1 1928, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le péril Ford (février 1928)
1 on générale de la vie mondiale. Toutes les forces du temps y concourent obscurément ; et, pour peu que cela continue, pour
2 ausse route ? Est-il temps encore de le détourner du désastre spirituel vers lequel il entraîne l’Occident ? Cris dans le
3 doctrine… Il faudrait d’abord prendre conscience du péril. Nous ne tentons rien d’autre ici. Il y a une lâcheté, croyons
4 tte complaisance générale à proclamer le désordre du temps. On a peur de certaines évidences, on préfère affirmer que tout
5 a réussi Je prends Henry Ford comme un symbole du monde moderne, et le meilleur, parce que personne ne s’est approché p
6 parce que personne ne s’est approché plus que lui du type idéal de l’industriel et du capitaliste. Le succès immense de se
7 ché plus que lui du type idéal de l’industriel et du capitaliste. Le succès immense de ses livres1, sa popularité universe
8 production. Ford est le plus puissant industriel du monde ; le plus riche, au point qu’il peut parler d’égal à égal avec
9 précédent le met à l’abri de toutes les attaques, du point de vue technique. L’organisation de ses usines, des salaires, d
10 en apporter une solution définitive aux problèmes du surmenage et du paupérisme. C’est un résultat qu’on n’a pas le droit
11 solution définitive aux problèmes du surmenage et du paupérisme. C’est un résultat qu’on n’a pas le droit humainement de s
12 ettre à leurs électeurs une organisation complète du monde, seule méthode capable d’empêcher les abus des capitalistes. Du
13 ode capable d’empêcher les abus des capitalistes. Du même coup, en supprimant l’esclavage financier de l’ouvrier, il suppr
14 lants, et le charme un peu facile mais fort goûté du grand public, de l’humour américain, l’on comprendra sans peine la po
15 chances encore de régler pacifiquement le conflit du capital et du travail. « Se fordiser ou mourir », écrivait récemment
16 de régler pacifiquement le conflit du capital et du travail. « Se fordiser ou mourir », écrivait récemment un économiste.
17 ant son ambition, il conçoit ce mythe extravagant du bonheur de l’humanité par la possession d’automobiles Ford. Et, comme
18 tend ramener le bénéfice de la production à celui du consommateur. Prenons cette petite phrase qui n’a l’air de rien : « N
19 trouve toujours des clients, quel que soit l’état du marché. » Il semble que cela soit tout à l’avantage du client. Mais c
20 rché. » Il semble que cela soit tout à l’avantage du client. Mais cherchons un peu les causes réelles de cet abaissement d
21 entendu qu’une cause accessoire. Dire que l’état du marché est tel que le client n’achète plus, cela signifie parfois que
22 e-même, non pas le plaisir ou l’intérêt véritable du client. Le besoin ayant disparu, la production devant se maintenir, i
23 objet que, sans cette baisse, il n’eût pas acheté du tout. Autrement dit, il est trompé par la baisse. L’industriel compta
24 amener, en se généralisant, une sorte de suicide du genre humain, par perte de son instinct de préservation, d’autorégula
25 t d’alternances. Tel est ce sophisme, le paradoxe du bon marché. Celui de la réclame a même but, mêmes effets. Mais le plu
26 ets. Mais le plus grave est peut-être le sophisme du loisir. M. Guglielmo Ferrero a fort bien montré, dans un article inti
27 tré, dans un article intitulé « Le grand paradoxe du monde moderne »3, ce qu’il y a de profondément antihumain dans la con
28 le s’extasie. Il ne peut voir la duperie : ce jeu du chat et de la souris ; si Ford relâche les ouvriers et leur donne une
29 Il n’a pas senti qu’il touchait là le nœud vital du problème moderne. D’ailleurs, les idées générales de cette sorte sont
30 ec un simplisme qui emporte à coup sûr l’adhésion du gros public : telle est l’idéologie de celui que M. Cambon, dans sa p
31 ge : l’homme qu’on pourrait appeler le plus actif du monde, l’un de ceux qui influent le plus sur notre civilisation, poss
32 Nous payons notre passion de posséder la matière du prix de la seule possession véritable, la connaissance de l’Esprit. C
33 plus frappantes de notre régression. Cette perte du sens de l’âme se nomme bon sens américain. On en fait quelque chose d
34 uelque chose de très sympathique et pas dangereux du tout. On n’en fait pas une philosophie. Mais, sans qu’on s’en doute,
35 comme la mort le restitue au monde vers 5 heures du soir, dans la détresse des dernières sirènes. Au monde, c’est-à-dire
36 e compte de sa fatigue. Neurasthénie. La conquête du confort matériel l’a laissé oublier les valeurs de l’esprit au point
37 ronie, « la vie les prend ». Irréguliers aux yeux du monde ; la proie d’on ne sait quelles forces occultes sans doute dang
38 plus. Pas de compromis possible de ce côté. Mais du nôtre ? « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon », dit l’Écriture. ⁂
39 emme. Premiers pas vers la solution : l’existence du dilemme. Second pas : en poser les termes avec netteté et courage. Po
40 ite à Genève a révélé que les livres les plus lus du grand public sont Ma vie et mon œuvre, de Ford et Mon curé chez les r
2 1930, Foi et Vie, articles (1928–1977). « Pour un humanisme nouveau » [Réponse à une enquête] (1930)
41 evoir que dans ses servitudes5. Aussi la critique du matérialisme entreprise par certains philosophes des sciences fait-el
42 , ils échappent à cette fatalité qui est le signe du monde matériel. Je vois l’humanisme nouveau sous l’aspect d’une cult
43 e bannirait pas de l’existence la poésie, ce sens du Réel. Je vois se composer en cette méthode — peut-être séculairement
44 vois rien d’autre. Quoi qu’il en soit d’ailleurs du contenu d’un nouvel humanisme, il est assez aisé de prévoir et de déc
45 èle gréco-latin, un canon de l’âme aussi bien que du corps. Il est possible que ce mythe ait animé l’humanisme de nos huma
46 il en eut, ne s’étendit guère au-delà des limites du monde roman. Le type de chevalier et ses succédanés militaires et wag
47 e ne le cède aujourd’hui qu’à l’idéal anglo-saxon du gentleman. Le rabais est notable. On solde. Au rayon des idéaux de co
48 u rayon des idéaux de confection voici le Citoyen du Monde, voici le Bon Européen, voici l’Américain à rendement maximum.
