J’ai d’autant plus envie
de
le dire qu’on n’a pas annoncé sa parution à grand fracas, et qu’à ma
2854
ui n’est pas très étonnant, d’ailleurs. Il s’agit
d’
une œuvre allemande, d’un auteur inconnu en France jusqu’ici, d’un rom
2855
ant, d’ailleurs. Il s’agit d’une œuvre allemande,
d’
un auteur inconnu en France jusqu’ici, d’un roman qui veut dire quelqu
2856
lemande, d’un auteur inconnu en France jusqu’ici,
d’
un roman qui veut dire quelque chose — quelque chose qui ne plaira pas
2857
et qui le dit avec une puissance assez austère. ⁂
Six
chômeurs allemands, anciens officiers et sous-officiers pendant la gu
2858
rmée bolivienne, mais sans contrat, car le traité
de
Versailles interdit à la Bolivie d’utiliser les services des Allemand
2859
car le traité de Versailles interdit à la Bolivie
d’
utiliser les services des Allemands. Pendant leur traversée, un coup d
2860
es des Allemands. Pendant leur traversée, un coup
d’
État renverse le gouvernement qui les avait appelés officieusement. Il
2861
hercher fortune en Argentine, dans une plantation
de
thé où, d’ailleurs, la crise mondiale l’aura précédé. Les quatre autr
2862
d’ailleurs, la crise mondiale l’aura précédé. Les
quatre
autres atteignent enfin La Paz, capitale de la Bolivie, ville étrange
2863
s quatre autres atteignent enfin La Paz, capitale
de
la Bolivie, ville étrange, perdue à 4000 mètres d’altitude dans un dé
2864
, capitale de la Bolivie, ville étrange, perdue à
4000
mètres d’altitude dans un désert glacé, dominé par d’énormes cimes ne
2865
e la Bolivie, ville étrange, perdue à 4000 mètres
d’
altitude dans un désert glacé, dominé par d’énormes cimes neigeuses. L
2866
ètres d’altitude dans un désert glacé, dominé par
d’
énormes cimes neigeuses. Le ministre de la Guerre, un métis assez susp
2867
dominé par d’énormes cimes neigeuses. Le ministre
de
la Guerre, un métis assez suspect, les paye mais ne leur donne rien à
2868
ne rien à faire ; finalement, pour se débarrasser
d’
eux, il les fait tomber dans un piège grossier : un agent provocateur
2869
un engagement au Paraguay, qu’ils ont la naïveté
d’
accepter. Accusés de haute trahison, ils sont jetés aussitôt dans une
2870
raguay, qu’ils ont la naïveté d’accepter. Accusés
de
haute trahison, ils sont jetés aussitôt dans une prison infecte, avec
2871
on infecte, avec des Indiens lépreux. Le ministre
d’
Allemagne à La Paz, Pillau, réussit à les tirer de là après des semain
2872
d’Allemagne à La Paz, Pillau, réussit à les tirer
de
là après des semaines d’efforts fiévreux, durant lesquelles il éprouv
2873
lau, réussit à les tirer de là après des semaines
d’
efforts fiévreux, durant lesquelles il éprouve amèrement la faiblesse
2874
rant lesquelles il éprouve amèrement la faiblesse
de
son autorité, c’est-à-dire la faiblesse de l’Allemagne sur le plan in
2875
blesse de son autorité, c’est-à-dire la faiblesse
de
l’Allemagne sur le plan international. Les quatre hommes s’en vont à
2876
sse de l’Allemagne sur le plan international. Les
quatre
hommes s’en vont à Buenos Aires, et, là, à bout de ressources, accept
2877
os Aires, et, là, à bout de ressources, acceptent
de
collaborer à une révolution qui va bouleverser le Brésil. Ils retrouv
2878
n qui va bouleverser le Brésil. Ils retrouvent un
de
leurs compagnons du début, celui qui était parti pour le Venezuela, e
2879
ire tuer ensemble devant Rio de Janeiro, au cours
d’
un combat acharné contre une section des troupes régulières, dont le c
2880
ulières, dont le chef n’est autre que le planteur
de
thé, le sixième camarade. Voilà qui donne l’idée d’un roman d’aventur
2881
thé, le sixième camarade. Voilà qui donne l’idée
d’
un roman d’aventures. Destin allemand est bien, entre autres, un roman
2882
xième camarade. Voilà qui donne l’idée d’un roman
d’
aventures. Destin allemand est bien, entre autres, un roman d’aventure
2883
Destin allemand est bien, entre autres, un roman
d’
aventures, et même d’une intensité peu commune. Mais cet aspect-là, qu
2884
bien, entre autres, un roman d’aventures, et même
d’
une intensité peu commune. Mais cet aspect-là, qui suffit d’ailleurs à
2885
obsédant, ne suffit pas à expliquer l’impression
de
grandeur brutale et grave à la fois qui demeure dans l’esprit, bien a
2886
ésumé laisse à peine entrevoir le véritable sujet
de
l’œuvre, celui que désigne le titre. Ces six hommes63 ont été chassés
2887
sujet de l’œuvre, celui que désigne le titre. Ces
six
hommes63 ont été chassés de leur pays par une crise qui n’est pas seu
2888
ésigne le titre. Ces six hommes63 ont été chassés
de
leur pays par une crise qui n’est pas seulement économique, par une c
2889
nd. Ce dont ils souffrent, ce n’est pas seulement
de
manquer de travail et de ne pas gagner leur pain, mais c’est surtout
2890
ils souffrent, ce n’est pas seulement de manquer
de
travail et de ne pas gagner leur pain, mais c’est surtout de constate
2891
, ce n’est pas seulement de manquer de travail et
de
ne pas gagner leur pain, mais c’est surtout de constater que l’Allema
2892
et de ne pas gagner leur pain, mais c’est surtout
de
constater que l’Allemagne, pour laquelle ils se sont battus, n’a plus
2893
ur laquelle ils se sont battus, n’a plus la force
d’
utiliser leurs énergies, leurs vocations humaines. L’un d’eux est arch
2894
er leurs énergies, leurs vocations humaines. L’un
d’
eux est architecte, et il rêvait d’entreprises coloniales : mais on ne
2895
humaines. L’un d’eux est architecte, et il rêvait
d’
entreprises coloniales : mais on ne construit plus, là-bas, et il n’y
2896
is on ne construit plus, là-bas, et il n’y a plus
de
colonies. D’autres étaient mécaniciens, aviateurs ; un autre encore,
2897
mécaniciens, aviateurs ; un autre encore, employé
de
bureau ; le dernier, paysan. On n’a pas voulu d’eux, là-bas. Et les v
2898
de bureau ; le dernier, paysan. On n’a pas voulu
d’
eux, là-bas. Et les voici lancés dans une vie d’aventures qu’ils n’ava
2899
u d’eux, là-bas. Et les voici lancés dans une vie
d’
aventures qu’ils n’avaient pas voulue, qui les détourne de toutes leur
2900
res qu’ils n’avaient pas voulue, qui les détourne
de
toutes leurs espérances. Ce n’est point qu’ils aient peur, mais tout
2901
oce à supporter que ce sentiment-là ; l’absurdité
de
sa vie, l’absurdité du destin qu’on subit. Arrachés de leur terre et
2902
vie, l’absurdité du destin qu’on subit. Arrachés
de
leur terre et de leur peuple, ils s’en vont au-devant d’une existence
2903
du destin qu’on subit. Arrachés de leur terre et
de
leur peuple, ils s’en vont au-devant d’une existence qui n’a plus auc
2904
terre et de leur peuple, ils s’en vont au-devant
d’
une existence qui n’a plus aucun but, au-devant de souffrances qui ne
2905
d’une existence qui n’a plus aucun but, au-devant
de
souffrances qui ne servent à rien. Ce sont des hommes très simples et
2906
cilement. Seul Pillau, le ministre, l’incarnation
de
leur nation, saura leur dire le mot de ce destin. « Nous avons perdu
2907
ncarnation de leur nation, saura leur dire le mot
de
ce destin. « Nous avons perdu la guerre, Bell, et dans la situation o
2908
s affirmer que par le sacrifice… Il ne s’agit pas
de
ces sacrifices dont on s’acquitte avec son argent ou avec son travail
2909
cquitte avec son argent ou avec son travail, mais
de
sacrifices pour lesquels on joue sa propre existence intérieure. » Le
2910
joue sa propre existence intérieure. » Le destin
de
ces déracinés, ce sera désormais de porter en eux-mêmes l’image tragi
2911
. » Le destin de ces déracinés, ce sera désormais
de
porter en eux-mêmes l’image tragique de leur patrie, l’idée profonde
2912
désormais de porter en eux-mêmes l’image tragique
de
leur patrie, l’idée profonde de leur nation, que Pillau définit comme
2913
l’image tragique de leur patrie, l’idée profonde
de
leur nation, que Pillau définit comme la fidélité, et de tout sacrifi
2914
nation, que Pillau définit comme la fidélité, et
de
tout sacrifier à cette fidélité. À mesure qu’ils s’éloignent de leur
2915
ier à cette fidélité. À mesure qu’ils s’éloignent
de
leur patrie, cette image grandit en eux, prend forme et puissance, et
2916
ent. Mais leur drame s’exprime dans la méditation
de
Pillau, d’une manière non moins tragique. « Il découvrit, pour la pre
2917
eur drame s’exprime dans la méditation de Pillau,
d’
une manière non moins tragique. « Il découvrit, pour la première fois,
2918
ouvrit, pour la première fois, une forme nouvelle
de
patriotisme, une façon silencieuse, profonde, bouleversée, broyée, so
2919
uleversée, broyée, souffrante, et pourtant fière,
d’
être Allemand, de garder la tête haute pour l’Allemagne, et de partici
2920
, souffrante, et pourtant fière, d’être Allemand,
de
garder la tête haute pour l’Allemagne, et de participer au destin qui
2921
and, de garder la tête haute pour l’Allemagne, et
de
participer au destin qui lui était échu pour un temps. Ce destin qui
2922
’Allemagne, après la guerre, à vivre dans un état
de
guerre encore plus cruel qu’auparavant, et qui en faisait un pays pau
2923
ue Bell, le chef du petit groupe, agonise au fond
d’
une tranchée, sous les murs du fort de Capocabana, il a soudain la vis
2924
ise au fond d’une tranchée, sous les murs du fort
de
Capocabana, il a soudain la vision d’une Allemagne future renaissant
2925
urs du fort de Capocabana, il a soudain la vision
d’
une Allemagne future renaissant de son calvaire, purifiée et galvanisé
2926
udain la vision d’une Allemagne future renaissant
de
son calvaire, purifiée et galvanisée par ses sacrifices. La haute sta
2927
t galvanisée par ses sacrifices. La haute stature
de
Pillau se dresse devant lui. Une fois encore, Pillau lui montre le se
2928
is encore, Pillau lui montre le sens du sacrifice
de
« ces jeunes gens qui sont entrés dans le malheur la tête haute ». Ca
2929
ssédaient rien, qui ont écrit les pages héroïques
de
l’histoire, et non les gens âgés qui possédaient tout. Ces jeunes All
2930
tout. Ces jeunes Allemands qui doivent supporter,
de
nos jours, toutes les misères du monde au fond de leur exil, ceux-là
2931
de nos jours, toutes les misères du monde au fond
de
leur exil, ceux-là deviendront sûrement un matériel incomparable. Car
2932
r faire sentir à quelle hauteur se situe le drame
de
ce livre. Nous sommes bien loin de la « propagande » nationaliste et
2933
hitlériennes64. Nous sommes ici au nœud tragique
de
ce problème allemand qui domine l’après-guerre, et dont le dénouement
2934
s-guerre, et dont le dénouement doit nous laisser
d’
autant moins indifférents que notre sort à tous, Européens, y est enga
2935
opéens, y est engagé. À vrai dire, il est malaisé
de
faire la part, dans ce drame, de ce qui est national et de ce qui est
2936
, il est malaisé de faire la part, dans ce drame,
de
ce qui est national et de ce qui est plus généralement humain. Destin
2937
la part, dans ce drame, de ce qui est national et
de
ce qui est plus généralement humain. Destin allemand pourrait aussi s
2938
La condition humaine ». Et plusieurs des paroles
de
Pillau, — les plus belles peut-être — pourraient s’appliquer au desti
2939
lles peut-être — pourraient s’appliquer au destin
de
n’importe quelle nation, de n’importe quelle communauté. Le « fait na
2940
s’appliquer au destin de n’importe quelle nation,
de
n’importe quelle communauté. Le « fait nation », dans les dernières p
2941
é. Le « fait nation », dans les dernières phrases
de
Pillau, n’apparaît-il pas lié au seul malheur des hommes ? Et n’est-c
2942
es hommes ? Et n’est-ce point là le vrai tragique
de
l’Allemagne actuelle, que son destin la force à n’envisager plus le s
2943
ue son destin la force à n’envisager plus le sort
de
l’homme que sous l’aspect du sort de la nation ? Tel est, je crois, l
2944
plus le sort de l’homme que sous l’aspect du sort
de
la nation ? Tel est, je crois, le problème central qu’impose ce livre
2945
ait sur le point de vue strictement « allemand »
de
l’auteur, qu’il est peu de problèmes plus graves pour notre avenir im
2946
enfoncé profondément dans la vie africaine ; et,
de
toutes ces enquêtes passionnées, il rapporte une certitude assez impr
2947
essionnante : partout où il se crée quelque chose
de
durable dans le monde, c’est l’œuvre d’un blanc. Les blancs seuls ont
2948
que chose de durable dans le monde, c’est l’œuvre
d’
un blanc. Les blancs seuls ont su créer des empires solides, des valeu
2949
des empires solides, des valeurs morales stables,
de
la fidélité. Les blancs seuls savent tenir une parole, se sacrifier à
2950
re anglais se dissocie lentement. La France doute
de
sa mission. L’Espagne est morte, et le spectacle de la vie politique
2951
sa mission. L’Espagne est morte, et le spectacle
de
la vie politique en Amérique du Sud fait mesurer la déchéance d’une r
2952
ique en Amérique du Sud fait mesurer la déchéance
d’
une race qui n’a pas su se garder pure. Alors ? Serait-ce bientôt l’he
2953
se garder pure. Alors ? Serait-ce bientôt l’heure
de
l’Allemagne ? On sent partout cette interrogation, cette anxieuse esp
2954
rogation, cette anxieuse espérance, dans le livre
d’
Edschmid. Et l’on découvre, pour la première fois peut-être, l’arrière
2955
allemand, comme on lirait dans la conscience même
d’
un peuple. Il faut avoir éprouvé par ce livre la grandeur d’une telle
2956
e. Il faut avoir éprouvé par ce livre la grandeur
d’
une telle espérance, si l’on veut juger sainement la politique étrange
2957
si l’on veut juger sainement la politique étrange
de
cette nation. Mais j’ai dit que cette œuvre pourrait s’intituler tout
2958
ecteurs français en soient choqués — le sentiment
d’
une fraternité humaine que le roman d’André Malraux, qui porte précisé
2959
e sentiment d’une fraternité humaine que le roman
d’
André Malraux, qui porte précisément ce titre, était loin d’évoquer av
2960
lraux, qui porte précisément ce titre, était loin
d’
évoquer avec une pareille puissance. J’ai eu l’occasion de dire, ici m
2961
r avec une pareille puissance. J’ai eu l’occasion
de
dire, ici même, mon admiration pour les livres de M. Malraux. Je suis
2962
de dire, ici même, mon admiration pour les livres
de
M. Malraux. Je suis d’autant plus libre pour affirmer aujourd’hui que
2963
admiration pour les livres de M. Malraux. Je suis
d’
autant plus libre pour affirmer aujourd’hui que le roman d’Edschmid es
2964
plus libre pour affirmer aujourd’hui que le roman
d’
Edschmid est d’une classe nettement supérieure. J’ajouterai même que c
2965
affirmer aujourd’hui que le roman d’Edschmid est
d’
une classe nettement supérieure. J’ajouterai même que c’est un bel élo
2966
J’ajouterai même que c’est un bel éloge du talent
de
M. Malraux que de constater que ses livres sont les seuls ouvrages fr
2967
ue c’est un bel éloge du talent de M. Malraux que
de
constater que ses livres sont les seuls ouvrages français qu’on puiss
2968
lus sain ; moins complaisant surtout aux voluptés
de
l’aventure, à la psychologie de la douleur physique. Ses héros subiss
2969
tout aux voluptés de l’aventure, à la psychologie
de
la douleur physique. Ses héros subissent, avec un héroïsme et une rév
2970
t, avec un héroïsme et une révolte plus émouvants
d’
être silencieux, des tortures dont les héros de Malraux n’ont pas touj
2971
ts d’être silencieux, des tortures dont les héros
de
Malraux n’ont pas toujours renoncé à faire de la littérature. On comp
2972
ros de Malraux n’ont pas toujours renoncé à faire
de
la littérature. On comprend bien que je n’oppose pas ici le nationali
2973
uniste. Je ne partage pas plus les idées racistes
d’
Edschmid que les idées marxistes de Malraux (encore que l’un et l’autr
2974
idées racistes d’Edschmid que les idées marxistes
de
Malraux (encore que l’un et l’autre fassent figure d’hérétiques dans
2975
alraux (encore que l’un et l’autre fassent figure
d’
hérétiques dans leurs camps respectifs). Mais sur le plan de l’art rom
2976
es dans leurs camps respectifs). Mais sur le plan
de
l’art romanesque, autant que sur le plan généralement humain, je suis
2977
ur le plan généralement humain, je suis contraint
de
reconnaître qu’Edschmid est le plus authentique. Il y a, dans Destin
2978
hentique. Il y a, dans Destin allemand, un timbre
de
voix métallique, une sobriété amère et courageuse, un souffle, une gr
2979
ndeur enfin qui nous ramènent puissamment au sens
de
la réalité humaine, au sens de la dégradation humaine, au sens du péc
2980
uissamment au sens de la réalité humaine, au sens
de
la dégradation humaine, au sens du péché concret de l’homme. Et qui r
2981
la dégradation humaine, au sens du péché concret
de
l’homme. Et qui rendent à notre jugement une rigueur qui se perdait à
2982
i se perdait à soupeser des objets trop petits.
63.
Il est curieux de noter que pas une seule femme n’apparaît dans tout
2983
eser des objets trop petits. 63. Il est curieux
de
noter que pas une seule femme n’apparaît dans tout le roman. 64. Je
2984
s une seule femme n’apparaît dans tout le roman.
64.
Je ne sais quel sort le Troisième Reich a réservé à ce livre, qui par
2985
vé à ce livre, qui parut au moment de l’avènement
d’
Hitler. Mais je le crois trop franc et trop complexe à la fois pour av
2986
mplexe à la fois pour avoir l’agrément officiel.
65.
Le parallélisme est vraiment frappant : Malraux, comme Edschmid, a vo
2987
chmid, il en a tiré des conclusions sur le destin
de
la race blanche, qui forment l’arrière-plan idéologique de son œuvre.
2988
e blanche, qui forment l’arrière-plan idéologique
de
son œuvre. Leurs manières de décrire des combats où, entre deux bande
2989
ère-plan idéologique de son œuvre. Leurs manières
de
décrire des combats où, entre deux bandes de mitrailleuses, le héros
2990
. Leurs manières de décrire des combats où, entre
deux
bandes de mitrailleuses, le héros médite sur son sort, sont presque i
2991
ères de décrire des combats où, entre deux bandes
de
mitrailleuses, le héros médite sur son sort, sont presque identiques.
2992
situations extrêmes, où se dénude le fond secret
d’
un être, sa sauvagerie ou sa bonté fondamentale. L’homme ne s’avouera-
2993
même que dans les tortures ? y. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Kasimir Edschmid, Destin allemand », Foi et Vie, P
2994
allemand », Foi et Vie, Paris, octobre–novembre
1934,
p. 812-817.
