1 1928, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le péril Ford (février 1928)
1 e péril Ford (février 1928)a On a trop dit que notre époque est chaotique. Je crois bien, au contraire, que l’histoire n’a
2 Il faudrait d’abord prendre conscience du péril. Nous ne tentons rien d’autre ici. Il y a une lâcheté, croyons-nous, dans
3 ns rien d’autre ici. Il y a une lâcheté, croyons- nous , dans cette complaisance générale à proclamer le désordre du temps. O
4 llement. Il suffit pourtant de regarder autour de nous et d’en croire nos yeux. I. L’homme qui a réussi Je prends Henry
5 ourtant de regarder autour de nous et d’en croire nos yeux. I. L’homme qui a réussi Je prends Henry Ford comme un symb
6 l a résolu la question sociale d’une façon qui ne devrait pas déplaire aux doctrinaires de gauche, lesquels ont coutume de prom
7 C’est la plus grave question qu’on puisse poser à notre temps. II. M. Ford a ses idées, ou la philosophie de ceux qui n’en
8 ou la philosophie de ceux qui n’en veulent pas Nous avons dit tout à l’heure quel fut le but de la vie de Ford, sa « gran
9 é. Mais cet aveuglement fondamental n’empêche pas notre industriel de philosopher sur les sujets les plus divers. Les aphoris
10 on cultive, on fabrique, on transporte. » « Toute notre gloire est dans nos œuvres, dans le prix que nous payons à la terre l
11 e, on transporte. » « Toute notre gloire est dans nos œuvres, dans le prix que nous payons à la terre la satisfaction de no
12 otre gloire est dans nos œuvres, dans le prix que nous payons à la terre la satisfaction de nos besoins. » — Ford se moque d
13 rix que nous payons à la terre la satisfaction de nos besoins. » — Ford se moque de la philosophie. Il ne peut empêcher que
14 c’est au plus pur, au plus naïf matérialiste que nous avons affaire ici. Et ses prétentions « idéalistes » n’y changeront r
15 de démontrer que les idées mises en pratique chez nous ne concernent pas particulièrement les autos et les tracteurs, mais c
16 uelque manière, un code universel ! » Réjouissons- nous … Mais, comment expliquer que des centaines de milliers de lecteurs, d
17 e de la production a été brillamment résolu… Mais nous nous absorbons trop dans ce que nous faisons et ne pensons pas assez
18 la production a été brillamment résolu… Mais nous nous absorbons trop dans ce que nous faisons et ne pensons pas assez aux r
19 résolu… Mais nous nous absorbons trop dans ce que  nous faisons et ne pensons pas assez aux raisons que nous avons de le fair
20 s faisons et ne pensons pas assez aux raisons que nous avons de le faire. Tout notre système de concurrence, tout notre effo
21 ssez aux raisons que nous avons de le faire. Tout notre système de concurrence, tout notre effort de création, tout le jeu de
22 le faire. Tout notre système de concurrence, tout notre effort de création, tout le jeu de nos facultés semblent dirigés uniq
23 ce, tout notre effort de création, tout le jeu de nos facultés semblent dirigés uniquement vers la production matérielle et
24 f du monde, l’un de ceux qui influent le plus sur notre civilisation, possède la philosophie la plus rudimentaire. Le phénomè
25 cident, mais il est ici tragiquement aigu. Est-ce notre pensée qui, à force de subtiliser, est devenue trop faible pour nous
26 force de subtiliser, est devenue trop faible pour nous conduire ? Ou bien est-ce notre action qui est devenue trop effrénée,
27 e trop faible pour nous conduire ? Ou bien est-ce notre action qui est devenue trop effrénée, trop folle, pour être justiciab
28 énée, trop folle, pour être justiciable encore de nos vérités essentielles ? Il semble bien que notre temps ait prononcé dé
29 de nos vérités essentielles ? Il semble bien que notre temps ait prononcé définitivement le divorce de l’esprit et de l’acti
30 état de choses funeste pour l’Esprit. Si l’Esprit nous abandonne, c’est que nous avons voulu tenter sans lui une aventure qu
31 r l’Esprit. Si l’Esprit nous abandonne, c’est que nous avons voulu tenter sans lui une aventure que nous pensions gratuite :
32 nous avons voulu tenter sans lui une aventure que nous pensions gratuite : nous avons cherché le bonheur dans le développeme
33 ans lui une aventure que nous pensions gratuite : nous avons cherché le bonheur dans le développement matériel, avec l’arriè
34 en soi. Mais par l’importance qu’il a prise dans notre vie, il détourne la civilisation de son but véritable : aller à l’Esp
35 il travaille contre l’Esprit. Rien n’est gratuit. Nous payons notre passion de posséder la matière du prix de la seule posse
36 contre l’Esprit. Rien n’est gratuit. Nous payons notre passion de posséder la matière du prix de la seule possession véritab
37 t qui n’en pourrait citer un exemple individuel ? Nous savons assez en quel mépris l’homme d’affaires à l’américaine tient l
38 t est dit ! Le simplisme arrogant avec lequel, de nos jours, on tranche les grandes questions humaines est une des manifest
39 est une des manifestations les plus frappantes de notre régression. Cette perte du sens de l’âme se nomme bon sens américain.
40 e donc la place, mais c’est pourtant lui seul qui nous permettrait de jouir de notre liberté. La victoire mécanicienne est u
41 ourtant lui seul qui nous permettrait de jouir de notre liberté. La victoire mécanicienne est une victoire à la Pyrrhus. Elle
42 mécanicienne est une victoire à la Pyrrhus. Elle nous donne une liberté dont nous ne sommes plus dignes. Nous perdons, en l
43 re à la Pyrrhus. Elle nous donne une liberté dont nous ne sommes plus dignes. Nous perdons, en l’acquérant, par l’effort de
44 onne une liberté dont nous ne sommes plus dignes. Nous perdons, en l’acquérant, par l’effort de l’acquérir, les forces mêmes
45 par l’effort de l’acquérir, les forces mêmes qui nous la firent désirer. 2° Accepter l’esprit, et ses conditions. Je dis q
46 un luxe, n’est pas une faculté destinée à amuser nos moments de loisir, il a des exigences effectives ; et ces exigences s
47 ? un peu de cette connaissance active de Dieu que nos savants nomment mysticisme et considèrent comme un « cas » très spéci
48 us. Pas de compromis possible de ce côté. Mais du nôtre  ? « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon », dit l’Écriture. ⁂ Je ne
49 le soit autre chose qu’une échappatoire utopique. Nous avons mieux à faire, il n’est plus temps de se désintéresser simpleme
50 ls — d’une civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr. Il se prépare déjà des révoltes terribles4, celles
2 1930, Foi et Vie, articles (1928–1977). « Pour un humanisme nouveau » [Réponse à une enquête] (1930)
51 te] (1930)b c Deux menaces mortelles assiègent notre condition humaine : la liberté de l’esprit et les lois de la matière.
52 illustration des puissances de nature inhumaine. Nous pourrons définir un tel humanisme : l’organe d’équilibre de la civili
53 anisme : l’organe d’équilibre de la civilisation. Nous tenions de l’Antiquité, et singulièrement de la Grèce, le sentiment d
54 èce, le sentiment d’une harmonie nécessaire entre nos gestes et nos pensées, nos créations et notre connaissance ; le senti
55 ent d’une harmonie nécessaire entre nos gestes et nos pensées, nos créations et notre connaissance ; le sentiment d’une har
56 monie nécessaire entre nos gestes et nos pensées, nos créations et notre connaissance ; le sentiment d’une harmonie à sauve
57 entre nos gestes et nos pensées, nos créations et notre connaissance ; le sentiment d’une harmonie à sauvegarder au sein de n
58 sentiment d’une harmonie à sauvegarder au sein de nos connaissances même, et dans l’allure de leur progrès. Les humanités n
59 , et dans l’allure de leur progrès. Les humanités nous paraissaient devoir transmettre aux générations cette notion d’un équ
60 de leur progrès. Les humanités nous paraissaient devoir transmettre aux générations cette notion d’un équilibre proprement hu
61 rogrès, sous n’importe quelle forme. Brusquement, nous voici « gagnés » par l’un des éléments de notre destin. La composante
62 t, nous voici « gagnés » par l’un des éléments de notre destin. La composante matérielle vient de l’emporter. Elle est en pas
63 vient de l’emporter. Elle est en passe de gauchir notre civilisation à tel point que l’homme, affolé, soudain, doute s’il est
64 omie vis-à-vis de la métaphysique. L’équilibre de notre esprit ne comporte pas l’égalité de droit de ces deux disciplines. Ca
65 dont les philosophes demeurent tout intimidés. Et nous vîmes le matérialisme mener son morne triomphe. Certes, la plupart de
66 e mener son morne triomphe. Certes, la plupart de nos philosophies, officiellement, l’ont renié. Mais pourquoi tant et touj
67 nnage allemand chargé de sa filature6. Ah ! comme nous avons besoin d’être purifiés d’une odeur de laboratoire dont notre pe
68 n d’être purifiés d’une odeur de laboratoire dont notre pensée reste imprégnée. La science se moque des nuages qui animaient
69 t. La tâche urgente d’un nouvel humanisme sera de nous dégager des fatalités dont nous voyons l’empire s’étendre dans tous l
70 humanisme sera de nous dégager des fatalités dont nous voyons l’empire s’étendre dans tous les domaines de notre existence,
71 yons l’empire s’étendre dans tous les domaines de notre existence, inclinant nos utopies mêmes, desséchant les sources de not
72 s tous les domaines de notre existence, inclinant nos utopies mêmes, desséchant les sources de notre foi. Qui parlait donc
73 nant nos utopies mêmes, desséchant les sources de notre foi. Qui parlait donc d’un « humanisme scientifique » ? Nous avons ét
74 ui parlait donc d’un « humanisme scientifique » ? Nous avons été pris de vitesse par nos inventions matérielles et déjà nous
75 ientifique » ? Nous avons été pris de vitesse par nos inventions matérielles et déjà nous sentons leurs lois peser sur notr
76 de vitesse par nos inventions matérielles et déjà nous sentons leurs lois peser sur notre vie : s’agit-il d’enrayer la scien
77 rielles et déjà nous sentons leurs lois peser sur notre vie : s’agit-il d’enrayer la science ? Non, mais que l’esprit qui l’a
78 on que l’humanité. On n’en saurait dire autant de notre raison. Les faits mystiques — qu’on les prenne en l’état brut où notr
79 ts mystiques — qu’on les prenne en l’état brut où notre pensée le plus souvent les a laissés — sont au moins aussi « objectif
80 ues élaborés par la science. Mais, participant de notre volonté et de la grâce, ils échappent à cette fatalité qui est le sig
81 existe d’autres facultés capables d’équilibrer en nous l’esprit de géométrie. J’imagine une méthode, une façon d’appréhender
82 , une façon d’appréhender la vie, de hiérarchiser nos entreprises, qui ne bannirait pas de l’existence la poésie, ce sens d
83 st possible que ce mythe ait animé l’humanisme de nos humanités. Il est certain qu’il a perdu son ascendant. D’ailleurs son
84 nvente un syncrétisme. Rome eut celui des dieux ; nous aurons celui des races de la Terre. Non plus une foi commune, mais un
85 re. Non plus une foi commune, mais une moyenne de nos manières d’être. Une sorte de commun dénominateur… (Le christianisme
86 dieu. N’attendons pas d’un nouvel humanisme qu’il nous désigne un but, ni même une direction : il y réussirait trop aisément
87 « d’humanité » de ses démarches intellectuelles. Nous avons inventé trop d’êtres inhumains : ils nous menacent et nous empê
88 . Nous avons inventé trop d’êtres inhumains : ils nous menacent et nous empêchent de voir encore le surhumain. Être véritabl
89 nté trop d’êtres inhumains : ils nous menacent et nous empêchent de voir encore le surhumain. Être véritablement homme, c’es
90 sme véritable conduit « au seuil » : et qu’irions- nous lui demander de plus, s’il laisse en blanc la place de Dieu. Mais où
91 r les lévites assez purs pour garder vierge parmi nous — voici déjà tant de faux dieux — le fascinant éclat de ce vide ? 5
3 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). André Malraux, La Voie royale (février 1931)
92 on de l’Occident. La Voix royale 9, est, croyons- nous , le récit des événements qui précédèrent l’aventure chinoise de l’aut
93 ire le cas Malraux pour hautement significatif de notre époque post-nietzschéenne et pré-communiste. Le cas Malraux, — le cas
94 uel il donne sa plus profonde et intime adhésion. Nous avons tous en nous de quoi composer un semblable personnage, plus vra
95 s profonde et intime adhésion. Nous avons tous en nous de quoi composer un semblable personnage, plus vrai que nous-mêmes pa
96 e avec une pareille acuité le problème central de notre civilisation. À ce titre, l’œuvre anarchiste et antichrétienne que Ma
97 inaugure10 avec La Voie royale, mérite mieux que notre curiosité humaine, ou que notre admiration littéraire11. Le courage
98 mérite mieux que notre curiosité humaine, ou que notre admiration littéraire11. Le courage presque agressif qu’elle apporte
99 ligion qui n’est qu’un refuge contre la vie. Elle nous amène à un point de jugement d’où les facilités de certaine foi appar
100 , n’eussent vraisemblablement pas fait encourir à notre auteur pareil ostracisme. Mais notre monde ne connaît plus de sacré q
101 t encourir à notre auteur pareil ostracisme. Mais notre monde ne connaît plus de sacré que la propriété matérielle. d. Roug
4 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Sécularisme (mars 1931)
102 Sécularisme (mars 1931)e Il nous plaît de faire converser ici les gens les moins faits pour s’entendre
103 asé pose toute la question sociale. Ainsi, sommes- nous amenés à donner une « importance » relative à des œuvres qui « signif
104 e d’avant-guerre, qui était avant tout un art. La nôtre ayant voix au forum discute autant qu’elle n’invente ou qu’elle ne st
105 mission urgente à remplir. Ces quelques remarques nous placent sous l’angle qu’il faut pour situer le petit livre de M. P. N
106 c’est le plus bel âge de la vie… — Où était placé notre mal ? dans quelle partie de notre vie. Voici ce que nous savons : les
107 Où était placé notre mal ? dans quelle partie de notre vie. Voici ce que nous savons : les hommes ne vivent pas comme un hom
108 l ? dans quelle partie de notre vie. Voici ce que nous savons : les hommes ne vivent pas comme un homme devrait vivre… — Êtr
109 savons : les hommes ne vivent pas comme un homme devrait vivre… — Être un homme nous paraît la seule entreprise légitime… — No
110 pas comme un homme devrait vivre… — Être un homme nous paraît la seule entreprise légitime… — Nous pensions vie intérieure,
111 homme nous paraît la seule entreprise légitime… — Nous pensions vie intérieure, quand il fallait penser dividendes, impérial
112 dividendes, impérialisme, plus-value. — Qui donc nous aurait révélé de bonnes raisons brutales, de bonnes raisons humaines,
113 raisons brutales, de bonnes raisons humaines, de nous intéresser à l’Asie : les grèves à Bombay, les révolutions et les mas
114 lieu n’est qu’une « image fortement concentrée de notre mère l’Europe », un lieu où la vie occidentale se trouve « décantée j
115 ense à une Genève de l’islam. » Il semble, à lire notre auteur, que ce mélange de représentants de ne ordre de toutes les rac
116 vois bien que le propos de M. Nizan n’est pas de nous rendre le goût de ce qui, en Europe, « allongeait la solution », je n
117 sders. » N’insistons pas sur ce Luther prêché par nos missions (c’est si vraisemblable !) mais un normalien se devrait de s
118 s (c’est si vraisemblable !) mais un normalien se devrait de savoir que l’œuvre missionnaire a consisté, dès le début, à combat
119 oute autorité divine qui est le trait dominant de notre époque » — pour reprendre la définition qu’en donnait ici même M. Pie
120 sens que M. René Gillouin parle14 de l’effort de notre monde pour « se séculariser, pour se constituer en dehors de Dieu sur
121 dépassé ce « stade », qu’il n’est plus permis de nos jours… bref, que la science a changé tout cela. C’est précisément à c
122 e personnel, puisque l’Esprit dont M. Brunschvicg nous entretient n’est l’Esprit de personne. Je répondrai tout d’abord que
123 que cela veut être l’Esprit de tout le monde ; et nous savons depuis Platon ce que la démocratie dont cet idéalisme n’est ap
124 bstitue inévitablement à l’Esprit — et cette fois nous avons affaire à quelqu’un. Mettons-le en présence du scandale que con
125 r à la Messe ? On n’aura d’autre ressource que de nous opposer un distinguo : en tant qu’astronome, ce monstre, cet amphibie
126 beau se recommander de la Raison ou de l’Esprit, nous resterons inquiets, d’autant que, s’il ne s’interdit nullement de ren
127 ologiques de ces survivances chez l’astronome, il nous interdira formellement de procéder en ce qui le concerne lui-même, à
128 holique, à l’endroit d’un philosophe caractérisé, nous dit-on, par « sa terreur sincère de la vérité qui menace ». Mais part
129 ce que « les hommes ne vivent pas comme un homme devrait vivre ». Mais alors, se dit-on souvent en lisant les critiques marxis
130 — et c’est ici le nœud de divergence entre eux et nous — si le mal est si grand qu’ils le montrent — et il l’est — aucun bou
131 ssez parlé de Vérité, ce sont des réussites qu’il nous faut. Saluons enfin le règne de l’homme ! » Mais le chrétien, qui sai
132 érie d’études sur un nouvel humanisme, à laquelle nous renvoyons tous ceux qu’aura passionné l’enquête de M. Paul Arbousse-B