49 L’humanisme est de l’homme, le christianisme est du nouvel homme. Tout humanisme véritable conduit « au seuil » : et qu’i
3 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). André Malraux, La Voie royale (février 1931)
50 eur prête des caractéristiques qui le rapprochent du Garine des Conquérants : « hostilité à l’égard des valeurs établies…,
51 ges de M. Malraux se ressemblent dans le souvenir du lecteur : leur tempérament est plus fortement marqué que leurs partic
52 intres ressemblent à ces peintres sous les traits du modèle. Cet air de famille qu’ont tous les personnages peints par Rem
53 e l’autoportrait le plus profondément ressemblant du maître ? Ainsi apparaissent au travers des actions et des discours d’
54 on à une série de romans intitulés Les Puissances du désert. 11. Le prix Goncourt, dit-on, eût été décerné à M. Malraux s
4 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Sécularisme (mars 1931)
55 ontraire de M. Léon Brunschvicg, il avait le sens du tragique de la vie. De pareilles « conversations » ne ressortent null
56 s sa perspective la plus équitable. C’est le type du livre qui vaut surtout par l’attitude qu’il manifeste et commente. S
57 hose d’assez hideusement provincial, au pire sens du terme. M. Nizan se refuse à montrer aucune compensation : « l’art, la
58 nt plus. La faute en est à l’idéologie bourgeoise du xixe siècle qui consiste dans une large mesure à éviter d’appeler le
59 Dieu sur des bases purement humaines ». Aux yeux du « séculariste », bien entendu, la question religieuse apparaît comme
60 Nouvelle Revue des jeunes publie dans son numéro du 15 février15. M. Marcel analyse trois attitudes typiquement sécularis
61 sophie des lumières, celle de la technique, celle du primat de la Vie. Ce lui est une occasion de réduire à ses justes pro
62 nstre, cet amphibie plus exactement, est un homme du xxe siècle que l’idéaliste salue comme son contemporain ; en tant qu
63 n et qu’il va à la Messe, il se comporte en homme du xiiie siècle — ou en enfant : il y a lieu de s’attrister. Si vous de
64 erne lui-même, à des analyses ou à des réductions du même ordre. Lui est des pieds à la tête un homme de 1930 ; et en même
65 Esprit est un produit purement bourgeois, enfant du loisir économique, il lui faudra se réfugier dans la sphère des abstr
66 de son action, celui, en somme, de l’imperfection du monde. Je pense que tout chrétien conscient des problèmes de ce temps
67 he : « Vous n’avez pas su conjurer la malédiction du monde moderne, clame-t-on de toutes parts aux chrétiens. Assez parlé
68 14. Dans un article des Nouvelles littéraires du 20 février, inaugurant une série d’études sur un nouvel humanisme, à
5 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Une exposition d’artistes protestants modernes (avril 1931)
69 es artistes de venir dans notre cercle. Héritiers du plus grand affranchissement et de la plus héroïque résistance, nous v
70 tiques, artistes ou écrivains, s’est muée le soir du premier vernissage en une sympathie sincère et souvent fort admirativ
71 onse valable pût être esquissée. Car, avouons-le, du fait même de la nouveauté que représentait une telle exposition, le c
72 ngues croix dans une lumière dramatique, le corps du Christ déjà presque transfiguré en symbole mystique sur le ciel vert
73 transfiguré en symbole mystique sur le ciel vert du plus grand jour de l’Histoire. On a beaucoup remarqué la part importa
74 aux trompe-l’œil, ne dissocie jamais la recherche du beau et le goût intransigeant du vrai, c’est le trait le plus évidemm
75 ais la recherche du beau et le goût intransigeant du vrai, c’est le trait le plus évidemment « protestant » de l’art franç
76 bénéficie certainement, pour lui-même et aux yeux du public, des facilités que donne à sa production l’appareil des dogmes
6 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Conférences du comte Keyserling (avril 1931)
77 Conférences du comte Keyserling (avril 1931)g L’auteur du Journal de voyage d’un
78 ces du comte Keyserling (avril 1931)g L’auteur du Journal de voyage d’un philosophe, d’Analyse spectrale de l’Europe, d
79 x de la civilisation moderne. Décidément, le goût du colossal — transmis aux Américains — reste un trait marquant de l’âme
80 la salle, les sujets abordés, jusqu’à la stature du conférencier en témoignent une fois de plus. Accueilli avec quelque p
81 une ère mécanicienne qui prélude à l’organisation du monde-termitière type Lénine ou Ford. Soucieux de comprendre notre te
82 iritualité dont il annonce le réveil au sein même du triomphe des machines, Keyserling apparaît comme un type très représe
83 ype très représentatif de l’Occident. Il n’a rien du prophète oriental contre lequel des Massis mal informés nous mettaien
84 taient naguère en garde. Keyserling voit la cause du développement exagéré de la technique dans le fait qu’aujourd’hui les
85 ’est ainsi encore que l’idéal chrétien de l’amour du prochain a tourné pratiquement à la méfiance systématique du voisin i
86 a tourné pratiquement à la méfiance systématique du voisin inévitable. Mais ces anomalies très graves ne sont peut-être q
87 e mais nullement suffisante. Ce n’est pas la peur du monde-termitière qui sauvera la condition humaine menacée par le maté
88 mystique. g. Rougemont Denis de, « Conférences du comte Keyserling », Foi et Vie, Paris, avril 1931, p. 287-288.
7 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Au sujet d’un grand roman : La Princesse Blanche par Maurice Baring (mai 1931)
89 aphné Adeane. On vient de traduire un autre roman du même auteur16, et il nous aide à mieux définir le charme de cette œuv
90 ns conflits apparemment sans issues : les acteurs du drame n’hésitent pas à louer une villa à Heidelberg ou à Séville quan
91 elle constitue un milieu privilégié pour l’étude du cœur humain. Si le rôle de l’art est d’affiner nos âmes au contact de
92 e. La durée est l’élément tragique par excellence du sentiment, parce qu’elle le transforme sans cesse, alors que nous som
93 mnation des passions humaines, et comme la morale du roman. Mais nous ne croyons pas qu’une œuvre de cette envergure compo
94 moraliste s’arroge le pouvoir de séparer le bien du mal parmi les actions d’autrui qu’il estime connaître. Simplement, il
95 amnation, mais celui, combien plus amer et noble, du consentement aux lois de la vie. Seule épreuve qui permette de nous e
96 presque bouleversante. Il est pourtant un endroit du roman où l’auteur intervient visiblement, force les faits, agit comme
97 ’est pas uniquement « romanesque » — le mouvement du récit se ralentit, au contraire, fâcheusement en ces pages — et qui s
98 soupir de soulagement. La question était réglée : du moment qu’on allait à l’église le dimanche, tout était bien ; inutile
99 int la seule solution possible qu’elle n’est plus du tout exemplaire et ne peut servir ni le catholicisme (le milieu prote
100 tant étant nul), ni la foi chrétienne en général ( du fait précisément que les mobiles humains sont ici entièrement suffisa
101 ce que Baring le fameux, l’irrépressible argument du bonheur, fondement pratique de la morale courante. Presque tous les é
102 out à fait. Il faut l’accepter. Songez à l’agonie du Jardin des Oliviers. Blanche se souvint que Lady Mount-Stratton lui a
103 rer, qu’au deuxième mouvement, au mouvement lent, du Quintette, Schumann a enclose et embaumée ». « Tristesse, par-delà la
104 mplement…) — Il faut souligner cette insuffisance du vocabulaire religieux. 19. Soulignons qu’un pasteur ne parlerait pas
8 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Kierkegaard (mai 1931)
105 uvres principales de l’un des plus grands esprits du xixe siècle, du plus méconnu peut-être, en France tout au moins, — d
106 de l’un des plus grands esprits du xixe siècle, du plus méconnu peut-être, en France tout au moins, — du plus actuel, je
107 lus méconnu peut-être, en France tout au moins, —  du plus actuel, je dirais même du plus urgent de tous. Søren Kierkegaard
108 e tout au moins, — du plus actuel, je dirais même du plus urgent de tous. Søren Kierkegaard naquit à Copenhague en 1813, e
109 de-t-il ? Les prêtres sont-ils, dans le vrai sens du mot, les successeurs du Christ ? Ne sont-ils pas plutôt des fonctionn
110 nt-ils, dans le vrai sens du mot, les successeurs du Christ ? Ne sont-ils pas plutôt des fonctionnaires payés par l’État e
111 és qu’aux Provinciales. Kierkegaard est le Pascal du protestantisme, et il est caractéristique à la fois du monde du catho
112 otestantisme, et il est caractéristique à la fois du monde du catholicisme et du monde du protestantisme, que la polémique
113 sme, et il est caractéristique à la fois du monde du catholicisme et du monde du protestantisme, que la polémique et la sa
114 ctéristique à la fois du monde du catholicisme et du monde du protestantisme, que la polémique et la satire qui sévirent,
115 ue à la fois du monde du catholicisme et du monde du protestantisme, que la polémique et la satire qui sévirent, dans le p
116 nes, ne se donnèrent cours par contre qu’à la fin du second. Le Moment et les Attaques contre le christianisme officiel fu
117 . On ne peut le comparer qu’aux grands fondateurs du christianisme, à Luther, à Calvin. Tous les autres paraissent petits
118 « l’Isolé », n’a plus rien en lui ni de Faust, ni du Caïn de Byron, il a dépassé le romantisme. Ou plutôt, le romantisme f