2995
Notes en marge de Nietzsche (mars
1935
)z Il vient de paraître au Mercure de France un volumineux choix de
2996
paraître au Mercure de France un volumineux choix
de
sentences, aphorismes et notes tirés des papiers posthumes de Nietzsc
2997
, aphorismes et notes tirés des papiers posthumes
de
Nietzsche. On ne saurait surestimer l’importance de ces écrits demeur
2998
Nietzsche. On ne saurait surestimer l’importance
de
ces écrits demeurés longtemps inédits, et dont M. Henri-Jean Bolle, q
2999
ous affirme qu’ils constituent le texte véritable
d’
une œuvre dont les volumes parus du vivant de Nietzsche ne seraient gu
3000
e le commentaire. Je ne sais ce qu’il faut penser
d’
une allégation qui paraît à première vue aussi exorbitante : je n’ai l
3001
à première vue aussi exorbitante : je n’ai lu que
de
courts fragments des posthuma nietzschéens 66. Ce qui est certain, c’
3002
que de courts fragments des posthuma nietzschéens
66.
Ce qui est certain, c’est qu’un choix tel que celui qu’on vient de no
3003
nous donner, nous restitue la totalité des thèmes
de
l’œuvre, sous une forme souvent beaucoup plus directe que celle qu’ad
3004
raître. On ne saurait trop recommander la lecture
de
ce recueil aux esprits suffisamment armés de sens critique, de certit
3005
ture de ce recueil aux esprits suffisamment armés
de
sens critique, de certitudes théologiques, et de cette liberté spirit
3006
aux esprits suffisamment armés de sens critique,
de
certitudes théologiques, et de cette liberté spirituelle que confère
3007
de sens critique, de certitudes théologiques, et
de
cette liberté spirituelle que confère la connaissance vivante de « la
3008
é spirituelle que confère la connaissance vivante
de
« la seule chose nécessaire ». Rien de grand, dans l’ordre humain, ne
3009
ce vivante de « la seule chose nécessaire ». Rien
de
grand, dans l’ordre humain, ne peut être vraiment dangereux pour un c
3010
usement éprouvées ? La foi vraie suppose la ruine
de
toutes les pauvres constructions où nous pensions pouvoir nous abrite
3011
ire. M. Bolle a réparti les fragments traduits en
trois
rubriques : le philosophe, le moraliste, le politique. Je ne vois pas
3012
sophe, le moraliste, le politique. Je ne vois pas
de
meilleur moyen de donner aux lecteurs de Foi et Vie une idée, même
3013
e, le politique. Je ne vois pas de meilleur moyen
de
donner aux lecteurs de Foi et Vie une idée, même assez grossière, d
3014
vois pas de meilleur moyen de donner aux lecteurs
de
Foi et Vie une idée, même assez grossière, de la richesse de cet en
3015
s de Foi et Vie une idée, même assez grossière,
de
la richesse de cet ensemble, que de lire avec eux les quelques pages
3016
e une idée, même assez grossière, de la richesse
de
cet ensemble, que de lire avec eux les quelques pages de la première
3017
ez grossière, de la richesse de cet ensemble, que
de
lire avec eux les quelques pages de la première partie intitulées Rel
3018
ensemble, que de lire avec eux les quelques pages
de
la première partie intitulées Religion et christianisme. Je ne puis t
3019
e que celui-là même des aphorismes dans l’édition
de
M. Bolle. ⁂ Le sens historique n’est qu’une théologie masquée : “nou
3020
gnifiques”. Un but final plane devant les regards
de
l’homme. Le christianisme, qui maudit l’humanité et en sort quelques
3021
en sort quelques spécimens rares et réussis, est
de
fond en comble non historique, parce qu’il nie que les millénaires à
3022
en comble non historique, parce qu’il nie que les
millénaires
à venir puissent produire quelque chose qui ne soit pas, dès maintena
3023
e chose qui ne soit pas, dès maintenant et depuis
1800
ans, à la disposition de chacun. Si malgré cela, l’époque actuelle es
3024
s maintenant et depuis 1800 ans, à la disposition
de
chacun. Si malgré cela, l’époque actuelle est, dans son esprit, tout
3025
devenue païenne comme elle l’était il y a quelque
mille
ans. On croirait presque lire du Kierkegaard ! N’est-ce pas Kierkega
3026
egaard ! N’est-ce pas Kierkegaard, en effet, qui,
cinquante
ans avant Nietzsche, partait en guerre contre la philosophie de l’Évo
3027
ietzsche, partait en guerre contre la philosophie
de
l’Évolution selon Hegel, et dénonçait en elle non seulement un succéd
3028
énonçait en elle non seulement un succédané païen
de
l’idée de Providence, mais surtout une négation de la foi ? Car la fo
3029
n elle non seulement un succédané païen de l’idée
de
Providence, mais surtout une négation de la foi ? Car la foi est, sel
3030
e l’idée de Providence, mais surtout une négation
de
la foi ? Car la foi est, selon Kierkegaard, cette opération paradoxal
3031
Christ incarné, et qui nie par là même la valeur
de
tous les siècles qui nous séparent apparemment de cet événement étern
3032
de tous les siècles qui nous séparent apparemment
de
cet événement éternel. N’est-il pas fort étrange et humiliant, qu’il
3033
r le chrétien, n’est pas dans le Progrès indéfini
de
notre histoire, mais qu’il est venu sur la terre, et qu’il est dès ma
3034
reproche terrible au christianisme en le traitant
d’
agent « non historique ». Il faut croire que cet adversaire de Hegel é
3035
n historique ». Il faut croire que cet adversaire
de
Hegel était encore bien mal purgé de ses superstitions pseudo-scienti
3036
t adversaire de Hegel était encore bien mal purgé
de
ses superstitions pseudo-scientifiques ! Mais il n’importe. Ce qui es
3037
cidité avec laquelle Nietzsche décèle l’idolâtrie
de
notre temps, même s’il y participe pour son compte. Il est très vrai
3038
Il est très vrai que nos contemporains ont cessé
de
croire, dans l’ensemble, que le salut était déjà venu. Ils se sont mi
3039
nt mis à croire de nouveau que le Messie naîtrait
de
leurs efforts indéfinis vers le Progrès. Ils sont redevenus païens. L
3040
s. Ils sont redevenus païens. Les plus conscients
de
ce paganisme nouveau ont adopté sa vraie théologie : la dialectique h
3041
té sa vraie théologie : la dialectique historique
de
Karl Marx. En vertu de cet acte de foi, fait en révolte contre la vra
3042
que historique de Karl Marx. En vertu de cet acte
de
foi, fait en révolte contre la vraie foi, ils se persuadent que l’hum
3043
a meilleure, sera plus près de son « salut » dans
cent
ans qu’elle ne l’est aujourd’hui. Mais que dis-je, cent ans ! Il faut
3044
ns qu’elle ne l’est aujourd’hui. Mais que dis-je,
cent
ans ! Il faut à leur espoir de bien plus formidables chiffres. Ouvrez
3045
Mais que dis-je, cent ans ! Il faut à leur espoir
de
bien plus formidables chiffres. Ouvrez le dernier livre de M. Guéhenn
3046
lus formidables chiffres. Ouvrez le dernier livre
de
M. Guéhenno67, vous y trouverez cette confession ahurissante : « Un g
3047
un jour devant moi que nous avions derrière nous
deux
milliards d’années, devant nous dix mille milliards d’années. Nous so
3048
our devant moi que nous avions derrière nous deux
milliards
d’années, devant nous dix mille milliards d’années. Nous sommes des e
3049
moi que nous avions derrière nous deux milliards
d’
années, devant nous dix mille milliards d’années. Nous sommes des enfa
3050
errière nous deux milliards d’années, devant nous
dix
mille milliards d’années. Nous sommes des enfants de deux ans qui aur
3051
ère nous deux milliards d’années, devant nous dix
mille
milliards d’années. Nous sommes des enfants de deux ans qui auraient
3052
us deux milliards d’années, devant nous dix mille
milliards
d’années. Nous sommes des enfants de deux ans qui auraient encore dix
3053
lliards d’années, devant nous dix mille milliards
d’
années. Nous sommes des enfants de deux ans qui auraient encore dix mi
3054
mille milliards d’années. Nous sommes des enfants
de
deux ans qui auraient encore dix mille ans à vivre. L’esprit métaphys
3055
le milliards d’années. Nous sommes des enfants de
deux
ans qui auraient encore dix mille ans à vivre. L’esprit métaphysique
3056
ommes des enfants de deux ans qui auraient encore
dix
mille ans à vivre. L’esprit métaphysique me souffle : “Et après ?” Ma
3057
s des enfants de deux ans qui auraient encore dix
mille
ans à vivre. L’esprit métaphysique me souffle : “Et après ?” Mais je
3058
entifique et beaucoup plus conforme aux exigences
de
l’Histoire : le salut par la sempiternité. Mais n’est-ce point là ce
3059
eligieuse du monde sans l’acuité et la profondeur
de
l’intellect fait de la religion la chose la plus répugnante qui soit.
3060
ans l’acuité et la profondeur de l’intellect fait
de
la religion la chose la plus répugnante qui soit. Oui, je sais bien
3061
e la plus répugnante qui soit. Oui, je sais bien
de
quoi il souffre, et contre quelle espèce déprimante de piétistes, arr
3062
oi il souffre, et contre quelle espèce déprimante
de
piétistes, arrogants dans leur bêtise, il se défend. Et pourtant, je
3063
lectuelle du monde sans l’acuité et la profondeur
de
la foi fait de l’intelligence la chose la plus répugnante qui soit. »
3064
nde sans l’acuité et la profondeur de la foi fait
de
l’intelligence la chose la plus répugnante qui soit. » Il faut perdr
3065
bonne fois aux « croyances » héritées sans examen
de
son milieu, aux idoles édifiées par ses bons sentiments ou par sa peu
3066
s édifiées par ses bons sentiments ou par sa peur
de
la réalité, celui-là n’est pas né à la foi. Il n’a pas la mâchoire so
3067
les remarques amères qu’il ne pouvait s’empêcher
de
former au spectacle de la chrétienté et dans sa nostalgie d’un christ
3068
u spectacle de la chrétienté et dans sa nostalgie
d’
un christianisme vrai. Mais Nietzsche ? Est-ce mépris tout simplement
3069
? Ou bien plutôt, dernier défi, secrète angoisse
de
ne pouvoir parvenir lui-même à prendre le repas sacré plus au sérieux
3070
rendre le repas sacré plus au sérieux que le menu
de
sa pension ? « Même pour l’homme le plus pieux… » jugez des autres !
3071
l’homme le plus pieux… » jugez des autres ! Jugez
de
moi ! semble-t-il dire. Et c’est ainsi que l’incroyant se juge chaque
3072
s. Les religions se consolident dans des périodes
de
grands troubles et d’insécurité. Lorsque tout cède, on se cramponne à
3073
nsolident dans des périodes de grands troubles et
d’
insécurité. Lorsque tout cède, on se cramponne à l’illusion de l’au-de
3074
. Lorsque tout cède, on se cramponne à l’illusion
de
l’au-delà. Parfaitement valable pour les religions, cette sentence e
3075
sière, voire naïve, si Nietzsche entendait parler
de
la foi. La foi, qui donne à l’homme la vision réaliste du péché, crée
3076
’elle n’en résulte. Ce qui résulte inévitablement
d’
une crise que la foi ne résout pas (en lui substituant une autre crise
3077
omme. Le « retour étemel » est alors le type même
de
la superstition née du cerveau d’un homme très excité. En somme, qu’
3078
rs le type même de la superstition née du cerveau
d’
un homme très excité. En somme, qu’est-ce que cela veut dire : J’aime
3079
e cela veut dire : J’aime les hommes pour l’amour
de
Dieu ? Est-ce autre chose que de dire : J’aime les gendarmes pour l’a
3080
mes pour l’amour de Dieu ? Est-ce autre chose que
de
dire : J’aime les gendarmes pour l’amour de la justice ? Ou de s’écri
3081
e que de dire : J’aime les gendarmes pour l’amour
de
la justice ? Ou de s’écrier, comme cette jeune fille : J’aime Schopen
3082
ime les gendarmes pour l’amour de la justice ? Ou
de
s’écrier, comme cette jeune fille : J’aime Schopenhauer, parce que gr
3083
ue grand-père l’a connu et aimé ? Phrase typique
d’
un homme qui n’a jamais rencontré Dieu en Christ ; pas plus qu’on ne s
3084
serait, selon son propre jugement, quelque chose
de
mauvais. Juste et profond. Et toujours bon à rappeler, à ces « chrét
3085
eut leur mort, pour leur donner la vie. Il s’agit
de
savoir si la nature actuelle de l’homme est bonne ou mauvaise. La foi
3086
la vie. Il s’agit de savoir si la nature actuelle
de
l’homme est bonne ou mauvaise. La foi nous montre qu’elle est mauvais
3087
e qu’elle est mauvaise. Dans ce sens, il est vrai
de
dire : le christianisme est contre nature. Et je m’explique mal pourq
3088
e pas à son prochain, il est beaucoup trop occupé
de
soi-même ! Quelle que soit la justesse des critiques de Nietzsche —
3089
même ! Quelle que soit la justesse des critiques
de
Nietzsche — et jusque dans leur injustice, car il y a une manière « i
3090
eur injustice, car il y a une manière « injuste »
de
dire des choses vraies en soi —, elles me laissent presque toujours p
3091
en. Mauvais signe pour un penseur qui a entrepris
d’
ébranler nos fondements. Si j’essaie de m’expliquer cette espèce de dé
3092
entrepris d’ébranler nos fondements. Si j’essaie
de
m’expliquer cette espèce de déception que me procure la critique niet
3093
ndements. Si j’essaie de m’expliquer cette espèce
de
déception que me procure la critique nietzschéenne, je trouve ceci :
3094
à une autorité centrale qui donnerait la synthèse
de
ces contradictions. La vie chrétienne est pleine de contradictions, e
3095
ces contradictions. La vie chrétienne est pleine
de
contradictions, elle aussi, mais Paul les a toutes rassemblées dans u
3096
même du christianisme : l’opposition du péché et
de
la foi. « Je ne fais pas le bien que j’aime, mais je fais le mal que
3097
rquoi, lorsque Paul critique la vie des chrétiens
de
son temps, il parle avec autorité, tandis que les critiques de Nietzs
3098
il parle avec autorité, tandis que les critiques
de
Nietzsche feront toujours l’effet de criailleries. L’intensité de la
3099
es critiques de Nietzsche feront toujours l’effet
de
criailleries. L’intensité de la vie prise comme but unique de celle-
3100
nt toujours l’effet de criailleries. L’intensité
de
la vie prise comme but unique de celle-ci, voilà une pensée qui est i
3101
es. L’intensité de la vie prise comme but unique
de
celle-ci, voilà une pensée qui est insupportable aux hommes. Ne voyo
3102
contemporain entièrement dominé par une religion
de
la vie, de « l’intensité » de la vie ? Ne voyons-nous pas cette mysti
3103
in entièrement dominé par une religion de la vie,
de
« l’intensité » de la vie ? Ne voyons-nous pas cette mystique de « l’
3104
né par une religion de la vie, de « l’intensité »
de
la vie ? Ne voyons-nous pas cette mystique de « l’intensité prise com
3105
é » de la vie ? Ne voyons-nous pas cette mystique
de
« l’intensité prise comme but », c’est-à-dire cette mystique de la vi
3106
té prise comme but », c’est-à-dire cette mystique
de
la vie prise comme but de la vie, et même de la religion, s’introduir
3107
t-à-dire cette mystique de la vie prise comme but
de
la vie, et même de la religion, s’introduire jusque dans les sermons,
3108
ique de la vie prise comme but de la vie, et même
de
la religion, s’introduire jusque dans les sermons, et s’y substituer
3109
ue dans les sermons, et s’y substituer au respect
de
la vérité, soupçonnée, non sans quelque raison, d’être parfois « anti
3110
e la vérité, soupçonnée, non sans quelque raison,
d’
être parfois « antivitale » ? — « Pensée insupportable aux hommes » ?
3111
ortable aux hommes » ? Nietzsche écrivait ceci en
1880.
Cinquante-cinq ans plus tard, je serais tenté de dire que les hommes
3112
e aux hommes » ? Nietzsche écrivait ceci en 1880.
Cinquante-cinq
ans plus tard, je serais tenté de dire que les hommes ne supportent p
3113
80. Cinquante-cinq ans plus tard, je serais tenté
de
dire que les hommes ne supportent plus aucune pensée qui contredise c
3114
u christianisme sa rhétorique et sa dialectique ;
de
la sorte, il a empêché le christianisme de mourir de sa pauvreté spir
3115
ique ; de la sorte, il a empêché le christianisme
de
mourir de sa pauvreté spirituelle. On est toujours étonné de voir un
3116
la sorte, il a empêché le christianisme de mourir
de
sa pauvreté spirituelle. On est toujours étonné de voir un esprit de
3117
sa pauvreté spirituelle. On est toujours étonné
de
voir un esprit de la trempe de celui de Nietzsche se livrer à d’aussi
3118
tuelle. On est toujours étonné de voir un esprit
de
la trempe de celui de Nietzsche se livrer à d’aussi grossières confus
3119
st toujours étonné de voir un esprit de la trempe
de
celui de Nietzsche se livrer à d’aussi grossières confusions (pauvret
3120
rs étonné de voir un esprit de la trempe de celui
de
Nietzsche se livrer à d’aussi grossières confusions (pauvreté en espr
3121
it de la trempe de celui de Nietzsche se livrer à
d’
aussi grossières confusions (pauvreté en esprit, ou esprit de pauvreté
3122
ssières confusions (pauvreté en esprit, ou esprit
de
pauvreté, confondu ici avec bêtise). Mais c’est bien là la malhonnête
3123
qui régna sur le siècle dernier, et dont l’œuvre
de
Nietzsche a subi trop souvent les atteintes. Dans ce même livre, quat
3124
i trop souvent les atteintes. Dans ce même livre,
quatre
pages plus bas, j’en trouve un autre exemple : Nietzsche croit découv
3125
que la notion chrétienne du Dieu paternel dérive
de
la notion « de la famille patriarcale ». Comme si l’on ne pouvait pas
3126
chrétienne du Dieu paternel dérive de la notion «
de
la famille patriarcale ». Comme si l’on ne pouvait pas soutenir l’inv
3127
it pas soutenir l’inverse ! et avec beaucoup plus
de
vraisemblance et même de « sérieux historique ». Parmi toutes les c
3128
! et avec beaucoup plus de vraisemblance et même
de
« sérieux historique ». Parmi toutes les criailleries de Nietzsche,
3129
eux historique ». Parmi toutes les criailleries
de
Nietzsche, certaines prennent un accent prophétique : « Des hommes de
3130
nes prennent un accent prophétique : « Des hommes
de
commandement commanderont aussi à leur Dieu, tout en croyant le servi
3131
» Formule qui n’est pas valable pour le seul pape
de
Rome et pour les seuls conciles. Les grands mouvements fascistes ne s
3132
nts fascistes ne se réclament-ils pas, eux aussi,
d’
un « spirituel » préalablement « mis au pas » ? Et ne retrouvons-nous
3133
as » ? Et ne retrouvons-nous pas cette même forme
d’
esprit sur un autre plan, dans le communisme russe ? On sait que ce ré
3134
aussi qu’il n’a pas hésité à condamner la théorie
d’
Einstein parce qu’elle contredisait l’hypothèse marxiste. Croyant serv
3135
urs : « Vous dites que vous croyez à la nécessité
de
la religion ? Soyez sincères ! Vous croyez à la nécessité de la polic
3136
ion ? Soyez sincères ! Vous croyez à la nécessité
de
la police ! » Dès que vous croyez qu’il y a, à côté de la causalité
3137
é absolue, encore un Dieu ou une finalité, l’idée
de
la nécessité devient insupportable. Traduisons : dès que vous croyez
3138
orale, devoir kantien, conscience, notion humaine
de
la justice, science, mystique de la vie, droit au bonheur, etc., l’id
3139
, notion humaine de la justice, science, mystique
de
la vie, droit au bonheur, etc., l’idée de la toute-puissance et de la
3140
ystique de la vie, droit au bonheur, etc., l’idée
de
la toute-puissance et de la liberté de Dieu devient insupportable. C’
3141
au bonheur, etc., l’idée de la toute-puissance et
de
la liberté de Dieu devient insupportable. C’est le « Dieu moral » qui
3142
c., l’idée de la toute-puissance et de la liberté
de
Dieu devient insupportable. C’est le « Dieu moral » qui empêche, en p
3143
, en particulier, une certaine théologie libérale
de
reconnaître que le Dieu de la Bible — ancien et nouveau Testament — e
3144
e — ancien et nouveau Testament — est seul Maître
de
la seule Justice, de la seule Vie, de la seule Science, du seul Bonhe
3145
Testament — est seul Maître de la seule Justice,
de
la seule Vie, de la seule Science, du seul Bonheur ; et qu’il a seul
3146
seul Maître de la seule Justice, de la seule Vie,
de
la seule Science, du seul Bonheur ; et qu’il a seul le droit de contr
3147
ience, du seul Bonheur ; et qu’il a seul le droit
de
contredire nos notions, trop humaines et trop intéressées, de toutes
3148
e nos notions, trop humaines et trop intéressées,
de
toutes ces choses. N’est-ce pas ce « Dieu moral » qui détourna plusie
3149
où on le prêchait envers et contre tout « honneur
de
Dieu » ? La réfutation de Dieu : en somme, ce n’est que le “Dieu mor
3150
contre tout « honneur de Dieu » ? La réfutation
de
Dieu : en somme, ce n’est que le “Dieu moral” qui est réfuté. Il est
3151
futé. Il est bien significatif que les fragments
de
Nietzsche sur la religion se terminent par cet aphorisme d’une ébloui
3152
he sur la religion se terminent par cet aphorisme
d’
une éblouissante vérité. 66. Onze volumes des œuvres complètes ! 67
3153
nt par cet aphorisme d’une éblouissante vérité.
