1
e question de quelques années. Mais peut-être est-
il
temps encore. Ici et là, quelques cris s’élèvent dans le désert d’une
2
les, l’Occidental est saisi d’un étrange malaise.
Il
soupçonne, par éclairs, qu’il y avait peut-être dans ces buts une abs
3
urdité fondamentale. L’infaillible progrès aurait-
il
fait fausse route ? Est-il temps encore de le détourner du désastre s
4
illible progrès aurait-il fait fausse route ? Est-
il
temps encore de le détourner du désastre spirituel vers lequel il ent
5
de le détourner du désastre spirituel vers lequel
il
entraîne l’Occident ? Cris dans le désert. Déserts des villes fiévreu
6
le rêve, dans l’utopie, dans une belle doctrine…
Il
faudrait d’abord prendre conscience du péril. Nous ne tentons rien d’
7
e de la banqueroute prochaine de sa civilisation.
Il
répugne à admettre qu’une époque entière ait pu se tromper, et se tro
8
re ait pu se tromper, et se tromper mortellement.
Il
suffit pourtant de regarder autour de nous et d’en croire nos yeux.
9
e de mieux réussi. Voici la vie de Ford, telle qu’
il
la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils de paysan. Il passe
10
telle qu’il la raconte dans Ma vie et mon œuvre.
Il
naît fils de paysan. Il passe son enfance à jouer avec des outils, «
11
dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils de paysan.
Il
passe son enfance à jouer avec des outils, « et c’est avec des outils
12
er avec des outils, « et c’est avec des outils qu’
il
joue encore à présent », dit‑il. Le plus mémorable événement de ces a
13
vec des outils qu’il joue encore à présent », dit‑
il
. Le plus mémorable événement de ces années de jeunesse, son « chemin
14
nnées de jeunesse, son « chemin de Damas » (comme
il
dit sans qu’on sache au juste quelle dose d’« humour » il met dans l’
15
ans qu’on sache au juste quelle dose d’« humour »
il
met dans l’expression), c’est la rencontre d’une locomotive routière.
16
ère automobile fabriquée, à temps perdu, alors qu’
il
est simple mécanicien chez Edison. Il fonde tôt après la Société des
17
u, alors qu’il est simple mécanicien chez Edison.
Il
fonde tôt après la Société des automobiles Ford, « et commence à réal
18
ait ajouter à ces chiffres celui des milliards qu’
il
possède, ou plutôt qu’il gère, mais ce n’est pour lui qu’un résultat
19
s celui des milliards qu’il possède, ou plutôt qu’
il
gère, mais ce n’est pour lui qu’un résultat secondaire de son activit
20
mais été de s’enrichir. Son « rêve » était autre,
il
l’a réalisé comme il est donné à peu d’hommes de le faire : 7000 voit
21
r. Son « rêve » était autre, il l’a réalisé comme
il
est donné à peu d’hommes de le faire : 7000 voitures par jour, et la
22
industriel du monde ; le plus riche, au point qu’
il
peut parler d’égal à égal avec beaucoup d’États ; le plus parfait aus
23
alaires, des conditions de travail et de repos qu’
il
offre à ses ouvriers semblent bien apporter une solution définitive a
24
européens ne sauraient l’atteindre. Au contraire,
il
a résolu la question sociale d’une façon qui ne devrait pas déplaire
25
l a résolu la question sociale d’une façon qui ne
devrait
pas déplaire aux doctrinaires de gauche, lesquels ont coutume de prom
26
en supprimant l’esclavage financier de l’ouvrier,
il
supprime la principale cause avouée de la lutte des classes. Il se dé
27
principale cause avouée de la lutte des classes.
Il
se dégage de la lecture de Ma vie et mon œuvre une impression de nett
28
épandent. L’on ne pourra qu’y applaudir, semble-t-
il
, en souhaitant que les industriels européens s’en inspirent toujours
29
rent toujours plus. Ford leur montre le chemin qu’
ils
seront bien obligés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ils
30
u’ils seront bien obligés de prendre tôt ou tard.
Il
est préférable qu’ils s’y engagent dès aujourd’hui résolument, pendan
31
igés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’
ils
s’y engagent dès aujourd’hui résolument, pendant qu’il reste quelques
32
y engagent dès aujourd’hui résolument, pendant qu’
il
reste quelques chances encore de régler pacifiquement le conflit du c
33
ne le premier exemple de son achèvement intégral.
Il
a atteint l’objectif de la moderne civilisation occidentale. Voici do
34
vie de Ford, sa « grande et constante ambition ».
Il
semble que toute sa carrière — pensée, méthode, technique — soit cond
35
tière : naissance de sa passion froide et tenace.
Il
s’efforce d’en réaliser l’objet par ses propres moyens, à un exemplai
36
t par ses propres moyens, à un exemplaire ; puis,
il
fonde une usine pour multiplier les réalisations. Bientôt, élargissan
37
réalisations. Bientôt, élargissant son ambition,
il
conçoit ce mythe extravagant du bonheur de l’humanité par la possessi
38
é par la possession d’automobiles Ford. Et, comme
il
est très intelligent, il a vite fait de démêler les conditions les pl
39
omobiles Ford. Et, comme il est très intelligent,
il
a vite fait de démêler les conditions les plus rationnelles de la pro
40
ormes d’autos. Seulement, pour pouvoir continuer,
il
faut vendre ; dans l’intérêt de la production, il faut créer la conso
41
il faut vendre ; dans l’intérêt de la production,
il
faut créer la consommation. La réclame s’en charge. Par le procédé tr
42
mple de la répétition, on fait croire aux gens qu’
ils
ne peuvent plus vivre heureux sans auto. Voilà l’affaire lancée. La p
43
lancée. La passion de Ford se donne libre cours.
Il
ne s’agit plus maintenant que de lui donner une apparence d’utilité p
44
s sophismes plus ou moins conscients par lesquels
il
prétend ramener le bénéfice de la production à celui du consommateur.
45
rs des clients, quel que soit l’état du marché. »
Il
semble que cela soit tout à l’avantage du client. Mais cherchons un p
46
qu’on a de tel objet est satisfait ou a disparu.
Il
semble alors que l’industriel n’ait plus qu’à plier bagage. Mais c’es
47
ayant disparu, la production devant se maintenir,
il
n’y a qu’une solution : recréer le besoin. Pour cela, on abaisse les
48
abaisse les prix. Le client fait la comparaison.
Il
est impressionné par la baisse, au point qu’il en oublie que cela ne
49
n. Il est impressionné par la baisse, au point qu’
il
en oublie que cela ne l’intéresse plus réellement. Il croit qu’il va
50
n oublie que cela ne l’intéresse plus réellement.
Il
croit qu’il va gagner 5 francs en achetant 5 francs moins chers un ob
51
cela ne l’intéresse plus réellement. Il croit qu’
il
va gagner 5 francs en achetant 5 francs moins chers un objet que, san
52
ancs moins chers un objet que, sans cette baisse,
il
n’eût pas acheté du tout. Autrement dit, il est trompé par la baisse.
53
isse, il n’eût pas acheté du tout. Autrement dit,
il
est trompé par la baisse. L’industriel comptait. La tromperie est pré
54
faire une dépense superflue ; le scandale est qu’
il
l’ait trompé sur ses véritables besoins. Car cela va bien plus profon
55
ar cela va bien plus profond, cette tromperie-là.
Elle
peut amener, en se généralisant, une sorte de suicide du genre humain
56
on », comme dit Ferrero. Le bon peuple s’extasie.
Il
ne peut voir la duperie : ce jeu du chat et de la souris ; si Ford re
57
n engrenage. L’emploi de leurs loisirs est prévu.
Il
est déterminé par la réclame, les produits Ford qu’il faut user, etc.
58
st déterminé par la réclame, les produits Ford qu’
il
faut user, etc. Il a pour but véritable d’augmenter la consommation.
59
réclame, les produits Ford qu’il faut user, etc.
Il
a pour but véritable d’augmenter la consommation. Il rend plus comple
60
a pour but véritable d’augmenter la consommation.
Il
rend plus complet l’esclavage de l’ouvrier, puisqu’il englobe jusqu’à
61
end plus complet l’esclavage de l’ouvrier, puisqu’
il
englobe jusqu’à son repos dans le cycle de la production. Cercle vici
62
e vicieux : plus la production s’intensifie, plus
il
faut créer de besoins et de loisirs. Or, l’industrie ne peut subsiste
63
re humaine a des limites. Et le temps approche où
elles
seront atteintes. On peut se demander jusqu’à quel point Ford est con
64
nos besoins. » — Ford se moque de la philosophie.
Il
ne peut empêcher que son attitude ne porte un nom philosophique : c’e
65
en est le fruit. On ne saurait mieux dire. Mais
il
faudrait en tirer des conséquences, alors que Ford passe outre et se
66
e et se remet à discuter des points de technique.
Il
n’a pas senti qu’il touchait là le nœud vital du problème moderne. D’
67
uter des points de technique. Il n’a pas senti qu’
il
touchait là le nœud vital du problème moderne. D’ailleurs, les idées
68
ette sorte sont rares dans son livre. En général,
il
se borne à parler de problèmes techniques où son triomphe est facile.
69
en parfait qui combat les techniciens imparfaits.
Il
ne se demande jamais si la technique même la plus perfectionnée mérit
70
me la plus perfectionnée mérite les sacrifices qu’
elle
exige de l’homme moderne. Paradoxes plus ou moins intéressés, optimis
71
Le phénomène n’est pas nouveau en Occident, mais
il
est ici tragiquement aigu. Est-ce notre pensée qui, à force de subtil
72
justiciable encore de nos vérités essentielles ?
Il
semble bien que notre temps ait prononcé définitivement le divorce de
73
’est pas mauvais en soi. Mais par l’importance qu’
il
a prise dans notre vie, il détourne la civilisation de son but vérita
74
is par l’importance qu’il a prise dans notre vie,
il
détourne la civilisation de son but véritable : aller à l’Esprit, y c
75
l’essentiel une grande part des forces humaines,
il
travaille contre l’Esprit. Rien n’est gratuit. Nous payons notre pass
76
ses de l’Esprit. Dans le cas le plus favorable, «
il
se passera bien de cette littérature ». Plus tard, « puisqu’elle n’es
77
bien de cette littérature ». Plus tard, « puisqu’
elle
n’est pas utile, elle est nuisible ». « … Tableaux, symphonies, ou au
78
ture ». Plus tard, « puisqu’elle n’est pas utile,
elle
est nuisible ». « … Tableaux, symphonies, ou autres œuvres destinées
79
écanique bien huilée, au mouvement si régulier qu’
il
en devient insensible et que la fatigue semble disparaître, l’homme s
80
s d’horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’
il
sent immuable comme la mort le restitue au monde vers 5 heures du soi
81
oublier jusqu’à l’existence, et à une liberté qu’
il
s’empresse d’aliéner au profit de plaisirs tarifés, soumis plus subti
82
mande sans rapport avec ses désirs réels, et dont
il
subit docilement l’abstraite et commerciale nécessité. Ennui, fatigue
83
es exigences les plus rudimentaires de son corps.
Il
a perdu le contact avec les choses naturelles, et par là même, avec l
84
turelles, et par là même, avec les surnaturelles.
Il
en ressent une vague et intermittente détresse, — qu’il met d’ailleur
85
ressent une vague et intermittente détresse, — qu’
il
met d’ailleurs sur le compte de sa fatigue. Neurasthénie. La conquête
86
aissé oublier les valeurs de l’esprit au point qu’
il
n’éprouve plus même cette carence ; seulement, peu à peu, il découvre
87
e plus même cette carence ; seulement, peu à peu,
il
découvre qu’il s’ennuie profondément ; fatigué de trop de satisfactio
88
te carence ; seulement, peu à peu, il découvre qu’
il
s’ennuie profondément ; fatigué de trop de satisfactions matérielles,
89
t ; fatigué de trop de satisfactions matérielles,
il
a laissé se détendre, ou il a cassé les ressorts de sa joie : l’effor
90
factions matérielles, il a laissé se détendre, ou
il
a cassé les ressorts de sa joie : l’effort libre et généreux, le sent
91
mirer la nature entre 17 et 19 heures : vraiment,
il
ne lui manque plus rien — que l’envie. Mauvais travail. Il a perdu le
92
manque plus rien — que l’envie. Mauvais travail.
Il
a perdu le sens religieux, cosmique, de l’effort humain. Il ne peut p
93
le sens religieux, cosmique, de l’effort humain.
Il
ne peut plus situer son effort individuel dans le monde, lui attribue
94
dans le monde, lui attribuer sa véritable valeur.
Il
sent obscurément que son travail est antinaturel. Il le méprise ou le
95
sent obscurément que son travail est antinaturel.
Il
le méprise ou le subit, mais, jusque dans son repos, il en est l’escl
96
méprise ou le subit, mais, jusque dans son repos,
il
en est l’esclave. Pour s’être exclu lui-même de l’ordre de la nature,
97
ur s’être exclu lui-même de l’ordre de la nature,
il
est condamné à ne plus saisir que des rapports abstraits entre les ch
98
isir que des rapports abstraits entre les choses.
Il
ne comprend presque plus rien à l’Univers. Par la technique, l’Occide
99
gences telles que l’Esprit ne peut les supporter.
Il
abandonne donc la place, mais c’est pourtant lui seul qui nous permet
100
toire mécanicienne est une victoire à la Pyrrhus.
Elle
nous donne une liberté dont nous ne sommes plus dignes. Nous perdons,
101
faculté destinée à amuser nos moments de loisir,
il
a des exigences effectives ; et ces exigences sont en contradiction a
102
» très spécial, — on les écarte des engrenages où
ils
risqueraient de faire grain de sable. Ils se réfugient dans ce qu’on
103
ages où ils risqueraient de faire grain de sable.
Ils
se réfugient dans ce qu’on pourrait appeler les classes privilégiées
104
es forces occultes sans doute dangereuses, puisqu’
elles
les rendent inutilisables dans les rouages de la vie moderne. Le trio
105
igueur : avec la rigueur de la nécessité — puisqu’
elle
est inutile au grand dessein matérialiste de l’Occident. La logique,
106
échappatoire utopique. Nous avons mieux à faire,
il
n’est plus temps de se désintéresser simplement des buts — si bas soi
107
désintéresser simplement des buts — si bas soient-
ils
— d’une civilisation sous le poids de laquelle nous risquons de périr
108
sous le poids de laquelle nous risquons de périr.
Il
se prépare déjà des révoltes terribles4, celles d’un mysticisme exasp
109
’aujourd’hui ont une tâche pressante : chercher s’
il
est possible d’échapper au fatal dilemme. Premiers pas vers la soluti
110
de leur progrès. Les humanités nous paraissaient
devoir
transmettre aux générations cette notion d’un équilibre proprement hu
111
a le xixe . On le laissa installer ses machines :
elles
avaient l’air de grands joujoux ; et l’on continua d’apprendre rosa :
112
in. La composante matérielle vient de l’emporter.
Elle
est en passe de gauchir notre civilisation à tel point que l’homme, a
113
à tel point que l’homme, affolé, soudain, doute s’
il
est encore maître de la redresser. C’est qu’il n’y a plus d’humanisme
114
s’il est encore maître de la redresser. C’est qu’
il
n’y a plus d’humanisme, s’il subsiste des humanités. L’humanisme est
115
redresser. C’est qu’il n’y a plus d’humanisme, s’
il
subsiste des humanités. L’humanisme est compromis virtuellement dès l
116
eine libérée, demande la tête de la métaphysique.
Elle
n’entend que ses intérêts. Elle eut naguère des insolences d’affranch
117
la métaphysique. Elle n’entend que ses intérêts.
Elle
eut naguère des insolences d’affranchi, dont les philosophes demeuren
118
eprise par certains philosophes des sciences fait-
elle
songer à l’activité de cet espion anglais qui parvint durant la guerr
119
s sentons leurs lois peser sur notre vie : s’agit-
il
d’enrayer la science ? Non, mais que l’esprit qui l’a créée, la surpa
120
ais, participant de notre volonté et de la grâce,
ils
échappent à cette fatalité qui est le signe du monde matériel. Je vo
121
rieure à n’importe quel dogme. Je ne crois pas qu’
il
existe d’autres facultés capables d’équilibrer en nous l’esprit de gé
122
ar des rêves. Et je ne vois rien d’autre. Quoi qu’
il
en soit d’ailleurs du contenu d’un nouvel humanisme, il est assez ais
123
soit d’ailleurs du contenu d’un nouvel humanisme,
il
est assez aisé de prévoir et de décrire une tentation qui le guette e
124
elle de créer un modèle de l’homme. Peut-être a-t-
il
existé un modèle gréco-latin, un canon de l’âme aussi bien que du cor
125
ce mythe ait animé l’humanisme de nos humanités.
Il
est certain qu’il a perdu son ascendant. D’ailleurs son pouvoir, s’il
126
é l’humanisme de nos humanités. Il est certain qu’
il
a perdu son ascendant. D’ailleurs son pouvoir, s’il en eut, ne s’éten
127
a perdu son ascendant. D’ailleurs son pouvoir, s’
il
en eut, ne s’étendit guère au-delà des limites du monde roman. Le typ
128
Le christianisme en connaît un, depuis toujours :
il
le nomme péché.) Tous les modèles que l’homme se propose ont ceci d’i
129
ue l’homme se propose ont ceci d’insuffisant : qu’
ils
peuvent être atteints. Mais ce qui parfait la stature de l’homme, c’e
130
nt. L’homme ne se comprend lui-même qu’en tant qu’
il
« passe l’homme » et participe, en esprit, d’un ordre transcendental.
131
un dieu. N’attendons pas d’un nouvel humanisme qu’
il
nous désigne un but, ni même une direction : il y réussirait trop ais
132
u’il nous désigne un but, ni même une direction :
il
y réussirait trop aisément. Ce qui manque à l’homme moderne, c’est un
133
lles. Nous avons inventé trop d’êtres inhumains :
ils
nous menacent et nous empêchent de voir encore le surhumain. Être vér
134
uil » : et qu’irions-nous lui demander de plus, s’
il
laisse en blanc la place de Dieu. Mais où trouver les lévites assez p
135
études de lettres à Neuchâtel, Vienne et Genève.
Il
a collaboré à diverses revues suisses et françaises. Il prépare trois
136
ollaboré à diverses revues suisses et françaises.
Il
prépare trois volumes (Essais, Romans, Voyages). »
137
es livres qu’on n’oublie pas facilement. C’est qu’
il
y apporte un peu plus d’expérience humaine qu’on n’a coutume d’en att
138
et dont le tragique est décuplé par la valeur qu’
il
prend dans l’esprit des héros. Un jeune Français a décidé d’aller fou
139
es temples en ruines de la Voie royale d’Angkor :
il
compte y découvrir des bas-reliefs dont il pourrait tirer un prix con
140
gkor : il compte y découvrir des bas-reliefs dont
il
pourrait tirer un prix considérable. Sur le bateau qui l’amène à pied
141
érable. Sur le bateau qui l’amène à pied d’œuvre,
il
s’associe à un aventurier danois, Perken, personnage énigmatique qui
142
arlant jamais que par allusions et mots couverts.
Il
intimide un peu le lecteur qui ne se sent pas complice de ses secrets
143
térieurs obéissait son action. C’est peut-être qu’
il
n’y en a pas. Perken, comme Garine, est de ces êtres qui agissent par
144
suis tenté de dire : son moi idéal, celui auquel
il
donne sa plus profonde et intime adhésion. Nous avons tous en nous de
145
même, en fin de compte, paraît absurde, parce qu’
il
refuse de lui trouver un sens dans la mort. L’homme qui pourrait se d
146
ion littéraire11. Le courage presque agressif qu’
elle
apporte à décrire la figure de l’homme moderne en proie au seul orgue
147
la religion qui n’est qu’un refuge contre la vie.
Elle
nous amène à un point de jugement d’où les facilités de certaine foi
148
Goncourt, dit-on, eût été décerné à M. Malraux s’
il
n’avait naguère au cours de ses aventures asiatiques passé outre à ce
149
cambodgiens. Je donne l’histoire comme une fable.
Il
est peut-être curieux de noter que les pires blasphèmes, de la pornog
150
Sécularisme (mars 1931)e
Il
nous plaît de faire converser ici les gens les moins faits pour s’ent
151
ent parce qu’au contraire de M. Léon Brunschvicg,
il
avait le sens du tragique de la vie. De pareilles « conversations » n
152
ressortent nullement de la critique littéraire ;
il
arrive qu’elles mettent en jeu de gros problèmes à propos d’ouvrages
153
ullement de la critique littéraire ; il arrive qu’
elles
mettent en jeu de gros problèmes à propos d’ouvrages bien minces. C’e
154
relative à des œuvres qui « signifient » plus qu’
elles
ne « sont ». L’on mesure ici l’écart d’avec la littérature d’avant-gu
155
t. La nôtre ayant voix au forum discute autant qu’
elle
n’invente ou qu’elle ne stylise. On peut dire, avec plus de louange d
156
x au forum discute autant qu’elle n’invente ou qu’
elle
ne stylise. On peut dire, avec plus de louange d’ailleurs que d’ironi
157
avec plus de louange d’ailleurs que d’ironie, qu’
elle
touche à tout dans l’homme et dans la société. Elle a l’absence de sc
158
le touche à tout dans l’homme et dans la société.
Elle
a l’absence de scrupules des gens qui ont une mission urgente à rempl
159
s quelques remarques nous placent sous l’angle qu’
il
faut pour situer le petit livre de M. P. Nizan12, dans sa perspective
160
type du livre qui vaut surtout par l’attitude qu’
il
manifeste et commente. Son sujet : le voyage d’un jeune normalien ma
161
savons : les hommes ne vivent pas comme un homme
devrait
vivre… — Être un homme nous paraît la seule entreprise légitime… — No
162
e légitime… — Nous pensions vie intérieure, quand
il
fallait penser dividendes, impérialisme, plus-value. — Qui donc nous
163
essence, tout ce qui allongeait la sauce évaporé.
Il
demeure un résidu impitoyable, descriptible et sec ». Ici la vie des
164
t l’Orient. « On pense à une Genève de l’islam. »
Il
semble, à lire notre auteur, que ce mélange de représentants de ne or
165
phie, la politique étant absents, faute d’emploi,
il
n’y avait aucune correction à faire ». D’ailleurs, il ne veut pas poé
166
’y avait aucune correction à faire ». D’ailleurs,
il
ne veut pas poétiser le tableau, car, pour lui, « être poétique, c’es
167
ur. C’est sans doute qu’on les a par trop dupés ;
ils
ne marchent plus. La faute en est à l’idéologie bourgeoise du xixe s
168
istingué » et le « conforme » au vrai. Mais n’est-
il
pas grand temps de dépasser une réaction de vulgarité non moins artif
169
non moins artificielle que le lâche idéalisme qu’
elle
combat avec raison ? D’ailleurs, si je vois bien que le propos de M.
170
sidu impitoyable, descriptible et sec ». Mais est-
il
bien légitime de voir dans un tel « résidu » l’essence de l’Europe, —
171
marxiste, dont le moins qu’on puisse dire est qu’
elle
sent son xixe siècle. On peut lui faire un grief plus grave : elle s
172
siècle. On peut lui faire un grief plus grave :
elle
subordonne toute réforme à une préalable révolution économique qui pa
173
omique qui paraît de plus en plus impossible, car
elle
équivaudrait à une transformation radicale des conditions matérielles
174
ce neuve perpétuellement de la vérité religieuse.
Il
parle des religions avec une incroyable légèreté, — en littérateur qu
175
s (c’est si vraisemblable !) mais un normalien se
devrait
de savoir que l’œuvre missionnaire a consisté, dès le début, à combat
176
t N.-D. de la Garde : « J’étais servi — s’écrie-t-
il
. — Les premiers emblèmes venus à ma rencontre étaient justement les d
177
cris d’une révolte égarée par la haine ? C’est qu’
ils
caractérisent une attitude de plus en plus fréquente chez les jeunes
178
uvelles » encore plus vagues d’ailleurs que ce qu’
ils
peuvent imaginer de la religion. C’est une forme aiguë de ce que les
179
euse apparaît comme périmée. Avec M. Brunschvicg,
il
pense qu’un homme de 1931 a dépassé ce « stade », qu’il n’est plus pe
180
se qu’un homme de 1931 a dépassé ce « stade », qu’
il
n’est plus permis de nos jours… bref, que la science a changé tout ce
181
un astronome chrétien. Comment un astronome peut-
il
croire à l’Incarnation ou aller à la Messe ? On n’aura d’autre ressou
182
éaliste salue comme son contemporain ; en tant qu’
il
croit à l’Incarnation et qu’il va à la Messe, il se comporte en homme
183
orain ; en tant qu’il croit à l’Incarnation et qu’
il
va à la Messe, il se comporte en homme du xiiie siècle — ou en enfan
184
’il croit à l’Incarnation et qu’il va à la Messe,
il
se comporte en homme du xiiie siècle — ou en enfant : il y a lieu de
185
ter. Si vous demandez au philosophe de quel droit
il
pratique cet étrange sectionnement, il aura beau se recommander de la
186
quel droit il pratique cet étrange sectionnement,
il
aura beau se recommander de la Raison ou de l’Esprit, nous resterons
187
’Esprit, nous resterons inquiets, d’autant que, s’
il
ne s’interdit nullement de rendre compte par des considérations psych
188
ociologiques de ces survivances chez l’astronome,
il
nous interdira formellement de procéder en ce qui le concerne lui-mêm
189
eds à la tête un homme de 1930 ; et en même temps
il
se réclame d’un Esprit éternel qui cependant est né et dont on ne sau
190
e nettement, est d’une singulière incohérence. Et
il
est évident que si cet idéaliste se trouve mis en présence d’un marxi
191
purement bourgeois, enfant du loisir économique,
il
lui faudra se réfugier dans la sphère des abstractions les plus exsan
192
t avec une netteté d’autant plus significative qu’
ils
touchent des problèmes identiques, celui de la puissance de l’homme,
193
ce que « les hommes ne vivent pas comme un homme
devrait
vivre ». Mais alors, se dit-on souvent en lisant les critiques marxis
194
nce entre eux et nous — si le mal est si grand qu’
ils
le montrent — et il l’est — aucun bouleversement matériel n’y pourra
195
— si le mal est si grand qu’ils le montrent — et
il
l’est — aucun bouleversement matériel n’y pourra rien, si radical soi
196
rsement matériel n’y pourra rien, si radical soit-
il
. Un pessimisme aussi féroce que celui de MM. Malraux, Nizan, etc., ne
197
d’idéal pour nourrir une révolution. Par là même,
il
postule une réalité transcendante — ou alors le suicide d’un monde em
198
e. Le séculariste « constructiviste » répondra qu’
il
croit en la puissance de l’homme pour se dégager des servitudes provi
199
— rien n’est plus incertain que son objet. Comme
il
est déchirant en vérité, le chant d’orgueil que le siècle entonne pou
200
. Assez parlé de Vérité, ce sont des réussites qu’
il
nous faut. Saluons enfin le règne de l’homme ! » Mais le chrétien, qu
201
otestants modernes (avril 1931)f C’est donc qu’
il
y en a ? avez-vous dit. Depuis le temps qu’on cherchait à nous faire
202
la Préface d’un si brillant catalogue. Parce qu’
ils
parlent un peu pour nous et parce qu’ils nous parlent, nous avons dem
203
Parce qu’ils parlent un peu pour nous et parce qu’
ils
nous parlent, nous avons demandé à ces artistes de venir dans notre c
204
x yeux de beaucoup, le choix des œuvres exposées.