119 erkegaard d’ailleurs ne peut être placé qu’à côté du poète russe. Tous deux marchent de pair et aucun autre esprit du sièc
120 Tous deux marchent de pair et aucun autre esprit du siècle ne les dépasse. On peut déplorer qu’une œuvre de cette enverg
121 e ait pénétré d’abord en France, sous les espèces du fragment le moins caractéristique de Kierkegaard : Le Journal du sédu
122 moins caractéristique de Kierkegaard : Le Journal du séducteur (Stock éd.). Kierkegaard lui-même avait exprimé le souhait
123 Mais ce Journal, s’il est l’œuvre la moins forte du Danois, n’en est pas moins, dans son dosage pré-gidien de cynisme et
124 rêt passionné de beaucoup se porte à la rencontre du message de Karl Barth, disciple fervent de Kierkegaard, — nous pouvon
9 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Littérature alpestre (juillet 1931)
125 e Claire-Éliane Engel, qui a conquis maint sommet du massif du Mont-Blanc, et un grade de docteur ès lettres, vient de nou
126 liane Engel, qui a conquis maint sommet du massif du Mont-Blanc, et un grade de docteur ès lettres, vient de nous donner u
127 el constate que « les plus grands poètes français du xixe siècle ont échoué dans leur interprétation des montagnes. Ils o
128 ais elle est unique dans la littérature française du xixe . La littérature anglaise, au contraire, a donné toute une suite
129 rth) « les types et les symboles de l’Éternité ». Du panthéisme d’un Shelley au mysticisme d’un Ruskin, c’est un cantique
130 trouvait tous les symboles de la vie dangereuse, du risque, du triomphe conquis par la dureté. Mais l’a-t-il épuisé ? Il
131 ous les symboles de la vie dangereuse, du risque, du triomphe conquis par la dureté. Mais l’a-t-il épuisé ? Il y a depuis
132 non plus la « virtu ». L’héroïsme, au vieux sens du mot, ne trouve plus où s’exercer. Et ce n’est guère qu’au plus obscur
133 encore en déceler l’équivalent. Peut-être le goût du sport trahit-il la nostalgie d’une vie qui comporterait des risques e
10 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Avant l’Aube, par Kagawa (septembre 1931)
134 ce de sympathie, la misère physique et matérielle du monde où nous vivons. C’est un terrible péché du christianisme europé
135 du monde où nous vivons. C’est un terrible péché du christianisme européen, que d’avoir pratiquement abandonné à une doct
136 ons de témoignages sur les conditions d’existence du prolétariat mondial, ni que nous ignorions que notre siècle est celui
137 té organique à situer leur effort dans une vision du monde globale et cohérente, à le juger religieusement par exemple. Qu
138 ’une petite paroisse presbytérienne était le chef du Jeune Japon, l’initiateur de réformes de grande envergure, commencées
139 dès les premières pages, c’est l’extrême minutie du récit. Les auteurs qui écrivent leurs mémoires s’attachent d’ordinair
140 fort d’attention soutenue que plusieurs chapitres du premier tome risqueraient de lasser, par une multiplicité de notation
141 popularité d’une telle œuvre : c’est toute la vie du Japon actuel qu’elle concrétise sous nos yeux. Certes, ce n’est pas u
142 as une japonerie d’estampe ! Voici un échantillon du pays, au travers duquel nous emmène Kagawa : Il appuya son front cha
143 il avait vu un jour, au théâtre, à Kobé, le drame du suicide de Akaneya et Sankatsu, sa bien-aimée. Suicide et Osaka la nu
144 rétiens ; il pensait aussi que lui-même, à la fin du mois, devrait gagner sa pension et son écolage ; il pensait au sort d
145 elque anxiété comment il ferait face aux dépenses du voyage, il décida de vendre ses livres. Mais son retour au foyer pro
146 mais en même temps le drame s’éveille dans l’âme du jeune homme : comment concilier son bonheur personnel avec l’idéal de
147 tu ne seras toi-même, à la fin, pas bien éloigné du vulgaire. » Mais au même moment une autre voix intérieure disait : « 
148 de garder tout son sang-froid, mais au cimetière du Temple de Zuigan, quand les prêtres de douze temples et Eiichi à leur
149 père — mort maintenant —, tourmenté par l’emprise du militarisme et du capitalisme ; un asile de fous qui s’étend sur tout
150 nant —, tourmenté par l’emprise du militarisme et du capitalisme ; un asile de fous qui s’étend sur toute la terre. Sans s
151 sautaient de branche en branche sur le camphrier du jardin, joyeux et insouciants. Eiichi se demanda s’il y avait des pro
152 ons dans le temps. Il était ressuscité de l’abîme du désespoir et revenu au monde merveilleux. Il résolut de vivre fermeme
153 hé, étaient merveilleux. Les couleurs, la lumière du soleil, les dessins, les roses, les lèvres rouges des filles, tout ét
154 Il accepterait aussi la religion avec le courage du suicide. Dans sa résolution, il se sentait graduellement attiré par l
155 qu’il fallait se jeter, mais dans les merveilles du monde. Et voici que, le 14 février, il se décida à faire profession d
156 rier, il se décida à faire profession de disciple du Christ. Page étrange, en vérité, et dont l’accent presque nietzschée
157 Mais ce qui me frappe ici, c’est de voir le reste du chapitre consacré au récit des actes qu’immédiatement Eiichi produit
158 emie à lire tout l’Évangile selon saint Matthieu, du premier chapitre au dernier, priant continuellement pour obtenir la g
159 ction même est souvent trompeuse. Mais la qualité du regard qu’un être pose sur ses semblables, tel est le signe et la mes
160 où il se peint, aux prises avec toutes les formes du mal, jamais vous ne surprendrez dans ses yeux rien du moralisme glaci
161 al, jamais vous ne surprendrez dans ses yeux rien du moralisme glacial des « honnêtes gens », ni rien du dogmatisme haineu
162 moralisme glacial des « honnêtes gens », ni rien du dogmatisme haineux des communistes. Et c’est l’un des secrets de sa p
11 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). André Gide ou le style exquis (à propos de Divers) (octobre 1931)
163 es plus justement célèbres de ce temps, elle aura du moins le mérite de la spontanéité, qualité dont Gide aime à douer les
164 e pondérations et de nuances sarcastiques (celles du serpent qui charme à froid) — art qui tout ensemble se définit et se
165 Car il sait que la modestie est la vertu de choix du classicisme. Et qu’il est le dernier de nos classiques… Pareille mode
166 gistrale et cruellement ironique. Je ne tiens pas du tout à imiter ce Père. Nul besoin de citer à la barre d’un jugement d
167 ent vivante, celui-là ne fait qu’usurper la forme du sacrifice ; et c’est en vain qu’il tenterait d’y loger autre chose qu
168 témoin (protestari), jamais Gide n’est plus loin du protestantisme que dans cette attitude sereinement contradictoire, où
169 et irrévocables dans un tel univers. Suppression du tragique. Car le tragique naît dans une âme qui s’efforce vers l’unit
12 1931, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le protestantisme jugé (octobre 1931)
170 vocation fit quitter, selon Vauban, les vaisseaux du roi à neuf-mille marins). Loti est un protestant français de la vieil
171 ’oublions pas que toute l’œuvre de Loti est faite du morcellement et de l’adaptation d’un livre unique, son journal intime
172 it son essai, Frommel donnait ainsi le diagnostic du roman moderne ; ne serait-il pas frappant, en effet, d’appliquer ses
173 on Frère Yves. Il semble, en effet, que les âmes du xixe siècle soient plus profondes et plus voilées, plus inquiètes qu
174 tre plus chaste. Au temps où le domaine intérieur du recueillement et de l’adoration lui demeurait ouvert, les secrets de
175 re littérature. L’ouverture s’est faite, mais non du bon côté ; l’âme, que tourmente un suprême besoin d’épanchement, s’es
176 us manque une étude sur les critiques protestants du xixe siècle. L’on serait surpris de constater à ce sujet que les jug
13 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Romanciers protestants (janvier 1932)
177 chlumberger semblait devoir rester le seul tenant du classicisme romanesque ; mais voici qu’on proclame au contraire l’avè
178 e contraste autre chose que la vieille opposition du sacrifice cornélien et de la passion racinienne, — opposition qui se
179 nté de marquer ici d’une pierre blanche « l’année du roman protestant ». À la réflexion, l’on y a renoncé, pour des raison
180 age léger. Le moralisme nous trahit Partons du cas concret de nos trois auteurs. Le problème, à vrai dire, les dépas
181 la sorte nous sentons mieux sa pointe. Les héros du Scandale, provinciaux énervés par la vie des bars de la capitale nous
182 refus ou ignorance des catégories de la grâce et du péché ; un certain ascétisme de la forme, mais jamais rien d’explicit
183 ble à celui des athées, — au lieu qu’il eût fallu du premier coup le dénoncer, comme radicalement contraire à notre foi or
184 à notre foi originale. Le siècle, hélas, décorait du beau nom de libéralisme l’absence de toute exigence unifiante entre l
185 , un fait prit corps, irréfutable : dans l’esprit du Français moyen, « protestant » devint synonyme de « moraliste ». Étai
186 sinon toujours en droit, l’héritage intellectuel du protestantisme du xixe siècle se réduit, aux yeux de nos contemporai
187 droit, l’héritage intellectuel du protestantisme du xixe siècle se réduit, aux yeux de nos contemporains, à un moralisme
188 n peut donc poser que le protestantisme de la fin du xixe siècle, tel que nos contemporains se le représentent, ne pouvai
189 ésentent, ne pouvait s’exprimer que dans la forme du roman moraliste (forme qui par ailleurs flattait un penchant traditio