66.
Onze volumes des œuvres complètes ! 67. Journal d’un homme de 40 an
3154
ar cet aphorisme d’une éblouissante vérité. 66.
Onze
volumes des œuvres complètes ! 67. Journal d’un homme de 40 ans (Gr
3155
érité. 66. Onze volumes des œuvres complètes !
67.
Journal d’un homme de 40 ans (Grasset). z. Rougemont Denis de, « N
3156
Onze volumes des œuvres complètes ! 67. Journal
d’
un homme de 40 ans (Grasset). z. Rougemont Denis de, « Notes en marg
3157
s des œuvres complètes ! 67. Journal d’un homme
de
40 ans (Grasset). z. Rougemont Denis de, « Notes en marge de Nietzs
3158
es œuvres complètes ! 67. Journal d’un homme de
40
ans (Grasset). z. Rougemont Denis de, « Notes en marge de Nietzsche
3159
n homme de 40 ans (Grasset). z. Rougemont Denis
de
, « Notes en marge de Nietzsche », Foi et Vie, Paris, mars 1935, p. 25
3160
en marge de Nietzsche », Foi et Vie, Paris, mars
1935,
p. 250-256.
3161
berté (À propos du Traité du serf arbitre) (avril
1937
)aa Luther inconnu Dire qu’on ignore Luther en France serait e
3162
ance serait exagérer, mais dans le sens contraire
de
celui qu’on imagine. Car, on fait pis que de l’ignorer et même que de
3163
aire de celui qu’on imagine. Car, on fait pis que
de
l’ignorer et même que de le méconnaître : on prétend, sans l’avoir ja
3164
ne. Car, on fait pis que de l’ignorer et même que
de
le méconnaître : on prétend, sans l’avoir jamais lu, savoir qui il fu
3165
fut, qui il est. Certains ont parcouru les Propos
de
table, présentés au public français comme un ouvrage capital : ils s’
3166
rançais comme un ouvrage capital : ils s’étonnent
d’
y trouver si peu de substance théologique et tant de plaisanteries par
3167
ique et tant de plaisanteries parfois grossières,
de
platitudes, de contradictions. Est-ce avec cela que s’est faite la Ré
3168
plaisanteries parfois grossières, de platitudes,
de
contradictions. Est-ce avec cela que s’est faite la Réforme ? D’autre
3169
utenir que Luther fut un démagogue, un exploiteur
de
l’éternel ressentiment de la race allemande contre la civilisation ro
3170
émagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment
de
la race allemande contre la civilisation romaine. On a poussé la bouf
3171
oussé la bouffonnerie jusqu’à cet excès grandiose
d’
assimiler Luther et M. Hitler, par goût de la rime sans doute. Pour l’
3172
andiose d’assimiler Luther et M. Hitler, par goût
de
la rime sans doute. Pour l’opinion moyenne sur Luther, je crois que l
3173
se marier. » J’extrais cette déclaration du livre
d’
un critique littéraire connu, dont les revues n’hésitèrent pas lorsqu’
3174
t les revues n’hésitèrent pas lorsqu’il parut (en
1936
) à louer la mesure et la sérieuse information théologique… Ceci dit,
3175
e information théologique… Ceci dit, il est juste
d’
insister sur la grande valeur des travaux de quelques spécialistes fra
3176
juste d’insister sur la grande valeur des travaux
de
quelques spécialistes français qui, au niveau de la haute culture, on
3177
e la haute culture, ont largement sauvé l’honneur
de
leur pays. Je pense aux ouvrages publiés par MM. Henri Strohl, J. Vig
3178
Gilson, pour ne rien dire — mais cela va de soi —
de
l’activité des professeurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire de
3179
is cela va de soi — de l’activité des professeurs
de
dogmatique luthérienne ou d’histoire de l’Église dans les trois Facul
3180
vité des professeurs de dogmatique luthérienne ou
d’
histoire de l’Église dans les trois Facultés françaises de théologie p
3181
ofesseurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire
de
l’Église dans les trois Facultés françaises de théologie protestante.
3182
ue luthérienne ou d’histoire de l’Église dans les
trois
Facultés françaises de théologie protestante. Il n’en reste pas moins
3183
re de l’Église dans les trois Facultés françaises
de
théologie protestante. Il n’en reste pas moins que l’ignorance ou la
3184
illies par des biographes amateurs, et à l’action
de
la polémique catholique (Denifle, Maritain, Grisar), mettent le publi
3185
tain, Grisar), mettent le public français en état
d’
infériorité assez grave, ne fût-ce que sur le plan de la culture génér
3186
nfériorité assez grave, ne fût-ce que sur le plan
de
la culture générale. Car, ignorer ou méconnaître Luther, c’est ignore
3187
aître Luther, c’est ignorer ou méconnaître un des
deux
ou trois moments décisifs de la tradition fondamentale de l’Occident,
3188
ther, c’est ignorer ou méconnaître un des deux ou
trois
moments décisifs de la tradition fondamentale de l’Occident, c’est s’
3189
méconnaître un des deux ou trois moments décisifs
de
la tradition fondamentale de l’Occident, c’est s’interdire de rien co
3190
ois moments décisifs de la tradition fondamentale
de
l’Occident, c’est s’interdire de rien comprendre à la grande discussi
3191
ion fondamentale de l’Occident, c’est s’interdire
de
rien comprendre à la grande discussion millénaire, à la grande tensio
3192
u libre arbitre, opposant Érasme à Luther, permet
de
définir symboliquement les pôles : pensée « pure » et pensée « engagé
3193
le plan théologique, ou mieux : dans la totalité
de
l’être, revient à celle d’un christianisme qui se met au service de l
3194
eux : dans la totalité de l’être, revient à celle
d’
un christianisme qui se met au service de l’humain (j’entends bien de
3195
à celle d’un christianisme qui se met au service
de
l’humain (j’entends bien de l’humain purifié, « divinisé » par les ef
3196
qui se met au service de l’humain (j’entends bien
de
l’humain purifié, « divinisé » par les efforts de la religion s’ajout
3197
de l’humain purifié, « divinisé » par les efforts
de
la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et d’un christianisme ab
3198
par les efforts de la religion s’ajoutant à ceux
de
la raison), et d’un christianisme absolu, qu’on déclare volontiers «
3199
e la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et
d’
un christianisme absolu, qu’on déclare volontiers « inhumain », parce
3200
e plus aisément à saisir l’importance centrale du
De
servo arbitrio, dont une première traduction française va paraître, a
3201
aduction française va paraître, après un peu plus
de
400 ans : je le vois au centre du débat occidental par excellence, —
3202
ction française va paraître, après un peu plus de
400
ans : je le vois au centre du débat occidental par excellence, — mais
3203
cidental par excellence, — mais au centre, aussi,
de
la Réforme, et de l’effort dogmatique de Luther68. On croit d’abord
3204
lence, — mais au centre, aussi, de la Réforme, et
de
l’effort dogmatique de Luther68. On croit d’abord à un pamphlet, enc
3205
, aussi, de la Réforme, et de l’effort dogmatique
de
Luther68. On croit d’abord à un pamphlet, encore que son volume maté
3206
onnifiée) n’est, en fait, que le support apparent
d’
une réflexion de plus vaste envergure, d’un témoignage qui transcende
3207
apparent d’une réflexion de plus vaste envergure,
d’
un témoignage qui transcende toute dispute. Entraîné par sa fougue hab
3208
e il le dit aux premières pages) par les procédés
de
l’humaniste et du sceptique que se vantait d’être Érasme, Luther en v
3209
dés de l’humaniste et du sceptique que se vantait
d’
être Érasme, Luther en vient, de proche en proche, à ressaisir et repo
3210
ue que se vantait d’être Érasme, Luther en vient,
de
proche en proche, à ressaisir et reposer avec puissance toutes les af
3211
c puissance toutes les affirmations fondamentales
de
la Réforme : justification par la foi, qui est don gratuit et œuvre d
3212
fication par la foi, qui est don gratuit et œuvre
de
Dieu seul ; opposition de cette justice de Dieu à la justice des homm
3213
st don gratuit et œuvre de Dieu seul ; opposition
de
cette justice de Dieu à la justice des hommes et de leurs œuvres ; op
3214
œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice
de
Dieu à la justice des hommes et de leurs œuvres ; opposition de la gr
3215
cette justice de Dieu à la justice des hommes et
de
leurs œuvres ; opposition de la grâce à la nature, selon les termes d
3216
ustice des hommes et de leurs œuvres ; opposition
de
la grâce à la nature, selon les termes de l’Apôtre ; opposition de la
3217
osition de la grâce à la nature, selon les termes
de
l’Apôtre ; opposition de la Parole vivante à la tradition codifiée ;
3218
nature, selon les termes de l’Apôtre ; opposition
de
la Parole vivante à la tradition codifiée ; sens de la décision total
3219
la Parole vivante à la tradition codifiée ; sens
de
la décision totale entre un oui et un non absolus, et refus de tout m
3220
n totale entre un oui et un non absolus, et refus
de
tout moyen terme ou médiation plus ou moins rationnelle entre les règ
3221
nnelle entre les règnes en guerre ouverte du Dieu
de
la foi et du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage et du témoi
3222
en guerre ouverte du Dieu de la foi et du Prince
de
ce monde ; nécessité du témoignage et du témoignage fidèle, certifié
3223
la Bible, et constituant la véritable « action »
de
l’homme entre les mains de Dieu. Tels sont les thèmes qu’illustre cet
3224
a véritable « action » de l’homme entre les mains
de
Dieu. Tels sont les thèmes qu’illustre cet ouvrage. S’ils n’y sont pa
3225
étuelle question que nous posent toutes les pages
de
la Bible. Ils renvoient tous à une réalité dont ils ne sont que les r
3226
e crois, si tu as reçu la foi, il n’est plus rien
de
« difficile » dans les assertions de Luther, ni dans sa négation joye
3227
st plus rien de « difficile » dans les assertions
de
Luther, ni dans sa négation joyeuse du libre arbitre. Ses coups viole
3228
« Folie pour les sages » Mais il s’en faut
de
presque tout que les grandes thèses pauliniennes de la Réforme soient
3229
presque tout que les grandes thèses pauliniennes
de
la Réforme soient acceptées (ou simplement connues !) par nos contemp
3230
r nos contemporains, même chrétiens. Il s’en faut
de
beaucoup, de presque tout, que les arguments d’un Érasme nous apparai
3231
orains, même chrétiens. Il s’en faut de beaucoup,
de
presque tout, que les arguments d’un Érasme nous apparaissent comme a
3232
t de beaucoup, de presque tout, que les arguments
d’
un Érasme nous apparaissent comme autant de sophismes. Non seulement t
3233
uments d’un Érasme nous apparaissent comme autant
de
sophismes. Non seulement tous les humanistes, — des marxistes aux vie
3234
pole : tout catholique se doit, en bonne logique,
de
les faire siens puisqu’il croit au mérite des œuvres ; et tous les pr
3235
Calvin et Luther ont fait leur temps, — que dire
de
Paul bien plus ancien ! — tous ceux qui tiennent la prédestination po
3236
ux hommes que Dieu agrée », par « Paix aux hommes
de
bonne volonté », tous ceux-là sont, en fait, avec Érasme et son armée
3237
s ceux-là sont, en fait, avec Érasme et son armée
de
grands docteurs de tous les siècles pour soutenir le libre arbitre re
3238
fait, avec Érasme et son armée de grands docteurs
de
tous les siècles pour soutenir le libre arbitre religieux, c’est-à-di
3239
igieux, c’est-à-dire le pouvoir qu’aurait l’homme
de
contribuer à son salut par ses efforts et ses œuvres morales. Que tro
3240
uveront-ils dès lors dans ce Traité ? Une verdeur
de
polémique qui peut flatter en nous le goût du pittoresque ; l’élan gé
3241
u pittoresque ; l’élan génial, la violence loyale
d’
une certitude pesante, vraiment « grave », d’une dialectique sobre et
3242
yale d’une certitude pesante, vraiment « grave »,
d’
une dialectique sobre et têtue, qui va droit au point décisif, envisag
3243
in conférer à son choix la force et la simplicité
d’
une constatation évidente. D’un point de vue purement esthétique, ces
3244
rce et la simplicité d’une constatation évidente.
D’
un point de vue purement esthétique, ces qualités sont assez rares, et
3245
même attiré et subjugué par le style, par le ton
de
l’ouvrage. (Nous ne savons que trop bien, nous modernes, séparer le f
3246
ons que trop bien, nous modernes, séparer le fond
de
la forme ; admirer l’une quand nous condamnons l’autre, et vice versa
3247
ette maîtrise, qu’on attendait d’ailleurs du chef
d’
un grand mouvement (comme dirait le jargon d’aujourd’hui), tout est bi
3248
chef d’un grand mouvement (comme dirait le jargon
d’
aujourd’hui), tout est bien fait, dans ce Traité, pour heurter de fron
3249
tout est bien fait, dans ce Traité, pour heurter
de
front le lecteur incroyant, ou celui qui ne partage pas la foi de Pau
3250
eur incroyant, ou celui qui ne partage pas la foi
de
Paul et des apôtres. D’abord, le langage scolastique, qui n’est pas p
3251
proprement luthérien, mais que Luther est obligé
d’
utiliser pour débrouiller et supprimer les faux problèmes où la Diatri
3252
refus total, ou mieux cette négligence tranquille
de
toute espèce de considération psychologique. (Un tel homme est bien t
3253
mieux cette négligence tranquille de toute espèce
de
considération psychologique. (Un tel homme est bien trop vivant pour
3254
ue. (Un tel homme est bien trop vivant pour faire
de
la psychologie ; trop engagé dans le réel pour prendre au sérieux ses
3255
conscience du spectateur.) Ce qui ne manquera pas
de
faire crier au dogmatisme. Tout se passe ici « à l’intérieur » du chr
3256
se passe ici « à l’intérieur » du christianisme,
de
l’Église. L’humanisme laïque, autonome, est simplement nié, comme une
3257
, et doit suffire en droit, à réfuter l’objection
d’
un moderne, l’objection parfaitement anachronique, mais que je sais in
3258
isse écarter cette objection par un simple rappel
de
l’ordre dans lequel le Traité fut pensé. Je tenterai donc d’esquisse
3259
ans lequel le Traité fut pensé. Je tenterai donc
d’
esquisser, tout au moins, le dialogue d’une « conscience moderne », do
3260
erai donc d’esquisser, tout au moins, le dialogue
d’
une « conscience moderne », douée d’exigence spirituelle, avec un part
3261
, le dialogue d’une « conscience moderne », douée
d’
exigence spirituelle, avec un partisan du « serf arbitre » luthérien.
3262
alogue se déroule même à l’intérieur de la pensée
d’
un homme qui veut croire…) Dialogue Car Dieu peut tout à tout in
3263
Dieu peut tout à tout instant. C’est là la santé
de
la foi. Kierkegaard. Une conscience moderne. — Selon Luther, nous
3264
ce, mais l’omniscience et la prescience éternelle
de
Dieu, qui ne peut faillir dans sa promesse, et auquel nul obstacle ne
3265
Que devient alors notre effort ? Il ne sert plus
de
rien. Nous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer si, d’avance, le
3266
us de rien. Nous n’en ferons plus ! Nous refusons
de
jouer si, d’avance, le vainqueur a été désigné par un arbitre qui ne
3267
ous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer si,
d’
avance, le vainqueur a été désigné par un arbitre qui ne tient pas com
3268
té désigné par un arbitre qui ne tient pas compte
de
nos exploits ! Un luthérien. — Mais connais-tu seulement les vraies
3269
tre l’individu et le Sort, cette idole païenne ?
C.
M. — J’ai besoin de le croire pour agir. L. — Mais qu’est-ce qu’agir
3270
Sort, cette idole païenne ? C. M. — J’ai besoin
de
le croire pour agir. L. — Mais qu’est-ce qu’agir ? Est-ce vraiment t
3271
e ? C. M. — J’ai besoin de le croire pour agir.
L.
— Mais qu’est-ce qu’agir ? Est-ce vraiment toi qui agis ? Ou n’es-tu
3272
nt toi qui agis ? Ou n’es-tu pas toi-même agi par
de
puissantes forces sociales, historiques et économiques ? Toute ta sci
3273
t, à les découvrir ? Au besoin, à les inventer ?
C.
M. — Certes, mais ma dignité consiste à lutter contre de telles force
3274
Certes, mais ma dignité consiste à lutter contre
de
telles forces, une fois que je les ai reconnues ; à m’affirmer dans m
3275
omie par un acte qui crée ma liberté, par un acte
de
révolte, s’il le faut ! L. — Tu crois donc détenir un tel pouvoir ?
3276
liberté, par un acte de révolte, s’il le faut !
L.
— Tu crois donc détenir un tel pouvoir ? C. M. — Il me suffit de vou
3277
t ! L. — Tu crois donc détenir un tel pouvoir ?
C.
M. — Il me suffit de vouloir l’affirmer. L. — Soit, c’est une hypoth
3278
nc détenir un tel pouvoir ? C. M. — Il me suffit
de
vouloir l’affirmer. L. — Soit, c’est une hypothèse de travail… Pour
3279
r ? C. M. — Il me suffit de vouloir l’affirmer.
L.
— Soit, c’est une hypothèse de travail… Pour moi, je crois que Dieu c
3280
uloir l’affirmer. L. — Soit, c’est une hypothèse
de
travail… Pour moi, je crois que Dieu connaît la fin, la somme, la val
3281
Dieu connaît la fin, la somme, la valeur absolue
de
nos actions passées, présentes, futures, car elles sont dans le temps
3282
r la croix. Non seulement prévu, mais accompli !
C.