Il
ne s’agit nullement de présenter l’ensemble des artistes protestants,
205
de présenter l’ensemble des artistes protestants,
il
s’agit de manifester les préférences d’une jeunesse. À cet égard part
206
e que ces artistes peuvent avoir de commun, ce qu’
ils
doivent à leur origine ou à leur foi réformée, — et si ces traits ne
207
e ces artistes peuvent avoir de commun, ce qu’ils
doivent
à leur origine ou à leur foi réformée, — et si ces traits ne constitu
208
en définitive, les éléments d’un art protestant.
Il
eût fallu peut-être qu’un plus grand nombre d’artistes exposassent po
209
nt-garde des toiles frappait le visiteur avant qu’
il
eût songé à distinguer les caractères confessionnels. Espérons qu’un
210
onnels. Espérons qu’un prochain salon, organisé s’
il
le faut dans de plus vastes locaux, pourra donner accès à un ensemble
211
isme. Et l’on pourra se demander alors : qu’y a-t-
il
de spécifiquement protestant chez ces peintres ? — Certaines rigidité
212
e tradition qui certainement est bien huguenote :
elle
remonte aux meubles de Boulle, aux Gobelins, aux poteries de Palissy.
213
emment « protestant » de l’art français. Mais s’
il
est malaisé de décrire, dès à présent, un art protestant de fait, peu
214
ait, peut-on, par contre, le définir idéalement ?
Il
nous semble que cela supposerait d’abord une définition nette de notr
215
erait d’abord une définition nette de notre foi :
il
faut qu’on sache sans équivoque ce qu’est le protestantisme avant de
216
rotestantisme avant de pouvoir trancher de ce que
doit
être un art qui l’exprime. En d’autres termes, la définition d’un art
217
ie où était le calvinisme dans tout ceci. Eussent-
ils
posé, à propos d’un salon d’art catholique, la même question, en remp
218
En deux mots, il y a des « sujets catholiques »,
il
n’y a pas de « sujets protestants ». Mais, dira-t-on, il y a tous les
219
bien là que nous voulions en venir : le dogme ne
doit
être qu’un stimulant (une difficulté) non pas un poncif. L’idéal d’un
220
la seconde, ovationné à la dernière, Keyserling,
il
faut le reconnaître, a su, par trois fois, tenir en haleine une salle
221
udre, défenseur convaincu d’une spiritualité dont
il
annonce le réveil au sein même du triomphe des machines, Keyserling a
222
t comme un type très représentatif de l’Occident.
Il
n’a rien du prophète oriental contre lequel des Massis mal informés n
223
trouvaient préparés pour en jouir convenablement.
Il
faut organiser la conquête et la distribution de ces biens : d’où la
224
rling. Nous traversons une crise d’adaptation, et
il
s’agit de la résoudre dans le sens d’une philosophie de la vie qui re
225
rait résumer la pensée de Keyserling en disant qu’
il
oppose à l’idéal actuel d’assurances à tous les degrés — idéal antisp
226
daptation, nous ajoutons régénération ; et lorsqu’
il
dit spiritualité, nous pensons connaissance mystique. g. Rougemont
227
t de traduire un autre roman du même auteur16, et
il
nous aide à mieux définir le charme de cette œuvre inoubliable. Antér
228
e quelques années à Daphné, beaucoup plus long, —
il
compte plus de 600 pages dans l’édition française — d’un rythme plus
229
dition française — d’un rythme plus inégal aussi,
il
ne lui est pas inférieur par l’intérêt humain, et sa qualité d’émotio
230
» que deux dates limitent : 1851-1914. Ainsi met-
il
en jeu les deux éléments dont l’antagonisme fait le fond de presque t
231
z, ne dites pas à vos amis ce qui arrive avant qu’
ils
n’aient lu eux-mêmes le livre. J’espère que les critiques ne le diron
232
s sa durée, dans son atmosphère et dans le son qu’
elle
rend. Il ne s’y passe rien de plus que ce qu’admet la société anglais
233
dans son atmosphère et dans le son qu’elle rend.
Il
ne s’y passe rien de plus que ce qu’admet la société anglaise. Tout l
234
M. Charles Du Bos, dans la très belle préface qu’
il
a donnée à la traduction française note avec raison que M. Baring se
235
e peu inexorable dans la libéralité avec laquelle
il
nous invite à de multiples week-ends… » Il y aurait beaucoup à dire p
236
s, non par l’inspiration. (Dans le cas de Baring,
elle
serait plutôt religieuse.) Il est incontestable que l’art a tout à ga
237
le cas de Baring, elle serait plutôt religieuse.)
Il
est incontestable que l’art a tout à gagner à se choisir un cadre étr
238
entrer uniquement sur les sentiments, et dès lors
elle
constitue un milieu privilégié pour l’étude du cœur humain. Si le rôl
239
nvaincant de sa grandeur, et le plus tonique17, —
il
en va tout autrement de l’histoire d’une vie sentimentale. La durée e
240
nt tragique par excellence du sentiment, parce qu’
elle
le transforme sans cesse, alors que nous sommes attachés surtout à de
241
ce que dit l’auteur dans sa préface. Bien plutôt,
elle
est l’expression concrète d’une loi divine et humaine, et c’est ici q
242
arer le bien du mal parmi les actions d’autrui qu’
il
estime connaître. Simplement, il enregistre les effets d’une justice
243
ions d’autrui qu’il estime connaître. Simplement,
il
enregistre les effets d’une justice immanente. En même temps que les
244
ente. En même temps que les actions de ses héros,
il
note les jugements contradictoires qu’elles provoquent. Et le tragiqu
245
s héros, il note les jugements contradictoires qu’
elles
provoquent. Et le tragique qui se dégage lentement de cette longue co
246
de son œuvre romanesque. Et c’est par tout ce qu’
elle
contient d’inexprimé qu’elle atteint en certains passages à une inten
247
c’est par tout ce qu’elle contient d’inexprimé qu’
elle
atteint en certains passages à une intensité presque bouleversante. I
248
s passages à une intensité presque bouleversante.
Il
est pourtant un endroit du roman où l’auteur intervient visiblement,
249
réalité. Et c’est au cours des quarante pages qu’
il
consacre à la « conversion » au catholicisme de la princesse Blanche.
250
t vit dans un milieu catholique qui n’exerce, dit-
elle
, aucune pression sur ses convictions religieuses. Mais le mot convict
251
onvictions religieuses. Mais le mot conviction ne
doit
être pris ici qu’au sens le plus conventionnel. Car à une tante angla
252
d : « Je ne crois pas, j’espère que non ; bien qu’
il
soit difficile, quelquefois, me semble-t-il, de savoir exactement que
253
en qu’il soit difficile, quelquefois, me semble-t-
il
, de savoir exactement quelle foi on a. » Plus tard elle avoue franche
254
de savoir exactement quelle foi on a. » Plus tard
elle
avoue franchement : « … dans nos églises j’éprouve un sentiment de dé
255
été insulaire, possède un sens critique assuré qu’
elle
applique non sans acuité aux pratiques anglicanes. On serait tenté de
256
resque imperceptible, est nettement appuyé dès qu’
il
s’agit des vieilles tantes de la Princesse, chargées ici de représent
257
référé, la même tante Harriet a ce mot exquis : «
Il
prêche merveilleusement sans jamais aucune excentricité. » Elle appel
258
rveilleusement sans jamais aucune excentricité. »
Elle
appelle ceux qui passent à l’Église romaine des « pervertis » : « Nou
259
ns son âme. D’autre part, tous les catholiques qu’
elle
rencontre et qui lui parlent de leur foi se distinguent par une human
260
que belle-mère sont nettement antipathiques, mais
ils
ne disent rien, eux !) Comment Blanche ne se sentirait-elle pas attir
261
sent rien, eux !) Comment Blanche ne se sentirait-
elle
pas attirée par la Rome papale, qui la console de la Rome de son mari
262
n mari et la venge de l’Angleterre de ses tantes.
Elle
abjure secrètement, à Londres. C’est peut-être à l’endroit de cette
263
it à la périphérie des vérités religieuses, là où
elles
paraissent s’opposer, au lieu de nous aider à les mieux pénétrer, à l
264
ieux pénétrer, à les approfondir jusqu’à l’unité.
Il
est d’autant plus regrettable de voir Baring se départir ici de la sa
265
e de voir Baring se départir ici de la sagesse qu’
il
montre ailleurs, grossir les traits, découvrir la thèse. Il eût pu s’
266
ailleurs, grossir les traits, découvrir la thèse.
Il
eût pu s’en dispenser d’ailleurs, car en définitive la conversion de
267
ît être à tel point la seule solution possible qu’
elle
n’est plus du tout exemplaire et ne peut servir ni le catholicisme (l
268
at d’âme d’un de ses héros, comme sans le savoir,
il
établit. En vérité, l’entrée de Blanche dans l’Église catholique n’es
269
raie conversion a lieu beaucoup plus tard, lorsqu’
elle
trouve, à force de souffrance, le courage de sacrifier son amour. Mai
270
uffrance, le courage de sacrifier son amour. Mais
elle
ne peut survivre à cet acte suprême, à cette grâce. Aussi notre bonhe
271
, à cette grâce. Aussi notre bonheur humain n’est-
il
en aucune mesure le signe de la vérité. Personne, peut-être, n’a répé
272
qui entraîne des ruines humaines. Mais la vérité,
elle
, est indifférente à ce que nous appelons bonheur ou malheur. Et c’est
273
s bonheur ou malheur. Et c’est la vérité seule qu’
il
s’agit d’attendre. Dans Daphné Adeane, dans La Princesse Blanche, ce
274
upporter. La vie humaine me paraît intolérable. —
Elle
l’est presque, mais pas tout à fait. Il faut l’accepter. Songez à l’a
275
able. — Elle l’est presque, mais pas tout à fait.
Il
faut l’accepter. Songez à l’agonie du Jardin des Oliviers. Blanche se
276
même chose dans le Podere à Florence. — Je sens,
il
est vrai, que j’ai commis des erreurs irréparables. — Vous avez le dr
277
st plus très éloigné peut-être de cette joie qui,
elle
aussi, est « par-delà », — cette joie « qui surpasse toute connaissan
278
ur lequel nous aurons l’occasion de revenir. 18.
Il
est absurde, voire aux yeux de la foi scandaleux de parler de convers
279
hose. On se convertit simplement. (Simplement…) —
Il
faut souligner cette insuffisance du vocabulaire religieux. 19. Soul
280
». Mais Kierkegaard reste soucieux : Mynster est-
il
vraiment de la lignée des Apôtres, se demande-t-il ? Les prêtres sont
281
l vraiment de la lignée des Apôtres, se demande-t-
il
? Les prêtres sont-ils, dans le vrai sens du mot, les successeurs du
282
e des Apôtres, se demande-t-il ? Les prêtres sont-
ils
, dans le vrai sens du mot, les successeurs du Christ ? Ne sont-ils pa
283
sens du mot, les successeurs du Christ ? Ne sont-
ils
pas plutôt des fonctionnaires payés par l’État et avides d’avancement
284
. Kierkegaard est le Pascal du protestantisme, et
il
est caractéristique à la fois du monde du catholicisme et du monde du
285
iel furent l’acte de Kierkegaard. Après cet acte,
il
mourut. Comme Hamlet. » Et voici comment il faut situer Kierkegaard
286
cte, il mourut. Comme Hamlet. » Et voici comment
il
faut situer Kierkegaard dans notre Panthéon spirituel : Kierkegaard
287
lus rien en lui ni de Faust, ni du Caïn de Byron,
il
a dépassé le romantisme. Ou plutôt, le romantisme fut la jeunesse, le
288
de traductions de ses livres. Mais ce Journal, s’
il
est l’œuvre la moins forte du Danois, n’en est pas moins, dans son do
289
n document peut-être d’autant plus intéressant qu’
il
émane d’un grand théologien. Il s’agit maintenant de nous révéler ce
290
us intéressant qu’il émane d’un grand théologien.
Il
s’agit maintenant de nous révéler ce « héros de la foi », ce maître d
291
us, le maître que fut Nietzsche pour leurs aînés.
Il
n’est pas sûr que les « religions » y gagnent, mais la foi, certainem
292
de nous donner un livre bien utile22. En vérité,
il
fallait une sorte d’intrépidité pour entreprendre cette « traversée »
293
e. Enfin, voici ce livre, point trop volumineux —
il
trouvera sa place dans votre valise — et d’une érudition très aérée.
294
leur valeur proprement littéraire et descriptive,
elles
nous paraissent intéressantes par tout ce qu’elles révèlent de la men
295
lles nous paraissent intéressantes par tout ce qu’
elles
révèlent de la mentalité des écrivains et des peuples dont elles éman
296
de la mentalité des écrivains et des peuples dont
elles
émanent. La montagne est un merveilleux réactif, au contact duquel ce
297
icative. On regrettera seulement que l’auteur ait
dû
se borner à confronter les réactions anglaises et françaises. La réac
298
iolent réquisitoire qu’on ait jamais écrit contre
elles
». Pour Rousseau, la montagne, c’est surtout le fond des vallées, — s
299
out le fond des vallées, — si l’on ose dire, — où
il
fait vivre d’imaginaires bons sauvages. Et pour la grande majorité de
300
feront intervenir la montagne dans leurs œuvres,
elle
n’est guère qu’un décor conventionnel, un élément de pittoresque, un
301
nt échoué dans leur interprétation des montagnes.
Ils
ont tous étudié presque exclusivement l’âme humaine. La montagne qui
302
ul avec la nature dans une sorte d’ivresse morne,
il
parvenait à oublier la fuite des heures et de la vie : l’existence pe
303
de rocs et de glace. » Sénancour éprouvait ce qu’
il
appela, d’un mot admirable, « la lenteur des choses ». C’est qu’il a
304
ot admirable, « la lenteur des choses ». C’est qu’
il
a pénétré dans ces solitudes que les autres contemplaient d’en bas ;
305
ille attitude ne surprendra pas un moderne ; mais
elle
est unique dans la littérature française du xixe . La littérature ang
306
ur. L’homme seul en face des sommets, qu’écrira-t-
il
? — Shelley : « L’immensité de ces sommets aériens excite, lorsqu’ils
307
L’immensité de ces sommets aériens excite, lorsqu’
ils
frappent la vue, un sentiment d’extase émerveillée auquel la folie n’
308
uence ni de pieuse fadeur. La montagne, ne serait-
elle
jamais qu’un écrasant symbole de l’éternité ? — C’est aussi quelque c
309
e de l’éternité ? — C’est aussi quelque chose qui
devrait
être surmonté, nous souffle une voix émouvante, aux résonances vraime
310
une atmosphère des hauteurs, que l’air y est vif.
Il
faut être créé pour cette atmosphère, sinon l’on risque beaucoup de p
311
. Celui-ci se promène, l’autre escalade. Et comme
elles
s’opposent à la médiocre littérature qui transforme les sommets en im
312
a montagne n’est ni bienveillante ni maternelle ;
elle
poursuit une grandiose existence géologique sans rapport avec la nôtr
313
nt trouver sur ses flancs l’occasion d’une lutte…
elle
ignorera toujours ces victoires. » Nous empruntons ces lignes au très
314
(Sterne, Toepffer), lyriques (les Anglais). Ici,
elles
imposent une éthique. Là, elles prêtaient le romantisme de leur décor
315
es Anglais). Ici, elles imposent une éthique. Là,
elles
prêtaient le romantisme de leur décor ; ici, par l’effort de discipli
316
e leur décor ; ici, par l’effort de discipline qu’
elles
exigent de qui veut les vaincre, c’est un classicisme héroïque qu’ell
317
eut les vaincre, c’est un classicisme héroïque qu’
elles
inspirent. Ce thème éthique et philosophique paraît bien être le plus
318
s fécond et le plus adéquat à la nature alpestre.
Il
contient en puissance toute une morale de l’effort individuel et dési
319
zsche l’a développé avec une ampleur inégalable :
il
y trouvait tous les symboles de la vie dangereuse, du risque, du trio
320
ue, du triomphe conquis par la dureté. Mais l’a-t-
il
épuisé ? Il y a depuis Nietzsche un style alpestre dans la pensée. Ne
321
che un style alpestre dans la pensée. Ne pourrait-
il
pas informer d’autres pensées que les malédictions de Zarathoustra ?
322
e créer véritablement quelques valeurs nouvelles,
il
se peut que certains se tournent vers ces derniers symboles physiques
323
r l’équivalent. Peut-être le goût du sport trahit-
il
la nostalgie d’une vie qui comporterait des risques extérieurs. Mais
324
r », et certains sont remarquables. Se trouvera-t-
il
un romancier pour animer dans le décor des « hauts lieux » autre chos
325
Kagawa (septembre 1931)l m Dire de ce livre qu’
il
ne ressemble à rien serait une louange trop littéraire. C’est un livr
326
grandeur. Peut-être, se dit-on en le fermant, est-
il
réellement impossible à une âme chrétienne d’atteindre la grandeur mo
327
âme chrétienne d’atteindre la grandeur morale si
elle
n’a pas connu, ne fût-ce que par sa puissance de sympathie, la misère
328
eur. L’existence et l’action de Kagawa, telles qu’
il
les raconte dans ces deux volumes, témoignent que l’amour chrétien pe
329
ué par le communisme, comme son bien propre. Mais
il
n’y a pas là de quoi nous rassurer. Si la vie de Kagawa glorifie l’Év
330
assurer. Si la vie de Kagawa glorifie l’Évangile,
elle
accuse formellement la grande majorité des chrétiens. Tant mieux si c
331
chrétiens. Tant mieux si ce livre nous passionne.
Il
faudrait surtout qu’il nous trouble. ⁂ L’autobiographie de Toyohiko K
332
i ce livre nous passionne. Il faudrait surtout qu’
il
nous trouble. ⁂ L’autobiographie de Toyohiko Kagawa, publiée au Japon
333
es meneurs écrive un livre pour nous dire comment
il
voit le peuple, comment il l’aime, et quel est le secret de son autor
334
pour nous dire comment il voit le peuple, comment
il
l’aime, et quel est le secret de son autorité sur lui. L’état d’espri
335
’État. Le privilège admirable de Kagawa, c’est qu’
il
poursuit son action en pleine connaissance de cause et de buts, en pl
336
is même sentimentale), et avec sa foi chrétienne.
Il
peut livrer sans crainte le secret d’une telle action ; sans crainte
337
ment envahi par la civilisation d’une Europe dont
il
rejette la religion24. Nous savions aussi que ce leader social, cet é
338
atteint des tirages sans précédent dans son pays.
Il
nous restait à entrer en contact personnel avec cette œuvre : Avant l
339
e œuvre : Avant l’Aube comble cette attente, mais
elle
en fait naître une nouvelle. C’est, en effet, sous la forme d’un roma
340
esques ou exceptionnels qui marquèrent leur vie ;
ils
négligent volontiers ce qui les rend semblables au commun des mortels
341
des mortels ; bref, plus ou moins inconsciemment,
ils
contribuent à créer leur légende. Ici, bien au contraire, et surtout
342
ncient radicalement notre vie d’un conte de fées.
Il
n’y a là, de la part de l’auteur, nul parti pris de « réalisme » litt
343
térielle, et c’est par là que dans sa simplicité,
il
parvient à être si émouvant. On peut dire que dans ces deux gros volu
344
t dire que dans ces deux gros volumes si nourris,
il
n’y a pas deux lignes d’allure conventionnelle, deux lignes qui ne tr
345
s, de personnages et de descriptions des lieux où
ils
vivent. C’est dire que l’œuvre mérite l’effort d’attention soutenue q
346
lle œuvre : c’est toute la vie du Japon actuel qu’
elle
concrétise sous nos yeux. Certes, ce n’est pas une japonerie d’estamp
347
du pays, au travers duquel nous emmène Kagawa :
Il
appuya son front chaud et malade contre la fenêtre, ferma les yeux et
348
ain faisait un bruit épouvantable dans sa course.
Il
pensait que c’eût été bien agréable si le wagon entier eût été de ver
349
calculable de stations. Regardant par la fenêtre,
il
vit d’affreux noms de gares tels que Tenman, Tamazukuri, tout à fait
350
train longeait les bords de la rivière Yodogawa,
il
se rappela soudain que c’était un endroit célèbre pour les suicides,
351
était un endroit célèbre pour les suicides, et qu’
il
avait vu un jour, au théâtre, à Kobé, le drame du suicide de Akaneya
352
nkatsu, sa bien-aimée. Suicide et Osaka la nuit !
Il
ne comprenait pas pourquoi ces deux mots lui semblaient avoir des rap
353
cident, mais sont oubliées, comme partout, dès qu’
il
s’agit d’embarras d’argent, de difficultés sentimentales, ou de mauva
354
urtant jamais dupe de ses beaux sentiments lorsqu’
il
s’y mêle des motifs tout matériels. Ses larmes augmentèrent en pensa
355
nsant à la pauvreté de sentiments des chrétiens ;
il
pensait aussi que lui-même, à la fin du mois, devrait gagner sa pensi
356
il pensait aussi que lui-même, à la fin du mois,
devrait
gagner sa pension et son écolage ; il pensait au sort de Tsukamoto ;
357
mois, devrait gagner sa pension et son écolage ;
il
pensait au sort de Tsukamoto ; à sa stupide petite sœur, à lui-même,
358
kamoto ; à sa stupide petite sœur, à lui-même, et
il
éclata en sanglots. Soudain, il prit une décision. Il quitterait l’Un
359
r, à lui-même, et il éclata en sanglots. Soudain,
il
prit une décision. Il quitterait l’Université pour se plonger dans la
360
clata en sanglots. Soudain, il prit une décision.
Il
quitterait l’Université pour se plonger dans la vie active et mettre
361
tager la vie quotidienne des gens de la campagne.
Il
serait auprès de sa sœur, que personne n’aimait. Il décida de retourn
362
serait auprès de sa sœur, que personne n’aimait.
Il
décida de retourner chez lui la nuit même, et après s’être demandé av
363
après s’être demandé avec quelque anxiété comment
il
ferait face aux dépenses du voyage, il décida de vendre ses livres.
364
té comment il ferait face aux dépenses du voyage,
il
décida de vendre ses livres. Mais son retour au foyer provoque des s
365
st de le mettre à l’abri de la véritable justice.
Il
finit par mettre Eiichi à la porte. Il lui reste la ressource de se f
366
e justice. Il finit par mettre Eiichi à la porte.
Il
lui reste la ressource de se faire instituteur. Il assiste un soir, p
367
l lui reste la ressource de se faire instituteur.
Il
assiste un soir, par hasard, à une réunion d’évangélisation dont la d
368
pourtant fort émouvante par moments. C’est là qu’
il
retrouve Tsuruko, la belle jeune fille qu’il aimait dans son adolesce
369
à qu’il retrouve Tsuruko, la belle jeune fille qu’
il
aimait dans son adolescence. Et l’idylle passionnée se renoue, mais e
370
r personnel avec l’idéal de rénovation sociale qu’
il
a conçu ? Et comment trouver le courage de se donner à cet idéal, don
371
dont la réalisation pratique lui répugne encore ?
Il
s’en rend compte lors de sa première visite aux bas-fonds : Eiichi é
372
et de se plonger dans ses livres de philosophie.
Il
entendait une voix intérieure qui lui disait : « Si tu te mêles de ce
373
de le quitter. Alors dans un accès de désespoir,
il
tente de mettre le feu à sa maison. Il s’enfuit, et s’engage comme ma
374
désespoir, il tente de mettre le feu à sa maison.