5 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Une exposition d’artistes protestants modernes (avril 1931)
133 avez-vous dit. Depuis le temps qu’on cherchait à nous faire croire qu’une origine protestante était un vice rédhibitoire po
134 lant catalogue. Parce qu’ils parlent un peu pour nous et parce qu’ils nous parlent, nous avons demandé à ces artistes de ve
135 e qu’ils parlent un peu pour nous et parce qu’ils nous parlent, nous avons demandé à ces artistes de venir dans notre cercle
136 nt un peu pour nous et parce qu’ils nous parlent, nous avons demandé à ces artistes de venir dans notre cercle. Héritiers du
137 , nous avons demandé à ces artistes de venir dans notre cercle. Héritiers du plus grand affranchissement et de la plus héroïq
138 franchissement et de la plus héroïque résistance, nous voulons aller de l’avant, nous n’avons pas peur d’essayer vers la bea
139 roïque résistance, nous voulons aller de l’avant, nous n’avons pas peur d’essayer vers la beauté de nouvelles routes. On nou
140 d’essayer vers la beauté de nouvelles routes. On nous connaît mal. Derrière le mur de notre maison on nous croyait peut-êtr
141 s routes. On nous connaît mal. Derrière le mur de notre maison on nous croyait peut-être enfermés dans un moralisme étriqué,
142 s connaît mal. Derrière le mur de notre maison on nous croyait peut-être enfermés dans un moralisme étriqué, ennuyeux et con
143 iqué, ennuyeux et consciencieusement arriérés. Or nous n’étions pas raisonnables, nous faisions des projets dont on parlait,
144 ment arriérés. Or nous n’étions pas raisonnables, nous faisions des projets dont on parlait, la nuit, dans les chambres où l
145 asmes en désordre s’agitaient entre les murs d’où nous arrachions les moulures et les vieux papiers à fleurs. La confiance,
146 l’amitié, s’arrondissaient autour des livres dont nous savions de grands morceaux avec notre cœur. On remuait un climat de p
147 livres dont nous savions de grands morceaux avec notre cœur. On remuait un climat de poèmes, une spiritualité un peu grave,
148 , une spiritualité un peu grave, on touchait avec notre jeunesse le tragique ou le merveilleux, on mettait notre volonté aima
149 eunesse le tragique ou le merveilleux, on mettait notre volonté aimante, entre toutes les pages, sur toutes les choses. Nous
150 e, entre toutes les pages, sur toutes les choses. Nous écrivions aux auteurs, nous recevions des livres, des lettres. Van Go
151 ur toutes les choses. Nous écrivions aux auteurs, nous recevions des livres, des lettres. Van Gogh, en qui nous aimions tout
152 cevions des livres, des lettres. Van Gogh, en qui nous aimions tout : le pasteur, le peintre et le fou, semait en nous toute
153 out : le pasteur, le peintre et le fou, semait en nous toutes les curiosités de la couleur et de la vie. Nous reprenions tou
154 toutes les curiosités de la couleur et de la vie. Nous reprenions toutes les mesures, tout redevenait neuf : les mots « form
155 une place plus grande dans la joyeuse lumière de notre ciel simplifié. Et voilà, n’est-ce pas, un ton et une ferveur qui re
156 e ces artistes peuvent avoir de commun, ce qu’ils doivent à leur origine ou à leur foi réformée, — et si ces traits ne constitu
157 tendu. Une visite au salon de la rue de Vaugirard nous invite à renoncer à ces clichés. Pas de trace de « puritanisme » chez
158 , peut-on, par contre, le définir idéalement ? Il nous semble que cela supposerait d’abord une définition nette de notre foi
159 cela supposerait d’abord une définition nette de notre foi : il faut qu’on sache sans équivoque ce qu’est le protestantisme
160 rotestantisme avant de pouvoir trancher de ce que doit être un art qui l’exprime. En d’autres termes, la définition d’un art
161 t est liée à une conception dogmatique de la foi. Nous pensons même que la renaissance et l’épanouissement d’un tel art sero
162 y a tous les sujets chrétiens ! C’est bien là que nous voulions en venir : le dogme ne doit être qu’un stimulant (une diffic
163 bien là que nous voulions en venir : le dogme ne doit être qu’un stimulant (une difficulté) non pas un poncif. L’idéal d’un
6 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Conférences du comte Keyserling (avril 1931)
164 tière type Lénine ou Ford. Soucieux de comprendre notre temps avant de le condamner ou de l’absoudre, défenseur convaincu d’u
165 te oriental contre lequel des Massis mal informés nous mettaient naguère en garde. Keyserling voit la cause du développement
166 ianisme primitif) — la pauvreté est considérée de nos jours comme un mal absolu et honteux. C’est ainsi encore que l’idéal
167 nt peut-être que transitoires, ajoute Keyserling. Nous traversons une crise d’adaptation, et il s’agit de la résoudre dans l
168 oses leur vivante réalité. Mais tout ceci, à quoi nous ne pouvons qu’applaudir, ne saurait être pour nous qu’une « introduct
169 ous ne pouvons qu’applaudir, ne saurait être pour nous qu’une « introduction » à l’ère spirituelle, une préparation nécessai
170 ernel. Là où Keyserling dit seulement adaptation, nous ajoutons régénération ; et lorsqu’il dit spiritualité, nous pensons c
171 ons régénération ; et lorsqu’il dit spiritualité, nous pensons connaissance mystique. g. Rougemont Denis de, « Conférence
7 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Au sujet d’un grand roman : La Princesse Blanche par Maurice Baring (mai 1931)
172 e traduire un autre roman du même auteur16, et il nous aide à mieux définir le charme de cette œuvre inoubliable. Antérieur
173 eu inexorable dans la libéralité avec laquelle il nous invite à de multiples week-ends… » Il y aurait beaucoup à dire pour e
174 s tenable à Londres, et l’histoire continue, pour notre agrément. Mais surtout, cette vie dénuée d’aventures ou de difficulté
175 aventures ou de difficultés extérieures, permet à notre intérêt de se concentrer uniquement sur les sentiments, et dès lors e
176 du cœur humain. Si le rôle de l’art est d’affiner nos âmes au contact de réalités plus pures que celles de la vie courante,
177 teur le tragique de la durée d’une vie. M. Baring nous fait suivre de sa naissance à sa mort toute l’existence de Blanche Cl
178 parce qu’elle le transforme sans cesse, alors que nous sommes attachés surtout à des instants parfaits de nos affections ; p
179 ommes attachés surtout à des instants parfaits de nos affections ; parce que le sentiment ne souffre pas une ascension cont
180 tant d’essence éternelle, ses manifestations dans notre vie — dans la durée — sont nécessairement douloureuses. Certains, peu
181 sions humaines, et comme la morale du roman. Mais nous ne croyons pas qu’une œuvre de cette envergure comporte à proprement
182 aux lois de la vie. Seule épreuve qui permette de nous en libérer. Car au-dessus des fatalités humaines, ce qui compte chez
183 ccomber. C’est cela qui forme le sujet implicite, nous l’avons dit, de son œuvre romanesque. Et c’est par tout ce qu’elle co
184 au catholicisme de la princesse Blanche. Arrêtons- nous un peu à l’examen de ce passage auquel on sent que Baring attache une
185 phrase par quoi se termine un précédent livre de notre auteur : « La veille de la Chandeleur 1909, je fus reçu dans le sein
186 onvictions religieuses. Mais le mot conviction ne doit être pris ici qu’au sens le plus conventionnel. Car à une tante angla
187 a. » Plus tard elle avoue franchement : « … dans nos églises j’éprouve un sentiment de détresse aiguë, ou bien je m’y ennu
188 passent à l’Église romaine des « pervertis » : «  Nous en avons eu trop dans la famille, votre pauvre oncle Charles… qui ava
189 uvre tante Cornélia… Ce fut un terrible coup pour nous tous. Naturellement, nous nous sommes montrés très bons à son égard… 
190 t un terrible coup pour nous tous. Naturellement, nous nous sommes montrés très bons à son égard… » L’on conçoit que Blanche
191 terrible coup pour nous tous. Naturellement, nous nous sommes montrés très bons à son égard… » L’on conçoit que Blanche malh
192 ectement de Dieu que Dieu est le plus absent. Car nous y sommes à chaque page incités à juger, induits en tentation, induits
193 ses, là où elles paraissent s’opposer, au lieu de nous aider à les mieux pénétrer, à les approfondir jusqu’à l’unité. Il est
194 s, car en définitive la conversion de son héroïne nous paraît être à tel point la seule solution possible qu’elle n’est plus
195 dent superflue l’action de la grâce). Mais quoi ? Nous laisserons-nous vraiment « tenter » par cette erreur de Baring ? Cher
196 ’action de la grâce). Mais quoi ? Nous laisserons- nous vraiment « tenter » par cette erreur de Baring ? Cherchons plutôt le
197 survivre à cet acte suprême, à cette grâce. Aussi notre bonheur humain n’est-il en aucune mesure le signe de la vérité. Perso
198 inéluctable, amorale, tout à fait indépendante de nos appréciations. Nous sommes naturellement portés à confondre notre bon
199 e, tout à fait indépendante de nos appréciations. Nous sommes naturellement portés à confondre notre bonheur avec notre bien
200 ons. Nous sommes naturellement portés à confondre notre bonheur avec notre bien, et à taxer d’immoralisme tout acte qui entra
201 turellement portés à confondre notre bonheur avec notre bien, et à taxer d’immoralisme tout acte qui entraîne des ruines huma
202 . Mais la vérité, elle, est indifférente à ce que nous appelons bonheur ou malheur. Et c’est la vérité seule qu’il s’agit d’
203 ’Émile Ludwig (Attinger, éd.), ouvrage sur lequel nous aurons l’occasion de revenir. 18. Il est absurde, voire aux yeux de
8 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Kierkegaard (mai 1931)
204 Et voici comment il faut situer Kierkegaard dans notre Panthéon spirituel : Kierkegaard fut le dernier grand protestant. On
205 ne d’un grand théologien. Il s’agit maintenant de nous révéler ce « héros de la foi », ce maître de la pensée chrétienne tra
206 de Karl Barth, disciple fervent de Kierkegaard, —  nous pouvons y attacher la valeur d’un signe. Kierkegaard sera pour beauco
9 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Littérature alpestre (juillet 1931)
207 lanc, et un grade de docteur ès lettres, vient de nous donner un livre bien utile22. En vérité, il fallait une sorte d’intré
208 contemplation de sommets assez rares. Personne, à notre connaissance, ne s’était risqué jusqu’ici dans pareille aventure. Per
209 nne même n’avait signalé cette curieuse lacune de notre histoire littéraire : pour nos critiques, les Alpes n’avaient pas d’h
210 rieuse lacune de notre histoire littéraire : pour nos critiques, les Alpes n’avaient pas d’histoire. Enfin, voici ce livre,
211 aleur proprement littéraire et descriptive, elles nous paraissent intéressantes par tout ce qu’elles révèlent de la mentalit
212 icative. On regrettera seulement que l’auteur ait se borner à confronter les réactions anglaises et françaises. La réac
213 é un élément important et radicalement différent. Nous essaierons de l’esquisser plus loin. ⁂ Ce qui frappe dès l’abord, c’e
214 re alpestre en France. À part Sénancour, aucun de nos écrivains n’a su puiser dans le thème de la montagne une inspiration
215 hique génératrice d’œuvres marquantes. Qu’aurions- nous à opposer à un Shelley, à un Byron, à un Ruskin ? Chateaubriand, deva
216 alisme lui frayait la voie », note fort justement notre auteur. L’homme seul en face des sommets, qu’écrira-t-il ? — Shelley 
217 e de l’éternité ? — C’est aussi quelque chose qui devrait être surmonté, nous souffle une voix émouvante, aux résonances vraime
218 st aussi quelque chose qui devrait être surmonté, nous souffle une voix émouvante, aux résonances vraiment altières, celle-l
219 altières, celle-là : la voix de Nietzsche. ⁂ Ici, nous changeons de monde. À vrai dire, nous quittons la littérature. « Celu
220 che. ⁂ Ici, nous changeons de monde. À vrai dire, nous quittons la littérature. « Celui qui sait respirer l’atmosphère de mo
221 es précises, aiguës, et qu’inspire l’escarpement, nous changent des rêveries de Rousseau. Celui-ci se promène, l’autre escal
222 andiose existence géologique sans rapport avec la nôtre . Les atomes que nous sommes peuvent trouver sur ses flancs l’occasion
223 ogique sans rapport avec la nôtre. Les atomes que nous sommes peuvent trouver sur ses flancs l’occasion d’une lutte… elle ig
224 ne lutte… elle ignorera toujours ces victoires. » Nous empruntons ces lignes au très bel essai que Robert de Traz intitula N
225 sées que les malédictions de Zarathoustra ? Quand nos écrivains, lassés de la circulation des idées citadines, éprouveront
226 ques de la solitude et de la grandeur, les Alpes. Nous souffrons d’une carence inquiétante de l’héroïsme. Dans la lutte pour
227 ante de l’héroïsme. Dans la lutte pour la vie que nous impose le monde contemporain, c’est l’habileté qui triomphe, et non p
228 tiques : l’aviation et l’alpinisme. On commence à nous donner quelques « romans de l’air », et certains sont remarquables. S
10 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Avant l’Aube, par Kagawa (septembre 1931)
229 littéraire. C’est un livre entièrement simple qui nous introduit dans la connaissance de la misère, et par là même nous fait
230 dans la connaissance de la misère, et par là même nous fait sentir combien nous sommes mesquins, sans exigences véritables e
231 a misère, et par là même nous fait sentir combien nous sommes mesquins, sans exigences véritables et sans grandeur. Peut-êtr
232 hie, la misère physique et matérielle du monde où nous vivons. C’est un terrible péché du christianisme européen, que d’avoi
233 mme son bien propre. Mais il n’y a pas là de quoi nous rassurer. Si la vie de Kagawa glorifie l’Évangile, elle accuse formel
234 de majorité des chrétiens. Tant mieux si ce livre nous passionne. Il faudrait surtout qu’il nous trouble. ⁂ L’autobiographie
235 e livre nous passionne. Il faudrait surtout qu’il nous trouble. ⁂ L’autobiographie de Toyohiko Kagawa, publiée au Japon sous
236 s les plus significatifs de ce temps. Non pas que nous manquions de témoignages sur les conditions d’existence du prolétaria
237 itions d’existence du prolétariat mondial, ni que nous ignorions que notre siècle est celui des meneurs. Mais le rare, c’est
238 du prolétariat mondial, ni que nous ignorions que notre siècle est celui des meneurs. Mais le rare, c’est qu’un de ces meneur
239 , c’est qu’un de ces meneurs écrive un livre pour nous dire comment il voit le peuple, comment il l’aime, et quel est le sec
240 de son entreprise. C’est même un des malheurs de notre temps, que l’action devenue trop rapide suppose une cécité partielle
241 e à l’œuvre d’un Ford, ou à celle de presque tous nos hommes d’État. Le privilège admirable de Kagawa, c’est qu’il poursuit
242 icles parus dans des revues françaises ou suisses nous avaient appris à connaître les résultats considérables de l’œuvre soc
243 ale, politique et religieuse suscitée par Kagawa. Nous savions que ce pasteur d’une petite paroisse presbytérienne était le
244 ation d’une Europe dont il rejette la religion24. Nous savions aussi que ce leader social, cet économiste et cet évangéliste
245 eint des tirages sans précédent dans son pays. Il nous restait à entrer en contact personnel avec cette œuvre : Avant l’Aube
246 e, le récit de l’adolescence et de la jeunesse de notre héros ; mais ce récit prend fin au moment où Kagawa débouche dans la
247 cette « genèse » à vrai dire passionnante, et qui nous fait pénétrer dans l’intimité d’une vie, aux sources mêmes de ses dét
248 au contraire, et surtout dans le premier volume, nous assistons à l’existence la plus quotidienne d’Eiichi, à ces mille pet
249 sir ou d’ennui qui constituent la trame réelle de notre activité et qui différencient radicalement notre vie d’un conte de fé
250 notre activité et qui différencient radicalement notre vie d’un conte de fées. Il n’y a là, de la part de l’auteur, nul part
251 te la vie du Japon actuel qu’elle concrétise sous nos yeux. Certes, ce n’est pas une japonerie d’estampe ! Voici un échanti
252 ! Voici un échantillon du pays, au travers duquel nous emmène Kagawa : Il appuya son front chaud et malade contre la fenêtr
253 Osaka ! Les endroits surpeuplés sont terribles ! Nous trouvons d’abord Eiichi Niimi à l’Université de Meiji Gakuin, près de
254 décide soudain à quitter l’Université. Ce passage nous le montre déjà tout entier : subit et absolu dans ses déterminations,
255 il pensait aussi que lui-même, à la fin du mois, devrait gagner sa pension et son écolage ; il pensait au sort de Tsukamoto ;
256 e près, il conclut que la profession de procureur devait être vraiment bien désagréable, puisqu’elle exigeait de celui qui s’y
257 ette œuvre avec l’autorité d’une action, arrêtons- nous quelques instants devant la beauté singulière de l’âme qu’elle révèle
258 Mais à tout prendre, cet ennui traduit ou marque notre paresse et notre lâcheté naturelles, et l’incertitude qui est leur ré
259 dre, cet ennui traduit ou marque notre paresse et notre lâcheté naturelles, et l’incertitude qui est leur résultante. Quelque
260 ne les rendent, en général, guère attirants — (le devraient -ils ?) — ni même vivants — (ils le devraient.). Pour celui qui referm
261 (le devraient-ils ?) — ni même vivants — (ils le devraient .). Pour celui qui referme le livre de Kagawa, une certitude s’impose.