M. — Si c’était vrai, je préférerais encore nier ce Dieu qui prétend
3283
r ce Dieu qui prétend voir plus loin que le terme
de
mes actions, — ce qui, avouons-le, les ridiculise complètement et les
3284
Et prévues par un Dieu éternel, qui alors se joue
de
moi indignement ! Il faudra donc choisir : Dieu ou moi. Je dirai : mo
3285
eu, comme Nietzsche a proclamé qu’il avait fait.
L.
— Mais l’homme est « chair », et cette chair est liée à l’espace et a
3286
es que si Dieu prévoit tout, tu es alors dispensé
d’
agir, et que ce n’est plus la peine de faire aucun effort. Si tout est
3287
rs dispensé d’agir, et que ce n’est plus la peine
de
faire aucun effort. Si tout est décidé d’avance, il n’y a plus qu’à s
3288
a peine de faire aucun effort. Si tout est décidé
d’
avance, il n’y a plus qu’à se laisser aller à la manière des musulmans
3289
eu n’est pas !70 », qui t’assurerait que cet acte
de
révolte échappe à l’éternelle Prévision ? Qui t’assurerait qu’en pron
3290
ne prononcerais pas sur toi-même l’arrêt éternel
de
Dieu te rejetant vers le néant, en sorte que Dieu, vraiment, n’existe
3291
mer objectivement. Mais c’est peut-être se priver
de
son secours, ou encore la transformer en une menace obscure. Il y a u
3292
er l’éternité qui vient nous délivrer du temps ?
C.
M. — Mais mon temps est vivant, et plein de nouveauté, de création !
3293
ps ? C. M. — Mais mon temps est vivant, et plein
de
nouveauté, de création ! Ton éternité immobile, c’est l’image même de
3294
Mais mon temps est vivant, et plein de nouveauté,
de
création ! Ton éternité immobile, c’est l’image même de la mort. L.
3295
ation ! Ton éternité immobile, c’est l’image même
de
la mort. L. — Que savons-nous de l’éternité ? Les philosophes et la
3296
ternité immobile, c’est l’image même de la mort.
L.
— Que savons-nous de l’éternité ? Les philosophes et la raison ne peu
3297
st l’image même de la mort. L. — Que savons-nous
de
l’éternité ? Les philosophes et la raison ne peuvent l’imaginer que m
3298
Qui nous prouve que l’éternité est quelque chose
d’
immobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’est pas, au contraire,
3299
ouve que l’éternité est quelque chose d’immobile,
de
statique ? Qui nous dit qu’elle n’est pas, au contraire, la source de
3300
us dit qu’elle n’est pas, au contraire, la source
de
tout acte et de toute création, une invention totale et perpétuelle,
3301
’est pas, au contraire, la source de tout acte et
de
toute création, une invention totale et perpétuelle, une actualité pe
3302
elle le touche dans l’instant (dans un « atome »
de
temps, comme l’écrit Paul) (I Cor. 15 : 52) ? Qui t’assure que notre
3303
(dans un « atome » de temps, comme l’écrit Paul) (
I
Cor. 15 : 52) ? Qui t’assure que notre raison, tout attachée à notre
3304
n « atome » de temps, comme l’écrit Paul) (I Cor.
15
: 52) ? Qui t’assure que notre raison, tout attachée à notre chair, à
3305
tome » de temps, comme l’écrit Paul) (I Cor. 15 :
52
) ? Qui t’assure que notre raison, tout attachée à notre chair, à notr
3306
otre temps où elle s’est constituée, soit capable
de
concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’une éternité seule actuelle ?
3307
t capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale
d’
une éternité seule actuelle ? C’est un mystère plus profond que notre
3308
otre vie, et la raison n’est qu’un faible élément
de
notre vie. C’est un mystère que le croyant pressent et vit au seul mo
3309
ère que le croyant pressent et vit au seul moment
de
la prière. « Demandez et l’on vous donnera », dit le même Dieu qui no
3310
nt aux yeux de l’homme, sans que rien soit changé
de
ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il décidera ? Car
3311
sans que rien soit changé de ce qu’a décidé Dieu,
de
ce qu’il décide ou de ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pa
3312
ngé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou
de
ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’e
3313
ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas
de
« temps », il n’est pas lié comme nous à une succession. Mais, au con
3314
traire, nos divers temps et successions procèdent
de
l’Éternel et lui sont liés : nous venons de lui, nous retournons à lu
3315
range illusion nous ferait croire qu’une décision
de
l’Éternel est une décision dans le passé ! Quand c’est elle seule qui
3316
ouvent, sur cette erreur des plus grossières ? …
C.
M. — On peut aussi nier l’éternité, et affirmer que seul existe notre
3317
e notre temps. Dans ce cas, tu n’as rien prouvé.
L.
— On ne prouve rien de ce qui est essentiel ; on l’accepte ou on le r
3318
cas, tu n’as rien prouvé. L. — On ne prouve rien
de
ce qui est essentiel ; on l’accepte ou on le refuse, en vertu d’une d
3319
pure. Discuter ne peut nous conduire qu’au seuil
de
cette décision. Et nous n’aurons pas dialogué en vain, si nous avons
3320
nel qui commande, — ou c’est moi. Il n’y a pas là
de
difficultés intellectuelles. Il n’y a que la résistance acharnée du «
3321
est Christ lui-même, — il me paraît que l’opinion
de
Luther n’est pas sujette à de sérieuses objections. Et la démonstrati
3322
araît que l’opinion de Luther n’est pas sujette à
de
sérieuses objections. Et la démonstration purement biblique qu’on en
3323
bles, suffit à établir pour le chrétien la vérité
d’
un paradoxe que Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même de l
3324
Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même
de
l’Évangile. L’apôtre Paul l’a formulé avant toute « tradition ecclési
3325
produit en vous le vouloir et le faire. » (Phil.
2
: 12-13). C’est parce que Dieu fait tout que nous devons agir, selon
3326
duit en vous le vouloir et le faire. » (Phil. 2 :
12-13
). C’est parce que Dieu fait tout que nous devons agir, selon qu’il no
3327
araît qu’à celui qui ose aller jusqu’aux extrêmes
de
la connaissance de soi-même et de la connaissance de la foi. Luther i
3328
i ose aller jusqu’aux extrêmes de la connaissance
de
soi-même et de la connaissance de la foi. Luther insiste sur cet « ex
3329
qu’aux extrêmes de la connaissance de soi-même et
de
la connaissance de la foi. Luther insiste sur cet « extrêmisme » évan
3330
la connaissance de soi-même et de la connaissance
de
la foi. Luther insiste sur cet « extrêmisme » évangélique, que les so
3331
p portés à corriger et à « humaniser », au risque
d’
« évacuer la Croix ». Tant qu’on n’a pas envisagé la doctrine de la pu
3332
Croix ». Tant qu’on n’a pas envisagé la doctrine
de
la pure grâce jusque dans son sérieux dernier, on peut soutenir que l
3333
homme possède au moins « un faible libre arbitre »
71,
dans les choses du salut. Mais que le Christ ait dû mourir — cet acte
3334
à l’inverse, il faut oser descendre jusqu’au fond
de
la connaissance du péché pour voir qu’il n’y a de liberté possible qu
3335
de la connaissance du péché pour voir qu’il n’y a
de
liberté possible que dans la grâce que Dieu nous fait. Toute l’argume
3336
a grâce que Dieu nous fait. Toute l’argumentation
de
Luther vise le moment de la décision, et néglige les moyens termes où
3337
t. Toute l’argumentation de Luther vise le moment
de
la décision, et néglige les moyens termes où voulait se complaire Éra
3338
aire Érasme. Le problème du salut est un problème
de
vie ou de mort. Or, il est seul en cause pour le théologien. Et tout
3339
e. Le problème du salut est un problème de vie ou
de
mort. Or, il est seul en cause pour le théologien. Et tout est clair
3340
mpris que Luther ne nie pas du tout notre faculté
de
vouloir, mais nie seulement qu’elle puisse suffire à nous obtenir le
3341
ncore catholique ; son humanisme mesuré l’empêche
de
voir le vrai tragique du débat. Mais le plus grand des adversaires du
3342
poussé, comme Luther, jusqu’aux extrêmes limites
de
l’homme, jusqu’aux questions dernières que peut envisager notre pensé
3343
la fatalité inéluctable. C’est dans cette volonté
de
reconnaître notre totale irresponsabilité, qu’il croit trouver et reg
3344
u’il croit trouver et regagner la dignité suprême
de
l’homme sans Dieu. Être libre, c’est vouloir l’éternité de son destin
3345
e sans Dieu. Être libre, c’est vouloir l’éternité
de
son destin. (Pour le chrétien, c’est accepter, en acte, l’éternelle p
3346
oblème, dès qu’on en vient à une épreuve radicale
de
la vie. Au « tu dois » des chrétiens, qui est prononcé par Dieu, Niet
3347
rononcé par Dieu, Nietzsche oppose le « je veux »
de
l’homme divinisé. Puis, à l’existence de Dieu, il oppose sa propre ex
3348
e veux » de l’homme divinisé. Puis, à l’existence
de
Dieu, il oppose sa propre existence72. Mais la difficulté fondamental
3349
a difficulté fondamentale que posent les rapports
de
notre volonté et de l’éternité souveraine, demeure entière. La différ
3350
ntale que posent les rapports de notre volonté et
de
l’éternité souveraine, demeure entière. La différence, c’est que Niet
3351
. La différence, c’est que Nietzsche nous propose
d’
adorer un Destin muet, tandis que nous adorons une Providence dont la
3352
t incarnée : « Emmanuel ! » — Dieu avec nous !
68.
À la proposition qu’on lui faisait, en 1537, d’éditer ses œuvres comp
3353
s ! 68. À la proposition qu’on lui faisait, en
1537,
d’éditer ses œuvres complètes, le réformateur répondit : « Je ne reco
3354
68. À la proposition qu’on lui faisait, en 1537,
d’
éditer ses œuvres complètes, le réformateur répondit : « Je ne reconna
3355
le réformateur répondit : « Je ne reconnais aucun
de
mes livres pour adéquat, si ce n’est peut-être le De servo arbitrio e
3356
mes livres pour adéquat, si ce n’est peut-être le
De
servo arbitrio et le Catéchisme. » 69. Luther avertit à chaque fois
3357
ut-être le De servo arbitrio et le Catéchisme. »
69.
Luther avertit à chaque fois : « nécessité conditionnelle et nécessit
3358
les sophistes », c’est-à-dire les scolastiques.
70.
Comme l’anarchiste Bakounine. 71. Modiculum et minimum, écrit Érasm
3359
scolastiques. 70. Comme l’anarchiste Bakounine.
71.
Modiculum et minimum, écrit Érasme ! 72. Voir Karl Löwith : Nietzsc
3360
nine. 71. Modiculum et minimum, écrit Érasme !
72.
Voir Karl Löwith : Nietzsches Philosophie der ewigen Wiederkunft des
3361
ophie der ewigen Wiederkunft des Gleichen. Berlin
1935.
aa. Rougemont Denis de, « [Compte rendu] Luther et la liberté (À pr
3362
des Gleichen. Berlin 1935. aa. Rougemont Denis
de
, « [Compte rendu] Luther et la liberté (À propos du Traité du serf ar
3363
du serf arbitre) », Foi et Vie, Paris, mars–avril
1937,
p. 221-231.
3364
Fédéralisme et œcuménisme (octobre
1946
)ab ac Le mouvement œcuménique ne deviendra réel aux yeux des peupl
3365
es peuples qu’à partir du jour où il sera capable
de
répondre avec force et autorité aux questions politiques de notre tem
3366
e avec force et autorité aux questions politiques
de
notre temps. Qu’il le pressente, qu’il ait au moins une sorte de cons
3367
Qu’il le pressente, qu’il ait au moins une sorte
de
conscience anxieuse de l’œuvre à faire, c’est ce que prouvent ses « e
3368
’il ait au moins une sorte de conscience anxieuse
de
l’œuvre à faire, c’est ce que prouvent ses « encycliques » improvisée
3369
uvent ses « encycliques » improvisées à la veille
de
la guerre. Qu’il soit encore très loin d’une vision dynamique de l’ac
3370
veille de la guerre. Qu’il soit encore très loin
d’
une vision dynamique de l’action immédiate, c’est ce que prouvent ces
3371
u’il soit encore très loin d’une vision dynamique
de
l’action immédiate, c’est ce que prouvent ces mêmes déclarations. Ell
3372
es mêmes déclarations. Elles souffrent avant tout
d’
un manque de ton, qui révèle un manque de nécessité intérieure. Elles
3373
larations. Elles souffrent avant tout d’un manque
de
ton, qui révèle un manque de nécessité intérieure. Elles expriment l’
3374
ant tout d’un manque de ton, qui révèle un manque
de
nécessité intérieure. Elles expriment l’accord d’un certain nombre de
3375
de nécessité intérieure. Elles expriment l’accord
d’
un certain nombre de bonnes volontés, non pas l’élan d’une volonté pré
3376
ure. Elles expriment l’accord d’un certain nombre
de
bonnes volontés, non pas l’élan d’une volonté précise et combative. E
3377
certain nombre de bonnes volontés, non pas l’élan
d’
une volonté précise et combative. Elles sont un respectable résultat,
3378
nt un respectable résultat, mais non pas un point
de
départ. Sans doute garderont-elles une valeur historique. Mais comme
3379
auront passé inaperçues en leur temps. Ce manque
d’
efficacité des messages œcuméniques, dans le plan politique, provient
3380
ais il y a plus. L’erreur commise jusqu’ici a été
d’
essayer de choisir prudemment une attitude politique plus ou moins jus
3381
plus. L’erreur commise jusqu’ici a été d’essayer
de
choisir prudemment une attitude politique plus ou moins juste d’une p
3382
moins juste d’une part, plus ou moins acceptable
de
l’autre. Sans doute n’était-il pas possible de faire davantage à ce m
3383
le de l’autre. Sans doute n’était-il pas possible
de
faire davantage à ce moment. En fait, on a examiné la situation mondi
3384
n a examiné la situation mondiale et l’on a tenté
de
l’améliorer, conformément à des principes indiscutés de morale chréti
3385
méliorer, conformément à des principes indiscutés
de
morale chrétienne et naturelle. Or le réformisme moral n’a jamais pu
3386
cer le cours des événements. L’histoire est faite
d’
initiatives, non de retouches, de vœux et d’amendements. Et pour qu’un
3387
énements. L’histoire est faite d’initiatives, non
de
retouches, de vœux et d’amendements. Et pour qu’une initiative abouti
3388
stoire est faite d’initiatives, non de retouches,
de
vœux et d’amendements. Et pour qu’une initiative aboutisse, il faut q
3389
faite d’initiatives, non de retouches, de vœux et
d’
amendements. Et pour qu’une initiative aboutisse, il faut qu’elle repr
3390
portée par une passion qui jaillisse du tréfonds
de
sa foi créatrice. Les hommes qui ont fait l’histoire sont ceux qui av
3391
toire sont ceux qui avaient une vision passionnée
de
leur but et qui ont su plier les circonstances à leur dessein. Dans u
3392
ain sens, nous dirons qu’ils partaient sans cesse
d’
eux-mêmes, de leur foi ou de leur ambition, la plus profonde, et non p
3393
s dirons qu’ils partaient sans cesse d’eux-mêmes,
de
leur foi ou de leur ambition, la plus profonde, et non pas des donnée
3394
partaient sans cesse d’eux-mêmes, de leur foi ou
de
leur ambition, la plus profonde, et non pas des données et des aspira
3395
ons plus ou moins exactement connues ou supposées
de
leur époque. Leur action fut puissante dans la mesure exacte où elle
3396
la mesure exacte où elle fut l’expression directe
de
leur être. Si le mouvement œcuménique veut agir, et il le doit, il fa
3397
qu’il reconnaisse d’abord cette loi fondamentale
de
l’action. En d’autres termes, il faut que son action politique parte
3398
es termes, il faut que son action politique parte
de
lui-même, de ce qu’il a, de ce qu’il est, et de sa foi constitutive.
3399
faut que son action politique parte de lui-même,
de
ce qu’il a, de ce qu’il est, et de sa foi constitutive. Il n’a pas à
3400
ction politique parte de lui-même, de ce qu’il a,
de
ce qu’il est, et de sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunter ici e
3401
e de lui-même, de ce qu’il a, de ce qu’il est, et
de
sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunter ici et là pour composer u
3402
à emprunter ici et là pour composer une mosaïque
de
mesures désirables, mais au contraire sa position politique doit expr
3403
au contraire sa position politique doit exprimer
d’
une façon nécessaire sa nature même. Ses déclarations doivent traduire
3404
e les principes qui sont impliqués dans la vision
de
l’œcuménisme. Rien que cela, mais tout cela, avec confiance, mais aus
3405
ble conséquence. Résumons-nous : il ne s’agit pas
d’
adopter une politique accidentellement ou indirectement « chrétienne »
3406
t ou indirectement « chrétienne », mais il s’agit
d’
actualiser la politique impliquée dès le début dans la volonté et l’es
3407
é et l’espérance œcuménique. Le présent essai n’a
d’
autre ambition que d’esquisser les grandes lignes de ce développement,
3408
énique. Le présent essai n’a d’autre ambition que
d’
esquisser les grandes lignes de ce développement, et d’en indiquer les
3409
autre ambition que d’esquisser les grandes lignes
de
ce développement, et d’en indiquer les articulations. Que l’on excuse
3410
uisser les grandes lignes de ce développement, et
d’
en indiquer les articulations. Que l’on excuse le schématisme des page
3411
e schématisme des pages qui suivent : c’est celui
d’
un plan de travail, d’un sommaire. Certains conflits permanents de l’
3412
sme des pages qui suivent : c’est celui d’un plan
de
travail, d’un sommaire. Certains conflits permanents de l’histoire o
3413
s qui suivent : c’est celui d’un plan de travail,
d’
un sommaire. Certains conflits permanents de l’histoire ont pris de n
3414
ail, d’un sommaire. Certains conflits permanents
de
l’histoire ont pris de nos jours un caractère de violence sans précéd
3415
rtains conflits permanents de l’histoire ont pris
de
nos jours un caractère de violence sans précédent. À travers les comp
3416
de l’histoire ont pris de nos jours un caractère
de
violence sans précédent. À travers les complexités infinies de nos di
3417
ans précédent. À travers les complexités infinies
de
nos difficultés économiques, sociales, politiques et religieuses, ils
3418
, politiques et religieuses, ils se dégagent avec
d’
autant plus de simplicité qu’ils ont atteint un climat presque mortel.
3419
t religieuses, ils se dégagent avec d’autant plus
de
simplicité qu’ils ont atteint un climat presque mortel. Conflit polit
3420
ivers conflits ne sont en réalité que les aspects
d’
une seule et même opposition fondamentale, réfractée à des niveaux dif
3421
niveaux différents. Remarquons ensuite que chacun
de
ces termes opposés deux à deux est également faux en soi, c’est-à-dir
3422
marquons ensuite que chacun de ces termes opposés
deux
à deux est également faux en soi, c’est-à-dire à la fois excessif et
3423
s ensuite que chacun de ces termes opposés deux à
deux
est également faux en soi, c’est-à-dire à la fois excessif et incompl
3424
let. Il s’ensuit que dans leur plan, il n’y a pas
de
solution possible. Ils sont inconciliables parce que, de la combinais
3425
tion possible. Ils sont inconciliables parce que,
de
la combinaison de deux erreurs, on ne peut faire sortir une vérité, m
3426
sont inconciliables parce que, de la combinaison
de
deux erreurs, on ne peut faire sortir une vérité, mais seulement une
3427
nt inconciliables parce que, de la combinaison de
deux
erreurs, on ne peut faire sortir une vérité, mais seulement une erreu
3428
xie ne sera jamais retrouvée en faisant une somme
d’
hérésies. Du conflit politique et économique, résultent pratiquement l
3429
oudre l’opposition unité-division, il serait vain
de
rechercher une solution intermédiaire ou « libérale », à mi-chemin de
3430
on intermédiaire ou « libérale », à mi-chemin des
deux
erreurs en lutte. Il faut changer de plan, et retrouver l’attitude ce
3431
chemin des deux erreurs en lutte. Il faut changer
de
plan, et retrouver l’attitude centrale dont ces deux erreurs ne sont
3432
e plan, et retrouver l’attitude centrale dont ces
deux
erreurs ne sont que des déviations morbides. Entre la peste et le cho
3433
use s’appelle œcuménisme. Nous allons définir ces
trois
termes en insistant sur leur liaison fondamentale et sur leur nécessa
3434
hie. Notre thèse étant la suivante : La théologie
de
l’œcuménisme implique une philosophie de la personne dont l’applicati
3435
héologie de l’œcuménisme implique une philosophie
de
la personne dont l’application est une politique du fédéralisme. 1.