190 des œuvres d’édification morale, au sens littéral du terme : tendance stoïcienne ; soit des œuvres de révolte contre cette
191 rfaitement représentatifs33. Bilan fort honorable du point de vue purement littéraire, si l’on tient compte de la faibless
192 d au sérieux la grandeur impérieuse et fulgurante du véritable calvinisme. Or nous n’hésitons plus à rendre responsable de
193 ndre responsable de cette carence de la poésie et du rayonnement spirituel notre fameux moralisme, traître à ses origines,
194 e humaine, qui, selon cette vue, serait bonne, ou du moins meilleure, si on la « préservait » du mal. Ainsi Rousseau le li
195 e, ou du moins meilleure, si on la « préservait » du mal. Ainsi Rousseau le libertaire doit et peut être moraliste, tandis
196 ble lumière de l’observation scientifique. Reflet du siècle, le roman bientôt s’affaiblit à force de se compliquer, et ten
197 -Christian Andersen et Søren Kierkegaard. (Féerie du Conte de ma vie d’Andersen, où l’on voit ce « poète des poètes » à la
198 waldsen.) Les romans russes et les romans anglais du xixe siècle nous laissent entrevoir ce que pourraient être des œuvre
199 urent les plus grandes, par le sentiment tragique du péché et de la grâce souveraine. C’est cela qui donne aux romans de D
200 ront toujours aux œuvres nées sous le signe fatal du moralisme. La grande poésie naît du tragique et de la joie surabondan
201 e signe fatal du moralisme. La grande poésie naît du tragique et de la joie surabondante : verrons-nous quelque jour en Fr
202 is d’attendre de la violence même d’une théologie du Dieu Tout-Puissant qu’elle suscite de nouveaux psaumes36, qu’elle enf
203 e soient les opinions qu’ils adoptèrent vis-à-vis du moralisme. Qu’on me comprenne : ce n’est pas à eux que j’en ai, mais
14 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Goethe, chrétien, païen (avril 1932)
204 de Goethe, certes, mais une idée de l’importance du phénomène Goethe. Maintenant ajoutons que l’homme fut supérieur à la
205 s l’histoire des peuples qui vivent sous le règne du christianisme. Mais le plus grand Occidental fut-il chrétien ? Nous n
206 mais d’une façon si particulière que les ennemis du christianisme, depuis un siècle, le revendiquent comme leur plus gran
207 icle qui fit quelque bruit37 les débuts piétistes du jeune Goethe et la part active qu’il prit aux réunions de « belles âm
208 ions de « belles âmes » suscitées par l’apostolat du comte de Zinzendorf. C’était le temps du réveil sentimental et mystiq
209 postolat du comte de Zinzendorf. C’était le temps du réveil sentimental et mystique dans une Allemagne luthérienne ravagée
210 lärung et le rationalisme. C’était le temps aussi du « Sturm und Drang » auquel Goethe devait donner l’expression littérai
211 d’imaginer ce qu’eût pu être le pendant chrétien du Werther : — « J’ai souffert et me voilà libre à nouveau, écrit Goethe
212 cquis plus de raison et d’expérience : la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse. » Par quel concours de ci
213 ne indifférence non dépourvue d’orgueil vis-à-vis du Seigneur ? L’on ne saurait ici exagérer la responsabilité qui incombe
214 t comme Goethe l’inutilisable, si nous le jugeons du point de vue d’un parti. Il n’est pas païen, pour la raison péremptoi
215 ptoire qu’il n’y a plus de païen, au sens antique du mot, depuis que la venue du Christ a modifié la nature même de l’homm
216 aïen, au sens antique du mot, depuis que la venue du Christ a modifié la nature même de l’homme et l’ensemble des données
217 ant le Christ comme devant la « révélation divine du plus haut principe de la morale », tout en vénérant également le sole
218 érant également le soleil, comme une « révélation du Très-Haut, et même la plus puissante qu’il nous ait jamais été donné,
219 t, fait défaut à ce génie, c’est le sens tragique du péché. Car c’est bien dans le sens du péché que gît l’irréductible, c
220 ns tragique du péché. Car c’est bien dans le sens du péché que gît l’irréductible, c’est-à-dire le tragique essentiel de n
221 itue sa raison d’être. Il n’y a pas de neutralité du monde vis-à-vis de Dieu — à cause du péché. La réalité visible du péc
222 e neutralité du monde vis-à-vis de Dieu — à cause du péché. La réalité visible du péché entraîne la considération de la gr
223 is de Dieu — à cause du péché. La réalité visible du péché entraîne la considération de la grâce. Et c’est en quoi la tran
224 a sienne ? Certes, hic et nunc, dans la situation du monde de 1932, en présence du déchaînement orgueilleux et misérable d
15 1932, Foi et Vie, articles (1928–1977). Penser dangereusement (juin 1932)
225 selon le vœu de ce prêtre de l’abstentionnisme et du célibat spirituel. Ils ont tous épousé une cause, une de ces causes q
226 la guerre, c’est sur la notion — et la pratique — du service nécessaire que se fait l’unanimité de la nouvelle génération.
227 hie à coups de marteau ». Ce peut être le marteau du constructeur, aussi bien que celui du démolisseur. ⁂ M. Paul Nizan, l
228 le marteau du constructeur, aussi bien que celui du démolisseur. ⁂ M. Paul Nizan, lui, critique moins à coups de marteau
229 . » M. Brunschvicg fait un cours sur la technique du passage à l’absolu, parle de noumènes, d’immanence, de contingence, e
230 n’est qu’une extension orgueilleuse et démesurée du type d’homme qui intéresse tel groupe de philosophes, et qui vient se
231 pour Marx. Il s’en faut de beaucoup que la notion du prolétaire marxiste, fondée sur des considérations aussi abstraites e
232 oi pouvons connaître. Mais, en vérité, la lecture du livre de M. Nizan n’inspire pas la certitude qu’il aime les hommes, q
233 te « révolution permanente » qui doit être l’état du chrétien vis-à-vis de lui-même et de son passé. C’est le danger qui n
234 Père céleste sera déracinée. » Et c’est en quoi, du point de vue chrétien, le marxisme radical constitue un progrès sur l
16 1933, Foi et Vie, articles (1928–1977). « Histoires du monde, s’il vous plaît ! » (janvier 1933)
235 « Histoires du monde, s’il vous plaît ! » (janvier 1933)t Le lecteur moderne est,
236 nnombrables moyens qu’il a inventés pour « gagner du temps » ? Il semble que tout ce que fait l’humanité se retourne contr
237 s autre chose que ce que peut lui offrir le conte du journal, c’est-à-dire s’il demande une nourriture rapidement assimila
238 romans, répondra-t-on, sans doute. Je ne suis pas du tout de cet avis. Et je crois distinguer à divers signes que mes cont
239 vers signes que mes contemporains, sans se lasser du romanesque, découvrent que la littérature peut apporter, sous d’autre
240 is, de F. Sieburg, donneront une idée assez juste du genre. Son succès en Allemagne remonte aux premières années de l’aprè
241 umentaux de Spengler (Le Déclin de l’Occident) et du comte Keyserling. Il faut reconnaître que l’état général du pays expl
242 eyserling. Il faut reconnaître que l’état général du pays explique que ces ouvrages aient rencontré d’emblée le grand succ
243 derniers temps. Et c’est là que gît l’explication du goût pour l’idéologie que manifeste le grand public allemand. Il est
244 urnalistes. Mais le cinéma n’est qu’un des effets du changement à vue qui s’opère dans toute notre conception du monde. Da
245 ent à vue qui s’opère dans toute notre conception du monde. Dans une époque qui a vu les frontières et les peuples de l’Eu
246 Alors, toutes les nouvelles qui nous parviennent du monde sont comme autant d’épisodes d’un drame qui intéresse chacun de
247 homme se prend d’un intérêt passionné pour la vie du monde. Et ce fait est nouveau dans l’Histoire. Jamais le document n’a
248 n France autour de la Trahison des clercs, autour du problème de l’humanisme (Conversion à l’humain, de J. Guéhenno, enquê
249 Drieu la Rochelle, de Benjamin Crémieux), autour du problème, plus aigu encore, de la culture bourgeoise et des valeurs r
250 dès leur naissance les désirs à peine conscients du grand public. On n’a pas cessé pour autant de publier des romans nouv
251 usivement des « écrivains d’idées », les Éditions du Cavalier poursuivent une enquête européenne sous ce titre significati
252 lemagne : « Weltgeschichte gefälligst », Histoire du monde, s’il vous plaît ! ⁂ Retour à l’essai rendu nécessaire par le b
253 iques ou de mandarinades qu’il s’agit, mais c’est du sort de l’homme tel qu’il est, dans son effarante et magnifique diver
254 ur, est sans doute le recueil d’Essais espagnols, du grand écrivain qu’est José Ortega y Gasset, l’un des fondateurs de la
255 t séduisant. t. Rougemont Denis de, « Histoires du monde, s’il vous plaît ! », Foi et Vie, Paris, janvier–février 1933,
17 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Destin du siècle ou vocation personnelle ? (février 1934)
256 Destin du siècle ou vocation personnelle ? (février 1934)u Depuis des années
257 est emparée des hommes. On ne nous parle plus que du « désarroi actuel ». Il n’est pas d’expression plus juste, pour qui s
258 uvelle, au lieu de libérer des travailleurs, crée du chômage. Et, cependant, les peuples de toute la terre continuent de c
259 t à tout cela que l’on pense lorsqu’on nous parle du « désarroi actuel ». Croit-on vraiment que tout cela soit si nouveau 
260 irs, favorisé plus de vertu, mieux assuré la paix du monde et les rapports normaux entre les hommes ? Croit-on vraiment qu
261 sont menacées ? La vérité, c’est que la situation du monde a été de tout temps désespérée. Seulement, maintenant, cela se