262 avant tout, le sens de la pauvreté ? Qu’un Kagawa nous force à méditer chrétiennement le fait de la misère humaine, — cela n
11 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). André Gide ou le style exquis (à propos de Divers) (octobre 1931)
263 choix du classicisme. Et qu’il est le dernier de nos classiques… Pareille modestie est, d’ailleurs, signe de force : les c
264 sa coquetterie profonde. Tels sont les tours que nous joue la morale lorsque, se prenant pour fin, elle s’érige en dialecti
265 ndus où il semble qu’un esprit de cette classe ne devrait pas supporter qu’on l’engage. Mais qu’est-ce à dire lorsqu’on compren
266 oir si cette division interne, une fois reconnue, doit être acceptée ou surmontée. Pour moi je tiens que le seul problème ét
267 on point parce qu’une morale stoïcienne et laïque nous le recommande. Non point à cause de la logique ni même d’une norme so
268 lon l’étymologie de Unamuno. Ne détermine rien en nous . Ne nous met en demeure ni d’agir, ni d’aimer, ni même de douter fort
269 mologie de Unamuno. Ne détermine rien en nous. Ne nous met en demeure ni d’agir, ni d’aimer, ni même de douter fortement. C’
270 blesses, les abandons, les déchéances de l’homme, nous les connaissons de reste et la littérature de nos jours n’est que tro
271 ous les connaissons de reste et la littérature de nos jours n’est que trop habile à les dénoncer ; mais le surpassement de
272 soi qu’obtient la volonté tendue, c’est là ce que nous avons surtout besoin qu’on nous montre… Je lui sais gré particulièrem
273 , c’est là ce que nous avons surtout besoin qu’on nous montre… Je lui sais gré particulièrement d’éclairer cette vérité para
274 pas dans la liberté, mais dans l’acceptation d’un devoir . Gide aurait-il pressenti que l’ère n’est plus de certaines complais
275 ueux, mais de faire la volonté de Dieu. Et ce que nous voulons ce ne sont pas des exemples édifiants, mais des témoignages d
12 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le protestantisme jugé (octobre 1931)
276 n lui, c’est un « André Gide vu de Genève » qu’il nous faudrait. M. Martinet a pris pour épigraphe la citation suivante, emp
277 instructive, qu’il est, depuis l’édit de Nantes, notre seul notable écrivain protestant26, non exilé, non réfugié, mais d’éd
278 i caractérise la critique de M. Albert Thibaudet, nous ont fait penser qu’il existe bel et bien un Loti vu de Genève, non pa
279 Frommel, dans ses Études littéraires et morales. Nous sommes certains d’intéresser les lecteurs de cette revue en citant ic
280 ant ici quelques passages de l’étude de Frommel. Nous assistons, chez Pierre Loti, à ce spectacle étrange d’une vie toute p
281 ’on cachait la meilleure ; les désespérances dont notre époque est prodigue, ne s’étalaient point au grand jour, il y avait p
282 aspirations demeurent, qui faisaient tressaillir nos ancêtres, mais leur légitime objet a été enlevé ; les souffrances son
283 rance s’est écrite dans les pages innombrables de notre littérature. L’ouverture s’est faite, mais non du bon côté ; l’âme, q
284 t l’homme seul répond à l’homme épouvanté 27. Il nous manque une étude sur les critiques protestants du xixe siècle. L’on
285 vistes » restent à peu près les seuls valables, à nos yeux, qui aient été émis en leur temps. La critique la plus moderne l
286 nt de vue de Genève » — c’est-à-dire protestant — nous paraît avoir doué ceux qui le professèrent (en dépit de certain défau
13 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Romanciers protestants (janvier 1932)
287 Romanciers protestants (janvier 1932)q Nos gloires nous jugent C’est un fait digne d’intérêt, et que personne
288 iers protestants (janvier 1932)q Nos gloires nous jugent C’est un fait digne d’intérêt, et que personne, croyons-nou
289 un fait digne d’intérêt, et que personne, croyons- nous , n’a relevé, que les grands « succès » littéraires de l’année 1931 so
290 ée de ces fameux « moralistes français » auxquels nous pardonnons souvent d’être des romanciers assez ternes, pour le plaisi
291 s, pour le plaisir que par ailleurs ils donnent à notre intelligence plus avide, au fond, de formules adroites que de drames
292 cordante après-guerre, Jean Schlumberger semblait devoir rester le seul tenant du classicisme romanesque ; mais voici qu’on pr
293 iste, là la famille qui se défait30. Mais gardons- nous de voir dans ce contraste autre chose que la vieille opposition du sa
294 ment chrétienne. Car c’est à juste titre, croyons- nous , qu’on put écrire de Saint-Saturnin qu’un tel roman exprime « toute l
295 es œuvres. Délimiter un « parti protestant » dans nos Lettres, n’était-ce point, d’abord, céder à la tentation d’un nationa
296 autre ? Je sais bien que certains « protestants » nous y pousseraient, à force de reniements et d’ignorance de nos richesses
297 seraient, à force de reniements et d’ignorance de nos richesses, de fausses hontes et de sourires complices. La question to
298 s et de sourires complices. La question toutefois doit être portée sur un plan supérieur à toute polémique : s’agit-il jamai
299 fession, de faire le compte de leurs gloires ? Ne doivent -ils pas au contraire considérer celles-ci comme leur accusation perpé
300 ’elles posent, chrétiennement, c’est de savoir si nous les méritons encore. Comme le disait un homme d’esprit, plus l’ancêtr
301 oins on a de chances d’en tenir… C’est ainsi que nos gloires passées, martyrs, camisards et prophètes, nous condamnent dan
302 gloires passées, martyrs, camisards et prophètes, nous condamnent dans la mesure où elles furent authentiques. Mais d’autre
303 ntellectuelles plus récentes et discutables, dont nos apologètes se réclament volontiers, n’en constituent pas moins pour n
304 ament volontiers, n’en constituent pas moins pour notre protestantisme un jugement indirect d’une impitoyable et significativ
305 ificative sévérité. Et dès lors, c’est cela qu’il nous paraît utile et nécessaire, aujourd’hui, de confesser. Aussi bien, la
306 jourd’hui, de confesser. Aussi bien, la force qui nous est promise doit-elle nous rendre ce courage léger. Le moralisme n
307 fesser. Aussi bien, la force qui nous est promise doit -elle nous rendre ce courage léger. Le moralisme nous trahit Par
308 ssi bien, la force qui nous est promise doit-elle nous rendre ce courage léger. Le moralisme nous trahit Partons du ca
309 lle nous rendre ce courage léger. Le moralisme nous trahit Partons du cas concret de nos trois auteurs. Le problème, à
310 oralisme nous trahit Partons du cas concret de nos trois auteurs. Le problème, à vrai dire, les dépasse, mais il n’est p
311 s de l’actualiser, de le rétrécir, si de la sorte nous sentons mieux sa pointe. Les héros du Scandale, provinciaux énervés p
312 nciaux énervés par la vie des bars de la capitale nous apparaissent incapables de transporter dans ce décor les dilemmes rel
313 lus ni moins que dans un drame antique. M. Saurat doit se tromper, lorsqu’il note que dans ce conflit moral, Dieu est « tran
314 ode. Cette espèce de stoïcisme moral, dans lequel nous voyons se complaire beaucoup de « protestants par tradition », pourta
315 rt est celui qui refuse la louange approximative. Nous ne saurions assez nous garder d’accepter des adhésions qui vont aux p
316 la louange approximative. Nous ne saurions assez nous garder d’accepter des adhésions qui vont aux produits déviés de notre
317 ter des adhésions qui vont aux produits déviés de notre foi. Il est vrai que ceux-ci sont souvent les plus éclatants. Car un
318 ne vont pas forcément à la ruine immédiate, dans notre monde tel qu’il est. Mais c’est parfois, bien au contraire, par leur
319 plus durement jugés. Était-ce affaiblissement de notre foi dans l’avenir de la Réforme, besoin minoritaire de trouver des al
320 compromission semblait pratiquement acceptable ? Nous avons trop souvent et bien trop volontiers souffert que l’on nous att
321 souvent et bien trop volontiers souffert que l’on nous attribue un moralisme tout semblable à celui des athées, — au lieu qu
322 coup le dénoncer, comme radicalement contraire à notre foi originale. Le siècle, hélas, décorait du beau nom de libéralisme
323 ce unifiante entre la pensée et l’action. Certes, nos prédicateurs affirmaient le salut gratuit par la foi ; mais d’autre p
324 t le salut gratuit par la foi ; mais d’autre part nous prêtions des mains complices à des œuvres qui relevaient de conceptio
325 u’aient été les affirmations souvent indignées de nos docteurs, un fait prit corps, irréfutable : dans l’esprit du Français
326 -il de déplorer une incompréhension publique dont nous sommes en grande partie responsables ? Nous montrons-nous assez souci
327 dont nous sommes en grande partie responsables ? Nous montrons-nous assez soucieux de nous désolidariser de certaines forme
328 mes en grande partie responsables ? Nous montrons- nous assez soucieux de nous désolidariser de certaines formes de pensée ou
329 sponsables ? Nous montrons-nous assez soucieux de nous désolidariser de certaines formes de pensée ou d’action dans lesquell
330 ines formes de pensée ou d’action dans lesquelles nos pères crurent trouver des appuis, mais dont nous souffrons d’autant p
331 s nos pères crurent trouver des appuis, mais dont nous souffrons d’autant plus vivement que le monde actuel nous met en deme
332 ffrons d’autant plus vivement que le monde actuel nous met en demeure d’abandonner tout ce qui, dans notre éthique, s’inspir
333 ous met en demeure d’abandonner tout ce qui, dans notre éthique, s’inspire d’un conformisme bourgeois plutôt que de l’héroïsm
334 e de l’héroïsme chrétien ? En particulier, sommes- nous toujours assez conscients des fondements de notre foi pour récuser, d
335 -nous toujours assez conscients des fondements de notre foi pour récuser, dans « l’esprit protestant », tout ce qui rend inut
336 e qui rend inutile la grâce ? Il y va pourtant de notre force de conquête. Que nous le voulions ou non, en fait, sinon toujou
337 Il y va pourtant de notre force de conquête. Que nous le voulions ou non, en fait, sinon toujours en droit, l’héritage inte
338 estantisme du xixe siècle se réduit, aux yeux de nos contemporains, à un moralisme libéral. Nous savons ce qu’une telle vu
339 eux de nos contemporains, à un moralisme libéral. Nous savons ce qu’une telle vue a d’injuste, c’est-à-dire d’incomplet. Mai
340 bien la confirmer : le dessèchement distingué de notre art. Toute forme religieuse donne lieu à des formes d’art qui manifes
341 protestantisme de la fin du xixe siècle, tel que nos contemporains se le représentent, ne pouvait s’exprimer que dans la f
342 érieuse et fulgurante du véritable calvinisme. Or nous n’hésitons plus à rendre responsable de cette carence de la poésie et
343 carence de la poésie et du rayonnement spirituel notre fameux moralisme, traître à ses origines, et vidé de toute théologie
344 préservait » du mal. Ainsi Rousseau le libertaire doit et peut être moraliste, tandis que Calvin l’orthodoxe ne saurait l’êt
345 tre sans renier le fondement de sa croyance34. Or nous voyons le moralisme se développer précisément à l’époque où la théolo
346 se psychologique. Un siècle de ce régime suffit à nous mener à ce trouble gâchis intérieur où Freud naguère porta l’impitoya
347 » dont les ravages ne prendront fin qu’au jour où nous aurons compris que la santé est dans l’humilité de la prière, dans la
348 é de la prière, dans la reconnaissance éperdue de notre incapacité à faire par nous-mêmes le bien, dans l’abandon aux mains d
349 iolentes mains de Dieu. Un cantique nouveau Nous voici loin de nos auteurs. Si loin qu’en somme ils ne sont guère atte
350 ieu. Un cantique nouveau Nous voici loin de nos auteurs. Si loin qu’en somme ils ne sont guère atteints par tout ceci
351 rvivant, c’est au nom d’une grande espérance. Que devons -nous attendre ? Tout, d’un réveil dogmatique qui, s’il traduit et por
352 , c’est au nom d’une grande espérance. Que devons- nous attendre ? Tout, d’un réveil dogmatique qui, s’il traduit et porte un
353 libérer des forces créatrices. Or les temps vont nous y contraindre. Que rien ne soit plus favorable à l’art que l’évangél
354 mans russes et les romans anglais du xixe siècle nous laissent entrevoir ce que pourraient être des œuvres modernes inspiré
355 du tragique et de la joie surabondante : verrons- nous quelque jour en France surgir une poésie chrétienne d’inspiration éva
356 nt les Tragiques d’un d’Aubigné. Aussi bien avons- nous d’autres raisons d’espérer. Car si la forme artistique adéquate au li
14 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Goethe, chrétien, païen (avril 1932)
357 . Mais le plus grand Occidental fut-il chrétien ? Nous ne saurions, surtout dans Foi et Vie , aborder cette question sous l
358 cience intellectuelle des chrétiens ne peut et ne doit éviter. Goethe est une de ces « questions au christianisme » comme di
359 nisme » comme dit Barth, une de ces questions qui nous sont posées comme autant d’accusations, et qu’il est de notre devoir
360 osées comme autant d’accusations, et qu’il est de notre devoir d’envisager avec toute la bonne foi que nécessite un examen de
361 comme autant d’accusations, et qu’il est de notre devoir d’envisager avec toute la bonne foi que nécessite un examen de consci
362 es fragments des Conversations avec Eckermann que nous donnons dans ce numéro n’ont pas été choisis pour dissiper trop facil