3436
l’application est une politique du fédéralisme.
1.
Théologie de l’œcuménisme Écartons d’abord le malentendu que pourr
3437
est une politique du fédéralisme. 1. Théologie
de
l’œcuménisme Écartons d’abord le malentendu que pourrait suggérer
3438
it suggérer ce titre : nous ne voulons pas parler
d’
une « théologie œcuménique », synthèse utopique des théologies existan
3439
s existantes, ou doctrine nouvelle qui risquerait
de
n’être compatible avec aucune des théologies existantes. Ce qui nous
3440
reprise. Le principal est celui-ci : la théologie
de
l’œcuménisme subsiste et tombe avec la foi dans l’union des chrétiens
3441
ist, cette foi pouvant être connotée par le rejet
de
l’hérésie unitaire. Certes, il n’est pas de pire menace pour le mouve
3442
rejet de l’hérésie unitaire. Certes, il n’est pas
de
pire menace pour le mouvement œcuménique que l’utopie et la tentation
3443
mouvement œcuménique que l’utopie et la tentation
d’
une unité formelle, humainement vérifiable, assurée et définitive. Car
3444
ppositions que le mouvement œcuménique se propose
de
surmonter. C’est dans la mesure exacte où les Églises ont voulu trans
3445
na Sancta en une assurance visible et restrictive
de
l’unité (d’organisation ou de doctrine), c’est dans la mesure exacte
3446
une assurance visible et restrictive de l’unité (
d’
organisation ou de doctrine), c’est dans la mesure exacte où elles ont
3447
ible et restrictive de l’unité (d’organisation ou
de
doctrine), c’est dans la mesure exacte où elles ont douté d’une union
3448
), c’est dans la mesure exacte où elles ont douté
d’
une union par essence incontrôlable, qu’elles ont perdu leur communion
3449
u leur communion réelle. Rappelons ici l’histoire
de
la tour de Babel : la volonté de bâtir un monument visible à la gloir
3450
union réelle. Rappelons ici l’histoire de la tour
de
Babel : la volonté de bâtir un monument visible à la gloire de l’unit
3451
s ici l’histoire de la tour de Babel : la volonté
de
bâtir un monument visible à la gloire de l’unité des hommes, conduisi
3452
volonté de bâtir un monument visible à la gloire
de
l’unité des hommes, conduisit à la division de leur langage. Il convi
3453
re de l’unité des hommes, conduisit à la division
de
leur langage. Il convient de laisser aux théologiens le soin de défin
3454
duisit à la division de leur langage. Il convient
de
laisser aux théologiens le soin de définir la doctrine positive de l’
3455
e. Il convient de laisser aux théologiens le soin
de
définir la doctrine positive de l’union au nom de laquelle doit être
3456
éologiens le soin de définir la doctrine positive
de
l’union au nom de laquelle doit être condamnée l’hérésie unitaire. Do
3457
doit être condamnée l’hérésie unitaire. Doctrine
de
la multiplicité des dons accordés par le seul et même Père, ou doctri
3458
ns accordés par le seul et même Père, ou doctrine
de
la pluralité des demeures dans un seul et même ciel, ou encore doctri
3459
res dans un seul et même ciel, ou encore doctrine
de
la diversité des membres d’un seul et même corps : quel que soit le n
3460
l, ou encore doctrine de la diversité des membres
d’
un seul et même corps : quel que soit le nom qu’on lui donne, en aucun
3461
om qu’on lui donne, en aucun cas elle ne manquera
de
fondements bibliques indiscutables. (Pour ma part, je n’en vois pas d
3462
es indiscutables. (Pour ma part, je n’en vois pas
de
meilleur que la première Épître aux Corinthiens : c’est dans ses appe
3463
union, précisément, que Paul établit avec le plus
de
force la légitimité des diversités. Ce qui me paraît d’une excellente
3464
ce la légitimité des diversités. Ce qui me paraît
d’
une excellente méthode.) Est-il permis d’en appeler aussi au précédent
3465
e paraît d’une excellente méthode.) Est-il permis
d’
en appeler aussi au précédent des sept églises d’Asie, possédant chacu
3466
d’en appeler aussi au précédent des sept églises
d’
Asie, possédant chacune leur ange ? Ou à la parole « Soyez un comme le
3467
re et moi sommes un », qui établit le modèle même
de
l’union dans la distinction des personnes ? Posons ces questions-là a
3468
personnes ? Posons ces questions-là aux docteurs
de
l’Église. Mais voici ce que nous devons affirmer dès maintenant : la
3469
ous devons affirmer dès maintenant : la théologie
de
l’œcuménisme considère que la diversité des vocations divines n’est p
3470
des vocations divines n’est pas une imperfection
de
l’union, mais sa vie même. Un deuxième trait, complémentaire d’ailleu
3471
rs, doit être au moins rappelé ici : la théologie
de
l’œcuménisme ne vise pas à démanteler les orthodoxies existantes, dan
3472
ses, mais au contraire, elle a pour premier effet
de
les renforcer en les rendant plus conscientes de leurs valeurs authen
3473
de les renforcer en les rendant plus conscientes
de
leurs valeurs authentiques, et c’est par ce détour, précisément, qu’e
3474
écisément, qu’elle espère atteindre une communion
d’
esprit en profondeur. En d’autres termes, l’appel à l’union ne s’adres
3475
l’union ne s’adresse pas aux dissidents virtuels
de
chaque Église, mais à leurs membres les plus fidèles. Toutefois, cett
3476
it à se fermer sur elle-même et à n’admettre plus
de
recours direct au chef de l’Église, lequel est au ciel à la droite de
3477
me et à n’admettre plus de recours direct au chef
de
l’Église, lequel est au ciel à la droite de Dieu, et non pas sur la t
3478
chef de l’Église, lequel est au ciel à la droite
de
Dieu, et non pas sur la terre, dans telle ville, ou dans tels écrits,
3479
se ou secte n’a jamais été capable, grâce à Dieu,
de
se fermer totalement aux inspirations du Saint-Esprit. Aucune église
3480
sation ou leur doctrine particulière. Au principe
d’
union transcendant qui assure la permanence de l’Église universelle, c
3481
ipe d’union transcendant qui assure la permanence
de
l’Église universelle, certaines ont ajouté, et peu à peu substitué en
3482
outé, et peu à peu substitué en fait, un principe
d’
unité immanent, c’est-à-dire humainement contrôlable. C’est la formule
3483
re humainement contrôlable. C’est la formule même
de
la tyrannie. Car, contre un principe d’unité immanent, mais pratiquem
3484
mule même de la tyrannie. Car, contre un principe
d’
unité immanent, mais pratiquement puis théoriquement absolutisé, il n’
3485
ement puis théoriquement absolutisé, il n’y a pas
de
recours ou d’appel possibles de la part du fidèle. Il doit se soumett
3486
oriquement absolutisé, il n’y a pas de recours ou
d’
appel possibles de la part du fidèle. Il doit se soumettre ou sortir.
3487
tre ou sortir. S’il se soumet, il court le risque
d’
obéir aux hommes plutôt qu’à Dieu. S’il sort, c’est avec amertume, et
3488
re réformée, je n’épiloguerai pas ici sur l’unité
d’
organisation romaine, considérée comme nécessaire au salut. Mais je ra
3489
testante du xviiie siècle : une certaine manière
de
proclamer le dogme de l’inspiration littérale des Écritures, par exem
3490
ècle : une certaine manière de proclamer le dogme
de
l’inspiration littérale des Écritures, par exemple, revient à dispose
3491
ement des Écritures. Car aussitôt que le principe
d’
unité apparaît humainement vérifiable, l’orthodoxie de l’Église se « f
3492
ité apparaît humainement vérifiable, l’orthodoxie
de
l’Église se « ferme » sur elle-même. D’où les schismes nombreux, dès
3493
rthodoxie de l’Église se « ferme » sur elle-même.
D’
où les schismes nombreux, dès cette époque, dans les Églises calvinist
3494
e qui prétend se suffire et posséder son principe
d’
unité, une Église qui tend à se fermer par le haut pour mieux assurer
3495
humaine, devient à la fois isolée et génératrice
de
schismes. Son attitude est donc doublement antiœcuménique. Sa volonté
3496
de est donc doublement antiœcuménique. Sa volonté
d’
unité s’oppose à l’union. Elle transforme la diversité en division. Al
3497
dans ses membres ! La vie normale du corps dépend
de
la vitalité de chacun de ses membres, et la vie d’un membre dépend de
3498
s ! La vie normale du corps dépend de la vitalité
de
chacun de ses membres, et la vie d’un membre dépend de son harmonie a
3499
normale du corps dépend de la vitalité de chacun
de
ses membres, et la vie d’un membre dépend de son harmonie avec les au
3500
e la vitalité de chacun de ses membres, et la vie
d’
un membre dépend de son harmonie avec les autres membres, assurée par
3501
acun de ses membres, et la vie d’un membre dépend
de
son harmonie avec les autres membres, assurée par l’appartenance à un
3502
rons plus loin, et à plusieurs reprises, ce thème
de
l’harmonie organique opposé au thème de l’unité systématique. Notons
3503
ce thème de l’harmonie organique opposé au thème
de
l’unité systématique. Notons qu’il n’entraîne aucunement un éloge de
3504
ique. Notons qu’il n’entraîne aucunement un éloge
de
la « tolérance » libérale à base d’indifférence dogmatique. Car l’har
3505
ment un éloge de la « tolérance » libérale à base
d’
indifférence dogmatique. Car l’harmonie des membres n’est pas une tolé
3506
lement la division ou la duplication accidentelle
d’
un même organe, n’ont rien de mieux à faire qu’à fusionner le plus tôt
3507
ication accidentelle d’un même organe, n’ont rien
de
mieux à faire qu’à fusionner le plus tôt possible. 2. Philosophie
3508
x à faire qu’à fusionner le plus tôt possible.
2.
Philosophie de la personne Les positions œcuméniques que nous veno
3509
fusionner le plus tôt possible. 2. Philosophie
de
la personne Les positions œcuméniques que nous venons d’esquisser
3510
onne Les positions œcuméniques que nous venons
d’
esquisser enveloppent une doctrine de l’homme. Au conflit qui oppose l
3511
nous venons d’esquisser enveloppent une doctrine
de
l’homme. Au conflit qui oppose l’unité et la division dans le plan de
3512
it qui oppose l’unité et la division dans le plan
de
l’Église, correspond terme à terme le conflit qui oppose la collectiv
3513
oppose la collectivité et l’individu dans le plan
de
la société. Et de même que l’œcuménisme retrouve la position spiritue
3514
personnalisme. Cherchons à illustrer les notions
d’
individu, de collectivité, et de personne par des exemples historiques
3515
me. Cherchons à illustrer les notions d’individu,
de
collectivité, et de personne par des exemples historiques susceptible
3516
strer les notions d’individu, de collectivité, et
de
personne par des exemples historiques susceptibles de faire image. L’
3517
ersonne par des exemples historiques susceptibles
de
faire image. L’individu est une invention grecque, et sa naissance si
3518
recque, et sa naissance signale la naissance même
de
l’hellénisme. C’est l’homme de la tribu qui se met à réfléchir « pour
3519
la naissance même de l’hellénisme. C’est l’homme
de
la tribu qui se met à réfléchir « pour son compte », et qui, de ce fa
3520
i se met à réfléchir « pour son compte », et qui,
de
ce fait même, se distingue et s’isole. Raisonner, c’est d’abord doute
3521
ulse le « non-conformiste ». Ce sont ces expulsés
de
divers groupes qui fondent les premières thiases grecques, communauté
3522
’intérêt commun et les contrats. Tous les membres
de
la tribu devaient agir de la même manière, minutieusement prescrite p
3523
trats. Tous les membres de la tribu devaient agir
de
la même manière, minutieusement prescrite par les usages, et toute di
3524
ent prescrite par les usages, et toute dissidence
de
conduite entraînait l’exécration ou la mort. Dans la cité, au contrai
3525
ncurrence, originalité, droits privés, conscience
de
soi, succèdent au respect des tabous et à la stricte observance du sa
3526
mouvement centrifuge par rapport à la communauté
d’
origine, s’il se confond d’abord avec l’intelligence et la raison, ne
3527
vers l’anarchie. À ce moment se crée un sentiment
de
vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse d’où naît l’appel à u
3528
crée un sentiment de vide social. C’est une sorte
d’
angoisse diffuse d’où naît l’appel à une communauté nouvelle et plus s
3529
e vide social. C’est une sorte d’angoisse diffuse
d’
où naît l’appel à une communauté nouvelle et plus solide, où l’individ
3530
st Rome alors qui nous donnera le symbole éternel
de
la réaction collective. La victoire de Rome sur la Grèce est la premi
3531
le éternel de la réaction collective. La victoire
de
Rome sur la Grèce est la première victoire fatale de l’étatisme sur l
3532
Rome sur la Grèce est la première victoire fatale
de
l’étatisme sur l’individualisme devenu anarchique. Entre individualis
3533
aussi profonde qu’on l’imagine. Il s’agit plutôt
d’
une succession inévitable. L’individu ne s’oppose à l’État qu’à la man
3534
même, l’étatisme ne fait qu’achever le processus
de
dissolution commencé par l’individualisme : il liquide les groupes ex
3535
es les initiatives individuelles. N’admettant pas
de
recours au-delà de son pouvoir, il se prive de toute inspiration créa
3536
individuelles. N’admettant pas de recours au-delà
de
son pouvoir, il se prive de toute inspiration créatrice. L’homme n’es
3537
as de recours au-delà de son pouvoir, il se prive
de
toute inspiration créatrice. L’homme n’est plus qu’une fonction socia
3538
ction sociale, un « soldat politique », dirait-on
de
nos jours. Et l’esprit périclite, faute de liberté. La Grèce individu
3539
te de liberté. La Grèce individualiste a triomphé
de
la communauté barbare du sang. Mais plus tard elle a sombré dans l’an
3540
rd elle a sombré dans l’anarchie. Rome a triomphé
de
l’anarchie et sombre maintenant sous le poids de son appareil collect
3541
de l’anarchie et sombre maintenant sous le poids
de
son appareil collectiviste. De nouveau se recrée le vide social. Quel
3542
le sera la nouvelle société ? En ce point crucial
de
l’histoire — dans une situation qui rappelle étrangement la lutte pré
3543
tisme totalitaire — se produit l’événement unique
de
l’Incarnation. Et il apporte à la question des temps la réponse étern
3544
orte à la question des temps la réponse éternelle
de
l’Église. Qu’est-ce que l’Église primitive, dans la perspective socio
3545
s plaçons ici ? Une communauté spirituelle formée
de
communautés locales ou « cellules ». Celles-ci ne se fondent pas sur
3546
ni leur chef : il s’est assis au ciel à la droite
de
Dieu. Leur ambition non plus n’est pas terrestre : elles attendent la
3547
pendant, elles constituent bel et bien les germes
d’
une société véritable. Elles ont leur organisation sociale, leurs chef
3548
s. L’homme qui se convertit et s’incorpore à l’un
de
ces groupes y trouve d’une part une activité sociale qui le relie à s
3549
sociale qui le relie à ses « frères » et le sauve
de
la solitude ; d’autre part, il revêt une dignité humaine nouvelle, pu
3550
squ’il a été racheté, et qu’il a reçu la promesse
de
sa résurrection individuelle. Il est donc à la fois engagé et libéré,
3551
’un seul et même fait : la vocation qu’il a reçue
de
l’Éternel. Cet homme d’un type nouveau n’est pas l’individu grec, pui
3552
la vocation qu’il a reçue de l’Éternel. Cet homme
d’
un type nouveau n’est pas l’individu grec, puisqu’il se soucie davanta
3553
as l’individu grec, puisqu’il se soucie davantage
de
servir que de se distinguer. Il n’est pas non plus le simple rouage,
3554
grec, puisqu’il se soucie davantage de servir que
de
se distinguer. Il n’est pas non plus le simple rouage, la simple fonc
3555
omain, puisqu’il possède une dignité indépendante
de
son rôle social. Comment le baptiser ? Il faut un mot nouveau. Ou plu
3556
les docteurs grecs avaient adopté le terme latin
de
persona (rôle social). C’est ce même terme qui servira aux premiers p
3557
miers philosophes chrétiens à désigner la réalité
de
l’homme dans un monde christianisé. Car cet homme est, lui aussi, à l
3558
ns chrétiennes, ou pour mieux dire, des créations
de
l’Église chrétienne. Dans la personne ainsi définie se résout l’étern
3559
ation qu’il envoie à l’homme, distingue cet homme
de
tous les autres et le remet en relations concrètes avec ses semblable
3560
liberté est assurée par la possibilité constante
de
recourir directement à l’Éternel, au-dessus de la communauté. Et la c
3561
te de recourir directement à l’Éternel, au-dessus
de
la communauté. Et la communauté est liée par sa fidélité à l’Éternel.
3562
t le même fondement que les droits et les devoirs
de
l’ensemble. Ils ne sont plus contradictoires. Ce qui libère un homme
3563
me est aussi ce qui le rend responsable vis-à-vis
d’
autrui. En retour, ce qui unit la communauté est aussi ce qui l’oblige
3564
chacun sa chance. Mais la liberté et l’engagement
de
la personne chrétienne se définissent du même coup par la formule : à
3565
ocation. Nous avons retrouvé, dans cette doctrine
de
l’homme, les mêmes structures que dans la doctrine de l’Église univer
3566
’homme, les mêmes structures que dans la doctrine
de
l’Église universelle esquissée plus haut ; la même position centrale
3567
les droits des parties. De même que la théologie
de
l’œcuménisme prévient d’une part l’orthodoxie fermée, d’autre part la
3568
autre part la dissidence obstinée, la philosophie
de
la personne prévient d’une part le collectivisme oppressif, d’autre p
3569
trop esclave. Elle est l’homme intégral, dont les
deux
autres ne sont que des maladies. Dans le plan humain immanent, il n’y
3570
adies. Dans le plan humain immanent, il n’y a pas
d’
équilibre possible entre l’anarchie et l’unité forcée, l’individu et l
3571
mieux qu’un équilibre, il y a un principe vivant
d’
union. Là où est l’Esprit, là est la liberté, mais là aussi est la vra
3572
développer maintenant les implications politiques
de
cette théologie et de cette philosophie. 3. Politique du fédéralis
3573
les implications politiques de cette théologie et
de
cette philosophie. 3. Politique du fédéralisme Nous en avons as
3574
es de cette théologie et de cette philosophie.
3.