262 lement, maintenant, cela se voit. Depuis la chute du premier homme, depuis le déluge, le monde se débat dans une crise mil
263 és par la culture des illusions et la dégradation du sens de la révolte. L’histoire du monde, bien loin d’être l’histoire
264 la dégradation du sens de la révolte. L’histoire du monde, bien loin d’être l’histoire d’un progrès continu, nous apparaî
265 dès que nous nous posons la question de l’homme, du rôle de l’homme, du destin de l’homme en face du destin du siècle, to
266 osons la question de l’homme, du rôle de l’homme, du destin de l’homme en face du destin du siècle, tout se simplifie auss
267 e l’homme, du destin de l’homme en face du destin du siècle, tout se simplifie aussitôt ; et si, faisant un pas de plus, n
268  : le risque est la santé de la pensée. ⁂ Destin du siècle ! Expression curieuse et bien moderne ! Si nous y regardons de
269 ues génies, par exemple. Quand nous disons destin du siècle, nous disons destin des nations, destin du prolétariat, destin
270 du siècle, nous disons destin des nations, destin du prolétariat, destin du capitalisme, destin du machinisme. Le destin d
271 destin des nations, destin du prolétariat, destin du capitalisme, destin du machinisme. Le destin du siècle, c’est le dest
272 tin du prolétariat, destin du capitalisme, destin du machinisme. Le destin du siècle, c’est le destin des ismes, qui sont
273 n du capitalisme, destin du machinisme. Le destin du siècle, c’est le destin des ismes, qui sont — en fin de compte — des
274 les divinités maîtresses de cette première moitié du siècle. Qu’il s’agisse bien là de dieux, c’est ce que nous prouvent a
275 erminées par notre classe [ou] notre race. Destin du siècle contre destin de l’homme. Il faut bien reconnaître qu’en cette
276 re cher petit moi, fondez votre destin dans celui du prolétariat ou de la race aryenne, et toutes vos inquiétudes s’apaise
277 es millions de nos contemporains dans les destins du siècle, c’est peut-être l’élan d’une fuite devant le destin particuli
278 ose sur le principe démissionnaire par excellence du déterminisme, qui peut se formuler ainsi : qui a bu boira ! Or, la se
279 — et je dis intéressante au sens le plus profond du terme, la seule chose qui intéresse chacune de nos vies —, c’est qu’i
280 héories tout à fait opposées concernant l’origine du genre humain. Les uns prétendent que l’homme descend du singe, les au
281 re humain. Les uns prétendent que l’homme descend du singe, les autres croient qu’il a été créé par Dieu. Ils se disputent
282 a suivante : ceux qui pensent que l’homme descend du singe, descendent en effet du singe et constituent une race à part, à
283 que l’homme descend du singe, descendent en effet du singe et constituent une race à part, à côté de la race des hommes cr
284 Gobineau. Il est tout à fait vrai que les adeptes du marxisme et du racisme sont entièrement dominés par la classe ou la r
285 t tout à fait vrai que les adeptes du marxisme et du racisme sont entièrement dominés par la classe ou la race, et c’est p
286 s eux, nous ne saurions pas grand-chose des dieux du siècle, et peut-être aurions-nous un peu plus d’attention pour les vr
287 s tout, il est tout et tous le servent. ⁂ Destin du siècle, destin des ismes, dévorants et inhumains. Je voudrais, avant
288 qu’on dénonce le règne de la masse. On s’indigne du nivellement universel, à quoi doit aboutir le communisme. On raille l
289 , tôt après la guerre, reparaître le fameux « mal du siècle ». La jeunesse découvrait avec angoisse qu’elle n’avait plus r
290 des, qui ne prit pas toujours la forme romantique du coup de revolver, qui prit même beaucoup plus souvent la forme d’un e
291 dividu. L’individu est l’origine la plus certaine du triomphe des masses. C’est parce que l’individu des libéraux était sa
292 urs une solidarité catastrophique. Oui, le destin du siècle, le destin des ismes, ne nous laisse rien prévoir d’autre qu’u
293 mourant de solitude. J’ai terminé ma description du siècle. Est-elle pessimiste à l’excès ? Ce n’est pas cela qu’il nous
294 n que chacun d’entre nous peut prendre. ⁂ Destin du siècle ou destin de l’homme ? Loi historique ou acte personnel ? Irre
295 ermes positifs, cette fois. Les dieux, les mythes du siècle, sont tout-puissants sur nous. Dénoncer leurs méfaits, ce n’es
296 même rôle que l’instinct dans l’homme. La culture du xixe siècle a voulu les ignorer et nous assistons à leur vengeance.
297 e des dictatures, dans un fléchissement, en vous, du sens de votre destinée personnelle. À l’origine de tout, il y a une a
298 t, il fonde, dès maintenant, en lui, la dictature du nombre et de l’irresponsable. Je pourrais maintenant vous donner une
299 éissance à l’ordre de Dieu, qui s’appelle l’amour du prochain. Je dis bien : acte, et il faut insister là-dessus. Le monde
300 ster là-dessus. Le monde s’est emparé des paroles du Christ et il les a complètement perverties. On nous a présenté cet am
301 lètement perverties. On nous a présenté cet amour du prochain comme un sentiment bienveillant, une tolérance à l’égard du
302 ental… Jésus lui répondit par une parabole, celle du Bon Samaritain. Et le docteur de la loi découvrit cette vérité que to
303 otre monde. Lui seul suffit à vaincre les destins du siècle, lui seul atteint le mal à sa racine, qui est en nous, qui est
304 péré, ce qu’il veut, ce n’est pas une explication du désespoir qui le possède, mais c’est une consolation. Je prends ce mo
305 i. Et ce n’est pas la connaissance intellectuelle du destin de sa classe ou de sa race qui va suffire pour l’arracher à sa
306 encontré Dieu. 42. L’Histoire au sens hégélien du mot, c’est-à-dire, plus exactement : l’Évolution. u. Rougemont Deni
307  : l’Évolution. u. Rougemont Denis de, « Destin du siècle ou vocation personnelle ? », Foi et Vie, Paris, février–mars 1
18 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Deux essais de philosophes chrétiens (mai 1934)
308 it, dès lors, que leur autorité — sinon de droit, du moins de fait — dût s’exercer au bénéfice des auteurs réputés « diffi
309 n. Mais l’insuccès notoire des philosophes auprès du grand public a des causes plus graves, qu’il faut attribuer autant au
310 rne pas. Il ne nie pas sa valeur intrinsèque. Ou, du moins, il ignore qu’il la nie pratiquement. Il répète avec le latin c
311 la pensée de nos maîtres s’est tellement détachée du concret de nos vies que l’on comprend sans peine l’indifférence où le
312 erait pas une révolution. Les évaluations morales du philosophe et les coutumes du citoyen moderne ont perdu toute commune
313 évaluations morales du philosophe et les coutumes du citoyen moderne ont perdu toute commune mesure. Que se passerait-il s
314 à deux essais de philosophes chrétiens : L’Homme du ressentiment, de Max Scheler44, Position et approches concrètes du my
315 de Max Scheler44, Position et approches concrètes du mystère ontologique 45, de Gabriel Marcel. L’un et l’autre, ils répon
316 t examiner ensuite ces éléments sans tenir compte du sens et de l’intention de l’ensemble. La « totalité d’expérience et d
317 ent46, l’amour chrétien n’est que « la fine fleur du ressentiment » que les natures faibles vouent aux valeurs aristocrati
318 genre. Mais si l’on donne raison à sa description du ressentiment — ce que je fais pour ma part sans réserve —, il reste à
319 à substituer « l’amour de l’humanité » à l’amour du prochain commandé par le Christ : et c’est au nom de cet amour de l’h
320 ur : ainsi l’amour de la patrie passe avant celui du prochain, l’amour du genre humain avant celui de la patrie.) Cet huma
321 la patrie passe avant celui du prochain, l’amour du genre humain avant celui de la patrie.) Cet humanitarisme entraîne to
322 ne pitié veule et platonique qui est le contraire du courage et non pas de la cruauté ; un internationalisme qui n’est qu’
323 es ; bien plus : une révolte contre Dieu. L’homme du ressentiment, ce n’est pas le chrétien, c’est le bourgeois dont la mo
324 mples aveux des tendances plus ou moins déguisées du bourgeois ? ⁂ Comme Max Scheler — au moment du moins où il écrivait L
325 es du bourgeois ? ⁂ Comme Max Scheler — au moment du moins où il écrivait L’Homme du ressentiment 47, M. Marcel est cathol
326 heler — au moment du moins où il écrivait L’Homme du ressentiment 47, M. Marcel est catholique. Sa méditation sur le Mystè
327 pourrait même dire que la possibilité permanente du suicide est en ce sens48 le point d’amorçage peut-être essentiel de t
328 de l’homme moderne, emprisonné dans la catégorie du « tout naturel » incapable, par suite, de s’interroger sur les source
329 ’auteur, « je ne puis me dispenser de me demander du même coup : qui suis-je, moi qui questionne sur l’être ? »49 (p. 264)
330 articipation concrète à l’être. Démarche négative du désespoir, positive de l’espérance, — elles sont inséparables jusqu’a
331  ; la corrélation qu’il indique entre l’optimisme du progrès technique et une philosophie du désespoir, — autant de traits
332 optimisme du progrès technique et une philosophie du désespoir, — autant de traits qui nous assurent que les problèmes déb
333 it ses premières œuvres, et devenu l’un des chefs du parti catholique parmi les intellectuels allemands, Scheler rompit fi
334 ntend : relativement à la possibilité universelle du désespoir. Un rapprochement avec Kierkegaard me paraît s’imposer ici.