363 sance ? La question serait tranchée, en effet, si nous ne savions rien des circonstances dans lesquelles Goethe évoluait. Un
364 temps aussi du « Sturm und Drang » auquel Goethe devait donner l’expression littéraire la plus parfaite avec Werther. Et nous
365 sion littéraire la plus parfaite avec Werther. Et nous ne manquons pas de témoignages écrits de cette époque qui permettent
366 passionnément vers eux ; mais il semble que ce ne doive pas être. Ils sont si cordialement ennuyeux quand ils s’y mettent que
367 transcendance de Dieu est absolue, par rapport à notre pensée naturelle. Dès lors, pourquoi faire intervenir dans notre vie
368 turelle. Dès lors, pourquoi faire intervenir dans notre vie une recherche qui risque surtout d’être nuisible à la vie ? Borno
369 risque surtout d’être nuisible à la vie ? Bornons- nous à l’utile. Bornons-nous à « réaliser » dans nos actions ce que Dieu j
370 isible à la vie ? Bornons-nous à l’utile. Bornons- nous à « réaliser » dans nos actions ce que Dieu jugea bon de nous révéler
371 -nous à l’utile. Bornons-nous à « réaliser » dans nos actions ce que Dieu jugea bon de nous révéler dans l’Évangile. Et en
372 liser » dans nos actions ce que Dieu jugea bon de nous révéler dans l’Évangile. Et en présence de l’intempérance de langage
373 souvent caractérise les chrétiens, affirmons que nous ne savons presque rien de Dieu, ou plutôt qu’il est vain de chercher
374 her à en savoir plus que ce que la nature visible nous en révèle. Cette attitude s’accuse de plus en plus à mesure que Goeth
375 e plus en plus à mesure que Goethe avance en âge. Nous voici à ces années de la vieillesse, dont Eckermann nous a livré les
376 ici à ces années de la vieillesse, dont Eckermann nous a livré les confidences, et où la volonté de sobriété spirituelle par
377 ligieuse ». En vérité, Goethe qui prêcha l’utile, nous apparaît comme Goethe l’inutilisable, si nous le jugeons du point de
378 le, nous apparaît comme Goethe l’inutilisable, si nous le jugeons du point de vue d’un parti. Il n’est pas païen, pour la ra
379 is, d’autre part, il faudrait un libéralisme dont nous nous sentons incapables pour admettre dans la communauté de la foi ch
380 ’autre part, il faudrait un libéralisme dont nous nous sentons incapables pour admettre dans la communauté de la foi chrétie
381 ion du Très-Haut, et même la plus puissante qu’il nous ait jamais été donné, à nous enfants de la terre, de percevoir. » Et
382 plus puissante qu’il nous ait jamais été donné, à nous enfants de la terre, de percevoir. » Et certes, on ne voit guère en q
383 réductible, c’est-à-dire le tragique essentiel de notre condition. C’est bien là que réside l’élément transcendant qui interd
384 n’est pas vrai de dire qu’un monde séparé de Dieu doit ou peut être envisagé comme un monde autonome. Il doit être envisagé
385 ou peut être envisagé comme un monde autonome. Il doit être envisagé comme manquant de quelque chose. Or, ce « quelque chose
386 oi la transcendance divine, sans cesse, se mêle à notre vie pratique et vient bouleverser nos sagesses. Goethe, prônant dans
387 se mêle à notre vie pratique et vient bouleverser nos sagesses. Goethe, prônant dans Faust le salut par l’effort humain au
388 ’amour d’En-Haut » venant à sa rencontre — Goethe nous apparaît comme non chrétien, comme antichrétien, mais d’une tout autr
389 ien, mais d’une tout autre sorte que ne l’ont cru nos athées qui s’arrêtaient à des boutades anticatholiques ou à des momen
390 meur provoqués par les bavardages piétistes. Ici, nous confesserons un doute. De quel droit refusons-nous donc d’appeler chr
391 ous confesserons un doute. De quel droit refusons- nous donc d’appeler chrétien, un homme qui se prétendit tel en maintes occ
392 es ? Mais comment juger les actions d’un être que nous n’avons pas connu, alors que nous-même… Alors que Dieu seul juge. Si
393 alors que nous-même… Alors que Dieu seul juge. Si nous refusons le nom de chrétien à cet homme dont l’éthique, en définitive
394 avec les idées, les théories et les systèmes dont nous jugeons urgent d’accentuer actuellement, la vérité ? N’est-ce point l
395 ter un jugement avant tout partial, et qui révèle notre insuffisance autant que la sienne ? Certes, hic et nunc, dans la situ
396 oir fabriquer son bonheur par ses propres forces, notre devoir est net : nous avons à défendre et attester les valeurs doctri
397 briquer son bonheur par ses propres forces, notre devoir est net : nous avons à défendre et attester les valeurs doctrinales l
398 ur par ses propres forces, notre devoir est net : nous avons à défendre et attester les valeurs doctrinales les plus gênante
399 saurait, pour les mêmes raisons, servir d’objet à notre jugement. Bien plutôt c’est lui qui nous juge. Il y a dans le Faust,
400 objet à notre jugement. Bien plutôt c’est lui qui nous juge. Il y a dans le Faust, et dans la vie de cet homme, dont le Faus
401 sation de la pensée, dont la vertu et la grandeur devraient s’imposer à nous tous. Goethe inutilisable, certes. Mais nous ne somm
402 ont la vertu et la grandeur devraient s’imposer à nous tous. Goethe inutilisable, certes. Mais nous ne sommes d’aucun parti
403 er à nous tous. Goethe inutilisable, certes. Mais nous ne sommes d’aucun parti et n’avons pas à utiliser qui que ce soit. Il
404 ons pas à utiliser qui que ce soit. Il suffit que nous puissions nous sentir à la fois accusés et exhortés par un tel exempl
405 ser qui que ce soit. Il suffit que nous puissions nous sentir à la fois accusés et exhortés par un tel exemple. Que nous imp
406 fois accusés et exhortés par un tel exemple. Que nous importe, dès lors, que ce Goethe exemplaire soit « chrétien » ou « pa
407 oethe exemplaire soit « chrétien » ou « païen » ? Nous n’avons pas besoin d’avoir raison (contre lui, contre les athées) ; n
408 d’avoir raison (contre lui, contre les athées) ; nous n’avons pas besoin d’avoir beaucoup de grands hommes — ni même d’avoi
409 —, mais seulement d’être, efficacement. Et qu’il nous y aide ! 37. Numéro d’hommage à Goethe de la Nouvelle Revue françai
15 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Penser dangereusement (juin 1932)
410 s que l’adhésion des idées, une de ces causes qui doivent être gagnées. Chose étrange, et que l’on eût difficilement prévue au
411 ercs, selon M. Benda, la fin de l’esprit. Et pour nous , cela signifie : le renouveau, le sacrifice salutaire et l’unique jus
412 dans l’action qu’elle commande à des millions de nos contemporains. Il y a aussi ceux qui se bornent à affirmer la nécessi
413 ils ne voient pas encore qu’il faut choisir. Or, notre temps ne comporte qu’un choix profond : christianisme ou marxisme. Ce
414 et l’utilisation des biens matériels. ⁂ Arrêtons- nous aujourd’hui à deux livres caractéristiques de ce double péril qui men
415 a suppression de la personne humaine. Sa critique nous paraît pertinente, mais elle serait plus efficace si on la sentait in
416 e n’est pas une férule : c’est un bon outil qu’il nous faut. Ce n’est pas son pessimisme que je reproche à M. Thierry Maulni
417 e pas voir que la vraie défense, c’est l’attaque. Nous avons moins besoin d’idées justes que d’idées efficacement justes ; m
418 es conclusions dangereuses pour l’ordre établi. «  Nous vivons dans un temps où les philosophes s’abstiennent. Ils vivent dan
419 onner de réponses ». Au fond, M. Nizan reproche à nos philosophes d’exclure de leurs recherches tout ce qui intéresse chaqu
420 orcés de s’y intéresser au lieu de s’intéresser à notre situation concrète, M. Nizan a tellement raison que son entreprise es
421 ont et comptent faire pour les hommes. Très bien. Nous le demandons aussi. (Nous avons même un scepticisme plus profond que
422 les hommes. Très bien. Nous le demandons aussi. ( Nous avons même un scepticisme plus profond que le sien à l’endroit des ré
423 mains » de toute philosophie.) Mais ensuite, et à notre tour, nous demanderons : que fait, que compte faire M. Nizan pour les
424 oute philosophie.) Mais ensuite, et à notre tour, nous demanderons : que fait, que compte faire M. Nizan pour les hommes ? —
425 Et il propose Marx. Je demande en quoi Marx peut nous aider à vivre, à mourir. Je demande à M. Nizan, qui est marxiste, si
426 lâcheté. Car en présence de l’athéisme militant, nous n’avons plus à prouver vainement que Dieu est ; mais à prouver pratiq
427 nt que Dieu est ; mais à prouver pratiquement que nous y croyons. Nous n’avons plus à argumenter à la manière des philosophe
428 ; mais à prouver pratiquement que nous y croyons. Nous n’avons plus à argumenter à la manière des philosophes, mais à témoig
429 ire, germe de cette « révolution permanente » qui doit être l’état du chrétien vis-à-vis de lui-même et de son passé. C’est
430 de lui-même et de son passé. C’est le danger qui nous purifiera. « Toute plante que n’a pas plantée mon Père céleste sera d
16 1933, Foi et Vie, articles (1928–1977). « Histoires du monde, s’il vous plaît ! » (janvier 1933)
431 ait l’humanité se retourne contre elle-même). Que doit lire un homme pressé, s’il demande aux livres autre chose que ce que
432 essais, genre assurément fort ancien, mais auquel notre époque vient de redonner une très vive nouveauté. Il est bien remarqu
433 effets du changement à vue qui s’opère dans toute notre conception du monde. Dans une époque qui a vu les frontières et les p
434 e comme une fièvre, le romanesque éclate, remplit nos vies, ou s’il n’y pénètre pas encore, les baigne d’une atmosphère men
435 endre conscience. Alors, toutes les nouvelles qui nous parviennent du monde sont comme autant d’épisodes d’un drame qui inté
436 ant d’épisodes d’un drame qui intéresse chacun de nous . L’homme se prend d’un intérêt passionné pour la vie du monde. Et ce
437 , des albums de photos qui pour la première fois, nous semble-t-il, mettent sur notre table le monde tel qu’il est. Quel rom
438 r la première fois, nous semble-t-il, mettent sur notre table le monde tel qu’il est. Quel romancier pourrait nous apporter l
439 e le monde tel qu’il est. Quel romancier pourrait nous apporter l’équivalent de cette vision directe, exaltante et dépaysant
440 cherche à l’expliquer, avec une passion nouvelle. Nous avons vu paraître, il y a quelque dix ans, les premières Explications
441 a quelque dix ans, les premières Explications de notre temps. Et depuis lors, que de volumes à grand succès qui pourraient r
442 en ordre l’énorme quantité de faits nouveaux que nous découvrons. Retour à l’intelligence ? Oui, mais non pas à l’intellect
443 é, comme il le fut de tout temps, certes, mais de nos jours, plus visiblement, plus universellement. Quand il y va de tous,
444 xercer un essayiste sur la marche des événements. Nous reviendrons prochainement sur ce livre brillant et séduisant. t. Ro
17 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Destin du siècle ou vocation personnelle ? (février 1934)
445 un de la peur qui s’est emparée des hommes. On ne nous parle plus que du « désarroi actuel ». Il n’est pas d’expression plus
446 ession plus juste, pour qui se borne à considérer notre époque et les doctrines infiniment contradictoires qui s’affrontent a
447 désordre et la contradiction. L’argent règne sur notre monde, comme une puissance occulte et pourtant méticuleusement tyrann
448 crets. C’est à tout cela que l’on pense lorsqu’on nous parle du « désarroi actuel ». Croit-on vraiment que tout cela soit si
449 bien loin d’être l’histoire d’un progrès continu, nous apparaît plutôt comme une solennelle dégringolade, une contagion de d
450 vertement reconnue, dénoncée et battue en brèche. Notre époque, elle aussi, possède sa chance de grandeur. Je dirai même qu’e
451 udain devenu flagrant. Il promène par les rues de nos villes européennes de grands panneaux-réclame qui parlent un langage
452 s ! Sur le plan de la connaissance désintéressée, nous ne trouvons jamais aucun principe qui unifie. Mais, au contraire, dès
453 principe qui unifie. Mais, au contraire, dès que nous nous posons la question de l’homme, du rôle de l’homme, du destin de
454 cipe qui unifie. Mais, au contraire, dès que nous nous posons la question de l’homme, du rôle de l’homme, du destin de l’hom
455 mplifie aussitôt ; et si, faisant un pas de plus, nous posons la question de notre destin personnel en face des destins coll
456 aisant un pas de plus, nous posons la question de notre destin personnel en face des destins collectifs, le choix nécessaire
457 c une netteté qui, je le répète, est la chance de notre époque. Je voudrais décrire cette époque, telle qu’elle nous apparaît
458 . Je voudrais décrire cette époque, telle qu’elle nous apparaît de ce point de vue, en quelques traits fort simples. J’insis
459 ste sur le mot simple, qui me paraît caractériser notre siècle. On dit le contraire un peu partout, je le sais bien. On répèt
460 ut, je le sais bien. On répète que les événements nous dominent et qu’ils sont incompréhensibles et impensables. Ce n’est pa
461 pas vrai ! C’est encore un vieux raisonnement que nous connaissons trop bien, et dont nous connaissons aussi la significatio
462 sonnement que nous connaissons trop bien, et dont nous connaissons aussi la signification réelle. C’est l’argument des gens
463 l’argument des gens en place qui, chaque fois que nous venons dire : voici ce qu’il faut faire, nous répondent : Attention !