Politique du fédéralisme Nous en avons assez dit pour qu’il soit d
3575
avons assez dit pour qu’il soit désormais facile
de
voir qu’à l’attitude œcuménique en religion ne peut correspondre que
3576
fédéraliste en politique. Quant à la philosophie
de
la personne, elle sera normalement celle du bon citoyen d’une fédérat
3577
sonne, elle sera normalement celle du bon citoyen
d’
une fédération. La devise paradoxale du fédéralisme helvétique : « Un
3578
us, tous pour un », est également valable sur ces
trois
plans. L’œcuménisme exclut l’orthodoxie fermée, créatrice de schismes
3579
’œcuménisme exclut l’orthodoxie fermée, créatrice
de
schismes, et la dissidence obstinée. Le fédéralisme exclut de même l’
3580
ralisme exclut de même l’impérialisme, générateur
de
guerres, et le régionalisme borné et égoïste. (Remarquons d’ailleurs
3581
urs que l’impérialisme n’est que l’individualisme
d’
un groupe ; et l’individualisme, l’impérialisme d’un homme isolé. De m
3582
d’un groupe ; et l’individualisme, l’impérialisme
d’
un homme isolé. De même que l’État cesse d’être un vrai État dès qu’il
3583
alisme d’un homme isolé. De même que l’État cesse
d’
être un vrai État dès qu’il se veut souverain absolu, l’homme cesse d’
3584
dès qu’il se veut souverain absolu, l’homme cesse
d’
être un homme intégral dès qu’il absolutise sa liberté.) Le fédéralism
3585
liser. Car les tâches civiques y sont à l’échelle
de
l’individu et l’engagement concret dans la communauté y devient donc
3586
on avec le groupe, on a la possibilité matérielle
d’
y faire entendre sa voix. Si cela ne suffit pas, on peut changer de gr
3587
e sa voix. Si cela ne suffit pas, on peut changer
de
groupe. L’on n’est donc pas isolé, comme l’individu se trouve isolé d
3588
l ou politique, ou professionnel. Cette pluralité
d’
appartenances — qui trouverait son équivalent dans l’œcuménisme ecclés
3589
taire, qui prétend faire coïncider les frontières
de
l’État avec celles de toutes les activités sociales, spirituelles ou
3590
re coïncider les frontières de l’État avec celles
de
toutes les activités sociales, spirituelles ou privées — ce qui est l
3591
uelles ou privées — ce qui est la définition même
de
l’oppression. Le fédéralisme, comme l’œcuménisme, reconnaît que les d
3592
ît que les diversités régionales sont la vie même
de
l’Union. Mais par l’organe central qui lie toutes les régions, il mén
3593
, il ménage un recours au citoyen contre les abus
de
pouvoirs locaux. Il cherche la coopération organique de ses membres e
3594
voirs locaux. Il cherche la coopération organique
de
ses membres et non cette caricature de l’ordre qu’est l’unité dans l’
3595
organique de ses membres et non cette caricature
de
l’ordre qu’est l’unité dans l’uniformité. Au lieu de pétrifier les fr
3596
édération, il cherche à vivifier leurs foyers. Et
de
la sorte, à l’équilibre méfiant et statique des puissances affrontées
3597
iste (centralisateur et individualiste à la fois)
d’
un régime coopératif. Mais ceci nous entraînerait dans un exposé qui d
3598
entraînerait dans un exposé qui déborde le cadre
de
ce schéma doctrinal. Notre objet était d’établir les relations suivan
3599
e cadre de ce schéma doctrinal. Notre objet était
d’
établir les relations suivantes : l’œcuménisme, le personnalisme et le
3600
nalisme et le fédéralisme sont les aspects divers
d’
une seule et même attitude spirituelle. Ils s’engendrent l’un l’autre
3601
mes ambitions. Ils opposent également à la notion
d’
unité rigide celle de communion ; à l’Empire, le Commonwealth ; à l’or
3602
posent également à la notion d’unité rigide celle
de
communion ; à l’Empire, le Commonwealth ; à l’ordre unitaire et géomé
3603
collaboration pluraliste et organique ; au couple
de
frères ennemis que forment l’individu déraciné et la masse totalitair
3604
ividu déraciné et la masse totalitaire, le couple
de
frères amis que forment la personne et la communauté fédérale. Vouloi
3605
énisme, ce serait priver l’organisation politique
de
ses fondements spirituels. Mais accepter l’œcuménisme sans vouloir ég
3606
st pas la foi. Note. — On s’étonnera peut-être
de
ne pas voir figurer le terme de démocratie dans ce qui précède. C’est
3607
tonnera peut-être de ne pas voir figurer le terme
de
démocratie dans ce qui précède. C’est qu’il recouvre actuellement de
3608
ce qui précède. C’est qu’il recouvre actuellement
de
trop graves malentendus et abus. L’œcuménisme n’a pas à les reprendre
3609
. Dans le fédéralisme, démocrates et totalitaires
de
droite et de gauche pourront trouver la plénitude de leurs idéaux inc
3610
éralisme, démocrates et totalitaires de droite et
de
gauche pourront trouver la plénitude de leurs idéaux incomplets, sépa
3611
droite et de gauche pourront trouver la plénitude
de
leurs idéaux incomplets, séparés, et par là même déformés. À mon sens
3612
le fédéralisme est la seule possibilité pratique
de
réaliser la vraie démocratie. Mais il a le grand avantage de réaliser
3613
la vraie démocratie. Mais il a le grand avantage
de
réaliser en même temps ce qu’il y a de valable dans l’appel communaut
3614
d avantage de réaliser en même temps ce qu’il y a
de
valable dans l’appel communautaire que le totalitarisme a diaboliquem
3615
talitarisme a diaboliquement utilisé et dévié.
4.
Mission fédératrice de l’œcuménisme Et maintenant nous voici dans
3616
ement utilisé et dévié. 4. Mission fédératrice
de
l’œcuménisme Et maintenant nous voici dans le drame de l’année 194
3617
ménisme Et maintenant nous voici dans le drame
de
l’année 194173. Nous constatons que le conflit en cours est insoluble
3618
Et maintenant nous voici dans le drame de l’année
194173.
Nous constatons que le conflit en cours est insoluble dans son plan.
3619
e définitivement des démocraties, ce sera la mort
d’
une culture et d’une économie, sans doute, mais ce sera surtout la sup
3620
des démocraties, ce sera la mort d’une culture et
d’
une économie, sans doute, mais ce sera surtout la suppression de toute
3621
, sans doute, mais ce sera surtout la suppression
de
toute possibilité œcuménique, la subversion des valeurs universelles
3622
valeurs universelles créées par l’évangélisation
de
la conscience occidentale. D’autre part, si les démocraties capitalis
3623
alistes triomphent, aucun problème ne sera résolu
de
ce fait. Tout le monde sent ou pressent d’ailleurs que les deux terme
3624
Tout le monde sent ou pressent d’ailleurs que les
deux
termes de cette alternative sont également improbables, et que les de
3625
e sent ou pressent d’ailleurs que les deux termes
de
cette alternative sont également improbables, et que les destructions
3626
nir supprimeront pratiquement toutes possibilités
de
victoire réelle de l’un ou de l’autre parti. L’examen objectif des fo
3627
atiquement toutes possibilités de victoire réelle
de
l’un ou de l’autre parti. L’examen objectif des forces en présence ne
3628
toutes possibilités de victoire réelle de l’un ou
de
l’autre parti. L’examen objectif des forces en présence ne permet d’e
3629
’examen objectif des forces en présence ne permet
d’
envisager pour l’Europe et le monde de demain qu’une période de chaos
3630
e ne permet d’envisager pour l’Europe et le monde
de
demain qu’une période de chaos étatisé ; je ne dis même pas de « révo
3631
our l’Europe et le monde de demain qu’une période
de
chaos étatisé ; je ne dis même pas de « révolution ». Car pour qu’une
3632
une période de chaos étatisé ; je ne dis même pas
de
« révolution ». Car pour qu’une révolution se déclenche, il faut une
3633
me ont reçu en Europe des coups mortels, dans les
deux
camps. Le totalitarisme est un état de guerre, qui ne peut subsister
3634
dans les deux camps. Le totalitarisme est un état
de
guerre, qui ne peut subsister normalement. Il ne reste donc à prévoir
3635
confuses des peuples et aux nécessités pratiques
de
la paix. Elle seule s’oppose à la fois au capitalisme individualiste
3636
peut aujourd’hui proposer cette réponse ? Le rôle
d’
Hitler est de détruire. Il détruit les contradictions intolérables d’u
3637
hui proposer cette réponse ? Le rôle d’Hitler est
de
détruire. Il détruit les contradictions intolérables d’une Europe qui
3638
ruire. Il détruit les contradictions intolérables
d’
une Europe qui s’obstinait à parler de justice et de droit en restant
3639
ntolérables d’une Europe qui s’obstinait à parler
de
justice et de droit en restant capitaliste et nationaliste, et qui re
3640
une Europe qui s’obstinait à parler de justice et
de
droit en restant capitaliste et nationaliste, et qui refusait de se f
3641
tant capitaliste et nationaliste, et qui refusait
de
se fédérer. Hitler abat les barrières, le passé. C’est toute sa force
3642
it. Il n’y aurait plus qu’une table rase couverte
de
ruines pulvérisées. Le rôle de Churchill est de faire la guerre. Mais
3643
able rase couverte de ruines pulvérisées. Le rôle
de
Churchill est de faire la guerre. Mais il ne pourra pas la gagner rée
3644
e de ruines pulvérisées. Le rôle de Churchill est
de
faire la guerre. Mais il ne pourra pas la gagner réellement s’il ne p
3645
agner réellement s’il ne propose rien aux peuples
de
l’Europe. Or il dit qu’il n’en a pas le temps… Quant au rôle de Stali
3646
r il dit qu’il n’en a pas le temps… Quant au rôle
de
Staline, il paraît être de profiter de la guerre des autres pour cons
3647
e temps… Quant au rôle de Staline, il paraît être
de
profiter de la guerre des autres pour consolider l’autarcie russe… Ce
3648
nt au rôle de Staline, il paraît être de profiter
de
la guerre des autres pour consolider l’autarcie russe… Cette carence
3649
velle. Si les Églises n’y répondent pas, personne
d’
autre, je le crains, ne répondra. Avant même de se demander si les Égl
3650
ne d’autre, je le crains, ne répondra. Avant même
de
se demander si les Églises peuvent répondre, il faut qu’elles compren
3651
u’elles comprennent qu’elles le doivent. Mais les
deux
termes ne se confondent-ils pas dans la réalité de la foi ? Certes !
3652
x termes ne se confondent-ils pas dans la réalité
de
la foi ? Certes ! Si les Églises sont fidèles à leur chef, elles save
3653
ègne et crée pour ceux qui croient la possibilité
de
faire ce qu’il demande. Dans l’état d’impuissance apparente où se voi
3654
ossibilité de faire ce qu’il demande. Dans l’état
d’
impuissance apparente où se voient aujourd’hui les Églises, si cette f
3655
le sera suffisante. Aussi bien, certaines raisons
de
croire que l’Église peut agir, raisons que nous allons énumérer, sont
3656
rtifier des espérances ou à nourrir des volontés.
1.
L’histoire du monde christianisé nous montre que les structures ecclé
3657
précédé et prédéterminé les structures politiques
d’
une nation. J’indiquerai trois groupes d’exemples de cette précédence
3658
structures politiques d’une nation. J’indiquerai
trois
groupes d’exemples de cette précédence des facteurs religieux. Voilà
3659
litiques d’une nation. J’indiquerai trois groupes
d’
exemples de cette précédence des facteurs religieux. Voilà le premier.
3660
une nation. J’indiquerai trois groupes d’exemples
de
cette précédence des facteurs religieux. Voilà le premier. A-t-on rem
3661
e premier. A-t-on remarqué qu’il existe une forme
de
totalitarisme correspondant à la Russie orthodoxe, une seconde, corre
3662
s calvinistes, même laïcisés, comme ce fut le cas
de
la France sous la Troisième République ? Comment expliquer ce fait ?
3663
République ? Comment expliquer ce fait ? À défaut
d’
une étude nuancée, — dont je ne puis donner ici que le thème — je dira
3664
tre l’Église et l’État n’avait jamais été établie
d’
une manière satisfaisante. Il en résultait, dans le peuple, le sentime
3665
l’État formaient un tout, et constituaient à eux
deux
le Pouvoir. Renverser l’un, c’était donc fatalement s’attaquer à l’au
3666
ni, se virent contraints par le sentiment général
de
reprendre à leur compte le césaropapisme ou la théocratie dont ils tr
3667
les pays calvinistes, au contraire, la séparation
de
l’Église et de l’État a toujours été réelle — même lorsqu’elle n’étai
3668
istes, au contraire, la séparation de l’Église et
de
l’État a toujours été réelle — même lorsqu’elle n’était pas stricteme
3669
rictement établie par la loi. De même les devoirs
de
la vocation personnelle ont toujours été mis au-dessus des devoirs en
3670
te carence ne s’y est pas traduite par l’éclosion
d’
une anti-religion totalitaire, mais par un phénomène contraire de disp
3671
gion totalitaire, mais par un phénomène contraire
de
dispersion individualiste. Autre exemple : l’Angleterre et les pays s
3672
ous voyons ce processus ecclésiastique se répéter
de
nos jours dans ces mêmes pays, cette fois-ci dans l’ordre politique e
3673
duit un contenu socialiste. (Là encore avec moins
de
secousses en Scandinavie qu’en Angleterre.) Troisième exemple : Calvi
3674
in s’est toujours refusé à établir une uniformité
de
gouvernement pour les diverses Églises qui se réclamaient de sa réfor
3675
ment pour les diverses Églises qui se réclamaient
de
sa réforme. L’Una Sancta nous apparaît ici-bas, selon ses propres ter
3676
ières ». Elle doit donc s’organiser en fédération
de
paroisses et de provinces, par synodes. Ce type de relations ecclésia
3677
it donc s’organiser en fédération de paroisses et
de
provinces, par synodes. Ce type de relations ecclésiastiques devait t
3678
e paroisses et de provinces, par synodes. Ce type
de
relations ecclésiastiques devait trouver sa traduction politique dans
3679
lth britannique, États-Unis d’Amérique. (La forme
de
« l’individualisme par groupes » dans ce dernier pays, étant prédéter
3680
e dernier pays, étant prédéterminée par le fait —
d’
ordre ecclésiastique — qu’il fut fondé par des seceders.) Et l’on sait
3681
par des seceders.) Et l’on sait que les réformés
de
France, au xvie siècle, préconisèrent une organisation fédérative du
3682
n « Grand Dessein », c’est-à-dire le premier plan
d’
une Europe confédérée. Il serait aisé de développer, de nuancer et de
3683
ier plan d’une Europe confédérée. Il serait aisé
de
développer, de nuancer et de multiplier de tels exemples. Je ne les i
3684
Europe confédérée. Il serait aisé de développer,
de
nuancer et de multiplier de tels exemples. Je ne les indique ici que
3685
rée. Il serait aisé de développer, de nuancer et
de
multiplier de tels exemples. Je ne les indique ici que pour montrer :
3686
t aisé de développer, de nuancer et de multiplier
de
tels exemples. Je ne les indique ici que pour montrer : 1° que la con
3687
xemples. Je ne les indique ici que pour montrer :
1°
que la connaissance intime des processus religieux dans un pays donné
3688
us politiques qui s’y manifesteront tôt ou tard ;
2°
que l’action, que le mouvement œcuménique peut et doit exercer sur ce
3689
nde nécessairement tout effort fédératif sérieux.
2.
La théologie de l’œcuménisme, et la philosophie de la personne qu’ell
3690
nt tout effort fédératif sérieux. 2. La théologie
de
l’œcuménisme, et la philosophie de la personne qu’elle implique, sont
3691
. La théologie de l’œcuménisme, et la philosophie
de
la personne qu’elle implique, sont les seules bases actuellement conc
3692
es pour un ordre nouveau du monde. (La « religion
de
l’homme » que certains nous proposent est une contradiction dans les
3693
ns les termes, à moins qu’elle ne soit la formule
de
la religion totalitaire, sans transcendance, que précisément l’on se
3694
ns transcendance, que précisément l’on se propose
de
combattre !) D’autre part, la théologie de l’œcuménisme et la philoso
3695
ropose de combattre !) D’autre part, la théologie
de
l’œcuménisme et la philosophie de la personne sont les seules bases a
3696
t, la théologie de l’œcuménisme et la philosophie
de
la personne sont les seules bases actuellement existantes, et sur les
3697
puisse construire dès maintenant. (La « religion
de
l’homme », ou du surhomme, est encore à créer, et le temps presse !)
3698
st encore à créer, et le temps presse !) Chargées
d’
éléments traditionnels, condensant tout ce que nous avons d’expérience
3699
traditionnels, condensant tout ce que nous avons
d’
expérience de la paix, elles convoient et contiennent en même temps un
3700
s, condensant tout ce que nous avons d’expérience
de
la paix, elles convoient et contiennent en même temps un indiscutable
3701
temps un indiscutable dynamisme révolutionnaire.
3.
L’organisation du Conseil œcuménique se trouve être de fait la seule
3702
organisation du Conseil œcuménique se trouve être
de
fait la seule Internationale en formation. On sait assez que les Inte
3703
s et politiques se sont désintégrées au cours des
deux
dernières décades. (Les partis socialistes subsistant dans les pays o
3704
pays où les Soviets ne règnent pas, sont en voie
de
divergence et non de convergence, sur le plan international. On a vu
3705
ne règnent pas, sont en voie de divergence et non
de
convergence, sur le plan international. On a vu les socialistes angla
3706
subsiste en dehors de l’œcuménisme, qui permette
de
mettre en relations des groupes nationaux non étatiques. Ce fait simp
3707
aine, et, n’hésitons pas à le dire, une vocation.
4.
La renaissance liturgique qui va de pair, dans toutes les Églises, av
3708
une vocation. 4. La renaissance liturgique qui va
de
pair, dans toutes les Églises, avec l’effort œcuménique, est en train
3709
n train de recréer un langage commun, un ensemble
de
communes mesures spirituelles. Ce langage au-dessus des langages répo
3710
répond exactement aux besoins les plus légitimes
de
notre temps. Il nous rend les vraies formules de la communauté vivant
3711
de notre temps. Il nous rend les vraies formules
de
la communauté vivante, celle qui rassemble les personnes, et non pas
3712
e et grossièrement encadrée, les individus privés
de
leur conscience normale. Du point de vue sociologique, la renaissance
3713
e par le mouvement œcuménique, marque l’avènement
d’
une attitude personnaliste, au-delà de l’antinomie individu isolé-mass
3714
l’avènement d’une attitude personnaliste, au-delà
de
l’antinomie individu isolé-masse militarisée. 5. La théologie de l’œc
3715
de l’antinomie individu isolé-masse militarisée.
5.
La théologie de l’œcuménisme, la philosophie de la personne et la pol
3716
individu isolé-masse militarisée. 5. La théologie
de
l’œcuménisme, la philosophie de la personne et la politique du fédéra
3717
. 5. La théologie de l’œcuménisme, la philosophie
de
la personne et la politique du fédéralisme sont seules en mesure, auj
3718
u fédéralisme sont seules en mesure, aujourd’hui,
de
synthétiser les vérités disjointes et tournées en erreurs, qui subsis
3719
ements totalitaires. Ceci résulte, théoriquement,
de
ce que nous avons exposé aux chapitres 1-3. Le mouvement œcuménique e
3720
uement, de ce que nous avons exposé aux chapitres
1-3.