335 mposer ici. 49. M. Marcel introduit ici le motif du recueillement, qui lui paraît essentiel à toute existence ontologique
336 ière et l’acte, seuls moments d’unité dans la vie du chrétien. v. Rougemont Denis de, « Deux essais de philosophes chrét
19 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Notice biographique [Kierkegaard] (août 1934)
337 é son enfance à garder les moutons dans la plaine du Jutland. Un jour, accablé par la misère, il était monté sur un petit
338 ecret terrifiant et une belle aisance matérielle. Du secret il tira son œuvre ; sa fortune, il la confia à l’un de ses frè
339 et philosophiques, de la Répétition à l’Exercice du christianisme, en passant par la Maladie mortelle 50 et le Concept d’
340 « témoin de la vérité » ; c’est qu’il se faisait du christianisme une idée si pure et si absolue qu’il voyait clairement
341 . On ne peut le comparer qu’aux grands fondateurs du christianisme, à Luther, à Calvin. Tous les autres paraissent petits
342 kegaard, d’ailleurs, ne peut être placé qu’à côté du poète russe. Tous deux marchent de pair, et aucun autre esprit du siè
343 Tous deux marchent de pair, et aucun autre esprit du siècle ne les dépasse. 50. Traduite en français sous le titre de T
344 50. Traduite en français sous le titre de Traité du désespoir. 51. Rudolf Kassner, dans Commerce, n° XII. w. Rougemon
20 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Nécessité de Kierkegaard (août 1934)
345 mêmes phrases, à peu près, mais sans y croire, ou du moins sans prouver par le fait qu’ils y croient. Il s’agirait alors d
346 mme dépourvu de sérieux », lit-on dans un journal du temps. On se moquera de son aspect physique et de ses pantalons trop
347 de nos jours l’obstacle décisif à la prédication du christianisme véritable ? Épuisé par ce long effort démesuré contre s
348 ir ; ce n’est pas la puissance, mais la puissance du savoir en exercice. Il y a bien de la différence. Le savoir autonome,
349 r celui qui les détient, mais l’exercice effectif du savoir peut fort bien le conduire à la ruine ou peut-être même au mar
350 . L’exigence de Kierkegaard se limite à l’instant du choix, où l’homme s’engage, « en vertu de l’absurde », sur le chemin
351 est-ce bien cela que revendiquent les défenseurs du primat de l’esprit ? L’esprit est drame, attaque et risque. Et l’on p
352 , parmi nous, de cette pensée impitoyable. Remède du pire ? Il fallait bien qu’on se sentît malade pour aller rechercher l
353 aritables cependant que les discours en l’honneur du progrès, car tout l’honneur de notre temps sera peut-être, par une co
354 , d’avoir compris mieux qu’aucun autre le message du « solitaire devant Dieu ». L’ironie Lorsque je vois de toutes p
355 on des doctrines, reparaître les traits ironiques du grand visage de Kierkegaard, il me vient à l’esprit une image dont le
356 hakespearienne de notre philosophe. C’est l’image du chat d’Alice in Wonderland. Souvenez-vous de ce chat, immense et subv
357 n inhumains ! Il semble que chacun porte le poids du monde et le sombre avenir du siècle. On a dépeint ce clerc moderne, a
358 hacun porte le poids du monde et le sombre avenir du siècle. On a dépeint ce clerc moderne, accablé par tous les malheurs
359 t ce clerc moderne, accablé par tous les malheurs du temps, dont il feint de se croire victime ou responsable53. De cet ho
360 t l’horrible, et tout épuiser, le chrétien se rit du bilan ! » Pourquoi ce rire scandaleux ? Parce que « la crainte infini
361 des consolations pour ceux qui souffrent à cause du Christ. Il suppose, sans autre, que le chrétien souffre pour sa doctr
362 fre pour sa doctrine… » Et c’est la tragi-comédie du christianisme de la chrétienté. Pauvre chrétien moyen, qu’as-tu souff
363 lquefois à l’église déplorer en commun l’athéisme du monde. « Le Nouveau Testament suppose sans autre que le chrétien souf
364 e, et c’est ce qu’ils appellent l’amour.57 » Rire du solitaire, qui ressemble peut-être à la pitié énigmatique d’un Dostoï
365 l’on voit que son rire n’est rien que la douleur du témoin de l’Esprit au milieu de la foule. L’originalité Qu’ente
366 de son action. Et ce centre, c’est « la catégorie du solitaire ». Bien des malentendus seraient ici possibles ; que l’on é
367  ? Une créature. Qu’est-ce que son ordre ? La loi du Créateur. Le solitaire que Kierkegaard appelle, c’est l’homme seul de
368 lte contre l’ordre reçu de Dieu, qui sera l’Ordre du Royaume. Et nier une négation, c’est s’enfoncer dans le néant. Seule
369 c’est s’enfoncer dans le néant. Seule la révolte du chrétien est position, obéissance. Si donc l’appel de Dieu isole du m
370 sition, obéissance. Si donc l’appel de Dieu isole du monde un homme, c’est que le monde, dans sa forme déchue, s’oppose au
371 sont pas ce retour au Réel, ne sont que poursuite du vent, défection ou orgueil fantastique. Le solitaire et les faux d
372 ent, et tout cela n’est que mythologie. Les dieux du siècle ont l’existence qu’on leur prête : hélas ! il serait faux de d
373 fort bien : nietzschéisme agressif, ou désespoir du démoniaque qui veut être soi-même, « en haine de l’existence et selon
374 n’est pas fondée dans la transformation effective du monde. Elle participe encore de la dégradation. « Une objection vraim
375 n de la Parole qui le distingue. Suprême humilité du solitaire ! Il ne saurait se comparer qu’à la vocation qu’il reçoit.
376 n homme oserait-il s’avancer et cracher au visage du Fils de Dieu ? Mais qu’il soit foule, il aura ce « courage », — il l’
377 e lui-même à ses propres yeux. Il a voulu chasser du monde le paradoxe et le scandale du solitaire plus grand que tous. Il
378 voulu chasser du monde le paradoxe et le scandale du solitaire plus grand que tous. Il a voulu que tout s’explique, que to
379 échapper ? N’est-il pas la voix même de cette Âme du monde, cet Esprit de la Forme qui se croit le Réel et qui pourtant n’
380 de l’esprit religieux leur font concevoir une Âme du Monde qu’ils se figurent (mais sans franchise, ni précision) comme un
381 surnaturelle.61 » Mais qui ne voit que cette Âme du Monde le tient aussi, et jusque dans son scepticisme, lorsque Maurras
382 s la désigner, dans le refus de cette « catégorie du solitaire », de l’homme qui vit de la Parole seulement, entre les tem
383 comment il peut agir. S’agit-il d’un impérialisme du moi pur, tel que Fichte l’a follement rêvé ? Si c’est le cas, je rest
384 r, ou si l’on veut, je peux rêver dans le sommeil du désespoir à ma perfection idéale, je peux rêver ma vocation et ses pé
385 tous les systèmes s’évanouissent devant l’effroi du choix concret, du risque, dans la passion du désespoir total. Mainten
386 s’évanouissent devant l’effroi du choix concret, du risque, dans la passion du désespoir total. Maintenant, tu vas témoig
387 froi du choix concret, du risque, dans la passion du désespoir total. Maintenant, tu vas témoigner de la puissance que ton
388 ’es pas foule, imitation et simple objet des lois du monde. La foule attend : si tu la suis, elle te méprisera sans doute,
389 uera peut-être, quitte à fleurir ensuite la tombe du « héros », dernière insulte62. Il s’agit de savoir maintenant au nom
390 n action, mais c’est qu’il est, dans l’autre sens du terme, « assujetti » à la Parole qui vit en lui. C’est dans ce sens q
391 erait à montrer de Kierkegaard que sa « catégorie du solitaire » est le seul fondement pratique d’une collectivité vraimen
392 l’isolement devant Dieu. Et, d’autre part, l’acte du « solitaire » n’est pas de ceux dont nous ayons à développer les cons
393 pparaît plus nécessaire de réfuter les objections du « sens social ». Plusieurs ouvrages de Kierkegaard portent cette dédi
394 vie. 56. L’instant. 57. Journal. 58. Traité du désespoir, p. 156. 59. Je ne reviendrai pas, ici, sur l’aspect philo
395 (nov.-déc. 1931). 60. Journal. 61. Le chemin du paradis, p. 269. C’est moi qui souligne. 62. Pourquoi poser la quest
21 1934, Foi et Vie, articles (1928–1977). Kasimir Edschmid, Destin allemand (octobre 1934)
396 qui préparent un coup de main contre le dictateur du Venezuela ; un autre ira chercher fortune en Argentine, dans une plan
397 le Brésil. Ils retrouvent un de leurs compagnons du début, celui qui était parti pour le Venezuela, et qui a subi, lui au
398 sentiment-là ; l’absurdité de sa vie, l’absurdité du destin qu’on subit. Arrachés de leur terre et de leur peuple, ils s’e