464 que nous venons dire : voici ce qu’il faut faire, nous répondent : Attention ! le problème est plus complexe ! Non, les prob
465 e vrai, c’est d’oser les actes qu’il faut, et que nous connaissons très bien. Trop souvent, nos maîtres nous ont fourni des
466 et que nous connaissons très bien. Trop souvent, nos maîtres nous ont fourni des méthodes d’évasion dans la complexité. Tr
467 connaissons très bien. Trop souvent, nos maîtres nous ont fourni des méthodes d’évasion dans la complexité. Trop souvent il
468 es d’évasion dans la complexité. Trop souvent ils nous ont mis en garde contre un « certain esprit simpliste », qui est, au
469 l’esprit de décision et d’engagement concret dont nous avons le plus besoin. Cessons de nous réfugier derrière des complexit
470 oncret dont nous avons le plus besoin. Cessons de nous réfugier derrière des complexités que nous créons à plaisir, qui ne s
471 ons de nous réfugier derrière des complexités que nous créons à plaisir, qui ne sont pas dans la situation et qui sont autan
472 prendre une position, mais à coup sûr, la pire ! Nous nous sommes laissés endormir. Nos maîtres les plus respectés ont été
473 dre une position, mais à coup sûr, la pire ! Nous nous sommes laissés endormir. Nos maîtres les plus respectés ont été trop
474 sûr, la pire ! Nous nous sommes laissés endormir. Nos maîtres les plus respectés ont été trop souvent pour nous des profess
475 tres les plus respectés ont été trop souvent pour nous des professeurs d’abstention distinguée, des grands prêtres de l’Inso
476 e l’Insoluble. Mais, un beau jour, les événements nous réveillent brusquement. Maintenant, il va falloir choisir. La pensée
477 oix et de risque, et non plus un refuge idéal. Ne nous en plaignons pas : le risque est la santé de la pensée. ⁂ Destin du
478 siècle ! Expression curieuse et bien moderne ! Si nous y regardons de près, nous allons voir que le simple assemblage de ces
479 se et bien moderne ! Si nous y regardons de près, nous allons voir que le simple assemblage de ces deux mots, destin et sièc
480 contient peut-être le secret de tout le mal dont nous souffrons. Il suffit, pour le faire apparaître, de poser cette simple
481 César, Lénine ont un destin. Mais aussi chacun de nous a un destin ; dans la mesure où chacun de nous possède une raison d’ê
482 de nous a un destin ; dans la mesure où chacun de nous possède une raison d’être, quelle qu’elle soit, une servitude particu
483 à lui, une vocation. Si l’on admet facilement de nos jours, qu’un siècle ait un destin, c’est que l’on a pris l’habitude d
484 ante à des êtres collectifs. Je m’explique. Quand nous disons : le siècle, le xxe siècle par exemple, nous entendons par là
485 s disons : le siècle, le xxe siècle par exemple, nous entendons par là une réalité historique très composite, très générale
486 personnes, de quelques génies, par exemple. Quand nous disons destin du siècle, nous disons destin des nations, destin du pr
487 par exemple. Quand nous disons destin du siècle, nous disons destin des nations, destin du prolétariat, destin du capitalis
488 ons. Et je le répète, pour que ces ismes aient, à nos yeux, un destin, il faut que nous ayons pris l’habitude de les consid
489 s ismes aient, à nos yeux, un destin, il faut que nous ayons pris l’habitude de les considérer comme autant de réalités auto
490 onomes, possédant leurs lois propres, échappant à notre domination et poursuivant, en dehors de nos vies personnelles, leur é
491 t à notre domination et poursuivant, en dehors de nos vies personnelles, leur évolution fatale, leur destinée. Autant dire
492 évolution fatale, leur destinée. Autant dire que nous avons fait de toutes les réalités collectives des divinités nouvelles
493 es divinités presque toujours menaçantes, et dont nous essayons avec angoisse de scruter les caractères, les habitudes, les
494 habitudes, les intentions secrètes, les destins. Notre siècle, en tant que siècle, est athée, totalement athée, et consciemm
495 rstitieux au dernier degré. La grande majorité de nos contemporains ne croit pas en Dieu et sait qu’elle n’y croit pas. Mai
496 ibles et de leur rendre un culte de latrie. Tous, nous servons ces dieux, tous, nous leur obéissons, et certains d’entre nou
497 te de latrie. Tous, nous servons ces dieux, tous, nous leur obéissons, et certains d’entre nous sont prêts à leur sacrifier
498 x, tous, nous leur obéissons, et certains d’entre nous sont prêts à leur sacrifier leur vie même. Les noms de ces divinités,
499 ombre, c’est peut-être Légion… Sans doute n’avons- nous pas toujours conscience de les servir. Vous me direz peut-être que, p
500 ion publique et la presse, auxquelles nul d’entre nous n’échappe, ni ne songe à échapper. La classe et la race : voilà peut-
501 le. Qu’il s’agisse bien là de dieux, c’est ce que nous prouvent abondamment leurs exigences, qui sont la foi aveugle et les
502 es principales sont l’Histoire et la Sociologie. Nous trouverons les meilleurs exemples de cette théologie dans les écrits
503 nt ces prémisses ? La principale, c’est que toute notre idéologie, toutes nos révoltes, toute notre attitude pratique s’expli
504 incipale, c’est que toute notre idéologie, toutes nos révoltes, toute notre attitude pratique s’expliquent d’une manière su
505 toute notre idéologie, toutes nos révoltes, toute notre attitude pratique s’expliquent d’une manière suffisante par notre app
506 ratique s’expliquent d’une manière suffisante par notre appartenance à une classe déterminée. Hitler, selon Trotski, s’expliq
507 port à l’homme, ils sont absolument semblables et nous pouvons les renvoyer dos à dos. L’un et l’autre tendent à nous faire
508 les renvoyer dos à dos. L’un et l’autre tendent à nous faire croire que l’homme n’est rien, mais moins que rien, et que tout
509 des lois générales et historiques qui échappent à notre volonté et sur lesquelles nos révoltes sont sans prise, puisque ces r
510 s qui échappent à notre volonté et sur lesquelles nos révoltes sont sans prise, puisque ces révoltes sont elles-mêmes prévu
511 oltes sont elles-mêmes prévues et déterminées par notre classe [ou] notre race. Destin du siècle contre destin de l’homme. Il
512 êmes prévues et déterminées par notre classe [ou] notre race. Destin du siècle contre destin de l’homme. Il faut bien reconna
513 ait-il quand il adore tout ce qui veut sa perte ? Nos camarades marxistes ou racistes ont bien vu le danger. Mais ils en ti
514 . Reprenant le mot de Goethe, sans le savoir, ils nous enseignent que la loi seule nous conduit à la liberté. Adhérez au dét
515 s le savoir, ils nous enseignent que la loi seule nous conduit à la liberté. Adhérez au déterminisme de l’histoire, abandonn
516 e et le suicide. L’élan qui jette des millions de nos contemporains dans les destins du siècle, c’est peut-être l’élan d’un
517 iciens hitlériens s’indignent de ce reproche. Ils nous répondent, avec raison, que leur action n’a pas les apparences d’une
518 structive que bien des jeunes bourgeois railleurs devraient leur envier. C’est juste. Aussi bien la question revient-elle en défi
519 du terme, la seule chose qui intéresse chacune de nos vies —, c’est qu’il y ait parfois, par exemple, un ivrogne qui s’arrê
520 sociales, sont toujours justes, dans la mesure où nous démissionnons de notre rôle d’hommes responsables et créateurs. Leur
521 s justes, dans la mesure où nous démissionnons de notre rôle d’hommes responsables et créateurs. Leur rigueur mesure exacteme
522 bles et créateurs. Leur rigueur mesure exactement notre dégénérescence. Le philosophe Léon Chestov disait un jour à quelques
523 mène et poussent le monde dans la direction où il doit tomber fatalement, si on le laisse tomber. En cela, ils sont peut-êtr
524 e pas croire qu’ils aient le droit de disposer de nos vies, je suis bien obligé de reconnaître qu’en fait, ils nous dominen
525 e suis bien obligé de reconnaître qu’en fait, ils nous dominent. Ne fût-ce que par le moyen de la presse. On peut dire, sans
526 ire, sans exagérer, que les journaux disposent de nos vies. Sans eux, la préparation des esprits qui prélude à toute guerre
527 s perdraient beaucoup de leur violence. Sans eux, nous ne saurions pas grand-chose des dieux du siècle, et peut-être aurions
528 d-chose des dieux du siècle, et peut-être aurions- nous un peu plus d’attention pour les vrais problèmes de nos vies. Mais si
529 peu plus d’attention pour les vrais problèmes de nos vies. Mais si les journaux disposent de nos vies, l’argent dispose de
530 es de nos vies. Mais si les journaux disposent de nos vies, l’argent dispose des journaux. Et voilà le dernier anneau de la
531 rnaux. Et voilà le dernier anneau de la chaîne de notre destin. Abrégeons, car, avec l’argent nous n’en finirions pas. L’arge
532 ne de notre destin. Abrégeons, car, avec l’argent nous n’en finirions pas. L’argent est partout, il est dans tout, il est to
533 se. On s’indigne du nivellement universel, à quoi doit aboutir le communisme. On raille le caporalisme des jeunes miliciens
534 ralisme des jeunes miliciens en chemise brune. On nous dit que la vie, en Amérique, est impossible, parce que tous les appar
535 e monde n’exigeait rien. Cet être-là, fatalement, devait désespérer de soi-même et de tout. Et nous vîmes, tôt après la guerre
536 ent, devait désespérer de soi-même et de tout. Et nous vîmes, tôt après la guerre, reparaître le fameux « mal du siècle ». L
537 ait une erreur insondable que de voir le salut de notre époque dans un retour à l’individu. L’individu est l’origine la plus
538 désormais un fait acquis, une réalité économique. Nous devons au progrès mécanique que désormais le globe entier apparaisse
539 mais un fait acquis, une réalité économique. Nous devons au progrès mécanique que désormais le globe entier apparaisse solidai
540 Oui, le destin du siècle, le destin des ismes, ne nous laisse rien prévoir d’autre qu’un monde chaotique hautement organisé,
541 le pessimiste à l’excès ? Ce n’est pas cela qu’il nous importe de savoir. Si j’ai simplifié le tableau, c’est que je veux ma
542 dégager le choix, la décision que chacun d’entre nous peut prendre. ⁂ Destin du siècle ou destin de l’homme ? Loi historiq
543 , je crois, en définitive, la question simple que nous pose l’époque. Vous avez pressenti le parti que j’embrasse. Il me res
544 ux, les mythes du siècle, sont tout-puissants sur nous . Dénoncer leurs méfaits, ce n’est pas encore leur échapper. Les nier
545 La culture du xixe siècle a voulu les ignorer et nous assistons à leur vengeance. Le spiritualisme les a déclarés vulgaires
546 ils ont la vie dure, et que le mieux à faire pour nous , c’est encore de compter avec eux. Mais compter avec eux, ce n’est pa
547 ollectifs. C’était l’homme qu’il fallait refaire. Nous avons oublié ce fait très simple : que la société doit être composée
548 avons oublié ce fait très simple : que la société doit être composée d’hommes réels. Nous avons tout calculé, sauf ce qui es
549 que la société doit être composée d’hommes réels. Nous avons tout calculé, sauf ce qui est en effet incalculable : l’acte de
550 ories qui expliquent tout sauf l’essentiel. Voici notre dilemme : voulons-nous être des éléments de statistique, ou bien des
551 t sauf l’essentiel. Voici notre dilemme : voulons- nous être des éléments de statistique, ou bien des hommes de chair et de s
552 dignité, leur raison d’être personnelle ? Voulons- nous être des personnes ? Voilà le mot lâché. Je connais la réaction qui l
553 d’ailleurs qu’est-ce que cette personne, dont on nous parle tant depuis quelques années dans les jeunes groupes révolutionn
554 répondre ici en mon nom personnel. Quel est donc, nous dit-on, le fondement réel de la personne ? Est-ce une vue philosophiq
555 à son prochain. Or, ce prochain, l’Évangile seul nous le désigne, bien plus : il nous ordonne de l’être. Et voilà la réalit
556 , l’Évangile seul nous le désigne, bien plus : il nous ordonne de l’être. Et voilà la réalité décisive. Tous, nous avons reç
557 ne de l’être. Et voilà la réalité décisive. Tous, nous avons reçu de Dieu cet ordre : tu aimeras ton prochain comme toi-même
558 u aimeras ton prochain comme toi-même. Tous donc, nous avons reçu, chacun à notre place et dans nos circonstances particuliè
559 me toi-même. Tous donc, nous avons reçu, chacun à notre place et dans nos circonstances particulières, une vocation personnel
560 nc, nous avons reçu, chacun à notre place et dans nos circonstances particulières, une vocation personnelle. Personne et vo
561 du Christ et il les a complètement perverties. On nous a présenté cet amour du prochain comme un sentiment bienveillant, une
562 té. On a transporté dans l’histoire cet amour qui doit être un acte, une présence et un engagement immédiat. Acte, présence
563 ssent la personne, mais aussi ce que Jésus-Christ nous ordonne d’être : le prochain. Lorsque les docteurs de la loi vouluren
564 en actes, la miséricorde. Cet acte, en chacun de nous , peut être vainqueur de l’Histoire. Cet acte, à chaque fois qu’il nou
565 ueur de l’Histoire. Cet acte, à chaque fois qu’il nous est donné de le faire, rétablit le rapport humain, fonde notre destin
566 né de le faire, rétablit le rapport humain, fonde notre destin personnel, et fonde aussi la seule société possible. Ne nous y
567 nel, et fonde aussi la seule société possible. Ne nous y trompons pas : l’acte de la miséricorde, c’est l’acte le plus révol
568 le plus révolutionnaire qui ait jamais paru dans notre monde. Lui seul suffit à vaincre les destins du siècle, lui seul atte
569 , lui seul atteint le mal à sa racine, qui est en nous , qui est au fond de notre désespoir. Les grandes lois historiques et
570 à sa racine, qui est en nous, qui est au fond de notre désespoir. Les grandes lois historiques et révolutionnaires peuvent b
571 lois historiques et révolutionnaires peuvent bien nous servir de refuge, de prétextes et d’arguments au service de nos passi
572 refuge, de prétextes et d’arguments au service de nos passions, au secours de notre misère matérielle. Mais elles ne pénètr
573 guments au service de nos passions, au secours de notre misère matérielle. Mais elles ne pénètrent jamais dans l’intimité de
574 Mais elles ne pénètrent jamais dans l’intimité de notre être, là où réside le désespoir de l’homme qui ne connaît pas son des
575 mystère devant lequel je vous laisse maintenant. Nous ne rencontrons personne au monde, avant d’avoir rencontré Dieu. 42.