Il
s’enfuit, et s’engage comme manœuvre dans les docks. La mort de son p
375
n même temps décide de l’orientation de sa vie :
Il
avait vu mourir Sanuki au logement ouvrier, et il ne pensait pas que
376
Il avait vu mourir Sanuki au logement ouvrier, et
il
ne pensait pas que la mort de son père fût particulièrement important
377
mort de son père fût particulièrement importante.
Il
avait appris qu’il faut avoir une volonté de fer, lorsqu’on tombe dan
378
t particulièrement importante. Il avait appris qu’
il
faut avoir une volonté de fer, lorsqu’on tombe dans la lie de la soci
379
s et Eiichi à leur suite entourèrent le cercueil,
il
ne put retenir ses larmes. Tandis qu’il marchait en silence à la suit
380
cercueil, il ne put retenir ses larmes. Tandis qu’
il
marchait en silence à la suite de la procession funèbre, toutes ses r
381
ensa Eiichi, il y avait la redoutable réalité, et
il
pleura de crainte et de tristesse. Tout inspirait le respect : le bru
382
ec le passé, comme on franchit le pas de la mort,
il
lutterait contre les conventions établies, les traditions et les soph
383
qui était fou, Eiichi décida que, de ce jour-là,
il
entrerait en bataille contre cet ordre de choses. Il se délivre prog
384
ntrerait en bataille contre cet ordre de choses.
Il
se délivre progressivement de tous ses intérêts matériels et familiau
385
our en même temps que sa révolte contre ce monde.
Il
se convertit enfin, brusquement, au moment où il avait décidé de se s
386
Il se convertit enfin, brusquement, au moment où
il
avait décidé de se suicider. Mais un soir qu’il prêche au carrefour,
387
ù il avait décidé de se suicider. Mais un soir qu’
il
prêche au carrefour, la maladie qui depuis longtemps l’enfiévrait, le
388
évrait, le terrasse, dans la boue, sous la pluie.
Il
renaîtra bientôt à la vie, mais cette fois pour se donner tout entier
389
er tout entier à la misère des bas-fonds de Kobé.
Il
fait siennes toutes les épreuves d’un peuple misérable, des pires bru
390
reuves d’un peuple misérable, des pires brutes qu’
il
recueille dans sa chambre, et qu’il couvre de ses propres habits, des
391
res brutes qu’il recueille dans sa chambre, et qu’
il
couvre de ses propres habits, des prostituées qu’il soigne, des ivrog
392
couvre de ses propres habits, des prostituées qu’
il
soigne, des ivrognes qui lui font des scènes effroyables, et vont jus
393
pêche pas de les reprendre ensuite, chez lui, car
il
professe avec fanatisme la non-résistance au mal. Bientôt il prend fi
394
avec fanatisme la non-résistance au mal. Bientôt
il
prend figure de saint parmi le peuple qui le respecte, l’exploite et
395
ait à intimider Eiichi. Eiichi garda le silence ;
il
ne voulait pas se laisser aller à la colère comme le Procureur. Au co
396
ler à la colère comme le Procureur. Au contraire,
il
en profita pour faire une étude psychologique, en observant sur le vi
397
xpressions changeantes qu’y imprimait la passion.
Il
lui semblait qu’il faisait une étude pratique de désordre mental dans
398
tes qu’y imprimait la passion. Il lui semblait qu’
il
faisait une étude pratique de désordre mental dans une classe d’école
399
de désordre mental dans une classe d’école, tant
il
était calme et loin d’être troublé. En regardant les choses de près,
400
d’être troublé. En regardant les choses de près,
il
conclut que la profession de procureur devait être vraiment bien désa
401
e près, il conclut que la profession de procureur
devait
être vraiment bien désagréable, puisqu’elle exigeait de celui qui s’y
402
eur devait être vraiment bien désagréable, puisqu’
elle
exigeait de celui qui s’y livrait de se fâcher, de se poser comme jus
403
juste et de juger ses semblables. Pire que cela,
elle
portait à croire que tous les hommes sont coupables. Ceci acquit au P
404
les procureurs passent leur vie, pensait Eiichi,
il
est impossible de ne pas leur témoigner de la sympathie. — Qu’est-ce
405
avait des procureurs dans le monde des moineaux.
Il
se taisait, car il savait qu’il était inutile de dire quoi que ce soi
406
rs dans le monde des moineaux. Il se taisait, car
il
savait qu’il était inutile de dire quoi que ce soit à cet homme en co
407
nde des moineaux. Il se taisait, car il savait qu’
il
était inutile de dire quoi que ce soit à cet homme en colère. Trois,
408
reur regardait distraitement son carnet de notes.
Il
tremblait jusqu’au bout des doigts. Il eut été impossible de dire leq
409
de notes. Il tremblait jusqu’au bout des doigts.
Il
eut été impossible de dire lequel des deux était le juge de l’autre.
410
instants devant la beauté singulière de l’âme qu’
elle
révèle. Une âme qui sent tout avec force et délicatesse, éprouve tous
411
e tous les penchants humains, s’y soustrait quand
il
le faut pour mieux vivre et n’en fait jamais une affaire. Homme terri
412
décrivant ses tentations comme toutes naturelles,
il
surmonte les obstacles avec un contentement modeste et intelligent qu
413
out dans le bien, dans la sainteté, mais toujours
ils
s’accompagnent d’une mesure parfaite dans l’appréciation. Il semble q
414
agnent d’une mesure parfaite dans l’appréciation.
Il
semble qu’il n’ait aucune peine à se juger impartialement, sans exagé
415
mesure parfaite dans l’appréciation. Il semble qu’
il
n’ait aucune peine à se juger impartialement, sans exagérer sa critiq
416
exagérer sa critique et sans nulle complaisance.
Il
n’a pas de terribles remords, il a des remords. Il ne cherche pas à s
417
le complaisance. Il n’a pas de terribles remords,
il
a des remords. Il ne cherche pas à se rendre intéressant à lui-même e
418
l n’a pas de terribles remords, il a des remords.
Il
ne cherche pas à se rendre intéressant à lui-même en poussant au noir
419
u contraire en s’excitant sur ses belles actions.
Il
les note, simplement, sans oublier d’indiquer ses hésitations, les tr
420
t toujours à l’effarante sincérité de ce récit qu’
il
faut revenir, si l’on veut d’un mot le caractériser. Parmi les innomb
421
rables sentiments : doutes, passions, conflits qu’
il
met en jeu, c’est toujours l’absence absolue d’hypocrisie de sa part
422
e des motifs de ses actions journalières. Par là,
il
fait souvent penser aux grands Russes, à Tolstoï surtout. Et par tous
423
sespéré, — « heureusement, personne ne regardait,
il
se jeta par terre sur la route, criant à son corps : “Meurs !”, mais
424
nt s’emparer de lui et décide de sa conversion :
Il
se décida à tout accepter, oui, tout. Il accepterait la vie et toutes
425
rsion : Il se décida à tout accepter, oui, tout.
Il
accepterait la vie et toutes ses manifestations dans le temps. Il éta
426
a vie et toutes ses manifestations dans le temps.
Il
était ressuscité de l’abîme du désespoir et revenu au monde merveille
427
bîme du désespoir et revenu au monde merveilleux.
Il
résolut de vivre fermement dans sa sphère actuelle, enrichi par la fo
428
les filles, les bateaux à vapeur, même le vide qu’
il
avait cherché, étaient merveilleux. Les couleurs, la lumière du solei
429
péché et le cœur souillé, tout était étonnement.
Il
acceptait tout. Il décida de vivre fermement, de prendre courage et d
430
ouillé, tout était étonnement. Il acceptait tout.
Il
décida de vivre fermement, de prendre courage et de lutter bravement
431
e et de lutter bravement à l’avenir, et pour cela
il
accepterait tout de l’existence. Il accepterait aussi la religion ave
432
et pour cela il accepterait tout de l’existence.
Il
accepterait aussi la religion avec le courage du suicide. Dans sa rés
433
n avec le courage du suicide. Dans sa résolution,
il
se sentait graduellement attiré par le Christ. Il se disait que ce n’
434
il se sentait graduellement attiré par le Christ.
Il
se disait que ce n’était pas dans la mer qu’il fallait se jeter, mais
435
t. Il se disait que ce n’était pas dans la mer qu’
il
fallait se jeter, mais dans les merveilles du monde. Et voici que, le
436
merveilles du monde. Et voici que, le 14 février,
il
se décida à faire profession de disciple du Christ. Page étrange, en
437
moignage de sa conversion. En mystique véritable,
il
évite rigoureusement les expressions sentimentales ou rassurantes qui
438
e ou voiler sa difficulté. Les rares allusions qu’
il
fait à sa vie spirituelle n’en sont que plus émouvantes : Un dimanch
439
biki, au milieu des arbres, à côté d’un ruisseau,
il
passa trois heures et demie à lire tout l’Évangile selon saint Matthi
440
capable de suivre Jésus. Une autre fois, à midi,
il
monta sur le sommet d’une montagne en face du mont Maya et pria Dieu
441
gne et la mesure certaine. Au cours d’un livre où
il
se peint, aux prises avec toutes les formes du mal, jamais vous ne su
442
Et c’est l’un des secrets de sa puissance. ⁂ Mais
il
est temps de tirer de ce livre une conclusion capitale qui, sans dout
443
ans doute, fut l’objet déterminant de son auteur.
Elle
concerne la question sociale. Il s’attache à cette expression un « en
444
de son auteur. Elle concerne la question sociale.
Il
s’attache à cette expression un « ennui » qui sert à beaucoup de prét
445
t les réformes socialistes — mais cela dispense-t-
il
de chercher d’autres solutions ? Quant à ceux qui acceptent d’étudier
446
eux qui acceptent d’étudier à fond ces problèmes,
ils
ne les rendent, en général, guère attirants — (le devraient-ils ?) —
447
ne les rendent, en général, guère attirants — (le
devraient
-ils ?) — ni même vivants — (ils le devraient.). Pour celui qui referm
448
dent, en général, guère attirants — (le devraient-
ils
?) — ni même vivants — (ils le devraient.). Pour celui qui referme le
449
rants — (le devraient-ils ?) — ni même vivants — (
ils
le devraient.). Pour celui qui referme le livre de Kagawa, une certit
450
(le devraient-ils ?) — ni même vivants — (ils le
devraient
.). Pour celui qui referme le livre de Kagawa, une certitude s’impose.
451
le n’admet peut-être de solution que personnelle.
Il
ne s’agit plus de la poser, sur le plan intellectuel, pour les autres
452
mbler vague. Mais le sens chrétien primitif n’est-
il
pas, avant tout, le sens de la pauvreté ? Qu’un Kagawa nous force à m
453
est toujours l’indice d’une complaisance, et vite
elle
en devient la rançon. (Divers, p. 75.) Ces quelques notes voudraient
454
crivains les plus justement célèbres de ce temps,
elle
aura du moins le mérite de la spontanéité, qualité dont Gide aime à d
455
ours paru plus rude que saine. Je ne pense pas qu’
il
faille opposer aux suggestions d’un moraliste trop subtil les vaniteu
456
en somme un plaidoyer pour André Gide. J’avoue qu’
il
sait dans un grand nombre de cas me convaincre ; et que, dans la plup
457
convaincre ; et que, dans la plupart des autres,
il
est si admirablement habile qu’on vote l’acquittement à main levée, s
458
Gide a presque toujours raison de ses juges, mais
il
sait avoir raison comme en s’excusant. Il apporte les plus délicats s
459
s, mais il sait avoir raison comme en s’excusant.
Il
apporte les plus délicats scrupules à sa justification, « prêt à tous
460
cements » (p. 59). Là où d’autres triompheraient,
il
met une sourdine. Car il sait que la modestie est la vertu de choix d
461
d’autres triompheraient, il met une sourdine. Car
il
sait que la modestie est la vertu de choix du classicisme. Et qu’il e
462
estie est la vertu de choix du classicisme. Et qu’
il
est le dernier de nos classiques… Pareille modestie est, d’ailleurs,
463
ailleurs, signe de force : les critiques auxquels
il
adressa les lettres reproduites dans ce recueil en savent quelque cho
464
ne soit pas si « mauvais » qu’on l’a dit, — ou qu’
il
a bien voulu s’en donner l’air — je suis prêt à le concéder au-delà d
465
air — je suis prêt à le concéder au-delà de ce qu’
il
espère. Par incompétence radicale. Ce qu’il faut certainement déplore
466
ce qu’il espère. Par incompétence radicale. Ce qu’
il
faut certainement déplorer, c’est de le voir utiliser des dons incomp
467
urper la forme du sacrifice ; et c’est en vain qu’
il
tenterait d’y loger autre chose que son égoïsme et sa coquetterie pro
468
nous joue la morale lorsque, se prenant pour fin,
elle
s’érige en dialectique indépendante. Si des sophismes de ce genre n’a
469
ntelligents, moins conséquents que M. Gide, ou qu’
ils
reculent devant l’audace de conclusions en toute logique inévitables.
470
dans un cercle de paradoxes et de malentendus où
il
semble qu’un esprit de cette classe ne devrait pas supporter qu’on l’
471
ndus où il semble qu’un esprit de cette classe ne
devrait
pas supporter qu’on l’engage. Mais qu’est-ce à dire lorsqu’on compren
472
’on comprend que, non satisfait de s’y complaire,
il
croit y découvrir son originalité, ou comme il le dit : son « paysage
473
e, il croit y découvrir son originalité, ou comme
il
le dit : son « paysage intérieur ». « Je puis dire que ce n’est pas à
474
ans cette attitude sereinement contradictoire, où
il
voit l’essence de sa « réforme » et de sa nouveauté. Luther disait :
475
lui, se préoccupe sans cesse de faire entendre qu’
il
« pourrait autrement ». Que rien de ce qu’il écrit ne l’engage tout e
476
e qu’il « pourrait autrement ». Que rien de ce qu’
il
écrit ne l’engage tout entier. Qu’il n’est que spectateur de ses anta
477
ien de ce qu’il écrit ne l’engage tout entier. Qu’
il
n’est que spectateur de ses antagonismes. Dès lors, la morale qui, po
478
adictions. Sans doute, la psychologie moderne a-t-
elle
montré que l’homme était beaucoup moins simple qu’il ne le croyait. M
479
montré que l’homme était beaucoup moins simple qu’
il
ne le croyait. Mais la question reste de savoir si cette division int
480
oir si cette division interne, une fois reconnue,
doit
être acceptée ou surmontée. Pour moi je tiens que le seul problème ét
481
la grandeur. ⁂ Ce livre manque d’ange et de bête.
Il
est merveilleusement intelligent. On n’y parle strictement que de psy
482
là même, d’une étrange indiscrétion. Gide saura-t-
il
rester un maître pour cette jeunesse qui aimait sa ferveur, mais que
483
rtaines phrases pourraient le laisser supposer qu’
il
écrivit en préface au livre récent d’un jeune aviateur, Antoine de Sa
484
ntoine de Saint-Exupéry. (Mais par quoi tiendra-t-
il
à les « équilibrer », un de ces jours, à les « gauchir »…) Le héros
485
pas dans la liberté, mais dans l’acceptation d’un
devoir
. Gide aurait-il pressenti que l’ère n’est plus de certaines complais
486
mais dans l’acceptation d’un devoir. Gide aurait-
il
pressenti que l’ère n’est plus de certaines complaisances ? Pourquoi
487
t plus de certaines complaisances ? Pourquoi faut-
il
que l’image de cet aviateur m’évoque la fable : « Je suis oiseau, voy
488
a fable : « Je suis oiseau, voyez mes ailes. » Qu’
il
n’aille pas croire pourtant que désormais la vertu fera prime, les vi
489
ce. Kierkegaard, un homme qui ne vous lâche plus.
Il
a beaucoup parlé de lui-même. Mais là où d’autres produisent l’impres
490
es produisent l’impression pénible de se montrer,
il
arrive chez Kierkegaard une chose extraordinaire : soudain c’est lui
491
’oublier la grandeur. 25. Remarquons le tour qu’
il
adopte : « mais celui qui veut la perdre… » n. Rougemont Denis de,
492
elon lui, c’est un « André Gide vu de Genève » qu’
il
nous faudrait. M. Martinet a pris pour épigraphe la citation suivante
493
e pour maintenir à Gide une place instructive, qu’
il
est, depuis l’édit de Nantes, notre seul notable écrivain protestant2
494
é française n’avait été irrésistible, avait ce qu’
il
fallait pour devenir une manière de Genève maritime, de Hollande atla
495
e de M. Albert Thibaudet, nous ont fait penser qu’
il
existe bel et bien un Loti vu de Genève, non pas sous la forme d’un o
496
éjà la conscience éteinte ne la dirige plus et qu’
elle
flotte au hasard, sans but et sans attaches, cherchant uniquement à s
497
ormait le caractère, les livres étaient conduits,
ils
avaient une unité, un terme auquel ils arrivaient ; la vie n’est plus
498
conduits, ils avaient une unité, un terme auquel
ils
arrivaient ; la vie n’est plus aujourd’hui qu’une suite d’événements
499
i se succèdent, et les livres sont fragmentaires,
ils
se composent d’une série de tableaux parallèles. Les parties n’en son
500
n’en sont plus dérivées les unes des autres, mais
elles
s’étalent à la fois toutes ensemble. Dès l’année 1886, où il publiai
501
à la fois toutes ensemble. Dès l’année 1886, où
il
publiait son essai, Frommel donnait ainsi le diagnostic du roman mode
502
ainsi le diagnostic du roman moderne ; ne serait-
il
pas frappant, en effet, d’appliquer ses dernières lignes à des œuvres
503
que Frommel exprime au sujet de Mon Frère Yves.
Il
semble, en effet, que les âmes du xixe siècle soient plus profondes
504
plus profondes et plus voilées, plus inquiètes qu’
elles
ne le furent jamais. Serait-ce la civilisation toute seule qui les au
505
? Je ne sais ; l’âme humaine, je pense, depuis qu’
elle
existe, n’a pas changé de nature, et, si elle paraissait autrefois pl
506
qu’elle existe, n’a pas changé de nature, et, si
elle
paraissait autrefois plus simple, c’est qu’elle était peut-être plus
507
i elle paraissait autrefois plus simple, c’est qu’
elle
était peut-être plus chaste. Au temps où le domaine intérieur du recu
508
. L’existence apparente était plus calme parce qu’
elle
n’était qu’une partie de l’existence et qu’on cachait la meilleure ;
509
s’étalaient point au grand jour, il y avait pour
elles
une autre issue : la prière en portait l’expression, loin des oreille
510
des oreilles des hommes, jusqu’au trône de Dieu.
Il
n’en est plus ainsi maintenant ; l’âme est restée semblable, mais on
511
ombée sur la terre et l’anime de tout l’effort qu’
elle
portait sur les choses invisibles. La vie, désormais sans au-delà, sa
512
uprême besoin d’épanchement, s’est déversée, mais
elle
a mal choisi son confident : elle ne trouve aucune paix dans une inti
513
déversée, mais elle a mal choisi son confident :
elle
ne trouve aucune paix dans une intimité purement humaine : Et l’homm
514
Et l’homme seul répond à l’homme épouvanté 27.
Il
nous manque une étude sur les critiques protestants du xixe siècle.
515
omantisme, ceux d’un Frommel sur les écrivains qu’
il
appelle « positivistes » restent à peu près les seuls valables, à nos
516
e perspicacité prophétique. 26. Dire de Gide qu’
il
est un écrivain protestant est une façon de parler que beaucoup conte
517
rs assez ternes, pour le plaisir que par ailleurs
ils
donnent à notre intelligence plus avide, au fond, de formules adroite
518
cordante après-guerre, Jean Schlumberger semblait
devoir
rester le seul tenant du classicisme romanesque ; mais voici qu’on pr
519
la misère — des protestants sans foi »31. Quoi qu’
il
en fût d’ailleurs de la portée religieuse des trois œuvres, l’on se s
520
s et de sourires complices. La question toutefois
doit
être portée sur un plan supérieur à toute polémique : s’agit-il jamai
521
sur un plan supérieur à toute polémique : s’agit-
il
jamais en effet pour les témoins d’une confession, de faire le compte
522
fession, de faire le compte de leurs gloires ? Ne
doivent
-ils pas au contraire considérer celles-ci comme leur accusation perpé
523
de faire le compte de leurs gloires ? Ne doivent-
ils
pas au contraire considérer celles-ci comme leur accusation perpétuel
524
accusation perpétuelle ? Car la vraie question qu’
elles
posent, chrétiennement, c’est de savoir si nous les méritons encore.
525
s et prophètes, nous condamnent dans la mesure où
elles
furent authentiques. Mais d’autre part certaines « célébrités » polit
526
ignificative sévérité. Et dès lors, c’est cela qu’
il
nous paraît utile et nécessaire, aujourd’hui, de confesser. Aussi bie
527
fesser. Aussi bien, la force qui nous est promise
doit
-elle nous rendre ce courage léger. Le moralisme nous trahit Par
528
r. Aussi bien, la force qui nous est promise doit-
elle
nous rendre ce courage léger. Le moralisme nous trahit Partons
529
eurs. Le problème, à vrai dire, les dépasse, mais
il
n’est pas mauvais de l’actualiser, de le rétrécir, si de la sorte nou
530
onheur purement égoïste, et par là si précaire qu’
il
côtoie bien souvent l’angoisse, ou pis encore : un sentiment d’indiff
531
d’inutilité. Quant à l’auteur de Saint-Saturnin,
il
semble qu’une véritable préméditation — où l’on n’eût voulu voir qu’u
532
lus ni moins que dans un drame antique. M. Saurat
doit
se tromper, lorsqu’il note que dans ce conflit moral, Dieu est « tran
533
drame antique. M. Saurat doit se tromper, lorsqu’
il
note que dans ce conflit moral, Dieu est « tranquillement oublié ». I
534
cette attitude, et de prolonger un malentendu qu’
ils
jugent peut-être flatteur, ou commode. Cette espèce de stoïcisme mora
535
ésions qui vont aux produits déviés de notre foi.
Il
est vrai que ceux-ci sont souvent les plus éclatants. Car un système
536
n système politique, une doctrine, une éthique, s’
ils
s’abandonnent de tout leur poids à quelque erreur interne, ne vont pa
537
ent à la ruine immédiate, dans notre monde tel qu’
il
est. Mais c’est parfois, bien au contraire, par leur succès et dans l
538
e, par leur succès et dans leur épanouissement qu’
ils
manifestent au jour leurs faussetés et qu’ils se trouvent, aux yeux d
539
qu’ils manifestent au jour leurs faussetés et qu’
ils
se trouvent, aux yeux de l’esprit, le plus durement jugés. Était-ce a
540
e tout semblable à celui des athées, — au lieu qu’
il
eût fallu du premier coup le dénoncer, comme radicalement contraire à
541
nvaincre ? Tel étant l’état des choses, suffira-t-
il
de déplorer une incompréhension publique dont nous sommes en grande p
542
protestant », tout ce qui rend inutile la grâce ?
Il
y va pourtant de notre force de conquête. Que nous le voulions ou non
543
vidé de toute théologie efficace. Peut-être vaut-
il
la peine de préciser ici et de pousser dans le détail une accusation
544
urgeoise. Nullement chrétienne d’ailleurs, puisqu’
elle
récusait à la fois la charité, le risque, l’abandon et la divine légè
545
l’abandon et la divine légèreté, c’est-à-dire, qu’
elle
récusait la grâce autant que le péché. La censure moraliste est avant
546
hé. La censure moraliste est avant tout peureuse.
Elle
« craint » la vérité ; non point au sens de ce verbe qui signifie la
547
ue, que Jésus n’a jamais craint. Et c’est en quoi
elle
révèle la faiblesse de sa théologie. Car il est certains cas où celui
548
uoi elle révèle la faiblesse de sa théologie. Car
il
est certains cas où celui qui craint de dire toute la vérité n’exprim
549
préservait » du mal. Ainsi Rousseau le libertaire
doit
et peut être moraliste, tandis que Calvin l’orthodoxe ne saurait l’êt
550
ne autocritique à la fois peureuse et agressive ?
Il
y faudrait une puissance décuplée, excessive, et qui, par la force de
551
oumis, de par leur sérieux traditionnel. Et quand
elle
n’est point parvenue à les étouffer, elle a souvent faussé le dévelop
552
t quand elle n’est point parvenue à les étouffer,
elle
a souvent faussé le développement de ces germes ; les produits d’une
553
comme une caricature de la sécheresse à laquelle
ils
s’opposent, mais qu’ils manifestent en même temps avec une ironie plu
554
la sécheresse à laquelle ils s’opposent, mais qu’
ils
manifestent en même temps avec une ironie plus cruelle souvent que la
555
s et célèbres que provoqua le moralisme perverti.
Il
eût conduit le protestantisme à la négation absolue de son essence35,
556
umanité ne possédait d’autres recours que ceux qu’
elle
peut imaginer en dehors de la grâce, c’est-à-dire la police des mœurs
557
us voici loin de nos auteurs. Si loin qu’en somme
ils
ne sont guère atteints par tout ceci. Mais quoi ? Le but ne fut jamai
558
rvivant, c’est au nom d’une grande espérance. Que
devons
-nous attendre ? Tout, d’un réveil dogmatique qui, s’il traduit et por
559
us attendre ? Tout, d’un réveil dogmatique qui, s’
il
traduit et porte un réveil de la foi, ne peut manquer de libérer des
560
’évangélisme dans sa pureté, héroïque ou sereine,
il
faudrait pour en douter que l’on ait oublié les plus grands noms : Mi
561
étienne d’inspiration évangélique ? Souhaitons qu’
il
n’y faille pas les conjonctures sanglantes d’où naquirent les Tragiqu
562
alisme fut l’analyse d’états d’âme dans le doute,
il
est permis d’attendre de la violence même d’une théologie du Dieu Tou
563
nce même d’une théologie du Dieu Tout-Puissant qu’
elle
suscite de nouveaux psaumes36, qu’elle enflamme des chants prophétiqu
564
uissant qu’elle suscite de nouveaux psaumes36, qu’
elle
enflamme des chants prophétiques. Et l’Éternel enfin sera loué « selo
565
a loué « selon l’immensité de sa grandeur » comme
il
est dit au dernier psaume. 28. Denis Saurat, dans la Nouvelle Revu
566
on. 31. Charles Westphal, dans Le Semeur . 32.