399 ni et impuissant… » Mais tandis que Bell, le chef du petit groupe, agonise au fond d’une tranchée, sous les murs du fort d
400 pe, agonise au fond d’une tranchée, sous les murs du fort de Capocabana, il a soudain la vision d’une Allemagne future ren
401 t lui. Une fois encore, Pillau lui montre le sens du sacrifice de « ces jeunes gens qui sont entrés dans le malheur la têt
402 ivent supporter, de nos jours, toutes les misères du monde au fond de leur exil, ceux-là deviendront sûrement un matériel
403 visager plus le sort de l’homme que sous l’aspect du sort de la nation ? Tel est, je crois, le problème central qu’impose
404 bien d’autres questions. Edschmid a fait le tour du monde ; il a séjourné longtemps en Orient et en Amérique ; il s’est e
405 e désespérée, tenir le coup, malgré les trahisons du sort. Mais la guerre, mais la politique surtout, sont en train d’ébra
406 ses intentions nationalistes — au plus haut sens du mot, je le répète, mais il se peut tout de même que certains lecteurs
407 périeure. J’ajouterai même que c’est un bel éloge du talent de M. Malraux que de constater que ses livres sont les seuls o
408 maine, au sens de la dégradation humaine, au sens du péché concret de l’homme. Et qui rendent à notre jugement une rigueur
22 1935, Foi et Vie, articles (1928–1977). Notes en marge de Nietzsche (mars 1935)
409 y a quelque mille ans. On croirait presque lire du Kierkegaard ! N’est-ce pas Kierkegaard, en effet, qui, cinquante ans
410 opération paradoxale qui nous rend contemporains du Christ incarné, et qui nie par là même la valeur de tous les siècles
411 maintenant — hic et nunc ! — « à la disposition » du moindre d’entre nous. Nietzsche croit faire un reproche terrible au c
412 s pouvoir renaître ? La contemplation religieuse du monde sans l’acuité et la profondeur de l’intellect fait de la religi
413 ser la maxime : « La contemplation intellectuelle du monde sans l’acuité et la profondeur de la foi fait de l’intelligence
414 i. La foi, qui donne à l’homme la vision réaliste du péché, crée la crise bien davantage qu’elle n’en résulte. Ce qui résu
415 dicale et salutaire) c’est, par exemple, le culte du Surhomme. Le « retour étemel » est alors le type même de la superstit
416 l » est alors le type même de la superstition née du cerveau d’un homme très excité. En somme, qu’est-ce que cela veut di
417 une formule unique qui renvoie au fondement même du christianisme : l’opposition du péché et de la foi. « Je ne fais pas
418 au fondement même du christianisme : l’opposition du péché et de la foi. « Je ne fais pas le bien que j’aime, mais je fais
419 avec bêtise). Mais c’est bien là la malhonnêteté du positivisme primaire qui régna sur le siècle dernier, et dont l’œuvre
420 ietzsche croit découvrir que la notion chrétienne du Dieu paternel dérive de la notion « de la famille patriarcale ». Comm
421 le Justice, de la seule Vie, de la seule Science, du seul Bonheur ; et qu’il a seul le droit de contredire nos notions, tr
23 1937, Foi et Vie, articles (1928–1977). Luther et la liberté (À propos du Traité du serf arbitre) (avril 1937)
422 Luther et la liberté (À propos du Traité du serf arbitre) (avril 1937)aa Luther inconnu Dire qu’on ignore
423 a voulu se marier. » J’extrais cette déclaration du livre d’un critique littéraire connu, dont les revues n’hésitèrent pa
424 isé son dynamisme créateur. Tension dont le débat du libre arbitre, opposant Érasme à Luther, permet de définir symbolique
425  pure » et pensée « engagée », ou encore attitude du « spectateur » et attitude du « témoin ». Opposition qui, sur le plan
426 ou encore attitude du « spectateur » et attitude du « témoin ». Opposition qui, sur le plan théologique, ou mieux : dans
427 », parce qu’il attribue tout à Dieu. Le Traité du serf arbitre C’est sans doute dans cette perspective que le lecte
428 a le plus aisément à saisir l’importance centrale du De servo arbitrio, dont une première traduction française va paraître
429 rès un peu plus de 400 ans : je le vois au centre du débat occidental par excellence, — mais au centre, aussi, de la Réfor
430 emières pages) par les procédés de l’humaniste et du sceptique que se vantait d’être Érasme, Luther en vient, de proche en
431 ns rationnelle entre les règnes en guerre ouverte du Dieu de la foi et du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage et
432 les règnes en guerre ouverte du Dieu de la foi et du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage et du témoignage fidèle,
433 eu de la foi et du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage et du témoignage fidèle, certifié par l’Esprit et la Bible
434 u Prince de ce monde ; nécessité du témoignage et du témoignage fidèle, certifié par l’Esprit et la Bible, et constituant
435 constituent pas un système, au sens philosophique du mot, mais qu’ils s’impliquent très étroitement les uns les autres, et
436 és par nos mots. Ils renvoient tous à la question du Christ : « … Et toi, maintenant, crois-tu cela ? » — Si tu le crois,
437 assertions de Luther, ni dans sa négation joyeuse du libre arbitre. Ses coups violents n’ébranlent plus que le « vieil hom
438 is même prêchés. Le laïcisme moraliste n’en a pas du tout le monopole : tout catholique se doit, en bonne logique, de les
439 eur de polémique qui peut flatter en nous le goût du pittoresque ; l’élan génial, la violence loyale d’une certitude pesan
440 connue cette maîtrise, qu’on attendait d’ailleurs du chef d’un grand mouvement (comme dirait le jargon d’aujourd’hui), tou
441 prendre au sérieux ses reflets dans la conscience du spectateur.) Ce qui ne manquera pas de faire crier au dogmatisme. Tou
442 u dogmatisme. Tout se passe ici « à l’intérieur » du christianisme, de l’Église. L’humanisme laïque, autonome, est simplem
443 », douée d’exigence spirituelle, avec un partisan du « serf arbitre » luthérien. (On peut admettre qu’un tel dialogue se d
444 en. — Mais connais-tu seulement les vraies règles du jeu ? Qui t’a fait croire que ta vie était une partie à jouer entre t
445 ieu donc, « tout est accompli », — depuis la mort du Christ sur la croix. Non seulement prévu, mais accompli ! C. M. — Si
446 in, et refuser l’éternité qui vient nous délivrer du temps ? C. M. — Mais mon temps est vivant, et plein de nouveauté, de
447 ui change quelque chose au déroulement calculable du temps, quand elle le touche dans l’instant (dans un « atome » de temp
448 s objections « philosophiques », et notre crainte du « fatalisme » ne reposent pas, le plus souvent, sur cette erreur des
449 é en vain, si nous avons pu dégager l’alternative du libre arbitre, telle qu’elle se pose dans les termes extrêmes où elle
450 ellectuelles. Il n’y a que la résistance acharnée du « vieil homme », et les prétextes toujours très moraux, et même très
451 ux, qu’invoque notre révolte… Réalité radicale du problème Dans l’Église, une fois acceptés le Credo et son fondemen
452 urement biblique qu’on en trouvera dans le Traité du serf arbitre, malgré quelques détails exégétiques discutables, suffit
453 ns « un faible libre arbitre »71, dans les choses du salut. Mais que le Christ ait dû mourir — cet acte extrême — pour nou
454 t oser descendre jusqu’au fond de la connaissance du péché pour voir qu’il n’y a de liberté possible que dans la grâce que
455 ermes où voulait se complaire Érasme. Le problème du salut est un problème de vie ou de mort. Or, il est seul en cause pou
456 lair lorsque l’on a compris que Luther ne nie pas du tout notre faculté de vouloir, mais nie seulement qu’elle puisse suff
457 manisme mesuré l’empêche de voir le vrai tragique du débat. Mais le plus grand des adversaires du christianisme dans les t
458 ique du débat. Mais le plus grand des adversaires du christianisme dans les temps modernes, Nietzsche, aboutit à un dilemm
459 n, c’est accepter, en acte, l’éternelle prévision du Dieu qui sauve.) La similitude étonnante du paradoxe luthérien et du
460 ision du Dieu qui sauve.) La similitude étonnante du paradoxe luthérien et du paradoxe nietzschéen ne saurait être ramenée
461 La similitude étonnante du paradoxe luthérien et du paradoxe nietzschéen ne saurait être ramenée à quelque influence inco
462 en moins à une coïncidence. En vérité, c’est bien du même problème qu’il s’agit. Le seul problème, dès qu’on en vient à un
463 e rendu] Luther et la liberté (À propos du Traité du serf arbitre) », Foi et Vie, Paris, mars–avril 1937, p. 221-231.