18 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Deux essais de philosophes chrétiens (mai 1934)
576 int partout le cas. L’exemple de l’Allemagne peut nous faire réfléchir. Les philosophes y connaissent des succès dont rien,
577 quis le « grand public », celui-là même qui, chez nous , consacre ses loisirs à dévorer des prix Goncourt, justifiant les plu
578 eur autorité — sinon de droit, du moins de fait — dût s’exercer au bénéfice des auteurs réputés « difficiles ». Car les aut
579 se montre. Sous prétexte de science, la pensée de nos maîtres s’est tellement détachée du concret de nos vies que l’on comp
580 os maîtres s’est tellement détachée du concret de nos vies que l’on comprend sans peine l’indifférence où le public la tien
581 ou quelques révoltés ? Certes, et c’est cela que nous voyons depuis la guerre. On pourrait aussi supposer que la leçon des
582 erra-t-on que le service que la pensée chrétienne doit rendre n’est un service rendu au monde que si d’abord il est obéissan
583 obéissance ? Ce ne sont pas les catastrophes qui devraient effrayer le chrétien, mais le risque plus immédiat de faillir à sa vo
584 mmédiat de faillir à sa vocation. Ces réflexions nous serviront, pour aujourd’hui, d’introduction à deux essais de philosop
585 and service rendu par la phénoménologie, c’est de nous avoir délivrés d’une psychologie qui dissociait les unités vivantes e
586 es offenses (« car ils ne savent ce qu’ils font — nous seuls savons ce qu’ils font »). On parle aussi de l’« amour de ses en
587 la gravité des confusions morales dans lesquelles nous vivons. Je ne connais pas de plus salutaire leçon pour un chrétien d’
588 impitoyable et précis. Voici sa thèse centrale : nous en sommes venus à substituer « l’amour de l’humanité » à l’amour du p
589  : et c’est au nom de cet amour de l’humanité que nous revendiquons les fausses valeurs décrites par Nietzsche. Nous ne voul
590 quons les fausses valeurs décrites par Nietzsche. Nous ne voulons plus l’acte d’amour personnel — qui est une valeur héroïqu
591 r personnel — qui est une valeur héroïque —, mais nous prônons tout simplement un sentiment que nous jugeons d’autant plus «
592 ais nous prônons tout simplement un sentiment que nous jugeons d’autant plus « idéal » qu’il exige de nous un moindre sacrif
593 us jugeons d’autant plus « idéal » qu’il exige de nous un moindre sacrifice. (On éloigne l’amour : ainsi l’amour de la patri
594 urnal métaphysique. M. Marcel est un de ceux dont nous devons attendre qu’il fasse passer de l’air dans la philosophie franç
595 métaphysique. M. Marcel est un de ceux dont nous devons attendre qu’il fasse passer de l’air dans la philosophie française ;
596 x prudences intéressées de la scolastique laïque. Nos après-venants seront sans doute fort étonnés d’apprendre qu’il fallai
597 ie, en France. Sachons gré à M. Gabriel Marcel de nous donner l’exemple d’une « présence » et d’une « fidélité » vraiment ch
598 philosophie du désespoir, — autant de traits qui nous assurent que les problèmes débattus dans ce livre sont de ceux qui se
599 nueuse, le titre un peu rebutant de cet essai, ne nous empêcheront pas de voir qu’il y a là les éléments d’une critique péné
600 y a là les éléments d’une critique pénétrante de nos modes de vivre, je dirai plus : quelques-uns des fondements d’une éth
601 mmerçants » — comme disait Nietzsche — qui domine notre société. 43. On trouvera dans les excellents articles d’Henry Corbi
19 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Notice biographique [Kierkegaard] (août 1934)
602 toute son œuvre, une vingtaine de volumes, à quoi nous pouvons ajouter dix-huit volumes de papiers posthumes, fut composée e
603 ues à la lutte contre l’Église établie, lutte qui devait le mener à la mort parce qu’elle accomplissait sa vocation chrétienne
20 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Nécessité de Kierkegaard (août 1934)
604 es bourgeois n’apportent à l’affirmer. D’un côté, nous voyons une foi, de l’autre, une mauvaise humeur, et certains pensent 
605 ion de défendre ? La biographie de Kierkegaard va nous l’apprendre. On commencera par mettre en doute son sérieux : « Qui es
606 orgueil : n’a-t-il pas écrit que la presse est de nos jours l’obstacle décisif à la prédication du christianisme véritable 
607 e, mais il faut prendre garde de laisser croire à nos contemporains que ce pire ne puisse être aggravé, si tant est qu’ils
608 ndonnent. Qu’est-ce que l’esprit ? Donc, on nous parle de sauver l’esprit. Qu’est-ce que l’esprit ? « L’esprit, dit Ki
609 : ce n’est pas une distinction. Et lequel d’entre nous peut dire qu’il a calculé la dépense ? Il faudrait bien savoir de quo
610 Mais tout cela va au martyre, dans le monde qu’on nous prépare ? Il se peut, si pourtant Dieu le veut. L’exigence de Kierkeg
611 ouvelle grandeur, la nouvelle mesure de l’esprit. Nous irons donc à ce grand solitaire, à ce témoin extrême et décisif dont
612 l’époque, et la terreur que commencent d’y semer nos faux dieux, ont réveillé quelques esprits, dont témoigne la renaissan
613 issance, ou pour mieux dire, la découverte, parmi nous , de cette pensée impitoyable. Remède du pire ? Il fallait bien qu’on
614 anathèmes dont Kierkegaard salua leur naissance. Nous nous tournons vers ce prophète de nos malheurs, nous retournons à l’o
615 hèmes dont Kierkegaard salua leur naissance. Nous nous tournons vers ce prophète de nos malheurs, nous retournons à l’origin
616 naissance. Nous nous tournons vers ce prophète de nos malheurs, nous retournons à l’origine où il se tient, nous mettons en
617 s nous tournons vers ce prophète de nos malheurs, nous retournons à l’origine où il se tient, nous mettons en lui notre espo
618 eurs, nous retournons à l’origine où il se tient, nous mettons en lui notre espoir de trouver un autre chemin : un chemin qu
619 s à l’origine où il se tient, nous mettons en lui notre espoir de trouver un autre chemin : un chemin qui ne mène à Rome, ni
620 Kierkegaard est sans doute le penseur capital de notre époque, nous voulons dire : l’objection la plus absolue, la plus fond
621 st sans doute le penseur capital de notre époque, nous voulons dire : l’objection la plus absolue, la plus fondamentale qui
622 applaudir à ses thèses pour apaiser ce regard qui nous perce, et si nous sommes sourds à sa voix, comment étouffer le scanda
623 èses pour apaiser ce regard qui nous perce, et si nous sommes sourds à sa voix, comment étouffer le scandale de cette mort q
624 ette mort qui définit le destin de l’esprit parmi nous  ? Si l’Opinion publique a tué Kierkegaard, elle n’a pas eu de prise s
625 rs en l’honneur du progrès, car tout l’honneur de notre temps sera peut-être, par une compensation mystérieuse, d’avoir compr
626 n’aurait pas déplu à l’humeur shakespearienne de notre philosophe. C’est l’image du chat d’Alice in Wonderland. Souvenez-vou
627 e angoissante mimique. Le rire de Kierkegaard sur notre temps ! Dans un monde où règne la masse, règne aussi le sérieux le pl
628 assaut. Ah ! si le rire est le propre de l’homme, nous voici devenus bien inhumains ! Il semble que chacun porte le poids du
629 ? Parce que « la crainte infinie d’un seul danger nous rendrait tous les autres inexistants ». Mais cette « crainte d’un seu
630 ctement comme si l’Esprit n’existait pas ! Serons- nous des témoins ou des espions craintifs ? Attendrons-nous toujours le « 
631 des témoins ou des espions craintifs ? Attendrons- nous toujours le « réveil de la masse » pour affirmer que tous ces dieux s
632 es faux dieux ? Mais sont-ils des faux dieux pour nous  ? Appelons-nous vraiment l’esprit ? Mais non, nous appelons le « règn
633 Mais sont-ils des faux dieux pour nous ? Appelons- nous vraiment l’esprit ? Mais non, nous appelons le « règne de l’esprit »,
634 ous ? Appelons-nous vraiment l’esprit ? Mais non, nous appelons le « règne de l’esprit », c’est bien moins dangereux ; tous
635 ierkegaard — témoignent de l’esprit : 1) Ce qu’on nous prêche, est-ce possible ? 2) Puis-je le faire ? Deux questions témoig
636 n l’a-t-il fait ? l’a-t-il réellement fait ? »55 Nous posons toujours la dernière question. Nous ne croyons pas à l’esprit,
637 ? »55 Nous posons toujours la dernière question. Nous ne croyons pas à l’esprit, nous préférons ne pas scandaliser ; nous c
638 ernière question. Nous ne croyons pas à l’esprit, nous préférons ne pas scandaliser ; nous croyons réellement à l’opinion pu
639 s à l’esprit, nous préférons ne pas scandaliser ; nous croyons réellement à l’opinion publique. Nous lisons les journaux, vo
640 r ; nous croyons réellement à l’opinion publique. Nous lisons les journaux, voilà notre réalité. Le dimanche, nous allons qu
641 opinion publique. Nous lisons les journaux, voilà notre réalité. Le dimanche, nous allons quelquefois à l’église déplorer en
642 s les journaux, voilà notre réalité. Le dimanche, nous allons quelquefois à l’église déplorer en commun l’athéisme du monde.
643 et il apporte sa consolation, et sur ce texte on nous fait des sermons, à nous qui n’avons pas voulu souffrir ». « Dans l’é
644 tion, et sur ce texte on nous fait des sermons, à nous qui n’avons pas voulu souffrir ». « Dans l’église somptueuse paraît l
645 d’un autre. » Car l’apparence de la contradiction nous oblige à choisir, fait à la foi sa place, nous contraint à l’original
646 on nous oblige à choisir, fait à la foi sa place, nous contraint à l’originalité. « Mais quoi, professeurs et disciples ne s
647 ècle », pas d’autre révolution créatrice. Et tous nos appels à l’esprit, s’ils ne sont pas ce retour au Réel, ne sont que p
648 fantastique. Le solitaire et les faux dieux Nous croyons à la foule, aux races, à l’histoire (ou plutôt à l’évolution
649 , au capital, au jugement de l’opinion publique ; nous croyons au passé, au collectif, à l’avenir, et tout cela n’est rien q
650 ’avenir, et tout cela n’est rien que fuite devant notre éternel présent, et tout cela n’est que mythologie. Les dieux du sièc
651 oule, c’est qu’elle n’exige rien de lui. La foule nous veut tout simplement irresponsables, par cela seul, nous la flattons,
652 ut tout simplement irresponsables, par cela seul, nous la flattons, et elle nous reconnaît pour siens. Elle est le lieu de r
653 nsables, par cela seul, nous la flattons, et elle nous reconnaît pour siens. Elle est le lieu de rendez-vous des hommes qui
654 time de l’existence individuelle. Chaque fois que nous disons d’un de nos dieux qu’il est puissant, nous témoignons de notre
655 individuelle. Chaque fois que nous disons d’un de nos dieux qu’il est puissant, nous témoignons de notre démission. La foul
656 nous disons d’un de nos dieux qu’il est puissant, nous témoignons de notre démission. La foule n’a pas d’autre existence et
657 nos dieux qu’il est puissant, nous témoignons de notre démission. La foule n’a pas d’autre existence et pas d’autre pouvoir
658 cités. « Le philosophe dit à bon droit que la vie doit être comprise en arrière, mais il oublie l’autre proposition : qu’ell
659 ère, mais il oublie l’autre proposition : qu’elle doit être vécue en avant.60 » Semble-t-il pas que le temps court plus vite
660 pas lu Hegel, bien sûr, mais Hegel est dans tous nos journaux, Hegel domine le marxisme et les fascismes, et la théologie
661 est rien que le péché, mais le péché n’est-il pas notre réalité, notre réalité sans cesse menacée par l’Esprit de transformat
662 péché, mais le péché n’est-il pas notre réalité, notre réalité sans cesse menacée par l’Esprit de transformation ? Notre réa
663 ns cesse menacée par l’Esprit de transformation ? Notre réalité fuyarde et qui pourtant, par un artifice de l’angoisse, se pr
664 cile ? ou bien même possible ? Est-ce un effet de notre choix, ou un moment de notre vie ? Ils en parlent bien aisément…) Cer
665 ? Est-ce un effet de notre choix, ou un moment de notre vie ? Ils en parlent bien aisément…) Certains des plus lucides entrev
666 s choses afin d’y exaucer (comment et pourquoi ?) nos désirs. Cette sorte de providence brute tout à fait inintelligible es
667 a d’en revoir l’origine. » Seul, Kierkegaard sait nous la désigner, dans le refus de cette « catégorie du solitaire », de l’
668 mythiques de l’histoire. Kierkegaard au contraire nous répète : « La subjectivité est la vérité. » La liberté, la dignité de
669 peux rêver ma vocation et ses périls… Kierkegaard nous attend au réveil. Il nous saisit à ce moment précis où tous les systè
670 ses périls… Kierkegaard nous attend au réveil. Il nous saisit à ce moment précis où tous les systèmes s’évanouissent devant
671 u agiras, si tu agis. Un « moi pur », son premier devoir , c’est de persévérer dans son être agissant : en cette extrémité, le
672 présence au monde. Dans ce temps de la masse, où nous vivons, le « solitaire devant Dieu » est aussi l’homme le plus réel,
673 Pour deux raisons, je crois. Qui, d’abord, parmi nous , oserait affirmer que cette « catégorie » lui soit si familière qu’il
674 t, l’acte du « solitaire » n’est pas de ceux dont nous ayons à développer les conséquences. Ou bien il est, et c’est l’acte
675 esse au chrétien, comme au seul responsable parmi nous . Il sait bien qu’en tous temps, le malheur de l’époque ne provient pa
676  : il faut être le solitaire. Kierkegaard peut-il nous aider ? (Un homme pourrait-il nous aider ?). Ou bien seulement nous a
677 egaard peut-il nous aider ? (Un homme pourrait-il nous aider ?). Ou bien seulement nous a-t-il délivrés de nos derniers prét
678 omme pourrait-il nous aider ?). Ou bien seulement nous a-t-il délivrés de nos derniers prétextes, de nos dernières incertitu
679 der ?). Ou bien seulement nous a-t-il délivrés de nos derniers prétextes, de nos dernières incertitudes sur la nature et su
680 ous a-t-il délivrés de nos derniers prétextes, de nos dernières incertitudes sur la nature et sur les exigences concrètes d
681 il pas qu’il ait connu de grandes aides pour oser nous montrer la vanité de toutes les nôtres ? Somnium narrare vigilantis e
682 aides pour oser nous montrer la vanité de toutes les nôtres  ? Somnium narrare vigilantis est. L’aveu total de notre désespoir tém
683 ? Somnium narrare vigilantis est. L’aveu total de notre désespoir témoigne seul de la consolation. 52. Journal, tome X.