Il
est entendu, même chez les protestants, qu’un « protestant qui écrit
567
ère moraliste, quelles que soient les opinions qu’
ils
adoptèrent vis-à-vis du moralisme. Qu’on me comprenne : ce n’est pas
568
: ce n’est pas à eux que j’en ai, mais à ce dont
ils
ont souffert. 34. Tout ceci appellerait une foule de nuances. Mais i
569
Tout ceci appellerait une foule de nuances. Mais
il
ne s’agit pas d’édulcorer. 35. Cf. A.-N. Bertrand, Protestantisme, p
570
ivités et domina constamment sa vie et son œuvre.
Il
n’y a peut-être pas d’individu plus significatif dans l’histoire de l
571
christianisme. Mais le plus grand Occidental fut-
il
chrétien ? Nous ne saurions, surtout dans Foi et Vie , aborder cette
572
l’angle de la curiosité littéraire ou historique.
Elle
pose cependant un problème que la conscience intellectuelle des chrét
573
cience intellectuelle des chrétiens ne peut et ne
doit
éviter. Goethe est une de ces « questions au christianisme » comme di
574
ous sont posées comme autant d’accusations, et qu’
il
est de notre devoir d’envisager avec toute la bonne foi que nécessite
575
comme autant d’accusations, et qu’il est de notre
devoir
d’envisager avec toute la bonne foi que nécessite un examen de consci
576
raisse avoir été cultivée par Goethe, ne prouve-t-
il
pas suffisamment l’inauthenticité de son christianisme ? Qu’est-ce qu
577
ts piétistes du jeune Goethe et la part active qu’
il
prit aux réunions de « belles âmes » suscitées par l’apostolat du com
578
temps aussi du « Sturm und Drang » auquel Goethe
devait
donner l’expression littéraire la plus parfaite avec Werther. Et nous
579
’a enfin attrapé ; je courais trop vite pour lui,
il
m’a saisi par les cheveux. Il est sûrement à vos trousses aussi, j’es
580
trop vite pour lui, il m’a saisi par les cheveux.
Il
est sûrement à vos trousses aussi, j’espère voir le jour où il vous r
581
nt à vos trousses aussi, j’espère voir le jour où
il
vous rattrapera ; mais je ne puis répondre de la manière. Je suis par
582
oncours de circonstances cette « sagesse » devint-
elle
chez Goethe quelque chose qui, en fin de compte, ressemble si étrange
583
qui incombe aux « chrétiens » eux-mêmes, tels qu’
ils
apparurent à ce jeune homme plein d’une exigeante ferveur mystique. «
584
mystique. « Mes rapports avec les dévots — écrit-
il
de Strasbourg — ne sont pas très fréquents ici. Au début, je m’étais
585
, je m’étais tourné passionnément vers eux ; mais
il
semble que ce ne doive pas être. Ils sont si cordialement ennuyeux qu
586
passionnément vers eux ; mais il semble que ce ne
doive
pas être. Ils sont si cordialement ennuyeux quand ils s’y mettent que
587
rs eux ; mais il semble que ce ne doive pas être.
Ils
sont si cordialement ennuyeux quand ils s’y mettent que ma vivacité n
588
pas être. Ils sont si cordialement ennuyeux quand
ils
s’y mettent que ma vivacité n’y saurait tenir. Rien que des gens d’es
589
et croient qu’on ne peut aller plus loin parce qu’
ils
ignorent tout du reste. » C’est ce « reste » précisément que Goethe d
590
. Mais ce « reste », cette connaissance mystique,
il
ne tardera pas à découvrir qu’on n’y atteint qu’en outrepassant les l
591
nous ne savons presque rien de Dieu, ou plutôt qu’
il
est vain de chercher à en savoir plus que ce que la nature visible no
592
une légende, et une légende d’origine juive, car
elle
remonte à Heine. Elle est un mythe, au moyen duquel on peut faire de
593
égende d’origine juive, car elle remonte à Heine.
Elle
est un mythe, au moyen duquel on peut faire de l’agitation et de la p
594
e, si nous le jugeons du point de vue d’un parti.
Il
n’est pas païen, pour la raison péremptoire qu’il n’y a plus de païen
595
Il n’est pas païen, pour la raison péremptoire qu’
il
n’y a plus de païen, au sens antique du mot, depuis que la venue du C
596
mble des données religieuses. Mais, d’autre part,
il
faudrait un libéralisme dont nous nous sentons incapables pour admett
597
uté de la foi chrétienne l’homme qui a pu dire qu’
il
s’inclinait devant le Christ comme devant la « révélation divine du p
598
lation du Très-Haut, et même la plus puissante qu’
il
nous ait jamais été donné, à nous enfants de la terre, de percevoir.
599
a pensée la plus probe de se passer de Dieu quand
elle
juge le monde séparé de Dieu. Il n’est pas vrai de dire qu’un monde s
600
de Dieu quand elle juge le monde séparé de Dieu.
Il
n’est pas vrai de dire qu’un monde séparé de Dieu doit ou peut être e
601
n’est pas vrai de dire qu’un monde séparé de Dieu
doit
ou peut être envisagé comme un monde autonome. Il doit être envisagé
602
it ou peut être envisagé comme un monde autonome.
Il
doit être envisagé comme manquant de quelque chose. Or, ce « quelque
603
ou peut être envisagé comme un monde autonome. Il
doit
être envisagé comme manquant de quelque chose. Or, ce « quelque chose
604
» aux yeux de la foi, constitue sa raison d’être.
Il
n’y a pas de neutralité du monde vis-à-vis de Dieu — à cause du péché
605
ein d’une nature harmonieuse — et quand bien même
il
fait intervenir, à la fin, « l’amour d’En-Haut » venant à sa rencontr
606
briquer son bonheur par ses propres forces, notre
devoir
est net : nous avons à défendre et attester les valeurs doctrinales l
607
adical. Mais un homme de l’envergure de Goethe, s’
il
ne peut être un argument pour nul parti, ne saurait, pour les mêmes r
608
sation de la pensée, dont la vertu et la grandeur
devraient
s’imposer à nous tous. Goethe inutilisable, certes. Mais nous ne somm
609
parti et n’avons pas à utiliser qui que ce soit.
Il
suffit que nous puissions nous sentir à la fois accusés et exhortés p
610
oit —, mais seulement d’être, efficacement. Et qu’
il
nous y aide ! 37. Numéro d’hommage à Goethe de la Nouvelle Revue fr
611
tre de l’abstentionnisme et du célibat spirituel.
Ils
ont tous épousé une cause, une de ces causes qui engagent bien plus q
612
s que l’adhésion des idées, une de ces causes qui
doivent
être gagnées. Chose étrange, et que l’on eût difficilement prévue au
613
xtrêmes que ceux qui divisèrent les précédentes —
elle
éprouve son unité, elle connaît une fraternité en ceci : que la pensé
614
isèrent les précédentes — elle éprouve son unité,
elle
connaît une fraternité en ceci : que la pensée n’est plus pour elle u
615
raternité en ceci : que la pensée n’est plus pour
elle
une justification idéale de l’égoïsme ou de l’indifférence, mais une
616
out de réalisation personnelle, d’action éthique.
Il
n’a pas échappé à M. Benda que « le clerc moderne » (en tant qu’il se
617
é à M. Benda que « le clerc moderne » (en tant qu’
il
se montre préoccupé des conséquences nécessaires de la pensée dans l’
618
dans son essence, et par suite, dans l’action qu’
elle
commande à des millions de nos contemporains. Il y a aussi ceux qui s
619
n’ont pas encore vu — tout ce que cela implique.
Ils
voient bien le vice de la « pensée désintéressée », et qu’il faut s’a
620
ien le vice de la « pensée désintéressée », et qu’
il
faut s’affranchir d’une « liberté » stérilisante. Ils ne voient pas à
621
faut s’affranchir d’une « liberté » stérilisante.
Ils
ne voient pas à quel prix cet affranchissement devient possible ; ils
622
quel prix cet affranchissement devient possible ;
ils
ne voient pas encore qu’il faut choisir. Or, notre temps ne comporte
623
nt devient possible ; ils ne voient pas encore qu’
il
faut choisir. Or, notre temps ne comporte qu’un choix profond : chris
624
t que chrétiens, non pas en tant que bourgeois, s’
ils
le sont, ont des raisons réelles et valables de récuser une pensée et
625
pour lesquels la crise est dans les institutions.
Il
paraît supposer une rénovation intérieure, celle précisément que post
626
humaine. Sa critique nous paraît pertinente, mais
elle
serait plus efficace si on la sentait inspirée par un principe spirit
627
un esprit averti des vraies valeurs de ce temps.
Il
réfute MM. Berl et Guéhenno, sur la question de la culture dans ses r
628
n de la culture dans ses rapports avec le peuple.
Il
discute M. Malraux et son goût désespéré de l’action pour elle-même.
629
et son goût désespéré de l’action pour elle-même.
Il
condamne le populisme de M. Thérive, il condamne le pacifisme de M. T
630
lle-même. Il condamne le populisme de M. Thérive,
il
condamne le pacifisme de M. Thomas Mann, il condamne l’Amérique de Fo
631
rive, il condamne le pacifisme de M. Thomas Mann,
il
condamne l’Amérique de Ford et la Russie de Staline ; il adopte enfin
632
amne l’Amérique de Ford et la Russie de Staline ;
il
adopte enfin une position assez voisine de celle de MM. Aron et Dandi
633
Aron et Dandieu, sans aller jusqu’à prôner comme
ils
le font « la révolution nécessaire ». Certes, on ne saurait demander
634
s réunis après coup de fournir une doctrine. Mais
il
est inquiétant d’entendre M. Maulnier, dans sa préface, se déclarer s
635
gines politiques, et peut-être aussi sa jeunesse.
Il
critique des erreurs au nom d’une vérité toute statique, au nom de va
636
i, n’étant pas religieuses, sont donc abstraites.
Il
ne suffit pas de dire à ses contemporains qu’ils ont tort de penser c
637
. Il ne suffit pas de dire à ses contemporains qu’
ils
ont tort de penser ceci ou cela avec passion. Il faut encore leur don
638
ils ont tort de penser ceci ou cela avec passion.
Il
faut encore leur donner d’autres objets de passion. Ou bien il faut l
639
e leur donner d’autres objets de passion. Ou bien
il
faut leur rappeler des vérités d’un ordre tel que leur seule existenc
640
ités d’un ordre tel que leur seule existence — si
elles
existent — rende vaines les passions égarées, rende visible l’origine
641
. Ce n’est pas une férule : c’est un bon outil qu’
il
nous faut. Ce n’est pas son pessimisme que je reproche à M. Thierry M
642
essimisme que je reproche à M. Thierry Maulnier. (
Il
serait fou de ne pas le partager.) Je lui reproche de manquer d’exige
643
ns à coups de marteau qu’à coups d’épingle. Ce qu’
il
veut dégonfler, c’est la philosophie avec grand P, la doctrine offici
644
peut recommander la lecture de ce livre, parce qu’
il
a le mérite de poser simplement, brutalement, une de ces grandes ques
645
moderne a convenu d’appeler « naïves », parce qu’
elles
sont trop gênantes. Le livre est mal composé. Ses phrases courtes se
646
n uniformément péremptoire, ironique et hargneux.
Elles
redisent trois ou quatre fois de suite la même chose, sans ajouter au
647
l. Mais celui-ci, par bonheur, est très simple :
Il
n’y a point de questions plus grossières que celles qui sont posées i
648
ici. La philosophie présente qui dit et croit qu’
elle
se déroule au profit de l’homme, est-elle dirigée réellement, et non
649
roit qu’elle se déroule au profit de l’homme, est-
elle
dirigée réellement, et non plus en discours et croyances, en faveur d
650
ncrets ? À quoi sert cette philosophie ? Que fait-
elle
pour les hommes ? Que fait-elle contre eux ? Selon M. Nizan, la phil
651
sophie ? Que fait-elle pour les hommes ? Que fait-
elle
contre eux ? Selon M. Nizan, la philosophie régnante est caractérisé
652
s dans un temps où les philosophes s’abstiennent.
Ils
vivent dans un état de scandaleuse absence. Il existe un scandaleux é
653
. Ils vivent dans un état de scandaleuse absence.
Il
existe un scandaleux écart, une scandaleuse distance entre ce qu’énon
654
matière, la philosophie sans rime ni raison » … «
Il
n’y a aucune raison d’écarter ce genre de questions. Il n’y a aucune
655
a aucune raison d’écarter ce genre de questions.
Il
n’y a aucune raison de ne pas leur donner de réponses ». Au fond, M.
656
es. On dira sans doute que l’auteur exagère quand
il
dénonce le péril d’une pensée que l’on peut bien appeler scolastique,
657
le monde n’est plus mené par les philosophes, qu’
il
accorde à leur activité une importance qu’elle ne saurait avoir et lu
658
, qu’il accorde à leur activité une importance qu’
elle
ne saurait avoir et lui fait par suite des reproches démesurés. Certe
659
és. Certes40. Mais dans la mesure, si faible soit-
elle
, où la philosophie actuelle exerce une action, ne fût-ce que sur les
660
it, que compte faire M. Nizan pour les hommes ? —
Il
compte leur apporter le marxisme. Or, s’il est clair que le marxisme
661
es ? — Il compte leur apporter le marxisme. Or, s’
il
est clair que le marxisme prétend travailler pour l’homme en général,
662
xisme prétend travailler pour l’homme en général,
il
n’est pas moins clair qu’il tombe par là même sous le coup d’une crit
663
r l’homme en général, il n’est pas moins clair qu’
il
tombe par là même sous le coup d’une critique semblable à celle que M
664
icg, le bourgeois. C’est le prolétaire pour Marx.
Il
s’en faut de beaucoup que la notion du prolétaire marxiste, fondée su
665
u livre de M. Nizan n’inspire pas la certitude qu’
il
aime les hommes, qu’il aime aucun homme réel et concret. Au contraire
666
nspire pas la certitude qu’il aime les hommes, qu’
il
aime aucun homme réel et concret. Au contraire, il en émane une sorte
667
l aime aucun homme réel et concret. Au contraire,
il
en émane une sorte de mépris satisfait qui révèle un intellectuel déc
668
telle situation quotidienne, répète M. Nizan. Et
il
propose Marx. Je demande en quoi Marx peut nous aider à vivre, à mour
669
gélique. Et je demande maintenant aux chrétiens s’
ils
le savent eux-mêmes ; s’ils prouvent qu’ils le savent. S’ils n’ont pa
670
enant aux chrétiens s’ils le savent eux-mêmes ; s’
ils
prouvent qu’ils le savent. S’ils n’ont pas trop souvent cherché auprè
671
ens s’ils le savent eux-mêmes ; s’ils prouvent qu’
ils
le savent. S’ils n’ont pas trop souvent cherché auprès de philosophes
672
nt eux-mêmes ; s’ils prouvent qu’ils le savent. S’
ils
n’ont pas trop souvent cherché auprès de philosophes secrètement avid
673
ire, germe de cette « révolution permanente » qui
doit
être l’état du chrétien vis-à-vis de lui-même et de son passé. C’est
674
adical constitue un progrès sur la libre-pensée :
il
force au choix, à la prise de conscience. La révolution menaçante vi
675
« Histoires du monde, s’
il
vous plaît ! » (janvier 1933)t Le lecteur moderne est, paraît-il,
676
(janvier 1933)t Le lecteur moderne est, paraît-
il
, un homme pressé, beaucoup plus pressé que ne le furent ses ancêtres
677
t-ce peut-être à cause des innombrables moyens qu’
il
a inventés pour « gagner du temps » ? Il semble que tout ce que fait
678
oyens qu’il a inventés pour « gagner du temps » ?
Il
semble que tout ce que fait l’humanité se retourne contre elle-même).
679
ait l’humanité se retourne contre elle-même). Que
doit
lire un homme pressé, s’il demande aux livres autre chose que ce que
680
ntre elle-même). Que doit lire un homme pressé, s’
il
demande aux livres autre chose que ce que peut lui offrir le conte du
681
ut lui offrir le conte du journal, c’est-à-dire s’
il
demande une nourriture rapidement assimilable, mais tout de même reco
682
époque vient de redonner une très vive nouveauté.
Il
est bien remarquable, en effet, de constater, en parcourant les catal
683
mme l’Essai sur la France, de E. R. Curtius, dont
il
fut parlé ici même, ou le Dieu est-il Français, de F. Sieburg, donner
684
rtius, dont il fut parlé ici même, ou le Dieu est-
il
Français, de F. Sieburg, donneront une idée assez juste du genre. Son
685
(Le Déclin de l’Occident) et du comte Keyserling.
Il
faut reconnaître que l’état général du pays explique que ces ouvrages
686
rages aient rencontré d’emblée le grand succès qu’
ils
méritaient. Les Allemands vivent « la crise » depuis 1919, et l’atmos
687
idéologie que manifeste le grand public allemand.
Il
est bien naturel qu’une société qui jouit d’une relative sécurité che
688
un genre bourgeois — et c’est peut-être par là qu’
il
plaît tant au peuple. Le bourgeois qui rentre chez lui après 8 heures
689
, et d’abord en essayant de comprendre la menace.
Il
veut des documents, des explications, des directives. Ne fût-ce, souv
690
e au « goût » tout court, c’est-à-dire à la mode.
Il
fallut la petite équipe des fondateurs de la Nouvelle Revue française
691
istoriette sentimentale. Mais tout cela, semble-t-
il
, s’évanouit en fumée, comme les fusées d’une fête intempestive. On de
692
urgeois, privé de risques et d’aventures réelles,
il
représentait une évasion, une revanche nécessaire contre l’ennui, — l
693
vre, le romanesque éclate, remplit nos vies, ou s’
il
n’y pénètre pas encore, les baigne d’une atmosphère menaçante dont il
694
ncore, les baigne d’une atmosphère menaçante dont
il
devient impossible de ne pas prendre conscience. Alors, toutes les no
695
tous les éditeurs. Et ces éditeurs, que publient-
ils
? Des collections documentaires, des reportages à grande distance, le
696
e photos qui pour la première fois, nous semble-t-
il
, mettent sur notre table le monde tel qu’il est. Quel romancier pourr
697
ble-t-il, mettent sur notre table le monde tel qu’
il
est. Quel romancier pourrait nous apporter l’équivalent de cette visi
698
capable désormais de s’en distraire en le fuyant,
il
cherche à l’expliquer, avec une passion nouvelle. Nous avons vu paraî
699
Weltgeschichte gefälligst », Histoire du monde, s’
il
vous plaît ! ⁂ Retour à l’essai rendu nécessaire par le besoin de met
700
, de curiosités académiques ou de mandarinades qu’
il
s’agit, mais c’est du sort de l’homme tel qu’il est, dans son effaran
701
u’il s’agit, mais c’est du sort de l’homme tel qu’
il
est, dans son effarante et magnifique diversité. Sort menacé, comme i
702
rante et magnifique diversité. Sort menacé, comme
il
le fut de tout temps, certes, mais de nos jours, plus visiblement, pl
703
rs, plus visiblement, plus universellement. Quand
il
y va de tous, il y va de chacun. 41. Dont le meilleur volume, à ce
704
ent, plus universellement. Quand il y va de tous,
il
y va de chacun. 41. Dont le meilleur volume, à ce jour, est sans do
705
t. Rougemont Denis de, « Histoires du monde, s’
il
vous plaît ! », Foi et Vie, Paris, janvier–février 1933, p. 134-139.
706
On ne nous parle plus que du « désarroi actuel ».
Il
n’est pas d’expression plus juste, pour qui se borne à considérer not
707
dictoires qui s’affrontent au milieu du désordre.
Il
n’est pas d’expression plus fausse, et même plus dangereuse, pour qui
708
acrent leur astuce à équilibrer des budgets, dont
ils
seront les seuls bénéficiaires. La corruption s’étale, flétrie avec g
709
nnue, dénoncée et battue en brèche. Notre époque,
elle
aussi, possède sa chance de grandeur. Je dirai même qu’elle a plus de
710
, possède sa chance de grandeur. Je dirai même qu’
elle
a plus de chances qu’aucune autre. Le vieux « désordre » qui couvait
711
pparences paisibles, est soudain devenu flagrant.
Il
promène par les rues de nos villes européennes de grands panneaux-réc
712
eaux-réclame qui parlent un langage clair. Jamais
il
ne fut plus facile de reconnaître les choix nécessaires. Désordre, ou
713
poque. Je voudrais décrire cette époque, telle qu’
elle
nous apparaît de ce point de vue, en quelques traits fort simples. J’
714
On répète que les événements nous dominent et qu’
ils
sont incompréhensibles et impensables. Ce n’est pas vrai ! C’est enco
715
i, chaque fois que nous venons dire : voici ce qu’
il
faut faire, nous répondent : Attention ! le problème est plus complex
716
blèmes ne sont pas si complexes, en réalité, ou s’
ils
le sont, osons les simplifier. Ce qui est difficile, ce n’est pas de
717
st pas de voir le vrai, c’est d’oser les actes qu’
il
faut, et que nous connaissons très bien. Trop souvent, nos maîtres no
718
thodes d’évasion dans la complexité. Trop souvent
ils
nous ont mis en garde contre un « certain esprit simpliste », qui est
719
énements nous réveillent brusquement. Maintenant,
il
va falloir choisir. La pensée redevient un danger, un facteur de choi
720
tre le secret de tout le mal dont nous souffrons.
Il
suffit, pour le faire apparaître, de poser cette simple question : co
721
er cette simple question : comment un siècle peut-
il
avoir un destin ? En réalité, il n’y a de destin que personnel. Seul
722
t un siècle peut-il avoir un destin ? En réalité,
il
n’y a de destin que personnel. Seul un homme peut avoir un destin, un
723
e peut avoir un destin, un homme seul, en tant qu’
il
est différent des autres hommes. Napoléon, César, Lénine ont un desti
724
acun de nous possède une raison d’être, quelle qu’
elle
soit, une servitude particulière, une passion qui est bien à lui, une
725
pour que ces ismes aient, à nos yeux, un destin,
il
faut que nous ayons pris l’habitude de les considérer comme autant de
726
thée, et consciemment athée. Mais, en même temps,
il
est polythéiste et superstitieux au dernier degré. La grande majorité
727
nos contemporains ne croit pas en Dieu et sait qu’
elle
n’y croit pas. Mais elle garde chevillé au cœur le besoin d’obéir à d
728
t pas en Dieu et sait qu’elle n’y croit pas. Mais
elle
garde chevillé au cœur le besoin d’obéir à des forces invisibles et d
729
classe, la race, l’argent et l’opinion publique.
Elles
ont encore un autre nom, et qui est commun à toutes : c’est le Nombre
730
maîtresses de cette première moitié du siècle. Qu’
il
s’agisse bien là de dieux, c’est ce que nous prouvent abondamment leu
731
on Trotski, s’explique entièrement par le fait qu’
il
était, à la fin de la guerre, caporal dans l’armée allemande. Son idé
732
isante, vraisemblable même. Que répondra Hitler ?
Il
répondra que tout ce que dit Trotski, s’explique simplement par le fa
733
adictoires ! Sur le plan politique tout au moins,
ils
paraissent s’opposer avec une certaine violence, mais par rapport à l
734
ne certaine violence, mais par rapport à l’homme,
ils
sont absolument semblables et nous pouvons les renvoyer dos à dos. L’
735
race. Destin du siècle contre destin de l’homme.
Il
faut bien reconnaître qu’en cette année 1934, l’homme se défend très
736
omme se défend très mal. Et comment se défendrait-
il
quand il adore tout ce qui veut sa perte ? Nos camarades marxistes ou
737
éfend très mal. Et comment se défendrait-il quand
il
adore tout ce qui veut sa perte ? Nos camarades marxistes ou racistes
738
marxistes ou racistes ont bien vu le danger. Mais
ils
en tirent une conclusion inattendue. Reprenant le mot de Goethe, sans
739
ndue. Reprenant le mot de Goethe, sans le savoir,
ils
nous enseignent que la loi seule nous conduit à la liberté. Adhérez a
740
toutes vos inquiétudes s’apaiseront. Bien. Mais
il
faut prendre garde d’abord de confondre le sacrifice et le suicide. L
741
miliciens hitlériens s’indignent de ce reproche.