Le mouvement œcuménique est donc seul en mesure de préparer la réconc
3721
. Le mouvement œcuménique est donc seul en mesure
de
préparer la réconciliation des adversaires actuels. Il ne se fonde pa
3722
temps qu’elle ré-axe les vérités égarées dans les
deux
camps. (N’oublions pas que l’on combat, de part et d’autre, sans gran
3723
les deux camps. (N’oublions pas que l’on combat,
de
part et d’autre, sans grand espoir mais avec une pathétique sincérité
3724
amps. (N’oublions pas que l’on combat, de part et
d’
autre, sans grand espoir mais avec une pathétique sincérité.) ⁂ Le tab
3725
thétique sincérité.) ⁂ Le tableau que nous venons
d’
esquisser est ambitieux. Il veut l’être, parce qu’il doit l’être. L’ac
3726
l’être. L’action du chrétien n’est jamais partie
de
la prudente considération des forces dont il croyait pouvoir disposer
3727
des forces dont il croyait pouvoir disposer, mais
de
ce que Dieu voulait qu’il fît. C’est toujours une utopie apparente ;
3728
s auteurs isolés l’ont fait entendre. Des groupes
d’
intellectuels ont tenté de formuler certaines réponses partielles. Le
3729
t entendre. Des groupes d’intellectuels ont tenté
de
formuler certaines réponses partielles. Le sentiment obscur des peupl
3730
ités morales et politiques (personnalisme). Point
d’
action constructive sans idéologie. Mais point d’idéologie valable san
3731
d’action constructive sans idéologie. Mais point
d’
idéologie valable sans théologie. Et point de théologie efficace sans
3732
oint d’idéologie valable sans théologie. Et point
de
théologie efficace sans le soutien d’une catholicité réelle, d’une co
3733
e. Et point de théologie efficace sans le soutien
d’
une catholicité réelle, d’une communauté humaine fondée dans la commun
3734
fficace sans le soutien d’une catholicité réelle,
d’
une communauté humaine fondée dans la communion des saints. Cette comm
3735
universelle, qu’il doit affronter maintenant.
73.
Note de 1946 : Je n’ai pas un mot à changer au diagnostic qui suit.
3736
lle, qu’il doit affronter maintenant. 73. Note
de
1946 : Je n’ai pas un mot à changer au diagnostic qui suit. ab. Rou
3737
, qu’il doit affronter maintenant. 73. Note de
1946
: Je n’ai pas un mot à changer au diagnostic qui suit. ab. Rougemon
3738
ger au diagnostic qui suit. ab. Rougemont Denis
de
, « Fédéralisme et œcuménisme », Foi et Vie, Paris, septembre–octobre
3739
cuménisme », Foi et Vie, Paris, septembre–octobre
1946,
p. 621-639. ac. Il s’agit d’une traduction en français de « Ecumenic
3740
eptembre–octobre 1946, p. 621-639. ac. Il s’agit
d’
une traduction en français de « Ecumenicity and federalism », Christen
3741
-639. ac. Il s’agit d’une traduction en français
de
« Ecumenicity and federalism », Christendom, New York, n° 2, printemp
3742
icity and federalism », Christendom, New York, n°
2,
printemps 1941, p. 219-233.
3743
eralism », Christendom, New York, n° 2, printemps
1941,
p. 219-233.
3744
Pédagogie des catastrophes (avril
1977
)ad ae Tout ne fut pas toujours de notre faute. Ils souffraient de
3745
hes (avril 1977)ad ae Tout ne fut pas toujours
de
notre faute. Ils souffraient de famine quand nous n’étions pas nés. I
3746
fut pas toujours de notre faute. Ils souffraient
de
famine quand nous n’étions pas nés. Ils meurent encore de faim, mais
3747
e quand nous n’étions pas nés. Ils meurent encore
de
faim, mais en bien plus grand nombre — c’est un résultat du Progrès —
3748
t du Progrès — cependant que l’on meurt chez nous
de
manger trop. Cette fois-ci, notre faute est immense, mais ailleurs :
3749
notre faute est immense, mais ailleurs : elle est
d’
avoir offert, ou plutôt imposé aux élites occidentalisées du tiers-mon
3750
ent étranger à toutes leurs traditions, le modèle
de
l’État-nation napoléonien — et que ce soit en version capitaliste ou
3751
uniste ne fait aucune différence. Ils se trompent
d’
Europe, quand ils veulent l’imiter, surtout pour mieux s’en libérer. I
3752
libérées, leur identité retrouvée. Le seul moyen
de
les inciter à éviter nos maux, au lieu de les revendiquer, sera l’exe
3753
de les revendiquer, sera l’exemple vécu et réussi
d’
un dépassement de nos stato-nationalismes par la fédération continenta
3754
r, sera l’exemple vécu et réussi d’un dépassement
de
nos stato-nationalismes par la fédération continentale ; d’un dépasse
3755
to-nationalismes par la fédération continentale ;
d’
un dépassement de la croissance à tout prix des formules d’équilibre h
3756
par la fédération continentale ; d’un dépassement
de
la croissance à tout prix des formules d’équilibre humain qui prennen
3757
ssement de la croissance à tout prix des formules
d’
équilibre humain qui prennent en compte le bonheur, ou simplement l’ai
3758
que le gonflement artificiel du PNB et les stocks
de
bombes calculés en « équivalents TNT ». Condamner l’Europe et ne rien
3759
ion, c’est priver le tiers-monde des seuls moyens
de
s’en tirer sans catastrophes. Car s’il est vrai que l’Europe est resp
3760
s. Car s’il est vrai que l’Europe est responsable
de
la plupart des maux qui accablent le tiers-monde, et d’abord de son e
3761
des maux qui accablent le tiers-monde, et d’abord
de
son explosion démographique, d’où famine, mais d’où soif aussi de nos
3762
monde, et d’abord de son explosion démographique,
d’
où famine, mais d’où soif aussi de nos industries, il est non moins vr
3763
de son explosion démographique, d’où famine, mais
d’
où soif aussi de nos industries, il est non moins vrai que l’Europe se
3764
démographique, d’où famine, mais d’où soif aussi
de
nos industries, il est non moins vrai que l’Europe seule peut produir
3765
à savoir si le tiers-monde sera tenté, et tirera
de
sa libération les conclusions que nous aurions dû tirer, pour notre p
3766
sions que nous aurions dû tirer, pour notre part,
de
l’échec du colonialisme, je suis sceptique. Il se peut que le tiers-m
3767
u sage. Mais ce qui est sûr, c’est qu’en refusant
de
faire les régions et de se « faire » du même mouvement, l’Europe perd
3768
sûr, c’est qu’en refusant de faire les régions et
de
se « faire » du même mouvement, l’Europe perdrait ses dernières chanc
3769
ouvement, l’Europe perdrait ses dernières chances
de
paix, d’autonomie, et de survie de son identité, de son génie. — Co
3770
l’Europe perdrait ses dernières chances de paix,
d’
autonomie, et de survie de son identité, de son génie. — Comment alo
3771
it ses dernières chances de paix, d’autonomie, et
de
survie de son identité, de son génie. — Comment alors, évaluez-vous
3772
nières chances de paix, d’autonomie, et de survie
de
son identité, de son génie. — Comment alors, évaluez-vous les chanc
3773
paix, d’autonomie, et de survie de son identité,
de
son génie. — Comment alors, évaluez-vous les chances de votre proje
3774
énie. — Comment alors, évaluez-vous les chances
de
votre projet ? Quelles forces peut-il mobiliser ? Qui est pour ? Qui
3775
va le prendre en charge ? — Je ne serais pas tenu
de
répondre à ces questions, m’étant donné pour tâche de faire voir et s
3776
épondre à ces questions, m’étant donné pour tâche
de
faire voir et sentir la nécessité des régions, en tant qu’elle me par
3777
paraît lisiblement inscrite dans la problématique
de
notre temps. Et voilà bien pourquoi plusieurs hommes politiques, dont
3778
à bien pourquoi plusieurs hommes politiques, dont
quatre
ou cinq du premier rang, en Amérique du Nord comme en Europe de l’Oue
3779
rquoi plusieurs hommes politiques, dont quatre ou
cinq
du premier rang, en Amérique du Nord comme en Europe de l’Ouest, se v
3780
ou un colloque privé. Pourtant, ils ne font rien
de
visible dans ce sens, tout occupés qu’ils sont à se maintenir au pouv
3781
au pouvoir. Ils voudraient bien agir dans le sens
de
mon plan, mais s’ils en montraient l’intention, ils perdraient aussit
3782
ls perdraient aussitôt, et à coup sûr, le pouvoir
de
le faire peut-être un jour… Je n’en vois pas un seul qui ait risqué l
3783
ais pas me dérober à une question que je ne cesse
de
me poser. Vous demandez qui va réaliser mon plan. À vrai dire, il y a
3784
iser mon plan. À vrai dire, il y a toutes raisons
de
redouter que personne ne s’en charge en tant que représentant d’une n
3785
personne ne s’en charge en tant que représentant
d’
une nation, d’un parti, de la gauche ou de la droite, ou même de la Je
3786
’en charge en tant que représentant d’une nation,
d’
un parti, de la gauche ou de la droite, ou même de la Jeunesse. Les ho
3787
n tant que représentant d’une nation, d’un parti,
de
la gauche ou de la droite, ou même de la Jeunesse. Les hommes d’État
3788
sentant d’une nation, d’un parti, de la gauche ou
de
la droite, ou même de la Jeunesse. Les hommes d’État ne feront rien,
3789
d’un parti, de la gauche ou de la droite, ou même
de
la Jeunesse. Les hommes d’État ne feront rien, pour la raison que je
3790
les régions n’existent pas, ou seulement à l’état
de
nécessités vitales et ça ne vote pas. Qu’ont fait tous nos gouverneme
3791
onc pas plus régionaux qu’européens. Leur but est
d’
accéder au pouvoir existant, d’occuper ses bureaux, de s’asseoir dans
3792
éens. Leur but est d’accéder au pouvoir existant,
d’
occuper ses bureaux, de s’asseoir dans ses fauteuils, de manipuler ses
3793
céder au pouvoir existant, d’occuper ses bureaux,
de
s’asseoir dans ses fauteuils, de manipuler ses commandes, et non pas
3794
per ses bureaux, de s’asseoir dans ses fauteuils,
de
manipuler ses commandes, et non pas de le modifier radicalement, enco
3795
fauteuils, de manipuler ses commandes, et non pas
de
le modifier radicalement, encore moins de créer un tout autre pouvoir
3796
non pas de le modifier radicalement, encore moins
de
créer un tout autre pouvoir. Même jeu donc pour la droite et la gauch
3797
re leur dicte ses lois. Quant au « grand public »
de
la droite et aux « masses » de la gauche, catégories de naguère aujou
3798
u « grand public » de la droite et aux « masses »
de
la gauche, catégories de naguère aujourd’hui confondues dans l’ensemb
3799
droite et aux « masses » de la gauche, catégories
de
naguère aujourd’hui confondues dans l’ensemble passif des téléspectat
3800
a su voir venir les guerres mondiales, la théorie
de
la relativité, le stalinisme, la décevante marche sur la Lune, ni mêm
3801
la décevante marche sur la Lune, ni même la crise
de
l’énergie. Tout ou presque semble indiquer à l’observateur objectif q
3802
tique, je la vois partagée dans sa majorité entre
deux
attitudes : — opportunisme à très court terme (trouver un job) et sou
3803
erme (trouver un job) et souci fortement anticipé
de
sécurité (s’assurer la retraite en même temps que le job). On ne s’oc
3804
aite en même temps que le job). On ne s’occupe ni
de
l’Europe, ni encore de régions, et encore moins de révolution. — Refu
3805
le job). On ne s’occupe ni de l’Europe, ni encore
de
régions, et encore moins de révolution. — Refus du « système », ce re
3806
e l’Europe, ni encore de régions, et encore moins
de
révolution. — Refus du « système », ce refus passant pour « révolutio
3807
ur « révolutionnaire ». On ne s’occupe pas encore
de
l’Europe, ni de régions, ni de la création d’un pouvoir neuf, mais tr
3808
aire ». On ne s’occupe pas encore de l’Europe, ni
de
régions, ni de la création d’un pouvoir neuf, mais très souvent, pres
3809
’occupe pas encore de l’Europe, ni de régions, ni
de
la création d’un pouvoir neuf, mais très souvent, presque toujours de
3810
ore de l’Europe, ni de régions, ni de la création
d’
un pouvoir neuf, mais très souvent, presque toujours de « pollution »,
3811
pe, ni de régions, ni de la création d’un pouvoir
neuf
, mais très souvent, presque toujours de « pollution », notez cela !
3812
pouvoir neuf, mais très souvent, presque toujours
de
« pollution », notez cela ! — Si je comprends bien, vous n’avez ave
3813
s élites à la mode… Qu’avez-vous donc ? — Le sens
d’
un péril imminent et la conscience de vivre un long cauchemar où tout
3814
? — Le sens d’un péril imminent et la conscience
de
vivre un long cauchemar où tout est faux, impossible et réel ; le ref
3815
r où tout est faux, impossible et réel ; le refus
de
croire que l’état des forces cataloguées, tel que vous venez de le ca
3816
nt, ne puisse changer à bref délai ; et la vision
d’
un avenir vivant, qui peut faire se lever d’autres forces. Rien de ce
3817
nt, qui peut faire se lever d’autres forces. Rien
de
ce qui nous semble aujourd’hui définitivement installé dans une évide
3818
e évidence granitique ne va durer, parce que rien
de
tout cela ne peut durer. Aucune des conditions de survie d’une civili
3819
de tout cela ne peut durer. Aucune des conditions
de
survie d’une civilisation quelconque ne se trouve remplie par la nôtr
3820
la ne peut durer. Aucune des conditions de survie
d’
une civilisation quelconque ne se trouve remplie par la nôtre : ni le
3821
ou gouailleur du peuple, ni le dévouement rituel
d’
une aristocratie qui sait ce qu’elle se doit. Plus grave encore, cette
3822
ette civilisation ne peut produire nulle garantie
de
sécurité égale ou supérieure aux risques par elle-même créés et entre
3823
la société stato-nationaliste a pour seule vertu
d’
être là. Écoutons Baudelaire : Le monde va finir. La seule raison pou
3824
isait Emmanuel Berl « peuvent en avoir marre tout
d’
un coup »74. Déjà s’opère en toutes classes sociales et toutes classes
3825
uel Berl « peuvent en avoir marre tout d’un coup »
74.
Déjà s’opère en toutes classes sociales et toutes classes d’âge la mo
3826
père en toutes classes sociales et toutes classes
d’
âge la mobilisation de plus en plus fréquente d’activistes nombreux et
3827
s d’âge la mobilisation de plus en plus fréquente
d’
activistes nombreux et motivés luttant contre la pollution sous toutes
3828
rtir de là, tout s’enchaîne. L’analyse des causes
de
la pollution et du système de ces causes conduit, au-delà des déducti
3829
’analyse des causes de la pollution et du système
de
ces causes conduit, au-delà des déductions critiques, à l’escalade le
3830
ovations sociales et politiques proposées au long
de
ces pages, et qui vont des petites communautés à la fédération du con
3831
autés à la fédération du continent, première base
d’
un ordre mondial. Déjà, lors d’élections locales ou nationales, les ca
3832
ent, première base d’un ordre mondial. Déjà, lors
d’
élections locales ou nationales, les candidats bénéficiant de l’appui
3833
locales ou nationales, les candidats bénéficiant
de
l’appui des mouvements « écologiques » ont battu les chevaux de retou
3834
mouvements « écologiques » ont battu les chevaux
de
retour des partis grâce aux quelques centaines de voix qui font toute
3835
s chevaux de retour des partis grâce aux quelques
centaines
de voix qui font toute la différence. Déjà, un régime scandinave vien
3836
de retour des partis grâce aux quelques centaines
de
voix qui font toute la différence. Déjà, un régime scandinave vient d
3837
régime scandinave vient de se voir renversé après
trente
ans de pouvoir, parce qu’il s’obstinait à confondre progrès social et
3838
dinave vient de se voir renversé après trente ans
de
pouvoir, parce qu’il s’obstinait à confondre progrès social et centra
3839
nements, même s’ils sont au service des marchands
d’
armes, n’est pas telle qu’ils ne tirent de pareils résultats des concl
3840
rchands d’armes, n’est pas telle qu’ils ne tirent
de
pareils résultats des conclusions d’un sain opportunisme. — Il y a
3841
ls ne tirent de pareils résultats des conclusions
d’
un sain opportunisme. — Il y a donc des mouvements, des signes favor
3842
onc des mouvements, des signes favorables ? — Des
milliers
de mouvements sont à l’œuvre. Au premier rang, ceux des écologistes.
3843
ouvements, des signes favorables ? — Des milliers
de
mouvements sont à l’œuvre. Au premier rang, ceux des écologistes. On
3844
t défaut aux mouvements personnalistes des années
1930,
puis aux fédéralistes européens ou mondialistes de l’après-guerre. Je
3845
, puis aux fédéralistes européens ou mondialistes
de
l’après-guerre. Je vois des signes. L’évolution de la TV reproduit le
3846
e l’après-guerre. Je vois des signes. L’évolution
de
la TV reproduit le phénomène dialectique des régions fédérées s’oppos
3847
permettent une communication mondiale : dans les
deux
cas on échappe aux contrôles de l’État-nation, dont les monopoles cla
3848
iale : dans les deux cas on échappe aux contrôles
de
l’État-nation, dont les monopoles classiques se trouvent débordés et
3849
s unités intelligibles » ; des politologues comme
C.
N. Parkinson (de la loi du même nom), pour qui l’Europe de demain ne
3850
ibles » ; des politologues comme C. N. Parkinson (
de
la loi du même nom), pour qui l’Europe de demain ne sera viable que s
3851
kinson (de la loi du même nom), pour qui l’Europe
de
demain ne sera viable que si elle se recompose sur la base de quelque
3852
sera viable que si elle se recompose sur la base
de
quelque 140 régions autonomes, dont il dresse la carte. Je vois des a
3853
e que si elle se recompose sur la base de quelque
140
régions autonomes, dont il dresse la carte. Je vois des architectes c
3854
« L’expérience nous apprend que seules des unités
de
dimensions restreintes peuvent être appréhendées par leurs habitants
3855
ndées par leurs habitants et leur offrir un cadre
de
vie plaisant », et qui préconise au surplus de « petites cellules urb
3856
re de vie plaisant », et qui préconise au surplus
de
« petites cellules urbaines à l’échelle humaine », d’ampleur limitée
3857
petites cellules urbaines à l’échelle humaine »,
d’
ampleur limitée à 50 000 habitants75 ; enfin des futurologues comme He
3858
baines à l’échelle humaine », d’ampleur limitée à
50
000 habitants75 ; enfin des futurologues comme Hermann Kahn, qui voit
3859
nes à l’échelle humaine », d’ampleur limitée à 50
000
habitants75 ; enfin des futurologues comme Hermann Kahn, qui voit nos
3860
voit nos États-nations, ayant perdu leurs raisons
d’
être, bientôt remplacés par une « communauté plus effective », l’Europ
3861
spoir fou qu’ils deviennent raisonnables dans les
dix
ou quinze ans prochains — et nous n’avons guère plus de temps pour dé
3862
ou qu’ils deviennent raisonnables dans les dix ou
quinze
ans prochains — et nous n’avons guère plus de temps pour décider de l
3863
quinze ans prochains — et nous n’avons guère plus
de
temps pour décider de la survie de notre espèce. — Seriez-vous rad
3864
et nous n’avons guère plus de temps pour décider
de
la survie de notre espèce. — Seriez-vous radicalement pessimiste ?
3865
ons guère plus de temps pour décider de la survie
de
notre espèce. — Seriez-vous radicalement pessimiste ? — Pessimiste
3866
essimiste ? — Pessimiste, optimiste, cela n’a pas
de
sens en soi. Je ne cesserai de me sentir optimiste tant que je verrai
3867
iste, cela n’a pas de sens en soi. Je ne cesserai
de
me sentir optimiste tant que je verrai que je puis faire quelque chos
3868
urs le succès ! Attitude qui n’est pas différente
de
celle que j’annonçais dans ma jeunesse sous le titre de « politique d
3869
le que j’annonçais dans ma jeunesse sous le titre
de
« politique du pessimisme actif »76, prenant ma devise au Taciturne.
3870
sous le titre de « politique du pessimisme actif »
76,
prenant ma devise au Taciturne. Si l’on me suivait, bien sûr, tout ir
3871
et pas en nombre suffisant. Il reste à la réalité
de
vous imposer ce que le bon sens jamais n’aura pu faire, et c’est la r
3872
e vois rien de plus probable. Je ne prédirai rien
d’
autre comme certain. Je sens venir une série de catastrophes organisée
3873
en d’autre comme certain. Je sens venir une série
de
catastrophes organisées par nos soins diligents quoique inconscients.