684 os d’un cas aussi exceptionnel que le martyre ? «  Nous ne pouvons pas tous devenir martyrs ! » Certes, répond Kierkegaard, m
685 le puis pas.” Et s’il est fou de penser que tous doivent l’être, il est encore beaucoup plus fou qu’aucun ne veuille l’être. »
686 d’autre qu’un dernier méfait de « la foule » dans notre existence morale. Une question mal posée. Un regard trouble porté sur
21 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Kasimir Edschmid, Destin allemand (octobre 1934)
687 ur nation, saura leur dire le mot de ce destin. «  Nous avons perdu la guerre, Bell, et dans la situation où nous sommes, nou
688 ns perdu la guerre, Bell, et dans la situation où nous sommes, nous ne pouvons plus nous affirmer que par le sacrifice… Il n
689 uerre, Bell, et dans la situation où nous sommes, nous ne pouvons plus nous affirmer que par le sacrifice… Il ne s’agit pas
690 la situation où nous sommes, nous ne pouvons plus nous affirmer que par le sacrifice… Il ne s’agit pas de ces sacrifices don
691 és qui possédaient tout. Ces jeunes Allemands qui doivent supporter, de nos jours, toutes les misères du monde au fond de leur
692 t. Ces jeunes Allemands qui doivent supporter, de nos jours, toutes les misères du monde au fond de leur exil, ceux-là devi
693 r à quelle hauteur se situe le drame de ce livre. Nous sommes bien loin de la « propagande » nationaliste et des rodomontade
694 nationaliste et des rodomontades hitlériennes64. Nous sommes ici au nœud tragique de ce problème allemand qui domine l’aprè
695 qui domine l’après-guerre, et dont le dénouement doit nous laisser d’autant moins indifférents que notre sort à tous, Europ
696 domine l’après-guerre, et dont le dénouement doit nous laisser d’autant moins indifférents que notre sort à tous, Européens,
697 doit nous laisser d’autant moins indifférents que notre sort à tous, Européens, y est engagé. À vrai dire, il est malaisé de
698 teur, qu’il est peu de problèmes plus graves pour notre avenir immédiat. Mais ce Destin allemand évoque bien d’autres questio
699 s qu’il traverse. Ce ne sont pas les journaux qui nous apprendront tout cela. Il faut lire Destin allemand, comme on lirait
700 et courageuse, un souffle, une grandeur enfin qui nous ramènent puissamment au sens de la réalité humaine, au sens de la dég
701 ens du péché concret de l’homme. Et qui rendent à notre jugement une rigueur qui se perdait à soupeser des objets trop petits
22 1935, Foi et Vie, articles (1928–1977). Notes en marge de Nietzsche (mars 1935)
702 , qui a traduit et fort bien introduit ce volume, nous affirme qu’ils constituent le texte véritable d’une œuvre dont les vo
703 n, c’est qu’un choix tel que celui qu’on vient de nous donner, nous restitue la totalité des thèmes de l’œuvre, sous une for
704 n choix tel que celui qu’on vient de nous donner, nous restitue la totalité des thèmes de l’œuvre, sous une forme souvent be
705 e la ruine de toutes les pauvres constructions où nous pensions pouvoir nous abriter contre son risque salutaire. M. Bolle a
706 es pauvres constructions où nous pensions pouvoir nous abriter contre son risque salutaire. M. Bolle a réparti les fragments
707 sens historique n’est qu’une théologie masquée : “ nous atteindrons un jour des buts magnifiques”. Un but final plane devant
708 selon Kierkegaard, cette opération paradoxale qui nous rend contemporains du Christ incarné, et qui nie par là même la valeu
709 nie par là même la valeur de tous les siècles qui nous séparent apparemment de cet événement éternel. N’est-il pas fort étra
710 ange et humiliant, qu’il faille un incroyant pour nous rappeler que le salut, pour le chrétien, n’est pas dans le Progrès in
711 e chrétien, n’est pas dans le Progrès indéfini de notre histoire, mais qu’il est venu sur la terre, et qu’il est dès maintena
712 nunc ! — « à la disposition » du moindre d’entre nous . Nietzsche croit faire un reproche terrible au christianisme en le tr
713 ité avec laquelle Nietzsche décèle l’idolâtrie de notre temps, même s’il y participe pour son compte. Il est très vrai que no
714 y participe pour son compte. Il est très vrai que nos contemporains ont cessé de croire, dans l’ensemble, que le salut étai
715 ant, M. Langevin, expliqua un jour devant moi que nous avions derrière nous deux milliards d’années, devant nous dix mille m
716 liqua un jour devant moi que nous avions derrière nous deux milliards d’années, devant nous dix mille milliards d’années. No
717 ons derrière nous deux milliards d’années, devant nous dix mille milliards d’années. Nous sommes des enfants de deux ans qui
718 années, devant nous dix mille milliards d’années. Nous sommes des enfants de deux ans qui auraient encore dix mille ans à vi
719 ité. Mais n’est-ce point là ce que toute la Bible nous désigne comme l’enfer même : ne plus pouvoir échapper au temps, ne pl
720 actuelle de l’homme est bonne ou mauvaise. La foi nous montre qu’elle est mauvaise. Dans ce sens, il est vrai de dire : le c
721 -t-il si fort que « l’homme est quelque chose qui doit être surmonté » ? Il n’y a pas que les chrétiens pour ne pas croire a
722 signe pour un penseur qui a entrepris d’ébranler nos fondements. Si j’essaie de m’expliquer cette espèce de déception que
723 nsée qui est insupportable aux hommes. Ne voyons- nous pas au contraire le monde contemporain entièrement dominé par une rel
724 la vie, de « l’intensité » de la vie ? Ne voyons- nous pas cette mystique de « l’intensité prise comme but », c’est-à-dire c
725 » préalablement « mis au pas » ? Et ne retrouvons- nous pas cette même forme d’esprit sur un autre plan, dans le communisme r
726 ’il y a, à côté de Dieu, encore un dieu : morale, devoir kantien, conscience, notion humaine de la justice, science, mystique
727 Bonheur ; et qu’il a seul le droit de contredire nos notions, trop humaines et trop intéressées, de toutes ces choses. N’e
23 1937, Foi et Vie, articles (1928–1977). Luther et la liberté (À propos du Traité du serf arbitre) (avril 1937)
728 sis que dans l’unique et perpétuelle question que nous posent toutes les pages de la Bible. Ils renvoient tous à une réalité
729 e sont que les reflets, diversement réfractés par nos mots. Ils renvoient tous à la question du Christ : « … Et toi, mainte
730 branlent plus que le « vieil homme », celui qu’il nous faut dépouiller. « Folie pour les sages » Mais il s’en faut de
731 me soient acceptées (ou simplement connues !) par nos contemporains, même chrétiens. Il s’en faut de beaucoup, de presque t
732 p, de presque tout, que les arguments d’un Érasme nous apparaissent comme autant de sophismes. Non seulement tous les humani
733 en a pas du tout le monopole : tout catholique se doit , en bonne logique, de les faire siens puisqu’il croit au mérite des œ
734 té ? Une verdeur de polémique qui peut flatter en nous le goût du pittoresque ; l’élan génial, la violence loyale d’une cert
735 subjugué par le style, par le ton de l’ouvrage. ( Nous ne savons que trop bien, nous modernes, séparer le fond de la forme ;
736 ton de l’ouvrage. (Nous ne savons que trop bien, nous modernes, séparer le fond de la forme ; admirer l’une quand nous cond
737 séparer le fond de la forme ; admirer l’une quand nous condamnons l’autre, et vice versa.) Mais une fois reconnue cette maît
738 r nie le libre arbitre. Ceci pourrait suffire, et doit suffire en droit, à réfuter l’objection d’un moderne, l’objection par
739 gaard. Une conscience moderne. — Selon Luther, nous n’avons aucune liberté, car en réalité, Dieu a tout prévu, et rien n’
740 uquel nul obstacle ne s’oppose. Que devient alors notre effort ? Il ne sert plus de rien. Nous n’en ferons plus ! Nous refuso
741 ent alors notre effort ? Il ne sert plus de rien. Nous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer si, d’avance, le vainqueur
742 Il ne sert plus de rien. Nous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer si, d’avance, le vainqueur a été désigné par un arb
743 désigné par un arbitre qui ne tient pas compte de nos exploits ! Un luthérien. — Mais connais-tu seulement les vraies règl
744 eu connaît la fin, la somme, la valeur absolue de nos actions passées, présentes, futures, car elles sont dans le temps, Di
745 u temps sans fin, et refuser l’éternité qui vient nous délivrer du temps ? C. M. — Mais mon temps est vivant, et plein de n
746 , c’est l’image même de la mort. L. — Que savons- nous de l’éternité ? Les philosophes et la raison ne peuvent l’imaginer qu
747 on ne peuvent l’imaginer que morte. Mais la Bible nous dit qu’elle est la Vie, et que notre vie n’est qu’une mort à ses yeux
748 Mais la Bible nous dit qu’elle est la Vie, et que notre vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité est
749 t que notre vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité est quelque chose d’immobile, de statique ? Qui
750 é est quelque chose d’immobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’est pas, au contraire, la source de tout acte et de tou
751 l’écrit Paul) (I Cor. 15 : 52) ? Qui t’assure que notre raison, tout attachée à notre chair, à notre temps où elle s’est cons
752  ? Qui t’assure que notre raison, tout attachée à notre chair, à notre temps où elle s’est constituée, soit capable de concev
753 que notre raison, tout attachée à notre chair, à notre temps où elle s’est constituée, soit capable de concevoir ce paradoxe
754 eule actuelle ? C’est un mystère plus profond que notre vie, et la raison n’est qu’un faible élément de notre vie. C’est un m
755 e vie, et la raison n’est qu’un faible élément de notre vie. C’est un mystère que le croyant pressent et vit au seul moment d
756 ndez et l’on vous donnera », dit le même Dieu qui nous prédestina ! Quand le croyant, qui sait que Dieu a tout prévu éternel
757 connaît pas de « temps », il n’est pas lié comme nous à une succession. Mais, au contraire, nos divers temps et successions
758 comme nous à une succession. Mais, au contraire, nos divers temps et successions procèdent de l’Éternel et lui sont liés :
759 essions procèdent de l’Éternel et lui sont liés : nous venons de lui, nous retournons à lui, il est en nous lorsque l’Esprit
760 l’Éternel et lui sont liés : nous venons de lui, nous retournons à lui, il est en nous lorsque l’Esprit dit la Parole dans
761 s venons de lui, nous retournons à lui, il est en nous lorsque l’Esprit dit la Parole dans notre cœur. Quelle étrange illusi
762 l est en nous lorsque l’Esprit dit la Parole dans notre cœur. Quelle étrange illusion nous ferait croire qu’une décision de l
763 a Parole dans notre cœur. Quelle étrange illusion nous ferait croire qu’une décision de l’Éternel est une décision dans le p
764 ans le passé ! Quand c’est elle seule qui définit notre présent ! Est-ce que nos objections « philosophiques », et notre crai
765 elle seule qui définit notre présent ! Est-ce que nos objections « philosophiques », et notre crainte du « fatalisme » ne r
766 Est-ce que nos objections « philosophiques », et notre crainte du « fatalisme » ne reposent pas, le plus souvent, sur cette
767 ussi nier l’éternité, et affirmer que seul existe notre temps. Dans ce cas, tu n’as rien prouvé. L. — On ne prouve rien de c
768 e, en vertu d’une décision pure. Discuter ne peut nous conduire qu’au seuil de cette décision. Et nous n’aurons pas dialogué
769 t nous conduire qu’au seuil de cette décision. Et nous n’aurons pas dialogué en vain, si nous avons pu dégager l’alternative
770 cision. Et nous n’aurons pas dialogué en vain, si nous avons pu dégager l’alternative du libre arbitre, telle qu’elle se pos
771 jours très moraux, et même très pieux, qu’invoque notre révolte… Réalité radicale du problème Dans l’Église, une fois a
772 Credo et son fondement qui est la Parole dite en nous par l’Esprit et attestée par l’Écriture, — or, cette Parole est Chris
773 l. 2 : 12-13). C’est parce que Dieu fait tout que nous devons agir, selon qu’il nous l’a commandé. C’est parce que Dieu a to
774 : 12-13). C’est parce que Dieu fait tout que nous devons agir, selon qu’il nous l’a commandé. C’est parce que Dieu a tout prév
775 Dieu fait tout que nous devons agir, selon qu’il nous l’a commandé. C’est parce que Dieu a tout prévu que nous avons en lui
776 a commandé. C’est parce que Dieu a tout prévu que nous avons en lui, et en lui seul, la liberté. Mais cela n’apparaît qu’à c
777 dans les choses du salut. Mais que le Christ ait mourir — cet acte extrême — pour nous sauver, fait voir que nous n’av
778 le Christ ait dû mourir — cet acte extrême — pour nous sauver, fait voir que nous n’avons aucune liberté, par nous-mêmes, da
779 et acte extrême — pour nous sauver, fait voir que nous n’avons aucune liberté, par nous-mêmes, dans notre péché. Et, à l’inv
780 nous n’avons aucune liberté, par nous-mêmes, dans notre péché. Et, à l’inverse, il faut oser descendre jusqu’au fond de la co
781 a de liberté possible que dans la grâce que Dieu nous fait. Toute l’argumentation de Luther vise le moment de la décision,
782 sque l’on a compris que Luther ne nie pas du tout notre faculté de vouloir, mais nie seulement qu’elle puisse suffire à nous
783 loir, mais nie seulement qu’elle puisse suffire à nous obtenir le salut, étant elle-même soumise au mal. Tout le reste est p
784 on — cette folle comme le répète Luther —, ce que nous nommons ici un paradoxe demeure une pure et simple absurdité. Mais al
785 lui que Luther et Paul — et l’Évangile — posent à notre foi. C’est qu’il a poussé, comme Luther, jusqu’aux extrêmes limites d
786 jusqu’aux questions dernières que peut envisager notre pensée. Pour échapper au nihilisme qui l’étreint, dès lors que « Dieu
787 luctable. C’est dans cette volonté de reconnaître notre totale irresponsabilité, qu’il croit trouver et regagner la dignité s
788 n vient à une épreuve radicale de la vie. Au « tu dois  » des chrétiens, qui est prononcé par Dieu, Nietzsche oppose le « je
789 ifficulté fondamentale que posent les rapports de notre volonté et de l’éternité souveraine, demeure entière. La différence,
790 meure entière. La différence, c’est que Nietzsche nous propose d’adorer un Destin muet, tandis que nous adorons une Providen
791 nous propose d’adorer un Destin muet, tandis que nous adorons une Providence dont la Parole vivante s’est incarnée : « Emma
792 vante s’est incarnée : « Emmanuel ! » — Dieu avec nous  ! 68. À la proposition qu’on lui faisait, en 1537, d’éditer ses œu
24 1946, Foi et Vie, articles (1928–1977). Fédéralisme et œcuménisme (octobre 1946)
793 vec force et autorité aux questions politiques de notre temps. Qu’il le pressente, qu’il ait au moins une sorte de conscience
794 rconstances à leur dessein. Dans un certain sens, nous dirons qu’ils partaient sans cesse d’eux-mêmes, de leur foi ou de leu
795 e. Si le mouvement œcuménique veut agir, et il le doit , il faut qu’il reconnaisse d’abord cette loi fondamentale de l’action
796 sirables, mais au contraire sa position politique doit exprimer d’une façon nécessaire sa nature même. Ses déclarations doiv
797 façon nécessaire sa nature même. Ses déclarations doivent traduire en termes d’organisation pratique les principes qui sont imp
798 s aussi avec une inflexible conséquence. Résumons- nous  : il ne s’agit pas d’adopter une politique accidentellement ou indire
799 ins conflits permanents de l’histoire ont pris de nos jours un caractère de violence sans précédent. À travers les complexi
800 précédent. À travers les complexités infinies de nos difficultés économiques, sociales, politiques et religieuses, ils se