Ils
nous répondent, avec raison, que leur action n’a pas les apparences d
742
es apparences d’une évasion, d’une démission ; qu’
ils
n’ont pas fui les risques et qu’ils ont exposé leurs vies. Enfin, qu’
743
émission ; qu’ils n’ont pas fui les risques et qu’
ils
ont exposé leurs vies. Enfin, qu’ils sont animés par une foi construc
744
isques et qu’ils ont exposé leurs vies. Enfin, qu’
ils
sont animés par une foi constructive que bien des jeunes bourgeois ra
745
structive que bien des jeunes bourgeois railleurs
devraient
leur envier. C’est juste. Aussi bien la question revient-elle en défi
746
vier. C’est juste. Aussi bien la question revient-
elle
en définitive à savoir si la foi des marxistes et des racistes est vr
747
es et des racistes est vraie. Sur quoi se fonde-t-
elle
? Quelles réalités sont à la base ? De l’aveu même des sociologues ma
748
e Léon Chestov disait un jour à quelques amis : «
Il
paraît qu’il existe deux théories tout à fait opposées concernant l’o
749
v disait un jour à quelques amis : « Il paraît qu’
il
existe deux théories tout à fait opposées concernant l’origine du gen
750
e l’homme descend du singe, les autres croient qu’
il
a été créé par Dieu. Ils se disputent énormément. Je crois qu’ils ont
751
ge, les autres croient qu’il a été créé par Dieu.
Ils
se disputent énormément. Je crois qu’ils ont tort de se disputer, par
752
ar Dieu. Ils se disputent énormément. Je crois qu’
ils
ont tort de se disputer, parce qu’ils ont raison les uns et les autre
753
Je crois qu’ils ont tort de se disputer, parce qu’
ils
ont raison les uns et les autres. Ma théorie est la suivante : ceux q
754
créés par Dieu, et qui, eux, croient et savent qu’
ils
ont été créés par Dieu. » Cette petite histoire ne s’applique pas seu
755
aussi bien aux partisans de Marx et de Gobineau.
Il
est tout à fait vrai que les adeptes du marxisme et du racisme sont e
756
es mène et poussent le monde dans la direction où
il
doit tomber fatalement, si on le laisse tomber. En cela, ils sont peu
757
mène et poussent le monde dans la direction où il
doit
tomber fatalement, si on le laisse tomber. En cela, ils sont peut-êtr
758
mber fatalement, si on le laisse tomber. En cela,
ils
sont peut-être supérieurs aux libéraux et aux dilettantes qui tombent
759
’évoquer la liberté et les idéaux supérieurs dont
ils
s’éloignent de plus en plus. Mais j’ai beau ne pas croire, pour mon c
760
té de tous ces mythes, j’ai beau ne pas croire qu’
ils
aient le droit de disposer de nos vies, je suis bien obligé de reconn
761
s, je suis bien obligé de reconnaître qu’en fait,
ils
nous dominent. Ne fût-ce que par le moyen de la presse. On peut dire,
762
nt nous n’en finirions pas. L’argent est partout,
il
est dans tout, il est tout et tous le servent. ⁂ Destin du siècle, d
763
ions pas. L’argent est partout, il est dans tout,
il
est tout et tous le servent. ⁂ Destin du siècle, destin des ismes, d
764
se. On s’indigne du nivellement universel, à quoi
doit
aboutir le communisme. On raille le caporalisme des jeunes miliciens
765
ans la masse anonyme. Je crois que c’est là ce qu’
il
peut faire de mieux. L’individu, tel que le concevait le dernier sièc
766
e monde n’exigeait rien. Cet être-là, fatalement,
devait
désespérer de soi-même et de tout. Et nous vîmes, tôt après la guerre
767
siècle ». La jeunesse découvrait avec angoisse qu’
elle
n’avait plus rien ni personne à servir. C’est l’état le plus dégradan
768
que l’individu des libéraux était sans destin, qu’
il
a cru au destin des autres ; c’est parce qu’il n’avait pas de vocatio
769
qu’il a cru au destin des autres ; c’est parce qu’
il
n’avait pas de vocation, qu’il a voulu servir la vocation de sa race.
770
s ; c’est parce qu’il n’avait pas de vocation, qu’
il
a voulu servir la vocation de sa race. La meilleure preuve, d’ailleur
771
uté nouvelle que l’individualisme avait dissoute.
Il
n’y a jamais eu autant de ligues, de groupements, de partis et d’asso
772
mais un fait acquis, une réalité économique. Nous
devons
au progrès mécanique que désormais le globe entier apparaisse solidai
773
ême civilisation. Mais cette solidarité, que vaut-
elle
? Le premier exemple qui vous vient à l’esprit, lorsqu’on vous dit qu
774
itude. J’ai terminé ma description du siècle. Est-
elle
pessimiste à l’excès ? Ce n’est pas cela qu’il nous importe de savoir
775
-elle pessimiste à l’excès ? Ce n’est pas cela qu’
il
nous importe de savoir. Si j’ai simplifié le tableau, c’est que je ve
776
que. Vous avez pressenti le parti que j’embrasse.
Il
me reste à le définir en termes positifs, cette fois. Les dieux, les
777
, ou désirer leur destruction, c’est de l’utopie.
Ils
sont là, et ils ont probablement leur raison d’être. La classe, la ra
778
r destruction, c’est de l’utopie. Ils sont là, et
ils
ont probablement leur raison d’être. La classe, la race, jouent dans
779
al de Troie qui se nomme déterminisme historique.
Il
faut croire qu’ils ont la vie dure, et que le mieux à faire pour nous
780
nomme déterminisme historique. Il faut croire qu’
ils
ont la vie dure, et que le mieux à faire pour nous, c’est encore de c
781
r élan vers une nouvelle communauté humaine. Mais
ils
se sont cruellement trompés de porte en s’adressant aux mythes collec
782
ressant aux mythes collectifs. C’était l’homme qu’
il
fallait refaire. Nous avons oublié ce fait très simple : que la socié
783
avons oublié ce fait très simple : que la société
doit
être composée d’hommes réels. Nous avons tout calculé, sauf ce qui es
784
ythes collectifs ? J’ai essayé de vous montrer qu’
ils
sont des créations de l’homme, et particulièrement de ce personnage é
785
en somme, assez lâche, qu’on appelle l’individu.
Il
faut aller plus loin : les mythes collectifs n’expriment rien de plus
786
ayé de vous montrer qu’en pensant historiquement,
il
fonde, dès maintenant, en lui, la dictature du nombre et de l’irrespo
787
cte, toujours imprévisible, toujours aventureuse.
Elle
vit dans le risque et dans la décision, au lieu que l’homme des masse
788
e attitude et quelles révolutions, enfin réelles,
elle
prépare. Mais ce serait là une autre conférence. ⁂ Il reste une quest
789
répare. Mais ce serait là une autre conférence. ⁂
Il
reste une question grave, une question dernière que je ne veux pas es
790
ain, l’Évangile seul nous le désigne, bien plus :
il
nous ordonne de l’être. Et voilà la réalité décisive. Tous, nous avon
791
pelle l’amour du prochain. Je dis bien : acte, et
il
faut insister là-dessus. Le monde s’est emparé des paroles du Christ
792
s. Le monde s’est emparé des paroles du Christ et
il
les a complètement perverties. On nous a présenté cet amour du procha
793
té. On a transporté dans l’histoire cet amour qui
doit
être un acte, une présence et un engagement immédiat. Acte, présence
794
inqueur de l’Histoire. Cet acte, à chaque fois qu’
il
nous est donné de le faire, rétablit le rapport humain, fonde notre d
795
ions, au secours de notre misère matérielle. Mais
elles
ne pénètrent jamais dans l’intimité de notre être, là où réside le dé
796
son destin. Après tout, l’homme désespéré, ce qu’
il
veut, ce n’est pas une explication du désespoir qui le possède, mais
797
race qui va suffire pour l’arracher à sa misère ;
il
lui faut une rencontre, un événement, un acte. Et voilà le mystère de
798
osophes chrétiens (mai 1934)v Combien existe-t-
il
en France de personnes intelligentes ? Pour le juger il ne faudrait s
799
France de personnes intelligentes ? Pour le juger
il
ne faudrait sans doute pas se fier au tirage moyen d’un ouvrage « dif
800
urs à l’endroit des meilleurs esprits. À qui faut-
il
s’en prendre ? Aux critiques d’abord, et, en particulier, à cette esp
801
ittéraires ». Ce n’est un secret pour personne qu’
ils
contribuent pour beaucoup à déterminer le succès ou l’échec d’une œuv
802
up à déterminer le succès ou l’échec d’une œuvre.
Il
semblerait, dès lors, que leur autorité — sinon de droit, du moins de
803
eur autorité — sinon de droit, du moins de fait —
dût
s’exercer au bénéfice des auteurs réputés « difficiles ». Car les aut
804
raient, sans lui, d’être incomprises ou ignorées,
il
se contente, la plupart du temps, d’être l’écho de la vague rumeur en
805
près du grand public a des causes plus graves, qu’
il
faut attribuer autant aux philosophes qu’à ceux qui ne les lisent plu
806
losophie est une activité qui ne le concerne pas.
Il
ne nie pas sa valeur intrinsèque. Ou, du moins, il ignore qu’il la ni
807
l ne nie pas sa valeur intrinsèque. Ou, du moins,
il
ignore qu’il la nie pratiquement. Il répète avec le latin cet adage b
808
sa valeur intrinsèque. Ou, du moins, il ignore qu’
il
la nie pratiquement. Il répète avec le latin cet adage bourgeois avan
809
u, du moins, il ignore qu’il la nie pratiquement.
Il
répète avec le latin cet adage bourgeois avant la lettre : primum viv
810
re, deinde philosophari. Cynisme ou naïveté ? Car
il
est évident que cette phrase, en fait, supprime toute philosophie. Ou
811
rs d’un deinde. Que demander aux hommes, sinon qu’
ils
vivent bien ! On se souvient de la noble réponse de ce proscrit de la
812
auquel on demandait à son retour en France ce qu’
il
avait fait en exil : « J’ai vécu, Monsieur, c’est bien assez ! ». Ou
813
». Ou bien le primum vivere se révèle imparfait ;
il
lui manque quelque chose : pourra-t-on l’ajouter après coup ? On ne c
814
son lieu dans l’acte et nulle part ailleurs. Mais
il
faudrait d’abord qu’elle soit elle-même un acte43. Et c’est ici la dé
815
nulle part ailleurs. Mais il faudrait d’abord qu’
elle
soit elle-même un acte43. Et c’est ici la déficience des philosophes
816
es problèmes qui se posent en fait. Mais que faut-
il
penser de ces techniques d’abstention ? ⁂ Tel est l’état des choses.
817
t de se demander si leur rencontre, à supposer qu’
elle
se produise, ne signifierait pas une révolution. Les évaluations mora
818
ont perdu toute commune mesure. Que se passerait-
il
si un beau jour le public se mettait à l’école des penseurs ? On verr
819
ion se produise. (L’hypothèse n’est pas absurde :
elle
s’est vérifiée en Allemagne, à propos de Spengler par exemple, dont o
820
Spengler par exemple, dont on sait l’influence qu’
il
exerça sur les prodromes de l’hitlérisme.) Les risques qu’elle entraî
821
ur les prodromes de l’hitlérisme.) Les risques qu’
elle
entraîne sont proprement incalculables. Qui donc voudra les encourir
822
a réveiller quelques chrétiens. Leur office n’est-
il
pas de rappeler aux peuples où se trouvent les vraies valeurs, sans a
823
que d’autres aient tout faussé, tout compromis ?
Il
est certain que la pensée chrétienne n’a jamais eu plus impérieuse ni
824
les modes de son obéissance sont plus visibles qu’
ils
ne le furent jamais. Si la pensée chrétienne existe, c’est à ce seul
825
seul niveau où pensée et action se confondent. Si
elle
veut être digne de son nom, c’est à elle seule d’oser ce que les autr
826
dent. Si elle veut être digne de son nom, c’est à
elle
seule d’oser ce que les autres ne peuvent pas oser. C’est à elle seul
827
er ce que les autres ne peuvent pas oser. C’est à
elle
seule d’entreprendre la confrontation générale des valeurs dont le mo
828
ivre et des valeurs qui jugent cette vie. C’est à
elle
, en particulier, et non pas au marxisme ni au fascisme, à conduire la
829
urgeoisie, et le peuple à sa suite, révèrent. Car
elle
seule, si toutefois elle reste digne de sa charge, elle seule n’a rie
830
sa suite, révèrent. Car elle seule, si toutefois
elle
reste digne de sa charge, elle seule n’a rien à y perdre. Faut-il ra
831
eule, si toutefois elle reste digne de sa charge,
elle
seule n’a rien à y perdre. Faut-il rappeler ici les graves avertisse
832
sa charge, elle seule n’a rien à y perdre. Faut-
il
rappeler ici les graves avertissements de Berdiaev ? Faut-il une fois
833
ici les graves avertissements de Berdiaev ? Faut-
il
une fois de plus évoquer les menaces qui pèsent sur la civilisation ?
834
erra-t-on que le service que la pensée chrétienne
doit
rendre n’est un service rendu au monde que si d’abord il est obéissan
835
re n’est un service rendu au monde que si d’abord
il
est obéissance ? Ce ne sont pas les catastrophes qui devraient effray
836
obéissance ? Ce ne sont pas les catastrophes qui
devraient
effrayer le chrétien, mais le risque plus immédiat de faillir à sa vo
837
tologique 45, de Gabriel Marcel. L’un et l’autre,
ils
répondent au vœu que j’ai tenté de formuler. Ils s’attaquent à cette
838
ils répondent au vœu que j’ai tenté de formuler.
Ils
s’attaquent à cette « transmutation des valeurs » que tout le monde s
839
s unités d’expérience sensible, saisies telles qu’
elles
se présentent au sein d’un ensemble vécu. Le grand service rendu par
840
. C’est ce renversement des valeurs « nobles » qu’
il
ne cesse de reprocher au christianisme. Voici comment il le décrit :
841
esse de reprocher au christianisme. Voici comment
il
le décrit : … l’impuissance qui n’use pas de représailles devient pa
842
nce » (c’est-à-dire l’obéissance à quelqu’un dont
ils
disent qu’il ordonne cette soumission : ils l’appellent Dieu). Ce qu’
843
-dire l’obéissance à quelqu’un dont ils disent qu’
il
ordonne cette soumission : ils l’appellent Dieu). Ce qu’il y a d’inof
844
dont ils disent qu’il ordonne cette soumission :
ils
l’appellent Dieu). Ce qu’il y a d’inoffensif chez l’être faible, sa l
845
hez l’être faible, sa lâcheté, cette lâcheté dont
il
est riche et qui, chez lui, fait antichambre, et attend à la porte, i
846
», et parfois même le pardon des offenses (« car
ils
ne savent ce qu’ils font — nous seuls savons ce qu’ils font »). On pa
847
le pardon des offenses (« car ils ne savent ce qu’
ils
font — nous seuls savons ce qu’ils font »). On parle aussi de l’« amo
848
e savent ce qu’ils font — nous seuls savons ce qu’
ils
font »). On parle aussi de l’« amour de ses ennemis » et l’on « sue à
849
ses ennemis » et l’on « sue à grosses gouttes ».
Il
est facile de dire que Nietzsche exagère ; plus difficile de conteste
850
ent — ce que je fais pour ma part sans réserve —,
il
reste à voir si les causes en sont bien celles que Nietzsche allègue.
851
iment que nous jugeons d’autant plus « idéal » qu’
il
exige de nous un moindre sacrifice. (On éloigne l’amour : ainsi l’amo
852
eux qui luttent (dans leurs luttes et au-dessus d’
elles
) ; un égalitarisme qui renie la réalité chrétienne de la vocation… Je
853
ne veux donner qu’un exemple des dissociations qu’
il
propose. L’Épargne, autrefois participation de l’idéal évangélique
854
er. À l’origine de toutes les valeurs bourgeoises
il
n’y a pas la Loi, ni l’Évangile, il y a tout au contraire une sournoi
855
de l’Évangile et de ses exigences concrètes. Est-
il
besoin de marquer, pour finir, que cette critique de l’esprit bourgeo
856
ois ? ⁂ Comme Max Scheler — au moment du moins où
il
écrivait L’Homme du ressentiment 47, M. Marcel est catholique. Sa méd
857
ntologique est la première œuvre philosophique qu’
il
ait publiée depuis sa conversion. On est heureux de constater qu’elle
858
uis sa conversion. On est heureux de constater qu’
elle
marque un élargissement en même temps qu’une simplification de sa pen
859
métaphysique. M. Marcel est un de ceux dont nous
devons
attendre qu’il fasse passer de l’air dans la philosophie française ;
860
arcel est un de ceux dont nous devons attendre qu’
il
fasse passer de l’air dans la philosophie française ; un de ceux pour
861
nts seront sans doute fort étonnés d’apprendre qu’
il
fallait, en 1934, un courage véritable pour utiliser en philosophie d
862
’approcher le mystère indéfinissable de l’être. «
Il
faut qu’il y ait, dit M. Marcel, ou il faudrait qu’il y eût de l’être
863
l’être. « Il faut qu’il y ait, dit M. Marcel, ou
il
faudrait qu’il y eût de l’être, que tout ne se réduisît pas à un jeu
864
être. Les philosophes lui sont de peu de recours.
Ils
ont fait de l’être un problème qu’ils placent devant eux et qu’ils se
865
de recours. Ils ont fait de l’être un problème qu’
ils
placent devant eux et qu’ils se mettent à critiquer, comme s’ils n’ét
866
’être un problème qu’ils placent devant eux et qu’
ils
se mettent à critiquer, comme s’ils n’étaient pas eux-mêmes en jeu !
867
ant eux et qu’ils se mettent à critiquer, comme s’
ils
n’étaient pas eux-mêmes en jeu ! Mais, dit l’auteur, « je ne puis me
868
négative du désespoir, positive de l’espérance, —
elles
sont inséparables jusqu’au bout, note M. Marcel, qui m’apparaît ici t
869
a toujours dans le sens de l’être, à condition qu’
elle
soit soutenue par une fidélité que l’auteur définit comme « une prése
870
ponibilité paradoxale : « parce que l’âme sait qu’
elle
n’est pas à elle-même, et que le seul usage entièrement légitime qu’e
871
ême, et que le seul usage entièrement légitime qu’
elle
puisse faire de sa liberté consiste précisément à reconnaître qu’elle
872
sa liberté consiste précisément à reconnaître qu’
elle
ne s’appartient pas ; c’est à partir de cette reconnaissance qu’elle
873
t pas ; c’est à partir de cette reconnaissance qu’
elle
peut agir, qu’elle peut créer » (p. 297). Je sens bien qu’un aperçu s
874
tir de cette reconnaissance qu’elle peut agir, qu’
elle
peut créer » (p. 297). Je sens bien qu’un aperçu si schématique fait
875
égligés par la technique idéaliste, d’autre part,
il
faut vivement louer l’auteur de conserver à chaque page le souci des
876
ouci des références à l’actuel. La description qu’
il
fait de l’homme moderne réduit à un complexe de fonctions ; ses allus
877
allusions au désordre social ; la corrélation qu’
il
indique entre l’optimisme du progrès technique et une philosophie du
878
ues-uns des fondements d’une éthique de l’être qu’
il
est urgent que les chrétiens opposent à la « morale des commerçants »
879
laine du Jutland. Un jour, accablé par la misère,
il
était monté sur un petit tertre et il avait maudit le Dieu tout-puiss
880
la misère, il était monté sur un petit tertre et
il
avait maudit le Dieu tout-puissant qui le laissait mourir de faim. Ce
881
ir de faim. Ce blasphème assombrit toute sa vie ;
il
ne l’empêcha pas de faire fortune. Et c’est ainsi que Kierkegaard reç
882
ifiant et une belle aisance matérielle. Du secret
il
tira son œuvre ; sa fortune, il la confia à l’un de ses frères, ne vo
883
rielle. Du secret il tira son œuvre ; sa fortune,
il
la confia à l’un de ses frères, ne voulant pas avoir affaire aux banq
884
ne voulant pas avoir affaire aux banques. Lorsqu’
il
mourut, à 42 ans, il n’en subsistait rien. L’argent provenait d’une m
885
affaire aux banques. Lorsqu’il mourut, à 42 ans,
il
n’en subsistait rien. L’argent provenait d’une malédiction, pensait-i
886
en. L’argent provenait d’une malédiction, pensait-
il
, il l’avait donc dilapidé, surtout en dons. Sa vie était très simple.
887
L’argent provenait d’une malédiction, pensait-il,
il
l’avait donc dilapidé, surtout en dons. Sa vie était très simple. Il
888
apidé, surtout en dons. Sa vie était très simple.
Il
travaillait une grande partie de la nuit. Il aimait se promener à l’a
889
ple. Il travaillait une grande partie de la nuit.
Il
aimait se promener à l’aube. Puis il se remettait à écrire. Vers midi
890
de la nuit. Il aimait se promener à l’aube. Puis
il
se remettait à écrire. Vers midi, on le voyait parcourir la rue la pl
891
On connaissait sa silhouette, ses plaisanteries,
il
avait sa légende d’« original ». On savait aussi qu’il était le meill
892
ait sa légende d’« original ». On savait aussi qu’
il
était le meilleur écrivain de son pays. Sa première œuvre eut un imme
893
re œuvre eut un immense succès ; mais à mesure qu’
il
se fit mieux comprendre, le public s’écarta, effrayé. Lorsqu’en 1854
894
ndre, le public s’écarta, effrayé. Lorsqu’en 1854
il
se mit à attaquer de front, avec une extrême violence, le christianis
895
es évêques qui avaient loué ses premières œuvres,
il
se vit abandonné dans la plus complète solitude qu’ait jamais connue
896
and esprit. Un an plus tard, épuisé par la lutte,
il
tomba dans la rue. On le transporta à l’hôpital, où il mourut paisibl
897
mba dans la rue. On le transporta à l’hôpital, où
il
mourut paisiblement, en « saluant tous les hommes ». Le seul événemen
898
es avec Régine Olsen. Mais son acte, après lequel
il
put mourir, certain d’avoir accompli sa mission, ce fut son attaque c
899
ianisme officiel, au nom du Christ de l’Évangile.
Il
avait terminé les études de théologie, mais il ne fut jamais pasteur.
900
e. Il avait terminé les études de théologie, mais
il
ne fut jamais pasteur. Il lui arriva pourtant de prêcher, et ses serm
901
udes de théologie, mais il ne fut jamais pasteur.
Il
lui arriva pourtant de prêcher, et ses sermons, réunis sous le titre
902
plusieurs volumes. Ce furent les seuls écrits qu’
il
publia sous son nom. Tous ses ouvrages esthétiques et philosophiques,
903
se, parurent sous divers pseudonymes symboliques.
Il
voulait signifier par là que ces ouvrages n’exprimaient pas encore la
904
encore la totalité de son message chrétien, et qu’
il
ne pouvait pas en assumer l’entière responsabilité devant Dieu et dev
905
nt les hommes. Ce ne fut qu’à la fin de sa vie qu’
il
s’offrit sans masques à la lutte contre l’Église établie, lutte qui d
906
ues à la lutte contre l’Église établie, lutte qui
devait
le mener à la mort parce qu’elle accomplissait sa vocation chrétienne
907
lie, lutte qui devait le mener à la mort parce qu’
elle
accomplissait sa vocation chrétienne. ⁂ On a comparé Kierkegaard à Ni
908
: à saint Paul, à Luther, mais pour se condamner.
Il
affirmait qu’il n’était qu’un « poète à tendance religieuse » et non
909
à Luther, mais pour se condamner. Il affirmait qu’
il
n’était qu’un « poète à tendance religieuse » et non pas un « témoin
910
et non pas un « témoin de la vérité » ; c’est qu’
il
se faisait du christianisme une idée si pure et si absolue qu’il voya
911
u christianisme une idée si pure et si absolue qu’
il
voyait clairement que nul homme ne peut jamais se dire chrétien. Cett
912
e a permis les interprétations les plus diverses.
Elle
assure aussi à sa pensée une influence multiforme, et qui va croissan
913
se défendre ? Et quels titres à l’existence vient-
il
produire ? Car il est excellent de défendre son moi, surtout lorsqu’i
914
uels titres à l’existence vient-il produire ? Car
il
est excellent de défendre son moi, surtout lorsqu’il détient plus de
915
est excellent de défendre son moi, surtout lorsqu’
il
détient plus de réalité que l’anonyme. Mais encore, il faudrait que c
916
tient plus de réalité que l’anonyme. Mais encore,
il
faudrait que ce moi fût fondé. Ce n’est pas évident de soi, si l’on p
917
serait la marque d’un affreux orgueil, si d’abord
elle
ne témoignait d’un ridicule défaut de sens pratique. Et que disent al
918
y croire, ou du moins sans prouver par le fait qu’
ils
y croient. Il s’agirait alors de croire à quelque chose qui légitime
919
moins sans prouver par le fait qu’ils y croient.
Il
s’agirait alors de croire à quelque chose qui légitime ce scepticisme
920
sacrifier ? Supposez qu’un homme paraisse, et qu’
il
relève le défi collectiviste. Il soutient que le solitaire est plus g
921
paraisse, et qu’il relève le défi collectiviste.
Il
soutient que le solitaire est plus grand que la foule anonyme, que la
922
sont faites pour rendre la vie impossible, puisqu’
elles
impliquent le martyre des braves chrétiens, comme si la religion, de
923
sage de supporter les maux de ce bas monde tel qu’
il
est ! L’Église, par la voix de ses évêques, tentera de prouver qu’il
924
par la voix de ses évêques, tentera de prouver qu’
il
extravague ; on proposera en public de l’interdire d’accès au temple
925
opinion unanime accablera son fol orgueil : n’a-t-
il
pas écrit que la presse est de nos jours l’obstacle décisif à la préd
926
e son temps, accablé par la réprobation générale,
il
s’en ira mourir à l’hôpital, en disant à son seul ami : « Salue tous
927
ssait à Copenhague, en l’année 1855. Depuis lors,
il
est vrai, les choses ont bien changé. On dirait même qu’elles sont au
928
ai, les choses ont bien changé. On dirait même qu’
elles
sont au pire, mais il faut prendre garde de laisser croire à nos cont
929
hangé. On dirait même qu’elles sont au pire, mais
il
faut prendre garde de laisser croire à nos contemporains que ce pire
930
ue ce pire ne puisse être aggravé, si tant est qu’
ils
s’y abandonnent. Qu’est-ce que l’esprit ? Donc, on nous parle d
931
distinction. Et lequel d’entre nous peut dire qu’
il
a calculé la dépense ? Il faudrait bien savoir de quoi l’on parle, et
932
entre nous peut dire qu’il a calculé la dépense ?