3874
raser, je les dirai pédagogiques, seules capables
de
surmonter notre inertie et l’invincible propension des chroniqueurs à
3875
l’invincible propension des chroniqueurs à taxer
de
« psychose d’Apocalypse » toute dénonciation d’un facteur de danger m
3876
propension des chroniqueurs à taxer de « psychose
d’
Apocalypse » toute dénonciation d’un facteur de danger mortel, bien av
3877
r de « psychose d’Apocalypse » toute dénonciation
d’
un facteur de danger mortel, bien avéré, mais qui rapporte. Je disais
3878
se d’Apocalypse » toute dénonciation d’un facteur
de
danger mortel, bien avéré, mais qui rapporte. Je disais cela dans mon
3879
rapporte. Je disais cela dans mon jardin du pays
de
Gex devant la caméra de la TV française, dans l’après-midi lumineux d
3880
a dans mon jardin du pays de Gex devant la caméra
de
la TV française, dans l’après-midi lumineux du 24 août 1973, et donna
3881
de la TV française, dans l’après-midi lumineux du
24
août 1973, et donnais pour exemple la crise énergétique, industrielle
3882
française, dans l’après-midi lumineux du 24 août
1973,
et donnais pour exemple la crise énergétique, industrielle et monétai
3883
a crise énergétique, industrielle et monétaire où
cinq
ou six émirs de droit divin, un roi madré et un dictateur fou pouvaie
3884
énergétique, industrielle et monétaire où cinq ou
six
émirs de droit divin, un roi madré et un dictateur fou pouvaient nous
3885
e, industrielle et monétaire où cinq ou six émirs
de
droit divin, un roi madré et un dictateur fou pouvaient nous jeter d’
3886
oi madré et un dictateur fou pouvaient nous jeter
d’
un jour à l’autre, si cela leur chantait ou pour que nous chantions. Q
3887
role », m’obligeant à jeter au panier, pour cause
de
confirmation prématurée, une centaine de pages destinées à ce livre,
3888
anier, pour cause de confirmation prématurée, une
centaine
de pages destinées à ce livre, et dont le ton prophétique eût paru pl
3889
ur cause de confirmation prématurée, une centaine
de
pages destinées à ce livre, et dont le ton prophétique eût paru plutô
3890
la sagesse qu’il en tira pour quelques semaines,
de
nouvelles catastrophes s’organisent dans l’ombre : « excursions » nuc
3891
tion des baleines, des éléphants, des phoques, et
de
tous les fauves à fourrure, chantages à la bombe bricolée exigeant le
3892
chantages à la bombe bricolée exigeant les bijoux
de
la couronne, la tête d’un chef d’État ou autrement c’est Manhattan, M
3893
colée exigeant les bijoux de la couronne, la tête
d’
un chef d’État ou autrement c’est Manhattan, Moscou, Paris rasés dans
3894
ttan, Moscou, Paris rasés dans l’heure… Quelqu’un
d’
autre l’avait déjà dit, c’était Saint-Just, au cœur de la Révolution :
3895
tre l’avait déjà dit, c’était Saint-Just, au cœur
de
la Révolution : Il faut attendre un mal général assez grand pour que
3896
and pour que l’opinion générale éprouve le besoin
de
mesures propres à faire le bien. Saint-Just ajoutait : Ce qui produ
3897
e vois pas ce qu’il serait possible, aujourd’hui,
de
« commencer trop tôt » : tout va trop vite. Il a fallu cinq siècles e
3898
mencer trop tôt » : tout va trop vite. Il a fallu
cinq
siècles exactement (1300-1800) pour préparer l’État-nation, moins d’u
3899
va trop vite. Il a fallu cinq siècles exactement (
1300-1800
) pour préparer l’État-nation, moins d’un siècle pour en imposer le mo
3900
nt (1300-1800) pour préparer l’État-nation, moins
d’
un siècle pour en imposer le modèle à toute l’Europe, et trente ans po
3901
le pour en imposer le modèle à toute l’Europe, et
trente
ans pour le propager au monde entier. Mais depuis qu’il sévit, à caus
3902
it, à cause de lui, tout s’accélère vers le pire.
D’
où non seulement l’urgence accrue d’un changement de cap, mais une plu
3903
vers le pire. D’où non seulement l’urgence accrue
d’
un changement de cap, mais une plus grande lisibilité de l’évolution,
3904
où non seulement l’urgence accrue d’un changement
de
cap, mais une plus grande lisibilité de l’évolution, qui peut facilit
3905
hangement de cap, mais une plus grande lisibilité
de
l’évolution, qui peut faciliter ce changement. Les catastrophes n’app
3906
pas les voies et ne les inventeront jamais. « Pas
de
vent favorable pour qui ne sait pas où il va », disait Sénèque. Mais
3907
e, même contraire. Tirer des bords contre le vent
de
l’Histoire et de la guerre : formule de nos efforts actuels et procha
3908
. Tirer des bords contre le vent de l’Histoire et
de
la guerre : formule de nos efforts actuels et prochains. Et peu m’imp
3909
e le vent de l’Histoire et de la guerre : formule
de
nos efforts actuels et prochains. Et peu m’importe de prévoir si la g
3910
os efforts actuels et prochains. Et peu m’importe
de
prévoir si la gauche ou la droite vont l’emporter — de toute façon, c
3911
évoir si la gauche ou la droite vont l’emporter —
de
toute façon, ce sera tout autre chose — car je n’écris ceci que pour
3912
ni A ni B, mais incite à trouver des chemins vers
V
, je la vois déjà formulée par Héraclite au siècle d’or de Delphes, de
3913
je la vois déjà formulée par Héraclite au siècle
d’
or de Delphes, de la Pythie et de la naissance des cités grecques : Le
3914
a vois déjà formulée par Héraclite au siècle d’or
de
Delphes, de la Pythie et de la naissance des cités grecques : Le maît
3915
formulée par Héraclite au siècle d’or de Delphes,
de
la Pythie et de la naissance des cités grecques : Le maître de la Pyt
3916
aclite au siècle d’or de Delphes, de la Pythie et
de
la naissance des cités grecques : Le maître de la Pythie ne veut ni p
3917
olonté et la vraie Voie. « Sentinelle, que dis-tu
de
la nuit ? » Il y a quelques années, ayant écrit que l’action politiqu
3918
er désormais à prendre des mesures conservatoires
de
l’Humain, quelqu’un demanda : — « Pourquoi voulez-vous donc que ça du
3919
ce. À quoi s’ajoute un raisonnable espoir. La fin
de
l’homme, tout à l’heure, serait au moins prématurée. Nous voyons aujo
3920
’hui certaines causes du péril où l’humain risque
de
s’anéantir, et nous disons : — ce serait trop bête ! Nous venons d’en
3921
nous disons : — ce serait trop bête ! Nous venons
d’
entrevoir la guérison possible. Nous avons les moyens de sauver « l’en
3922
evoir la guérison possible. Nous avons les moyens
de
sauver « l’environnement » — la Nature et nos habitants — in extremis
3923
is. Mais que serait la beauté du Monde sans l’œil
de
l’homme ? C’était si beau, la Terre de la Vie, bleue, verte et blanch
3924
sans l’œil de l’homme ? C’était si beau, la Terre
de
la Vie, bleue, verte et blanche dans le noir éternel… Mais sauver le
3925
Mais sauver le paysage et les décors n’aura plus
de
sens si nous ne sommes plus là, ou ce qui revient au même, si nous so
3926
s encore là mais aliénés, devenus incapables même
de
nostalgie pour ce qui fut un jour notre vie menacée. Mais il n’est pa
3927
fut un jour notre vie menacée. Mais il n’est pas
de
prévision d’avenir meilleur qui ne passe par un homme meilleur. Car i
3928
notre vie menacée. Mais il n’est pas de prévision
d’
avenir meilleur qui ne passe par un homme meilleur. Car il arrivera… c
3929
eur. Car il arrivera… ce que nous sommes. Et quoi
d’
autre peut-il arriver ? Et venant d’où ? (À part les tremblements de t
3930
mmes. Et quoi d’autre peut-il arriver ? Et venant
d’
où ? (À part les tremblements de terre.) Il nous faut donc vouloir que
3931
river ? Et venant d’où ? (À part les tremblements
de
terre.) Il nous faut donc vouloir que le meilleur gagne — en nous. Et
3932
eut anticiper l’avenir et le prévoir par les yeux
de
la foi, « substance des choses espérées, ferme assurance de celles qu
3933
« substance des choses espérées, ferme assurance
de
celles qu’on ne voit pas ». Mais à l’aide d’appareils scientifiques,
3934
ance de celles qu’on ne voit pas ». Mais à l’aide
d’
appareils scientifiques, on ne peut voir que du passé, des faits, c’es
3935
re avenir, mieux : c’est le faire. La décadence
d’
une société commence quand l’homme se demande : « Que va-t-il arriver
3936
u de se demander : « Que puis-je faire ? » À ces
deux
questions, curieusement, il n’est qu’une seule réponse possible et c’
3937
x à notre vocation dans la cité. Hors de là point
de
communauté, ni donc de régions, ni d’Europe, ni de paix, ni de futur,
3938
la cité. Hors de là point de communauté, ni donc
de
régions, ni d’Europe, ni de paix, ni de futur, à vues humaines. J’ai
3939
de là point de communauté, ni donc de régions, ni
d’
Europe, ni de paix, ni de futur, à vues humaines. J’ai voulu dire l’av
3940
e communauté, ni donc de régions, ni d’Europe, ni
de
paix, ni de futur, à vues humaines. J’ai voulu dire l’avenir inscrit
3941
, ni donc de régions, ni d’Europe, ni de paix, ni
de
futur, à vues humaines. J’ai voulu dire l’avenir inscrit en nous, — n
3942
probable ou précisément calculé, et d’abord celui
d’
être tous des seuls en masse, il vous reste à vous convertir, à faire
3943
, c’est le même mot. Je ne vais pas vous demander
de
devenir tous des saints. (Pourtant, ce serait la solution.) Je ne vai
3944
Remplacez ce système qui multiplie les occasions
de
haine par un autre qui favorise et qui appelle la solidarité. Or ce c
3945
angez vous-mêmes. Et c’est pourquoi la Sentinelle
de
Juda, le grand prophète, interrogé sur l’avenir par la voix de l’ango
3946
rand prophète, interrogé sur l’avenir par la voix
de
l’angoisse humaine dit seulement : Convertissez-vous ! Le mot doit êt
3947
ici reçu dans toute sa force et dans la plénitude
de
son sens. (Qui n’est pas limité à « devenez chrétiens ! ». Isaïe n’ét
3948
méfaits des centrales nucléaires et les bienfaits
de
la communauté, donc des régions, sans adopter l’attitude religieuse q
3949
itude religieuse que suggère malgré tout le terme
de
conversion ? Ou que la religion n’a rien à voir avec tel mode de poll
3950
Ou que la religion n’a rien à voir avec tel mode
de
pollution ou de production d’énergie ? Je répondrai que les régions,
3951
ion n’a rien à voir avec tel mode de pollution ou
de
production d’énergie ? Je répondrai que les régions, la pollution, l’
3952
voir avec tel mode de pollution ou de production
d’
énergie ? Je répondrai que les régions, la pollution, l’énergie nucléa
3953
nucléaire ont valeur symbolique en tant que nœuds
de
problèmes qu’on ne peut résoudre ou trancher sans impliquer des décis
3954
isions métaphysiques et religieuses quant au rôle
de
l’homme sur la Terre et quant à ses options de base : la puissance ou
3955
le de l’homme sur la Terre et quant à ses options
de
base : la puissance ou la liberté. Faire des régions et recréer ainsi
3956
ire des régions et recréer ainsi des possibilités
de
communauté où la personne ait liberté de découvrir et d’exercer sa vo
3957
ibilités de communauté où la personne ait liberté
de
découvrir et d’exercer sa vocation ; du même coup, prévenir la guerre
3958
unauté où la personne ait liberté de découvrir et
d’
exercer sa vocation ; du même coup, prévenir la guerre nucléaire (les
3959
me coup, prévenir la guerre nucléaire (les unités
de
base simplement n’atteignant pas la masse critique) ce n’est rien de
3960
n’atteignant pas la masse critique) ce n’est rien
de
moins que se tourner vers des finalités de liberté, rien de moins que
3961
t rien de moins que se tourner vers des finalités
de
liberté, rien de moins que renoncer à la puissance sur autrui. Et c’e
3962
ue se tourner vers des finalités de liberté, rien
de
moins que renoncer à la puissance sur autrui. Et c’est littéralement
3963
nvertir. Tous les prophètes condamnent la volonté
de
puissance, qu’ils assimilent à l’invocation des faux dieux. Pour les
3964
Bible exalte en revanche « la liberté des enfants
de
Dieu ». Si l’on exclut de la « sphère du religieux » le drame de l’hu
3965
la liberté des enfants de Dieu ». Si l’on exclut
de
la « sphère du religieux » le drame de l’humanité menacée par ses pro
3966
’on exclut de la « sphère du religieux » le drame
de
l’humanité menacée par ses propres erreurs et menaçant du même coup l
3967
t la mesure est la puissance militaire, puissance
de
tuer ; si l’on ne veut plus tirer son énergie de soi-même mais seulem
3968
de tuer ; si l’on ne veut plus tirer son énergie
de
soi-même mais seulement de la désintégration d’un peu de matière, que
3969
plus tirer son énergie de soi-même mais seulement
de
la désintégration d’un peu de matière, que reste-t-il dans la « sphèr
3970
e de soi-même mais seulement de la désintégration
d’
un peu de matière, que reste-t-il dans la « sphère du religieux » ? La
3971
La casuistique ? Mais à l’inverse, si l’on exclut
de
notre drame l’irréductible spirituel, comment fonder l’objection de l
3972
rréductible spirituel, comment fonder l’objection
de
la personne, au nom de quoi refuser le verdict de la Raison d’État, q
3973
de la personne, au nom de quoi refuser le verdict
de
la Raison d’État, quand il tombe de l’ordinateur bien programmé ? Pui
3974
e, au nom de quoi refuser le verdict de la Raison
d’
État, quand il tombe de l’ordinateur bien programmé ? Puissance ou Lib
3975
er le verdict de la Raison d’État, quand il tombe
de
l’ordinateur bien programmé ? Puissance ou Liberté, qui tranchera ? E
3976
sance ou Liberté, qui tranchera ? Entre le besoin
de
sécurité à tout prix et la soif de liberté à tous risques, le choix d
3977
ntre le besoin de sécurité à tout prix et la soif
de
liberté à tous risques, le choix de l’espèce sera fonction de la chos
3978
ix et la soif de liberté à tous risques, le choix
de
l’espèce sera fonction de la chose la moins prévisible du monde, qui
3979
tous risques, le choix de l’espèce sera fonction
de
la chose la moins prévisible du monde, qui est la vitalité d’une soci
3980
la moins prévisible du monde, qui est la vitalité
d’
une société. Mais il nous faut pousser l’analyse sur nous-mêmes : que
3981
uver en tant que nation, vend ou achète les armes
de
la fin, et se précipite vers l’holocauste général avec une très grand
3982
gistes à penser que se manifeste, dans l’humanité
d’
aujourd’hui, une tendance suicidaire assez puissante. Alors, nous — ch
3983
suicidaire assez puissante. Alors, nous — chacun
de
nous — changeons de cap, changeons de buts, ordonnons nos moyens à ce
3984
issante. Alors, nous — chacun de nous — changeons
de
cap, changeons de buts, ordonnons nos moyens à ces buts — recréons la
3985
us — chacun de nous — changeons de cap, changeons
de
buts, ordonnons nos moyens à ces buts — recréons la communauté ! Ce n
3986
éons la communauté ! Ce ne sera pas encore la fin
de
la peine des hommes, la vie sans poids. Pas encore le Jour éternel. M
3987
ait seul, sans écho, devant l’indicible injustice
de
l’écrasement imminent. Comme la permission de vivre encore de nouveau
3988
ice de l’écrasement imminent. Comme la permission
de
vivre encore de nouveaux jours, de nouvelles nuits aussi, et d’y trou
3989
ent imminent. Comme la permission de vivre encore
de
nouveaux jours, de nouvelles nuits aussi, et d’y trouver plus de save
3990
la permission de vivre encore de nouveaux jours,
de
nouvelles nuits aussi, et d’y trouver plus de saveur et plus de sens.
3991
e de nouveaux jours, de nouvelles nuits aussi, et
d’
y trouver plus de saveur et plus de sens. C’est pourquoi cette générat
3992
rs, de nouvelles nuits aussi, et d’y trouver plus
de
saveur et plus de sens. C’est pourquoi cette génération ne recevra pa
3993
uits aussi, et d’y trouver plus de saveur et plus
de
sens. C’est pourquoi cette génération ne recevra pas d’autre oracle q
3994
s. C’est pourquoi cette génération ne recevra pas
d’
autre oracle que celui d’Isaïe à Séir, c’est de lui qu’elle devra tire
3995
énération ne recevra pas d’autre oracle que celui
d’
Isaïe à Séir, c’est de lui qu’elle devra tirer son espoir et sa résolu
3996
as d’autre oracle que celui d’Isaïe à Séir, c’est
de
lui qu’elle devra tirer son espoir et sa résolution. Et ce n’est pas
3997
oir et sa résolution. Et ce n’est pas la promesse
d’
une fin de l’Histoire mais d’une rénovation de l’aventure d’être homme
3998
résolution. Et ce n’est pas la promesse d’une fin
de
l’Histoire mais d’une rénovation de l’aventure d’être homme, si elle
3999
’est pas la promesse d’une fin de l’Histoire mais
d’
une rénovation de l’aventure d’être homme, si elle prend naissance dan
4000
sse d’une fin de l’Histoire mais d’une rénovation
de
l’aventure d’être homme, si elle prend naissance dans notre cœur. É
4001
de l’Histoire mais d’une rénovation de l’aventure
d’
être homme, si elle prend naissance dans notre cœur. Écoutons mainte
4002
re cœur. Écoutons maintenant le cri sublime.
De
Séir, une voix crie au prophète : — Sentinelle, que dis-tu de la nuit
4003
voix crie au prophète : — Sentinelle, que dis-tu
de
la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? La sentinelle a répondu
4004
e, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu
de
la nuit ? La sentinelle a répondu : — Le matin vient, et la nuit auss
4005
r, interrogez ! Convertissez-vous et revenez !
74.
Interview à la TV française, avril 1973. 75. Constantin Doxiadis, «
4006
venez ! 74. Interview à la TV française, avril
1973.
75. Constantin Doxiadis, « Œcumenopolis ou la forêt dans la ville »,
4007
74. Interview à la TV française, avril 1973.
75.
Constantin Doxiadis, « Œcumenopolis ou la forêt dans la ville », Pre
4008
ou la forêt dans la ville », Preuves , Paris, n°
8,
1971. 76. Politique de la personne , Paris, 1934. ad. Rougemont
4009
la forêt dans la ville », Preuves , Paris, n° 8,
1971.
76. Politique de la personne , Paris, 1934. ad. Rougemont Denis
4010
t dans la ville », Preuves , Paris, n° 8, 1971.
76.
Politique de la personne , Paris, 1934. ad. Rougemont Denis de, «
4011
», Preuves , Paris, n° 8, 1971. 76. Politique
de
la personne , Paris, 1934. ad. Rougemont Denis de, « Pédagogie des
4012
8, 1971. 76. Politique de la personne , Paris,
1934.
ad. Rougemont Denis de, « Pédagogie des catastrophes », Foi et Vie,
4013
la personne , Paris, 1934. ad. Rougemont Denis
de
, « Pédagogie des catastrophes », Foi et Vie, Paris, avril 1977, p. 14
4014
ogie des catastrophes », Foi et Vie, Paris, avril
1977,
p. 145-155. ae. Une note précise : « Ces quelques pages forment la c