24 1946, Foi et Vie, articles (1928–1977). Fédéralisme et œcuménisme (octobre 1946)
464 e deviendra réel aux yeux des peuples qu’à partir du jour où il sera capable de répondre avec force et autorité aux questi
465 ques, dans le plan politique, provient sans doute du fait qu’ils sont des compromis, des accords minima, obtenus non sans
466 qu’elle soit portée par une passion qui jaillisse du tréfonds de sa foi créatrice. Les hommes qui ont fait l’histoire sont
467 jamais retrouvée en faisant une somme d’hérésies. Du conflit politique et économique, résultent pratiquement la guerre et
468 ésultent pratiquement la guerre et la révolution. Du conflit moral résultent la tyrannie et l’anarchie. Du conflit idéolog
469 onflit moral résultent la tyrannie et l’anarchie. Du conflit idéologique et religieux résultent des mises au pas de plus e
470 la personne dont l’application est une politique du fédéralisme. 1. Théologie de l’œcuménisme Écartons d’abord le ma
471 à Dieu, de se fermer totalement aux inspirations du Saint-Esprit. Aucune église ou secte n’a jamais nié que son chef réel
472 e Karl Barth adressait à l’orthodoxie protestante du xviiie siècle : une certaine manière de proclamer le dogme de l’insp
473 ans son chef et dans ses membres ! La vie normale du corps dépend de la vitalité de chacun de ses membres, et la vie d’un
474 lter contre les tabous et les conventions sacrées du groupe. Alors le groupe expulse le « non-conformiste ». Ce sont ces e
475 au respect des tabous et à la stricte observance du sacré collectif. Mais ce mouvement centrifuge par rapport à la commun
476 ndividualiste a triomphé de la communauté barbare du sang. Mais plus tard elle a sombré dans l’anarchie. Rome a triomphé d
477 lité à l’Éternel. Ainsi les droits et les devoirs du particulier ont le même fondement que les droits et les devoirs de l’
478 respecter les vocations individuelles. La liberté du siècle présent se réclame du slogan utopique : à chacun sa chance. Ma
479 iduelles. La liberté du siècle présent se réclame du slogan utopique : à chacun sa chance. Mais la liberté et l’engagement
480 gagement de la personne chrétienne se définissent du même coup par la formule : à chacun sa vocation. Nous avons retrouvé,
481 diversité, l’engagement et la liberté, les droits du tout et les droits des parties. De même que la théologie de l’œcuméni
482 héologie et de cette philosophie. 3. Politique du fédéralisme Nous en avons assez dit pour qu’il soit désormais faci
483 ophie de la personne, elle sera normalement celle du bon citoyen d’une fédération. La devise paradoxale du fédéralisme hel
484 on citoyen d’une fédération. La devise paradoxale du fédéralisme helvétique : « Un pour tous, tous pour un », est égalemen
485 ité qui demeure, c’est l’organisation fédéraliste du monde. Elle seule apporte du nouveau. Elle seule répond à la fois aux
486 nisation fédéraliste du monde. Elle seule apporte du nouveau. Elle seule répond à la fois aux aspirations confuses des peu
487 pérances ou à nourrir des volontés. 1. L’histoire du monde christianisé nous montre que les structures ecclésiastiques ont
488 comme une révolution copie toujours la structure du pouvoir qu’elle renverse, un Staline, un Hitler et, dans une mesure m
489 siècle, préconisèrent une organisation fédérative du royaume, cependant que Sully, leur chef, concevait son « Grand Dessei
490 es actuellement concevables pour un ordre nouveau du monde. (La « religion de l’homme » que certains nous proposent est un
491 e dès maintenant. (La « religion de l’homme », ou du surhomme, est encore à créer, et le temps presse !) Chargées d’élémen
492 able dynamisme révolutionnaire. 3. L’organisation du Conseil œcuménique se trouve être de fait la seule Internationale en
493 les individus privés de leur conscience normale. Du point de vue sociologique, la renaissance liturgique, favorisée par l
494 me, la philosophie de la personne et la politique du fédéralisme sont seules en mesure, aujourd’hui, de synthétiser les vé
495 Il veut l’être, parce qu’il doit l’être. L’action du chrétien n’est jamais partie de la prudente considération des forces
496 ssions en terre païenne se placer à l’avant-garde du mouvement vers l’union, nous ne verrons l’œcuménisme se réaliser avec
25 1977, Foi et Vie, articles (1928–1977). Pédagogie des catastrophes (avril 1977)
497 ais en bien plus grand nombre — c’est un résultat du Progrès — cependant que l’on meurt chez nous de manger trop. Cette fo
498 fert, ou plutôt imposé aux élites occidentalisées du tiers-monde un modèle totalement étranger à toutes leurs traditions,
499 ance à vivre, plutôt que le gonflement artificiel du PNB et les stocks de bombes calculés en « équivalents TNT ». Condamne
500 ous aurions dû tirer, pour notre part, de l’échec du colonialisme, je suis sceptique. Il se peut que le tiers-monde ne dés
501 refusant de faire les régions et de se « faire » du même mouvement, l’Europe perdrait ses dernières chances de paix, d’au
502 plusieurs hommes politiques, dont quatre ou cinq du premier rang, en Amérique du Nord comme en Europe de l’Ouest, se voie
503 e régions, et encore moins de révolution. — Refus du « système », ce refus passant pour « révolutionnaire ». On ne s’occup
504 a nôtre : ni le consensus des meilleurs, ni celui du grand nombre ; ni l’amour pieux ou gouailleur du peuple, ni le dévoue
505 du grand nombre ; ni l’amour pieux ou gouailleur du peuple, ni le dévouement rituel d’une aristocratie qui sait ce qu’ell
506 enchaîne. L’analyse des causes de la pollution et du système de ces causes conduit, au-delà des déductions critiques, à l’
507 qui vont des petites communautés à la fédération du continent, première base d’un ordre mondial. Déjà, lors d’élections l
508 des politologues comme C. N. Parkinson (de la loi du même nom), pour qui l’Europe de demain ne sera viable que si elle se
509 ais dans ma jeunesse sous le titre de « politique du pessimisme actif »76, prenant ma devise au Taciturne. Si l’on me suiv
510 mais qui rapporte. Je disais cela dans mon jardin du pays de Gex devant la caméra de la TV française, dans l’après-midi lu
511 ra de la TV française, dans l’après-midi lumineux du 24 août 1973, et donnais pour exemple la crise énergétique, industrie
512 chantions. Quelques semaines plus tard, la guerre du Kippour fournissait un prétexte à la « crise du pétrole », m’obligean
513 e du Kippour fournissait un prétexte à la « crise du pétrole », m’obligeant à jeter au panier, pour cause de confirmation
514 maturée. Nous voyons aujourd’hui certaines causes du péril où l’humain risque de s’anéantir, et nous disons : — ce serait
515 abitants — in extremis. Mais que serait la beauté du Monde sans l’œil de l’homme ? C’était si beau, la Terre de la Vie, bl
516 de d’appareils scientifiques, on ne peut voir que du passé, des faits, c’est-à-dire du factum, du déjà fait. Toute pensée
517 e peut voir que du passé, des faits, c’est-à-dire du factum, du déjà fait. Toute pensée créatrice est du « wishful thinkin
518 que du passé, des faits, c’est-à-dire du factum, du déjà fait. Toute pensée créatrice est du « wishful thinking », prend
519 factum, du déjà fait. Toute pensée créatrice est du « wishful thinking », prend nos désirs pour des réalités, jusqu’à ce
520 sent. Désirer le meilleur en nous et par la force du désir, le devenir, c’est anticiper notre avenir, mieux : c’est le fai
521 — Toi-même ! Car il arrivera ce que nous sommes : du mal au pire si nous restons aussi mauvais, et quelque bien si nous de
522 une fois de plus derrière les arbres, aux forêts du passé profond ! — mais dans nos attitudes présentes. Si vous voulez p
523 t liberté de découvrir et d’exercer sa vocation ; du même coup, prévenir la guerre nucléaire (les unités de base simplemen
524 enfants de Dieu ». Si l’on exclut de la « sphère du religieux » le drame de l’humanité menacée par ses propres erreurs et
525 anité menacée par ses propres erreurs et menaçant du même coup la Nature ; si l’on remplace l’amour par l’efficacité — don
526 n peu de matière, que reste-t-il dans la « sphère du religieux » ? La casuistique ? Mais à l’inverse, si l’on exclut de no
527 èce sera fonction de la chose la moins prévisible du monde, qui est la vitalité d’une société. Mais il nous faut pousser l
528 out est perdu. On le sait dans les hautes sphères du Pouvoir. Chacun, pour se sauver en tant que nation, vend ou achète le
529 Jour éternel. Mais quelque chose comme le miracle du réveil après le cauchemar où l’on hurlait seul, sans écho, devant l’i
530 cise : « Ces quelques pages forment la conclusion du livre à paraître chez Stock sous le titre L’Avenir est notre affaire