Il
faudrait bien savoir de quoi l’on parle, et ce n’est peut-être possib
933
kegaard ? Contre la presse et l’opinion publique,
il
proteste en faveur de ce qui est « original » ; contre l’emportement
934
original » ; contre l’emportement des multitudes,
il
revendique la charité mystérieuse de l’ironie ; contre l’histoire, il
935
rité mystérieuse de l’ironie ; contre l’histoire,
il
pose l’acte de l’homme responsable de son destin. Mais tout cela va a
936
va au martyre, dans le monde qu’on nous prépare ?
Il
se peut, si pourtant Dieu le veut. L’exigence de Kierkegaard se limit
937
drame, attaque et risque. Et l’on peut douter qu’
ils
y croient, ceux qui flétrissent le matérialisme au nom des biens qu’i
938
i flétrissent le matérialisme au nom des biens qu’
ils
n’ont pas su défendre ni davantage sacrifier. Ils affirment trop tard
939
ils n’ont pas su défendre ni davantage sacrifier.
Ils
affirment trop tardivement que « l’argent ne fait pas le bonheur », e
940
nt que « l’argent ne fait pas le bonheur », et qu’
il
existe d’autres biens que nulle violence ne peut dérober, mais c’est
941
ski. On pourrait en citer quelques autres. Qu’ont-
ils
donc de commun, génie à part ? Peut-être leurs souffrances seulement.
942
t ? Peut-être leurs souffrances seulement. Mais s’
il
n’est pas de hiérarchie possible en ces parages, le sacrifice y tient
943
es, le sacrifice y tient lieu de mesure, parce qu’
il
est un acte, incontestable. Telle est la nouvelle grandeur, la nouvel
944
us, de cette pensée impitoyable. Remède du pire ?
Il
fallait bien qu’on se sentît malade pour aller rechercher le médecin
945
rimée d’un autre siècle avait tué. C’est aussi qu’
il
est devenu possible de saisir, dans le déploiement des faits, et des
946
e de nos malheurs, nous retournons à l’origine où
il
se tient, nous mettons en lui notre espoir de trouver un autre chemin
947
ble à la présence dans ce temps de l’éternel. Car
il
ne suffit pas d’applaudir à ses thèses pour apaiser ce regard qui nou
948
i nous ? Si l’Opinion publique a tué Kierkegaard,
elle
n’a pas eu de prise sur les sarcasmes dont il l’a flétrie, plus chari
949
, elle n’a pas eu de prise sur les sarcasmes dont
il
l’a flétrie, plus charitables cependant que les discours en l’honneur
950
traits ironiques du grand visage de Kierkegaard,
il
me vient à l’esprit une image dont le burlesque n’aurait pas déplu à
951
rsif, dont le rire a le don d’exaspérer la Reine.
Elle
tempête et hurle son cri favori : « Qu’on lui coupe la tête ! » Alors
952
disparaît complètement. Mais à certains moments,
il
s’amuse à renaître. On voit d’abord son rire, rien que son rire qui p
953
e de l’homme, nous voici devenus bien inhumains !
Il
semble que chacun porte le poids du monde et le sombre avenir du sièc
954
rne, accablé par tous les malheurs du temps, dont
il
feint de se croire victime ou responsable53. De cet homme, justement,
955
e ! — Kierkegaard a montré « le comique infini ».
Il
faut risquer cette expression : le rire de la charité chrétienne. « L
956
s ». Mais cette « crainte d’un seul danger » peut-
elle
encore, sérieusement, caractériser le chrétien moyen de ce temps ? C’
957
veau Testament ressemble à une satire de l’homme.
Il
contient des consolations et encore des consolations pour ceux qui so
958
ations pour ceux qui souffrent à cause du Christ.
Il
suppose, sans autre, que le chrétien souffre pour sa doctrine… » Et c
959
qu’as-tu souffert pour ta doctrine ? Tu souffres,
il
est vrai, mais n’est-ce point justement pour ces choses que ta doctri
960
our ces choses que ta doctrine te montre vaines ?
Il
faudrait cependant choisir. Ou bien tu crois à la seule grâce de Dieu
961
ue tous ces dieux sont des faux dieux ? Mais sont-
ils
des faux dieux pour nous ? Appelons-nous vraiment l’esprit ? Mais non
962
) Est-ce réel ? 2) Mon voisin Christofersen l’a-t-
il
fait ? l’a-t-il réellement fait ? »55 Nous posons toujours la derniè
963
2) Mon voisin Christofersen l’a-t-il fait ? l’a-t-
il
réellement fait ? »55 Nous posons toujours la dernière question. Nou
964
chrétien souffre pour sa doctrine… » (Mais non !
il
souffre simplement de ce que tous ne l’ont pas admise) « … et il appo
965
lement de ce que tous ne l’ont pas admise) « … et
il
apporte sa consolation, et sur ce texte on nous fait des sermons, à n
966
de la Cour, le favori élu par la bonne société ;
il
paraît devant une assemblée choisie d’élus, et prêche avec émotion su
967
ie d’élus, et prêche avec émotion sur ce texte qu’
il
a choisi lui-même : “Dieu a élu dans le monde les petits et les mépri
968
ou le mal, une seule condition leur importe : qu’
ils
soient toujours comme tous les autres, qu’ils imitent, et n’agissent
969
qu’ils soient toujours comme tous les autres, qu’
ils
imitent, et n’agissent jamais seuls. » Mais ce que Dieu exige, c’est
970
que Dieu exige, c’est précisément le contraire :
il
veut l’originalité. « Voilà pourquoi la Parole de Dieu est telle qu’o
971
ouvent bien que dans l’imitation : c’est pourquoi
ils
se sentent unis en elle d’une manière si touchante, et c’est ce qu’il
972
imitation : c’est pourquoi ils se sentent unis en
elle
d’une manière si touchante, et c’est ce qu’ils appellent l’amour.57 »
973
n elle d’une manière si touchante, et c’est ce qu’
ils
appellent l’amour.57 » Rire du solitaire, qui ressemble peut-être à l
974
milieu de la foule. L’originalité Qu’entend-
il
par ce mot d’originalité ? Il faut en rapporter le sens au centre mêm
975
nalité Qu’entend-il par ce mot d’originalité ?
Il
faut en rapporter le sens au centre même de sa pensée, ou si l’on veu
976
i faussent tout : anarchie, romantisme, individu.
Il
n’est que de les mesurer à la réalité dernière de l’homme. Qu’est-ce
977
e seul devant son Dieu. Mais comment cela se peut-
il
, sinon par l’effet de la foi ? Il faut que Dieu l’appelle, qu’il le n
978
nt cela se peut-il, sinon par l’effet de la foi ?
Il
faut que Dieu l’appelle, qu’il le nomme et par là le sépare, autremen
979
’effet de la foi ? Il faut que Dieu l’appelle, qu’
il
le nomme et par là le sépare, autrement l’homme n’est rien qu’un exem
980
de ce monde, et s’y tenir comme n’étant pas tenu.
Il
n’est pas d’autre « réaction » contre « le siècle », pas d’autre révo
981
ution créatrice. Et tous nos appels à l’esprit, s’
ils
ne sont pas ce retour au Réel, ne sont que poursuite du vent, défecti
982
siècle ont l’existence qu’on leur prête : hélas !
il
serait faux de dire qu’ils n’en ont pas… Mais encore une fois, ce n’e
983
on leur prête : hélas ! il serait faux de dire qu’
ils
n’en ont pas… Mais encore une fois, ce n’est pas échapper aux chimère
984
fondée dans la transformation effective du monde.
Elle
participe encore de la dégradation. « Une objection vraiment méchante
985
condamne « la masse » n’est un aristocrate que s’
il
ne veut pas l’être. C’est qu’il se fonde sur sa vocation, et qu’il ne
986
aristocrate que s’il ne veut pas l’être. C’est qu’
il
se fonde sur sa vocation, et qu’il ne peut être lui-même que par le d
987
être. C’est qu’il se fonde sur sa vocation, et qu’
il
ne peut être lui-même que par le droit divin de la Parole qui le dist
988
qui le distingue. Suprême humilité du solitaire !
Il
ne saurait se comparer qu’à la vocation qu’il reçoit. Où l’orgueil tr
989
e ! Il ne saurait se comparer qu’à la vocation qu’
il
reçoit. Où l’orgueil trouverait-il encore à se loger chez un être à c
990
la vocation qu’il reçoit. Où l’orgueil trouverait-
il
encore à se loger chez un être à ce point simplifié qu’il n’est plus
991
e à se loger chez un être à ce point simplifié qu’
il
n’est plus rien qu’obéissance dans la mesure où il agit, et pénitence
992
l n’est plus rien qu’obéissance dans la mesure où
il
agit, et pénitence dans la mesure où sa vocation le dépasse ? Si Kier
993
Kierkegaard condamne la foule, ce n’est point qu’
il
la craigne, ou qu’il craigne d’y perdre le pauvre moi des psychologue
994
la foule, ce n’est point qu’il la craigne, ou qu’
il
craigne d’y perdre le pauvre moi des psychologues, son reproche à la
995
s psychologues, son reproche à la foule, c’est qu’
elle
n’exige rien de lui. La foule nous veut tout simplement irresponsable
996
responsables, par cela seul, nous la flattons, et
elle
nous reconnaît pour siens. Elle est le lieu de rendez-vous des hommes
997
s la flattons, et elle nous reconnaît pour siens.
Elle
est le lieu de rendez-vous des hommes qui se fuient, eux et leur voca
998
s des hommes qui se fuient, eux et leur vocation.
Elle
n’est personne, et tire de là son assurance dans le crime. « Il ne s’
999
nne, et tire de là son assurance dans le crime. «
Il
ne s’est pas trouvé un seul soldat pour oser porter la main sur Caïus
1000
mme isolé a, dans la règle, deux mains, et lorsqu’
il
porte ces deux mains sur Marius, ce sont ses mains, non celles de son
1001
. » Tout seul en face du Christ, un homme oserait-
il
s’avancer et cracher au visage du Fils de Dieu ? Mais qu’il soit foul
1002
er et cracher au visage du Fils de Dieu ? Mais qu’
il
soit foule, il aura ce « courage », — il l’a eu. Il faut aller plus l
1003
u visage du Fils de Dieu ? Mais qu’il soit foule,
il
aura ce « courage », — il l’a eu. Il faut aller plus loin. La foule n
1004
Mais qu’il soit foule, il aura ce « courage », —
il
l’a eu. Il faut aller plus loin. La foule n’est pas dans la rue seule
1005
soit foule, il aura ce « courage », — il l’a eu.
Il
faut aller plus loin. La foule n’est pas dans la rue seulement. Elle
1006
s loin. La foule n’est pas dans la rue seulement.
Elle
est dans la pensée des hommes de ce temps. Tout le génie paradoxal et
1007
Chaque fois que nous disons d’un de nos dieux qu’
il
est puissant, nous témoignons de notre démission. La foule n’a pas d’
1008
devant Dieu et d’exercer le pouvoir que je suis.
Elle
n’est que ma dégradation. Et toutes les « sciences » qui étudient ses
1009
finalement, l’homme lui-même à ses propres yeux.
Il
a voulu chasser du monde le paradoxe et le scandale du solitaire plus
1010
et le scandale du solitaire plus grand que tous.
Il
a voulu que tout s’explique, que tout s’implique, c’est-à-dire qu’il
1011
s’explique, que tout s’implique, c’est-à-dire qu’
il
a voulu bannir la possibilité scandaleuse des actes libres de la Prov
1012
our rendre un culte sanguinaire aux faux dieux qu’
elle
a suscités. « Le philosophe dit à bon droit que la vie doit être comp
1013
cités. « Le philosophe dit à bon droit que la vie
doit
être comprise en arrière, mais il oublie l’autre proposition : qu’ell
1014
it que la vie doit être comprise en arrière, mais
il
oublie l’autre proposition : qu’elle doit être vécue en avant.60 » Se
1015
arrière, mais il oublie l’autre proposition : qu’
elle
doit être vécue en avant.60 » Semble-t-il pas que le temps court plus
1016
ère, mais il oublie l’autre proposition : qu’elle
doit
être vécue en avant.60 » Semble-t-il pas que le temps court plus vite
1017
: qu’elle doit être vécue en avant.60 » Semble-t-
il
pas que le temps court plus vite depuis un siècle ? C’est que la fuit
1018
des hommes devant l’instant présent se précipite.
Ils
n’ont pas lu Hegel, bien sûr, mais Hegel est dans tous nos journaux,
1019
es clercs bourgeois. Comment lui échapper ? N’est-
il
pas la voix même de cette Âme du monde, cet Esprit de la Forme qui se
1020
tant n’est rien que le péché, mais le péché n’est-
il
pas notre réalité, notre réalité sans cesse menacée par l’Esprit de t
1021
effet de notre choix, ou un moment de notre vie ?
Ils
en parlent bien aisément…) Certains des plus lucides entrevoient le p
1022
courir à l’homme, et j’entends, à l’homme tel qu’
il
est, dans l’ordre même de son péché. Ainsi Maurras, lorsqu’il dénonce
1023
l’ordre même de son péché. Ainsi Maurras, lorsqu’
il
dénonce les mythes de l’hégélianisme social. « Le meilleur moyen de s
1024
revoir l’origine. Pour voiler le présent certain,
ils
hypothèquent le futur, mais pour gagner ce dernier gage, les habitude
1025
religieux leur font concevoir une Âme du Monde qu’
ils
se figurent (mais sans franchise, ni précision) comme une espèce de v
1026
st que nul vivant n’ose vivre. Et comment vivrait-
il
sinon par l’appel de la Providence ? Et comment se rendre à l’appel,
1027
mps, dans l’instant éternel. Le solitaire peut-
il
agir ? Le maléfice hégélien, c’est l’objectivité : cette attitude
1028
té. » La liberté, la dignité de l’homme, c’est qu’
il
soit seul le sujet de sa vie. Mais encore faut-il se garder d’entendr
1029
il soit seul le sujet de sa vie. Mais encore faut-
il
se garder d’entendre l’expression au sens des romantiques. Je suis su
1030
sion au sens des romantiques. Je suis sujet, mais
il
reste à savoir d’où vient ce je, comment il peut agir. S’agit-il d’un
1031
mais il reste à savoir d’où vient ce je, comment
il
peut agir. S’agit-il d’un impérialisme du moi pur, tel que Fichte l’a
1032
ir d’où vient ce je, comment il peut agir. S’agit-
il
d’un impérialisme du moi pur, tel que Fichte l’a follement rêvé ? Si
1033
et ses périls… Kierkegaard nous attend au réveil.
Il
nous saisit à ce moment précis où tous les systèmes s’évanouissent de
1034
s lois du monde. La foule attend : si tu la suis,
elle
te méprisera sans doute, mais c’est le sort commun, tu ne cours pas g
1035
ours pas grand risque. Si tu dis non, si tu agis,
elle
te tuera peut-être, quitte à fleurir ensuite la tombe du « héros », d
1036
nsuite la tombe du « héros », dernière insulte62.
Il
s’agit de savoir maintenant au nom de quoi tu agiras, si tu agis. Un
1037
u agiras, si tu agis. Un « moi pur », son premier
devoir
, c’est de persévérer dans son être agissant : en cette extrémité, le
1038
se justifie… Mais si ton moi n’est pas à toi ? S’
il
est ta vocation reçue d’ailleurs, et si tu l’as reçue en vérité, tu n
1039
tu n’as plus à choisir, ta mort est derrière toi,
elle
n’est plus ton affaire, elle n’est plus ton angoisse. Et surtout, ell
1040
rt est derrière toi, elle n’est plus ton affaire,
elle
n’est plus ton angoisse. Et surtout, elle n’est plus cette absurdité
1041
ffaire, elle n’est plus ton angoisse. Et surtout,
elle
n’est plus cette absurdité révoltante que rien au monde ne pourrait p
1042
sorte de sobriété… Le croyant seul agit, et seul
il
peut être sujet de son action, mais c’est qu’il est, dans l’autre sen
1043
l il peut être sujet de son action, mais c’est qu’
il
est, dans l’autre sens du terme, « assujetti » à la Parole qui vit en
1044
d est vraie. La sujétion totale est seule active.
Elle
est aussi présence au monde. Dans ce temps de la masse, où nous vivon
1045
i l’homme le plus réel, le plus présent. Parce qu’
il
sait qu’il existe un « ailleurs », et que l’éternité vient à lui, il
1046
e plus réel, le plus présent. Parce qu’il sait qu’
il
existe un « ailleurs », et que l’éternité vient à lui, il peut réelle
1047
e un « ailleurs », et que l’éternité vient à lui,
il
peut réellement et jusqu’au bout accepter de vivre hic et nunc, quand
1048
aspirations collectives. » Renversant ce rapport
il
ne resterait à montrer de Kierkegaard que sa « catégorie du solitaire
1049
e d’une collectivité vraiment vivante. Cependant,
il
vaut mieux se garder d’insister sur un tel rétablissement. Pour deux
1050
que cette « catégorie » lui soit si familière qu’
il
puisse la considérer, sans autre, comme donnée ? La tentation est for
1051
nous ayons à développer les conséquences. Ou bien
il
est, et c’est l’acte de Dieu, ou bien je l’imagine, et mon discours e
1052
e qu’est la solitude dont Kierkegaard a témoigné,
il
n’apparaît plus nécessaire de réfuter les objections du « sens social
1053
u’on parle à tous ou contre tous, chacun croit qu’
il
s’agit des autres, et personne ne se sent atteint, mais si l’on parle
1054
u chrétien, comme au seul responsable parmi nous.
Il
sait bien qu’en tous temps, le malheur de l’époque ne provient pas de
1055
, le malheur de l’époque ne provient pas de ce qu’
elle
est « sans Dieu », car nul siècle, comme tel, ne fut jamais chrétien,
1056
ne fut jamais chrétien, mais bien plutôt de ce qu’
elle
est sans maîtres, c’est-à-dire sans martyrs pour l’enseigner. C’est a
1057
re sans martyrs pour l’enseigner. C’est au sel qu’
il
faut rendre sa saveur, c’est à lui seul que l’on peut reprocher d’êtr
1058
rien d’abord n’est réel pour un seul. Maintenant,
il
faut être « l’impossible » : il faut être le solitaire. Kierkegaard p
1059
seul. Maintenant, il faut être « l’impossible » :
il
faut être le solitaire. Kierkegaard peut-il nous aider ? (Un homme po
1060
e » : il faut être le solitaire. Kierkegaard peut-
il
nous aider ? (Un homme pourrait-il nous aider ?). Ou bien seulement n
1061
erkegaard peut-il nous aider ? (Un homme pourrait-
il
nous aider ?). Ou bien seulement nous a-t-il délivrés de nos derniers
1062
rait-il nous aider ?). Ou bien seulement nous a-t-
il
délivrés de nos derniers prétextes, de nos dernières incertitudes sur
1063
exigences concrètes de l’esprit ? Mais ne fallait-
il
pas qu’il ait connu de grandes aides pour oser nous montrer la vanité
1064
concrètes de l’esprit ? Mais ne fallait-il pas qu’
il
ait connu de grandes aides pour oser nous montrer la vanité de toutes
1065
enir martyrs ! » Certes, répond Kierkegaard, mais
il
vaudrait mieux dire : « “Moi, je ne le puis pas.” Et s’il est fou de
1066
ait mieux dire : « “Moi, je ne le puis pas.” Et s’
il
est fou de penser que tous doivent l’être, il est encore beaucoup plu
1067
le puis pas.” Et s’il est fou de penser que tous
doivent
l’être, il est encore beaucoup plus fou qu’aucun ne veuille l’être. »
1068
t s’il est fou de penser que tous doivent l’être,
il
est encore beaucoup plus fou qu’aucun ne veuille l’être. » L’inévitab
1069
ment », comme disait Nietzsche, et c’est là ce qu’
ils
appellent leur petit train-train journalier. La fameuse « vie quotidi
1070
arlé. Ce qui n’est pas très étonnant, d’ailleurs.
Il
s’agit d’une œuvre allemande, d’un auteur inconnu en France jusqu’ici
1071
ouvernement qui les avait appelés officieusement.
Ils
hésitent à poursuivre. L’un d’entre eux se laisse entraîner par des r
1072
à faire ; finalement, pour se débarrasser d’eux,
il
les fait tomber dans un piège grossier : un agent provocateur leur of
1073
vocateur leur offre un engagement au Paraguay, qu’
ils
ont la naïveté d’accepter. Accusés de haute trahison, ils sont jetés
1074
la naïveté d’accepter. Accusés de haute trahison,
ils
sont jetés aussitôt dans une prison infecte, avec des Indiens lépreux
1075
es semaines d’efforts fiévreux, durant lesquelles
il
éprouve amèrement la faiblesse de son autorité, c’est-à-dire la faibl
1076
er à une révolution qui va bouleverser le Brésil.
Ils
retrouvent un de leurs compagnons du début, celui qui était parti pou
1077
le bagne, et des tortures physiques inouïes. Mais
ils
ne se retrouvent que pour aller se faire tuer ensemble devant Rio de
1078
t leur humanité, au sens le plus profond. Ce dont
ils
souffrent, ce n’est pas seulement de manquer de travail et de ne pas
1079
rtout de constater que l’Allemagne, pour laquelle
ils
se sont battus, n’a plus la force d’utiliser leurs énergies, leurs vo
1080
vocations humaines. L’un d’eux est architecte, et
il
rêvait d’entreprises coloniales : mais on ne construit plus, là-bas,
1081
oloniales : mais on ne construit plus, là-bas, et
il
n’y a plus de colonies. D’autres étaient mécaniciens, aviateurs ; un
1082
. Et les voici lancés dans une vie d’aventures qu’
ils
n’avaient pas voulue, qui les détourne de toutes leurs espérances. Ce
1083
rne de toutes leurs espérances. Ce n’est point qu’
ils
aient peur, mais tout leur apparaît absurde. Et rien n’est plus atroc
1084
subit. Arrachés de leur terre et de leur peuple,
ils
s’en vont au-devant d’une existence qui n’a plus aucun but, au-devant
1085
pouvons plus nous affirmer que par le sacrifice…
Il
ne s’agit pas de ces sacrifices dont on s’acquitte avec son argent ou
1086
t de tout sacrifier à cette fidélité. À mesure qu’
ils
s’éloignent de leur patrie, cette image grandit en eux, prend forme e
1087
dit en eux, prend forme et puissance, et c’est en
elle
qu’ils communient, c’est elle seule qui les soutient dans les plus ef
1088
ux, prend forme et puissance, et c’est en elle qu’
ils
communient, c’est elle seule qui les soutient dans les plus effroyabl
1089
ssance, et c’est en elle qu’ils communient, c’est
elle
seule qui les soutient dans les plus effroyables et dégradantes épreu
1090
yables et dégradantes épreuves. Eux, les simples,
ils
souffrent physiquement. Mais leur drame s’exprime dans la méditation
1091
on de Pillau, d’une manière non moins tragique. «
Il
découvrit, pour la première fois, une forme nouvelle de patriotisme,
1092
ne tranchée, sous les murs du fort de Capocabana,
il
a soudain la vision d’une Allemagne future renaissant de son calvaire
1093
és qui possédaient tout. Ces jeunes Allemands qui
doivent
supporter, de nos jours, toutes les misères du monde au fond de leur
1094
qui domine l’après-guerre, et dont le dénouement
doit
nous laisser d’autant moins indifférents que notre sort à tous, Europ
1095
ort à tous, Européens, y est engagé. À vrai dire,
il
est malaisé de faire la part, dans ce drame, de ce qui est national e
1096
dans les dernières phrases de Pillau, n’apparaît-
il
pas lié au seul malheur des hommes ? Et n’est-ce point là le vrai tra
1097
t de vue strictement « allemand » de l’auteur, qu’
il
est peu de problèmes plus graves pour notre avenir immédiat. Mais ce
1098
res questions. Edschmid a fait le tour du monde ;
il
a séjourné longtemps en Orient et en Amérique ; il s’est enfoncé prof
1099
l a séjourné longtemps en Orient et en Amérique ;
il
s’est enfoncé profondément dans la vie africaine ; et, de toutes ces
1100
ricaine ; et, de toutes ces enquêtes passionnées,
il
rapporte une certitude assez impressionnante : partout où il se crée
1101
une certitude assez impressionnante : partout où
il
se crée quelque chose de durable dans le monde, c’est l’œuvre d’un bl
1102
soutient ce peuple fiévreux dans les épreuves qu’
il
traverse. Ce ne sont pas les journaux qui nous apprendront tout cela.
1103
pas les journaux qui nous apprendront tout cela.
Il
faut lire Destin allemand, comme on lirait dans la conscience même d’
1104
me on lirait dans la conscience même d’un peuple.