801 alisme. La santé religieuse s’appelle œcuménisme. Nous allons définir ces trois termes en insistant sur leur liaison fondame
802 n fondamentale et sur leur nécessaire hiérarchie. Notre thèse étant la suivante : La théologie de l’œcuménisme implique une p
803 rd le malentendu que pourrait suggérer ce titre : nous ne voulons pas parler d’une « théologie œcuménique », synthèse utopiq
804 ble avec aucune des théologies existantes. Ce qui nous intéresse ici, c’est la doctrine concernant l’Église universelle, imp
805 r le fait même qu’il existe un effort œcuménique. Nous supposons cette doctrine, dès lors que nous prononçons : « Je crois l
806 ique. Nous supposons cette doctrine, dès lors que nous prononçons : « Je crois la sainte Église universelle. » Et nous nous
807 s : « Je crois la sainte Église universelle. » Et nous nous bornerons ici à en souligner quelques traits qui importent à not
808  Je crois la sainte Église universelle. » Et nous nous bornerons ici à en souligner quelques traits qui importent à notre en
809 ci à en souligner quelques traits qui importent à notre entreprise. Le principal est celui-ci : la théologie de l’œcuménisme
810 a doctrine positive de l’union au nom de laquelle doit être condamnée l’hérésie unitaire. Doctrine de la multiplicité des do
811 ns-là aux docteurs de l’Église. Mais voici ce que nous devons affirmer dès maintenant : la théologie de l’œcuménisme considè
812 aux docteurs de l’Église. Mais voici ce que nous devons affirmer dès maintenant : la théologie de l’œcuménisme considère que
813 me. Un deuxième trait, complémentaire d’ailleurs, doit être au moins rappelé ici : la théologie de l’œcuménisme ne vise pas
814 urs ou d’appel possibles de la part du fidèle. Il doit se soumettre ou sortir. S’il se soumet, il court le risque d’obéir au
815 mbres, assurée par l’appartenance à un même chef. Nous retrouverons plus loin, et à plusieurs reprises, ce thème de l’harmon
816 ale. Le poumon n’a pas à « tolérer » le cœur ! Il doit être un vrai poumon, et dans cette mesure même, il aidera le cœur à ê
817 e de la personne Les positions œcuméniques que nous venons d’esquisser enveloppent une doctrine de l’homme. Au conflit qu
818 lle centrale qui fonde l’union dans la diversité, nous avons à chercher la position philosophique centrale qui fonde la comm
819 mun et les contrats. Tous les membres de la tribu devaient agir de la même manière, minutieusement prescrite par les usages, et
820 l’État reprend sa puissance. C’est Rome alors qui nous donnera le symbole éternel de la réaction collective. La victoire de
821 on sociale, un « soldat politique », dirait-on de nos jours. Et l’esprit périclite, faute de liberté. La Grèce individualis
822 se primitive, dans la perspective sociologique où nous nous plaçons ici ? Une communauté spirituelle formée de communautés l
823 imitive, dans la perspective sociologique où nous nous plaçons ici ? Une communauté spirituelle formée de communautés locale
824 rnel conflit entre la liberté individuelle et les devoirs vis-à-vis de la collectivité. C’est le même Dieu qui, par la vocation
825 sa fidélité à l’Éternel. Ainsi les droits et les devoirs du particulier ont le même fondement que les droits et les devoirs de
826 ulier ont le même fondement que les droits et les devoirs de l’ensemble. Ils ne sont plus contradictoires. Ce qui libère un hom
827 même coup par la formule : à chacun sa vocation. Nous avons retrouvé, dans cette doctrine de l’homme, les mêmes structures
828 liberté, mais là aussi est la vraie communion. Il nous reste à développer maintenant les implications politiques de cette th
829 te philosophie. 3. Politique du fédéralisme Nous en avons assez dit pour qu’il soit désormais facile de voir qu’à l’at
830 nit la paix comme « l’harmonie des âmes fortes ». Nous pourrions pareillement définir l’œcuménisme et le fédéralisme en remp
831  âmes » par « églises » et par « régions ». Enfin nous ne devons pas hésiter à compléter notre tableau en indiquant au moins
832 par « églises » et par « régions ». Enfin nous ne devons pas hésiter à compléter notre tableau en indiquant au moins ceci : qu
833 s ». Enfin nous ne devons pas hésiter à compléter notre tableau en indiquant au moins ceci : que le fédéralisme implique dans
834 iste à la fois) d’un régime coopératif. Mais ceci nous entraînerait dans un exposé qui déborde le cadre de ce schéma doctrin
835 posé qui déborde le cadre de ce schéma doctrinal. Notre objet était d’établir les relations suivantes : l’œcuménisme, le pers
836 sion fédératrice de l’œcuménisme Et maintenant nous voici dans le drame de l’année 194173. Nous constatons que le conflit
837 enant nous voici dans le drame de l’année 194173. Nous constatons que le conflit en cours est insoluble dans son plan. Si le
838 omique, idéologique et social sans précédent dans notre histoire. La seule espérance et aussi la seule possibilité qui demeur
839 épondre, il faut qu’elles comprennent qu’elles le doivent . Mais les deux termes ne se confondent-ils pas dans la réalité de la
840 ons de croire que l’Église peut agir, raisons que nous allons énumérer, sont-elles moins destinées à combattre des doutes qu
841 des volontés. 1. L’histoire du monde christianisé nous montre que les structures ecclésiastiques ont souvent précédé et préd
842 t pas strictement établie par la loi. De même les devoirs de la vocation personnelle ont toujours été mis au-dessus des devoirs
843 on personnelle ont toujours été mis au-dessus des devoirs envers le Pouvoir politique. Lors donc que la foi s’est affaiblie dan
844 dres et les rites anciens, jugés utilisables. Or, nous voyons ce processus ecclésiastique se répéter de nos jours dans ces m
845 voyons ce processus ecclésiastique se répéter de nos jours dans ces mêmes pays, cette fois-ci dans l’ordre politique et so
846 es qui se réclamaient de sa réforme. L’Una Sancta nous apparaît ici-bas, selon ses propres termes, dans la diversité « des É
847 es Églises et des personnes particulières ». Elle doit donc s’organiser en fédération de paroisses et de provinces, par syno
848 par synodes. Ce type de relations ecclésiastiques devait trouver sa traduction politique dans un fédéralisme plus ou moins acc
849 que l’action, que le mouvement œcuménique peut et doit exercer sur ces processus religieux, préparera le terrain pour une ac
850 u monde. (La « religion de l’homme » que certains nous proposent est une contradiction dans les termes, à moins qu’elle ne s
851 d’éléments traditionnels, condensant tout ce que nous avons d’expérience de la paix, elles convoient et contiennent en même
852 pond exactement aux besoins les plus légitimes de notre temps. Il nous rend les vraies formules de la communauté vivante, cel
853 aux besoins les plus légitimes de notre temps. Il nous rend les vraies formules de la communauté vivante, celle qui rassembl
854 alitaires. Ceci résulte, théoriquement, de ce que nous avons exposé aux chapitres 1-3. Le mouvement œcuménique est donc seul
855 avec une pathétique sincérité.) ⁂ Le tableau que nous venons d’esquisser est ambitieux. Il veut l’être, parce qu’il doit l’
856 uisser est ambitieux. Il veut l’être, parce qu’il doit l’être. L’action du chrétien n’est jamais partie de la prudente consi
857 manifestera dans une action risquée. De même que nous avons vu les Églises nées des missions en terre païenne se placer à l
858 placer à l’avant-garde du mouvement vers l’union, nous ne verrons l’œcuménisme se réaliser avec puissance que dans l’épreuve
859 ue dans l’épreuve missionnaire universelle, qu’il doit affronter maintenant. 73. Note de 1946 : Je n’ai pas un mot à chan
25 1977, Foi et Vie, articles (1928–1977). Pédagogie des catastrophes (avril 1977)
860  (avril 1977)ad ae Tout ne fut pas toujours de notre faute. Ils souffraient de famine quand nous n’étions pas nés. Ils meu
861 s de notre faute. Ils souffraient de famine quand nous n’étions pas nés. Ils meurent encore de faim, mais en bien plus grand
862 sultat du Progrès — cependant que l’on meurt chez nous de manger trop. Cette fois-ci, notre faute est immense, mais ailleurs
863 on meurt chez nous de manger trop. Cette fois-ci, notre faute est immense, mais ailleurs : elle est d’avoir offert, ou plutôt
864 retrouvée. Le seul moyen de les inciter à éviter nos maux, au lieu de les revendiquer, sera l’exemple vécu et réussi d’un
865 sera l’exemple vécu et réussi d’un dépassement de nos stato-nationalismes par la fédération continentale ; d’un dépassement
866 mographique, d’où famine, mais d’où soif aussi de nos industries, il est non moins vrai que l’Europe seule peut produire le
867 é, et tirera de sa libération les conclusions que nous aurions dû tirer, pour notre part, de l’échec du colonialisme, je sui
868 de sa libération les conclusions que nous aurions tirer, pour notre part, de l’échec du colonialisme, je suis sceptique
869 n les conclusions que nous aurions dû tirer, pour notre part, de l’échec du colonialisme, je suis sceptique. Il se peut que l
870 aît lisiblement inscrite dans la problématique de notre temps. Et voilà bien pourquoi plusieurs hommes politiques, dont quatr
871 sités vitales et ça ne vote pas. Qu’ont fait tous nos gouvernements, avertis par le club de Rome ? Et qu’ont fait les parti
872 ut faire se lever d’autres forces. Rien de ce qui nous semble aujourd’hui définitivement installé dans une évidence granitiq
873 vilisation quelconque ne se trouve remplie par la nôtre  : ni le consensus des meilleurs, ni celui du grand nombre ; ni l’amou
874 rituel d’une aristocratie qui sait ce qu’elle se doit . Plus grave encore, cette civilisation ne peut produire nulle garanti
875 tectes comme Doxiadis, qui écrit : « L’expérience nous apprend que seules des unités de dimensions restreintes peuvent être
876 fin des futurologues comme Hermann Kahn, qui voit nos États-nations, ayant perdu leurs raisons d’être, bientôt remplacés pa
877 régions ? — Sans aucun doute, si les vues justes nous conduisaient. Mais depuis dix-mille ans qu’il y a des hommes à Histoi
878 nnables dans les dix ou quinze ans prochains — et nous n’avons guère plus de temps pour décider de la survie de notre espèce
879 guère plus de temps pour décider de la survie de notre espèce.   — Seriez-vous radicalement pessimiste ? — Pessimiste, opti
880 ns venir une série de catastrophes organisées par nos soins diligents quoique inconscients. Si elles sont assez grandes pou
881 dirai pédagogiques, seules capables de surmonter notre inertie et l’invincible propension des chroniqueurs à taxer de « psyc
882 divin, un roi madré et un dictateur fou pouvaient nous jeter d’un jour à l’autre, si cela leur chantait ou pour que nous cha
883 jour à l’autre, si cela leur chantait ou pour que nous chantions. Quelques semaines plus tard, la guerre du Kippour fourniss
884 e vent de l’Histoire et de la guerre : formule de nos efforts actuels et prochains. Et peu m’importe de prévoir si la gauch
885 omme, tout à l’heure, serait au moins prématurée. Nous voyons aujourd’hui certaines causes du péril où l’humain risque de s’
886 ses du péril où l’humain risque de s’anéantir, et nous disons : — ce serait trop bête ! Nous venons d’entrevoir la guérison
887 néantir, et nous disons : — ce serait trop bête ! Nous venons d’entrevoir la guérison possible. Nous avons les moyens de sau
888 e ! Nous venons d’entrevoir la guérison possible. Nous avons les moyens de sauver « l’environnement » — la Nature et nos hab
889 yens de sauver « l’environnement » — la Nature et nos habitants — in extremis. Mais que serait la beauté du Monde sans l’œi
890 r le paysage et les décors n’aura plus de sens si nous ne sommes plus là, ou ce qui revient au même, si nous sommes encore l
891 ne sommes plus là, ou ce qui revient au même, si nous sommes encore là mais aliénés, devenus incapables même de nostalgie p
892 apables même de nostalgie pour ce qui fut un jour notre vie menacée. Mais il n’est pas de prévision d’avenir meilleur qui ne
893 se par un homme meilleur. Car il arrivera… ce que nous sommes. Et quoi d’autre peut-il arriver ? Et venant d’où ? (À part le
894 ant d’où ? (À part les tremblements de terre.) Il nous faut donc vouloir que le meilleur gagne — en nous. Et il nous faut d’
895 nous faut donc vouloir que le meilleur gagne — en nous . Et il nous faut d’abord nous le représenter, nous le rendre présent,
896 nc vouloir que le meilleur gagne — en nous. Et il nous faut d’abord nous le représenter, nous le rendre présent, l’anticiper
897 meilleur gagne — en nous. Et il nous faut d’abord nous le représenter, nous le rendre présent, l’anticiper. On peut anticipe
898 ous. Et il nous faut d’abord nous le représenter, nous le rendre présent, l’anticiper. On peut anticiper l’avenir et le prév
899 nsée créatrice est du « wishful thinking », prend nos désirs pour des réalités, jusqu’à ce que ces désirs créent ces réalit
900 sirs créent ces réalités et leur donnent vie dans notre vie, les réalisent. Désirer le meilleur en nous et par la force du dé
901 notre vie, les réalisent. Désirer le meilleur en nous et par la force du désir, le devenir, c’est anticiper notre avenir, m
902 ar la force du désir, le devenir, c’est anticiper notre avenir, mieux : c’est le faire.   La décadence d’une société commence
903 le et c’est : — Toi-même ! Car il arrivera ce que nous sommes : du mal au pire si nous restons aussi mauvais, et quelque bie
904 l arrivera ce que nous sommes : du mal au pire si nous restons aussi mauvais, et quelque bien si nous devenons meilleurs, ob
905 si nous restons aussi mauvais, et quelque bien si nous devenons meilleurs, obéissant mieux à notre vocation dans la cité. Ho
906 ien si nous devenons meilleurs, obéissant mieux à notre vocation dans la cité. Hors de là point de communauté, ni donc de rég
907 ues humaines. J’ai voulu dire l’avenir inscrit en nous , — non certes dans nos chromosomes : n’allons pas nous cacher une foi
908 dire l’avenir inscrit en nous, — non certes dans nos chromosomes : n’allons pas nous cacher une fois de plus derrière les
909 — non certes dans nos chromosomes : n’allons pas nous cacher une fois de plus derrière les arbres, aux forêts du passé prof
910 arbres, aux forêts du passé profond ! — mais dans nos attitudes présentes. Si vous voulez prévenir tel désastre probable ou
911 umaine dit seulement : Convertissez-vous ! Le mot doit être ici reçu dans toute sa force et dans la plénitude de son sens. (
912 casuistique ? Mais à l’inverse, si l’on exclut de notre drame l’irréductible spirituel, comment fonder l’objection de la pers
913 monde, qui est la vitalité d’une société. Mais il nous faut pousser l’analyse sur nous-mêmes : que choisissons-nous réelleme
914 ousser l’analyse sur nous-mêmes : que choisissons- nous réellement ? Au niveau des États-nations tout est joué, tout est perd
915 , une tendance suicidaire assez puissante. Alors, nous — chacun de nous — changeons de cap, changeons de buts, ordonnons nos
916 icidaire assez puissante. Alors, nous — chacun de nous — changeons de cap, changeons de buts, ordonnons nos moyens à ces but
917 — changeons de cap, changeons de buts, ordonnons nos moyens à ces buts — recréons la communauté ! Ce ne sera pas encore la
918 le que celui d’Isaïe à Séir, c’est de lui qu’elle devra tirer son espoir et sa résolution. Et ce n’est pas la promesse d’une
919 enture d’être homme, si elle prend naissance dans notre cœur.   Écoutons maintenant le cri sublime.   De Séir, une voix crie
920 à paraître chez Stock sous le titre L’Avenir est notre affaire . »