Il
faut avoir éprouvé par ce livre la grandeur d’une telle espérance, si
1105
out aussi bien « La condition humaine ». C’est qu’
elle
éveille, en dépit de ses intentions nationalistes — au plus haut sens
1106
es — au plus haut sens du mot, je le répète, mais
il
se peut tout de même que certains lecteurs français en soient choqués
1107
perdait à soupeser des objets trop petits. 63.
Il
est curieux de noter que pas une seule femme n’apparaît dans tout le
1108
alraux, comme Edschmid, a voyagé dans des pays où
il
a pu voir les Européens mêlés à des révolutions indigènes, et comme E
1109
s à des révolutions indigènes, et comme Edschmid,
il
en a tiré des conclusions sur le destin de la race blanche, qui forme
1110
ou sa bonté fondamentale. L’homme ne s’avouera-t-
il
jamais lui-même que dans les tortures ? y. Rougemont Denis de, « [C
1111
Notes en marge de Nietzsche (mars 1935)z
Il
vient de paraître au Mercure de France un volumineux choix de sentenc
1112
et fort bien introduit ce volume, nous affirme qu’
ils
constituent le texte véritable d’une œuvre dont les volumes parus du
1113
raient guère que le commentaire. Je ne sais ce qu’
il
faut penser d’une allégation qui paraît à première vue aussi exorbita
1114
que celle qu’adopta Nietzsche dans les écrits qu’
il
fit paraître. On ne saurait trop recommander la lecture de ce recueil
1115
aiment dangereux pour un chrétien qui sait en qui
il
croit. Et pour les autres, qu’importe qu’ils perdent à cette lecture
1116
n qui il croit. Et pour les autres, qu’importe qu’
ils
perdent à cette lecture des « certitudes » mal centrées, purement tra
1117
s, est de fond en comble non historique, parce qu’
il
nie que les millénaires à venir puissent produire quelque chose qui n
1118
lle est, dans son esprit, tout à fait historique,
elle
témoigne par ce fait que l’humanité n’est plus courbée sous le joug,
1119
ue l’humanité n’est plus courbée sous le joug, qu’
elle
est redevenue païenne comme elle l’était il y a quelque mille ans. O
1120
sous le joug, qu’elle est redevenue païenne comme
elle
l’était il y a quelque mille ans. On croirait presque lire du Kierke
1121
ophie de l’Évolution selon Hegel, et dénonçait en
elle
non seulement un succédané païen de l’idée de Providence, mais surtou
1122
arent apparemment de cet événement éternel. N’est-
il
pas fort étrange et humiliant, qu’il faille un incroyant pour nous ra
1123
ernel. N’est-il pas fort étrange et humiliant, qu’
il
faille un incroyant pour nous rappeler que le salut, pour le chrétien
1124
ns le Progrès indéfini de notre histoire, mais qu’
il
est venu sur la terre, et qu’il est dès maintenant — hic et nunc ! —
1125
histoire, mais qu’il est venu sur la terre, et qu’
il
est dès maintenant — hic et nunc ! — « à la disposition » du moindre
1126
anisme en le traitant d’agent « non historique ».
Il
faut croire que cet adversaire de Hegel était encore bien mal purgé d
1127
de ses superstitions pseudo-scientifiques ! Mais
il
n’importe. Ce qui est admirable ici, c’est la lucidité avec laquelle
1128
etzsche décèle l’idolâtrie de notre temps, même s’
il
y participe pour son compte. Il est très vrai que nos contemporains o
1129
tre temps, même s’il y participe pour son compte.
Il
est très vrai que nos contemporains ont cessé de croire, dans l’ensem
1130
e, dans l’ensemble, que le salut était déjà venu.
Ils
se sont mis à croire de nouveau que le Messie naîtrait de leurs effor
1131
trait de leurs efforts indéfinis vers le Progrès.
Ils
sont redevenus païens. Les plus conscients de ce paganisme nouveau on
1132
acte de foi, fait en révolte contre la vraie foi,
ils
se persuadent que l’humanité sera meilleure, sera plus près de son «
1133
sera plus près de son « salut » dans cent ans qu’
elle
ne l’est aujourd’hui. Mais que dis-je, cent ans ! Il faut à leur espo
1134
ne l’est aujourd’hui. Mais que dis-je, cent ans !
Il
faut à leur espoir de bien plus formidables chiffres. Ouvrez le derni
1135
s répugnante qui soit. Oui, je sais bien de quoi
il
souffre, et contre quelle espèce déprimante de piétistes, arrogants d
1136
rimante de piétistes, arrogants dans leur bêtise,
il
se défend. Et pourtant, je puis donner à cette sentence une adhésion
1137
ner à cette sentence une adhésion assez méfiante.
Il
est trop clair qu’on peut inverser la maxime : « La contemplation int
1138
lligence la chose la plus répugnante qui soit. »
Il
faut perdre la croyance en Dieu, en la liberté et en l’immortalité, c
1139
ur de la réalité, celui-là n’est pas né à la foi.
Il
n’a pas la mâchoire solide. (Mais je vois bien que Nietzsche voulait
1140
es qui blessent — pour édifier » — c’est ainsi qu’
il
nommait les remarques amères qu’il ne pouvait s’empêcher de former au
1141
c’est ainsi qu’il nommait les remarques amères qu’
il
ne pouvait s’empêcher de former au spectacle de la chrétienté et dans
1142
eux… » jugez des autres ! Jugez de moi ! semble-t-
il
dire. Et c’est ainsi que l’incroyant se juge chaque fois qu’il pronon
1143
’est ainsi que l’incroyant se juge chaque fois qu’
il
prononce une vérité. En quoi l’on pourra dire qu’il ressemble fort au
1144
prononce une vérité. En quoi l’on pourra dire qu’
il
ressemble fort au croyant, — toutefois, sans le savoir, c’est là le p
1145
int. Les hommes sont le plus superstitieux quand
ils
sont très excités. Les religions se consolident dans des périodes de
1146
éaliste du péché, crée la crise bien davantage qu’
elle
n’en résulte. Ce qui résulte inévitablement d’une crise que la foi ne
1147
re est mauvaise, dit le christianisme : ne serait-
il
pas quelque chose contre nature ? Sinon, il serait, selon son propre
1148
erait-il pas quelque chose contre nature ? Sinon,
il
serait, selon son propre jugement, quelque chose de mauvais. Juste e
1149
tianisme veut leur mort, pour leur donner la vie.
Il
s’agit de savoir si la nature actuelle de l’homme est bonne ou mauvai
1150
omme est bonne ou mauvaise. La foi nous montre qu’
elle
est mauvaise. Dans ce sens, il est vrai de dire : le christianisme es
1151
i nous montre qu’elle est mauvaise. Dans ce sens,
il
est vrai de dire : le christianisme est contre nature. Et je m’expliq
1152
damentale. Mais si Nietzsche croit autre chose, s’
il
croit que la nature est bonne, pourquoi crie-t-il si fort que « l’hom
1153
il croit que la nature est bonne, pourquoi crie-t-
il
si fort que « l’homme est quelque chose qui doit être surmonté » ? Il
1154
-t-il si fort que « l’homme est quelque chose qui
doit
être surmonté » ? Il n’y a pas que les chrétiens pour ne pas croire a
1155
omme est quelque chose qui doit être surmonté » ?
Il
n’y a pas que les chrétiens pour ne pas croire assez à ce qu’ils croi
1156
ue les chrétiens pour ne pas croire assez à ce qu’
ils
croient, ou s’imaginent croire. Le repentir ! Le remords ! Le chréti
1157
emords ! Le chrétien ne pense pas à son prochain,
il
est beaucoup trop occupé de soi-même ! Quelle que soit la justesse d
1158
e « injuste » de dire des choses vraies en soi —,
elles
me laissent presque toujours plus perplexe sur son compte qu’inquiet
1159
, je trouve ceci : Nietzsche parle sans autorité.
Il
a tendance à confondre l’autorité et la violence. Mais ses violences
1160
olence. Mais ses violences sont contradictoires :
il
attaque ici l’égoïsme, dont il fait par ailleurs l’apologie, mais san
1161
contradictoires : il attaque ici l’égoïsme, dont
il
fait par ailleurs l’apologie, mais sans jamais « déclarer ses valeurs
1162
. La vie chrétienne est pleine de contradictions,
elle
aussi, mais Paul les a toutes rassemblées dans une formule unique qui
1163
Paul critique la vie des chrétiens de son temps,
il
parle avec autorité, tandis que les critiques de Nietzsche feront tou
1164
me sa rhétorique et sa dialectique ; de la sorte,
il
a empêché le christianisme de mourir de sa pauvreté spirituelle. On
1165
. Les grands mouvements fascistes ne se réclament-
ils
pas, eux aussi, d’un « spirituel » préalablement « mis au pas » ? Et
1166
de la Science, qui est son Dieu. On sait aussi qu’
il
n’a pas hésité à condamner la théorie d’Einstein parce qu’elle contre
1167
hésité à condamner la théorie d’Einstein parce qu’
elle
contredisait l’hypothèse marxiste. Croyant servir leur science, ils c
1168
’hypothèse marxiste. Croyant servir leur science,
ils
commandent à la science…, etc. Mais, afin que nul ne se croie justifi
1169
’il y a, à côté de Dieu, encore un dieu : morale,
devoir
kantien, conscience, notion humaine de la justice, science, mystique
1170
Vie, de la seule Science, du seul Bonheur ; et qu’
il
a seul le droit de contredire nos notions, trop humaines et trop inté
1171
me, ce n’est que le “Dieu moral” qui est réfuté.
Il
est bien significatif que les fragments de Nietzsche sur la religion
1172
: on prétend, sans l’avoir jamais lu, savoir qui
il
fut, qui il est. Certains ont parcouru les Propos de table, présentés
1173
d, sans l’avoir jamais lu, savoir qui il fut, qui
il
est. Certains ont parcouru les Propos de table, présentés au public f
1174
tés au public français comme un ouvrage capital :
ils
s’étonnent d’y trouver si peu de substance théologique et tant de pla
1175
re connu, dont les revues n’hésitèrent pas lorsqu’
il
parut (en 1936) à louer la mesure et la sérieuse information théologi
1176
et la sérieuse information théologique… Ceci dit,
il
est juste d’insister sur la grande valeur des travaux de quelques spé
1177
ois Facultés françaises de théologie protestante.
Il
n’en reste pas moins que l’ignorance ou la méconnaissance courantes à
1178
, qu’on déclare volontiers « inhumain », parce qu’
il
attribue tout à Dieu. Le Traité du serf arbitre C’est sans dou
1179
uelle, excité (bien plutôt que « désarmé », comme
il
le dit aux premières pages) par les procédés de l’humaniste et du sce
1180
. Tels sont les thèmes qu’illustre cet ouvrage. S’
ils
n’y sont pas traités en forme, c’est qu’ils ne constituent pas un sys
1181
ge. S’ils n’y sont pas traités en forme, c’est qu’
ils
ne constituent pas un système, au sens philosophique du mot, mais qu’
1182
un système, au sens philosophique du mot, mais qu’
ils
s’impliquent très étroitement les uns les autres, et ne peuvent être
1183
ion que nous posent toutes les pages de la Bible.
Ils
renvoient tous à une réalité dont ils ne sont que les reflets, divers
1184
e la Bible. Ils renvoient tous à une réalité dont
ils
ne sont que les reflets, diversement réfractés par nos mots. Ils renv
1185
les reflets, diversement réfractés par nos mots.
Ils
renvoient tous à la question du Christ : « … Et toi, maintenant, croi
1186
cela ? » — Si tu le crois, si tu as reçu la foi,
il
n’est plus rien de « difficile » dans les assertions de Luther, ni da
1187
n’ébranlent plus que le « vieil homme », celui qu’
il
nous faut dépouiller. « Folie pour les sages » Mais il s’en fau
1188
t dépouiller. « Folie pour les sages » Mais
il
s’en faut de presque tout que les grandes thèses pauliniennes de la R
1189
connues !) par nos contemporains, même chrétiens.
Il
s’en faut de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’un Érasme
1190
en a pas du tout le monopole : tout catholique se
doit
, en bonne logique, de les faire siens puisqu’il croit au mérite des œ
1191
doit, en bonne logique, de les faire siens puisqu’
il
croit au mérite des œuvres ; et tous les protestants qui jugent encor
1192
ses efforts et ses œuvres morales. Que trouveront-
ils
dès lors dans ce Traité ? Une verdeur de polémique qui peut flatter e
1193
nie — quoique involontaire, je le suppose —, dont
il
pouvait, en l’occurrence, l’accabler. On ne saurait souligner trop fo
1194
r nie le libre arbitre. Ceci pourrait suffire, et
doit
suffire en droit, à réfuter l’objection d’un moderne, l’objection par
1195
cle ne s’oppose. Que devient alors notre effort ?
Il
ne sert plus de rien. Nous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer
1196
s et économiques ? Toute ta science ne s’occupe-t-
elle
pas, justement, à les découvrir ? Au besoin, à les inventer ? C. M.
1197
te qui crée ma liberté, par un acte de révolte, s’
il
le faut ! L. — Tu crois donc détenir un tel pouvoir ? C. M. — Il me
1198
— Tu crois donc détenir un tel pouvoir ? C. M. —
Il
me suffit de vouloir l’affirmer. L. — Soit, c’est une hypothèse de t
1199
e de nos actions passées, présentes, futures, car
elles
sont dans le temps, Dieu dans l’Éternité qui est avant le temps, qui
1200
que je les fais librement, et tu viens me dire qu’
elles
sont prévues ! Et prévues par un Dieu éternel, qui alors se joue de m
1201
u éternel, qui alors se joue de moi indignement !
Il
faudra donc choisir : Dieu ou moi. Je dirai : moi. Dussè-je tuer Dieu
1202
Dussè-je tuer Dieu, comme Nietzsche a proclamé qu’
il
avait fait. L. — Mais l’homme est « chair », et cette chair est liée
1203
à l’espace et au temps. Comment le temps tuerait-
il
l’Éternel ? Comment la chair tuerait-elle l’Esprit ? Elle ne peut tue
1204
s tuerait-il l’Éternel ? Comment la chair tuerait-
elle
l’Esprit ? Elle ne peut tuer que l’idée fausse qu’elle s’en formait…
1205
ternel ? Comment la chair tuerait-elle l’Esprit ?
Elle
ne peut tuer que l’idée fausse qu’elle s’en formait… Tu affirmes que
1206
l’Esprit ? Elle ne peut tuer que l’idée fausse qu’
elle
s’en formait… Tu affirmes que si Dieu prévoit tout, tu es alors dispe
1207
faire aucun effort. Si tout est décidé d’avance,
il
n’y a plus qu’à se laisser aller à la manière des musulmans. C’est pe
1208
t l’imaginer que morte. Mais la Bible nous dit qu’
elle
est la Vie, et que notre vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous p
1209
e chose d’immobile, de statique ? Qui nous dit qu’
elle
n’est pas, au contraire, la source de tout acte et de toute création,
1210
e chose au déroulement calculable du temps, quand
elle
le touche dans l’instant (dans un « atome » de temps, comme l’écrit P
1211
on, tout attachée à notre chair, à notre temps où
elle
s’est constituée, soit capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandal
1212
promesse, une prière précise et instante, ne vit-
il
pas ce paradoxe et ce mystère : croire que « l’Éternel est vivant »,
1213
rien soit changé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’
il
décide ou de ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « te
1214
qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’
il
décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’est pas li
1215
dera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps »,
il
n’est pas lié comme nous à une succession. Mais, au contraire, nos di
1216
liés : nous venons de lui, nous retournons à lui,
il
est en nous lorsque l’Esprit dit la Parole dans notre cœur. Quelle ét
1217
rnel est une décision dans le passé ! Quand c’est
elle
seule qui définit notre présent ! Est-ce que nos objections « philoso
1218
dégager l’alternative du libre arbitre, telle qu’
elle
se pose dans les termes extrêmes où elle revêt sa vraie réalité : c’e
1219
telle qu’elle se pose dans les termes extrêmes où
elle
revêt sa vraie réalité : c’est l’Éternel qui commande, — ou c’est moi
1220
é : c’est l’Éternel qui commande, — ou c’est moi.
Il
n’y a pas là de difficultés intellectuelles. Il n’y a que la résistan
1221
. Il n’y a pas là de difficultés intellectuelles.
Il
n’y a que la résistance acharnée du « vieil homme », et les prétextes
1222
riture, — or, cette Parole est Christ lui-même, —
il
me paraît que l’opinion de Luther n’est pas sujette à de sérieuses ob
1223
: 12-13). C’est parce que Dieu fait tout que nous
devons
agir, selon qu’il nous l’a commandé. C’est parce que Dieu a tout prév
1224
que Dieu fait tout que nous devons agir, selon qu’
il
nous l’a commandé. C’est parce que Dieu a tout prévu que nous avons e
1225
dans les choses du salut. Mais que le Christ ait
dû
mourir — cet acte extrême — pour nous sauver, fait voir que nous n’av
1226
ar nous-mêmes, dans notre péché. Et, à l’inverse,
il
faut oser descendre jusqu’au fond de la connaissance du péché pour vo
1227
’au fond de la connaissance du péché pour voir qu’
il
n’y a de liberté possible que dans la grâce que Dieu nous fait. Toute
1228
e du salut est un problème de vie ou de mort. Or,
il
est seul en cause pour le théologien. Et tout est clair lorsque l’on
1229
t notre faculté de vouloir, mais nie seulement qu’
elle
puisse suffire à nous obtenir le salut, étant elle-même soumise au ma
1230
este est psychologie, littérature et scolastique.
Il
n’en reste pas moins qu’aux yeux de la raison — cette folle comme le
1231
t vraiment à la difficulté ; ou si, au contraire,
ils
ne la retrouvent pas, mais dans un plan où elle reste insoluble. Éras
1232
e, ils ne la retrouvent pas, mais dans un plan où
elle
reste insoluble. Érasme était encore catholique ; son humanisme mesur
1233
ul — et l’Évangile — posent à notre foi. C’est qu’
il
a poussé, comme Luther, jusqu’aux extrêmes limites de l’homme, jusqu’
1234
i l’étreint, dès lors que « Dieu est mort » ou qu’
il
l’a « tué », il imagine le Retour éternel. Et comme ce Retour éternel
1235
lors que « Dieu est mort » ou qu’il l’a « tué »,
il
imagine le Retour éternel. Et comme ce Retour éternel paraît exclure
1236
our éternel paraît exclure toute liberté humaine,
il
se met à prêcher l’amor fati, l’adhésion volontaire et joyeuse à la f
1237
de reconnaître notre totale irresponsabilité, qu’
il
croit trouver et regagner la dignité suprême de l’homme sans Dieu. Êt
1238
idence. En vérité, c’est bien du même problème qu’
il
s’agit. Le seul problème, dès qu’on en vient à une épreuve radicale d
1239
n vient à une épreuve radicale de la vie. Au « tu
dois
» des chrétiens, qui est prononcé par Dieu, Nietzsche oppose le « je
1240
de l’homme divinisé. Puis, à l’existence de Dieu,
il
oppose sa propre existence72. Mais la difficulté fondamentale que pos
1241
essité conditionnelle et nécessité absolue, comme
ils
disent », et ce ils désigne « les sophistes », c’est-à-dire les scola
1242
e et nécessité absolue, comme ils disent », et ce
ils
désigne « les sophistes », c’est-à-dire les scolastiques. 70. Comme
1243
réel aux yeux des peuples qu’à partir du jour où
il
sera capable de répondre avec force et autorité aux questions politiq
1244
orité aux questions politiques de notre temps. Qu’
il
le pressente, qu’il ait au moins une sorte de conscience anxieuse de
1245
politiques de notre temps. Qu’il le pressente, qu’
il
ait au moins une sorte de conscience anxieuse de l’œuvre à faire, c’e
1246
liques » improvisées à la veille de la guerre. Qu’
il
soit encore très loin d’une vision dynamique de l’action immédiate, c
1247
te, c’est ce que prouvent ces mêmes déclarations.
Elles
souffrent avant tout d’un manque de ton, qui révèle un manque de néce
1248
on, qui révèle un manque de nécessité intérieure.
Elles
expriment l’accord d’un certain nombre de bonnes volontés, non pas l’
1249
on pas l’élan d’une volonté précise et combative.
Elles
sont un respectable résultat, mais non pas un point de départ. Sans d
1250
non pas un point de départ. Sans doute garderont-
elles
une valeur historique. Mais comme beaucoup de documents qui prennent
1251
qui prennent par la suite une valeur historique,
elles
auront passé inaperçues en leur temps. Ce manque d’efficacité des mes
1252
le plan politique, provient sans doute du fait qu’
ils
sont des compromis, des accords minima, obtenus non sans peine et for
1253
u moins acceptable de l’autre. Sans doute n’était-
il
pas possible de faire davantage à ce moment. En fait, on a examiné la
1254
amendements. Et pour qu’une initiative aboutisse,
il
faut qu’elle représente un risque autant et plus qu’une prudence, il
1255
. Et pour qu’une initiative aboutisse, il faut qu’
elle
représente un risque autant et plus qu’une prudence, il faut qu’elle
1256
résente un risque autant et plus qu’une prudence,
il
faut qu’elle soit portée par une passion qui jaillisse du tréfonds de
1257
risque autant et plus qu’une prudence, il faut qu’
elle
soit portée par une passion qui jaillisse du tréfonds de sa foi créat
1258
eur dessein. Dans un certain sens, nous dirons qu’
ils
partaient sans cesse d’eux-mêmes, de leur foi ou de leur ambition, la
1259
eur action fut puissante dans la mesure exacte où
elle
fut l’expression directe de leur être. Si le mouvement œcuménique veu
1260
ur être. Si le mouvement œcuménique veut agir, et
il
le doit, il faut qu’il reconnaisse d’abord cette loi fondamentale de
1261
e. Si le mouvement œcuménique veut agir, et il le
doit
, il faut qu’il reconnaisse d’abord cette loi fondamentale de l’action
1262
le mouvement œcuménique veut agir, et il le doit,
il
faut qu’il reconnaisse d’abord cette loi fondamentale de l’action. En
1263
t œcuménique veut agir, et il le doit, il faut qu’
il
reconnaisse d’abord cette loi fondamentale de l’action. En d’autres t
1264
loi fondamentale de l’action. En d’autres termes,
il
faut que son action politique parte de lui-même, de ce qu’il a, de ce
1265
son action politique parte de lui-même, de ce qu’
il
a, de ce qu’il est, et de sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunter
1266
itique parte de lui-même, de ce qu’il a, de ce qu’
il
est, et de sa foi constitutive. Il n’a pas à emprunter ici et là pour
1267
il a, de ce qu’il est, et de sa foi constitutive.
Il
n’a pas à emprunter ici et là pour composer une mosaïque de mesures d
1268
sirables, mais au contraire sa position politique
doit
exprimer d’une façon nécessaire sa nature même. Ses déclarations doiv
1269
façon nécessaire sa nature même. Ses déclarations
doivent
traduire en termes d’organisation pratique les principes qui sont imp
1270
avec une inflexible conséquence. Résumons-nous :
il
ne s’agit pas d’adopter une politique accidentellement ou indirecteme
1271
entellement ou indirectement « chrétienne », mais
il
s’agit d’actualiser la politique impliquée dès le début dans la volon
1272
économiques, sociales, politiques et religieuses,
ils
se dégagent avec d’autant plus de simplicité qu’ils ont atteint un cl
1273
s se dégagent avec d’autant plus de simplicité qu’
ils
ont atteint un climat presque mortel. Conflit politique et économique
1274
oi, c’est-à-dire à la fois excessif et incomplet.
Il
s’ensuit que dans leur plan, il n’y a pas de solution possible. Ils s
1275
sif et incomplet. Il s’ensuit que dans leur plan,
il
n’y a pas de solution possible. Ils sont inconciliables parce que, de
1276
ans leur plan, il n’y a pas de solution possible.
Ils
sont inconciliables parce que, de la combinaison de deux erreurs, on
1277
pliés. Pour résoudre l’opposition unité-division,
il
serait vain de rechercher une solution intermédiaire ou « libérale »,
1278
ibérale », à mi-chemin des deux erreurs en lutte.
Il
faut changer de plan, et retrouver l’attitude centrale dont ces deux
1279
éviations morbides. Entre la peste et le choléra,
il
n’y a ni « juste milieu » ni synthèse possible. Il faut revenir à la
1280
l n’y a ni « juste milieu » ni synthèse possible.
Il
faut revenir à la santé. Et tout d’abord, il faut se la représenter.
1281
ble. Il faut revenir à la santé. Et tout d’abord,
il
faut se la représenter. La santé politique et économique s’appelle fé
1282
glise universelle, implicitée par le fait même qu’
il
existe un effort œcuménique. Nous supposons cette doctrine, dès lors
1283
notée par le rejet de l’hérésie unitaire. Certes,
il
n’est pas de pire menace pour le mouvement œcuménique que l’utopie et
1284
n ou de doctrine), c’est dans la mesure exacte où
elles
ont douté d’une union par essence incontrôlable, qu’elles ont perdu l
1285
t douté d’une union par essence incontrôlable, qu’
elles
ont perdu leur communion réelle. Rappelons ici l’histoire de la tour
1286
hommes, conduisit à la division de leur langage.
Il
convient de laisser aux théologiens le soin de définir la doctrine po
1287
a doctrine positive de l’union au nom de laquelle
doit
être condamnée l’hérésie unitaire. Doctrine de la multiplicité des do
1288
uel que soit le nom qu’on lui donne, en aucun cas
elle
ne manquera de fondements bibliques indiscutables. (Pour ma part, je
1289
. Ce qui me paraît d’une excellente méthode.) Est-
il
permis d’en appeler aussi au précédent des sept églises d’Asie, possé
1290
aux docteurs de l’Église. Mais voici ce que nous
devons
affirmer dès maintenant : la théologie de l’œcuménisme considère que
1291
me. Un deuxième trait, complémentaire d’ailleurs,
doit
être au moins rappelé ici : la théologie de l’œcuménisme ne vise pas
1292
es, dans les diverses Églises, mais au contraire,
elle
a pour premier effet de les renforcer en les rendant plus conscientes
1293
entiques, et c’est par ce détour, précisément, qu’
elle
espère atteindre une communion d’esprit en profondeur. En d’autres te
1294
u’avec des orthodoxies que j’appellerai ouvertes.
Elle
ne peut embrasser une orthodoxie qui céderait consciemment à la tenta
1295
réel fût au ciel, mais plusieurs ont agi comme s’
il
était sur la terre, c’est-à-dire à leur disposition. Plusieurs ont id
1296
mais pratiquement puis théoriquement absolutisé,
il
n’y a pas de recours ou d’appel possibles de la part du fidèle. Il do
1297
ecours ou d’appel possibles de la part du fidèle.
Il
doit se soumettre ou sortir. S’il se soumet, il court le risque d’obé
1298
urs ou d’appel possibles de la part du fidèle. Il
doit
se soumettre ou sortir. S’il se soumet, il court le risque d’obéir au
1299
part du fidèle. Il doit se soumettre ou sortir. S’
il
se soumet, il court le risque d’obéir aux hommes plutôt qu’à Dieu. S’
1300
. Il doit se soumettre ou sortir. S’il se soumet,
il
court le risque d’obéir aux hommes plutôt qu’à Dieu. S’il sort, c’est
1301
le risque d’obéir aux hommes plutôt qu’à Dieu. S’
il
sort, c’est avec amertume, et l’Église qu’il fondera peut-être sera o
1302
u. S’il sort, c’est avec amertume, et l’Église qu’
il
fondera peut-être sera opposée à l’ancienne, au lieu d’être seulement
1303
être seulement plus vraie, donc plus universelle.
Elle
sera déformée à rebours, au lieu d’être réformée, je n’épiloguerai pa
1304
cuménique. Sa volonté d’unité s’oppose à l’union.
Elle
transforme la diversité en division. Alors il y a scandale, et c’est
1305
pposé au thème de l’unité systématique. Notons qu’
il
n’entraîne aucunement un éloge de la « tolérance » libérale à base d’
1306
vitale. Le poumon n’a pas à « tolérer » le cœur !
Il
doit être un vrai poumon, et dans cette mesure même, il aidera le cœu
1307
ale. Le poumon n’a pas à « tolérer » le cœur ! Il
doit
être un vrai poumon, et dans cette mesure même, il aidera le cœur à ê
1308
t être un vrai poumon, et dans cette mesure même,
il
aidera le cœur à être un bon cœur. Notons aussi que les Églises qui n
1309
mun et les contrats. Tous les membres de la tribu
devaient
agir de la même manière, minutieusement prescrite par les usages, et
1310
ntrifuge par rapport à la communauté d’origine, s’
il
se confond d’abord avec l’intelligence et la raison, ne tarde pas à a
1311
raison, ne tarde pas à affaiblir le lien social.
Il
s’oriente vers l’anarchie. À ce moment se crée un sentiment de vide s
1312
osition n’est pas aussi profonde qu’on l’imagine.
Il
s’agit plutôt d’une succession inévitable. L’individu ne s’oppose à l
1313
us de dissolution commencé par l’individualisme :
il
liquide les groupes existants pour mieux accomplir son unification, s
1314
’admettant pas de recours au-delà de son pouvoir,
il
se prive de toute inspiration créatrice. L’homme n’est plus qu’une fo
1315
de la communauté barbare du sang. Mais plus tard
elle
a sombré dans l’anarchie. Rome a triomphé de l’anarchie et sombre mai
1316
e produit l’événement unique de l’Incarnation. Et
il
apporte à la question des temps la réponse éternelle de l’Église. Qu’
1317
pas sur le passé ou sur des origines communes : «
Il
n’y a plus ni Juif ni Grec. » Elles ne se fondent pas sur la classe o
1318
nes communes : « Il n’y a plus ni Juif ni Grec. »
Elles
ne se fondent pas sur la classe ou la race, ni sur quelque autre réal
1319
lien n’est pas terrestre d’abord, ni leur chef :
il
s’est assis au ciel à la droite de Dieu. Leur ambition non plus n’est
1320
ieu. Leur ambition non plus n’est pas terrestre :
elles
attendent la fin des temps. Et cependant, elles constituent bel et bi
1321
: elles attendent la fin des temps. Et cependant,
elles
constituent bel et bien les germes d’une société véritable. Elles ont
1322
t bel et bien les germes d’une société véritable.
Elles
ont leur organisation sociale, leurs chefs locaux, leurs hiérarchies,
1323
ères » et le sauve de la solitude ; d’autre part,
il
revêt une dignité humaine nouvelle, puisqu’il a été racheté, et qu’il
1324
rt, il revêt une dignité humaine nouvelle, puisqu’
il
a été racheté, et qu’il a reçu la promesse de sa résurrection individ
1325
humaine nouvelle, puisqu’il a été racheté, et qu’
il
a reçu la promesse de sa résurrection individuelle. Il est donc à la
1326
reçu la promesse de sa résurrection individuelle.
Il
est donc à la fois engagé et libéré, et ceci en vertu d’un seul et mê
1327
en vertu d’un seul et même fait : la vocation qu’
il
a reçue de l’Éternel. Cet homme d’un type nouveau n’est pas l’individ
1328
un type nouveau n’est pas l’individu grec, puisqu’
il
se soucie davantage de servir que de se distinguer. Il n’est pas non
1329
soucie davantage de servir que de se distinguer.
Il
n’est pas non plus le simple rouage, la simple fonction dans l’État q
1330
on dans l’État qu’était le citoyen romain, puisqu’
il
possède une dignité indépendante de son rôle social. Comment le bapti
1331
endante de son rôle social. Comment le baptiser ?
Il
faut un mot nouveau. Ou plutôt, on va prendre un mot déjà connu, mais
1332
e avec son sens nouveau, et la réalité sociale qu’
il
désigne, sont bel et bien des créations chrétiennes, ou pour mieux di
1333
rnel conflit entre la liberté individuelle et les
devoirs
vis-à-vis de la collectivité. C’est le même Dieu qui, par la vocation
1334
ivité. C’est le même Dieu qui, par la vocation qu’
il
envoie à l’homme, distingue cet homme de tous les autres et le remet
1335
sa fidélité à l’Éternel. Ainsi les droits et les
devoirs
du particulier ont le même fondement que les droits et les devoirs de
1336
ulier ont le même fondement que les droits et les
devoirs
de l’ensemble. Ils ne sont plus contradictoires. Ce qui libère un hom
1337
ment que les droits et les devoirs de l’ensemble.
Ils
ne sont plus contradictoires. Ce qui libère un homme est aussi ce qui
1338
rop flottant et le soldat politique trop esclave.
Elle
est l’homme intégral, dont les deux autres ne sont que des maladies.
1339
t que des maladies. Dans le plan humain immanent,
il
n’y a pas d’équilibre possible entre l’anarchie et l’unité forcée, l’
1340
la liberté, mais là aussi est la vraie communion.
Il
nous reste à développer maintenant les implications politiques de cet
1341
du fédéralisme Nous en avons assez dit pour qu’
il
soit désormais facile de voir qu’à l’attitude œcuménique en religion
1342
politique. Quant à la philosophie de la personne,
elle
sera normalement celle du bon citoyen d’une fédération. La devise par
1343
même que l’État cesse d’être un vrai État dès qu’
il
se veut souverain absolu, l’homme cesse d’être un homme intégral dès
1344
lu, l’homme cesse d’être un homme intégral dès qu’
il
absolutise sa liberté.) Le fédéralisme part des groupes locaux (régio
1345
par l’organe central qui lie toutes les régions,
il
ménage un recours au citoyen contre les abus de pouvoirs locaux. Il c
1346
rs au citoyen contre les abus de pouvoirs locaux.
Il
cherche la coopération organique de ses membres et non cette caricatu
1347
xtérieures des groupes qui forment la fédération,
il
cherche à vivifier leurs foyers. Et de la sorte, à l’équilibre méfian
1348
re méfiant et statique des puissances affrontées,
il
substitue l’émulation vivante des valeurs originales. Spinoza définit
1349
par « églises » et par « régions ». Enfin nous ne
devons
pas hésiter à compléter notre tableau en indiquant au moins ceci : qu
1350
divers d’une seule et même attitude spirituelle.
Ils
s’engendrent l’un l’autre et s’appuient mutuellement. Ils ont les mêm
1351
gendrent l’un l’autre et s’appuient mutuellement.
Ils
ont les mêmes structures et les mêmes ambitions. Ils opposent égaleme
1352
ont les mêmes structures et les mêmes ambitions.
Ils
opposent également à la notion d’unité rigide celle de communion ; à
1353
terme de démocratie dans ce qui précède. C’est qu’
il
recouvre actuellement de trop graves malentendus et abus. L’œcuménism
1354
blir ce qu’on nommait chez eux la « démocratie ».
Ils
attendent un régime qui puisse allier la liberté à la communauté. Dan
1355
té pratique de réaliser la vraie démocratie. Mais
il
a le grand avantage de réaliser en même temps ce qu’il y a de valable
1356
ution ». Car pour qu’une révolution se déclenche,
il
faut une vision, une doctrine et une tactique nouvelles. Mais où sont
1357
doctrine et une tactique nouvelles. Mais où sont-
elles
? Qui les prépare ? Le capitalisme et l’individualisme ont reçu en Eu
1358
tat de guerre, qui ne peut subsister normalement.
Il
ne reste donc à prévoir qu’un vide économique, idéologique et social
1359
meure, c’est l’organisation fédéraliste du monde.
Elle
seule apporte du nouveau. Elle seule répond à la fois aux aspirations
1360
éraliste du monde. Elle seule apporte du nouveau.
Elle
seule répond à la fois aux aspirations confuses des peuples et aux né
1361
s peuples et aux nécessités pratiques de la paix.
Elle
seule s’oppose à la fois au capitalisme individualiste et au totalita
1362
cette réponse ? Le rôle d’Hitler est de détruire.
Il
détruit les contradictions intolérables d’une Europe qui s’obstinait
1363
toute sa force, et sa victoire même l’épuiserait.
Il
n’y aurait plus qu’une table rase couverte de ruines pulvérisées. Le
1364
Le rôle de Churchill est de faire la guerre. Mais
il
ne pourra pas la gagner réellement s’il ne propose rien aux peuples d
1365
rre. Mais il ne pourra pas la gagner réellement s’
il
ne propose rien aux peuples de l’Europe. Or il dit qu’il n’en a pas l
1366
s’il ne propose rien aux peuples de l’Europe. Or
il
dit qu’il n’en a pas le temps… Quant au rôle de Staline, il paraît êt
1367
ropose rien aux peuples de l’Europe. Or il dit qu’
il
n’en a pas le temps… Quant au rôle de Staline, il paraît être de prof
1368
il n’en a pas le temps… Quant au rôle de Staline,
il
paraît être de profiter de la guerre des autres pour consolider l’aut
1369
e de se demander si les Églises peuvent répondre,
il
faut qu’elles comprennent qu’elles le doivent. Mais les deux termes n
1370
ander si les Églises peuvent répondre, il faut qu’
elles
comprennent qu’elles le doivent. Mais les deux termes ne se confonden
1371
peuvent répondre, il faut qu’elles comprennent qu’
elles
le doivent. Mais les deux termes ne se confondent-ils pas dans la réa
1372
épondre, il faut qu’elles comprennent qu’elles le
doivent
. Mais les deux termes ne se confondent-ils pas dans la réalité de la
1373
le doivent. Mais les deux termes ne se confondent-
ils
pas dans la réalité de la foi ? Certes ! Si les Églises sont fidèles
1374
Certes ! Si les Églises sont fidèles à leur chef,
elles
savent qu’il règne et crée pour ceux qui croient la possibilité de fa
1375
Églises sont fidèles à leur chef, elles savent qu’
il
règne et crée pour ceux qui croient la possibilité de faire ce qu’il
1376
ur ceux qui croient la possibilité de faire ce qu’
il
demande. Dans l’état d’impuissance apparente où se voient aujourd’hui
1377
ourd’hui les Églises, si cette foi seule demeure,
elle
sera suffisante. Aussi bien, certaines raisons de croire que l’Église
1378
peut agir, raisons que nous allons énumérer, sont-
elles
moins destinées à combattre des doutes qu’à fortifier des espérances
1379
s religieux. Voilà le premier. A-t-on remarqué qu’
il
existe une forme de totalitarisme correspondant à la Russie orthodoxe
1380
e et à l’Espagne catholiques romaines, — alors qu’
il
n’en existe aucune qui se soit développée en pays calvinistes, ou seu
1381
t jamais été établie d’une manière satisfaisante.
Il
en résultait, dans le peuple, le sentiment que l’Église et l’État for
1382
olution copie toujours la structure du pouvoir qu’
elle
renverse, un Staline, un Hitler et, dans une mesure moindre, un Musso
1383
eur compte le césaropapisme ou la théocratie dont
ils
triomphaient : ils réclamèrent à la fois le pouvoir temporel et l’aut
1384
opapisme ou la théocratie dont ils triomphaient :
ils
réclamèrent à la fois le pouvoir temporel et l’autorité spirituelle,
1385
et de l’État a toujours été réelle — même lorsqu’
elle
n’était pas strictement établie par la loi. De même les devoirs de la
1386
t pas strictement établie par la loi. De même les
devoirs
de la vocation personnelle ont toujours été mis au-dessus des devoirs
1387
on personnelle ont toujours été mis au-dessus des
devoirs
envers le Pouvoir politique. Lors donc que la foi s’est affaiblie dan
1388
subsistent — royauté, hiérarchies sociales — mais
il
s’y introduit un contenu socialiste. (Là encore avec moins de secouss
1389
é « des Églises et des personnes particulières ».
Elle
doit donc s’organiser en fédération de paroisses et de provinces, par
1390
es Églises et des personnes particulières ». Elle
doit
donc s’organiser en fédération de paroisses et de provinces, par syno
1391
par synodes. Ce type de relations ecclésiastiques
devait
trouver sa traduction politique dans un fédéralisme plus ou moins acc
1392
erminée par le fait — d’ordre ecclésiastique — qu’
il
fut fondé par des seceders.) Et l’on sait que les réformés de France,
1393
-à-dire le premier plan d’une Europe confédérée.
Il
serait aisé de développer, de nuancer et de multiplier de tels exempl
1394
que l’action, que le mouvement œcuménique peut et
doit
exercer sur ces processus religieux, préparera le terrain pour une ac
1395
l’œcuménisme, et la philosophie de la personne qu’
elle
implique, sont les seules bases actuellement concevables pour un ordr
1396
est une contradiction dans les termes, à moins qu’
elle
ne soit la formule de la religion totalitaire, sans transcendance, qu
1397
t tout ce que nous avons d’expérience de la paix,
elles
convoient et contiennent en même temps un indiscutable dynamisme révo
1398
nt aux besoins les plus légitimes de notre temps.
Il
nous rend les vraies formules de la communauté vivante, celle qui ras
1399
éparer la réconciliation des adversaires actuels.
Il
ne se fonde pas sur un compromis entre des erreurs opposées, mais sur
1400
centrale qui dépasse ces erreurs en même temps qu’
elle
ré-axe les vérités égarées dans les deux camps. (N’oublions pas que l
1401
ableau que nous venons d’esquisser est ambitieux.
Il
veut l’être, parce qu’il doit l’être. L’action du chrétien n’est jama
1402
esquisser est ambitieux. Il veut l’être, parce qu’
il
doit l’être. L’action du chrétien n’est jamais partie de la prudente
1403
uisser est ambitieux. Il veut l’être, parce qu’il
doit
l’être. L’action du chrétien n’est jamais partie de la prudente consi
1404
rtie de la prudente considération des forces dont
il
croyait pouvoir disposer, mais de ce que Dieu voulait qu’il fît. C’es
1405
pouvoir disposer, mais de ce que Dieu voulait qu’
il
fît. C’est toujours une utopie apparente ; en réalité, ce n’est qu’un
1406
e que dans l’épreuve missionnaire universelle, qu’
il
doit affronter maintenant. 73. Note de 1946 : Je n’ai pas un mot à
1407
ue dans l’épreuve missionnaire universelle, qu’il
doit
affronter maintenant. 73. Note de 1946 : Je n’ai pas un mot à chan
1408
, Paris, septembre–octobre 1946, p. 621-639. ac.
Il
s’agit d’une traduction en français de « Ecumenicity and federalism »
1409
ad ae Tout ne fut pas toujours de notre faute.
Ils
souffraient de famine quand nous n’étions pas nés. Ils meurent encore
1410
ouffraient de famine quand nous n’étions pas nés.
Ils
meurent encore de faim, mais en bien plus grand nombre — c’est un rés
1411
fois-ci, notre faute est immense, mais ailleurs :
elle
est d’avoir offert, ou plutôt imposé aux élites occidentalisées du ti
1412
italiste ou communiste ne fait aucune différence.
Ils
se trompent d’Europe, quand ils veulent l’imiter, surtout pour mieux
1413
ucune différence. Ils se trompent d’Europe, quand
ils
veulent l’imiter, surtout pour mieux s’en libérer. Ils choisissent ce
1414
eulent l’imiter, surtout pour mieux s’en libérer.
Ils
choisissent celle qui les a dominés, mais c’est choisir aussi celle q
1415
uls moyens de s’en tirer sans catastrophes. Car s’
il
est vrai que l’Europe est responsable de la plupart des maux qui acca
1416
ù famine, mais d’où soif aussi de nos industries,
il
est non moins vrai que l’Europe seule peut produire les anticorps des
1417
seule peut produire les anticorps des toxines qu’
elle
a répandues, et peut élaborer un modèle politique qui soit tentant po
1418
de sa libération les conclusions que nous aurions
dû
tirer, pour notre part, de l’échec du colonialisme, je suis sceptique
1419
t, de l’échec du colonialisme, je suis sceptique.
Il
se peut que le tiers-monde ne désire imiter qu’un Occident dominateur
1420
les chances de votre projet ? Quelles forces peut-
il
mobiliser ? Qui est pour ? Qui sera contre ? Et qui va le prendre en
1421
ir et sentir la nécessité des régions, en tant qu’
elle
me paraît lisiblement inscrite dans la problématique de notre temps.
1422
une conversation ou un colloque privé. Pourtant,
ils
ne font rien de visible dans ce sens, tout occupés qu’ils sont à se m
1423
ont rien de visible dans ce sens, tout occupés qu’
ils
sont à se maintenir au pouvoir. Ils voudraient bien agir dans le sens
1424
ut occupés qu’ils sont à se maintenir au pouvoir.
Ils
voudraient bien agir dans le sens de mon plan, mais s’ils en montraie
1425
raient bien agir dans le sens de mon plan, mais s’
ils
en montraient l’intention, ils perdraient aussitôt, et à coup sûr, le
1426
e mon plan, mais s’ils en montraient l’intention,
ils
perdraient aussitôt, et à coup sûr, le pouvoir de le faire peut-être
1427
i ait risqué l’expérience, dont rien ne prouve qu’
elle
n’eût pas réussi. Mais je ne vais pas me dérober à une question que j
1428
de Rome ? Et qu’ont fait les partis politiques ?
Ils
sont encore « nationaux » avant tout, donc pas plus régionaux qu’euro
1429
me jeu donc pour la droite et la gauche, selon qu’
elles
ont le pouvoir ou seulement l’ambitionnent : sa structure leur dicte
1430
ps utile. — Mais la Jeunesse ? — Pour autant qu’
elle
n’est pas un mythe journalistique, je la vois partagée dans sa majori
1431
vouement rituel d’une aristocratie qui sait ce qu’
elle
se doit. Plus grave encore, cette civilisation ne peut produire nulle
1432
rituel d’une aristocratie qui sait ce qu’elle se
doit
. Plus grave encore, cette civilisation ne peut produire nulle garanti
1433
Le monde va finir. La seule raison pour laquelle
il
pourrait durer, c’est qu’il existe. Que cette raison est faible, comp
1434
raison pour laquelle il pourrait durer, c’est qu’
il
existe. Que cette raison est faible, comparée à toutes celles qui ann
1435
ir renversé après trente ans de pouvoir, parce qu’
il
s’obstinait à confondre progrès social et centrales nucléaires. La ve
1436
es nucléaires. La vertu des gouvernements, même s’
ils
sont au service des marchands d’armes, n’est pas telle qu’ils ne tire
1437
service des marchands d’armes, n’est pas telle qu’
ils
ne tirent de pareils résultats des conclusions d’un sain opportunisme
1438
ng, ceux des écologistes. On leur dispute ce nom,
ils
assurent la fonction. Et bien plus, par leurs luttes contre la pollut
1439
contre la pollution et les centrales nucléaires,
ils
ont fourni à la révolution régionaliste le levier politique qui avait
1440
pour qui l’Europe de demain ne sera viable que si
elle
se recompose sur la base de quelque 140 régions autonomes, dont il dr
1441
ur la base de quelque 140 régions autonomes, dont
il
dresse la carte. Je vois des architectes comme Doxiadis, qui écrit :
1442
oit pas ce qui pourrait justifier l’espoir fou qu’
ils
deviennent raisonnables dans les dix ou quinze ans prochains — et nou
1443
z pas — pas assez tôt et pas en nombre suffisant.
Il
reste à la réalité de vous imposer ce que le bon sens jamais n’aura p
1444
par nos soins diligents quoique inconscients. Si
elles
sont assez grandes pour réveiller le monde, pas assez pour tout écras
1445
out le monde déjà oublie sa peur et la sagesse qu’
il
en tira pour quelques semaines, de nouvelles catastrophes s’organisen
1446
, c’était Saint-Just, au cœur de la Révolution :
Il
faut attendre un mal général assez grand pour que l’opinion générale
1447
’on commence trop tôt. Mais je ne vois pas ce qu’
il
serait possible, aujourd’hui, de « commencer trop tôt » : tout va tro
1448
i, de « commencer trop tôt » : tout va trop vite.
Il
a fallu cinq siècles exactement (1300-1800) pour préparer l’État-nati
1449
pour le propager au monde entier. Mais depuis qu’
il
sévit, à cause de lui, tout s’accélère vers le pire. D’où non seuleme
1450
hes n’apprendront rien à ceux qui n’ont pas vu où
il
faut aller, et donc n’en cherchent pas les voies et ne les inventeron
1451
. « Pas de vent favorable pour qui ne sait pas où
il
va », disait Sénèque. Mais pour celui qui sait, tout est possible tan
1452
e de la Pythie ne veut ni prédire ni cacher, mais
il
indique sa volonté et la vraie Voie. « Sentinelle, que dis-tu de la n
1453
e pour ce qui fut un jour notre vie menacée. Mais
il
n’est pas de prévision d’avenir meilleur qui ne passe par un homme me
1454
meilleur qui ne passe par un homme meilleur. Car
il
arrivera… ce que nous sommes. Et quoi d’autre peut-il arriver ? Et ve
1455
rrivera… ce que nous sommes. Et quoi d’autre peut-
il
arriver ? Et venant d’où ? (À part les tremblements de terre.) Il nou
1456
venant d’où ? (À part les tremblements de terre.)
Il
nous faut donc vouloir que le meilleur gagne — en nous. Et il nous fa
1457
donc vouloir que le meilleur gagne — en nous. Et
il
nous faut d’abord nous le représenter, nous le rendre présent, l’anti
1458
té commence quand l’homme se demande : « Que va-t-
il
arriver ? » au lieu de se demander : « Que puis-je faire ? » À ces d
1459
je faire ? » À ces deux questions, curieusement,
il
n’est qu’une seule réponse possible et c’est : — Toi-même ! Car il ar
1460
eule réponse possible et c’est : — Toi-même ! Car
il
arrivera ce que nous sommes : du mal au pire si nous restons aussi ma
1461
et d’abord celui d’être tous des seuls en masse,
il
vous reste à vous convertir, à faire votre révolution, c’est le même
1462
le réseau des relations humaines, dans la cité, s’
il
ne s’est opéré d’abord en vous. Si vous voulez changer l’avenir, chan
1463
umaine dit seulement : Convertissez-vous ! Le mot
doit
être ici reçu dans toute sa force et dans la plénitude de son sens. (
1464
prophètes condamnent la volonté de puissance, qu’
ils
assimilent à l’invocation des faux dieux. Pour les évangiles, la puis
1465
a désintégration d’un peu de matière, que reste-t-
il
dans la « sphère du religieux » ? La casuistique ? Mais à l’inverse,
1466
uoi refuser le verdict de la Raison d’État, quand
il
tombe de l’ordinateur bien programmé ? Puissance ou Liberté, qui tran
1467
du monde, qui est la vitalité d’une société. Mais
il
nous faut pousser l’analyse sur nous-mêmes : que choisissons-nous rée
1468
oracle que celui d’Isaïe à Séir, c’est de lui qu’
elle
devra tirer son espoir et sa résolution. Et ce n’est pas la promesse
1469
le que celui d’Isaïe à Séir, c’est de lui qu’elle
devra
tirer son espoir et sa résolution. Et ce n’est pas la promesse d’une
1470
s d’une rénovation de l’aventure d’être homme, si
elle
prend naissance dans notre cœur. Écoutons maintenant le cri sublime